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J. Afr. Hépatol. Gastroentérol.

DOI 10.1007/s12157-014-0581-5

ARTICLE / ARTICLE

Prévalence du portage des anticorps anti VHC dans une population


de travailleurs (dépistage en milieu professionnel) au Cameroun
Carriage prevalence of HCV markers in the working environment (Cameroun)

M. Biwole-Sida · D. Noah · A.F. Eloumou · I. Dang · P. Talla · Malongue · C. Tzeuton · M. Kowo · M. Tagni-Sartre ·
A. Etoundi · F. Zeh-Kakanou · D. Kamto · O. Njoya · E.C. Ndjitoyap-Ndam
© Lavoisier SAS 2014

Résumé Objectifs : L’hépatite C est un grave problème de intense sur les infections sexuellement transmissibles et les
santé publique au Cameroun. La prévalence estimée de la hépatites au Cameroun.
maladie est de 13,8%. En 2012 le gouvernement du Came-
roun a signé une convention de partenariat avec le Labora- Mots clés Virus C · Dépistage · Milieu professionnel
toire Hoffman-Laroche pour améliorer l’offre de soins dans
le cadre du programme accès-Roche des campagnes de Abstract Goals: Hepatitis C is a serious public health issue
dépistages anonymes et gratuits, une gratuité du bilan de in Cameroon. Disease prevalence is estimated at 13.8%. In
suivi et un accès au traitement subventionné, ont été organi- 2012, the Government of Cameroon signed a partnership
sés. Ce présent travail rapporte la prévalence du portage des agreement with Hoffman-Laroche Laboratories to improve
marqueurs du virus C en milieu professionnel. healthcare provision. Within the framework of the Access-
Méthodes : De janvier 2012 au 31 mai 2014 (30 mois) Roche program, anonymous screening campaigns free of
23 990 travailleurs en milieu urbain ont été dépistés pour la charge, follow-up checkups and access to subsidized treat-
recherche des anticorps contre le virus C. Le dépistage était ment have been organized. This work reports the carriage
fait par un test rapide immuno chromatographique sur ban- prevalence of HCV markers in the working environment.
delette. Un test Elisa de confirmation était réalisé sur les Methods: From January 2012 to 31st May 2014 (30 months),
prélèvements positifs. 23,990 workers in towns were tested for HCV antibodies.
Résultats : Sur les 23 990 personnes dépistées, 613 personnes Testing was made using a rapid immune-chromatographic
étaient porteurs d’anticorps contre le virus C, soit une séro- strip test. An Elisa test was made on positive samples to
prévalence de 2,55%. La majorité des sujets testés (64,2%) confirm the result.
était jeune dans la tranche d’âge de 21 à 45 ans. Avec une Results: On the 23,990 persons tested, 613 carried the HCV
prévalence moyenne de 2,42%, chez les plus âgés de 46 à antibodies, representing a prevalence rate of 2.55%. Most
60 ans (35,9%), la séroprévalence moyenne était de 2,76%. subjects tested (64.02%) were young people between
Il n’y avait pas de différence significative en dépit d’une 21 and 45 years with an average prevalence of 2.42%. In the
augmentation de le séroprévalence chez les plus âgés 3,11%. 46-60 years age group, (35.9%), the average seroprevalence
Conclusion : La séroprévalence des marqueurs du virus C stood at 2.76%. There was no major difference despite
est faible chez les travailleurs en milieu urbain. Ce résultat increased prevalence in the older subjects, 3.11%.
pourrait s’expliquer par l’amélioration de l’hygiène hospita- Conclusion: The seroprevalence of HCV markers is low in
lière, de la sécurité transfusionnelle et une information plus workers in urban areas. This result may be explained by impro-
ved hospital hygiene, blood security and increased information
on sexually transmitted infections hepatitis in Cameroon.
M. Biwole-Sida (*) · A. Etoundi · F. Zeh-Kakanou
Ministère de la Santé Publique du Cameroun Keywords HCV · Testing · Working environment
e-mail : magloirebiwolesida@yahoo.fr

