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Avant– propos
L’objectif de ce livre est d’initier à l’immunologie les étudiants qui entament des
études de médecine ou une formation de premier cycle avancé en biologie, mais
aussi les chercheurs engagés dans un doctorat ainsi que les scientifiques d’autres
disciplines qui veulent en savoir plus sur le système immunitaire. Cet ouvrage tente
de présenter le champ de l’immunologie à partir d’un point de vue cohérent, celui
de l’interaction de l’hôte avec son environnement qui comprend de nombreuses
espèces microbiennes potentiellement nuisibles. Ce choix se justifie par le fait que
l’absence d’un ou de plusieurs composants du système immunitaire entraîne en
général une susceptibilité accrue à une ou plusieurs infections. En effet, le sys-
tème immunitaire existe d’abord et avant tout pour protéger l’organisme contre
des infections, et son évolution a été largement orientée par cette confrontation.
D’autres aspects de l’immunologie, comme l’allergie, l’auto-immunité, le rejet de
greffe et l’immunité antitumorale seront abordés en tant que variantes de cette
immunité protectrice de base. Dans tous ces cas, la nature de l’antigène apparaît
comme la variable principale.
Dans cette septième édition, tous les chapitres ont été mis à jour pour intégrer de
nouvelles observations qui étendent notre connaissance et notre compréhension
du système immunitaire. Voici quelques-unes de ces données récentes : la descrip-
tion des récepteurs des cellules NK, le rôle mieux compris de la cytidine désami-
nase induite par activation (AID) dans la génération de la diversité des anticorps,
les immunoévasines virales, la présentation croisée des antigènes aux cellules T, les
sous-populations de cellules dendritiques et de cellules T et les nouveaux récep-
teurs de l’immunité innée qui reconnaissent les agents pathogènes. Notre chapitre
sur l’évolution inclut de nouveaux aperçus fascinants sur les formes alternatives de
l’immunité adaptative chez les invertébrés et les organismes supérieurs. Les cha-
pitres cliniques contiennent de nouvelles sections sur la maladie cœliaque et son
mécanisme, sur la maladie de Crohn ainsi que sur les stratégies immunologiques
pour le traitement du cancer. Des questions de type discussion terminent chaque
chapitre. Elles peuvent être utilisées pour réviser ou comme base de discussion
avec les étudiants et dans des groupes d’étude informels. Le CD-ROM, Janeway’s
Immunobiology 7 Interactive, couvre un nombre accru de sujets, et les explications
sont plus détaillées.
Après un aperçu complet du système immunitaire dans le Chapitre 1, l’immunité
innée est traitée au Chapitre 2 comme un important système de protection capable
d’agir seul ou en collaboration avec l’immunité adaptative, que l’immunité innée
peut à la fois induire et compléter. La liste des molécules reconnues par les récep-
teurs Toll et par d’autres systèmes de détection des agents pathogènes a été mise à
jour, ce qui illustre bien les progrès rapides survenus dans ce domaine au cours des
trois dernières années. La description des différentes familles de récepteurs acti-
vateurs ou inhibiteurs des cellules NK a été révisée et reflète aussi notre meilleure
compréhension de l’immunité innée. Des informations sur les agents pathogènes
figuraient au début du Chapitre 10 dans les éditions précédentes ; nous les avons
déplacées au Chapitre 2 puisque les infections sont précisément la raison d’être du
système immunitaire. Après l’immunité innée, nous décrivons l’immunité adapta-
tive dont les connaissances ont beaucoup progressé car elle reste le sujet favori de
la grande majorité des immunologistes. Le thème central de la suite du texte est la
sélection clonale des lymphocytes.
vi
Comme dans la sixième édition, nous considérons en même temps les deux
lignées lymphoïdes, les lymphocytes B et les lymphocytes T dans une grande par-
tie de l’ouvrage, car ces deux types cellulaires utilisent des mécanismes qui, en
général, se ressemblent. Un exemple est la réorganisation des segments géniques
qui codent les récepteurs lymphocytaires spécifiques d’antigène (Chapitre 4). Le
Chapitre 5, sur la reconnaissance de l’antigène, a été mis à jour afin qu’il com-
prenne la présentation croisée des antigènes par les molécules du CMH de classe
I ainsi que l’interférence par les immunoévasines virales dans la présentation de
l’antigène. Le Chapitre 6, sur la signalisation, a été adapté afin qu’il décrive plus en
détail les voies propres aux cellules T, avec des commentaires plus étendus concer-
nant les données récentes en matière de signalisation costimulatrice. Nous avons
considérablement réorganisé le Chapitre 7 de sorte que les développements res-
pectifs des cellules B et des cellules T soient examinés dans des sections séparées.
Les Chapitres 8 et 9 traitent séparément des fonctions effectrices des lymphocy-
tes T et B puisque ceux-ci font appel à des mécanismes différents. Il fallait mettre
à jour et étendre la description des cellules dendritiques tout en incluant les résul-
tats des recherches récentes sur les sous-populations des cellules TH17 et T régula-
trices (Chapitre 8). Nous avons trouvé opportun de recentrer le Chapitre 10 sur la
nature dynamique de la réponse immunitaire à l’infection, en allant de l’immunité
innée jusqu’à la formation de la mémoire immunologique. Nous avons introduit les
dernières avancées dans la compréhension, d’une part, des changements temporels
des sous-populations de cellules T au cours d’une réponse immunitaire et, d’autre
part, de la nature de la mémoire immunologique. Comme son rôle dans la protec-
tion immunitaire est de plus en plus reconnu, l’immunité des muqueuses fait main-
tenant l’objet d’un nouveau chapitre qui lui est entièrement consacré (Chapitre 11).
Les trois chapitres suivants (Chapitres 12-14) traitent principalement de la façon
dont les maladies comme le VIH/sida, l’auto-immunité ou les allergies peuvent
être causées par des déficits immunitaires héréditaires et acquis, ou par une
défaillance et un dysfonctionnement des mécanismes immunologiques. À mesure
que notre connaissances des causes de la maladie se développe, ces chapitres ont
été étendus à la description des syndromes liés à des anomalies génétiques récem-
ment identifiées. Ces chapitres, qui décrivent les défaillances du système immu-
nitaire, sont suivis d’un chapitre (Chapitre 15) qui traite des manipulations de la
réponse immunitaire par la vaccination et d’autres moyens pour lutter non seu-
lement contre les maladies infectieuses, mais aussi contre le rejet des greffes et
le cancer. Ces quatre chapitres ont été largement révisés et mis à jour, en parti-
culier à propos de nouveaux traitements qui prennent une place de plus en plus
importante en pratique médicale, les thérapeutiques dites «biologiques». Le livre
se termine par une mise à jour du chapitre (Chapitre 16) sur l’évolution du système
immunitaire des animaux. L’analyse des séquences génomiques des invertébrés et
des vertébrés inférieurs nous a donné un meilleur aperçu de la sophistication des
défenses immunitaires des invertébrés et nous a fait découvrir que notre système
immunitaire adaptatif basé sur les anticorps et les cellules T n’est pas la seule façon
par laquelle l’immunité adaptative peut être générée.
Les maladies et déficiences immunologiques renvoient à la cinquième édition
de l’ouvrage intitulé Études de cas en immunologie (ISBN: 9780815341451). Les
auteurs, Raif Geha et Fred Rosen, présentent les principaux thèmes immunologi-
ques comme base à une sélection de cas cliniques réels qui servent à renforcer et
à étendre les connaissances fondamentales. Cinq nouveaux cas ont été ajoutés à la
cinquième édition, portant leur nombre à 47. Une icône dans la marge du présent
ouvrage fournit au lecteur un lien vers une exemple de maladie, où les notions fon-
damentales rejoignent les applications cliniques.
La septième édition de Immunobiologie de Janeway comprend un CD-ROM avec
des animations immunologiques originales basées sur les illustrations de l’ouvrage
et des vidéos sélectionnées à partir d’expériences visuellement convaincantes.
Les animations ont été révisées et mises à jour pour cette édition, qui comporte
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Kenneth Murphy
Paul Travers
Mark Walport
PowerPoint est soit une marque commerciale déposée ou une marque commerciale de Microsoft
Corporation aux États-Unis et/ou dans d’autres pays.
Classwire est une marque commerciale de Chalkfree, Inc.
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Remerciements
Nous souhaitons remercier les experts suivants qui ont lu des parties ou l’en- St. Louis; Hans-Georg Rammensee, University of Tubingen, Germany; John
tièreté des chapitres de la sixième et de la septième édition et qui nous ont Trowsdale, University of Cambridge; Emil Unanue, Washington University
fourni de précieux conseils pour cette nouvelle édition. School of Medicine, St. Louis.
Chapitre 1 : Hans Acha-Orbea, Université de Lausanne; Leslie Berg, Chapitre 6 : Leslie Berg, University of Massachusetts Medical Center; John
University of Massachusetts Medical Center; Michael Cancro, University Cambier, University of Colorado Health Sciences Center; Doreen Cantrell,
of Pennsylvania; Elizabeth Godrick, Boston University; Michael Gold, University of Dundee, UK; Andy Chan, Genentech, Inc.; Gary Koretzky,
University of British Columbia; Harris Goldstein, Albert Einstein College University of Pennsylvania School of Medicine; Gabriel Nunez, University of
of Medicine; Kenneth Hunter, University of Nevada, Reno; Derek McKay, Michigan Medical School; Anton van der Merwe, University of Oxford; Andre
McMaster University; Eleanor Metcalf, Uniformed Services University of the Veillette, Institut de Recherches Cliniques de Montréal; Art Weiss, University of
Health Sciences, Maryland; Carol Reiss, New York University; Maria Marluce California, San Francisco.
dos Santos Vilela, State University of Campinas Medical School, Brazil;
Chapitre 7 : Avinash Bhandoola, University of Pennsylvania; B.J. Fowlkes,
Heather Zwickey, National College of Natural Medicine, Oregon.
National Institutes of Health, US; Richard Hardy, Fox Chase Cancer Center,
Chapitre 2 : Alan Aderem, Institute for Systems Biology, Washington; Philadelphia; Kris Hogquist, University of Minnesota; John Kearney, The
John Atkinson, Washington University School of Medicine, St. Louis; University of Alabama, Birmingham; Dan Littman, New York University School
Marco Colonna, Washington University School of Medicine, St. Louis; of Medicine; John Monroe, University of Pennsylvania Medical School; David
Jason Cyster, University of California, San Francisco; John Kearney, The Raulet, University of California, Berkeley; Ellen Robey, University of California,
University of Alabama, Birmingham; Lewis Lanier, University of California, Berkeley; Harinder Singh, University of Chicago; Barry Sleckman, Washington
San Francisco; Ruslan Medzhitov, Yale University School of Medicine; University School of Medicine, St. Louis; Brigitta Stockinger, National Institute
Alessandro Moretta, University of Genova, Italy; Gabriel Nunez, University for Medical Research, London; Paulo Vieira, Institut Pasteur, Paris; Harald
of Michigan Medical School; Kenneth Reid, University of Oxford; Robert von Boehmer, Harvard Medical School; Rose Zamoyska, National Institute for
Schreiber, Washington University School of Medicine, St. Louis; Caetano Medical Research, London.
Reis e Sousa, Cancer Research UK; Andrea Tenner, University of California,
Irvine; Eric Vivier, Université de la Méditerranée Campus de Luminy; Wayne Chapitre 8 : Rafi Ahmed, Emory University School of Medicine; Michael
Yokoyama, Washington University School of Medicine, St. Louis. Bevan, University of Washington; Frank Carbone, University of Melbourne,
Victoria; Bill Heath, University of Melbourne, Victoria; Tim Ley, Washington
Chapitre 3 : David Davies, NIDDK, National Institutes of Health, US; University School of Medicine, St. Louis; Anne O’Garra, The National Institute
K. Christopher Garcia, Stanford University; David Fremont, Washington for Medical Research, London; Steve Reiner, University of Pennsylvania School
University School of Medicine; Bernard Malissen, Centre d’Immunologie of Medicine; Robert Schreiber, Washington University School of Medicine,
Marseille-Luminy; Ellis Reinherz, Harvard Medical School; Roy Marriuzza, St. Louis; Casey Weaver, The University of Alabama, Birmingham; Marco
University of Maryland Biotechnology Institute; Robyn Stanfield, The Scripps Colonna, Washington University School of Medicine, St. Louis.
Research Institute; Ian Wilson, The Scripps Research Institute.
Chapitre 9 : Michael Cancro, University of Pennsylvania; Robert H. Carter, The
Chapitre 4 : Fred Alt, Harvard Medical School; David Davies, NIDDK, National University of Alabama, Birmingham; John Kearney, The University of Alabama,
Institutes of Health, US; Amy Kenter, University of Illinois, Chicago; Michael Birmingham; Garnett Kelsoe, Duke University; Michael Neuberger, University
Lieber, University of Southern California; John Manis, Harvard Medical School; of Cambridge.
Michael Neuberger, University of Cambridge; David Schatz, Yale University
School of Medicine; Barry Sleckman, Washington University School of Chapitre 10-11 : Rafi Ahmed, Emory University School of Medicine; Charles
Medicine, St. Louis. Bangham, Imperial College, London; Jason Cyster, University of California,
San Francisco; David Gray, The University of Edinburgh; Dragana Jankovic,
Chapitre 5 : Paul Allen, Washington University School of Medicine, St. Louis;
National Insitutes of Health; Michael Lamm, Case Western University; Antonio
Siamak Bahram, Centre de Recherche d’Immunologie et d’Hematologie;
Lanzavecchia, Institute for Research in Biomedicine, Switzerland; Sara
Michael Bevan, University of Washington; Peter Cresswell, Yale University
Marshall, Imperial College, London; Allan Mowat, University of Glasgow;
School of Medicine; David Fremont, Washington University School of Medicine,
Gabriel Nunez, University of Michigan Medical School; Michael Oldstone, The
St. Louis; K. Christopher Garcia, Stanford University; Ted Hansen, Washington
Scripps Research Insitute; Michael Russell, SUNY, Buffalo; Federica Sallusto,
University School of Medicine, St. Louis; Jim Kaufman, Institute for Animal
Institute for Research in Biomedicine, Switzerland; Philippe Sansonetti, Institut
Health, UK; Philippa Marrack, National Jewish Medical and Research Center,
Pasteur, Paris; Alan Sher, National Institutes of Health, US.
University of Colorado Health Sciences Center, Denver; Jim McCluskey,
University of Melbourne, Victoria; Jacques Neefjes, The Netherlands Cancer Chapitre 12 : Mary Collins, University College, London; Alain Fischer,
Institute, Amsterdam; Chris Nelson, Washington University School of Medicine, Groupe Hospitalier Necker-Enfants-Malades, Paris; Raif Geha, Harvard
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Sommaire
Partie I Concepts de base 1-20 Les cellules T CD4 et CD8 reconnaissent des peptides liés à deux
classes différentes de molécules du CMH. 32
en immunologie 1-21 Les déficiences du système immunitaire entraînent une sensibilité
accrue aux infections. 34
Chapitre 1 Les concepts de base en immunologie 1 1-22 La compréhension des réponses immunitaires adaptatives
est importante pour le contrôle des allergies, des maladies
Principes de l’immunité naturelle et adaptative. 3 auto-immunes et des rejets de greffe. 35
1-1 Les fonctions du système immunitaire. 3 1-23 La vaccination est le moyen le plus efficace de contrôler les maladies
infectieuses. 36
1-2 Les cellules du système immunitaire dérivent de précurseurs présents
dans la moelle osseuse. 5 Résumé. 37
1-3 La lignée myéloïde comprend la plupart des cellules Résumé du Chapitre 1. 37
du système immunitaire inné. 5
1-4 La lignée lymphoïde comprend les lymphocytes du système immunitaire
adaptatif et les cellules NK de l’immunité innée. 8 Chapitre 2 L’immunité innée 39
1-5 Les lymphocytes viennent à maturité dans la moelle osseuse ou dans
La ligne de front des défenses de l’hôte. 40
le thymus et se concentrent ensuite dans les tissus lymphoïdes
répartis dans tout l’organisme. 9 2-1 Les maladies infectieuses sont dues à différents agents vivants qui se
1-6 La plupart des agents infectieux activent le système immunitaire répliquent dans leur hôte. 41
inné et induisent une réponse inflammatoire. 10 2-2 Les agents infectieux doivent déborder les défenses naturelles de
1-7 L’activation des cellules spécialisées dans la présentation antigénique l’hôte pour établir un foyer infectieux. 44
est une première étape nécessaire à l’induction 2-3 Les surfaces épithéliales du corps constituent les premières lignes de
de l’immunité adaptative. 12 défense contre l’infection. 46
1-8 Le système immunitaire inné permet une première distinction entre 2-4 Après être entrés dans les tissus, de nombreux pathogènes sont
le soi et le non-soi. 13 reconnus, ingérés et tués par les phagocytes. 48
1-9 Les lymphocytes activés par un antigène donnent naissance à des 2-5 La reconnaissance de l’agent pathogène et la lésion tissulaire
clones de cellules effectrices spécifiques qui assurent l’immunité déclenchent la réaction inflammatoire. 50
adaptative. 13 Résumé. 52
1-10 La sélection clonale des lymphocytes est le principe central
de l’immunité adaptative. 14 La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système
1-11 La structure de la molécule d’anticorps illustre le point central immunitaire inné. 53
de l’immunité adaptative. 15 2-6 Les récepteurs spécifiques de molécules des pathogènes
1-12 Chaque lymphocyte en développement produit un récepteur reconnaissent des motifs structuraux répétés. 54
antigénique unique par réarrangement de segments géniques 2-7 Les récepteurs de type Toll sont des récepteurs de signalisation qui
codant son récepteur. 16 distinguent différents types de pathogènes et contribuent au choix
1-13 Les immunoglobulines lient une large variété de structures d’une réponse immunitaire appropriée. 56
chimiques, alors que le récepteur des cellules T est spécialisé dans 2-8 Les effets du lipopolysaccharide bactérien sur les macrophages sont
la reconnaissance des antigènes étrangers présentés sous forme de induits par la liaison de CD14 au récepteur TLR-4. 57
peptides par des protéines du complexe majeur d’histocompatibilité. 17
2-9 Les protéines NOD agissent comme des détecteurs intracellulaires
1-14 Le développement et la survie des lymphocytes sont déterminés par d’infection bactérienne. 58
des signaux transmis par leurs récepteurs antigéniques. 18
2-10 L’activation des récepteurs de type Toll et des protéines NOD
1-15 Les lymphocytes rencontrent leur antigène et y répondent dans les déclenche la production de cytokines pro-inflammatoires et de
organes lymphoïdes périphériques. 18 chimiokines ainsi que l’expression de molécules costimulatrices. 58
1-16 L’interaction avec d’autres cellules ainsi qu’avec l’antigène est Résumé. 59
nécessaire pour l’activation d’un lymphocyte. 23
1-17 Activés par un antigène, les lymphocytes prolifèrent dans les organes Le système du complément et l’immunité innée. 61
lymphoïdes périphériques, générant des cellules effectrices et la
mémoire immunitaire. 23 2-11 Le complément est un système de protéines plasmatiques qui est
activé par la présence de pathogènes. 61
Résumé. 27
2-12 Le complément interagit avec les pathogènes et les marque en vue
de leur destruction par les phagocytes. 62
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative. 27
2-13 La voie classique est déclenchée par l’activation du complexe C1. 64
1-18 Les anticorps se chargent des formes extracellulaires des pathogènes
et de leurs produits toxiques. 28 2-14 La voie des lectines est homologue à la voie classique. 65
1-19 Les cellules T sont nécessaires au contrôle intracellulaire 2-15 L’activation du complément est confinée à la surface sur laquelle elle
des pathogènes et pour activer la réponse des cellules B a été déclenchée. 67
à la plupart des antigènes. 30 2-16 L’hydrolyse de C3 déclenche la voie alternative du complément. 69
xiii
2-17 Des protéines membranaires et plasmatiques qui régulent la 3-5 Les domaines d’une molécule d’immunoglobuline ont des structures
formation et la stabilité des C3 convertases déterminent l’amplitude similaires. 116
de l’activation du complément dans diverses circonstances. 69 Résumé. 118
2-18 La C3 convertase liée à une surface de pathogène y dépose un grand
nombre de fragments C3b et génère l’activité de la C5 convertase. 73 L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène
2-19 Les phagocytes reconnaissent et ingèrent par des récepteurs spécifique. 118
spécifiques les pathogènes couverts de composants du complément. 73 3-6 Des séquences hypervariables forment le site de liaison à
2-20 Les petits fragments de certaines protéines du complément peuvent l’antigène. 118
déclencher une réponse inflammatoire locale. 75 3-7 Les anticorps lient les antigènes par les acides aminés des CDR,
2-21 Les protéines finales du complément polymérisent pour former des mais les détails du mode de liaison dépendent de la taille et de la
pores dans les membranes, ce qui peut tuer certains pathogènes. 75 forme de l’antigène. 119
2-22 Des protéines de régulation contrôlent les trois voies d’activation et 3-8 Les anticorps se lient à des structures de conformation particulière
protègent ainsi l’hôte des effets destructeurs du complément. 78 situées à la surface des antigènes. 120
Résumé. 81 3-9 Diverses forces interviennent dans la liaison de l’antigène à son
anticorps. 121
Les réponses innées induites contre une infection. 82 Résumé. 122
2-23 Les macrophages activés sécrètent une série de cytokines qui
exercent divers effets locaux et à distance. 83 La reconnaissance de l’antigène par les cellules T. 123
2-24 Des chimiokines libérées par les phagocytes et les cellules 3-10 Le récepteur des cellules T est très semblable au fragment Fab des
dendritiques recrutent des cellules dans les foyers infectieux. 83 immunoglobulines. 123
2-25 Des molécules d’adhérence cellulaire contrôlent les interactions 3-11 Le récepteur des cellules T reconnaît l’antigène sous la forme d’un
entre les leucocytes et les cellules endothéliales pendant la réaction complexe d’un peptide étranger lié à une molécule du CMH. 125
inflammatoire. 87 3-12 Il existe deux classes de molécules du CMH avec une composition
2-26 Les neutrophiles constituent la première vague de cellules qui de sous-unités distinctes mais des structures tridimensionnelles
traversent la paroi des vaisseaux sanguins pour gagner les sites similaires. 126
de l’inflammation. 88 3-13 Les peptides sont liés de façon stable aux molécules du CMH et
2-27 Le TNF-α est une cytokine importante qui limite localement l’infection, servent aussi à stabiliser la molécule du CMH à la surface
mais induit un état de choc quand il est libéré de manière cellulaire. 128
systémique. 90 3-14 Les molécules du CMH de classe I lient les deux extrémités de petits
2-28 Les cytokines libérées par les macrophages activent la réponse de peptides de 8–10 acides aminés. 129
phase aiguë. 92 3-15 La longueur des peptides liés par les molécules du CMH de classe II
2-29 Les interférons induits par une infection virale apportent plusieurs n’est pas imposée. 130
contributions à la défense de l’hôte. 94 3-16 Les structures cristallines de plusieurs complexes
2-30 Les cellules NK sont activées par les interférons et les cytokines peptide:CMH:récepteur de cellule T montrent la même orientation
produites par les macrophages pour contribuer à la défense précoce du récepteur T sur le complexe CMH:peptide. 132
contre certaines infections intracellulaires. 95 3-17 Les protéines de surface, CD4 et CD8, des cellules T sont requises
2-31 Les cellules NK ont des récepteurs de molécules du soi qui empêchent pour répondre de manière adéquate à l’antigène. 133
leur activation par des cellules non infectées. 96 3-18 Les deux classes de molécules du CMH sont exprimées sur les
2-32 Les cellules NK portent des récepteurs qui activent la fonction lytique cellules de manière différente. 135
en réponse à des ligands exprimés sur des cellules infectées ou des 3-19 Une sous-population distincte de cellules T porte un autre récepteur
cellules tumorales. 99 constitué des chaînes γ et δ. 137
2-33 Le récepteur NKG2D active une voie de signalisation Résumé. 137
différente de celle des autres récepteurs activateurs NK. 100
Résumé du Chapitre 3. 138
2-34 Plusieurs sous-populations lymphocytaires se comportent comme si
elles appartenaient au système immunitaire inné. 100
Résumé. 103
Résumé du Chapitre 2. 103
Chapitre 4 La génération des récepteurs lymphocytaires
d’antigène 143
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines. 144
Partie II La reconnaissance 4-1 Les gènes d’immunoglobulines sont réarrangés dans les cellules
des antigènes productrices d’anticorps. 144
4-2 Des gènes complets qui codent une région variable sont générés par
recombinaison somatique de segments géniques séparés. 145
Chapitre 3 La reconnaissance des antigènes par les 4-3 De multiples segments géniques V contigus sont présents dans
récepteurs des cellules B et des cellules T 111 chaque locus d’immunoglobuline. 146
4-4 Le réarrangement des segments géniques V, D et J est guidé par des
La structure moléculaire typique d’un anticorps. 112 séquences d’ADN adjacentes. 148
3-1 Les anticorps IgG sont constitués de quatre chaînes polypeptidiques. 113 4-5 La réaction qui recombine des segments géniques V, D et J requiert
3-2 Les chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines sont composées des enzymes spécifiques des lymphocytes et des enzymes ubiquitaires
de régions variables et constantes. 113 modificateurs de l’ADN. 150
3-3 La molécule d’anticorps peut être facilement clivée en fragments 4-6 La diversité du répertoire des immunoglobulines est générée par
fonctionnels distincts. 114 quatre processus principaux. 153
3-4 La molécule d’immunoglobuline est flexible, spécialement dans sa région 4-7 Les multiples segments géniques hérités entrent dans différentes
charnière. 115 combinaisons. 153
xiv
4-8 L’addition et la soustraction variables de nucléotides aux jonctions 5-8 La chaîne invariante dirige des molécules du CMH de classe II
entre segments géniques contribuent à la diversité de la troisième nouvellement synthétisées vers des vésicules intracellulaires
région hypervariable. 154 acidifiées. 192
Résumé. 155 5-9 Une molécule spécialisée semblable à une molécule du CMH de classe II
catalyse le chargement des peptides sur les molécules de classe II. 193
Réarrangement génique du récepteur de cellule T. 155 5-10 Une liaison stable des peptides aux molécules du CMH permet une
4-9 Les segments géniques des récepteurs de cellule T sont disposés de présentation efficace des antigènes à la surface cellulaire. 194
la même manière que les segments géniques des immunoglobulines Résumé. 195
et sont réarrangés par les mêmes enzymes. 156
4-10 Les récepteurs des cellules T concentrent leur diversité dans la Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions. 196
troisième région hypervariable. 157 5-11 De nombreuses protéines impliquées dans l’apprêtement et la
4-11 Les récepteurs des cellules T γ:δ sont aussi générés par réarrangement présentation de l’antigène sont codées par des gènes situés dans le
génique. 158 complexe majeur d’histocompatibilité. 197
Résumé. 159 5-12 Les produits protéiques des gènes du CMH des classes I et II sont
très polymorphes. 199
La diversité structurale des régions constantes 5-13 Le polymorphisme du CMH affecte la reconnaissance de l’antigène
d’immunoglobulines. 160 par les cellules T en influençant la liaison du peptide et les contacts
4-12 Les différentes classes d’immunoglobulines se distinguent par la entre le récepteur de cellule T et la molécule du CMH. 201
structure de la région constante de leurs chaînes lourdes. 160 5-14 Les cellules T qui reconnaissent des molécules de CMH étranger
4-13 Les régions constantes confèrent une spécialisation fonctionnelle aux sont très nombreuses. 204
anticorps. 161 5-15 De nombreuses cellules T répondent aux superantigènes. 206
4-14 Les cellules B matures et naïves expriment l’IgM et l’IgD à leur 5-16 Le polymorphisme du CMH élargit la gamme d’antigènes auxquels le
surface. 163 système immunitaire peut répondre. 207
4-15 Les formes transmembranaire et sécrétée des immunoglobulines sont 5-17 Divers gènes du CMH sont impliqués dans des fonctions immunitaires
générées à partir de transcrits alternatifs des chaînes lourdes. 163 spécialisées. 208
4-16 Les IgM et les IgA forment des polymères. 164 5-18 Des molécules spécialisées du CMH de classe I agissent comme
Résumé. 166 ligands activateurs ou inhibiteurs des cellules NK. 209
5-19 La famille CD1 des molécules de type CMH de classe I est codée
Diversification secondaire du répertoire des anticorps. 167 en dehors du CMH et présente des lipides microbiens à des
cellules T restreintes à CD1. 211
4-17 La cytidine désaminase induite par activation introduit des mutations
Résumé. 212
dans les gènes transcrits par les cellules B. 168
Résumé du Chapitre 5. 212
4-18 L’hypermutation somatique diversifie davantage les gènes réarrangés
de la région V. 169
4-19 Dans certaines espèces, la diversification des gènes
d’immunoglobulines se produit principalement après le Partie III le développement
réarrangement génique. 171 des répertoires de récepteurs
4-20 La commutation de classe permet au même exon VH assemblé d’être des lymphocytes matures
associé à différents gènes CH au cours d’une réponse immunitaire. 171
Résumé. 175
Résumé du Chapitre 4. 175
Chapitre 6 Signalisation par les récepteurs du système
immunitaire 219
Principes généraux de la transduction du signal. 220
Chapitre 5 La présentation des antigènes aux
6-1 Les récepteurs transmembranaires convertissent les signaux
lymphocytes T 181 extracellulaires en événements biochimiques intracellulaires. 220
La génération des ligands des récepteurs de cellule T. 182 6-2 La transduction intracellulaire du signal passe souvent par de grands
complexes multiprotéiques. 221
5-1 Les molécules du CMH de classe I et de classe II apportent des
peptides à la surface cellulaire à partir de deux compartiments 6-3 L’activation de certains récepteurs génère de petites molécules
intracellulaires. 182 servant de messagers secondaires. 222
5-2 Les peptides liés par les molécules du CMH de classe I sont 6-4 De petites protéines G agissent comme des commutateurs
transportés activement du cytosol vers le réticulum endoplasmique. 183 moléculaires dans de nombreuses voies de signalisation. 224
5-3 Les peptides transportés dans le réticulum endoplasmique sont 6-5 Les protéines de signalisation sont recrutées à la membrane par
produits dans le cytosol. 184 divers mécanismes. 224
5-4 Un transport rétrograde du réticulum endoplasmique vers le cytosol 6-6 Les protéines de transduction du signal sont organisées dans la
permet aux protéines exogènes d’être apprêtées pour une présentation membrane plasmique en structures appelées radeaux lipidiques. 225
croisée par des molécules du CMH de classe I. 186 6-7 La dégradation protéique joue un rôle important dans l’arrêt des
5-5 Les molécules du CMH de classe I nouvellement synthétisées sont réactions de signalisation. 226
retenues dans le réticulum endoplasmique jusqu’à ce qu’elles lient un Résumé. 227
peptide. 187
5-6 De nombreux virus produisent des immunoévasines qui interfèrent Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation
avec la présentation antigénique des molécules du CMH lymphocytaire. 227
de classe I. 189
6-8 Les chaînes variables des récepteurs d’antigène sont associées
5-7 Les peptides présentés par les molécules du CMH de classe II sont à des chaînes accessoires invariantes qui exercent la fonction de
produits dans des vésicules endocytaires acidifiées. 190 signalisation du récepteur. 228
xv
6-9 Les lymphocytes sont extrêmement sensibles à leur antigène Résumé. 272
spécifique. 229
6-10 La liaison de l’antigène entraîne la phosphorylation des séquences Le développement des cellules T dans le thymus. 273
ITAM associées au récepteur d’antigène. 231 7-7 Les progéniteurs des cellules T proviennent de la moelle osseuse,
6-11 Dans les cellules T, des ITAM complètement phosphorylés lient la mais tous les événements importants se déroulent dans le thymus. 274
kinase ZAP-70 et permettent son activation. 233 7-8 Les précurseurs des cellules T prolifèrent fortement dans le thymus,
6-12 ZAP-70 activée phosphoryle des protéines échafaudage qui exercent mais la plupart meurent. 275
en aval de nombreux effets de la signalisation du récepteur 7-9 Les stades successifs du développement des thymocytes se
d’antigène. 233 caractérisent par des changements de molécules à la surface
6-13 La PLC-γ est activée par des tyrosine kinases Tec. 234 cellulaire. 277
6-14 L’activation de la petite protéine G Ras active une cascade MAP 7-10 Les thymocytes se situent en fonction de leur stade de développement
kinase, aboutissant à la production du facteur de transcription AP-1. 235 dans des zones différentes du thymus. 279
6-15 The facteur de transcription NFAT est activé indirectement par le Ca2+. 236 7-11 Les cellules T pourvues de récepteurs α:β ou γ:δ proviennent d’un
6-16 Le facteur de transcription NFκB est activé par la protéine kinase C. 237 progéniteur commun. 280
6-17 La signalisation des récepteurs des cellules B et T repose sur des 7-12 Les cellules T exprimant des régions V particulières des chaînes γ
principes communs, mais quelques éléments sont propres aux et δ surviennent selon une séquence ordonnée tôt dans la vie. 282
cellules B. 239 7-13 La synthèse réussie d’une chaîne β réarrangée permet la production
6-18 D’autres récepteurs leucocytaires qui interviennent dans l’activation d’un récepteur de cellule pré-T qui déclenche la prolifération cellulaire
cellulaire contiennent des ITAM. 240 et bloque un réarrangement supplémentaire de gène de chaîne β. 283
6-19 La protéine de surface cellulaire CD28 est un récepteur costimulateur 7-14 Les gènes de la chaîne α des cellules T subissent des réarrangements
de cellule T naïve. 240 successifs jusqu’à ce qu’une sélection positive ou la mort cellulaire
intervienne. 286
6-20 Des récepteurs inhibiteurs sur les lymphocytes contribuent à réguler
les réponses immunitaires. 242 Résumé. 288
Résumé. 244
Sélection positive et négative des cellules T. 288
Autres récepteurs et voies de signalisation. 244 7-15 Le type de CMH du stroma thymique sélectionne un répertoire de
cellules T matures qui peuvent reconnaître des antigènes étrangers
6-21 Des cytokines activent typiquement des voies de signalisation rapide
présentés par le même type de CMH. 289
qui aboutissent au noyau. 245
7-16 Seuls les thymocytes dont les récepteurs interagissent avec un
6-22 Les récepteurs de cytokine forment des dimères ou des trimères
complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent survivre et atteindre
lorsqu’ils interagissent avec leur ligand. 245
la maturité. 290
6-23 Des récepteurs de cytokine sont associés à la famille de tyrosine
7-17 La sélection positive agit sur un répertoire de récepteurs de cellules T
kinases JAK, qui activent les facteurs de transcription STAT. 245
dotés d’une spécificité inhérente pour les molécules du CMH. 291
6-24 La signalisation par les cytokines est arrêtée par un mécanisme de
7-18 La sélection positive coordonne l’expression de CD4 et CD8 avec
rétroaction négative. 246
la spécificité du récepteur de la cellule T et les fonctions effectrices
6-25 Les récepteurs qui induisent l’apoptose activent des protéases potentielles de la cellule. 292
spécialisées intracellulaires appelées caspases. 247
7-19 Les cellules épithéliales du cortex thymique permettent la sélection
6-26 La voie intrinsèque de l’apoptose dépend de la libération du positive des thymocytes en développement. 293
cytochrome c des mitochondries. 249
7-20 Les cellules T qui réagissent fortement avec des antigènes
6-27 Les microbes et leurs produits activent NFκB par l’intermédiaire des ubiquitaires du soi sont éliminées dans le thymus. 294
récepteurs de type Toll. 249
7-21 Pour la sélection négative, ce sont les cellules présentatrices
6-28 Des peptides bactériens, des médiateurs des réactions inflammatoires d’antigène provenant de la moelle osseuse qui sont les
et des chimiokines se lient à des récepteurs couplés aux protéines G. 251 plus efficaces. 296
Résumé. 253 7-22 La spécificité et / ou la force des signaux pour la sélection négative ou
Résumé du Chapitre 6. 253 positive doivent être différentes. 297
Résumé. 298
Chapitre 7 Le développement et la survie des Survie et maturation des lymphocytes dans les organes
lymphocytes 257 lymphoïdes périphériques. 299
7-23 Différentes sous-populations se trouvent dans des zones
Développement des lymphocytes B. 259 particulières des tissus lymphoïdes périphériques. 299
7-1 Les lymphocytes dérivent des cellules souches hématopoïétiques 7-24 Le développement et l’organisation des tissus lymphoïdes
dans la moelle osseuse. 259 périphériques sont contrôlés par des protéines de la famille du
7-2 Le développement des cellules B commence par le réarrangement du facteur de nécrose tumorale. 300
locus de la chaîne lourde. 262 7-25 La localisation des lymphocytes dans des régions spécifiques des
7-3 Le récepteur de la cellule pré-B témoigne de la production réussie tissus lymphoïdes périphériques est assurée par des chimiokines. 302
d’une chaîne lourde complète et donne le signal de prolifération 7-26 Des lymphocytes qui rencontrent des quantités suffisantes
aux cellules pro-B. 264 d’autoantigènes pour la première fois en périphérie sont éliminés ou
7-4 La signalisation par le récepteur de la cellule pré-B inhibe la inactivés. 303
poursuite du réarrangement du locus de la chaîne lourde et impose 7-27 La plupart des cellules B immatures qui arrivent dans la rate ont une
une exclusion allélique. 266 vie courte, leur maturation et survie nécessitant des cytokines et
7-5 Les cellules pré-B réarrangent le locus des chaînes légères et des signaux positifs transmis par le récepteur d’antigène. 304
expriment des immunoglobulines de surface. 266 7-28 Les cellules B-1 et les cellules B de la zone marginale sont des
7-6 Avant de quitter la moelle osseuse, les cellules B immatures sont sous-types distincts de cellules B avec des spécificités antigéniques
soumises au test d’autoréactivité. 268 uniques. 306
xvi
7-29 L’homéostasie des cellules T en périphérie est régulée par des 8-16 Les cellules T qui prolifèrent et se différencient deviennent effectrices
cytokines et des interactions avec le CMH du soi. 307 et ne requièrent plus de costimulation pour agir. 349
Résumé. 307 8-17 Les cellules T se différencient en plusieurs sous-populations
effectrices fonctionnellement différentes. 349
Les tumeurs lymphoïdes. 308 8-18 Les cellules T CD8 peuvent être activées de différentes manières
7-30 Les tumeurs des cellules B occupent souvent le même site que leurs pour devenir des cellules effectrices cytotoxiques. 352
homologues normaux. 308 8-19 Diverses formes du signal 3 induisent la différenciation des cellules T
7-31 Les tumeurs de cellules T aux stades intermédiaires de leur CD4 naïves dans des voies effectrices distinctes. 352
développement sont rares. 311 8-20 Les cellules T CD4 régulatrices sont impliquées dans le contrôle des
7-32 Les lymphomes B comportent fréquemment des translocations réponses immunitaires adaptatives. 354
chromosomiques qui joignent des locus d’immunoglobulines à Résumé. 356
des gènes qui régulent la croissance cellulaire. 312
Résumé. 313 Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs
Résumé du Chapitre 7. 313 cytokines. 356
8-21 L’interaction des cellules T effectrices avec leurs cellules cibles
commence par l’intervention non spécifique de molécules
d’adhérence cellulaire. 357
Partie IV La réponse immunitaire
8-22 La liaison du complexe du récepteur de cellule T oriente la libération
adaptative des molécules effectrices en les concentrant sur la cellule cible. 357
8-23 Les fonctions effectrices des cellules T dépendent des diverses
Chapitre 8 L’immunité dépendant des cellules T 323 molécules effectrices qu’elles produisent. 358
8-24 Les cytokines peuvent agir localement ou à distance. 359
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices 8-25 Les cytokines et leurs récepteurs se répartissent en familles de
d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques. 325 protéines de structure apparentée. 361
8-1 Les cellules T naïves migrent à travers les tissus lymphoïdes 8-26 Les cytokines de la famille du TNF sont des protéines trimériques
périphériques afin de détecter des complexes peptide:CMH à la habituellement associées à la surface cellulaire. 362
surface des cellules dendritiques. 325 Résumé. 363
8-2 L’entrée des lymphocytes dans un tissu lymphoïde dépend de
chimiokines et de molécules d’adhérence. 326 La cytotoxicité des cellules T. 364
8-3 L’activation des intégrines par des chimiokines est responsable de
8-27 Les cellules T cytotoxiques peuvent induire la mort programmée
l’entrée des cellules T naïves dans les ganglions lymphatiques. 327
des cellules cibles. 364
8-4 Les réponses des cellules T sont induites dans les organes
8-28 Les granules des cellules T CD8 cytotoxiques contiennent des
lymphoïdes périphériques par des cellules dendritiques activées. 331
protéines effectrices qui déclenchent l’apoptose. 365
8-5 On distingue deux classes de cellules dendritique différentes sur le
8-29 Les cellules T cytotoxiques sont sélectives et se comportent comme
plan fonctionnel. 332
des tueurs en série des cibles exprimant un antigène spécifique. 367
8-6 Les cellules dendritiques apprêtent des antigènes provenant d’une
8-30 Les cellules T cytotoxiques agissent aussi en libérant des cytokines. 368
grande variété de pathogènes. 334
Résumé. 368
8-7 En stimulant les TLR des cellules dendritiques immatures, les
pathogènes déclenchent leur migration dans les organes lymphoïdes
et amplifient l’apprêtement des antigènes. 336 L’activation des macrophages par les cellules TH1. 368
8-8 Les cellules dendritiques plasmacytoïdes détectent des infections 8-31 Les cellules TH1 jouent un rôle primordial dans l’activation des
virales et produisent en abondance des interférons de type I et des macrophages. 369
cytokines pro-inflammatoires. 338 8-32 L’activation des macrophages par les cellules TH1 favorise la lyse
8-9 Des pathogènes rendent les macrophages, destinés à l’élimination microbienne et doit être strictement régulée afin d’éviter les
des déchets, capables de présenter des antigènes étrangers aux dommages tissulaires. 370
cellules T naïves. 339 8-33 Les cellules TH1 coordonnent la réponse aux pathogènes
8-10 Les cellules B présentent de manière très efficace les antigènes intracellulaires. 371
qu’elles ont captés par leurs immunoglobulines de surface. 340 Résumé. 372
Résumé. 342 Résumé du Chapitre 8. 372
9-5 Les cellules B qui ont lié un antigène par leur récepteur spécifique 10-2 Les réponses non spécifiques de l’immunité innée sont nécessaires
sont piégées dans les zones de cellules T des tissus lymphoïdes au déclenchement d’une réponse immunitaire adaptative. 425
secondaires. 386 10-3 Des cytokines produites au cours de la phase la plus précoce d’une
9-6 Les plasmocytes sécréteurs d’anticorps se différencient à partir des infection influencent la différenciation des cellules T CD4 vers la
cellules B activées. 387 sous-population TH17. 426
9-7 La seconde phase d’une réponse immunitaire primaire des cellules B 10-4 Les cytokines produites durant les stades plus tardifs d’une infection
survient lorsque les cellules B activées migrent dans les follicules et orientent la différenciation des cellules T CD4 vers un statut TH1
prolifèrent pour former des centres germinatifs. 388 ou TH2. 427
9-8 Les cellules B du centre germinatif sont soumises à un processus 10-5 Les différentes sous-populations de cellules T CD4 peuvent réguler
d’hypermutation somatique de leur région V, et les cellules B mutées la différenciation de chacune des autres. 430
dont l’affinité pour l’antigène est augmentée sont sélectionnées. 390 10-6 Les cellules T effectrices sont guidées dans les foyers infectieux par des
9-9 La commutation de classe au cours des réponses à anticorps chimiokines et des molécules d’adhérence nouvellement exprimées. 432
thymodépendantes requiert l’expression du ligand de CD40 par la 10-7 Les cellules T effectrices différenciées ne constituent pas une population
cellule T auxiliaire et est orientée par des cytokines. 392 statique mais elles continuent à répondre aux signaux pendant qu’elles
9-10 La liaison du récepteur de la cellule B, de CD40 et un contact direct exercent leurs fonctions effectrices. 434
avec la cellule T sont indispensables à la survie des cellules B du 10-8 Les réponses primaires des cellules T CD8 aux pathogènes peuvent
centre germinatif. 394 avoir lieu en absence d’aide CD4. 435
9-11 Les cellules B des centres germinatifs qui ont survécu se différencient 10-9 Les réponses à anticorps se développent dans les tissus lymphoïdes
soit en plasmocytes soit en cellules mémoire. 395 sous la direction des cellules T auxiliaires CD4. 437
9-12 Les réponses des cellules B à des antigènes bactériens 10-10 Les réponses à anticorps se prolongent dans les cordons médullaires
intrinsèquement capables d’activer des cellules B ne requièrent et dans la moelle osseuse. 439
pas l’aide de cellule T. 396
10-11 Les mécanismes effecteurs utilisés pour éliminer une infection varient
9-13 Les réponses des cellules B aux polysaccharides bactériens n’ont pas selon l’agent en cause. 439
besoin de l’aide des cellules T auxiliaires spécifiques de peptide. 397
10-12 La guérison d’une infection s’accompagne de la mort de la plupart
Résumé. 399 des cellules effectrices et de la production de cellules mémoire. 441
Résumé. 441
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines. 400
9-14 Les diverses classes d’anticorps se distinguent par leur distribution La mémoire immunologique. 442
dans l’organisme, par leurs effets biologiques et leurs fonctions. 400 10-13 La mémoire immunologique persiste longtemps après l’infection
9-15 Les protéines de transport qui se lient à la partie Fc des anticorps ou la vaccination. 442
permettent à certains isotypes de traverser les barrières épithéliales. 402 10-14 Les réponses des cellules B mémoire diffèrent de celles des cellules B
9-16 Les anticorps IgG et IgA de haute affinité peuvent neutraliser les naïves sur plusieurs points. 444
toxines bactériennes. 404 10-15 À la suite d’immunisations répétées, l’affinité des anticorps augmente
9-17 Les anticorps de type IgG et IgA de haute affinité peuvent inhiber en raison de l’hypermutation somatique et de la sélection par
l’infectivité des virus. 405 l’antigène dans les centres germinatifs. 445
9-18 Les anticorps peuvent bloquer l’adhérence des bactéries aux cellules. 406 10-16 Les cellules T mémoire sont en proportion plus élevée que les
9-19 Les complexes antigène-anticorps activent la voie classique du cellules T naïves spécifiques du même antigène et ont des exigences
complément en se liant à C1q. 406 différentes en signaux d’activation et en protéines membranaires qui
les distinguent des cellules T effectrices. 446
9-20 Les récepteurs du complément sont importants pour éliminer les
complexes immuns de la circulation. 408 10-17 Les cellules T mémoire sont hétérogènes et comprennent des
sous-populations centrales ou effectrices. 449
Résumé. 409
10-18 L’aide des cellule T CD4 est requise pour les cellules T CD8
mémoire et implique la signalisation par CD40 et l’IL-2. 450
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par 10-19 Chez les individus immunisés, les réponses secondaires et
l’intermédiaire des récepteurs de Fc. 409 subséquentes sont attribuables surtout aux lymphocytes mémoire. 452
9-21 Les récepteurs de Fc des cellules accessoires sont des récepteurs de Résumé. 453
signalisation spécifiques des immunoglobulines de différent classes. 410
Résumé du Chapitre 10. 454
9-22 Les récepteurs de Fc des phagocytes sont activés par des anticorps
couvrant des pathogènes et permettent à ces cellules de les
phagocyter et de détruire ces pathogènes. 411 Chapitre 11 Le système immunitaire des muqueuses 459
9-23 Les récepteurs de Fc activent la destruction des cibles recouvertes
d’anticorps par les cellules NK. 412 L’organisation du système immunitaire des muqueuses. 459
9-24 Les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles activés lient les 11-1 Le système immunitaire des muqueuses protège les surfaces internes
anticorps de type IgE par l’intermédiaire du récepteur de Fcε de forte du corps. 459
affinité. 413
11-2 Le système immunitaire des muqueuses pourrait être le système
9-25 L’activation par les IgE des cellules accessoires joue un rôle immunitaire originel des vertébrés. 461
important dans la lutte contre les infections parasitaires. 414
11-3 Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est localisé dans des
Résumé. 415 compartiments anatomiques intestinaux bien définis. 462
Résumé du Chapitre 9. 416 11-4 L’intestin capte les antigènes par des voies et mécanismes
particuliers. 464
11-5 Le système immunitaire des muqueuses contient de nombreux
Chapitre 10 La dynamique de l’immunité adaptative 421 lymphocytes effecteurs même en absence de maladie. 466
11-6 La circulation des lymphocytes dans le système immunitaire des
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection. 422 muqueuses est contrôlée par des molécules d’adhérence propres
10-1 L’évolution d’une infection peut être divisée en plusieurs phases. 422 au tissu et par des récepteurs de chimiokine. 467
xviii
11-7 La sensibilisation des lymphocytes dans une muqueuse peut induire 12-10 Certaines déficiences en anticorps peuvent être dues à des
une immunité protectrice dans d’autres muqueuses. 469 dysfonctionnements des cellules B ou T. 512
11-8 L’IgA sécrétoire est la classe d’anticorps associée au système 12-11 Des déficiences en composants du complément altèrent la fonction
immunitaire des muqueuses. 469 immunitaire humorale. 514
11-9 Une déficience en IgA est assez fréquente chez l’homme mais 12-12 Des défauts des cellules phagocytaires permettent des infections
peut être compensée par l’IgM sécrétoire. 472 bactériennes étendues. 515
11-10 Le système immunitaire des muqueuses contient des lymphocytes T 12-13 Des anomalies dans la différenciation des cellules T sont
inhabituels. 472 responsables d’immunodéficiences combinées sévères. 517
Résumé. 475 12-14 Des défauts dans le réarrangement génique du récepteur d’antigène
aboutit au SCID. 519
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation 12-15 Des défauts dans la signalisation à partir des récepteurs d’antigène
des réponses immunitaires dans ces tissus. 476 des cellules T peuvent causer une immunodéficience grave. 520
11-11 Les pathogènes entériques causent une réaction inflammatoire 12-16 Des défauts génétiques dans la fonction thymique qui bloquent le
locale et le développement d’une immunité protectrice. 476 développement des cellules T sont responsables d’immunodéficiences
graves. 520
11-12 La conséquence d’une infection par des pathogènes intestinaux est
déterminée par des interactions complexes entre le micro-organisme 12-17 Les voies normales de protection contre les bactéries intracellulaires
et la réponse immunitaire. 478 ont été mises en évidence par l’étude des déficits génétiques touchant
l’IFN-γ, l’IL-12 ou leurs récepteurs respectifs. 522
11-13 Le système immunitaire des muqueuses confronté à un grand nombre
d’antigènes étrangers différents doit maintenir un équilibre entre 12-18 Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X est associé à des infections
immunité protectrice et homéostasie. 480 mortelles par le virus d’Epstein-Barr et au développement de
lymphomes. 523
11-14 L’intestin normal contient de grandes quantités de bactéries mais
ne s’immunise pas contre elles. 482 12-19 Des anomalies génétiques dans la voie de sécrétion cytotoxique des
lymphocytes causent une lymphoprolifération incontrôlée et des
11-15 Des réponses immunitaires complètes contre des bactéries réponses inflammatoires aux infections virales. 523
commensales causent une maladie intestinale. 485
12-20 Des déficiences génétiques peuvent être corrigées par une greffe de
11-16 Des helminthes intestinaux provoquent de fortes réponses moelle osseuse ou par thérapie génique. 525
immunitaires de type TH2. 485
12-21 Des immunodéficiences secondaires prédisposent à des infections
11-17 D’autres parasites eucaryotes suscitent une immunité protectrice mais graves pouvant être fatales. 526
aussi des affections intestinales. 488
Résumé. 527
11-18 Des cellules dendritiques dans les muqueuses favorisent l’induction
de tolérance dans les conditions physiologiques et entretiennent une Le syndrome d’immunodéficience acquise. 527
inflammation dite physiologique. 488
Résumé. 489 12-22 Au bout d’un certain temps, la plupart des infections par le VIH
aboutissent au SIDA. 528
Résumé du Chapitre 11. 490
12-23 Le VIH est un rétrovirus qui infecte les cellules T CD4, les cellules
dendritiques et les macrophages. 530
12-24 La vitesse de progression de la maladie peut varier selon le terrain
Partie V le systÈme immunitaire chez génétique. 532
l’individu sain et malade 12-25 Un déficience génétique du corécepteur CCR5 confère une résistance
à l’infection par le VIH in vivo. 532
12-26 L’ARN du VIH est transcrit par la transcriptase inverse virale en ADN
Chapitre 12 Les échecs des mécanismes de qui s’intègre dans le génome de la cellule. 534
protection 497 12-27 Le VIH ne se réplique que dans les cellules T activées. 536
Évasion et subversion des défenses immunitaires. 498 12-28 Le tissu lymphoïde est le réservoir principal du VIH. 537
12-1 Des variations antigéniques permettent aux pathogènes d’échapper 12-29 Une réponse immunitaire contrôle mais n’élimine pas le VIH. 538
au système immunitaire. 498 12-30 La perte de la fonction immunitaire causée par l’infection à VIH
12-2 Certains virus persistent in vivo en cessant de se répliquer jusqu’à prédispose aux infections opportunistes et aboutit finalement
ce que l’immunité décline. 501 à la mort. 540
12-3 Certains pathogènes résistent à la destruction par les mécanismes 12-31 Les médicaments qui bloquent la réplication du VIH diminuent
immunitaires ou exploitent ceux-ci à leur avantage. 502 rapidement la virémie et augmentent le nombre de cellules T CD4. 540
12-32 Le VIH accumule de nombreuses mutations tout au long du
12-4 Une immunosuppression ou une réponse immunitaire inappropriée
déroulement d’une infection et le traitement est suivi par l’apparition
peuvent contribuer à la persistance de la maladie. 504
de variants du virus qui résistent aux médicaments. 542
12-5 Les réponses immunitaires peuvent être directement impliquées dans
12-33 La vaccination contre le VIH est une option séduisante, mais elle
la pathogénie. 506
se heurte à de nombreuses difficultés. 543
12-6 Des cellules T régulatrices peuvent affecter l’évolution de la maladie
12-34 Par la prévention et l’éducation, on peut contrôler la propagation
infectieuse. 506
du VIH et du SIDA. 545
Résumé. 507
Résumé. 545
Résumé du Chapitre 12. 546
Les immunodéficiences. 507
12-7 Des antécédents d’infections répétées suggèrent un diagnostic
d’immunodéficience. 507 Chapitre 13 Allergie et hypersensibilité 555
12-8 Les immunodéficiences héréditaires sont causées par des gènes
récessifs défectueux. 508 Sensibilisation et production de l’IgE. 557
12-9 La conséquence principale d’une diminution des anticorps est 13-1 Les allergènes traversent souvent les muqueuses en faible quantité,
l’incapacité d’éliminer les bactéries extracellulaires. 509 une voie qui favorise la production d’IgE. 557
xix
13-2 Les enzymes induisent souvent des allergies. 558 14-4 Les lymphocytes qui lient des antigènes du soi avec une affinité
13-3 La commutation de classe vers l’IgE dans les lymphocytes B est relativement faible les ignorent habituellement, mais dans certaines
favorisée par des signaux spécifiques. 559 circonstances ils sont activés. 603
13-4 Des facteurs génétiques et environnement aux contribuent au 14-5 Des antigènes dans des sites immunologiquement privilégiés
développement de l’allergie dépendante de l’IgE. 560 n’induisent pas de réponse immunitaire, mais peuvent servir
de cibles. 605
13-5 Les cellules T régulatrices peuvent contrôler les réponses
allergiques. 565 14-6 Des cellules T autoréactives qui expriment des cytokines particulières
peuvent être non pathogènes ou supprimer des lymphocytes
Résumé. 565 pathogènes. 606
14-7 Des réponses auto-immunes peuvent être contrôlées à différents
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques. 566 stades par des cellules T régulatrices. 607
13-6 La majorité de l’IgE est fixée aux cellules et les mécanismes Résumé. 609
effecteurs qu’elle déclenche diffèrent de ceux qui sont mobilisés par
des anticorps d’un autre isotype. 567 Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes. 610
13-7 Les mastocytes sont distribués dans les tissus et sont à la base des 14-8 Des réponses immunitaires adaptives spécifiques d’autoantigènes
réactions allergiques. 567 peuvent causer une maladie auto-immune. 610
13-8 Les éosinophiles sont soumis normalement à un contrôle strict qui 14-9 Les maladies auto-immunes peuvent être classées selon la spécificité
prévient des réactions nocives. 569 de la réaction, qui peut être systémique ou limitée à un organe. 611
13-9 Les éosinophiles et les basophiles induisent une inflammation et des 14-10 Les divers modes d’action du système immunitaire sont en général
lésions tissulaires au cours des réactions allergiques. 571 impliqués dans la pathogénie des maladies auto-immunes. 612
13-10 Une réaction allergique comprend une réponse immédiate et une 14-11 Une maladie auto-immune chronique se développe par des
réponse tardive. 571 rétroactions positives de l’inflammation, l’impossibilité d’éliminer
13-11 Les manifestations cliniques des réactions allergiques varient selon l’autoantigène et l’élargissement de la réaction auto-immune. 615
le site d’activation des mastocytes. 572 14-12 Les anticorps et les cellules T effectrices peuvent causer des lésions
13-12 L’inhalation de l’allergène induit le développement de rhinite tissulaires au cours des maladies auto-immunes. 617
et d’asthme. 574 14-13 Les autoanticorps contre les cellules sanguines entraînent leur
13-13 Les allergies cutanées se manifestent sous forme d’urticaire destruction. 617
ou d’eczéma chronique. 576 14-14 La fixation du complément aux cellules, même si elle ne déclenche
13-14 Les allergies alimentaires provoquent des réactions systémiques pas de lyse, induit une réaction inflammatoire puissante. 619
ainsi que des symptômes limités à l’intestin. 577 14-15 Des autoanticorps dirigés contre des récepteurs provoquent des
13-15 La maladie cœliaque est un modèle d’immunopathologie spécifique maladies en stimulant ou en bloquant la fonction de ces récepteurs. 620
d’un antigène. 578 14-16 Les autoanticorps dirigés contre des antigènes extracellulaires
13-16 Les allergies peuvent être traitées par inhibition de la production provoquent des lésions inflammatoires par des mécanismes
des IgE ou des voies effectrices activées par le pontage des IgE analogues aux réactions d’hypersensibilités de type II et III. 621
à la surface cellulaire. 580 14-17 Les cellules T spécifiques des antigènes du soi peuvent causer des
Résumé. 583 lésions tissulaires directes et soutenir la production d’autoanticorps. 622
Résumé. 625
Les hypersensibilités. 583
13-17 Chez des individus sensibles, des antigènes inoffensifs peuvent Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité. 626
déclencher des réactions d’hypersensibilité de type II en se fixant 14-18 Les maladies auto-immunes ont une forte composante génétique. 626
à des cellules sanguines circulantes. 583 14-19 Un défaut dans un seul gène peut provoquer des
13-18 Une maladie systémique induite par la formation de complexes immuns maladies auto-immunes. 627
peut survenir après l’administration de grandes quantités d’antigènes 14-20 Plusieurs approches nous ont donné un aperçu des bases génétiques
faiblement catabolisés. 583 de l’auto-immunité. 628
13-19 Les réactions d’hypersensibilité de type retardé sont induites par les 14-21 Les gènes qui prédisposent à l’auto-immunité sont divisés
cellules TH1 et les cellules T cytotoxiques CD8+. 585 en catégories qui ont une incidence sur un ou plusieurs
13-20 Des mutations dans les molécules régulatrices de l’inflammation des mécanismes de tolérance. 631
peuvent être à l’origine d’hypersensibilités aboutissant 14-22 Les gènes du CMH jouent un rôle important dans le contrôle
aux « maladies auto-inflammatoires ». 588 de la susceptibilité à une maladie auto-immune. 631
13-21 La maladie de Crohn est une affection inflammatoire relativement 14-23 Des événements externes peuvent déclencher l’autoimmunité. 634
commune mais dont l’étiologie est complexe. 590
14-24 Une infection peut aboutir à une maladie auto-immune en établissant
Résumé. 591 un environnement qui favorise l’activation lymphocytaire. 634
Résumé du Chapitre 13. 591 14-25 Une réactivité croisée entre des molécules d’un pathogène
et des molécules du soi peut conduire à des réponses contre le soi
et à une maladie auto-immune. 635
Chapitre 14 Auto-immunité et transplantation 599 14-26 Des médicaments et des toxines peuvent causer des syndromes
auto-immuns. 636
Le développement et la rupture de la tolérance au soi. 600 14-27 Des événements aléatoires peuvent être nécessaires
14-1 Une fonction critique du système immunitaire est de distinguer le soi au déclenchement d’une auto-immunité. 637
du non soi. 600 Résumé. 637
14-2 De multiples mécanismes de tolérance préviennent normalement
l’auto-immunité. 602 Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon. 637
14-3 La délétion centrale, ou inactivation des lymphocytes nouvellement 14-28 Le rejet de greffe est une réponse immunitaire dépendant surtout
formés, est le premier point de contrôle de l’autotolérance. 603 des cellules T. 638
xx
14-29 Respecter la compatibilité entre les CMH du donneur et du receveur 15-18 Amplifier la réponse immunitaire contre les tumeurs par vaccination
améliore les résultats de la transplantation. 639 est prometteur dans la prévention et la thérapie du cancer. 684
14-30 Dans les greffes avec CMH identique, le rejet est dû à des peptides Résumé. 687
d’autres alloantigènes liés à des molécules du CMH du greffon. 640
14-31 Il existe deux façons de présenter les alloantigènes de la greffeaux Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection. 687
lymphocytes T du receveur. 641 15-19 Un vaccin efficace doit répondre à plusieurs critères. 689
14-32 Des anticorps réagissant avec l’endothélium provoquent un rejet 15-20 L’histoire de la vaccination contre Bordetella pertussis illustre
suraigu du greffon. 643 l’importance du développement d’un vaccin efficace et perçu comme
14-33 Le rejet chronique est provoqué par des lésions vasculaires inoffensif. 690
inflammatoires du greffon. 643 15-21 Des vaccins conjugués ont été développés après que le mécanisme
14-34 Divers organes sont greffés en pratique courante. 644 de collaboration entre les cellules T et B dans la réponse immunitaire
14-35 Le contraire du rejet de greffe est la maladie du greffon contre a été élucidé. 691
l’hôte. 645 15-22 L’addition d’un adjuvant à un vaccin est un moyen important
14-36 Des cellules T régulatrices sont impliquées dans les réponses d’augmenter son immunogénicité. 693
immunitaires alloréactives. 646 15-23 Les vaccins viraux vivants atténués sont généralement plus efficaces
14-37 Le fœtus est une allogreffe tolérée de manière répétée. 647 que les vaccins « tués » et peuvent être rendus plus sûrs par la
technologie de l’ADN recombinant. 695
Résumé. 648
15-24 Des vaccins bactériens vivants atténués peuvent être développés par
Résumé du Chapitre 14. 648
sélection de mutants non pathogènes ou non réplicatifs. 696
15-25 Des peptides synthétiques d’antigènes protecteurs peuvent induire
une immunité protectrice. 696
Chapitre 15 Manipulation de la réponse immunitaire 655
15-26 Le succès d’un vaccin dépend aussi du mode d’administration. 697
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires 15-27 Une immunité protectrice peut être induite par injection intramusculaire
indésirables. 655 d’ADN codant des antigènes microbiens et des cytokines humaines. 698
15-1 Les corticostéroïdes sont de puissants agents anti-inflammatoires 15-28 On peut améliorer l’efficacité d’un vaccin en le dirigeant dans un site
qui modifient la transcription de nombreux gènes. 656 où la présentation antigénique est optimale. 699
15-2 Les agents cytotoxiques sont immunosuppresseurs en tuant les 15-29 Question importante : une vaccination à but thérapeutique peut-elle
cellules en division mais ont de graves effets secondaires. 657 contrôler les infections chroniques existantes ? 700
15-3 La ciclosporine A, le FK506 (tacrolimus) et la rapamycine (sirolimus) 15-30 Une modulation du système immunitaire pourrait être utilisée pour inhiber
sont des agents immunosuppresseurs puissants qui interfèrent dans les réponses immunopathologiques envers des agents infectieux. 701
la signalisation des cellules T. 658 Résumé. 702
15-4 Les immunosuppresseurs sont des sondes utiles pour l’étude des Résumé du Chapitre 15. 702
voies de signalisation intracellulaire des lymphocytes. 659
15-5 Des anticorps contre des molécules de surface cellulaire ont été
utilisés pour éliminer des sous-populations lymphocytaires ou pour Partie VI LES ORIGINES DES RÉPONSES
inhiber la fonction cellulaire. 661
IMMUNITAIRES
15-6 Des anticorps peuvent être modifiés afin qu’ils soient moins
immunogènes chez l’homme. 661
15-7 Des anticorps monoclonaux peuvent être utilisés pour prévenir le Chapitre 16 L’évolution du système immunitaire 711
rejet d’allogreffe. 662
15-8 Des agents biologiques peuvent être utilisés pour atténuer et L’évolution du système immunitaire inné. 712
supprimer une maladie auto-immune. 664 16-1 L’évolution du système immunitaire peut être étudiée par comparaison
15-9 La déplétion ou l’inhibition des lymphocytes autoréactifs peut servir des gènes exprimés par des espèces différentes. 712
de traitement des maladies auto-immunes. 666 16-2 Les peptides antimicrobiens sont probablement les moyens de défense
15-10 Interférer dans les voies de costimulation de l’activation lymphocytaire immunitaire les plus anciens. 713
pourrait être un traitement des maladies auto-immunes. 668 16-3 Les récepteurs de type Toll pourraient représenter le mode de
15-11 L’induction de cellules T régulatrices au moyen d’anticorps peut inhiber reconnaissance des pathogènes le plus ancien. 714
les maladies auto-immunes. 668 16-4 Les gènes des récepteurs de type Toll se sont fortement diversifiés
15-12 Des médicaments d’usage courant ont des propriétés chez certaines espèces d’invertébrés. 716
immunorégulatrices. 669 16-5 Un second système de reconnaissance chez la drosophile homologue
15-13 Une administration contrôlée d’un antigène peut servir à manipuler à la voie du récepteur du TNF chez les mammifères protège des
la nature d’une réponse spécifique de cet antigène. 671 bactéries Gram-négatives. 717
Résumé. 672 16-6 Un système du complément ancestral opsonise des pathogènes
facilitant ainsi leur phagocytose. 717
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs. 672 16-7 La voie d’activation du complément par des lectines s’est développée
chez les invertébrés. 719
15-14 Le développement de tumeurs transplantables chez la souris a permis
la découverte des réponses immunitaires contre les tumeurs. 673 Résumé. 720
15-15 Les tumeurs peuvent échapper au rejet de plusieurs façons. 674
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative. 720
15-16 Des lymphocytes T reconnaissent des antigènes spécifiques sur des
tumeurs humaines, et des transferts adoptifs de cellules T sont testés 16-8 Certains invertébrés génèrent une diversité extensive dans un
chez des patients. 678 répertoire de gènes codant des protéines de type immunoglobuline. 721
15-17 Des anticorps monoclonaux, seuls ou liés à des toxines, dirigés 16-9 Les agnathes ont un système immunitaire adaptatif qui utilise un
contre les antigènes tumoraux peuvent contrôler la croissance réarrangement génique somatique pour diversifier des récepteurs
de la tumeur. 682 produits à partir de domaines LRR. 722
xxi
16-10 Une immunité adaptative basée sur un répertoire diversifié de gènes Caractérisation de la spécificité des lymphocytes, de leur
codant des protéines de type immunoglobuline est apparue fréquence et de leur fonction. 762
brusquement chez les poissons cartilagineux. 724
A-25 Culture en dilution limite. 763
16-11 La cible du transposon a probablement été un gène codant un
récepteur de surface cellulaire contenant un domaine V de type A-26 Les tests ELISPOT. 763
immunoglobuline. 725 A-27 Identification des sous-populations de cellules T par marquage des
16-12 Les processus de diversification des immunoglobulines peuvent cytokines. 764
différer d’une espèce à l’autre. 726 A-28 Identification de la spécificité du récepteur T au moyen des tétramères
16-13 Les récepteurs de cellule T α:β et γ:δ sont présents chez les de CMH:peptide. 765
poissons cartilagineux. 727 A-29 Évaluation de la diversité du répertoire des cellules T par
16-14 Des molécules du CMH de classe I et de classe II sont aussi trouvées immunoscope. 766
d’abord chez les poissons cartilagineux. 728 A-30 Utilisation des biosenseurs pour mesurer les vitesses d’association
Résumé. 729 et de dissociation des ligands des récepteurs à l’antigène. 767
Résumé du Chapitre 16. 729 A-31 Stimulation de la prolifération lymphocytaire au moyen de mitogènes
polyclonaux ou de l’antigène spécifique. 769
A-32 Mesure de l’apoptose par le test TUNEL. 770
A-33 Tests des cellules T cytotoxiques. 770
Appendice I La boîte à outils de l’immunologiste. 735
A-34 Tests des cellules T CD4. 770
Immunisation. 735 A-35 Puces à ADN. 772
A-1 Haptènes. 736
A-2 Voies d’immunisation. 738 Détection de l’immunité in vivo. 772
A-3 Effets de la dose d’antigène. 738 A-36 Évaluation de l’immunité protectrice. 772
A-4 Adjuvants. 738 A-37 Transfert de l’immunité protectrice. 773
A-38 Le test à la tuberculine. 774
Détection, quantification et caractérisation des anticorps et leur A-39 Tests pour les réactions allergiques. 774
utilisation en tant qu’outils de recherche et de diagnostic. 740 A-40 Évaluation des réponses immunes et de la compétence
A-5 Chromatographie d’affinité. 741 immunologique chez l’homme. 775
A-6 RIA (RadioImmunoAssay), ELISA (Enzyme-Linked A-41 La réaction d’Arthus. 776
ImmunoSorbent Assay) et technique d’inhibition compétitive. 741
A-7 Hémagglutination et groupage sanguin. 743 Manipulation du système immunitaire. 777
A-8 Réaction de précipitation. 744 A-42 Transfert adoptif des lymphocytes. 777
A-9 Dialyse à l’équilibre : détermination de l’affinité et de l’avidité d’un A-43 Transfert de cellules souches hématopoïétiques. 777
anticorps. 745 A-44 Déplétion in vivo des cellules T. 777
A-10 Anticorps anti-immunoglobulines. 746 A-45 Déplétion in vivo des cellules B. 778
A-11 Test de Coombs et détection des incompatibilités dans le système A-46 Souris transgéniques. 778
Rhésus. 747
A-47 Invalidation (knockout) génique par dislocation ciblée. 779
A-12 Les anticorps monoclonaux. 749
A-13 Les banques de phages d’expression pour la production des
régions V d’anticorps. 750 Appendice II Antigènes CD. 783
A-14 L’immunofluorescence. 751
A-15 L’immunomicroscopie électronique. 753
Appendice III Les cytokines et leurs récepteurs. 799
A-16 Immunohistochimie. 753
A-17 Immunoprécipitation et co-immunoprécipitation. 754
A-18 L’immuno-empreinte (western blot). 755 Appendice IV Les chimiokines et leurs récepteurs. 802
A-19 L’utilisation d’anticorps pour l’isolement et la détection de gènes et
de leurs produits. 756
Appendice V Constantes Immunologiques. 804
Isolement des lymphocytes. 758
A-20 Isolement des lymphocytes en gradient de Ficoll-Hypaque™. 758 Biographies. 805
A-21 Isolement des lymphocytes tissulaires. 758
A-22 Cytométrie de flux et analyse par FACS™. 759
Glossaire. 806
A-23 Isolement des lymphocytes par des billes magnétiques recouvertes
d’anticorps. 761
A-24 Isolement de lignées cellulaires T homogènes. 761 Index. 835
Concepts de base
PARTIE I
en immunologie
sur un jeune garçon mordu par un chien enragé. Ces succès pratiques ont conduit
Nombre 30
de pays à l’étude des mécanismes de protection et ainsi au développement de l’immuno-
avec un cas logie. En 1890, Emil von Behring et Shibasaburo Kitasato découvrirent que le
ou plus
par mois sérum d’animaux immunisés contre la diphtérie ou le tétanos exerçait une « acti-
15 éradication
officielle
vité antitoxique » qui conférait aux gens une protection transitoire contre les effets
de la variole de la toxine diphtérique ou tétanique. Cette propriété était due aux anticorps, pro-
téines qui lient spécifiquement les toxines et les neutralisent.
0
1965 1970 1975 1980 La réaction qu’un agent pathogène déclenche est appelée réponse immunitaire.
Année Lorsque celle-ci est spécifique, comme la production d’anticorps contre un patho-
gène particulier ou ses produits, on la qualifie d’adaptative car elle apparaît au
Fig. 1.2 L’éradication de la variole par la cours de la vie d’un individu comme un mode d’adaptation à l’infection par ce
vaccination. Après une période de 3 ans pathogène. La plupart du temps, cette réponse immune adaptative assure une pro-
durant laquelle aucun cas de variole n’a été
tection immunitaire de longue durée contre toute réinfection par le même patho-
enregistré, l’Organisation Mondiale de la
Santé fut en mesure d’annoncer en 1979 gène, un processus appelé mémoire immunologique. C’est précisément une des
que la variole avait été éradiquée et que la caractéristiques qui distinguent l’immunité adaptative de l’immunité naturelle
vaccination était arrêtée. Des réserves de virus ou innée, qui est toujours prête à s’opposer immédiatement à une grande diversité
ont cependant été constituées dans quelques
laboratoires, mais d’aucuns craignent qu’elles
de germes, mais qui n’est pas suivie d’une immunité persistante et n’est spécifique
ne soient le point de départ de nouvelles d’aucun pathogène particulier. Au moment où von Behring développait la sérothé-
épidémies. rapie passive contre la diphtérie, l’immunité innée était surtout connue au travers
des travaux du célèbre immunologiste russe, Elie Metchnikoff, qui découvrit que
de nombreux micro-organismes étaient ingérés et digérés par des cellules phago-
cytaires qu’il appela « macrophages ». Ces cellules, qui contribuent au front défen-
sif de l’immunité naturelle, sont toujours présentes et prêtes à agir. Par contre, une
réponse immunitaire adaptative met du temps à se développer et est hautement
spécifique ; des anticorps contre le virus de la grippe, par exemple, ne protègent
pas contre le virus de la polio.
Il est apparu rapidement que les anticorps spécifiques peuvent être induits par
de nombreuses substances différentes appelées antigènes puisque, à leur contact,
des anticorps sont générés. Nous verrons cependant que toutes les réponses
immunes adaptatives n’entraînent pas la production d’anticorps, et le terme d’an-
tigène désigne maintenant, au sens large, toute substance pouvant être reconnue
par le système immunitaire adaptatif. Les protéines, les glycoprotéines et les poly-
saccharides des pathogènes sont les antigènes que le système immunitaire adap-
tatif reconnaît et contre lesquels il réagit, mais il peut reconnaître et répondre à
un éventail plus large de structures chimiques, d’où la possibilité de provoquer
des réactions allergiques à des métaux comme le nickel, des médicaments comme
la pénicilline et certaines molécules organiques des feuilles du sumac vénéneux
(poison ivy). Les réponses de type inné et adaptatif forment ensemble un sys-
tème de défense d’une efficacité remarquable. L’immunité innée empêche que de
nombreuses infections ne déclenchent une maladie. En cas d’échec, l’immunité
adaptative s’enclenche et, si elle prend le dessus, il s’établit une mémoire immu-
nologique à long terme qui évitera une réinfection.
L’objet de cet ouvrage est la description des divers mécanismes de l’immu-
nité adaptative, par laquelle des globules blancs spécialisés appelés lymphocy-
tes reconnaissent et attaquent des micro-organismes pathogènes ou des cellules
infectées. Nous verrons toutefois que l’intervention du système immunitaire inné
conditionne le développement de l’immunité adaptative et que les cellules impli-
quées dans les réponses immunitaires innées contribuent aux réponses immu-
nitaires adaptatives. En effet, pour éliminer les micro-organismes, le système
adaptatif, après avoir reconnu l’antigène spécifique, utilise la plupart des mécanis-
mes dont le système inné dispose.
Dans ce chapitre, nous décrirons successivement les principes de l’immunité
innée et adaptative, les cellules du système immunitaire et les tissus dans lesquels
elles se développent et circulent. Nous expliquerons ensuite les fonctions spécia-
lisées des différents types cellulaires et les mécanismes par lesquels elles élimi-
nent l’infection.
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 3
Moelle osseuse
Moelle osseuse
Sang
cellule précurseur
cellule B cellule T cellule NK dendritique neutrophile éosinophile basophile inconnu monocyte plaquettes érythrocyte
immature des mastocytes
Basophile
Inconnu
Mastocyte
Libération
des granules
contenant
de l’histamine
et d’autres
médiateurs
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 7
Cellule NK
1-4 La lignée lymphoïde comprend les lymphocytes du système
immunitaire adaptatif et les cellules NK de l’immunité innée.
Cette cellule est la forme effectrice du lymphocyte B ; elle produit des anticorps qui
représentent la forme sécrétée du récepteur de la cellule B et qui ont une spécificité
antigénique identique. Ainsi, l’antigène qui active une cellule B devient la cible des
anticorps produits par la descendance de cette cellule. Les molécules d’anticorps
sont aussi appelées immunoglobulines (Ig), d’où les dénominations d’immuno-
globulines membranaires (mIg) ou d’immunoglobulines de surface (sIg) parfois
utilisées pour désigner les récepteurs antigéniques des lymphocytes B.
Le récepteur d’antigène des cellules T ou récepteur des cellules T (TCR, T Cell
Receptor) est apparenté aux immunoglobulines, mais il s’en distingue par sa struc-
ture et son mode de reconnaissance de l’antigène. Après qu’une cellule T a été acti-
vée par sa première rencontre avec l’antigène, il prolifère et se différencie en un des
divers types fonctionnels de lymphocytes T effecteurs. Les cellules T se répartis-
sent en trois groupes selon qu’elles tuent, activent ou régulent. Les cellules T cyto-
toxiques tuent les cellules qui sont infectées par des virus ou d’autres pathogènes
intracellulaires. Les cellules T auxiliaires fournissent des signaux essentiels pour
l’activation des lymphocytes B stimulés par un antigène, pour leur différenciation
et leur production d’anticorps ; certaines de ces cellules T peuvent aussi activer des
macrophages afin de rendre plus efficace leur aptitude à ingérer et lyser des patho-
gènes. Nous reviendrons aux fonctions des cellules cytotoxiques et auxiliaires plus
loin dans ce chapitre, leurs actions étant décrites en détail au Chapitres 8 et 10. Les
cellules T régulatrices suppriment l’activité des autres lymphocytes et contribuent
au contrôle des réponses immunitaires ; elles sont décrites aux Chapitres 8, 10 et 14.
Au cours d’une réponse immunitaire, certaines cellules B et cellules T activées par
l’antigène se différencient en cellules mémoire, qui sont responsables de l’immu-
nité de longue durée qui se développe après une infection ou une vaccination. Les
cellules mémoire se différencieront facilement en cellules effectrices lors d’une
seconde rencontre avec l’antigène spécifique. La mémoire immunologique est
décrite au Chapitre 10.
périphériques par la voie sanguine. Ils circulent à travers les tissus lymphoïdes
périphériques, dans lesquels une réponse immunitaire adaptative est déclenchée
si un lymphocyte rencontre son antigène. Avant cela, en général, l’infection a sus-
cité une réaction immunitaire innée, et nous allons voir comment le reste du sys-
tème immunitaire est ainsi alerté de la présence d’un pathogène.
1-8 Le système immunitaire inné permet une première distinction Les macrophages expriment des récepteurs
entre le soi et le non-soi. pour de nombreux composants microbiens
Les systèmes de défense de l’immunité innée sont efficaces contre de nombreux récepteur récepteur du LPS
du mannose (CD14)
pathogènes. Ils sont toutefois limités par le répertoire relativement étroit et inva-
riable des récepteurs de reconnaissance des micro-organismes. Ces récepteurs
de surface des macrophages, des neutrophiles et des cellules dendritiques recon-
naissent des molécules simples et des structures moléculaires répétées appelées
TLR-4
motifs moléculaires associés aux pathogènes ou PAMP (Pathogen-Associated TLR-2
Molecular Patterns) présents sur de nombreux micro-organismes, mais absents
des cellules de notre organisme (Fig. 1.10). Ces récepteurs, appelés récepteurs de
reconnaissance de motifs ou PRR (Pattern Recognition Receptors), s’attachent à
des molécules comme des oligosaccharides riches en mannose, des peptidogly- récepteur récepteur
cans et des lipopolysaccharides de la paroi bactérienne, ainsi que l’ADN riche en des glucans éboueur
séquences CpG non méthylées. Ces motifs sont communs à de nombreux patho-
gènes et ont été conservés au cours de l’évolution. Le système immunitaire inné est
Fig. 1.10 Les macrophages expriment
donc capable de distinguer en général le soi (le corps) du non-soi (le pathogène) et plusieurs récepteurs qui leur permettent
de déclencher une attaque contre les envahisseurs. Activées par leurs récepteurs de reconnaître différents pathogènes. Les
de reconnaissance des motifs, les cellules dendritiques immatures, qui forment macrophages expriment divers récepteurs,
une partie du système immunitaire inné, deviennent capables à leur tour d’activer chacun étant à même de reconnaître des
composants microbiens spécifiques. Certains,
des lymphocytes T naïfs, comme nous l’avons vu dans la section précédente. Ainsi, comme les récepteurs du mannose et des
la réponse immunitaire adaptative est essentiellement déclenchée par une recon- glucans ainsi que le récepteur éboueur, lient
naissance explicite du non soi par le système immunitaire inné. les glucides de la paroi des bactéries, des
levures et des champignons. Les récepteurs de
Les constituants communs des pathogènes reconnus par les PRR sont habituelle- type Toll (TLR, Toll-Like Receptor) constituent
ment tout à fait distincts des antigènes spécifiques reconnus par les lymphocytes. une famille importante de récepteurs
reconnaissant des motifs microbiens. Les
On avait réalisé expérimentalement longtemps avant la découverte des cellules TLR sont présents sur les macrophages et
dendritiques et des modalités de leur activation que des composants microbiens d’autres cellules immunitaires et lient différents
autres que les antigènes étaient nécessaires au déclenchement d’une réponse composants microbiens ; par exemple, TLR-2
immunitaire adaptative. On constatait que des antigènes purifiés, par exemple des lie des composants de la paroi des bactéries
Gram-négatives, tandis que TLR-4 lie des
protéines, étaient souvent incapables de susciter une immunisation, en d’autres composants de la paroi des bactéries Gram-
termes, ils n’étaient pas immunogènes. Pour obtenir des réponses immunitaires positives. LPS : lipopolysaccharide.
adaptatives envers des antigènes purifiés, il était essentiel d’y ajouter des bacté-
ries tuées ou des extraits bactériens. Ces substances furent appelées adjuvants,
puisqu’ils aident le système immunitaire à réagir (adjuvare en latin veut dire
« aider »). Nous savons maintenant que les adjuvants sont nécessaires, du moins
en partie, pour que les cellules dendritiques acquièrent leur pleine capacité de
présenter les antigènes en absence d’infection. Trouver des adjuvants adéquats
reste une démarche importante dans la préparation des vaccins ; nous décrivons
les formulations actuelles des adjuvants dans l’Appendice I.
Les micro-organismes évoluent plus rapidement que leurs hôtes, et ceci explique
pourquoi les cellules et les molécules du système immunitaire inné ne reconnais-
sent que des structures moléculaires restées inchangées durant l’évolution. Comme
nous allons le voir, le mécanisme de reconnaissance utilisé par les lymphocytes du
système immunitaire adaptatif ont évolué pour compenser cette faiblesse du sys-
tème immunitaire inné. Il permet la reconnaissance d’une diversité presque infinie
d’antigènes. Ainsi, chaque pathogène différent peut être attaqué spécifiquement.
sont en vert et les chaînes légères en jaune). Les chaînes lourdes et légères ont
chacune une région variable et une région constante. Les régions variables d’une
chaîne lourde et d’une chaîne légère s’assemblent pour former le site de liaison
à l’antigène, de telle façon que les deux chaînes contribuent à la spécificité anti-
génique. La structure des anticorps sera décrite en détail au Chapitre 3, et leurs
propriétés fonctionnelles liées à leurs régions constantes seront considérées aux
Chapitres 4 et 9. Pour l’instant, nous nous intéressons uniquement aux propriétés
des molécules d’immunoglobulines en tant que récepteurs d’antigène et au méca-
nisme responsable de la diversité des régions variables.
Le récepteur d’antigène des cellules T montre de nombreuses similitudes avec le
récepteur d’antigène des cellules B, et les deux molécules sont clairement apparen-
Segments géniques hérités tées sur le plan de l’évolution ; en fait, le récepteur des cellules T ressemble étroite-
ment à une partie de la molécule d’anticorps. Cependant, comme nous le verrons,
les deux molécules se distinguent sur plusieurs points importants liés à leurs rôles
différents au sein du système immunitaire. Le récepteur des cellules T (Fig. 1.13)
est composé de deux chaînes de taille presque identique, appelées chaînes α et
β du récepteur des cellules T, chacune traversant la membrane de la cellule T.
Chaque chaîne comporte une région variable et une région constante, et la combi-
naison des régions variables des chaînes α et β crée un site unique de liaison à l’an-
Chaque combinaison unique des segments
tigène. Cette structure est décrite en détail au Chapitre 3, le processus responsable
se forme par réarrangement somatique de la diversité dans les régions variables étant discuté au Chapitre 4. Comme nous
de segments géniques le verrons, l’organisation des gènes codant les récepteurs d’antigène et l’origine de
la diversité introduite pour former un site unique de liaison sont essentiellement
les mêmes pour le récepteur des cellules B que pour le récepteur des cellules T. Il y
a toutefois une différence essentielle dans la manière avec laquelle les récepteurs
des deux types cellulaires se lient à l’antigène ; le récepteur des cellules T ne lie pas
directement la molécule d’antigène, mais reconnaît des fragments d’antigène liés
à des protéines de surface d’autres cellules. La nature exacte de l’antigène reconnu
par les cellules T ainsi que le processus conduisant à la fragmentation de l’antigène
Les chaînes s’apparient pour former et de son transport à la surface cellulaire constituent l’objet du Chapitre 5. Une dif-
un récepteur unique pour chaque lymphocyte férence supplémentaire par rapport à la molécule d’anticorps est qu’il n’existe pas
de forme sécrétée du récepteur des cellules T ; la fonction de ce récepteur est seu-
lement de signaler à la cellule T qu’elle a lié un antigène, et les effets immunologi-
ques subséquents dépendent des actions des cellules T elles-mêmes, comme nous
le décrivons au Chapitre 8.
Fig. 1.14 La diversité des récepteurs Comment les récepteurs antigéniques qui ont une gamme presque infinie de spéci-
antigéniques des lymphocytes est générée ficités sont-ils codés par un nombre limité de gènes ? Susumu Tonegawa a décou-
par des réarrangements somatiques
de segments géniques. Les différentes
vert que les gènes des régions variables des immunoglobulines étaient hérités sous
parties des régions variables des récepteurs forme de groupes de segments géniques, chacun codant une partie de la région
antigéniques sont codées par un ensemble variable d’une des chaînes polypeptidiques de l’immunoglobuline (Fig. 1.14).
de segments géniques. Au cours du Pendant le développement des cellules B dans la moelle osseuse, ces segments de
développement lymphocytaire, un membre de
chaque ensemble de segments est assemblé gène sont assemblés irréversiblement par recombinaison d’ADN, pour former un
au hasard avec un autre, par un processus fragment d’ADN codant une région variable complète. Parce qu’il existe de nom-
irréversible de recombinaison d’ADN. La breux segments géniques différents dans chaque groupe pour former une région
juxtaposition des segments géniques constitue
variable, et que différents segments géniques s’assemblent dans les différentes cel-
un gène complet qui code la partie variable
de l’une des chaînes du récepteur, cette partie lules, chaque cellule produit des gènes uniques codant les régions variables des
variable étant propre à la cellule où elle a été chaînes lourdes et légères de la molécule d’immunoglobuline. Une fois que ces
formée. Ce réarrangement au hasard se répète évènements de recombinaison ont abouti à la production d’un récepteur fonc-
pour les ensembles de segments géniques
codant l’autre chaîne. Les gènes réarrangés
tionnel, tout réarrangement supplémentaire est interdit. Ainsi, chaque lympho-
expriment les deux types de chaînes. Celles-ci cyte n’exprime qu’une seule spécificité de récepteur.
s’assemblent pour former à la surface du
lymphocyte de nombreuses copies du Ce mécanisme a trois conséquences importantes. D’abord, il permet à un nombre
récepteur antigénique, toutes de même limité de segments de gène de produire un grand nombre de protéines différentes.
spécificité et propres à cette cellule.
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 17
En principe, presque toute structure chimique peut être reconnue par le système
épitope
immunitaire adaptatif, mais les antigènes habituels rencontrés au cours d’une
infection sont des protéines, des glycoprotéines et des polysaccharides. Un récep- antigène
teur d’antigène ou un anticorps ne reconnaît, dans la structure moléculaire de l’an-
tigène, qu’une petite partie, qui est appelée déterminant antigénique ou épitope
(Fig. 1.15). Les antigènes macromoléculaires comme les protéines et les glycopro-
téines ont en général plusieurs épitopes différents qui peuvent être reconnus par
des récepteurs antigéniques différents.
Les récepteurs des cellules B et des cellules T reconnaissent les antigènes de deux
manières différentes. Chacune est liée au mécanisme utilisé par les cellules effec-
trices pour détruire le pathogène. Les cellules B sont spécialisées dans la recon-
naissance des antigènes de surface des germes qui vivent en dehors des cellules.
Elles se différencient en plasmocytes sécréteurs des anticorps qui attaquent ces
pathogènes. Les récepteurs des cellules B et leurs anticorps homologues sont donc
capables de lier une large variété de structures moléculaires. anticorps
Les cellules T effectrices, au contraire, s’en prennent aux pathogènes qui ont pénétré
dans les cellules. Elles contribuent également à l’activation des cellules B. Pour exer- Fig. 1.15 Les antigènes sont les molécules
cer ces fonctions, le récepteur des cellules T est spécialisé dans la reconnaissance envers lesquelles le système immunitaire
des antigènes qui sont générés à l’intérieur de la cellule et sont présentés à sa sur- réagit, tandis que les épitopes sont des
sites au sein des antigènes auxquels
face. Les propriétés du récepteur des cellules T reflète le fait qu’il ne reconnaît qu’un les récepteurs antigéniques se lient. Les
seul type d’antigène, des peptides qui ont été produits dans une autre cellule par la antigènes peuvent être des macromolécules
fragmentation de protéines et qui sont présentés à la surface cellulaire. De plus, les complexes comme des protéines (en jaune).
peptides ne sont reconnus que s’ils sont liés à un type particulier de protéine de sur- La plupart des antigènes sont plus grands
que les sites auxquels ils se fixent dans les
face. Ce sont des glycoprotéines membranaires, appelées molécules du CMH, qui anticorps ou les récepteurs d’antigène ; la
sont codées par un groupe de gènes appelé complexe majeur d’histocompatibi- portion de l’antigène qui est liée est appelée
lité, CMH en abrégé. L’antigène reconnu par les récepteurs des cellules T est donc déterminant antigénique ou épitope. De grands
antigènes comme les protéines peuvent
un complexe formé d’un peptide étranger et d’une molécule du CMH (Fig. 1.16).
contenir plusieurs épitopes (en rouge et en
Nous verrons au Chapitre 3 comment ces antigènes composés sont reconnus par les bleu) et peuvent donc se lier à des anticorps
récepteurs des cellules T et, au Chapitre 5, comment ils sont générés. différents
18 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie
Les anticorps lient Les épitopes reconnus L’antigène doit d’abord Le peptide épitope s’attache Le récepteur des cellules T lie
des épitopes présents par les récepteurs être fragmenté à une molécule du soi, un complexe fait d’une molécule
à la surface des antigènes des cellules T sont souvent en peptides une molécule du CMH du CMH et d’un peptide épitope
à l’intérieur des antigènes
TCR
peptide
épitope
molécule
du CMH
molécule
du CMH
Fig. 1.16 Un anticorps lie un antigène 1-14 Le développement et la survie des lymphocytes sont déterminés
directement tandis qu’un récepteur des
cellules T lie un complexe formé par un par des signaux transmis par leurs récepteurs antigéniques.
fragment d’antigène et une molécule du
soi. Les anticorps (premier panneau) lient La génération de millions de récepteurs antigéniques de spécificité différente est
directement l’antigène et reconnaissent des
épitopes qui se trouvent à la surface de étonnante, mais l’élaboration de ce répertoire pendant le développement lympho-
l’antigène. Par contre, les récepteurs des cytaire et son maintien en périphérie le sont tout autant. Comment les récepteurs
cellules T peuvent reconnaître des épitopes potentiellement utiles sont-ils maintenus, alors que ceux qui pourraient réa-
cachés à l’intérieur des antigènes et qui ne gir contre les antigènes propres à l’individu, les antigènes du soi, sont éliminés ?
peuvent être reconnus directement (deuxième
panneau). Ces antigènes doivent d’abord Comment le nombre de lymphocytes périphériques et le pourcentage de cellules B
être dégradés par des protéases (troisième et T sont-ils maintenus constants ? La réponse semble être celle-ci : durant toute sa
panneau), et le peptide épitope transféré sur vie, à partir de son développement dans les organes lymphoïdes centraux et après,
une molécule du soi appelée molécule du
la survie du lymphocyte dépend de signaux transmis par son récepteur d’antigène.
CMH (quatrième panneau). C’est sous cette
forme, un complexe de peptide et de molécule Si un lymphocyte ne reçoit plus un tel signal de survie, il meurt par apoptose ou
CMH, que les antigènes sont reconnus par mort cellulaire programmée, une sorte de suicide cellulaire. Les lymphocytes
les récepteurs des cellules T (cinquième qui réagissent vigoureusement contre des antigènes du soi sont éliminés durant le
panneau).
développement par délétion clonale, comme le prévoit la théorie de sélection clo-
nale de Burnet, avant qu’ils n’atteignent un stade de maturité qui leur permettrait
de causer des dommages. En revanche, une absence complète de signaux transmis
par le récepteur d’antigène durant le développement peut aussi conduire à la mort
cellulaire. De plus, si un récepteur n’est pas sollicité pendant un temps relativement
court après son entrée dans le répertoire constitué en périphérie, la cellule concer-
née meurt, laissant la place à de nouveaux lymphocytes porteurs de récepteurs dif-
férents. De cette manière, les récepteurs autoréactifs sont éliminés, et le caractère
fonctionnel des récepteurs est testé. Les mécanismes qui façonnent et maintien-
nent le répertoire des récepteurs lymphocytaires sont examinés au Chapitre 7.
L’apoptose, terme qui dérive d’un mot grec signifiant la chute des feuilles des
arbres, est un processus de régulation du nombre de cellules dans l’organisme.
Elle est responsable, par exemple, de la mort et de la desquamation des cellules
de la peau et des cellules épithéliales intestinales ainsi que du renouvellement des
cellules hépatiques. Chaque jour, la moelle osseuse produit des millions de nou-
veaux neutrophiles, monocytes, globules rouges et lymphocytes, production qui
doit être compensée par une perte cellulaire équivalente. Toutes ces cellules san-
guines meurent par apoptose, les cellules mourantes étant finalement phagocy-
tées par des macrophages hépatiques et spléniques spécialisés.
Les pathogènes peuvent pénétrer dans l’organisme par de nombreuses voies et pro-
voquer une infection n’importe où, alors que les lymphocytes ne se trouvent norma-
lement que dans le sang, la lymphe et les organes lymphoïdes. Comment peuvent-ils
alors se rencontrer ? Les antigènes et les lymphocytes finissent par se rencontrer dans
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 19
des organes lymphoïdes périphériques : les ganglions lymphatiques, la rate et les tis- Les lymphocytes et la lymphe Les lymphocytes naïfs
sus lymphoïdes associés aux muqueuses (voir Fig. 1.7). En effet, les lymphocytes cir- rejoignent la circulation sanguine entrent dans les ganglions
culent continuellement à travers ces organes, dans lesquels l’antigène est transféré par le canal thoracique à partir du sang
depuis les foyers infectieux surtout par les cellules dendritiques. Les organes lym-
phoïdes périphériques sont spécialisés dans la rétention des cellules dendritiques
chargées d’antigènes et dans l’induction des réponses immunitaires adaptatives.
Les tissus lymphoïdes périphériques sont composés d’agrégats de lymphocytes
insérés dans un réseau de cellules stromales non leucocytaires, qui forment la cœur
structure tissulaire de base et fournissent des signaux qui contribuent à la survie
lymphocytaire. En plus des lymphocytes, les organes lymphoïdes périphériques
contiennent des macrophages et des cellules dendritiques.
Lorsqu’une infection survient dans un tissu comme la peau, l’antigène libre et les
cellules dendritiques chargées d’antigène quittent le foyer infectieux et gagnent,
par les vaisseaux lymphatiques afférents, les ganglions lymphatiques de drainage
(Fig. 1.17), où ils activent les lymphocytes spécifiques. Les lymphocytes activés pas- ganglion
sent alors par une phase de prolifération et de différenciation, après quoi la plupart, lymphatique
devenus des effecteurs, quittent les ganglions lymphatiques par le canal lympha-
tique efférent, et aboutissent dans le courant sanguin (voir Fig. 1.7), qui les trans-
tissu
porte dans les tissus où ils devront intervenir. Ce processus prend environ 4-6 jours périphérique
à partir du moment où l’antigène est reconnu, ce qui signifie qu’une réponse infecté
immunitaire adaptive à un antigène rencontré pour la première fois ne devient effi-
cace qu’environ une semaine après l’infection. Des lymphocytes naïfs qui n’ont pas À partir des foyers infectieux, les antigènes
parviennent aux ganglions par les lymphatiques
reconnu d’antigène sortent également par le vaisseau lymphatique efférent et pas-
sent dans le sang, à partir duquel ils continuent à recirculer à travers les tissus lym-
phoïdes jusqu’à ce qu’ils reconnaissent un antigène ou jusqu’à leur mort. Fig. 1.17 Les lymphocytes circulants
rencontrent l’antigène dans les organes
Les ganglions lymphatiques sont des structures lymphoïdes hautement organi- lymphoïdes périphériques. Les lymphocytes
sées situées aux points de convergence des vaisseaux du système lymphatique, qui naïfs circulent continuellement à travers les
collectent le liquide extracellulaire dans les tissus pour le ramener dans le sang organes lymphoïdes périphériques représentés
ici par un ganglion poplité (situé derrière le
(voir Fig. 1.7). Ce liquide est produit continuellement par filtration du sang et s’ap- genou). En cas d’infection d’un pied, il sera
pelle lymphe. Celle-ci est évacuée des tissus périphériques par les vaisseaux lym- le ganglion lymphatique de drainage ; les
phatiques, ou lymphatiques, sous l’effet de la pression exercée par sa production lymphocytes y rencontreront leur antigène
spécifique et seront activés. Les lymphocytes
continue. Des valvules unidirectionnelles dans les lymphatiques préviennent le
activés et non activés retournent dans le
reflux, et les mouvements corporels facilitent le drainage de la lymphe. courant sanguin par le système lymphatique.
Les vaisseaux lymphatiques afférents drainent la lymphe depuis les tissus et trans-
fèrent ainsi les pathogènes et les cellules chargées d’antigènes dans les ganglions
lymphatiques (Fig. 1.18). Les antigènes libres diffusent simplement par la lymphe
jusqu’aux ganglions lymphatiques, alors que les cellules dendritiques migrent de
manière active sous l’effet chimiotactique de chimiokines. Les mêmes chimiokines
attirent également les lymphocytes du sang et ceux-ci entrent dans les ganglions lym-
phatiques en s’insinuant à travers les parois de vaisseaux sanguins spécialisés appe-
lés veinules à endothélium élevé, ou cubique (HEV, High Endothelial Venules).
Dans les ganglions lymphatiques, les lymphocytes B sont organisés en follicules qui
forment le cortex périphérique du ganglion, alors que les lymphocytes T sont répar-
tis de façon plus diffuse dans les aires paracorticales voisines aussi appelées cor-
tex profond ou zones des cellules T (voir Fig. 1.18). Les lymphocytes qui migrent du
sang dans les ganglions entrent d’abord dans les zones paracorticales et, puisqu’ils
sont attirés par les mêmes chimiokines, les macrophages et les cellules dendritiques
présentatrices d’antigène se rassemblent également dans cet endroit. L’antigène
libre diffusant à travers le ganglion peut être capté par ces cellules dendritiques et
des macrophages. La juxtaposition, dans la zone des cellules T, d’antigène, de cellu-
les présentatrices d’antigène et de cellules T naïves offrent à ces dernières les condi-
tions idéales pour qu’elles rencontrent leur antigène et soient ainsi activées.
Comme dit plus haut, l’activation des cellules B requiert habituellement non seu-
lement l’antigène, qui se lie au récepteur de la cellule B, mais aussi la coopéra-
tion des cellules T auxiliaires, un type de cellules T effectrices (voir la Section 1-4).
L’organisation du ganglion lymphatique est telle qu’elle permet que les cellules B
20 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie
naïves, avant d’entrer dans les follicules, passent à travers les zones de cellules T,
où elles peuvent rencontrer leur antigène et leurs cellules T auxiliaires. Certains
follicules de cellules B contiennent des centres germinatifs où les cellules B proli-
fèrent intensément et se différencient en plasmocytes.
Chez l’homme, La rate est un organe de la taille d’un poing, situé juste derrière
l’estomac (voir Fig. 1.7). Elle n’a pas de connexion directe avec le système lympha-
tique ; elle capte les antigènes présents dans le sang et joue un rôle déterminant
dans les réactions aux pathogènes qui accèdent à la circulation sanguine. Les lym-
Fig. 1.18 Organisation d’un ganglion phocytes entrent et quittent la rate par des vaisseaux sanguins. La rate recueille
lymphatique. Comme le montre le schéma
également les globules rouges sénescents et les élimine. La Fig. 1.9 montre sché-
de gauche qui montre une coupe longitudinale
d’un ganglion lymphatique, celui-ci est matiquement la structure de la rate, qui est occupée en majeure partie par la pulpe
constitué d’un cortex et d’une zone médullaire. rouge, site de destruction des globules rouges. Les lymphocytes entourent les
Le cortex comprend une zone externe de artérioles qui irriguent la rate, et constituent les aires dites de pulpe blanche. Le
cellules B organisées en follicules lymphoïdes,
et une zone interne ou paracortex riche
manchon de lymphocytes autour d’une artériole est appelé manchon lymphoïde
en cellules T et cellules dendritiques. Au périartériolaire ou PALS (Periarteriolar Lymphoid Sheath). Il contient essentielle-
cours d’une réponse immunitaire, certains ment des cellules T. Autour de lui, des follicules lymphoïdes composés surtout de
follicules dits secondaires contiennent une cellules B sont distribués à intervalle régulier. Une zone dite marginale entoure les
structure centrale appelée centre germinatif,
qui est le siège d’une prolifération intense de
follicules ; elle contient peu de cellules T, est riche en macrophages et contient une
cellules B. Ces réactions sont spectaculaires, population de cellules B non circulantes appelées cellules B de la zone marginale,
mais s’éteignent finalement et laissent des à propos desquelles on connaît peu de choses ; il en est question au Chapitre 7. Les
centres germinatifs sénescents. La lymphe microbes arrivant par le sang, les antigènes solubles et les complexes antigène-
formée dans les espaces extracellulaires
transporte dans les ganglions par la voie anticorps sont filtrés par les macrophages et les cellules dendritiques immatures
des lymphatiques afférents les antigènes dans la zone marginale. À l’instar des cellules dendritiques immatures qui migrent
captés par les cellules dendritiques et les des tissus périphériques vers les zones de cellules T des ganglions lymphatiques,
macrophages. Ceux-ci migrent directement des
les cellules dendritiques des zones marginales spléniques, après avoir capté des
sinus dans les parties cellulaires du ganglion.
La lymphe ressort par les lymphatiques antigènes et avoir été ainsi activées, migrent dans les zones spléniques des cellu-
efférents, qui partent de la zone médullaire les T, où elles présentent aux cellules T les antigènes qu’elles ont transportés.
riche en macrophages et plasmocytes
sécréteurs d’anticorps, l’ensemble de ces La plupart des pathogènes pénètrent dans l’organisme par les surfaces muqueu-
cellules constituant les cordons médullaires. ses, celles-ci étant également exposées à une charge importante d’autres antigènes
Les lymphocytes naïfs parviennent dans le potentiels provenant de l’air, de la nourriture et de la flore microbienne naturelle.
ganglion par voie sanguine et à travers les
veinules post-capillaires, adaptées à ce type Les muqueuses sont protégées par un vaste système de tissus lymphoïdes appelé en
de transfert (non montrées), et ressortent général système immunitaire des muqueuses ou tissus lymphoïdes associés aux
avec la lymphe par le lymphatique efférent. La muqueuses (MALT, Mucosa-Associated Lymphoid Tissues). On estime que, dans son
microphotographie optique (grossissement × 7)
ensemble, le système immunitaire des muqueuses contient autant de lymphocytes
montre une coupe de ganglion lymphatique
avec des follicules contenant les centres que tout le reste du corps, et qu’ils forment un ensemble spécialisé de cellules obéis-
germinatifs. Cliché de N. Rooney. sant à des règles de circulation quelque peu différentes de celles en vigueur dans les
Un ganglion lymphatique
sinus cortical
follicule
follicule lymphoïde primaire
lymphoïde secondaire (surtout cellules B)
avec centre germinatif cordons médullaires
(macrophages
vaisseau lymphatique et plasmocytes)
afférent
sinus médullaire
artère
paracortex veine
(surtout cellules T)
vaisseau
lymphatique efférent
centre germinatif
sénescent
centre germinatif
sinus marginal
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 21
La rate
veine sinus
trabéculaire veineux
artère
Coupe transversale de la pulpe blanche trabéculaire Coupe longitudinale de la pulpe blanche
PR
ZPF
ZM
Co
couronne
de cellules B
CG centre germinatif
zone marginale
zone
périfolliculaire
manchon lymphoïde
PALS périartériolaire
artériole centrale
ZPF
pulpe rouge
Fig. 1.19 Organisation du tissu lymphoïde de la rate. Le schéma pulpe blanche, le sang transportant les lymphocytes et l’antigène passe
du haut montre la pulpe rouge (en rose), site de destruction des d’une artère trabéculaire vers une artériole centrale. À partir de cette
globules rouges, et les zones de pulpe blanche composées de tissu artériole, de plus petits vaisseaux irradient et aboutissent dans une
lymphoïde. L’agrandissement d’une coupe de rate (au centre) montre zone spécialisée de la rate humaine appelée zone périfolliculaire (ZPF)
l’organisation de la pulpe blanche (en jaune et bleu) autour des artérioles qui entoure chaque zone marginale. Les cellules et l’antigène passent
centrales. Elle y est représentée par plusieurs sections transversales dans la pulpe blanche à travers des espaces ouverts remplis de sang
et par deux sections longitudinales. Les deux schémas du bas sont dans la zone périfolliculaire. La microphotographie optique (en bas,
des agrandissements d’une section transversale (à gauche) et d’une à gauche) montre une coupe transversale de pulpe blanche de rate
section longitudinale (à droite) de pulpe blanche. Le manchon lymphoïde humaine après coloration immunologique des cellules B matures. Les
périartériolaire (PALS, PeriArteriolar Lymphoid Sheath) est composé follicules et le PALS sont entourés de la zone périfolliculaire. L’artériole
de cellules T. Les lymphocytes et les cellules dendritiques chargées folliculaire arrive dans le PALS (tête de flèche au-dessous), traverse le
d’antigène s’y rejoignent. Les follicules sont constitués essentiellement follicule, puis la zone marginale et s’ouvre dans la zone périfolliculaire
de cellules B. Dans les follicules secondaires, les centres germinatifs (tête de flèche au-dessus). Co, couronne de cellules B folliculaires ; CG,
sont entourés d’une couronne de cellules B. Les follicules sont entourés centre germinatif ; ZM, zone marginale ; PR, pulpe rouge ; têtes de flèche,
par une zone dite lymphocytaire marginale. Dans chaque zone de la artériole centrale. Cliché de N.M. Milicevic.
