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Le traitement des pronoms on, en et y dans différentes grammaires

Bibiana Tonnelier

J’ai choisi de travailler sur trois pronoms qui présentent des difficultés pour les étudiants
hispanophones car il n’y pas d’équivalents directs en espagnol : les pronoms ON, EN et Y.

Suivant l’analyse contrastive de Alloa y Miranda [2005: 131], lorsque le SP de référence est
animé les formes du français et de l’espagnol se correspondent : de lui / de él.
Pierre se souvient de son vieil oncle → Pierre se souvient de lui
Pierre se acuerda de su viejo tío → Pierre se acuerda de él
Nous avons pensé à nos enfants → Nous avons pensé à eux
Hemos pensado en nuestros hijos → Hemos pensado en ellos.
Le problème se présente lorsqu’il s’agit d’un SP ou le N porte le trait [-animé]. Ainsi,
Pierre se souvient de l’incident → Pierre s’en souvient
Pierre se acuerda del incidente → Pierre se acuerda [de él].
Pierre va au marché → Pierre y va.
Pierre va al mercado → Pierre va [al mercado]
Quant au pronom on,
su inespecificidad lo coloca al límite de la referencia, al punto que suele decirse que es
arreferencial, y hace asimismo que pueda corresponderse en español con una variada serie de
recursos lingüísticos, desde el se seudorreflejo, pasando por el sintagma nominal la gente, de
referencia generalizada, hasta el [Ø] del SN ‘sujeto’ de las construcciones personales de 3ª
persona del plural [p.105]

C’est en tenant compte de ces particularités ainsi que de la haute incidence de ces pronoms
dans la langue française, que je trouve intéressant de les étudier.

Pour ça faire nous avons consulté plusieurs grammaires encadrées dans des différents
courants théoriques: à part, la grammatique contrastive déjà mentionné, nous avons exploré
une grammaire normative (Grevisse-Goose, 1995), des grammaires descriptives à la base
éclectique (Riegel et al.,2009 et Chevallier et al., 1990), une grammaire d’orientation
énonciative (Tomassone, 1996), une grammaire textuelle (Weinrich, 1989) et une grammaire
basée sur la grammaire générative-transformationnelle (Dubois & Dubois, 1971) avec son
application pédagogique (Dubois et Lagane, 1993).

Mal pourrait-on observer le traitement de ces trois pronoms sans jeter d’abord un coup d’œil
sur la façon dont les différents auteurs traitent les pronoms en général. Nous avons repéré
surtout la terminologie utilisée et les aspects sur lesquels ils mettent l’accent selon les
courants théoriques dans lesquels les auteurs se situent: fonctions syntaxiques, valeur
sémantique, morphologie, plan actanciel, accord, traits lexicaux, références diachroniques,
etc. Nous avons aussi fait attention aux références aux différents styles et niveaux de langue
et aux types de textes que chaque auteur emploie pour illustrer l’usage. Toutes ces
informations ont été recueillies dans une feuille de calcul unifiée pour avoir une vue
d’ensemble qui sert de base à la comparaison.
Le traitement de la classe de mot PRONOM.

La grammaire de Grevisse-Gosse [1995] est une grammaire normative. Il y a une


différenciation entre des niveaux de langue, et l’on définit une langue de prestige à adopter
(le «bon usage»). À vrai dire, cette caractéristique n’est pas si évidente dans les extraits que
nous avons analysés. Il y a, certes, des références aux divers registres de langue et à des
marques stylistiques mais elles sont placées parmi les remarques, ne jouant pas de rôle central
dans le traitement du sujet.

À mon avis le principal problème ici est que rien ne vient vraiment « expliqué » : il s’agit
surtout d’une énumération d’usages et des règles, ce qui rend néanmoins cette grammaire
utile en tant qu’ouvrage de référence

Grevisse présente les pronoms comme une catégorie finie et réfère toujours à ses fonctions
syntaxiques. Il fait des oppositions entre représentant et nominal ainsi qu’ entre personnel et
indéfini. Des fois cela devient confus: il établit d’abord une opposition entre pronom
personnel et indéfini pour en revenir après avec le terme « pronom personnel indéfini ». Bien
sûr, on comprend le concept mais je trouve que ça manque de clarté.