D. Noah · M. Kowo · O. Njoya


Comité d’éligibilité CHU, Yaoundé, Cameroun Introduction
A.F. Eloumou · I. Dang · P. Talla · ?. Malongue · C. Tzeuton ·
M. Tagni-Sartre · D. Kamto · E.C. Ndjitoyap-Ndam L’organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que 170 à
Comité d’éligibilité HG, Yaoundé, Cameroun 180 millions d’individus, soit 3% de la population mondiale
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sont infectés par le virus de l’hépatite C. (VHC). L’épidémie pour la détection des anticorps du virus C. Un test Elisa de
concerne majoritairement les pays en développement où confirmation était réalisé sur les prélèvements positifs.
l’accès au dépistage et au traitement reste très insuffisant. Les sujets positifs étaient orientés vers un hépato-gastroent
En Afrique, l’épidémiologie de cette affection varie érologue en vue d’un bilan complémentaire comprenant entre
considérablement d’une région continentale à une autre [2]. autres examens : le genotypage du virus, la charge virale et un
L’Egypte est le pays ayant la plus forte prévalence, près fibrotest. Le dossier médical des patients était étudié par trois
de 14,7% dans la population générale [1,6]. En Afrique du comités d’éligibilité basés à l’Hôpital Général de Douala, à
sud Sahara, la prévalence varie de 6% à 14% selon les l’Hôpital Général de Yaoundé et au CHU pour la ville de
régions [4,6]. Yaoundé. Un traitement subventionné par une bithérapie
Au Cameroun, pays considéré comme un des plus tou- associant interféron pegylé et ribavirine était proposé à ceux
chés par l’épidémie, la prévalence se situerait autour de des patients qui étaient éligibles et susceptibles de supporter le
13,8% [2,4]. Plusieurs études menées dans plusieurs groupes coût réduit du traitement. La durée du traitement était déter-
ethniques notamment chez les Bantous, suggèrent que la minée en fonction du génotype viral.
prévalence augmente avec l’âge [9,10]. Cette donnée est cor- L’analyse statistique des données était faite par un logiciel
roborée par plusieurs travaux menés au sein des populations EPI-INFO (2007). Le test chi carré a été utilisé pour compa-
urbaines et celles vivant en zone forestière [9]. rer les prévalences à travers différents groupes d’âge, la
L’accès aux soins reste cependant très faible en raison du valeur P<0.05 étant considérée comme significative.
coût prohibitif du traitement d’une part, et d’autre part du fait
de l’absence d’un plan stratégique national de lutte contre les
hépatites au Cameroun. Résultats
Dans le cadre du programme Accès-Roche, mis en place
Vingt trois mille neuf cent quatre vingt-dix (23 990) person-
conjointement par le ministère de la Santé du Cameroun et le
nes dépistées ont été retenues dans cette campagne.
Laboratoire Hoffman Laroche, à travers une convention de
partenariat, plusieurs activités comprenant un dépistage de Quatorze mille trois cent cinquante-huit (14 358) prélève-
masse gratuit et anonyme, une prise en charge subventionnée ments pour la ville de Douala (59,85%) et neuf mille six cent
des sujets éligibles au traitement, la gratuité des examens de trente-deux (9 632) pour la ville de Yaoundé (40,15%),
suivi ont été mis en place. 63,5% de personnes analysées étaient de sexe masculin et
36,5% de sexe féminin.
La présente étude fait une analyse rétrospective des don-
L’analyse des sujets par tranche d’âge de 10 ans révèle
nées compilées de plusieurs campagnes de dépistage des
que la majorité des sujets analysés était dans la tranche d’âge
marqueurs du virus C au sein de la population en milieu
de 26-35 ans et la moyenne d’âge était de 37±2 environ :
professionnel.
tableau 1.
Sur les 23 990 personnes dépistées, 613 prélèvements
étaient positifs, la prévalence moyenne globale du portage
Sujets et méthodes des anticorps contre le virus C était de 2,55%. Cette préva-
lence est variable selon les tranches d’âge, la prévalence la
De janvier 2012 au 31 mai 2014 (30 mois) plusieurs campa- plus élevée est retrouvée dans la tranche de 56-60 ans
gnes de dépistage anonyme et gratuit de sujets porteurs des (3,11%).
marqueurs du virus C, ont été organisées dans les villes de S’agissant de l’âge de la population étudiée, la majorité
Douala et Yaoundé, en milieu professionnel. Les sujets étaient des sujets testés se retrouve dans la tranche d’âge allant de
recrutés dans les secteurs de l’industrie, les banques, les socié- 21 à 45 ans soit 15 360 sujets (64,2%) avec une prévalence
tés commerciales et dans certains formations sanitaires. moyenne de 2,42%. Chez les sujets plus âgés, occupant les
Au total 4 formations sanitaires et 19 petites et moyennes
entreprises ayant requis l’anonymat ont été retenues. Une
fiche de renseignement simplifiée a permis de recueillir un Tableau 1 Analyse des sujets par tranche d’âge de 10 ans.
minimum de données concernant le sexe, l’âge, la profession. Tranche d’âge Dépisté Prélèvements positifs %
Les prélèvements anonymes, numérotés, au fur et à mesure
21-25 3 650 83 2,27
des enregistrements, étaient traités au Laboratoire de l’excel-
26-35 6 501 166 2,55
lence pour la ville de Yaoundé et au Laboratoire Labtag pour
36-45 5 209 128 2,45
la ville de Douala. Il n’y avait pas de critères d’exclusion, le
46-55 4 714 114 2,41
recrutement de volontaires étant réalisé en milieu profession-
56-60 3 914 122 3,11
nel chez les sujets âgés de 21 à 60 ans. Le dépistage était fait
Total 23 990 613 2,55
par un test rapide immuno-chromatographique sur bandelette,