22 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie
important et le plus organisé du système GALT. L’antigène est capté par des cellules
épithéliales spécialisées appelées cellules M (Microfold, microplis) (Fig. 1.20). Sous
la cellule M, se trouvent plusieurs follicules de lymphocytes B. Les cellules T, moins
nombreuses que les B, occupent les zones interfolliculaires. La couche entre l’épithé-
lium de surface et les follicules est appelée dôme sous-épithélial. Les cellules den-
dritiques résidentes des plaques de Peyer présentent l’antigène aux lymphocytes T.
Les lymphocytes entrent dans les plaques de Peyer à partir du sang et quittent par
Fig. 1.20 Organisation d’une plaque de des lymphatiques efférents. Les lymphocytes effecteurs formés dans les plaques de
Peyer dans la muqueuse intestinale. Peyer migrent, par le système lymphatique et le courant sanguin, dans les muqueu-
Comme le montre le schéma de gauche, ses où elles exercent leurs fonctions effectrices.
une plaque de Peyer contient de nombreux
follicules avec un centre germinatif. Les Des agrégats lymphocytaires similaires mais plus diffus sont présents dans le trac-
cellules T occupent les zones interfolliculaires, tus respiratoire et d’autres muqueuses. On distingue le tissu lymphoïde associé
dites zones thymodépendantes. La couche
entre l’épithélium de surface et les follicules à la muqueuse nasale ou NALT (Nasal- Associated Lymphoid Tissue) et le tissu
est appelée le dôme sous-épithélial ; elle est lymphoïde associé à la muqueuse bronchique ou BALT (Bronchial-Associated
riche en cellules dendritiques, lymphocytes Lymphoid Tissue). Comme les plaques de Peyer, ces tissus lymphoïdes des
T et B. Les plaques de Peyer n’ont pas de
lymphatiques afférents et l’antigène provient
muqueuses sont couverts de cellules M, par lesquels passent les microbes et anti-
directement de l’intestin à travers un épithélium gènes inhalés et piégés dans le mucus couvrant les voies respiratoires. Il est ques-
spécialisé constitué des cellules M (microfold, tion du système immunitaire des muqueuses au Chapitre 11.
microplis). Bien que ce tissu paraisse très
différent des autres organes lymphoïdes, on Malgré une apparence très différente, les ganglions lymphatiques, la rate et les tis-
retrouve les mêmes zones. Comme dans sus lymphoïdes associés aux muqueuses partagent la même structure de base.
les ganglions lymphatiques, les lymphocytes
Tous opèrent selon le même principe : capturer l’antigène venant du site d’infec-
entrent dans les plaques de Peyer à partir
du sang à travers les parois des veinules à tion et le présenter aux petits lymphocytes T circulants afin d’induire ainsi une
endothélium élevé (non montrées) et quittent réponse immune adaptative. Les tissus lymphoïdes périphériques fournissent
par le lymphatique efférent. La micrographie aussi des signaux permanents aux lymphocytes qui n’ont pas rencontré leur anti-
optique dans le panneau a montre une
coupe à travers une plaque de Peyer dans
gène spécifique, leur permettant ainsi de survivre et de circuler.
la paroi de l’intestin d’une souris. La plaque Puisqu’ils sont impliqués dans le déclenchement des réponses immunitaires adap-
de Peyer est située plus bas que les tissus
épithéliaux. CG, centre germinatif ; ZTD, tatives, les tissus lymphoïdes périphériques ne sont pas des structures statiques,
zone thymodépendante. Le panneau b est mais elles changent fortement sous l’effet d’une infection. Les tissus lymphoïdes
une micrographie électronique à balayage diffus des muqueuses peuvent se former en réponse à une infection et disparaître
de l’épithélium associé aux follicules
ensuite tandis que, dans les mêmes circonstances, l’architecture des tissus organi-
correspondant à l’encadré de (a), montrant
les cellules M, qui sont dépourvues de sés se modifie d’une manière plus définie. Par exemple, les follicules de cellules B
microvillosités et de la couche de mucus des ganglions lymphatiques augmentent de volume avec la prolifération des lym-
présente sur les cellules épithéliales normales. phocytes B qui forment des centres germinatifs (voir Fig. 1.18). Il s’ensuit une hyper-
Chaque cellule M apparaît comme une
zone enfoncée à la surface épithéliale. Le
trophie du ganglion ou, selon l’expression familière, un gonflement des glandes.
panneau c est une vue à fort grossissement
Finalement, des populations spécialisées de lymphocytes peuvent être dispersées
de la zone encadrée en (b), montrant les
microplis caractéristiques d’une cellule M. dans des sites particuliers du corps plutôt que de se trouver dans des tissus lym-
Les cellules M sont les portes d’entrée de phoïdes organisés. De tels sites comprennent le foie et la lamina propria intes-
nombreux pathogènes et d’autres particules. tinale, ainsi que la base de l’épithélium intestinal, les épithéliums des tractus
(a) Coloration à l’éosine et hématoxyline.
Grossissement × 100 ; (b) × 500 ; (c) × 23 000.
génitaux et, chez la souris mais pas chez l’homme, l’épiderme. Ces populations
Source : Mowat, A., Viney, J.: Immunol. Rev. lymphocytaires semblent jouer un rôle important dans la protection de ces tissus
1997, 156:145-166. contre les infections, et sont décrites plus en détail aux Chapitres 7 et 11.
Les plaques de Peyer sont couvertes d’une couche épithéliale contenant des cellules spécialisées appelées cellules M, qui ont des microplis membranaires caractéristiques
dôme sous-épithélial
cellule villosité dôme
épithélium associé M
aux follicules
centre
germinatif b
cellules T
follicule
lymphatiques ZTD CG cellule M
efférents
a c
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 23
Comme nous l’avons vu dans les Sections 1-3 et 1-6, les tissus lymphoïdes périphé-
riques sont spécialisés non seulement dans la rétention des cellules phagocytai-
res qui ont ingéré l’antigène, mais aussi dans la promotion des interactions de ces
dernières avec les lymphocytes, processus indispensable au déclenchement d’une
réponse immunitaire adaptative.
Toutes les réponses lymphocytaires aux antigènes requièrent non seulement le
signal résultant de la liaison de l’antigène aux récepteurs spécifiques, mais aussi
un second signal provenant d’une autre cellule par l’intermédiaire de molécules
de surface dites de costimulation (voir la Section 1.7). Les cellules T naïves sont
généralement stimulées par les cellules dendritiques activées (Fig. 1.21, schéma
de gauche) mais, pour les cellules B naïves, le second signal est délivré par une
cellule T auxiliaire effectrice (Fig. 1.21, schéma de droite). Les macrophages et les
cellules B qui présentent un antigène étranger à leur surface peuvent aussi expri-
mer des molécules costimulatrices et peuvent donc activer des cellules T naïves.
La Fig. 1.22 présente ces trois cellules immunitaires spécialisées dans la présenta-
tion d’antigène. À cet égard, les cellules dendritiques sont les plus importantes des
trois ; elles jouent un rôle central dans le déclenchement des réponses immunitai-
res adaptatives.
L’induction de molécules costimulatrices est essentielle dans le déclenchement
d’une réponse immunitaire adaptative car le contact avec l’antigène en absence de
costimulation inactive les lymphocytes naïfs, ce qui entraîne soit une délétion clo-
nale ou conduit à un état inactif appelé anergie. Nous reviendrons sur ce sujet au
Chapitre 7. Ainsi, nous devons ajouter un postulat final à la théorie de la sélection
clonale. Un lymphocyte naïf ne peut être activé que par des cellules porteuses non
seulement de l’antigène spécifique mais aussi de molécules costimulatrices, dont
l’expression est régulée par l’immunité innée.
a b c
d e f
g h i
Fig. 1.22 Les cellules présentatrices d’antigène professionnelles. immatures qui interagissent avec de nombreux pathogènes différents. Les
Les trois types de cellules présentatrices d’antigène professionnelles sont macrophages sont spécialisés d’une part dans l’ingestion des pathogènes,
représentées de façon schématique dans la ligne du haut, comme elles plus particulièrement quand ces germes sont couverts d’anticorps, et
le seront dans tout le livre. La deuxième ligne présente des micrographies d’autre part dans la présentation des antigènes. Les cellules B ont des
optiques, les cellules d’intérêt étant montrées par une flèche. Les clichés récepteurs spécifiques de l’antigène qui leur permettent d’ingérer une
des deux dernières lignes ont été pris au microscope électronique à grande quantité d’un antigène spécifique, de l’apprêter et de le présenter.
transmission et à balayage. Les cellules dendritiques matures, présentes Clichés de R.M. Steinman (a), N. Rooney (b, c, e, f), S. Knight (d, g),
dans les tissus lymphoïdes, dérivent de cellules dendritiques tissulaires P.F. Heap (h, i).
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 25
doit proliférer. Ce n’est que lorsqu’un vaste clone de cellules identiques aura été
produit que celles-ci vont se différencier en cellules effectrices. Cette expansion
clonale est une caractéristique commune à toutes les réponses immunes adapta-
tives. En reconnaissant son antigène spécifique sur une cellule présentatrice d’an-
tigène activée, un lymphocyte naïf arrête sa migration et enfle. La chromatine de
son noyau devient moins dense, les nucléoles apparaissent, le noyau et le cyto-
plasme augmentent de volume et de nouvelles molécules d’ARNm et de protéines
sont synthétisées. En quelques heures, la cellule a pris un aspect complètement
différent ; est devenue un lymphoblaste (Fig. 1.23).
Les lymphoblastes commencent alors à se diviser, se dupliquant normalement
deux à quatre fois toutes les 24 heures, pendant 3 à 5 jours, de telle façon qu’un
seul lymphocyte naïf aboutit à un clone d’environ 1000 cellules filles de spécificité
identique. Celles-ci se différencient ensuite en cellules effectrices. Dans le cas des
cellules B, ce sont les plasmocytes qui sécrètent les anticorps ; dans le cas des cellu-
les T, les cellules effectrices sont les cellules T cytotoxiques capables de détruire les
cellules infectées ou des cellules T auxiliaires qui activent d’autres cellules du sys-
tème immunitaire. Les lymphocytes effecteurs ne circulent pas comme des lym-
phocytes naïfs. Certaines cellules T effectrices détectent des foyers infectieux et
migrent dans ces sites à partir du sang ; d’autres restent dans les tissus lymphoï-
des pour activer les cellules B. Certains plasmocytes sécréteurs d’anticorps restent
dans les organes lymphoïdes périphériques, mais la plupart des plasmocytes géné-
rés dans les ganglions lymphatiques et la rate gagnent la moelle osseuse et y restent,
versant leurs anticorps dans le courant sanguin. Les cellules effectrices générées
dans le système immunitaire des muqueuses restent en général dans ces tissus.
Après l’activation d’un lymphocyte naïf, il faut 4 à 5 jours avant que l’expansion
clonale ne soit complète et que les lymphocytes soient devenus effecteurs. C’est
pourquoi les premières réponses immunitaires adaptatives n’interviennent que
plusieurs jours après le début de l’infection et sa détection par le système immu-
nitaire inné. La plupart des lymphocytes générés par l’expansion clonale au cours
d’une réponse immunitaire donnée meurent. Cependant, un nombre significatif
de cellules B et de cellules T spécifiques et activées persiste après l’élimination de
l’antigène. Ces cellules sont appelées cellules mémoire et forment la base de la
mémoire immunologique, qui assure une réponse plus rapide et plus efficace lors
d’une seconde rencontre avec le même pathogène et procure de cette façon une
protection immunitaire durable.
Les caractéristiques de la mémoire immunologique apparaissent clairement lors-
que la production d’anticorps par un individu à la suite d’une première immunisa-
tion, immunisation primaire, est comparée à la réponse qui survient chez le même
individu lors d’une deuxième immunisation, immunisation secondaire ou de
rappel, par le même antigène. Comme le montre la Fig. 1.24, la réponse anticorps
secondaire intervient après une phase de latence plus courte, atteint un niveau
nettement plus élevé et produit des anticorps de plus haute affinité (ou force de
liaison) pour l’antigène. Cette augmentation de l’affinité pour l’antigène est appelée
maturation d’affinité ; elle est la conséquence d’événements qui sélectionnent les
récepteurs des cellules B, et ainsi des anticorps, sur base d’une affinité croissante
pour l’antigène durant une réponse immunitaire. Il faut souligner que les récep-
teurs des cellules T ne subissent pas la maturation d’affinité ; le seuil d’activation
des cellules T mémoire est plus bas que celui des cellules T naïves, mais cela tient à
un changement dans la capacité de répondre de la cellule et non à un changement
de récepteur. Nous décrirons les mécanismes de ces changements importants,
dans les Chapitres 4, 9 et 10. Les bases cellulaires de la mémoire immunologique
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 27
Résumé.
Variole Variole
Virus (intracellulaires) Influenza Grippe
Varicelle Varicelle
différencient en plasmocytes qui sécrètent des anticorps capables d’agir dans cet
environnement. Les récepteurs des cellules T sont spécialisés dans la détection d’an-
tigènes qui ont été générés à l’intérieur des cellules de l’organisme, et cela se reflète
dans les actions effectrices des cellules T. Certaines cellules T effectrices tuent direc-
tement les cellules infectées par des pathogènes intracellulaires comme les virus,
alors que d’autres participent aux réponses contre des pathogènes extracellulaires
en interagissant avec les cellules B pour les aider à produire des anticorps.
La plupart des autres mécanismes effecteurs qui éliminent les pathogènes cibles
d’une réponse immunitaire adaptative sont pratiquement identiques à ceux de
l’immunité innée et font appel à des cellules comme les macrophages et les neutro-
philes ainsi qu’a des protéines comme le complément. En effet, il paraît probable
que le système immunitaire inné qui existait chez les invertébrés a évolué en acqué-
rant le mode de reconnaissance spécifique au moyen de récepteurs distribués de
manière clonale. C’est le thème qui sera discuté au Chapitre 16. Nous commençons
par résumer les activités effectrices des anticorps, qui dépendent presque entière-
ment du recrutement de cellules et de molécules du système immunitaire inné.
Les anticorps sont présents dans la phase liquide du sang, le plasma, et dans
les fluides extracellulaires. Les liquides de l’organisme étant autrefois nommés
« humeurs », l’immunité assurée par les anticorps s’appelle immunité humorale.
Comme nous l’avons vu à la Fig. 1.13, les anticorps sont des molécules en Y dont
les bras forment deux sites identiques de liaison à l’antigène. Ces sites varient for-
tement d’une molécule à l’autre, ce qui assure la diversité requise pour la recon-
naissance spécifique de l’antigène. La queue de l’Y est de loin moins variable. Il
n’existe que cinq formes principales de cette région constante des anticorps ; elles
sont appelées classes ou isotypes des anticorps. La région constante détermine
les propriétés fonctionnelles de l’anticorps, comment il déclenche les mécanis-
mes effecteurs qui éliminent l’antigène reconnu, et chaque classe exerce sa fonc-
tion particulière en engageant une série distincte de mécanismes effecteurs. Nous
décrivons les isotypes et leurs actions aux Chapitres 4 et 9.
Le moyen le plus simple et direct par lequel les anticorps assurent la protection
contre les pathogènes et leurs produits toxiques est de se lier à eux et de bloquer
ainsi leur accès aux cellules qu’ils pourraient infecter ou détruire (Fig. 1.26, pan-
neaux de gauche). Ce mécanisme, dit de neutralisation, est important pour la
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 29
protection contre les toxines bactériennes et les pathogènes comme les virus, dont
l’entrée et la réplication intracellulaire sont ainsi empêchées.
La liaison aux anticorps, cependant, ne suffit pas pour arrêter la réplication des bacté-
ries qui se multiplient hors des cellules. Dans ce cas, un des rôles de l’anticorps est de
permettre à une cellule phagocytaire, un macrophage ou un neutrophile, d’ingérer
et de détruire la bactérie. De nombreuses bactéries échappent au système immuni-
taire inné car elles ont une tunique externe qui n’est pas reconnue par les récep-
teurs de reconnaissance de motifs (PRR) présents sur les phagocytes. Cependant,
des antigènes de la tunique peuvent être reconnus par des anticorps. Or les phago-
cytes ont des récepteurs qui se lient à la région constante des anticorps recouvrant la
bactérie, ce qui conduit à la phagocytose (Fig. 1.26, panneaux du milieu). Les anti-
corps, ainsi que d’autres protéines, en recouvrant des pathogènes et des particules
étrangères, facilitent leur ingestion ; ce processus s’appelle opsonisation.
La troisième fonction des anticorps est d’activer le système du complément. Le
système du complément, décrit en détail dans le Chapitre 2, est d’abord activé
30 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie
dans le cadre de l’immunité innée, par des surfaces microbiennes sans l’interven-
tion des anticorps. Mais les régions constantes des anticorps liés aux surfaces bac-
tériennes peuvent interagir avec la première protéine du système du complément.
Aussi, une fois des anticorps produits, l’activation du complément augmente. Les
composants du complément liés à la surface bactérienne peuvent détruire direc-
tement certaines bactéries. Ce mécanisme est important dans certaines infections
bactériennes (voir Fig. 1.26, panneaux de droite). Toutefois, la principale fonction
du complément, comme celle des anticorps eux-mêmes, est de recouvrir la sur-
face des pathogènes et de rendre les phagocytes capables d’ingérer et de détruire
les bactéries qu’ils n’auraient pas reconnues autrement. Le complément ampli-
fie également les actions bactéricides des phagocytes. Il se nomme d’ailleurs ainsi
parce qu’il « complémente » l’action des anticorps.
Les anticorps des différents isotypes sont retrouvés dans les différents compar-
timents de l’organisme et se distinguent par les mécanismes effecteurs qu’ils
recrutent. Mais finalement, toutes les particules et tous les pathogènes couverts
d’anticorps sont finalement livrés aux phagocytes pour être ingérés, dégradés et
éliminés de l’organisme (voir Fig. 1.26, panneaux du bas). Le complément et les
phagocytes que les anticorps recrutent ne sont pas eux-mêmes spécifiques de l’an-
tigène ; ils dépendent des molécules d’anticorps qui marquent les particules étran-
gères. Les anticorps sont l’unique contribution des cellules B à la réponse immune
acquise. Les cellules T, au contraire, exercent diverses actions effectrices.
Les pathogènes sont accessibles aux anticorps seulement dans le sang et les espa-
ces extracellulaires. Cependant, des pathogènes bactériens ou parasitaires ainsi
que tous les virus se répliquent dans la cellule où les anticorps ne peuvent pas les
a b
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 31
détecter. La destruction de ces intrus est prise en charge par des lymphocytes T,
responsables des réponses immunitaires cellulaires de l’immunité acquise.
Les interventions des cellules T cytotoxiques sont les plus directes. Elles recon-
naissent toute cellule infectée par un virus. Des antigènes dérivés du virus en répli-
cation sont exposés à la surface des cellules infectées, où ils sont alors reconnus
par les récepteurs d’antigène des cellules T cytotoxiques, qui peuvent contrôler
l’infection en tuant la cellule infectée avant que la réplication virale ne soit com-
plète et que de nouveaux virus n’aient été libérés (Fig. 1.27).
À la fin de leur développement dans le thymus, les lymphocytes T sont se répartis-
sent en deux classes principales : l’une porteuse d’une protéine de surface appelée
CD8 et l’autre d’une protéine appelée CD4. Ce ne sont pas de simples marqueurs,
ces protéines jouent un rôle important dans la fonction des cellules T, puisqu’elles
contribuent à déterminer le type d’interaction de la cellule T avec d’autres cellu-
les. Les cellules T cytotoxiques sont porteuses de CD8, tandis que la classe des cel-
lules T qui activent les cellules avec lesquelles elles interagissent, plutôt que de les
tuer, sont porteuses de CD4.
Les cellules T CD8 sont destinées à devenir cytotoxiques dès le moment où elles
quittent le thymus comme lymphocytes naïfs. Par contre, les cellules T CD4 peu-
vent se différencier en différents types de cellules T effectrices après leur activa-
tion initiale par l’antigène. Les deux types majeurs de cellules T effectrices CD4 sont
appelées cellules TH1 et TH2 bien que plusieurs autres types, comme nous le ver-
rons au Chapitre 8, aient été décrits. Ces deux types sont tout deux impliqués dans
le combat contre les infections bactériennes, mais de manière tout à fait différen-
tes. Les cellules TH1 exercent deux fonctions. La première est de contrôler certaines
infections bactériennes intracellulaires. Certaines bactéries ne se développent que
dans des vésicules à l’intérieur des macrophages. Des exemples typiques sont ceux
de Mycobacterium tuberculosis et de M. leprae, agents respectifs de la tuberculose
et de la lèpre. Les bactéries phagocytées par les macrophages sont habituellement
détruites dans les lysosomes qui contiennent diverses enzymes et substances anti-
microbiennes. Les bactéries intracellulaires survivent parce que les vésicules qu’el-
les occupent ne fusionnent pas avec les lysosomes (Fig. 1.28). Ces infections peuvent
être contrôlées par les cellules TH1, qui reconnaissent des antigènes bactériens
Les différents types de cellules T effectrices doivent être dirigés contre les cellu-
les cibles appropriées. La reconnaissance de l’antigène est évidemment cruciale,
mais des interactions supplémentaires entre les molécules CD8 et CD4 sur les cel-
lules T et les molécules du CMH de la cellule cible contribuent à la reconnaissance
correcte de cette cible.
Comme nous l’avons vu dans la Section 1-13, les cellules T détectent des peptides
dérivés des antigènes étrangers. Ceux-ci sont dégradés à l’intérieur de la cellule ;
Fig. 1.30 Les molécules du CMH de classe ensuite, les peptides sont pris en charge par des molécules du CMH et les com-
I présentent des antigènes dérivés de plexes sont finalement exposés à la surface de la cellule (voir Fig. 1.16). Il existe
protéines du cytosol. Dans les cellules
infectées par des virus, les protéines virales deux types principaux de molécules du CMH, dites du CMH de classe I et du CMH
sont synthétisées dans le cytosol. Des de classe II. Elles se distinguent par de petites différences de structure, mais elles
fragments peptidiques de ces protéines ont toutes deux un sillon allongé à la surface extracellulaire de la molécule, dans
virales sont transportés vers le réticulum
lequel un seul peptide est inséré durant la synthèse et l’assemblage de la molécule
endoplasmique (RE) où ils se lient à des
molécules du CMH de classe I. Ensuite, du CMH dans la cellule. La molécule du CMH chargée de son peptide est transpor-
celles-ci les exposent à la surface de la cellule. tée à la surface de la cellule où elle présente le peptide aux cellules T (Fig. 1.29).
Les protéines virales sont Les fragments peptidiques Les peptides liés sont transportés
Le virus infecte la cellule synthétisées dans le cytosol de protéines virales se lient par le CMH de classe I
au CMH de classe I dans le RE à la surface de la cellule
Cytosol
Réticulum
Cytosol endoplasmique
Noyau
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 33
Antigène lié par un récepteur Antigène internalisé Les fragments se lient aux molécules
de surface des cellules B et dégradé en fragments du CMH de classe II et sont
peptidiques transportés à la surface de la cellule
anticorps
cellule B
La différence importante entre les deux classes de molécules du CMH ne repose pas La cellule T cytotoxique reconnaît
sur leur structure mais sur l’origine des peptides qu’elles capturent et transportent à le complexe peptide viral-CMH
la surface cellulaire. Les molécules du CMH de classe I collectent des peptides déri- de classe I et tue la cellule infectée
vés de protéines synthétisées dans le cytosol et sont ainsi capables de présenter des
fragments de protéines virales à la surface de la cellule (Fig. 1.30). Les molécules du
CMH de classe II lient des peptides issus de protéines contenues dans les vésicules Tc CD8
intracellulaires et présentent ainsi des peptides dérivés de pathogènes vivant dans
les vésicules macrophagiques ou ingérés par les cellules phagocytaires et les cellu-
les B (Fig. 1.31). Nous verrons au Chapitre 5 comment des peptides provenant de ces CMH de
tue classe I
différentes sources deviennent accessibles aux deux types de molécules du CMH.
Après avoir gagné la surface cellulaire avec leur charge peptidique, les deux classes
de molécules du CMH sont reconnues par différentes classes fonctionnelles de cel-
lules T. En effet, la molécule CD8 se lie préférentiellement aux molécules du CMH de
classe I, tandis que CD4 se lie préférentiellement aux molécules du CMH de classe II. Fig. 1.32 Les cellules T cytotoxiques CD8
Ainsi, les molécules du CMH de classe I présentant des peptides viraux sont recon- reconnaissent les antigènes présentés par
les molécules du CMH de classe I et tuent
nues par des cellules T cytotoxiques, qui tuent les cellules infectées (Fig. 1.32) ; les la cellule. Le complexe peptide-CMH de
molécules du CMH de classe II présentant des peptides dérivés d’antigènes exogè- classe I sur des cellules infectées par un virus
nes et présents dans des vésicules sont reconnues par des cellules T porteuses de est détecté par des cellules T cytotoxiques
spécifiques de l’antigène. Les cellules sont
préprogrammées pour tuer les cellules qu’elles
reconnaissent.
La cellule TH1 reconnaît un complexe La cellule T auxiliaire reconnaît un complexe
peptide bactérien-CMH de classe II peptide antigénique-CMH de classe II
et active le macrophage et active la cellule B
Fig. 1.33 Les cellules CD4 reconnaissent les
antigènes présentés par les molécules du
CMH de classe II. Lors de la reconnaissance
TH 1 CD4 Cellule T CD4 de l’antigène présenté sur des macrophages
auxiliaire infectés, les cellules TH1 activent ces
macrophages, ce qui entraîne la destruction
des bactéries intracellulaires (panneau de
CMH CMH gauche). Lorsqu’elles reconnaissent un
classe II classe II B antigène sur des cellules B, les cellules T
active active auxiliaires TH2 ou TH1 les activent, ce qui
entraîne leur prolifération et leur différenciation
en plasmocytes producteurs d’anticorps
(panneau de droite).
34 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie
CD4 (Fig. 1.33). CD4 et CD8 sont donc appelés corécepteurs, puisqu’ils sont impli-
qués obligatoirement dans la signalisation de la cellule T dont le récepteur a lié l’an-
tigène correct. Les interactions utiles sont assurées en plus par le fait que toutes les
cellules expriment des molécules du CMH de classe I, et ainsi toute cellule infectée
par un virus peut être reconnue et tuée par une cellule T cytotoxique CD8, alors que
les seules cellules qui expriment normalement des molécules du CMH de classe II
sont les cellules dendritiques, les macrophages et les cellules B, c’est-à-dire les cel-
lules qui doivent activer ou être activées par les cellules T CD4.
Puisque le récepteur des cellules T est spécifique de la combinaison d’un peptide
et d’une molécule du CMH, tout récepteur d’une cellule T donnée reconnaîtra soit
une molécule du CMH de classe I ou une molécule du CMH de classe II. Pour
être utiles, les lymphocytes T dotés de récepteurs d’antigène qui reconnaissent le
CMH de classe I doivent aussi exprimer les corécepteurs CD8, tandis que les lym-
phocytes T pourvus de récepteurs spécifiques du CMH de classe II doivent expri-
mer CD4. La concordance d’un récepteur de cellule T avec un corécepteur de type
approprié s’établit au cours du développement lymphocytaire, et les cellules T naï-
ves émergent des organes lymphoïdes centraux en portant la combinaison cor-
recte de récepteurs et de corécepteurs. La maturation des cellules T en cellules T
CD8 ou CD4 reflète les résultats du test de spécificité que subit le récepteur de la
cellule T pendant son développement. Comment fonctionne exactement ce pro-
cessus sélectif et comment il optimise l’efficacité du répertoire T sont des ques-
tions centrales en immunologie et constituent le sujet principal du Chapitre 7.
En reconnaissant leurs cibles, les trois types de cellules T sont stimulés et libèrent
diverses molécules effectrices. Celles-ci peuvent directement affecter leurs cellules
cibles ou contribuer au recrutement d’autres cellules effectrices par des voies dont
nous discuterons au Chapitre 8. Ces molécules effectrices comprennent de nom-
breuses cytokines, qui jouent un rôle crucial dans l’expansion clonale des lympho-
cytes aussi bien que dans les réponses innées et dans les activités effectrices de
la plupart des cellules du système immunitaire. Aussi, connaître l’effet des cyto-
kines est essentiel pour comprendre les divers modes d’intervention du système
immunitaire. Les actions de toutes les cytokines connues sont résumées dans l’Ap-
pendice III, certaines sont introduites au Chapitre 2, les cytokines dérivées des cel-
lules T étant décrites au Chapitre 8.
On aurait tendance à considérer que notre système immunitaire nous met à l’abri
de toute infection et peut prévenir les récidives. Chez certaines personnes, tou-
tefois, des fonctions du système immunitaire font défaut. Dans les plus graves
de ces immunodéficiences, l’immunité acquise est complètement absente et le
décès survient dans l’enfance à la suite d’une infection fulminante à moins que des
mesures drastiques ne soient prises. D’autres déficits moins sévères conduisent à
des infections récurrentes causées par des pathogènes particuliers et dépendent
d’une déficience particulière. On a beaucoup appris sur les fonctions des différen-
tes composantes du système immunitaire humain par l’étude de ces immunodéfi-
ciences, dont beaucoup sont d’origine génétique.
Il y a plus de 25 ans, une forme dévastatrice d’immunodéficience est apparue, le
syndrome de l’immunodéficience acquise ou SIDA, dont l’agent causal est le
virus de l’immunodéficience humaine acquise (VIH) dont il existe deux types,
le VIH-1 et le VIH-2. Cette maladie détruit les cellules T, les cellules dendritiques
et les macrophages porteurs de CD4, entraînant des infections par des bactéries
intracellulaires et par d’autres pathogènes normalement contrôlés par ces cellu-
les. Ces infections sont la principale cause de décès liée à cette immunodéficience,
dont la prévalence augmente. Nous en discuterons en détail au Chapitre 12 avec
les immunodéficiences héréditaires.
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 35
Alors que la suppression spécifique des réponses immunitaires reste tributaire des
avancées de la recherche fondamentale sur la régulation immunitaire et ses appli-
cations, la stimulation volontaire de la réponse par immunisation, ou vaccination,
a permis de nombreux succès au cours des deux siècles écoulés depuis l’expé-
rience pionnière de Jenner.
Les programmes de vaccination de masse ont conduit à l’éradication actuelle de
plusieurs maladies à forte morbidité (maladie) et mortalité (Fig. 1.35). On consi-
dère l’immunisation tellement sûre et efficace que la plupart des états aux USA exi-
gent que les enfants soient vaccinés contre sept maladies infantiles fréquentes.
Poliomyélite
Nombre de cas 40
rapportés vaccin
pour 100 000 inactivé
30
habitants
20
vaccin
10 oral
0
1940 1950 1960 1970 1980 1990
Rougeole
Nombre de cas 600 60 Nombre
vaccin
rapportés 500 50 de cas
pour 100 000 de PESS
habitants 400 40 aux USA
300 30
200 rougeole PESS 20
100 10
0 0
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990
Résumé du Chapitre 1 37
Aussi impressionnants que soient ces résultats, nous manquons encore de vaccins
efficaces contre de nombreux pathogènes. Et même dans le cas où des vaccins sont
appliqués avec efficacité contre des maladies comme la rougeole ou la poliomyé-
lite dans les régions développées, des difficultés techniques et économiques empê-
chent leur usage courant dans les pays en voie de développement, où la mortalité
liée à ces maladies reste élevée. Les outils de l’immunologie moderne et de la bio-
logie moléculaire permettent actuellement de développer de nouveaux vaccins et
d’améliorer les plus anciens. Nous discuterons de ces avancées dans le Chapitre 15.
La perspective de pouvoir contrôler ces maladies graves stimule la communauté
scientifique. Pouvoir garantir un bon état de santé est une étape critique dans le
contrôle des populations et le développement économique. Pour un faible coût
individuel, de nombreuses détresses et souffrances peuvent être soulagées.
De nombreux pathogènes ont résisté aux vaccins que l’on cherche à développer
contre eux, souvent parce qu’ils peuvent échapper aux mécanismes protecteurs de
la réponse immunitaire adaptative, qu’ils peuvent également affaiblir. Nous exami-
nons, au Chapitre 12, les stratégies d’échappement que certains pathogènes utili-
sent avec succès. Pour vaincre les maladies principales à l’échelle mondiale, entre
autres le paludisme et les maladies diarrhéiques (principales affections létales chez
les enfants) ainsi que le SIDA de menace plus récente, il faudra mieux connaître les
pathogènes en cause et leurs interactions avec les cellules du système immunitaire.
Résumé.
Résumé du Chapitre 1.
Burnet, F.M.: The Clonal Selection Theory of Acquired Immunity. London, 1-4 Principales publications avec de fréquents articles
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1-3 Principales publications consacrées exclusivement ou Seminars in Immunology
principalement à l’immunologie The Immunologist
L’immunité innée
2
Dans ce livre, nous étudierons les divers mécanismes par lesquels la réponse
immune acquise agit pour protéger l’hôte contre les différents agents patho-
gènes infectieux. Cependant, dans le présent chapitre, c’est le rôle des défenses
naturelles non adaptatives constituant les premières barrières contre la maladie
infectieuse que nous allons examiner. Les micro-organismes qui sont rencontrés
chaque jour dans la vie d’un individu sain n’engendrent que de manière occasion-
nelle des maladies. La plupart sont détectés et détruits en quelques minutes ou
quelques heures par les mécanismes de défense qui ne requièrent pas une longue
période d’induction car ils ne dépendent pas de l’expansion clonale des lympho-
cytes spécifiques d’antigènes (voir la Section 1-9) : ce sont les mécanismes de l’im-
munité naturelle.
Fig. 2.1 La réponse à une première infection
La Fig. 2.1 résume la cinétique et les différentes phases de l’interaction du patho- se produit en trois phases. On distingue
gène avec l’hôte susceptible d’être infecté. Certains mécanismes de la réponse la phase innée, la réponse innée, induite
et précoce ainsi que la réponse immune
innée entrent en jeu immédiatement lors de la rencontre avec les agents infec- adaptative. Les deux premières phases
tieux. D’autres sont activés et amplifiés en présence d’une infection et reviennent sont basées sur la reconnaissance des
alors aux niveaux de base après la fin de l’infection. Les mécanismes de l’immu- pathogènes par des récepteurs codés par la
nité innée ne génèrent pas une mémoire immunologique protectrice à long terme. lignée germinale du système immunitaire inné,
tandis que l’immunité adaptative utilise des
C’est seulement si un organisme infectieux perce ces premières lignes de défense récepteurs variables spécifiques de l’antigène
que la réponse immune adaptative se développe avec la production de cellu- et produits après des réarrangements de
les effectrices, qui attaquent le pathogène de manière spécifique, et des cellules segments géniques. L’immunité adaptative
mémoire, qui préviendront la réinfection par ce même micro-organisme. Le pou- intervient tardivement, car les rares cellules B
et T spécifiques du pathogène doivent passer
voir des réponses immunes adaptatives est dû à leur spécificité antigénique, que par une expansion clonale avant de se
nous étudierons dans les chapitres suivants. Cependant, pour éliminer les patho- différencier en cellules effectrices pouvant
gènes, ces réponses spécifiques dépendent de plusieurs des mécanismes effec- éliminer l’infection. Les mécanismes effecteurs
qui éliminent l’agent infectieux sont semblables
teurs du système de l’immunité innée décrits dans ce chapitre.
ou identiques à chaque phase.
Les agents responsables des maladies sont répartis en cinq groupes : les virus, les
bactéries, les champignons, les protozoaires et les helminthes (vers). Les protozoai-
res et les vers sont généralement regroupés sous le terme de parasites et sont étu-
diés en parasitologie alors que les virus, les bactéries et les champignons sont les
sujets d’étude de la microbiologie. La Fig. 2.2 présente une liste des classes de micro-
organismes et de parasites responsables des maladies avec des exemples classiques
pour chacun. Chaque pathogène se distingue par son mode de transmission, son
mécanisme de réplication, son mécanisme de pathogénie, c’est-à-dire comment il
cause la maladie, et la réponse qu’il suscite dans l’organisme. Les différents habi-
tats et cycles vitaux des pathogènes signifient qu’une série variée de mécanismes
immunitaires innés et adaptatifs doivent être déployés en vue de leur destruction.
Les agents infectieux peuvent se développer dans différents compartiments de
l’organisme, comme la Fig. 2.3 le montre schématiquement. Nous avons déjà vu
que l’organisme peut être divisé en deux compartiments : l’intra- et l’extracellu-
laire. Les systèmes immunitaires inné et adaptatif disposent de différents moyens
pour faire face aux pathogènes occupant ces deux compartiments. De nombreu-
ses bactéries vivent et se répliquent dans les espaces extracellulaires, soit à l’in-
térieur de l’organisme soit à la surface des épithéliums qui bordent les cavités de
l’organisme. Les bactéries extracellulaires sont généralement sensibles à la des-
truction par les phagocytes, une arme importante du système immunitaire inné,
mais certaines pathogènes, comme les staphylocoques et les streptocoques, sont
protégés de l’ingestion par une capsule polysaccharidique. Ce qui peut être sur-
monté dans une certaine mesure avec l’aide d’un autre composant de l’immunité
innée, le complément, qui rend les bactéries plus sensibles à la phagocytose. Dans
la réponse immunitaire adaptative, les bactéries sont rendues plus sensibles à la
phagocytose par une combinaison d’anticorps et de complément.
Les pathogènes intracellulaires obligés, comme les virus, doivent envahir les cellu-
les pour se répliquer, tandis que les pathogènes intracellulaires facultatifs, comme
les mycobactéries peuvent se répliquer à l’intérieur ou à l’extérieur des cellules.
Les pathogènes intracellulaires doivent donc être bloqués lors de leur entrée dans
la cellule ou être détectés et éliminés après leur entrée. Les pathogènes de ce type
peuvent être répartis selon qu’ils se répliquent librement dans la cellule, comme
les virus et certaines bactéries (par exemple, Chlamydia, Rickettsia ou Listeria), ou
dans des vésicules cellulaires, comme le font les mycobactéries. Les agents infec-
tieux intracellulaires causent fréquemment une maladie en tuant ou en altérant
des fonctions de la cellule qu’ils occupent. Le système immunitaire inné dispose
de deux moyens généraux de défense contre ce type de pathogène. Les phagocy-
tes peuvent capter le pathogène avant qu’il n’entre dans les cellules, tandis que les
cellules NK peuvent reconnaître directement et tuer les cellules infectées par cer-
tains pathogènes intracellulaires. Les cellules NK sont efficaces dans le contrôle de
certaines infections virales jusqu’à ce que des cellules T cytotoxiques du système
immunitaire adaptatif prennent le relais et, à leur tour, se mettent à tuer les cellu-
les infectées par le virus. Les pathogènes qui vivent dans les vésicules des macro-
phages peuvent être fragilisés lorsque la cellule colonisée est activée sous l’effet de
médiateurs libérés par les cellules NK ou les cellules T (voir Fig. 2.3).
42 Chapitre 2 : L’immunité innée
Rhabdovirus Rage
Une fois que les pathogènes ont débordé les défenses de l’immunité innée, ils pous-
sent et se répliquent dans l’organisme, causant des maladies nettement différen-
tes, ce qui reflète les différents processus par lesquels ils endommagent les tissus
(Fig. 2.4). De nombreux pathogènes bactériens extracellulaires dangereux provo-
quent des maladies en libérant des toxines protéiques, contre lesquelles le système
immunitaire inné est assez dépourvu. Les anticorps hautement spécifiques produits
par le système immunitaire adaptatif sont nécessaires pour neutraliser l’activité de
ces toxines (voir Fig. 1.26). Le dommage causé par un agent infectieux particulier
dépend aussi du site dans lequel il prolifère ; par exemple, Streptococcus pneumo-
niae, dans le poumon, cause une pneumonie, alors que, dans le sang, il déclenche
une maladie systémique et rapidement fatale, la sepsie pneumococcique.
Comme nous le verrons dans les prochaines sections, pour envahir l’organisme,
un pathogène doit se fixer à un épithélium ou le traverser. Les pathogènes intes-
tinaux, comme Salmonella typhi, l’agent de la fièvre typhoïde, ou Vibrio cho-
lerae, responsable du choléra, se répandent respectivement par la nourriture et
l’eau contaminées par des matières fécales. Les réponses immunitaires adaptati-
ves contre ce type de pathogène se développent, une fois que la barrière épithé-
liale a été franchie, dans le système immunitaire muqueux spécialisé décrit au
Chapitre 11. La première ligne de défense contre les micro-organismes qui enva-
hissent l’organisme en passant par l’intestin consiste en un épithélium intestinal
sain et une flore intestinale capable d’entrer en compétition avec les pathogènes
pour les nutriments et les sites d’adhérence épithéliale.
La plupart des micro-organismes pathogènes ont acquis, au cours de l’évolution,
la capacité de déborder les réponses immunitaires innées, de continuer à se mul-
tiplier et, ainsi, de nous rendre malades. Une réponse immunitaire adaptative est
requise pour les éliminer et pour prévenir une réinfection subséquente. D’autres
pathogènes létaux ne sont jamais éliminés complètement par le système immuni-
taire, et persistent dans le corps pendant des années. Mais, la plupart des pathogè-
nes ne sont pas tous létaux. Ceux qui ont vécu pendant des milliers d’années dans
la population humaine ont évolué pour exploiter leurs hôtes humains ; ils ne peu-
vent plus modifier leur caractère pathogène sans risquer de compromettre l’équili-
bre qu’ils ont établi avec le système immunitaire humain. Pour survivre longtemps,
44 Chapitre 2 : L’immunité innée
Mécanismes directs de lésion tissulaire par des pathogènes Mécanismes indirects de lésion tissulaire par des pathogènes
Mécanisme
pathogène
Amygdalite, Sepsie à bactéries Variole Varicelle, zona Maladie rénale Rhumatisme Tuberculose
scarlatine Gram–négatives Hépatite Dépôts vasculaires articulaire aigu Lèpre tuberculoïde
Furoncles, syndrome Méningite, Poliomyélite Glomérulonéphrite Anémie hémolytique Méningite aseptique
de choc toxique, pneumonie Rougeole, Lésions rénales dans Arthrite de Lyme
Maladie intoxication Fièvre typhoïde panencéphalite la syphilis secondaire Schistosomiase
alimentaire Dysenterie bacillaire sclérosante aiguë Dépôts rénaux Kératite stromale
Diphtérie Infection des plaies Grippe transitoires herpétique
Tétanos Peste Boutons
Choléra de fièvre
Sarcome de Kaposi
Fig. 2.4 Les pathogènes peuvent un pathogène qui tue rapidement son hôte n’est pas plus performant qu’un patho-
endommager les tissus de différentes
gène qui est éliminé par le système immunitaire avant d’avoir eu le temps d’infecter
manières. La figure reprend les mécanismes
pathogènes, les agents infectieux un autre individu. En bref, nous nous sommes adaptés à vivre avec nos ennemis, et
caractéristiques et les noms communs eux avec nous. Néanmoins, l’alerte récente déclenchée par des souches hautement
des maladies associés à chacun de ces pathogènes de la grippe aviaire et l’épisode, en 2002-2003, du syndrome respira-
pathogènes. Les exotoxines sont libérées par
les micro-organismes et agissent à la surface
toire aigu sévère (SRAS) nous rappellent que de nouvelles infections mortelles peu-
des cellules de l’hôte, en se fixant par exemple vent passer des animaux à l’homme. Le SRAS, responsable de pneumonie humaine
à des récepteurs. Les endotoxines, qui sont grave, est causé par un coronavirus des chauve-souris. Ces infections d’origine ani-
des composés intrinsèques de la structure male sont appelées zoonoses. Nous devons rester vigilants à tout moment afin de
microbienne, déclenchent la libération par
les phagocytes de cytokines qui produisent
faire face à l’émergence de nouveaux pathogènes et de nouvelles menaces pour
des symptômes locaux et systémiques. De la santé. Le virus de l’immunodéficience humaine qui cause le SIDA (décrit au
nombreux pathogènes sont cytopathiques, Chapitre 12) nous rappelle que nous restons constamment vulnérables.
endommageant directement les cellules
qu’ils infectent. Enfin, la réponse immunitaire
adaptative contre un pathogène peut induire
des complexes antigène:anticorps qui activent
2-2 Les agents infectieux doivent déborder les défenses naturelles
les macrophages et les neutrophiles, des de l’hôte pour établir un foyer infectieux.
anticorps qui peuvent réagir de manière
croisée avec les tissus de l’hôte ou des
Nos organismes sont constamment exposés aux micro-organismes présents dans
cellules T qui tuent les cellules infectées
Tous ces mécanismes sont susceptibles l’environnement, y compris les agents infectieux disséminés par les individus
d’endommager les tissus de l’hôte. De plus, les infectés. Le contact avec ces micro-organismes peut se produire au niveau des sur-
neutrophiles, les cellules les plus nombreuses faces épithéliales externes et internes. La muqueuse de l’arbre respiratoire fournit
au début de l’infection, libèrent de nombreuses
protéines et de petites molécules inflammatoires
une porte d’entrée pour les micro-organismes aériens ; la muqueuse gastro-in-
qui contrôlent l’infection et provoquent des testinale pour les micro-organismes présents dans les aliments et l’eau. Les piqû-
lésions tissulaires (voir Fig. 2.9). res d’insectes et les blessures permettent aux micro-organismes de pénétrer dans
la peau ; les contacts directs entre individus permettent les infections cutanées,
intestinales et génitales (Fig. 2.5).
En dépit de cette exposition, la maladie infectieuse reste heureusement rare.
Les surfaces épithéliales du corps servent de barrière efficace contre la plu-
part des micro-organismes, et sont rapidement réparées lorsqu’elles sont lésées.
La ligne de front des défenses de l’hôte 45
Muqueuses
Épithéliums externes
Piqûres de moustiques
(Aedes aegypti) Flavivirus Fièvre jaune
Piqûres d’insecte
Piqûres de tiques des cervidés Borrelia burgdorferi Maladie de Lyme
De plus, la plupart des germes qui réussissent à traverser l’épithélium sont effica-
cement éliminés par des mécanismes de l’immunité innée qui agissent dans les
tissus sous-jacents. Ainsi, dans la plupart des cas, ces défenses empêchent l’in-
fection de s’établir. Il est difficile d’estimer la proportion d’infections ainsi repous-
sées, puisqu’elles ne suscitent pas de symptômes cliniques et passent inaperçues.
Il est certain cependant que les nombreux micro-organismes qu’un individu nor-
mal inhale et ingère ou qui pénètrent par des blessures mineures sont le plus sou-
vent mis en échec ou éliminés puisqu’ils causent rarement des maladies.
La maladie apparaît lorsqu’un micro-organisme réussit à éviter ou à déborder
les défenses de l’hôte pour établir un foyer infectieux et s’y répliquer et se disper-
ser ensuite dans notre corps. Dans certains cas, comme l’infection fongique dite
« pied d’athlète », le foyer initial reste localisé et ne cause pas de pathologie signi-
ficative. Dans d’autres cas, l’agent infectieux occasionne de sérieux dommages et
une maladie grave en se dispersant par la voie lymphatique ou sanguine, en enva-
hissant et détruisant les tissus ou en perturbant les fonctions de l’organisme par
ses toxines, comme le fait la puissante neurotoxine sécrétée par l’agent du tétanos,
Clostridium tetani.
La diffusion du pathogène est souvent contrée par la réponse inflammatoire, qui
recrute, à partir des vaisseaux sanguins locaux, des cellules et molécules effectrices
du système de l’immunité innée (Fig. 2.6), tandis que la formation d’un caillot en
aval évite la dispersion sanguine du pathogène. Les réactions de l’immunité innée
agissent pendant plusieurs jours durant lesquels l’immunité adaptative se met en
œuvre pour faire face aux antigènes microbiens transportés dans le tissu lymphoïde
local par les cellules dendritiques (voir la Section 1-15). Une réponse immunitaire
adaptative diffère de l’immunité innée par son aptitude à cibler des structures
46 Chapitre 2 : L’immunité innée
vaisseau sanguin
Fig. 2.6 Une infection et la réponse spécifiques de souches particulières et de variants des pathogènes. Cette réponse
qu’elle suscite peuvent être divisées en
finira habituellement par éliminer l’infection et protégera l’hôte contre une réinfec-
une série des stades. Ceux-ci sont illustrés
ici pour un micro-organisme pénétrant par tion par le même pathogène en produisant des cellules effectrices et des anticorps
une blessure cutanée. L’agent infectieux doit spécifiques et en générant une mémoire immunologique contre ce pathogène.
d’abord adhérer aux cellules épithéliales puis
traverser l’épithélium. Une réponse immune
locale peut prévenir l’installation de l’infection. 2-3 Les surfaces épithéliales du corps constituent les premières lignes
Si ce n’est pas le cas, elle contribue à contenir
l’infection, l’agent infectieux étant transporté de défense contre l’infection.
par la lymphe et à l’intérieur des cellules
dendritiques dans les ganglions lymphatiques Nos surfaces corporelles sont défendues par les épithéliums, qui constituent
locaux. Ceci déclenche une réponse immune
adaptative et une guérison éventuelle de une barrière physique entre le milieu interne et le monde extérieur contenant
l’infection. Comme nous le verrons dans la les pathogènes (Fig. 2.7). Les cellules épithéliales sont tenues entre elles par des
Section 2-28, le rôle des cellules T γ:δ est jonctions serrées, qui forment un joint étanche efficace. Les épithéliums com-
incertain, ce qui est indiqué par le point prennent la peau et les tissus qui bordent le tractus gastro-intestinal, respiratoire
d’interrogation.
et urogénital. Les infections se manifestent lorsque le pathogène peut coloniser
ces tissus ou les traverser. Les couches sèches et protectrices de la peau consti-
tuent une barrière résistante ; aussi les pathogènes entrent le plus souvent par les
épithéliums internes, qui représentent la vaste majorité des surfaces épithélia-
les du corps. L’importance des épithéliums dans la protection contre l’infection
est démontrée par les complications infectieuses qui font suite aux blessures et
brûlures, l’infection étant dans ces circonstances la cause majeure de mortalité
et morbidité. En absence de blessure, les pathogènes parviennent à traverser les
des bactéries par les mécanismes de l’immunité innée ; des échecs de cette régula-
Le macrophage exprime des récepteurs pour
de nombreux constituants bactériens tion, par exemple en cas de déficience héréditaire de protéines de l’immunité innée
comme nous le décrivons au Chapitre 12, peuvent permettre à des bactéries norma-
récepteur récepteur lement non pathogènes de proliférer excessivement et causer ainsi une maladie.
de mannose de LPS (CD14)
TLR-4 2-4 Après être entrés dans les tissus, de nombreux pathogènes sont
reconnus, ingérés et tués par les phagocytes.
récepteur récepteur
des glucans éboueur Si un micro-organisme traverse une barrière épithéliale et commence à se répli-
quer dans les tissus, il est dans la plupart des cas reconnu par les phagocytes
Les bactéries, en se fixant aux récepteurs du mononucléaires ou macrophages qui résident dans ces tissus. Les macropha-
macrophage, déclenchent la libération de cytokines ges viennent à maturité de manière continue à partir des monocytes qui migrent
et de médiateurs lipidiques de l’inflammation dans les divers tissus. Les macrophages tissulaires ont reçu des noms particuliers
médiateurs liés à l’histoire de leur découverte, par exemple ils s’appellent cellules microglia-
lipidiques les dans les tissus nerveux et cellules de Kupffer dans le foie ; de manière géné-
LPS rique, ces cellules sont appelées phagocytes mononucléaires. Ils sont présents
en grand nombre particulièrement dans les tissus conjonctifs associés au trac-
tus gastro-intestinal, dans les poumons, où ils se trouvent à la fois dans le tissu
interstitiel et les alvéoles, le long de certains vaisseaux sanguins du foie, et dis-
chimiokines persés dans la rate, où ils éliminent les cellules sanguines vieillies. La deuxième
cytokines
grande famille de phagocytes, les neutrophiles, ou leucocytes polynucléaires
neutrophiles (PMN ou poly) sont des cellules à vie courte, nombreuses dans le
Les macrophages ingèrent et digèrent les sang mais normalement absentes dans les tissus sains. Ces cellules phagocytaires
bactéries auxquelles ils se sont liés jouent ensemble un rôle clé dans l’immunité naturelle, car elles reconnaissent,
ingèrent et détruisent beaucoup de pathogènes sans l’intervention de la réponse
immune adaptative.
lysosome
Comme la plupart des micro-organismes entrent dans le corps par les muqueuses
phagosome
intestinale et respiratoire, les macrophages situés dans les tissus sous-muqueux
sont les premières cellules à rencontrer la plupart des pathogènes, mais ils obtien-
nent rapidement du renfort suite au recrutement de nombreux neutrophiles dans
phagolysosome le foyer infectieux. Les macrophages et les neutrophiles reconnaissent les patho-
gènes par leurs récepteurs de surface qui distinguent les molécules de surface des
Fig. 2.8 Les macrophages activés par des pathogènes de celles de l’organisme. Ces récepteurs, que nous décrirons plus en
pathogènes les ingèrent et déclenchent les détail plus loin dans ce chapitre, comprennent, par exemple, le récepteur de man-
réactions inflammatoires. Les macrophages nose présent sur les macrophages mais absent des monocytes et des neutrophi-
dérivent des monocytes circulants. Ils
les. Citons encore les récepteurs éboueurs (scavenger) ; ils fixent divers ligands
partagent plusieurs propriétés communes,
mais acquièrent de nouvelles fonctions et de anioniques comme les acides lipoteichoïques, qui entrent dans la composition de
nouveaux récepteurs lorsqu’ils deviennent des la paroi des bactéries Gram-positives, et CD14, un récepteur qui se retrouve sur-
cellules quiescentes dans les tissus conjonctifs tout sur les monocytes et les macrophages (Fig. 2.8). CD14 fixe les liposaccharides
de tout l’organisme. Les macrophages
expriment des récepteurs pour de nombreux
(LPS) bactériens présents à la surface des bactéries Gram-négatives et leur permet
composants bactériens entre autres des d’être reconnus par d’autres récepteurs appelés récepteurs de type Toll. Les inte-
glucides bactériens (récepteurs du mannose ractions des pathogènes avec la plupart des récepteurs de surface entraîne la pha-
et des glucans), des lipides (récepteur du gocytose et la mort de l’agent infectieux. La phagocytose est un processus actif, au
LPS) et d’autres composants dérivés des
pathogènes (récepteurs de type Toll, ou TLR,
cours duquel le pathogène piégé est d’abord entouré par la membrane du phago-
et les récepteurs éboueurs). La liaison des cyte puis enfermé dans une vésicule formée par la membrane, le phagosome ou
bactéries aux récepteurs des macrophage vacuole endocytaire, dont le contenu s’acidifie progressivement, ce qui tue la plu-
stimule la phagocytose et la capture des part des pathogènes. En plus d’être des phagocytes, les macrophages et les neu-
pathogènes dans des vésicules intracellulaires,
où elles sont détruites. La signalisation par trophiles contiennent des granules appelés lysosomes, riches en enzymes et en
certains récepteurs, comme les récepteurs protéines et peptides qui peuvent attaquer le pathogène. Le phagosome fusionne
de type Toll, en réponse à des composants avec un ou plusieurs lysosomes pour former un phagolysosome dans lequel le
bactériens suscite la sécrétion de cytokines pro-
pathogène est détruit par le contenu lysosomial (voir Fig. 2.8).
inflammatoires comme l’interleukine-1β (IL-1β),
l’IL-6 et le facteur de nécrose tumorale (TNF-α). Lors de la phagocytose, les macrophages et les neutrophiles produisent aussi divers
produits toxiques qui contribuent à la lyse du micro-organisme ingéré (Fig. 2.9). Les
plus importants sont les peptides antimicrobiens et l’oxyde nitrique (NO), l’anion
superoxyde (O2-) et le peroxyde d’hydrogène (H2O2), qui sont directement toxiques
pour les bactéries. L’oxyde nitrique est produit par une forme de synthase à haut
La ligne de front des défenses de l’hôte 49
peroxydase
Rac SOD
cytokines
chimiokines
molécules d’adhérence permet aux leucocytes de s’attacher à l’endothélium et de Fig. 2.11 Une infection stimule la libération,
par les macrophages, de cytokines et de
migrer dans les tissus, un processus connu sous le terme d’extravasation, que nous
chimiokines qui déclenchent une réponse
décrirons en détail ultérieurement. Tous ces changements sont induits par les inflammatoire. Des cytokines produites par
cytokines et les chimiokines produites par les macrophages activés. des macrophages tissulaires dans le foyer
infectieux causent la dilatation des vaisseaux
Les premières cellules attirées sur le site de l’infection sont généralement les neu- sanguins locaux et des changements dans
trophiles. Ils sont suivis par les monocytes, lesquels se différencient en autant de leurs cellules endothéliales. Ces modifications
macrophages dans les tissus (Fig. 2.12). Les monocytes peuvent également se entraînent la sortie des leucocytes, comme
les neutrophiles et les monocytes, hors du
transformer en cellules dendritiques dans les tissus, selon les signaux précis qu’ils vaisseau sanguin (extravasation) ; ils gagnent
reçoivent de l’environnement ; par exemple, la cytokine GM-CSF (Granulocyte– le foyer infectieux en étant guidés par des
Macrophage Colony-Stimulating Factor) associée à l’interleukine-4 (IL-4) induira la chimiokines produites par les macrophages
activés. Les vaisseaux sanguins deviennent
différenciation du monocyte en cellule dendritique, tandis que la cytokine M-CSF
aussi plus perméables, permettant aux
(Macrophage Colony-Stimulating Factor) induit la différenciation du monocyte en protéines plasmatiques et au liquide de
macrophage. s’échapper dans les tissus. Ces divers
changements causent les symptômes
Dans les stades plus tardifs de l’inflammation, d’autres leucocytes comme les éosi- inflammatoires typiques : chaleur, douleur,
nophiles (voir la Section 1-3) et les lymphocytes gagnent également le foyer infec- rougeur et gonflement.
tieux. Le troisième changement majeur dans les vaisseaux sanguins locaux est une
augmentation de la perméabilité vasculaire. Perdant leur connexion serrée, les cel-
lules endothéliales des parois vasculaires s’écartent, ce qui entraîne la fuite de fluides
et des protéines plasmatiques, qui s’accumulent alors dans le site enflammé. Cela
explique le gonflement ou œdème, et la douleur, mais aussi l’apport des protéines
plasmatiques utiles à la défense de l’hôte. Les changements qui surviennent dans
l’endothélium comme conséquences de l’inflammation sont appelés en général
Résumé.
empêchent les agents pathogènes d’entrer ou de former des colonies. Elles doi-
vent empêcher l’adhérence des virus et des bactéries qui pénètrent grâce à des
interactions spécifiques avec les surfaces cellulaires. Elles résistent également en
sécrétant des enzymes et des peptides antimicrobiens. Les bactéries, les virus et les
parasites qui dépassent cette barrière sont confrontés immédiatement aux macro-
phages tissulaires, équipés de récepteurs de surface qui peuvent lier et phagocyter
différents types de pathogènes. Cette activité entraîne alors une réaction inflam-
matoire avec accumulation, dans le foyer infectieux, des phagocytes, les neutro-
philes et les macrophages, qui ingèrent et détruisent les germes envahissants.
Expression par toutes les cellules d’un type particulier Oui Non
(par ex. les macrophages)
La MBL se fixe avec une haute affinité aux résidus La MBL ne se lie pas aux résidus mannose
de mannose et de fucose correctement espacés et fucose qui ont un espacement différent
Hétérodimère Peptidoglycan 2-7 Les récepteurs de type Toll sont des récepteurs de signalisation
TLR-1:TLR-2 Lipoprotéines qui distinguent différents types de pathogènes et contribuent
Lipoarabinomannan
(mycobactéries) au choix d’une réponse immunitaire appropriée.
Hétérodimère GPI (T. cruzi)
TLR-2:TLR-6 Zymosan (levure)
Les récepteurs de type Toll des mammifères (TLR, Toll-Like Receptors) appartien-
nent à un système de reconnaissance et de signalisation très ancien sur le plan de
TLR-3 ARNdb
l’évolution et découvert par son rôle dans le développement embryonnaire de la
mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster. On a trouvé ensuite que ces récep-
Dimère TLR-4 LPS (bactéries
(plus MD-2 Gram-négatives) teurs intervenaient dans la défense contre des infections bactériennes et fongiques
et CD14) Acides lipotéichoïques chez l’insecte adulte et l’on sait actuellement qu’ils jouent un rôle dans la protec-
(bactéries tion anti-infectieuse des plantes, des insectes adultes et des vertébrés, y compris
Gram-positives)
les mammifères. Le récepteur responsable de ces fonctions chez la drosophile est
TLR-5 Flagelline
appelé Toll, et les protéines homologues chez les mammifères et les autres ani-
maux sont dès lors dites de type Toll.
On a décrit 10 gènes TLR chez la souris et chez l’homme, et chacune des 10 pro-
TLR-7 ARNsb
téines correspondantes est destinée à reconnaître un assortiment distinct de
motifs moléculaires qui sont normalement absents chez les vertébrés normaux.
Ces motifs sont caractéristiques de composants de micro-organismes pathogènes
TLR-8 Oligonucléotides riches en G à l’un ou l’autre stade de l’infection. Puisqu’il n’existe que 10 gènes fonctionnels
TLR, les récepteurs de type Toll ont une spécificité limitée en comparaison des
TLR-9 ADN CpG récepteurs d’antigène du système immunitaire adaptatif et ont évolué pour recon-
non méthylé naître certains motifs moléculaires associés aux microbes. Mais, bien que la diver-
sité des récepteurs de type Toll soit limitée, ils peuvent reconnaître des éléments
Fig. 2.16 Reconnaissance immunitaire de la plupart des microbes pathogènes, comme la Fig. 2.16 le montre.
innée par les récepteurs de type Toll.
Chacun des TLR dont la spécificité est connue Certains TLR mammaliens sont des récepteurs de surface, tandis que d’autres sont
reconnaît un ou plusieurs motifs moléculaires situés à l’intérieur de la cellule et insérés dans la membrane des endosomes, où ils
microbiens, en général par interaction détectent la présence des pathogènes ou de leurs composants ingérés par endo-
directe avec des molécules de la surface du
pathogène. Bien que certaines protéines des
cytose ou macropinocytose (Fig. 2.17). Un important récepteur de type Toll pour
TLR forment des hétérodimères (par ex. TLR- la réponse contre des infections bactériennes communes est TLR-4 sur les macro-
1:TLR-2), ce n’est pas la règle ; TLR-4, par phages ; il signale la présence de lipopolysaccharide bactérien par association avec
exemple, ne forme que des homodimères. CD14, le récepteur des macrophages pour le lipopolysaccharide, et une protéine
GPI, glycosylphosphatidylinositol; T. cruzi,
Trypanosoma cruzi, le protozoaire parasite ; cellulaire additionnelle, MD-2. TLR-4 est aussi impliqué contre un virus, au moins,
ARNdb, ARN double brin ; ARNsb, ARN simple le virus syncytial respiratoire, mais dans ce cas, la nature exacte du ligand stimu-
brin. lant n’est pas encore connue. Un autre récepteur de type Toll chez les mammifères,
TLR-2, signale la présence d’un assortiment différent de composants microbiens,
qui comprennent les acides lipotéichoïques (LTA) des bactéries Gram-positives et
diacyl triacyl
lipopeptides lipopeptides flagelline LPS les lipoprotéines des bactéries Gram-négatives, mais l’on ignore comment il les
reconnaît. Les réponses cellulaires à la stimulation des divers TLR sont dirigées de
TLR-6 TLR-2 TLR-1 TLR-2 TLR-5 TLR-4
manière à s’adapter au type particulier de pathogène présent. Par exemple, la sti-
mulation de TLR-3 par l’ARN double brin d’origine virale conduit à la production
MD-2
d’une cytokine antivirale, l’interféron, dont il sera question plus loin dans ce chapi-
tre. TLR-4 et TLR-2 induisent des signaux semblables mais distincts, comme l’illus-
trent les réponses différentes résultant de la signalisation par le lipopolysaccharide
TLR-3 Fig. 2.17 Les localisations cellulaires à la paroi de l’endosome, reconnaissent des
TLR-7
des récepteurs de type Toll mammaliens. composants microbiens, comme l’ADN, qui ne
Certains TLR sont localisés à la surface deviennent accessibles qu’après dégradation
cellulaire des cellules dendritiques et des du microbe. Les peptides diacyl et triacyl
macrophages, où ils peuvent détecter des reconnus respectivement par les récepteurs
ARNsb TLR-9 molécules extracellulaires des pathogènes. hétérodimériques TLR-6:TLR-2 et TLR-
ARNdb
On pense que les TLR agissent sous forme de 1:TLR-2, proviennent de l’acide lipotéichoïque
dimères ; seuls ceux qui fonctionnent comme des parois des bactéries Gram-positives et des
ADN CpG hétérodimères sont montrés ici sous forme lipoprotéines de surface des bactéries Gram-
Endosome dimérique. Les autres fonctionnent comme négatives.
homodimères. Les TLR intracellulaires, ancrés
La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système immunitaire inné 57
via TLR-4 et la signalisation par les LTA via TLR-2 ; par exemple, le lipopolysaccha-
ride et les LTA induisent la production de TNF-α, mais le lipopolysaccharide peut
aussi induire la production d’interféron (IFN)-β.
Des substances comme les LPS qui induisent une activité costimulatrice ont été
MyD88
utilisées pendant des années dans les composés qui sont injectés avec les antigè-
RICK
nes protéiques pour augmenter leur immunogénicité. Ces substances sont appe-
lées adjuvants (voir Appendice I, Section A-4), et c’est empiriquement que l’on NFκB NFκB
a trouvé que les meilleurs adjuvants contenaient des composants microbiens.
Plusieurs de ceux-ci (voir Fig. 2.16) induisent l’expression de molécules costimu-
latrices et de cytokines par les macrophages et les cellules dendritiques. Le pro-
fil exact des cytokines produites par le macrophage et la cellule dendritique varie
selon la nature des récepteurs stimulés, et nous verrons aux Chapitres 8 et 10 que
les cytokines sécrétées influencent à leur tour le caractère fonctionnel de la réponse
immune adaptative en développement. Ainsi, la capacité de discrimination du
système immunitaire inné entre les différents types de pathogènes est mise à pro-
fit pour assurer le choix de la réponse immune adaptative la plus appropriée.
Résumé.
Fig. 2.22 Le LPS bactérien induit, dans les dans les ganglions régionaux sous forme
cellules de Langerhans, des changements de cellules dendritiques matures. Le second
qui les font migrer et déclencher l’immunité changement porte sur les molécules exprimées
adaptative en activant les cellules T à leur surface. Les cellules de Langerhans au
Cellule de
CD4. Les cellules de Langerhans sont des repos dans la peau ont une intense activité
Langerhans
cellules dendritiques immatures résidant phagocytaire et macropinocytaire, mais
bactérie dans la peau. En cas d’infection bactérienne, sont incapables d’activer les lymphocytes T.
elles sont activées par le LPS par la voie Les cellules dendritiques matures dans les
de signalisation des TLR. Ce qui induit ganglions lymphatiques ont perdu la capacité
CD14 chez elles deux types de changements. Le de capter les antigènes, mais sont devenues
premier concerne leur comportement et leur compétentes dans la stimulation des cellules T,
localisation. Alors que, dans la peau, elles sont du fait de l’expression accrue des molécules
au repos, dans les lymphatiques afférents, CMH et des molécules costimulatrices, CD80
TLR-4 on les retrouve en train de migrer en état (B7.1) et CD86 (B7.2).
d’activation. Finalement, elles aboutissent
sont des molécules sécrétées, qui facilitent la phagocytose des pathogènes par
opsonisation ou par activation du complément, comme nous le verrons dans la
prochaine partie de ce chapitre. Les récepteurs du système immunitaire naturel
qui reconnaissent les pathogènes jouent aussi un rôle important dans la signalisa-
tion des réponses induites responsables de l’inflammation locale, le recrutement
de nouvelles cellules effectrices, le contrôle de l’infection locale et le déclenche-
ment d’une réponse immune adaptative. De tels signaux peuvent être transmis par
une famille de récepteurs de signalisation, les récepteurs Toll (TLR), très conservés
au cours de l’évolution et qui servent à activer les défenses par une voie de signa-
lisation opérationnelle dans la plupart des organismes multicellulaires. Chez les
CD80
vertébrés, les récepteurs Toll jouent un rôle clé en permettant le déclenchement
de l’immunité adaptative. TLR-4 détecte la présence de bactéries Gram-négatives
par son association avec la protéine membranaire CD14, qui est un récepteur pour
molécule le LPS bactérien. D’autres TLR répondent à d’autres motifs moléculaires présents
du CMH
CD86 à la surface ou à l’intérieur des pathogènes. Ils activent le facteur de transcrip-
tion NFκB, qui induit alors la transcription de divers gènes codant entre autres des
cytokines, des chimiokines et des molécules costimulatrices, qui jouent un rôle
essentiel en orientant par la suite le cours de la réponse immune adaptative face à
l’infection. Tandis que les TLR reconnaissent la présence de bactéries et d’autres
microbes à l’extérieur de la cellule, les protéines cytosoliques, NOD, détectent des
produits bactériens similaires dans le cytoplasme de la cellule et activent la même
voie de NFκB.
Opsonisation
du pathogène
Élimination
des complexes immuns
Chaque voie suit une séquence de réactions qui va générer une protéase appe-
lée C3 convertase. Ces réactions constituent les événements « précoces » de
l’activation du complément. Cette phase est une succession de réactions enzy-
matiques dans lesquelles des précurseurs enzymatiques sont clivés en deux
fragments, le plus grand fragment des deux étant une sérine protéase. Cette pro-
téase active est retenue à la surface du pathogène, ce qui assure que le précur-
seur suivant soit clivé et activé à la surface du pathogène. Au contraire, le petit
fragment est libéré du site de la réaction et peut agir comme un médiateur solu-
ble de l’inflammation.
Les C3 convertases formées pendant ces événements précoces d’activation du com-
plément sont liées de façon covalente au pathogène. Là, elles clivent la protéine
C3 du complément pour générer de grandes quantités de C3b, le principal effec-
teur du complément, et C3a, un peptide médiateur de l’inflammation. Les molé-
cules de C3b sont des opsonines ; elles se lient de manière covalente au pathogène
et le destinent ainsi à la destruction par des cellules phagocytaires équipées de
récepteurs de C3b. C3b peut également s’unir à la C3 convertase pour former la C5
convertase, qui produit C5a, le plus important des petits peptides médiateurs de
l’inflammation, et le grand fragment C5b, qui déclenche les événements « tardifs »
de l’activation du complément. Ceux-ci comprennent une séquence de réactions
de polymérisation dans lesquelles les composants terminaux du complément for-
ment un complexe d’attaque membranaire, qui crée un pore dans la membrane
de certains pathogènes, ce qui peut les tuer.
64 Chapitre 2 : L’immunité innée
La voie classique joue un rôle dans l’immunité innée et adaptative. Comme nous
le verrons au Chapitre 9, le premier composant de cette voie, C1q, relie l’immu-
nité humorale adaptative au système du complément en se fixant aux complexes
antigènes:anticorps. Cependant, la voie classique peut aussi être activée au cours
des réponses immunitaires innées. Des anticorps appelés anticorps naturels sont
produits en l’absence apparente de toute infection. Ils ont une large spécificité pour
des antigènes microbiens et du soi, peuvent réagir avec de nombreux pathogènes
et, en tant qu’acteurs de l’immunité adaptative, peuvent activer le complément par
Le système du complément et l’immunité innée 65
Fig. 2.27 C1 est la première protéine de la des composants C1r et C1s, formant le
voie classique du complément, c’est un complexe C1q:C1r2:C1s2. Les têtes globulaires
complexe constitué de C1q, C1r et C1s. C1q peuvent se lier aux régions constantes des C1q
est composé de six sous-unités identiques immunoglobulines ou directement à la surface
comprenant des têtes globulaires et de longues du pathogène, ce qui change la conformation
tiges de type collagène. On a comparé cette de C1r, qui peut alors cliver et activer le C1s
molécule à un « bouquet de tulipes ». Ses zymogène C1s. Cliché (× 500 000) de C1r
tiges se lient à deux molécules de chacun K.B.M Reid.
La voie des lectines utilise des protéines très similaires à C1q pour déclencher la
cascade du complément. Une de ces protéines est la lectine liant le mannose (MBL,
Mannose-Binding Lectin ) décrite plus haut. Elle se lie de manière spécifique aux
résidus mannose et à certains autres glucides présents à la surface de nombreux
pathogènes et disposés de manière à ce qu’ils puissent interagir, comme le mon-
tre schématiquement la Fig. 2.15. Sur les cellules de vertébrés, ces structures sont
recouvertes par d’autres glucides, particulièrement par l’acide sialique. Ainsi, la
MBL ne peut activer le complément qu’en se liant à la surface d’un pathogène. Elle
66 Chapitre 2 : L’immunité innée
C4
C4a C2
C2b C3 C3a C3 C3a
C1s
C4b2a3b
C3b
C4b C4b2a C4b2a C3b
Fig. 2.28 La voie classique de l’activation est présente à faible concentration dans le plasma normal de la plupart des indi-
du complément génère la C3 convertase,
vidus et, comme nous le verrons dans la dernière partie de ce chapitre, sa produc-
qui dépose un grand nombre de molécules
C3b à la surface du pathogène. Les étapes tion par le foie est augmentée pendant la réaction de phase aiguë, qui fait partie de
citées ici sont détaillées dans le texte. Le la réponse immune innée.
clivage de C4 par C1s expose un groupement
réactif de C4b qui lui permet de se lier de La MBL, comme C1q, est une molécule à six têtes qui forme un complexe avec
manière covalente à la surface du pathogène. deux zymogènes de sérine protéases MASP1 et MASP2 (Fig. 2.30). MASP2 est
C4b se lie alors à C2, le rendant sensible au apparentée étroitement à C1r et C1s, et MASP1 est une cousine un peu plus éloi-
clivage par C1s. Le grand fragment C2a est la
protéase active de la C3 convertase. Celle-ci gnée ; ces quatre enzymes ont probablement évolué par duplication d’un gène à
clive de nombreuses molécules de C3 en C3b, partir d’un précurseur commun. Quand le complexe MBL se lie à la surface du
qui se lie à la surface du pathogène, et C3a, pathogène, MASP1 et MASP2 sont activées et clivent C4 et C2. Le rôle de MASP-1
un médiateur de l’inflammation.
dans l’activation du complément est incertain ; in vitro, elle clive C2 de manière
aussi efficace que MASP-2. Aussi, son rôle pourrait être d’amplifier l’activation
du complément, même si elle est incapable de la déclencher. Ainsi, la voie des
lectines active le complément de la même manière que la voie classique, en for-
mant une C3 convertase à partir de C2a lié à C4b. Les patients déficients en MBL
ou en MASP-2 sont plus sensibles aux infections durant la petite enfance, ce qui
montre l’importance de la voie des lectines. La fenêtre d’âge durant laquelle les
patients déficients en MBL sont particulièrement sensibles aux infections illus-
tre bien l’importance particulière des mécanismes de défense innés pendant la
petite enfance. Cette période critique débute après que l’enfant a perdu la protec-
tion passive assurée par les anticorps maternels transmis à travers le placenta et
par le colostrum et avant que son système immunitaire adaptatif n’ait atteint sa
pleine maturité.
La structure et la fonction des ficolines les apparentent à MBL et à Clq ; elles lient
également les glucides des surfaces microbiennes et, comme les collectines, acti-
vent le complément par liaison et activation de MASP-1 et MASP-2 (voir Fig. 2.30).
Chez l’homme, on distingue trois ficolines : L, M et H. Elles diffèrent des col-
lectines dans le fait qu’au lieu d’avoir un domaine lectine attaché à une tige de
type collagène, elles ont un domaine de type fibrinogène, qui lie des glucides et
donne aux ficolines leur spécificité générale pour les oligosaccharides contenant
la N-acétylglucosamine. En décrivant l’activation du complément par ces molécu-
les d’activation innée, nous avons utilisé MBL comme prototype, mais les ficolines
peuvent être plus importantes en pratique, puisque leur concentration plasmati-
que est plus grande que celle de MBL.
Le système du complément et l’immunité innée 67
Composant Forme
Fonction de la forme active
natif active
C1s Clive C4 et C2
Nous avons vu que la voie classique et la voie des lectines d’activation du complé-
ment débutent par la liaison de protéines à la surface des pathogènes. Pendant la
cascade enzymatique qui suit, il est important que l’activation reste localisée sur
ce même site, de telle manière que l’activation de C3 ait lieu à la surface du patho-
gène et non dans le plasma ou sur des cellules de l’hôte. Ce qui est réalisé princi-
palement par la liaison covalente de C4b au pathogène. Le clivage de C4 expose
une liaison thioester hautement réactionnelle dont la rupture entraîne la liaison
de C4b à un site proche de son lieu d’activation. Dans l’immunité innée, le cli-
vage de C4 est catalysé par le complexe C1 ou MBL lié au pathogène, C4b se liant
aux protéines voisines ou aux polysaccharides du pathogène. Si C4b ne forme pas
Ficolines
Fig. 2.30 Les molécules du système inné qu’elles interagissent avec la MBL de la
activatrices du complément sont associées même manière que C1r et C1s interagissent MASP-1 MASP-1
à des sérine protéases et forment un avec C1q. Après la liaison de la MBL à la
ensemble qui ressemble au complexe C1. surface bactérienne, MASP-2 est activée et MASP-2 MASP-2
La lectine liant le mannose (MBL) (panneau peut alors activer le complément en clivant et
du haut) est composée de groupes de deux activant C4 et C2. Les ficolines (panneau du
à six têtes qui se lient aux glucides et d’une bas) ressemblent à la MBL par leur structure
tige centrale constituée des monomères de générale, sont associées à MASP-1 et MASP-2
type collagène. Cette structure est facilement et peuvent activer C4 et C2 après liaison
visible en microscopie électronique (panneau aux glucides des surfaces microbiennes.
du milieu). Deux sérine protéases, MASP-1 et Le domaine de liaison des ficolines est un
MASP-2 (MBL Associated Serine Proteases), domaine de type fibrinogène et non de type
sont associées à la MBL. La disposition des lectine comme ceux de la MBL. Cliché de
molécules MASP dans le complexe n’est K.B.M Reid.
pas encore déterminée, mais il est probable
68 Chapitre 2 : L’immunité innée
rapidement cette liaison, le pont thioester est rompu par réaction avec l’eau, ce
qui inactive irréversiblement C4b (Fig. 2.31). La forme active ne peut ainsi s’écar-
ter du site d’activation, ce qui réduit le risque de liaison aux cellules saines de
l’hôte.
Le clivage de C2 par C1s n’est possible que lorsqu’il est lié à C4b et que la sérine
protéase, C2a, est de cette manière également confinée à la surface du patho-
gène sur laquelle elle reste associée à C4b pour former la C3 convertase, C4b2a.
Gly Glu
Cys Glu
γ γ
β β
α α
R
surface cellulaire
Le système du complément et l’immunité innée 69
Sur les cellules de l’hôte, les protéines Les pathogènes n’ont pas de protéines
régulatrices, CR1, H, MCP et DAF, se fixent régulatrices. La liaison de la properdine
à C3b. CR1, H et DAF déplacent Bb (facteur P) stabilise le complexe C3bBb
Bb
facteur P
DAF C3b Bb
H C3b
CR1 MCP C3bBb
C3b
C3b lié à H, CR1 et MCP est clivé par le Le complexe C3bBb est une C3 convertase qui
facteur I pour donner le C3b inactif (iC3b) dépose de nombreuses molécules de C3b sur
la surface du pathogène
facteur I
I DAF C3b I
I
CR1 H MCP
iC3b
iC3b
iC3b
Composant Fragments
Fonction
natif actifs
facteur B facteur D C3
Ba C3a
Bb
C3bBb
C3b
C3b
72 Chapitre 2 : L’immunité innée
très bien le système du complément, dont les composants sont clairement défi- C3b se lie aux C3 convertases C4b2a et
nis et pour lesquels, au plan de l’évolution, on peut facilement relier les homolo- C3bBb formant les C5 convertases actives
gues fonctionnels. C4b2a3b et C3b2Bb
Cellules endothéliales,
Récepteur La liaison de C3a
C3a mastocytes,
de C3a active des protéines G
phagocytes
production d’une réponse anticorps (voir Chapitres 6 et 9). Cet exemple montre
comment l’immunité innée participe à l’activation de l’immunité humorale adap-
tative, parallèlement aux macrophages et aux cellules dendritiques qui, de leur
côté, contribuent à l’induction d’une réponse cellulaire T. Nous y reviendrons plus
loin dans ce chapitre.
Les petits fragments C3a, C4a et C5a agissent sur des récepteurs spécifiques (voir
Fig. 2.37) pour produire une réponse inflammatoire locale. Produits en grande
quantité ou après une injection systémique, ils induisent un collapsus circula-
toire généralisé en produisant un choc similaire à celui que l’on peut observer lors
d’une réaction allergique impliquant les anticorps IgE. (voir Chapitre 13). Une
telle réaction est appelée choc anaphylactique et les petits fragments du com-
plément sont alors appelés anaphylatoxines. Des trois petits fragments, c’est C5a
qui est le plus stable et qui possède la plus grande activité biologique. Tous les
trois induisent la contraction des muscles lisses et l’augmentation de la perméa-
bilité vasculaire, mais C5a et C3a agissent aussi sur les cellules endothéliales des
vaisseaux sanguins pour induire des molécules d’adhérence. En plus, C3a et C5a
peuvent activer les mastocytes qui infiltrent les muqueuses et leur faire libérer
des médiateurs comme l’histamine et le TNF-α, qui produisent des effets simi-
laires. Les changements induits par C5a et C3a permettent le recrutement d’an-
ticorps, de protéines du complément et de phagocytes dans le foyer infectieux
(Fig. 2.39). L’afflux supplémentaire de liquide dans les tissus facilite le transport
du pathogène par les cellules présentatrices d’antigène vers les ganglions lym-
phoïdes locaux, ce qui contribue au déclenchement rapide de la réponse immune
adaptative.
C5a peut agir directement sur les neutrophiles et les monocytes et augmenter ainsi
leur adhérence vasculaire, leur migration dans les site où se trouve l’antigène et
leur aptitude à ingérer des particules. C5a augmente aussi l’expression de CR1 et
CR3 à la surface de ces cellules. Dans ce cas, C5a et, dans une moindre mesure,
C3a et C4a peuvent agir de concert avec les autres composants du complément
pour accélérer la destruction des pathogènes par les phagocytes. C5a et C3a trans-
mettent leur signal par un récepteur transmembranaire qui active des protéines
G. L’effet d’attraction qu’exerce C5a sur les neutrophiles et les monocytes est ana-
logue à celui des chimiokines, qui contrôlent la migration leucocytaire également
via des protéines G.
IgM
composants
du complément
dans la bicouche lipidique. Des sites hydrophobes similaires sont exposés par les
composants C8 et C9 lorsqu’ils se sont fixés au complexe, permettant aussi à ces
protéines de s’insérer dans la bicouche lipidique. C8 est formé de deux protéines
C8β et C8α-γ. La protéine C8β se lie à C5b et la liaison de C8β au complexe asso-
cié aux membranes C5b67 permet au domaine hydrophobe de C8α-γ de s’insérer
Fig. 2.41 L’assemblage du complexe
dans la bicouche lipidique. Finalement, C8α-γ induit la polymérisation de 10 à 16 d’attaque membranaire forme un pore
molécules de C9 qui forment une structure tubulaire, appelée complexe d’attaque dans la bicouche lipidique membranaire.
membranaire. Ce complexe d’attaque membranaire que l’on peut voir en schéma La séquence des étapes et l’apparence
et en microscopie électronique dans la Fig. 2.41 a une face externe hydrophobe approximative des composants impliqués
sont montrées de façon schématique. C5b
qui lui permet de s’associer à la bicouche lipidique mais un canal interne hydro- déclenche l’assemblage d’un complexe
phile. Le diamètre de ce canal est d’environ 100 Å, permettant le passage d’eau et contenant une molécule de chaque composant
de solutés à travers la bicouche lipidique. Cette perte d’intégrité membranaire per- C6, C7 et C8, dans cet ordre. C7 et C8
turbe l’homéostasie cellulaire, entraîne la rupture du gradient transmembranaire subissent un changement de conformation
exposant des domaines hydrophobes qui
de protons, la pénétration d’enzymes comme le lysozyme dans la cellule et la des- s’insèrent dans la membrane. Ce complexe
truction finale du pathogène. provoque lui-même des dommages modérés
à la membrane, mais il sert à induire la
Bien que l’effet du complexe d’attaque membranaire soit spectaculaire, particu- polymérisation de C9, de nouveau suite à
lièrement au cours des expériences dans lesquelles on se sert d’anticorps contre l’exposition d’un site hydrophobe. Jusqu’à 16
les membranes de globules rouges pour déclencher la cascade du complément, molécules de C9 peuvent être ainsi ajoutées
à l’assemblage pour former un canal de 100 Å
l’importance de ce mécanisme dans la défense de l’hôte serait plutôt limitée. À ce de diamètre dans la membrane. Ce canal
jour, les déficiences en composants C5-C9 du complément n’ont été associées rompt la membrane de la bactérie et la tue.
qu’à une susceptibilité accrue à l’espèce Neisseria, une bactérie responsable d’une Les micrographies électroniques montrent
maladie transmissible sexuellement, la gonorrhée, et d’une forme commune de des membranes érythrocytaires avec des
complexes d’attaque membranaires dans deux
méningite bactérienne. Ainsi, l’opsonisation et l’inflammation provoquées par les orientations différentes, de face et de profil.
composants précoces du complément sont nettement plus efficaces dans la Clichés de S. Bhakdi et J. Tranum-Jensen.
C8 C9
C6 C7
complexe
C5b
C5b67
bicouche lipidique
Pathogène
15 nm
3 nm
10 nm
78 Chapitre 2 : L’immunité innée
Récepteur 1 du
Se lie à C4b et déplace C2a, ou se lie à C3b et déplace Bb ; cofacteur pour I
complément (CR1)
Facteur I (I) Sérine protéase qui clive C3b et C4b ; aidée par H, MCP, C4BP ou CR1
MCP (Membrane Protéine membranaire qui facilite l’inactivation de C3b et C4b par I
Cofactor Protein)
microbe
C3
C2a
C3a
I
CR1
C4b I C4c
C4b2a C3b DAF I C4d
MCP
C3b
C4b C4BP
C5 C5a
C5b I I
H
C4b2a3b C3b2Bb C4b2a CR1 iC3b iC3b
C9
C5b
C6 CD59
C8 C7 C9
C5b678
Le système du complément et l’immunité innée 81
Résumé.
Les cytokines (voir Appendice III) sont de petites protéines (environ 25 kDa) qui
sont libérées par diverses cellules de l’organisme habituellement en réponse à un
signal d’activation et qui induisent des réponses par liaison à des récepteurs spéci-
fiques. Elles peuvent agir de manière autocrine, modifiant alors le comportement
de la cellule qui libère la cytokine, ou de manière paracrine, modifiant le com-
portement des cellules adjacentes. Certaines cytokines sont suffisamment stables
que pour agir de manière endocrine, modifiant le comportement de cellules à dis-
tance. Cette propriété dépend de la demi-vie des cytokines et de leur capacité à
rejoindre la circulation sanguine.
Les cytokines sécrétées par les macrophages en réponse aux pathogènes diffèrent
entre elles par leur structure. On trouve parmi elles l’interleukine-1β (IL-1β), l’IL-6,
l’IL-12, le TNF-α et la chimiokine CXCL8 (appelée à l’origine IL-8). On a proposé le
nom d’interleukine (IL) suivi d’un nombre (par exemple IL-1, IL-2…) afin de déve-
lopper une nomenclature standardisée qui reprendrait l’ensemble des molécules
sécrétées par les leucocytes et agissant sur les leucocytes. Cependant, la décou-
verte d’un nombre croissant de cytokines d’origine et de structure différentes et
aux effets variés a rapidement créé la confusion, et bien que l’appellation IL soit
encore utilisée, on espère qu’une nomenclature basée sur la structure des cytoki-
nes sera développée. Les cytokines et leurs récepteurs sont regroupés suivant leur
structure dans l’Appendice III à la fin de ce livre. On distingue trois familles struc-
turales majeures : la famille des hématopoïétines, qui inclut des hormones de
croissance aussi bien que de nombreuses interleukines qui interviennent à la fois
dans l’immunité adaptative et l’immunité innée ; la famille du TNF, qui elle aussi
intervient dans les deux formes d’immunité et qui comprend des molécules asso-
ciées aux membranes ; la famille des chimiokines, dont nous parlerons plus loin.
Parmi les interleukines dérivées des macrophages, l’IL-6 appartient à la grande
famille des hématopoïétines, le TNF-α fait évidemment partie de la famille des
TNF, tandis que l’IL-1 et l’IL-12 sont distinctes sur le plan structural. Toutes ont des
effets locaux et systémiques importants à la fois dans l’immunité innée et adapta-
tive ; ils sont résumés dans la Fig. 2.44.
La reconnaissance de classes différentes de pathogènes par des phagocytes et des
cellules dendritiques peuvent impliquer une signalisation passant par des récep-
teurs distincts, comme des TLR différents et aboutir à une certaine diversité des
cytokines induites. C’est une voie par laquelle des réponses appropriées seraient
suscitées de manière sélective, les cytokines libérées orchestrant la phase ulté-
rieure de la défense de l’hôte. Nous verrons comment le TNF-α, dont la production
est induite par les pathogènes porteurs de LPS, est particulièrement important
pour confiner ce type d’infection et comment la libération de différentes chimioki-
nes peut recruter et activer différents types de cellules effectrices.
Parmi les cytokines libérées par les tissus au cours des premières phases d’une
infection, on trouve les membres d’une famille de cytokines chimiotactiques, les
chimiokines (l’Appendice IV en établit la liste). Ces petites protéines, découvertes
assez récemment, induisent un chimiotactisme dirigé dans les cellules répondeu-
ses qui sont dans le voisinage. Parce qu’elles ont tout d’abord été détectées lors de
tests de cytokines, elles ont été initialement appelées interleukines. L’interleukine-8
(appelée maintenant CXCL8) a été la première chimiokine clonée et caractérisée ;
elle reste le représentant type de cette famille. Toutes les chimiokines sont appa-
rentées par leur séquence en acides aminés, et leurs récepteurs sont tous des pro-
téines avec sept hélices transmembranaires qui transmettent les signaux par des
84 Chapitre 2 : L’immunité innée
Effets locaux
Active l’endothélium vasculaire Active l’endothélium vasculaire Activation des lymphocytes Facteur chimiotactique qui Active les cellules NK
Active les lymphocytes et augmente la perméabilité et augmentation de la recrute les neutrophiles, les Induit la différenciation des
Détruit localement les tissus vasculaire, qui permet un apport production d’anticorps basophiles et les cellules T cellules T CD4 en cellules TH1
Augmente l’apport en plus grand d’IgG, de complément dans le foyer infectieux
cellules effectrices et de cellules dans les tissus et
amplifie le drainage des fluides
vers les ganglions lymphatiques
Effets systémiques
Fig. 2.44 Les cytokines importantes protéines G. On n’a pas encore déterminé la structure atomique d’un récepteur
sécrétées par les macrophages en réponse
de chimiokine, mais elle est probablement semblable à celle d’autres récepteurs à
aux produits bactériens comprennent
l’IL-1β, l’IL-6, CXCL8, l’IL-12 et le TNF- sept hélices transmembranaires et couplés aux protéines G comme le sont la rho-
α. Le TNF-α est un inducteur de la réponse dopsine (Fig. 2.45) et le récepteur muscarinique de l’acétylcholine. Les chimio-
inflammatoire locale qui aide à contenir les kines exercent leur activité principalement sur les leucocytes, recrutant, à partir
infections. Il a aussi des effets systémiques
dont beaucoup sont dangereux (voir
du sang, des monocytes, des neutrophiles et d’autres cellules effectrices dans le
Section 2-23). CXCL8 est aussi impliqué foyer infectieux. Libérées par de nombreux types cellulaires différents, elles ser-
dans la réponse inflammatoire locale en vent à guider les cellules impliquées dans l’immunité innée mais aussi les lympho-
contribuant à l’attraction des neutrophiles cytes de l’immunité adaptative, comme nous le verrons dans les Chapitres 8-10.
dans le foyer infectieux. L’IL-1, l’IL-6 et le
TNF-α jouent un rôle critique dans l’induction
Certaines chimiokines exercent aussi une fonction dans le développement et la
de la réponse hépatique dite de phase aiguë migration lymphocytaires ainsi que dans l’angiogenèse (croissance de nouveaux
(voir Section 2-28), et ils induisent la fièvre vaisseaux sanguins). La Fig. 2.46 reprend les propriétés d’un certain nombre de
qui renforce la défense de l’hôte de diverses chimiokines (voir aussi l’Appendice IV). Il est étonnant de constater qu’il existe un
manières. L’IL-12 active les cellules tueuses
naturelles (NK) et favorise la différenciation si grand nombre de chimiokines différentes ; cela pourrait refléter leur importance
des cellules T CD4 en sous-population de dans l’adressage des cellules dans les sites adéquats, comme cela semble être le
cellules TH1 durant l’immunité adaptative. cas pour les lymphocytes.
Les membres de la famille des chimiokines se répartissent pour la plupart en deux
grands groupes : les chimiokines CC avec deux cystéines adjacentes à proximité
de l’extrémité aminoterminale, et les chimiokines CXC, pour lesquelles les mêmes
résidus cystéines sont séparés par un autre acide aminé. Les deux groupes de
chimiokines agissent sur différents types de récepteurs : les récepteurs des chimio-
kines CC, dont neuf ont été identifiés jusqu’à présent, désignés de CCR1 à CCR9 et
les récepteurs des chimiokines CXC au nombre de six et appelés CXCR1 à CXCR6.
Ces récepteurs sont exprimés sur différents types cellulaires, qui sont donc attirés
par différentes chimiokines. En général, les chimiokines CXC avec un motif tripep-
tidique Glu-Leu-Arg (ELR) situé juste avant la première cystéine assurent la migra-
tion des neutrophiles. CXCL8 est un exemple de ce type de chimiokine. D’autres
chimiokines CXC dépourvues de ce motif, comme la chimiokine des lymphocytes B
Les réponses innées induites contre une infection 85
(CXCL13), guident les lymphocytes vers leur site propre dans les zones de cellu-
les B de la rate, des ganglions et de l’intestin. Les chimiokines CC entraînent la
migration des monocytes ou d’autres types de cellules. On peut citer par exem-
ple MCP-1 (Macrophage Chemoattractant Protein-1) ou CCL2. CXCL8 et CCL2 ont
des fonctions similaires quoique complémentaires : CXCL8 induit la sortie des
neutrophiles de la circulation sanguine et leur migration dans les tissus environ-
nants. CCL2, pour sa part, agit sur les monocytes induisant leur migration depuis
les vaisseaux vers les tissus où ils deviennent des macrophages. D’autres chimio-
kines CC comme CCL5 peuvent promouvoir l’infiltration tissulaire par d’autres
types de leucocytes, y compris des cellules T effectrices (voir Section 10-6), cha-
que chimiokine agissant sur les différentes sous-populations cellulaires. La seule
chimiokine connue avec une seule cystéine (XCL1) était appelée, à l’origine, lym-
photactine ; on pense qu’elle attire les précurseurs des cellules T vers le thymus en
se liant à XCR1. La chimiokine fractalkine est inhabituelle sur plusieurs plans : elle
a trois acides aminés entre les deux cystéines, c’est donc une chimiokine CX3CL.
De manière inhabituelle, il en existe deux formes : une est ancrée à la membrane
des cellules épithéliales et endothéliales qui l’expriment là où elle sert de protéine
d’adhérence ; l’autre est une forme soluble qui est libérée de la surface cellulaire et
qui agit comme agent chimiotactique à l’instar des autres chimiokines.
Le rôle des chimiokines comme CXCL8 et CCL2 dans le recrutement cellulaire est
double. Premièrement, elles agissent sur le leucocyte quand il roule le long des
cellules endothéliales dans les foyers inflammatoires ; elles arrêtent ce déplace-
ment et établissent une liaison stable en provoquant un changement de confor-
mation des molécules d’adhérence appelées intégrines leucocytaires. Cela permet
au leucocyte de traverser la paroi du vaisseau sanguin en passant entre les cellules
endothéliales, comme nous le verrons quand nous décrirons le processus d’extra-
vasation. Deuxièmement, les chimiokines liées à la surface des cellules endothé-
liales et à la matrice extracellulaire se distribuent sous forme de gradient qui dirige
le leucocyte, la concentration étant plus forte dans le foyer infectieux. Fig. 2.45 Les chimiokines constituent
Les chimiokines peuvent être produites par une grande variété de cellules en une famille de protéines de structure
semblable qui se lient à des récepteurs
réponse à des composants bactériens, à des virus, et à des agents responsables qui appartiennent eux-mêmes à une
de dommages physiques comme les cristaux de silice, d’alun ou d’urate, qui se grande famille de récepteurs couplés
forment chez les malades souffrant de la goutte. Ainsi, une infection comme une aux protéines G. Les chimiokines sont
représentées ici par CXCL8 (structure du haut).
lésion tissulaire déclenche la production de gradients de chimiokines, qui attirent Les récepteurs des chimiokines appartiennent
les phagocytes là où ils sont nécessaires. Le peptide fMLP produit par les bactéries à la famille de récepteurs à sept passages
est un puissant agent chimiotactique pour les cellules inflammatoires, et spécia- transmembranaires, laquelle comprend la
lement les neutrophiles (voir la Section 2-6). Le récepteur du fMLP est aussi cou- protéine photoréceptrice, la rhodopsine,
et de nombreux autres récepteurs. Ils ont
plé à une protéine G comme les récepteurs des chimiokines et ceux des fragments sept hélices transmembranaires, et tous
du complément C5a, C3a et C4a. Il existe donc un mécanisme commun pour l’at- les membres de cette famille de récepteurs
traction des neutrophiles, que ce soit par le complément, les chimiokines ou les interagissent avec des protéines G. La seule
peptides bactériens. Les neutrophiles sont les premiers à arriver en grand nom- structure élucidée d’une protéine à sept
passages membranaires est celle de la
bre dans le foyer infectieux, les monocytes et les cellules dendritiques immatures protéine bactérienne, la bactériorhodopsine.
étant recrutés plus tard. Elle est représentée par la structure du
bas, montrant l’orientation des sept hélices
Le peptide C5a du complément, et les chimiokines CXCL8 et CCL2 activent leurs transmembranaires (bleu) avec le ligand fixé
cellules cibles respectives, de sorte que les neutrophiles et les macrophages ne (rétinal dans ce cas) en rouge. L’essentiel
sont pas seulement attirés vers les sites d’infection, mais sont aussi armés pour de cette structure est imbriqué à l’intérieur
de la membrane cellulaire. Les cylindres
affronter les pathogènes. En particulier, les neutrophiles exposés à CXCL8 et à la représentent les hélices α, et les flèches les
cytokine TNF-α sont activés, ce qui déclenche la bouffée respiratoire génératrice feuillets β.
des radicaux de l’oxygène et de l’oxyde nitrique ainsi que la libération du contenu
des lysosomes. Ainsi, ils contribuent à la fois à la défense de l’hôte, à la destruction
des tissus et à la formation de pus dans les tissus infectés par les bactéries dites
pyogènes.
Les chimiokines n’agissent pas seules dans le recrutement des cellules, qui requiert
aussi l’intervention de médiateurs vasoactifs pour rapprocher les leucocytes des
endothéliums vasculaires (voir Section 2-5) ainsi que de cytokines comme le
TNF-α pour induire les molécules d’adhérence sur les cellules endothéliales. Nous
86 Chapitre 2 : L’immunité innée
reviendrons sur le sujet des chimiokines dans des chapitres ultérieurs, lorsqu’el-
les seront décrites dans le contexte de la réponse immune adaptative. Nous allons
maintenant étudier ces molécules qui interviennent dans l’adhérence des leuco-
cytes à l’endothélium, et nous décrirons ensuite chacune des étapes de l’extravasa-
tion leucocytaire, qui a été décrite pour les neutrophiles et les monocytes.
Monocytes Monocytes
CCL4 Macrophages Cellules NK et T
CCR1, 3, 5 Compétition avec
(MIP-1β) Neutrophiles Cellules
le VIH-1
Endothélium dendritiques
Monocytes
Cellules T Cellules NK et T Dégranulation des
CCL5
Endothélium CCR1, 3, 5 Basophiles basophiles
(RANTES)
Plaquettes Éosinophiles Activation des cellules T
Cell. dendritiques Inflammation chronique
Endothélium
Éosinophiles
CCL11 Monocytes
CCR3 Monocytes Rôle dans l’allergie
(Éotaxine) Épithélium
Cellules T
Cellules T
2-25 Des molécules d’adhérence cellulaire contrôlent les interactions entre les
leucocytes et les cellules endothéliales pendant la réaction inflammatoire.
Le recrutement des phagocytes activés aux foyers de l’infection est l’une des fonc-
tions les plus importantes de l’immunité innée. Ce recrutement fait partie de la
réaction inflammatoire ; il dépend des molécules d’adhérence cellulaire induites à
la surface de l’endothélium des vaisseaux sanguins locaux. Avant de nous intéres-
ser au processus de recrutement des cellules inflammatoires, nous décrirons tout
d’abord quelques molécules d’adhérence cellulaire impliquées dans ce processus.
Comme pour les composants du complément, la nomenclature des molécules d’ad-
hérence cellulaire prête à confusion. La plupart des molécules d’adhérence cellulaire,
en particulier celles qui sont présentes sur les leucocytes et dont la fonction est étu-
diée assez facilement, sont nommées en fonction des effets d’anticorps monoclonaux
dirigés contre elles. Plus tard, elles ont été caractérisées par clonage de leur gène. Leur
nom n’a donc aucune relation avec leur structure. Par exemple, les antigènes associés
à la fonction lymphocytaire, LFA-1, LFA-2 et LFA-3 (Leucocyte Functional Antigens),
appartiennent en réalité à deux familles différentes de protéines. Dans la Fig. 2.47,
les molécules d’adhérence sont regroupées selon leur structure moléculaire, illustrée
par un schéma, avec mention de leurs différents noms, de leurs sites d’expression et
de leurs ligands. Trois familles de molécules d’adhérence sont importantes dans le
recrutement des leucocytes. Les sélectines sont des glycoprotéines membranaires
avec un domaine distal semblable à une lectine capable de lier des molécules gluci-
diques spécifiques. Les membres de cette famille, induits dans l’endothélium activé,
établissent les premières interactions entre endothélium et leucocytes par liaison à
des ligands oligosaccharidiques fucosylés des leucocytes (voir Fig. 2.47).
L’étape suivante du recrutement des leucocytes dépend d’une adhérence plus ferme,
due à des molécules d’adhérence intercellulaire, ICAM, (Intercellular Adhesion
Molecules) sur l’endothélium ; elles se lient à des protéines hétérodimériques de la
CR3 (αM:β2) famille des intégrines sur les leucocytes. Les intégrines leucocytaires importantes pour
Neutrophile l’extravasation sont LFA-1 (αL:β2 appelée aussi CD11a:CD18) et CR3 (αM:β2 ; récepteur
du complément de type 3, appelé aussi CD11b:CD18 ou Mac-1 ; il a été question de
LFA-1 (αL:β2) CR3 dans la Section 2-19 en tant que récepteur de iC3b, mais il s’agit là d’un des ligands
de cette intégrine) et les deux lient à la fois ICAM-1 et ICAM-2 (Fig. 2.48). L’adhérence
entre leucocytes et cellules endothéliales est renforcée par l’induction d’ICAM-1 sur
l’endothélium inflammatoire et par l’activation d’un changement conformationnel de
LFA-1 et de CR3 en réponse aux chimiokines qui se lient au leucocyte. L’importance
des intégrines leucocytaires dans le recrutement des cellules inflammatoires est illus-
ICAM-1 ICAM-2 trée par le déficit de l’adhérence leucocytaire, maladie liée à un défaut dans la chaîne
Endothélium
β2 commune à LFA-1 et CR3. Les personnes atteintes souffrent d’infections bactérien-
nes récurrentes et d’une cicatrisation défectueuse des blessures.
Fig. 2.48 Les phagocytes adhèrent à
l’endothélium vasculaire par des intégrines. L’endothélium est activé par des interactions avec les cytokines des macropha-
L’endothélium vasculaire, lorsqu’il est ges, en particulier le TNF-α. Sous son action, les granules des cellules endothélia-
activé par des médiateurs inflammatoires,
exprime deux molécules d’adhérence : les, appelés grains de Weibel-Palade, se vident de leur contenu, qui comprend la
ICAM-1 et ICAM-2. Ce sont des ligands pour sélectine P préformée. Celle-ci est donc exprimée en quelques minutes à la sur-
les intégrines qui sont exprimées par les face des cellules endothéliales locales après la production de TNF-α par les macro-
phagocytes : αM:β2 (appelé aussi CR3, Mac-1
phages. Peu de temps après l’apparition de la sélectine P à la surface cellulaire,
ou CD11b:CD18) et αL:β2 (appelé aussi LFA-1
ou CD11a:CD18). l’ARN messager codant la sélectine E est synthétisé. Après deux heures, les cellu-
les endothéliales expriment surtout la sélectine E. Ces deux protéines interagissent
avec le motif sialyl Lewisx sulfaté, qui est présent à la surface des neutrophiles.
La densité d’ICAM-2 sur l’endothélium au repos est faible, apparemment quels
que soient les vaisseaux auxquels il appartient. Il se peut que ce soit suffisant pour
permettre aux monocytes circulants de gagner leur lieu de résidence dans les tis-
sus, ce processus se déroulant de manière permanente et le plus souvent ubiqui-
taire. Par ailleurs, suite à une exposition au TNF-α, ICAM-1 est fortement exprimé
Syndromes héréditaires sur l’endothélium des petits vaisseaux dans les foyers infectieux. Il se lie alors au
de fièvre périodique LFA-1 ou au CR3 des monocytes circulants et des polynucléaires, en particulier les
neutrophiles, comme le montre la Fig. 2.48. Les molécules d’adhérence cellulaire
jouent beaucoup d’autres rôles dans l’organisme en participant au développement
des tissus et des organes humains. Dans cette brève description, nous n’avons
considéré que les mécanismes impliqués dans le recrutement des cellules inflam-
matoires qui survient dans les heures et les jours après le début d’une infection.
L’adhérence des sélectines au sialyl Lewisx des leucocytes est faible et permet aux
leucocytes de rouler le long de la surface endothéliale vasculaire
Flux sanguin
s-Lex
sélectine-E
2-27 Le TNF-α est une cytokine importante qui limite localement l’infection,
mais induit un état de choc quand il est libéré de manière systémique.