En ce qui concerne le placement des pronoms, Grevisse parle -comme la plupart des auteurs-
de formes conjointes et disjointes. Il prend bien sûr en considération aussi l’accord avec les
autres constituants de la phrase et les rapports avec les déterminants. Il n’entreprend aucune
analyse diachronique.

Riegel et al. [2009] se situent eux-mêmes dans une position éclectique. Ils incorporent des
éléments tirés de courants modernes avec une attention spéciale aux emplois des structures
grammaticales faits par les locuteurs. Mais ils expliquent clairement que, en analysant les
pronoms,
« Cette diversité des fonctionnements référentiels suffirait à justifier le pis-aller de la
présentation traditionnelle des pronoms, qui repose essentiellement sur des critères
morphosyntaxiques. On adoptera ici le même classement, fondé sur les mêmes
principes, que pour les déterminants pour distinguer les pronoms définis, les pronoms
indéfinis et… les autres » [2009 :362]

Pour Riegel le pronom est une classe syntaxique avec plusieurs catégories (personnel, indéfini,
etc.). Il y a aussi des imprécisions, du moment ou des fois il emploie alternativement les
termes «classe» et «catégorie» pour faire référence à la même chose.

Il reprend des concepts tirés de la grammaire générative transformationnelle tels que


effacement, pronominalisation, déplacement, etc. mais -au moins dans les fragments ici
étudiés- il n’approfondit pas sur ce sujet et revient, comme la plupart des auteurs, sur des
descriptions et des énumérations minutieuses. Même si la base théorique est beaucoup plus
ample et solide, je le place alors parmi les grammaires descriptives.

On trouve aussi chez Riegel des références étymologiques et à des stades antérieurs de la
langue (surtout à l’époque classique), mais ce qui fait à mon avis la différence est le fait qu’il
est le seul à mentionner la survivance de la variation casuelle du latin dans les pronoms des
langues romanes (COD accusatif, COI datif). Encore un point à souligner est l’inclusion de
nombre de références à l’usage non réglé (langue colloquiale et familière), l’acceptation des
formes colloquiales modernes et la critique aux puristes.

Celle de Chevalier [1990] est aussi une grammaire descriptive qui, même en fournissant des
règles et des tableaux en abondance, ne trouve pas son appui que sur la tradition mais surtout
sur les contributions de la linguistique postérieure aux années soixante. Il présente donc un
plan de conjoint basé sur les constituants de la phrase. Dans ce plan le chapitre dédié aux
pronoms est situé dans la section « Parties du discours », sous la rubrique consacrée à la
Détermination.

Parmi les réalisations qui lui servent d’exemples, Chevalier incorpore certes des morceaux
littéraires (surtout contemporains), mais aussi des réalisations propres de l’oralité, des
expressions « saisies au vif ». Il fait aussi recours à des analyses succinctes diachroniques pour
expliquer des différences stylistiques et de registre, ainsi que l’origine de quelques usages
actuels.

En ce qui concerne le cas particulier des pronoms, différemment à ce que l’on a vu jusqu’au
présent, il met l’accent sur la différenciation (pour les différents types de pronoms) de quatre
traits principaux : la personne, la fonction et les oppositions  déterminé et  animé. C’est
dans ce contexte que les pronoms ON, SE, SOI, LE (neutre), EN et Y sont mis à part et analysés
ensemble autant que des « cas particuliers »

Une autre différence avec le reste des auteurs est qu’il alterne - quant au placement des
pronoms par rapport au verbe - entre les dénominations «conjointes/disjointes» et
«atones/toniques».

Quant à Dubois [1971], il s’agit ici de l’application la plus « pure » de la grammaire générative-
transformationnelle. Pour ce courant, les phrases telles qu’elles se manifestent (nommées
structures de surface) sont issues -par une série de transformations- de phrases
fondamentales (dites structures profondes). Les transformations peuvent être de substitution,
d’effacement, de déplacement, d’addition, d’encadrement.

