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Langue française

J. Dubois, Grammaire structurale du français : I. Nom et pronom. II.


Le verbe
Jean-Paul Colin

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Colin Jean-Paul. J. Dubois, Grammaire structurale du français : I. Nom et pronom. II. Le verbe. In: Langue française, n°1,
1969. La syntaxe. pp. 103-105;

https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1969_num_1_1_5408

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négligé les autres modalités causales (coordination, juxtaposition, cause
niée).
Dans leur agencement par rapport à la proposition principale, les
subordonnées introduites par ces conjonctions majeures obéissent à trois
facteurs logique, linguistique, stylistique, dont M. Lorian s'efforce de dégager
Timportance respective.
Les subordonnées introduites par parce que sont naturellement
postposées, la rareté de l'antéposition s'inscrivant dans ce chiffre moyen : 4,8 %
des cas. L'antéposition n'est pas très fréquente non plus dans les
subordonnées introduites par puisque (26-8 %) ce qui peut, à première vue, paraître
surprenant (en effet, cette conjonction annonce un fait connu) et que
M. Lorian explique fort bien. Enfin les propositions commençant par comme
ont une place quasi invariable : avant la principale.
Tout au long de cette étude les différents types de construction sont
justement répertoriés et les effets de sens finement analysés. Les cas-
limites ne sont pas délaissés et l'on appréciera, parmi d'autres, les
commentaires qui accompagnent une phrase de Proust, p. 55.
Un livre de cette qualité laisse peu de place aux remarques critiques et
l'on ose à peine signaler : p. 71, « le renseignement qu'il contribue est
complémentaire » ce qui est, à coup sûr, une inadvertance; pp. 44 et 92, l'emploi
peu fréquent du verbe « débarrer », et p. 93 celui, tout aussi rare et
quasiment impropre : du substantif « alacrité » dans, « au contraire parce que...
accepte avec alacrité des adverbes de phrase ».
André Duyé
Paris, Sorbonně

Jean Dubois, Grammaire structurale du français, nom et pronom, Paris,


Larousse, 1965, 192 p. Grammaire structurale du français, le verbe,
Larousse, 1967. 218 p.

Quoique encore inachevée et ne comportant à l'heure présente que deux


volumes (I, Nom et pronom; II, Le verbe, 1965 et 1967), la Grammaire
structurale de Jean Dubois apparaît déjà comme une étape importante dans
l'évolution de la grammaire française en direction d'une méthodologie
correspondant aux besoins de la linguistique moderne. Dans le premier volume, mettant
résolument l'interprétation sémantique « entre parenthèses », Jean Dubois
s'intéresse à un corpus constitué par une certaine langue qu'il définit comme
« la moyenne des emplois actuels, une fois rejetés les écarts les plus grands »
(p. 5). Adoptant les méthodes d'exploration distributionnalistes
recommandées par Z. Harris dès 1951, il fait apparaître l'intérêt d'étudier la nature
et la répartition des marques de genre et de nombre sur les constituants de
la phrase minimale, c'est-à-dire les syntagmes nominaux et verbaux. Les
résultats de sa recherche, dans ce domaine, sont à la fois simples et
aveuglants : il n'existe pas, dans la langue française, d'amalgame de marques,
autrement dit une marque ne saurait cumuler deux valeurs, et l'expression
de celles-ci ne peut se faire que par juxtaposition d'indices graphiques ou
oraux. On aboutit, pour la phrase minimale, à ce que Jean Dubois appelle
des « contraintes croisées » : le schéma idéal, du point de vue de la
communication et de l'information, se réalise en français selon une alternance des
marques de genre et de nombre sur les quatre segments minimaux des deux
syntagmes constituant la phrase simple.
La deuxième idée importante qui se dégage de ce volume concerne la