En plus de leurs effets locaux importants, les cytokines produites par des macropha-
ges ont des effets à distance qui contribuent à la défense de l’hôte. L’un de ces effets
est l’élévation de la température corporelle, principalement causée par le TNF-α,
l’IL-1β et l’IL-6. Ces facteurs sont dits pyrogènes endogènes, car ils provoquent de la
fièvre et proviennent d’une source endogène plutôt que de composants bactériens
comme le LPS, qui un pyrogène exogène. Les pyrogènes endogènes provoquent la
fièvre en induisant la synthèse de la prostaglandine E2 par l’enzyme cyclooxygéna-
Syndromes héréditaires se-2, dont ces cytokines entraînent l’expression. La prostaglandine E2 agit alors sur
de fièvre périodique l’hypothalamus, ce qui fait augmenter la production de chaleur par la graisse brune et
par une vasoconstriction, qui réduit la perte transcutanée de l’excès de chaleur. Les
pyrogènes exogènes déclenchent la production de pyrogènes endogènes, mais ils
agissent aussi directement en interagissant avec TLR-4, ce qui active la cyclooxygéna-
se-2 et entraîne la production de prostaglandine E2. La fièvre est généralement béné-
fique pour la défense de l’hôte, la plupart des pathogènes se développant mieux à des
températures plus basses et les réponses immunitaires adaptatives étant plus inten-
ses à des températures élevées. Les cellules de l’hôte sont également protégées des
effets délétères du TNF-α à des températures plus élevées.
La Fig. 2.51 résume les effets du TNF-α, de l’IL-1 et de l’IL-6. L’un des effets les plus
importants est le déclenchement d’une réponse connue sous le nom de réponse de
phase aiguë (Fig. 2.52). Il s’agit d’un changement dans les concentrations des protéi-
nes sécrétées dans le plasma sanguin par le foie suite à l’action de l’IL-1, de l’IL-6 et du
TNF-α sur les hépatocytes. Au cours de la phase aiguë, les taux de certaines protéines
plasmatiques diminuent, tandis que les taux d’autres protéines augmentent considé-
rablement. Les protéines dont la synthèse est induite par le TNF-α, l’IL-1 et l’IL-6 sont
appelées protéines de phase aiguë. Plusieurs de ces protéines présentent un inté-
rêt particulier, car elles imitent l’action des anticorps, mais à la différence des anti-
corps, elles ont une large spécificité pour les motifs moléculaires (PAMP) associés aux
pathogènes, et leur production dépend uniquement de la présence de cytokines.
Une de ces protéines, la protéine C réactive, appartient à la famille des pentraxines,
ainsi appelées car elles sont formées de cinq sous-unités identiques. La protéine C
réactive est un autre exemple de protéine polyvalente capable de reconnaître des
motifs moléculaires propres aux pathogène. Elle se lie au résidu phosphorylcholine
des lipopolysaccharides des parois de certaines cellules bactériennes et fongiques. La
phosphorylcholine est aussi retrouvée dans les phospholipides de la membrane des
cellules de mammifère, mais sous une forme qui ne peut réagir avec la protéine C réac-
tive. Quand la protéine C réactive se lie à une bactérie, elle n’est pas seulement capa-
ble de l’opsoniser, mais elle peut aussi activer la cascade du complément en se liant à
Les réponses innées induites contre une infection 93
IL-6
SP-A
SP-D
foie
lectine liant
le mannose
fibrinogène
protéine protéine C
amyloïde sérique réactive
La protéine C réactive se lie à la phosphorylcholine La lectine liant le mannose s’attache à ce Protéine amyloïde sérique
de la surface de bactéries, agit en tant glucide de la surfaces de bactéries, qu’elle
qu’opsonine et active aussi le complément opsonise ; elle active aussi le complément
C1q, premier composant de la voie classique du complément (voir la Section 2-13). Fig. 2.52 Les protéines de phase aiguë
se fixent aux pathogènes mais non
Ce sont les parties de C1q de type collagène qui sont impliquées dans l’interaction et
aux cellules de l’hôte. Les protéines de
non les têtes globulaires, qui établissent le contact avec les surfaces des pathogènes, phase aiguë sont produites par les cellules
mais c’est la même cascade de réactions qui est déclenchée. hépatiques en réponse aux cytokines libérées
par des macrophages confrontés à des
La seconde protéine d’intérêt de phase aiguë est la MBL. Nous en avons déjà parlé en bactéries. Elles comprennent la protéine
tant que molécule se liant au pathogène (voir Fig. 2.15) et déclenchant la cascade du amyloïde sérique (SAP) (chez les souris mais
complément (voir Section 2-14). La MBL est présente dans le sérum normal en fai- pas chez l’homme), la protéine C réactive
(CRP), le fibrinogène et la lectine liant le
ble concentration, mais sa production augmente au cours de la phase aiguë. Elle agit mannose (MBL). La SAP et la CRP ont une
comme opsonine pour les monocytes, qui, contrairement aux macrophages tissulai- structure homologue ; ce sont des pentraxines,
res, n’expriment pas le récepteur du mannose. Deux autres protéines avec des proprié- dont la structure est faite de cinq sous-
unités en forme de disque (photographie de
tés d’opsonisation produites par le foie en grande quantité lors de la phase aiguë sont
droite). La CRP se lie à la phosphorylcholine
les surfactants pulmonaires A et D (voir la Section 2-6). On les trouve, avec des macro- présente à la surface de certaines bactéries et
phages, dans le liquide alvéolaire pulmonaire ; elles jouent un rôle important en favo- champignons, mais elle ne reconnaît pas cette
risant la phagocytose des pathogènes des voies respiratoires comme Pneumocystis molécule dans les membranes des cellules
de l’hôte. Elle agit en tant qu’opsonine et elle
carinii, un des principaux agents de pneumonie chez les patients atteints de SIDA. active la voie classique du complément en se
liant à C1q pour augmenter l’opsonisation. La
Ainsi, en un jour ou deux, la réponse de phase aiguë fournit à l’organisme plu-
MBL appartient à la famille des collectines,
sieurs protéines dotées des propriétés fonctionnelles des anticorps et capables de dont font partie les protéines du surfactant
se lier à une grande variété de pathogènes. Pourtant, contrairement aux anticorps, pulmonaire, SP-A et SP-D. Elle ressemble par
dont il sera question aux Chapitres 3 et 9, elles ne présentent pas de diversité struc- sa structure à C1q. Comme la CRP, la MBL
peut fonctionner en tant qu’opsonine, à l’instar
turale et sont fabriquées en réponse à n’importe quel signal capable de déclen- d’ailleurs des SP-A et SP-D. Modèle structural
cher la libération de TNF-α, d’IL-1 et d’IL-6. Leur synthèse n’est donc pas induite de J. Emsley.
de manière spécifique, ni ciblée.
Un dernier effet à distance des cytokines produites par des macrophages est d’induire
une leucocytose, c’est-à-dire une augmentation du nombre de neutrophiles en cir-
culation. Ces neutrophiles proviennent de deux sources : la moelle osseuse, qui livre
des leucocytes matures en grand nombre, et de certains sites dans les vaisseaux san-
guins où ils sont attachés faiblement aux cellules endothéliales. Ainsi, les effets de ces
cytokines contribuent au contrôle de l’infection pendant que la réponse immunitaire
94 Chapitre 2 : L’immunité innée
Les cellules tueuses naturelles (cellules NK) se développent dans la moelle osseuse
à partir d’un progéniteur lymphoïde commun, et circulent dans le sang. Plus gran-
des que les lymphocytes T et B, elles contiennent des granules cytoplasmiques carac-
téristiques et sont identifiables sur le plan fonctionnel par leur capacité de tuer in
vitro certaines lignées de cellules tumorales lymphoïdes sans nécessiter une immu-
nisation ou une activation préalable. Le mécanisme par lequel les cellules NK tuent
les cellules est le même que celui que les cellules T cytotoxiques du système immu-
nitaire adaptatif utilisent : elles déchargent, sur la surface de la cellule cible, des gra-
nules cytotoxiques qui contiennent des protéines effectrices. Celles-ci traversent la
membrane de la cellule cible et induisent la mort cellulaire programmée. Cependant,
la cytotoxicité des cellules NK est déclenchée par des récepteurs invariants qui recon-
naissent des composants de la surface de cellules infectées. Elles interviennent durant
les phases précoces de l’infection par différents pathogènes intracellulaires, en parti-
culier les virus herpès et le parasite protozoaire Leishmania. Les cellules NK font par-
tie du système immunitaire inné en raison de leurs récepteurs invariants.
Les cellules NK sont activées en réponse aux interférons ou aux cytokines produi-
tes par les macrophages. Bien qu’on puisse isoler chez des individus non infectés des
96 Chapitre 2 : L’immunité innée
cellules NK capables de tuer des cibles sensibles, cette activité augmente de vingt à cent
Production Les cellules Les cellules fois quand les cellules sont exposées à l’IFN-α et l’IFN-β ou à l’IL-12, qui est un activa-
d’IFN-α, NK tuent T tuent les teur des cellules NK et l’une des cytokines produites au début de nombreuses infec-
IFN-β, TNF-α, les cellules cellules
IL-12 infectées infectées tions. Les cellules NK activées vont limiter l’infection virale pendant que le système
immunitaire adaptatif génère des cellules T cytotoxiques spécifiques qui élimineront
l’infection (Fig. 2.55). À présent, la seule indication sur la fonction physiologique des
cellules NK chez l’homme provient des rares patients dépourvus de ces cellules ; ils
sont particulièrement sensibles aux phases initiales de l’infection par le virus herpès.
L’IL-12 agissant en synergie avec le TNF-α peut aussi induire la production de
grandes quantités d’IFN-γ par les cellules NK, ce qui est crucial pour le contrôle de
Titre viral certaines infections avant que l’IFN-γ, produit par des cellules T cytotoxiques CD8
activées, ne devienne disponible. Cette production précoce d’IFN-γ par les cellu-
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 les NK peut aussi influencer la réponse des cellules T CD4 aux agents infectieux en
Temps après l’infection virale (jours) induisant la différenciation des cellules T CD4 activées en cellules inflammatoires
TH1 activatrices des macrophages (voir la Section 8-19).
Fig. 2.55 La cellule tueuse naturelle
(cellules NK) intervient tôt lors d’une
réaction à une infection virale. Des
2-31 Les cellules NK ont des récepteurs de molécules du soi
expériences chez des souris montrent que qui empêchent leur activation par des cellules non infectées.
l’IFN-α, l’IFN-β et les cytokines TNF-α et
IL-12 apparaissent d’abord. Survient ensuite
Si les cellules NK sont des médiateurs de la défense de l’organisme contre les infec-
une vague de cellules NK. La réplication
virale est ainsi sous contrôle, mais le virus tions par des virus et d’autres pathogènes, certains mécanismes doivent leur per-
n’est pas éliminé. Son élimination nécessite mettre de distinguer les cellules infectées des cellules non infectées. Comment
les cellules T CD8 spécifiques du virus. En exactement cela est réalisé n’a pas encore été élucidé dans chaque cas, mais on
l’absence de cellules NK, les titres de certains
virus sont beaucoup plus élevés dans les
pense qu’une cellule NK est activée par une combinaison de reconnaissance directe
premiers jours de l’infection et causeraient de changements dans les glycoprotéines de la surface cellulaire induites par un
la mort si un traitement vigoureux à base de stress métabolique comme une transformation maligne ou une infection virale
médicaments anti-viraux n’était administré. ou bactérienne, associée à une reconnaissance du « soi altéré », qui implique des
changements dans l’expression des molécules du CMH. Une expression altérée des
molécules du CMH de classe I peut être une caractéristique commune des cellules
infectées par des pathogènes intracellulaires car beaucoup de ces pathogènes ont
développé des stratégies qui interfèrent avec la capacité des molécules du CMH de
classe I de capter et de présenter des peptides aux cellules T. Aussi, un mécanisme
par lequel les cellules NK distinguent les cellules infectées des non infectées est par
la reconnaissance d’altérations dans l’expression du CMH de classe I (Fig. 2.56).
Les cellules NK sont capables de percevoir des changements dans l’expression des
molécules du CMH de classe I en intégrant les signaux provenant de deux types de
récepteurs de surface, qui ensemble contrôlent leur activité cytotoxique. L’un d’eux
est un récepteur activateur qui déclenche l’activité cytotoxique des cellules NK.
Plusieurs classes de récepteurs transmettent ce signal d’activation ; ils compren-
nent des protéines des familles des lectines de type C et des immunoglobulines.
Une stimulation de ces récepteurs active les cellules NK et déclenche la sécré-
tion de cytokines comme l’IFN-γ et la lyse directe de la cellule stimulatrice par la
décharge des granules cytotoxiques contenant des granzymes et la perforine. Ce
mécanisme de lyse est le même que celui utilisé par les cellules T cytotoxiques et
sera décrit en détail lorsque nous décrirons les fonctions de cette population de
cellules T effectrices au Chapitre 8. Les cellules NK portent également des récep-
teurs pour les immunoglobulines, et la liaison d’anticorps à ces récepteurs active
les cellules NK, qui déchargent alors leurs granules cytotoxiques ; c’est ce que l’on
appelle la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps ou ADCC (Antibody-
Dependent Cellular Cytotoxicity) ; elle sera décrite au Chapitre 9. Un second assor-
timent de récepteurs inhibe l’activation et prévient la lyse des cellules normales
par les cellules NK. Ces récepteurs inhibiteurs sont spécifiques de diverses molé-
cules du CMH de classe I, ce qui explique pourquoi les cellules NK tuent sélective-
ment les cellules dont la densité en molécules du CMH de classe I est faible, alors
qu’elles en sont empêchées lorsque ces molécules sont en densité normale. Plus
le taux d’expression du CMH de classe I est élevé à la surface d’une cellule, plus
Les réponses innées induites contre une infection 97
celle-ci sera protégée de la lyse par des cellules NK. C’est pourquoi les interférons,
qui induisent l’expression des molécules du CMH de classe I, peuvent protéger les
cellules non infectées de l’activité lytique des cellules NK. Par ailleurs, ils stimulent
cette activité lytique envers les cellules infectées par un virus.
Les récepteurs qui régulent l’activité des cellules NK se répartissent en deux gran-
des familles (Fig. 2.57) qui contiennent de nombreux autres récepteurs de surface
en plus des récepteurs NK. L’une est composée des récepteurs homologues des
lectines de type C ; ils sont appelés KLR (Killer Lectin-like Receptors ou récepteurs
lytiques de type lectine). Les gènes des KLR sont regroupés dans un complexe
appelé NKC (NK receptor Complex ou complexe génique des récepteurs NK).
L’autre famille de récepteurs est composée de protéines contenant des domaines de
type immunoglobuline ; d’où leur nom, récepteurs de type immunoglobuline des cel-
lules tueuses ou KIR (Killer cell Immunoglobulin-like Receptors). Les gènes KIR consti-
tuent une partie d’un plus grand ensemble de récepteurs de type immunoglobuline
appelé LRC (Leukocyte Receptor Complex ou complexe génique des récepteurs leu-
cocytaires). Les deux complexe NKC et LRC sont présents chez la souris et l’homme,
mais les souris sont dépourvues des gènes des KIR et dès lors ne disposent que des
récepteurs du type des lectines C du NKC pour contrôler l’activité des cellules NK.
Une complication dans la compréhension de la régulation de l’activité des cellules
NK est que les mêmes familles structurales des récepteurs NK contiennent à la fois
des récepteurs activateurs et inhibiteurs. Chez l’homme et la souris, les cellules NK
expriment un hétérodimère de deux lectines de type C, appelées CD94 et NKG2,
qui interagissent avec des molécules non polymorphes de type CMH de classe I,
entre autres HLA-E chez l’homme et Qa-1 chez la souris, qui lient les fragments du
98 Chapitre 2 : L’immunité innée
DAP12
DAP10
NKp46
FcαR
GPVI
Receptor Complex), comprend un grand CD66 SIGLEC FcGRT ILT LAIR ILT KIR
groupe de gènes codant une famille de
protéines composées de domaines de type 19
immunoglobuline. Il comprend les récepteurs
KIR (Killer Immunoglobulin-like Receptors)
NKR-P1A
exprimés par les cellules NK, la classe des
MAFA-L
NKG2D
NKG2C
NKG2E
NKG2A
NKG2F
KLRF1
Clec-2
LY49L
PRB3
CD69
CD94
Lox-1
ILT (Immunoglobulin-Like transcript) et les
AICL
A2M
LLt1
familles géniques LAIR (Leukocyte-Associated
Immunoglobulin-like Receptor). Les lectines 12
de signalisation (SIGLEC, SIGnaling Lectins)
et des membres de la famille CD66 sont situés
NKC
à proximité. Chez l’homme, ce complexe est
situé sur le chromosome 19. Le second groupe
génique est appelé le complexe des récepteurs
NK (NKC, NK receptor Complex) et code les peptide de tête des autres molécules du CMH de classe I. Ainsi, CD94:NKG2 pour-
récepteurs KLR (Killer Lectin-like Receptors), rait être sensible à la présence de plusieurs variants différents du CMH de classe I.
une famille de récepteurs qui comprennent
les protéines NKG2 et CD94, avec lesquelles Chez l’homme, la famille NKG2 comporte six membres, NKG2A, B, C, D, E et F. De
une molécule NKG2 s’apparie pour former ceux-ci, par exemple, NKG2A et B sont inhibiteurs, tandis que NKG2C est activa-
un récepteur fonctionnel. Chez l’homme, ce teur (Fig. 2.58). NKG2D est aussi activateur, mais est distinct des autres membres de
complexe est situé sur le chromosome 12.
la famille NKG2 ; il sera décrit séparément dans la prochaine section. Chez la sou-
Certains gènes de récepteur NK se trouvent
en dehors de ces deux groupes géniques ; par ris, Ly49H, un membre de la famille des lectines de type C Ly49, paraît être distinct,
exemple, les gènes des récepteurs naturels puisque la liaison de cette molécule est un événement activateur qui déclenche une
de cytotoxicité NKp30 et NKp44 sont situés réponse cytotoxique, tandis que la liaison à d’autres membres Ly49 est inhibitrice.
dans le complexe majeur d’histocompatibilité
sur le chromosome 6. Figure basée sur des Dans la famille des récepteurs KIR, aussi, certains membres sont activateurs tan-
données fournies par J. Trowsdale, University dis que d’autres sont inhibiteurs. Les différents gènes des KIR codent des protéines
of Cambridge.
également avec des nombres différents de domaines d’immunoglobuline ; cer-
tains, appelés KIR-2D, ont deux domaines immunoglobuline tandis que d’autres,
appelé KIR-3D, en ont trois. La fonction activatrice ou inhibitrice d’une protéine KIR
dépend de la présence ou de l’absence de motifs spécifiques de signalisation dans
son domaine cytoplasmique. Des séquences formant des motifs reconnus par des
protéines adaptatrices inhibitrices intracellulaires sont présentes dans des protéines
KIR qui ont une longue queue cytoplasmique ; ces protéines sont appelées KIR-2DL
et KIR-3DL (L pour Longue queue). Les protéines KIR à courte queue cytoplasmi-
que sont dépourvues de ces motifs inhibiteurs, et s’associent à la protéine adapta-
trice activatrice DAP12 (également connue sous le nom de KARAP). Les récepteurs
activateurs KIR sont donc appelés KIR-2DS et KIR-3DS (S pour Small tail ou courte
queue) (voir Fig. 2.58). D’autres récepteurs NK inhibiteurs spécifiques pour les pro-
Des récepteurs activateurs et inhibiteurs des cellules duits des locus du CMH de classe I sont en voie d’identification rapide, tous étant
NK peuvent appartenir à la même famille structurale
membres soit de la famille KIR de type immunoglobuline, soit des lectines de type C
Ly49. Il est clair que la régulation de l’activité de la cellule NK est complexe, et l’acti-
Récepteurs activateurs
vation de toute cellule NK par une autre cellule dépendra de l’équilibre global entre
récepteurs activateurs inhibiteurs que la cellule NK exprime.
KLR
La sensibilité générale des cellules NK aux différences dans l’expression du CMH
se complique par le polymorphisme des gènes KIR. Par exemple, l’un des gènes
KIR-2DS KIR-3DS NKG2C CD94 Fig. 2.58 Les familles structurales des queue cytoplasmique et sont désignés par
récepteurs NK comprennent à la fois des « S » (Small). Ils s’associent à une protéine
récepteurs activateurs et inhibiteurs. Les adaptatrice, DAP12. Le récepteur activateur
récepteurs KIR (Killer Immunoglobulin-like KLR est un hétérodimère de NKG2C avec un
Récepteurs inhibiteurs Receptors) et les récepteurs KLR (Killer Lectin- membre de la famille des lectines de type C,
like Receptors) comprennent des membres CD94. Les récepteurs KIR inhibiteurs ont une
qui envoient des signaux activateurs à la longue queue cytoplasmique et sont désignés
cellule NK, comme le montre le panneau du par la lettre « L » ; ceux-ci ne s’associent
haut, et d’autres qui envoient des signaux pas de manière constitutive à des protéines
inhibiteurs, comme le montre le panneau adaptatrices, mais contiennent des motifs de
du bas. Les membres de la famille KIR sont signalisation qui, lorsqu’ils sont phosphorylés
désignés selon le nombre de domaines de sont reconnus par des phosphatases
type immunoglobuline qu’ils possèdent et par inhibitrices. Comme les KLR activateurs, les
KIR-2DL KIR-3DL NKG2A,B CD94 la longueur de leur queue cytoplasmique. Les KLR inhibiteurs (NKG2A et NKG2B) forment
récepteurs KIR activateurs ont une courte des hétérodimères avec CD94.
Les réponses innées induites contre une infection 99
KIR a deux allèles, dont l’un est activateur et l’autre inhibiteur. En outre, le groupe
des gènes KIR semble représenter une partie très dynamique du génome humain,
car on trouve des nombres différents de gènes KIR activateurs et inhibiteurs chez
différentes personnes. Quel avantage cette diversité peut-elle offrir ? On l’ignore.
Comme indiqué plus haut, le locus KIR n’existe pas chez la souris, qui utilise seu-
lement les molécules KLR pour réguler l’activité des cellules NK. Alors, quelle que
soit la force qui dirige l’évolution du locus KIR et sa diversité, il est probable que
son apparition est relativement récente en termes d’évolution.
La signalisation par les récepteurs NK inhibiteurs supprime l’activité lytique des
cellules NK. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas tuer les cellules saines, généti-
quement identiques, exprimant normalement les molécules du CMH de classe I,
comme les autres cellules du corps. Cependant, les cellules NK peuvent tuer des
cellules infectées par un virus en recourant à divers mécanismes. Tout d’abord, cer-
tains virus inhibent la synthèse de toutes les protéines des cellules qu’ils infectent,
de sorte que la synthèse des protéines du CMH de classe I est bloquée dans les cellu-
les infectées, alors que leur production dans des cellules non infectées est stimulée
par l’action de l’interféron. L’expression réduite du CMH de classe I par les cellules
infectées diminuerait leur capacité d’inhiber les cellules NK par l’intermédiaire des
récepteurs spécifiques du CMH ; les cellules infectées seraient donc plus suscepti-
bles d’être tuées. Deuxièmement, certains virus peuvent sélectivement empêcher le
transfert des molécules du CMH de classe I à la surface de la cellule. Cela permet-
trait à la cellule infectée de se soustraire à la reconnaissance par les cellules T cyto-
toxiques, mais les rendrait sensibles à l’activité lytique des cellules NK. L’infection
par le virus modifie également la glycosylation de protéines cellulaires. En consé-
quence, la reconnaissance par des récepteurs activateurs des cellules NK pourrait
alors dominer, à moins que ce ne soit la perte du ligand normal pour les récepteurs
inhibiteurs qui soit en cause. Cela permettrait à des cellules infectées d’être détec-
tées, même lorsque le niveau d’expression du CMH de classe I n’a pas changé.
C’est évident, il reste encore beaucoup à apprendre sur ce mécanisme inné d’atta-
que cytotoxique et sur sa pertinence physiologique. Le rôle des molécules du CMH
de classe I en permettant aux cellules NK de détecter les infections intracellulaires
est d’un intérêt particulier parce que ces mêmes protéines régissent la réponse des
cellules T à des agents pathogènes intracellulaires. Il est possible que les cellules
NK, qui utilisent une batterie de récepteurs différents non clonaux pour détecter un Les récepteurs activateurs principaux des cellules NK
CMH modifié, représentent les vestiges modernes de l’évolution des ancêtres des
cellules T. Ces ancêtres des cellules T ont évolué jusqu’à disposer du mécanisme
du réarrangement des gènes qui codent, dans les cellules T, un vaste répertoire de
récepteurs spécifiques d’antigène et adaptés à la reconnaissance des molécules du
CMH « altérées » par leur liaison aux antigènes peptidiques.
NKp30 NKp40 NKp46 NKG2D
2-32 Les cellules NK portent des récepteurs qui activent la fonction lytique
en réponse à des ligands exprimés sur des cellules infectées Fig. 2.59 Les récepteurs activateurs
ou des cellules tumorales. principaux des cellules NK sont les
récepteurs naturels de cytotoxicité
En plus des récepteurs KIR et KLR, dont le rôle est de détecter le niveau d’expression et NKG2D. Les récepteurs naturels de
cytotoxicité sont des protéines de type
du CMH de classe I sur d’autres cellules, les cellules NK expriment des récepteurs qui immunoglobuline. NKp30 et NKp40 ont
perçoivent plus directement la présence d’une infection ou d’autres perturbations un domaine extracellulaire qui ressemble
cellulaires. Les récepteurs activateurs les plus importants pour la reconnaissance des à un seul domaine variable de molécule
d’immunoglobuline. Ils activent la cellule NK
cellules infectées sont les NCR (Natural Cytotoxicity Receptors ou récepteurs naturels
par leur association aux homodimères de la
de cytotoxicité) NKp30, NKp44 et NKp46, qui sont des récepteurs de type immuno- chaîne CD3ζ ou de la chaîne γ du récepteur
globuline, et NKG2D, le membre de la famille des lectines de type C (Fig. 2.59). Les de Fc (ce sont des protéines de signalisation
ligands reconnus par les NCR ne sont pas bien définis, bien que l’on sache que NKp46 qui s’associent aussi à d’autres types de
récepteurs et qui seront décrites en plus de
reconnaît les protéoglycans héparan sulfate ainsi que certaines protéines virales. détails au Chapitre 6). NKp46 ressemble aux
molécules KIR-2D ; elle contient en effet deux
NKG2D semble jouer un rôle spécialisé dans l’activation des cellules NK. D’autres
domaines de molécule d’immunoglobuline.
membres de la famille NKG2 (NKG2A, C et E) forment des hétérodimères avec CD94 NKG2D est un membre de la famille des
et lient HLA-E, une molécule du CMH de classe I. L’activité de NKG2D est différente ; lectines de type C et forme un homodimère.
100 Chapitre 2 : L’immunité innée
NKG2D se distingue non seulement par ses ligands, mais également par la voie de
signalisation intracellulaire qu’il déclenche et qui diffère de celle qui est activée par
d’autres récepteurs des cellules NK. Les autres récepteurs activateurs, tant les récep-
teurs de cytotoxicité naturelle que les KIR activateurs, lient des molécules adaptatri-
ces comme la chaîne CD3ζ, la chaîne γ du récepteur de Fc et DAP12, qui contiennent
toutes des motifs de signalisation appelés ITAM (Immunoreceptor Tyrosine-based
Activation Motifs ou motifs d’activation basés sur les tyrosines des immunorécep-
teurs). Lorsque le récepteur NK interagit avec son ligand, les ITAM sont phospho-
rylés, ce qui conduit à la liaison et à l’activation de la tyrosine kinase intracellulaire Syk
ainsi qu’à d’autres événements de signalisation intracellulaire (voir la Section 6-17).
En revanche, NKG2D lie une autre protéine adaptatrice, DAP10, qui ne contient pas
de séquence ITAM, mais qui active une lipide kinase intracellulaire, la phosphati-
dylinositol-3-kinase (PI 3-kinase), déclenchant une série différente d’événements
de signalisation dans la cellule. Néanmoins, les deux voies de signalisation aboutis-
sent à l’activation des cellules NK. Chez la souris, le fonctionnement de NKG2D est
encore plus compliqué, parce que le NKG2D murin est produit sous deux formes par
épissage alternatif ; l’une se lie à DAP12 et l’autre à DAP10. Le NKG2D murin peut
donc activer les deux voies de signalisation, alors que le NKG2D humain transmet
ses signaux uniquement par DAP10 pour activer la voie de la PI 3-kinase.
Les réarrangements des gènes de récepteurs constituent une caractéristique des lym-
phocytes du système immunitaire adaptatif et permettent la synthèse d’une variété
infinie de récepteurs, chacun exprimé soit par une cellule T, soit par une cellule B (voir
la Section 1-11). Cependant, il existe plusieurs sous-groupes mineurs de lymphocytes
qui expriment une diversité très restreinte de récepteurs codés à partir de quelques
réarrangements communs. Puisque leurs récepteurs sont relativement invariants et
puisqu’ils ne sont présents que dans des sites particuliers de l’organisme, ces lympho-
cytes n’ont pas besoin de subir une expansion clonale pour répondre efficacement à
Les réponses innées induites contre une infection 101
Ligands non associés au Les ligands sont associés au Les ligands sont des lipides
CMH CMH classe IB liés à CD1d
l’antigène qu’ils reconnaissent : on les appelle dès lors les lymphocytes de type inné
ou ILL (Innate-Like Lymphocytes) (Fig. 2.61). La production des récepteurs d’anti-
gène dans ces cellules requiert les recombinases RAG-1 et RAG-2 ; ces protéines et
leur rôle dans le réarrangement génique des lymphocytes sont décrits au Chapitre 4.
Puisqu’ils expriment RAG-1 et RAG-2 et passent par le réarrangement génique du
récepteur d’antigène, les ILL sont, par définition, des cellules du système immunitaire
adaptatif. Ils se comportent, cependant, davantage comme des membres du système
immunitaire inné ; c’est pourquoi nous les décrirons ici.
Un type d’ILL est la sous-population des cellules T γ:δ qui résident dans les épi-
théliums comme la peau. Les cellules T γ:δ sont elles-mêmes une sous-population
mineure des cellules T introduites au Chapitre 1. Leurs récepteurs d’antigène sont
composés d’une chaîne γ et d’une chaîne δ, au lieu des chaînes α et β qui consti-
tuent les récepteurs d’antigène de la sous-population majoritaire de cellules T de
l’immunité adaptative. Les cellules T γ:δ ont été découvertes simplement grâce au
fait qu’elles présentent des récepteurs de type immunoglobuline codés par des
gènes réarrangés, leur fonction devant encore être clarifiée.
Une caractéristique des cellules T γ:δ est leur répartition en deux sous-populations
très différentes. L’une est présente dans les tissus lymphoïdes de tous les vertébrés
et, comme les cellules B et les cellules T α:β, elle possède des récepteurs très diver-
sifiés. Au contraire, les cellules T γ:δ intra-épithéliales, représentées de manière
variable chez différents vertébrés, ont généralement des récepteurs de diversité
très limitée, en particulier dans la peau et le tractus génital femelle des souris, où les
cellules T γ:δ ont, dans chacun de ces sites, un caractère très homogène. Sur la base
de cette diversité limitée de leurs récepteurs et de leur faible aptitude à circuler, il
a été proposé que les cellules T γ:δ intra-épithéliales reconnaîtraient des ligands
dérivés de l’épithélium au sein duquel elles résident mais qui ne seraient expri-
més que lorsqu’une cellule a été infectée. Les ligands candidats sont des protéines
de choc thermique, des molécules du CMH de classe Ib (décrit au Chapitre 5), des
nucléotides et des phospholipides peu courants. Pour tous ces ligands, on dispose
d’observations indiquant qu’ils sont reconnus par des cellules T γ:δ.
À la différence des cellules T α:β, les cellules T γ:δ ne reconnaissent généralement
pas les antigènes présentés sous la forme de peptides par les molécules du CMH.
Elles semblent capables de reconnaître directement leurs antigènes cibles et pour-
raient reconnaître et répondre rapidement aux molécules exprimées par de nom-
breux types cellulaires différents. La reconnaissance des molécules exprimées
suite à une infection, plutôt que des antigènes spécifiques du pathogène, distin-
gueraient les cellules T γ:δ intra-épithéliales des autres lymphocytes et les place-
raient dans la classe de type inné.
Une autre sous-population lymphocytaire avec une diversité restreinte de récep-
teurs d’antigène est la sous-population B-1. Les cellules B de cette lignée se dis-
tinguent par la présence de la protéine CD5 à leur surface cellulaire et par des
propriétés très distinctes de celles des cellules B normales de l’immunité humorale
102 Chapitre 2 : L’immunité innée
Résumé.
L’immunité innée recourt à divers mécanismes effecteurs pour guérir une infection
ou au moins la tenir en échec jusqu’à ce que le pathogène puisse être reconnu par le
système immunitaire adaptatif. Ces mécanismes effecteurs sont tous régulés par des
systèmes de récepteurs codés par la lignée germinale et aptes à distinguer les molé-
cules normales du soi sur les cellules non infectées et les ligands infectieux. Ainsi,
la capacité de discrimination des phagocytes entre le soi et le pathogène contrôle la
libération de chimiokines et de cytokines pro-inflammatoires qui ensemble recrutent
davantage de cellules phagocytaires. Particulièrement prédominant est le recrute-
ment précoce des neutrophiles qui peuvent reconnaître les pathogènes directement.
De plus, les cytokines libérées par les cellules phagocytaires des tissus induisent la
fièvre, la production des protéines de phase aiguë, dont la lectine qui se lie au man-
nose des pathogènes et la protéines C réactive, ainsi que la mobilisation des cellu-
les présentatrices d’antigène qui induisent la réponse immunitaire adaptative. Les
pathogènes viraux sont reconnus par les cellules au sein desquelles ils se répliquent,
conduisant à la production d’interférons qui servent à inhiber la réplication virale et à
activer les cellules NK, qui en retour peuvent distinguer les cellules infectées des cel-
lules non infectées. Comme nous le verrons plus loin, les cytokines, les chimiokines,
les cellules phagocytaires et les cellules NK contribuent toutes aux mécanismes effec-
teurs utilisés dans les réponses immunitaires adaptatives, dont les récepteurs varia-
bles reconnaissent de manière spécifique les antigènes des pathogènes.
Résumé du Chapitre 2.
Questions.
2.1 L’immunité innée fait appel à deux stratégies différentes pour identifier des agents
pathogènes : la reconnaissance du non soi et la reconnaissance de soi. (a) Donnez
des exemples pour chaque stratégie et expliquez comment, dans chaque exemple,
l’organisme se protège de l’infection. (b) Quels sont les inconvénients de ces
différentes stratégies ?
2.3 « Les récepteurs de type Toll représentent le plus ancien mode de défense de l’hôte. »
Cette affirmation est-elle fondée ? Justifiez votre réponse.
2-4 Après être entrés dans les tissus, de nombreux pathogènes Medzhitov, R., and Janeway, C.A., Jr: The toll receptor family and microbial
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2-11 Le complément est un système de protéines plasmatiques
2-7 Les récepteurs de type Toll sont des récepteurs
qui est activé par la présence de pathogènes.
de signalisation qui distinguent différents types
de pathogènes et contribuent au choix d’une réponse Tomlinson, S.: Complement defense mechanisms. Curr. Opin. Immunol. 1993,
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106 Chapitre 2 : L’immunité innée
2-13 La voie classique est déclenchée par l’activation 2-18 La C3 convertase liée à une surface de pathogène y dépose
du complexe C1. un grand nombre de fragments C3b et génère l’activité de la
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La reconnaissance
PARTIE II
des antigènes
3
La reconnaissance des
antigènes par les récepteurs
des cellules B et des cellules T
aux immunoglobulines à la fois par leur structure protéique — ils possèdent des
régions C et V — et par le mécanisme génétique qui produit leur grande variabi-
lité, ce qui sera décrit au Chapitre 4. Cependant, le récepteur de la cellule T diffère
de manière importante du récepteur de la cellule B : il ne reconnaît pas et ne fixe
pas l’antigène directement, mais reconnaît à la place de courts fragments peptidi-
ques des antigènes protéiques des pathogènes, qui sont liés à des protéines appe-
lées molécules du CMH à la surface cellulaire.
Les molécules du CMH sont des glycoprotéines codées par un large groupe géni-
a que appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Leur caractéristique
structurale la plus surprenante est un sillon formé à leur surface externe et dans
sites de liaison lequel divers peptides peuvent être liés. Les molécules du CMH sont hautement
à l’antigène VL polymorphes, c’est-à-dire que chaque molécule du CMH existe dans de nombreu-
ses versions différentes. La plupart des gens sont dès lors hétérozygotes pour les
CL
molécules du CMH : ils expriment deux formes différentes de chaque type de molé-
VH cule du CMH, ce qui élargit la gamme de peptides dérivés des pathogènes qui peu-
vent être liés. Les récepteurs des cellules T reconnaissent des caractéristiques à la
CH1 charnière fois de l’antigène peptidique et de la molécule du CMH à laquelle le peptide est fixé.
ponts
Cela introduit une autre dimension à la reconnaissance des antigènes par les cel-
disulfure CH2 lules T, appelée restriction par le CMH, parce qu’aucun récepteur donné des cel-
glucides
lules T n’est spécifique pour un antigène peptidique étranger, mais bien pour une
CH3 combinaison d’un peptide et d’une molécule particulière du CMH. Nous décrirons
b le polymorphisme du CMH et ses conséquences pour la reconnaissance de l’anti-
gène par les cellules T et leur développement respectivement aux Chapitres 5 et 7.
N-terminal Région Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur la structure et les propriétés de liaison
variable antigénique des immunoglobulines et des récepteurs des cellules T. Les deux types
de récepteurs sont aussi associés à des complexes de signalisation, qui transmettent
le signal de liaison de l’antigène à l’intérieur de la cellule ; ces derniers sont décrits au
Chapitre 6. Bien que les cellules T et les cellules B reconnaissent les molécules étran-
ponts gères de façon différente, les molécules réceptrices qu’elles utilisent pour cette tâche
disulfure
ont des structures très similaires. Nous verrons comment cette structure de base peut
Région s’accommoder de la grande variabilité de spécificité antigénique, et comment cela
constante
permet aux immunoglobulines et aux récepteurs T d’exercer leurs fonctions de molé-
C-terminal cules de reconnaissance antigénique lors d’une réponse immunitaire adaptative.
c
est utilisé pour toutes ces protéines. Dans cet ensemble, on distingue cependant,
cinq classes différentes d’immunoglobulines — IgM, IgD, IgG, IgA et IgE — qui
se distinguent par leur région C. Des différences plus subtiles s’observent dans les
régions V en relation avec la spécificité de liaison antigénique. Nous utiliserons la chaîne
molécule d’anticorps IgG comme exemple pour décrire les caractéristiques struc- légère
turales générales des immunoglobulines.
ponts
disulfure
3-1 Les anticorps IgG sont constitués de quatre chaînes polypeptidiques. chaîne
lourde
Les anticorps IgG sont de grandes molécules dont le poids moléculaire est d’envi-
ron 150 kDa. Ils sont composés de deux sortes de chaînes polypeptidiques. Une,
d’approximativement 50 kDa, est appelée chaîne lourde ou H ; l’autre de 25 kDa,
est appelée chaîne légère ou L (Fig. 3.2). Chaque molécule d’IgG est constituée Fig. 3.2 Les molécules d’immunoglobulines
de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères. Les deux chaînes lourdes sont sont composées de deux types de
chaînes protéiques : les chaînes lourdes
reliées par des ponts disulfure et chaque chaîne lourde est liée à une chaîne légère et les chaînes légères. Chaque molécule
par un pont disulfure. Pour une molécule d’anticorps donné, les deux chaînes lour- d’immunoglobuline est faite de deux chaînes
des et les deux chaînes légères sont identiques, donnant à la molécule d’anticorps lourdes (vert) et de deux chaînes légères
(jaune) jointes par des ponts disulfure de telle
deux sites de liaison à l’antigène (voir Fig. 3.1), et donc la capacité de fixer simulta-
manière que chaque chaîne légère soit liée
nément deux structures identiques. à une chaîne lourde et que les deux chaînes
lourdes soient reliées entre elles.
Deux types de chaînes légères, lambda (λ) et kappa (κ), sont trouvés dans les anticorps.
Une immunoglobuline donnée possède soit des chaînes κ, soit des chaînes λ, jamais les
deux. Aucune différence fonctionnelle n’a été trouvée entre les anticorps contenant des
chaînes λ ou κ, chacune de ces chaînes pouvant entrer dans la composition des anti-
corps de chacune des cinq classes majeures. Le rapport des deux types de chaînes légè-
res varie d’une espèce à l’autre. Chez la souris, le rapport κ / λ est de 20:1, chez l’homme
de 2:1 et chez le bétail de 1:20. La raison de cette variation est inconnue. Des distorsions
dans ce rapport peuvent quelquefois servir à la détection de la prolifération anormale
d’un clone de cellules B. Celles-ci expriment alors un seul type de chaîne légère. De
cette façon, un excès, par exemple, de chaînes légères λ chez un patient pourrait prove-
nir d’une tumeur de cellules B productrices de ce type de chaîne.
À l’inverse, la classe et donc la fonction effectrice d’un anticorps sont définies par
la structure de sa chaîne lourde. On distingue cinq classes principales de chaînes
lourdes, certaines se répartissant en plusieurs sous-classes. Les différences entre
ces classes ou isotypes déterminent les différences fonctionnelles des anticorps.
Les cinq classes principales sont les immunoglobulines M (IgM), immunoglobu-
lines D (IgD), immunoglobulines G (IgG), immunoglobulines A (IgA), et immu-
noglobulines E (IgE). Leurs chaînes lourdes sont désignées par la lettre grecque
correspondante (µ, γ, δ, α et ε). Les IgG sont de loin les immunoglobulines les plus
abondantes. Chez l’homme, on distingue quatre sous-classes, les IgG1, 2, 3 et 4.
Les propriétés fonctionnelles distinctives sont liées à la partie carboxyterminale
de la chaîne lourde, qui n’est pas associée à la chaîne légère. Nous décrirons la
structure et la fonction des différents isotypes de chaînes lourdes au Chapitre 4. La
structure générale de tous les isotypes est similaire. Nous prendrons ici l’IgG, l’iso-
type le plus abondant dans le plasma, comme modèle typique d’anticorps.
La structure du récepteur de cellule B est identique à celle de son anticorps corres-
pondant sauf pour un court segment carboxyterminal de la région C de la chaîne
lourde. Dans le cas du récepteur de la cellule B, la partie carboxyterminale est une
séquence hydrophobe d’ancrage à la membrane, et dans le cas de l’anticorps, c’est
une séquence hydrophile qui permet la sécrétion.
Les séquences peptidiques de nombreuses chaînes lourdes et légères ont été déter-
minées, ce qui a révélé deux caractéristiques essentielles des molécules d’anticorps.
114 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T
Tout d’abord, chaque chaîne est constituée de séries de séquences similaires mais
pas tout à fait identiques d’une longueur d’environ 110 acides aminés. Chacune
de ces séquences répétées correspond à une région peptidique repliée de manière
compacte appelée domaine de la protéine. La chaîne légère est faite de deux domai-
nes d’immunoglobulines, tandis que la chaîne lourde de l’anticorps IgG en contient
quatre (voir Fig. 3.1a). Ce qui suggère que les chaînes d’immunoglobulines ont évo-
lué par duplication répétée d’un gène ancestral correspondant à un seul domaine.
Une deuxième caractéristique importante révélée par la comparaison des séquen-
ces peptidiques concerne les séquences aminoterminales des chaînes lourdes
et légères qui varient fortement entre les différents anticorps. La variabilité de la
séquence est limitée aux 110 premiers résidus, correspondant au premier domaine,
tandis que les domaines suivants sont constants entre les chaînes d’immunoglo-
bulines de même isotype. L’association des domaines aminoterminaux variables
ou domaines V des chaînes lourdes et légères (respectivement VH et VL,) consti-
tue la région V de l’anticorps et lui confère la capacité de se lier à son antigène spé-
cifique, tandis que les domaines constants (domaines C) des chaînes lourdes et
légères (respectivement CH et CL,) constituent la région C (voir Fig. 3.1b et c). Les
différents domaines C des chaînes lourdes sont numérotés de l’extrémité aminée à
l’extrémité carboxylée, par exemple CH1, CH2, etc.
Les domaines protéiques décrits ci-dessus s’associent pour former de larges domai-
nes globulaires. Ainsi, quand ils sont complètement repliés et assemblés, les anti-
corps comprennent trois portions globulaires de taille égale jointes par un segment
flexible d’une chaîne polypeptidique, nommée région charnière (voir Fig. 3.1b).
Chaque bras de cette structure en forme d’Y est formé par l’association d’une
chaîne légère à la moitié de la partie aminoterminale de la chaîne lourde, tandis
que la queue de l’Y est formée par l’appariement des moitiés carboxyterminales
des deux chaînes lourdes. L’association des chaînes lourdes et légères varie selon les
domaines : VH et VL sont juxtaposés comme le sont les domaines CH1 et CL ainsi que
les deux CH3 voisins, alors que les domaines CH2 s’écartent l’un de l’autre par l’inter-
position d’oligosaccharides. Les deux sites de liaison à l’antigène sont formés par la
paire de domaines VH et VL à l’extrémité des deux bras de l’Y (voir Fig. 3.1b).
Les enzymes protéolytiques (protéases), qui clivent les séquences polypeptidi-
ques, ont été utilisées pour la dissection de la structure des molécules d’anticorps
et pour l’identification des parties responsables des diverses fonctions. Une diges-
tion partielle par la papaïne clive les anticorps en trois fragments (Fig. 3.3). Deux
fragments identiques gardent l’activité de liaison à l’antigène. On les appelle frag-
ments Fab (Fragment antigen binding) puisque capables de lier l’antigène. Les frag-
ments Fab correspondent aux deux bras identiques de la molécule, qui contient les
chaînes légères complètes associées aux domaines VH et CH1 des chaînes lourdes.
L’autre fragment incapable de lier l’antigène a été facilement cristallisé, d’où son
nom de fragment Fc, pour Fragment cristallisable. Ce fragment, correspondant à
l’assemblage des domaines CH2 et CH3, est la partie de la molécule d’anticorps qui
interagit avec les molécules et les cellules effectrices. Les différences fonctionnel-
les entre les différents isotypes de chaînes lourdes reposent principalement sur le
fragment Fc.
Les fragments obtenus après protéolyse sont déterminés par les sites de clivage de
la molécule d’anticorps et en rapport avec les ponts disulfure qui unissent les deux
chaînes lourdes. Ils se situent dans la région charnière qui unit les domaines CH1 et
CH2. Comme le montre la Fig. 3.3, la papaïne clive la molécule d’anticorps du côté
aminoterminal des ponts disulfure. Cela libère les deux bras de la molécule d’an-
ticorps en fragments Fab distincts, tandis que dans le fragment Fc les moitiés car-
boxyterminales des chaînes lourdes restent liées.
La structure moléculaire typique d’un anticorps 115
F(ab´) 2
pFc´
Une autre protéase, la pepsine, coupe à peu près dans la même région de la molé-
cule d’anticorps que la papaïne, mais du côté carboxyterminal des ponts disul-
fure (voir Fig. 3.3). Le fragment principal qui en résulte, appelé fragment F(ab´)2,
contient les deux bras liant l’antigène, alors que la partie restante de la chaîne
lourde est clivée en plusieurs petits peptides. Le fragment F(ab´)2 possède les
mêmes propriétés de fixation à l’antigène que l’anticorps d’origine, mais est inca-
pable d’interagir avec les molécules effectrices. Il offre donc des possibilités inté-
ressantes tant en vue d’applications thérapeutiques des anticorps que dans l’étude
du rôle fonctionnel de la portion Fc.
Les techniques de génie génétique permettent maintenant la construction de diver-
ses molécules semblables aux anticorps. Un exemple important est un Fab tronqué,
ne comprenant que le domaine V de la chaîne lourde relié par un segment de pep-
tide synthétique au domaine V d’une chaîne légère. Ces molécules sont donc faites
d’une seule chaîne dite Fv (Fragment variable) peuvent devenir des agents théra-
peutiques efficaces du fait de leur petite taille, qui leur permet de diffuser facilement
dans les tissus. En les couplant à des toxines protéiques, on obtient des immuno-
toxines, qui peuvent, par exemple, être utilisées en thérapeutique anticancéreuse
en recourant à un Fv spécifique d’un antigène tumoral (voir Chapitre 15).
désigne diverses molécules dont la taille est généralement celle d’une chaîne laté-
rale de tyrosine. Les haptènes peuvent être reconnus par un anticorps, mais ils
ne peuvent induire la production d’anticorps, qui nécessite que l’immunisation
se fasse au moyen d’haptènes couplés à une protéine porteuse (voir Appendice I,
section A-1). Un antigène fait de deux molécules identiques d’haptène jointes par
un segment court et flexible peut fixer un ou plusieurs anticorps spécifiques de
l’haptène. Il se forme ainsi des polymères de taille croissante, des dimères, des
trimères, des tétramères, etc., visibles en microscopie électronique (Fig. 3.4). Les
formes prises par ces complexes démontrent la flexibilité de la région charnière.
La jonction entre les domaines V et C est également assez souple, ce qui autorise
l’inclinaison et la rotation du domaine V par rapport au domaine C. Par exemple,
dans la molécule d’anticorps de la Fig. 3.1a, non seulement les deux régions char-
nières sont inclinées différemment, mais les angles entre les domaines V et C dans
chacun des deux bras Fab sont différents. Vu l’amplitude du mouvement entre les
domaines V et C, on dit de cette jonction qu’elle est une « rotule moléculaire ». La
flexibilité de la région charnière et de la jonction V–C permet la liaison des bras
d’un anticorps à des sites antigéniques dont la distribution est irrégulière comme
ceux des polysaccharides de la paroi bactérienne. La flexibilité de la charnière per-
met aussi aux anticorps d’interagir avec les protéines qui, en se liant aux anticorps,
déclenchent divers mécanismes effecteurs.
Comme nous avons vu dans la Section 3-2, les chaînes lourdes et légères des
immunoglobulines sont composées d’une série de domaines protéiques dis-
tincts, qui tous montrent un même type de repliement. Cependant, cette struc-
ture tridimensionnelle de base diffère quelque peu dans les domaines V et C,
La structure moléculaire typique d’un anticorps 117
Résumé.
Les régions V d’un anticorps donné diffèrent de celles d’une autre. La variabilité
des séquences n’est cependant pas distribuée de la même façon tout au long des
régions V. Elle se concentre dans certains segments. La distribution variable des
acides aminés est facilement visible sur un graphique de variabilité (Fig. 3.6),
dans lequel les séquences peptidiques de plusieurs anticorps différents sont
comparées. Trois segments qui se caractérisent par leur grande variabilité tant
dans les domaines VH que VL sont appelés régions hypervariables, désignées par
HV1, HV2 et HV3. Dans les chaînes légères, ces segments se situent dans les seg-
ments 30 à 36, 49 à 59 et 92 à 103. La partie la plus variable du domaine est dans la
région HV3. Les segments situés entre les régions hypervariables, qui compren-
nent le reste du domaine V, montrent moins de variabilité. Ils forment un cadre
dans lequel sont enchâssées les parties hypervariables. Chaque domaine V com-
porte quatre régions de ce type, désignées FR1, FR2, FR3 et FR4 (FR, Framework
Regions).
Les régions correspondant au cadre forment les feuillets β qui assurent la confor-
mation du domaine, tandis que les séquences hypervariables sont situées dans les
trois boucles, là où elles sont juxtaposées et là où le domaine se replie pour former
L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène spécifique 119
Variabilité
Variabilité
100
40 (HV1, HV2, et HV3), indiquées en rouge,
80 sont aussi appelées CDR1, CDR2 et CDR3
30 (Complementarity-Determining Region). Elles
60
sont flanquées par des régions moins variables
40 20 dites FR1, FR2, FR3 et FR4 (Framework
Region) indiquées en bleu ou jaune.
20 10
0 0
0 20 40 60 80 100 120 0 20 40 60 80 100 120
Résidu Résidu
le bord externe du tonneau β (Fig. 3.7). Ainsi, non seulement la diversité des
séquences se concentre dans des segments particuliers des domaines V, mais elle
se localise aussi dans une région particulière à la surface de la molécule. Quand
les domaines VH et VL s’apparient dans la molécule d’anticorps, les boucles hyper-
variables de chaque domaine forment un site hypervariable unique au sommet de
chaque bras de la molécule. C’est le site de liaison à l’antigène ou le site de com-
binaison de l’anticorps. Les six boucles hypervariables déterminent la spécificité
antigénique en formant une structure complémentaire de celle de l’antigène, d’où
leur dénomination habituelle de régions déterminant la complémentarité ou
CDR (Complementary-Determining Regions) au nombre de trois : CDR1, CDR2, et
CDR3. Les CDR des domaines VH et VL contribuant au site de liaison antigénique,
c’est l’association de la chaîne légère et de la chaîne lourde, et non une seule des
deux, qui détermine la spécificité antigénique. Ainsi, un des moyens par lesquels
le système immunitaire génère des anticorps de différentes spécificités consiste en
la combinaison aléatoire de chaînes lourdes et légères. C’est ce que l’on appelle la
diversité combinatoire. Nous rencontrerons une seconde modalité de diversité
combinatoire quand nous verrons au Chapitre 4 comment les gènes codant les
régions V des chaînes lourdes et légères sont formés à partir de courts segments
d’ADN.
3-7 Les anticorps lient les antigènes par les acides aminés des CDR,
mais les détails du mode de liaison dépendent de la taille
et de la forme de l’antigène.
20
fidèle de l’interaction des anticorps avec leurs antigènes. On a pu ainsi confir-
10
mer et élargir la vision limitée jusqu’alors aux interactions des anticorps avec les
0 haptènes.
0 20 40 60 80 100
Résidu La surface de la molécule d’anticorps formée par la juxtaposition des CDR des
chaînes lourdes et légères crée le site auquel un antigène se fixe. Évidemment,
FR1 HV1 FR2 HV2 FR3 HV3 FR4 les séquences peptidiques des CDR différant d’un anticorps à l’autre, les formes
créées par ces CDR diffèrent. En général, les anticorps se fixent à des ligands dont
les surfaces sont complémentaires de celles de l’anticorps. Un petit antigène, tel
qu’un haptène ou un petit peptide, se fixe dans une poche ou un sillon situé entre
N les chaînes des domaines V des chaînes lourdes et légères (Fig. 3.8a et b). D’autres
antigènes, comme une protéine, peuvent être de même taille ou plus grande que
l’anticorps lui-même. Dans ces cas, l’interface entre les deux molécules est souvent
une surface étendue qui implique tous les CDR et, dans certains cas, une partie de
la région cadre de l’anticorps (Fig. 3.8c). Cette surface ne doit pas être concave,
mais peut-être plate, ondulée, ou même convexe. Dans certains cas, des molécules
C d’anticorps avec des boucles CDR3 allongées peuvent enfoncer un « doigt » dans
une cavité de la surface de l’antigène, comme le montre la Fig. 3.8d dans laquelle
on voit un anticorps lié à l’antigène gp120 du VIH ; il projette une longue boucle
contre sa cible.
N
HV3
(CDR3)
3-8 Les anticorps se lient à des structures de conformation particulière
situées à la surface des antigènes.
HV1 La fonction biologique des anticorps est de se fixer aux pathogènes et à leurs pro-
(CDR1) duits et de faciliter leur élimination. Un anticorps ne reconnaît généralement
qu’une petite région à la surface d’une molécule de grande taille comme un poly-
C HV2 saccharide ou une protéine. La structure reconnue par l’anticorps est nommée
(CDR2)
déterminant antigénique ou épitope. Certains des pathogènes les plus impor-
tants ont des capsules polysaccharidiques, et les anticorps qui reconnaissent les
épitopes formés par les sous-unités de ces molécules glucidiques sont essentiels
site de
liaison à pour conférer une protection immune contre ces germes. Dans beaucoup de cas,
l’antigène cependant, les antigènes qui suscitent une réponse immune sont des protéines.
Par exemple, certains anticorps neutralisant les virus reconnaissent des protéi-
nes de leur enveloppe. Dans de tels cas, les structures reconnues par l’anticorps
sont localisées à la surface de la protéine. De tels sites antigéniques sont souvent
composés de résidus des différentes parties de la chaîne polypeptidique, rappro-
chés par le repliement de la protéine. Ce type de déterminant est dit conforma-
tionnel ou épitope discontinu, parce que la structure reconnue est composée de
segments discontinus quant à la séquence primaire de la protéine, mais qui sont
rapprochés dans la structure tridimensionnelle. Par contre, l’épitope composé
d’une seule séquence polypeptidique est dit continu ou linéaire. Quoique la plu-
part des anticorps produits contre des protéines intactes reconnaissent des épi-
topes discontinus, d’autres se fixent à des fragments peptidiques de la protéine.
Inversement, les anticorps produits contre les peptides d’une protéine ou des pep-
tides synthétiques correspondant à une partie de sa séquence peuvent occasion-
nellement se fixer à la protéine native. Cela permet, dans certains cas, d’utiliser des
peptides synthétiques comme vaccins par lesquels on espère induire la produc-
tion d’anticorps dirigés contre les protéines du pathogène.
L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène spécifique 121
Attraction entre
Forces électrostatiques charges opposées NH 3 OOC
Hydrogène partagé N H O C
Liaisons hydrogène entre atomes électronégatifs
(N, O) δ− δ+ δ−
Fig. 3.9 Les forces non covalentes qui
maintiennent le complexe antigène :
Fluctuations dans les
δ+ δ− anticorps. Les charges partielles trouvées
Force de Van der Waals nuages électroniques autour dans les dipôles électriques sont δ+ ou δ−. Les
de molécules comportant des
δ− δ+ forces électrostatiques sont proportionnelles
atomes de polarité opposées à l’inverse du carré de la distance séparant
les charges, tandis que les forces de Van
H H der Waals, qui sont plus nombreuses dans
Les groupes hydrophobes H O la plupart des contacts antigène-anticorps,
interagissent difficilement avec O +
H δ H diminuent en fonction de l’inverse de la
Forces hydrophobes l’eau et tendent à se regrouper δ− O H distance à la puissance 6 et ne sont donc
pour exclure les molécules. δ− opérationnelles que sur de très courtes
Leur attraction implique aussi δ+ distances. De manière naturelle, il ne s’établit
les forces de Van der Waals O jamais de liaison covalente entre antigènes et
H H
anticorps.
122 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T
Résumé.
des régions V jouent un rôle mineur dans le contact direct avec l’antigène, mais
procurent une assise aux CDR en déterminant leur position et leur conformation.
Les anticorps produits contre des protéines intactes se lient habituellement à la
surface des protéines et entrent en contact avec des résidus qui ne sont pas conti-
gus dans la séquence peptidique de la molécule. Cependant dans certains cas, ils
peuvent se lier à des fragments peptidiques de la protéine, et des anticorps pro-
duits contre des peptides dérivés d’une protéine peuvent parfois être utilisés pour
la détection de la molécule native de la protéine. La liaison des peptides aux anti-
corps se fait habituellement dans l’échancrure entre les régions V des chaînes
lourdes et légères, où ils entrent en contact spécifique avec certains, pas néces-
sairement tous, les CDR. C’est aussi le mode de liaison habituel pour les antigènes
glucidiques et les petites molécules comme les haptènes.
région cellules T. Une minorité de cellules T porte un récepteur différent, mais de structure
constante (C) similaire, constitué d’une paire différente de chaînes polypeptidiques désignées γ
et δ. Le mode de reconnaissance de l’antigène par les récepteurs des cellules T γ:δ
segment tige
paraît différent de celui des récepteurs des cellules T α:β, et leur fonction dans la
+ région
+ réponse immune n’est pas encore connue (voir la Section 2-34). Dans le reste de
+ transmembranaire
ce chapitre, nous utiliserons le terme de récepteur des cellules T pour désigner le
queue récepteur α:β, sauf quand nous le spécifierons. Les deux types de récepteurs des
cytoplasmique
pont disulfure cellules T diffèrent des immunoglobulines de membrane, qui servent de récepteur
des cellules B : un récepteur des cellules T ne possède qu’un seul site de liaison à
l’antigène, alors que l’immunoglobuline en a deux, et les récepteurs T ne sont pas
sécrétés alors que les immunoglobulines le sont sous forme d’anticorps.
Notre perception initiale de la structure et la fonction du récepteur α:β des cellules T
provient d’études sur l’ADNc cloné codant les chaînes du récepteur. Les séquences
peptidiques prédites à partir des ADNc des récepteurs des cellules T montrent que les
deux chaînes des récepteurs cellulaires ont une région aminoterminale variable (V)
homologue du domaine V des immunoglobulines, une région constante (C) homo-
logue du domaine C des immunoglobulines et une courte région charnière conte-
nant un résidu cystéine formant un pont disulfure intercaténaire (Fig. 3.12). Chaque
chaîne franchit la bicouche lipidique grâce à un domaine transmembranaire hydro-
phobe et se termine par une extrémité cytoplasmique courte. Ces similitudes étroites
des chaînes du récepteur des cellules T avec les chaînes lourdes et légères des immu-
noglobulines ont permis de prédire que la structure de l’hétérodimère du récepteur
des cellules T ressemblerait au fragment Fab des immunoglobulines.
La structure en trois dimensions du récepteur des cellules T a été établie par cristal-
lographie aux rayons X, ce qui a confirmé qu’elle était bien similaire à celle d’un frag-
ment Fab. Les chaînes du récepteur des cellules T se replient de la même façon qu’un
fragment Fab (Fig. 3.13a), bien que la structure finale paraisse un peu plus petite et
plus large. Cependant, les récepteurs des cellules T et les fragments Fab diffèrent sur
certains points. La différence la plus marquée porte sur le domaine Cα, dont le replie-
ment diffère de celui des domaines semblables des immunoglobulines. La moitié du
domaine jouxtant le domaine Cβ forme un feuillet β proche de celui d’autres domaines
comparables des immunoglobulines, mais l’autre moitié du domaine est formée de
brins assemblés de manière plus lâche et d’un petit segment d’hélice α (Fig. 3.13b). Le
pont disulfure intramoléculaire qui, dans les domaines comparables des immunoglo-
bulines, joint normalement deux brins β joint ici le brin β au segment de l’hélice α.
Il y a aussi des différences dans la manière dont les domaines interagissent.
L’interface entre les domaines V et C des deux chaînes du récepteur des cellules T
est plus étendue que pour celle des anticorps. L’interaction entre les domaines Cα
et Cβ est assez particulière. Elle est en effet partiellement assurée par des sucres,
un groupe glycosylé du domaine Cα établissant plusieurs liaisons hydrogène avec
le domaine Cβ (voir Fig.3.13b). Finalement, une comparaison des sites de liaison
montre que, bien que les boucles CDR s’alignent assez étroitement avec celles des
molécules d’anticorps, il y a un certain décalage (voir Fig.3.13c). C’est particulière-
ment évident dans la boucle CDR2 Vα, qui est orientée approximativement en angle
droit par rapport à la boucle équivalente des domaines V de l’anticorps, en raison
d’un déplacement du brin β qui ancre une extrémité de la boucle d’une face à l’autre
du domaine. Le décalage d’un brin cause aussi un changement dans l’orientation
de la boucle CDR2 Vβ dans certains domaines Vβ dont les structures sont connues.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 125
2 1 3
3 2
1 TCRα TCRβ
IgL IgH
Vα Vβ L2
H3 H1
Cβ HV4
Cα L3
HV4
Cβ L1
Cα oligosaccharide H2
a b c
Fig. 3.13 Structure cristalline d’un récepteur α:β de cellule T résolue entre le domaine Cα et le domaine Cβ. Dans le panneau c, le récepteur T
à 2.5 Å. Dans les panneaux a et b, la chaîne α est indiquée en rose et la est aligné sur les sites de liaison à l’antigène de trois anticorps différents.
chaîne β en bleu. Les ponts disulfure sont en vert. Dans le panneau a, le Cette vue plongeante sur le site de liaison montre le domaine Vα du
récepteur des cellules T est vu de côté dans la position qu’il occuperait récepteur des cellules T aligné sur les domaines VL des sites de liaison
normalement à la surface cellulaire, avec les boucles CDR qui forment, sur antigénique des anticorps, le domaine Vβ étant aligné sur les domaines
le sommet relativement plat, le site de fixation de l’antigène (chiffres 1, 2 VH. Les CDR 1, 2 et 3 du récepteur cellulaire T sont colorés en rouge et
et 3). Le panneau b montre les domaines Cα et Cβ. Le domaine Cα ne la boucle HV4 en orange. Pour les domaines V des immunoglobulines,
se replie pas comme un domaine typique d’immunoglobuline; dans ce les boucles CDR1 des chaînes lourdes (H1) et des chaînes légères (L1)
domaine, la face la plus éloignée du domaine Cβ est composée surtout sont indiquées en bleu clair et bleu foncé, et les boucles CDR2 (H2, L2)
de brins peptidiques irréguliers plus que d’un feuillet β. Le pont disulfure en violet clair et violet foncé. Les boucles CDR3 des chaînes lourdes (H3)
intramoléculaire joint un brin β à ce segment d’hélice α. L’interaction entre sont en jaune. Les CDR3 des chaînes légères (L3) sont en vert brillant.
les domaines Cα et Cβ est renforcée par un oligosaccharide (en gris et Les boucles HV4 du TCR (orange) n’ont pas d’équivalents hypervariables
indiqué sur la figure) dont un résidu glycosylé établit un pont hydrogène dans les immunoglobulines. Modèles de I.A. Wilson.
On a réalisé quelle était la nature de l’antigène reconnu par les cellules T quand on
a compris que les peptides ne pouvaient stimuler les cellules T que lorsqu’ils sont
liés à une molécule du CMH. Le ligand reconnu par les cellules T est donc un com-
plexe formé d’un peptide et d’une molécule du CMH. L’implication du CMH dans
la reconnaissance de l’antigène par les cellules T fut d’abord montrée de manière
indirecte, mais elle a été prouvée récemment de façon définitive par stimulation
des cellules T au moyen de complexes purifiés peptide:CMH. Le récepteur des
cellules T interagit avec ce ligand en établissant des contacts avec la molécule du
CMH et le peptide antigénique.
cavité liant
le peptide
Fig. 3.15 La structure d’une molécule
du CMH de classe I déterminée par α1
cristallographie aux rayons X. Le panneau a
montre une représentation graphique assistée
par ordinateur d’une molécule humaine du
CMH de classe I, HLA-A2, qui a été clivée
par la papaïne au ras de la surface cellulaire. N
La surface de la molécule est peinte dans les
tons utilisés pour chaque domaine dans les
panneaux b-d. Dans les panneaux b et c, la
structure est représentée par un diagramme
en ruban. Comme le montre le schéma du
panneau d, la molécule du CMH de classe I
est un hétérodimère comprenant une chaîne α
transmembranaire (poids moléculaire de
43 kDa) liée de façon non covalente à la β-microglobuline
β2-microglobuline (12 kDa), qui elle ne
traverse pas la membrane. La chaîne α se
replie en trois domaines : α1, α2 et α3. Les α3
séquences peptidiques du domaine α3 et
de la β2-microglobuline ressemblent aux
domaines C des immunoglobulines et ont des a b
structures repliées similaires, alors que les
domaines α1 et α2, en se repliant, ne forment
qu’une seule structure constituée de deux
segments d’hélices α allongés sur un feuillet α1 cavité liant
le peptide
de huit brins β antiparallèles. Cette disposition
des domaines α1 et α2 crée une grande fente
ou sillon, constituant le site dans lequel les
antigènes peptidiques se lient aux molécules α2 α1
du CMH. La région transmembranaire et le
court segment peptidique qui connecte les
cavité liant
domaines extracellulaires à la surface cellulaire le peptide β feuillet
ne sont pas représentés dans les panneaux α3 β2-microglobuline
a et b, car ils ont été enlevés par la digestion
à la papaïne. Dans le panneau c, la vue
plongeante montre que les faces internes des
deux hélices α forment les parois de la cavité,
α hélice
dont le plancher correspond au feuillet β plissé α2
qui appartient aux domaines α1 et α2. Nous
utiliserons la représentation schématique du c d
panneau d tout au long de cet ouvrage.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 127
membrane se replient pour former ensemble une longue crevasse, ou sillon, qui est
le site auquel se lie le peptide. Les structures des complexes purifiés peptide:CMH
de classe I et peptide:CMH de classe II ont été caractérisées, ce qui nous permet de
décrire en détail les molécules du CMH et comment elles lient les peptides.
Les molécules du CMH de classe I (Fig. 3.15) sont constituées de deux chaînes
polypeptidiques, une grande chaîne α codée par le locus génétique du CMH et
une chaîne plus petite associée de façon non covalente, la β2-microglobuline,
laquelle n’est pas polymorphe et dont le gène se trouve sur un autre chromosome,
le n°15 chez l’homme. Seule la chaîne α de classe I traverse la membrane. La molé-
cule complète comprend quatre domaines, trois formés à partir de la chaîne α
codée par le CMH, et un formé par la β2-microglobuline. Le domaine α3 et la
β2-microglobuline ont une structure repliée qui ressemble étroitement à celle du
domaine d’une immunoglobuline. Les domaines repliés α1 et α2 forment les parois
d’une crevasse à la surface de la molécule ; c’est le site de liaison au peptide, que
l’on appelle sillon de liaison au peptide. Les molécules du CMH sont hautement
polymorphes et les différences principales entre les différentes formes se situent
dans le sillon de liaison au peptide, déterminant ainsi quel peptide peut être lié et
donc la spécificité du double antigène présenté aux cellules T.
Une molécule du CMH de classe II est constituée d’un complexe non covalent de
deux chaînes, α et β, qui toutes deux traversent la membrane (voir Fig. 3.16). La
chaîne α du CMH de classe II est une protéine différente de la chaîne α de classe I.
cavité liant
le peptide
β1
α1
c d
Les chaînes α et β du CMH de classe II sont toutes deux codées dans le CMH. La
structure cristallographique de la molécule du CMH de classe II montre qu’elle est
repliée de manière très semblable à celle du CMH de classe I, mais dans les molécu-
les du CMH de classe II, le sillon de liaison au peptide est formé par deux domaines
de chaînes différentes, les domaines des chaînes, α1 et β1. Les différences principa-
les se trouvent aux extrémités du sillon de liaison peptidique, lesquelles sont plus
ouvertes dans les molécules du CMH de classe II que dans les molécules du CMH
de classe I. La conséquence principale de ceci est que les extrémités d’un peptide
lié à une molécule du CMH de classe I sont réellement enfouies dans la molécule,
alors que les extrémités des peptides liés aux molécules du CMH de classe II ne
le sont pas. Dans les molécules du CMH de classe I et II, les peptides liés sont pris
en sandwich entre les deux segments d’hélice α de la molécule du CMH (Fig. 3.17).
Le récepteur des cellules T interagit avec ce ligand complexe, créant des contacts
à la fois avec la molécule du CMH et le fragment peptidique de l’antigène. Les sites
du polymorphisme principal des molécules du CMH de classe II sont à nouveau
situés dans le sillon de liaison au peptide.
3-13 Les peptides sont liés de façon stable aux molécules du CMH
et servent aussi à stabiliser la molécule du CMH à la surface cellulaire.
Un individu peut être infecté par de nombreux pathogènes différents, leurs protéi-
nes ne comportant généralement pas de séquences peptidiques communes. Si les
cellules T doivent être mises en alerte contre toutes les infections possibles, alors
les molécules du CMH de chaque cellule (classe I et classe II) doivent être capa-
bles de lier de façon stable de nombreux peptides différents. Cette capacité dif-
fère nettement de celles des autres récepteurs liant des peptides ; par exemple,
les récepteurs des hormones peptidiques ne fixent généralement qu’un seul type
de peptide. L’étude de la structure cristalline du complexe peptide:CMH a révélé
comment un site de liaison unique peut lier les peptides avec une forte affinité tout
en restant capable de lier une grande diversité de peptides différents.
Une caractéristique importante de la liaison des peptides aux molécules du CMH
est que le peptide lié se comporte comme une partie intégrante de la structure
de la molécule du CMH. En effet, les molécules du CMH sont instables quand
les peptides ne sont pas fixés. La stabilité de la liaison au peptide est importante,
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 129
3-14 Les molécules du CMH de classe I lient les deux extrémités de petits
peptides de 8–10 acides aminés.
La liaison d’un peptide dans le sillon d’une molécule du CMH de classe I est sta-
bilisée aux deux extrémités par contact entre les atomes des extrémités amino-
terminale et carboxyterminale du peptide et les sites invariables qui se trouvent à
chaque extrémité du sillon de toutes les molécules du CMH de classe I (Fig. 3.18).
On pense que c’est à ces endroits que les contacts les plus stabilisants du com-
plexe peptide:CMH de classe I s’établissent, car les analogues de peptides synthé-
tiques privés du groupe aminoterminal et du groupe carboxyterminal ne peuvent
pas se lier de façon stable aux molécules du CMH de classe I. D’autres résidus dans
le peptide servent de points d’ancrage additionnels. Les peptides qui s’attachent
aux molécules du CMH de classe I ont habituellement une longueur de 8–10 aci-
des aminés. Des peptides plus longs seraient capables de se lier, particulièrement
s’ils peuvent se lier par leur bout carboxyterminal ; ils seraient ensuite clivés par
des exopeptidases présentes dans le réticulum endoplasmique, là où les molécu-
les du CMH de classe I prennent en charge les peptides. Ceux-ci s’allongent au long
du sillon ; en cas de variation dans la longueur du peptide, celui-ci peut se replier.
Pourtant, on connaît deux exemples de molécules du CMH de classe I où le peptide
peut s’étendre en dehors du sillon à l’extrémité carboxyterminale, ce qui suggère
qu’une certaine variation de longueur peut aussi être tolérée de cette manière.
+ – Ces interactions assurent à toutes les molécules du CMH de classe I une large spécifi-
H3N R G Y V Y Q Q L COO
cité de liaison peptidique. De plus, les molécules du CMH étant hautement polymor-
+ –
H3N S I I N F E K L COO
phes, il existe des centaines de versions différentes, ou allèles, des gènes du CMH de
H3N
+
A P G N Y P A L
–
COO classe I dans l’ensemble de la population, chaque individu n’en possédant qu’une
petite sélection. Les différences principales entre les variants alléliques du CMH se
H3N
+
T Y Q R T R A L V COO
– retrouvent sur certains sites du sillon de liaison au peptide. Le résultat est la présence
+ –
d’acides aminés différents dans les sites d’interaction avec les peptides selon la nature
H3N S Y F P E I T H I COO
des variants du CMH. En conséquence, chaque variant du CMH lie préférentielle-
–
H3N
+
K Y Q A V T T T L COO ment certains peptides particuliers. Ces peptides qui se lient à un variant donné du
H3N
+
S Y I P S A E K I COO
– CMH ont des résidus identiques ou très proches sur deux ou trois positions particu-
lières le long de la séquence peptidique. À ces positions, les chaînes latérales des aci-
des aminés s’insèrent dans des poches qui sont ménagées dans la molécule du CMH
Fig. 3.19 Les peptides se lient aux
et bordées par les résidus polymorphes. Les résidus auxquels ces chaînes latérales
molécules du CMH par des résidus
d’ancrage apparentés. Des peptides élués appartiennent sont appelés résidus d’ancrage. Leur position et leur identité peuvent
de deux molécules du CMH de classe I sont varier, dépendant du variant particulier du CMH de classe I impliqué. Pourtant, la
présentés dans les panneaux du haut et du plupart des peptides qui lient les molécules du CMH de classe I ont un résidu d’an-
bas. Les résidus d’ancrage (en vert) diffèrent
dans les peptides qui lient des allèles différents
crage hydrophobe (ou parfois basique) à leur extrémité carboxyterminale (Fig. 3. 19).
des molécules du CMH de classe I, mais ils Alors que la substitution d’un résidu d’ancrage empêchera dans la plupart des cas la
sont similaires dans tous les peptides qui se liaison du peptide, tout peptide synthétique de longueur adéquate qui contient ces
lient à la même molécule du CMH. Les résidus résidus d’ancrage ne se liera pas nécessairement à une molécule appropriée du CMH
d’ancrage qui lient une molécule du CMH
particulière ne doivent pas être identiques, de classe I. En effet, la liaison en général doit aussi dépendre de la nature des acides
mais sont toujours apparentés (par exemple aminés en d’autres positions dans le peptide. Dans certains cas, des acides aminés
la phénylalanine (F) et la tyrosine (Y) sont particuliers sont préférés dans certaines positions, tandis que dans d’autres la pré-
des acides aminés aromatiques, alors que la sence d’acides aminés particuliers empêche la liaison. Ces positions additionnelles
valine (V), la leucine (L) et l’isoleucine (I) sont
de grands acides aminés hydrophobes). Les d’acides aminés sont appelées « ancres secondaires ». Ces caractéristiques de liaison
peptides se lient aussi aux molécules du CMH du peptide permettent à une molécule du CMH de classe I individuelle de lier de
de classe I par leurs extrémités, aminée (bleu) nombreux peptides différents, tout en permettant à différents variants alléliques du
et carboxylée (rouge).
CMH de classe I de lier différents assortiments de peptides.
3-15 La longueur des peptides liés par les molécules du CMH de classe II
n’est pas imposée.
La liaison des peptides par les molécules du CMH de classe II a aussi été étudiée
par élution des peptides liés et par cristallographie aux rayons X. Les modes de
liaison diffèrent sur plusieurs points de ceux qui sont décrits pour les molécules
de classe I. Les peptides qui lient les molécules de classe II contiennent au moins
13 acides aminés, et peuvent être bien plus longs. Les groupes de résidus conser-
vés qui lient les deux extrémités d’un peptide à la molécule du CMH de classe I
sont absents des molécules du CMH de classe II, les extrémités du peptide restant
libres. Au lieu de cela, le peptide s’allonge sur toute la longueur du sillon de liaison
de la molécule de classe II. Il y est maintenu par des acides aminés dont les chaî-
nes latérales s’enfoncent dans les poches plus ou moins profondes formées par les
résidus polymorphes, et par interaction entre le squelette du peptide et les chaînes
latérales des acides aminés conservés qui bordent le sillon de liaison au peptide
dans toutes les molécules du CMH de classe II (Fig. 3.20). Bien que moins d’étu-
des des structures cristallines aient été effectuées sur les complexes peptide:CMH
de classe II, les données disponibles montrent que les chaînes latérales des acide
aminés en position 1, 4, 6 et 9 du peptide lié au CMH de classe II peuvent être
maintenues dans ces poches de liaison. En comparaison aux molécules du CMH
de classe I, les molécules du CMH de classe II acceptent une plus grande diversité
des chaînes latérales dans leurs poches de liaison. Identifier les résidus d’ancrage
et prédire quels sont les peptides qui seront capables de se lier à telle ou telle molé-
cule de classe II est donc plus difficile (Fig. 3.21). Néanmoins, en comparant des
séquences connues de peptides fixés, on peut détecter un profil d’acides aminés
pour chacun des différents allèles de classe II et modéliser ainsi comment les aci-
des aminés de ce motif de séquence peptidique interagiront avec les acides ami-
nés qui forment le sillon de liaison. Parce que le peptide est lié par son squelette
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 131
D G S T D Y G I L Q I N S R W
G S T D Y G I L Q I N S R W W C
Q A T N R N T D G S T D Y G I L Q I N S R W W C N D G R
I S N Q L T L D S N T K Y F H K L N
V D T F L E D V K N L Y H S E A
K P R A I V V D P V H G F M Y
K Q T I S P D Y R N M I
Y P D F I M D P K E K D K V
G P P K L D I R K E E K Q I M I D I F H
G F K A I R P D K K S N P I I R T V
I P D N L F L K S D G R I K Y T L N K N
V T T L N S D L K Y N A L D L T N
Fig. 3.21 La longueur des peptides qui lient les molécules du peuvent varier, et donc par convention, le premier résidu d’ancrage est
CMH de classe II varie et leurs résidus d’ancrage se situent à des noté comme le résidu 1. Notez que tous les peptides portent un résidu
distances variables des extrémités du peptide. Les séquences chargé négativement, acide aspartique (D) ou acide glutamique (E) en
d’une série de peptides qui se lient à l’allèle Ak du CMH de souris de position P4. Ils ont aussi tendance à avoir un résidu basique, lysine (K),
classe II sont indiquées dans le panneau du dessus. Tous contiennent arginine (R), histidine (H), glutamine (Q) ou asparagine (N) en position 6,
la même séquence en leur centre, mais diffèrent en longueur. Dans le et ils ont souvent un résidu hydrophobe, par exemple la tyrosine (Y), la
panneau du dessous, les différents peptides liés à l’allèle HLA-DR3 du leucine (L), la proline (P), la phénylalanine (F), en position P9.
CMH humain de classe II sont indiqués. Les longueurs de ces peptides
132 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T
et peut dépasser les deux extrémités du sillon de liaison, il n’y a en principe pas de
limite supérieure dans la longueur des peptides qui peuvent se lier aux molécu-
les de classe II. Cependant, il apparaît que les longs peptides liés aux molécules de
classe II sont coupés par des peptidases et ramenés, dans la plupart des cas, à une
longueur de 13–17 acides aminés. Comme les molécules de classe I, les molécules
de classe II qui n’ont pas fixé de peptide, sont instables, mais les interactions cru-
ciales stabilisant le complexe peptide:CMH de classe II ne sont pas connues.
Vβ Fig. 3.22 Le récepteur des cellules T se lie de la surface du complexe peptide:CMH (le
au complexe peptide:CMH. Panneau a : le peptide est ombré en jaune vif). Le récepteur
HV4 récepteur des cellules T se lie au sommet du des cellules T s’étend diagonalement à
2β complexe peptide:CMH, enjambant, dans le travers le complexe peptide:CMH, avec les
cas de la molécule de classe I qui est montrée boucles CDR3 α et β du récepteur T (3α, 3β,
1α 3α ici, les hélices des domaines α1 et α2. Les CDR jaune et vert, respectivement) en contact
3β du récepteur des cellules T sont indiqués en avec le centre du peptide. Les boucles CDR1
1β
Vα couleur ; les boucles CDR1 et CDR2 de la et CDR2 de la chaîne α (1α, 2α, violet vif et
2α chaîne β en bleu clair et foncé respectivement. foncé, respectivement) sont en contact avec
La boucle CDR3 de la chaîne α est en jaune les hélices du CMH au bout aminoterminal
alors que la boucle CDR3 de la chaîne β est du peptide lié, alors que les boucles CDR1 et
en vert. La boucle HV4 de la chaîne β est CDR2 de la chaîne β (1β, 2β, en bleu clair ou
en orange. Panneau b : le contour du site foncé respectivement) réalisent des contacts
b de liaison antigénique du récepteur T (ligne avec les hélices au bout carboxyterminal du
épaisse noire) est superposée au sommet peptide lié. Document d’I.A. Wilson.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 133
c d
Les molécules du CMH de classe I et de classe II ont une distribution cellulaire diffé-
rente. Ce qui reflète les fonctions effectrices différentes des cellules T qui les recon-
naissent (Fig. 3.27). Les molécules du CMH de classe I présentent des peptides
136 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T
Fig. 3.27 CD8 se fixe au site des molécules est faiblement visible en arrière-plan) avec
du CMH de classe I distant de celui le récepteur des cellules T et avec CD8. Les
auquel se lie le récepteur des cellules T. chaînes α et β du récepteur T sont indiquées
Les positions respectives du récepteur des en rose et violet. La structure CD8 est celle
cellules T et de CD8 liés à la même molécule d’un homodimère CD8α, mais est colorée pour
du CMH de classe I sont visibles sur cette représenter l’orientation probable des sous-
reconstruction hypothétique de l’interaction de unités dans l’hétérodimère ; la sous-unité CD8α
la molécule du CMH de classe I (la chaîne α est en rouge et la sous-unité CD8β en bleu.
est en vert ; la β2-microglobuline en beige Cliché de G. Gao.
Neutrophiles +++ −
Hépatocytes + −
Rein + −
Cerveau + −†
Globules rouges − −
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 137
immunitaire. Les molécules du CMH de classe II sont donc normalement retrou- Récepteur de cellule T 𝛂:𝛃
vées sur les lymphocytes B, les cellules dendritiques et les macrophages — cellu-
les participant aux réponses immunitaires — mais pas sur les autres cellules (voir
Fig. 3.27). Quand les cellules T CD4 reconnaissent les peptides liés aux molécules V
du CMH de classe II sur les cellules B, elles les stimulent à produire des anticorps.
De la même façon, les cellules T CD4 reconnaissant les peptides liés aux molécu-
les du CMH de classe II sur les macrophages, activent ces cellules pour détruire
les pathogènes présents dans leurs vacuoles. Nous verrons au Chapitre 8 que les
molécules du CMH de classe II sont aussi exprimées sur les cellules spécialisées
présentatrices d’antigène dans les tissus lymphoïdes, où les cellules T naïves ren-
contrent l’antigène et sont activées pour la première fois. L’expression conjointe C
des molécules du CMH de classe I et II est régulée par les cytokines, en particu-
lier par les interférons libérés au cours des réponses immunes. L’interféron γ (IFN-
γ), par exemple, augmente l’expression des molécules du CMH de classe I et de a
classe II, et peut induire l’expression des molécules du CMH de classe II sur cer-
tains types cellulaires qui normalement ne les expriment pas. Les interférons favo- Récepteur de cellule T 𝛄:𝛅
risent aussi la fonction de présentation d’antigène par les molécules du CMH de
classe I en induisant l’expression de constituants clé de la machinerie intracellu-
laire qui permet aux peptides d’être chargés sur les molécules du CMH. V
Résumé.
(CMH). Chaque molécule du CMH lie une grande diversité de peptides différents,
mais les différents variants reconnaissent chacun préférentiellement un groupe
de peptides avec des séquences particulières et des caractéristiques physiques.
L’antigène peptidique est généré dans la cellule, et se lie de façon stable dans le
sillon de liaison peptidique à la surface de la molécule du CMH. Il existe deux clas-
ses de molécules du CMH, et celles-ci peuvent se lier par leurs domaines non poly-
morphes aux molécules CD8 et CD4, qui distinguent deux classes fonctionnelles
différentes de cellules T α:β. CD8 lie les molécules du CMH de classe I, et peut le
faire alors même que le complexe peptide:CMH de même classe I est reconnu par
le récepteur des cellules T. Il agit comme corécepteur amplifiant la réponse des
cellules T. CD4 lie les molécules du CMH de classe II et agit comme corécepteur
pour les récepteurs des cellules T qui reconnaissent les ligands peptide:CMH de
classe II. Les récepteurs des cellules T interagissent directement avec le peptide
antigénique et les parties polymorphes de la molécule du CMH qui l’expose, cette
double spécificité expliquant la restriction au CMH des réponses cellulaires T. Un
second type de récepteur T, composé d’une chaîne γ et δ, est structurellement sem-
blable au récepteur α:β des cellules T, mais semble lier différents ligands, y compris
des ligands non peptidiques. Il ne semble pas restreint par le CMH. Il a été retrouvé
sur une population minoritaire de cellules T, les cellules T γ:δ.
Résumé du Chapitre 3.
Les cellules B et les cellules T utilisent des molécules différentes mais structu-
rellement semblables pour reconnaître l’antigène. Les molécules de reconnais-
sance antigénique des cellules B sont les immunoglobulines qui servent à la fois
de récepteur antigénique lié à la membrane mais aussi d’anticorps sécrétés qui
lient l’antigène et déclenchent les activités effectrices humorales. Les molécules
de reconnaissance antigénique des cellules T sont par contre constituées unique-
ment par des récepteurs de surface cellulaire. Les immunoglobulines et les récep-
teurs des cellules T sont des molécules hautement variables, avec une variabilité
concentrée sur une partie de la molécule, la région variable (V), qui lie les anti-
gènes. Les immunoglobulines lient de nombreux antigènes chimiquement diffé-
rents, alors que le type principal α:β des récepteurs des cellules T ne reconnaît que
des fragments peptidiques de protéines étrangères liées à des molécules du CMH
ubiquitaires sur les surfaces cellulaires.
Les interactions de l’antigène avec les immunoglobulines ont été étudiées surtout
au moyen des formes solubles d’anticorps. Leur liaison à l’antigène est hautement
spécifique, et cette spécificité est déterminée par la configuration et les proprié-
tés physico-chimiques du site de liaison. La partie de l’anticorps qui déclenche
les fonctions effectrices, alors que la partie variable se lie à l’antigène, est appelée
région constante. Elle est localisée à l’autre extrémité des sites de liaison antigéni-
que. On distingue cinq classes fonctionnelles majeures d’anticorps, chacune codée
par des segments géniques différents. Comme nous le verrons dans le Chapitre 9,
ces régions constantes interagissent avec différents composants du système immu-
nitaire et déclenchent une réponse inflammatoire pour éliminer l’antigène.
Le récepteur des cellules T diffère des immunoglobulines des cellules B sur plu-
sieurs points. L’un est l’absence de forme sécrétée du récepteur. Cela reflète les
différences fonctionnelles entre les cellules T et B. Les cellules B reconnaissent les
pathogènes et leurs produits protéiques qui circulent dans l’organisme. La sécré-
tion par les cellules B activées par l’antigène d’une molécule soluble reconnaissant
cet antigène leur permet d’éliminer efficacement celui-ci des espaces extracellu-
laires. Les cellules T, elles, sont spécialisées dans les interactions intercellulaires.
Soit elles tuent les cellules infectées par des pathogènes intracellulaires et porteu-
ses de peptides antigéniques étrangers, soit elles interagissent avec les cellules du
système immunitaire qui ont capté des antigènes étrangers et les ont exposés à la
surface cellulaire. Elles n’ont donc pas besoin de sécréter un récepteur soluble.
Résumé du Chapitre 3 139
Questions
3.1 La superfamille des immunoglobulines est l’une des familles qui comptent le plus
grand nombre de protéines dont la structure est organisée en domaines. (a)
Quelles sont les caractéristiques d’un domaine d’immunoglobuline et par quoi
les différents sous-types de ces domaines diffèrent-ils ? (b) Quelles régions
du domaine d’immunoglobuline de type V contribuent aux régions déterminant
la complémentarité (CDR) et par quoi les domaines de type V et de type C des
immunoglobulines diffèrent-ils dans ces régions ?
3.2 Comment les anticorps, qui ont tous la même forme de base, reconnaissent-ils des
antigènes de nombreuses formes différentes ?
3.3 Les cellules T doivent exercer des fonctions effectrices appropriées pour lutter
contre des agents pathogènes intracellulaires, tandis que les cellules B sont
soumises à moins de contraintes. (a) Comment cela explique-t-il les propriétés
différentes de reconnaissance des récepteurs d’antigène des cellules B et T ?
(b) Décrivez les similitudes et les différences entre les récepteurs d’antigène
des cellules B et T. (c) Compte tenu de ces différences, quelle est la particularité
fonctionnelle essentielle qui distingue les cellules B et T ?
3.4 Il existe deux types de molécules du CMH : dites de classe I ou de classe II. (a) Quel
est le rôle des molécules du CMH dans l’activation des cellules T spécifiques de
l’antigène ? (b) Expliquez comment les régions liant le peptide dans les molécules
des classes I et II du CMH peuvent être si semblables, alors que l’une est codée par
un seul gène et l’autre est codée par deux gènes différents. (c) Si les régions liant
le peptide dans les classes I et II du CMH sont si semblables, comment les cellules T
peuvent-elles distinguer les antigènes présentés par des molécules de classe I et de
classe II du CMH ?
140 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T
Références générales. 3-5 Les domaines d’une molécule d’immunoglobuline ont des
structures similaires.
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143
Le réarrangement primaire
des gènes d’immunoglobulines.
Pratiquement, toute substance peut être la cible d’une réponse à anticorps et, même
lorsque celle-ci est dirigée contre un seul épitope, elle comprend de nombreuses
molécules d’anticorps différents, chacun avec une spécificité légèrement distincte et
sa propre affinité ou force de liaison à l’épitope. La collection complète des spécifici-
tés anticorps disponibles chez un individu est appelée le répertoire d’anticorps, ou
répertoire des immunoglobulines et, chez l’homme, il est d’au moins 1011 molécu-
les différentes. Le nombre de spécificités des anticorps présents à un moment donné
dans l’organisme est cependant limité par le nombre total de cellules B chez l’indi-
vidu ainsi que par les rencontres antérieures de chaque individu avec les antigènes.
Avant qu’il fut possible d’examiner directement les gènes des immunoglobulines,
deux hypothèses principales étaient proposées pour expliquer l’origine de la diver-
sité. Pour la théorie germinale, il existait un gène distinct pour chaque chaîne dif-
férente d’immunoglobuline et le répertoire des anticorps était en grande partie
hérité. Par contre, pour les théories de diversification somatique, le répertoire
observé provenait d’un nombre limité de séquences de régions V héritées, mais
qui subissaient des modifications dans les cellules B durant l’existence de l’indi-
vidu. Le clonage des gènes qui codent les immunoglobulines révéla que des élé-
ments des deux théories étaient corrects et que la séquence d’ADN codant chaque
région V était générée par des réarrangements d’un nombre relativement petit de
segments géniques hérités. La diversité est encore accrue par le processus d’hy-
permutation somatique dans les cellules B matures et activées. Ainsi, la théorie
somatique de la diversification se révéla exacte, mais le concept de gènes multi-
ples germinaux, exprimé dans la théorie germinale, s’est également avéré correct.
Fig. 4.1 Les gènes des immunoglobulines photographies de droite (ADN de cellules B)
sont réarrangés dans les cellules B. montrent les produits de digestion, par la
ADN ADN
Dans l’expérience originale de Hozumi et même enzyme de restriction, de l’ADN de germinal de cellules B
Tonegawa, les tailles des fragments d’ADN lymphocytes circulants d’un patient atteint fragment fragment fragment fragment
furent mesurées par hybridation de sondes d’une leucémie lymphoïde chronique (voir de région C de région V de région C de région V
radiomarquées avec les fragments de Chapitre 7), chez qui un clone particulier
restriction isolés des tranches de gel après de cellules B s’est fortement multiplié. Les
électrophorèse. Plus tard, la méthode de cellules B malignes expriment la région V, à
Southern, au cours de laquelle les fragments partir de laquelle on a obtenu la sonde pour
séparés par électrophorèse sont transférés sur la région V. En raison de la prédominance
une membrane de nitrocellulose, est devenue des cellules tumorales parmi la population
la technique de choix. Les deux photographies cellulaire, on ne voit qu’un seul réarrangement.
de gauche (ADN germinal) montrent les Sur cet ADN, les régions V et C se trouvent sur
produits obtenus après que l’ADN provenant de le même fragment, qui a une taille différente de
cellules non lymphoïdes d’un individu normal celle des fragments germinaux des régions C
a été digéré par une enzyme de restriction. ou V. Cette figure ne le montre pas, mais une
Les localisations des séquences d’ADN codant population de cellules B normales contient
les immunoglobulines sont identifiées par de nombreux gènes réarrangés différents, de
hybridation avec des sondes s’associant aux sorte que ceux-ci donnent une tâche diffuse de
régions V et C. Les régions V et C se situent fragments d’ADN de taille diverse, sans bande
sur des fragments d’ADN largement séparés nette. Clichés de S. Wagner et L. Luzatto.
dans les cellules non lymphoïdes. Les deux
est tout d’abord coupé par une enzyme de restriction. Les fragments d’ADN contenant
les séquences des régions V et C sont ensuite détectés par hybridation avec des son-
des d’ADN radiomarquées spécifiques des séquences d’ADN recherchées. Dans l’ADN
germinal des cellules non lymphoïdes, les séquences des régions V et C se trouvent sur
des fragments d’ADN séparés. Au contraire, dans l’ADN extrait d’une cellule B produc-
trice d’anticorps, les séquences des régions V et C se trouvent sur le même fragment, ce
qui prouve que l’ADN a été réarrangé. La Fig. 4.1 décrit une expérience typique.
Cette expérience simple démontrait que les segments d’ADN génomique dans les
gènes des immunoglobulines étaient réarrangés dans les cellules de la lignée B,
mais pas dans les autres cellules. Le mécanisme par lequel le réarrangement inter-
vient se nomme recombinaison somatique, à distinguer de la recombinaison
méiotique qui prend place lors de la production des gamètes.
4-2 Des gènes complets qui codent une région variable sont générés
par recombinaison somatique de segments géniques séparés.
La région variable (V), ou domaine V, d’une chaîne lourde ou légère d’immunoglo-
buline est codée par plus d’un segment génique. Pour la chaîne légère, le domaine V
est codé par deux segments séparés d’ADN. Le premier segment code les 95 à 101
premiers acides aminés, la plus grande partie du domaine variable, et s’appelle seg-
ment génique variable ou V. Le second segment code le reste du domaine variable
(jusqu’à 13 acides aminés) et est appelé segment génique de jonction ou J.
La Fig. 4.2 décrit les réarrangements qui conduisent à la production d’un gène complet
de chaîne légère d’immunoglobuline (panneau du milieu). La jonction d’un segment
génique V et d’un segment génique J forme un exon continu qui code pour la totalité de
la région variable de la chaîne légère. Dans l’ADN non réarrangé, les segments géniques
V sont relativement éloignés des segments géniques codant la région constante (C). Les
segments géniques J sont, au contraire, proches de ceux qui codent la région C, et la
jonction d’un segment V à un segment J rapproche donc aussi le gène V de la séquence
de la région C. Le segment génique J de la région variable réarrangée est séparé de la
séquence de la région C par un unique intron. Dans l’expérience de la Fig. 4.1, le frag-
ment d’ADN germinal identifié par la sonde de la région V contient le segment géni-
que V, et celui qui est identifié par la sonde de la région C comporte en fait le segment
génique J et la séquence de la région C. Pour aboutir à l’ARN messager complet d’une
chaîne légère d’immunoglobulines, l’exon de la région variable est relié à la séquence
de la région C par épissage de l’ARN après sa transcription (voir Fig. 4.2).
Une région variable de chaîne lourde est codée par trois segments géniques. En plus
des segments géniques V et J (annotés VH et JH pour les différencier de VL et JL pour
146 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
C
L V J C L V D J
ADN germinal
Recombinaison
somatique C
L V DJ
ADN réarrangé
ADN
jonction D-J
Recombinaison
somatique C
L V J C L V DJ
ADN réarrangé
jonction V-J ou V-DJ
Transcription
C
L V J C L V DJ
ARN
transcrit primaire AAA AAA
ARN
Épissage
L V DJ C
L V J C
ARNm
AAA AAA
Traduction
VL CL CH3
C H2
Chaîne polypeptidique
Protéine
VH C H1
Fig. 4.2 Les gènes des régions V sont construits à partir de V et entre J et C. Les régions V des chaînes lourdes sont construites à
segments géniques. Les gènes des régions variables des chaînes partir de trois segments géniques (panneau de droite). Tout d’abord, les
légères sont construits à partir de deux segments (panneau du milieu). segments géniques de diversité (D) et J sont réunis, puis le segment
Un segment génique variable (V) et un segment de jonction (J) de génique V s’ajoute à la séquence combinée DJ, ce qui forme un exon
l’ADN génomique s’associent pour former un exon complet de région V VH complet. Un gène de région constante de chaîne lourde est codé
de chaîne légère. Les chaînes d’immunoglobulines sont des protéines par plusieurs exons. Les exons de région C ainsi que de la séquence
extracellulaires et le segment génique V est précédé par un exon signal sont associés à la séquence du domaine V au cours de l’épissage
codant le peptide signal (L, leader), qui oriente la protéine vers les voies de l’ARN transcrit du gène de chaîne lourde. La séquence signal est
sécrétrices de la cellule et est ensuite clivé. La région constante de la éliminée après la traduction et les ponts disulfure qui lient les chaînes
chaîne légère est codée par un exon séparé puis rattaché à l’exon de la polypeptidiques sont formés. La région charnière est en violet. La région
région variable par épissage de l’ARN, qui élimine les introns entre L et charnière est colorée en pourpre.
Pour simplifier, nous avons décrit la formation d’une séquence complète de région
variable d’immunoglobulines en considérant jusqu’ici qu’il n’existait qu’une seule
copie de chaque segment génique. En fait, il existe de nombreuses copies de tous
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines 147
les segments géniques dans l’ADN germinal. La sélection au hasard d’un seul seg- Nombre de segments géniques fonctionnels dans
ment génique de chaque type pour construire une région V rend possible la grande les locus des immunoglobulines chez l’homme
diversité des régions V parmi les immunoglobulines. La Fig. 4.3 reprend le nombre
de segments géniques fonctionnels de chaque type dans le génome humain, déter- Chaînes Chaîne
légères lourde
miné par clonage et séquençage. Tous les segments géniques découverts ne sont Segment
pas fonctionnels, une certaine proportion de gènes ont accumulé des mutations κ λ H
qui les empêchent de coder une protéine fonctionnelle. On les appelle « pseudo-
gènes ». Puisque l’ADN germinal contient beaucoup de segments géniques V, D Variable (V) 40 30 40
et J, aucun n’est essentiel. Ceci diminue la pression évolutive exercée sur chaque
segment génique pour qu’il reste intact, ce qui explique le nombre relativement Diversité (D) 0 0 25
important de pseudogènes. Étant donné que certains de ces pseudogènes peu-
vent subir un réarrangement tout comme un segment génique normal fonction-
nel, une proportion significative de réarrangements incorporent un pseudogène et Jonction (J) 5 4 6
sont ainsi non fonctionnels.
Nous avons vu dans la Section 3-1 qu’il existait trois assortiments de chaînes Fig. 4.3 Nombres de segments géniques
fonctionnels pour les régions V des
d’immunoglobuline, les chaînes lourdes et les deux types équivalents de chaînes
chaînes lourdes et légères. On a obtenu ces
légères, les chaînes κ et λ. Les segments géniques des immunoglobulines codant données grâce au clonage et au séquençage
chacune de ces chaînes sont organisés selon trois ensembles ou locus génétiques : exhaustif de l’ADN d’un individu, en excluant
les locus de κ, de λ et des chaînes lourdes. Ils se situent sur différents chromosomes tous les pseudogènes (versions mutées et
non fonctionnelles d’une séquence génique).
et l’organisation de chacun diffère légèrement, comme le montre la Fig. 4.4 pour En raison du polymorphisme génétique, les
l’espèce humaine. Au locus de la chaîne légère λ, localisé sur le chromosome 22, un nombres varient d’une personne à l’autre.
groupe de segments géniques Vλ est suivi par quatre segments géniques Jλ , chacun
lié à un gène Cλ. Dans le locus de la chaîne légère κ, sur le chromosome 2, le groupe
de segments géniques Vκ est suivi par un ensemble de segments géniques Jκ puis
par un unique gène Cκ. L’organisation du locus de la chaîne lourde, sur le chro-
mosome 14, ressemble à celle du locus κ, avec des groupes séparés de segments
géniques VH, DH et JH et des gènes CH. Le locus de la chaîne lourde se distingue par
un point important : à la place d’une région C unique, il comporte une série de
régions C disposées l’une après l’autre et correspondant chacune à un isotype dif-
férent. Les cellules B commencent par exprimer les isotypes de chaîne lourde µ et
δ. L’expression des autres isotypes, par exemple γ, qui donne l’IgG, se produit lors
de la commutation de classe, que nous décrirons dans la Section 4-20.
Fig. 4.4 Organisation germinale des locus des chaînes lourdes d’environ 25 segments DH situés entre les segments géniques VH
et légères d’immunoglobulines dans le génome humain. Le locus et six segments géniques JH. Le locus de la chaîne lourde contient
génétique pour la chaîne légère λ (chromosome 22) comporte environ également un groupe important de gènes CH décrits dans la Fig. 4.17.
30 segments géniques Vλ fonctionnels et quatre paires de segments Pour simplifier, nous n’avons montré sur ce schéma qu’un seul gène CH
de gènes Jλ fonctionnels et de gènes Cλ. Le locus κ (chromosome 2) sans représenter les exons distincts, nous avons omis les pseudogènes
est organisé de la même façon, avec environ 40 segments géniques Vκ et nous avons présenté tous les segments géniques V dans la même
fonctionnels accompagnés par un groupe de cinq segments géniques Jκ orientation. L (Leader ), séquence signal. Ce schéma n’est pas à l’échelle ;
et un unique gène Cκ. Chez à peu près 50 % des individus, le groupe la longueur totale du locus de la chaîne lourde dépasse 2 mégabases
des segments géniques Vκ s’est dupliqué (ce qui, pour simplification, (2 millions de bases), tandis que certains segments géniques D ne font
n’est pas montré ici). Le locus de la chaîne lourde (chromosome 14) que 6 bases de long.
comprend environ 40 segments géniques VH fonctionnels, un groupe
148 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
Les segments géniques V humains peuvent être regroupés en familles dans lesquel-
les chaque membre partage, avec les autres membres de la même famille, au moins
80 % d’identité dans leur séquence d’ADN. Les segments géniques V des chaînes
lourdes et légères κ sont subdivisés ainsi en sept familles alors qu’il en existe huit
pour les segments géniques Vλ. Les familles peuvent être regroupées en clans au
sein desquelles elles sont plus semblables entre elles qu’elles ne le sont avec les
familles des autres clans. Les segments géniques VH humains forment ainsi trois
clans. Tous les segments géniques VH identifiés chez les amphibiens, les reptiles et
les mammifères se groupent à l’intérieur de trois clans semblables, ce qui suggère
que ces clans existaient chez un ancêtre commun à ces groupes d’animaux moder-
nes. Ainsi, les segments géniques V que nous voyons aujourd’hui proviennent d’une
série de duplications et de diversifications géniques au cours de l’évolution.
L1 V1 J Ln Vn J
jonction codante inverti
Rappelez-vous de la Section 3-6 où il était dit que la région liant l’antigène dans une
immunoglobuline est formée de trois régions hypervariables. Les deux premières
régions hypervariables, CDR1 et CDR2, sont codées par le segment génique V lui-
même. La troisième région hypervariable, CDR3, est codée par une séquence addi-
tionnelle d’ADN qui est créée par la jonction des segments géniques V et J pour la
chaîne légère, et les segments géniques V, D et J pour la chaîne lourde. Une diver-
sité supplémentaire du répertoire des anticorps peut résulter de la génération de
régions CDR3 régions qui semblent résulter de la jonction de deux segments géni-
ques D. Bien que rare, un telle jonction D-D semble violer la règle 12 / 23, et l’on
ignore comment ces réarrangements peu fréquents sont générés. Chez l’homme,
la jonction D-D se retrouve dans environ 5 % des anticorps. C’est le mécanisme
principal par lequel des boucles CDR3 particulièrement longues seraient formées
dans certaines chaînes lourdes.
Le mécanisme de réarrangement de l’ADN est semblable pour les locus des chaî-
nes lourdes et légères. Toutefois, une seule opération de jonction est nécessaire pour
construire un gène de chaîne légère tandis qu’il en faut deux pour aboutir à un gène
complet de chaîne lourde. Lorsque les deux segments géniques ont la même orien-
tation dans l’ADN, le réarrangement implique la formation de boucles et la délétion
de l’ADN entre les deux (Fig. 4.6, panneaux de gauche), mais si les segments géniques
ont des orientations transcriptionnelles opposées, l’ADN intermédiaire subit un sort
150 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
différent (Fig. 4.6, panneaux de droite). Dans ce dernier cas, l’ADN intermédiaire est
retenu dans le chromosome dans une orientation inversée. Ce mode de recombinai-
son est moins courant, mais est tout de même responsable d’environ la moitié des
jonctions Vκ à Jκ chez l’homme car l’orientation de la moitié des segments géniques Vκ
est inversée par rapport à celle des segments géniques Jκ.
La Tdt apprête les bouts d’ADN L’ADN ligase IV:XRCC4 ligature les bouts d’ADN
ADN ligase:XRCC4
ADN ligase:XRCC4
152 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
des chaînes lourdes et légères sont capables de s’apparier, et que ce type de diver-
Les SSR sont juxtaposées
sité combinatoire joue un rôle majeur dans la formation d’un répertoire d’immu-
noglobulines avec une vaste gamme de spécificités.