Ce qui à mon avis est très à remarquer -pour le sujet qui nous occupe- dans cette approche
est le fait qu’il établit une différence entre les pronoms personnels, pas inscrits dans la base
(3e personne), et les noms personnels (1e et 2e personnes). Les pronoms, ne s'inscrivant pas
dans la base réfèrent à un SN sous-jacent dénotant un objet déterminé et sont issus de la
transformation pronominale (pronominalisation) : SN --> (Dém + Déf) + ProN

Dans la Nouvelle Grammaire du français Dubois et Lagane[1987] font «descendre» les


résultats de l’analyse générative-transformationnelle dans la «plaine» des applications
pédagogiques en reprenant la terminologie traditionnelle. La différentiation entre pronom et
nom personnel se maintient, tout en étant ces derniers des remplacements de noms propres
tandis que les nommés pronoms remplacent des groupes du nom déjà prononcés.

La grammaire de Tomassone [1996] est complètement différente. Il s’agit d’une grammaire


d’orientation énonciative. Elle s’occupe donc de la problématique de l’acte d’énonciation,
c’est-dire, l’acte individuel d’utilisation de la langue. L’autrice aborde chaque thème à
plusieurs reprises, sous des différents points de vue : ceux de l’énonciation, du texte et des
classes de mots.

En traitant le pronom, le rôle central vient assigné à l’organisation et cohésion du texte. Le


pronom est présenté comme l’instrument des mécanismes de substitution impliqués dans la
cohésion et progression du texte. Même si elle reprend la classification traditionnelle,
Tomassone considère le pronom comme une catégorie hétérogène du point de vue du
fonctionnement textuel. Ses fonctions se divisent en déictiques (nominales), substituts
anaphoriques (représentantes) et « autres ». Elle fait remarquer que pas tout mécanisme de
substitution n’est produit par un pronom et vice-versa ; et aussi que pronom et GN ne
s’identifient pas toujours et nécessairement. En plus, elle analyse trois types de
représentation : totale, partielle et conceptuelle.

Sans négliger la morphologie ni les règles d’accord et le placement des formes toniques et
atoniques des pronoms dans la phrase, l’accent est mis ici sur le plan sémantique et l’usage,
liés au contexte (environnement textuel et situationnel) et à l’intention du locuteur.

Les exemples sont surtout tirés des sources littéraires contemporaines. On y trouve aussi
quelques remarques étymologiques et diachroniques.

Finalement, encadrée dans les courants de la linguistique textuelle et l’anthropologie de la


communication, il y a la grammaire textuelle de Weinrich [1989] qui n’est pas normative mais
descriptive. Weinrich analyse les faits grammaticaux en faits sémantiques, ce qui permet une
organisation de la grammaire qui met en évidence les fonctions anthropologiques
fondamentales de la langue. Spéciale attention est accordée à l’impact pragmatique de
l’interaction langagière, ce qui mène à considérer les énoncés en tant qu’« instructions ».

Cet auteur ne parle pas de fonctions mais de rôles actanciels et les réalisations de la langue
sont présentées comme des actes langagières. Ainsi, les pronoms servent à exprimer un rôle
textuel. Lorsque ça arrive, « les trois communicants (locuteur, auditeur, référent) peuvent être
combinés librement et être morphologiquement amalgamés avec les trois actants (sujet,
partenaire, objet). » [1989 ;60]

Le traitement du pronom « ON »

À l’exception de Dubois, tous les auteurs consultés le caractérisent comme pronom personnel
avec fonction de sujet, voire « personnel indéfini » (Tommasone) et encore juste «indéfini»
(Chevalier). Mais je trouve que cette confusion part de l’analyse sémantique, qui porte
nécessairement sur la valeur indéfinie de ce pronom (Tommassone).