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tranches d’âge 46-60 ans, on dénombre 8 630 sujets (35,9%) Par ailleurs, pour les pays Africains subsahariens même si
soit environ le 1/3 de la population professionnelle active. La les modes de contamination ne sont pas bien compris, il est
prévalence moyenne du portage des anticorps anti VHC retenu parmi les causes possibles, une sécurité transfusion-
étant de 2,76% sans différence significative entre les deux nelle précaire ; l’insuffisance voire l’absence de matériel et
groupes. dispositifs médicaux à usage unique, enfin les pratiques tra-
ditionnelles (scarification, rasage, tatouage et circoncision)
seraient des facteurs de promotion de transmission du virus
Discussion C en zone rurale.
Enfin, l’hypothèse d’une contamination massive de popu-
L’hépatite C est un grave problème de santé publique en lations bantous en Afrique Centrale dans les années 1935-
Afrique subsaharienne en général et au Cameroun en parti- 1965 est avancée sur la base des données épidémiologiques
culier. Plusieurs études ont largement démontré l’endémicité et moléculaires. Tirée des analyses du génotype viral des
de cette affection au Cameroun. Peu de séries ont été populations centrafricaines infectées [7,10], cette étude
publiées sur le portage des anticorps contre l’hépatite C dans confirme l’existence d’une génération (1935-1965) caracté-
les grandes villes (zone urbaine) et en particulier dans les risée par une croissance exponentielle de la maladie au sein
milieux professionnels. des populations frontalières entre la République Centrafri-
Cette étude portant sur le dépistage anonyme, volontaire cain, le Gabon et le Cameroun.
et gratuit chez 23 990 jeunes professionnels révèle que la On sait que cette région d’Afrique Centrale a longtemps
prévalence des marqueurs viraux du virus C est faible chez été le site de développement endémique de la maladie de som-
les jeunes. meil (trypanosomiase afrique) dans les années 1920-1930.
Les résultats de cette étude confirment que la prévalence des Les campagnes de traitement par injection de lomidine avec
marqueurs du virus C varie de 2,27% à 3,11% avec une du matériel à usage multiple, pourraient expliquer le résultat
moyenne générale de 2,55%. Même si l’on observe une légère de ces analyses génotypiques. C’est le revers de la médaille de
augmentation de cette prévalence chez les sujets âgés : la diffé- campagnes salvatrices contre une maladie certainement mor-
rence à travers les différents groupes n’est pas significative telle, (la trypanosomiase) qui ont probablement permis d’ino-
dans cette étude. Peu d’études ont été publiées sur la prévalence culer le virus C totalement inconnu à cette époque.
des marqueurs du virus C chez les travailleurs en milieu urbain. L’amélioration des conditions d’exercice de la médecine,
Dans une publication antérieure, Nerrienet en 2003 a avec notamment, la vulgarisation de matériel et dispositifs à
trouvé une prévalence de 6% dans une population de usage unique, le développement de la sécurité transfusion-
1 434 personnes vivant à Yaoundé : [1], l’étude ne précise nelle dans les services de banque de sang, une plus grande
pas le milieu professionnel, chez ces personnes venues au information sur les infections sexuellement transmissibles et
Centre Pasteur pour d’autres prélèvements. les hépatites sont des facteurs susceptibles d’expliquer, la
Dans la même publication, l’analyse des prélèvements chute progressive observée de la séroprévalence des mar-
effectués chez un groupe de personnes dans les régions de queurs du virus C, chez les travailleurs en zone urbaine.
l’Est, du Sud et du Nord Ouest du Cameroun, révèle une Ces données, si elles étaient confirmées par des études
variabilité notable des prévalences des marqueurs du virus ultérieures, conforteraient l’hypothèse que l’infection par le
C avec toutefois un constat, l’augmentation de la séropréva- virus de l’hépatite C est avant tout une maladie nosocomiale,
lence avec l’âge, celle-ci susceptible d’atteindre les 30-40% appelée à disparaître avec le développement de l’hygiène
de la population chez les personnes âgées de plus de 50 ans. hospitalière, et la multiplication des campagnes de dépistage
En Afrique comme ailleurs, plusieurs études ont confirmé et de sensibilisation contre les hépatites en milieu au
un risque faible de transmission intrafamiliale et sexuelle [3]. Cameroun.
Par ailleurs, la transmission mère-enfant est quasiment nulle
dans plusieurs séries [5,8]. Remerciements Nos remerciements à Mr André Sado Tagne
L’augmentation de la séroprévalence des marqueurs du des laboratoires Hoffman Laroche pour son appui au comité
virus C avec l’âge a été débattue à travers divers travaux commun de coordination de lutte contre les hépatites virales
[6,10]. Plusieurs hypothèses ont été développées sur la base au Cameroun.
des données épidémiologiques. La contamination nosoco-
miale à travers certaines campagnes de soins préventifs avec
du matériel mal stérilisé a souvent été évoquée. Cette expli- Références
cation est souvent retenue dans la situation de l’Egypte, pays
de très forte endémicité, où les campagnes de vaccination 1. Nerrienet E, Pouillot R, Lachenal G, et al (2005) Hepatitis C
antibilharzienne avec du matériel à usage multiple, ont été virus Infection in Cameroon. A Cohort-Effect. J Med Virol
largement incriminées [2]. 76:208–14
4 J. Afr. Hépatol. Gastroentérol.