T C C A C A G T G
D
A G G T G T C A C
C A C T G T G T A
J
4-8 L’addition et la soustraction variables de nucléotides aux jonctions
G T G A C A C A T
entre segments géniques contribuent à la diversité de la troisième
région hypervariable.
Le complexe RAG génère des épingles
à cheveux aux bouts codants de l’ADN Parmi les trois boucles hypervariables des chaînes protéiques des immunoglo-
bulines, deux sont codées par l’ADN des segments géniques V. L’ADN codant la
T C T A
troisième (HV3 ou CDR3, voir Fig. 3.6) se situe à la jonction entre les segments
D J géniques V et J, et, dans la chaîne lourde, le segment génique D code partiellement
A G A T
cette région. Dans les chaînes lourdes et légères, la diversité de CDR3 est significa-
tivement augmentée par l’addition et la soustraction de nucléotides lors de deux
Le complexe Artémis:ADN-PK ouvre l’épingle àcheveux étapes dans la formation des jonctions entre les segments géniques. Les nucléoti-
et génère ainsi des nucléotides P palindromiques des ajoutés sont appelés nucléotides P et nucléotides N. La Fig. 4.8 illustre le méca-
nisme de leur addition.
T C G A
D Les nucléotides P sont ainsi nommés car ils composent des séquences palindro-
J miques qui s’ajoutent aux extrémités des segments géniques. Comme décrit dans
A T A T
la Section 4-5, les protéines RAG génèrent les épingles à cheveux aux extrémités
codantes des segments V, D ou J, après quoi Artémis catalyse un clivage d’un sim-
Additions de nucléotides N par la TdT ple brin d’ADN au hasard dans la séquence codante, mais en un point proche du
site d’origine de formation de l’épingle. Lorsque le clivage se produit en un point
différent de celui de la cassure initiale induite par le complexe RAG1 / 2, une queue
T C G A C T C A
D simple brin se forme à partir de quelques nucléotides de la séquence codante plus
J les nucléotides complémentaires de l’autre brin d’ADN (voir Fig. 4.8). Dans la plu-
T A G C G A T A T
part des réarrangements de gènes de chaîne légère, les enzymes de réparation de
l’ADN ajoutent ensuite des nucléotides complémentaires à ces queues monoca-
Appariement des brins ténaires, ce qui laisserait de courtes séquences palindromiques (les nucléotides
P) au joint si les extrémités étaient jointes en absence d’activité exonucléasique
T C G A C T C A éventuelle.
D J
A G C G A T A T
T Chez l’homme, au cours des réarrangements des gènes de chaînes lourdes et de
certains gènes de chaînes légères, les nucléotides N sont ajoutés, avant la jonc-
tion des extrémités, par un mécanisme tout à fait différent. Les nucléotides N
Les nucléotides non appariés sont éliminés
par une exonucléase sont ainsi nommés parce qu’ils ne reproduisent pas un motif déterminé à partir
d’une matrice (Non-templated). Ils sont ajoutés par l’enzyme TdT aux extrémités
T C G A C T C
D J
A G C G A T A T
Résumé.
boucles étant codées par des segments géniques V de lignée germinale. L’étendue
et le profil de variabilité des récepteurs de cellule T et des immunoglobulines reflè-
tent la différence de nature de leurs ligands. Tandis que les sites de liaison à l’an-
tigène des immunoglobulines doivent se conformer aux surfaces d’une diversité
presque infinie d’antigènes différents, et donc possèdent une grande variété de
forme et de propriétés chimiques, le ligand de la classe principale de récepteurs
de cellule T (α:β) est toujours un peptide lié à une molécule du CMH. Dans l’en-
semble, les sites de liaison à l’antigène des récepteurs de cellule T doivent donc
posséder moins de variation dans leur forme ; leur variabilité est concentrée sur le
peptide antigénique à lier, celui-ci occupant le centre de la surface en contact avec
le récepteur. En effet, les boucles CDR1 et CDR2 d’un récepteur de cellule T sont
CDR3𝛂 moins variables et entrent en contact avec le CMH, qui est le composant moins
CDR2𝛃
variable du ligand, tandis que les régions CDR3 très variables entrent en contact
avec le composant peptidique de caractère unique (Fig. 4.13).
Résumé.
Les récepteurs de cellule T ont une structure similaire à celle des immunoglobuli-
nes, et sont codés par des gènes homologues. Les gènes des récepteurs des cellu-
les T sont assemblés par recombinaison somatique à partir de groupes de segments
géniques de la même façon que les segments géniques des immunoglobulines. Dδ × 3 Jδ × 4 Cδ
Cependant, la diversité est distribuée différemment dans les récepteurs des cellu-
les T et dans les immunoglobulines ; les locus des récepteurs des cellules T ont à
peu près le même nombre de segments géniques V, mais ils ont plus de segments
géniques J , et il y a une grande diversification de jonction entre les segments géni-
ques durant le réarrangement génique. De plus, les récepteurs fonctionnels des Vδ
cellules T ne paraissent pas diversifier par hypermutation somatique leurs gènes V
réarrangés. Le produit est un récepteur de cellule T dans le lequel la plus grande
excisé
Fig. 4.15 La délétion du locus TCRδ est Vα / Vδ se joint à un des segments Jα, la région
induite par un réarrangement joignant intermédiaire, comprenant le locus Vδ en entier Jα
Vαn
un segment génique Vα à un Jα. Le locus est éliminé. Ainsi, le réarrangement de Vα
Vα Cα
du TCRδ est contenu entièrement dans la prévient toute expression de gène Vδ et exclut
région chromosomique contenant le locus du le développement de la lignée dans la voie γ:δ.
TCRα. Lorsque tout segment V dans la région
160 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
diversité se situe dans la partie centrale du récepteur, qui dans le cas des récepteurs
de cellule T α;β entre en contact avec le fragment peptidique constituant une par-
tie du ligand. La diversité parmi les récepteurs des cellules T γ:δ est principalement
dans CDR3, mais on ne comprend pas comment cela affecte l’interaction avec le
ligand. En effet, les cellules T γ:δ reconnaissent directement des ligands mal carac-
térisés qui, dans certains cas, sont indépendants des molécules du CMH.
Les cinq classes principales d’immunoglobulines sont les IgM, IgD, IgG, IgE et
IgA, toutes pouvant servir de récepteurs transmembranaires d’antigène ou d’an-
ticorps sécrétés. Chez l’homme, les anticoprs IgG se subdivisent en quatre sous-
classes supplémentaires (IgG1, IgG2, IgG3 et IgG4), tandis que les anticorps IgA se
divisent en deux sous-classes (IgA1 et IgA2). Les sous-types d’IgG chez l’homme
sont numérotés en fonction de leur concentration sérique, les IgG1 étant les plus
abondantes. Les différentes chaînes lourdes qui définissent ces classes sont appe-
lées isotypes et sont désignées par les lettres grecques minuscules, µ, δ, γ, ε et α,
La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines 161
comme dans la Fig. 4.16, qui reprend aussi les principales propriétés physiques et
fonctionnelles des différentes classes d’anticorps humains. Les IgM sériques sont
des pentamères, ce qui explique leur poids moléculaire élevé. Les IgA sécrétées
peuvent être monomériques ou dimériques. Les différences de séquence entre
les chaînes lourdes d’immunoglobulines sont à l’origine des propriétés distinc-
tes des différentes classes. Elles portent sur le nombre et la localisation des ponts
disulfure, le nombre de sites de glycosylation, le nombre de domaines C et la lon-
gueur de la région charnière (Fig. 4.17). Les chaînes lourdes des IgM et des IgE
contiennent un domaine C supplémentaire qui remplace la région charnière pré-
sente dans les chaînes δ, γ et α. L’absence de région charnière n’implique pas que
les molécules d’IgM et d’IgE manquent de flexibilité : Les images de microsco-
pie électronique des molécules d’IgM liés à leur ligands montrent que les frag-
ments Fab peuvent se courber par rapport au fragment Fc. Cependant, une telle
différence de structure peut avoir des conséquences fonctionnelles encore incon-
nues. Différents isotypes et sous-types diffèrent aussi dans leur capacité d’exer-
cer certaines fonctions effectrices, comme nous allons le verrons plus tard. Les
propriétés distinctes des différentes régions C dépendent des différents gènes CH
présents dans un groupe situé en 3´ des segments JH. Nous décrivons le proces-
sus de réarrangement par lequel la région V s’associe à un gène CH différent dans
la Section 4-20.
Les anticorps protègent l’organisme de diverses façons. Dans certains cas, il suf-
fit que l’anticorps se fixe à l’antigène. Par exemple, en se liant fortement à une
toxine ou un virus, un anticorps peut l’empêcher de reconnaître son récepteur sur
la cellule hôte (voir Fig. 1.24). Les régions V en elles-mêmes sont suffisantes pour
cela. La région C est cependant essentielle pour recruter l’aide d’autres cellules et
Activation de la voie — — — — —
classique du complément
Activation de la voie
— — — — — — — —
alternative du complément
—
Transfert placentaire — — — — —
Cδ Cγ Cα
Cμ Cε
Homme
Fig. 4.17 Les isotypes d’immunoglobuline molécules, pour détruire et se débarrasser des pathogènes auxquels les anticorps
sont codés par un groupe de gènes de
se sont liés.
région C des chaînes lourdes. Le panneau
supérieur montre la structure générale des Les régions C des anticorps exercent trois principales fonctions effectrices.
isotypes d’immunoglobuline, chaque domaine
étant représenté par un rectangle. Chez la Premièrement, les fragments Fc des différents isotypes sont reconnus par des
souris et chez l’homme (panneau inférieur), récepteurs de Fc spécialisés exprimés par des cellules effectrices de l’immunité.
les domaines sont codés par un groupe de Les récepteurs de Fcγ présents à la surface des cellules phagocytaires comme les
gènes distincts dans la région C de chaîne macrophages et les neutrophiles lient la portion Fc des anticorps IgG1 et des IgG3,
lourde. La région constante de la chaîne
lourde de chaque isotype est indiquée par la ce qui facilite la phagocytose des pathogènes couverts de ces anticorps. La portion
même couleur que celle du segment génique Fc des IgE se lie au récepteur de haute affinité de Fcε des mastocytes, des baso-
correspondant dans la région C. Les IgM et philes, et des éosinophiles activés, ce qui rend ces cellules aptes à répondre à la
les IgE n’ont pas de région charnière, mais
fixation de l’antigène spécifique par la libération de médiateurs inflammatoires.
contiennent un domaine supplémentaire de
chaîne lourde. Notez les différences dans le Deuxièmement, les portions Fc des complexes antigène:anticorps peuvent fixer le
nombre et la localisation des ponts disulfure complément (voir Fig. 1.24) et déclencher la cascade du complément qui contri-
(lignes noires) liant les chaînes. Les isotypes bue au recrutement et à l’activation de phagocytes, qui favorise l’ingestion des
diffèrent aussi dans la distribution des sites
de N-glycosylation, montrés sous forme
microbes par les phagocytes et qui parfois les détruit directement. Troisièmement,
d’hexagones. Chez l’homme, l’ensemble la portion Fc permet le passage des anticorps dans des compartiments qu’ils ne
montre à l’évidence une évolution par pourraient atteindre sans transport actif. C’est le cas des sécrétions des muqueu-
duplication d’une unité constituée de deux ses, des larmes et du lait (IgA) ainsi que de la circulation sanguine fœtale après
gènes γ, d’un gène ε et d’un gène α. Un
des gènes ε est un pseudogène (ψ), d’où transfert à partir du sang maternel (IgG). Dans les deux cas, la portion Fc utilise un
l’expression d’un seul sous-type d’IgE ; par récepteur spécifique qui transporte activement des immunoglobulines à travers
simplicité, les autres pseudogènes ne sont des cellules pour atteindre différents compartiments de l’organisme.
pas mentionnés, et les détails des exons à
l’intérieur des gènes C ne sont pas montrés. Le rôle de la portion Fc dans ces fonctions effectrices a été démontré par étude
Les classes d’immunoglobulines de la souris des immunoglobulines qui ont eu l’un ou l’autre des domaines Fc clivé par des
sont appelés IgM, IgD, IgG1, IgG2a, IgG2b,
IgG3, IgA, et IgE.
enzymes (voir la Section 3.3) ou, plus récemment, par génie génétique, qui permet
d’établir la cartographie exacte des résidus d’acides aminés dans le Fc et de déter-
miner quels sont ceux qui sont nécessaires à des fonctions particulières. De nom-
breux micro-organismes semblent avoir répondu au pouvoir destructeur de la
portion Fc en produisant des protéines qui s’y lient ou la dégradent pour se proté-
ger de ses fonctions effectrices. Les protéines A et G de Staphylococcus ainsi que la
protéine D de Haemophilus en sont des exemples. Les chercheurs ont exploité ces
protéines pour cartographier le fragment Fc ou comme réactifs immunologiques
(voir Appendice I, Section A-10). Toutes les classes d’immunoglobulines n’ont pas
la même capacité d’exercer chacune des fonctions effectrices. Ces diverses pro-
priétés fonctionnelles de chaque isotype de chaîne lourde sont résumées dans la
La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines 163
Fig. 4.16. Par exemple, les IgG1 et les IgG3 ont une plus grande affinité que l’IgG2
pour le récepteur de Fc le plus commun.
ARN ARN
AAA AAA
ARNm AAA ARNm AAA
Bien que toutes les immunoglobulines soient construites à partir d’une unité
de base de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères, les IgM et les IgA
peuvent former des polymères de ces unités de base (Fig. 4.20). Les régions C
des IgM et des IgA possèdent une queue de 18 acides aminés qui contient un
résidu cystéine essentiel pour la polymérisation. Une chaîne polypeptidique
additionnelle de 15kDa appelée chaîne J favorise la polymérisation en liant les
cystéines de la queue, qui ne se trouve que dans les formes sécrétées des chaî-
nes µ et α. ( Il ne faut pas confondre cette chaîne J avec la région J des immu-
noglobulines codée par un segment génique J ; voir la Section 4.2) Dans le cas
des IgA, la polymérisation est requise pour le transport au travers des épithé-
liums, comme nous le décrivons au Chapitre 9. Les molécules d’IgM du plasma
sont des pentamères, occasionnellement des hexamères (sans chaîne J). Pour
l’IgA, les dimères prédominent dans les sécrétions muqueuses et les monomè-
res dans le plasma.
On pense que la polymérisation des molécules d’immunoglobulines est importante
pour la liaison de l’anticorps aux épitopes répétitifs. Une molécule d’anticorps a au
moins deux sites de liaison identiques et chacun a une affinité donnée, ou une force
de liaison, pour un antigène (voir Appendice I, Section A-9). Si l’anticorps se lie à
des épitopes identiques multiples sur un antigène cible, il ne se détachera que lors-
que toutes les liaisons seront rompues. La vitesse de dissociation de tout l’anticorps
sera donc beaucoup plus lente que celle d’un seul site de liaison ; des sites multi-
ples de liaison donnent ainsi à l’anticorps une force de liaison totale plus grande,
appelée avidité. Cette considération est particulièrement pertinente pour les IgM
pentamériques, qui possèdent dix sites de liaison. Les anticorps IgM reconnaissent
souvent des épitopes répétitifs comme ceux des polysaccharides des parois bacté-
riennes, mais les sites individuels de liaison ont souvent une faible affinité car les
La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines 165
IgM secrétée
L VDJ C μ1 C μ2 C μ3 C μ4 SC pA s MC pA m
ADN réarrangé
Transcription
Transcrit
primaire d’ARN
AAA
Clivage au premier site
(pAS) de polyadénylation
et épissage
ARNm AAA
Traduction,
apprêtement
de la protéine
Protéine
Bout C-terminal
de l’IgM sécrétée
166 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
IgA dimérique
chaîne J
Résumé.
Les classes des immunoglobulines sont définies par les régions C de leurs chaînes
lourdes, chaque isotype de chaîne lourde étant codé par des gènes différents de la
région C. Les régions C des chaînes lourdes forment un ensemble situé en 3´ des
segments géniques V et J. Un exon de région V réarrangée de manière productive
est d’abord exprimé en association avec les régions CH µ et δ, qui sont coexprimées
dans les cellules B naïves par épissage alternatif d’un transcrit d’ARNm qui contient
les exons CH µ et δ. De plus, les cellules peuvent exprimer toute classe d’immuno-
globuline comme récepteur d’antigène membranaire ou anticorps sécrété. Ceci est
réalisé par un épissage différentiel de l’ARNm afin d’inclure des exons qui codent
soit une séquence d’ancrage membranaire hydrophobe ou une queue permettant
Diversification secondaire du répertoire des anticorps 167
Conversion
génique
V V
C C
Commutation
de classe
Fig. 4.21 Le répertoire primaire des
C anticorps est diversifié par trois
Hypermutation processus qui modifient le gène réarrangé
somatique C d’immunoglobuline. Le répertoire primaire
des anticorps est composé au départ d’IgM
C contenant des régions variables produites
par recombinaison V(D)J. Cette vaste gamme
de réactivité peut encore être modifiée
par hypermutation somatique, conversion
génique et recombinaison de commutation
de classe dans les locus d’immunoglobuline.
L’hypermutation somatique résulte de
Hypermutation somatique Conversion génique Commutation de classe mutations (montrées par des lignes bleues)
introduites dans les régions V des chaînes
lourdes et légères (en rouge), modifiant
l’affinité de l’anticorps pour son antigène. Dans
la conversion génique, la région V réarrangée
est modifiée par l’introduction de séquences
dérivées de pseudogènes de segments
géniques V, créant des spécificités d’anticorps
additionnelles. Dans la recombinaison de
commutation de classe, les régions C de
la chaîne lourde μ initiale (en bleu) sont
remplacées par des régions de chaîne lourde
d’un autre isotype (en jaune), modifiant
l’activité effectrice de l’anticorps mais pas la
spécificité antigénique.
168 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
État de transition de AID L’enzyme AID a été identifiée à partir de son gène qui est exprimé spécifiquement
lors de l’activation des lymphocytes B. Son importance pour la diversification des
anticorps a été révélée par l’étude de souris rendues déficientes en cette enzyme ;
AID NH2 chez ces animaux, on ne trouvait ni hypermutation somatique ni commutation de
Zn O classe. On a retrouvé ces anomalies chez des patients porteurs de mutations de
OH HN AID. La séquence de AID est apparentée à celle d’une protéine appelée APOBEC1
(APOlipoprotein B mRNA Editing Catalytic polypeptide 1), qui convertit la cyto-
O N sine dans l’ARNm de l’apolipoprotéine B en uracile par désamination. Aussi, on
a pensé que AID agissait comme une cytidine désaminase de l’ARNm. Bien que
cela soit encore possible, les données actuelles suggèrent que AID peut aussi agir
comme cytidine désaminase de l’ADN, en transformant directement par désami-
Régénération de AID et de l’uridine nation les résidus cytidine en uridine dans les gènes d’immunoglobuline. AID peut
lier et désaminer l’ADN monocaténaire, mais pas d’ADN bicaténaire. Ainsi, la dou-
ble hélice d’ADN doit être déroulée localement et temporairement pour que AID
puisse agir, ce qui semble se produire à la suite de la transcription de séquences
AID O
Zn OH voisines. Par analogie avec d’autres cytidine désaminases, on pense que AID lance
OH HN une attaque nucléophile sur le cycle pyrimidine de la cytidine exposée (Fig. 4.22).
Uridine Des enzymes ubiquitaires de réparation de l’ADN coopèrent avec AID pour
O N
modifier davantage la séquence de l’ADN monocaténaire (Fig. 4.23). Les résidus
d’uracile produits par AID peuvent servir de substrat à l’UNG (Uracil-DNA glyco-
sylase), une enzyme de réparation par excision de base qui enlève la base pyrimi-
dique pour former un site abasique dans l’ADN. L’APE1 (Apurinic / aPyrimidinic
Endonucléase 1) peut exciser le reste du résidu et cliver ainsi un seul brin d’ADN
G G à hauteur du site de la cytosine d’origine. L’UNG et l’APE1 agissent dans toutes les
U cellules pour réparer efficacement les fréquentes conversions cytosine en uracile
et les sites abasiques qui sont les conséquences de dommages spontanés subis par
l’ADN. L’enzyme AID n’est active que dans les cellules B activées, et en endomma-
Fig. 4.22 La cytidine désaminase induite par geant davantage l’ADN des gènes d’immunoglobulines, elle augmente considéra-
activation (AID) déclenche les mutations blement les possibilités de réparation incorrecte et donc de mutations.
en cas d’hypermutation somatique, de
conversion génique et de commutation de Les trois modifications peuvent mener à des types de mutations bien distincts dans
classe. L’activité de AID, qui n’est exprimée
le gène d’immunoglobuline, l’ampleur de la modification initiale de l’ADN ne corres-
que dans les cellules B, doit accéder à la
chaîne latérale de la cytidine de la molécule pondant que grossièrement à la nature de la mutation finale (Fig. 4.24). Ces mutations
d’ADN monocaténaire (premier panneau), ce sont décrites plus en détail dans les trois sections suivantes. Si l’ADN n’est soumis
qui est empêché normalement par les ponts qu’à l’activité de AID, il en résulte le processus d’hypermutation somatique. La for-
hydrogène dans l’ADN double brin. AID lance
une attaque nucléophile sur l’anneau de la
mation de sites abasiques par l’UNG peut aussi aboutir à l’hypermutation somatique
cytosine (deuxième panneau), qui aboutit à par substitution de nucléotides lors de la réplication. On pense que les coupures d’un
la désamination de la cytidine pour former simple brin par APE1 constituent un signal requis pour lancer le processus de répli-
l’uridine (troisième panneau). cation sur matrice d’ADN à partir de séquences homologues comme cela se produit
dans la conversion génique. Enfin, on pense qu’un grand nombre de coupures mono-
caténaires dans des régions spécifiques flanquant les gènes de la région C génère les
coupures bicaténaires échelonnées nécessaires à la commutation de classe.
Diversification secondaire du répertoire des anticorps 169
AID
Coupure monocaténaire dans l’ADN
APE1
Réplication matricielle Conversion génique
Coupures monocaténaires
Cassures bicaténaires Recombinaison de
échelonnées commutation de classe
170 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
Chez les oiseaux, les lapins, les vaches, les porcs, les moutons et les chevaux, la
diversité germinale des segments géniques V, D et J qui sont réarrangés pour for-
mer les gènes des récepteurs B initiaux est faible ou nulle. Les séquences réarran-
gées des régions V sont identiques ou très semblables dans la plupart des cellules B
immatures. Ces cellules B migrent alors dans des tissus spécialisés, le mieux connu
étant la bourse de Fabricius chez le poulet. Là, les cellules B prolifèrent rapide-
ment et les gènes réarrangés d’immunoglobulines se diversifient davantage. Chez
les oiseaux et les lapins, cette diversification serait assurée par conversion géni-
que, au cours de laquelle de courtes séquences du gène de région V réarrangé et
exprimé sont remplacées par des séquences provenant d’un pseudogène V situé en
amont (Fig. 4.26). Il semble que le mécanisme de la conversion génique soit appa-
renté à celui de l’hypermutation somatique. En effet, on a constaté que la conver-
sion génique dans une lignée de cellules B aviaires nécessitait l’enzyme AID. On
pense que le clivage monocaténaire par APE1 qui suit la désamination de cytosine
serait le signal qui lance un processus de réparation sur base d’homologie au cours
duquel un segment génique V homologue est utilisé comme matrice pour la répli-
cation de l’ADN qui répare le gène de région V.
Chez les moutons et les vaches, la diversification des immunoglobulines résulte de
l’hypermutation somatique qui se produit dans un organe lymphoïde appelé pla-
ques de Peyer de l’iléon. L’hypermutation somatique, indépendante des cellules T
et de l’interaction avec un antigène particulier, contribue également à la diversifi-
cation des immunoglobulines chez les oiseaux, les moutons et les lapins.
Les exons de la région VH exprimés par une cellule B donnée sont déterminés dès le
début de sa différenciation dans la moelle osseuse, et bien qu’ils puissent être modi-
fiés par hypermutation somatique, aucune recombinaison V(D)J supplémentaire
172 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
VDJ μ Cμ
VJ λ Cλ
De multiples cycles de conversion génique peuvent modifier Répertoire diversifié des spécificités
l’affinité des anticorps pour l’antigène antigéniques de la cellule B
VDJ μ Cμ
VJ λ Cλ
spécialisé de recombinaison d’ADN non homologue guidée par des séquences répé-
tées d’ADN appelées régions de commutation (switch regions), ou région S. Elles se
situent dans l’intron entre les segments géniques JH et le gène Cµ ainsi que dans des
sites équivalents en amont de chaque gène de chacun des autres isotypes de chaîne
lourde, à l’exception du gène δ, dont l’expression ne dépend pas d’un réarrange-
ment de l’ADN (Fig. 4.27, premier panneau). Lorsqu’une cellule B passe de la coex-
pression d’IgM et d’IgD à l’expression d’une autre classe, une recombinaison d’ADN
survient entre Sµ et la région S située immédiatement en amont du gène codant cet
isotype. Lors d’un tel événement de recombinaison, les régions codant Cδ et tout
Cγ3
Sγ3
Cδ
Cμ Machinerie
de réparation
Sε
Sμ Sε
VDJ Cε Cα
Sα
VDJ Cε Cα
Sμ/Sε Sα
174 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène
Résumé.
Les gènes d’immunoglobulines après avoir été réarrangés par recombinaison V(D)
J peuvent encore être diversifiés par hypermutation somatique, conversion géni-
que et commutation de classe, qui toutes sont basées sur la réparation de l’ADN
et les processus de recombinaison déclenchés par l’enzyme AID (Activation-
Induced cytidine Deaminase). Contrairement à la recombinaison V(D)J, cette
diversification secondaire ne se produit que dans les cellules B et, pour l’hyper-
mutation somatique et la commutation de classe, seulement après activation des
lymphocytes B par leur antigène. L’hypermutation somatique diversifie la région
V par introduction de mutations ponctuelles. Lorsque cela se traduit par une plus
grande affinité pour l’antigène, les cellules B activées produisant l’immunoglobu-
line mutée peuvent survivre ; la conséquence est que l’affinité des anticorps pour
l’antigène augmente avec la progression de la réponse immunitaire. La commuta-
tion de classe ne touche pas la région V, mais augmente la diversité fonctionnelle
des immunoglobulines en remplaçant, dans le gène d’immunoglobuline, la région
Cµ, exprimée en premier lieu, par une autre région C de chaîne lourde afin que des
anticorps IgG, IgA ou IgE puissent être produits. La commutation de classe four-
nit des anticorps dotés de la même spécificité antigénique, mais avec des capaci-
tés effectrices distinctes. La conversion génique est le principal mécanisme utilisé
pour fournir un large répertoire d’immunoglobulines aux animaux dont les gènes
de lignée germinale n’assurent qu’une diversité limitée à partir de la recombinai-
son V(D)J. Le processus consiste en un remplacement de segments de la région V
réarrangée par des séquences dérivées de pseudogènes.
Résumé du Chapitre 4.
Questions.
4.1 (a) Quels sont les deux types de réarrangements somatiques de l’ADN qui
se produisent dans le locus du gène des immunoglobulines ? (b) Comparer les
mécanismes qui produisent ces types de réarrangement. (c) Lequel de ces types
de réarrangements se produit également dans les locus qui codent les récepteurs
de lymphocyte T ? (d) Quelles seraient les conséquences d’une activité de AID
survenant dans les cellules T ?
4.2 (a) Quelles sont les gènes critiques propres aux lymphocytes impliqués dans la
recombinaison V(D)J ? (b) Quelles sont leurs principales activités enzymatiques ? (c)
Lesquelles de ces activités sont utilisées de préférence pour la formation de gènes
réarrangés de chaîne lourde par rapport aux gènes de chaîne légère ? (d) Laquelle de
ces activités est utilisée uniquement dans l’apprêtement des joints codants ? Des
joints signal ? (e) Comment cela explique-t-il que les joints signal soient précis, alors
que les joints codants sont imprécis ?
Références 177
4.4 (a) Décrivez les quatre processus principaux qui génèrent la diversité du
répertoire des lymphocytes. (b) Lequel de ces processus n’est pas partagé par
les deux cellules B et T ? (c) Comment cette différence est-elle liée à la nature des
réarrangements d’ADN qui se produisent dans les cellules B et les lymphocytes T ?
(d) Quels sont les autres processus qui se produisent dans les cellules B mais qui ne
surviennent pas dans les cellules T ? Pourquoi ?
4.5 (a) Quelles sont les fonctions physiologiques de la commutation de classe des
gènes d’anticorps ? (b) Comment la commutation de classe est-elle régulée par
l’environnement ou par des interactions avec des agents pathogènes ?
Blunt, T., Finnie, N.J., Taccioli, G.E., Smith, G.C.M., Demengeot, J., Gottlieb, T.M., 4-10 Les récepteurs des cellules T concentrent leur diversité
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4-12 Les différentes classes d’immunoglobulines se distinguent
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4-8 L’addition et la soustraction variables de nucléotides 4-13 Les régions constantes confèrent une spécialisation
aux jonctions entre segments géniques contribuent fonctionnelle aux anticorps.
à la diversité de la troisième région hypervariable.
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4-14 Les cellules B matures et naïves expriment l’IgM et l’IgD
4-9 Les segments géniques des récepteurs de cellule T sont à leur surface.
disposés de la même manière que les segments géniques
des immunoglobulines et sont réarrangés par les mêmes Abney E.R., Cooper, M.D., Kearney, J.F., Lawton, A.R., and Parkhouse, R.M.:
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Références 179
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181
Fig. 5.1 Il y a deux compartiments Les pathogènes et leurs produits dans les compartiments vésiculaires des cellules
intracellulaires majeurs séparés par des sont détectés par différentes classes de cellules T, reconnaissables par leurs molécu-
membranes. Le premier est le cytosol, qui les coréceptrices CD4 (voir la Section 3-17). Les cellules CD4 ont plusieurs activités
communique avec le noyau par des pores
distinctes, qui sont exercées par des sous-populations CD4 effectrices différentes. Les
dans la membrane nucléaire. Le second
est le système vésiculaire, qui comprend cellules TH1 et les cellules TH2 furent les premières sous-populations à être reconnues.
le réticulum endoplasmique, l’appareil de Les TH1 activent l’activité lytique des macrophages envers les pathogènes intravési-
Golgi, les endosomes, les lysosomes, et culaires qu’ils abritent et fournissent l’aide aux cellules B pour la production d’anti-
d’autres vésicules intracellulaires. Le système
vésiculaire peut être considéré comme étant
corps. Les cellules TH2 interviennent en réponse aux parasites et servent d’auxiliaires
en continuité avec le liquide extracellulaire. pour la production d’anticorps. Une sous-population de cellule T CD4 a été identifiée
Des vésicules de sécrétion bourgeonnent du récemment et est appelée TH17 du fait qu’elle produit une cytokine pro-inflamma-
réticulum endoplasmique, fusionnent avec toire, l’interleukine 17. Dans certaines situations, les cellules T CD4 exercent une acti-
les membranes du Golgi pour transférer
finalement le contenu vésiculaire en dehors vité cytotoxique similaire à celle des cellules T CD8. Par exemple, des cellules T CD4
des cellules, tandis que des substances humaines spécifiques d’un virus peuvent tuer des lymphocytes B infectés par le virus
extracellulaires sont captées par endocytose d’Epstein–Barr (EBV). D’autres sous-populations comprennent au moins deux types
dans les endosomes, qui les transfèrent dans de cellules T CD4 régulatrices : l’une est dérivée durant le développement dans le thy-
les lysosomes où elles seront finalement
dégradées. mus, et les autres sont générées en périphérie durant une réponse immune.
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 183
Dégradé dans Cytosol Cytosol (par rétrotranslocation) Vésicules d’endocytose (pH acide) Vésicules d’endocytose (pH acide)
Peptides liés à CMH de classe I CMH de classe I CMH de classe II CMH de classe II
Effet sur la cellule La cellule présentatrice, Activation pour tuer les Activation de cellules B qui
Mort cellulaire habituellement une cellule bactéries et les parasites sécrètent des Ig pour éliminer
présentatrice
dendritique, active la cellule T CD8 intravésiculaires bactéries et toxines extracellulaires
Les antigènes microbiens peuvent entrer dans les compartiments vésiculaires de Fig. 5.2 Les pathogènes et leurs produits
peuvent être trouvés soit dans le cytosol
deux façons. Certaines bactéries, dont les mycobactéries qui causent la tuberculose
soit dans le compartiment vésiculaire des
et la lèpre, envahissent les macrophages et prolifèrent dans les vésicules intracel- cellules. Premier panneau: tous les virus
lulaires. D’autres bactéries prolifèrent en dehors des cellules, où elles endomma- et certaines bactéries se multiplient dans
gent des tissus en sécrétant des toxines ou d’autres protéines. Ces bactéries et leurs le compartiment cytosolique. Les antigènes
sont présentés par les molécules du CMH
produits toxiques peuvent être ingérés par phagocytose, endocytose ou macropi- de classe I aux cellules T CD8. Deuxième
nocytose dans les vésicules intracellulaires des cellules qui présentent ensuite les panneau : des antigènes exogènes d’une
antigènes aux cellules T. Elles comprennent les cellules dendritiques spécialisées cellule mourante infectée par un virus et qui
dans l’activation des réponses cellulaires T (voir la Section 1-7), les macrophages est phagocytée par une cellule dendritique
peuvent être transférés dans le cytosol, où
spécialisés dans la capture des particules (voir la Section 2-4), et les cellules B qui ils peuvent être dégradés et chargés sur
endocytent efficacement les antigènes spécifiques liés à leurs immunoglobulines des molécules du CMH de classe I. Une
de surface (Fig. 5.2, quatrième panneau). telle présentation croisée est importante en
permettant aux cellules dendritiques d’activer
Les molécules du CMH de classe I transfèrent des peptides venant du cytosol à la des cellules T CD8 naïves spécifiques de virus
surface cellulaire, où ils sont reconnus par les cellules T CD8. Les molécules du CMH qui n’infectent pas les cellules dendritiques
elles-mêmes. Troisième panneau : d’autres
de classe II transfèrent des peptides originaires des systèmes vésiculaires à la surface bactéries et certains parasites sont captés
cellulaire, où ils sont reconnus par les cellules T CD4. Comme nous avons vu dans la dans des endosomes habituellement par
Section 3-17, la spécificité de cette réaction est due au fait que CD8 et CD4 lient res- des cellules phagocytaires comme les
pectivement les molécules du CMH de classe I et de classe II. Les différentes activités macrophages. Ils y sont tués et dégradés, mais
dans certains cas, ils sont capables de survivre
des cellules CD8 et CD4 peuvent être considérées comme étant adaptées à la résis- et de proliférer dans les vésicules. Leurs
tance contre des pathogènes présents dans des compartiments cellulaires différents antigènes sont présentés par les molécules
mais, comme nous allons le voir, des connexions existent entre ces deux voies. du CMH de classe II aux cellules T CD4.
Quatrième panneau : les protéines dérivées
des pathogènes extracellulaires peuvent
entrer dans le système vésiculaire des cellules
5-2 Les peptides liés par les molécules du CMH de classe I sont par liaison à des molécules de surface et
transportés activement du cytosol vers le réticulum endoplasmique. endocytose. C’est illustré pour des protéines
liées aux immunoglobulines de surface des
cellules B (pour simplification, le réticulum
Les chaînes polypeptidiques des protéines destinées à la surface cellulaire, entre
endoplasmique et l’appareil de Golgi ont été
autres les chaînes des molécules du CMH, sont transférées durant leur synthèse omis). Les cellules B présentent ces antigènes
dans la lumière du réticulum endoplasmique, où les deux chaînes de chaque molé- aux cellules T CD4 auxiliaires, qui peuvent
cule du CMH se replient correctement et s’associent. Ce qui signifie que le site de alors stimuler la production des anticorps
par les cellules B. D’autres types de cellules
liaison au peptide de la molécule du CMH de classe I est formé dans la lumière du porteuses de récepteurs pour les régions
réticulum endoplasmique et n’est jamais exposé au cytosol. Or, les fragments anti- Fc des molécules d’anticorps peuvent aussi
géniques qui se lient aux molécules du CMH de classe I dérivent de protéines vira- ingérer des antigènes de cette façon et sont
les produites dans le cytosol. La question se pose donc : comment des peptides capables d’activer les cellules T.
dérivés de protéines cytosoliques peuvent-elles se lier aux molécules du CMH de
classe I afin d’être exposés à la surface cellulaire ?
184 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
La réponse est que les peptides sont transportés à partir du cytosol par des protéines
Déficience en CMH de classe I de la membrane du réticulum endoplasmique. Les premiers indices sont venus de
cellules mutantes avec un déficit de présentation de l’antigène par les molécules du
CMH de classe I. Bien que les deux chaînes des molécules du CMH de classe I soient
synthétisées normalement dans ces cellules, les protéines du CMH de classe I sont
présentes à des taux anormalement bas à leur surface. Ce déficit peut être corrigé par
l’addition de peptides synthétiques au milieu de culture des cellules, suggérant à la
fois que la mutation affecte la fourniture de peptides aux molécules de classe I du
CMH et que ce peptide est requis pour leur maintien à la surface cellulaire. C’était la
première observation que les peptides du CMH sont instables si elles n’ont pas lié de
peptide. L’analyse de l’ADN des cellules mutantes a montré que deux gènes codant
des membres de la famille des protéines ABC (ATP-Binding Cassette) étaient absents
ou mutants dans ces cellules. Les protéines ABC permettent le transport dépendant
Représentation schématique de TAP de l’ATP des ions, des sucres, des acides aminés, et des peptides à travers la mem-
brane dans beaucoup de types cellulaires, y compris les bactéries. Les deux protéines
Lumière du RE
ABC manquantes dans les cellules mutantes sont normalement associées à la mem-
brane du réticulum endoplasmique. La transfection des cellules mutantes avec ces
TAP1 TAP2 deux gènes restaure la présentation des peptides par les molécules du CMH de
domaine
transmembranaire classe I. Ces protéines sont appelées transporteurs-1 et -2 associés à l’apprêtement
Membrane du RE hydrophobe
de l’antigène (TAP1 et TAP2, Transporters associated with Antigen-Processing). Les
deux protéines TAP forment un hétérodimère (Fig. 5.3) et des mutations dans l’un des
domaine
liant l’ATP deux gènes TAP peuvent empêcher la présentation de l’antigène par les molécules du
Cytosol
CMH de classe I. Une infection virale de la cellule augmente le transfert de peptides
cytosoliques dans le réticulum endoplasmique. Les gènes TAP1 et TAP2 sont locali-
sés à l’intérieur même du CMH (voir la Section 5-11), et sont inductibles par les inter-
férons, qui sont produits eux-mêmes en réponse à l’infection virale.
Dans des expériences in vitro utilisant des fractions cellulaires normales, les vésicu-
les microsomiales qui ressemblent au réticulum endoplasmique captent des pep-
tides, qui se fixent ensuite aux molécules du CMH de classe I déjà présentes dans
la lumière du microsome. Les vésicules des cellules déficientes en TAP1 ou TAP2
a b ne transportent pas de peptides. Le transport peptidique dans les microsomes nor-
maux nécessite l’hydrolyse de l’ATP, prouvant que le complexe TAP1:TAP2 est un
transporteur de peptide dépendant de l’ATP. De telles expériences ont aussi montré
Fig. 5.3 TAP1 et TAP2 forment un
que le complexe TAP a une certaine spécificité pour les peptides qu’il peut trans-
transporteur de peptide dans la membrane
du réticulum endoplasmique. Tous les porter. Il préfère les peptides de 8 à 16 acides aminés avec des résidus hydrophobes
transporteurs de la famille ABC (ATP-Binding ou basiques dans sa partie carboxyterminale, caractéristiques exactes des peptides
Cassette) sont composés de quatre domaines qui se lient aux molécules du CMH de classe I (voir la Section 3-14), et a un biais
(panneau supérieur) : deux domaines
hydrophobes transmembranaires pourvus de
contre la proline dans les trois premiers résidus aminoterminaux. La découverte
multiples régions transmembranaires, et deux de TAP a expliqué comment les peptides viraux accèdent à la lumière du réticulum
domaines de liaison à l’ATP. TAP1 et TAP2 endoplasmique et se lient aux molécules du CMH de classe I, mais elle laisse en
codent chacun un domaine hydrophobe et suspens la question concernant le mécanisme de production de ces peptides.
un domaine de liaison qui s’assemblent en
un hétérodimère pour former un transporteur
à quatre domaines. Par similitude entre 5-3 Les peptides transportés dans le réticulum endoplasmique
les molécules TAP et les autres membres
de la famille des transporteurs ABC, on sont produits dans le cytosol.
pense que les domaines de liaison à l’ATP
se situent dans le cytosol tandis que les Les protéines sont continuellement dégradées dans les cellules et remplacées par
domaines hydrophobes se projettent à travers
la membrane dans la lumière du réticulum des protéines nouvellement synthétisées. La dégradation protéique est effectuée
endoplasmique (RE) pour former un canal par un complexe protéasique multicatalytique appelé le protéasome. Le protéa-
par lequel les peptides peuvent passer. Le some est un grand complexe cylindrique formé de 28 sous-unités disposées en
panneau inférieur montre une reconstruction quatre anneaux empilés de sept sous-unités chacun, dont l’intérieur est creux et
de la structure de l’hétérodimère TAP1:TAP2 à
partir de clichés de microscopie électronique. bordé par les sites actifs des sous-unités protéolytiques du protéasome. Les protéi-
L’image a montre la surface du transporteur nes à dégrader sont introduites à l’intérieur du protéasome et découpées en petits
TAP telle qu’on la verrait à partir de la lumière peptides, qui sont ensuite libérés.
du RE, tandis que l’image b montre la
molécule dans le plan de la membrane. Les Plusieurs types d’observations impliquent le protéasome dans la production
domaines liant l’ATP forment deux lobes sous des ligands peptidiques des molécules du CMH de classe I. Par exemple, le pro-
les domaines transmembranaires et ne sont
pas visibles sur ces images. G. Velarde a fourni téasome prend part à la voie de dégradation des protéines cytoplasmiques qui
les structures de TAP. dépend de l’ubiquitine, et le marquage expérimental des protéines par l’ubiquitine
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 185
permet une meilleure présentation de leurs peptides par des molécules du CMH
de classe I. De plus, les inhibiteurs de l’activité protéolytique du protéasome inhi-
bent la présentation par les molécules du CMH de classe I. Cependant, on ignore
si le protéasome représente le seul complexe protéasique capable de générer les
peptides qui sont transférés dans le réticulum endoplasmique.
Deux sous-unités du protéasome, appelées LMP2 (ou b1i) et LMP7 (ou b5i), sont
codées dans le CMH près des gènes TAP1 et TAP2. Comme les molécules de classe I
et les TAP, leur expression est induite par les interférons produits en réponse à une
infection virale. LMP2 et LMP7 se substituent à deux sous-unités du protéasome
exprimées de manière constitutive. Une troisième sous-unité, MECL-1 (appelée aussi
b2i), qui n’est pas codée dans le CMH, est également induite par les interférons et
déplace également une sous-unité constitutive du protéasome. Le protéasome peut
dès lors exister sous deux formes — le protéasome constitutif, présent dans toutes les
cellules, et l’immunoprotéasome, présent dans les cellules stimulées par les inter-
férons. Ces trois sous-unités inductibles et les trois constitutives qu’elles remplacent
sont supposées être les protéases actives. Le remplacement des composants consti-
tutifs par les inductibles semble changer la spécificité du protéasome ; dans les cellu-
les traitées par l’interféron, il y a augmentation du clivage des polypeptides après les
résidus hydrophobes et moins de clivage après les résidus acides. Ceci augmente la
production de peptides avec des résidus carboxyterminaux convenant mieux pour
l’ancrage à la plupart des molécules du CMH de classe I et pour le transport par TAP.
La production de peptides antigéniques de longueur adéquate est amplifiée par
une modification supplémentaire du protéasome induite par l’interféron-γ (IFN-
γ). Il s’agit de la liaison au protéasome d’un complexe protéique, PA28, dit acti-
vateur du protéasome. PA28 est un anneau de six ou sept représentants de deux
protéines, PA28α et PA28β, toutes deux étant induites par l’IFN-γ. L’anneau PA28 se
PA28
a c
186 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
lie à une extrémité, ou aux deux, du cylindre du protéasome et, en ouvrant les deux
bouts, il augmente la vitesse avec laquelle les peptides sont libérés du protéasome
(Fig. 5.4). Ce processus ne fournit pas simplement plus de peptides, mais l’aug-
mentation du débit permet à des peptides potentiellement antigéniques d’échap-
per à un apprêtement additionnel susceptible de détruire leur antigénicité.
La traduction d’ARNm dérivés de pathogène ou du soi dans le cytoplasme génère non
seulement des protéines repliées correctement, mais aussi une quantité significa-
tive, atteignant peut-être 30 %, de peptides et protéines déchets, les DRiPs (Defective
Ribosomal Products). Ceux-ci comprennent, en plus des peptides traduits à partir
d’introns d’ARNm apprêtés incorrectement ou des peptides traduits après déphasage
du cadre de lecture, des protéines mal repliées. Les DRiPs sont reconnus par l’ubi-
quitine, marqués par elle et destinés ainsi à une dégradation rapide par le protéa-
some. Ce processus, apparemment gaspilleur, assure que tant les protéines du soi
que les protéines dérivées des pathogènes, en passant par les protéasomes, génèrent
en abondance des peptides pour une présentation finale par les protéines du CMH de
classe I. Le protéasome peut aussi augmenter le pool de peptides par un mécanisme
d’excision et d’épissage, dans lequel un segment interne d’une protéine est enlevé et
les segments polypeptidiques non contigus sont joints et utilisés comme peptide pré-
senté par le CMH de classe I. Bien que la fréquence du processus excision-épissage
ne soit pas encore connue, on connaît plusieurs exemples de cellules T CD8 spécifi-
ques de tumeur qui reconnaissent des antigènes peptidiques formés de cette façon.
Le protéasome produit des peptides prêts à être transférés dans le réticulum endo-
plasmique. À ce stade, des chaperonnes cellulaires, comme TRiC (TCP-1 Ring
Complex), une chaperonne de groupe II, protègent ces peptides d’une dégrada-
tion complète dans le cytoplasme. Beaucoup de ces peptides sont, cependant,
trop longs pour pouvoir être liés par les molécules du CMH de classe I. Aussi, le
clivage dans le protéasome peut ne pas être le seul apprêtement des antigènes
pour les molécules du CMH de classe I. Il semble bien que les extrémités carboxy-
terminales de peptides antigéniques soient en effet produites par clivage dans
le protéasome, mais les extrémités aminoterminales peuvent être produites par
un autre mécanisme. Les peptides trop longs pour être liés par les molécules du
CMH de classe I peuvent être transportés dans le réticulum endoplasmique où
leur extrémité aminoterminale est clivée par une aminopeptidase appelée ERAAP
(Endoplasmic Reticulum Aminopeptidase associated with Antigen Processing, ami-
nopeptidase du réticulum endoplasmique associée à l’apprêtement de l’antigène).
Comme d’autres composants de la voie d’apprêtement antigénique, ERAAP est
régulée à la hausse par l’IFN-γ. Les souris déficientes en ERAAP ne peuvent pas
charger les peptides sur les molécules du CMH de classe I et, chez elles, les répon-
ses des cellules T CD8 sont médiocres, ce qui montre que ERAAP est une amino-
peptidase essentielle et unique dans cette voie d’apprêtement antigénique.
Fig. 5.5 les molécules du CMH de Chez l’homme, les chaînes α du CMH de classe I nouvellement synthétisées qui
classe I ne peuvent quitter le réticulum
entrent dans le réticulum endoplasmique se fixent à une protéine chaperonne,
endoplasmique (RE) sans lier un peptide.
Les chaînes α du CMH de classe I qui la calnexine, qui retient la molécule de CMH de classe I dans un état partiellement
viennent d’être synthétisées s’assemblent replié dans le réticulum endoplasmique (Fig. 5.5). La calnexine s’associe aussi aux
dans le RE avec une protéine liée à la récepteurs de cellule T partiellement repliés, aux immunoglobulines et aux molé-
membrane, la calnexine. Quand ce complexe
se fixe à la β2-microglobuline (β2m), le dimère
cules du CMH de classe II ; elle joue donc un rôle central dans l’assemblage de
chaîne α du CMH de classe I:β2m se détache nombreuses protéines immunologiques. Lorsque la β2-microglobuline se lie à la
de la calnexine, et la molécule du CMH de chaîne α, l’hétérodimère partiellement replié α:β2-microglobuline se dissocie de la
classe I partiellement repliée se lie ensuite au calnexine et se fixe à un complexe de protéines, dont l’une d’elles — la calréticu-
transporteur de peptide TAP en interagissant
avec une molécule de protéine associée à
line — est similaire à la calnexine et exerce probablement aussi des fonctions de
TAP, la tapasine. Les molécules chaperones, chaperone. Un second composant du complexe est la protéine associée à TAP, ou
calréticuline et Erp57, s’associent aussi à ce tapasine, codée également par un gène situé dans le CMH. La tapasine forme un
complexe. La molécule du CMH de classe I pont entre les molécules du CMH de classe I et le complexe TAP1:TAP2 permettant
est retenue à l’intérieur du RE jusqu’à ce
qu’elle soit libérée par la liaison d’un peptide, à l’hétérodimère α:β2-microglobuline partiellement replié d’attendre l’arrivée d’un
qui complète le repliement de la molécule peptide adéquat provenant du cytosol. Un troisième composant de ce complexe est
du CMH. Même en absence d’infection, les la molécule chaperonne Erp57, une thiol oxydoréductase dont le rôle pourrait être
peptides passent en flux continu du cytosol
de rompre et de reformer le pont disulfure dans le domaine α2 du CMH de classe I
dans le RE. Les DRiP (Defective Ribosomal
Products) et des protéines vieillies marquées durant le chargement du peptide. La calnexine, Erp57 et la calréticuline se lient à de
en vue de leur destruction sont dégradées nombreuses protéines durant leur assemblage dans le réticulum endoplasmique et
dans le cytoplasme par le protéasome, ce qui semblent faire partie d’un mécanisme cellulaire général de contrôle de qualité.
produit des peptides qui sont transportés dans
la lumière du RE par TAP, comme montré ici, et Le dernier composant du complexe de chargement du CMH de classe I est la molé-
certains se lieront aux molécules du CMH de cule TAP elle-même, dont le rôle de transporteur est aussi le mieux compris. Les
classe I. Une fois que le peptide s’est lié à la
molécule du CMH, le complexe peptide:CMH autres composants semblent être essentiels pour maintenir la molécule du CMH
quitte le RE pour être transporté via l’appareil de classe I dans un état réceptif au peptide et aussi pour exécuter la fonction de
de Golgi à la surface cellulaire. révision du peptide, permettant l’échange des peptides liés avec une faible affinité
à une molécule du CMH de classe I pour des peptides de plus haute affinité. En
effet, dans des cellules déficientes en calréticuline ou tapasine, l’assemblage des
molécules du CMH de classe I est défectueux et les complexes de classe I à la sur-
face cellulaire contiennent des peptides liés avec une faible affinité.
La liaison d’un peptide à un hétérodimère partiellement replié le libère du complexe
de chargement du CMH de classe I. La molécule du CMH de classe I complètement
Les chaînes 𝛂 partiellement Le complexe chaîne 𝛂 du CMH de Des protéines cytosoliques et les Un peptide se lie à une molécule du CMH
repliées du CMH de classe I se classe I : 𝛃2m est libéré de la DRiP sont dégradés en fragments de classe I et lui permet de se replier
lient à la calnexine jusqu’à la calnexine et se lie à un complexe peptidiques par le protéasome. TAP complètement. La molécule du CMH de
liaison de la 𝛃2-microglobuline de chaperones (calréticuline, Erp57) livre les peptides au RE classe I est libérée du complexe TAP et
et se lie à TAP par la tapasine exportée vers la membrane cellulaire
calréticuline
CMH
de classe I Erp57
RE tapasine
B2m TAP
TAP
calnexine
fragments
peptidiques
DRIP
(<30 %)
ribosome
protéasome
La présentation de peptides viraux par les molécules du CMH de classe I sur une
surface cellulaire signale aux cellules T CD8 de tuer la cellule infectée. Certains
virus produisent des protéines, appelées immunoévasines, qui permettent au
virus d’échapper à la reconnaissance immunitaire en prévenant la présentation
des complexes peptide:CMH de classe I à la surface de la cellule infectée (Fig. 5.6).
Rétention du CMH
de classe I
HCMV US3 Bloque la fonction de la tapasine
dans le réticulum
endoplasmique
Cytomégalovirus murin
M152 Inconnu
(CMV)
Cytosol
5-7 Les peptides présentés par les molécules du CMH de classe II
sont produits dans des vésicules endocytaires acidifiées.
La protéine E19 d’un adénovirus entre en compétition
avec la tapasine et inhibe le chargement du peptide
sur les protéines naissantes du CMH de classe I Plusieurs classes de pathogènes, dont le parasite protozoaire Leishmania et les
mycobactéries qui causent la lèpre et la tuberculose, se multiplient dans les vési-
cules intracellulaires des macrophages. Comme ils sont pris dans des vésicules fer-
E19 E19 mées par une membrane, les protéines de ces pathogènes ne sont pas accessibles
aux protéasomes du cytosol. Mais, après activation du macrophage, les protéines,
qui sont souvent globulaires et stabilisées par des ponts disulfure intramoléculai-
res, sont réduites et dégradées dans les vésicules par des protéases en fragments
peptidiques qui se lient aux molécules du CMH de classe II et sont livrés ainsi à la
surface cellulaire où ils peuvent être reconnus par les cellules T CD4. Les pathogè-
nes extracellulaires et les protéines après endocytose passent aussi par cette voie
et leurs peptides sont présentés aux cellules T CD4 (Fig. 5.8).
La plupart de nos connaissances sur les processus de la voie d’endocytose vien-
protéasome
nent d’expériences dans lesquelles de simples protéines sont livrées à des macro-
phages qui les ingèrent par endocytose ; l’apprêtement de l’antigène peut ainsi être
La protéine US11 du cytomégalovirus disloque
quantifié. Les protéines qui se lient aux immunoglobulines de surface des cellu-
des molécules naissantes du CMH de classe I, les B sont également endocytées et passent par la même voie. Les protéines qui
que la derline transfère dans le cytosol entrent dans les cellules par endocytose sont enfermées dans des endosomes,
en vue de leur dégradation
qui s’acidifient au fur et à mesure qu’ils progressent à l’intérieur de la cellule et
CMH I
US11 Fig. 5.7 Le complexe de chargement du Celle-ci se lie à certaines molécules du
peptide dans le réticulum endoplasmique CMH et les retient dans le RE par un motif
est la cible des immunoévasines virales. de rétention ; en même temps, elle entre en
Le panneau supérieur montre le blocage compétition avec la tapasine et prévient ainsi
de l’entrée du peptide dans le réticulum son association à TAP et le chargement du
endoplasmique (RE). La protéine cytosolique peptide. Le panneau inférieur montre comment
ICP47 de HSV-1 empêche des peptides de la protéine US11 du CMV humain s’associe
derline se lier à TAP dans le cytosol, tandis que la à des molécules du CMH de classe I à peine
protéine US6 du CMV humain interfère dans synthétisées et les redirige dans le cytosol
le transport des peptides en inhibant l’activité à travers un canal dans la membrane du
d’ATPase de TAP. Le panneau du milieu montre RE, la derline-1. Une fois dans le cytosol la
la rétention des molécules du CMH de classe I protéine du CMH est marquée en vue de sa
dans le RE par la protéine E19 de l’adénovirus. dégradation dans le protéasome.
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 191
Un antigène du milieu Dans les endosomes précoces, L’acidification des vésicules active Des vésicules contenant des peptides
extracellulaire est capté dans le pH neutre n’active pas les protéases et celles-ci dégradent fusionnent avec celles qui contiennent
des vésicules intracellulaires les protéases les antigènes en fragments peptidiques des molécules du CMH de classe II
Espace extracellulaire
Cytosol
fusionnent finalement avec des lysosomes. Dans les endosomes et les lysosomes, Fig. 5.8 Les peptides qui se fixent aux
molécules du CMH de classe II sont
des protéases, dites acides puisqu’elles s’activent dans ces conditions, dégradent
produits dans des vésicules d’endocytose
les antigènes protéiques contenus dans les vésicules. Des particules plus impor- acidifiées. Dans le cas illustré ici, des
tantes sont aussi captées par phagocytose ou macropinocytose et suivent la même antigènes extracellulaires étrangers, comme
voie d’apprêtement antigénique. des bactéries et des antigènes bactériens,
ont été captés par une cellule présentatrice
Des médicaments, comme la chloroquine, qui augmentent le pH des endosomes d’antigène comme des macrophages ou des
inhibent la présentation des antigènes qui entrent dans les cellules par cette voie, ce cellules dendritiques immatures. Dans d’autres
cas, la source d’antigènes peptidiques peut
qui suggère que les protéases acides sont responsables de l’apprêtement des anti- être des bactéries ou des parasites qui ont
gènes ingérés. Parmi ces protéases acides, les cystéine protéases comprennent les envahi la cellule pour se multiplier dans les
cathepsines B, D, S et L, la dernière étant la plus active de cette famille. L’apprêtement vésicules intracellulaires. Dans les deux cas,
l’apprêtement de l’antigène est le même. Le
antigénique peut être en partie imité par digestion enzymatique des protéines in
pH des endosomes contenant les pathogènes
vitro à pH acide. Les cathepsines S et L pourraient être les protéases prédominantes capturés décroît progressivement, activant les
impliquées dans l’apprêtement des antigènes vésiculaires ; chez des souris dépour- protéases qui résident dans les vésicules pour
vues de cathepsine B ou D l’apprêtement est normal, tandis que les souris sans dégrader le matériel phagocyté. À certains
moments, lors de leur transit vers la surface
cathepsine S apprêtent mal les antigènes. Il est probable que le répertoire global des cellulaire, les molécules du CMH de classe II
peptides produits dans la voie endosomique reflète les activités de nombreuses pro- nouvellement synthétisées passent au travers
téases présentes dans les compartiments endosomique et lysosomique. de telles vésicules et fixent les fragments
peptidiques des antigènes pour les présenter à
Des ponts disulfure, en particulier les intramoléculaires, doivent parfois être réduits la surface cellulaire.
avant que les protéines qui les contiennent puissent être digérées dans les endo-
somes. Une thiol-réductase induite par l’IFN-γ (GILT, IFN-γ-Induced Lysosomal
Thiol reductase) présente dans le compartiment endosomique joue ce rôle dans la
voie d’apprêtement de l’antigène.
Des molécules du CMH de classe II présentent essentiellement des peptides de pro-
téines passant par la voie vésiculaire, et les molécules du CMH de classe I présentent
des peptides dérivés de protéines intracellulaires. Cependant, comme nous l’avons
décrit dans la Section 5.4, des connexions existent entre ces deux voies, permettant
la présentation croisée de protéines exogènes par des molécules du CMH de classe I.
En revanche, il n’est pas surprenant que de nombreux peptides liés à des molécu-
les du CMH de classe II proviennent de protéines cytosoliques, telles que l’actine et
l’ubiquitine. Le mécanisme le plus probable par lequel les protéines cytosoliques
sont apprêtées pour leur présentation par le CMH de classe II est le processus nor-
mal de renouvellement protéique appelé autophagie, dans lequel les protéines et les
organites cytoplasmiques sont dégradés dans les lysosomes. L’autophagie est consti-
tutive, mais peut être amplifiée à la suite d’un stress cellulaire, comme le manque de
nutriments. La cellule doit alors cataboliser des protéines intracellulaires pour obte-
nir l’énergie nécessaire. Dans le processus de microautophagie, le cytosol est intégré
en permanence dans le système vésiculaire par des invaginations lysosomiques, alors
que, dans la macroautophagie, induite par l’absence d’apport nutritif, un autophago-
some à double membrane ingère le cytosol et fusionne avec les lysosomes. Une troi-
sième voie d’autophagie utilise les protéines de choc thermique Hsc70 (Heat‑Shock
192 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
La fonction des molécules du CMH de classe II est de lier des peptides produits dans
les vésicules intracellulaires des macrophages, des cellules dendritiques imma-
tures, des cellules B et d’autres cellules présentatrices d’antigènes, et de présenter
ces peptides aux cellules T CD4. Cependant, la voie de synthèse des molécules du
CMH de classe II, comme celle des autres glycoprotéines de surface, commence
par leur transfert dans le réticulum endoplasmique où elles doivent être protégées
d’une liaison précoce aux peptides transportés dans la lumière du réticulum endo-
plasmique ou aux polypeptides nouvellement synthétisés de la cellule. Comme le
réticulum endoplasmique est largement doté de chaînes polypeptidiques non ou
partiellement repliées, un mécanisme général est nécessaire pour prévenir leur
insertion dans le sillon de liaison du peptide de la molécule du CMH de classe II.
Toute liaison est empêchée par une protéine appelée chaîne invariante (Ii) qui
s’associe aux molécules du CMH de classe II. Cette chaîne invariante trimérique
Fig. 5.9 La chaîne invariante est clivée
et laisse un fragment, CLIP, associé à la
se lie par chacune de ses sous-unités de manière non covalente à un hétérodimère
molécule du CMH de classe II. Un modèle α:β du CMH de classe II (Fig. 5.9). Une chaîne de Ii se lie à la molécule du CMH
de la chaîne invariante trimérique liée à des de classe II en insérant une partie de sa séquence dans le sillon de liaison au pep-
hétérodimères du CMH de classe II α:β est tide, et prévient ainsi la liaison de tout peptide ou de toute protéine partiellement
montré à gauche. Le fragment CLIP est coloré
en rouge et les molécules du CMH de classe II repliée. Tandis que ce complexe s’assemble dans le réticulum endoplasmique, ses
en jaune. Dans le réticulum endoplasmique, composants sont associés à la calnexine. Ce n’est que lorsque cet assemblage de
la chaîne invariante (Ii) se lie aux molécules neuf chaînes est achevé qu’il se détache de la calnexine et sort du réticulum endo-
du CMH de classe II avec la partie CLIP de sa plasmique. Prise dans le complexe à neuf chaînes, la molécule du CMH de classe II
chaîne polypeptidique insérée dans le sillon
de liaison au peptide (modèle et panneau est incapable de lier des peptides ou des protéines mal repliées, ce qui explique
de gauche). à son arrivée dans une vésicule que des peptides du réticulum endoplasmique ne sont généralement pas présen-
acidifiée, Ii est clivée d’abord par un seul tés par les molécules du CMH de classe II. On a constaté qu’en absence de chaînes
côté de la molécule du CMH de classe II
(panneau du centre). La partie restante de Ii
invariantes, de nombreuses molécules du CMH de classe II sont retenues dans le
ou fragment LIP (Leupeptin-Induced Peptide) réticulum endoplasmique dans des complexes avec des protéines mal repliées.
conserve les segments transmembranaire et
cytoplasmique qui contiennent les séquences La chaîne invariante exerce une seconde fonction ; elle dirige les molécules du
signal nécessaires aux complexes Ii:CMH de CMH de classe II dans un compartiment endosomique de pH acide où le charge-
classe II pour emprunter la voie endosomique. ment du peptide peut s’effectuer. Les complexes α:β hétérodimériques du CMH
Un clivage supplémentaire (panneau de
de classe II avec la chaîne invariante sont retenus dans ce compartiment pendant
droite) de LIP ne laisse qu’un petit peptide lié
à la molécule de classe II ; ce peptide est le 2-4 heures durant lesquelles la chaîne invariante est clivée en plusieurs étapes par
fragment CLIP. Modèle de P. Cresswell. des protéases acides, comme la cathepsine S (voir Fig. 5.9). Le clivage initial laisse
La chaîne invariante Ii est Ii clivée une première fois laisse Un deuxième clivage laisse
insérée dans le sillon de un fragment lié à la molécule un petit fragment, CLIP, lié
la molécule du CMH de classe II de classe II et à la membrane à la molécule de classe II
RE
Ii
Cytosol
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 193
une forme tronquée de la chaîne invariante qui reste fixée à la molécule du CMH de
classe II et la retient dans le compartiment de protéolyse. Un second clivage libère
la molécule du CMH de classe II du fragment de Ii associé à la membrane, laissant
un petit fragment de Ii, appelé CLIP (CLass II-associated Invariant-chain Peptide)
lié à la molécule de classe II. Ces molécules associées à CLIP ne peuvent toujours
pas fixer d’autres peptides. CLIP doit être dissocié ou déplacé pour qu’un peptide
puisse se lier et permette au complexe de gagner la surface cellulaire. La cathep-
sine S clive Ii dans la plupart des cellules porteuses de molécules de classe II, c’est-
à-dire les cellules présentatrices d’antigènes, tandis que la cathepsine L paraît se
substituer à la cathepsine S dans les cellules épithéliales du cortex thymique. MIIC
Le compartiment endosomique dans lequel la chaîne invariante est clivée et où
les molécules de classe II rencontrent les peptides n’est pas encore bien défini. La G
plupart des molécules du CMH de classe II sont transportées vers la surface cellu-
laire dans des vésicules qui à certaines occasions fusionnent avec des endosomes
qui entrent. Cependant, certaines observations indiquent que certains complexes
molécules de classe II:Ii sont d’abord transportés à la surface cellulaire et ensuite
repris dans des endosomes. Quoiqu’il en soit, ces complexes entrent dans la voie
endosomique et y rencontrent les peptides dérivés de pathogènes et qu’ils peuvent
lier. On peut localiser les molécules Ii et celles de classe II en microscopie électro-
nique au moyen d’anticorps marqués à l’or colloïdal. Les clichés montrent que le
clivage de Ii et la liaison des peptides aux molécules de classe II ont lieu dans un
compartiment endosomique particulier appelé MIIC (MHC class II Compartment), Fig. 5.10 Les molécules du CMH de classe II
prennent en charge des peptides dans un
qui occupe une position assez tardive dans la voie endosomique (Fig. 5.10). compartiment intracellulaire spécialisé.
Les molécules du CMH de classe II sont
Comme pour les molécules du CMH de classe I, les molécules de classe II dans les transportées de l’appareil de Golgi (noté G
cellules non infectées lient des peptides dérivés de protéines du soi, et les molé- sur la micrographie électronique d’une section
cules de classe II qui ne lient pas de peptide après dissociation de la chaîne inva- ultrafine d’une cellule B) vers la surface
riante sont instables au pH acide de l’endosome et sont rapidement dégradées. cellulaire via des vésicules intracellulaires
spécialisées appelées le compartiment
du CMH de classe II (MIIC). Elles ont une
morphologie complexe montrant des vésicules
5-9 Une molécule spécialisée semblable à une molécule du CMH internes et des feuillets membranaires. Des
de classe II catalyse le chargement des peptides sur les molécules anticorps marqués par des particules d’or de
différentes tailles identifient la présence à la
de classe II. fois de molécules du CMH de classe II (petites
particules d’or) et de la chaîne invariante
Un autre composant de la voie vésiculaire d’apprêtement antigénique a été mis (grosses particules d’or) dans le Golgi, tandis
que seules les molécules du CMH
en évidence par analyse de lignées cellulaires B humaines mutées et dont la pré-
de classe II sont détectables dans le MIIC. Ce
sentation antigénique était défectueuse. Les molécules du CMH de classe II dans compartiment doit donc être celui où la chaîne
ces lignées cellulaires s’assemblent correctement avec la chaîne invariante et sem- invariante est clivée et où le chargement
blent suivre la voie vésiculaire normale. Cependant, elles ne réussissent pas à lier du peptide a lieu. Cliché (× 135.000) de
H.J. Geuze.
les peptides dérivés des protéines ingérées et arrivent souvent à la surface cellu-
laire avec le peptide CLIP encore lié.
Le défaut de ces mutants réside dans la molécule du CMH du type classe II appelée
HLA-DM chez l’homme (H-2M chez la souris). Les gènes de HLA-DM se situent à
côté des gènes de TAP et de LMP (appelé aussi PSMB) dans la région du CMH de
classe II (voir Fig. 5.12). Ils codent des chaînes α et β proches de celles du CMH
de classe II. Cependant, la molécule HLA-DM n’est pas exprimée à la surface cel-
lulaire et se trouve surtout dans le compartiment MIIC. HLA-DM s’attache aux
molécules vides du CMH de classe II et les stabilise, ce qui évite qu’elles ne s’agrè-
gent. De plus, elle catalyse à la fois la libération de CLIP des complexes CMH de
classe II:CLIP et la liaison des autres peptides aux molécules vides de classe II
(Fig. 5.11). La molécule HLA-DM elle-même ne lie pas de peptide car le sillon qui
accueille un peptide dans les autres molécules du CMH de classe II est fermé.
HLA-DM catalyse aussi la libération des peptides mal fixés sur les molécules du CMH
de classe II. En présence d’un mélange de peptides capables de se lier aux molécu-
les du CMH de classe II, comme cela se passe dans le MIIC, HLA-DM s’attache et se
réattache aux complexes peptides:CMH de classe II, éliminant les peptides liés fai-
blement et permettant à d’autres peptides de les remplacer. Les antigènes présentés
194 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
Ii HLA-DM
Fig. 5.11 HLA-DM facilite le chargement des par les molécules du CMH de classe II doivent persister à la surface des cellules pré-
peptides antigéniques sur des molécules
sentatrices d’antigènes pendant quelques jours afin de pouvoir rencontrer des cellu-
de classe II. La chaîne invariante (Ii) se
lie à des molécules du CMH de classe II les T aptes à les reconnaître. La capacité des HLA-DM de détacher des peptides dont
nouvellement synthétisées et bloque la liaison la liaison est instable, un processus parfois appelé révision peptidique (peptide edi-
de peptides et de protéines non repliées ting), assure que les complexes classe II:peptide présentés à la surface persistent suf-
dans le réticulum endoplasmique et durant le
transport des molécules du CMH de classe II
fisamment longtemps pour stimuler les cellules CD4 appropriées.
dans les vésicules endocytaires acidifiées Une seconde molécule de classe II atypique, appelée HLA-DO (H-2O chez la sou-
(premier panneau). Dans ces vésicules, les
protéases clivent la chaîne invariante, laissant ris), est produite par les cellules épithéliales thymiques et par les cellules B. Cette
le peptide CLIP fixé à la molécule du CMH molécule est un hétérodimère de la chaîne HLA-DNα et de la chaîne HLA-DOβ (voir
de classe II (deuxième panneau). Les Fig. 5.12 ). HLA-DO est absente de la surface cellulaire, et ne se trouve que dans les
pathogènes sont dégradés ainsi que leurs
vésicules intracellulaires apparemment sans lier de peptides. Par contre, elle agit
protéines en peptides à l’intérieur des
endosomes acidifiés, mais ces peptides comme un régulateur négatif de HLA-DM, auquel elle s’attache ; elle inhibe ainsi la
ne peuvent se lier aux molécules du CMH libération de CLIP et la liaison d’autres peptides aux molécules du CMH de classe II.
de classe II qui sont occupées par CLIP L’expression de la chaîne HLA-DOβ n’est pas augmentée par l’interféron-γ (IFN-γ),
(troisième panneau). La molécule du CMH de
type classe II, HLA-DM, s’associe au complexe
qui par ailleurs amplifie l’expression d’HLA-DM. Aussi, pendant une réaction inflam-
CMH de classe II:CLIP ; elle catalyse ainsi la matoire, durant laquelle l’IFN-γ est produit par les cellules T et les cellules NK, l’ex-
libération de CLIP et la liaison des peptides pression accrue d’HLA-DM permet de surmonter l’effet inhibiteur d’HLA-DO. On
antigéniques (quatrième panneau). ne sait pas pourquoi la présentation des antigènes par des cellules épithéliales thy-
miques et des cellules B est régulée de cette manière ; dans les cellules épithéliales
thymiques, le but est peut être de sélectionner des cellules T CD4 en développement
en utilisant un répertoire des peptides du soi différents de ceux auxquels elles seront
exposées en tant que cellules T matures. Le rôle de HLA-DM en facilitant la liaison
des peptides aux molécules du CMH de classe II est parallèle à celui de TAP qui faci-
lite la liaison des peptides aux molécules du CMH de classe I. Ainsi, il semble pro-
bable que des mécanismes de livraison de peptides ont évolué avec les molécules
du CMH elles-mêmes. Il est aussi probable que les pathogènes ont développé des
stratégies d’inhibition du chargement des peptides sur les molécules du CMH de
classe II à l’instar des virus qui ont acquis des moyens d’empêcher l’apprêtement et
la présentation des antigènes par les molécules du CMH de classe I.
5-10 Une liaison stable des peptides aux molécules du CMH permet
une présentation efficace des antigènes à la surface cellulaire.
présent dans la cellule infectée pourrait échapper à la détection. De plus, les molé-
cules du CMH sur les cellules non infectées pourraient lier des peptides libérés
des cellules infectées et signaler à tort aux cellules T cytotoxiques qu’une cellule
saine est infectée, ce qui déclencherait sa destruction injustifiée. La liaison forte
des peptides aux molécules du CMH rend improbables ces effets indésirables.
La persistance d’un complexe CMH:peptide sur une cellule peut être mesurée par
sa capacité à stimuler les cellules T, tandis que le destin des molécules du CMH
elles-mêmes peut-être directement suivi par marquage spécifique. De cette façon,
il a été montré que les complexes spécifiques CMH:peptide sur les cellules vivan-
tes disparaissent de la surface ; ils sont repris à l’intérieur de la cellule comme lors
du renouvellement des protéines naturelles et à la même vitesse que les molécules
du CMH elles-mêmes, ce qui indique que la liaison peptidique est quasiment irré-
versible. Cette liaison stable permet même aux peptides rares d’être transportés
efficacement à la surface cellulaire par les molécules du CMH, et permet la présen-
tation à long terme de ces complexes à la surface de la cellule infectée. La première
condition d’une présentation efficace des antigènes est donc remplie.
La deuxième condition est que si un peptide se dissociait du CMH à la surface cel-
lulaire, les peptides environnants du liquide extracellulaire ne devraient pas être
capables de remplir un site de liaison vide. En fait, la dissociation d’un peptide
d’une molécule purifiée du CMH nécessite la dénaturation de la protéine. Quand
un peptide se dissocie d’une molécule du CMH de classe I à la surface d’une cel-
lule vivante, la molécule change de conformation, la β2-microglobuline se détache,
et la chaîne α est internalisée et rapidement dégradée. Donc, la plupart des molé-
cules vides du CMH de classe I disparaissent rapidement de la surface cellulaire.
À pH neutre, les molécules du CMH de classe II sont plus stables que les molécu-
les vides du CMH de classe I, mais elles sont quand même éliminées de la surface
cellulaire. Les molécules vides du CMH de classe II s’agrègent facilement, et l’in-
gestion de tels agrégats peut expliquer la disparition des molécules du CMH de
classe II de la surface des cellules. De plus, la perte des peptides par le CMH de
classe II est plus probable lorsque les molécules transitent par les endosomes à pH
acide en suivant le processus normal du recyclage des membranes cellulaires. À
pH acide, les molécules du CMH de classe II sont capables de lier des peptides pré-
sents dans les vésicules, et celles qui n’y arrivent pas sont rapidement dégradées.
Ainsi, les molécules du CMH de classe I et de classe II sont empêchées de capter
directement des peptides du milieu extracellulaire. Les cellules T sont ainsi assu-
rées d’agir sélectivement sur les cellules infectées ou sur les cellules spécialisées
dans l’ingestion des antigènes et leur présentation, tout en épargnant les cellules
saines environnantes.
Résumé.
de l’assemblage des molécules de classe I et doit avoir lieu avant que ces protéines
ne soient totalement repliées et qu’elles ne quittent le réticulum endoplasmique
pour la surface cellulaire. Le protéasome dégrade des protéines cytosoliques nor-
males, permettant la détection et l’élimination de pathogènes cytosoliques, comme
les virus, par des cellules T CD8 spécialisées dans la lyse de toute cellule présentant
des peptides étrangers. Le protéasome peut aussi dégrader des protéines qui ont
été transportées dans le cytosol à partir du système vésiculaire par voie rétrograde,
ce qui peut survenir, par exemple, lorsqu’une cellule dendritique a ingéré des cel-
lules tuées par un virus. Le transport des antigènes viraux exogènes dans le cytosol
permet aux cellules dendritiques non infectées d’apprêter et de présenter ces anti-
gènes aux cellules T CD8 naïves au cours du processus dit de présentation croisée,
qui est important pour l’induction de réponses immunitaires efficaces.
Par contre, les molécules du CMH de classe II ne peuvent pas lier les peptides dans
le réticulum endoplasmique car elles sont d’abord associées à une chaîne invariante
(Ii), qui s’insère partiellement dans leur sillon et bloque ainsi la liaison au peptide.
Elles sont adressées par leur chaîne invariante vers un compartiment endosomique
acide où, en présence de protéases actives, en particulier la cathepsine S, et avec
l’aide de HLA-DM, une molécule spécialisée de type classe II qui catalyse le char-
gement du peptide, la chaîne invariante est libérée et d’autres peptides sont liés.
Les molécules de classe II lient donc des peptides de protéines qui sont dégradées
dans les endosomes. Elles capturent les peptides des pathogènes qui entrent dans
le système vésiculaire des macrophages ou qui proviennent d’antigènes ingérés par
des cellules dendritiques immatures ou par des cellules B qui les ont reconnus par
leurs immunoglobulines réceptrices. Le processus d’autophagie peut livrer des pro-
téines cytosoliques au système vésiculaire en vue de leur présentation par le CMH
de classe II. Les cellules T CD4 qui reconnaissent les complexes peptide:CMH de
classe II exercent diverses activités effectrices spécialisées. Des sous-populations
de cellules T CD4 T activent des macrophages afin de tuer les pathogènes intravési-
culaires, aident les cellules B à sécréter des immunoglobulines contre des molécu-
les étrangères, alors que d’autres régulent les réponses immunitaires.
La Figure 5.13 montre une carte plus détaillée du locus du CMH humain. Elle
montre que de nombreux gènes de ce locus participent à l’apprêtement et la pré-
sentation antigéniques ou exercent d’autres fonctions liées aux réponses immu-
nes innées ou adaptatives. Les deux gènes TAP se situent dans la région du CMH
de classe II, en association étroite avec les gènes LMP, tandis que le gène codant la
tapasine (TAPBP), protéine qui s’attache à la fois à TAP et aux molécules vides du
CMH de classe I, se situe dans la partie du CMH la plus proche du centromère (voir
Fig. 5.13). Les gènes du CMH de classe I, dont les molécules présentent les pepti-
des cytosoliques à la surface cellulaire, sont liés aux gènes de TAP, de la tapasine, et
du protéasome (LMP). Or, les produits de ces gènes produisent des peptides dans
le cytosol et les transportent dans le réticulum endoplasmique. Cette liaison géné-
tique suggère que l’ensemble du CMH a été sélectionné au cours de l’évolution en
vue de l’apprêtement et de la présentation des antigènes.
Lorsque les cellules sont traitées par les interférons -α, -β ou -γ, la transcription
des gènes des chaînes α du CMH de classe I et de la β2-microglobuline, du protéa-
some, de la tapasine et de TAP augmente nettement. Les interférons sont produits
TAP1
LMP2
CMH de classe II DPB1 LMP7 DQB2 DQB1 DRB2
DPA2 DMA DMB TAP2 DQA2 DRB1 DRA
TAPBP DPB2 DPA1 DOA DOB DQB3 DQA1 DRB3 DRB9
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 (1050)
(1050) 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000 (2080)
CMH de classe I
B C E MICC
(2080) 2200 2300 2400 2500 2600 2700 2800 2900 3000 (3100)
MICD
(3100) 3200 3300 3400 3500 3600 3700 3800 3900 4000 4100
Fig. 5.13 Carte détaillée du CMH humain. L’organisation des régions du codent le TNF-α (tumor necrosis factor-α) et les lymphotoxines (LTA, LTB).
CMH humain de classe I, de classe II et de classe III est présentée avec Le gène codant la 21-hydroxylase (noté CYP 21B), une enzyme impliquée
les distances génétiques approximatives données en milliers de paires de dans la synthèse des stéroïdes, est étroitement lié aux gènes C4. Les
base (kpb). La plupart des gènes des régions de classe I et de classe II gènes en gris foncé et notés en italique sont des pseudogènes. Les
sont mentionnés dans le texte. Les gènes supplémentaires indiqués dans gènes du CMH de classe I sont en rouge, excepté les gènes MIC, colorés
les régions de classe I (par exemple E, F et G) sont des gènes de type en bleu ; ils sont distincts des autres gènes de type classe I et sont
classe I, codant les molécules de classe Ib ; les gènes supplémentaires soumis à des contrôles transcriptionnels différents. Les gènes du CMH de
de classe II sont des pseudogènes. Les gènes représentés dans la région classe II sont en jaune. Les gènes dans la région du CMH de classe II qui
de classe III codent les protéines du complément C4 (deux gènes, notés exercent des fonctions immunitaires sans relation avec les gènes du CMH
C4A et C4B), C2 et le facteur B (noté Bf) aussi bien que des gènes qui de classe I et de classe II sont colorés en violet.
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 199
728
503
414
210
120
68 60
23 32 23 20 25
3 8
DPB DPA DQB DQA DRB DRA B C A E G F MICA MIKB
200 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
α2 α1 β1 α1
α3 β2 α2
α1 α2 α3 β1 β2
Variabilité
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 260 280 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Résidu Résidu
Fig. 5.18 Les variations alléliques se situent Dans de rares cas, l’apprêtement d’une protéine ne génère aucun peptide dont le
dans des sites particuliers des molécules motif séquentiel lui permette de se lier à l’une des molécules du CMH exprimées
du CMH. Les graphes de variabilité des
séquences d’acides aminés des molécules par un individu. Lorsque cela survient, l’individu ne peut répondre à l’antigène. De
du CMH montrent que les variations du telles absences de réponse à un antigène ont été d’abord rapportées chez des ani-
polymorphisme génétique sont restreintes aux maux consanguins et ont été appelées déficiences de gène de réponse immune
domaines aminoterminaux (domaines α1 et α2
(Ir). Elles ont été identifiées et localisées dans des gènes du CMH bien avant que la
des molécules du CMH de classe I, et
domaines α1 et β1 des molécules du CMH de fonction des molécules du CMH ne soit connue et ce fut le premier indice suggé-
classe II). Ce sont eux qui forment le sillon rant la fonction de présentation d’antigène par les molécules du CMH. Nous com-
de liaison au peptide. La variabilité allélique prenons à présent que les déficiences des gènes Ir sont fréquentes dans les souches
prédomine dans des sites particuliers des
domaines aminoterminaux, essentiellement
de souris consanguines parce que celles-ci sont homozygotes à tous les locus de
le plancher et les bords du sillon de liaison. leur CMH, ce qui limite la gamme de peptides qu’elles peuvent présenter aux cel-
Les allèles HLA-DR ont été choisis comme lules T. Normalement, le polymorphisme du CMH offre un nombre suffisant de
exemples pour illustrer la variabilité des molécules différentes du CMH chez un individu donné pour rendre cette absence
molécules du CMH de classe II. Pour HLA-DR
et ses homologues dans les autres espèces, de réponse improbable, même envers des antigènes relativement simples comme
la chaîne α est essentiellement invariante de petites toxines. C’est évidemment très important pour la défense de l’hôte.
et seule la chaîne β est significativement
polymorphe. Au début, la seule évidence de liaison entre les déficits de gènes Ir et le CMH était
génétique : les souris d’un génotype CMH donné pouvaient produire des anticorps
en réponse à un antigène particulier, tandis que les souris d’un génotype CMH dif-
férent, mais par ailleurs génétiquement identiques, ne le pouvaient pas. Le géno-
type du CMH contrôlait donc d’une certaine manière la capacité du système
immunitaire de détecter des antigènes spécifiques ou d’y répondre à, mais on
ignorait à cette époque que la reconnaissance directe des molécules du CMH était
impliquée.
Plus tard, des expériences ont montré que la spécificité antigénique des cellu-
les T était contrôlée par des molécules du CMH. On savait que les réponses immu-
nitaires conditionnées par les gènes Ir dépendaient également des cellules T, ce
qui a conduit à des expériences chez la souris visant à établir comment le poly-
morphisme du CMH contrôlait leurs réponses cellulaires. Les premières de ces
expériences ont montré que les cellules T ne pouvaient être activées que par les
macrophages ou par les cellules B qui partageaient les mêmes allèles du CMH que
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 203
Une molécule du CMH Kb liant un peptide d’ovalbumine Une molécule du CMH Kd liant un peptide du virus influenza
P6 P8
P4 P4 P7
P7
P6
P1 P3 P1
P3 P5
P5 P8 P2
P2 P9
a b
P1 P2 P3 P4 — P5 P6 P7 P8 P1 P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9
Fig. 5.19 Différents allèles d’une molécule du CMH de classe I lient de neuf résidus (P1-9) de la NP du virus de la grippe. Pour H2-Kb, le
différents peptides. Les panneaux a et b montrent des vues en coupe motif séquentiel est déterminé par la poche C, qui lie la chaîne latérale
d’un peptide de l’ovalbumine lié à la molécule H2-Kb du CMH de classe I P5 du peptide (une tyrosine (Y) ou une phénylalanine (F)), et la poche F,
de souris et un peptide de la nucléoprotéine (NP) du virus influenza lié qui lie le résidu P8 (une chaîne latérale non aromatique hydrophobe de
à la molécule H2-Kd du CMH de classe I, respectivement. La surface la leucine (L), isoleucine (I), méthionine (M) ou valine (V)). Pour H2-Kd,
accessible au solvant des molécules du CMH est affichée comme le motif est essentiellement déterminé par les poches B et F, qui lient
une surface en pointillé bleu. Les molécules du CMH de classe I ont respectivement les chaînes latérales de P2 et P9. La poche B accueille
généralement six poches dans le sillon de liaison au peptide ; elles sont une chaîne latérale de tyrosine. La poche F lie une leucine, isoleucine,
désignées par une lettre de A à F. Les peptides liés, représentés par des ou valine. Sous les structures, le tableau présente des motifs connus de
modèles de remplissage de l’espace, s’insèrent dans le sillon de liaison, peptides qui se lient respectivement à chaque molécule du CMH. Une
les chaînes latérales des résidus d’ancrage remplissant les poches. H2-Kb vaste collection de motifs peut être trouvée à
lie SIINFEKL (code d’acides aminés en une seule lettre), un peptide de http://www.syfpeithi.de. Structures de V.E. Mitaksov et D. Fremont.
huit résidus (P1-8) de l’ovalbumine, et H2-Kd lie TYQRTRALV, un peptide
les souris dont les cellules T provenaient. C’était la première observation indiquant
que la reconnaissance de l’antigène par les cellules T dépendait de la présence de
molécules spécifiques du CMH sur la cellule présentatrice de l’antigène, ce que
l’on appelle maintenant restriction au CMH, comme décrit au Chapitre 3.
L’exemple le plus démonstratif de ce mode de reconnaissance est venu des études
de cellules T cytotoxiques spécifiques de virus, pour lesquelles Peter Doherty et
Rolf Zinkernagel furent récompensés par un prix Nobel en 1996. Quand les souris
sont infectées par un virus, elles produisent des cellules T cytotoxiques qui tuent
les cellules infectées par ce virus, tout en épargnant les cellules non infectées ou
infectées par un autre virus. Ces cellules T cytotoxiques sont donc spécifiques
du virus. Une particularité étonnante de ces expériences était que la spécificité
des cellules T cytotoxiques dépendait aussi du polymorphisme des molécules du
204 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
CMH. Les cellules T cytotoxiques induites par les infections virales chez les sou-
ris de CMH de génotype a (CMHa) peuvent tuer toute cellule de CMHa infectée par
ce virus, mais ne tuent pas des cellules du CMH de génotype b, c ou autre, même
si elles sont infectées par le même virus. Comme le génotype du CMH restreint
la spécificité antigénique des cellules T, cet effet a été appelé restriction au CMH.
Avec les études antérieures sur les cellules B et les macrophages, ce travail a mon-
tré que la restriction au CMH est une caractéristique critique de la reconnaissance
antigénique par toutes les classes de cellules T.
Nous savons maintenant que la restriction au CMH est due au fait que la spécifi-
cité de liaison d’un récepteur de cellule T n’est pas limitée à son peptide antigéni-
que mais bien au complexe du peptide et de la molécule du CMH (voir Chapitre 3).
La restriction au CMH s’explique en partie par le fait que les différentes molécu-
les du CMH lient des peptides différents. De plus, certains acides aminés polymor-
phes des molécules du CMH sont localisés dans les hélices α bordant le sillon de
liaison au peptide, mais ont des chaînes latérales orientées vers la surface exposée
du complexe peptide:CMH qui peut entrer directement en contact avec le récep-
teur de cellule T (voir Fig. 5.18 et 3.22). Il n’est donc pas étonnant que les cellules T
distinguent facilement le peptide fixé au CMHa du même peptide fixé au CMHb..
Cette reconnaissance restreinte peut parfois être causée à la fois par des différen-
ces de conformation du peptide imposées par les différentes molécules du CMH
et par la reconnaissance directe d’acides aminés polymorphes dans la molécule
même du CMH. Ainsi, la spécificité d’un récepteur de cellule T est définie par le
peptide qu’il reconnaît et par la molécule du CMH qui le présente (Fig. 5.20).
Restriction au CMH
Cellule T Cellule T
Cellule T
allogénique étaient basées sur la réaction lymphocytaire mixte, dans laquelle les
cellules T d’un individu sont mélangées avec des lymphocytes d’un autre individu.
Si les cellules T du premier reconnaissent les molécules du CMH de l’autre comme
étrangères, les cellules T se divisent et prolifèrent (les lymphocytes du second sont
habituellement irradiés ou traités par un agent cytostatique, la mitomycine C, ce
qui empêche leur prolifération). De telles études ont montré qu’environ 1-10 % de
toutes les cellules d’un individu répondent à la stimulation par les cellules d’un
autre membre de la même espèce sans lien de parenté. Cette réponse des cellu-
les T est appelée alloréactivité parce qu’elle représente la reconnaissance du poly-
morphisme allélique des molécules allogéniques du CMH.
Avant la compréhension du rôle des molécules du CMH dans la présentation à
l’antigène, la présence de nombreuses cellules T capables de reconnaître le CMH
étranger restait une énigme, car il n’y avait aucune raison que le système immuni-
taire ait développé une défense contre les tissus transplantés. Mais, une fois com-
pris que les récepteurs des cellules T ont évolué pour reconnaître les peptides
étrangers en combinaison avec les molécules polymorphes du CMH, l’alloréac-
tivité devint plus facile à expliquer. Nous connaissons maintenant au moins deux
processus qui expliquent la proportion élevée de cellules T alloréactives (Fig. 5.21).
Premièrement, les cellules T, au cours de leur développement dans le thymus, sont
passées par une sélection positive rigoureuse qui favorise la survie des cellules
dont les récepteurs de cellule T interagissent faiblement avec des molécules du
CMH autologues exprimées dans le thymus (voir le Chapitre 7 pour une descrip-
tion détaillée). On pense que la sélection des cellules T par leur interaction avec un
type de CMH augmente la probabilité que leurs récepteurs réagissent de manière
croisée avec des variants non autologues du CMH. Deuxièmement, il semble que
les récepteurs de cellule T aient une aptitude inhérente à reconnaître des molécu-
les du CMH. Des expériences ont montré une importante alloréactivité parmi des
cellules T que l’on avait fait atteindre artificiellement la maturité chez des animaux
dépourvus de CMH des classes I et II, et chez lesquels une sélection positive dans
le thymus ne pouvait avoir lieu.
L’alloréactivité représente donc la réactivité croisée des récepteurs de cellule T
avec des complexes peptide étranger:CMH étranger (Fig. 5.21). L’interaction est,
cependant, influencée par le peptide aussi bien que par la molécule du CMH.
D’une part, des cellules T alloréactives interagissent fortement avec un complexe
peptide:CMH, mais non avec la même molécule du CMH étranger ayant lié un
peptide différent (voir Fig. 5.21, panneau central). De telles cellules T alloréactives
pourraient être activées par des peptides liés à des molécules d’un CMH étranger
d’un tissu greffé même si ces peptides diffèrent de ceux qui se lient au CMH auto-
logue. D’autre part, des cellules T alloréactives indépendantes du peptide intera-
gissent avec des molécules de CMH étranger quelle que soit la nature du peptide
(voir Fig. 5.21, panneau de droite). En pratique, des réponses alloréactives contre
un organe greffé représentent probablement l’activité de nombreuses cellules T
alloréactives de chaque type, et il est impossible de déterminer la part prise dans
la réaction par chaque type de reconnaissance.
peptide
Fig. 5.22 Les superantigènes se lient CMH de classe II et le superantigène de
directement aux récepteurs de la cellule T et l’entérotoxine staphylococcique (SE), produite
Vα aux molécules du CMH. Les superantigènes par superposition des structures séparées
peuvent se lier aux molécules du CMH de d’un complexe entérotoxine:CMH de classe II
Vβ
classe II et aux récepteurs des cellules T, en et d’un complexe entérotoxine:récepteur de
interagissant avec le domaine Vβ du récepteur cellule T. Les deux molécules d’entérotoxines
de cellule T (TCR) loin des régions déterminant (SEC3 et SEB) sont montrées en turquoise
la complémentarité et avec les faces externes et en bleu liées à la chaîne α de classe II
de la molécule du CMH de classe II en dehors (en jaune) et à la chaîne β du récepteur de
du site de liaison au peptide (panneaux cellule T (domaine Vβ en gris et domaine Cβ
Cβ supérieurs). Le panneau inférieur montre en rose). Modèle moléculaire de H.M. Li,
une reconstruction de l’interaction entre le B.A. Fields et R.A. Mariuzza.
récepteur d’une cellule T, une molécule du
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 207
La plupart des gènes polymorphes codent des protéines différant seulement d’un
ou de quelques acides aminés, tandis que les différents variants alléliques des pro-
téines du CMH peuvent différer de 20 acides aminés. Le polymorphisme étendu
des protéines du CMH a probablement évolué pour contrer les mécanismes
d’échappement des pathogènes. Les pathogènes peuvent contourner la réponse
immune, soit en évitant d’être détectés, soit en supprimant la réaction qu’ils susci-
tent. La nécessité pour les antigènes des pathogènes d’être présentés par les molé-
cules du CMH fournit deux voies possibles d’évasion à la détection. L’une intervient
par des mutations des protéines modifiant toutes les séquences peptidiques capa- Syndrome de choc toxique
bles de se fixer aux molécules du CMH. Le virus Epstein-Barr fournit un exemple
de cette stratégie. Dans les régions du Sud-est de la Chine et en Papouasie-
Nouvelle-Guinée, dans des petites populations isolées, 60 % des individus portent
l’allèle HLA-A11. De nombreux isolats du virus Epstein-Barr obtenus à partir de
cette population ont des mutations dans un épitope peptidique dominant norma-
lement présenté par HLA-A11. Les peptides mutés ne se fixent plus à HLA-A11 et
ne peuvent pas être reconnus par des cellules restreintes au HLA-A11. Cette straté-
gie est beaucoup moins efficace en cas de grande diversité des molécules du CMH.
Aussi, ces différents locus codant des protéines de fonctions voisines pourraient
être apparus au cours de l’évolution comme une adaptation à cette stratégie des
pathogènes.
Dans de larges populations non consanguines, le polymorphisme à chaque locus
peut potentiellement doubler le nombre des différentes molécules du CMH expri-
mées par un individu, puisque la plupart sont hétérozygotes. Le polymorphisme
présente un avantage supplémentaire car les individus dans une population don-
née différeront par les combinaisons de molécules du CMH qu’elles expriment et
présenteront donc différentes gammes de peptides de chaque pathogène. Il est
donc improbable que tous les individus d’une population aient la même suscep-
tibilité à un pathogène donné, ce qui limite sa diffusion. L’exposition aux pathogè-
nes durant l’évolution peut sélectionner l’expression d’allèles particuliers du CMH
comme l’indique la forte association entre l’allèle HLA-B53 avec la résistance à une
forme potentiellement létale de paludisme ; cet allèle est très commun en Afrique
de l’Ouest, où la malaria est endémique, et rare ailleurs, où les formes mortelles
sont peu communes.
Des arguments similaires s’appliquent à une seconde stratégie utilisée par les
pathogènes pour éviter d’être reconnus. Ceux qui bloquent la présentation de
leurs peptides par les molécules du CMH peuvent éviter la réponse immune adap-
tative. Les adénovirus codent une protéine qui se lie aux molécules du CMH de
classe I dans le réticulum endoplasmique et prévient leur transport à la surface
cellulaire, empêchant ainsi la reconnaissance des peptides viraux par les cellules T
cytotoxiques CD8. Cette protéine de liaison au CMH doit interagir avec une région
208 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
En plus des gènes très polymorphes dits ‘classiques’ du CMH des classes I et II, de
nombreux gènes ‘non classiques’ sont situés dans le même locus (voir Fig. 5.13) ;
ils codent des molécules de type classe I qui sont relativement peu polymorphes
(voir Fig. 5.14) et dont plusieurs n’ont pas encore de fonction connue. Ils sont liés
à la région du CMH de classe I et leur nombre varie beaucoup entre les espèces et
même entre les membres d’une même espèce. Ces gènes ont été appelés gènes du
CMH de classe Ib ; comme les gènes du CMH de classe I, beaucoup, mais pas tous,
codent des molécules à la surface de la cellule associées à la β2-microglobuline.
Leur expression sur les cellules est variable, à la fois dans leur densité à la surface
et dans leur distribution tissulaire. La Fig. 5.23 décrit les caractéristiques de plu-
sieurs gènes du CMH de classe Ib
Une des molécules du CMH de classe Ib de la souris, H2-M3, peut présenter des
peptides avec des acides aminés aminoterminaux N-formylés, ce qui est inté-
ressant car la plupart des bactéries commencent leur synthèse protéique avec la
N-formylméthionine. Les cellules infectées par des bactéries du cytosol peuvent être
tuées par des cellules T CD8 qui reconnaissent les peptides bactériens N-formylés fixés
à H2-M3. On ignore s’il existe un équivalent du CMH de classe Ib chez l’homme.
Deux autres gènes murins du CMH de classe Ib étroitement apparentés, T22 et T10,
sont exprimés par des lymphocytes activés et sont reconnus par une sous-popula-
tion de cellules T γ:δ. On ne connaît pas la fonction des protéines T22 et T10 ; on a
proposé que cette interaction permettrait la régulation de lymphocytes activés.
D’autres gènes situés dans le CMH codent des composants du complément (par
exemple, C2, C4 et le facteur B) et certaines cytokines, par exemple, le TNF-α
(Tumor Necrosis Factor-α) et la lymphotoxine (TNF-β), qui exercent des fonctions
immunitaires importantes. Ces gènes sont situés dans la région dite du « CMH de
classe III » (voir Fig. 5.13).
De nombreuses études ont mis en évidence des associations entre la susceptibilité
à certaines maladies et des allèles particuliers de gènes du CMH (voir Chapitre 14),
et nous commençons à comprendre comment le polymorphisme des gènes du
CMH classique des classes I et II peut conditionner la résistance ou la suscepti-
bilité à ces maladies. Pour la plupart des prédispositions à l’une ou l’autre affec-
tion ou pour certains caractères influencés par le CMH, on connaît ou suspecte
une relation avec le système immunitaire, mais ce n’est pas toujours vrai ; plu-
sieurs gènes du CMH n’ont aucune relation connue avec la fonction immunitaire.
Par exemple, le gène de classe Ib M10 code une protéine qui est reconnue par des
récepteurs de phéromone dans l’organe voméronasal. M10 pourrait donc influen-
cer le choix du partenaire sexuel, un comportement lié au locus du CMH chez les
rongeurs.
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 209
Le gène de HLA-H, rebaptisé HFE (voir Fig. 5.23), se trouve à environ 3 × 106 pai-
res de base de HLA-A. La protéine correspondante est exprimée sur les cellules du
tractus intestinal et régule l’absorption de fer dans l’organisme, très probablement
par des interactions avec le récepteur de la transferrine qui réduisent son affinité
pour la transferrine chargée de fer. Les individus chez qui ce gène est défectueux
sont atteints d’une maladie liée au stockage de fer, l’hémochromatose héréditaire,
dans laquelle le fer s’accumule dans le foie et d’autres organes en quantité trop
élevée. Des souris déficiences en β2-microglobuline, et ne pouvant donc exprimer
aucune des molécules de classe I, ont aussi une surcharge en fer. Un autre gène du
CMH impliqué dans une fonction non immunitaire code l’enzyme 21-hydroxylase
dont la déficience cause l’hyperplasie congénitale des surrénales et, dans les cas
graves, le syndrome de perte de sel. Même dans les cas où un gène lié à une maladie
est clairement homologue de gènes du système immunitaire, comme c’est le cas
avec HFE, le mécanisme de la maladie peut être indépendant du système immu-
nitaire. Les associations de maladie au CMH doivent donc être interprétées avec
prudence à la lumière d’une compréhension détaillée de la structure génétique et
des fonctions de chacun des gènes concernés. Il reste encore beaucoup à appren-
dre à ce propos et sur l’impact de toute la variation génétique du CMH. Par exem-
ple, chez l’homme, le composant C4 du complément est produit en deux versions,
C4A et C4B, et le nombre de gènes de chaque type varie d’un individu à l’autre. On
ne comprend pas la signification adaptative de cette variabilité génétique.
Certains gènes de classe Ib, par exemple les membres de la famille des gènes MIC,
sont sous des contrôles différents des gènes classiques du CMH de classe I et sont
induits en réponse au stress cellulaire comme le choc thermique. Parmi les cinq
gènes MIC, seuls deux, MICA et MICB, sont exprimés et produisent des protéi-
nes (voir Fig. 5.23) dans les fibroblastes et dans les cellules épithéliales, particu-
lièrement dans la muqueuse intestinale, et jouent un rôle dans l’immunité innée
ou dans l’induction de réponses immunes lorsque les interférons ne sont pas pro-
duits. Les molécules MIC-A et MIC-B sont reconnues par le récepteur NKGD2 des
cellules NK, des cellules T γ:δ et de certaines cellules T CD8 et peuvent activer
ces cellules pour qu’elles tuent les cibles exprimant MIC. Le récepteur de MIC est
composé de deux chaînes. NKG2D est un membre ‘activateur’ de la famille NKG2
des récepteurs des cellules NK ; son domaine cytoplasmique est dépourvu de la
séquence inhibitrice présente dans les autres membres de cette famille, qui agis-
sent comme récepteurs inhibiteurs (voir les Sections 2-31 et 2-32). NKG2D est cou-
plé à la protéine adaptatrice DAP10, qui transmet le signal à l’intérieur de la cellule
en interagissant avec la phosphatidylinositol 3-kinase.
Une petite famille de protéines humaines appelées ULBP (UL16-Binding Proteins)
ou protéines RAET1 (voir Fig. 5.23) est apparentée aux molécules du CMH de classe I
mais de manière assez éloignée ; les protéines homologues chez la souris sont appe-
lées Rae1 (Retinoic acid early inducible 1) et H60. Ces protéines lient également le
récepteur NKG2D, comme décrit dans la Section 2-32. Elles semblent être exprimées
dans des conditions de stress cellulaire, par exemple lorsque les cellules sont infec-
tées par des agents pathogènes ou sont transformées. En exprimant ULBP, des cellu-
les stressées ou infectées peuvent activer NKG2D sur les cellules NK, les cellules T γ:δ
CD8 et les cellules T α:β cytotoxiques CD8 et ainsi être reconnues et éliminées.
La molécule humaine HLA-E du CMH de classe Ib et son homologue murin Qa-1
(voir Fig. 5.23) jouent un rôle spécialisé dans la reconnaissance cellulaire par les
cellules NK. HLA-E et Qa-1 lient un assortiment très restreint de peptides non poly-
morphes, appelés Qdm (Qa-1 determinant modifier), qui sont dérivés des peptides
de tête d’autres molécules HLA de classe I. Ces complexes peptides:HLA-E peuvent
se lier au récepteur NKG2A, présent sur les cellules NK et associé à la molécule de
210 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
T22 Régulation de
Splénocytes Oui Bas Aucun TCR γ:δ
T10 splénocytes activés
Peptides de
NKG2A Inhibition
HLA-E Qa-1 Ubiquitaire Oui Bas tête du CMH
NKG2C des cellules NK
(Qdm)
MULT1
Ligand induit activateur
ULBPs H60, Limitée Non Bas Aucun NKG2D
de cellule NK
Rae1
Contrôle
MR1 MR1 Ubiquitaire Oui Aucun Inconnue LILRB2 de la réaction
inflammatoire
Récepteur de
HFE HFE Foie et intestin Oui Bas Aucun Homéostasie du fer
la transferrine
Transfère l’IgG
Interface
FcRn FcRn Oui Bas Aucun Fc (IgG) maternelle au fœtus
fœtomaternelle
(immunité passive)
ZAG ZAG Liquide corporel Non Aucun Acide gras Homéostasie lipidique
Fig. 5.23 Les protéines du CMH de classe Ib et leurs fonctions. Les de certaines protéines du CMH de classe Ib n’ont pas de lien avec les
protéines du CMH de classe Ib sont codées par des gènes présents dans réponses immunitaires, mais beaucoup interviennent dans l’immunité
le locus CMH mais aussi dans d’autres chromosomes. Les fonctions innée en interagissant avec des récepteurs des cellules NK (voir texte).
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 211
Il semble que les protéines CD1 ont évolué comme une lignée séparée de molécu-
les présentatrices d’antigène capables de présenter des lipides et des glycolipides
microbiens aux cellules T. Tout comme les peptides sont chargés sur des protéi-
nes du CMH classique à différents endroits de la cellule, les différentes protéines
CD1 sont transportées différemment à travers le réticulum endoplasmique et des
compartiments d’endocytose donnant accès à différents antigènes lipidiques. Le
transport est régulé par une séquence d’acides aminés à l’extrémité du domaine
cytoplasmique de la protéine CD1, qui contrôle l’interaction avec les complexes
de protéines adaptatrices (AP, Adaptator-Protein). CD1a est dépourvu de ce motif
de liaison et gagne la surface de la cellule en étant transféré uniquement par le
compartiment endocytaire précoce. CD1c et CD1d ont des motifs qui interagis-
sent avec l’adaptateur AP-2 et sont transportés à travers les endosomes précoces
et tardifs; CD1d est également orienté vers les lysosomes. CD1b et le CD1d murin
lient AP-2 et AP-3 et peuvent être transportés à travers les endosomes tardifs, les
lysosomes et MIIC. Les protéines CD1 peuvent donc lier les lipides livrés et apprê-
tés dans la voie d’endocytose, par exemple par l’internalisation des mycobacté-
ries ou l’ingestion des lipoarabinomannans par le récepteur du mannose (voir la
Section 2.6).
Résumé.
Résumé du Chapitre 5.
comme les virus. Des antigènes exogènes, comme des antigènes viraux phagocy-
tés par des cellules dendritiques, peuvent être transférés à partir du système vési-
culaire dans le cytosol, un processus appelé présentation croisée aboutissant à la
présentation des peptides par des molécules du CMH de classe I. Cette voie est
importante pour l’activation initiale des cellules T CD8 par les cellules dendriti-
ques. Les cellules T CD4 reconnaissent les complexes peptide:CMH de classe II et
sont spécialisées dans l’activation d’autres cellules immunes effectrices, comme
les cellules B ou les macrophages, afin qu’elles agissent contre les antigènes étran-
gers ou les pathogènes qu’elles ont ingérés. Ainsi, les deux classes de molécules du
CMH transfèrent des peptides à partir de différents compartiments cellulaires vers
la surface de la cellule, où ils sont reconnus par divers types de cellules T, qui exer-
cent les fonctions effectrices appropriées.