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place que tient le phénomène de substitution dans le fonctionnement de la
langue, tant usuelle que littéraire : d'abord, il n'y a pas de solution de
continuité entre l'abrègement d'un mot, d'un syntagme ou d'une phrase, d'une
part, l'ellipse et la substitution (ou représentation), d'autre part. Jean Dubois
nous montre de façon convaincante la grande cohésion de la langue sur le
plan fonctionnel, cohésion souvent masquée ou obscurcie par les
interventions habituelles du sens dans la description grammaticale. Ensuite,
l'honnêteté de la description fait apparaître la fragilité de la classification
traditionnelle des mots en « catégories grammaticales », et approche de façon
hardie, mais peu discutable quant au fond, des ensembles aussi
classiquement éloignés que pronoms personnels, possessifs et articles (p. 147),
préposition « de » et article partitif (p. 154), adverbes de lieu « en » et « y » et
pronoms personnels (p. 137), noms propres ne prenant pas l'article et «
pronoms » en général (p. 155), etc. Des problèmes très délicats, tels que la
distinction entre animés et inanimés dans les pronoms relatifs et interrogatifs
(p. 171 sqq.), sont, sinon résolus, du moins abordés de façon lumineuse, à
tel point que nous ne comprenons plus comment nous avons pu si longtemps
nous laisser abuser par des distinctions spécieuses, qui multiplient les fausses
difficultés sans triompher des véritables.
Le deuxième volume, sans renier l'intérêt de l'analyse distributionnelle,
la juge insuffisante et introduit la notion de transformation, dans l'esprit
de Chomsky. La transformation de la phrase simple en syntagme nominal
permet à la fois de générer des phrases grammaticales répondant à un modèle
plus ou moins complexe, et surtout de percevoir en synchronie l'étroit
rapport morpho-phonologique qui existe entre base nominale et base verbale.
Les « familles de mots » sont ainsi analysées d'un point de vue nouveau,
sans référence à l'étymologie ni à l'évolution de la langue. Par la définition
des phrases achevées et des phrases non achevées, Jean Dubois évite l'écueil
de la transivité et de l'intransitivité, et établit entre les voix active et
passive la vraie correspondance, entachée d'erreur dans l'optique traditionnelle :
le passif de « Je termine mon travail » n'est pas : « Mon travail est terminé
(par moi) », mais : « Mon travail se termine ». Il faut conserver le même aspect
verbal lorsque l'on passe d'un schéma de phrase à un autre, sous peine de
voir s'évanouir l'indispensable invariant sémantique.
Les deux chapitres essentiels de ce volume sont constitués par La
Transformation passive (p. 80) et par La Transformation négative (p. 132). Notre
langue offre quatre possibilités de transformation passive, qui presque
toujours aboutissent à une marque de non-achèvement dans le code oral
commun. Ces diverses opérations posent le problème de la grammaticalité,
facteur fondamental dans la perspective du transformationnalisme, puisque
c'est un de ceux qui permettent de générer et de comprendre des énoncés
encore jamais produits. En fin de compte, ressort à l'évidence le caractère
nettement littéraire ou au moins soutenu de la phrase passive complète et
achevée. La transformation passive obéit à deux lois : celle de la
distanciation minimale entre le terme réfèrent et le terme référé, et celle de la
prévalence du sujet animé.
La transformation négative, elle, est posée comme une procédure de
réécriture et non comme une modification systématique du signifié. Par
exemple :
La porte est fermée : Transf. négative : La porte n'est pas ouverte
(et non : La porte n'est pas fermée!) (p. 132)
Les problèmes que soulève la transformation négative sont l'incidence
de la négation qui peut porter soit sur le prédicat, soit sur le sujet, et les
règles morpho-syntaxiques dépendant étroitement du premier élément.
L'auteur étudie très longuement les transformations négatives lexicales

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et étend la notion de négation à un domaine beaucoup plus large que ses
prédécesseurs.
Les volumes suivants de la Grammaire structurale seront consacrés
aux transformations interrogative et emphatique et à l'étude de ce qu'on
appelle « temps et modes du verbe ». Tel qu'il se présente aujourd'hui, et
malgré quelques passages qui pourront peut-être paraître difficiles ou
discutables, des fluctuations dans la transcription phonétique, et quelques
extrapolations qui ne seront pas toujours admises sans réaction, on peut
considérer que cet instrument de recherche rétablit dans les études de
grammaire française, au profit de la science, un équilibre souvent rompu
par la confusion si fréquente entre le fonctionnement de la langue et la
signification d'un texte fini. Le refus du sens en tant que moyen participant
à la description des ensembles linguistiques peut au premier abord
apparaître desséchant ou impossible, mais on se convainc assez vite, devant la
clarté de la démonstration, et l'originalité des premiers résultats, qu'il y
a là une méthode et une rigueur indéniables, qui portent sans doute, à la
longue, plus de fruits que les consciencieuses et laborieuses exégèses de
constructions, de mots et de tours, qui se veulent et sont ingénieuses et
fines, mais se perdent trop souvent dans l'atomisme para-psychologique,
et surtout confondent la plupart du temps la langue comme simple objet
d'étude et la langue comme outil manié par une volonté esthétique.
J.-P. Colin
Paris-Nanterre

Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, N.R.F.,


Bibliothèque des sciences humaines, 1966, 1 vol., 356 p.

Ce livre est précieux à plus d'un titre, et d'abord parce qu'il rassemble
vingt-huit articles publiés entre 1939 et 1964 dans des revues diverses et
spécialisées telles le Journal de Psychologie, le B.S.L., divers Mélanges et
un certain nombre de revues étrangères, et qu'il met ainsi à la disposition
de chacun ce que seul le spécialiste savait où trouver. Ces articles traitent
de sujets variés, variété dont les titres des six sections qui les regroupent
donneront une idée : I. Transformations de la linguistique, II. La
communication, III. Structures et analyses, IV. Fonctions syntaxiques, V. L'homme
dans la Langue, VI. Lexique et culture. Mais toutes ces études sont réunies
sous la dénomination de « problèmes »; en effet, elles apportent dans leur
ensemble et chacune pour soi une contribution à la grande problématique
du langage, qui s'énonce dans les principaux thèmes traités.
Après un panorama des recherches récentes sur la théorie du langage
et des perspectives qu'elles ouvrent, l'auteur traite le problème central de
la communication et de ses modalités * : nature du signe linguistique,
caractères différentiels du langage humain, etc. Dans les sections suivantes, les
notions de structure et de fonction sont au centre des recherches, avec des

1. Voir E. Benveniste, « La forme et le sens dans le langage », in Le Langage,


Société de Philosophie de langue française, Actes du XIIIe congrès, t. II, Neuchâtel,
A la Baconnière, 1967, pp. 29-47. Dans cet exposé, E. Benveniste se propose de situer
et d'organiser les notions jumelles de sens et de forme pour en analyser les fonctions
« hors de tout présupposé philosophique ». Il y a pour la langue deux manières d'être
langue dans le sens et dans la forme : l'une est la langue comme sémiotique, l'autre est
la langue comme sémantique.

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