2. Pepin J, Lavoie M, Pybus OG, et al (2010) Risk Factors for 7. Njouom R, Caron M, Besson G, et al (2012) phylogeography,
Hepatitis C virus Transmission in Colonial Cameroon. Clin Infect risk Factors and Genetic History of Hepatitis C virus in Gabon,
Dis 7:768–76 Central Africa. Plos one /www plos one.org august /volume 7 /
3. Ndong-Atome GR, Njouom R, Padilla C, et al (2009) Absence of issue 8/ e42002.
intrafamilial transmission of hepatitis C virus and low risk for 8. Njouom R, Pasquier C, Ahidjo Ayouba, et al (2005) low risk of
sexual transmission in rural central Africa indicate o cohort mother-to- child transmission of hepatitis C virus in Yaoundé,
effect. J Clin Virol 45:349–59 Cameroon: the ANRS 1262 study. Am J Trop Med Hyg 2:460–6
4. Pouillot R, Lachenal G, Pybus OG, et al (2008). Variable epide-
mic historique of hepatitis C virus genotype 2 infection in West 9. Njouom R, Pasquier C, Ahidjo Ayouba, et al (2003) High rate of
Africa and Cameroon. Infect Gen Evol 8:676–81 Hepatitis C virus Infection and Predominance of genotype
5. Njouom R, Pasquier C, Ahidjo Ayouba, et al (2003) Hépatite C 4 among Elderly Inhabitants of a remote village of the rain forest
virus Infection Among Pregnant Women in Yaoundé, Cameroon: of south Cameroon. J Med Virol 71:219–25
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