Chaque classe de molécules du CMH comporte plusieurs gènes arrangés par grou-
pes à l’intérieur d’une plus grande région appelée complexe majeur d’histocom-
patibilité (CMH). Dans le CMH, les gènes des molécules du CMH sont étroitement
liés à des gènes impliqués dans la dégradation des protéines en peptides, la for-
mation du complexe entre un peptide et la molécule du CMH et le transport de
ces complexes à la surface cellulaire. Puisque les nombreux gènes différents pour
les molécules du CMH de classe I et de classe II sont hautement polymorphes et
sont exprimés de manière codominante, chaque individu exprime de nombreu-
ses molécules différentes du CMH de classe I et de classe II. Chaque molécule dif-
férente du CMH peut lier de manière stable une gamme de peptides différents, et
ainsi le répertoire du CMH de chaque individu peut reconnaître et lier de nombreux
peptides antigéniques différents. Du fait que le récepteur des cellules T interagit
avec un ligand combiné peptide:CMH, la reconnaissance par les cellules T est res-
treinte au CMH, de telle manière qu’une cellule T donnée est spécifique d’un pep-
tide particulier lié à une molécule particulière du CMH. Le locus du CMH contient
de nombreux gènes du CMH non classique, parmi lesquels beaucoup participent
aux réponses immunitaires en interagissant non seulement avec le récepteur de
cellule T mais aussi avec d’autres récepteurs comme NKG2D exprimé par les cellu-
les NK. Ces molécules du CMH de classe 1b peuvent lancer des signaux activateurs
ou inhibiteurs et participer à l’immunité innée et à l’immunorégulation.
214 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T
Questions.
5.1 Les molécules du CMH de classe I et de classe II ont une structure et des fonctions
homologues, mais diffèrent par leurs voies d’assemblage et de transfert à la surface
cellulaire. (a) Décrivez comment ces différences d’assemblage et de transfert
s’intègrent aux différentes fonctions des molécules de classe I et de classe II.
(b) Comment ces fonctions dépendent-elles de la source d’où le MHC de classe I ou
de classe II reçoit les peptides ? (c) Étant donné que le processus de présentation
croisée et l’autophagie peuvent rediriger des antigènes provenant de diverses
sources pour un apprêtement par d’autres voies, comment ces processus modifient-
ils votre réponse à (b) ?
5.2 Des pathogènes viraux ont acquis divers mécanismes pour échapper à la réponse
immunitaire. (a) Décrivez les étapes au cours desquelles les virus peuvent empêcher
la reconnaissance des antigènes viraux par les cellules T CD8, et donnez un exemple
précis pour chacun. (b) Parmi les exemples d’échappement viral présentés dans ce
chapitre, la plupart ont trait à des antigènes présentés par le CMH de classe I.
Pourquoi pourrait-il y avoir plus d’exemples d’inhibition virale de la présentation
d’antigène par le CMH de classe I que par le CMH de classe II ? (c) Suggérer une raison
qui expliquerait pourquoi les grands virus à ADN pourraient utiliser ces mécanismes
plus que ne le font les petits virus à ARN.
5.3 «Le CMH est un opéron de présentation antigénique.» Dans quelle mesure cette
déclaration est-elle une description correcte du CMH, et quels facteurs pourraient
être responsables de cette organisation ?
5.4 Un grand nombre de protéines codées dans le CMH existent dans la population en de
multiples formes, ou variantes alléliques. (a) Quels sont les événements génétiques
qui donnent naissance à cette variation et quelles sont ses conséquences
fonctionnelles ? (b) Dans certains cas, on trouve des combinaisons particulières
d’allèles de différents gènes du CMH à une fréquence beaucoup plus élevée que la
chance ne le laissait prévoir. Quels sont les mécanismes qui pourraient expliquer ce
constat ?
5.6 De nombreux gènes à l’extérieur du locus du CMH codent des protéines qui ont
une structure et des fonctions semblables à des protéines du CMH de classe I. (a)
Décrivez les types de cellules qui reconnaissent les diverses protéines du CMH «non
classique» et leurs fonctions. (b) Décrivez les types de ligand(s), s’il y en a, qui sont
présentés par ces diverses protéines.
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est codée en dehors du CMH et présente des lipides
microbiens à des cellules T restreintes à CD1.
5-16 Le polymorphisme du CMH élargit la gamme d’antigènes
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le développement
PARTIE III des répertoires
de récepteurs
des lymphocytes
matures
6
Signalisation
par les récepteurs
du système immunitaire
Des changements particuliers dans le milieu extracellulaire sont perçus par le sys-
tème immunitaire et entraînent son activation. Les cellules communiquent avec
leur environnement grâce à une grande variété de récepteurs de surface, qui recon-
naissent et lient des molécules présentes dans le milieu extracellulaire. Bien que
les récepteurs d’antigène des lymphocytes aient été historiquement les mieux étu-
diés, le mode opératoire d’une grande variété d’autres récepteurs des lymphocytes
et d’autres cellules du système immunitaire est aussi actuellement bien connu. Les
signaux intracellulaires générés par ces récepteurs et les processus par lesquels ils
modifient le comportement cellulaire constituent le sujet principal de ce chapitre.
Le défi auquel sont confrontées toutes les cellules qui répondent à des stimulus
extérieurs est de traduire ces interactions en changements dans le fonctionne-
ment cellulaire. Tous les signaux extracellulaires que nous allons considérer dans
ce chapitre sont reçus à la surface extérieure de la cellule et transmis par des récep-
teurs protéiques transmembranaires qui contribuent à convertir l’information
venant de l’extérieur de la cellule en un événement biochimique intracellulaire.
Une fois à l’intérieur de la cellule, le signal est transmis le long des voies de signa-
lisation intracellulaire qui consistent en divers modes d’interaction protéique.
Le signal est converti en diverses formes biochimiques selon un processus appelé
transduction du signal. Il se passe dans différents sites intracellulaires et est sou-
tenu et amplifié au fur et à mesure de sa progression vers sa destination. Pour les
voies de signalisation que nous allons considérer, la destination finale de la plu-
part des signaux est le noyau, et la réponse cellulaire principale est la modification
de l’expression génique. Les conséquences peuvent être : la synthèse de nouvel-
les protéines comme des cytokines, des chimiokines, des molécules d’adhérence
intercellulaire et d’autres protéines de surface cellulaire, ainsi que des événements
cellulaires comme la division, la différenciation et, dans certains cas, la mort.
Nous commencerons ce chapitre en considérant certains principes généraux de
signalisation intracellulaire. Nous décrirons ensuite les voies intervenant dans l’ac-
tivation d’un lymphocyte naïf lorsqu’il rencontre son antigène spécifique. En plus
des signaux qu’un lymphocyte reçoit par ses récepteurs d’antigène et ses corécep-
teurs, nous examinerons brièvement la signalisation costimulatrice nécessaire
pour activer les cellules T naïves et, dans la plupart des cas, les cellules B naïves.
Dans la dernière partie du chapitre, nous examinerons une sélection d’autres voies
de signalisation utilisées par les cellules du système immunitaire, entre autres cel-
les qui passent par les récepteurs de cytokine, les récepteurs de type Toll et les
récepteurs de mort menant à l’apoptose.
220 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
kinase
finale dans la voie d’activation aboutissant à la réaction cellulaire. Les protéine kinases
sont fortement impliquées dans la signalisation cellulaire, car la phosphorylation et la
déphosphorylation (le retrait d’un groupe phosphate) sont les moyens de régulation de
l’activité de nombreuses enzymes, des facteurs de transcription et d’autres protéines.
La phosphorylation joue aussi un rôle important dans le fonctionnement de la voie de
signalisation en formant des sites de liaison pour d’autres protéines de signalisation.
Des groupes phosphate sont enlevés de protéines par une large classe d’enzymes
appelées protéine phosphatases (voir Fig. 6.8). Différentes classes de protéine
phosphatases enlèvent les phosphates des trois types de résidus phosphorylés,
tyrosine, sérine et thréonine. La déphosphorylation spécifique par des phosphata-
ses est un moyen important de régulation des voies de signalisation en ramenant
une protéine à son état original et en éteignant ainsi la signalisation.
Après qu’un premier signal intracellulaire a été déclenché, l’information est trans-
mise aux cibles intracellulaires qui développeront la réponse cellulaire appropriée.
Principes généraux de la transduction du signal 223
SOS
totale. On pense qu’il s’agit de structures dynamiques qui peuvent changer de taille
et dont la composition protéique change constamment.
L’intérêt pour les radeaux lipidiques fut stimulé au début par la découverte qu’ils
étaient riches en certaines protéines de signalisation, ce qui suggère qu’ils seraient
des sites membranaires où les processus de signalisation se concentrent. Une possi-
bilité est que les récepteurs se déplacent dans les radeaux lipidiques pour faciliter leur
interaction avec d’importantes protéines de signalisation. De nombreuses protéi-
nes des radeaux ont des attaches lipidiques, ce qui suggère que leur enrichissement
dans les radeaux lipidiques est dû à leur association à ces lipides membranaires par-
ticuliers. Des protéines comme Thy-1, qui est liée à la membrane plasmique par du
glycosylphosphatidylinositol (GPI), se localisent de préférence dans les radeaux lipi-
diques, comme le font les protéines modifiées par des acides gras comme le palmi-
tate. Cependant, aucune de ces protéines n’est associée exclusivement aux radeaux,
puisqu’on les trouve aussi dans d’autres régions de la membrane.
Les mécanismes qui éteignent la signalisation sont tout aussi importants que ceux
qui l’induisent. La signalisation est le plus souvent arrêtée par la dégradation de cer-
taines protéines cibles ou par la déphosphorylation des protéines de signalisation
par des protéine phosphatases (Fig. 6.8). Les protéines sont le plus souvent destinées
à la destruction par liaison covalente d’une molécule, ou plus, d’une petite protéine,
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 227
l’ubiquitine. Celle-ci s’attache aux résidus lysine sur les protéines cibles par des
enzymes appelées ubiquitine ligases, qui déterminent aussi la spécificité du subs-
trat de la réaction. Une ubiquitine ligase importante en immunologie est Cbl, qui
sélectionne ses cibles par son domaine SH2. Cbl peut ainsi lier des cibles spécifiques
dont les tyrosines sont phosphorylées, provoquant leur ubiquitinylation. Des protéi-
nes qui reconnaissent l’ubiquitine dirige les protéines ubiquitinylées dans les voies
de dégradation. Les protéines membranaires marquées par l’ubiquitine, comme des
récepteurs, sont dégradées dans les lysosomes. Le marquage par l’ubiquitine des
protéines cytosoliques les envoient dans les protéasomes (voir Fig. 6.8).
Résumé.
Les récepteurs de la surface cellulaire servent de ligne de front pour les interac-
tions de la cellule avec son environnement, détectant les événements extracellulai-
res et les convertissant en signaux biochimiques pour la cellule. Comme la plupart
des récepteurs sont situés sur la membrane plasmique, une phase critique dans la
transduction des signaux extracellulaires vers l’intérieur de la cellule est le recrute-
ment de protéines intracellulaires à la membrane ainsi que des changements dans
la composition de la membrane entourant le récepteur. Une fois à l’intérieur de la
cellule, le signal est transmis plus loin par des protéines intracellulaires, qui for-
ment souvent de grands complexes multiprotéiques, la composition particulière du
complexe déterminant le caractère de la réponse à la signalisation. La formation de
complexes de signalisation est assurée par une grande diversité de domaines d’in-
teraction entre protéines. Dans de nombreux cas, le signal est amplifié à l’intérieur
de la cellule par la production enzymatique de petites molécules servant d’inter-
médiaires appelées messagers secondaires. L’arrêt de la signalisation implique une
déphosphorylation protéique et une dégradation régulée de la protéine.
le récepteur de cellule T. Ces chaînes variables ont une spécificité étroite pour
IgM liée à la membrane (mIgM)
l’antigène, mais aucune capacité intrinsèque de transmettre un signal. Dans le
complexe antigène–récepteur tout à fait fonctionnel, elles sont associées à des pro-
reconnaissance
téines accessoires invariantes qui déclenchent la signalisation lorsque les récep-
teurs lient l’antigène extracellulaire. L’assemblage à ces protéines accessoires est
aussi essentiel pour le transport du récepteur à la surface cellulaire. Dans cette
partie du chapitre, nous décrivons la structure des complexes antigène–récepteur
sur les cellules B et les cellules T et les voies de signalisation qui en proviennent.
chaîne légère
La liaison d’un antigène à un lymphocyte naïf n’est pas suffisante pour son activa-
chaîne lourde tion. Aussi, nous décrirons également la signalisation à partir des corécepteurs et
des récepteurs costimulateurs qui contribuent à l’activation d’un lymphocyte naïf.
Igβ Igα
Afin de développer une réaction immunitaire efficace, les cellules T et les cellu-
les B doivent être capables de répondre à leur antigène spécifique même lorsqu’il
est présent en quantité extrêmement faible. Ce qui est particulièrement important
pour les cellules T, car les cellules présentatrices d’antigène exposent à leur surface
de nombreux complexes peptide:CMH différents provenant de protéines autolo-
gues et étrangères. Ainsi, le nombre de ces complexes spécifiques d’un récepteur
particulier de cellule T est probablement très faible. Une cellule T CD4 naïve peut
être activée lorsque environ 10 à 50 complexes sont présentés à la surface de la cel-
lule présentatrice d’antigène. Une cellule T cytotoxique CD8 effectrice est encore
plus sensible : son activité lytique peut apparemment être stimulée par 1 à 3 com-
plexes peptide:CMH sur sa cellule cible. Les cellules B sont activées lorsque envi-
ron about 20 récepteurs de cellule B sont engagés.
Les récepteurs d’antigène des lymphocytes sont associés à des tyrosine kinases et,
comme la Section 6-1 l’explique, la plupart des récepteurs de ce type sont activés
lorsqu’au moins deux protéines réceptrices se regroupent à la suite de l’interaction
avec le ligand. Dans le cas du récepteur des cellules B, la liaison d’un antigène mono-
valent à un seul complexe récepteur ne produira pas de signal. La signalisation n’est
déclenchée que lorsque au moins deux récepteurs sont pontés, ou interconnectés,
par un antigène polyvalent. Ceci fut démontré d’abord par des expériences utilisant
des anticorps spécifiques et des fragments d’anticorps comme ligands pour le récep-
teur (Fig. 6.11). Le regroupement des récepteurs de cellule B par leur interconnexion
active les tyrosine kinases associées et le déclenchement d’un signal intracellulaire.
On connaît moins bien comment la liaison de l’antigène stimule les cellules T ;
plusieurs mécanismes ont été proposés. Les expériences n’ont permis d’en écar-
ter aucun et tous pourraient intervenir en partie. Des anticorps qui se lient aux
230 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
CMH
de classe II
TCR
ne pas être requis ; la liaison à l’antigène induirait des changements dans la confor-
Cellule T
mation du récepteur de cellule T ou dans la composition du complexe de signali-
sation, ce qui produirait le signal (Fig. 6.12).
p-SMAC
D’autres propositions font à nouveau intervenir le regroupement. Par exemple,
une deuxième hypothèse est que la signalisation est lancée par la dimérisation des c-SMAC
récepteurs de cellule T lors de la reconnaissance, à la surface de la cellule pré-
sentatrice d’antigène, de « pseudo-dimères » composés d’un complexe peptide
antigénique:CMH et d’un complexe peptide du soi:CMH (voir Fig. 6.12).
Selon une troisième hypothèse, l’activation du récepteur dépend de la formation d’une
Cellule présentatrice d’antigène
synapse immunologique. Cette structure se forme autour du site de contact entre une
cellule T et sa cellule présentatrice d’antigène avec, en conséquence, une réorganisa-
tion des protéines membranaires de la cellule T (Fig. 6.13). Le récepteur de cellule T, le c-SMAC p-SMAC
corécepteur et les protéines de signalisation se concentrent au site de contact, tandis
que les protéines qui inhibent la signalisation, comme les tyrosine phosphatases, sont TCR
CD2
exclues. Dans certains cas, la surface de contact s’organise en deux zones : une zone CD4 LFA-1
centrale, appelée c-SMAC (central SupraMolecular Activation Complex) ou complexe CD8 ICAM-1
CD28 talin
d’activation supramoléculaire central, et une zone externe appelée p-SMAC (periphe-
PKC-θ
ral SupraMolecular activation complex) ou complexe d’activation supramoléculaire
périphérique. Le c-SMAC contient la plupart des protéines de signalisation importan-
tes pour l’activation des cellules T. Le p-SMAC se caractérise surtout par la présence de Fig. 6.13 Des protéines dans la zone de
contact entre la cellule T et la cellule
l’intégrine LFA-1 et d’une protéine du cytosquelette, la taline. La fonction de synapse présentatrice d’antigène forment une
immunologique fait l’objet actuellement de nombreuses recherches ; on pense qu’elle structure appelée synapse immunologique.
joue un rôle important dans la régulation de la signalisation. Comme nous le verrons Dans le centre de la zone de contact se
au Chapitre 8, elle est aussi impliquée dans la sécrétion dirigée des cytokines et des concentrent les récepteurs de cellule T,
les corécepteurs CD4 et CD8, le récepteur
cytotoxines par les cellules T effectrices en contact avec leur cellule cible. costimulateur CD28, la molécule d’adhérence
CD2 et la protéine de signalisation, la kinase
PKC-θ (voir la Section 6-16). Cette zone
6-10 La liaison de l’antigène entraîne la phosphorylation des séquences est désignée par le sigle c-SMAC (central
ITAM associées au récepteur d’antigène. SupraMolecular Activation Complex). En
dehors du c-SMAC, se trouve une zone
contenant l’intégrine LFA-1, la molécule
La phosphorylation des deux tyrosines dans les ITAM sert de premier signal intra- d’adhérence cellulaire ICAM-1 et la protéine
cellulaire annonçant que le lymphocyte a détecté son antigène spécifique. Comme du cytosquelette, la taline ; on désigne
cette zone par le sigle p-SMAC (peripheral
les voies de signalisation sont très semblables, nous allons d’abord nous concentrer
SupraMolecular Activation Complex).
sur les signaux transmis par les récepteurs de cellule T et suivre cette voie de signa-
lisation jusqu’au noyau. Nous nous intéresserons ensuite au récepteur de cellule B.
Dans la cellule T, deux protéine tyrosine kinases de la famille Src, Lck et Fyn, sont,
pense-t-on, responsables de la phosphorylation des ITAM dans le récepteur de cel-
lule T (Fig. 6.14). La plupart des molécules de Lck sont associées constitutivement
au domaine cytoplasmique des corécepteurs CD4 et CD8 (voir la Section 3-17), et
Fyn s’associe faiblement aux domaines cytoplasmiques des chaînes ζ et de CD3.
On ignore encore comment la reconnaissance de l’antigène rend Fyn et Lck capa-
bles de phosphoryler les ITAM, mais il est probable que cela demande un certain
regroupement des récepteurs (voir la Section 6-9).
La signalisation par le complexe du récepteur de cellule T est optimale lorsque
les corécepteurs CD4 ou CD8 y sont associés. CD4 se lie aux molécules du CMH
de classe II et ainsi se rapproche du récepteur de cellule T qui reconnaît le ligand
peptide:CMH de classe II (voir la Section 3-17). De même, CD8 se lie aux molé-
cules du CMH de classe I et se rapproche du récepteur de cellule T restreint au
CMH de classe I. L’association du récepteur de cellule T au corécepteur appro-
prié contribue à la stimulation de la transduction du signal en amenant la tyrosine
kinase Lck associée au corécepteur au contact des ITAM et d’autres cibles asso-
ciées aux domaines cytoplasmiques du complexe du récepteur de cellule T (voir
Fig. 6.14). On pense que les corécepteurs stabilisent l’interaction de faible affinité
entre le récepteur de cellule T et la molécule du CMH.
L’activation des kinases de la famille Src est la première étape dans la voie de signa-
lisation qui transmet le signal à de multiples molécules différentes. Comme de
232 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
CD4
CMH
de classe II
TCR
Cellule T
Fig. 6.14 Le regroupement des la chaîne ζ est phosphorylée et activée par Lck
corécepteurs avec le TCR peut amplifier (troisième panneau). La structure cristalline de
la phosphorylation du récepteur de CD4 suggère que lorsqu’un seul CD4 se lie à
cellule T. Lorsque le récepteur de cellule T un complexe peptide:CMH, la Lck associée au
et les corécepteurs sont groupés par liaison domaine cytoplasmique est trop éloignée pour
SH3 SH2 kinase aux complexes peptide:CMH à la surface phosphoryler le récepteur de cellule T lié à la
d’une cellule présentatrice d’antigène, le même molécule du CMH (notez que CD4 se
recrutement de la kinase Lck associée penche pour contacter une molécule du CMH).
au corécepteur et l’activation des kinases Ceci supporte l’idée que le regroupement
séquence associées au récepteur, comme Fyn, conduit du récepteur de cellule T et des molécules
intermédiaire à la phosphorylation des ITAM de CD3γ, δ et ε CD4 est nécessaire pour permettre à Lck
ainsi que de ceux de la chaîne ζ (premier de phosphoryler un récepteur de cellule T
et deuxième panneaux). La tyrosine kinase adjacent dans le groupe.
kinase ZAP- 70 en se liant aux ITAM phosphorylés de
SH3
nombreuses autres protéines de signalisation, les kinases de la famille Src sont
SH2
ancrées au feuillet interne de la membrane plasmique, ce qui facilite leur associa-
tion aux récepteurs. Les kinases Src sont adressées à la membrane par l’addition
post-traductionnelle de myristate ; certaines kinases Src sont modifiées en plus par
l’addition de palmitate, qui les adresse aux radeaux lipidiques (voir la Section 6-6).
+ un ligand de SH3 CD45
Les kinases de la famille Src ont un domaine SH3 et un domaine SH2 précédant
le domaine kinase, et des interactions intramoléculaires entre ces domaines et le
reste de la protéine les maintiennent inactives. Ces interactions dépendent de la
phosphorylation d’une tyrosine inhibitrice à l’extrémité carboxyterminale de la
protéine et de l’interaction des domaines SH3 avec un domaine de liaison entre
les domaines kinase et SH2 (Fig. 6.15). Une protéine tyrosine kinase appelée CSK
(C-terminal Src Kinase) phosphoryle la tyrosine inhibitrice. La déphosphorylation
PLC-γ
LAT
GADS
ZAP-70
SLP-76
Le motif YXXL / I phosphorylé est un site de liaison pour un domaine SH2 (voir Fig. 6.2)
et l’espacement précis des deux motifs dans un ITAM suggère qu’il s’agit d’un site
de liaison pour une protéine de signalisation pourvue de deux domaines SH2. Dans
les cellules T, c’est la tyrosine kinase ZAP-70 (ζ−chain-Associated Protein ou protéine
associée à la chaîne ζ) qui est responsable de la suite de la signalisation. ZAP-70 a
deux domaines SH2 qui se suivent et qui peuvent être engagés simultanément par
deux tyrosines phosphorylées de l’ITAM. L’affinité de la séquence YXXL phosphorylée
pour un seul domaine SH2 est faible ; la liaison par deux domaines SH2 à l’ ITAM dou-
blement phosphorylé est significativement plus forte et confère une spécificité à la
liaison de ZAP-70. Une fois recrutée au récepteur phosphorylé, ZAP-70 est phospho-
rylée et activée par la Src kinase, Lck, associée au corécepteur (voir Fig. 6.14).
Une fois activée, ZAP-70 phosphoryle les protéines échafaudage LAT (Linker of
Activated T cells ou connecteur des cellules T) et SLP-76. Celles-ci semblent fonc-
tionner de concert en étant unies par la protéine adaptatrice GADS. Cela paraît
important car l’activation des cellules T chez des souris dépourvues de GADS est
défectueuse. LAT est une protéine transmembranaire, ce qui facilite son interac-
tion avec ZAP-70 ; elle est modifiée après sa traduction par l’addition de palmitate,
qui favorise son interaction avec les radeaux lipidiques (voir la Section 6-6).
La phospholipase C-γ (PLC-γ) est une des molécules clé de signalisation recrutées
par la phosphorylation de LAT et de SLP-76 (Fig. 6.16). PLC-γ catalyse le clivage du
234 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
Fig. 6.17 L’enzyme phospholipase C-γ RE. La déplétion calcique du RE stimule alors
La phospholipase C-𝛄 (PLC-𝛄 clive le
clive les phospholipides à inositol pour l’ouverture de canaux calciques appelés CRAC
phosphatidylinositol bisphosphate (PIP2)
en diacylglycérol (DAG) donner deux molécules de signalisation dans la membrane plasmique, ce qui permet
et inositol trisphosphate (IP3) importantes. Le phosphatidylinositol l’entrée du Ca2+ du milieu extracellulaire. Ainsi,
bisphosphate (PIP2) est un composant de le calcium entre dans le cytoplasme en deux
l’intérieur du feuillet interne de la membrane phases, la première à partir des réserves
Ca2+ plasmique. Lorsque la phospholipase C-γ intracellulaires et la seconde à partir de
DAG (PLC-γ) est activée, elle clive PIP2en deux l’espace extracellulaire. DAG lie et recrute des
parties, l’inositol trisphosphate (IP3), qui protéines de signalisation à la membrane, les
diffuse loin de la membrane dans le cytosol, plus importantes étant le GEF de Ras, appelé
et le diacylglycérol (DAG), qui reste dans RasGRP, et une sérine / thréonine kinase
IP3 la membrane. Ces deux molécules sont appelée protéine kinase C-θ (PKC-θ, Protein
PIP2 importantes pour la signalisation. L’IP3 se lie Kinase C-θ). Le recrutement de RasGRP à la
à un récepteur membranaire du réticulum membrane plasmique active Ras, et l’activation
endoplasmique (RE) et ouvre des canaux de PKC-θ aboutit à l’activation du facteur du
calciques, permettant aux ions calciques (Ca2+) facteur de transcription NFκB.
PLC-γ lumière d’entrer dans le cytosol à partir des réserves du
du réticulum
endoplasmique
Cytosol lipide membranaire PIP2 (voir la Section 6-5) pour donner deux produits, le mes-
sager secondaire l’inositol 1,4,5-trisphosphate (IP3) et le lipide membranaire, le
L’IP3 ouvre les canaux calciques permettant diacylglycérol (DAG) (Fig. 6.17). DAG reste confiné à la membrane, mais diffuse
l’entrée du Ca2+ à partir du RE. La déplétion dans le plan de la membrane. IP3 diffuse dans le cytosol et se lie à des récepteurs
calcique du RE stimule l’ouverture des canaux
CRAC de la membrane plasmique, ce qui
(les récepteurs d’IP3) sur le réticulum endoplasmique où il stimule la libération
permet l’entrée du calcium extracellulaire du calcium dans le cytosol. La déplétion des réserves de calcium dans le réticu-
Milieu lum endoplasmique conduit à l’ouverture de canaux calciques dans la membrane
extracellulaire plasmique, permettant au calcium extracellulaire d’entrer dans la cellule (voir
Fig. 6.17). Ces canaux, dont la composition moléculaire reste à établir, sont dési-
gnés par le sigle CRAC (Calcium Release-Activated Calcium channels). On a mon-
CRAC tré récemment que le produit du gène ORAI1, qui est muté dans quelques cas
d’immunodéficience combinée sévère, faisait partie du canal CRAC.
L’activation de la PLC-γ représente une étape importante. En effet après ce point,
la voie de signalisation antigénique se divise en trois branches distinctes, cha-
cune aboutissant à l’activation d’un facteur de transcription différent. Ces voies de
signalisation ne sont pas restreintes aux lymphocytes ; elles sont utilisées dans de
nombreux types cellulaires différents. Les voies de signalisation à partir du récep-
teur de cellule T sont résumées dans la Fig. 6.18. Les actions combinées du calcium
et de DAG activent ces trois voies de signalisation. L’importance de leurs actions
DAG reste dans la membrane et recrute est illustrée par l’observation suivante. Un traitement des cellules T avec de l’acé-
PKC-𝛉 et RasGRP à la membrane tate de phorbol myristate (un analogue de DAG) et de l’ionomycine (un agent for-
mateur de pores qui permet au calcium extracellulaire d’entrer dans la cellule)
reconstitue largement les effets de l’activation des cellules T. Il n’est pas surprenant
que l’activation de PLC-γ, une phase centrale dans la voie de signalisation antigé-
nique, soit soumise à une série complexe de contrôles. Nous allons d’abord décrire
RasGRP ceux-ci, puis nous reviendrons aux stades terminaux de ces voies de signalisation.
PKC-θ
6-13 La PLC-γ est activée par des tyrosine kinases Tec.
La PLC-γ est recrutée à la membrane par liaison aux échafaudages phosphorylés LAT et
SLP-76 (voir Fig. 6.16), mais cela n’active pas son activité catalytique. L’activation requiert
une phosphorylation par un membre de la famille Tec de tyrosine kinases cytoplasmi-
ques. Trois kinases Tec sont exprimées dans les cellules lymphoïdes : Tec, Itk et la tyro-
sine kinase de Bruton (Btk, Bruton’s tyrosine kinase). Itk est exprimée surtout dans les
lymphocytes T. Elle est recrutée au complexe de signalisation du récepteur, où elle est
phosphorylée et activée by Lck. Les kinases Tec contiennent des domaines PH, SH2 et
SH3 et sont recrutées à la membrane plasmique par leur domaine PH, qui interagit avec
PIP3 à la face interne de la membrane cellulaire (voir Fig. 6.16). PIP3 est produit par acti-
vation de la PI 3-kinase, mais on ignore encore comment le récepteur des cellules T
Immunodéficience combinée active la PI 3-kinase. Un activateur important de la PI 3-kinase dans ce contexte est le
sévère liée à l’X récepteur costimulateur CD28, dont il sera question plus loin. Itk est aussi recrutée, par
ses domaines SH2 et SH3, aux échafaudages phosphorylés. Ainsi, l’activation coordon-
née de la PI 3-kinase et de la phosphorylation des tyrosines de l’échafaudage est requise
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 235
CD4
Complexe TCR-CD3
Fyn Lck
ZAP-70
Lck active ZAP-70, qui phosphoryle à son tour LAT et SLP-76. SLP-76 lie
et active la phospholipase C-γ (PLC-γ)
PLC-γ clive le phosphatidylinositol bisphosphate (PIP2) pour donner le diacylglycérol (DAG) et l’inositol trisphosphate (IP3)
DAG active la protéine kinase C-θ IP3 augmente la concentration intracellulaire DAG active RasGRP, qui à son tour active
de Ca2+, activant une phosphatase, la calcineurine une cascade des MAP kinases
La protéine-kinase C-θ active La calcineurine active un facteur de transcription La cascade des kinases déclenchée par Ras
un facteur de transcription NFκB, NFAT (Nuclear Factor of Activated T cells) induit et active Fos, un composant du facteur
de transcription AP-1
Les facteurs de transcription NFκB, NFAT et AP-1 induisent la transcription de gènes spécifiques, menant à la prolifération et à la différentiation de la cellule
Fig. 6.18 Schéma simplifié des voies intracellulaires de signalisation activée par Lck. ZAP-70 activée phosphoryle les protéines adaptatrices
déclenchées par le complexe du récepteur de la cellule T et par LAT et SLP-76, ce qui conduit au recrutement de PLC-γ à la membrane
son corécepteur. Le complexe du récepteur de cellule T et son à sa phosphorylation et activation par les kinases Tec. PLC-γ activée
corécepteur (CD4 dans cet exemple) sont associés aux protéine kinases déclenche trois voies importantes de signalisation qui aboutissent à
de la famille Src, respectivement Fyn et Lck. On pense que la liaison l’activation des facteurs de transcription dans le noyau. Ensemble,
du complexe peptide:CMH par le récepteur de la cellule T et par son NFκB, NFAT et AP-1 induisent une transcription génique entraînant la
corécepteur regroupe CD4 et l’ensemble du récepteur antigénique. La différenciation, la prolifération et des actions effectrices des cellules T. Ce
phosphorylation des ITAM dans CD3ε, γ et δ ainsi que dans les chaînes ζ schéma est une version très simplifiée des voies de signalisation ; il ne
leur permet de se fixer à la tyrosine kinase cytosolique ZAP-70. Celle-ci montre que les évènements principaux.
recrutée au complexe du récepteur de cellule T est phosphorylée et
236 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
petite Mek
protéine G
Erk
MAPKK
MAPK
Fig. 6.19 Les cascades des MAP kinases antigénique sont la protéine kinase C, une sérine / thréonine kinase, et la pro-
active des facteurs de transcription. Toutes
téine RasGRP, un facteur d’échange de GTP qui active spécifiquement la petite
les cascades de MAP kinases partagent les
mêmes caractéristiques générales. Elles protéine G, Ras (voir la Section 6-4). Nous examinerons d’abord la voie qui débute
sont déclenchées par une petite protéine G, par l’activation de RasGRP. Celle-ci active Ras, qui déclenche alors un système
qui passe d’un état inactif à un état actif relais de trois kinases souvent appelé cascade des MAP kinases ; il aboutit à l’ac-
suite à l’intervention d’un facteur d’échange
de nucléotide contenant la guanine (GEF,
tivation d’une sérine / thréonine kinase appelée MAP kinase (Mitogen-Activated
Guanine-nucleotide Exchange Factor). La Protein kinase ou kinase activée par des mitogènes) (Fig. 6.19). Ras activée lie et
petite protéine G active la première enzyme de active la première kinase du relais, et chaque kinase à son tour phosphoryle et
la cascade, une protéine kinase appelée MAP active la suivante. La première kinase (la MAP kinase kinase kinase ou MAPKKK)
kinase kinase kinase (MAPKKK). Comme son
nom l’indique, cette enzyme en phosphoryle
est une sérine / thréonine kinase ; dans la voie du récepteur d’antigène, elle est
une seconde, la MAP kinase kinase (MAPKK), appelée Raf. La kinase suivante dans le relais (MAP kinase kinase ou MAPKK)
qui à son tour phosphoryle et active la est une protéine kinase de spécificité double et appelée MEK ; elle phosphoryle
MAPK (premier panneau). Dans l’exemple à la fois une tyrosine et une thréonine dans la MAP kinase qu’elle active. La MAP
montré dans les trois panneaux de droite, le
GEF RasGRP active Ras, ce qui conduit à kinase particulière activée à la suite de ce relais dans les cellules B et les cellules T
l’activation successive des kinases Raf, Mek, est appelée Erk (Extracellular signal-related kinase ou kinase dépendante d’un
et Erk. L’activation de Erk par phosphorylation signal extracellulaire).
la libère du complexe, ce qui lui permet de
diffuser à l’intérieur de la cellule et d’entrer Activée par la voie de la PLC-γ, comme décrit plus haut, Ras peut l’être aussi
dans le noyau. La phosphorylation par Erk des par un autre facteur d’échange du GTP, SOS. Celui-ci est recruté par la protéine
facteurs de transcription aboutit à une nouvelle
transcription génique. adaptatrice Grb2 au complexe de signalisation entourant le récepteur antigéni-
que activé. Grb2 se lie à l’échafaudage phosphorylé LAT / SLP-76 dans les cellu-
les T ou la protéine de connexion, BLNK, fonctionellement analogue dans les
cellules B.
Une des fonctions les plus importantes de l’activation de la Ras–MAP kinase est
l’activation de facteurs de transcription et l’expression génique. L’activation de
Erk favorise la formation du régulateur de transcription AP-1, qui est un hétéro-
dimère dont chaque composant monomérique appartient aux familles des fac-
teurs de transcription Fos et Jun (Fig. 6.20). Erk activée stimule la transcription
de Fos par la phosphorylation du facteur de transcription Elk-1, qui coopère avec
un autre facteur de transcription, le facteur de réponse sérique, pour induire la
transcription du gène fos. Le facteur de transcription Jun est présent de manière
constitutive dans le cytoplasme. L’activation de la protéine kinase JNK aboutit à
la phosphorylation de Jun et à sa translocation dans le noyau, où il se combine à
Fos pour former AP-1. On ignore comment JNK est activée par la signalisation des
cellules T.
6-15 The facteur de transcription NFAT est activé indirectement par le Ca2+.
Nous allons examiner maintenant les voies de signalisation déclenchées par l’aug-
mentation de concentration du Ca2+ libre dans le cytosol (voir la Section 6-12). Le
Ca2+ active indirectement un facteur de transcription appelé NFAT (Nuclear Factor
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 237
Fig. 6.20 Le facteur de transcription AP-1 est c-Fos, stimulant sa transcription. En même
formé par la voie de signalisation Ras / MAP temps, la phosphorylation d’une autre MAP L’activation de la MAP kinase Erk lui permet
kinase. La phosphorylation de la MAP kinase kinase, la Jun kinase (JNK), lui permet de
d’entrer dans le noyau où elle phosphoryle
le facteur de transcription Elk-1. Elk-1
Erk activée par la cascade de la Ras–MAP phosphoryler le facteur de transcription
stimule la transcription du gène FOS
kinase permet à Erk d’entrer dans le noyau, c-Jun, qui est présent constitutivement dans
où elle phosphoryle le facteur de transcription le cytoplasme. c-Jun phosphorylé entre alors
Elk-1, qui se lie à l’élément de réponse sérique dans le noyau, où il dimérise avec c-Fos pour
(SRE, Serum Response Element) dans le former AP-1.
promoteur du gène du facteur de transcription Erk Cytoplasme
of Activated T cells ou facteur nucléaire des cellules T activées). Il s’agit d’une Elk-1
dénomination trompeuse car les facteurs de transcription NFAT sont exprimés de
manière ubiquitaire. NFAT est présent dans le cytoplasme de cellules au repos,
et en absence de signaux, il est maintenu là en raison de sa phosphorylation par
des sérine / thréonine kinases, entre autres la GSK3 (Glycogen Synthase Kinase 3) SRF
et la CK2 (Casein Kinase 2). La phosphorylation bloque la reconnaissance de la
Noyau SRE FOS
séquence de localisation nucléaire de NFAT, prévenant ainsi son entrée dans le
noyau (Fig. 6.21).
L’activation de la MAP kinase JNK lui permet
NFAT est libéré du cytosol par l’intervention d’une enzyme, la calcineurine, une de phosphoryler c-Jun, induisant sa
protéine sérine / thréonine phosphatase qui est activée par une augmentation du translocation dans le noyau où il peut
dimériser avec c-Fos pour former AP-1
Ca2+ libre intracellulaire qui accompagne l’activation lymphocytaire. La liaison de
Ca2+ à une protéine appelée calmoduline cause un changement de conformation
qui permet à la calmoduline de lier et d’activer une large diversité d’enzymes (voir
Fig. 6.21). Une d’elles est la calcineurine. La déphosphorylation de NFAT par la cal-
cineurine permet la reconnaissance de la séquence de localisation nucléaire, et c-Jun
JNK
NFAT entre dans le noyau (voir Fig. 6.18).
L’importance de NFAT dans l’activation des cellules T est illustrée par les effets
d’inhibiteurs sélectifs de la calcineurine appelés ciclosporine A et FK506 (tacroli-
mus). En inhibant la calcineurine, ces agents empêchent la formation d’une NFAT c-Fos
actif. Les cellules T expriment peu la calcineurine, aussi sont-elle plus sensibles à AP-1
l’inhibition de cette voie que de nombreux autres types cellulaires. La ciclospo-
rine A et FK506 agissent donc comme des immunosuppresseurs puissants avec
des effets secondaires limités. Ces agents sont largement utilisés pour prévenir le
rejet des greffes. Il en sera question au Chapitre 14.
calcineurin
NFAT calmodulin
238 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
CARMA1 BcL 10
PKC-θ MALT 1
IκB
Cytoplasme
NFκB
Noyau
Fig. 6.22 L’activation du facteur de transcription NFκB par le échafaudage appelée CARMA1, qui lie d’autres protéines (Bcl10, MALT1)
récepteur d’antigène est assurée par la protéine kinase C. NFκB pour former un complexe associé à la membrane qui recrute et active la
est présent dans une cellule non stimulée sous forme d’un dimère sérine / thréonine kinase l’IκB kinase (IKK), un complexe IKKα:IKKβ:IKKγ
constitué de deux membres de la famille des facteurs de transcription (NEMO). IKK phosphoryle IκB, ce qui induit son ubiquitinylation et le
Rel, typiquement Relp65 et Relp50, lié à un troisième composant, destine à la dégradation dans le protéasome. Libéré de IκB, NFκB peut
l’inhibiteur de κB (IκB), qui maintient NFκB dans le cytoplasme. Au migrer dans le noyau où il stimule la transcription des gènes appropriés.
cours de la signalisation déclenchée par l’antigène, la production de Une déficience de NEMO qui empêche l’activation de NFκB cause une
diacylglycérol (DAG) entraîne le recrutement à la membrane et l’activation immunodéficience, parmi d’autres symptômes.
de la protéine kinase C (PKC-θ). Celle-ci phosphoryle une protéine
CD28 signifie ainsi que les cellules T naïves ne peuvent être activées que par des cel-
lules présentatrices d’antigène professionnelles et non par d’autres cellules qui vien-
draient à présenter l’antigène à leur surface. Puisque les ligands costimulateurs sont
induits sur les cellules présentatrices d’antigène par des infections (voir Chapitre 2),
cela contribue aussi à assurer que les cellules T ne soient activées qu’en réponse à
l’infection. On pense que la signalisation par CD28 aide l’activation des cellules T
dépendant de l’antigène surtout en favorisant leur prolifération, la production de
cytokines et la survie des cellules T. Tous ces effets sont assurés par des motifs de
signalisation présents dans le domaine cytoplasmique de CD28.
Après son interaction avec les molécules B7, les tyrosines d’un motif YXXM de
CD28, différent des ITAM, sont phosphorylées, ce qui lui permet de recruter et
d’activer la PI 3-kinase (voir Fig. 6.28, panneau de gauche). Ce qui induit la pro-
duction de PIP3, qui recrute la sérine / thréonine kinase Akt (appelée aussi pro-
téine kinase B) à la membrane par le domaine PH deAkt (Fig. 6.6). Akt est activée et
peut alors phosphoryler diverses protéines en aval. Un de ces effets est de favoriser
Les facteurs de transcription NFκB, NFAT et AP-1 induisent la transcription de gènes spécifiques,
conduisant à la prolifération et à la différenciation de la cellule
242 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
réponses des cellules T. Des souris dépourvues de PD-1 développent progressive- Fig. 6.28 La protéine costimulatrice, CD28,
transmet différents signaux. Les ligands de
ment de l’autoimmunité, probablement en raison de leur incapacité de réguler l’ac-
CD28, B7.1 et B7.2, ne sont exprimés que sur
tivation des cellules T. Dans les infections chroniques, l’expression de PD-1 atténue des cellules présentatrices d’antigène (APC,
l’activité effectrice des cellules T ; ceci contribue à limiter les dommages potentiels Antigen-Presenting Cells) spécialisées comme
aux cellules saines, mais aux dépens de l’élimination du pathogène. PD-1 a deux ITIM les cellules dendritiques. La liaison de CD28
induit la phosphorylation de ses tyrosines,
cytoplasmiques qui sont phosphorylés après son interaction avec un ligand, et peut ce qui active la PI 3-kinase (PI3K) avec
recruter SHP et SHIP. BTLA est exprimé sur les cellules T et B activées. Comme PD-1 production subséquente de PIP3 et activation
et CTLA-4, BTLA transmet des signaux par les ITIM qui recrutent SHP. Cependant, de la protéine kinase Akt. Akt activée augmente
contrairement aux autres membres de la famille CD28, BTLA n’interagit pas avec les la survie de la cellule et régule à la hausse
son métabolisme. La tyrosine phosphorylée
ligands B7, mais lient un membre de la famille du récepteur du TNF (Tumor Necrosis peut aussi recruter l’adaptateur Grb2. Grb2
factor) appelé HVEM (Herpes Virus Entry Molecule ), qui est fortement exprimé sur les est lié à SOS, stimulant l’activation de Ras ou
cellules T au repos et sur les cellules dendritiques immatures. une autre molécule appelée Vav, un activateur
du cytosquelette d’actine. Finalement, des
D’autres récepteurs de structure différente, sur les cellules B et T, contiennent aussi motifs proline dans le domaine cytoplasmique
des ITIM et peuvent inhiber l’activation des cellules T lorsqu’ils interagissent avec peuvent se lier et stimuler l’activité de tyrosine
kinase de Lck et Itk.
leur ligand en même temps que l’activation du récepteur d’antigène. Un exemple
APC
B7
CD28
Cellule T
La liaison de CD28 induit la phosphorylation CD28 phosphorylé peut activer Ras Des résidus proline dans CD28 lient
de ses tyrosines, ce qui active la PI 3-kinase par le recrutement de Grb2 et activent Lck et Itk
Akt PIP3
RasGTP
PI3K
survie SOS Grb2 Lck or Itk
métabolisme
244 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
Résumé.
Les récepteurs d’antigène à la surface des lymphocytes sont des complexes multi-
protéiques dont les composants extracellulaires qui lient l’antigène interagissent
Fig. 6.29 Des récepteurs lymphocytaires avec des récepteurs accessoires qui sont responsables de la signalisation. Le trans-
de surface contiennent des motifs inhibant fert du signal par de nombreux récepteurs importants sur le plan immunologique
l’activation. De nombreux récepteurs
de transduction des signaux qui inhibent est assuré par un motif de signalisation contenant une tyrosine et appelé ITAM.
l’activation des lymphocytes ou des cellules NK L’ activation des récepteurs par un antigène induit la phosphorylation de l’ITAM par
contiennent des motifs appelés ITIM des kinases de la famille Src. L’ITAM phosphorylé recrute une autre tyrosine kinase,
(Immunoreceptor Tyrosine-based Inhibitory
ZAP-70, dans les cellules T et Syk dans les cellules B. L’ activation de ZAP-70 et de Syk
Motifs) dans leur queue cytoplasmique. Ils
s’attachent à diverses phosphatases qui, une conduit à la phosphorylation des échafaudages LAT et SLP-76 dans les cellules T et
fois activées, inhibent les signaux provenant BLNK dans les cellules B. La plus importante des protéines de signalisation recrutée
des récepteurs contenant des ITAM. et activée par ces échafaudages phosphorylés est la phospholipase C-γ, qui à l’état
activé produit l’inositol trisphosphate (IP3) et le diacylglycérol (DAG). IP3 joue un
rôle important en induisant des changements dans les concentrations intracellulai-
res de calcium, tandis que DAG est impliqué dans l’activation de la protéine kinase
C-θ et de la petite protéine G Ras. Ces voies aboutissent finalement à l’activation de
trois facteurs de transcription, AP-1, NFAT, et NFκB, qui ensemble induisent la trans-
cription de la cytokine IL-2, qui est essentielle à la prolifération et à la différenciation
du lymphocyte activé. Un important système de signalisation secondaire est fourni
par la famille CD28 des protéines costimulatrices, qui lient des membres de famille
de protéines B7. L’activation des membres de la famille CD28 est importante car elle
assure la stimulation des cellules T par la cellule cible appropriée. Des membres
inhibiteurs de cette famille et d’autres familles de récepteurs contiennent des motifs
inhibiteurs appelés ITIM qui interviennent pour atténuer ou bloquer complètement
la signalisation des récepteurs activateurs. L’expression régulée des récepteurs acti-
vateurs et inhibiteurs et de leur ligand constitue un système de contrôle sophistiqué
de la réponse immunitaire que l’on commence seulement à comprendre.
Une vaste classe de récepteurs de structure apparentée, la famille des récepteurs de l’hé-
mopoïétine, sont des récepteurs qui sont associés à une tyrosine kinase et qui forment
des dimères lorsqu’ils interagissent avec leur cytokine. Comme dans le regroupement
des récepteurs d’antigène, cette dimérisation lance une signalisation intracellulaire à
partir de la tyrosine kinase associée aux domaines cytoplasmiques du récepteur. Dans
certains types de récepteurs de cytokine, le dimère est composé de deux sous-unités
identiques ; dans d’autres, les deux sous-unités sont différentes. Une caractéristique
importante de la signalisation des cytokines est la grande diversité des combinaisons
dans différents récepteurs. La grande diversité des récepteurs utilisés dans la signalisa-
tion des cytokines est décrite plus en détail au Chapitre 8 (voir Fig. 8.35).
La seconde classe de récepteurs de cytokine comprend les récepteurs des cytokines
de la famille du TNF. Ceux-ci ont une structure sans relation avec celle des récep-
teurs décrits ci-dessus, mais doivent aussi être regroupés pour être activés. Les cyto-
kines de cette famille, comme le TNF-α et la lymphotoxine, sont des trimères, et leur
liaison induit le regroupement de trois sous-unités réceptrices identiques. Certaines
cytokines de la famille du TNF ne sont pas sécrétées, mais sont des protéines trans-
membranaires ou des protéines qui restent associées à la surface cellulaire.
Fig. 6.30 Des récepteurs de cytokine résidus tyrosine spécifiques pour produire des sites de liaison pour les protéines
déclenchent un signal par une voie pourvues de domaines SH2 (Fig. 6.30). Certains sites de tyrosine phosphorylée
rapide appelée voie JAK-STAT. De
nombreuses cytokines agissent par des recrutent des facteurs de transcription latents contenant des SH2 appelés STAT
récepteurs associés aux Janus kinases (JAK) (Signal Transducers and Activators of Transcription).
cytoplasmiques. Le récepteur se compose d’au
moins deux chaînes, chacune associée à une On a identifié sept STAT (1–5, 6a et 6b). La spécificité d’un STAT particulier pour
JAK spécifique (premier panneau). L’interaction un récepteur particulier est déterminée par la capacité du domaine SH2 de STAT
avec le ligand et la dimérisation des chaînes de reconnaître une séquence distinctive autour de la phosphotyrosine du récep-
du récepteur réunissent les JAK, qui s’activent
en se phosphorylant l’une l’autre. Les JAK teur activé. Le recrutement d’un STAT au récepteur activé rapproche STAT d’une
activées phosphorylent alors des tyrosines JAK activée, qui peut alors le phosphoryler et changer ainsi sa conformation, ce qui
dans les queues des récepteurs (deuxième permet à STAT de se lier à un autre STAT et de former un dimère. Les STAT peuvent
panneau). Les membres de la famille
constituer des homodimères ou des hétérodimères. Les dimères STAT phosphorylés
protéique STAT (Signal Transducers and
Activators of Transcription ou transducteurs se détachent de leur récepteur et entrent dans le noyau où, en tant que facteurs de
de signal et activateurs de transcription) transcription, ils stimulent l’expression de gènes sélectifs. Parmi les gènes régulés
s’attachent aux récepteurs phosphorylés et par les STAT, on trouve ceux qui contribuent à la croissance et à la différenciation de
sont elles-mêmes phosphorylées par les JAK
(troisième panneau). En se phosphorylant,
sous-populations particulières de lymphocytes. Un exemple de transcription spéci-
les protéines STAT dimérisent par liaison fique dépendant des STAT est le développement des cellules TH1 par l’intervention
des résidus phosphotyrosine aux domaines de STAT4, alors que STAT6 est requis pour le développement des cellules TH2.
SH2 et gagnent rapidement le noyau
(dernier panneau), où elles lient et activent la Les STAT sont activés non seulement pas des récepteurs de cytokine mais aussi par
transcription de divers gènes importants pour quelques autres types de récepteurs exprimés par des cellules immunitaires. De
l’immunité adaptative.
plus, la transcription assurée par STAT n’est pas la seule voie que des récepteurs de
cytokine peuvent ouvrir. Des récepteurs de cytokine peuvent, par exemple, activer
la voie de la Ras–MAP kinase et la voie du phosphatidylinositol. On connaît relati-
vement peu le mode d’activation de ces voies par les récepteurs de cytokine, mais
il est possible que la capacité de cytokines étroitement apparentées d’induire des
réponses biologiques distinctes résulte de l’activation sélective de différentes com-
binaisons de multiples voies possibles de signalisation.
Comme les cytokines exercent des effets si nombreux et si puissants, l’activation des
voies de signalisation par les cytokines doit être strictement contrôlée ; un défaut
de contrôle peut entraîner des effets pathologiques significatifs. Divers mécanis-
mes inhibiteurs spécifiques de cytokine assurent que les voies de signalisation des
Autres récepteurs et voies de signalisation 247
Les récepteurs de mort sont membres de la grande famille des récepteurs de TNF,
mais se distinguent des autres récepteurs de cette famille par un domaine conservé
appelé domaine de mort (DD, Death Domain) dans la partie cytoplasmique du
récepteur. Parmi ces récepteurs de mort exprimés par les cellules du système immu-
nitaire, Fas (CD95) et TNFR-I sont les mieux connus. Fas et son ligand FasL sont
exprimés largement et pas seulement dans le système immunitaire. La mort cellu-
laire dépendant de Fas survient dans de nombreuses circonstances, entre autres la
protection des sites privilégiés immunologiquement (voir Chapitre 11) ainsi que la
régulation et l’arrêt de la réponse immunitaire (voir Chapitre 8). La Fig. 6.31 montre
la voie de signalisation résultant de la stimulation de Fas par FasL.
Cette voie apoptotique débute par la liaison du FasL à Fas, ce qui entraîne la tri-
mérisation du récepteur. Les domaines de mort se lient spécifiquement entre eux,
et, en se regroupant, les domaines de mort de Fas recrutent des protéines adap-
tatrices qui contiennent à la fois un domaine de mort et un domaine additionel
qui peut lier une procaspase (voir Fig. 6.31). Chaque type de récepteur recrute
un adapteur spécifique ; celui de Fas est appelé FADD (Fas-Associated via Death
Domain ou associé à Fas par un domaine de mort). En plus du domaine de mort,
FADD contient un domaine appelé domaine effecteur de mort (DED, Death
Effector Domain), qui permet à FADD de recruter la caspase initiatrice, procaspase
8, directement par des interactions avec un domaine similaire dans l’enzyme. La
forte concentration locale de caspase 8 autour des récepteurs lui permet de se cli-
ver elle-même et ainsi de s’autoactiver. Une fois activée, la caspase 8 est libérée du
Fig. 6.31 La liaison du ligand de Fas complexe du récepteur et peut activer les caspases effectrices en aval.
à Fas déclenche la voie extrinsèque
d’apoptose. Le récepteur de surface Fas Une voie similaire, mais distincte, est utilisée par TNFR-I lorsqu’il est stimulé par
contient un domaine dit de mort dans sa son ligand, le TNF-α. Dans certaines cellules, la signalisation par TNFR-I induit
queue cytoplasmique. L’interaction du ligand l’apoptose, alors que dans d’autres, elle conduit à l’expression des gènes de réac-
de Fas (FasL) avec Fas trimérise le récepteur
(premier panneau). La protéine adaptatrice tion inflammatoire. On ignore encore ce qui détermine le choix entre l’apoptose
FADD (appelée aussi MORT-1) contient ou l’activation de la transcription génique. Selon une hypothèse, les deux répon-
également un domaine de mort et peut se ses différentes seraient régulées par deux complexes distincts de signalisation qui
lier aux domaines de mort regroupés de Fas peuvent être assemblés par TNFR-I. Dans les deux cas, les récepteurs recrutent
(deuxième panneau). FADD contient aussi
un domaine dit effecteur de mort (DED, d’abord un adaptateur appelé TRADD, puis les voies divergent. Lorsque TRADD
Death Effector Domain) qui lui permet de lie FADD, la voie conduit à l’apoptose comme dans la Fig. 6.32. Dans d’autres
recruter la procaspase 8 (qui contient aussi conditions, TRADD recrute une sérine / thréonine kinase appelée RIP (Receptor-
un domaine DED) (troisième panneau).
Interacting Protein ou protéine d’interaction avec le récepteur) et un adaptateur
Regroupées les procaspases 8 s’activent elles-
mêmes et libèrent une caspase active dans le appelé TRAF-2 (TNF Receptor Associated Factor-2 ou facteur-2 associé au récepteur
cytoplasme (non montré). du TNF). Utilisant une voie qui n’est pas encore connue, RIP permet l’activation de
Le regroupement des domaines de mort (DD) Les domaines effecteurs de mort (DED)
Le ligand de Fas (FasL) se lie à Fas
dans les domaines cytoplasmiques de Fas permet de FADD recrutent la procaspase 8
et le trimérise
à Fas de recruter FADD par son domaine de mort par des DED similaires dans la procaspase
FasL
Fas
domaine
de mort
FADD domaine
effecteur procaspase 8
domaine de mort (DED)
de mort
Autres récepteurs et voies de signalisation 249
NFκB par IKK. TRAF-2 stimule une voie de signalisation passant par la MAP kinase La liaison du TNF
qui aboutit à l’activation de JNK (Jun kinase) et du facteur de transcription Jun, un trimérise le TNFR, lui
composant du complexe AP-1 (voir Fig. 6.20). permettant de se lier
à l’adaptateur TRADD
TNF
6-26 La voie intrinsèque de l’apoptose dépend de la libération
du cytochrome c des mitochondries.
L’apoptose par la voie intrinsèque est déclenchée lorsque la cellule est soumise à
un stress par exposition à des stimulus nocifs ou ne reçoit pas les signaux extra- TNFRI
cellulaires qui sont nécessaires à sa survie. L’étape critique est la libération, par les
mitochondries, du cytochrome c, qui déclenche l’activation des caspases. Une fois
dans le cytoplasme, le cytochrome c lie une protéine appelée Apaf-1 (Apoptotic
protease activating factor-1 ou le facteur 1 activateur d’apoptose) dont il induit DD
l’oligomérisation. L’ oligomère Apaf-1 recrute alors une caspase initiatrice, la pro-
caspase 9. L’agrégation de la caspase 9 permet son autoclivage, et lui permet de sti- DED
muler l’activation des caspases effectrices comme dans les voies du récepteur de
mort (Fig. 6.33). TRADD
La libération du cytochrome c est contrôlée par des interactions entre les mem-
bres des protéines de la famille Bcl-2. Les protéines de la famille Bcl-2 se défi-
nissent sur base de la présence de un ou plusieurs domaines d’homologie Bcl-2
Dans une voie qui Dans une voie qui
(BH, Bcl-2 homology) ; elles se répartissent en deux groupes : certains membres aboutit à la mort, induit une
favorisent l’apoptose alors que d’autres l’inhibent (Fig. 6.34). Certains membres TRADD recrute FADD, transcription génique,
proapoptotiques de la famille Bcl-2, comme Bax, Bak, et Bok (que l’on appelle les ce qui conduit à TRAD recrute RIP et
l’activation de la TRAF2
« exécuteurs »), s’attachent aux membranes mitochondriales et peuvent déclen- caspase 8
cher directement la libération du cytochrome c. On ignore comment ils y parvien-
nent, mais ils pourraient former des pores dans les membranes.
Les membres antiapoptotiques de la famille Bcl-2 sont induits par un stimulus qui
favorise la survie de la cellule. La protéine antiapoptotique la mieux connue est
Bcl-2 elle-même. Le gène Bcl-2 fut d’abord identifié comme un oncogène dans un
lymphome à cellules B, et son expression excessive dans les tumeurs rend les cel-
lules plus résistantes au stimulus apoptotique et favorise leur progression vers un
cancer invasif et difficile à maîtriser. D’autres membres inhibiteurs comprennent
Bcl-XL et Bcl-W. Les protéines antiapoptotiques fonctionnent en s’attachant à la
FADD RIP
membrane mitochondriale et bloquent la libération du cytochrome c. Le méca-
nisme précis de l’inhibition n’est pas connu, mais il pourrait s’agir d’un blocage TRAF2
direct de la fonction des membres proapoptotiques.
D’autres membres proapoptotiques de la famille Bcl-2 sont les protéines « senti- TRADD TRADD
nelles » qui sont activées par un stimulus apoptotique. Une fois activées, ces pro- procaspase 8 NFκB, Jun
téines, qui comprennent Bad, Bid et PUMA, peuvent agir en bloquant l’activité des
protéines antiapoptotiques ou en stimulant directement l’activité d’exécuteur des
Fig. 6.32 La signalisation par le récepteur
protéines proapoptotiques.
du TNF, TNFR-I. Comme Fas, TNFR-I
contient un domaine de mort (DD, Death
Domain) cytoplasmique, qui recrute
6-27 Les microbes et leurs produits activent NFκB par l’intermédiaire l’adapteur TRADD, qui lui aussi contient un
des récepteurs de type Toll. domaine de mort. TRADD peut assembler
deux complexes différents de signalisation.
Par une interaction DD–DD, TRADD peut
Les 10 récepteurs de type Toll (TLR, Toll-like Receptors) chez l’homme (11 chez recruter FADD, entraînant l’activation de la
la souris) forment une classe de récepteurs de reconnaissance de motifs. Leurs caspase 8 et l’apoptose (panneau inférieur
ligands et leurs rôles dans l’immunité innée sont décrits en détail au Chapitre 2. gauche ; voir aussi Fig. 6.31). Dans une
seconde voie, TRADD peut aussi recruter une
Les TLR sont des protéines avec un seul segment transmembranaire, un domaine sérine / thréonine kinase appelée RIP et une
extracellulaire contenant de multiples copies de motifs riches en leucine et un protéine adaptatrice appelée TRAF-2. RIP
domaine cytoplasmique appelé TIR (Toll-IL-1 Receptor). Le motif TIR est aussi pré- active IKK, aboutissant à l’activation de NFκB.
sent dans le récepteur de la cytokine IL-1, ce qui suggère que les TLR et le récep- TRAF-2 stimule la voie de signalisation JNK,
avec la phosphorylation subséquente de Jun.
teur de l’IL-1 utilisent des voies de signalisation semblables. On ignore comment une voie est choisie plutôt
que l’autre.
La signalisation par les TLR induit diverses réactions qui régulent la produc-
tion de cytokines inflammatoires, de facteurs chimotactiques et de produits
250 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
TLR-4 peut aussi transmettre des signaux par une voie indépendante de MyD88
pour stimuler la production de la protéine antivirale, l’interféron (IFN)-β (voir la
Section 2-29). Comme le montre la Fig. 6.36, TLR4 peut recruter un autre adap-
teur contenant un domaine TIR, appelé TRIF. Comme MyD88, TRIF activé peut
se lier à TRAF-6 pour activer NFκB. Au contraire de MyD88, TRIF peut aussi se
lier à des kinases inhabituelles appelées IκKε et TBK1. Ces kinases activent des
facteurs de transcription appelés IRF (Interferon Regulatory Factors) qui stimu- Dysplasie ectodermique
lent la transcription de l’interféron (IFN)-β. Ainsi, l’adapteur TRIF permet la hypohidrotique
signalisation de TLR-4 menant à la production de l’IFN-β en plus de l’activation et immunodéficience liées à l’X
de NFκB.
LBP
LPS TLR-4
cascade des
MAP kinases
Fig. 6.36 Une signalisation indépendante à TRAF-6 et peut dès lors stimuler l’activation
L’association de TRIF L’association de TRIF de MyD88 à partir des TLR est assurée de NFκB. TRIF peut aussi activer deux
à TRAF-6 lui permet à des IKK appelées
par TRIF. TLR-4 peut aussi transmettre des sérine / thréonine kinases appelées IκKε et
d’activer NF𝛋B par I𝛋K𝛆 et TBK1 lui
permet de stimuler la signaux par une voie de signalisation dite TBK1. L’activation de ces kinases entraîne
IKK indépendante de MyD88. Dans cette voie, celle du facteur de transcription IRF (Interferon
production d’IFN-𝛃
TRIF, une protéine adaptatrice contenant un Regulatory Factor), qui stimule la transcription
domaine TIR, est recrutée au récepteur au du gène de l’interféron (IFN)-β.
lieu de MyD88. TRIF peut se lier directement
TRIF TRAF6
TRIF
connues, chacune interagissant avec différents récepteurs de surface et trans-
IκKε TBK1
mettant des signaux à différentes voies intracellulaires. Au repos, la protéine
IKK G est inactive, n’est pas associée au récepteur, et sa sous-unité α contient une
molécule de GDP. Lorsque le récepteur interagit avec son ligand, un change-
IRF-3 ment conformationnel du récepteur lui permet de se lier à la protéine G, ce qui
IκB entraîne le remplacement du GDP de la protéine G par le GTP. La protéine G se
p50 p65
dissocie alors en deux composants, la sous-unité α et le complexe des sous-uni-
NFκB tés β et γ ; chacun de ces composants peut interagir avec d’autres composants
cellulaires afin de transmettre et d’amplifier le signal. L’activité GTPasique intrin-
sèque de la sous-unité α entraîne l’hydrolyse du GTP en GDP, et permet ainsi
aux sous-unités α et βγ de se réassocier (Fig. 6.37). Puisque la cinétique d’hydro-
gène de l’IFN-β lyse intrinsèque du GTP par les sous-unités α est relativement lente, l’activité de
signalisation par les protéines G hétérotrimériques est régulée in vivo par une
famille de protéines activatrices de GTPase, dites RGS, qui accélèrent l’hydro-
lyse du GTP.
Les sous-unités des protéines G actives ont des cibles enzymatiques importantes :
l’adénylate cyclase, qui produit l’AMP cyclique comme messager secondaire ; la
phospholipase C, dont l’activation aboutit à la formation de l’IP3 et la libération
du Ca2+ ; des tyrosine kinases comme BTK et des régulateurs des protéines G de la
famille Ras. Ces messagers secondaires à leur tour activent diverses voies intracel-
lulaires qui modifient le métabolisme, la motilité, l’expression génique et la divi-
sion des cellules. Ainsi, l’activation des récepteurs couplés aux protéines G peut
aboutir à de multiples effets différents selon la nature précise du récepteur, des
protéines G qui interagissent avec lui et des diverses voies en aval qui sont activées
dans les différents types cellulaires.
Fig. 6.37 Les récepteurs à sept domaines transmembranaires le ligand se fixe au récepteur, celui-ci interagit avec le complexe de la
induisent une signalisation par couplage avec des protéines protéine G ce qui occasionne le remplacement du GDP par le GTP. Cela
hétérotrimériques liant le GTP. Les récepteurs à sept domaines déclenche la dissociation du complexe en deux parties, la sous-unité
transmembranaires, comme les récepteurs des chimiokines, induisent α et la sous-unité β / γ, les deux pouvant activer d’autres protéines à la
un signal par des protéines liant le GTP, appelées protéines G face interne de la membrane cellulaire. L’activation cesse quand l’activité
hétérotrimériques. À l’état inactif, la sous-unité α de la protéine G est GTPasique de la sous-unité α clive le GTP en GDP et permet aux sous-
liée au GDP et associée à deux autres sous-unités dites β et γ. Quand unités α et β / γ de se réassocier.
chimiokine
récepteur de chimiokine
α β
γ
GDP GTP
protéine G hétérotrimérique
Autres récepteurs et voies de signalisation 253
Résumé.
Résumé du Chapitre 6.
Questions.
6.3 Quels sont quelques-uns des avantages qu’offrent les complexes multiprotéiques
de signalisation pour la transduction du signal ?
6.5 Décrivez comment la phospholipase C-γ est activée par la signalisation provenant du
récepteur de cellule T.
6.6 Décrivez trois voies différentes utilisées par les cellules du système immunitaire
pour activer NFκB.
6.7 Citez au moins trois différences entre les signalisations par les récepteurs des
cellules T et des cellules B.
6.8 Pourquoi, à votre avis, des membres de la famille de CD28 sont-ils des régulateurs
positifs et négatifs de l’activation des cellules T ?
6.9 Comparez les voies intrinsèque et extrinsèque de l’apoptose tout en soulignant les
différences.
6.10 Suggérez quelques raisons qui expliqueraient pourquoi les voies de signalisation sont
si compliquées.
Lemmon, M.A.: Phosphoinositide recognition domains. Traffic 2003, 6-11 Dans les cellules T, des ITAM complètement phosphorylés
4:201–213. lient la kinase ZAP-70 et permettent son activation.
6-6 Les protéines de transduction du signal sont organisées Chan, A.C., Dalton, M., Johnson, R., Kong, G.H., Wang, T., Thoma, R.,
dans la membrane plasmique en structures appelées and Kurosaki, T.: Activation of ZAP-70 kinase activity by phosphorylation of tyro-
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6-7 La dégradation protéique joue un rôle important dans l’arrêt 6-12 ZAP-70 activée phosphoryle des protéines échafaudage
des réactions de signalisation. qui exercent en aval de nombreux effets de la signalisation
du récepteur d’antigène.
Ciechanover, A.: Proteolysis: from the lysosome to ubiquitin and the pro-
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the role of adapter proteins. Annu. Rev. Immunol. 2002, 20:371–394.
6-8 Les chaînes variables des récepteurs d’antigène
sont associées à des chaînes accessoires invariantes 6-13 La PLC-γ est activée par des tyrosine kinases Tec.
qui exercent la fonction de signalisation du récepteur. Berg, L.J., Finkelstein, L.D., Lucas, J.A., and Schwartzberg, P.L.: Tec family
kinases in T lymphocyte development and function. Annu. Rev. Immunol. 2005,
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6-10 La liaison de l’antigène entraîne la phosphorylation des 6-16 Le facteur de transcription NFκB est activé par la protéine
séquences ITAM associées au récepteur d’antigène. kinase C.
Irving, B.A., and Weiss, A.: The cytoplasmic domain of the T cell receptor Matsumoto, R., Wang, D., Blonska, M., Li, H., Kobayashi, M., Pappu, B., Chen, Y.,
zeta chain is sufficient to couple to receptor-associated signal transduction Wang, D., and Lin, X.: Phosphorylation of CARMA1 plays a critical role in T cell
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controls NF-κB activation. Immunity 2005, 23:561–574.
256 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire
6-17 La signalisation des récepteurs des cellules B et T repose 6-23 Des récepteurs de cytokine sont associés à la famille de
sur des principes communs, mais quelques éléments tyrosine kinases JAK, qui activent les facteurs
sont propres aux cellules B. de transcription STAT.
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257
Le développement et la survie
des lymphocytes 7
Comme les Chapitres 3 et 4 l’ont décrit, les récepteurs à l’antigène des lymphocytes B
et T possèdent des spécificités extrêmement diverses, ce qui permet à un individu de
répondre à la gamme étendue des pathogènes qu’il rencontrera au cours de sa vie. Ce
répertoire diversifié des récepteurs des cellules B et des cellules T est généré durant
leur développement à partir de leurs précurseurs respectifs. La lymphopoïèse, ou for-
mation de nouveaux lymphocytes, a lieu dans des tissus lymphoïdes spécialisés, les
tissus lymphoïdes centraux, la moelle osseuse pour les lymphocytes B et le thymus
pour les cellules T. Comme toutes les cellules hématopoïétiques, les précurseurs lym-
phocytaires proviennent de la moelle osseuse, mais tandis que le développement des
lymphocytes B s’y déroule presque complètement, les cellules T sont générées dans le
thymus à partir de cellules qui viennent de la moelle osseuse. Des cellules B trouvent
leur origine et se développent dans le foie fœtal et la rate néonatale. Certaines cellu-
les T qui forment des populations spécialisées dans l’épithélium intestinal peuvent
migrer comme précurseurs immatures à partir de la moelle osseuse pour se dévelop-
per dans des sites appelés « cryptoplaques » juste sous les cryptes épithéliales intesti-
nales. Ici, nous nous intéresserons surtout au développement des cellules B dérivées
de la moelle osseuse et des cellules T dérivées du thymus.
Chez le fœtus et le jeune, les tissus lymphoïdes centraux sont les sources d’un grand
nombre de nouveaux lymphocytes, qui migrent pour coloniser les tissus lymphoïdes
périphériques, c’est-à-dire les ganglions lymphatiques, la rate et les tissus lymphoï-
des des muqueuses. Chez les individus matures, le développement de nouvelles cel-
lules T dans le thymus ralentit, et le nombre de cellules T est maintenu par la longue
durée de vie individuelle des cellules T ainsi que par la division de cellules T matures
à l’extérieur des organes lymphoïdes centraux. De nouvelles cellules B, en revanche,
sont continuellement produites par la moelle osseuse, même chez les adultes.
Le chapitre 4 décrivait la structure des gènes du récepteur de l’antigène exprimés
par les cellules B et T, introduisait les mécanismes de contrôle des réarrangements
de l’ADN nécessaires pour assembler un récepteur d’antigène complet, et expli-
quait comment ces processus peuvent générer un répertoire des récepteurs de
l’antigène de grande diversité. Ce chapitre s’appuie sur cette base pour expliquer
comment les lymphocytes B et T se développent à partir d’un ancêtre commun à
travers une série d’étapes, et comment chacune de ces étapes teste le bon assem-
blage des récepteurs d’antigène.
Une fois qu’un récepteur de l’antigène a été formé, des tests rigoureux sont néces-
saires pour sélectionner les lymphocytes qui portent des récepteurs d’antigènes
utiles, c’est-à-dire des récepteurs d’antigènes capables de reconnaître les agents
258 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
pathogènes, mais qui ne réagissent pas contre les propres cellules de l’individu.
Étant donné l’incroyable diversité de récepteurs que le processus de réarrange-
ment peut générer, il est important que ces lymphocytes en voie de maturation
soient capables de reconnaître les antigènes étrangers et y répondre. En effet, une
personne ne peut exprimer au cours de sa vie qu’une petite fraction du répertoire
possible des récepteurs. Nous décrivons comment la spécificité et l’affinité du
récepteur pour des ligands du soi sont testées pour déterminer si les lymphocytes
immatures survivront et constitueront le répertoire mature, ou mourront.
La spécificité antigénique d’un lymphocyte donné est déterminée tôt au cours de
sa différenciation, quand les séquences d’ADN codant pour les régions variables
des immunoglobulines dans les cellules B, et des récepteurs T dans les cellules T,
sont assemblées à partir de segments de gènes, comme décrit dans le Chapitre 4. Ce
passage par un réarrangement génique explique que les premiers stades de déve-
loppement des cellules B et des cellules T suivent des lignes assez parallèles. Dans
les cellules B et T, cet aspect du développement est régulé de la même manière pour
qu’à la fois la diversité du répertoire de l’ensemble de la population des lympho-
cytes et la spécificité antigénique unique d’un lymphocyte donné soient assurées.
L’expression d’un récepteur d’antigène à la surface d’un lymphocyte marque un
grand tournant dans son développement, puisqu’il peut alors détecter les ligands
qui se lient à son récepteur. Dans la phase suivante du développement du lym-
phocyte, le récepteur est testé pour ses propriétés de reconnaissance antigénique
vis-à-vis des molécules présentes dans son environnement immédiat. La spécifi-
cité et l’affinité du récepteur pour ses ligands déterminent le destin du lymphocyte
immature : sélectionné, il survivra et se développera, sinon il mourra avant d’at-
teindre la maturité. En général, au cours de leur développement, les lymphocytes
dont les récepteurs interagissent faiblement avec les antigènes du soi ou les fixent
d’une façon particulière reçoivent un signal qui leur permet de survivre ; on parle
alors de sélection positive. Celle-ci est critique pour la différenciation des cellu-
les Tα:β, qui reconnaissent l’antigène sous forme de peptides fixés aux molécules
du CMH, ce qui garantit que les cellules T d’un individu seront aptes à répondre
aux peptides présentés par ses propres molécules du CMH.
À l’opposé, les lymphocytes dont les récepteurs se fixent fortement aux antigènes
du soi doivent être éliminés afin que ne surviennent pas des réactions auto-immu-
nes ; ce processus de sélection négative est une des voies par lesquelles le sys-
tème immunitaire est rendu tolérant au soi. En l’absence de toute stimulation des
récepteurs, la mort est le destin par défaut des lymphocytes en développement
et, comme nous le verrons, la grande majorité de ces lymphocytes meurent soit
avant d’émerger des organes lymphoïdes primaires, soit avant d’atteindre la matu-
rité dans les organes lymphoïdes périphériques.
Dans ce chapitre, nous décrirons les différentes étapes du développement des cel-
lules B et des cellules T chez la souris et chez l’homme à partir de la cellule souche
avant tout engagement jusqu’au lymphocyte mature spécialisé avec son récepteur
unique prêt à répondre à un antigène étranger. Les dernières étapes dans l’histoire
de la vie d’un lymphocyte mature, au cours desquelles une rencontre avec un anti-
gène étranger l’active pour qu’il devienne un lymphocyte effecteur ou mémoire,
sont décrites dans les Chapitres 8-10. Le présent chapitre est divisé en cinq parties.
Les deux premières décrivent respectivement le développement des cellules B et T.
Bien qu’il existe des similitudes dans ces deux processus, nous présentons les déve-
loppements des cellules B et T séparément dans la mesure où ils se déroulent dans
des compartiments lymphoïdes centraux séparés. Nous examinons ensuite les pro-
cessus de sélection positive et négative des cellules T dans le thymus. Puis, nous
décrirons le sort des lymphocytes nouvellement créés, lorsqu’ils quittent les orga-
nes lymphoïdes centraux et migrent vers les tissus lymphoïdes périphériques, où
leur maturation se poursuit. Les lymphocytes matures circulent continuellement
entre le sang et les tissus lymphoïdes périphériques (voir Chapitre 1) et, en l’absence
d’infection, leur nombre demeure relativement constant, en dépit de la production
continue de nouveaux lymphocytes. Nous présenterons les facteurs qui régissent
Développement des lymphocytes B 259
Le précurseur des cellules B La cellule B immature fixée Les cellules B activées donnent
réarrange ses gènes à un antigène cellulaire du soi La cellule B mature fixée naissance à des plasmocytes
d’immunoglobulines est éliminée du répertoire à un antigène étranger est activée et à des cellules mémoire
plasmocyte
IgM
IgD
cellule mémoire
cellule stromale
de la moelle osseuse
Fig. 7.2 Une cellule souche hématopoïétique naissance aux cellules NK et aux lymphocytes
Cellule
souche hématopoïétique (CSH) pluripotente génère toutes les T ou B, au long d’étapes successives de
cellules du système immunitaire. différenciation dans soit la moelle osseuse ou
Dans la moelle osseuse ou d’autres sites le thymus. Le progéniteur lymphoïde commun
hématopoïétiques, la cellule souche (PLC) est ainsi appelé parce qu’on pensait
pluripotente donne naissance à des cellules qu’il correspondait au stade qui génère à la
CSH dont le potentiel de différenciation est de plus fois les lignées des cellules B et des cellules T,
en plus un limité. Le progéniteur pluripotent mais même s’il peut donner naissance à des
(PPP), par exemple, a perdu ses propriétés de cellules T et cellules B en culture, il n’est pas
Progéniteur pluripotent cellule souche. La première branche conduit certain qu’il le fasse in vivo. Il y a peut-être
à des cellules avec le potentiel érythroïde et une souplesse considérable dans ces voies,
myéloïde d’une part (CFU-GEMM) et, d’autre en ce sens que, dans certaines circonstances,
part, au progéniteur lymphoïde précoce les cellules progénitrices peuvent changer
(PLP). Le premier donne naissance à tous les leur orientation. Par exemple, une cellule
PPP éléments cellulaires sanguins non lymphoïdes, progénitrice peut donner naissance à des
comprenant les monocytes et les granulocytes cellules B ou des macrophages ; cependant,
circulants ainsi que les macrophages et pour raison de simplicité, ces autres voies ne
les cellules dendritiques qui résident dans sont pas montrées. On pense que certaines
Progéniteur commun Progéniteur les tissus et dans les organes lymphoïdes cellules dendritiques proviendraient également
des granulocytes, lymphoïde secondaires (non montré). Le PLP peut donner de progéniteurs lymphoïdes.
mégacaryocytes précoce
et érythrocytes
Récepteur
de l’IL-7
FLT3
ligand de FLT3 CAM lgM
IL-7
CAM VLA-4 Kit
VCAM-1 SCF
Fig. 7.3 Les stades précoces du développement des cellules B stromales est requise pour le développement de la lignée des cellules B.
dépendent des cellules stromales de la moelle osseuse. L’interaction La chimiokine CXCL12 (SDF-1) intervient pour retenir les cellules
entre les progéniteurs des cellules B et les cellules stromales sont souches et les progéniteurs lymphoïdes auprès des cellules stromales
nécessaires au développement vers le stade de cellule B immature. Les appropriées dans la moelle osseuse. Les cellules progénitrices se
appellations, cellule pro-B et cellule pré-B, se réfèrent à des phases lient par l’intégrine VLA-4 à la molécule d’adhérence VCAM-1 sur les
définies du développement des cellules B, comme décrit dans la Fig. 7.6. cellules stromales et interagissent avec celles-ci par d’autres molécules
Les cellules progénitrices pluripotentes expriment le récepteur tyrosine d’adhérence cellulaires (CAM, Cell-Adhesion Molecule). L’adhérence
kinase FLT3, qui se fixe à son ligand sur les cellules stromales. La favorise la liaison du récepteur tyrosine kinase Kit (CD117) à la surface
signalisation par FLT3 est requise pour la différenciation au stade suivant, de la cellule pro-B au facteur de cellule souche (SCF, Stem Cell Factor)
le progéniteur lymphoïde commun. Le récepteur de l’interleukine-7 sur la cellule stromale, qui active la kinase et induit la prolifération des
(IL-7) est présent à partir de ce stade, et l’IL-7 produite par les cellules progéniteurs des cellules B.
(peut-être pas chez l’homme) et des cellules T chez la souris et chez l’homme. Un
autre agent essentiel est le facteur des cellules souches ou SCF (Stem Cell Factor),
une cytokine membranaire présente sur les cellules stromales et qui stimule la
croissance des cellules souches hématopoïétiques et des progéniteurs les plus
précoces de la lignée B. SCF interagit avec le récepteur tyrosine kinase Kit sur les
précurseurs (voir Fig. 7.3). La chimiokine CXCL12 (SDF-1, Stromal cell-Derived
Factor 1) est aussi essentielle pour les stades précoces du développement des cel-
lules B. Elle est produite constitutivement par les cellules stromales, et l’un de ses
rôles est peut être de retenir les précurseurs des cellules B dans le micro-environ-
nement de la moelle. La lymphopoïétine dérivée du stroma thymique ou TSLP
(Thymic Stroma-derived Lymphopoietin) ressemble à l’IL-7 et se lie à un récepteur
partageant la chaîne γ commune du récepteur de l’IL-7. La TSLP peut favoriser le
développement des cellules B dans le foie embryonnaire et, au moins durant la
période périnatale, dans la moelle osseuse de la souris.
Le progéniteur lymphoïde commun donne naissance à la cellule la plus précoce
de lignée B, la cellule pro-B (voir Fig. 7.3), dans laquelle le réarrangement des
gènes d’immunoglobulines commence. Le sort définitif de cellule B est spécifié
par l’induction du facteur des cellules B précoces ou EBF (Early B-cell Factor) et
E2A, un facteur de transcription spécifique de la lignée B, présent sous deux for-
mes provenant d’un épissage alternatif et appelées E12 et E47, (Fig. 7.4). On pense
que le signal transmis par l’IL-7 favorise l’expression d’E2A, qui coopère avec le
facteur de transcription PU.1 pour induire l’expression de EBF. Ensemble, E2A et
EBF dirigent l’expression des protéines qui caractérisent la cellule pro-B.
En même temps que les cellules de la lignée B arrivent à maturité, elles se dépla-
cent à l’intérieur de la moelle, restant en contact avec les cellules stromales. Les
cellules souches sont concentrées dans une région appelée l’endoste, adjacente à
la surface interne de l’os. Les cellules de la lignée B en développement entrent en
contact avec les cellules stromales réticulaires dans les espaces trabéculaires et, au
cours de leur maturation, elles migrent vers le sinus central de la cavité médullaire.
Les phases finales du développement des cellules B immatures en cellules B matu-
res se déroulent dans les organes lymphoïdes périphériques comme la rate.
262 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Progéniteur pluripotent Progéniteur lymphoïde commun Cellule propre à la lignée B Cellule pro-B
BLNK
FLT3 IL-7R CD19 Igα
Pax-5
PU.1 Ikaros
PU.1 E2A PU.1 EBF
E2A EBF
Fig. 7.4 Les stades précoces du 7-2 Le développement des cellules B commence par le réarrangement
développement de la cellule B chez la
souris sont gérés par des réseaux de du locus de la chaîne lourde.
régulation génique faits de facteurs de
transcription et de récepteurs de facteur de La cellule B se développe en passant par les stades suivants : la cellule pro-B précoce,
croissance. Les facteurs de transcription PU.1
et Ikaros exprimés dans la cellule progénitrice la cellule pro-B tardive, la grande cellule pré-B, la petite cellule pré-B et la cellule B
pluripotente favorisent l’expression de FLT3, mature (Fig. 7.5). Un seul locus est réarrangé à la fois, selon une séquence fixe. Les cel-
qui interagit avec un ligand exprimé sur les lules B et les cellules T réarrangent d’abord le locus qui contient les segments géniques
cellules stromales de la moelle osseuse (voir D ; pour les lymphocytes B, il s’agit du locus de la chaîne lourde d’immunoglobuline
Fig. 7.3). La signalisation de FLT3 agit de
concert avec PU.1 pour induire l’expression (IgH). Comme indiqué dans la Fig. 7.5, l’expression fonctionnelle d’une chaîne lourde
du récepteur de l’IL-7. L’IL-7, sécrétée par permet la formation du récepteur de la cellule pré-B, qui est le signal pour la cellule
les cellules stromales, est nécessaire à la de passer au stade suivant, le réarrangement du gène d’une chaîne légère. Les facteurs
croissance et à la survie des cellules B en
de transcription E2A et EBF dans la cellule pro-B précoce induisent l’expression de plu-
développement, chez la souris ; elle induit E2A
dans le progéniteur lymphoïde commun. Avec sieurs protéines importantes qui permettent le réarrangement génique, entre autres les
PU.1 et E2A, l’IL-7 induit ensuite l’expression composantes RAG-1 et RAG-2 de la V(D)J recombinase (voir Chapitre 4). Ainsi, E2A et
de EBF, qui identifie clairement les cellules de EBF permettent le début de la recombination V(D)J au locus de la chaîne lourde et donc
la lignée B, puis Pax-5, qui dirige l’expression,
par les cellules pro-B, de protéines spécifiques
l’expression d’une chaîne lourde. En absence d’EBF ou d’E2A, même l’étape la plus pré-
de la cellule B comme CD19, le composant coce dans le développement de la cellule B, la jonction de D à JH, ne peut se faire.
du corécepteur des cellules B, la protéine
de signalisation Igα, et BLNK, une protéine Une autre protéine clé induite par E2A et EBF est le facteur de transcription Pax-
adaptatrice (voir chapitre 6). 5, une isoforme de la protéine activatrice spécifique des cellules B, BSAP (B-cell-
Specific Activator Protein). Parmi les cibles de Pax-5, on trouve le gène de CD19,
un composant du corécepteur de la cellule B, et le gène de Igα, un élément de
signalisation du récepteur de la cellule pré-B et du récepteur de la cellule B (voir
la Section 6.8 ). En l’absence de Pax-5, les cellules pro-B ne parviennent pas à se
développer davantage, mais elles peuvent être orientées vers la lignée T et la lignée
myéloïde, ce qui indique que Pax-5 est requis pour l’engagement de la cellule pro-B
dans la lignée des cellules B. Pax-5 induit également l’expression de la protéine
adaptatrice, BLNK (B-Linker protein), une molécule de signalisation nécessaire à
la poursuite du développement de la cellule pro-B et à la signalisation provenant
du récepteur d’antigène des cellules B matures (voir la Section 6.17). La Fig. 7.6
décrit l’expression temporelle de certaines protéines de surface, de récepteurs et
de facteurs de transcription nécessaires au développement de la cellule B.
Bien que le système de la V(D)J recombinase fonctionne dans les lignées de cellules B
et T et utilisent la même base d’enzymes, des réarrangements des gènes de récepteur
de cellules T ne se produisent pas dans la lignée de cellules B, ni des réarrangements
complets de gènes d’immunoglobulines ne se produisent dans les cellules T. Les évé-
nements ordonnés de réarrangement qui se produisent sont associés à une faible trans-
cription des segments géniques propres à chaque lignée et sur le point d’être joints.
Le réarrangement du locus de la chaîne lourde d’immunoglobuline commence
dans les cellules pro-B précoces avec la jonction de D et de JH (Fig. 7.7). Ce qui
Développement des lymphocytes B 263
Cellule souche Cellule pro-B précoce Cellule pro-B tardive Grande cellule pré-B Petite cellule pré-B Cellule B immature Cellule B mature
se produit généralement pour les deux allèles du locus de la chaîne lourde ; à ce Fig. 7.5 Le développement des
cellules de la lignée B passe par
moment, la cellule devient une cellule pro-B tardive. La plupart des jonctions D à
différents stades marqués par le
JH chez l’homme sont potentiellement utiles car la plupart des segments géniques réarrangement et l’expression des gènes
D humains peuvent être traduits dans les trois cadres de lecture sans rencontrer d’immunoglobulines. La cellule souche
de codon stop. Ainsi, il ne faut pas de mécanisme spécial pour distinguer les jonc- n’a pas encore commencé à réarranger ses
segments de gènes d’immunoglobulines
tions D à JH réussies, et à ce stade précoce, il n’est pas nécessaire d’assurer qu’un (Ig) ; ils sont dans la configuration germinale
seul allèle soit réarrangé. En effet, étant donné le risque probable d’échec aux sta- comme ils le sont dans toutes les cellules
des ultérieurs, commencer avec deux séquences D-J réussies est avantageux. non lymphoïdes. Le locus de chaîne
lourde (chaîne H) se réarrange d’abord. Le
Afin de produire une chaîne lourde complète, la cellule pro-B tardive procède à un réarrangement d’un segment de gène D avec
second réarrangement, la jonction d’un segment génique VH à une séquence DJH. Au un segment de gène JH se produit tôt dans les
cellules pro-B, aboutissant aux cellules pro-B
contraire du réarrangement de D à JH, le réarrangement VH à DJH a lieu d’abord sur
tardives, dans lesquelles le réarrangement
un seul chromosome. Un réarrangement réussi conduit à la production de chaînes VH avec DJH se produit. Un réarrangement
lourdes intactes, après quoi le réarrangement VH à DJH cesse et la cellule devient pré- correct VDJH conduit à l’expression d’une
B. Les cellules pro-B qui ne produisent pas une chaîne µ sont éliminées, et au moins chaîne lourde complète d’immunoglobuline
faisant partie du récepteur pré-B, qui se
45 % des cellules pro-B sont perdues à ce stade. Dans au moins deux cas sur trois, le trouve principalement dans le cytoplasme et
premier réarrangement VH à DJH est non productif, et le réarrangement a lieu alors dans une moindre mesure à la surface de la
sur l’autre chromosome, à nouveau avec un risque théorique d’échec de deux sur cellule. Ensuite, la cellule est stimulée pour
trois. Une estimation grossière de la chance de générer une cellule pré-B est donc de devenir une grande cellule pré-B, qui se divise
activement. Les grandes cellules pré-B cessent
55 % (1 / 3 + (2 / 3 × 1 / 3) = 0,55). La fréquence réelle est quelque peu inférieure car le alors de se diviser et deviennent de petites
répertoire des segments géniques V contient des pseudogènes qui peuvent partici- cellules pré-B quiescentes, à partir desquelles
per au réarrangement alors qu’ils ont des déficiences qui préviennent l’expression cesse l’expression des chaînes légères
d’une protéine fonctionnelle. Un réarrangement initial non productif ne signifie pas substitutives et apparaît la chaîne lourde µ
seule dans le cytoplasme. Quand les cellules
l’échec immédiat du développement de la cellule pro-B car il est possible pour la redeviennent petites, elles réexpriment les
plupart des locus de subir des réarrangements successifs sur le même chromosome, protéines RAG et commencent à réarranger
et si cela échoue, un réarrangement du locus sur l’autre chromosome sera tenté. les gènes de chaînes légères (chaîne L).
Quand elles ont assemblé correctement un
La diversité du répertoire des récepteurs d’antigène de la cellule B est amplifiée gène de chaîne légère, elles deviennent
à ce stade par la désoxynucléotidyl transférase terminale (TdT). Cette enzyme des cellules B immatures qui expriment une
IgM complète à la membrane. Les cellules B
est exprimée par la cellule pro-B et ajoute des nucléotides en absence de matrice matures produisent une chaîne lourde δ en
d’ADN (N-nucléotides) à la jonction entre les segments géniques réarrangés (voir même temps qu’une chaîne lourde µ, par un
la Section 4-8). Chez les humains adultes, elle est exprimée dans les cellules pro-B mécanisme d’épissage alternatif, et expriment
en plus une IgD à la surface de la cellule.
durant le réarrangement du gène de la chaîne lourde, mais son expression décline
au stade de cellule pré-B durant le réarrangement du gène de la chaîne légère. Ce
qui explique pourquoi les N-nucléotides se trouvent dans les jonctions V-D et D-J
de presque tous les gènes de chaînes lourdes, mais seulement dans environ un
quart des jonctions de chaînes légères humaines. Les N-nucléotides sont rares dans
les jonctions V-J de la chaîne légère de la souris, ce qui indique que la TdT entre en
fonction un peu plus tôt au cours du développement des cellules B de souris. Au
cours du développement fœtal, lorsque le système immunitaire périphérique com-
mence à être fourni en lymphocytes T et B, la TdT n’est pas exprimée ou l’est peu.
264 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
BP-1 Aminopeptidase
Ikaros
Oct-2
Facteurs
E2A & de transcription
EBF
Pax-5/
BSAP
VJL CL
Igβ Igα
VL CL
Cellule B mature
Les protéines Igα et Igβ sont exprimées à partir du stade pro-B jusqu’à la mort de la
cellule ou sa différenciation terminale en plasmocyte sécréteur d’anticorps.
La formation du pré-BCR est un important point de contrôle dans le développement
des cellules B ; elle assure la transition entre les cellules pro-B et pré-B. Chez les souris
dépourvues de λ5 ou dont les gènes de chaîne lourde sont mutés et ne peuvent produire
le domaine transmembranaire, le pré-BCR ne peut être formé et le développement de
la cellule B est bloqué après le réarrangement du gène de la chaîne lourde. Le complexe
pré-BCR est exprimé transitoirement, peut-être parce que la production de l’ARNm de
λ5 s’arrête dès que le pré-BCR commence à se former. Le pré-BCR est exprimé en fai-
ble quantité à la surface des cellules pré-B, mais on ignore s’il interagit avec un ligand.
Quel que soit le mécanisme précis de l’activation de la signalisation passant par le pré-
BCR, l’expression du récepteur arrête le réarrangement du locus de la chaîne lourde et
induit la prolifération des cellules pro-B, ce qui aboutit à la transition vers la grande cel-
lule pré-B, qui commencera alors le réarrangement du locus de la chaîne légère.
La signalisation par le pré-BCR requiert la molécule de signalisation BLNK et impli-
que également la tyrosine kinase de Bruton (Btk, Bruton’s tyrosine kinase), une tyro-
sine kinase intracellulaire de la famille Tec (voir la Section 6-13). Chez l’homme et la
266 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Si les réarrangements des deux allèles de chaîne lourde réussissaient, une cellule B
pourrait produire deux récepteurs de spécificité antigénique différente. Pour évi-
ter cela, la signalisation par le pré-BCR impose une exclusion allélique, proces-
sus par lequel un seul des deux allèles d’un gène est exprimé dans une cellule
diploïde. L’exclusion allélique, qui s’applique à la fois au locus de la chaîne lourde
et aux locus des chaînes légères, a été découverte, il y a plus de 30 ans et a fourni un
des premiers arguments expérimentaux à l’appui de la théorie qu’un lymphocyte
ne peut exprimer qu’un seul type de récepteur d’antigène (Fig. 7.8).
La signalisation à partir du pré-BCR favorise l’exclusion allélique pour la chaîne
lourde de trois façons. Tout d’abord, elle réduit l’activité de la V(D)J recombinase
par la réduction directe de l’expression de RAG-1 et RAG-2. Deuxièmement, lors-
que la cellule pro-B entre en phase S (phase de synthèse d’ADN) du cycle cellu-
laire, RAG-2 est phosphorylé, ce qui en fait une cible pour la dégradation protéique.
Enfin, la signalisation du pré-BCR réduit l’accès de la recombinase au locus de la
chaîne lourde, mais les détails précis de ce processus ne sont pas connus. À un
stade ultérieur du développement de la cellule B, les protéines RAG seront de nou-
veau exprimées pour mener à bien le réarrangement du locus de la chaîne légère,
Igh a/a Igh b/b mais à ce point, le locus de la chaîne lourde ne fait plus l’objet d’un réarrange-
ment. En l’absence de signalisation du pré-BCR, l’exclusion allélique du locus de
la chaîne lourde ne se produit pas. Par exemple, chez des souris dépourvues de λ5,
chez qui le pré-BCR n’est pas formé et le signal d’arrêt du réarrangement de VH à
DJH n’est pas transmis, les réarrangements des gènes de la chaîne lourde s’effec-
tuent sur les deux chromosomes dans tous les précurseurs des cellules B, en sorte
qu’environ 10 % des cellules ont deux réarrangements VDJH productifs.
Fig. 7.8 Exclusion allélique dans chaque animal hétérozygote (Igha / b), qui porte l’allèle
cellule B. La plupart des espèces ont des a sur un de ses chromosomes et l’allèle b sur
polymorphismes génétiques des régions l’autre, les cellules B individuelles porteront
constantes de leurs gènes de chaînes lourdes soit une immunoglobuline de type a, soit
et légères ; ils sont appelés allotypes (voir une immunoglobuline de type b, mais pas
Appendice I, Section A-10). Chez les lapins, par les deux. Cette exclusion allélique reflète le
exemple, toutes les cellules B chez un individu réarrangement productif d’un seul des deux
homozygote pour l’allèle a du locus de chaîne allèles Igh parentaux. En effet, la production
lourde d’immunoglobuline (Igha / a) exprimeront d’une chaîne lourde d’immunoglobuline
une immunoglobuline de l’allotype a, tandis correctement réarrrangée forme un récepteur
que chez un individu homozygote pour l’allèle de cellule pré-B, qui transmet un signal qui
b (Ighb / b), toutes les cellules B produisent bloque le réarrangement d’autres gènes de
une immunoglobuline d’allotype b. Chez un chaîne lourde.
Développement des lymphocytes B 267
Troisième recombinaison VJ
Vκn Jκ Cκ
Vκ–Jκ
Vλ–Jλ
Protéine Fonction
RAG-1 Recombinase
spécifique
RAG-2 des lymphocytes
Addition
TdT de nucléotides N
λ5 Composants
des chaînes
légères
VpréB substitutives
Igα
Igβ
Transduction
du signal
CD45R
Btk
sécrétant des chaînes λ ont en général les gènes de leurs deux chaînes, k et λ, réarran-
gés, alors que, si le myélome sécrète des chaînes κ, seuls les gènes κ sont en général
réarrangés. Toutefois, cet ordre est parfois inversé, et le réarrangement du gène λ n’a
pas un besoin absolu du réarrangement préalable des gènes κ. La proportion de cel-
lules B matures exprimant κ par rapport à celles qui expriment λ varie d’un extrême
à l’autre selon les espèces. Chez la souris et les rats, elle est de 95 % ; chez l’homme,
elle est généralement de 65 %, et chez les chats, elle est de 5 %. Ces proportions cor-
rèlent fortement avec le nombre de segments géniques fonctionnels de Vκ et Vλ dans
le génome de l’espèce. Ils reflètent aussi la cinétique et l’efficacité des réarrangements
des segments géniques. Le rapport κ:λ de la population de lymphocytes matures est
utile pour les diagnostics cliniques, car un rapport κ:λ aberrant indique la prédo-
minance d’un clone et la présence d’un syndrome lymphoprolifératif, qui peut être
cancéreux.
Une fois qu’une chaîne légère réarrangée s’apparie à une chaîne µ, l’IgM peut être
exprimée à la surface de la cellule (sIgM) et la cellule pré-B devient une cellule B
immature. À ce stade, le récepteur d’antigène est d’abord soumis au test de tolé-
rance aux autoantigènes. La tolérance produite dans le répertoire des cellules B à
ce stade de développement est appelée tolérance centrale car elle se développe
dans un organe lymphoïde central, la moelle osseuse. Comme nous le verrons plus
Développement des lymphocytes B 269
Cellule pro-B précoce Cellule pro-B tardive Cellule pré-B Cellule B immature
Réarrangement du gène de chaîne H Réarrangement du gène de chaîne H Réarrangement du gène de chaîne L Arrêt du réarrangement
loin dans ce chapitre et au Chapitre 14, les cellules B autoréactives qui échappent Fig. 7.11 Étapes du réarrangement des
à ce test et atteignent la maturité peuvent encore être écartées du répertoire après gènes d’immunoglobulines au cours
desquelles les cellules B peuvent être
avoir quitté la moelle osseuse par un processus appelé tolérance périphérique. perdues. Le programme de développement
réarrange le locus de chaîne lourde (chaîne H)
Dans la moelle osseuse, le sort des cellules B immatures dépend de signaux émis et puis les locus de chaînes légères
par la sIgM en contact avec son environnement. La sIgM est associée à l’Igα et l’Igβ (chaînes L). Les cellules sont autorisées à
pour former le récepteur complet et fonctionnel de la cellule B (voir la Section 6-8). progresser vers le stade suivant quand un
C’est la signalisation par Igα qui donne le signal d’émigration des cellules B de la réarrangement productif a été réussi. Chaque
réarrangement a environ une chance sur trois
moelle osseuse et / ou de leur survie à la périphérie. En effet, les souris qui expri- d’être correct, mais si la première tentative
ment une molécule d’Igα avec un domaine cytoplasmique tronqué qui ne peut pas n’est pas productive, le développement est
transmettre de signal à l’intérieur de la cellule montrent une réduction de quatre suspendu et il y a possibilité d’une tentative
supplémentaire ou plus, ainsi par simple
fois du nombre de cellules B immatures dans la moelle et une réduction de cent
calcul, quatre sur neuf réarrangements
fois du nombre de cellules B périphériques. génèrent une chaîne lourde. Les possibilités
de réarrangements répétés sont plus grandes
Les cellules B immatures qui ne réagissent pas fortement à des autoantigènes par- pour les locus de chaînes légères (voir
viennent à la maturité. Elles quittent la moelle par les sinusoïdes qui rejoignent le Fig. 7.9), de façon à ce que peu de cellules
sinus central et sont transportées par le sang veineux dans la rate. Si, toutefois, le soient perdues entre les stades de cellules
nouveau récepteur exprimé rencontre, dans la moelle osseuse, un antigène qui inter- pré-B et B immatures par rapport au passage
du stade pro-B au stade pré-B.
connecte fortement, c’est-à-dire si la cellule B est fortement autoréactive, son déve-
loppement est arrêté et la cellule n’atteindra pas la maturité. Cela a été démontré par
des expériences dans lesquelles les récepteurs d’antigène sur des cellules B immatu-
res ont été expérimentalement stimulés in vivo par des anticorps anti-chaîne µ (voir
Appendice I, Section A-10) ; le résultat a été l’élimination des cellules B immatures.
Des expériences plus récentes utilisant des souris exprimant des transgènes de récep-
teurs de cellules B ont confirmé ces premières découvertes, mais ont aussi montré que
l’élimination immédiate n’était pas le seul destin possible après liaison à un antigène
du soi. Ainsi, quatre voies existent pour des cellules B immatures autoréactives, en
fonction de la nature des ligands auxquels elles sont capables de se lier (Fig. 7.12). Ces
destinées sont la mort cellulaire par apoptose, la production d’un nouveau récepteur
par révision (editing), l’induction d’un état permanent de non-réponse à l’antigène,
ou anergie, et l’ignorance immunologique. Une cellule ignorante se définit comme
une cellule qui a une affinité pour un antigène du soi, mais qui ne peut pas le détec-
ter, soit parce qu’il est séquestré, qu’il est en faible concentration ou n’est pas capable
d’agréger les récepteurs des cellules B. Puisque des cellules ignorantes peuvent être (et
le sont en fait) activées sous certaines conditions, comme l’inflammation ou lorsque
270 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Fig. 7.13 Le remplacement des chaînes chaîne légère. Cela conduit habituellement
légères par révision du récepteur peut à un nouveau réarrangement productif et à Liaison forte des IgM à un antigène du soi
sauver certaines cellules B autoréactives l’expression d’une nouvelle chaîne légère,
en changeant leur spécificité antigénique. qui se combine avec la même chaîne lourde
Quand une cellule B exprime des récepteurs pour former un nouveau récepteur (révision du
d’antigène qui sont fortement interconnectés récepteur, troisième panneau). Si ce nouveau
par des antigènes autologues multivalents récepteur n’est pas autoréactif, la cellule est
comme les molécules du CMH à la sauvée et continue son développement normal IgM
surface cellulaire (panneau du haut), son (panneau du bas à droite). Si la cellule reste
développement s’arrête. La cellule réduit autoréactive, elle peut être sauvée par un autre
l’expression des IgM de surface, mais ne cycle de réarrangement, mais si elle continue
suspend pas l’expression des gènes RAG à réagir fortement avec le soi, elle meurt par
(deuxième panneau). Cette synthèse continue apoptose et est éliminée du répertoire (délétion
des protéines RAG permet à la cellule de clonale ; panneau du bas à gauche). Arrêt du développement de la cellule B et persistance
poursuivre le réarrangement de ses gènes de de l’arrangement des chaînes légères : peu d’IgM de surface
les cellules B autoréactives tendent à être inactivées et à entrer dans un stade de non-
réponse, ou anergie, mais ne meurent pas immédiatement (voir Fig. 7.12). Les cellu-
les B anergiques ne peuvent pas être activées par leur antigène spécifique même avec
l’aide de cellules T spécifiques de l’antigène. Ce phénomène a été élucidé également
au moyen de souris transgéniques. Quand le lysozyme d’œuf de poule (HEL, Hen Egg
Lysozyme) est exprimé sous forme soluble par un transgène chez des souris également
transgéniques pour des anticorps anti-HEL de haute affinité, les cellules B spécifiques
de HEL se différencient, mais sont incapables de répondre à l’antigène. Les cellules
anergiques retiennent leurs IgM à l’intérieur de la cellule, très peu étant exprimées en
surface. De plus, elles montrent un blocage partiel de la transduction du signal et, en
dépit d’une densité normale de sIgD spécifiques de HEL, les cellules ne sont pas sti-
mulées par interconnexion de leurs récepteurs. Il semble que la transduction du signal
soit bloquée à une étape précédant la phosphorylation des chaînes Igα et Igβ, bien
que cette étape ne soit pas encore connue. Le défaut de signalisation pourrait impli-
quer l’incapacité des molécules du récepteur des cellules B tolérantes de rejoindre les
régions de la cellule dans lesquelles d’autres molécules importantes de signalisation
se localisent normalement ; elles ne peuvent alors transmettre un signal complet après
la fixation de l’antigène. Les cellules qui ont reçu un signal anergisant pourraient aussi
augmenter l’expression de molécules qui inhibent la signalisation.
La migration des cellules B anergiques dans les organes lymphoïdes périphériques
est aussi altérée et leur durée de vie ainsi que leur capacité à rivaliser avec les cel-
lules B immunocompétentes sont compromises. Dans les circonstances normales,
dans lesquelles les cellules B liant des antigènes solubles du soi sont en minorité,
les cellules B anergiques sont retenues dans les zones des cellules T des tissus lym-
phoïdes périphériques et sont exclues des follicules lymphoïdes. Les cellules B aner-
giques ne peuvent pas être activées par des cellules T, puisque toutes les cellules T
seront tolérantes aux antigènes solubles. De plus, elles meurent relativement tôt,
probablement parce qu’elles ne peuvent pas répondre aux signaux de survie prove-
nant des cellules T, ce qui assure ainsi que la population de cellules B périphériques
à longue durée de vie soit débarrassée des cellules potentiellement autoréactives.