Dubois et Dubois [1971] , en ce qui concerne le «nom personnel» on se limitent à signaler que
la proforme nominale doit comporter le trait lexical [+humain]. Dans Dubois-Lagane [1993] on
passe à l’analyse de la structure de surface en considérant « on » comme un nom personnel
remplaçant des noms propres : « des animés participant à la communication ». Ici les auteurs
analysent sommairement les emplois les plus courants : à la place de nous dans la langue
familière («On est arrivés en retard») et aussi avec diverses valeurs de style pour substituer aux
différents pronoms personnel sujets [1993: 91]:
On fait ce qu’on peut = je
Alors, on fait l’intéressant? = tu, vous

À ce point, il me semble beaucoup plus claire la définition donnée par Weinrich, celle du
pronom neutre. Le rôle actanciel de on est ainsi celui du sujet mais tout en exécutant une
neutralisation englobante, « la plus large dans le domaine des communicants » [1989 :78]
puisqu’il neutralise les oppositions des trois communicants (locuteur, auditeur et référent) et
amalgame les oppositions singulier/pluriel et masculin/féminin. Tout ça dérive dans une
certaine imprécision dans la situation de communication, laquelle n’est pas seulement
acceptée mais aussi bienvenue aux interlocuteurs. Dans ses mots, « l’art d’employer on fait
partie de la compétence linguistique dans l’éventail des nuances » [1989 :79]

Je considère les analyses de Tommasone et de Weinrich les plus complètes et pertinentes


puisque -sans négliger l’aspect morphologique et syntaxique (y compris l’analyse de l’accord
dans des différentes situations, l’ordre d’apparition des pronoms, etc.) ainsi que les références
à la langue familière et à des nuances stylistiques qui sont communes à toutes les grammaires
révisées (à l’exception de celle Dubois)- ces auteurs donnent beaucoup plus de poids à
l’observation de la situation de communication (le contexte) tout en soulignant les procès de
prise de décisions du locuteur au moment de l’énonciation. Voyons quelques exemples :
J’ai trouvé cette lettre dans la boîte, on a dû l’apporter ce matin. On = les visiteurs ; l’identification se
fait de manière implicite à partir du contexte (visite) ; préciser n’apporterait aucune information
complémentaire. [Tomassone; 1996 :26]
En Normandie, ces dernières années, on a développé la culture du lin. : on = les agriculteurs mais aussi
tous ceux qui peuvent agir sur le choix des producteurs […] et qu’on ne veut pas citer dans ce contexte
puisqu’ils ne représentent pas l’essentiel de l’information que l’on veut faire passer (on se occupe du
développement de la culture du lin et pas des causes de ce développement). [Tomassone; 1996 :26]
Un sportif raconte un match de football. Son équipe a perdu. Il cherche un coupable non défini :
/ah, on ne nous a pas bien soutenus aujourd’hui/ [Weinrich ; 1989 :79]
Un fonctionnaire surchargé de travail veut se débarrasser d’une personne qui fait une réclamation. Il
peut se permettre une réponse évasive, car derrière lui se tient -faiblement définie- l’administration :
/soyez sur, Monsieur, qu’on fait ici ce qu’on peut/ [Weinrich ; 1989 :79]

Néanmoins, ces deux auteurs diffèrent en ce qui concerne l’antécédent auquel ce pronom
réfère. Tandis que Tommasone -en coïncidence avec Riegel et par contraposition au reste des
auteurs- considère que, puis qu’il s’agit d’une forme nom marquée, peut être utilisée en place
de n'importe quelle «personne», de sa part Weinrich soutient qu’ on ne peut référer qu’à des
personnes humaines «car la neutralisation englobe les rôles du locuteur et du auditeur»
[1989 :78].

Weinrich fait aussi une remarque d’intérêt : puisque, dans la langue courante, on est le plus
souvent employé dans sa variante sémantique «nous» au point d’être aperçue déjà comme la
forme normale du pluriel du locuteur, la forme nous comme forme liée (conjointe) « a pris un
arrière-goût de surcorrection et de précision pesante » [1989:80].

Traitement des pronoms « EN » et « Y »

Il y a un accord généralisé sur la structure de base sous-jacent à la réalisation de y et en :


Prep + GN → de + GN → EN Prep + GN → à + GN → Y

Il n’y a pas néanmoins homophonie en ce qui concerne la catégorisation. Tandis que Grévisse,
Dubois et Tomassone parlent de pronoms personnels (Grevisse les nomme aussi comme des
Adverbes pronominaux), Chevalier les considère des adverbes de lieu à la valeur pronominale,
Riegel parle de pronoms adverbiaux et pour Weinrich il s’agit de « pro-morphèmes » dont y
est un pro-adverbe et en, un pro-complément (jonction de rattachement) et aussi un PRO-
objet (lorsque l’objet est muni d’un article cataphorique).

