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CHAPITRE 5:

Notions de fluage, de relaxation et de viscosité

1. Introduction

Nous avons considéré dans les chapitres précédents le comportement des matériaux à des
températures ambiantes. Plusieurs applications pratiques surtout celles qui sont associées à la
transformation d'énergie, comme dans les turbines, les réacteurs ou les centrales à vapeur les
matériaux travaillent à des températures élevées.
Lorsque la température augmente, les matériaux soumis à des charges qui ne causent qu'une
déformation instantanée permanente à température ambiante commencent à subir le fluage.
Ce phénomène correspond à une évolution de la déformation de manière continue et lente
dans le temps (déformation différée). La déformation ne dépend plus alors que de la
contrainte appliquée. Elle va dépendre en plus de la température et du temps selon une
relation de la forme

  (, t, T) (5.1)

Ceci est en contraste avec le comportement à température ambiante de la plupart des métaux
et céramiques qui, en cas de chargement quasi-statique, est indépendant du temps de sorte que

  () (5.2)

2. Condition d'apparition du fluage

La relation (5.1) représente le comportement à hautes températures pour un matériau donné


alors que la relation (5.2) représente celui qui observé à basses températures pour le même
matériau. Les termes haute température et basse température dépendent du matériau
considéré. Afin de les décrire de manière rationnelle, on considère, dans le cas des métaux et
de céramiques, la température de référence qui est définie par la température de fusion notée

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TM et qui est exprimée en degrés Kelvin. La température pour laquelle le matériau commence
à manifester le phénomène de fluage est alors en général
T  0.3TM  0.4TM pour les métaux

T  0.4TM  0.5TM pour les céramiques


En considérant des alliages, on peut faire augmenter la température afin de se prémunir du
phénomène de fluage qui a des conséquences dramatiques dans la pratique.
Les polymères développent aussi le fluage. Plusieurs d'entre eux commencent à le manifester
à température ambiante. Comme les polymères n'admettent pas vraiment une température de
fusion, la température la plus significative à considérer est la température de transition de
verre notée TG et qui est exprimée en degrés Kelvin. A cette température les forces de van der
Walls créent des liens solides. Au dessus de cette température, le polymère est dans un état
pâteux voire liquide et va donc manifester le phénomène de fluage en cas de charge. Au
dessous de cette température, le polymère devient dur et parfois fragile et ne manifeste pas de
fluage notable.
Le tableau 5.1 suivant donne les températures de ramollissement TM ou TG pour certains
matériaux.

Table 5.1: Température de ramollissement pour certains matériaux

Matériau Température en K
Diamant 4000
Tungstène 3680

Alumine, Al2 O3 2323

Fer 1809
Uranium 1405
Cuivre 1356
Aluminium 933
Verre (soda) 700-900
Plomb 600
Polyéthylène 300-360
Polystyrène 370-380
Glace 273
Mercure 235

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3. Essai de fluage

L'essai de fluage exige pour sa réalisation le contrôle de la température. D'où le recours à un


four à thermostat. Une éprouvette est donc chargée en traction ou compression, souvent à
charge constante, à l'intérieur de ce four où la température est réglée à une valeur constante T.
L'élongation de l'éprouvette est mesurée en fonction du temps t. La figure 5.1 présente une
courbe de fluage typique

Phase III

Phase II
Phase I

ss

Déformation élastique
initiale

Figure 5.1: Courbe typique de fluage d'un matériau à température constante

Il y a trois phases dans l'évolution de la déformation de fluage. La première phase est


d'étendue faible. Dans la pratique on peut traiter la déformation qui est associée à cette zone
comme étant une déformation instantanée que l'on superpose à la déformation élastique
initiale du matériau. Parfois, on peut même la négliger. La phase la plus importante dans la
pratique est la deuxième phase qui décrit le fluage secondaire caractérisé par une
augmentation uniforme de la déformation dans le temps. La limite entre la phase deux et la
phase trois caractérise le début d'apparition des cavités dans le matériau. Ces cavités se
développement ensuite rapidement du fait que les sections décroissent et par conséquent les
contraintes augmentent. C'est la déformation qui est associée à la phase de fluage secondaire
notée  fl qui est considérée dans le dimensionnement des structures vis-à-vis du fluage. Le