Le quatrième destin possible des cellules B immatures autoréactives est qu’il ne
leur arrive rien ; elles restent dans un état d’ignorance immunologique des anti-
gènes du soi (voir Fig. 7.12). Il est clair que certaines cellules B, avec une affinité
faible mais réelle pour un antigène du soi, se différencient comme si elles n’étaient
pas autoréactives du tout. De telles cellules B ne répondent pas aux antigènes du
soi car ceux-ci interagissent si faiblement avec les récepteurs qu’un signal intra-
cellulaire faible, ou nul, est généré. Par ailleurs, certaines cellules B autoréactives
pourraient ne pas rencontrer leur antigène à ce stade parce qu’il n’est pas accessi-
ble dans la moelle osseuse ou dans la rate. La maturation de ces cellules B reflète
un équilibre du système immunitaire entre l’élimination de l’autoréactivité et la
possibilité de répondre aux agents pathogènes. Si l’élimination des cellules auto-
réactives était trop efficace, le répertoire des récepteurs deviendrait trop limité et
donc incapable de reconnaître une grande variété de pathogènes. Certaines mala-
dies auto-immunes peuvent apparaître au prix de cet équilibre, car il est très pro-
bable que des lymphocytes autoréactifs de faible affinité peuvent être activés et
causer des maladies dans certaines circonstances. Donc ces cellules pourraient
être définies comme des semences de maladies auto-immunes. Normalement,
cependant, ces cellules B ignorantes seront maintenues sous contrôle par un man-
que d’aide des cellules T, l’inaccessibilité continue de l’antigène du soi ou la tolé-
rance qui peut être induite dans les cellules B matures, comme décrit plus loin
dans ce chapitre et au Chapitre 14, dans le contexte des maladies auto-immunes.
Résumé.
Jusqu’ici, nous avons suivi le développement de la cellule dans la moelle osseuse
B à partir des progéniteurs les plus précoces jusqu’à la cellule B immature, prête
à gagner les tissus lymphoïdes périphériques. Le locus de la chaîne lourde est le
Le développement des cellules T dans le thymus 273
premier à être réarrangé et, si l’opération réussit, une chaîne lourde µ est produite ; Fig. 7.14 Les cellules T se développent dans
le thymus et migrent dans les organes
elle s’associe à des chaînes légères de substitution pour former le récepteur de la cel-
lymphoïdes périphériques, où ils sont
lule pré-B, premier poste de contrôle du développement des cellules B. La produc- activés par des antigènes étrangers. Les
tion du récepteur de la cellule pré-B signale la réussite du réarrangement du gène de précurseurs des cellules T migrent de la
la chaîne lourde et provoque l’arrêt du réarrangement, assurant ainsi l’exclusion allé- moelle osseuse vers le thymus où les gènes
du récepteur de la cellule T sont réarrangés
lique. Il déclenche aussi la prolifération des cellules pré-B, générant de nombreux (premiers panneaux) ; les récepteurs T α:β
descendants dans lesquels les réarrangements des chaînes légères peuvent être ten- compatibles avec les molécules du soi du
tés. Si le premier réarrangement du gène de la chaîne légère s’avère productif, une CMH transmettent un signal de survie en
immunoglobuline complète servant de récepteur de cellule B est formée, le réarran- interagissant avec l’épithélium thymique,
conduisant à la sélection positive des cellules
gement génique cesse de nouveau, et la cellule B poursuit son développement. Si qui les portent. Les récepteurs autoréactifs
le premier réarrangement du gène de la chaîne légère échoue, le réarrangement se transmettent un signal qui conduit à la
poursuit jusqu’à ce qu’il soit productif ou que toutes les régions J aient été utilisés. Si mort cellulaire et ils sont donc éliminés du
aucun réarrangement productif n’est réalisé, la cellule B en développement meurt. répertoire par un processus de sélection
négative (deuxièmes panneaux). Les cellules T
Dans la prochaine section, nous nous tournons vers le développement les cellules T survivantes arrivent à maturité et quittent
dans le thymus ; après cela, nous examinerons ensemble le comportement des cel- le thymus pour circuler en périphérie ; elles
lules B et T lorsqu’elles ont gagné les tissus lymphoïdes périphériques. quittent le sang continuellement pour migrer
dans les organes lymphoïdes périphériques
où elles pourront rencontrer leur antigène
étranger spécifique et être activées (troisièmes
active tue
de cellules T, la lignée γ:δ et la lignée α:β, qui expriment des gènes de récepteurs
d’antigène différents. Les cellules T en développement subissent également une
sélection qui dépend des interactions avec les cellules thymiques et qui façonne le
répertoire mature des cellules T afin d’assurer une restriction au CMH du soi ainsi
Fig. 7.15 Organisation cellulaire du thymus
qu’une tolérance du soi. Nous commençons par une vue d’ensemble des stades de
humain. Le thymus, situé sur la ligne médiane développement des thymocytes et des relations de ces étapes avec l’anatomie thy-
du corps, au-dessus du cœur, est formé de mique avant de décrire le réarrangement génique et les mécanismes de sélection.
nombreux lobules, chacun contenant des
régions bien délimitées, corticales (externes)
et médullaires (centrales). Comme il est 7-7 Les progéniteurs des cellules T proviennent de la moelle osseuse,
montré dans le schéma de gauche, le cortex
est constitué de thymocytes immatures
mais tous les événements importants se déroulent dans le thymus.
(en bleu foncé), de cellules épithéliales
corticales interconnectées (en bleu pâle), Le thymus est situé dans la partie supérieure et antérieure du thorax, juste au-des-
auxquelles les thymocytes corticaux sus du cœur. Il est constitué de nombreux lobules, chacun clairement différen-
immatures sont étroitement associés, et cié en une région corticale externe, le cortex thymique, et une région médullaire
des macrophages dispersés (en jaune),
interne (Fig. 7.15). Chez les jeunes, le thymus contient de nombreux précurseurs de
impliqués dans l’élimination des thymocytes
en apoptose. La médullaire est formée de cellules T en développement entourées d’un réseau de cellules épithéliales appelé
thymocytes matures (en bleu foncé), et de le stroma thymique, qui fournit un environnement unique analogue à celui qui
cellules épithéliales médullaires (en orange), est fourni par les cellules stromales de la moelle osseuse pour les cellules B.
avec des macrophages (en jaune) et des
cellules dendritiques (en jaune) originaires Dans la moelle osseuse, le développement des lymphocytes T commence à par-
de la moelle osseuse. Les corpuscules de tir d’un progéniteur lymphoïde qui donne également naissance aux lymphocytes B.
Hassal sont aussi probablement des sites de
destruction cellulaire. Les thymocytes dans Certains de ces progéniteurs quittent la moelle osseuse et migrent dans le thymus
la couche cellulaire corticale externe sont (voir Fig. 7.14). Dans le thymus, la cellule progénitrice reçoit un signal, venant très pro-
des cellules immatures qui prolifèrent, tandis bablement des cellules stromales, qui est transmis par un récepteur appelé Notch1,
que les thymocytes de la corticale profonde
afin d’allumer des gènes particuliers. La signalisation par Notch est utilisée largement
sont principalement des cellules T immatures
subissant une sélection thymique. Le cliché dans le développement animal pour déterminer la différenciation tissulaire ; dans
montre une coupe équivalente du thymus le développement lymphocytaire, le signal Notch engage le précurseur dans la voie
humain, coloré à l’hématoxyline-éosine. Le de la lignée des cellules T plutôt que dans la lignée des cellules B. Bien que tous les
cortex a une coloration foncée ; la médullaire
se colore faiblement. Le corpuscule de Hassal
détails ne soient pas encore connus, la signalisation Notch est requise tout au long du
forme un grand organite dans la médullaire. développement des cellules T et l’on pense qu’elle contribue au choix d’orientation de
Cliché de C.J. Howe. la lignée T vers les cellules T α:β ou T γ;δ et vers les cellules T CD4 ou CD8.
Les épithéliums thymiques apparaissent tôt au cours du développement embryon-
naire à partir de structures dérivées de l’endoderme appelées troisième poche
pharyngée et troisième arc branchial. L’ensemble de ces tissus épithéliaux forme
un thymus rudimentaire, dit ébauche thymique. Ce thymus embryonnaire est
thymus
poumon
cœur
capsule
cellule
trabécules épithéliale
corticale
Cortex épithélium
sous- thymocyte
capsulaire (originaire de la
moelle osseuse)
jonction
cortico-
médullaire cellule épithéliale
médullaire
cellule dendritique
Médullaire (originaire de la
corpuscule moelle osseuse)
de Hassal macrophage
(originaire de la
moelle osseuse)
Le développement des cellules T dans le thymus 275
alors colonisé par des cellules d’origine hématopoïétique qui donnent naissance à
de très nombreux thymocytes destinés à la lignée T et aux cellules dendritiques
intrathymiques. Les thymocytes ne sont pas seulement en transit dans le thymus ;
ils influencent l’arrangement des cellules épithéliales thymiques dont dépend leur
survie, induisant la formation d’une structure épithéliale réticulaire qui entoure
les thymocytes en développement (Fig. 7.16). Le thymus est aussi colonisé par de
nombreux macrophages, originaires également de la moelle osseuse.
L’architecture cellulaire du thymus humain est illustrée dans la Fig. 7.15. Les cellules
dérivées de la moelle osseuse se répartissent différemment entre le cortex et la médul-
laire du thymus ; le cortex ne contient que des thymocytes immatures et des macro-
phages dispersés, alors que la médullaire contient plus de thymocytes matures, avec
des cellules dendritiques et des macrophages. Tout cela reflète les différents événe-
ments de différenciation qui se produisent à l’intérieur de ces deux compartiments.
L’importance du thymus dans l’immunité a été révélée d’abord par des expériences
sur la souris, d’où proviennent la plupart de nos connaissances sur le développement Fig. 7.16 Les cellules épithéliales du thymus
forment un réseau autour des thymocytes
des cellules T dans le thymus. L’ablation chirurgicale du thymus (thymectomie) à la en développement. Dans cette photo de
naissance cause une immunodéficience, ce qui a focalisé l’intérêt sur cet organe à un microscopie électronique à balayage du
moment où la différence entre les lymphocytes B et T chez les mammifères n’était pas thymus, les thymocytes en développement (les
définie. Depuis, de multiples observations, entre autres les immunodéficiences de l’en- cellules sphériques) occupent les interstices
d’un réseau extensif de cellules épithéliales.
fant, illustrent l’importance du thymus dans le développement des cellules T. Dans le Cliché de W. van Ewijk.
syndrome de DiGeorge chez l’homme et dans le cas de la mutation nude chez la sou-
ris, le thymus ne se forme pas et les individus atteints produisent des lymphocytes B
mais peu de lymphocytes T. Le syndrome de DiGeorge est une combinaison de défec-
tuosités cardiaque, faciale, endocrine et immunitaire associées à des délétions dans le
chromosome 22q11, alors que la mutation nude est due à un défaut du gène de Whn,
un facteur de transcription requis pour la différenciation terminale des cellules épithé-
liales ; cette mutation est appelée nude parce qu’elle cause aussi une absence de poils.
Le rôle crucial du stroma thymique dans l’induction de la différenciation des précur-
seurs cellulaires de la moelle osseuse peut être démontré par des greffes de tissu entre
deux souris mutantes, chacune manquant de cellules T matures pour une raison diffé-
rente. Chez la souris nude, l’épithélium thymique ne se différencie pas, tandis que chez
la souris scid, les lymphocytes B et T ne se développent pas à cause d’un déficit dans le
réarrangement du gène du récepteur de la cellule T (voir Section 4-5). Des greffes réci-
proques de thymus et de moelle osseuse entre ces souris immunodéficientes montrent
que les précurseurs de la moelle osseuse des souris nude se développent normalement
dans le thymus des souris scid (Fig. 7.17). Donc, le défaut des souris nude vient des cel-
lules stromales du thymus. La transplantation d’un thymus de souris scid à une sou-
ris nude conduit au développement des cellules T. Cependant, la moelle osseuse d’une
souris scid ne peut pas générer de cellules T, même chez une souris normale.
Chez la souris, le thymus continue à se développer pendant 3 à 4 semaines après la
naissance, tandis que chez l’homme, il est totalement développé dès la naissance.
Le taux de production des cellules T par le thymus est maximal avant la puberté.
Après la puberté, l’involution du thymus commence et la production de nouvel-
les cellules T chez l’adulte diminue, même si elle peut continuer toute la vie. Chez
l’homme et la souris, l’élimination du thymus après la puberté ne s’accompagne
pas de perte notable de fonction des cellules T. Ainsi, il semble qu’une fois que le
répertoire des cellules T est établi, l’immunité peut être maintenue sans produc-
tion d’un nombre significatif de nouvelles cellules T ; la réserve des cellules T péri-
phériques se maintient en raison de la longue vie d’une population de cellules T et
par un certaine capacité de division de cellules T matures.
Nombre Nombre
de cellules de cellules
avant avant
greffe greffe
après après
greffe greffe
prolifération. Chez une souris adulte jeune, le thymus contient 108 à 2 × 108 thymo-
cytes. Environ 5.107 nouvelles cellules sont générées chaque jour ; seulement 106 à
2 × 106 (soit 2-4 %) de cellules T matures quitteront chaque jour le thymus. Malgré
la disparité entre le nombre de cellules T générées chaque jour dans le thymus et
le nombre qui le quitte, le thymus ne continue pas à croître en taille ou en nom-
bre. Ceci s’explique par le fait que 98 % des thymocytes qui se développent dans le
thymus y meurent aussi. Aucun dommage n’est visible, indiquant que leur mort se
produit par apoptose plutôt que par nécrose (voir Section 1-14).
Les changements de la membrane plasmique des cellules entrant en apoptose
entraînent rapidement leur phagocytose, et des corps apoptotiques, correspon-
dant à la chromatine condensée des cellules apoptotiques, se voient dans les
macrophages dans tout le cortex thymique (Fig. 7.18). Ce gaspillage de thymocytes
apparaît comme une partie cruciale du développement des cellules T, car il reflète
la sélection de chaque nouveau thymocyte sur base de sa capacité de reconnaître
les complexes peptide du soi:CMH du soi et de sa tolérance au soi.
Le développement des cellules T dans le thymus 277
Fig. 7.18 Les cellules T en développement le cortex, mais sont rares dans la médullaire.
qui subissent l’apoptose sont ingérées Le panneau b montre une coupe du cortex
par les macrophages du cortex thymique. thymique à plus fort grossissement avec des
Le panneau a montre une coupe du cortex cellules apoptotiques colorées en rouge et les
thymique et une partie de la médullaire dans macrophages en bleu. On peut voir les cellules
lesquelles les cellules ont été marquées pour apoptotiques à l’intérieur des macrophages.
l’apoptose avec un colorant rouge. Le cortex Grossissements : panneau a, × 45 ;
thymique est à droite dans le cliché. Les panneau b, × 164. Clichés de J. Sprent
cellules apoptotiques sont dispersées dans et C. Suhr.
Petits thymocytes
Fig. 7.19 Deux lignées distinctes de CD8 sont exprimés tous les deux par la même quiescents « double positifs »
thymocytes sont produites dans le cellule ; elles sont appelées thymocytes double CD3+α:β+4+8+
thymus. Les molécules de surface les plus positifs. Ces cellules grossissent et se divisent.
<5%
importantes pour l’identification des sous- Plus tard, elles deviennent de petites cellules
populations de thymocytes sont CD4, CD8, quiescentes double positives sur lesquelles
et les molécules du complexe du récepteur s’exprime en faible densité le récepteur de
(CD3 et les chaînes α et β du récepteur de la cellule T. La plupart des thymocytes meurent
cellule T). Les populations cellulaires les plus dans le thymus après être devenus des petites
précoces du thymus n’expriment aucun de ces cellules double positives. Les cellules dont
marqueurs. Elles sont appelées thymocytes les récepteurs peuvent interagir avec les CD4+8– CD4–8+
petits thymocytes
double négatifs, car ils n’expriment ni CD8, complexes moléculaires peptides du soi:CMH
quiescents « simple positifs »
ni CD4. Ces précurseurs donnent naissance du soi perdent l’expression soit de CD4, soit
aux deux lignées de cellules T, la population de CD8, et augmentent la densité d’expression
minoritaire des cellules T γ:δ (sans CD4, ni du récepteur de la cellule T. Ces thymocytes Exportation
CD8, même matures), et la lignée majoritaire devenus, après maturation, des lymphocytes
vers la périphérie
des cellules T α:β. Le développement des T CD4 ou CD8 simple positifs sont alors
cellules T α:β passe par des stades où CD4 et exportés du thymus.
278 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
du locus β restent au stade CD44basCD25+ et meurent rapidement, tandis que les cel-
lules qui réalisent des réarrangements géniques productifs d’une chaîne β perdent
à nouveau l’expression de CD25 et passent au stade DN4. La signification fonction-
nelle de l’expression transitoire de CD25 n’est pas claire ; les cellules T se développent
normalement chez les souris dont le gène de l’IL-2 a été inactivé (voir Appendice I,
Section A-47). Par contre, Kit est essentiel au développement des thymocytes double
négatifs les plus précoces car les souris sans Kit ont un nombre très réduit de thymocy-
tes double négatifs. Le récepteur de l’IL-7 est aussi indispensable au développement
précoce des cellules T ; il reste bloqué chez les souris ou chez les hommes dépour-
vus de ce récepteur. Finalement, une signalisation continue par Notch est importante
pour le passage à ces différents stades du développement des cellules T.
Dans les thymocytes DN3, la chaîne β s’apparie avec une chaîne substitutive appe-
lée pTα (pré-T-cell α) , qui permet l’assemblage d’un récepteur de cellule pré-T
analogue en structure et fonction au récepteur des cellules pré-B. Le récepteur des
cellules pré-T est exprimé à la surface cellulaire sous forme d’un complexe avec les
molécules CD3, qui assurent la signalisation du complexe du récepteur des cel-
lules T (voir la Section 6-8). L’assemblage du complexe du récepteur CD3:pré-T
conduit à la prolifération cellulaire, à l’arrêt de nouveaux réarrangements de gènes
de chaînes β, et à l’expression de CD4 et CD8. Ces thymocytes double positifs
constituent la vaste majorité des thymocytes. Une fois que les grands thymocytes
double positifs cessent de proliférer et deviennent de petites cellules double posi-
tives, le locus de la chaîne α commence à se réarranger. Comme nous le verrons
plus loin dans ce chapitre, la structure du locus α (voir la Section 4-9) permet de
multiples tentatives successives de réarrangements, de telle manière qu’un réar-
rangement productif de la chaîne α soit obtenu au cours du développement de la
plupart des thymocytes. Donc, la plupart des cellules double positives produisent
un récepteur de cellule T α:β au cours de leur durée de vie relativement courte.
Les petits thymocytes double positifs expriment au début peu de récepteurs des
cellule T. La plupart de ces récepteurs ne peuvent pas reconnaître les complexes
moléculaires peptide du soi:CMH du soi ; ils ne pourront pas être sélectionnés posi-
tivement et mourront. Par contre, les thymocytes double positifs qui reconnais-
sent le complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent être sélectionnés de manière
positive avec maturation et expression du récepteur de cellule T en forte densité.
Parallèlement, ils cessent d’exprimer une des deux molécules coréceptrices, deve-
nant des thymocytes simple positifs, CD4 ou CD8. Les thymocytes subissent
aussi une sélection négative durant ou après le stade double positif, qui élimine
les cellules capables de répondre aux antigènes du soi. Approximativement 2 %
des cellules double positives survivent à cette double sélection et arrivent à matu-
rité comme cellules T simple positives qui sont graduellement exportées à partir
du thymus pour former un répertoire périphérique des cellules T. Chez la souris,
le temps entre l’entrée d’un progéniteur dans le thymus et l’exportation de sa des-
cendance arrivée à maturité est d’environ trois semaines.
Les cellules T 𝛄:𝛅 arrivent à maturité Les réarrangements des chaînes du locus
et migrent vers la périphérie du TCR éliminent le locus entier de
et créent le récepteur TCR 𝛂:𝛃 mature
Vγ Dγ Jγ Vβ DβJβ
Vδ Jδ Vα Jα
80 % de ceux-ci soient non productifs, et les cellules T α:β matures contiennent sou-
vent des gènes réarrangés de chaînes γ, mais la plupart en décalage de phase.
Les locus β, γ et δ subissent des réarrangements presque simultanément dans les
thymocytes en développement. La décision d’un précurseur de s’engager dans la
lignée γ:δ ou α:β pourrait dépendre d’un réarrangement productif d’un gène γ et
d’un gène δ et donc de la formation d’un récepteur γ:δ fonctionnel avant qu’une
chaîne β fonctionnelle ne s’apparie à pTα pour générer le récepteur de la cellule
pré-T (β:pTα) (voir la Section 7-9). On pense que le récepteur de la cellule T γ:δ
transmet un signal plus puissant au précurseur de la cellule T que celui prove-
nant du récepteur de la cellule pré-T et que ce signal plus fort conduit à l’engage-
ment γ:δ, tandis que la signalisation plus faible par le récepteur de la cellule pré-T
conduit à l’engagement α:β. Certaines observations suggèrent que la force de la
signalisation par Notch contribue également au choix de l’orientation cellulaire.
Dans la plupart des précurseurs, un gène de chaîne β est réarrangé avec succès
avant que les gènes des chaînes γ et δ ne le soient. La production d’un récepteur
282 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
de cellule pré-T arrête alors tout réarrangement génique ultérieur et induit la pro-
lifération du thymocyte, l’expression des gènes des corécepteurs et finalement le
réarrangement des gènes de la chaîne α. On sait que le récepteur β:pTα transmet
des signaux de manière constitutive par la tyrosine kinase Lck et semble ne pas
nécessiter de ligand sur le stroma thymique. Cette signalisation est cruciale pour
le développement ultérieur d’une cellule T α:β.
Il semble probable que les signaux passant par le récepteur de la cellule pré-T engage la
cellule dans la lignée α:β (voir Fig. 7.22). Une difficulté liée à ce modèle est d’expliquer le
fait que des cellules matures γ:δ peuvent avoir un locus de chaîne β réarrangé de manière
productive. Une explication possible serait de considérer que ces cellules étaient enga-
gées dans la voie γ:δ plutôt que α:β parce qu’elles avaient reçu un signal provenant d’un
récepteur γ:δ assemblé avant d’avoir assemblé un récepteur de cellule pré-T fonctionnel.
Cette hypothèse requiert que les modes de signalisation du récepteur de la cellule T γ:δ
et du récepteur de la cellule pré-T diffèrent, ce qui a été établi récemment.
Une fois que le locus de la chaîne α commence à se réarranger à la suite d’un signal
provenant du récepteur de la cellule pré-T, les segments géniques de la chaîne δ
situés dans le locus de la chaîne α sont éliminés sous forme d’anneaux extrachro-
mosomiques. Ce qui est un moyen supplémentaire d’éviter que les cellules enga-
gées dans la voie α:β ne produisent un récepteur γ:δ complet.
fonctionnelle n’est pas claire, et tous ces changements dans le profil des récepteurs Fig. 7.23 Le réarrangement des gènes γ et δ
du récepteur de cellule T chez la souris se
exprimés par les cellules T γ:δ ne se produisent pas chez l’homme. Les dETC, par
déroule par vagues de cellules exprimant
exemple, ne semblent pas avoir leur contrepartie exacte chez l’homme, bien qu’il différents segments géniques Vγ et Vδ .
y ait des cellules T γ:δ dans les tractus génitaux et gastro-intestinaux humains. Les Dès la deuxième semaine de gestation, le
dETC de souris pourraient servir de sentinelles qui sont activées à la suite d’une locus Cγ1 est exprimé avec son gène V le
plus proche (Vγ5 ). Après quelques jours, les
lésion tissulaire ou de cellules régulatrices des processus inflammatoires. cellules portant Vγ5 diminuent (panneau du
haut) et sont remplacées par des cellules
exprimant le gène proximal suivant, Vγ6. ces
7-13 La synthèse réussie d’une chaîne β réarrangée permet la production deux chaînes γ réarrangées sont exprimées
d’un récepteur de cellule pré-T qui déclenche la prolifération cellulaire avec la même chaîne δ réarrangée, comme
le panneau du bas le montre, et il y a peu de
et bloque un réarrangement supplémentaire de gène de chaîne β. diversité jonctionnelle dans la chaîne Vγ ou Vδ.
En conséquence, la plupart des cellules T γ:δ
Nous revenons maintenant au développement des cellules T α:β. Le réarrangement produites lors de chacune de ces vagues
des locus des chaînes β et α suit une séquence qui est très parallèle de celle du réar- précoces ont la même spécificité, bien que
rangement des locus des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines durant l’antigène produit dans chacun de ces cas
n’est pas connu. Les cellules portant Vγ5
le développement des cellules B (voir les Sections 7-2 et 7-5). Comme la Fig. 7.24 le s’établissent sélectivement dans l’épiderme,
montre, les gènes des chaînes β se réarrangent d’abord, le segment génique Dβ rejoi- tandis que les cellules portant Vγ6 colonisent
gnant d’abord les segments géniques Jβ. Vient ensuite la jonction des segments Vβ et l’épithélium du tractus génital. Après la
DJβ. Si aucune chaîne β fonctionnelle ne peut être synthétisée à partir de ces réarran- naissance, la lignée des cellules T α:β devient
dominante et, bien que les cellules T γ:δ
gements, la cellule ne sera pas capable de produire un récepteur de la cellule pré-T soient encore produites, elles représentent
et mourra à moins qu’elle ne réussisse des réarrangements productifs à la fois aux des populations beaucoup plus hétérogènes,
portant des récepteurs avec beaucoup de
diversité jonctionnelle. Notez que les segments
Nombre géniques Vγ sont décrits sur base du système
de thymocytes α:β proposé par Tonegawa.
107
106 Vγ 1,2,4,7
Vγ 6
Vγ 5
105
104
103
15 16 17 18 19 1 2 3 4 5 6 7 8
Jours de gestation Naissance Âge (semaines)
Thymocytes 𝛄:𝛅
Vδ1 Dδ 2 Jδ 2 Cδ
Cellules souches chez le fœtus Les cellules T γ:δ
s’établissent
Jours 14-18 du développement Vγ 5 J γ 1 C γ1
dans l’épiderme
Vδ 2–7 Dδ1 Dδ 2 Jδ 2 Cδ
Certaines cellules T γ:δ
Cellules souches s’établissent dans l’épithélium
à partir du nouveau-né Vγ 1,2,4,7Jγ Cγ intestinal ; d’autres se trouvent
jusqu’à l’âge adulte dans les organes lymphoïdes
284 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
V V D J C thymocyte CD4–CD8–
β en maturation
Configuration
germinale des gènes V V J C
α
Fig. 7.24 Stades du réarrangement génique
dans les cellules T α:β. Les schémas
montrent le déroulement des réarrangements δ
géniques avec l’indication du stade auquel
les événements prennent place et la nature
moléculaire du récepteur à la surface
cellulaire exprimée à chaque stade. Le locus thymocyte CD25+CD44bas
de la chaîne β se réarrange d’abord, dans V V DJ J C réarrangeant ses gènes
les thymocytes double négatifs CD4−CD8− β de chaîne β
exprimant CD25 et des taux faibles de Réarrangement Dβ-Jβ
CD44. Comme pour les gènes de chaînes (le réarrangement V V J C
lourdes d’immunoglobulines, les segments des chaînes γ α
géniques D et J se réarrangent avant que
et δ peut aussi
se produire)
les segments géniques V se réarrangent
avec DJ (deuxième et troisième panneaux). δ
Jusqu’à quatre tentatives de générer un
réarrangement productif au locus de chaîne β
sont possibles puisqu’il y a quatre segments
de gènes D et deux groupes de segments thymocyte CD25+CD44bas
de gènes J (non montré). Le gène réarrangé V DJ J C β+ cytoplasmique
correctement est exprimé d’abord à l’intérieur β
de la cellule, puis un peu à la surface cellulaire. Réarrangement Vβ-DJβ
Il s’associe avec pTα, une chaîne α de
en phase.
V V J C
substitution de 33kDa qui est équivalente à La protéine de chaîne β α β
est produite
λ5 dans le développement des cellules B, et
cet hétérodimère pTα:β forme un complexe
avec les chaînes CD3 (quatrième panneau) ; δ
l’expression du récepteur de la cellule pré-T
signale aux thymocytes en développement
d’arrêter le réarrangement du gène de la
chaîne β, et de procéder à plusieurs cycles de Expression à la surface CD4–CD8– CD4+CD8+
division. À la fin de cette poussée proliférative, V DJ J C pTα:β+CD3très bas en surface
de la chaîne β avec β
les molécules CD4 et CD8 sont exprimées, la la chaîne α substitutive.
cellule interrompt son cycle, et les segments
Le réarrangement β pTα β
géniques de la chaîne α peuvent alors se
s’arrête V V J C
réarranger. Le premier réarrangement génique la cellule prolifère α
de la chaîne α élimine tous les segments
géniques δ D, J et C sur ce chromosome, Induction de CD4/CD8
bien qu’ils soient retenus sous forme d’ADN la transcription δ
circulaire, prouvant que ce sont des cellules de α démarre CD4 CD8
qui ne se divisent pas (panneau du bas). C’est
ainsi que le gène de la chaîne δ est inactivé
de manière permanente Les réarrangements CD4+8+
au locus de la chaîne α peuvent se dérouler V DJ J C α:β CD3bas en surface
Réarrangement Vα-Jα β
sur plusieurs cycles en raison des nombreux
segments géniques Vα et Jα, si bien que des αβ
réarrangements productifs sont presque Expression à la surface V J J C
toujours réalisés. Quand une chaîne α de α:β :CD3 α
fonctionnelle est produite pour s’apparier
efficacement avec la chaîne β, le thymocyte Les évènements δ
CD3basCD4+CD8+ est prêt à subir la sélection
de sélection
commencent
pour sa capacité à reconnaître des peptides du CD3 CD4 CD8
soi associés aux molécules du CMH du soi.
Le développement des cellules T dans le thymus 285
Une fois qu’un réarrangement productif de chaîne β s’est produit, celle-ci est expri-
mée avec la chaîne partenaire invariante pTα et les molécules CD3 (voir Fig. 7.24), et
est transportée à la surface cellulaire. Le complexe β:pTα est un récepteur fonction-
nel de cellule pré-T analogue au complexe du récepteur µ:Vpré-B:λ5 de la cellule
pré-B au cours du développement de la lignée B (voir la Section 7-3). L’expression du
récepteur de la cellule pré-T au stade DN3 déclenche la phosphorylation et la dégra-
dation de RAG-2, stoppant le réarrangement des gènes de la chaîne β et assurant
ainsi l’exclusion allélique au locus β. Ce signal induit le stade DN4 au cours duquel les
cellules prolifèrent rapidement et expriment finalement les protéines coréceptrices
CD4 et CD8. Le récepteur de la cellule pré-T transmet ses signaux de manière consti-
tutive en passant par la protéine kinase cytoplasmique Lck, une tyrosine kinase de la
famille Src (voir Fig. 6.14) et qui ne paraît pas nécessiter de ligand épithélial thymi-
que. Lck s’associe ensuite aux protéines coréceptrices. Chez la souris génétiquement
déficiente en Lck, le développement des cellules T est arrêté avant le stade double
positif CD4 CD8 et aucun réarrangement du gène de chaîne α ne se produit.
Le rôle de la chaîne β dans l’arrêt du réarrangement de son locus est démontré par
les souris porteuses d’un transgène de chaîne β ; 100 % des cellules T de ces souris
expriment la chaîne β transgénique, ce qui montre que le réarrangement du locus
endogène de la chaîne β est supprimé. L’importance de pTα a été montré par la
réduction de plus de cent fois du nombre de cellules T α:β et par l’absence d’exclu-
sion allélique au locus β.
Durant la phase de prolifération des cellules DN4 déclenchée par l’expression du
récepteur de la cellule pré-T, les gènes RAG-1 et RAG-2 sont aussi réprimés. Donc
aucun réarrangement au locus de chaîne α ne se produit jusqu’à ce que la phase
proliférative se termine ; la transcription des gènes RAG-1 et RAG-2 reprend alors,
et le complexe fonctionnel RAG-1:RAG-2 s’accumule. Cela garantit que toute cel-
lule dans laquelle un gène de chaîne β a été correctement réarrangé puisse donner
naissance à beaucoup de thymocytes double positifs CD4 CD8 . Une fois que les
cellules arrêtent de se diviser, chacune d’elles peut indépendamment réarranger
ses gènes de chaînes α, de telle manière qu’une seule chaîne fonctionnelle β peut
s’associer à beaucoup de chaînes α différentes dans les cellules de la descendance.
Durant la période de réarrangement de gènes de chaînes α, les récepteurs des cel-
lules T α:β sont d’abord exprimés ; ensuite, la sélection par les complexes peptide
du soi:CMH du soi dans le thymus peut commencer.
Au cours de la progression des cellules T à partir du stade double négatif vers le stade
double positif et finalement le stade simple positif, on distingue des profils différents
de molécules impliquées dans le réarrangement, la signalisation, et aussi des facteurs
de transcription, ceux-ci contrôlant probablement aussi bien le sort du développement
que l’expression de gènes importants des cellules T comme ceux du récepteur T lui-
même ( Fig. 7.25). TdT, la protéine responsable de l’insertion de nucléotides N aux jonc-
tions des segments géniques dans les cellules T et B, s’exprime tout au long de la période
du développement pendant laquelle les thymocytes réarrangent les segments de gènes
de leurs récepteurs de cellules T ; les nucléotides N peuvent être trouvés aux jonctions
de tous les gènes α et β réarrangés. Lck, et ZAP-70, une autre tyrosine kinase, sont expri-
mées toutes deux depuis les stades précoces du développement des thymocytes. Outre
son rôle clé dans la signalisation à partir du récepteur des cellules pré-T, Lck est aussi
importante pour le développement des cellules T γ:δ. Par contre, des études d’animaux
knockout (voir Appendice I, Section A-47) montrent que ZAP-70, bien qu’exprimée à
partir du stade double négatif, joue un rôle plus tardif ; il favorise le développement des
thymocytes simple positifs à partir des thymocytes double positifs. Fyn, un kinase de la
famille Src et semblable à Lck, est exprimée à des taux croissants à partir du stade dou-
ble positif. Elle n’est pas indispensable au développement des thymocytes α:β tant que
Lck est présente, mais elle est requise pour le développement des cellules NKT.
Finalement, plusieurs facteurs de transcription guident le développement des
thymocytes d’un stade vers l’autre. Ikaros et GATA-3 sont exprimés dans les pro-
géniteurs précoces des cellules T, et si l’un des deux manque, le développement
286 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Des réarrangements répétés peuvent sauver des jonctions non productives V𝛂J𝛂
Vα Jα Cα
De multiples cycles de réarrangement peuvent se produire pour générer une chaîne α fonctionnelle
signifie que les cellules T sans réarrangement initial productif de gène α auront Fig. 7.26 De multiples événements de
réarrangement successifs peuvent sauver
beaucoup plus de chance d’être sauvées par un réarrangement ultérieur que les
la formation du gène de la chaîne α du
cellules B sans réarrangement productif de leur gène de chaîne légère. récepteur de la cellule T. La multiplicité
des segments de gènes V et J au locus de
Une différence importante entre cellules B et T est que l’assemblage final d’une la chaîne α permet aux réarrangements
immunoglobuline conduit à l’arrêt du réarrangement génique et lance la suite de successifs de faire du « saute-mouton »
la différenciation de la cellule B, tandis que dans les cellules T le réarrangement des au-dessus des segments VJ préalablement
segments géniques Vα continuent à moins qu’un signal ne provienne d’un com- réarrangés, en éliminant tous les segments de
gènes intermédiaires. La voie de sauvetage
plexe peptide du soi:CMH du soi ne vienne sélectionner positivement le récepteur. de la chaîne α ressemble à celle des gènes
Cela signifie que de nombreuses cellules T ont des réarrangements en phase sur les de chaîne légère κ des immunoglobulines
deux chromosomes et peuvent ainsi produire deux types de chaînes α. C’est possi- (voir Section 7-5), mais le nombre possible
de réarrangements successifs est plus grand.
ble, parce que l’expression du récepteur de cellule T n’est pas suffisante pour arrêter
Le réarrangement des segments géniques
le réarrangement des gènes. Des réarrangements continus sur les deux chromoso- de chaîne α continue jusqu’à ce qu’un
mes permettent à de nombreuses chaînes α d’être produites successivement dans réarrangement productif conduise à une
chaque cellule T en développement et d’être testées quant à leur capacité de recon- sélection positive ou à la mort cellulaire.
naître, en partenariat avec la même chaîne β, un complexe peptide du soi:CMH
du soi. Cette phase de réarrangement génique dure 3 à 4 jours chez la souris et ne
s’arrête que lorsqu’une sélection positive se produit à la suite de l’engagement du
récepteur, ou quand la cellule meurt. On peut prédire que si la fréquence de la sélec-
tion positive est suffisamment basse, environ une cellule T mature sur trois expri-
mera deux chaînes α réarrangées de manière productive à sa surface. Ainsi, au sens
strict, les gènes de chaîne α du récepteur T ne sont pas soumis à l’exclusion allélique.
Cependant, comme nous le verrons dans la prochaine partie de ce chapitre, seuls
les récepteurs des cellules T qui sont sélectionnés positivement pour la reconnais-
sance du complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent fonctionner dans les répon-
ses restreintes au CMH. La régulation du réarrangement des gènes de chaîne α par
la sélection positive assure donc que chaque cellule T n’aura qu’une seule spécificité
fonctionnelle, même si deux chaînes α différentes sont exprimées.
On pourrait s’attendre à ce que les cellules T dotées d’une double spécificité fonc-
tionnent de manière inappropriée si une cellule activée par un récepteur pouvait
agir sur des cellules cibles reconnues par le second récepteur. Cependant, un seul
des deux récepteurs est probablement capable de reconnaître le peptide présenté
par une molécule du CMH du soi. En effet, une fois que la cellule a été sélectionnée
288 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Résumé.
d’intervenir dans les réponses restreintes au CMH du soi aux antigènes étrangers (voir
Chapitre 4) ; ceux qui en sont capables sont sélectionnés et survivent dans le thymus.
Les cellules double positives sont aussi soumises à une sélection négative ; les cel-
lules T dont les récepteurs reconnaissent des complexes peptide du soi:CMH du soi
meurent d’apoptose, ce qui élimine les cellules potentiellement auto-réactives. Dans
cette section, nous examinons les interactions entre les thymocytes double positifs en
développement et différents composants thymiques et nous examinons les mécanis-
mes par lesquels ces interactions façonnent le répertoire des cellules T matures.
Les chimères de moelle osseuse et la greffe thymique ont fourni la preuve que les
molécules du CMH dans le thymus influencent le répertoire des cellules T restrein-
tes au CMH. Cependant, des souris porteuses de transgènes réarrangés de récepteurs
Sélection positive et négative des cellules T 291
Récepteur transgénique reconnaissant germinale pour les molécules CMH devrait considérablement augmenter la propor-
le CMH de classe I tion de récepteurs qui peuvent être sélectionnés positivement chez tout individu.
Fig. 7.31 Les stades de la sélection positive exprimé interagit avec succès avec des
Une analyse détaillée des thymocytes montre
des cellules T α:β définis par analyse molécules du CMH présentes sur le stroma
plusieurs sous-populations distinctes qui
au FACS. Le diagramme représente un thymique pour induire une sélection positive,
diffèrent par le degré d’expression de CD4 et CD8.
résumé des résultats d’analyse au FACS la cellule commence par réduire l’expression
(voir l’Annexe I, Fig. A.25) des populations de à la fois de CD4 et de CD8, puis, par une
thymocytes à divers stades en relation avec nouvelle augmentation de l’expression de
la présence des corécepteurs CD4 et CD8. CD4, elle génère la population CD4+CD8bas.
Chaque cercle coloré représente une sous- Si la sélection est effectuée par une molécule
population de thymocytes à un stade différent du CMH de classe II, la signalisation dans les CD4
de développement. Les cellules double cellules T CD4+CD8bas est d’une durée plus
négatives (DN) qui ont réarrangé avec succès longue et la cellule s’engage dans la lignée
une chaîne β et qui expriment un récepteur CD4, avec maintien de CD4 et perte de CD8.
d’une cellule pré-T (pré-TCR) se mettent Si la sélection a été effectuée par une molécule CD8
à proliférer, puis se mettent à exprimer les du CMH de classe I, la signalisation dans les
corécepteurs CD4 et CD8. Le réarrangement cellules T CD4+CD8bas est de courte durée, ce
du locus de la chaîne α se produit dans ces qui conduit à l’engagement dans la lignée CD8, Des thymocytes CD4–CD8– (DN) donnent naissance
cellules, avec l’expression d’un récepteur de avec réexpression de CD8 et perte de CD4. au thymocytes CD4+CD8+ (DP) qui expriment le
cellule T à la surface cellulaire d’abord en Th-POK, T-helper-inducing POZ / Kruppellike TCR en faible densité et attendent une sélection positive
faible densité, puis en quantité intermédiaire. transcription factor ou facteur de transcription
Dans ces cellules, la signalisation dépend de type POZ / Kruppel inducteur de T auxiliaire.
du corécepteur. Si le récepteur des cellules T
CD4
semble qu’une cellule T qui a reçu un signal inducteur de sélection positive venant
du récepteur de la cellule T, régule d’abord à la baisse CD4 et CD8 après quoi elle réex-
prime CD4, quel que soit le CMH de classe I ou de classe II reconnu par le récepteur
(Fig. 7.31). Un modèle propose que l’intensité et la durée de la signalisation lors de CD8
la réexpression de CD4 déterminent l’orientation de la lignée. Lorsque la cellule est
sélectionnée par le CMH de classe II, la réexpression de CD4 fournit un signal plus Les signaux des TCR sélectionnés positivement
fort et plus soutenu, transmis en partie par Lck, ce qui conduirait à une différenciation réduisent d’abord l’expression de CD4 et CD8
dans la voie CD4 avec perte complète de CD8. Lorsque la cellule est sélectionnées par (cellules CD4basCD8bas). Ensuite, CD4 est
réexprimé, que le ligand inducteur soit le CMH
un CMH de classe I, la réexpression ne conduira pas à un signal supplémentaire via de classe I ou de classe II.
Lck ; ce signal plus faible à son tour détermine l’engagement dans la voie CD8, avec
perte subséquente de l’expression de CD4 et réexpression plus tard de CD8.
En général, les engagements dans une lignée cellulaire requièrent que différents
signaux soient générés afin d’activer des facteurs spécifiques de la lignée et susci- CD4
ter une divergence dans le programme de développement. Par exemple, le facteur
de transcription Th-POK (T-helper-inducing POZ / Kruppel-like) (voir Fig. 7.31) est
essentiel pour le développement de la lignée CD4 à partir des thymocytes double
CD8
positifs. En effet, une mutation de Th-POK survenue naturellement et entraînant
une perte de fonction redirige les thymocytes restreints au CMH de classe II dans
la lignée CD8. Bien que beaucoup reste à découvrir à propos de ce processus dans La division des thymocytes en deux lignées
CD4 ou CD8 survient au stade CD4+CD8bas,
le développement des thymocytes α:β, il est clair que les différents signaux qui sont lorsque l’expression transitoire de Th-POK
générés aboutissent à une divergence de programmation fonctionnelle. Ainsi, par conduit à l’engagement CD4, ou son absence
exemple, la capacité d’expression de gènes impliqués dans l’aptitude à tuer des conduit à l’engagement CD8.
cellules cibles se développe dans les cellules T CD8, mais non dans la plupart des
cellules T CD4, tandis que les cellules T CD4, et dans une moindre mesure les cel-
lules T CD8, acquièrent le potentiel d’exprimer divers gènes de cytokines.
La majorité des thymocytes double positifs qui subissent une sélection positive se déve- CD4
loppent en cellules T simple positives CD4 ou CD8. Cependant, le thymus génère une
population minoritaire de cellules T qui expriment CD4, mais pas CD8 et qui semblent
représenter une lignée distincte de cellules T qui régulent les actions des autres cellu- CD8
les T. Ces cellules expriment également en forte densité certaines protéines de surface
comme CD25 et CTLA-4 (voir la Section 6-20) et le facteur de transcription Forkhead, CD4+ simple positif
FoxP3, et sont appelées cellules T régulatrices naturelles. La base de la sélection et du CD4+ CD8bas
développement de cette sous-population de cellules T n’est pas encore connue. CD4bas CD8bas
CD4+CD8+ double positif (DP)
CD4–CD8– double négatif (DN)
7-19 Les cellules épithéliales du cortex thymique permettent la sélection CD4bas CD8+
CD8+ simple positif
positive des thymocytes en développement.
Les études de transplantation thymique décrites dans la Section 7-15 suggéraient
que les cellules stromales étaient importantes pour la sélection positive. Ces cellules
294 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Les cellules CD4 et CD8 se différencient Seules les cellules T CD8 se différencient Les cellules CD4 et CD8 se différencient Seules les cellules T CD8 se différencient
Fig. 7.32 Les cellules corticales épithéliales forment des extensions cytoplasmiques qui permettent des contacts étroits avec les
thymiques sont impliquées dans la
cellules T double positives subissant la sélection positive (voir Fig. 7.16). On peut
sélection positive. Dans le thymus des
souris normales (premiers panneaux), voir le regroupement des récepteurs des cellules T avec les molécules du CMH aux
qui expriment les molécules du CMH de sites de contact. La démonstration directe que les cellules épithéliales corticales
classe II sur les cellules épithéliales du thymiques interviennent dans la sélection positive vient d’une manipulation ingé-
cortex thymique (en bleu) ainsi que sur les
cellules épithéliales médullaires (orange)
nieuse de souris dont les gènes du CMH de classe II ont été inactivés par interrup-
et sur les cellules dérivées de la moelle tion génique ciblée (Fig. 7.32). Les souris mutantes dépourvues de CMH de classe II
osseuse (jaune), les cellules T CD4 (bleu) et ne produisent normalement pas de cellules T CD4. Pour tester le rôle de l’épithé-
CD8 (rouge) se développent. Les thymocytes lium thymique dans la sélection positive, on a placé un gène du CMH de classe II
double positifs sont colorés pour moitié en
rouge et en bleu. Les deuxièmes panneaux
sous le contrôle d’un promoteur restreignant son expression aux cellules épithé-
représentent des souris mutantes incapables liales corticales thymiques, puis on l’a introduit comme transgène dans les souris
d’exprimer le CMH de classe II à la suite d’une mutantes. Les cellules T CD4 se sont alors développées. Une variante de cette expé-
inactivation génique ; chez ces souris, peu de rience montre que, de façon à promouvoir le développement des cellules T CD4, la
cellules T CD4 se développent, alors que les
cellules T CD8 se différencient normalement. molécule du CMH de classe II sur l’épithélium thymique doit être capable d’intera-
Chez les souris dépourvues de CMH de gir efficacement avec CD4. Donc, quand le transgène du CMH de classe II exprimé
classe II, mais dotées d’un transgène du dans le thymus contient une mutation qui l’empêche de se fixer à CD4, très peu
CMH de classe II construit de telle manière
de cellules T CD4 se développent. Des études équivalentes de l’interaction de CD8
qu’il ne soit exprimé que sur les cellules
épithéliales du cortex thymique (troisièmes avec des molécules du CMH de classe I montrent également que la liaison du coré-
panneaux), les cellules T CD4 se différencient cepteur est nécessaire pour une sélection positive normale des cellules CD8.
normalement. Par contre, si une molécule du
CMH de classe II avec un site de liaison à CD4 Le rôle crucial de l’épithélium cortical thymique dans la sélection positive sou-
défectif est exprimée (quatrièmes panneaux), lève la question de savoir si ces cellules ont des propriétés particulières liées à la
la sélection positive des cellules T CD4 ne présentation antigénique. On l’ignore encore, mais l’épithélium thymique pour-
s’effectue pas. Ce qui indique que les cellules
épithéliales corticales jouent un rôle critique rait différer des autres tissus par les protéases utilisées pour dégrader la chaîne
dans la sélection positive et que la molécule invariante (Ii) durant le passage des molécules du CMH de classe II vers la sur-
du CMH de classe II doit pouvoir interagir avec face cellulaire (voir la Section 5-8). La protéase cathepsine L domine dans l’épithé-
la protéine CD4.
lium cortical thymique, tandis que la cathepsine S semble être majoritaire dans les
autres tissus. En conséquence, le développement des cellules T CD4 est fortement
inhibé chez les souris dont le gène de la cathepsine L a été inactivé. Les cellules
épithéliales thymiques semblent porter, en forte densité, des molécules du CMH
de classe II qui retiennent le peptide associé à la chaîne invariante (CLIP) (voir
Fig. 5.9). Si les cellules stromales thymiques sont indispensables, il se peut que ce
soit tout simplement parce qu’elles sont proches anatomiquement des thymocy-
tes en développement durant la phase de sélection positive, les macrophages et les
cellules dendritiques étant rares dans le cortex.
Nous avons expliqué que les cellules T, en interagissant avec des complexes peptide
du soi:CMH du soi exprimés sur les cellules stromales thymiques, passent succes-
sivement par une sélection positive, en vue de la restriction au CMH du soi, et par
une sélection négative. Mais, il reste une question sans réponse : comment cette chimère CMHa×bCMHa
interaction du récepteur de cellule T aboutit à deux destins opposés ? D’abord, il
faut plus de spécificités sélectionnées positivement que négativement, sinon tou- La souris chimérique (CMHa×b —CMHa)
tes les cellules sélectionnées positivement dans le cortex thymique seraient éli- tolère la greffe de peau CMHb
minées par sélection négative et aucune cellule T ne serait produite (Fig. 7.36).
Deuxièmement, les conséquences des interactions qui conduisent à une sélection
positive ou négative doivent différer ; des cellules qui reconnaissent des complexes
peptide du soi:CMH du soi sur les cellules épithéliales corticales sont amenées à
poursuivre leur maturation tandis que celles dont les récepteurs pourraient confé-
rer une forte autoréactivité dangereuse doivent mourir.
Fig. 7.35 Des cellules dérivées de la moelle
Une hypothèse expliquant les différences entre sélection négative et posi- osseuse contribuent à la sélection négative
tive suppose que le résultat de la liaison des récepteurs des thymocytes au com- dans le thymus. Quand une moelle osseuse
F1 CMHa×b est injectée à une souris irradiée
plexe peptide:CMH dépend de l’intensité du signal provenant du récepteur et CMHa, les cellules T se différencient sur
du corécepteur, celle-ci dépendant de l’affinité du récepteur T pour le complexe l’épithélium thymique exprimant seulement
peptide:CMH et de la densité de celui-ci sur les cellules épithéliales corticales thy- les molécules de CMHa. Néanmoins, les
miques. On pense qu’une faible signalisation sauverait les thymocytes de l’apop- souris chimériques sont tolérantes aux greffes
de peau exprimant les molécules de CMHb
tose, d’où leur sélection positive, tandis que les thymocytes soumis à une forte (pourvu que ces greffes ne présentent pas de
signalisation seraient condamnés à l’apoptose et donc sélectionnés négativement. peptides spécifiques de la peau qui diffèrent
Comme les complexes se fixent en général plutôt faiblement que fortement, il en entre la souche a et la souche b). Cela
résulterait que le répertoire, après la sélection positive, est plus étendu que celui qui implique que les cellules T dont les récepteurs
reconnaissent les antigènes du soi présentés
fait suite à la sélection négative. Une seconde hypothèse propose que la qualité du par le CMHb ont été éliminées dans le thymus.
signal transmis par le récepteur, et non simplement le nombre de récepteurs enga- Comme les cellules de la moelle osseuse
gés, distingue la sélection positive de la négative. Selon le modèle de l’intensité du transplantée F1 CMHa×b sont la seule source
de molécules de CMHb dans le thymus, des
signal, un complexe peptide:CMH spécifique pourrait entraîner une sélection posi- cellules dérivées de la moelle osseuse doivent
tive ou négative d’un récepteur particulier selon sa densité à la surface cellulaire. être capables d’induire une sélection négative.
Par contre, selon le modèle de la qualité du signal, la sélection ne serait pas affec-
tée par des changements dans la densité peptide:CMH. Des expériences n’ont pas
encore confirmé l’une de ces deux hypothèses. Cependant, des différences dans
l’activation de la signalisation distinguent la sélection positive et négative, et l’acti-
vation différenciée de la voie de la MAP kinase par le récepteur des cellules T (voir
Chapitre 6) a été considérée comme responsable des destins opposés liés à la sélec-
tion positive ou négative. Des observations suggèrent que la sélection positive est
la conséquence d’une activation faible mais soutenue de la protéine kinase ERK,
298 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Sélection négative
Cellules T matures
périphériques
alors que la sélection négative est liée à une activation de ERK plus intense associée
à l’activation de protéine kinases apparentées, JNK et p38 (voir la Section 6-14).
Résumé.
et, inversement, que de nombreux récepteurs peuvent lier plus d’un ligand. De plus,
il paraît évident qu’il existe un chevauchement de fonctions et une coopération entre
les ligands. Néanmoins, quelques conclusions générales peuvent être tirées.
Le développement des ganglions lymphatiques dépend de l’expression des lymphotoxi-
nes (LT) dans le tissu en développement. Les LT constituent un sous-groupe de protéines
de la famille du TNF. Divers types de ganglions lymphatiques dépendent de différentes
LT. LT-α3, un homotrimère soluble de la chaîne protéique LT-α, participe au développe-
ment des ganglions cervicaux et mésentériques et peut-être des ganglions lymphatiques
lombaires et sacrés. Tous ces ganglions lymphatiques drainent les muqueuses. LT-α3
exerce probablement ses effets par liaison au TNFR-I et probablement aussi via un autre
membre de la famille des TNFR appelé HVEM. LT-α2:β1, un hétérotrimère membranaire
comprenant la chaîne LT-α et la chaîne protéique distincte LT-β, se lie uniquement aux Fig. 7.37 L’architecture normale des
organes lymphoïdes secondaires requiert
récepteur LT-β, et participe au développement de tous les autres ganglions lymphati- des membres de la famille du TNF et de
ques. De plus, les plaques de Peyer ne se forment pas en l’absence de cet hétérodimère leurs récepteurs. Ces rôles ont été déduits
membranaire. Ces effets ne sont pas réversibles chez l’animal adulte, et il a été montré principalement d’études de souris knockout
que certaines périodes de développement sont critiques, durant lesquelles l’absence ou déficientes en un ou plusieurs membres
de la famille du TNF (ligand) et / ou en leurs
l’inhibition des membres de la famille LT empêchera de manière irrévocable le dévelop- récepteurs. Puisqu’un récepteur lie plus d’un
pement des ganglions lymphatiques et des plaques de Peyer. ligand, et que certains ligands se lient à plus
d’un récepteur, les rôles s’avèrent complexes,
Bien que la rate se développe chez toutes les souris déficientes en différents membres et ont été déterminés par analyse de différents
de la famille du TNF ou des TNFR, son architecture est très anormale chez beaucoup types de souris mutantes. À noter que les
de ces souris mutantes (voir Fig. 7.37). Une LT, (très probablement l’hétérotrimère récepteurs ont été nommés en fonction du
premier ligand qui a été découvert, même si
membranaire), est nécessaire à la séparation normale des zones B et T. Le TNF-α, en d’autres ligands ont été identifiés par la suite
se liant au TNFR-I, contribue également à l’organisation de la pulpe blanche. En effet, Ici, sont présentées les anomalies portant
lorsque les signaux TNF-α sont interrompus, les cellules B entourent les zones T en sur deux récepteurs majeurs, TNFR-I et le
formant un anneau plutôt qu’un follicule distinct. De plus, la zone marginale est mal récepteur de LT-β, ainsi que sur un récepteur
relativement nouveau, le médiateur d’entrée
définie lorsque le TNF-α ou son récepteur sont absents. Fait peut-être plus important, des virus herpétiques (HVEM, Herpes Virus
les cellules dendritiques folliculaires sont absentes chez les souris sans TNF-α ou sans Entry Mediator), qui pourrait également
TNFR-I. Ces souris, qui possèdent des ganglions lymphatiques et des plaques de Peyer intervenir dans l’organisation lymphoïde. Dans
certains cas, la perte de ligands se liant au
puisqu’elles expriment des LT, sont cependant dépourvues de cellules dendritiques
même récepteur génère des phénotypes
folliculaires. De la même manière, les souris qui ne peuvent pas former des signaux différents; c’est dû à la capacité de liaison
ou les transmettre par l’hétérotrimère membranaire LT α2:β1 sont également déficien- du ligand à un autre récepteur, comme c’est
tes en cellules dendritiques folliculaires normales dans la rate et dans chaque ganglion indiqué dans la figure. De plus, la chaîne
protéique LT-α entre dans la composition
lymphatique résiduel. Contrairement au développement des ganglions lymphatiques, de deux ligands différents, LT-α3 et LTα2:β1,
qui s’avère irréversible, la désorganisation de la structure lymphoïde est réversible chacun possédant son récepteur. De
quand on rétablit la présence du membre déficient de la famille du TNF. Les cellules B manière générale, la signalisation passant
sont probablement la source principale des LT membranaires, puisque les cellules B par le récepteur de LT-β intervient dans le
développement des ganglions lymphatiques
normales, lorsqu’elles sont transférées chez des souris déficientes en RAG (qui n’ont et des cellules dendritiques folliculaires et
pas de lymphocytes), font réapparaître des cellules dendritiques folliculaires et des fol- dans l’architecture normale de la rate, tandis
licules. Récemment, on a découvert un rôle semblable pour les cellules B dans le déve- que la signalisation passant par le récepteur
loppement des cellules M qui couvrent les plaques de Peyer. Dans ce cas, des signaux TNFR‑I est également requise pour les cellules
folliculaires dendritiques et l’architecture de
indépendants de LT-α semblent requis puisque les cellules B déficientes en LT-α peu- la rate main non pour le développement des
vent restaurer le développement des cellules M des plaques de Peyer. ganglions lymphatiques.
LT-α3 Bien que LT-α et LIGHT puissent lier HVEM, on ne connaît pas le rôle de la signalisation de HVEM dans l’organogenèse.
HVEM
LIGHT
302 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Les cellules stromales Les cellules dendritiques Les cellules dendritiques Les cellules B sont attirées Les cellules B induisent les cellules
et les cellules des veinules expriment le récepteur de CCL21 sécrètent CCL18 et CCL19, d’abord dans le ganglion dendritiques folliculaires, qui à leur
à endothélium élevé (HEV) et migrent dans le ganglion en qui attirent les cellules T en formation par tour sécrètent la chimiokine CXCL13
sécrètent la chimiokine CCL21 formation par les lymphatiques vers le ganglion en formation les mêmes chimiokines pour attirer plus de cellules B
CCL18
HEV CCL19
CCL21
CCL21
CXCL13
cellule
stromale
cellule
dendritique
Fig. 7.38 L’organisation d’un organe 7-25 La localisation des lymphocytes dans des régions spécifiques
lymphoïde est dirigée par des chimiokines.
L’organisation cellulaire d’un organe lymphoïde des tissus lymphoïdes périphériques est assurée par des chimiokines.
est assurée par les cellules stromales et
les cellules vasculaires endothéliales, qui Les lymphocytes nouvellement formés pénètrent dans la rate par le sang, sortant d’abord
expriment la chimiokine CCL21 (premier
panneau). Les cellules dendritiques porteuses du sinus marginal, d’où ils migrent vers les aires appropriées de la pulpe blanche. Les
du récepteur CCR7 spécifique de CCL21 lymphocytes qui survivent après leur passage dans la rate la quittent par les sinus vei-
sont attirées vers le site de développement du neux de la pulpe rouge. Dans les ganglions lymphatiques, les lymphocytes entrent par
ganglion lymphatique (deuxième panneau). le sang à travers les parois de vaisseaux sanguins spécialisés, les veinules post-capil-
On ignore si, aux stades précoces du
développement ganglionnaire, des cellules laires à endothélium élevé (HEV, High Endothelial Venules), lesquelles sont localisées
dendritiques immatures entrent à partir du dans la zone de cellules T. Les cellules B naïves migrent à travers l’aire des cellules T
courant sanguin ou par les lymphatiques jusqu’au follicule où elles restent environ une journée, à moins qu’elles ne rencontrent
comme elles le font plus tard dans la vie. Une
leur antigène spécifique et s’activent. Les cellules B et T quittent en empruntant le lym-
fois dans le ganglion, les cellules dendritiques
sécrètent les chimiokines CCL18 (appelée phatique efférent, qui les ramène finalement dans le sang. La localisation précise des
aussi DC-CK1) et CCL19, pour lesquelles cellules B, des cellules T, des macrophages et des cellules dendritiques dans les tissus
les cellules T expriment des récepteurs. lymphoïdes périphériques, est contrôlée par des chimiokines, qui sont produites par
Ensemble, les chimiokines sécrétées par les
cellules stromales et les cellules dendritiques
des cellules stromales et des cellules dérivées de la moelle osseuse (Fig. 7.38).
attirent les cellules T dans le ganglion en
Les cellules B expriment de manière constitutive le récepteur de chimiokine CXCR5
formation (troisième panneau). La même
combinaison de chimiokines attire aussi les et sont attirées dans les follicules par le ligand de ce récepteur, la chimiokine CXCL13
cellules B dans le ganglion en formation (chimiokine des lymphocytes B ou BLC). La source la plus probable de CXCL13 est la
(quatrième panneau). Les cellules B sont aptes cellule dendritique folliculaire, peut-être en association avec d’autres cellules stromales
soit à induire la différenciation des cellules
dendritiques folliculaires non leucocytaires
folliculaires. Les cellules B à leur tour produisent les LT nécessaires au développement
(qui appartiennent à une lignée distincte des des cellules dendritiques folliculaires. Cette dépendance réciproque des cellules B et
cellules dendritiques dérivées de la moelle des cellules dendritiques folliculaires illustre le réseau complexe d’interactions qui
osseuse), soit à diriger leur recrutement dans organise les tissus lymphoïdes secondaires. Les cellules T peuvent également expri-
le ganglion. Une fois présentes, les cellules
dendritiques folliculaires sécrètent une
mer le CXCR5 en moindre quantité mais suffisante pour expliquer peut-être comment
chimiokine, CXCL13, qui attire les cellules B. les cellules T sont capables d’entrer dans les follicules de cellules B, ce qu’elles font lors
La production de CXCL13 dirige l’organisation de leur activation, et participer ainsi à la formation des centres germinatifs.
en zones de cellules B (follicules) autour des
cellules dendritiques folliculaires et contribue Deux chimiokines, CCL19 (MIP-3β) et CCL21 (SLC, Secondary Lymphoid Chemokine)
au recrutement supplémentaire de cellules B expliquent la localisation des cellules T dans les zones T. Les deux se lient au récep-
du sang dans le ganglion lymphatique
(cinquième panneau).
teur CCR7 présent sur les cellules T. Les souris déficientes en CCR7 ne forment pas de
zones T normales et ont des réponses primaires fortement altérées. Les cellules stro-
males de la zone T splénique et les cellules épithéliales des HEV dans les ganglions
lymphatiques et les plaques de Peyer produisent CCL21. Une autre source de CCL19
et de CCL21 est la cellule dendritique interdigitée, qui prédomine dans les zones T.
En effet, les cellules dendritiques elles-mêmes expriment CCR7 et gagnent les zones
T, même chez les souris déficientes en RAG et donc sans lymphocytes. Ainsi, la zone T
pourrait s’organiser d’abord par l’attraction de cellules dendritiques et de cellules T
par CCL21 produit par les cellules stromales. Cette organisation serait ensuite renfor-
cée par CCL19 et CCL21 secrétées par les cellules dendritiques résidentes matures,
qui à leur tour attirent davantage de cellules T et de cellules dendritiques immatures.
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 303
7-28 Les cellules B-1 et les cellules B de la zone marginale sont des sous-
types distincts de cellules B avec des spécificités antigéniques uniques.
La spécificité du récepteur est importante dans la formation des pools périphériques de
cellules B qui dérivent de cellules B immatures et qui atteignent la rate. Cela est particu-
lièrement visible dans le rôle du récepteur de cellule B et de l’antigène dans la sélection
de deux sous-populations de cellules B qui ne résident pas dans les follicules de cellu-
les B : les cellules B-1 ou cellules B CD5+ et les cellules B de la zone marginale.
Les cellules B-1 forment une sous-population de cellules B qui comprend environ
5 % de l’ensemble des cellules B chez les souris et les humains, et constituent la popu-
lation principale chez les lapins. Les cellules B-1 expriment la protéine de surface
CD5, sont riches en sIgM mais pauvres en sIgD, et résident principalement dans le
liquide péritonéal et pleural. Ces cellules apparaissent d’abord pendant le dévelop-
pement fœtal (Fig. 7.40) et sont appelées cellules B-1 parce que leur développement
précède celui des cellules B classiques, dont le développement a été examiné jusqu’à
présent et qui sont appelées cellules B-2. Il est évident que la spécificité antigéni-
que affecte le sort des cellules B-1 et / ou de leurs précurseurs, certains autoantigènes
et antigènes de l’environnement rencontrés en périphérie entraînant l’expansion et
le maintien des cellules B-1. Certains de ces antigènes, comme la phosphocholine,
sont présents à la surface de bactéries qui colonisent l’intestin.
L’origine des cellules B-1 est encore controversée. On ne sait pas encore si elles se
développent sous forme d’une lignée distincte à partir d’un précurseur unique ou
acquièrent le phénotype de cellule B-1 à partir d’un précurseur, qui pourrait éga-
lement donner naissances aux cellules B-2. Chez la souris, le foie fœtal produit
principalement des cellules B-1, alors que la moelle osseuse adulte génère princi-
palement des cellules B-2, ce qui a été interprété comme un argument en faveur du
caractère unique des précurseurs. Toutefois, d’autres arguments favorisent l’idée
que l’orientation B-1 ou B-2 est due à un processus de sélection, plutôt qu’à une
différence de lignée comme celle qui existe entre les lymphocytes T γ:δ et α:β.
Les cellules B de la zone marginale, appelées ainsi car elles résident dans le sinus
marginal de la pulpe blanche splénique, forment une autre sous-population unique
de cellules B. Elles semblent être des cellules B matures au repos, mais elles ont un
assortiment de protéines de surface qui diffère de celui de la population folliculaire
principale de cellules B. Par exemple, ils expriment des quantités moindres de CD23,
une lectine de type C, mais des quantités élevées de molécules CD1, une molécule
de type CMH de classe I (voir la Section 5-19), et deux récepteurs pour le fragment
C3 du complément, CR1 (CD35) et CR2 (CD21). Les cellules B de la zone marginale
ont des spécificités antigéniques limitées, biaisées en faveur d’antigènes communs
de l’environnement et des autoantigènes, et pourraient servir à réagir promptement
à des antigènes qui ont pénétré dans la circulation sanguine. Elles pourraient ne pas
avoir besoin de l’aide des cellules T pour être activées. Fonctionnellement et phéno-
typiquement, les cellules B de la zone marginale ressemblent à des cellules B-1; de
récentes expériences donnent à penser qu’elles sont sélectionnées positivement par
certains antigènes du soi, comme le sont les cellules B-1. Elles se distinguent, cepen-
dant, à la fois par leur localisation et par l’expression de protéines de surface, par
exemple, les cellules B de la zone marginale ont peu de CD5.
Les fonctions des cellules B-1 et des cellules B de la zone marginale commencent à être
connues. Leurs localisations suggèrent un rôle pour les cellules B-1 dans la défense
des cavités corporelles, et pour les cellules B de la zone marginale dans la défense
contre les agents pathogènes qui pénètrent dans la circulation sanguine. Le réper-
toire limité des récepteurs dans les deux types de cellules semble les destiner à une
fonction au cours de la phase précoce et non adaptative d’une réponse immunitaire
(voir la Section 2-34). En effet, les segments géniques V qui sont utilisés pour coder les
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 307
récepteurs des cellules B-1 et de la zone marginale pourraient avoir évolué par sélec-
tion naturelle afin que ces cellules reconnaissent des antigènes bactériens communs,
leur permettant ainsi de contribuer aux phases très précoces de la réponse immu-
nitaire adaptative. En pratique, on constate que les cellules B-1 contribuent peu à
la réponse immunitaire adaptative contre la plupart des antigènes protéiques, mais
contribuent fortement à certaines réponses humorales contre des antigènes glucidi-
ques. En outre, une grande proportion de l’IgM présente normalement dans le sang
des souris non immunisées provient des cellules B-1. L’existence de ces anticorps
naturels, qui réagissent fréquemment de manière croisée et dont l’affinité pour les
antigènes microbiens et les autoantigènes est relativement faible, supporte l’opinion
que les cellules B-1 sont partiellement activées parce qu’elles sont destinées à s’autore-
nouveler au contact d’autoantigènes ubiquitaires et d’antigènes de l’environnement.
Résumé.
L’organisation des tissus lymphoïdes périphériques est contrôlée par des protéines de
la famille du TNF et de leurs récepteurs (TNFR). L’interaction entre les cellules B expri-
mant des lymphotoxines et des cellules dendritiques folliculaires exprimant le récep-
teur TNFR-I génère les signaux nécessaires pour établir l’architecture normale de la
rate et des ganglions lymphatiques. Le recrutement des cellules B et T dans des aires
distinctes des tissus lymphoïdes repose sur l’attraction exercée par des chimiokines.
308 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
7-30 Les tumeurs des cellules B occupent souvent le même site que leurs
homologues normaux.
Muté
Lymphome de Hodgkin Cellule B variabilité
de centre germinatif intraclonale +/–
matures de centre germinatif ou à des cellules mémoire prolifèrent dans les follicu-
les des ganglions lymphatiques et de la rate, alors que dans le myélome multiple
(tumeur de la moelle osseuse) les plasmocytes néoplasiques, à l’instar de plasmo-
cytes normaux, occupent de nombreux sites la moelle osseuse. Ces similitudes font
qu’il est souvent possible d’utiliser des cellules tumorales, disponibles en grandes
quantités, pour l’étude des molécules de surface cellulaire et des voies de signalisa-
tion responsables de l’écotaxie lymphocytaire et d’autres fonctions cellulaires.
La nature clonale des tumeurs de la lignée B est clairement illustrée par les réar-
rangements identiques des gènes d’immunoglobulines dans les différentes cellu-
les du lymphome d’un patient particulier. Ceci est utile pour le diagnostic clinique,
car les cellules tumorales peuvent être détectées par des tests sensibles pour ces
réarrangements homogènes (Fig. 7.42). En effet, la présence de réarrangements
aux locus du récepteur de cellule B indique l’origine cellulaire B d’une tumeur,
tout comme des remaniements aux locus du récepteur de cellule T indiquent une
origine cellulaire T. Cette approche s’est révélée utile pour le typage de la leucé-
mie lymphoblastique aiguë, une néoplasie commune de l’enfance. La plupart de
ces cas ont des réarrangements des locus de chaîne lourde, mais pas des locus de
chaîne légère, ce qui indique une origine à partir d’une cellule pré-B, observation
conforme au phénotype relativement indifférencié des cellules tumorales. Parfois,
des gènes de chaîne légère sont également réarrangés, ce qui suggère que la tumeur
pourrait s’être développée à partir de précurseurs un peu plus différenciés. Dans
310 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
traitement
traitement
permet la détection et le suivi des proliférations Germinal
Après
Avant
lymphoïdes malignes. Panneau de gauche : (non réarrangé)
analyse d’une tumeur de cellules B. Dans un
échantillon d’une personne normale (ligne gène Cβ1
kb
de gauche), les gènes d’immunoglobuline
sont dans une configuration germinale dans
les cellules non-B, donc la digestion de
leur ADN avec des enzymes de restriction
donne un seul fragment d’ADN qui peut être
révélé par une sonde de la région J des
chaînes lourdes d’immunoglobuline (JH).
Les cellules B normales présentes dans 10.0 Germinal
cet échantillon montrent beaucoup de
réarrangements de JH différents, produisant
un spectre de bandes dont chacune est si Germinal
(non réarrangé)
fine qu’elles sont indétectables. Par contre,
chez les patients avec des cellules B gène Cβ2
malignes (patient 1 et patient 2), où une
6.6
seule cellule a donné naissance aux cellules
tumorales de l’échantillon, deux bandes
supplémentaires sont mises en évidence par
la sonde JH. Ces bandes sont caractéristiques
de chaque tumeur de patient et résultent du quelques leucémies lymphoblastiques, ce sont des locus des récepteurs de cel-
réarrangement des deux allèles du gène JH lule T qui sont réarrangés ; la tumeur n’a donc pas une origine cellulaire B.
dans les cellules tumorales originelles.
L’intensité des bandes comparées avec celles De même, l’état des réarrangements géniques a permis d’identifier l’origine d’un type
des bandes germinales donne une indication tumoral appelé maladie de Hodgkin. La cellule étrange, caractéristique de la maladie
de l’abondance des cellules tumorales dans de Hodgkin, appelée cellule de Reed-Sternberg (RS), était considérée comme pro-
l’échantillon. Après le traitement antitumoral
(voir patient 1), on constate la diminution
venant des cellules T ou des cellules dendritiques. L’analyse d’ADN a montréque ces
de l’intensité des bandes spécifiques de la cellules ont réarrangé leurs gènes d’immunoglobulines. Ce qui a permis de les classer
tumeur. kb, kilobases. Panneau de droite : dans le groupe des tumeurs dérivées d’une cellule B. On ignore comment la cellule B
les événements uniques de réarrangement transformée change de morphologie pour devenir une cellule RS. Curieusement, dans
dans chaque cellule T peuvent être utilisés
de la même manière pour l’identification des la maladie d’Hodgkin, les cellules RS constituent quelquefois une population mino-
tumeurs T par empreinte Southern. La sonde ritaire, les cellules les plus nombreuses étant généralement des cellules T et B poly-
utilisée dans ce cas était spécifique des clonales qui peuvent réagir contre les cellules RS ou à un facteur soluble que celles-ci
régions constantes (Cβ1 et Cβ2) de la chaîne β
sécrètent. Une des raisons pour lesquelles l’origine des cellules RS n’avait pas été iden-
du récepteur T. L’ADN de placenta (P), un
tissu dans lequel les gènes du récepteur T tifiée est l’absence, dans presque tous les cas, d’immunoglobulines de surface. Nous
ne sont pas réarrangés, montre une bande savons maintenant que, dans de nombreux cas, cette perte est due à une mutation
importante pour chaque région. L’ADN du sang somatique qui inactive un des gènes de la région V des immunoglobulines.
périphérique de lymphocytes de deux patients
souffrant de tumeurs T (T1 et T2) donne des La détection de mutations somatiques dans les gènes d’immunoglobuline d’une
bandes additionnelles qui correspondent aux tumeur à cellules B fournit également des informations importantes sur son ori-
réarrangements spécifiques (fléchés) présents
dans de nombreuses cellules tumorales. gine. Des gènes V mutés suggèrent que la cellule d’origine est passée par les centres
Comme avec les cellules B, aucune bande germinatifs. Les leucémies à cellules pré-B et la plupart des leucémies lymphocy-
des gènes réarrangés dans les cellules T taires chroniques (LLC) n’ont pas de mutation. Par contre, les cellules des lym-
normales n’est visible sur les échantillons de
patients, car aucune de ces bandes n’est en
phomes folliculaires ou du lymphome de Burkitt expriment des gènes V mutés.
concentration suffisante pour être détectée Si les gènes V de différentes lignées de lymphome de Burkitt du même patient sont
par ce test. Panneau de gauche : clichés de séquencés, de petites variations (variations intraclonales) sont détectées ; l’hyper-
T.J. Vulliamy et L. Luzatto. Panneau de droite : mutation somatique peut en effet se poursuivre dans les cellules tumorales. Les cel-
cliché de T. Diss.
lules tumorales très différenciées comme celles du myélome multiple contiennent
des gènes mutés, mais ne présentent pas de variations intraclonales ; à ce stade de
différenciation, l’hypermutation somatique s’est arrêtée. Une certaine prudence est
nécessaire dans l’interprétation de la présence ou absence de mutation somatique
dans les gènes d’immunoglobuline ; il n’est pas certain que les mutations ne se pro-
duisent que dans les centres germinatifs ; de plus, les cellules mémoire peuvent être
passées par les centres germinatifs sans y avoir subi des mutations somatiques.
Grâce aux microréseaux d’ADN, on a pu comparer de manière détaillée les gènes qui sont
exprimés dans des cellules tumorales et dans des cellules normales (voir Appendice I,
section A-35). Cette approche donne un aperçu des relations entre tumeurs et tissus
normaux et permet une classification plus précise et de mieux comprendre la biologie
des cellules tumorales. Ce travail a confirmé les classifications antérieures basées sur la
Les tumeurs lymphoïdes 311
Des tumeurs de la lignée T ont été identifiées, mais contrairement aux cancers des
cellules B, peu correspondent à des stades intermédiaires du développement des
cellules T chez l’homme. Au contraire, les tumeurs T comportent plutôt des cellules
différenciées ou, dans la leucémie aiguë lymphoblastique, de cellules dérivées des
progéniteurs lymphoïdes les plus précoces (Fig. 7.43). Une explication possible de
Lymphome des cellules T
la rareté des tumeurs T correspondant aux stades intermédiaires vient du fait que
les cellules T sont programmées pour mourir à moins qu’elles ne soient sauvées par
la sélection positive durant un intervalle de temps très étroit (voir la Section 7-14).
Les thymocytes pourraient tout simplement ne pas rester suffisamment longtemps
aux stades intermédiaires pour fournir l’occasion d’une transformation maligne.
312 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
Ainsi, seules les cellules T qui sont transformées à des stades précoces de différen-
chromosome 8 chromosome 14
ciation ou après que leur maturation, deviennent cancéreuses.
Comme pour les cellules B, le comportement des tumeurs des cellules T matures
a fait progresser nos connaissances sur les différents aspects de la biologie des cel-
lules T, et vice-versa. Par exemple, les lymphomes T cutanés, qui infiltrent la peau
et proliférent lentement, sont des expansions clonales de cellules T CD4, qui, une
fois activées, migrent vers la peau. Enfin, une tumeur du stroma thymique, appelée
thymome, est fréquente dans certaines maladies auto-immunes. Sans que l’on ne
comprenne pourquoi, l’élimination de ces tumeurs améliore souvent la maladie.
gène
gène 7-32 Les lymphomes B comportent fréquemment des translocations
d’Ig
MYC chromosomiques qui joignent des locus d’immunoglobulines
à des gènes qui régulent la croissance cellulaire.
L’accumulation incontrôlée de cellules dérivées d’un seul clone, caractéristique la
plus évidente des tumeurs, est causée par des mutations qui libèrent la cellule fonda-
trice des contraintes normales de sa croissance ou qui empêchent son apoptose. Dans
les tumeurs de cellules B, la dérégulation des contrôles homéostatiques normaux est
souvent associée à un réarrangement aberrant des gènes d’immunoglobulines, dans
lequel un des locus d’immunoglobuline est joint à un gène d’un autre chromosome.
La fusion génétique avec un autre chromosome est appelée translocation et, dans des
cellules B tumorales, de telles translocations interrompent l’expression et la fonction de
gènes essentiels au contrôle de la croissance cellulaire. Les gènes qui causent le cancer
quand leur fonction ou leur expression est dérégulée sont appelés des oncogènes.
Les translocations donnent naissance à des anomalies chromosomiques visibles
au microscope lorsque les cellules sont en métaphase. On observe des transloca-
Translocation tions caractéristiques dans différentes tumeurs à cellules B ; elles reflètent l’impli-
cation d’un oncogène particulier dans chaque type de tumeur. Des translocations
Fig. 7.44 Des réarrangements caractéristiques impliquant les locus des récepteurs de cellule T s’observent aussi
chromosomiques spécifiques sont trouvés dans les tumeurs à cellules T. Les locus des immunoglobulines et des récepteurs
dans certaines tumeurs lymphoïdes. Si un de cellules T sont des sites où des cassures de l’ADN double-brin se produisent
réarrangement chromosomique réunit un des
gènes d’immunoglobulines à un oncogène durant les réarrangements géniques, ainsi que lors de la commutation isotypique
cellulaire, il peut en résulter une expression et des hypermutations somatiques dans les cellules B. Il n’est donc pas surprenant
aberrante de l’oncogène sous le contrôle des que ces locus soient des sites prédisposés aux translocations.
séquences régulatrices des immunoglobulines.
De tels réarrangements chromosomiques L’analyse des anomalies chromosomiques a fourni de nombreux renseignements
sont fréquemment associés aux tumeurs sur la régulation de la croissance des cellules B et la perte de son contrôle dans les
de cellules B. Dans l’exemple montré, d’un
lymphome de Burkitt, la translocation de cellules tumorales. Dans les cellules du lymphome de Burkitt, l’oncogène MYC sur
l’oncogène MYC du chromosome 8 (panneau le chromosome 8 est recombiné avec un locus d’immunoglobuline par transloca-
du haut) vers le locus de chaîne lourde tion qui implique soit le chromosome 14 (chaîne lourde) (Fig. 7.44), le chromo-
d’immunoglobuline du chromosome 14 some 2 (chaîne légère κ) ou le chromosome 22 (chaîne légère λ). La protéine Myc
(panneau du bas) entraîne une expression
dérégulée de MYC et la prolifération est impliquée dans le contrôle du cycle cellulaire dans les cellules normales. La
non contrôlée de la cellule B. Le gène translocation dérégule l’expression de la protéine Myc, ce qui aboutit à une proli-
d’immunoglobuline sur le chromosome 14 fération accrue des cellules B, bien que d’autres mutations ailleurs dans le génome
normal est habituellement réarrangé de
soient requises avant qu’une tumeur B ne se développe.
manière productive et les tumeurs qui résultent
de telles translocations ont généralement un D’autres tumeurs des cellules B, particulièrement les lymphomes folliculaires, com-
phénotype de cellule B mature exprimant des
immunoglobulines. portent une translocation chromosomique des gènes d’immunoglobuline avec l’on-
cogène bcl-2, augmentant la production de la protéine Bcl-2, dont la fonction est de
prévenir l’apoptose des cellules B (voir la Section 6-26). Son expression anormale per-
met à certaines cellules B de survivre au-delà de leur durée de vie normale et ainsi de
s’accumuler. Pendant ce temps, d’autres changements génétiques peuvent conduire
à la transformation maligne. La preuve que le réarrangement de Bcl-2 et la surexpres-
sion qui en résulte favorisent le développement du lymphome vient des souris por-
teuses d’un transgène bcl-2 surexprimé de manière constitutive. Ces souris tendent à
développer des lymphomes à cellules B plus tard dans la vie. De manière similaire, le
gène bcl-6 est fréquemment réarrangé dans les lymphomes diffus à grandes cellules B
et l’on pense qu’il interviendrait dans la transformation de ces cellules.
Résumé du Chapitre 7 313
Résumé.
Très rarement, une cellule individuelle B ou T subit une mutation et se transforme
en leucémie ou lymphome. Différentes tumeurs lymphoïdes affichent des carac-
téristiques, par exemple les modes de croissance et les localisations tissulaires,
qui reflètent le stade cellulaire à partir duquel la tumeur s’est développée. La plu-
part des tumeurs lymphoïdes, sauf celles qui dérivent de cellules non engagées et
donc très précoces, montrent des réarrangements géniques caractéristiques qui
indiquent qu’elles proviennent d’un précurseur de la lignée B ou T. Ces réarran-
gements sont fréquemment accompagnés de translocations chromosomiques,
souvent entre un locus générant un récepteur d’antigène et un proto-oncogène
cellulaire, par exemple le locus d’immunoglobuline et l’oncogène MYC. L’analyse
détaillée de l’expression génique de ces tumeurs révèle leur origine et les gènes
principaux impliqués dans la transformation maligne. De telles études aident déjà
au diagnostic et il est probable qu’elles conduiront à des traitements spécifiques.
Résumé du Chapitre 7.
Dans ce chapitre, nous avons appris comment les lignées B et T se forment à partir
d’un progéniteur lymphoïde primitif. Les réarrangements somatiques des gènes qui
génèrent un répertoire hautement diversifié de récepteurs d’antigène, des immu-
noglobulines pour les cellules B et le récepteur T pour les cellules T, se produisent
pendant les stades précoces de développement des cellules B et T à partir d’un pro-
géniteur lymphoïde commun provenant de la moelle osseuse. Le développement
des cellules B chez les mammifères a lieu dans le foie fœtal, et après la naissance,
dans la moelle osseuse. Les cellules T sont aussi originaires de la moelle osseuse,
mais se développent surtout dans le thymus. Les mécanismes de recombinaison
somatique, entre autres l’intervention des protéines RAG, composants essentiels
de la recombinase V(D)J, sont en grande partie communs aux deux. Autre caracté-
ristique commune : tant dans la lignée B que T, le réarrangement génique se pro-
duit successivement à chaque locus, en commençant avec les locus contenant les
gènes D. La première étape du développement des cellules B est le réarrangement
du locus de la chaîne lourde d’immunoglobuline et, pour les cellules T la chaîne β.
Dans chaque cas, la cellule ne peut passer au stade suivant que si le réarrangement
est productif d’une séquence en phase qui peut être traduite en une protéine expri-
mée à la surface cellulaire : soit le récepteur de la cellule pré-B ou le récepteur de
la cellule pré-T. Les cellules qui ne génèrent pas de réarrangements productifs pour
les deux chaînes de récepteurs meurent par apoptose. Le développement des cellu-
les B est résumé dans la Fig. 7.45, et celui des cellules T α:β dans la Fig. 7.46.
Une fois que le récepteur d’antigène apparaît à la surface cellulaire, le lymphocyte
est soumis à deux tests. La sélection positive teste l’utilité potentielle du récepteur
d’antigène, tandis que la sélection négative débarrasse le répertoire lymphocytaire
des cellules autoréactives et le rend ainsi tolérant aux antigènes du soi. La sélection
positive est particulièrement importante pour les cellules T, car elle garantit que
seules les cellules porteuses de récepteurs T reconnaissant l’antigène associé aux
molécules du CMH du soi continueront à se différencier. La sélection positive coor-
donne aussi le choix des corécepteurs. CD4 est exprimé par des cellules T pourvues
de récepteurs restreints au CMH de classe II, et CD8 par les cellules pourvues de
récepteurs restreints au CMH de classe I. Ce qui assure une utilisation optimale de
ces récepteurs en réponse aux pathogènes. Pour les cellules B, la sélection positive
semble se produire pendant la transition finale entre le stade immature et le stade
mature, qui a lieu dans les tissus lymphoïdes périphériques. La tolérance est impo-
sée à différents stades au cours du développement des cellules T et B et, de la même
manière, la sélection positive semble être un processus continu.
Les cellules B et T qui survivent après leur développement dans les organes lymphoïdes
centraux émigrent vers la périphérie, où ils occupent des sites particuliers. L’organisation
des organes lymphoïdes périphériques, comme la rate et les ganglions lymphatiques,
314 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
INDÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE
CD45R
plasmocytes. Ces stades dépendant de Cellule D-J réarrangé RAG-2 AA4.1, IL-7R
l’antigène sont décrits plus en détail au pro-B Lignée germinale TdT CMH de classe II
Chapitre 9. précoce λ5, VpréB CD10, CD19
CD38
CD45R
AA4.1, IL-7R
MOELLE OSSEUSE
Cellule V-DJ TdT CMH de classe II
pro-B Lignée germinale λ5, VpréB CD10, CD19
réarrangé
tardive CD38, CD20
CD40
récepteur pré-B
CD45R
AA4.1, IL-7R
Grande V-DJ CMH de classe II
cellule Lignée germinale λ5, VpreB
pré-B-R
réarrangé
pré-B CD19, CD38
CD20, CD40
μ cytoplasmique CD45R
μ AA4.1
Petite Réarrangement VJ réarrangé RAG-1
cellule V-J CMH de classe II
RAG-2 CD19, CD38
pré-B
CD20, CD40
lgM CD45R
VDJ réarrangé
Chaîne μ AA4.1
Cellule VJ réarrangé CMH de classe II
B immature produite
sous forme IgM
membranaire CD19, CD20
CD40
mature membranaire.
naïve L’épissage alternatif CD19, CD20
produit de CD21, CD40
l’ARNm µ+δ
lgM L’épissage
alternatif CD45R
Lympho- produit des Ig CMH de classe II
blaste CD19, CD20
chaînes μ CD21, CD40
PÉRIPHÉRIE
secrétées
lgG
Commutation CD45R
Cellule B isotypique Hypermutation CMH de classe II
vers Cγ, Cα, Cε. IgG, IgA
mémoire somatique CD19, CD20
Hypermutation
somatique CD21, CD40
lgG
DIFFÉRENCIATION
Plasmoblaste L’épissage
CD135
TERMINALE
et alternatiff VJ réarrangé
plasmocyte Ig Antigène-1
fournit des Ig
membranaires plasmocytaire
et sécrétées CD38
Résumé du Chapitre 7 315
MOELLE OSSEUSE
molécules de surface sont montrées au cours
des stades successifs du développement des
cellules T α:β. Notez que, comme les gènes
Cellule du TCR ne subissent pas de changements
souche Lignée germinale Lignée germinale CD34?
supplémentaires durant le développement
induit par l’antigène, seules les phases durant
lesquelles ils subissent des réarrangements
dans le thymus sont indiquées. Les
RAG-1 modifications des cellules CD4 et CD8
INDÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE
Thymocyte
double D-J réarrangé RAG-2 CD2 survenant après le contact avec l’antigène
négatif Lignée germinale TdT HSA sont décrites séparément et sont détaillées au
précoce Lck CD44haut Chapitre 8.
ZAP-70
Thymocyte RAG-1
RAG-2 CD25
double V-DJ réarrangé Lignée germinale CD44bas
négatif TdT
Lck HSA
tardif
ZAP-70
THYMUS
récepteur pré-T
Thymocyte PTα
double V-DJ réarrangé RAG-1 CD4
positif RAG-2 CD8
précoce HSA
récepteur T
Thymocyte CD69
double Lck CD4
positif ZAP-70 CD8
tardif HSA
CD4
DÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE
Cellule CD4
T CD4 Lck CD45RO
mémoire ZAP-70 CD44
DIFFÉRENCIATION
CD4
TH17: IL-17
TERMINALE
Cellule CD45RO
T CD4 TH1: IFN-γ CD44haut
effectrice Fas
TH2: IL-4
PÉRIPHÉRIE
FasL (type 1)
DÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE
Cellule CD8
T CD8 CD45RA
naïve
Cellule CD8
T CD8 CD45RO
mémoire CD44
DIFFÉRENCIATION
FasL
TERMINALE
Cellule IFN-γ
Fas
T CD8 granzyme CD8
effectrice perforine CD44haut
316 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
implique des interactions entre des cellules qui expriment des protéines de la famille du
TNF et du TNFR. La localisation des cellules T et B dans différentes zones de ces tissus
périphériques requiert l’expression de différents récepteurs de chimiokine et la sécré-
tion de chimiokines spécifiques par divers éléments du stroma. La maturation et la sur-
vie des lymphocytes T et B dans ces tissus périphériques dépendent encore d’autres
facteurs spécifiques. Les cellules B reçoivent des signaux de survie dans le follicule par
l’intermédiaire de BAFF. Les cellules T naïves requièrent les cytokines IL-7 et IL-15 pour
leur survie et leur prolifération homéostasique, ainsi que des signaux passant par le
récepteur de cellule T qui interagit avec les molécules du CMH du soi.
Occasionnellement, des cellules B et des cellules T subissent une transformation mali-
gne, et deviennent des tumeurs qui échappent au contrôle de leur croissance tout en
gardant la plupart des caractéristiques de la cellule parentale, y compris sa localisation
particulière. Ces tumeurs comportent fréquemment des translocations impliquant des
locus de récepteur d’antigène et d’autres gènes impliqués intimement dans la régula-
tion de la croissance du lymphocyte ou de son apoptose ; ces translocations ont fourni
ainsi des informations sur les gènes et les protéines qui régulent l’homéostasie lym-
phocytaire. En analysant l’expression génique, on comprend mieux les origines des
tumeurs lymphocytaires mais aussi celles de nombreux cancers non lymphoïdes.
Questions.
7.3 Décrivez le processus de sélection positive des cellules T dans le thymus. (a) Où
a-t-il lieu ? (b) Quelles sont les ligands ? (c) Quand (à quel stade) au cours du
développement des cellules T la sélection positive se produit-elle ? (d) Décrivez de
quelle façon le choix entre l’expression des corécepteurs CD4 ou CD8 se produit, et
identifiez tout régulateur connu de ce processus.
7.4 Les tissus lymphoïdes périphériques s’organisent par communication entre plusieurs
types de cellules et plusieurs types d’interactions de récepteurs. (a) Quelles sont
les familles de molécules qui sont essentielles pour une organisation adéquate des
tissus lymphoïdes périphériques ? (b) Quelles sont celles qui sont importantes pour
l’organisation des zones de cellules B ? (c) Quelles sont celles qui sont importantes
pour l’organisation de la zone des cellules T ?
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7-13 La synthèse réussie d’une chaîne β réarrangée permet
7-9 Les stades successifs du développement des thymocytes la production d’un récepteur de cellule pré-T qui déclenche
se caractérisent par des changements de molécules la prolifération cellulaire et bloque un réarrangement
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Références 319
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7-16 Seuls les thymocytes dont les récepteurs interagissent
avec un complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent 7-21 Pour la sélection négative, ce sont les cellules
survivre et atteindre la maturité. présentatrices d’antigène provenant de la moelle osseuse
qui sont les plus efficaces.
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320 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes
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spécifiques des tissus lymphoïdes périphériques 2:323–335.
est assurée par des chimiokines.
7-29 L’homéostasie des cellules T en périphérie est régulée
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La mémoire immunologique.
L’immunité dépendant
des cellules T 8
Une réponse immunitaire adaptative est induite lorsqu’une infection déborde les
mécanismes de défense innée. Le pathogène continue à se répliquer et les antigènes
s’accumulent. Ce qui, dans l’environnement cellulaire produit par l’immunité innée,
déclenche la réponse immunitaire adaptative. Certaines infections peuvent être maî-
trisées par la seule immunité innée (voir Chapitre 2) ; elles seront éliminées rapi-
dement et produiront peu de symptômes et peu de dommages. Mais la plupart des
pathogènes, presque par définition, peuvent déborder le système immunitaire inné,
l’immunité adaptative devenant alors essentielle. C’est ce qu’illustrent bien les syn-
dromes d’immunodéficience associés à un échec d’une composante spécifique de
la réponse immunitaire adaptative comme nous le verrons au Chapitre 12. Dans les
prochains chapitres, nous apprendrons comment la réponse immunitaire adaptative
impliquant des cellules T et B spécifiques de l’antigène est déclenchée et déployée.
Nous étudierons les réponses immunitaires dépendant des cellules T dans le pré-
sent chapitre puis l’immunité humorale, c’est-à-dire la réponse à anticorps assurée
par les cellules B, dans le Chapitre 9. Dans le Chapitre 10, nous combinerons ce que
nous avons appris dans les Chapitres 8 et 9 afin de présenter une vue dynamique des
réponses immunitaires adaptatives aux pathogènes, en particulier une description
de l’une de ses plus importantes caractéristiques, la mémoire immunologique.
Une fois que les cellules T ont terminé leur développement dans le thymus, elles
entrent dans le courant sanguin. Lorsqu’elles atteignent un organe lymphoïde péri-
phérique, elles quittent le sang pour migrer à travers le tissu lymphoïde, retour-
nant par les lymphatiques dans le courant sanguin pour recirculer entre le sang
et le tissu lymphoïde périphérique. Les cellules T matures recirculantes qui n’ont
pas encore rencontré leur antigène spécifique sont appelées cellules T naïves.
Pour participer à une réponse immunitaire adaptative, une cellule T naïve doit
rencontrer son antigène spécifique, qui lui est présenté sous forme de complexe
peptide:CMH à la surface d’une cellule présentatrice d’antigène ; elle commence
alors à proliférer et à se différencier en cellules dotées de nouvelles fonctions qui
contribuent à l’élimination de l’antigène. Ces cellules T effectrices interviennent
très rapidement lorsque elles rencontrent leur antigène spécifique sur d’autres cel-
lules. Du fait qu’elles ne peuvent reconnaître que des antigènes peptidiques pré-
sentés par des molécules du CMH, toutes les cellules T effectrices agissent non pas
sur le pathogène lui-même mais sur d’autres cellules, dites cellules cibles.
Lors de la reconnaissance de l’antigène, les cellules T naïves se différencient en
plusieurs classes fonctionnelles de cellules T effectrices, spécialisées dans diverses
activités. Les cellules T CD8 reconnaissent les peptides du pathogène présentés
par des molécules du CMH de classe I, et les cellules T CD8 naïves se différencient
toutes en cellules T cytotoxiques effectrices qui reconnaissent et tuent les cellu-
les infectées. Les cellules T CD4 ont un répertoire plus varié d’activités effectrices.
Après reconnaissance des peptides du pathogène présentés par des molécules du
324 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Fig. 8.1 Les rôles des cellules T effectrices CMH de classe II, les cellules T CD4 naïves peuvent se différencier en différentes
dans les réponses immunitaires cellulaires sous-populations effectrices exerçant des fonctions immunologiques différentes.
et humorales. Les réponses immunitaires
cellulaires sont dirigées principalement Les sous-populations CD4 effectrices que l’on distingue actuellement sont les TH1,
contre des pathogènes intracellulaires : des TH2 et TH17, qui activent leurs cellules cibles. Il faut y ajouter plusieurs sous-popu-
cellules T CD8 cytotoxiques tuent les cellules lations de cellules T régulatrices qui exercent une activité inhibitrice et limitent
infectées ou les macrophages activés par des
cellules TH1 CD4 détruisent les pathogènes
l’intensité de la réaction immunitaire (Fig. 8.1).
intracellulaires. Les cellules CD4 TH2 et TH1 L’activation des cellules T naïves en réponse à l’antigène, suivie de leur prolifération et
contribuent à l’immunité humorale en stimulant
la production d’anticorps par les cellules B et différenciation en cellules effectrices, constitue une réponse immunitaire cellulaire
en induisant la commutation de classe. Toutes primaire. Les cellules T effectrices diffèrent à de nombreux égards de leurs précur-
les classes d’anticorps contribuent à l’immunité seurs naïfs, et ces changements les équipent pour répondre rapidement et efficace-
humorale, qui est dirigée principalement
ment lorsque elles rencontrent leur antigène spécifique sur des cellules cibles. Dans
contre les pathogènes extracellulaires. Les
deux types d’immunité, cellulaire et humorale ce chapitre, nous décrirons les mécanismes spécialisés de la cytotoxicité par les cel-
interviennent dans de nombreuses infections. lules T et de l’activation des macrophages par des cellules T effectrices, ce qui consti-
Les cellules TH17 CD4 contribuent au tue les composantes principales de l’immunité cellulaire. L’autre fonction principale
recrutement des neutrophiles dans les foyers
infectieux au début de la réponse immunitaire
des cellules T effectrices est de fournir de l’aide aux cellules B pour déclencher la pro-
adaptative ; elles interviennent surtout contre duction d’anticorps. Nous ne ferons qu’aborder ce sujet dans ce chapitre car nous
les pathogènes extracellulaires. Les cellules T l’étudierons en détail au Chapitre 9. En même temps qu’elle fournit des cellules T
régulatrices tendent à supprimer la réponse effectrices, la réponse primaire des cellules T génère aussi des cellules T mémoire,
immunitaire adaptative et jouent un rôle
important dans le contrôle des réponses
qui ont une longue durée de vie et qui répondent de manière accélérée à l’antigène,
immunitaires et dans la prévention de l’auto- ce qui assure une protection lors d’une nouvelle agression par le même pathogène.
immunité. Nous décrirons la mémoire immunologique des cellules T et B au Chapitre 10.
Dans ce chapitre, nous verrons comment les cellules T naïves sont amenées à pro-
liférer et à produire des cellules T effectrices la première fois qu’elles rencontrent
leur antigène spécifique. L’activation menant à l’expansion clonale d’une cellule T
naïve lors de sa rencontre initiale avec l’antigène est souvent appelée sensibilisa-
tion, pour la distinguer des réactions des cellules T effectrices envers leur antigène
sur les cellules cibles et des réponses des cellules T mémoire sensibilisées. Le lan-
cement de l’immunité adaptative est une histoire vraiment fascinante en immu-
nologie. Comme nous le verrons, l’activation des cellules T naïves est contrôlée
par divers signaux : dans la nomenclature de feu Charles Janeway et utilisée dans
cet ouvrage, on parle de signal 1, signal 2 et signal 3. Une cellule T naïve recon-
naît l’antigène sous la forme d’un complexe peptide:CMH à la surface d’une cel-
lule présentatrice d’antigène spécialisée, comme décrit au Chapitre 5. L’activation
spécifique par l’antigène du récepteur de cellule T déclenche le signal 1 ; l’interac-
tion des molécules costimulatrices sur la cellule présentatrice d’antigène avec des
ligands sur la cellule T correspond au signal 2 ; et les cytokines qui contrôlent la
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 325
Les cellules T entrent dans le cortex peptide:CMH à la surface des cellules dendritiques. Ainsi, chaque cellule T a une
du ganglion lymphatique à partir du sang grande probabilité de rencontrer un antigène dérivé d’un pathogène qui infecte
à hauteur des veinules à endothélium élevé (HEV) n’importe quel site de l’organisme (Fig. 8.2). Les cellules T naïves qui ne rencon-
Lymphe
sinus cortical
trent pas leur antigène spécifique sortent du tissu lymphoïde par les lymphatiques
efférents, reviennent finalement dans le courant sanguin et continuent à recirculer.
Lorsqu’une cellule T naïve reconnaît son antigène spécifique à la surface d’une cel-
lule dendritique mature, elle cesse de migrer. Elle passe alors par une expansion
clonale, c’est-à-dire qu’elle prolifère pendant plusieurs jours et se différencie pour
donner un clone de cellules T effectrices de spécificité antigénique identique. À la
follicule
HEV fin de cette période, les cellules T effectrices peuvent sortir par les lymphatiques effé-
rents et rejoindre the courant sanguin, par lequel elles migrent dans le foyer infec-
cellule
dendritique tieux. La rate, qui n’a pas connexion avec le système lymphatique, n’a pas ce type de
recirculation ; toutes les cellules entrent dans la rate, et en sortent, par le sang.
L’efficacité avec laquelle les cellules T passent au crible chaque cellule présenta-
paracortex
trice d’antigène dans les ganglions lymphatiques est très élevée, comme le mon-
tre la capture rapide des cellules T spécifiques d’un antigène dans un seul ganglion
sinus lymphatique contenant l’antigène : toutes les cellules T spécifiques d’un antigène,
médullaire
chez un mouton, furent piégés dans un ganglion lymphatique dans les 48 heures
du dépôt de l’antigène (Fig. 8.3). Une telle efficacité est cruciale pour le déclenche-
ment d’une réponse immunitaire adaptative, puisqu’une seule cellule T naïve sur
cellule T
lymphatique artère veine 104–106 est probablement spécifique d’un antigène particulier, et l’immunité adap-
efférent tative dépend de l’activation et de l’expansion de ces rares cellules.
Fig. 8.2 Les cellules T naïves rencontrent par leur interaction avec des complexes
leur antigène au cours de leur recirculation peptide du soi:CMH du soi et avec l’IL-7 ; elles
à travers les organes lymphoïdes quittent alors le ganglion lymphatique par les
périphériques. Les cellules T naïves lymphatiques afin de rejoindre la circulation
recirculent à travers les organes lymphoïdes (deuxième panneau). Les cellules T colorées
Les cellules T activées se différencient
en cellules effectrices et sortent périphériques, comme les ganglions en bleu rencontrent leur antigène spécifique
du ganglion lymphatique lymphatiques montrés ici. Venant du sang à la surface de cellules dendritiques matures,
artériel, elles traversent l’endothélium deviennent incapables de sortir du ganglion
vasculaire spécialisé des veinules dites à et sont activées, ce qui les fait proliférer et se
endothélium élevé (HEV, High Endothelial différencier en cellules T effectrices (troisième
Venules). L’entrée dans le ganglion lymphatique panneau). Après plusieurs jours, ces cellules T
est régulée par des chimiokines qui dirigent effectrices spécifiques de l’antigène expriment
la migration des cellules T à travers la paroi à nouveau les récepteurs nécessaires à
des HEV et dans les zones paracorticales, leur sortie du ganglion, le quittent par les
où elles rencontrent des cellules dendritiques lymphatiques efférents et regagnent la
matures (panneau supérieur). Ces cellules T circulation en un nombre fortement accru
(en vert) ne rencontrent pas leur antigène (panneau inférieur).
spécifique ; elles reçoivent un signal de survie
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 327
adhérence ferme et traversée, ou diapédèse, à travers l’endothélium dans les zones Les cellules T spécifiques d’un antigène sont
paracorticales, dites zones des cellules T ou zones T (Fig. 8.4). Ces phases sont retenues de manière transitoire dans
régulées par l’activité coordonnée des molécules d’adhérence et des chimiokines. le ganglion lymphatique où elles sont activées
La plupart des molécules d’adhérence exercent des fonctions très diverses dans les
réponses immunitaires, étant impliquées non seulement dans la migration lym- Nombre
de cellules Émigration
phocytaire mais aussi dans diverses interactions cellulaires : entre cellules T naïves spécifiques Rétention Activation des cellules T
et cellules présentatrices d’antigène, entre cellules T effectrices et leur cibles, entre d’antigène effectrices
dans la
cellules T et B, ainsi qu’entre divers types de leucocytes et les cellules endothéliales, lymphe
efférente
par ex. l’entrée des monocytes et neutrophiles dans des tissus infectés.
Les sélectines (Fig. 8.5) sont importantes pour guider des leucocytes dans des tis-
sus particuliers de manière spécifique, un processus appelé écotaxie leucocytaire.
La sélectine L (CD62L) est exprimée sur les leucocytes, tandis que les sélecti-
nes P (CD62P) et E (CD62E) sont exprimées sur l’endothélium vasculaire (voir
Section 2-25). La sélectine L des cellules T naïves guide leur entrée, à partir du sang,
0 2 4 6 8
dans le tissu lymphoïde périphérique en induisant une faible adhérence à la paroi Temps après l’infection virale (jours)
des HEV ce qui entraîne le roulement des cellules T sur la surface endothéliale (voir
Fig. 8.4). Les sélectines P et E sont exprimées sur l’endothélium vasculaire dans les
foyers infectieux et servent à recruter des cellules effectrices dans le tissu infecté. Fig. 8.3 Rétention et activation de cellules T
Les sélectines sont des molécules de surface cellulaire avec une structure générale naïves spécifiques de l’antigène dans
un tissu lymphoïde. Les cellules T naïves
commune, se distinguant l’une de l’autre par la présence de différents domaines de qui entrent dans le ganglion lymphatique
type lectine dans leur portion extracellulaire (voir Fig. 2. 48). Les domaines lectine à partir du sang rencontrent des cellules
se lient à des groupes glucidiques particuliers, et chaque sélectine se lie à un glu- dendritiques présentatrices d’antigène dans
cide de surface cellulaire. La sélectine L se lie au motif glucidique, sialyl-Lewisx, de le cortex du ganglion lymphatique. Les
cellules T qui reconnaissent leur antigène
molécules de type mucine, appelées adressines vasculaires, exprimées à la surface spécifique se lient de manière stable aux
des cellules endothéliales vasculaires. Deux de ces adressines, CD34 et GlyCAM-1 cellules dendritiques et sont activées par
(voir Fig. 8.5), sont exprimées sur les veinules à endothélium élevé dans les gan- leurs récepteurs de cellule T, aboutissant
à la production de cellules T effectrices.
glions lymphatiques. Une troisième, MAdCAM-1 (voir Fig. 8.5), est exprimée sur les
Cinq jours après l’arrivée de l’antigène, les
endothéliums dans les muqueuses, et guide l’entrée des lymphocytes dans le tissu cellules T effectrices activées quittent le
lymphoïde des muqueuses comme les plaques de Peyer de l’intestin. ganglion lymphatique en grand nombre par
les lymphatiques efférents. La recirculation
L’interaction entre la sélectine L et les adressines vasculaires est responsable de la lymphocytaire et la reconnaissance sont si
localisation spécifique des cellules T naïves dans les organes lymphoïdes. À elle efficaces que toutes les cellules T naïves dans
seule, cependant, elle ne permet pas à la cellule de traverser la barrière endothé- la circulation périphérique spécifiques d’un
antigène particulier peuvent être retenues par
liale dans le tissu lymphoïde. Ceci requiert une interaction concertée entre inté- cet antigène dans un ganglion pendant 2 jours.
grines et chimiokines.
