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Photo: Keystone
dance à la sidérurgie. Il y a des exceptions qui attirant sans cesse des gens de la campagne
nécessitent des explications. ou des pays voisins qui cherchaient à se dis-
Pour comprendre la réussite de la Suisse, tinguer par leurs prestations spécifiques. La
il faut aussi tenir compte de facteurs que l’on Confédération faisait office de pionnière au
ne peut pas attribuer à des circonstances fa- XIXe siècle dans l’instruction populaire et la
vorables. Deux d’entre eux sont évidents: la formation technique. L’École polytechnique
qualité élevée du capital humain et une poli- fédérale de Zurich a été fondée en 1854, le
tique économique placée sous le signe de la Technikum de Winterthur en 1874 et la
stabilité. Confédération a instauré le modèle moderne
de l’apprentissage à la fin du XIXe siècle.
Le niveau élevé du capital humain est de-
Les «vertus suisses»
venu une condition pour que les entreprises
La théorie économique affirme que la suisses se spécialisent dans des produits de
prospérité d’un pays dépend en dernière niche de haute valeur et qu’elles paient des
instance de la qualité de son capital humain. salaires relativement élevés à leurs employés.
Plus le niveau de formation de la main C’était en même temps un corollaire de la
d’œuvre est élevé et plus son esprit d’entre- réussite. Les entrepreneurs savaient qu’ils ne
prise est développé; la probabilité qu’un pourraient poursuivre leur stratégie de ni-
pays soit riche n’en est dès lors que plus che qu’en soutenant l’école publique, l’en-
grande. En Suisse, les conditions menant à seignement technique supérieur et la for-
l’accumulation du capital humain semblent mation en entreprise. De leur côté, les
avoir été particulièrement favorables. D’une employés ont aussi compris l’intérêt qu’il y
part, des vertus telles que l’application, le avait à investir dans leur propre formation
travail de qualité et l’esprit d’entreprise ont parce qu’un meilleur diplôme engendrait
toujours été valorisées et, d’autre part, la presque systématiquement un salaire supé-
politique et l’économie ont toujours voulu rieur.
des instituts de formation de bon niveau
tant pour les élites que pour les élèves et les
L’art d’éviter les grosses erreurs
apprentis.
Il n’est pas simple d’expliquer d’où vient La politique économique de la Suisse
cette valorisation de la formation et du per- constitue un deuxième facteur qui ne pro-
fectionnement professionnel. Ce qui est sûr, vient pas forcément de circonstances favora-
c’est qu’elle repose sur une longue tradition bles. On ne peut pourtant pas parler de poli-
et qu’elle est si bien enracinée que l’on parle tique optimale puisque la Suisse a aussi pris
parfois de «vertus suisses». Les villes du pays de mauvaises décisions. Pourtant, en compa-
étaient des centres réformés et ont amené raison internationale, on remarque qu’en rè-
une nouvelle éthique du travail. Elles ont gle générale, les faux pas étaient moins graves
aussi libéré des énergies entrepreneuriales en que ceux commis dans les pays voisins. C’est
surtout en matière de stabilité que cette poli- règle dans la plupart des branches après la
tique a réussi. Seconde Guerre mondiale, a été un facteur
La politique monétaire suisse est un exem- important de stabilité. Les conflits d’intérêts
ple caractéristique. Certes, la Banque natio- entre les travailleurs et les employeurs n’ont
nale suisse (BNS) a parfois fait des erreurs, certes pas disparu, mais la volonté de trouver
puisque la politique de déflation menée pen- des solutions en commun en cas de crise au
dant la crise économique mondiale des an- lieu de laisser les conflits dégénérer a créé un
nées trente, la politique d’austérité du milieu climat de confiance qui favorise incontesta-
des années septante et la politique des taux blement la croissance.
élevés du début des années nonante ont été
franchement contre-productives. Cependant,
Conclusion
pendant 90 ans, la politique monétaire suisse
a connu un succès exceptionnel. Alors que la En substance, on peut dire que la prospé-
plupart des États européens ont traversé au rité de la Suisse au cours des 90 dernières
moins une fois une phase de forte inflation années ne provient pas uniquement de cir-
voire d’hyperinflation, les prix sont toujours constances favorables, mais qu’elle repose sur
restés relativement stables en Suisse depuis des atouts qu’elle a acquis. Tout laisse à pen-
1920. ser que notre économie atteindra à l’avenir
Les politiques budgétaire et fiscale suisses un niveau supérieur à la moyenne. Il est, tou-
constituent un autre exemple. Les taux d’im- tefois, impossible de prévoir la fin de l’his-
pôts et l’endettement de la Confédération, toire. m
Encadré 2
des cantons et des communes sont restés
modérés au cours des 90 dernières années.
Bibliographie
Pendant que les autres pays tentaient de sta-
– Bergier, Jean-François, Histoire écono biliser la conjoncture après 1945 en usant de
mique de la Suisse, Zurich/Cologne, 1983, politiques budgétaire et fiscale débouchant
Benziger Verlag. sur un fort endettement, les autorités suisses
– Statistique historique de la Suisse, publiée
par Heiner Ritzmann-Blickenstorfer, sous
sont restées plutôt réservées. Cette retenue a
la direction de Hansjörg Siegenthaler, eu parfois des effets négatifs à court terme
Zurich, 1996, Chronos. comme au milieu des années septante ou au
– Maddison Angus, L’économie mondiale: début des années nonante, mais elle s’est avé-
une perspective millénaire, Paris, 2001,
OCDE. rée bénéfique pour la stabilité des finances
– Banque nationale suisse (éd.), Banque publiques à long terme.
nationale suisse 1907–2007, Zurich, 2007, Enfin, le partenariat social, qui s’est formé
NZZ Libro.
à la fin des années trente et qui est devenu la