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dimensionnement vise à limiter  fl de manière à augmenter la durée t f pour laquelle la phase
de fluage tertiaire s'amorce.
En traçant le log (logarithme népérien) de la vitesse de déformation de fluage, ss , en fonction

du log de  , à la température constante T, on établit expérimentalement que

ss  n (5.3)

où  est une constante et n  3,8 pour la plupart de matériaux est aussi une constante

appelée exposant du fluage.


En traçant le log de ss en fonction de l'inverse de la température absolue 1/ T , on trouve
expérimentalement que

Q

ss  e RT
(5.4)

où  est une constante, R la constante universelle des gaz parfaits: R  8.31 J.mol1.K 1 et Q
est par définition l'énergie d'activation du fluage.
La relation (5.4) montre que la vitesse de fluage augmente de manière exponentielle avec la
température. En combinant les relations (5.3) et (5.4), on trouve la loi de fluage

Q

ss   e n RT
(5.5)

où    est la constante de fluage.


Les constantes  , n et Q varient d'un matériau à l'autre et sont déterminées
expérimentalement.
C'est un mécanisme de diffusion moléculaire qui explique la présence du terme exponentiel. Il
signifie que les molécules glissent les unes sur les autres en permettant un écoulement lent de
la matière.

4. Conséquences du fluage et phénomène de relaxation

Les deux conséquences fondamentales du fluage sont les suivantes:


(i) A contrainte appliquée constante (charge constante) , la déformation augmente dans le
temps.

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(ii) A déplacement imposé, la contrainte se relaxe dans le temps.
Ainsi, les métaux et céramiques dans des équipements à haute température (réacteurs,
turbines) souffrent d'une déformation différée. Les boulons de fixation par précontrainte dans
les turbines doivent régulièrement être resserrés.
Le comportement général d'un matériau subissant le fluage peut être représenté dans le cas de
la traction - compression simple par l'association d'un ressort et d'un dashpot (amortisseur) en
parallèle, figure 5.2.

,  tot

ss


el 
E

Figure 5.2: Modèle de comportement en situation de fluage

Le temps de relaxation est défini de manière arbitraire comme étant la durée nécessaire pour
que la contrainte chute de moitié par rapport à sa valeur initiale. Ce paramètre peut être
calculé à partir de la loi en puissance du fluage (5.5).
Considérons un boulon fixé sur un support rigide de sorte que la contrainte initiale qui s'y
développe soit i . La longueur du trou qui loge le boulon est constante et la déformation
totale est constante. Sachant que

t
 tot  el  fl  el   ss () d (5.6)
0

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avec


el  , ss  n (5.7)
E

on obtient

d
tot  cste   tot  0   En (5.8)
dt

L'intégration de (5.8) entraîne

1 1
n 1
 n 1  (n  1)Et (5.9)
 i

Le temps de relaxation est alors

(2n 1  1)
tr  (5.10)
(n  1)Ein 1

Les valeurs expérimentales de n ,  et E permettent de déterminer alors quand est-ce qu'il


faut intervenir pour resserrer les boulons.
Afin d'agir contre le fluage, on peut chercher un matériau pour lequel les températures de
service restent inférieurs à 0.3TM ou bien à TG . Dans ce cas le fluage rester marginal et
n'affectera pas la stabilité à long terme du système. Il existe ainsi des super alliages à base de
Nickel qui ne manifestent pas de fluage jusqu'à 950°C. Les alliages classiques ne permettent
pas de dépasser 650°C. Les céramiques comme l'alumine ( Al2O 3 ), le carbure de silicium

( SiC ) et les nitrures de silicium ( Si3 N 4 ) peuvent aller jusqu'à 1300°C sans fluer.