Le GN substitué par en/y peut avoir la fonction de SP (autant circonstanciel dépendant de la


phrase que COI). Cet antécédent est généralement non animé, même si Grevisse indique que
on peut les trouver en faisant référence à des personnes au cas où ils aient la fonction de
complément agent ou qu’ils soient le complément d’un terme quantifié (pour en) et, pour y,
comme objet indirect quand les pronoms conjoints objets indirects sont exclus:
Elle aimait ses camarades et elle en était aimée.
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! (Hugo)
C’est un homme équivoque, ne vous y fiez pas. (Acad.) [Grevisse ; 1995:215]

Riegel et Grevisse mentionnent aussi l’usage de en pour substituer un complément avec


partitif :
De la chance, vous en avez. [Grevisse; 1995:215]
-As-tu du feu ? -Oui, j’en ai. [Riegel; 2009:370]

De sa part, Weinrich (et aussi Riegel) signale qu’il est bien possible d’utiliser en en se référant
à des personnes, mais cet usage n’est pas conseillé car ce n’est pas poli et on conseille
d’utiliser une jonction en de explicite tout en réservant en pour des choses [1989:400] :
/ Silvie ?  ah, bien sûr que je me souviens d’elle ! /
/ les vacances en Bretagne ?  ah bien sûr que je m’en souviens ! /

Dubois et Lagane [1993:89] avertissent aussi que le pronom en doit être remplacé, en tant
que complément du groupe du nom, par un déterminant possessif lorsque ce complément est
animé ou il est introduit par une préposition:
Paul habite Lyon; connaissez-vous SON adresse? et non *en connaissez-vous l’adresse?
Cet incident est sérieux: je songe à SES conséquences et non *j’en songe aux conséquences.

Tomassone [1996:276], même si elle n’approfondit pas sur notre sujet, souligne le fait que les
pronoms personnels substituts en et y peuvent reprendre pas que des GN, mais aussi des
phrases :
Je suis content de ce qui vous m’avez dit : j’en suis content.
Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit élu : je ne m’y attendais pas

Dans ce sens, Weinrich [1989:399] en fait une remarque importante: «cette forme peut
aisément - du fait qu'elle est antéposée à la base- saisir et reprendre textuellement une
information préalable». Ainsi, le pro-complément permet d’éviter une répétition du nom
placé dans le voisinage immédiat du contexte :

Dans la structure de + nom le nom soi-même n’est pas nécessaire: en peut reprendre la
signification d’un segment de texte entier :

Quant à Dubois et Dubois, il s’agit ici de pronoms personnels car ils réfèrent à des pronoms de
la 3e personne.
L’analyse pour en est ici la suivante [1971:230-231] :
De + Dem + Déf + ProN --> ΕΝ Je vous en donne (des fruits)
De + Prép [de] + Dem + Def + ProN --> ΕΝ J'en reviens (de la gare)
Tandis que pour y intervient aussi le trait lexical [animé] de la proforme nominal :
De + Prép [à] + Dém + Déf + ProN --> Υ Je vous y mène (à la gare)
ProN ==> [±animé] Je pense à lui
ProN [-animé] ==> J'y pense
A ces substitutions ou ajoute la transformation de déplacement du pronom personnel avant
le premier constituant de Aux :
SN + Aux + X + Pro --> SN + Pro + Aux + X
Je vais à ProN --> J'y vais
Tout ça demeure -à mon avis- trop abstrait, mais Dubois reprend le sujet dans son ouvrage
conjoint avec Lagane sous la forme de règles et de descriptions de l’usage. Ils prennent en
considération autant la langue courante que celle surveillée. Ainsi, « En équivaut à de suivi
d’une des formes lui, elle, eux, elles, et y équivaut à à suivi d’une des mêmes formes »
[1993:89]. Ce qui est vrai, mais un peut trop compliqué car ils laissent entrevoir une première
pronominalisation sous-jacente à la forme qui nous occupe (pas nécessaire, à mon avis, dans
une grammaire pédagogique).