L’entrée des cellules T naïves dans les ganglions lymphatiques et d’autres orga-
nes lymphoïdes périphériques requiert l’intervention de deux autres familles
Roulement Activation Adhérence Diapédèse Fig. 8.4 L’entrée des lymphocytes dans
un ganglion lymphatique à partir du
sang se déroule en plusieurs phases
impliquant l’intervention de molécules
d’adhérence, de chimiokines et de leurs
récepteurs. Les cellules T naïves sont
amenées à rouler sur la surface d’une veinule
à endothélium élevé (HEV) par les interactions
des sélectines exprimées par les cellules T
avec les adressines vasculaires des cellules
endothéliales. Les chimiokines présentes à la
surface des HEV activent des récepteurs sur
la cellule T, et le signal venant des chimiokines
augmente l’affinité des intégrines des cellules T
pour les molécules d’adhérence sur les HEV,
Sélectines Chimiokines Intégrines Chimiokines ce qui renforce l’adhérence. Ensuite, les
cellules T suivent les gradients de chimiokines
Sélectine L CCL21 LFA-1 CCL21, CXL12 et traversent la paroi des HEV pour gagner la
région paracorticale du ganglion lymphatique.
328 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Un lymphocyte circulant entre La liaison de la sélectine L LFA-1 est activée par des Le lymphocyte migre
LFA-1 activée se lie
dans une veinule à endothélium à GlyCAM-1 et CD34 chimiokines liées à la matrice dans le ganglion lymphatique
fermement à ICAM-1
élevé dans le ganglion lymphatique permet le roulement extracellulaire par diapédèse
LFA-1
sélectine L
CCL21
membrane basale
Ganglion lymphatique
Fig. 8.8 Les lymphocytes du sang entrent à endothélium élevé a pour conséquence l’activation de l’intégrine LFA-1 sur la
dans le tissu lymphoïde en traversant la
cellule T naïve, ce qui augmente son affinité pour ICAM-2 et ICAM-1. ICAM-2 est
paroi des veinules à endothélium élevé. La
première étape est la liaison de la sélectine L exprimé de manière constitutive sur toutes les cellules endothéliales, tandis qu’en
lymphocytaire aux glucides sulfatés absence d’inflammation, ICAM-1 n’est exprimée que sur les cellules de l’endothé-
(sialyl-Lewisx sulfaté) de GlyCAM-1 et de CD34 lium élevé des tissus lymphoïdes périphériques. La mobilité des intégrines dans
de l’HEV. Des chimiokines locales comme
CCL21 liées à la matrice de protéoglycan à
la membrane des cellules T est aussi augmentée sous l’effet des chimiokines, la
la surface de l’HEV stimulent les récepteurs conséquence étant que les molécules d’intégrine migrent dans la zone de contact
des chimiokines sur la cellule T, ce qui intercellulaire. Ce qui renforce la liaison et arrête la cellule T sur la surface endo-
active LFA-1. Il en résulte une liaison plus théliale et lui permet ainsi d’entrer dans le tissu lymphoïde.
stable de la cellule T à ICAM-1 de la cellule
endothéliale, permettant la migration à travers La coopération entre les chimiokines et les molécules d’adhérence cellulaire ainsi que
l’endothélium. Comme dans le cas de la
l’architecture des organes lymphoïdes périphériques (voir Fig. 1.18–1.20) assure le
migration des neutrophiles (voir Fig. 2.49), des
métalloprotéases matricielles sur la surface contact de l’antigène étranger avec les récepteurs spécifiques de cellule T. Une fois que
du lymphocyte (non montré) lui permet de les cellules T naïves sont arrivées dans la zone des cellules T par les veinules à endo-
traverser la membrane basale. thélium élevé, CCR7 dirige leur migration vers la source de CCL21, c’est-à-dire les cel-
lules stromales des zones de cellules T. CCL19, une seconde chimiokine pour CCR7,
est produite également par les cellules stromales de la zone de cellules T et à un moin-
dre degré par les cellules dendritiques, concentrées dans les zones traversées par les
cellules T. Les cellules dendritiques matures produisent aussi la chimiokine CCL18
(DC-CK) qui attire les cellules T naïves. Une fois dans la zone des cellules T, les cellu-
les T naïves parcourent les surfaces des cellules dendritiques à la recherche de com-
plexes spécifiques peptide:CMH. Si elles trouvent leur antigène et s’y attachent, elles
restent piégées dans le ganglion lymphatique. Si elles ne sont pas activées par l’anti-
gène, les cellules T naïves quittent sans tarder le ganglion lymphatique (voir Fig. 8.2).
Les cellules T sortent du ganglion lymphatique par les sinus corticaux, qui les
conduisent dans le sinus médullaire et de là dans le vaisseau lymphatique efférent.
La sortie des cellules T des organes lymphoïdes périphériques implique la molé-
cule lipidique, la sphingosine 1-phosphate (S1P). Celle-ci exerce des activités de
chimiotactisme et de signalisation similaires à celles des chimiokines, les récep-
teurs de S1P étant couplés aux protéines G ; la signalisation par S1P active Gα1. S1P
est produit par phosphorylation du lipide cellulaire, la sphingosine, et peut être
dégradée par des S1P lyases ou par des S1P phosphatases. Il semble exister un gra-
dient de concentration de S1P entre le tissu lymphoïde et la lymphe ou le sang, de
telle manière que les cellules T naïves exprimant un récepteur de S1P sont attirées
hors du tissu lymphoïde et ramenées dans la circulation.
Les cellules T activées par un antigène dans les organes lymphoïdes régulent à la baisse
l’expression des récepteurs de S1P pour plusieurs jours, et ainsi ne peuvent répondre au
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 331
gradient de S1P ; elles ne sortent donc pas durant cette période. Après plusieurs jours de
prolifération, les cellules T effectrices réexpriment les récepteurs de S1P et sont à nou-
veau à nouveau capables de migrer en réponse au gradient de S1P. La régulation de la
sortie des lymphocytes naïfs et effecteurs des organes lymphoïdes périphériques par
S1P est la base d’un nouvel agent immunosuppresseur, le FTY720, qui inhibe les répon-
ses immunitaires dans des modèles animaux de transplantation et d’auto-immunité en
empêchant les lymphocytes de retourner dans la circulation, ce qui entraîne rapide-
ment une lymphopénie. In vivo, FTY720 est phosphorylé et, en imitant S1P, agit comme
agoniste des récepteurs de S1P. FTY720 phosphorylé peut inhiber la sortie des lympho-
cytes en augmentant la formation de jonctions serrées sur les cellules endothéliales et
en fermant ainsi les points de sortie ou par activation chronique des récepteurs de S1P,
menant à l’inactivation et à la régulation à la baisse du récepteur.
8-4 Les réponses des cellules T sont induites dans les organes
lymphoïdes périphériques par des cellules dendritiques activées.
On a montré l’importance des organes lymphoïdes périphériques dans le lance-
ment des réponses immunitaires adaptatives par des expériences ingénieuses dans
lesquelles un lambeau cutané a été isolé de la paroi corporelle de manière telle qu’il
garde sa circulation sanguine mais pas de drainage lymphatique. Un antigène intro-
duit dans le lambeau n’a pas suscité de réponse de cellules T, ce qui indiquait que
les cellules T ne sont pas sensibilisées dans le tissu infecté lui-même. Les pathogè-
nes et leurs produits doivent dès lors être transportés dans les tissus lymphoïdes. Les
antigènes introduits directement dans le courant sanguin sont captés par les cellu-
les présentatrices d’antigène de la rate. Les pathogènes qui infectent d’autres sites,
par exemple une blessure cutanée, sont transportés dans la lymphe et piégés dans
les ganglions lymphatiques les plus proches du site d’infection (voir la Section 1-15).
Les pathogènes qui infectent les muqueuses sont transportés directement dans des
tissus lymphoïdes comme les amygdales ou les plaques de Peyer de l’intestin.
La réponse immunitaire innée contribue activement au transfert de l’antigène
d’un foyer infectieux dans le tissu lymphoïde le plus proche. L’immunité innée, en
déclenchant une réaction inflammatoire dans le foyer infectieux, augmente l’apport
de plasma sanguin dans les tissus infectés et amplifie ainsi le drainage du liquide
extracellulaire par la lymphe, qui emporte l’antigène libre et le transporte dans les
tissus lymphoïdes. Plus importante encore pour le lancement de la réponse adapta-
tive est l’induction de la maturation des cellules dendritiques tissulaires qui captent
les antigènes particulaires et solubles dans le foyer infectieux (Fig. 8.9). Les cellules
dendritiques immatures qui résident dans les tissus peuvent être activées par leurs
TLR, qui signalent la présence des pathogènes (voir Fig. 2.16), ou par des domma-
ges tissulaires ou encore par des cytokines produites durant la réaction inflamma-
toire. Les cellules dendritiques répondent à ces signaux en migrant dans le ganglion
lymphatique et en exprimant les molécules costimulatrices requises, en plus de
l’antigène, pour l’activation des cellules T naïves. Dans les tissus lymphoïdes, ces
cellules dendritiques matures présentent l’antigène aux lymphocytes T naïfs et acti-
vent toutes les cellule T spécifiques de l’antigène, qui se divisent alors et se transfor-
ment en cellules effectrices qui regagnent la circulation.
Les macrophages, que l’on trouve dans la plupart des tissus y compris les tissus
lymphoïdes, et les cellules B, concentrées surtout dans les tissus lymphoïdes, peu-
vent aussi être stimulés de manière similaire par les mêmes récepteurs non spécifi-
ques d’antigène et agir comme cellules présentatrices d’antigène en exprimant des
molécules costimulatrices. La Fig. 8.10 montre la distribution des cellules dendri-
tiques, des macrophages et des cellules B dans un ganglion lymphatique. Seuls ces
trois types cellulaires expriment les molécules costimulatrices spécialisées requi-
ses pour activer les cellules T naïves ; de plus, toutes n’expriment ces molécules que
lorsqu’elles sont activées dans le contexte d’une infection. Les cellules dendritiques,
qui peuvent capter, apprêter et présenter des antigènes de toute origine, sont pré-
sentes surtout dans les zones de cellules T, et entraînent l’expansion clonale initiale
332 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Fig. 8.10 Les cellules présentatrices collectée avant de passer dans le sang par
d’antigène sont distribuées de manière les lymphatiques efférents. Les cellules B sont Cellules dendritiques
différente dans le ganglion lymphatique. présentes essentiellement dans les follicules. (cellules réticulaires interdigitées)
Les cellules dendritiques sont localisées On pense que les trois types de cellules
dans toute la zone des cellules T du cortex présentatrices d’antigène sont spécialisées
antigène
du ganglion lymphatique. Les macrophages dans la présentation de différents types de
viral
sont présents dans tout le ganglion, mais se pathogènes ou fragments de pathogènes, les
retrouvent surtout dans le sinus marginal, où cellules dendritiques matures étant de loin
la lymphe afférente aboutit avant de traverser les activateurs des cellules T naïves les plus
le tissu lymphoïde, ainsi que dans les cordons puissants. virus
médullaires, où la lymphe efférente est infectant la
cellule dendritique
semblent pas jouer un rôle important dans l’activation des cellules T naïves (Fig. 8.11).
Dans la suite de cet ouvrage, lorsqu’il sera question de cellules dendritiques, il s’agira Macrophages
de CD conventionnelles ; si ce n’était pas le cas, ce sera signalé.
bactérie
Les cellules dendritiques peuvent être identifiées par les molécules de surface qu’el-
les expriment de manière spécifique. Les cellules dendritiques, les macrophages et
les monocytes expriment différentes chaînes α d’intégrine et ainsi exposent des inté-
grines β2 distinctes à leur surface. L’intégrine leucocytaire prédominant sur les cellu-
les dendritiques conventionnelles est aX:β2, appelée aussi CD11c:CD18 ou récepteur
4 du complément (CR4). Cette intégrine est un récepteur du produit de clivage du
facteur du complément C3, iC3b, du fibrinogène et de ICAM-1. Chez la souris, les
cellules dendritiques porteuses de CD11c peuvent encore être subdivisées en trois Cellules B
sous-populations exprimant CD4, ou l’homodimère CD8α ou aucun des deux. On
toxine microbienne
ignore encore si les différences d’expression de ces marqueurs sont fonctionnelle-
ment significatives, mais ces sous-populations de cellules dendritiques riches en
CD11c peuvent différer dans la production de cytokines comme l’IL-12, ce qui pour-
rait avoir des effets sur la réponse immunitaire adaptative subséquente, comme
nous le verrons. Au contraire, les monocytes et les macrophages expriment des taux
bas de CD11c, et expriment surtout l’intégrine αM:β2, aussi appelées CD11b:CD18 ou
Mac-1. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes n’expriment pas non plus beau-
coup de CD11c, et ont été identifiées sur base de marqueurs spécifiques, comme
BDCA-2 (Blood Dendritic Cell Antigen 2, antigène 2 de cellules dendritiques du sang,
une lectine de type C) chez l’homme, ou Siglec-H (Sialic-acid binding immunoglo-
bulin-like lectin H, lectine H de type immunoglobuline liant l’acide sialique) chez la
souris, les deux pouvant intervenir dans la reconnaissance des pathogènes.
Fig. 8.11 Les cellules dendritiques
On trouve des cellules dendritiques sous la plupart des épithéliums de surface, et dans conventionnelles et plasmacytoïdes
jouent des rôles différents dans la réponse
la plupart des organes solides comme le cœur et les reins. Dans ces sites, elles ont un immunitaire. Les cellules dendritiques
phénotype immature associé à des taux bas de protéines du CMH et de molécules cos- conventionnelles matures (panneau de
timulatrices B7 (voir la Section 2-10) ; elles ne sont donc pas encore équipées pour sti- gauche) interviennent surtout dans l’activation
muler les cellules T naïves. Les cellules dendritiques immatures partagent aussi avec des cellules T naïves. Il existe plusieurs
sous-populations de cellules dendritiques
des cellules apparentées, les macrophages, la capacité de reconnaître et d’ingérer des conventionnelles ; toutes apprêtent les
pathogènes par des récepteurs qui reconnaissent les motifs moléculaires associés aux antigènes efficacement, et lorsqu’elles sont
pathogènes, et elles sont très actives dans la capture des antigènes par phagocytose matures, elles expriment des protéines
au moyen de récepteurs comme la lectine DEC 205. D’autres antigènes extracellulai- du CMH et des molécules costimulatrices
qui sensibilisent les cellules T naïves. Les
res sont prélevés de manière non spécifique par le processus de macropinocytose, au protéines de surface cellulaire exprimées par
cours duquel de grands volumes du liquide environnant sont ingérés. la cellule dendritique mature sont décrites
dans le texte. Les cellules dendritiques
immatures expriment relativement peu des
Cellule dendritique conventionnelle Cellule dendritique plasmacytoïde molécules de surface cellulaire montrées ici,
mais sont porteuses de nombreux récepteurs
CCR7 CMH de de surface qui reconnaissent des molécules
DC-SIGN classe II
CMH de BDCA-2
des pathogènes, entre autres la plupart des
classe II ICAM-2 CXCR3 récepteurs de type Toll (TLR). Les cellules
B7.1 dendritiques plasmacytoïdes (panneau de
CMH de
classe I TLR-7 droite) servent de sentinelles surtout pour
détecter les infections virales et sécrètent de
LFA-1 grandes quantités d’interférons de classe I.
Cette catégorie de cellules dendritiques est
CD58 IFN-β
moins efficace pour la sensibilisation des
CCL18 cellules T naïves, mais elles expriment les
ICAM-1 IFN-α
TLR-9 récepteurs intracellulaires TLR-7 et TLR-9, qui
B7.2
détectent les infections virales.
334 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Molécules du CMH concernées CMH classe II CMH classe II CMH classe I CMH classe I CMH classe I
Type de cellule T naïve activée Cellules T CD4 Cellules T CD4 Cellules T CD8 Cellules T CD8 Cellules T CD8
Fig. 8.12 Les différentes voies par 8-6 Les cellules dendritiques apprêtent des antigènes provenant
lesquelles les cellules dendritiques
peuvent capter, apprêter et présenter d’une grande variété de pathogènes.
des antigènes protéiques. La capture des
antigènes par le système endocytaire, soit par Leurs divers mécanismes de prélèvement des substances extracellulaires rend les
phagocytose dépendant d’un récepteur ou par
macropinocytose, est considérée comme la cellules dendritiques aptes à présenter des antigènes provenant pratiquement de
voie principale pour le transfert des peptides tout type de pathogène (Fig. 8.12). La première voie d’ingestion passe par les récep-
aux molécules du CMH de classe II en vue teurs de phagocytose comme le récepteur de mannose et DEC 205. Ces récepteurs
de leur présentation aux cellules T CD4 (les reconnaissent une grande variété de bactéries et de virus. Les antigènes captés de
deux premiers panneaux). On pense que la
production des antigènes dans le cytosol, par cette façon empruntent la voie endocytaire où ils peuvent être apprêtés et présen-
exemple lors d’une infection virale, est la voie tés sur des molécules du CMH de classe II (voir Chapitre 5) pour être reconnus par
principale pour le transfert des peptides aux des cellules T CD4. Certains microbes ont acquis des moyens d’échapper à cette
molécules du CMH de classe I en vue de leur
reconnaissance par les récepteurs de phagocytose (voir Chapitre 2), mais les cellu-
présentation aux cellules T CD8 (troisième
panneau). Cependant, des antigènes les dendritiques tissulaires peuvent capter par macropinocytose ces pathogènes,
exogènes entrés par la voie endocytaire qui rejoignent de cette manière la voie endocytaire (voir Fig. 8.12).
peuvent être transférés dans le cytosol
pour être finalement pris en charge par les Une deuxième voie est l’entrée directe dans le cytosol, par exemple lors d’une infec-
molécules du CMH de classe I et présentés tion virale. Les cellules dendritiques sont particulièrement importantes pour la
aux cellules T CD8, un processus appelé
stimulation des réponses des cellules T aux virus, qui n’induisent pas d’activité cos-
présentation croisée (quatrième panneau).
Finalement, les antigènes semblent être timulatrice dans d’autres types de cellule présentatrice d’antigènes. Les cellules den-
transmis d’une cellule dendritique à une autre dritiques sont susceptibles d’être infectées par un très grand nombre de virus, qui
pour être présentés aux cellules T CD8, bien entrent dans la cellule par liaison à des protéines de la surface cellulaire qui servent
que les détails de cette voie soient encore mal
connus (cinquième panneau ).
récepteurs d’entrée pour le virus. De tels virus entrent dans le cytoplasme de la cellule
dendritique et synthétisent leurs protéines en recourant au système de synthèse pro-
téique de la cellule dendritique, aboutissant à l’apprêtement des protéines virales par
les protéasomes et à la présentation en surface de peptides viraux liés aux molécules
du CMH de classe I, comme dans tout autre type de cellule infectée par un virus (voir
Chapitre 5). Ceci rend les cellules dendritiques capables de présenter l’antigène et
d’activer des cellules T CD8 naïves, dont les récepteurs reconnaissent l’antigène pré-
senté sur les molécules du CMH de classe I. les cellules T CD8 effectrices sont cyto-
toxiques ; elles peuvent reconnaître et tuer les cellules infectées par un virus.
La capture de particules virales extracellulaires par phagocytose ou macropino-
cytose dans la voie endocytaire peut aussi aboutir à la présentation de peptides
viraux sur les molécules du CMH de classe I, un processus appelé présentation
croisée. Ceci est dû à un apprêtement antigénique par une voie alternative à la
voie endocytaire habituelle, comme décrit dans la Section 5-4. Par cette voie, les
virus incapables d’infecter des cellules dendritiques peuvent encore stimuler des
réponses antivirales efficaces par des cellules T CD8. Ainsi, toute infection virale
peut conduire à la génération de cellules T CD8 effectrices cytotoxiques. De plus,
des peptides viraux présentés sur les molécules du CMH de classe II de la cellule
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 335
transfert d’antigène
dendritique activeront des cellules T CD4 naïves, qui conduiront à la production Fig. 8.13 Les cellules de Langerhans
captent les antigènes dans la peau,
de cellules T CD4 effectrices qui stimulent la production d’anticorps antiviraux par
migrent dans les organes lymphoïdes
les cellules B et de cytokines qui amplifient la réponse immunitaire. périphériques et présentent les antigènes
étrangers aux cellules T. Les cellules de
Dans certains cas, une telle infection par herpès simplex ou le virus influenza, les Langerhans (en jaune) sont des cellules
cellules dendritiques qui migrent dans les ganglions lymphatiques à partir des tis- dendritiques immatures. Elles ingèrent
sus périphériques peuvent ne pas être les mêmes cellules qui présentent finalement les antigènes de diverses manières, mais
l’antigène aux cellules T naïves. Dans l’infection par herpès simplex, par exemple, n’exercent pas d’activité costimulatrice
(premier panneau). Lors d’une infection, elles
les cellules dendritiques immatures qui résident dans la peau, appelées cellules de captent les antigènes localement et migrent
Langerhans, capturent l’antigène dans la peau et le transportent dans les ganglions ensuite dans les ganglions lymphatiques
lymphatiques de drainage (Fig. 8.13). Certains antigène sont transférés dans une (deuxième panneau). Là, elles se différencient
en cellules dendritiques qui ne peuvent plus
sous-population de cellules dendritiques porteuses de CD8 résidant dans le gan-
capter l’antigène, mais exercent une activité
glion lymphatique, qui semblent être les cellules dendritiques dominantes respon- de costimulation. Maintenant, elles peuvent
sables de la sensibilisation des cellules T CD8 naïves pour le développement en sensibiliser les cellules T naïves CD8 ou
cellules T cytotoxiques antivirales dans cette maladie. Ceci signifie que les antigè- CD4. Lors de certaines infections virales, par
exemple par le virus herpès simplex, certaines
nes des virus qui infectent et tuent rapidement les cellules dendritiques peuvent cellules dendritiques provenant du foyer
encore être présentés par des cellules dendritiques infectées qui captent l’antigène infectieux semblent capables de transférer des
par présentation croisée et ont été activées par leurs TLR et par des chimiokines. antigènes aux cellules dendritiques résidentes
(en orange) dans les ganglions lymphatiques
Les cellules de Langerhans sont des cellules dendritiques typiques convention- (troisième panneau) en vue de la présentation
nelles immatures. Elles phagocytent activement et contiennent de grands granu- des antigènes par le CMH de classe I aux
cellules T CD8 naïves (quatrième panneau).
les appelés granules de Birbeck, qui constituent un compartiment endosomique de
recyclage qui est formé là où la langerine, une lectine transmembranaire spécifique
du mannose, s’accumule. Lors d’une infection cutanée, les cellules de Langerhans
capteront les antigènes des pathogène par l’une ou l’autre des voies mentionnées
plus haut. La rencontre avec des pathogènes déclenche aussi leur migration dans
les ganglions lymphatiques régionaux (voir Fig. 8.13). Là, elles perdent rapidement
la capacité de capter les antigènes, mais augmentent brièvement la synthèse des
molécules du CMH. En arrivant dans le ganglion lymphatique, elles expriment aussi
les molécules costimulatrices B7 et un grand nombre de molécules d’adhérence, qui
les rendent capables d’interagir avec des cellules T spécifiques d’antigène. De cette
manière, les cellules de Langerhans captent les antigènes des pathogènes envahis-
seurs et se différencient en cellules dendritiques matures qui sont particulièrement
aptes à la présentation de ces antigènes et l’activation des cellules T naïves.
336 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
CCR7 peptide: Fig. 8.14 Les cellules dendritiques supérieur). La signalisation par les TLR permet
CMH conventionnelles arrivent à maturité en aux cellules dendritiques de commencer leur
passant par deux stades distincts pour maturation, qui implique l’induction du récepteur
devenir de puissantes cellules présentatrices de chimiokine CCR7. La signalisation par
d’antigène dans les tissus lymphoïdes les TLR augmente aussi l’apprêtement des
B7 périphériques. Les cellules dendritiques antigènes phagocytés (deuxième panneau).
immatures provenant de progéniteurs de la Les cellules dendritiques exprimant CCR7
DC-SIGN moelle osseuse empruntent la voie sanguine sont sensibles à CCL19 et CCL21, qui les
pour gagner et coloniser la plupart de tissus, dirigent dans les tissus lymphoïdes de drainage.
Ganglion lymphatique certaines entrant directement dans les tissus CCL19 et CCL21 fournissent des signaux de
lymphoïdes périphériques. L’entrée dans un maturation supplémentaires qui augmentent la
tissu particulier est basée sur les récepteurs densité des molécules costimulatrices B7 et des
Une cellule dendritique mature dans la zone
de chimiokine particuliers qu’elles expriment : molécules du CMH. Elles expriment aussi en
des cellules T sensibilise des cellules T naïves
CCR1, CCR2, CCR5, CCR6, CXCR1 et CXCR2 grande quantité la molécule d’adhérence propre
CCL18 (pour raison de simplicité, tous ne sont pas aux cellules dendritiques, DC-SIGN (troisième
ICAM-1 CD58 montrés). Les cellules dendritiques immatures panneau). Dans le ganglion lymphatique
tissulaires phagocytent activement par des de drainage, les cellules dendritiques
récepteurs comme DEC 205 et montrent une conventionnelles matures sont devenues des
activité macropinocytaire intense, mais elles activateurs puissants des cellules T naïves
ICAM-1
n’expriment pas de molécules costimulatrices. mais ne phagocytent plus. Elles expriment B7.1,
Elles sont porteuses de la plupart des B7.2 et d’abondantes molécules du CMH de
différent récepteurs de type Toll (TLR) (voir le classe I et de classe II, ainsi que des molécules
texte). Dans les foyers infectieux, les cellules d’adhérence en grande densité : ICAM-1,
CD28 B7 ICAM-2 dendritiques immatures sont exposées aux ICAM-2, LFA-1, DC-SIGN, et CD58 (panneau
pathogènes, qui activent les TLR (panneau inférieur).
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 337
La signalisation par les TLR aboutit à des modifications significatives dans les
récepteurs de chimiokines exprimés par les cellules dendritiques, ce qui facilite
leur entrée dans les tissus lymphoïdes périphériques (Fig 8.14, deuxième pan-
neau). Ce changement dans le comportement de la cellule dendritique est sou-
vent appelé « droit d’exercer » (licensing), puisque les cellules sont engagées dans
le programme de différenciation qui les rendra capables d’activer les cellules T. La
signalisation par les TLR induit l’expression du récepteur CCR7, qui rend les cel-
lules dendritiques activées sensibles à la chimiokine CCL21 produite par les tissus
lymphoïdes, et déclenche leur migration par les lymphatiques dans les tissus lym-
phoïdes locaux. Tandis que les cellules T doivent traverser la paroi des veinules à
endothélium élevé pour quitter la circulation sanguine et atteindre les zones de
cellules T, les cellules dendritiques, qui entrent par les lymphatiques afférents, peu-
vent migrer directement dans les zones de cellules T à partir du sinus marginal.
Des protéines dérivées de pathogènes phagocytés par une cellule dendritique
immature sont apprêtées dans le compartiment endocytaire en vue de la pré-
sentation de leurs peptides par des molécules du CMH de classe II (voir Fig 8.14,
deuxième panneau). On a constaté récemment que l’efficacité de l’apprêtement
antigénique dans ce compartiment endocytaire était fortement renforcée par des
signaux provenant des TLR. La démonstration est venue d’expériences dans les-
quelles on suivait la formation des complexes peptide:CMH au cours de la pha-
gocytose de particules contenant des antigènes protéiques spécifiques et / ou des
ligands de TLR. Les phagosomes dans lesquels les protéines antigéniques étaient
associées, sur les particules, à des ligands de TLR comme le LPS bactérien, for-
maient de nombreux complexes peptide:CMH spécifiques, tandis qu’en absence
de ligand de TLR ces complexes étaient rares ou absents. Ce mécanisme lie donc
la signalisation par les TLR dans un phagosome à l’apprêtement antigénique et au
chargement des peptides sur le CMH dans le même phagosome, ce qui permet-
trait aux cellules dendritiques de distinguer les diverses sources d’antigène, cel-
les qui représentent le soi et celles qui représentent le non soi. Ce mécanisme livre
de préférence des peptides dérivés de pathogènes dans les pools de complexes
peptide:CMH qui sont transportés à la surface de la cellule dendritique, où ils sont
présentés aux cellules T naïves qui subissent en même temps une costimulation.
En plus de l’induction de la migration dans les tissus lymphoïdes, on pense que la
signalisation déclenchée par CCL21 et CCR7 contribue aux changements liés à la
maturation des cellules dendritiques activées ; lorsqu’elles arrivent dans la zone
des cellules T des organes lymphoïdes, elles ont acquis un phénotype complète-
ment différent (Fig 8.14, troisième panneau). Au cours de leur maturation dans
les tissus lymphoïdes, les cellules dendritiques perdent leur capacité d’ingérer des
antigènes par phagocytose ou macropinocytose. Elles expriment alors des molécu-
les du CMH de classe I et de classe II en abondance et de manière prolongée ce qui
leur permet de présenter des peptides antigéniques apprêtés. Tout aussi impor-
tante est l’expression entre temps de nombreuses molécules B7 costimulatrices
à leur surface. Deux glycoprotéines transmembranaires de structure apparentée
et appelées B7.1 (CD80) et B7.2 (CD86) transmettent des signaux de costimula-
tion en interagissant avec des récepteurs des cellules T naïves. Les cellules dendri-
tiques matures expriment aussi des taux élevés de molécules d’adhérence, entre
autres DC-SIGN, et elles sécrètent la chimiokine CCL18, qui attire spécifiquement
les cellules T naïves. Ensemble, ces propriétés rendent la cellule dendritique capa-
ble de stimuler fortement les cellules T naïves (Fig 8.14, panneau inférieur).
Malgré la présentation amplifiée des antigènes dérivés de pathogène, les cellules
dendritiques matures présentent aussi certains peptides autologues, ce qui pourrait
rendre difficile le maintien de la tolérance envers le soi. Le répertoire des récepteurs
de cellule T a, cependant, été formé dans le thymus avec élimination des récepteurs
qui reconnaissent les peptides autologues présentés par des cellules dendritiques
(voir Chapitre 7) ; les réponses des cellules T contre des antigènes ubiquitaires du
soi sont donc évitées. De plus, les cellules dendritiques tissulaires atteignant la fin de
leur vie dans les tissus sans avoir été activées par une infection migrent aussi par les
338 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
lymphatiques jusqu’au tissu lymphoïde local. Elles transportent des complexes du soi
peptide:CMH à leur surface, dérivés de la dégradation de leurs propres protéines et
des protéines tissulaires présentes dans le liquide extracellulaire. Mais, puisque ces
cellules n’expriment pas les molécules costimulatrices appropriées, elles ne sont pas
à même d’activer les cellules T naïves comme le font les cellules dendritiques matu-
res. Bien qu’il reste des points à éclaircir, on pense que la présentation des peptides
du soi par de telles cellules dendritiques immatures, ou « sans droit d’exercer » (unli-
censed), rendent plutôt les cellules T naïves incapables de répondre à ces antigènes.
On pense que la dégradation intracellulaire des pathogènes fournit des composants
non peptidiques, capables d’activer des cellules dendritiques. Par exemple, l’ADN
bactérien ou viral contenant des motifs dinucléotidiques CpG non méthylés active
rapidement des cellules dendritiques plasmacytoïdes, probablement à la suite de la
reconnaissance de l’ADN par TLR-9, présent dans des vésicules intracellulaires (voir
Fig. 2.17). L’exposition à l’ADN bactérien active les voies de signalisation de NFκB
et de la MAP kinase (Mitogen-Activated Protein kinase, protéine kinase activée par
les mitogènes) (voir Fig. 6.35), entraînant la production de cytokines comme l’IL‑6,
l’IL-12, l’IL-18 et les interférons (IFN)-α et IFN-γ par la cellule dendritique. À leur
tour, ces cytokines agissent sur les cellules dendritiques elles-mêmes et amplifient
l’expression des molécules costimulatrices. Les protéines de choc thermique sont
d’autres constituants internes bactériens capables d’activer la fonction de présenta-
tion d’antigène des cellules dendritiques. On pense que certains virus sont reconnus
par des TLR à l’intérieur de la cellule dendritique comme conséquence de la pro-
duction d’ARN bicaténaire au cours de leur réplication. Comme nous l’avons vu à la
Section 2-29, une infection virale induit aussi la production d’IFN-α et d’IFN-β par
tous les types de cellules infectées ; ces deux interférons peuvent en plus activer les
cellules dendritiques pour augmenter l’expression des molécules costimulatrices.
On pense que l’induction d’une activité costimulatrice dans la cellule présentatrice
d’antigène par des constituants microbiens communs permet au système immunitaire
de distinguer les antigènes d’origine infectieuse des antigènes protéiques inoffensifs,
y compris les protéines du soi. De nombreuses protéines étrangères ne suscitent pas
de réponse immunitaire lorsqu’elles sont injectées seules, probablement parce qu’el-
les sont incapables d’induire une activité costimulatrice dans les cellules présentatri-
ces d’antigène. Cependant, lorsque de tels antigènes protéiques sont mélangés à des
bactéries, ils deviennent immunogènes, car les bactéries induisent l’activité costimu-
latrice indispensable dans les cellules qui ont ingéré la protéine. Les bactéries utilisées
de cette façon sont appelées adjuvants (voir Appendice I, Section A-4). Nous verrons
au Chapitre 14 comment des protéines du soi mélangées à des adjuvants bactériens
peuvent induire des maladies auto-immunes, ce qui illustre l’importance cruciale de
la régulation de l’activité costimulatrice dans la distinction du soi et du non soi.
pour les cellules T, les cellules B, les monocytes ou les cellules NK, mais elles expri-
ment les molécules du CMH de classe II, ce qui suggère une origine lymphoïde.
Finalement, des marqueurs spécifiques furent identifiés, comme BDCA-2 et
Siglec-H (voir la Section 8-5), qui distinguent respectivement les cellules dendriti-
ques plasmacytoïdes humaines et de souris des autres populations leucocytaires.
Les cellules dendritiques plasmacytoïdes expriment une sous-population de TLR,
particulièrement TLR-7 et TLR-9. Ces TLR sont localisés dans le compartiment
endosomique et sont sensibles à l’ARN monocaténaire viral et aux résidus CpG
non méthylés présents dans le génome de nombreux virus à ADN. La nécessité de
TLR-9 pour la détection des infections causées par des virus à ADN a été démon-
trée, par exemple, par l’incapacité des cellules dendritiques plasmacytoïdes défi-
cientes en TLR-9 de produire des interférons de type I en réponse au virus herpès
simplex. On pense que certains des marqueurs spécifiques de ces cellules, comme
Siglec-H, interviennent dans la capture et la livraison du virus ou d’autres patho-
gènes aux TLR intracellulaires. De plus, les cellules dendritiques plasmacytoïdes
humaines et de souris peuvent produire la cytokine pro-inflammatoire l’IL-12,
bien que la quantité soit moindre que celle qui est produite par les cellules dendri-
tiques conventionnelles. Comme nous l’avons vu à la Section 2-29, les interférons
de type I déclenchent une réponse antivirale rapide dans les cellules somatiques
non infectées ; ces interférons ont aussi comme effet de promouvoir le dévelop-
pement de la cellule dendritique et sa maturation à partir des monocytes du sang.
Les cellules dendritiques plasmacytoïdes expriment peu de CMH de classe II et de
molécules costimulatrices à leur surface et apprêtent les antigènes moins efficace-
ment que les cellules dendritiques conventionnelles. Pour ces raisons, les cellules
dendritiques plasmacytoïdes ne sont pas aussi efficaces dans la stimulation de la
prolifération des cellules T naïves spécifiques d’antigène et l’on pense qu’elles ne
sont pas importantes pour le déclenchement direct des réponses cellulaires T.
Elles peuvent, cependant, agir comme des cellules auxiliaires pour la présentation
d’antigène par les cellules dendritiques conventionnelles. Une interaction entre cel-
lules dendritiques conventionnelles et plasmacytoïdes a été révélée par des étu-
des chez des souris infectées par la bactérie intracellulaire Listeria monocytogenes.
Normalement, cette bactérie ou un ligand synthétique de TLR-9 contenant du CpG
stimule dans les cellules dendritiques conventionnelles une production, brusque et
de courte durée, de la cytokine IL-15, suivie de la production soutenue d’IL-12. L’IL-12
produite par les cellules dendritiques conventionnelles est importante, comme nous
le verrons plus tard, dans l’orientation des cellules T CD4 vers un type particulier de
réponse efficace contre ces bactéries. Lorsque l’IL-15 ou les cellules dendritiques plas-
macytoïdes furent éliminées expérimentalement, la production de l’IL-12 par les cel-
lules dendritiques conventionnelles a diminué, et les souris sont devenues sensibles
à Listeria. Il semble que l’IL-15 produite à la suite de la stimulation des TLR agit selon
une boucle autocrine et induit l’expression de la protéine transmembranaire CD40 sur
les cellules dendritiques conventionnelles. En même temps, la signalisation par TLR-9
induit l’expression de la protéine transmembranaire, le ligand de CD40 (CD40L ou
CD154) dans la cellule dendritique plasmacytoïde. Ceci rend les cellules dendritiques
plasmacytoïdes capables de déclencher la signalisation de CD40 dans les cellules den-
dritiques conventionnelles, ce qui a comme effet de soutenir leur production d’IL-12.
L’un d’entre eux est de résister aux propriétés lytiques des phagocytes. Les macropha-
ges qui ont capté et ingéré des micro-organismes, mais n’ont pas réussi à les détruire,
contribuent à la réponse immunitaire adaptative en agissant comme cellule pré-
sentatrice d’antigène. Comme nous le verrons plus tard dans ce chapitre, la réponse
immunitaire adaptative est à son tour capable d’amplifier les capacités microbicides
et phagocytaires de ces cellules qui deviennent alors capables de tuer le pathogène.
Les macrophages peuvent résider dans les tissus, mais on les trouve aussi dans les
organes lymphoïdes (voir Fig. 8.10). Ils sont présents dans de nombreuses zones des
ganglions lymphatiques, spécialement dans le sinus marginal, par où la lymphe affé-
rente entre dans le tissu lymphoïde, et dans les cordons médullaire, où la lymphe effé-
rente est collectée avant de s’écouler dans le sang (voir Fig. 1.18). Leur rôle principal
est d’ingérer des microbes et des antigènes particulaires et les empêcher ainsi d’en-
trer dans le sang. Bien que les macrophages apprêtent les microbes ingérés et pré-
sentent les antigènes peptidiques à leur surface en conjonction avec des molécules
costimulatrices, on pense que leur principale fonction dans les tissus lymphoïdes est
d’éliminer non seulement les pathogènes mais aussi les lymphocytes apoptotiques.
Les macrophages au repos ont peu ou pas de molécules du CMH de classe II à leur
surface et n’expriment pas B7. L’expression des molécules du CMH de classe II et de
B7 est induite par l’ingestion des micro-organismes et la reconnaissance de leurs
motifs moléculaires étrangers. Les macrophages, comme les cellules dendritiques
tissulaires, ont divers récepteurs qui reconnaissent des composants de la surface
microbienne, le récepteur du mannose, le récepteur éboueur, les récepteurs du
complément et plusieurs TLR (voir Chapitre 2). Ces récepteurs sont impliqués
dans l’ingestion des micro-organismes par phagocytose et dans la signalisation
menant à la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, qui recrutent et activent
plus de phagocytes. Les récepteurs de phagocytose fonctionnent comme ceux des
cellules dendritiques tissulaires et permettent ainsi au macrophage de fonction-
ner comme cellule présentatrice d’antigène. Une fois liés, les micro-organismes
sont ingérés et dégradés dans les phagosomes et les phagolysosomes, fournissant
les peptides qui seront présentés par des molécules du CMH de classe II. En même
temps, les récepteurs qui reconnaissent ces micro-organismes transmettent un
signal qui conduit à l’expression des molécules du CMH de classe II et de B7.
Les macrophages éliminent continuellement les cellules mortes ou mourantes,
qui sont riches en autoantigènes. Aussi, il est particulièrement important qu’el-
les n’activent pas les cellules T en absence d’infection. Les cellules de Kupffer des
sinusoïdes hépatiques et les macrophages de la pulpe rouge splénique, en parti-
culier, éliminent du sang quotidiennement un grand nombre de cellules mouran-
tes. Les cellules de Kupffer expriment peu de CMH de classe II et pas de TLR-4, le
récepteur qui signale la présence du LPS bactérien. Ainsi, bien qu’ils génèrent de
grandes quantités de peptides du soi dans leurs endosomes, ces macrophages ne
sont probablement pas en mesure de susciter une réponse auto-immune.
À présent, il y a très peu d’observations qui suggèrent que les macrophages puis-
sent déclencher une réponse immunitaire des cellules T. Il est probable que leur
expression de molécules costimulatrices est plus importante pour l’amplification
des réponses primaires ou secondaires déjà lancées par les cellules dendritiques.
On peut croire qu’il s’agit là d’une intervention importante pour les cellules T effec-
trices ou mémoire qui rejoignent le foyer infectieux.
Tissu lymphoïde
Partout Tissu lymphoïde
Localisation Tissu conjonctif
dans le corps Sang périphérique
Cavités corporelles
Résumé.
Une réponse immunitaire adaptative est déclenchée lorsque des cellules T naïves
entrent en contact, dans les organes lymphoïdes périphériques, avec des cellules pré-
sentatrices d’antigène matures et activées. Pour que les rares cellules T spécifiques
de l’antigène assurent une surveillance efficace et détectent les tout aussi rares cellu-
les présentatrices d’antigène, les cellules T repassent continuellement par les organes
lymphoïdes et peuvent ainsi détecter les antigènes apportés par les cellules présen-
tatrices d’antigène provenant des divers sites d’infection. La migration des cellules T
naïves dans les organes lymphoïdes est guidée par le récepteur de chimiokine CCR7,
qui lie la chimiokine CCL21 produite par les cellules stromales dans les zones de cellu-
les T des organes lymphoïdes périphériques. La sélectine L exprimée par les cellules T
naïves permet leur roulement sur les surfaces spécialisées des veinules à endothé-
lium élevé, et le contact avec CCL21 induit un changement de configuration de l’in-
tégrine LFA-1 exprimée par les cellules T augmentant ainsi son affinité pour ICAM-1
exprimée par l’endothélium des veinules. Ceci induit une forte adhérence, la diapé-
dèse et la migration des cellules T dans la zone dite T dépendante où les cellules T
naïves rencontrent les cellules dendritiques présentatrices d’antigène. C’est là que se
trouvent également les deux populations principales de cellules dendritiques, les cel-
lules dendritiques conventionnelles porteuses de CD11c et les cellules dendritiques
plasmacytoïdes. Les cellules dendritiques conventionnelles surveillent continuelle-
ment les tissus périphériques pour détecter d’éventuels pathogènes et sont responsa-
bles de l’activation des lymphocytes naïfs. Un contact avec des pathogènes transmet
des signaux aux cellules dendritiques par les TLR et d’autres récepteurs qui accélèrent
l’apprêtement antigénique et la production de complexes peptide étranger:CMH du
soi. La signalisation par les TLR induit aussi l’expression, par les cellules dendritiques,
de CCR7 qui dirige leur migration dans les zones de cellules T des organes lymphoï-
des périphériques où elles rencontrent des cellules T naïves et les activent.
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 343
D’autres types cellulaires peuvent présenter un antigène aux cellules T naïves, bien
que les cellules dendritiques soient les activateurs les plus puissants des cellules T
naïves ; on pense qu’elles déclenchent la plupart des réponses des cellules T aux
micro-organismes pathogènes. Les macrophages ingèrent efficacement les antigè-
nes particulaires comme les bactéries ; stimulés par des agents infectieux, ils expri-
ment les molécules du CMH de classe II et acquièrent une activité costimulatrice.
La capacité unique des cellules B de lier et d’internaliser des antigènes protéiques
solubles par leurs récepteurs et de présenter les peptides apprêtés sous forme de
complexes peptide:CMH peut être importante pour l’activation des cellules T qui
fournissent alors aux cellules B l’aide spécifique de l’antigène. Dans les trois types
de cellules présentatrices d’antigène, l’expression de molécules costimulatrices est
activée en réponse à des signaux provenant des récepteurs qui interviennent aussi
dans immunité innée pour signaler la présence d’agents infectieux.
CMH
de classe II ICAM-1
La sensibilisation des cellules T naïves est contrôlée par plusieurs signaux. Comme
nous le disions dans l’introduction de ce chapitre, nous avons adopté une termino-
logie qui divise ces signaux en trois types : signal 1, signal 2 et signal 3. Le signal 1
comprend ceux qui sont spécifiques de l’antigène et qui proviennent de l’inte-
raction d’un complexe spécifique peptide:CMH avec le récepteur de cellule T. La
liaison du récepteur de la cellule T à son antigène peptidique est nécessaire à l’acti-
vation d’une cellule T naïve, mais même si le corécepteur CD4 ou CD8 est impliqué
dans l’interaction, cela ne suffit pas à stimuler la prolifération et la différenciation
de la cellule T en cellules T effectrices. L’expansion clonale spécifique de l’antigène
d’une cellule T naïve fait appel à au moins deux autres types de signaux, qui sont
en général émis par la même cellule présentatrice d’antigène. Ces signaux addi-
tionnels ont été divisés en signaux costimulateurs qui sont impliqués surtout dans
la promotion, ou l’inhibition, de la survie et l’expansion des cellules T (signal 2), et
ceux qui sont surtout impliqués dans l’orientation de la différenciation des cellu-
les T en différentes sous-populations de cellules T effectrices (signal 3) (Fig. 8.19).
Les molécules les mieux caractérisées dans la transmission du signal 2 sont les molé-
cules B7 (voir la Section 8-6). Ces membres homodimériques de la superfamille des
immunoglobulines se trouvent exclusivement à la surface de cellules, comme les cel-
lules dendritiques, qui stimulent la prolifération des cellules T naïves. Leur rôle dans
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 345
Fig. 8.19 Trois types de signaux sont présentatrice d’antigène et transmet le signal 2,
impliqués dans l’activation des cellules T dont l’effet est une augmentation de la survie Les APC transmettent trois types de signaux
naïves par les cellules présentatrices et la prolifération de la cellule T qui a reçu le aux cellules T naïves
d’antigène. L’interaction du complexe peptide signal 1. ICOS et des membres de la famille
APC
étranger:CMH du soi avec le récepteur des récepteurs du TNF peuvent aussi fournir
de cellule T et, dans cet exemple, avec le des signaux costimulateurs. Pour les cellules T
corécepteur CD4, transmet un signal (flèche 1) CD4 en particulier, différentes voies de
à la cellule T spécifique de l’antigène. différenciation produisent des sous-populations cytokines
CMH de B7.1
L’activation efficace des cellules T naïves de cellules T effectrices qui exercent différentes IL-6
classe II B7.2
IL-12
requiert un second signal (flèche 2), le signal fonctions selon la nature du troisième signal TGF-β
costimulateur, qui doit être transmis par la (flèche 3) transmis par la cellule présentatrice
même cellule présentatrice d’antigène (APC). d’antigène. Des cytokines sont fréquemment, TCR CD28
Dans cet exemple, CD28 sur la cellule T mais pas exclusivement, impliquées dans
rencontre les molécules B7 sur la cellule l’orientation de cette différenciation.
CD4
Fig. 8.21 Les cellules T activées sécrètent récepteur de haute affinité de l’IL-2. L’IL-2 se
Les cellules T au repos expriment de l’IL-2 et répondent à l’IL-2. L’activation des fixe à son récepteur de haute affinité, induisant
un récepteur d’IL-2 d’affinité modérée cellules T naïves associée à une costimulation ainsi par autocrinie la prolifération cellulaire.
ne contenant que les chaînes 𝛃 et 𝛄
induit la sécrétion d’IL-2 et l’expression du
récepteur d’IL-2 l’ARNm de l’IL-2. On pense que le second effet de la signalisation par CD28 consiste
d’affinité modérée
cellule T en la stabilisation de l’ARNm de l’IL-2, ce qui augmente la production de la protéine
IL-2 de 20 à 30 fois. Ces deux effets conjugués augmentent une centaine de fois la
production de l’IL-2. Les ARNm des cytokines ont une demi-vie très brève en rai-
IL-2
son de l’instabilité de leur séquence dans leur région 3’ non traduite. L’instabilité de
IL-2Rα l’ARN évite que la production et la libération de la cytokine ne se prolongent, ce qui
permet un contrôle serré de l’activité de la cytokine. Lorsqu’une cellule T reconnaît
un antigène spécifique en absence de costimulation par CD28, la production d’IL-2
Les cellules T activées expriment un récepteur est faible et la cellule T ne prolifère pas. Ainsi, la fonction la plus importante du signal
d’IL-2 de forte affinité contenant les chaînes 𝛂,
𝛃 et 𝛄 et sécrètent de l’IL-2 costimulateur est de favoriser la synthèse de l’IL-2.
Des médicaments utilisés communément pour supprimer des réponses immunitai-
res indésirables comme le rejet de greffe agissent en bloquant l’activité de l’IL-2, qui
est essentielle pour le lancement des réponses immunitaires adaptatives. Les agents
immunosuppresseurs comme la ciclosporine A et FK506 (tacrolimus ou fujimycine)
inhibent la production d’IL-2 en interrompant la signalisation passant par le récepteur
de cellule T, tandis que la rapamycine (sirolimus) inhibe la signalisation passant par le
récepteur d’IL-2. La ciclosporine A et la rapamycine inhibent de manière synergique
les réponses immunitaires en empêchant l’expansion clonale des cellules T dépendant
de l’IL-2. Le mode d’action de ces médicaments sera décrit en détail au Chapitre 15.
son ligand, l’effet de cette interaction est bidirectionnel, la cellule T et la cellule présen- CD28 CTLA-4
tatrice d’antigène recevant, toutes deux, des signaux activateurs; ce type d’interaction
est parfois appelé le dialogue de la cellule T avec la cellule présentatrice d’antigène.
DC
cellule T
signaux costimulateurs est donc essentielle pour éviter des réponses auto-immunes
destructrices (Fig. 8.24). Sans elle, la tolérance au soi pourrait être rompue si des cel-
lules T naïves autoréactives reconnaissaient des autoantigènes sur les cellules tis-
sulaires et pouvaient être costimulées ensuite séparément par interaction avec une
cellule présentatrice d’antigène, soit localement ou dans un site distant.
Le mécanisme moléculaire de l’anergie des cellules T n’est pas encore complètement
élucidé. Le changement le plus important est l’absence de production de l’IL-2 par
les cellules T anergiques, qui ne peuvent donc proliférer ni se différencier en cellules
effectrices lors de la rencontre avec leur antigène. L’anergie n’a été démontrée formel-
lement qu’in vitro, mais certaines observations suggèrent que l’anergie se développe-
rait in vivo vis-à-vis de divers antigènes, et l’on considère en général qu’il s’agit d’un
des mécanismes de la tolérance périphérique (voir la Section 7-26). Certaines cel-
lules T semblent persister dans un état anergique in vivo, et bien que la délétion de
cellules T potentiellement autoréactives paraisse un moyen simple de maintenir la
tolérance au soi, la rétention de cellules T anergiques spécifiques d’antigènes tissu-
laires est moins facile à comprendre. Il semblerait plus efficace d’éliminer de telles
cellules ; en effet, la liaison du récepteur de cellules T périphériques en absence de
costimulateurs peut conduire à la mort cellulaire programmée au lieu de l’anergie.
Une explication possible pour la rétention de cellules anergiques est qu’elles jouent un
rôle partiel dans la prévention des réponses par des cellules T naïves, non anergiques
contre des antigènes étrangers qui imitent des complexes peptide du soi:CMH du soi.
Les cellules T anergiques pourraient reconnaître et se lier à de tels complexes sur une
cellule présentatrice d’antigène sans répondre, et ainsi pourrait entrer en compéti-
tion avec les cellules T naïves de même spécificité et potentiellement autoréactives.
De cette façon, les cellules T anergiques préviendraient une activation accidentelle
des cellules T autoréactives par des agents infectieux, contribuant ainsi activement à
la tolérance. Une autre explication possible est que les cellules anergiques sont en fait
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 349
APC
récepteur
CMH de classe I B7 IL-2 de l’IL-2
récepteur
de cellule T CD28 tue
cellule T
des cellules T régulatrices, car elles présentent certaines similitudes. Toutes deux ne Fig. 8.25 Les cellules T effectrices peuvent
répondre à leur cellule cible sans signal
prolifèrent pas ou ne produisent pas d’IL-2 in vitro en réponse à une stimulation par
de costimulation. Une cellule T naïve qui
leur antigène spécifique. S’il se confirmait que les populations de cellules T anergi- reconnaît l’antigène à la surface de la cellule
ques et régulatrices se confondent in vivo, alors l’anergie serait un moyen de mainte- présentatrice d’antigène et qui reçoit les
nir activement la tolérance aux antigènes du soi. deux signaux nécessaires à son activation
(flèches 1 et 2, panneau de gauche) est
activée et, à la fois, sécrète l’IL-2 et répond
à l’IL-2. L’IL-2 induit l’expansion clonale des
8-16 Les cellules T qui prolifèrent et se différencient deviennent effectrices cellules T suivie par leur différenciation en
et ne requièrent plus de costimulation pour agir. cellules T effectrices. Une fois que les cellules
se sont différenciées en cellules T effectrices,
chaque rencontre avec l’antigène spécifique
Au cours de la phase tardive de prolifération induite par l’IL-2, après 4–5 jours de induit le déclenchement de leurs fonctions
croissance rapide, les cellules T activées se différencient en cellules T effectrices effectrices sans signaux de costimulation.
qui synthétisent toutes les molécules requises pour leurs fonctions spécialisées en Ainsi, comme illustré ici, une cellule T
tant que cellules T auxiliaires ou cytotoxiques. De plus, toutes les classes de cellu- cytotoxique peut tuer les cellules infectées
par un virus qui expriment uniquement le
les T effectrices ont subi des changements qui les distinguent des cellules T naïves, complexe peptide:CMH sans aucun signal de
l’un des plus importants étant la condition requise pour leur activation : une fois costimulation (panneau de droite).
qu’une cellule T est devenue effectrice, la rencontre avec son antigène spécifique
déclenche une attaque immunitaire sans besoin de costimulation (Fig. 8.25).
Ceci s’applique à toutes les classes de cellules T effectrices. Son importance est
particulièrement facile à comprendre pour les cellules T CD8 cytotoxiques, qui
doivent être capables d’agir sur toute cellule infectée par un virus, que la cellule
infectée exprime ou non des molécules costimulatrices. Cependant, il est aussi
important pour la fonction effectrice de cellules CD4, car les cellules T CD4 effec-
trices doivent être capables d’activer les cellules B et les macrophages qui ont capté
un antigène même si ces cellules n’expriment pas de molécules costimulatrices.
Des changements sont aussi constatés dans les molécules d’adhérence cellu-
laire et dans les récepteurs exprimés par les cellules T effectrices. Elles expriment
davantage LFA-1 et CD2 que les cellules T naïves, mais elles perdent la sélectine L
et dès lors cessent de recirculer à travers les ganglions lymphatiques. Par ailleurs,
elles expriment l’intégrine VLA-4, qui leur permet de se lier à l’endothélium vas-
culaire portant la molécule d’adhérence VCAM-1, qui est exprimée dans les foyers
inflammatoires. Les cellules T ont ainsi accès aux foyers infectieux et peuvent alors
déployer leur batterie de protéines effectrices. La Fig. 8.26 résume ces change-
ments qui surviennent à la surface de la cellule T.
Avant d’expliquer comment les cellules T se différencient, nous allons introduire briè-
vement les différentes sous-populations des cellules T effectrices et leurs fonctions
générales dans les réponses immunitaires. Les cellules T naïves se répartissent en
350 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Fig. 8.27 Les cellules T CD8 cytotoxiques et les cellules T CD4 la souris). Les cellules TH2 par contre produisent des cytokines qui
effectrices, TH1, TH2 et TH17 sont spécialisées dans l’affrontement induisent la différenciation des cellules B et la production d’autres classes
contre les différentes classes de pathogènes. Les cellules T CD8 d’immunoglobulines, spécialement l’IgE ; elles favorisent la réponse
cytotoxiques (panneau de gauche) tuent les cellules cibles dont les des cellules B en activant la prolifération des cellules B naïves et leur
molécules du CMH de classe I présentent à la surface cellulaire un production d’IgM. Les différents types d’immunoglobulines constituent
fragment peptidique provenant de pathogènes cytosoliques, le plus les molécules effectrices de la réponse immunitaire humorale. Les
souvent des virus. Les cellules TH1 (deuxième panneau) et TH2 (troisième cellules TH17 (quatrième panneau) ont été reconnues récemment comme
panneau) expriment toutes deux le corécepteur CD4 et reconnaissent des formant une sous-population de cellules T CD4 effectrices. Elles suscitent
fragments d’antigènes dégradés à l’intérieur de vésicules cytoplasmiques la production, par les épithéliums et les cellules stromales, de chimiokines
et présentés à la surface par des molécules du CMH de classe II. Les qui recrutent les neutrophiles dans les foyers infectieux tôt au cours
cellules TH1 produisent des cytokines qui activent les macrophages, de la réponse immunitaire adaptive. Une sous-population de cellules T
les rendant aptes à détruire les micro-organismes intracellulaires effectrices comprend les cellules T régulatrices (panneau de droite), une
plus efficacement. Elles peuvent aussi activer la production par les classe hétérogène de cellules qui suppriment l’activité des cellules T et
cellules B d’anticorps fortement opsonisants appartement à certaines qui préviennent le développement de l’auto-immunité durant les réponses
sous-classes d’IgG : IgG1 et IgG3 chez l’homme, IgG2a et IgG2b chez immunitaires.
Cellules T CD8 :
Cellules T CD4 : peptide + CMH de classe II
peptide + CMH de classe I
Cellules T cytotoxiques (tuent) Cellules TH1 Cellules TH1 et TH2 Cellules TH17 Cellules Treg
T
anticorps CD4
antitoxine
cellule T cellule T Après ce bref survol des cellules T effectrices et de leur fonctions, nous allons voir
CD4 CD8 maintenant comment elles dérivent des cellules T naïves. Les cellules T CD8 naï-
activation
ves se différencient en cellules cytotoxiques et, peut-être parce que les actions
TCR
effectrices de ces cellules sont si destructrices, les cellules T CD8 naïves requiè-
CD4 rent plus de costimulation pour devenir des cellules effectrices que les cellules T
CD28 CD4 naïves. Cette exigence peut être rencontrée de deux façons. La plus simple est
une activation par des cellules dendritiques matures, qui exercent une forte acti-
B7 CD8
CMH II CMH I vité costimulatrice. Ces cellules peuvent stimuler directement les cellules T CD8 et
leur faire synthétiser l’IL-2 qui dirige leur propre prolifération et différenciation, et
cellule présentatrice d’antigène
cette propriété a été exploitée pour stimuler des réponses des cellules T cytotoxi-
ques contre des tumeurs, comme nous le verrons dans le Chapitre 15.
Une APC activée exprime CD40 et 4-IBBL,
qui costimulent les cellules T CD8 naïves Une telle sensibilisation directe des cellules CD8 par une cellule présentatrice d’an-
tigène infectée par un virus peut avoir lieu dans certaines situations, mais dans la
majorité des infections virales il semble que l’activation des cellules T CD8 requiert
une aide supplémentaire. Celle-ci est fournie par des cellules T CD4 effectrices qui
IL-2 IL-2 reconnaissent des antigènes apparentés à la surface de la même cellule présenta-
trice d’antigène (Fig. 8.28). On pense que les actions des cellules T CD4 sont néces-
saires pour compenser une costimulation insuffisante des cellules T CD8 naïves
4-IBB par la cellule présentatrice d’antigène infectée par un virus ; le recrutement d’une
CD40L cellule T CD4 effectrice active la cellule présentatrice d’antigène qui exerce alors
CD40 4-IBBL une activité costimulatrice plus forte. Les cellules dendritiques sont porteuses de
CD40 (voir la Section 8-8), qui en se liant à son ligand sur la cellule T CD4 induit
l’expression de B7 sur la cellule dendritique et lui permet ainsi de costimuler direc-
Fig. 8.28 La réponse de la plupart des tement la cellule T CD8 naïve. La contribution des cellules CD4 peut aussi venir de
cellules T CD8 nécessitent la contribution la production d’IL-2, qui favorise la différenciation de la cellule T CD8.
de cellules T CD4. Les cellules T CD8 qui
reconnaissent l’antigène sur des cellules
exprimant peu de molécules de costimulation 8-19 Diverses formes du signal 3 induisent la différenciation des cellules T
ne peuvent être activées qu’en présence
de cellules T CD4 fixées à la même cellule CD4 naïves dans des voies effectrices distinctes.
présentatrice d’antigène (APC). La cellule T
CD4 effectrice, en reconnaissant l’antigène sur La différenciation des cellules T CD4 est plus diversifiée que celle des cellules T
la cellule présentatrice d’antigène, fait exprimer CD8. Alors que ces dernières semblent adopter un phénotype cytotoxique uni-
par celle-ci un taux plus élevé de molécules de
costimulation. Les cellules T CD4 produisent
forme, les cellules T CD4 peuvent se différencier en divers types de sous-popula-
de l’IL-2 en abondance et contribuent ainsi à la tions effectrices qui orientent d’autres cellules vers des destinées distinctes. Le sort
prolifération des cellules T CD8. La cellule T CD8 de la descendance des cellules T CD4 naïves est décidé en grande partie durant la
ainsi activée peut alors produire sa propre IL-2. sensibilisation initiale ; il dépend des signaux provenant de l’environnement local,
particulièrement en fonction de la sensibilisation de la cellule présentatrice d’anti-
gène. C’est l’ensemble de ces signaux que nous appelons le signal 3. Actuellement,
on sait que les cellules T CD4 naïves se différencient dans au moins quatre sous-
populations effectrices, les TH1, les TH2, les TH17 et les cellules T régulatrices adap-
tatives ; ces dernières pourraient constituer une sous-population hétérogène,
agissant par la sécrétion de diverses cytokines inhibitrices (Fig. 8.29).
La différenciation des sous-populations TH1 et TH2 est la mieux connue et nous
aborderons ce sujet en premier lieu. Ces sous-populations se distinguent princi-
palement par leur production de cytokines spécifiques, comme l’IFN-γ et l’IL-2 par
les cellules TH1, et l’IL-4 et l’IL-5 par les cellules TH2. On trouve souvent que l’une
ou l’autre de ces deux sous-populations prédomine dans les réponses immuni-
taires qui deviennent chroniques, comme dans l’auto-immunité ou les allergies.
Dans la plupart des réponses aiguës à une infection, il est probable que tant les cel-
lules TH1 que les cellules TH2 interviennent dans le développement d’une réponse
effective. On dispose de pas mal d’informations sur le mécanisme par lequel ces
deux sous-populations sont générées. La décision de se différencier en cellules TH1
ou TH2 est prise tôt au cours de la réponse immunitaire, et un déterminant impor-
tant de la voie de différenciation est le mélange de cytokines produites par les cel-
lules du système immunitaire inné en réponse aux pathogènes.
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 353
Résumé.
Une fois qu’une cellule T effectrice a terminé sa différenciation dans un tissu lym-
phoïde, elle doit trouver des cellules cibles qui présentent le complexe peptide:CMH
adéquat. Certaines cellules TH2 rencontrent les cellules B leur servant de cibles
sans quitter le tissu lymphoïde, comme nous le verrons au Chapitre 9. Cependant, L’interaction initiale de la cellule CD8 avec sa cible
la plupart des cellules T effectrices émigrent de leur site d’activation dans le tissu dépend de molécules d’adhérence non spécifiques
lymphoïde et rejoignent la circulation sanguine par le canal thoracique. En raison
des changements à la surface cellulaire survenus durant la différenciation, elles
peuvent migrer dans les tissus, particulièrement dans les foyers infectieux. Elles
sont guidées dans ces sites par des changements dans les molécules d’adhérence
exprimées sur l’endothélium des vaisseaux sanguins locaux comme conséquence LFA-1
de l’infection, et par des facteurs chimiotactiques locaux. ICAM
La liaison initiale d’une cellule T effectrice à sa cible, comme celle d’une cellule T
naïve à une cellule présentatrice d’antigène, est une interaction non spécifique de
l’antigène assurée par LFA-1 et CD2. La densité de LFA-1 et de CD2 est deux à qua-
tre fois plus élevée sur les cellules T effectrices que sur les cellules T naïves ; aussi,
les cellules T effectrices peuvent se lier efficacement aux cellules cibles pourvues de
Interaction non spécifique de l’antigène :
moins d’ICAM et de CD58 à leur surface que ne le sont les cellules présentatrices les cellules se séparent
d’antigène. Cette interaction est transitoire à moins que la reconnaissance de l’an-
tigène sur la cellule cible par le récepteur de cellule T ne déclenche une augmenta-
tion de l’affinité du LFA-1 des cellules T pour son ligand. La cellule T se lie alors plus
fermement à sa cible et reste liée suffisamment longtemps pour libérer ses molécu-
les effectrices. Les cellules T CD4 effectrices qui activent des macrophages ou font
sécréter des anticorps par les cellules B, doivent rester en contact avec leur cible
durant une période relativement longue. Par contre, on constate au microscope
que les cellules T cytotoxiques s’attachent et se détachent de cibles successives de
manière assez rapide au fur et à mesure de leur activité lytique (Fig. 8.30). En tuant
la cible, ou par certains changements locaux dans la cellule T, la cellule T effec-
trice se détache et attaque une autre cible. On ignore encore comment les cellules T
CD4 effectrices se détachent des cibles non porteuses d’antigène. Il semblerait que
la liaison de CD4 aux molécules du CMH de classe II en absence d’interaction du Reconnaissance spécifique de l’antigène : appariement
stable et libération focalisée des molécules effectrices
récepteur de cellule T fournisse un signal qui détache la cellule.
Fig. 8.30 Les interactions des cellules T porte pas d’antigène spécifique, la cellule T
avec leurs cibles impliquent des molécules se détache (deuxième panneau) et peut
d’adhérence non spécifiques. La première rechercher d’autres cibles potentielles jusqu’à
interaction principale s’établit entre LFA-1 ce qu’elle trouve son antigène spécifique
sur la cellule T (illustré ici par une cellule T (troisième panneau). Le signal transmis par
CD8 cytotoxique) et ICAM-1 et ICAM-2 sur le récepteur de la cellule T augmente la force
la cellule cible (panneau supérieur). Cette des interactions d’adhérence, ce qui prolonge
liaison permet à la cellule T de rester en le contact entre les deux cellules et stimule
contact avec la cellule cible et de rechercher la libération de molécules effectrices par la
à sa surface la présence de complexes cellule T. Finalement, la cellule T se détache
CMH:peptide spécifiques. Si la cellule cible ne (panneau inférieur).
358 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Les cytokines sont de petites protéines solubles sécrétées par une cellule qui peu-
vent modifier le comportement ou les propriétés de la cellule elle-même ou d’une
autre cellule. Elles sont produites par de nombreuses cellules autres que celles
du système immunitaire. Nous avons déjà décrit au Chapitre 2 les cytokines libé-
rées par les cellules phagocytaires, lorsqu’il était question des réactions inflam-
matoires qui sont importantes dans l’immunité innée. Ici nous nous intéresserons
surtout aux cytokines qui assurent les fonctions effectrices des cellules T. Les cyto-
kines produites par les lymphocytes sont souvent appelées lymphokines, mais
cette nomenclature est trompeuse car certaines lymphokines sont aussi sécrétées
par des cellules non lymphoïdes ; nous utiliserons dès lors le terme générique de
« cytokines » pour les désigner toutes. La plupart des cytokines produites par des
cellules T sont désignées par le terme interleukine (IL) suivi d’un chiffre : nous
en avons déjà rencontré plusieurs dans ce chapitre. La Fig. 8.34 reprend les cyto-
kines produites par les cellules T, et une liste plus complète des cytokines d’intérêt
immunologique est disponible dans l’Appendice III. La plupart des cytokines exer-
cent une multitude d’effets biologiques différents lorsque elles sont étudiées à forte
360 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Cellules T cytotoxiques (tuent) Cellules TH1 Cellules TH2 Cellules TH17 Cellules Treg
Molécules Molécules
Molécules Recrutement
effectrices effectrices Cytokines
effectrices Autres Autres Autres des Autres Autres
activatrices des activatrices suppressives
cytotoxiques neutrophiles
macrophages des cellules B
IL-3
Perforine IFN-γ IL-3
IL-4 GM-CSF
Granzymes IFN-γ GM-CSF LT-α IL-17A
IL-5 IL-10 TNF IL-10
Granulysine LT-α TNF-α CXCL2 (GROβ) IL-17F GM-CSF
IL-13 TGF-β CXCL1 (GROα) TGF-β
Ligand de Fas TNF-α ligand de CD40 IL-6
ligand de CD40 CCL11 (éotaxine)
ligand de Fas
CCL17 (TARC)
Fig. 8.33 Les sous-populations de concentration dans des tests biologiques in vitro, mais l’inactivation (knockout) de
cellules T effectrices produisent des gènes de cytokine et de récepteur de cytokine chez les souris (voir Appendice I,
molécules effectrices différentes. Les
cellules T CD8 sont essentiellement des Section A-47) a contribué à clarifier leurs rôles physiologiques.
cellules T tueuses qui reconnaissent des
complexes peptide:CMH de classe I. Elles
La principale cytokine libérée par les cellules T CD8 effectrices est l’IFN-γ, qui peut
libèrent la perforine (qui contribue au transfert bloquer la réplication virale ou même conduire à l’élimination du virus des cel-
des granzymes dans la cellule cible), les lules infectées sans les tuer. Les différences d’activités des sous-populations CD4
granzymes (des proprotéases qui, après effectrices reposent essentiellement par la batterie de cytokines produites. Les
activation dans la cellule, induisent l’apoptose)
et souvent la cytokine IFN-γ. Elles sont aussi contenus de ces mélanges diffèrent, mais peuvent se chevaucher partiellement.
porteuses d’une molécule membranaire Les cellules TH17 sécrètent l’IL-17, l’IL-6, le TNF et la chimiokine CXCL1, toutes
effectrice, le ligand de Fas (CD178). Lorsqu’il contribuant au recrutement des neutrophiles dans les foyers infectieux au début
se lie à Fas sur la cellule cible, celle-ci
de la réponse immunitaire adaptative. Les cellules TH1 sécrètent l’IFN-γ, princi-
meurt par apoptose. Les diverses sous-
populations fonctionnelles des cellules T CD4 pale cytokine activatrice des macrophages, et la LT-α (aussi appelées lympho-
reconnaissent les complexes peptide:CMH de toxine ou TNF−β), qui activent les macrophages, inhibent les cellules B, et sont
classe II. Les cellules TH1 sont spécialisées directement cytotoxiques envers certaines cellules. Les cellules TH2 sécrètent les
dans l’activation des macrophages qui sont
infectés ou qui ont ingéré des pathogènes ;
IL-4, IL-5, IL-9, IL-13 et portent le ligand de CD40 à leur surface ; tous ces agents
elles sécrètent l’IFN-γ ainsi que d’autres activent les cellules B ; elles produisent aussi l’IL-10, qui inhibe l’activation des
molécules effectrices et peuvent exprimer des macrophages. Au cours des stades précoces de l’activation, à la condition que des
molécules membranaires comme le ligand signaux costimulateurs soient transmis, les cellules T CD4 produisent l’IL-2 et, en
de CD40 et / ou le ligand de Fas. Le ligand de
CD40 induit l’activation de la cellule cible, alors
très petite quantité l’IL-4 et l’IFN-γ.
que le ligand de Fas induit l’apoptose des
Nous avons déjà expliqué à la Section 8-22 comment la liaison du récepteur de
cellules porteuses de Fas. Ainsi, la molécule
exprimée influence fortement la fonction TH1. cellule T dirige la libération polarisée de ces cytokines afin qu’elles soient concen-
Les cellules TH2 sont spécialisées dans la trées au site de contact avec la cellule cible. De plus, la plupart des cytokines
promotion des réponses immunitaires contre solubles exercent des actions locales qui ont un effet synergique avec ceux des
les parasites et favorisent aussi les réactions
allergiques. Elles contribuent à l’activation
molécules effectrices liées à la membrane. Les effets de toutes ces molécules sont
des cellules B et sécrètent les facteurs de dès lors combinatoires. Par ailleurs, les effecteurs liés à la membrane ne peuvent
croissance des cellules B, l’IL-4, l’IL-5, l’IL-9 se lier qu’aux récepteurs de la cellule interlocutrice, ce qui contribue à focaliser
et l’IL-13. La principale molécule effectrice les effets des cytokines sur la cellule cible. Les effets de certaines cytokines sont
membranaire exprimée par les cellules TH2
est le ligand de CD40 qui, en se liant à CD40 encore davantage confinés aux cellules cibles par la stricte régulation de leur syn-
sur la cellule B, induit sa prolifération et la thèse : celle des IL-2, IL-4 et IFN-γ est contrôlée par l’instabilité de l’ARNm (voir la
commutation isotypique (voir Chapitre 9). Section 8-13), de telle manière que leur sécrétion par les cellules T ne continue pas
Les cellules TH17 produisent des membres après la fin de l’interaction avec la cellule cible.
de la famille de l’IL-17 et l’IL-6, et contribuent
à l’inflammation aiguë en recrutant les Certaines cytokines exercent leurs effets à plus grande distance. L’IL-3 et le GM-CSF
neutrophiles dans le foyer infectieux. Les
cellules Treg, dont il existe plusieurs types,
(voir Fig. 8.34) sont libérés par les cellules TH1 et TH2 et agissent sur les cellules de
produisent des cytokines inhibitrices comme la moelle osseuse pour stimuler la production des macrophages et des granulocy-
l’IL-10 et le TGF-β et exercent des actions tes, qui sont des cellules effectrices non spécifiques, importantes tant pour l’im-
inhibitrices par des mécanismes inconnus munité humorale que cellulaire. L’IL-3 et le GM-CSF stimulent aussi la production
dépendant de contact cellulaire.
de cellules dendritiques à partir de précurseurs de la moelle osseuse. Les principa-
les cellules T activées dans les réactions allergiques sont de type TH2, et l’IL-5 qu’el-
les produisent peut augmenter la production des éosinophiles, qui contribuent à
la phase tardive d’une réaction allergique (voir la Chapitre 13). Le caractère local
ou plus distant des effets exercés par une cytokine donnée est probablement le
reflet de la quantité libérée, du degré de concentration des cytokines libérées sur
la cellule cible et de la stabilité de la cytokine in vivo.
Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs cytokines 361
Tue Absence
Active,
Lymphotoxine TH1, Active les fibroblastes de ganglions
Inhibe Tue induit la production
(LT, TNF-β) certains CTL les neutrophiles et les cellules lymphatiques
de NO
tumorales Rate déstructurée
Activation,
croissance, induction Croissance, Inhibe
Interleukine-4 (IL-4) TH2 l’activation Croissance des – Pas de TH2
d’IgG1, d’IgE, survie mastocytes ↑
CMH de classe II ↑ des macrophages
Souris : Croissance
TH2 – – – Diminution
Interleukine-5 (IL-5) différenciation et différenciation
de l’éosinophilie
Synthèse d’IgA des éosinophiles ↑
Facteur de croissance
TH1, TH2, pour les cellules
Interleukin-3 (IL-3) – – – progénitrices des cellules – –
certains CTL hématopoïétiques
(multi-CSF)
Production des
Facteur stimulant
Activation granulocytes
les colonies
TH1, certains TH2, Inhibe Différenciation et macrophages – –
de granulocytes Différenciation
certains CTL la croissance ? des cellules (myélopoïèse)
et de macrophages
dendritiques et des cellules
(GM-CSF)
dendritiques ↑
Stimule la sécrétion
Cellules T Stimule de chimiokines
Interleukine-17 (IL-17) CD4 (TH17) – – – le recrutement par les fibroblastes –
macrophages des neutrophiles et les cellules
épithéliales
Le TNF-α est produit par des cellules T sous forme soluble ou associée à la membrane,
les deux formes étant constituées de trois chaînes protéiques identiques (homotri-
mère ; voir Fig. 2.44). La lymphotoxine-α (LT-α), appelée jadis TNF−β, peut être sécré-
tée comme un homotrimère, mais est habituellement liée à la surface cellulaire en
formant des hétérotrimères avec un troisième membre de cette famille, associé aussi à
la membrane et appelé LT-β. Les récepteurs de ces molécules, TNFR-I et TNFR-II, for-
ment des homotrimères lorsque ils se lient au TNF-α ou à la LT. La structure trimérique
Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs cytokines 363
Résumé.
Les interactions entre cellules T effectrices et leurs cibles commencent par une
adhérence intercellulaire transitoire non spécifique de l’antigène. Les fonc-
tions effectrices des cellules T ne sont stimulées que lorsque des complexes
peptide:CMH à la surface de la cellule cible sont reconnus par le récepteur de la
cellule T effectrice. Cette reconnaissance déclenche une adhérence plus ferme de
la cellule T effectrice aux cellules cibles porteuses de l’antigène et la libération de
ses molécules effectrices directement sur la cellule cible, ce qui entraîne l’activa-
tion ou la mort de la cible. Les conséquences immunologiques de la reconnais-
sance de l’antigène par une cellule effectrice T sont déterminées largement par
la batterie de molécules effectrices qu’elle produit lors de la liaison spécifique à
la cellule cible. Les cellules T CD8 cytotoxiques concentrent des cytotoxines pré-
formées dans des granules spécialisés cytotoxiques dont la libération est focali-
sée étroitement sur le site of contact avec la cellule cible infectée, ce qui la tue
en évitant la destruction des cellules voisines non infectées. Des cytokines et des
membres de la famille du TNF, des protéines effectrices associées à la membrane,
sont synthétisées de novo par la plupart des cellules T effectrices. Les cellules TH1
expriment des protéines effectrices qui activent les macrophages, et les cytokines
responsables de la commutation de classe de certains anticorps. Les cellules TH2
expriment des protéines effectrices activatrices des cellules B ; elles sécrètent des
cytokines qui induisent la commutation de classe des anticorps impliqués dans les
réponses antiparasitaires et de type allergique. Les cellules TH17 sécrètent l’IL-17,
qui recrute dans le foyer infectieux des cellules d’inflammation aiguë comme les
neutrophiles. Des molécules effectrices associées à la membrane peuvent trans-
mettre des signaux uniquement à la cellule cible porteuse du récepteur approprié,
tandis que les cytokines solubles peuvent agir sur des récepteurs exprimés sur des
cellules cibles locales ou sur des cellules hématopoïétiques à distance. Les actions
des cytokines et des molécules effectrices associées à la membrane passant par
leurs récepteurs spécifiques, ainsi que les effets de la libération de cytotoxines par
les cellules CD8, représentent la plupart des fonctions effectrices des cellules T.
364 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
a b c
La cytotoxicité des cellules T 365
nettement diminuée contre de nombreux virus, mais pas tous. Une autre classe
de protéines cytotoxiques comprend une famille de sérine protéases, appelées
granzymes, qui sont au nombre de 5 chez l’homme et 10 chez la souris. La troi-
sième protéine cytotoxique, la granulysine, qui est exprimée chez l’homme, mais
pas chez la souris, exerce une activité antimicrobienne à forte concentration et est
capable d’induire l’apoptose des cellules cibles. Les granules qui contiennent la
perforine, les granzymes et la granulysine sont visibles dans les cellules CD8 effec-
trices cytotoxiques infiltrant un tissu infecté.
Tant la perforine que les granzymes sont nécessaires pour une lyse cellulaire effi-
cace. Leur rôle respectif a été étudié dans des expériences basées sur les similitudes
entre les granules cytotoxiques des cellules T CD8 et les granules des mastocytes plus
faciles à étudier. La libération des granules mastocytaires survient lors de l’intercon-
nexion des récepteurs de surface cellulaire de l’IgE, comme la libération des granules
cytotoxiques des cellules T survient après l’agrégation des récepteurs de cellule T à la
synapse immunologique. On pense que le mécanisme de signalisation pour la libéra-
tion des granules serait le même, ou du moins similaire dans les deux cas, car tant le
récepteur d’IgE que le récepteur de cellule T ont des motifs ITAM dans leur domaine
cytoplasmique, et leur interconnexion conduit à la phosphorylation des tyrosines
La liaison du TCR au complexe peptide:CMH des ITAM (voir le Chapitre 6). Lorsqu’une lignée mastocytaire est transfectée avec
cause la libération polarisée de la perforine et des gènes de perforine ou de granzyme, les produits des gènes sont concentrés dans
des granzymes complexés à la serglycine les granules des mastocytes, et lorsque la cellule est activée, ces granules sont libé-
rés. Si la transfection est limitée au gène de la perforine, les mastocytes peuvent tuer
cellule T cytotoxique
d’autres cellules, mais un grand nombre de cellules transfectées est nécessaire car la
lyse est très peu efficace. Les mastocytes transfectés avec le seul gène du granzyme B
sont incapables de tuer d’autres cellules. Cependant, lorsque des mastocytes expri-
granule mant la perforine sont également transfectés avec le gène du granzyme B, les cellules
TCR serglycine granzyme cytotoxique ou leurs granules purifiés deviennent aussi efficaces pour tuer la cible que les granu-
CMH perforine
les des cellules cytotoxiques. On a pensé que la perforine agissait en formant un pore
dans la membrane plasmique de la cellule cible, par lequel les granzymes entreraient.
cellule infectée par un virus
Cependant, il semble que la perforine et les granzymes forment des complexes mul-
timériques avec le protéoglycan, la serglycine, qui est le principal protéoglycan des
Les granzymes sont transférés dans le cytosol de la granules cytotoxiques et agit comme un échafaudage (Fig 8.38). Le granzyme B ne
cellule infectée et agissent sur BID et la procaspase-3 diffuse pas simplement à partir de l’espace extracellulaire à travers un pore de per-
forine comme on le pensait ; en fait, il est transféré sous la forme de complexes mul-
timériques dans le cytosol sans formation apparente d’un pore dans la membrane
plasmique, un mécanisme plus semblable à l’entrée d’un virus. Bien que le méca-
BAX
nisme exact ne soit pas encore connu, la perforine paraît agir comme le translocateur
BAD de ces complexes et assurer ainsi la libération du granzyme lié dans le cytosol.
BID procaspase-3
Les granzymes déclenchent l’apoptose de la cellule cible par activation des caspa-
ses. Le granzyme B clive et active la caspase-3, une cystéine protéase qui coupe après
BID tronqué (tBID) disloque la membrane
externe mitochondriale, et la caspase-3 les résidus d’acide aspartique (d’où le nom de caspase). La caspase-3 déclenche une
activée clive ICAD, libérant la DNase activée cascade protéolytique de caspases qui finalement active la CAD (Caspase-Activated
par les caspases (CAD) Deoxyribonuclease, désoxyribonucléase activée par les caspases) en clivant une pro-
téine inhibitrice (ICAD) qui se lie à CAD et l’inactive. On pense que cette nucléase
cytochrome c
tBID CAD Fig. 8.38 La perforine, les granzymes et sans formation apparente de pores. Après
caspase-3 la serglycine sont libérées des granules leur introduction, les granzymes agissent sur
cytotoxiques, les granzymes étant des cibles intracellulaires spécifiques comme
transférés dans le cytosol des cellules les protéines BID et la procaspase-3. Soit
cibles pour induire l’apoptose. Lorsque directement ou indirectement, les granzymes
La libération du cytochrome c dans le une cellule T CD8 cytotoxique reconnaît causent le clivage de BID en BID tronqué (tBID,
cytosol induit l’apoptose et CAD induit son antigène sur une cellule infectée par truncated BID) et le clivage de la procaspase-3
la fragmentation de l’ADN un virus, elle libère le contenu de ses en une caspase active (deuxième panneau).
granules cytotoxiques de manière polarisée. tBID agit sur les mitochondries pour libérer le
La perforine et les granzymes, couplés au cytochrome dans le cytosol, et la caspase-3
ICAD clivé protéoglycan, serglycine, sont livrés sous forme activée agit sur ICAD pour libérer la DNase
de complexes sur la membrane de la cellule activée par les caspases (CAD, Caspase-
ADN cible (panneau supérieur). Par un mécanisme Activated DNase) (troisième panneau). Le
inconnu, la perforine dirige l’entrée du contenu cytochrome c dans le cytosol induit l’apoptose
des granules dans le cytosol de la cellule cible et CAD fragmente l’ADN (panneau inférieur).
La cytotoxicité des cellules T 367
est bien l’enzyme qui dégrade l’ADN (voir Fig. 8.38). Le granzyme B active d’autres
voies menant à la mort cellulaire. Une cible importante est la protéine BID (for BH3-
Interacting Domain death agonist protein). Lorsque BID est clivée, soit directement
par le granzyme B ou indirectement par la caspase-3 activée, la membrane mito-
chondriale externe est altérée, ce qui libère des molécules pro-apoptotiques comme
le cytochrome c à partir de l’espace intermembranaire mitochondrial. On pense que
d’autres granzymes induisent l’apoptose en ciblant différents composants cellulai-
res. Les cellules mortes de manière programmée sont rapidement ingérées par les
cellules phagocytaires, qui reconnaissent un changement dans la membrane cel-
lulaire : la phosphatidylsérine, qui n’est présente normalement que dans le feuillet
interne de la membrane, remplace la phosphatidylcholine comme phospholipide Temps = 0
prédominant dans le feuillet externe. La cellule ingérée est détruite et complètement
digérée par le phagocyte sans induction de protéines costimulatrices., L’apoptose est
donc un processus immunologique « tranquille », c’est-à-dire que les cellules apop-
totiques n’induisent normalement pas de réponse immunitaire.
Fig. 8.39 Les molécules effectrices sont cellule T, marqués avec un colorant fluorescent Après 40 minutes
libérées à partir des granules des cellules T rouge, sont loin du point de contact. Après
de manière très polarisée. Les granules des une minute (deuxième panneau), les granules
cellules T cytotoxiques peuvent être marqués se sont déplacés en direction de la cellule
par des colorants fluorescents qui les rendent cible, un déplacement qui se termine dans le
visibles en microscopie ; leurs mouvements troisième panneau, après 4 minutes. Après
pouvant alors être suivis par prise de vues 40 minutes (dernier panneau), le contenu
accélérée. Ici, nous pouvons voir une série des granules a été libéré dans l’espace entre
d’images prises lors l’interaction entre une la cellule T et la cellule cible qui commence
cellule T cytotoxique et une cellule cible qui va à mourir par apoptose (noter le noyau
être tuée. Au temps 0 (panneau du haut), la fragmenté). La cellule T s’est alors séparée
cellule T (en haut à droite) vient juste d’entrer de la cellule cible et peut reconnaître et tuer
en contact avec la cellule cible (en dessous en d’autres cibles. Clichés de G. Griffiths.
diagonale). À cette étape, les granules de la
368 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
Résumé.
Les cellules T CD8 cytotoxiques effectrices sont essentielles pour la défense contre les
pathogènes qui vivent dans le cytosol ; le plus souvent il s’agit de virus. Les cellules T
cytotoxiques peuvent tuer toute cellule qui contient de tels pathogènes en reconnais-
sant des peptides étrangers qui sont transportés à la surface cellulaire liés aux molécu-
les du CMH de classe I. Les cellules T CD8 cytotoxiques exercent leur fonction lytique en
libérant trois types de protéines cytotoxiques préformées : les granzymes, qui semblent
capables d’induire l’apoptose de tout type de cellule cible, la perforine, qui intervient
Les cellules voisines non infectées ne sont pas tuées dans le transfert des granzymes dans la cellule cible et la granulysine. Ces propriétés
permettent à une cellule T cytotoxique d’attaquer et de détruire pratiquement toute cel-
lule infectée par un pathogène cytosolique. Le ligand de Fas associé à la membrane,
exprimé par les cellules T CD8 et certaines cellules T CD4, peut aussi induire l’apop-
tose par liaison à Fas sur certaines cellules cibles, mais cette voie est probablement plus
importante pour l’élimination des lymphocytes activés et porteurs de Fas à la fin d’une
infection, ce qui contribue à l’homéostasie lymphocytaire. Les cellules T CD8 cytotoxi-
ques produisent aussi l’IFN-γ, qui inhibe la réplication virale et est un inducteur impor-
tant de l’expression des molécule du CMH class I et de l’activation des macrophages.
Les cellules T cytotoxiques tuent les cibles infectées avec une grande précision, épar-
gnant les cellules normales adjacentes. Cette précision est cruciale pour minimiser les
dommages tissulaires tout en permettant l’éradication des cellules infectées.
CD40
Plusieurs pathogènes importants vivent à l’intérieur des macrophages, tandis que
de nombreux autres sont ingérés par des macrophages dans le milieu extracel-
lulaire. Souvent, le macrophage est capable de détruire de tels pathogènes sans TH1
nécessiter d’être activé par des cellules T, comme nous l’avons vu au Chapitre 2.
Toutefois, dans plusieurs infections importantes sur le plan clinique, les pathogè-
nes infectent chroniquement le macrophage rendu impuissant ; dans ce cas, les
cellules T CD4 sont nécessaires pour fournir des signaux activateurs additionnels
qui rendent le macrophage capable de détruire le pathogène. Cette stimulation
Activation d’un macrophage par une cellule T
des mécanismes antimicrobiens dans les macrophages est appelée activation des
macrophages ; elle est la principale action effectrice des cellules TH1. Parmi les
pathogènes extracellulaires qui sont tués lorsque les macrophages sont activés, on ligand de CD40
trouve Pneumocystis carinii ; cet agent fongique opportuniste est une cause fré- CD40
quente de décès chez les malades atteints de SIDA en raison de leur déficience en
cellules T CD4. L’activation des macrophages peut être mesurée par leur aptitude
à endommager un large spectre de microbes ainsi que certaines cellules tumora-
les. Les effets des macrophages sur les cibles extracellulaires s’étendent aux cellu-
les des tissus sains, ce qui signifie que les macrophages doivent normalement être TNFR-I
récepteur
maintenus dans un état inactif. IFN-γ
d’IFN-γ
le TGF-β et l’IL-10. Plusieurs de ces cytokines inhibitrices sont produites par des cellu-
les CD4 TH2 ; ainsi, l’induction de cellules TH2 est importante pour limiter l’activation
des macrophages.
IFN-𝛄 et ligand de CD40 Ligand de Fas ou LT-𝛂 IL-2 IL-3 + GM-CSF TNF-𝛂 + LT-𝛃 CXCL2
diapédèse
lumière chimiotaxie
d’un vaisseau
sanguin
foyer infectieux
par les cellules TH1 dans les foyers infectieux, changent les propriétés des cellu-
Élimination partielle de M. tuberculosis vivant les endothéliales, ce qui favorise l’adhérence des phagocytes à ces surfaces. Des
chimiokines comme CXCL2, qui est produite par les cellules TH1 au cours de la
réaction inflammatoire, servent à diriger la migration des monocytes à travers l’en-
dothélium vasculaire dans le tissu infecté (voir la Section 2-24).
Lorsque des microbes résistent aux effets microbicides des macrophages activés,
TH1
une infection chronique avec inflammation se développe. Souvent, celle-ci prend un
aspect caractéristique, consistant en une zone centrale de macrophages entourée de
lymphocytes activés. Cette structure pathologique est appelées granulome (Fig. 8.44).
IFN
Des cellules géantes faites de macrophages fusionnés peuvent se former dans le cen-
tre de ces granulomes. Un granulome sert à enfermer les pathogènes qui résistent à
la destruction. Des cellules TH2 semblent contribuer à la constitution de granulomes
Granulome avec les cellules TH1, peut-être en régulant leur activité et en prévenant l’extension
des dommages tissulaires. En cas de tuberculose, les cellules du centre des grands
granulomes meurent, probablement à la suite d’un manque d’oxygène et des effets
mycobactéries
cytotoxiques des macrophages activés. Comme ce tissu mort ressemble à du fromage
(caseum en latin), on qualifie cette nécrose de caséeuse. Ainsi, l’activation des cel-
cellule
géante lules TH1 peut avoir des conséquences pathologiques sérieuses. Cependant, si elles
multinucléée n’étaient pas activées, les conséquences seraient encore plus graves car elles entraî-
cellule neraient la mort par infection généralisée, ce que l’on observe fréquemment chez les
épithélioïde
patients atteints de SIDA et d’une infection mycobactérienne concomitante.
cellules T
Résumé.
Les cellules T CD4 qui peuvent activer les macrophages jouent un rôle critique dans
les défenses contre ces pathogènes intracellulaires et extracellulaires qui résistent à
la lyse après avoir été ingérés par des macrophages. Les macrophages sont activés
par des protéines membranaires des cellules TH1 activées et par l’IFN-γ, une cyto-
kine puissante activatrice des macrophages et sécrétée par des cellules T activées.
Une fois activé, le macrophage peut tuer les bactéries intracellulaires ou ingérées.
Les macrophages activés peuvent aussi causer des dommages tissulaires locaux, et
ceci explique pourquoi leur activité est strictement régulée par des cellules T spé-
cifiques d’antigène. Les cellules TH1 produisent une série de cytokines, de chimio-
Fig. 8.44 Les granulomes se forment kines et de molécules de surface qui non seulement activent les macrophages
lorsqu’un pathogène intracellulaire ou ses infectés mais aussi tuent les macrophages sénescents infectés chroniquement, sti-
constituants ne peuvent pas être totalement mulent la production de nouveaux macrophages dans la moelle osseuse et recru-
éliminés. Lorsque les mycobactéries (en
rouge) résistent aux effets de l’activation des
tent des macrophages dans les foyers infectieux. Ainsi, les cellules TH1 contrôlent et
macrophages, une réponse inflammatoire coordonnent les moyens de défense contre certains pathogènes intracellulaires. Il
localisée caractéristique, appelée granulome, est probable que l’absence de ces fonctions explique la prépondérance des infec-
se développe. Cette formation est composée tions à pathogènes intracellulaires chez les patients adultes atteints de SIDA.
d’un noyau central de macrophages infectés.
Cette région peut contenir des cellules géantes
multinucléées, qui sont des macrophages Résumé du Chapitre 8.
fusionnés, entourées de grands macrophages
souvent appelés cellules épithélioïdes,
Une réponse immunitaire adaptative est induite lorsque des cellules T naïves rencon-
mais dans les granulomes causés par
des mycobactéries, le centre devient trent un antigène spécifique à la surface d’une cellule présentatrice d’antigène qui
habituellement nécrotique. Les mycobactéries exprime aussi les molécules costimulatrices B7.1 et B7.2. On pense que, dans la plu-
peuvent persister dans les cellules des part des cas, ces premières rencontres avec l’antigène se font avec une sous-popula-
granulomes. Le noyau central est entouré
de cellules T, dont la majorité sont CD4. Les
tion de cellules dendritiques conventionnelles porteuses de CD11c qui ont rencontré
mécanismes exacts par lesquels cet équilibre des pathogènes en périphérie et ont été activées par l’intermédiaire des récepteurs du
est obtenu et par lesquels il est rompu sont système immunitaire inné, ont capté l’antigène dans un foyer infectieux et ont migré
encore inconnus. Les granulomes, comme dans le tissu lymphoïde local. La cellule dendritique arrivée à maturité soit devient
cela est représenté dans le panneau du bas,
peuvent aussi se former dans les poumons un activateur direct et puissant des cellules T naïves, ou peut transférer l’antigène aux
et ailleurs au cours d’une maladie appelée cellules dendritiques des organes lymphoïdes périphériques pour une présentation
sarcoïdose, qui pourrait être causée par une croisée à des cellules T CD8 naïves. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes contri-
infection mycobactérienne occulte. Cliché de buent à des réactions rapides contre les virus par la production des interférons de
J. Orrell.
type I. Une fois activées par leur rencontre avec une cellule dendritique présentatrice
d’antigène, les cellules T produisent de l’IL-2, qui entraîne leur prolifération leur diffé-
renciation en plusieurs types de cellules T effectrices. Toutes les fonctions effectrices
Résumé du Chapitre 8 373
Questions.
8.1 Les cellules dendritiques migrent dans les tissus afin de détecter un pathogène
éventuel. (a) À quelle lignée cellulaire appartiennent les cellules dendritiques, et
quels autres types de cellules cette lignée comporte-t-elle ? (b) Décrivez comment
les cellules dendritiques détectent une infection dans les tissus périphériques et
induisent une réponse immunitaire dans les ganglions lymphatiques ou les tissus
lymphoïdes secondaires. (c) Quels mécanismes empêchent les cellules dendritiques
d’induire des réponses immunitaires contre des antigènes du soi ?
8.2 L’activation d’une cellule T naïve requiert une interaction avec une cellule présentatrice
d’antigène, par exemple une cellule dendritique. (a) Quelles sont les molécules sur les
cellules T impliquées dans ce processus, et avec quoi interagissent-elles sur la cellule
présentatrice d’antigène ? (b) Quelles sont les conséquences que vous attendriez si
ces molécules étaient déficientes chez un individu ? (c) Quelle perspective offrent ces
molécules pour le développement d’agents anti-inflammatoires ou immunosuppresseurs ?
8.4 Considérez l’affirmation « Les fonctions effectrices des cellules T sont assurées
surtout par des produits sécrétés. » (a) Jusqu’à quel point cette affirmation est-
elle exacte pour les cellules CD4 et pour les cellules T CD8 ? (b) Décrivez les rôles des
molécules effectrices liées à la membrane des cellules T dans la réponse immunitaire.
8.5 Les cellules T CD4 acquièrent plusieurs phénotypes distincts, qui ont été considérés
comme appartenant à des lignées séparées. (a) Décrivez les sous-populations
CD4 connues et corrélez leurs fonctions immunologiques avec leurs mécanismes
effecteurs spécifiques. (b) Quelles propriétés de ces sous-populations sont en
accord ou en désaccord avec la notion qu’elles représentent des lignées distinctes
de cellules ? (c) Décrivez le rôle des cellules présentatrices d’antigène et des
pathogènes dans le développement de chaque sous-population. (d) Discutez
comment des cellules présentatrices d’antigène et des sous-populations de
cellules T CD4 sont impliquées dans le maintien de la tolérance.
374 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T
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379
complément
Dans la première partie de ce chapitre, nous décrirons les interactions entre les
cellules B naïves et les cellules T auxiliaires qui conduisent à l’activation des cellu-
les B et à la production des anticorps. Certains antigènes microbiens importants
peuvent induire la production d’anticorps sans l’aide des cellules T, et nous exa-
minerons aussi ce mode de réponse. La plupart des réponses à anticorps passent
par un processus appelé maturation d’affinité au cours duquel des anticorps de
plus grande affinité pour leur cible antigénique sont produits par hypermutation
somatique des gènes de la région variable (région V) des anticorps. Le mécanisme
moléculaire de l’hypermutation somatique a été décrit au Chapitre 4 ; ici nous
examinerons ses conséquences immunologiques. Nous réexaminerons aussi la
commutation de classe (voir Chapitre 4), qui produit des anticorps de différentes
classes fonctionnelles et confère une diversité fonctionnelle à la réponse humo-
rale. La maturation d’affinité et la commutation de classe ne surviennent que dans
les cellules B et requièrent l’aide des cellules T.
Dans le reste du chapitre, nous discuterons en détail des mécanismes effecteurs par
lesquels les anticorps contiennent et éliminent les infections. Comme les répon-
ses des cellules T, la réponse immunitaire humorale s’accompagne de mémoire
immunologique, ce qui sera décrit au Chapitre 10.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 381
Une règle générale dans l’immunité adaptative veut que les lymphocytes naïfs spéci- 1
fiques de l’antigène soient difficiles à activer par l’antigène seul. Comme nous l’avons
vu au Chapitre 8, la sensibilisation des cellules T naïves requiert un signal costimula- cellule B
teur provenant des cellules présentatrices d’antigène professionnelles ; les cellules B
naïves requièrent aussi des signaux accessoires qui peuvent venir soit d’une cellule T
auxiliaire ou, dans certains cas, directement de constituants microbiens. cellule T
auxiliaire
Les réponses à anticorps aux antigènes protéiques requièrent l’aide d’une cellule T
spécifique de l’antigène. Ces antigènes sont incapables d’induire des réponses à anti-
corps chez des animaux ou chez l’homme dépourvus de cellules T ; ils sont dès lors CD40L
(CD154)
appelés antigènes thymodépendants ou antigènes TD. Pour recevoir l’aide de la cel- CD40
lule T, la cellule B doit présenter l’antigène à sa surface sous une forme qu’une cel- cytokines
2
lule T peut reconnaître. Ceci survient lorsque l’antigène capté par l’immunoglobuline
de surface sur la cellule B est internalisé et ramené à la surface cellulaire sous forme de
Antigène thymo-indépendant
Fig. 9.2 Un second signal est requis pour (panneau du centre). L’interaction entre le
l’activation des cellules B par des antigènes CD40 ligand (CD40L, appelé aussi CD154) de
thymodépendants ou thymo-indépendants. la cellule T et le CD40 de la cellule B contribue
Le premier signal (indiqué par le chiffre 1) en grande partie à ce second signal. Pour les
indispensable à l’activation de la cellule B antigènes thymo-indépendants, le second
est fourni par son récepteur d’antigène signal peut être fourni par l’antigène lui-même
(panneau supérieur). Pour les antigènes (panneau inférieur) soit par liaison directe
1
thymodépendants, le second signal est fourni d’une partie de l’antigène à un récepteur
par une cellule T auxiliaire qui reconnaît du système immunitaire inné (pourpre), ou 2
des fragments de l’antigène sous forme de simplement par une interconnexion étendue
peptides fixés aux molécules du CMH de de l’IgM membranaire par un antigène
classe II exprimées à la surface de la cellule B polymérique (non montré).
382 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
peptides liés aux molécules du CMH de classe II. Les cellules T auxiliaires qui recon-
naissent le complexe peptide:CMH transmettent alors les signaux activateurs à la
cellule B (Fig. 9.2, deux panneaux supérieurs). Ainsi, la liaison des antigènes protéi-
ques aux cellules B fournit un signal spécifique à la cellule B par interconnexion des
récepteurs d’antigène et permet à la cellule B d’obtenir l’aide d’une cellule T spécifi-
que de l’antigène. Lorsqu’une cellule T auxiliaire activée reconnaît et lie un complexe
peptide:CMH de classe II à la surface d’une cellule B, il induit sa prolifération et sa
différenciation en plasmocytes producteurs d’anticorps (Fig. 9.3). Cependant, pour
qu’une cellule B soit amenée à produire des anticorps contre les protéines d’un patho-
gène, elle doit recevoir l’aide de la cellule T ; les cellules T CD4 spécifiques des peptides
de ce pathogène doivent donc être activés afin de jouer leur rôle de cellules T auxiliai-
res. Pour cela, il faut que les cellules T naïves interagissent avec des cellules dendriti-
ques présentant les peptides appropriés, comme nous l’avons vu au Chapitre 8.
Bien que les cellules T auxiliaires armées spécifiques d’un peptide soient indis-
pensables pour les réponses des cellules B aux antigènes protéiques, de nombreux
composants microbiens, comme les polysaccharides bactériens, peuvent induire la
production d’anticorps en absence de cellules T auxiliaires. Ces antigènes micro-
biens sont dits thymo-indépendants ou antigènes TI car ils induisent des répon-
ses anticorps chez des individus qui n’ont pas de lymphocytes T. Le second signal
indispensable pour activer la production d’anticorps dirigés contre les antigènes TI
est fourni soit directement par reconnaissance d’un constituant bactérien commun
(voir Fig. 9.2, panneau inférieur) soit par une interconnexion étendue des récep-
teurs de cellule B, ce qui arrive lorsqu’une cellule B se fixe à des épitopes répétitifs
de la bactérie. Les réponses à anticorps thymo-indépendantes fournissent une cer-
taine protection contre les bactéries extracellulaires ; nous y reviendrons plus tard.
Fig. 9.3 Les cellules T auxiliaires armées stimulent la production des cytokines activatrices de la cellule B, IL-4, IL-5 et IL-6, qui vont
et la différenciation des cellules B ayant lié l’antigène. L’interaction activer la prolifération et la différenciation des cellules B en plasmocytes
spécifique entre une cellule B ayant reconnu l’antigène et une cellule T sécréteurs d’anticorps. Par ailleurs, une cellule B activée peut devenir une
auxiliaire armée conduit à l’expression de la molécule activatrice de la cellule mémoire.
cellule B, CD40 ligand (CD40L) sur la cellule T auxiliaire et la sécrétion
CD40L
(CD154)
CD40 TH2
B
IL-4 IL-6
IL-5
le corécepteur et transmettre des signaux par CD19 qui active une voie de signalisa-
tion de la PI3-kinase et costimule la réponse de la cellule B (voir la Section 6-17). On
pense que les voies de signalisation activées par CD21 augmentent le signal intra-
cellulaire qui conduit directement à la différenciation et la production d’anticorps,
induisent des molécules costimulatrices sur la cellule B, la rendant plus efficace à
susciter l’aide de la cellule T, et augmentent la capture de l’antigène par le récepteur
spécifique. Lequel de ces effets joue le rôle le plus important dans l’augmentation de
la capacité de réponse des cellules B n’est pas encore connu.
La présence du corécepteur des cellules B amplifie puissamment les réponses à anti-
corps, car les complexes que les anticorps forment avec l’antigène et C3dg produisent
un antigène plus puissant, conduisant à une activation plus efficace des cellules B et de La cellule B reconnaît le virus en se liant
la production d’anticorps. L’effet d’une liaison simultanée du récepteur de cellule B et à sa protéine de surface
du corécepteur est démontré de manière spectaculaire lorsque des souris sont immu-
nisées avec du lysozyme du blanc d’œuf de poule couplé à trois molécules de C3dg.
Épitope
Dans ce cas, la dose du lysozyme modifié pouvait induire des anticorps en absence
d’adjuvant à une dose 1 / 10 000 de celle nécessaire avec le lysozyme non modifié.
Cellule B
9-3 Les cellules T auxiliaires activent les cellules B qui reconnaissent
le même antigène.
Une cellule B ne peut être activée que par des cellules T auxiliaires qui répondent au La particule virale est ingérée et dégradée
même antigène ; ce qui est appelé reconnaissance combinée. Bien que l’épitope
reconnu par la cellule T auxiliaire doive être lié à celui qui est reconnu par la cellule B,
les deux cellules ne doivent pas reconnaître des épitopes identiques. En effet, nous
avons vu au Chapitre 5 que les cellules T peuvent reconnaître des peptides internes
qui sont différents des épitopes de surface de la même protéine reconnus par les cel-
lules B. Pour les antigènes naturels plus complexes, comme les virus et les bactéries,
qui sont composés de multiples protéines et sont porteurs d’épitopes protéiques et
glucidiques, la cellule T et la cellule B peuvent même reconnaître des protéines dif-
férentes. Cependant, il est crucial que le peptide reconnu par la cellule T soit associé
physiquement à l’antigène reconnu par la cellule B pour qu’elle puisse produire le
peptide approprié après ingestion de l’antigène capté par ses récepteurs.
Par exemple, lorsqu’elle reconnaît un épitope d’une protéine de la capside virale,
une cellule B peut ingérer la particule virale complète. Après son ingestion, la par-
Des peptides provenant de protéines internes
ticule est dégradée et des peptides issus des protéines virales internes aussi bien du virus sont présentés à la cellule T,
que des protéines de la capside peuvent être présentés à la surface cellulaire par qui active la cellule B
les molécules du CMH de classe II. Les cellules T auxiliaires, qui ont été préala-
blement sensibilisées au cours d’une infection par des cellules dendritiques pré- Cellule T
CD40L auxiliaire
sentant ces peptides internes, peuvent alors activer la synthèse par la cellule B (CD154)
d’anticorps qui reconnaissent les protéines de la capside (Fig. 9.4).