5. Fluage pour les polymères

La température de transition de verre TG est proche de la température ambiante pour la


plupart des polymères. A des températures qui sont inférieures à cette température le
polymère se solidifie et peut devenir fragile (caoutchouc refroidit dans l'azote liquide). A des

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températures qui sont supérieures à TG le polymère peut devenir un liquide visqueux. Les
thermoplastiques qui peuvent être formés à chaud sont des exemples de tels polymères. Dans
ces conditions ils sont assimilés à des liquides visqueux non newtoniens.
En comparant la relation (5.5) avec celle qui définit la viscosité dans une éprouvette soumise
à la tension simple, on obtient

 Q
3 RT
  e (5.11)
3 

Le facteur 3 apparaît dans (5.11) car la viscosité est définie en cisaillement.


Concernant la résistance au fluage, les époxy sont plus résistants que les polyéthylènes. On
peut améliorer la résistance au fluage en rajoutant des charges sous forme de poudre de verre
ou de silice. Le PTFE en est un exemple.

6. Viscosité

En 1687, Newton publiait le résultat de ses travaux sur la résistance interne des fluides. Il
remarqua que la force F nécessaire pour conserver le mouvement relatif de deux plateaux était
proportionnelle à l'aire des surfaces mouillées et à la vitesse v, et inversement proportionnelle
à l'épaisseur h du fluide situé entre ces deux plateaux, soit

v
F  A (5.12)
h

où  est une constante caractéristique de chaque fluide pour une température donnée, appelée
viscosité dynamique. Le test qui permet de mesurer  est délicat, on lui préfère un test plus
simple dit de Hagen - Poiseuille qui permet de mesurer la viscosité cinématique qui elle est
définie par


 (5.13)

où  est la masse volumique du fluide à la température considérée.

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La viscosité dépend de la température. La variation de la viscosité en fonction de la
température est non linéaire en général. Dans le domaine de la fabrication industrielle des
huiles de lubrification, la variation de la viscosité est exprimée en fonction de T moyennant
deux mesures de viscosité à 40C et à 100C . Ce qui permet ensuite de considérer l'équation
de Walther (ASTM-D341) définie par

log(log(  0.7))  r log(T)  s (5.14)

où r et s sont deux constantes caractéristiques de l'huile étudiée.


L'équation (5.14) permet de calculer la viscosité à n'importe quelle température.
Concernant la relation entre la viscosité et la pression, on peut utiliser l'équation suivante

  0e(pp0 ) (5.15)

où  est la viscosité dynamique à la pression p ,  0 la viscosité dynamique à la pression

atmosphérique, p 0 . p et p 0 sont exprimées en bars et  est appelée coefficient   p .

Pour la majorité des huiles minérales synthétiques   1.5 103 , 5.0 103  bar 1 .

La plupart des huiles minérales synthétiques ont un comportement newtonien jusqu'à des
valeurs de vitesse de cisaillement de 104 s 1 .
Plusieurs classifications des huiles selon la viscosité sont proposés ASTM, ISO,.... Ainsi par
exemple une huile classée 25W signifie que la viscosité maximale à 5C est 5000 cPo .

7. Exercices

5.1 Dans une usine chimique, un tube cylindrique est soumis à une surpression
p  6 MN.m 2 , qui conduit à une traction dans les parois du tuyau. Le tube doit supporter
cette contrainte à la température 510°C sur une durée de 9 ans. Un concepteur a effectué le
choix de tubes de 40 mm de diamètre et de 2 mm d'épaisseur. Les tubes sont constitués d'un
alliage d'acier contenant 15% en masse de Chrome. Les spécifications du fabricant pour cet
alliage sont données par la table 5.2

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Table 5.2: Courbe de fluage de l'alliage utilisé pour les tubes sous   200 MN.m2

T °C 618 640 660 683 707


ss (107 s1 ) 1.0 1.7 4.3 7.7 20

Dans ce domaine de contraintes et de températures l'alliage subit le fluage conformément à la


relation

Q

ss  5e RT

où ,Q et R sont des constantes, T est la température absolue.


En supposant que la rupture est imminente sous une déformation de fluage de 0.01 pour
l'alliage considéré ici, critiquer la sûreté du dimensionnement proposé par le concepteur.

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