Finalement, quelques auteurs -parmi lesquels Riegel- font référence aux origines historiques
de ces pronoms (anciens adverbes) et à l’évolution de son usage à travers le temps. D’autres
présentent aussi des locutions qui ne peuvent pas être facilement analysées. C’est le cas de
Grevisse et de Chevalier : s’en aller, il y a1, en vouloir à quelqu’un, où en es-tu ?, j’en ai assez,
je n’y tiens plus, etc. On avertit aussi de l’impossibilité de les utiliser dans certaines
circonstances où son emploi conduirait à une cacophonie (Grevisse, Weinrich).

Conclusions

Je voudrais tout d’abord faire une remarque sur un détail qui ne me paraît pas mineur: le
manque de clarté dans les choix terminologiques faits par quelques auteurs, en se
contredisant des fois eux-mêmes et en rendant tortueuse la compréhension de leurs analyses.

Au-delà de cette difficulté, je trouve ces différents types de grammaires pas opposés mais
complémentaires.

Puisqu’il s’agit ici des actes de communication, les approches énonciative et textuelle sont à
mon avis les plus pertinentes car le focus et mis sur l’acte langagier, le contexte
communicationnel, l’intention du locuteur et l’efficacité instrumentale du message. Ces
approches nous servent de guide autant pour la production que pour la compréhension du
message. C’est la langue vivante, instrumentale, effective.

Néanmoins, pour aboutir à une communication réussie, il est nécessaire de maîtriser d’abord
les formes: il n’est pas possible de bâtir un mur avec que des plans, il faut aussi des briques et
du mortier. On devra alors s’appuyer aussi sur des grammaires traditionnelles, soient-elles
descriptives ou normatives. Des ouvrages comme celui de Tomassone s’avèrent une très
bonne alternative car, tout en se centrant sur le plan de l’énonciation, elle ne néglige pas
l’aspect morphologique et des règles et conseils d’usage.

Quant à Dubois, son analyse générative-transformationnelle est vraiment révélatrice mais je


trouve qu’elle sert surtout de base pour des analyses limitées au domaine de la linguistique
théorique. Pour l’étudiant (soit-il francophone ou étranger), je crois qu’une analyse du genre
mène surtout à confusion. Si par contre nous passons à la version pédagogique de Dubois et
Lagane, on se trouvera face à une grammaire qui, tout en laissant entrevoir le cadre
théorique, n’est pas aussi lointaine des grammaires traditionnelles.

1
Le cas de y dans il y a ne peut pas, selon Weinrich, être considéré comme un pro-adverbe car il s’agit
ici d’un morphème présentatif dans lequel y n’a qu’une signification de position très vague et dans
lequel il souligne la signification du morphème-horizon.[1989:335]. Du même pour le pronom en qui,
dans certaines locutions, possède une simple signification d’horizon (je t’en veux, je n’en sors pas,
etc.) [1989 :401]
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BIBLIOGRAPHIE

• Alloa, H. y S. Miranda de Torres (2005): Hacia una Lingüística Contrastiva francés-


español. Córdoba: Comunic-arte editorial.

• Chevalier, J.C, C.B. Benveniste, M.Arrivé et J.Peytard (1990): Grammaire Larousse du


français contemporain. Paris: Larousse.

• Dubois, J. et Dubois-Charlier, F. (1970) : Éléments de linguistique française: syntaxe.


Paris : Larousse.

• Dubois, J. et Lagane, R. (1993): La nouvelle grammaire du français. Paris: Larousse.

• Grevisse, M. et Goosse, A. (1995) : Nouvelle grammaire française. Paris : DeBoeck-


Duculot, 3° édition.

• Riegel, M. Pellat, J. et Rioul, R. (2009): Grammaire méthodique du français, Paris:


Quadrige, Puf, 4e édition.

• Tomassone, R. (1996): Pour enseigner la grammaire, Paris: Delagrave.

• Weinrich, H. (1989): Grammaire textuelle du français. Paris: Didier-Hatier.

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