CD40
L’activation spécifique de la cellule B par une cellule T sensibilisée par le même
antigène (cognate T cell ou cellule T partenaire) dépend de la capacité de la cel-
lule B spécifique de l’antigène de concentrer le peptide approprié sur ses molécules cytokines
du CMH de classe II. Les cellules B qui ont lié un antigène particulier sont près de
10 000 fois plus efficaces dans la présentation d’un fragment peptidique de cet anti-
gène sur les molécules du CMH de classe II que les cellules B qui n’ont pas lié l’anti-
La cellule B activée produit des anticorps
gène. Donc, seules les cellules B dont les récepteurs ont lié un antigène qui contient contre les protéines de la surface virale
des peptides reconnus par les cellules T auxiliaires seront aidées par celles-ci.
Fig. 9.4 Les cellules B et les cellules T dont les protéines internes, retournent alors à
auxiliaires ne peuvent interagir que si elles la surface de la cellule B liés aux molécules
reconnaissent des épitopes sur le même du CMH de classe II (voir Chapitre 5). Ces
complexe moléculaire. Un épitope porté complexes sont reconnus par les cellules T
par une protéine de la surface du virus est auxiliaires, qui contribuent alors à l’activation
reconnu par l’immunoglobuline de surface de la de la cellule B et ainsi à la production
cellule B. Le virus est alors ingéré et dégradé. d’anticorps dirigés contre les protéines de
Les peptides dérivés des protéines virales, surface du virus.
384 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
Fig. 9.5 Les antigènes protéiques liés aux surface en association avec les molécules du
La cellule B reconnaît un épitope d’un polysaccharide antigènes polysaccharidiques permettent CMH de classe II. Les cellules T auxiliaires
bactérien lié à l’anatoxine tétanique aux cellules T d’aider les cellules B produites contre la toxine tétanique en
spécifiques des polysaccharides. Le vaccin réponse à la vaccination reconnaissent
contre Haemophilus influenzae de type B l’association peptide:CMH à la surface de la
est un conjugué entre le polysaccharide cellule B et activent la production d’anticorps
bactérien et la toxine tétanique. La cellule B antipolysaccharide par la cellule B. Ces
reconnaît et lie le polysaccharide. Le complexe anticorps peuvent protéger contre une infection
Cellule B est alors ingéré et dégradé, des peptides à H. influenzae de type b.
dérivés de la toxine étant exprimés à la
TH B
IL-4
9-5 Les cellules B qui ont lié un antigène par leur récepteur spécifique sont
piégées dans les zones de cellules T des tissus lymphoïdes secondaires.
Une des questions les plus déconcertantes à propos de la réponse anticorps est : com-
ment une cellule B spécifique d’un antigène peut elle rencontrer une cellule T auxiliaire
avec la spécificité antigénique appropriée. Cette question se pose car la proportion
des lymphocytes naïfs spécifiques d’un antigène donné est très faible ; elle est estimée
entre 1 pour 10.000 et 1 pour 1.000.000. Aussi, la chance qu’un lymphocyte T et un lym-
phocyte B, qui reconnaissent le même antigène, se rencontrent doit être de 1 pour 108
à 1 pour 1012. Une difficulté supplémentaire est la localisation distincte des cellules T et
des cellules B dans les tissus lymphoïdes périphériques, respectivement, les zones de
cellules T et les follicules lymphoïdes primaires, (voir Figs. 1.18–1.20). Lorsque les cel-
lules B naïves circulantes migrent dans ces tissus par les veinules à endothélium élevé,
Fig. 9.7 Les cellules B liant un antigène elles entrent dans les zones des cellules T, et habituellement traversent rapidement la
rencontrent les cellules T à la limite entre zone pour gagner le follicule primaire. Comme lors de l’activation de la cellule T naïve,
les zones des cellules T et des cellules B la réponse à la question posée au début du paragraphe semble se trouver dans le pié-
dans les tissus lymphoïdes secondaires. Le
schéma montre l’activation des cellules B dans
geage spécifique de l’antigène des cellules B circulantes.
la rate. À leur entrée dans la rate à partir du Nous avons vu au Chapitre 8 comment les cellules T naïves recirculantes sont pié-
sang par le sinus marginal (non montré), les
cellules T naïves et les cellules B s’établissent gées très efficacement dans la zone des cellules T des tissus lymphoïdes secon-
dans différentes régions, comme décrit daires par la reconnaissance de leur antigène peptidique présenté par les cellules
au Chapitre 7. Si les cellules T rencontrent dendritiques, et comment elles y acquièrent le statut de cellules T auxiliaires. Des
leur antigène à la surface d’une cellule
présentatrice d’antigène, comme une cellule
expériences ingénieuses sur des souris transgéniques porteuses de gènes réarran-
dendritique, dans la zone des cellules T, elles gés d’immunoglobulines montrent que les cellules B qui ont lié un antigène dans
sont activées, certaines se différenciant en le sang ou dans les fluides extracellulaires sont piégées à la limite entre les zones
cellules T auxiliaires (panneau de gauche). Si des cellules T et des cellules B des tissus lymphoïdes périphériques par un méca-
les cellules B spécifiques du même antigène le
rencontrent, soit dans le sang ou des liquides
nisme similaire (Fig. 9.7). Une rencontre avec l’antigène signale à une cellule B
tissulaires soit localisé à la surface de cellules naïve d’activer les molécules d’adhérence qu’elle porte à sa surface de la même
dendritiques dans les tissus lymphoïdes, elles manière que lors de l’activation qui survient lorsqu’une cellule T naïve rencon-
sont arrêtées dans la zone des cellules T, tre son antigène (voir Fig. 8.18). Ainsi, une fois qu’elles ont lié un antigène, les cel-
à la limite avec la zone B, où elles peuvent
rencontrer les cellules T auxiliaires activées lules B migrantes sont arrêtées par l’activation de molécules d’adhérence comme
spécifiques du même antigène. Cette LFA-1 et l’engagement de récepteurs de chimiokines comme CCR7, un récepteur
interaction déclenche la prolifération des de CCL19 et de CCL21. Les cellules B naïves circulantes peuvent rencontrer et lier
cellules B (panneau central). Dans la rate, les les antigènes d’un pathogène dans le courant sanguin ou comme antigènes libres
lymphocytes activés migrent alors à la limite de
la zone des cellules T et de la pulpe rouge, où apportés dans le tissu lymphoïde par la lymphe. Les cellules dendritiques peuvent
ils continuent à proliférer et où les cellules B aussi présenter des antigènes aux cellules B. Des cellules dendritiques peuvent lier
se différencient en plasmoblastes, formant ce passivement certains antigènes soit directement ou sous la forme de complexes
que l’on appelle un foyer primaire (panneau de
droite ). Dans les ganglions lymphatiques, le
antigène:anticorps. De ce fait, elles agissent comme des filtres dans les tissus lym-
foyer primaire se développe dans les cordons phoïdes et concentrent les antigènes venant d’un foyer infectieux, si bien qu’elles
médullaires (voir Fig. 9.9). augmentent les chances pour une cellule B de rencontrer son antigène.
foyer
Pulpe rouge primaire
cellules T spécifiques
d’antigène plasmoblastes
cellule
dendritique
cellules B spécifiques
d’antigène artériole centrale
zone
des cellules B zone des cellules T
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 387
Le piégeage des cellules B porteuses d’antigène à la limite des zones de cellules T fournit
une solution élégante au problème de la rencontre des cellules B avec les cellules T auxi-
liaires appropriées. Les cellules B qui sont déjà dans un follicule lymphoïde lorsqu’elles
rencontrent un antigène migrent très probablement aussi à la limite entre les zones T et
B. Ainsi, les cellules B qui ont lié un antigène sont piégées de manière sélective dans le
site qui maximise leurs chances de rencontrer la cellule T auxiliaire qui peut les activer.
Les cellules B stimulées par un antigène mais qui ne réussissent pas à interagir avec les
cellules T spécifiques du même antigène meurent dans les 24 heures.
Après leur rencontre initiale, les cellules B et les cellules T partenaires migrent de la
limite entre les zones T et B pour continuer leur prolifération et différenciation. Dans
la rate, elles migrent au bord de la zone T et de la pulpe rouge. Là, elles établissent un
foyer primaire d’expansion clonale (voir Fig. 9.7). Dans les ganglions lymphatiques,
le foyer primaire est localisé dans les cordons médullaires, où la lymphe est drainée
hors du ganglion. Les foyers primaires apparaissent environ 5 jours après une infec-
tion ou une immunisation avec un antigène jamais rencontré auparavant, ce qui cor-
respond bien avec le temps requis pour la différenciation des cellules T auxiliaires.
Les cellules T et les cellules B prolifèrent dans le foyer primaire durant plusieurs
jours, et ceci constitue la première phase de la réponse immunitaire humorale pri-
maire. Certaines de ces cellules B en prolifération se différencient en plasmoblas-
tes synthétisant des anticorps dans le foyer primaire. D’autres peuvent migrer dans
le follicule lymphoïde et poursuivre là leur différenciation avant de devenir des
plasmocytes, comme nous le décrirons plus loin. Les plasmoblastes sont des cel-
lules qui ont commencé à sécréter des anticorps, mais qui sont encore en train de
se diviser et expriment encore de nombreuses caractéristiques des cellules B acti-
vées qui permettent leur interaction avec les cellules T. Après quelques jours, les
plasmoblastes arrêtent de se diviser et soit meurent ou se différencient en plas-
mocytes. La différenciation d’une cellule B en un plasmocyte est accompagnée
de nombreux changements morphologiques qui reflètent son engagement dans
la production de grandes quantités d’anticorps sécrétés. Certains plasmocytes Fig. 9.8 Les plasmocytes sécrètent
des anticorps en abondance mais ne
restent dans les organes lymphoïdes, où ils survivent peu, tandis que la majorité
peuvent plus répondre à l’antigène ou aux
migre dans la moelle osseuse où la production des anticorps se poursuit. cellules T auxiliaires. Les cellules B naïves
au repos sont pourvues d’immunoglobulines
Les propriétés des cellules B quiescentes, des plasmoblastes et des plasmocytes sont membranaires (généralement IgM ou IgD)
comparées dans la Fig. 9.8. Les plasmoblastes et les plasmocytes ont un cytoplasme et de molécules du CMH de classe II. Leurs
segments géniques V n’ont pas subi de
mutation somatique. Elles peuvent capter
Propriété un antigène et le présenter aux cellules T
auxiliaires, qui vont induire la prolifération et
la commutation de classe des cellules B. Elles
Intrinsèque Inductible subissent aussi le phénomène de mutation
somatique. Les cellules B ne sécrètent pas
CMH de Sécrétion des quantités significatives d’anticorps. Les
Lignée Hypermutation Commutation
Ig de surface classe II abondante Croissance plasmoblastes ont un phénotype intermédiaire.
cellulaire B somatique de classe
de surface d’Ig Ils sécrètent des anticorps, mais ils gardent
des immunoglobulines de surface et des
molécules du CMH de classe II et peuvent
Élevée Oui Non Oui Oui Oui ainsi continuer à capter et présenter un
antigène aux cellules T. Les plasmocytes
Cellule B au repos
sont des cellules B à l’étape ultime de leur
différenciation, qui sécrètent des anticorps. Ils
ne peuvent plus interagir avec les cellules T
Élevée Oui Oui Oui Inconnu Oui auxiliaires car ils expriment un taux très faible
Plasmoblaste
d’immunoglobuline membranaire et sont
dépourvus de molécules du CMH de classe II.
Ils sont déjà passés par la commutation de
classe et les mutations somatiques. Les
Basse Non Oui Non Non Non plasmocytes ont perdu leur capacité de
Plasmocyte changer d’isotype ou de subir une mutation
somatique.
388 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
Fig. 9.9 Les cellules B activées forment primaire dans les cordons médullaires,
les centres germinatifs dans les follicules tandis que d’autres migrent pour former un
lymphoïdes. Ces schémas montrent centre germinatif dans un follicule primaire.
l’activation des cellules B dans un ganglion Les centres germinatifs sont des sites de
lymphatique. Panneau supérieur : les cellules B prolifération rapide et de différenciation des
Les plasmocytes migrent dans la moelle osseuse naïves circulantes entrent dans les ganglions cellules B. Les follicules dans lesquels un
lymphatiques à partir du sang à hauteur des centre germinatif s’est formé sont appelés
veinules à endothélium élevé ; si elles ne follicules secondaires. Dans le centre
rencontrent pas l’antigène, elles quittent par germinatif, les cellules B commencent leur
le vaisseau lymphatique efférent. Deuxième différenciation soit en plasmocytes sécréteurs
panneau : si des cellules B spécifiques d’anticorps ou en cellules B mémoire. Troisième
rencontrent à la fois leur antigène et des et quatrième panneaux : les plasmocytes
cellules T auxiliaires activées spécifiques du quittent le centre germinatif et migrent dans
même antigène, elles deviennent activées. les cordons médullaires ou quittent tout à fait
Certains cellules B activées à la limite entre le ganglion lymphatique par les lymphatiques
les zones de cellules T et B forment un foyer efférents et migrent dans la moelle osseuse.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 389
est appelé follicule secondaire (voir Fig. 9-9). Le centre germinatif grandit au fur et à
mesure que la réponse immunitaire progresse, et ensuite rétrécit et finalement dispa-
raît lorsque l’infection est éliminée. Les centres germinatifs sont présents durant envi-
ron 3–4 semaines après le premier contact avec l’antigène.
Les événements précoces dans le foyer primaire aboutissent à une sécrétion rapide
d’anticorps spécifiques qui assurent une protection immédiate à l’individu infecté.
Par ailleurs, la réponse du centre germinatif est plus tardive mais plus efficace, ce qui Fig. 9.10 Les centres germinatifs sont
lui permet d’intervenir lorsque l’infection par le pathogène est devenue chronique formés lorsque les cellules B activées
ou lorsque l’hôte est réinfecté. À cette fin, la cellule B subit dans le centre germina- entrent dans les follicules lymphoïdes. Le
centre germinatif est un microenvironnement
tif d’importants remaniements. Ces modifications comprennent l’hypermutation spécialisé dans lequel ont lieu la prolifération
somatique (voir Chapitre 4) qui porte sur les régions V des cellules B, la maturation des cellules B, l’hypermutation somatique et la
d’affinité, processus de sélection des cellules B avec l’affinité la plus forte pour l’an- sélection de la force de liaison à l’antigène. Les
centroblastes densément empaquetés forment
tigène, et la commutation de classe (voir Sections 9-4 et 4-16), qui permet aux cel-
la « zone sombre » du centre germinatif,
lules B sélectionnées d’exercer diverses fonctions effectrices par l’intermédiaire comme on le voit dans la partie inférieure
d’anticorps de différents isotypes. Les cellules B sélectionnées se différencient soit en de la micrographie du panneau central qui
cellules B mémoire, dont la fonction sera décrite au Chapitre 10, soit en plasmocytes montre au fort grossissement une coupe à
travers un centre germinatif d’une amygdale
qui commenceront à sécréter des anticorps de haute affinité et d’une classe particu- humaine. La micrographie à droite montre
lière acquise durant la dernière partie de la réponse immunitaire primaire. au faible grossissement un centre germinatif
d’amygdale ; les cellules B se trouvent dans
Le centre germinatif est un site intense de prolifération cellulaire, où les cellules B se la zone sombre, la zone claire et la zone
divisent toutes les 6 à 8 heures. Initialement, ces cellules B qui prolifèrent rapidement du manteau. Les cellules en prolifération
expriment nettement moins d’immunoglobulines de surface, particulièrement les sont colorées en vert pour Ki67, un antigène
exprimé dans les noyaux des cellules en
IgD. Ces cellules B sont appelées des centroblastes. Au cours du temps, certaines de division, révélant les centroblastes dans la
ces cellules réduisent le rythme de leur division et réexpriment un taux élevé d’immu- zone sombre. Le réseau dense de cellules
noglobulines de surface. On les appelle des centrocytes. Les centroblastes prolifèrent dendritiques folliculaires, colorées en rouge,
dans la zone sombre du centre germinatif (voir Fig. 9.10), appelée ainsi car les cellules occupent surtout la zone claire. Les cellules
de la zone claire prolifèrent également, mais
en prolifération sont densément empaquetées. Au cours du développement, les cel- de manière moins intense dans la plupart des
lules B colonisent la zone claire du centre germinatif, une zone du follicule qui est plus centres germinatifs. Les petites cellules B
riche en cellules folliculaires dendritiques mais plus pauvre en cellules. Auparavant, recirculantes occupent la zone du manteau
on pensait que seuls les centroblastes de la zone sombre proliféraient, alors que les à la périphérie du follicule de cellules B. De
grandes masses de cellules T CD4, colorées
centrocytes de la zone claire ne se divisaient pas. C’est le cas dans les centres germi- en bleu, peuvent être observées dans les
natifs chroniques que l’on trouve dans les amygdales enflammées, après leur excision zones de cellules T, qui séparent les follicules.
chirurgicale. Cependant, dans les centres germinatifs nouvellement formés de la sou- Les cellules T sont aussi en nombre significatif
dans la zone claire du centre germinatif ; la
ris, il apparaît clairement que la prolifération peut avoir lieu aussi bien dans la zone
coloration de CD4 dans la zone sombre est
claire que dans la zone sombre et que les cellules qui prolifèrent dans la zone som- associée surtout à des phagocytes porteurs de
bre expriment un taux faible d’immunoglobulines de surface. À l’origine, les cellules CD4. Clichés de I. MacLennan.
zone du zoneT-cell
des cellules
zone T
manteau
centrocytes
cellules
zone dendritiques
claire folliculaires zone du manteau
mantle zone
centroblastes
zone zone
light claire
zone
sombre cellules T
auxiliaires
folliculaires dendritiques sont plus nombreuses dans la zone claire. Elles semblent
ensuite réagir à la formation du centre germinatif et s’étendent alors dans le reste du
centre germinatif au fur et à mesure qu’il se développe. Un centre germinatif mature,
quinze jours après le début de l’immunisation, ressemble à une zone claire avec peu
de caractéristiques de la zone sombre. Cet aperçu de l’évolution du centre germinatif
permet d’expliquer comment sont sélectionnées les cellules B avec une forte affinité
pour l’antigène, comme nous allons le décrire.
IgG
leur traversée du centre germinatif (voir Section 4-18) a permis d’apporter des preu-
ves de ces mécanismes de sélection positive et négative. L’existence d’une sélection
négative est mise en évidence par l’absence relative de changements d’acides ami-
nés dans les parties dites du cadre (framework) de l’immunoglobuline, ce qui indi-
que que les cellules qui ont subi une mutation dans un des nombreux acides aminés
indispensables à un repliement correct de la région V de l’immunoglobuline ont été
éliminées. La sélection négative est un processus important du centre germinatif qui
permet l’élimination d’environ une cellule sur deux. Si la sélection négative n’était pas
aussi importante, les cellules B, qui se divisent trois à quatre fois par jour dans chaque
centre germinatif, auraient rapidement un nombre tellement important de descen-
dants que tout l’organisme serait envahi. En effet, un seul centre germinatif peut pro-
duire plus d’un milliard de cellules en 10 jours. Avec la sélection négative, un centre
germinatif n’est constitué que de quelques milliers de cellules au maximum.
Par ailleurs, la preuve de l’existence d’une sélection positive est l’accumulation de
nombreux changements d’acides aminés dans les régions déterminant la complé-
mentarité (voir Fig. 4.25). La conséquence de ces cycles de prolifération, mutation
et sélection qui se produisent dans le centre germinatif est une augmentation, au
cours du temps, de l’affinité moyenne de la population de cellules B répondant à
l’antigène. Ce processus explique très largement la maturation d’affinité observée
lors de la réponse humorale. Le processus de la sélection est assez strict. Bien que
50 à 100 cellules B peuvent ensemencer un centre germinatif, la majorité n’a pas
de descendant et, lorsque le centre germinatif atteint sa taille maximale, il ne com-
prend que des descendants d’une ou de quelques rares cellules B.
Les anticorps sont intéressants non seulement pour la diversité de leurs sites de fixa-
tion de l’antigène, mais aussi pour leur rôle différent comme molécule effectrice. La
spécificité d’une réponse anticorps est déterminée par le site de fixation antigénique
constitué de deux domaines variables V, VH et VL. Cependant, l’activité effectrice de
ces anticorps est déterminée par l’isotype de la région C de la chaîne lourde (voir la
Section 3-1). Un domaine V d’une chaîne lourde peut s’associer à une région C d’iso-
type différent par le processus de commutation de classe (voir Section 4-20), qui a
lieu après que les cellules B ont été activées dans les zones de cellules T des organes
lymphoïdes et peut continuer dans les foyers primaires et dans une certaine propor-
tion de cellules du centre germinatif. Nous verrons plus loin dans ce chapitre com-
ment les anticorps de chaque isotype contribuent à l’élimination des pathogènes.
Les réarrangements de l’ADN, qui contribuent à la commutation de classe et confè-
rent cette diversité fonctionnelle à la réponse immunitaire humorale, sont contrôlés
par les cytokines, surtout par celles qui sont libérées par les cellules T CD4.
Toutes les cellules B naïves expriment des IgM et des IgD de surface, et l’IgM est le pre-
mier anticorps sécrété (voir la Section 4-15), mais elle représente moins de 10 % des
immunoglobulines plasmatiques, parmi lesquelles l’isotype prédominant est l’IgG.
La plupart des anticorps du plasma sont donc produits par des cellules B qui ont subi
la commutation de classe. En tout temps, la production d’anticorps IgD est très faible.
Les premiers stades de la réponse anticorps sont donc dominés par les anticorps IgM.
Par la suite, les IgG et les IgA prédominent, en association avec les IgE, qui constituent
une partie faible mais biologiquement importante de la réponse. La prédominance
des IgG est due en partie à une durée de vie relativement longue (voir Fig. 4.16).
Des interactions productives entre cellules B et cellules T auxiliaires sont essentielles
Immunodéficience hyper IgM pour que survienne la commutation de classe. Ce qui est démontré par les patients
liée à l’X atteints d’une déficience génétique du ligand de CD40, qui est requis pour ces inte-
ractions. La commutation de classe est fortement réduite chez ces personnes, qui ont
des taux anormalement élevés d’IgM plasmatique. C’est pourquoi, cette maladie est
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 393
appelée syndrome hyper IgM. Malgré l’absence du ligand de CD40, ces gens produi-
sent des anticorps IgM en réponse aux antigènes thymodépendants, ce qui indique
que, lors d’une réponse des cellules B, les interactions CD40L–CD40 sont surtout
importantes en soutenant une réponse immunitaire comprenant la commutation de
classe. D’autres déficiences qui interfèrent avec la commutation de classe, comme
une déficience de CD40, ou de l’enzyme AID (Activation-Induced cytidine Deaminase),
qui est essentielle pour le processus de recombinaison de la commutation de classe,
aboutissent également à certaines formes du syndrome d’hyper IgM et sont décrites
au Chapitre 12. L’IgM dans les syndromes hyper IgM peut être induite en grande par-
tie par des antigènes thymo-indépendants de pathogènes qui infectent chronique-
ment ces patients, qui souffrent d’une immunodéficience humorale grave.
Le mécanisme de la commutation de classe, et les régions de commutation entre les-
quelles la recombinaison survient pour transférer la région V réarrangée au front de
différentes régions C, sont décrites en détail dans la Section 4-20. La sélection d’une
région C comme cible pour le processus de recombinaison n’est pas aléatoire, mais
est régulée par des cytokines produites par des cellules T auxiliaires et d’autres cellu-
les durant la réponse immunitaire. Nos connaissances sur la régulation de la commu-
tation isotypique par les cellules T auxiliaires proviennent surtout d’expériences dans
lesquelles les cellules B sont exposées in vitro à divers stimulus non spécifiques, (LPS),
comme le lipopolysaccharide bactérien (LPS) et des cytokines purifiées (Fig. 9.12). Ces
expériences montrent que certaines cytokines induisent préférentiellement la commu-
tation de classe vers certains isotypes. Chez la souris, l’IL-4 oriente la commutation vers
l’IgG1 (Cγ1) et l’IgE (Cε), alors que le TGF-β (Transforming Growth Factor-β) la dirige
vers l’IgG2b (Cγ2b) et l’IgA (Cα). Les cellules TH2 produisent ces deux cytokines ainsi que
l’IL-5, qui favorise la sécrétion d’IgA par les cellules qui ont déjà subi une commuta-
tion de classe. Bien que les cellules TH1 soient de faibles activatrices des réponses anti-
corps, elles participent à la commutation de classe en libérant de l’interféron (IFN)-γ,
qui oriente la commutation vers l’IgG2a et l’IgG3. La Fig. 9.13 résume les rôles des cyto-
kines dans l’orientation des cellules B vers des isotypes particuliers. Un tel mécanisme
dirigé est soutenu par l’observation que les cellules B individuelles subissent fréquem-
ment une commutation vers le même gène C sur les deux chromosomes, même si la
chaîne lourde de l’anticorps n’est exprimée qu’à partir de l’un des chromosomes.
Les cytokines induisent la commutation en partie en stimulant la formation de
transcrits d’ARNm à partir des sites de recombinaison de commutation présents
394 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
en 5´ de chaque gène C de chaîne lourde (voir Fig. 9.12). Par exemple, lorsque les
cellules B sont exposées à l’IL-4, on peut détecter la transcription à partir d’un site
en amont des régions de commutation de Cγ1 et de Cε un jour ou deux avant que la
commutation ne survienne. De manière intéressante, chacune des cytokines qui
induisent la commutation semblent induire la transcription à partir des régions
de commutation de deux gènes C de différentes chaînes lourdes, mais la recom-
binaison spécifique ne survient que dans l’un ou l’autre de ces gènes. Ainsi, les
cellules T auxiliaires régulent la production d’anticorps par les cellules B et aussi
l’isotype de chaîne lourde qui détermine la fonction effectrice de ces anticorps.
Les cellules B du centre germinatif sont prédisposées à une mort précoce et, pour
survivre, elles doivent recevoir des signaux spécifiques. À l’origine, il a été décou-
vert qu’in vitro les cellules B du centre germinatif pouvaient survivre suite au pon-
tage de leurs récepteurs associé à une liaison de leur CD40 membranaire. In vivo,
ces signaux sont transmis respectivement par l’antigène et par la cellule T. Des
signaux supplémentaires sont aussi requis pour la survie ; ils sont fournis par un
contact direct avec les cellules T. La nature de ces signaux est encore obscure, mais
C3b
FcR CR3
Fig. 9.14 Les complexes immuns se lient
à la surface des cellules folliculaires
dendritiques. Des antigènes radiomarqués
se localisent et restent dans les follicules
lymphoïdes des ganglions lymphatiques de
drainage (voir la microphotographie optique et
le schéma en dessous qui montre un centre
germinatif dans le ganglion lymphatique).
L’antigène radiomarqué a été injecté trois
jours avant ; sa localisation dans le centre
germinatif se marque sous forme d’une antigène
zone noire. L’antigène est présent dans des radiomarqué
complexes antigène:anticorps:complément lié aux
liés aux récepteurs de Fc ou aux récepteurs cellules
du complément à la surface des cellules dendritiques
dendritiques folliculaires comme le montrent folliculaires
les schémas du panneau de droite et de
l’insert où l’on voit des complexes immuns liés
aux récepteurs de Fc et CR3. Ces complexes centre germinatif
ne sont pas ingérés. L’antigène peut persister Ganglion lymphatique
longtemps sous cette forme. Cliché de J. Tew.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 395
Le LPS active les cellules B à des doses au moins 100 fois supérieures à celles qui per-
Forte concentration d’antigène TI-1
mettent l’activation des cellules dendritiques. Aussi, lorsqu’une cellule B est exposée à
des antigènes TI à des concentrations 103 à 105 fois inférieures à celles qui sont utilisées
en vue d’une activation polyclonale, seules les cellules B dont les récepteurs sont spéci-
fiques des molécules TI-1 sont activées. À ces faibles concentrations, la quantité indis-
pensable à l’activation de la cellule B ne peut être concentrée à la surface de la cellule B
que par une fixation spécifique (Fig. 9.16, panneaux du bas).
De la même manière qu’avec tous les antigènes provenant de pathogènes, les
concentrations d’antigènes TI-1 in vivo sont faibles au cours des premiers stades
de l’infection. Par conséquent, seules les cellules B spécifiques de l’antigène peu-
vent être activées et peuvent alors produire des anticorps spécifiques de l’anti-
gène TI-1. Ce type de réponse a un rôle important dans la défense contre plusieurs
pathogènes extracellulaires. En effet, il intervient avant les réponses thymodépen- Activation polyclonale des cellules B ;
réponse à anticorps non spécifique
dantes, car celles-ci n’ont pas besoin de l’activation et de l’expansion clonale des
cellules T auxiliaires. Cependant, les antigènes TI-1 ne peuvent pas induire la com-
mutation de classe, la maturation d’affinité et l’apparition de cellules B mémoire. Faible concentration d’antigène TI-1
Tous ces processus nécessitent l’aide des cellules T auxiliaires spécifiques.
lgM
lgM
lgM
lgG
Réponse à anticorps
Oui Oui Non
chez les nourrissons
Production d’anticorps
chez les individus Non Oui Oui
athymiques
Réponse à anticorps
en absence de toutes Non Oui Non
cellules T
Nécessité d’épitopes
répétitifs Non Non Oui
Résumé.
L’activation des cellules B par de nombreux antigènes nécessitent à la fois la recon-
naissance de l’antigène par l’immunoglobuline de surface de la cellule B — le
récepteur de cellule B — et l’interaction de la cellule B avec les cellules T auxi-
liaires spécifiques de l’antigène. Les cellules T auxiliaires reconnaissent des frag-
ments peptidiques provenant de l’antigène ingéré par la cellule B et présenté par
les cellules B sous forme de complexes peptide:CMH de classe II. Les cellules T
auxiliaires activent la cellule B par fixation de CD40 ligand de la cellule T au CD40
de la cellule B, par interaction d’autres paires de ligands des familles du TNF et de
ses récepteurs et par libération de cytokines. Les cellules B activées transmettent
aussi des signaux aux cellules T, par exemple par des molécules de la famille B7,
qui favorisent l’activation continue de la cellule T. L’interaction initiale survient à la
limite entre les zones de cellules T et B des tissus lymphoïdes secondaires, où à la
fois les cellules T auxiliaires et les cellules B, toutes deux spécifiques de l’antigène,
sont piégées suite à leur liaison à l’antigène. Les autres interactions entre cellules T
et cellules B surviennent après migration des cellules dans un des follicules consti-
tuant la zone B et après formation d’un centre germinatif. Les cellules T auxiliaires
induisent une phase de prolifération vigoureuse des cellules B et contrôlent la dif-
férenciation des descendants des cellules B naïves qui proviennent de l’expansion
clonale et qui deviennent soit des plasmocytes sécréteurs d’anticorps soit des cel-
lules B mémoire. Au cours de la différenciation des cellules B activées, l’isotype de
l’anticorps peut changer en réponse aux cytokines libérées par les cellules T auxi-
liaires et les propriétés de fixation à l’antigène de l’anticorps peuvent changer par
hypermutation somatique des gènes des régions V. L’hypermutation somatique et
la sélection des anticorps de haute affinité se produisent dans les centres germi-
natifs. Les cellules T auxiliaires contrôlent ces processus en activant sélectivement
les cellules qui ont maintenu leur spécificité pour l’antigène et en induisant la pro-
lifération et la différenciation en plasmocytes et en cellules B mémoire. Certains
antigènes non protéiques stimulent les cellules B en absence de reconnaissance
combinée par des cellules T auxiliaires spécifiques. Ces antigènes thymo-indépen-
dants n’induisent qu’une commutation de classe limitée et n’induisent pas de cel-
lules B mémoire. Cependant, les réponses à ces antigènes jouent un rôle important
400 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
dans la protection de l’hôte contre les pathogènes dont les antigènes de surface ne
peuvent pas induire de réponses des cellules T spécifiques d’un peptide.
de la réponse anticorps. L’IgM est aussi produite par des cellules B-1 présentes
dans les cavités péritonéale et pleurale. Ces cellules sont activées naturellement
et sécrètent des anticorps contre des pathogènes de l’environnement, fournissant
ainsi dans ces cavités corporelles un répertoire préformé d’anticorps IgM qui peu-
vent reconnaître des pathogènes envahisseurs (voir Sections 2-34 et 7-28).
Les anticorps d’autres isotypes — IgG, IgA et IgE — ont une taille plus faible et dif-
fusent rapidement du sang vers les tissus. Les IgA peuvent former des dimères,
comme nous l’avons vu au Chapitre 4, alors que les IgG et les IgE sont toujours
monomériques. L’affinité des sites de fixation antigénique est un élément crucial
pour l’efficacité de ces anticorps. La majorité des cellules B qui produisent des
anticorps avec ces isotypes ont subi une sélection dans les centres germinatifs et
ont donc une affinité élevée. Les IgG représentent l’isotype le plus abondant dans
le sang et dans les fluides extracellulaires, alors que les IgA sont retrouvées dans
les sécrétions, surtout dans le mucus des voies intestinale et respiratoire. Les IgG
peuvent favoriser la capture des pathogènes par les phagocytes (opsoniser) et acti-
ver le système du complément. Les IgA sont des opsonines peu efficaces, et n’ac-
tivent le complément que faiblement. Cette différence n’est pas surprenante. Les
IgG agissent essentiellement dans les tissus où les molécules et les cellules effec-
trices sont présentes, alors que les IgA interviennent par leur activité neutralisante
au niveau des surfaces épithéliales, qui sont normalement dépourvues de com-
plément et de phagocytes. L’IgA est aussi produite par des plasmocytes qui se dif-
férencient à partir de cellules B qui ont commuté de classe dans des ganglions
lymphatiques et dans la rate ; elle intervient alors comme un anticorps neutra-
lisant dans les espaces extracellulaires et dans the sang. Cette IgA est monomé-
rique et c’est la sous-classe IgA1 qui prédomine ; le rapport IgA1 vs. IgA2 dans le
sang est de 10:1. Les anticorps IgA produits par les plasmocytes de l’intestin sont
dimériques et surtout de la sous-classe IgA2 ; le rapport IgA2 vs. IgA1 dans l’intes-
tin est de 3:2.
Enfin, les IgE ne sont présentes qu’à des taux faibles dans le sang et les fluides
extracellulaires, mais elles se fixent fortement aux récepteurs présents sur les mas-
tocytes. On trouve ces cellules sous la peau et les muqueuses ainsi que le long des
Activité fonctionnelle IgM IgD IgG1 IgG2 IgG3 IgG4 IgA IgE
Neutralisation + – ++ ++ ++ ++ ++ –
Opsonisation + – +++ * ++ + + –
Sensibilisation à la lyse
par les cellules NK – – ++ – ++ – – –
Sensibilisation – – + – + – – +++
des mastocytes
Active le système +
du complément
+++ – ++ + +++ – –
Distribution IgM IgD IgG1 IgG2 IgG3 IgG4 IgA IgE Fig. 9.19 Chaque classe d’immunoglobulines
humaines exerce des fonctions particulières
Transport à travers et a une distribution unique. Les fonctions
les épithéliums + – – – – – +++ –
(dimère) effectrices principales de chaque isotype (+++)
sont marquées en rouge foncé, les fonctions
Transport à travers
le placenta – – +++ + ++ +/– – – les moins importantes (++) en rose foncé et
les fonctions mineures (+) en rose pâle. La
répartition est notée de la même manière avec
Diffusion dans les sites
extravasculaires +/– – +++ +++ +++ +++ ++ + les taux moyens d’anticorps dans le sérum
(monomère)
inscrit dans la ligne du bas. *Les IgG2 peuvent
se comporter en opsonine en présence d’un
Taux sérique moyen 1,5 0,04 9 3 1 0,5 2,1 3 × 10–5 récepteur de Fc d’un allotype particulier présent
(mg ml–1)
chez 50 % de la population blanche.
402 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
vaisseaux sanguins dans le tissu conjonctif. La liaison de l’antigène aux IgE induit
la libération par les mastocytes de puissants médiateurs chimiques qui indui-
sent des réactions, comme la toux, l’éternuement et les vomissements, suscepti-
bles d’expulser les agents infectieux. Nous en rediscuterons lors de la description
des récepteurs qui lient les régions C des immunoglobulines et déclenchent leurs
fonctions effectrices. La Fig. 9.19 résume la distribution et les principales fonctions
des anticorps des différentes classes.
Section 11-8). Il n’est donc pas surprenant que les patients avec une jaunisse obs-
tructive, une maladie au cours de laquelle la bile n’est pas excrétée, voient aug-
menter leur taux d’IgA dimérique dans le plasma.
Les principaux sites de synthèse et de sécrétion d’IgA sont l’intestin, l’épithélium
respiratoire, les seins au cours de la lactation et différentes autres glandes exocri-
nes comme les glandes salivaires et lacrymales. On pense que le premier rôle des
IgA est de protéger les surfaces épithéliales contre les agents infectieux, de la même
manière que les IgG protègent les espaces extracellulaires des tissus internes. Les
IgA empêchent la fixation des bactéries et des toxines aux cellules épithéliales ainsi
que l’absorption de substances étrangères. Elles constituent une première ligne de
défense contre une grande variété de pathogènes. On pense aussi que les IgA jouent
un rôle additionnel dans l’intestin, celui de réguler la flore intestinale.
Les nouveau-nés sont très vulnérables à l’infection car ils n’ont jamais été expo-
sés aux microbes de l’environnement avant leur naissance. Les anticorps IgA
sont sécrétés dans le lait maternel et ensuite transférés dans l’intestin de l’en-
fant nouveau-né où ils fournissent une protection contre les bactéries rencon-
trées, jusqu’à ce que l’enfant synthétise ses propres anticorps protecteurs. L’IgA
n’est pas le seul anticorps protecteur de la mère à être transmis au bébé. Les IgG
maternelles sont transférées à travers le placenta dans le sang du fœtus au cours
de la vie intra-utérine. Les bébés humains ont à la naissance un taux d’IgG plas-
matique aussi élevé que celui de leur mère et avec le même profil de spécifici-
tés antigéniques. Le transport sélectif des IgG de la mère vers le fœtus se fait
grâce à une protéine de transport des IgG du placenta, FcRn, qui appartient à
la famille des molécules du CMH de classe I. Malgré ces similitudes, le FcRn ne
fixe pas les IgG de la même manière que la molécule de CMH I fixe le peptide.
En effet, sa cavité à peptide n’est pas accessible. Le récepteur reconnaît la par-
tie Fc des molécules d’IgG (Fig. 9.21). Deux molécules de FcRn se fixent à une
molécule d’IgG et la transportent à travers le placenta. Chez certains rongeurs,
le FcRn peut aussi transporter les IgG dans la circulation du nouveau-né à par-
tir de la lumière de l’intestin. Les IgG maternelles sont ingérées par l’animal nou-
veau-né à partir du lait maternel et du colostrum, le fluide riche en protéines qui
est sécrété par la glande mammaire juste après la naissance. Dans ce cas, le FcRn
transporte les IgG de la lumière intestinale du nouveau-né dans le sang et les
tissus. De manière intéressante, on retrouve aussi le FcRn chez les adultes dans
l’intestin, le foie et les cellules endothéliales. Sa fonction chez l’adulte est la régu-
lation des taux d’IgG dans le plasma. Il assure cette fonction en se liant aux anti-
corps, en induisant leur endocytose et en les recyclant dans le sang, évitant ainsi
leur excrétion.
Grâce à ces systèmes de transport spécialisés, les mammifères reçoivent dès leur
naissance des anticorps contre les pathogènes communs de l’environnement.
Ensuite, leur système immunitaire venant à maturité, ils fabriquent leurs propres
anticorps de différents isotypes qui se répartissent dans les différentes parties de
l’organisme (Fig. 9.22). Ainsi, tout au cours de la vie, la commutation de classe et la
répartition des anticorps de différents isotypes dans l’organisme assurent une pro-
tection efficace contre l’infection des espaces extracellulaires.
Dissociation de la toxine
La toxine se lie Endocytose des complexes L’anticorps protège la cellule
pour libérer la chaîne active
aux récepteurs cellulaires toxine:récepteur en bloquant la fixation de la toxine
qui empoisonne la cellule
fixation de la toxine à la cellule et par conséquent protéger la cellule de l’attaque Fig. 9.24 La neutralisation des toxines par
des anticorps IgG protège les cellules des
de la toxine (Fig. 9.24). Les anticorps qui agissent en neutralisant les toxines sont
effets toxiques. De nombreuses bactéries
appelés anticorps neutralisants. (ainsi que les insectes et les serpents
venimeux) causent des dommages en libérant
La majorité des toxines sont actives à des concentrations nanomolaires. Une seule des protéines toxiques (voir Fig. 9.23). Ces
molécule de toxine diphtérique peut tuer une cellule. Pour neutraliser les toxines, toxines sont généralement composées de
les anticorps doivent être capables de diffuser dans les tissus et de se fixer rapide- plusieurs parties distinctes. L’une se lie à un
ment à la toxine avec une haute affinité. La capacité des anticorps de type IgG à récepteur cellulaire qui permet l’ingestion de
la molécule. L’autre partie de la toxine pénètre
diffuser facilement à travers le fluide extracellulaire et leur haute affinité en font alors dans le cytoplasme et empoisonne la
les principaux anticorps neutralisant les toxines dans les tissus. Les anticorps de cellule. Les anticorps qui inhibent la liaison de
classe IgA neutralisent les toxines au niveau des muqueuses. la toxine peuvent empêcher, ou neutraliser,
ses effets.
Les toxines diphtérique et tétanique sont deux toxines bactériennes pour lesquel-
les les fonctions respectives de liaison au récepteur et de toxicité sont exercées
par des chaînes protéiques différentes. Il est possible d’immuniser les individus,
en général les jeunes enfants, avec des toxines modifiées, la chaîne toxique ayant
été dénaturée. Ces toxines modifiées, appelées anatoxines, ont perdu leur acti-
vité toxique mais ont gardé leur site de fixation au récepteur. Par conséquent, une
immunisation avec une anatoxine induit la production d’anticorps neutralisants
qui protègent contre la toxine native.
Certains venins d’insectes et d’animaux sont si toxiques qu’une seule exposition
peut causer de graves dommages cellulaires ou la mort et la réponse immunitaire
adaptative est trop lente pour être protectrice. L’exposition à ces venins étant rare,
on n’a pas préparé de vaccin préventif à usage humain. On produit des anticorps
neutralisants en immunisant d’autres espèces, comme le cheval, avec des venins
d’insectes et de serpents et on obtient ainsi des sérums antivenins qui peuvent ser-
vir à la protection des humains. Cette protection par transfert d’anticorps est appe-
lée immunisation passive (voir Appendice I, Section A-37).
Les virus animaux infectent les cellules en se fixant à des récepteurs membranaires
particuliers, souvent une protéine spécifique du type cellulaire. C’est ce récepteur
qui détermine quelle cellule peut être infectée. Par exemple, l’hémagglutinine
du virus de l’influenza se fixe aux résidus d’acide sialique terminaux des groupe-
ments glucidiques des glycoprotéines présentes à la surface des cellules épithélia-
les du tractus respiratoire. L’hémagglutinine tire son nom du fait qu’elle reconnaît
les résidus d’acide sialique des globules rouges de poulet et agglutine ces globules
rouges. Les anticorps dirigés contre l’hémagglutinine peuvent empêcher l’infec-
tion par le virus de l’influenza. Ces anticorps sont appelés anticorps neutralisant
le virus et, comme pour la neutralisation des toxines, sont essentiellement des IgA
et des IgG de forte affinité.
406 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
Fig. 9.25 L’infection virale des cellules De nombreux anticorps qui neutralisent les virus le font directement en blo-
peut être bloquée par des anticorps
quant la fixation du virus aux récepteurs de surface (Fig. 9.25). Cependant, dans
neutralisants. Pour se multiplier, un virus
doit introduire ses gènes dans la cellule. certains cas, les virus peuvent être neutralisés lorsqu’une seule molécule d’anti-
La première phase de cette entrée est corps est fixée à la particule virale alors que sa surface comporte de nombreuses
généralement la liaison du virus à un récepteur protéines de liaison aux récepteurs cellulaires. Dans ce cas, les anticorps doi-
de la surface cellulaire. L’entrée des virus
enveloppés dans le cytoplasme, comme
vent induire des modifications du virus qui altèrent sa structure. Ils empêchent
le montre la figure, nécessite la fusion de ainsi son interaction avec son récepteur ou interfèrent dans la fusion de la mem-
l’enveloppe virale et de la membrane cellulaire. brane virale avec la surface cellulaire après la liaison du virus à son récepteur de
Pour certains virus, la fusion a lieu à la surface surface.
de la cellule (non montré). Pour d’autres,
la fusion ne peut se produire que dans
l’environnement plus acide des endosomes,
comme on le voit sur la figure. Les virus 9-18 Les anticorps peuvent bloquer l’adhérence des bactéries aux cellules.
non enveloppés peuvent aussi se lier à des
récepteurs membranaires, ils entrent dans le De nombreuses bactéries ont des molécules de surface appelées adhésines qui
cytoplasme en détruisant les endosomes. Les
permettent leur fixation à la surface des cellules. Cette adhérence est indispen-
anticorps liés à la surface virale neutralisent le
virus, inhibant à la fois sa fixation à la cellule et sable à la pathogénie des bactéries. Elles vont soit entrer dans la cellule comme
dès lors son l’entrée dans la cellule. le font certains pathogènes de l’espèce des salmonelles soit rester attachées à la
surface cellulaire sous forme de pathogènes extracellulaires (Fig. 9.26). Neisseria
gonorrhoeae, l’agent responsable d’une maladie sexuellement transmissible, la
gonorrhée, possède une protéine membranaire appelée piline qui permet à la bac-
térie de se lier aux cellules épithéliales des voies urinaires et génitales et qui lui
est indispensable pour sa propagation infectieuse. Les anticorps dirigés contre la
piline peuvent inhiber l’adhérence et empêcher l’infection.
Les anticorps de type IgA sécrétés dans les surfaces muqueuses du tractus intesti-
nal, respiratoire ou génital sont très efficaces dans la prévention des infections en
inhibant l’adhérence des bactéries, de virus ou d’autres pathogènes aux cellules
épithéliales de ces muqueuses. L’adhérence des bactéries aux cellules dans les tis-
sus peut aussi contribuer à leur activité pathogène, et les anticorps de classe IgG
dirigés contre les adhésines peuvent protéger les tissus comme les anticorps de
classe IgA le font dans les muqueuses.
Les anticorps protègent contre les infections en utilisant une autre voie ; ils peu-
vent activer la cascade des protéines du complément. Nous avons décrit ces pro-
téines dans le Chapitre 2. Nous avons vu qu’elles pouvaient aussi être activées par
les pathogènes en absence d’anticorps et qu’elles participaient ainsi à la réponse
immunitaire innée. L’activation du complément consiste en une succession de cli-
vages protéolytiques de composants plasmatiques, qui deviennent ainsi capables
à leur tour d’exercer une activité protéolytique ou de se fixer de manière covalente
au pathogène. Toutes les voies d’activation du complément connues convergent
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines 407
Fig. 9.28 La voie classique de l’activation Les molécules d’IgM pentamériques se fixent
du complément commence par la liaison de Les molécules d’IgG lient des antigènes
aux antigènes de la surface bactérienne
C1q à un anticorps attaché à une surface de la surface bactérienne
et adoptent une conformation en agrafe
comme celle d’une bactérie. Dans les
panneaux de gauche, une molécule d’IgM, Forme plane
d’IgM
dans la conformation en agrafe, attachée à
plusieurs épitopes identiques à la surface
d’un pathogène permet à la tête globulaire Forme en
du C1q de se lier à ses parties Fc à la agrafe d’IgM
surface du pathogène. Dans les panneaux de
droite, plusieurs molécules d’IgG fixées à la
surface d’un pathogène permettent la fixation
d’une seule molécule C1q à au moins deux
parties Fc. Dans les deux cas, la fixation de
C1q active le C1r, qui lui est associé. C1r
devient alors une enzyme active qui va cliver
le proenzyme C1s, générant ainsi une serine
protéase qui déclenche la voie classique du C1q se fixe à une molécule d’IgM liée à l’antigène C1q se fixe à au moins deux molécules d’IgG
complément (voir Chapitre 2).
La fixation de C1q aux Ig active C1r, qui clive et active la sérine protéase C1s
Fig. 9.29 Le CR1 des hématies participe à CR1 des hématies, qui les transportent dans
l’élimination des complexes immuns de la le foie ou la rate, où ils sont éliminés par les De petits complexes antigène:anticorps
circulation sanguine. Le CR1 de la surface macrophages qui expriment des récepteurs se forment dans la circulation
des hématies joue un rôle important dans à la fois pour la région Fc et pour certains
l’élimination des complexes immuns de la composants du complément.
circulation. Les complexes immuns se fixent au
causant des dégâts dans les glomérules. L’insuffisance rénale est le principal danger
au cours de cette maladie. Les complexes immuns peuvent aussi intervenir dans la
pathologie de patients déficients en certains composants précoces du complément.
Ces patients n’éliminent pas efficacement les complexes immuns et subissent eux
aussi, de la même manière, des dommages tissulaires essentiellement rénaux.
récepteurs de Fc car ils sont spécifiques de la partie Fc des anticorps d’un isotype
particulier. Ces récepteurs facilitent la phagocytose des micro-organismes neutrali-
sés et des pathogènes extracellulaires par les macrophages, les cellules dendritiques
et les neutrophiles. D’autres cellules non phagocytaires, les cellules NK, les éosino-
philes, les basophiles et les mastocytes (voir Fig. 1.4), après activation, libèrent des
médiateurs préformés lorsque leurs récepteurs de Fc sont engagés. Ces mécanis-
mes maximisent l’efficacité de tous les anticorps quel que soit l’endroit où ils se lient.
Les cellules accessoires sont activées lorsque leurs récepteurs de Fc sont agrégés par
plusieurs régions Fc d’anticorps recouvrant un pathogène. Elles peuvent aussi être
activées par des médiateurs solubles, dont les composants de la cascade du complé-
ment, qui peut elle aussi être activée par des anticorps comme nous l’avons vu.
α 70 kDa
or β 33 kDa
γ γ or ζ γ 9 kDa γ 9 kDa
Domaine ITIM
de type γ ITIM
Liaison IgG1 IgG1 IgG1 IgG1 IgG1 IgE IgA1, IgA2 IgA, IgM
108 M –1 2 × 106 M-1 2 × 106 M-1 2 × 106 M-1 5 × 105 M-1 1010 M–1 107 M–1 3 × 109 M-1
Ordre d’affinité 1) IgG1=IgG3 1) IgG1 1) IgG1=IgG3 1) IgG1=IgG3 1) IgM
2) IgG4 2) IgG3=IgG2* 2) IgG4 2) IgG4 IgG1=IgG3 IgA1=IgA2 2) IgA
3) IgG2 3) IgG4 3) IgG2 3) IgG2
Type cellulaire Macrophages Macrophages Macrophages Cellules B Cellules NK Mastocytes Macrophages Macrophages
Neutrophiles† Neutrophiles Neutrophiles Mastocytes Éosinophiles Éosinophiles† Éosinophiles‡ Cellules B
Éosinophiles† Éosinophiles Éosinophiles Neutrophiles Basophiles Neutrophiles
Cellules Plaquettes Mastocytes
dendritiques Cellules
de Langerhans
Effet de la liaison Capture Capture Capture Pas de capture Induction Sécrétion Capture Capture
Stimulation Libération Inhibition Inhibition de la cytotoxicité de granules Induction
Activation de la des granules de la stimulation de la stimulation (cellules NK) de la cytotoxicité
bouffée respiratoire (éosinophiles)
Induction
de la cytotoxicité
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc 411
Les phagocytes sont activés par les anticorps de type IgG, surtout IgG1 et IgG3, qui
se lient à la surface du phagocyte aux récepteurs de Fc qui leur sont spécifiques (voir
Fig. 9.30). L’activation des phagocytes pouvant déclencher une réaction inflamma-
toire et ainsi causer des lésions tissulaires, il est essentiel que les récepteurs de Fc
des phagocytes distinguent les anticorps liés à un pathogène et les anticorps libres,
qui sont beaucoup plus nombreux. Cette distinction est possible car les anticorps
s’agrègent ou polymérisent lorsqu’ils se lient à des antigènes polymériques ou à des
particules antigéniques multivalentes comme les virus ou les bactéries. Les récep-
teurs de Fc à la surface d’une cellule accessoire se fixent aux particules recouvertes Activation du macrophage conduisant
d’anticorps avec une avidité plus importante qu’ils ne se fixent aux immunoglo- à la phagocytose et à la destruction de la bactérie
bulines monomériques. C’est le principal mécanisme par lequel les anticorps fixés
sont différenciés des immunoglobulines libres (Fig. 9.31). Grâce à ce mécanisme, Fig. 9.31 La distinction entre anticorps liés
les récepteurs de Fc permettent aux cellules accessoires de détecter les pathogènes et anticorps libres repose sur leur degré
d’agrégation. Les immunoglobulines libres se
par l’intermédiaire des molécules d’anticorps qui les recouvrent. Par conséquent, lient aux récepteurs de Fc avec une affinité très
les anticorps spécifiques associés aux récepteurs de Fc donnent aux cellules acces- faible mais sont incapables d’interconnecter
soires, qui n’ont pas de spécificité intrinsèque, la capacité d’identifier et d’éliminer les récepteurs de Fc. Les immunoglobulines
des espaces extracellulaires les pathogènes et leurs produits. fixées aux antigènes se lient aux récepteurs
de Fc avec une grande avidité. En effet,
Les cellules accessoires les plus importantes pour les réponses immunitaires plusieurs molécules d’anticorps attachées à
la même surface lient plusieurs récepteurs de
humorales sont les cellules phagocytaires des lignées monocytaires et myélocy-
Fc des cellules accessoires. Le pontage de ce
taires, essentiellement les macrophages et les neutrophiles (voir le Chapitre 2). récepteur de Fc envoie un signal d’activation
De nombreuses bactéries sont directement reconnues, ingérées et détruites par à la cellule qui le porte. Avec les récepteurs de
les phagocytes. Ces bactéries ne sont pas pathogènes chez les individus normaux. Fc qui contiennent des ITIM, la conséquence
est une inhibition.
Cependant, les bactéries pathogènes sont souvent recouvertes par des capsu-
les polysaccharidiques qui leur permettent de résister à l’ingestion par les pha-
gocytes. Ces bactéries ne deviennent sensibles à la phagocytose que lorsqu’elles
sont recouvertes d’anticorps et de complément qui vont utiliser les récepteurs de
Fcγ, Fcα et CR1 de la cellules phagocytaire pour induire la capture des bactéries
(Fig. 9.32). La phagocytose induite par les récepteurs du complément est impor-
tante surtout au début de la réponse immunitaire, avant que la commutation de
classe n’ait eu le temps de se produire. Les capsules polysaccharidiques apparte-
nant à la classe TI-2 des antigènes indépendants du thymus (voir Section 9-11), et
elles induisent la production précoce d’anticorps IgM, qui activent très efficace-
ment le système du complément. Les IgM liées aux capsules des bactéries peuvent
donc induire leur opsonisation par le complément et permettre ainsi l’ingestion
et la destruction par des phagocytes porteurs des récepteurs du complément.
Récemment, une récepteur de Fc pour l’IgM a été découvert, ce qui suggère que
l’IgM peut promouvoir la phagocytose directement in vivo.
L’ingestion, comme la destruction des micro-organismes, est très fortement aug-
mentée par les interactions entre les molécules recouvrant le micro-organisme
412 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
La bactérie est couverte Lorsque C3b se lie à CR1 Les membranes du macrophage Les lysosomes fusionnent avec
de complément et l’anticorps au récepteur de Fc, fusionnent, créant une vésicule fermée les vésicules, libérant des enzymes
et d’anticorps IgG les bactéries sont phagocytées par une membrane, le phagosome qui dégradent les bactéries
bactérie
C3b
récepteurs
de Fc
CR1
macrophage
lysosome
Fig. 9.32 Les récepteurs de Fc et du opsonisé et leurs récepteurs à la surface du phagocyte. Par exemple, lorsqu’un
complément des phagocytes induisent la pathogène recouvert d’anticorps se fixe aux récepteurs de Fc à la surface d’un pha-
capture et la dégradation des bactéries
couvertes d’anticorps. De nombreuses gocyte, la surface cellulaire s’étend autour de la surface de la particule grâce aux
bactéries résistent à la phagocytose par liaisons successives des récepteurs de Fcγ aux parties Fc des anticorps fixés à la
les macrophages et les neutrophiles. Les surface du pathogène. Ce processus actif est induit par la stimulation des récep-
anticorps fixés à ces bactéries permettent teurs de Fcγ. L’endocytose conduit à l’emprisonnement de la particule dans une
qu’elles soient ingérées et dégradées grâce
à l’interaction entre les domaines Fc des vésicule cytoplasmique acide appelée phagosome. Le phagosome va alors fusion-
anticorps recouvrant la surface bactérienne ner avec un ou plusieurs lysosomes pour former un phagolysosome qui permet la
avec les récepteurs de Fc de la surface des libération des enzymes lysosomiques à l’intérieur du phagosome où elles détrui-
phagocytes. La liaison de l’anticorps induit
sent la bactérie (voir Fig. 9.32). Le mécanisme de destruction de la bactérie dans le
aussi l’activation du système du complément
et la fixation des composants du complément phagolysosome est décrit en détail dans la Section 2-4.
à la surface bactérienne. Ceux-ci peuvent
interagir avec les récepteurs du complément Certaines particules sont trop grosses, par exemple les vers parasites, pour être
(par exemple CR1) sur le phagocyte. Les ingérées par le phagocyte. Dans ce cas, le phagocyte se fixe à la surface du parasite
récepteurs de Fc et les récepteurs du recouvert d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fcγ, Fcα ou Fcε, et les
complément agissent en synergie pour
lysosomes fusionnent avec la surface membranaire ainsi liée. Cette réaction permet
induire la phagocytose. En effet, les bactéries
recouvertes d’anticorps de type IgG et de de libérer le contenu des lysosomes à la surface du parasite, lui causant des dom-
complément sont plus facilement ingérées que mages dans l’espace extracellulaire. Les phagocytes principalement utilisés pour
celles qui ne sont recouvertes que d’anticorps la destruction des bactéries sont les macrophages et les neutrophiles, alors que les
IgG. La liaison des récepteurs de Fc et du
complément envoie un signal au phagocyte
gros parasites comme les helminthes sont généralement attaqués par les éosinophi-
pour augmenter l’activité phagocytaire, les (Fig. 9.33). Par conséquent, les récepteurs de Fcγ et Fcα peuvent induire l’inter-
fusionner les lysosomes et les phagosomes et nalisation de particules externes par phagocytose ou l’externalisation des vésicules
amplifier l’activité bactéricide. internes par exocytose. Le pontage des IgE fixées aux récepteurs de haute affinité
FcεRI induit généralement l’exocytose. Nous verrons dans les trois paragraphes sui-
vant que les cellules NK ou les mastocytes peuvent aussi libérer des médiateurs
stockés dans les vésicules lorsque leurs récepteurs de Fc sont agrégés.
La destruction des cellules cibles couvertes d’anticorps par les cellules NK est appe-
lée cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC, Antibody-Dependent
Cell-mediated Cytotoxicity). Elle est induite lorsqu’un anticorps lié à la surface
d’une cellule interagit avec les récepteurs de Fc de la cellule NK (Fig. 9.34). Les cel-
lules NK expriment le récepteur FcγRIII (CD16), qui reconnaît les sous-classes IgG1
et IgG3 et induit l’attaque cytotoxique par la cellule NK de la cible recouverte d’an-
ticorps. Le mécanisme d’attaque est similaire à celui qu’utilisent les cellules T
cytotoxiques, qui recourent à la libération de granules cytoplasmiques contenant
la perforine et les granzymes (voir Section 8-28). L’importance de l’ADCC dans la
défense contre les infections bactériennes et virales n’est pas encore bien établie.
Cependant, l’ADCC constitue un autre mécanisme par lequel les anticorps, en se Fig. 9.33 Éosinophiles attaquant une larve
liant aux récepteurs de Fc, peuvent induire une attaque spécifique de l’antigène par de schistosome en présence de sérum
une cellule effectrice dépourvue elle-même de spécificité antigénique. provenant d’un patient infecté. Les grands
parasites, comme les vers, ne peuvent pas
être ingérés par les phagocytes. Cependant,
lorsque le ver est couvert d’anticorps, surtout
9-24 Les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles activés lient d’IgE, les éosinophiles peuvent l’attaquer grâce
les anticorps de type IgE par l’intermédiaire du récepteur de Fcε à la liaison de leur récepteur de haute affinité
FcεRI. Des attaques du même type peuvent
de forte affinité. être déclenchées vis-à-vis de différentes cibles
de grande taille par d’autres cellules portant
Lorsque les pathogènes traversent les barrières épithéliales et établissent un foyer des récepteurs de Fc. Ces cellules libèrent
infectieux, l’hôte doit mobiliser ses défenses et les diriger vers le site de développement les composants toxiques de leurs granules
directement sur la cible, un mécanisme appelé
du pathogène. Un des mécanismes qui permet cette mobilisation est l’activation d’un exocytose. Cliché de A. Butterworth.
type particulier de cellules, le mastocyte. Ce sont de grandes cellules contenant des
granules cytoplasmiques particuliers contenant divers médiateurs chimiques, dont
l’histamine, qui vont très rapidement rendre les vaisseaux sanguins plus perméables.
Les mastocytes ont une apparence très particulière après leur coloration par le bleu de
toluidine, ce qui permet de les identifier facilement dans les tissus (voir Fig. 1.4). On les
retrouve en grand nombre dans les tissus conjonctifs vascularisés juste en dessous des
surfaces épithéliales de l’organisme comme les muqueuses des tractus gastro-intesti-
nal et respiratoire ou le derme sous l’épithélium cutané.
Les mastocytes ont des récepteurs spécifiques des IgE (FcεRI) et des IgG (FcγRIII).
Ils libèrent leurs granules et sécrètent des médiateurs lipidiques inflammatoires et
Fig. 9.34 Les cellules NK peuvent tuer des
des cytokines lors de leur activation par la liaison d’anticorps à leurs récepteurs de cellules cibles couvertes d’anticorps par
Fc. Nous avons vu auparavant que la majorité des récepteurs de Fc ne se lient aux le mécanisme de cytotoxicité cellulaire
régions Fc des anticorps que si ceux-ci sont liés à leur antigène. Au contraire, les dépendant des anticorps (ADCC). Les
récepteurs de FcεRI reconnaissent les IgE monomériques avec une très haute affi- cellules NK (voir Chapitre 2) sont des cellules
lymphoïdes non T non B avec de grands
nité de l’ordre de 1010 M−1. Par conséquent, les taux faibles d’IgE circulantes chez granules et qui portent le récepteur FcγRIII
les individus normaux sont suffisants pour permettre qu’une fraction importante (CD16) à leur surface. Lorsque ces cellules
de ces IgE soit fixée aux récepteurs FcεRI des mastocytes tissulaires et aux baso- rencontrent une cellule recouverte d’anticorps
philes circulants. Les éosinophiles peuvent aussi exprimer des récepteurs de Fc. de type IgG, elles tuent rapidement la cellule
cible. L’importance de l’ADCC dans la défense
Cependant, ils n’expriment le récepteurs de FcεRI qu’après avoir été activés et de l’hôte ainsi que dans les lésions tissulaires
recrutés dans un foyer inflammatoire. est encore controversée.
FcγRIII
(CD16)
Cellule NK Cellule NK
activée
tue
Cellule cible
414 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
Anticorps IgE
Récepteur I de Fcε
Les mastocytes sont généralement associés de manière stable aux IgE, mais la fixa-
tion d’un antigène monomérique aux IgE ne permet pas de les activer. Les mastocy-
tes ne sont activés que lorsque les IgE sont pontées par des antigènes multivalents.
Ce pontage active la libération par les mastocytes du contenu de leurs granules en
quelques secondes (Fig. 9.35), la synthèse et la libération de médiateurs lipidiques
comme la prostaglandine D2 et le leucotriène C4 et enfin la sécrétion de cytoki-
nes comme le TNF-α permettant le développement d’une réponse inflammatoire
locale. La dégranulation permet la libération de l’histamine stockée dans les gra-
nules. Elle induit une augmentation locale du flux sanguin et de la perméabilité
vasculaire, ce qui induit rapidement une accumulation dans les tissus avoisinants
de liquide et de protéines sanguines comme les anticorps. Peu après, on observe
un afflux de cellules sanguines comme les leucocytes polynucléaires suivis par les
macrophages, les éosinophiles et les lymphocytes effecteurs. Cet apport peut durer
de quelques minutes à quelques heures et induire une réaction inflammatoire au
site d’infection. Les mastocytes font donc partie de la ligne de défense contre les
pathogènes qui pénètrent dans l’organisme par les barrières épithéliales.
9-25 L’activation par les IgE des cellules accessoires joue un rôle
important dans la lutte contre les infections parasitaires.
On pense que les mastocytes exercent au moins trois fonctions importantes dans
la défense de l’organisme. Tout d’abord, leur localisation proche de la surface de
l’organisme leur permet de recruter des éléments effecteurs spécifiques ou non
spécifiques sur les sites où les agents infectieux sont les plus susceptibles de péné-
trer dans le milieu intérieur. Ensuite, ils augmentent l’afflux de la lymphe depuis les
sites de dépôts des antigènes jusqu’aux ganglions lymphatiques, où les lymphocy-
tes naïfs seront activés. Enfin, leur capacité d’induire une contraction des muscles
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc 415
Résumé.
Les pathogènes couverts d’anticorps sont reconnus par des cellules accessoires effec-
trices par l’intermédiaire de récepteurs de Fc qui lient les régions constantes (par-
ties Fc) des anticorps couvrant le pathogène. La liaison active la cellule et déclenche
la destruction du pathogène, soit par phagocytose, libération de granules ou les
deux. Les récepteurs de Fc appartiennent à une famille de protéines, dont chacune
reconnaît les immunoglobulines d’un isotype particulier. Les récepteurs de Fc des
macrophages et des neutrophiles reconnaissent les régions constantes des anticorps
de type IgG ou IgA fixés aux pathogènes et induisent l’ingestion et la destruction des
bactéries recouvertes d’IgG et d’IgA. La liaison du récepteur de Fc peut aussi induire
la production d’agents microbicides dans les vésicules intracellulaires du phagocyte.
Les éosinophiles sont importants pour l’élimination des parasites trop grands pour
être ingérés. Ils portent des récepteurs de Fc spécifiques de la région constante des
416 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales
IgG ainsi que des récepteurs de haute affinité pour les IgE. L’agrégation de ces récep-
teurs induit la libération de substances toxiques à la surface du parasite. Les cellu-
les NK, les mastocytes tissulaires et les basophiles sanguins peuvent aussi libérer le
contenu de leurs granules lorsque leurs récepteurs de Fc sont engagés. Le récepteur
de haute affinité pour les IgE est exprimé de manière constitutive sur les mastocytes
et les basophiles et est induit sur les éosinophiles activés. Il est différent des autres
récepteurs de Fc car il peut lier des anticorps monomériques libres, ce qui permet
une réponse immédiate aux pathogènes là où ils ont pénétré dans les tissus. Lorsque
les IgE fixées à la surface d’un mastocyte sont agrégées suite à la liaison de l’antigène,
elles déclenchent la libération de l’histamine et de nombreux autres médiateurs qui
augmentent le flux sanguin dans le foyer infectieux, ce qui permet le recrutement
des anticorps et des cellules effectrices dans ce site. Les mastocytes sont présents en
dessous des surfaces épithéliales de la peau et des tractus respiratoire et digestif, et
l’activation par des substances inoffensives est responsable de nombreux symptô-
mes des réactions allergiques aiguës, comme nous le décrirons dans le Chapitre 13.
Résumé du Chapitre 9.
La réponse immunitaire humorale aux infections implique la production d’anti-
corps par les plasmocytes provenant des lymphocytes B, la fixation de ces anti-
corps sur le pathogène et l’élimination du pathogène par les cellules phagocytaires
et les molécules du système immunitaire humoral. En général, la production d’an-
ticorps nécessite l’aide des cellules T auxiliaires spécifiques d’un peptide cor-
respondant à une partie de l’antigène reconnu par la cellule B. Celle-ci va alors
proliférer et se différencier tout d’abord à la limite entre les deux zones T et B des
tissus lymphoïdes secondaires, ensuite à la limite entre la zone T et la pulpe rouge,
et finalement dans le centre germinatif, où l’hypermutation somatique aboutit à la
diversification des récepteurs. Les cellules B qui fixent l’antigène le plus avidement
sont sélectionnées pour se différencier grâce à un contact continu avec l’antigène
et une présentation des peptides dérivés de l’antigène aux cellules T auxiliaires
du centre germinatif. Ces événements permettent l’augmentation de l’affinité des
anticorps tout au long de la réponse immunitaire, surtout lors d’une exposition
répétée au même antigène. Les cellules T auxiliaires peuvent aussi contrôler la
commutation de classe, permettant la production d’anticorps de différents isoty-
pes, qui se répartissent alors dans les différents compartiments de l’organisme.
Les anticorps IgM sont produits très tôt au cours de la réponse, et jouent un rôle majeur
dans la protection contre les infections de la circulation sanguine, alors que les isoty-
pes plus matures comme les IgG diffusent dans les tissus. Certains pathogènes qui ont
à la fois des déterminants antigéniques hautement répétitifs et expriment des mitogè-
nes qui peuvent activer les cellules B peuvent induire la production d’IgM et de quel-
ques IgG indépendamment de l’aide des cellules T. Ce type d’antigènes est appelé
antigènes TI et les anticorps induits par ces antigènes peuvent fournir une réponse
immunitaire efficace et précoce contre les bactéries. Les IgA polymériques sont pro-
duites dans la lamina propria et transportées à travers les surfaces épithéliales, alors
que les IgE sont fabriquées en petites quantités et se fixent à la surface des mastocy-
tes. Les anticorps qui se fixent avec une haute affinité à des sites critiques des toxi-
nes, des virus ou des bactéries peuvent les neutraliser. Cependant, les pathogènes et
leurs produits sont détruits et éliminés de l’organisme essentiellement grâce à la cap-
ture par les phagocytes et à la dégradation à l’intérieur de ces cellules. Les anticorps
qui couvrent les pathogènes, se fixent aux récepteurs de Fc sur les phagocytes qui peu-
vent alors ingérer et détruire les pathogènes. La liaison des régions C des anticorps aux
récepteurs de Fc des autres cellules induit l’exocytose des médiateurs stockés dans les
granules. Ceci est particulièrement important au cours des infections parasitaires où
les mastocytes exprimant FcεRI et les éosinophiles activés vont libérer des médiateurs
inflammatoires directement à la surface du parasite suite à la fixation de l’antigène sur
les IgE. Les anticorps peuvent aussi déclencher la destruction des pathogènes en acti-
vant le système du complément. Des éléments du complément peuvent opsoniser les
pathogènes, induire ainsi leur capture par les phagocytes, recruter les phagocytes dans
Références 417
Questions.
9.1 Décrivez les conditions requises pour l’activation des cellules B naïves par un
antigène thymodépendant.
9.2 Comparez, en soulignant leurs différences, les cellules B matures, les plasmoblastes
et les plasmocytes quant à leur prolifération, leur sécrétion d’anticorps, leur durée
de vie et leur localisation corporelle.
9.3 Comparez, en soulignant leurs différences, les propriétés et fonctions des anticorps
des classes IgM et IgG.
9.4 Comparez, en soulignant leurs différences, les réponses des cellules B aux deux types
d’antigènes thymo-indépendants.
9.5 Quelle classe d’anticorps active surtout les mastocytes ? Comme le fait-elle
et quelles sont les conséquences ? Contre quel type de pathogène cette classe
d’anticorps est-elle surtout dirigée ? De quelle réaction indésirable cette classe
d’anticorps est-elle responsable ?
9.6 Décrivez deux voies différentes par lesquelles des anticorps autres que des IgM
pourraient être produits contre un antigène polysaccharidique.
9-3 Les cellules T auxiliaires activent les cellules B 9-6 Les plasmocytes sécréteurs d’anticorps se différencient
qui reconnaissent le même antigène. à partir des cellules B activées.
Eskola, J., Peltola, H., Takala, A.K., Kayhty, H., Hakulinen, M., Karanko, V., Kela, Moser, K., Tokoyoda, K., Radbruch, A., MacLennan, I., Manz, R.A.: Stromal niches,
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9-25 L’activation par les IgE des cellules accessoires joue
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421
La dynamique de l’immunité
adaptative 10
Tout au long de ce livre, nous avons examiné les mécanismes individuels par les-
quels les réponses immunitaires innées et adaptatives protègent l’individu des
micro-organismes. Dans ce chapitre, nous allons étudier comment les cellules
et les molécules du système immunitaire fonctionnent en un système de défense
intégré pour éliminer ou contrôler les agents infectieux et comment le système
immunitaire adaptatif fournit une protection immunitaire à long terme. C’est le
premier parmi plusieurs chapitres qui étudiera le fonctionnement du système
dans son ensemble chez un individu en bonne santé ou malade. Le prochain cha-
pitre décrit le rôle et les spécialisations du système immunitaire des muqueuses,
qui forme la ligne de front de la défense contre la plupart des pathogènes. Dans
les chapitres suivants, nous examinerons l’apparition d’anomalies dans la défense
immunitaire et l’apparition de réponses immunitaires indésirables. Nous verrons
également comment la réponse immunitaire peut être manipulée pour le béné-
fice de l’individu.
Au Chapitre 2, nous avons vu comment l’immunité innée entre en jeu au cours
des premières phases de l’infection. Cependant, les pathogènes ont développé
des stratégies qui leur permettent, au moins à certaines occasions, d’échapper aux
mécanismes de défense immunitaire innée et d’établir un foyer infectieux à par-
tir duquel ils peuvent s’étendre. Dans ces circonstances, la réponse immunitaire
innée prépare la scène pour l’induction de la réponse immunitaire adaptative.
Dans la réponse immunitaire primaire, qui se développe contre un pathogène
rencontré pour la première fois, plusieurs jours sont requis pour l’expansion clo-
nale et la différenciation des lymphocytes naïfs en cellules T effectrices et cellu-
les B sécrétrices d’anticorps, comme décrit aux Chapitres 8 et 9. Dans la plupart
des cas, ces cellules et anticorps réussiront à éliminer le pathogène (Fig. 10.1).
Durant cette période, une mémoire immunologique spécifique s’établit. Celle-ci
induit plus rapidement des anticorps spécifiques de l’antigène et des cellules T
effectrices lors des rencontres ultérieures avec le même pathogène, assurant ainsi
une protection de longue durée, souvent, pour toute la vie. La mémoire immu-
nologique est décrite dans la dernière partie du chapitre. Les réponses de type
mémoire diffèrent sur plusieurs points des réponses primaires. Nous discutons
les raisons de ces différences et ainsi de ce qui connu quant au maintien de la
mémoire immunologique.
422 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
Durée de l’infection
Entrée du Pathogène
micro-organisme éliminé
Le processus infectieux peut être divisé en différentes phases (voir Fig. 2.6) ; au
Chapitre 2, nous avons examiné en détail les réactions de l’immunité innée. Ici,
nous considérons à nouveau les diverses phases d’une infection mais en intégrant
la réponse immunitaire adaptative dans l’ensemble du tableau.
Au premier stade de l’infection par un pathogène, un nouvel hôte est exposé aux
particules infectieuses soit provenant d’un individu infecté ou présentes dans l’en-
vironnement. Le nombre, la voie d’entrée, le mode de transmission et la stabilité
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 423
macrophage cellule
dendritique tissulaire
passer de cellule à cellule. Ils le font soit par transmission directe d’une cellule à
une autre, soit par libération dans le liquide extracellulaire et réinfection de cel-
lules adjacentes ou lointaines. Par contre, de nombreux organismes responsables
d’intoxication alimentaire induisent des pathologies sans dissémination tissulaire.
Ils forment un foyer infectieux à la surface épithéliale intestinale. Ils ne causent pas
de pathologie directe, mais sécrètent des toxines qui déclenchent des lésions in
situ ou systémiques si elles réussissent à traverser la barrière intestinale et gagner
la circulation.
La majorité des agents infectieux présente un certain degré de spécificité pour
leur victime, provoquant des maladies uniquement chez une espèce ou quelques
espèces de la même famille. On ne connaît pas les mécanismes qui déterminent
cette spécificité de chaque agent pathogène, mais la fixation à une molécule de
surface particulière est un des facteurs critiques. Pour que le pathogène puisse se
répliquer, d’autres interactions avec les cellules sont nécessaires, ce qui limite le
nombre d’hôtes potentiels. Les recherches sur les mécanismes moléculaires res-
ponsables de cette spécificité s’écartent des thèmes de ce livre ; elles relèvent de la
discipline dite de pathogénie microbienne.
L’immunité adaptative est déclenchée lorsque une infection échappe ou déborde
les mécanismes de défense innée et qu’une quantité critique d’antigène est atteinte
(voir la Fig. 10.1). Les réponses immunitaires adaptatives commencent alors dans
le tissu lymphoïde local, en réponse aux antigènes présentés par des cellules den-
dritiques activées au cours de la réaction immunitaire innée (Fig. 10.2, deuxième
et troisième panneaux). Les cellules T effectrices et les cellules B productrices d’an-
ticorps spécifiques de l’antigène sont produites par expansion clonale et différen-
ciation pendant plusieurs jours comme décrit plus en détail aux Chapitres 8 et 9.
Entre temps, les réactions de l’immunité innée, comme les réponses de phase
aiguë et la production d’interféron (voir Sections 2-28 et 2-29), continuent à fonc-
tionner. Les cellules T spécifiques de l’antigène puis les anticorps sont alors libé-
rés dans le sang et recrutés dans le foyer infectieux (Fig. 10.2, quatrième panneau).
La guérison implique l’élimination des particules infectieuses extracellulaires par
les anticorps et l’élimination des résidus intracellulaires de l’infection par les cel-
Souris (humains) sans immunité lules T effectrices.
innée (PMN–, MAC–)
Après de nombreux types d’infection, il reste peu ou pas de pathologie résiduelle
Nombre de micro-organismes
Souris et humains scid, lorsque la réponse adaptative primaire a été efficace. Cependant, dans certains
RAG–
(PMN+, MAC+, T/B–)
cas, l’infection ou la réponse contre l’infection induit des dommages tissulaires
significatifs. Dans d’autres cas, comme pour l’infection à cytomégalovirus ou à
Mycobacterium tuberculosis, le pathogène est contenu, mais n’est pas éliminé et
peut persister sous forme latente. Si, par la suite, la réponse immunitaire adapta-
tive diminue, comme au cours du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA),
ces pathogènes se manifestent à nouveau, causant des infections systémiques
virulentes. Dans la première partie du Chapitre 12, nous étudierons les stratégies
Souris et
humains normaux utilisées par certains pathogènes pour échapper à l’immunité adaptative ou pour
la tromper, aboutissant ainsi à une infection chronique. En plus d’éliminer l’agent
Durée de l’infection infectieux, une réponse immunitaire adaptative efficace doit empêcher la réin-
fection. Pour certains agents infectieux, cette protection est totale alors que pour
Fig. 10.3 Le déroulement de l’infection chez d’autres, elle est réduite ou atténuée lors d’une nouvelle exposition au pathogène.
les souris normales ou immunodéficientes
et chez l’homme. La courbe rouge montre
On ignore combien d’infections guérissent par la seule intervention des mécanis-
la croissance rapide des micro-organismes mes de l’immunité innée, car de telles infections sont éliminées tôt et produisent
en absence d’immunité innée, lorsque les entre temps peu de symptômes ou de pathologie. Des déficiences dans les défen-
macrophages (MAC) et les polynucléaires ses non adaptatives survenant naturellement sont rares, aussi il difficile d’étudier
(PMN) sont absents. La courbe verte montre
l’évolution de l’infection chez des souris et des leurs conséquences. L’immunité innée semble, cependant, être essentielle pour
patients qui possèdent une immunité innée une protection efficace de l’hôte, comme le montre la progression des infections
mais n’ont pas de lymphocytes T et B et donc chez les souris dépourvues de composants de l’immunité innée mais qui ont un
pas d’immunité adaptative. La courbe jaune
système immunitaire adaptatif intact (Fig. 10.3). L’immunité adaptative est aussi
montre le cours normal de l’infection chez
des souris ou des patients avec un système essentielle, comme le montrent les syndromes d’immunodéficience associés à des
immunitaire normal. déficience en divers composants de la réponse immunitaire adaptative.
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 425
site d’une infection débutante. Les cellules T CD4 qui acquièrent le phénotype TH17 En absence Au début
ne sont pas les seules cellules qui produisent de l’IL-17 en réponse aux infections. On d’infection, les cellules d’une infection, les
a montré que les cellules T CD8 produisaient également en abondance l’IL-17. dendritiques produisent cellules dendritiques
surtout du TGF-𝛃 expriment des taux
Des cytokines ont aussi une influence en prévenant les réponses inopportunes du et peu d’IL-6 élevés d’IL-6
système immunitaire envers des antigènes du soi ou envers les micro-organismes pathogènes
commensaux occupant normalement notre organisme. Même en absence d’in- cellule
dendritique
fection, les cellules dendritiques captent des antigènes du soi et de l’environne-
ment et finalement les transportent dans les tissus lymphoïdes secondaires, où
elles peuvent rencontrer des cellules T naïves spécifiques de l’antigène. Des méca- TGF-β élevé TGF-β élevé
nismes régulateurs empêchent des réactions potentiellement nocives du système IL-6, IL-23 basses IL-6, IL-23 élevées
immunitaire. Les signaux pro-inflammatoires habituels ne sont pas présents et les cellule cellule
cellules dendritiques ne sont pas activées ; au contraire, elles semblent générer T CD4 T CD4
naïve naïve
activement une tolérance aux antigènes que les cellules T rencontrent (Fig. 10.4,
panneaux de gauche). Ces cellules dendritiques produisent la cytokine TGF-β, et
non les autres cytokines qui peuvent affecter la différenciation des cellules T CD4. Dans ces conditions,
Le TGF-β à lui seul inhibe la prolifération et la différenciation des cellules TH17, TH1 Des cellules T CD4
les cellules T CD4
naïves répondent
et TH2, et lorsqu’une cellule T CD4 naïve rencontre son complexe peptide:CMH activées expriment
en exprimant ROR𝛄t
FoxP3 et acquièrent
spécifique en présence de TGF-β, il acquiert le phénotype d’une cellule T régula- un phénotype
et deviennent
trice, c’est-à-dire capable d’inhiber l’activation des autres cellules T. Les cellules T des cellules TH17
régulateur
régulatrices induites de cette façon en dehors des organes lymphoïdes centraux
sont appelées cellules régulatrices adaptatives et certaines expriment le facteur FoxP3+ Treg RORγt+
de transcription FoxP3 (voir la Section 8-20). Les cellules régulatrices, en théorie,
ne devraient pas être spécifiques des antigènes du pathogène, qu’elles n’ont pas
encore rencontrés, mais devraient être plutôt spécifiques d’antigènes du soi ou de TH17
peptides de micro-organismes commensaux. D’autres cellules T CD4 régulatrices inhibe
exprimant FoxP3 acquièrent leur phénotype régulateur dans le thymus ; elles sont
en général appelées cellules T régulatrices naturelles (voir la Section 7-18).
TH1 T H2
Les voies réciproques du développement des cellules TH17 et des cellules T régula-
trices semblent être basées sur un système ancien sur le plan de l’évolution de l’ac-
tivation et de l’inactivation, car des protéines similaires au TGF-β et à l’IL-17 sont Fig. 10.4 Au début d’une infection, la
différenciation des cellules T CD4 naïves
présentes chez les invertébrés qui ont un système immunitaire intestinal primitif. passe d’un programme de régulateur à
Ceci suggère que la dichotomie entre les cellules TH17 et les cellules T régulatrices celui de TH17. L’équilibre entre la production
est liée largement au maintien d’un équilibre lymphocytaire dans les tissus exposés du TGF-β et de l’IL-6 intervient pour induire
à un grand nombre de pathogènes potentiels, comme les muqueuses intestinale et soit le facteur de transcription FoxP3, qui est
caractéristique des cellules T régulatrices,
pulmonaire, où une réponse rapide à l’infection est critique. Par exemple, les cel- ou RORγt (un membre « orphelin » de la
lules T productrices d’IL-17 jouent un rôle important chez les souris qui résistent famille des récepteurs nucléaires), qui est
aux infections pulmonaires par des bactéries Gram-négatives comme Klebsiella caractéristique des cellules TH17. En absence
d’infection, la production de TGF-β par les
pneumoniae. Les souris sans récepteur d’IL-17 sont significativement plus suscep-
cellules dendritiques domine, alors que
tibles à l’infection pulmonaire par ce pathogène que des souris normales, et elles la production d’IL-6 est basse. Dans ces
montrent une production diminuée de G-CSF et de CXCL2 avec un recrutement conditions, les cellules T qui rencontrent
médiocre des neutrophiles dans les poumons infectés. Les cellules TH17 augmen- leur antigène se mettent à exprimer FoxP3
et acquièrent un phénotype essentiellement
tent aussi la résistance au nématode intestinal Nippostrongylus brasiliensis. Cet régulateur, tandis que celles qui ne rencontrent
effet semble être dû à l’induction ou au recrutement par l’IL-17E d’une population pas d’antigène restent naïves. Au début de
de leucocytes non T non B, peut-être similaires aux basophiles, qui sécrètent les l’infection, les cellules dendritiques produisent
cytokines TH2, IL-4, IL-5 et IL-13. Ces cytokines, particulièrement l’IL-13, amélio- rapidement de l’IL-6, avant la production d’autres
cytokines comme l’IL-12 ; dans ces conditions,
rent la résistance à N. brasiliensis, par exemple, en induisant son expulsion de l’in- les cellules T naïves commencent à exprimer
testin et en augmentant la production de mucus (voir Chapitre 11). RORγt et deviennent des cellules TH17. Les
cytokines produites par cette sous-population
de cellules T, l’IL-17 et l’IL-17F, agissent sur
10-4 Les cytokines produites durant les stades plus tardifs d’une infection des cellules, par exemple un épithélium, et
leur font sécréter des chimiokines qui attirent
orientent la différenciation des cellules T CD4 vers un statut TH1 ou TH2. des cellules inflammatoires comme les
neutrophiles.
Les cellules TH1 et TH2 furent les premières sous-populations effectrices CD4 à être
identifiées et analysées ; cependant, comme nous venons de le voir, elles ne sont
pas les premières à être générées en réponse aux pathogènes. Les réponses nette-
ment polarisées TH1 ou TH2 se développent durant des infections prolongées ou
chroniques, lorsque l’élimination complète du pathogène requiert les activités
effectrices spécialisées de ces sous-populations de cellules T. Avec la progression
428 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
L’importance des TLR dans l’induction de la production d’IL-12 par les cellules
dendritiques a été montrée chez les souris déficientes en une protéine adaptatrice
MyD88, un composant d’une voie de signalisation intracellulaire activée par la sti-
mulation de certains TLR (voir la Section 6-27). Les souris déficientes en MyD88
ne survivent pas à une infection par T. gondii, qui normalement suscite une forte
réponse TH1. Les cellules dendritiques et d’autres cellules des souris dépourvues
de MyD88 ne peuvent produire l’IL-12 en réponse aux antigènes du parasite, et les
animaux ne peuvent développer une réponse TH1 (Fig. 10.6).
L’orientation TH2 induite par un pathogène est moins bien comprise, et fait l’ob-
jet de recherches intensives. Beaucoup de ce que nous connaissons à propos du
contrôle exercé par l’immunité innée sur la réponse immunitaire adaptative est
basé sur des pathogènes qui entraînent des réponses TH1. Ces pathogènes activent
la production de cytokines comme l’IFN-γ et l’IL-12 par les voies de signalisation
des TLR. Pour les réponses TH2, les mécanismes liant l’immunité innée à l’induc-
tion des réponses adaptatives TH2 sont moins évidents et quelque peu controver-
sés. Les cellules T CD4 naïves activées en présence d’IL-4, spécialement lorsque
l’IL-6 est aussi présente, tendent à se différencier en cellules TH2 (voir Fig. 10.5,
panneaux de droite). Certains pathogènes, comme les helminthes et d’autres para-
sites extracellulaires, induisent systématiquement le développement de réponses
TH2, et le font d’une manière qui requiert la signalisation IL-4 et les voies de déve-
loppement des TH2 décrites au Chapitre 8. On ignore encore comment ces patho-
gènes sont détectés par le système immunitaire et stimulent la transmission de
signaux inducteurs de TH2. Une possibilité serait que de tels pathogènes ne pour-
raient induire la production d’IL-12 et d’IFN-γ, les petites quantités d’IL-4 produites
par certaines cellules devenant alors le facteur dominant dans l’environnement.
Fig. 10.6 Une infection peut déclencher
La source d’IL-4 qui déclenche la réponse TH2 primaire n’a pas non plus été identi- la polarisation TH1 par les voies de
signalisation passant par des récepteurs
fiée. Une fois différenciées, les cellules effectrices TH2 elles-mêmes sont une source de type Toll. La protéine adaptatrice MyD88
d’IL-4, qui amplifie le développement de cellules TH2 (voir la Section 8-19), mais est un composant clé de la signalisation à
cette cytokine peut être produite par d’autres cellules en plus des cellules T conven- partir du récepteur de type Toll. Le protozoaire
tionnelles, par exemple par les cellules T NK (voir la Section 2-34) ; de telles sources parasite Toxoplasma gondii a été inoculé par
voie intrapéritonéale à des souris normales
pourraient contribuer au développement initial des TH2 (voir Fig. 10.5). Les mas- et des souris déficientes en MyD88 (panneau
tocytes sont aussi de puissants producteurs d’IL-4 après stimulation et peuvent de gauche). Cinq jours après l’infection, chez
migrer dans les organes lymphoïdes périphériques, ce qui en fait des sources pré- les souris dépourvues de MyD88, le taux
coces potentielles d’IL-4. D’autres observations indiquent que certains ligands de plasmatique d’IL-12 était fortement réduit en
comparaison de celui des souris normales
TLR pourraient susciter des signaux dans les cellules dendritiques qui les condui- (panneau du milieu). De plus, les cellules
sent à produire des cytokines favorisant le développement TH2 plutôt que TH1. Les dendritiques de la rate de ces animaux ne
cellules dendritiques produisent plus d’IL-10 et moins d’IL-12 lorsqu’elles sont sti- produisaient pas d’IL-12 lorsqu’elles étaient
stimulées par des antigènes de T. gondii. Les
mulées par certains ligands de TLR-2, entre autres des lipoprotéines et des pep-
souris déficientes en MyD88 étaient aussi
tidoglycans bactériens, ainsi que le zymosan, un polysaccharide de la paroi des incapables de produire une réponse IFN-γ
levures, plutôt que par d’autre ligands des TLR. Ces ligands pourraient dès lors significative (panneau du milieu) ainsi qu’une
favoriser le développement TH2. Finalement, des observations récentes suggèrent réponse TH1 à l’infection, et sont mortes
environ 2 semaines après l’infection (panneau
que les cellules dendritiques peuvent produire des ligands pour le récepteur pro- de droite). Au contraire, les souris normales ont
téique Notch sur les cellules T, et que la signalisation Notch augmente la produc- produit une forte réponse IL-12, IFN-γ et TH1,
tion d’IL-4 par des cellules T naïves, favorisant à nouveau le développement TH2. ont contrôlé l’infection et ont survécu.
100
Pourcentage de survie
Les diverses sous-populations de cellules T CD4, les Treg, TH17, TH1 et TH2, exercent
chacune des fonctions très différentes. Les cellules Treg maintiennent la tolérance et
limitent l’immunopathologie, tandis que les cellules TH17 amplifient l’inflamma-
tion aiguë dans les sites de l’infection débutante. Les cellules TH1 sont cruciales pour
l’immunité cellulaire basée sur les phagocytes, et fournissent aussi une aide à la pro-
Fig. 10.7 Chaque sous-population de
cellules T CD4 produit des cytokines
duction d’anticorps. Les cellules TH2 sont associées à une réponse productrice de
qui peuvent réguler négativement le taux élevés d’anticorps neutralisants (IgG et IgA), ou d’IgE avec activation des masto-
développement de l’activité effectrice cytes. Ce type de réponse contribue à l’immunité contre les parasites en augmentant
des autres sous-populations. En la production de mucus par les épithéliums, ce qui crée une barrière à la colonisa-
absence d’infection, dans des conditions
homéostatiques, le TGF-β produit par
tion, et en favorisant leur expulsion du corps.
des cellules Treg peut inhiber l’activation Nous avons déjà vu comment les cellules TH17 sont induites par la présence simul-
des cellules T naïves, prévenant ainsi le
développement d’une réponse TH17, TH1 ou TH2 tanée de l’IL-6 et du TGF-β au début de l’infection (voir la Section 10-3). Cependant,
(panneaux supérieurs). Durant une infection, lorsque l’IFN-γ (produit typiquement par les cellules TH1) ou l’IL-4 (produit typi-
les cellules TH17 sont les premières à émerger quement par les cellules TH2) sont également présents, le TGF-β et l’IL-6 ne peu-
en réponse à l’IL-6 produite par des cellules vent générer efficacement les cellules TH17, car il semble que les signaux transmis
dendritiques. Pendant que la réponse TH17
par l’IFN-γ et l’IL-4 dominent sur ceux produits par le TGF-β et l’IL-6, et favorisent
se développe, les cellules T régulatrices sont
régulées à la baisse et la quantité de TGF-β le développement soit TH1 ou TH2. Aussi, lorsque les cellules TH1 ou TH2 émergent
dans l’environnement diminue. Une fois que les et commencent à produire leurs cytokines, la réponse précoce TH17 est inhibée
cellules TH1 ou TH2 émergent, leurs cytokines (Fig. 10.7).
inhibent le développement des TH17 (panneau
central inférieur) et inhibent réciproquement Il existe aussi une régulation croisée entre les cellules TH1 et TH2. L’IL-10, qui est
leur activité. Les cellules TH2 produisent de produite par les cellules TH2, peut inhiber le développement des cellules TH1
l’IL-10, qui peut agir sur les macrophages et en supprimant la production de l’IL-12 par les cellules dendritiques, tandis que
inhiber ainsi leur activation par les TH1 peut-
être en bloquant la synthèse d’IL-12 par les
l’IFN-γ, un produit des cellules TH1, peut empêcher la production des cellules TH2
macrophages, et le TGF-β, qui agit directement (voir Fig. 10.7). Si une sous-population particulière de cellules T CD4 est activée
sur les cellules TH1 pour inhiber leur croissance d’abord ou préférentiellement, elle peut donc supprimer le développement de
(panneaux de gauche). Les cellules TH1 l’autre sous-population. L’effet global est que certaines réponses, spécialement les
produisent l’IFN-γ, qui bloque la croissance des réponses chroniques, sont finalement dominées par une réponse soit TH2 ou TH1,
cellules TH2 (panneaux de droite). Ces effets
permettent à une sous-population de dominer et une fois qu’une sous-population prend le dessus, il est souvent difficile de com-
en supprimant la croissance des cellules de muter cette réponse en une autre. Toutefois, dans de nombreuses infections, la
l’autre sous-population. réponse peut être mixte, à la fois TH1 et TH2.
Les cellules TH2 activées sécrètent Les cellules Treg suppriment l’activation Les cellules TH1
du TGF-𝛃 et de l’IL-10 et le développement des cellules T naïves sécrètent de l’IFN-𝛄
L’IL-10 et le TGF-𝛃 inhibent l’activation L’IL-4 ou l’IFN-𝛄 peuvent inhiber L’IFN-𝛄 inhibe la prolifération
et la croissance de cellules TH1 le développement des cellules TH17 des cellules TH2
IL-10
TGF-β IFN-γ
IL-4 IFN-γ
TH17
T H1 TH 2
RORγt
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 431
Les cellules T NK, une classe de lymphocytes de type inné, pourraient aussi réguler
l’équilibre entre les cellules TH1 et TH2 en favorisant l’orientation TH2 (voir Fig. 10.5).
De nombreuses cellules T NK expriment CD4, mais certaines sont dépourvues de
CD4 et CD8 (voir la Section 7-9). Ces cellules expriment le marqueur de surface cel-
lulaire NK1.1 normalement associé aux cellules NK, mais ont un récepteur α:β de cel-
lule T, qui utilise une chaîne α restreinte presqu’invariante composée de Vα14–Jα28
chez les souris et des segments géniques équivalents, Vα24–Jα18, chez l’homme (voir
la Section 5-19). Le développement des cellules T NK dans le thymus dépend non
pas de l’expression des molécules du CMH de classe I ou de classe II mais bien des
molécules du CMH de classe IB appelées protéines CD1 (voir la Section 5-19), qui
sont exprimées dans le thymus et se lient à des lipides du soi.
L’expression de protéines CD1 dans des tissus en dehors du thymus peut être induite
par une infection, et elles peuvent présenter des lipides microbiens aux cellules T.
Au moins certaines cellules T NK reconnaissent des antigènes glycolipidiques spé- Des souris BALB/c sont infectées
cifiques présentés par CD1d. Lorsqu’elles sont activées, les cellules T NK sécrètent par Leishmania major, avec ou sans traitement
de grandes quantités d’IL-4 et d’IFN-γ et peuvent constituer une source initiale de par un anticorps qui bloque l’IL-4
cytokines qui polarisent la réponse des cellules T, particulièrement dans la direction
Leishmania
des cellules TH2. Les cellules T NK ne sont pas les seules cellules T qui reconnaissent major
les antigènes présentés par les molécules CD1. CD1b présente un lipide bactérien,
l’acide mycolique aux cellules T α:β, et d’autres molécules CD1 sont reconnues par souris
les cellules T γ:δ. BALB/c
Les lymphocytes tueurs de l’immunité innée, les cellules NK, peuvent contribuer
au développement TH1 (voir Fig. 10.5). Normalement, on ne trouve pas de cellules anticorps Leishmania
anti-IL-4 major
NK dans les ganglions lymphatiques, mais l’injection à des souris de certains adju-
vants, ou de cellules dendritiques matures, peut induire leur recrutement dans les souris
ganglions lymphatiques par l’expression sur la cellule NK du récepteur de chimio- BALB/c
kine CXCR3. Comme les cellules NK produisent abondamment de l’IFN-γ, mais peu
d’IL-4, elles peuvent intervenir dans les ganglions lymphatiques durant les infec- Les souris BALB/c non traitées développent
tions et favoriser le développement des cellules TH1. une réponse TH2, ne guérissent pas et meurent.
Les souris traitées par l’anticorps anti-IL-4
Les interactions entre cytokines dans la différenciation des cellules T CD4 et bien sûr développent une réponse TH1 et rejettent le parasite
dans l’ensemble de la réponse immunitaire jouent un rôle majeur dans les maladies
humaines, comme l’indiquent les études qui montrent que l’assortiment de cyto- Pourcentage
de survie
kines présentes peut varier entre différentes maladies et entre individus avec une souris traitées par l’anticorps anti-IL-4
maladie donnée et entre des individus infectés mais asymptomatiques. Les effets 100
des cytokines sur la différenciation des cellules T CD4 in vivo sont difficiles à étu-
dier chez l’homme. Aussi, les liens entre l’action des cytokines et la maladie ont été
explorés surtout dans des modèles murins, qui rendent l’étude des réponses polari-
sées plus facile.
Par exemple, les souris BALB / c sont génétiquement sensibles à l’infection par le pro- souris non traitées
tozoaire parasite Leishmania major, qui requiert une réponse TH1 pour être éliminé.
Lorsqu’elles sont infectées expérimentalement, leurs cellules T CD4 ne peuvent se 0
0 20 40 60 80
différencier en cellules effectrices TH1 ; la réponse est de type TH2. L’incapacité de sti- Jours après l’infection
muler l’activité inhibitrice des macrophages sur la croissance de Leshmania rend ces
souris très sensibles à la maladie. Au contraire, les souris C57BL / 6 répondent en pro-
duisant des cellules TH1, qui les protègent en stimulant l’activité lytique des macro- Fig. 10.8 Le développement des sous-
phages sur L. major. Cette différence génétique dans la réponse immunitaire semble populations CD4 peut être réorienté par
résulter d’une population de cellules mémoire spécifiques d’antigènes intestinaux l’apport de cytokines qui interviennent aux
premiers stades de l’infection. L’élimination
qui réagissent de manière croisée avec un antigène, LACK (Leishmania Analog of
d’une infection par le protozoaire parasite
the receptors of activated C Kinase), exprimé par le parasite. Pour des raisons incon- intracellulaire Leishmania major requiert une
nues, ces cellules mémoire produisent de l’IL-4 chez les souris BALB / c mais pas réponse TH1, car l’IFN-γ est nécessaire à
chez les souris C57BL / 6. Chez les souris BALB / c, l’IL-4 sécrétée par ces cellules l’activation des macrophages qui assurent la
durant l’infection par Leishmania oriente les nouvelles cellules T CD4 spécifiques protection. Les souris BALB / c sont sensibles
à L. major parce leur réponse au pathogène
de Leishmania vers le statut TH2, ce qui entraîne la mort par incapacité d’éliminer le est de type TH2. En effet, elles produisent de
pathogène. L’activation préférentielle des cellules TH2 par rapport aux cellules TH1 l’IL-4 au début de l’infection, ce qui oriente
chez les souris BALB / c peut être inversée si l’IL-4 est bloquée pendant les premiers les cellules T naïves vers la lignée TH2 (voir le
jours de l’infection par l’injection d’anticorps anti-IL-4, mais ce traitement est ineffi- texte). L’administration d’un anticorps anti-IL-4
cace après environ une semaine d’infection, ce qui démontre l’importance cruciale à des souris BALB / c au début de l’infection
inhibe l’IL-4 et prévient la dérive des cellules T
de l’exposition précoce aux cytokines pour le choix des orientations par les cellules T naïves vers la lignée TH2, et ces souris
naïves (Fig. 10.8). développent alors une réponse TH1 protectrice.
432 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
Il est parfois possible de changer l’équilibre entre cellules TH1 et TH2 par l’adminis-
tration de cytokines appropriées. L’IL-2 et l’IFN-γ ont été utilisées pour stimuler
Cellule T naïve l’immunité cellulaire dans des maladies comme la lèpre lépromateuse, ce qui peut
causer à la fois une résolution locale de la lésion et un changement systémique dans
les réponses des cellules T.
Les cellules T CD8 sont aussi capables de réguler la réponse immunitaire en produi-
CD45RA sant des cytokines. Les cellules T CD8 effectrices peuvent, en plus de leur fonction
cytotoxique habituelle, répondre à l’antigène en sécrétant des cytokines caractéristi-
ques des cellules TH1 ou des cellules TH2. Ces cellules T CD8, appelées TC1 ou TC2 par
analogie aux sous-populations TH, semblent être responsables du développement de
sélectine L
la lèpre sous forme lépromateuse plutôt que tuberculoïde. Comme nous l’avons vu
au Chapitre 8, la lèpre lépromateuse est due à une prédominance de la réponse TH2,
CD34 qui ne peut éliminer les bactéries. Les patients atteints de la forme tuberculoïde, la
moins destructrice de la lèpre, produisent des cellules TC1, dont les cytokines indui-
sent les cellules TH1 et activent les macrophages pour qu’ils éliminent les bacilles
de la lèpre. Les patients atteints de la lèpre lépromateuse ont des cellules T CD8 qui
suppriment la réponse TH1 en produisant de l’IL-10 et du TGF-β. L’expression de ces
HEV du ganglion lymphatique
cytokines pourrait expliquer l’inhibition des cellules T CD4 par les cellules T CD8,
qui a été observée dans diverses situations.
Cellule T effectrice
Une autre facteur qui influence la différenciation des cellules T CD4 en sous-popu-
lations effectrices distinctes est la quantité et la séquence du peptide antigénique
qui suscite la réponse. De grandes quantités de peptides, qui sont présentés en forte
densité à la surface de la cellule présentatrice d’antigènes, ou des peptides qui inte-
CD45RO ragissent fortement avec le récepteur de cellule T, tendent à stimuler des réponses
TH1, tandis qu’une faible densité du peptide ou des peptides qui se lient faiblement
tend à induire des réponses TH2. Ces effets ne semblent pas dus à des différences
dans la signalisation passant par le récepteur de cellule T, mais dépendraient de
LFA-1 VLA-4
changements dans l’équilibre général des cytokines différentes produites par les cel-
lules impliquées dans l’activation des cellules T naïves.
ICAM-1 VCAM-1
De telles différences pourraient être importantes dans certaines circonstances. Par
exemple, l’allergie est causée par la production d’anticorps IgE, ce qui requiert des
taux élevés d’IL-4, mais ne survient pas en présence d’IFN-γ, un inhibiteur puis-
sant de la commutation dirigée par l’IL-4 vers la classe IgE. Les antigènes qui indui-
Endothélium vasculaire périphérique activé sent une allergie dépendant de l’IgE atteignent l’organisme en général en très faibles
doses et suscitent une réponse TH2 productrice d’IL-4 et non d’IFN-γ. Il faut aussi
relever le fait que les allergènes ne suscitent aucune des réponses immunitaires
Fig. 10.9 Les cellules T effectrices changent innées connues, qui en général produisent des cytokines qui tendent à biaiser la
de molécules de surface afin de pouvoir différenciation des cellules T CD4 vers les cellules TH1. Finalement, les allergènes
migrer dans les foyers infectieux. Les
cellules T naïves migrent dans les ganglions
arrivent chez l’homme à dose très faible à travers une muqueuse fine, comme celle
lymphatiques grâce à la liaison de la des poumons. Quelque chose à propos de cette voie de sensibilisation permet l’in-
sélectine L aux glucides sulfatés de différentes duction de réponses TH2 même contre des générateurs puissants de réponses TH1
protéines comme CD34 et GlyCAM-1 des comme L. major.
veinules à endothélium élevé (HEV, panneau
supérieur). Lorsqu’elles rencontrent leur
antigène et se différencient en cellules T
effectrices, celles-ci cessent d’exprimer la
10-6 Les cellules T effectrices sont guidées dans les foyers infectieux
sélectine L, quittent le ganglion lymphatique par des chimiokines et des molécules d’adhérence nouvellement
après 4 ou 5 jours et commencent à exprimer exprimées.
l’intégrine VLA-4 ainsi qu’une densité plus
forte de LFA-1. Celles-ci se fixent à VCAM-1
et ICAM-1 de l’endothélium vasculaire L’activation complète des cellules T naïves prend 4-5 jours et s’accompagne de chan-
périphérique dans les sites d’inflammation gements marqués dans l’écotaxie de ces cellules. Les cellules T CD8 effectrices doi-
(panneau inférieur). En acquérant le statut vent quitter le tissu lymphoïde périphérique dans lequel elles ont été activées, pour
d’effecteur, les cellules T modifient aussi aller attaquer et détruire les cellules infectées. Les cellules T CD4 effectrices de
l’épissage de l’ARNm codant la molécule
membranaire CD45. L’isoforme CD45RO type TH1 peuvent aussi quitter les tissus lymphoïdes pour activer les macrophages
exprimée par les cellules T effectrices perd dans le foyer infectieux. La plupart des cellules T effectrices cessent de produire la
un, ou plusieurs, des exons qui codent le sélectine L, qui permettait leur localisation dans les ganglions lymphatiques, tan-
domaine extracellulaire de l’isoforme CD45RA dis que l’expression d’autres molécules d’adhérence augmente (Fig. 10.9). Un chan-
exprimée par les cellules T naïves et, d’une
gement important est l’augmentation marquée de l’expression de l’intégrine α4:β1,
façon ou d’une autre, augmente la sensibilité
des cellules T effectrices pour leur antigène aussi appelée VLA-4. Cette molécule se lie à la molécule d’adhérence VCAM-1, un
spécifique. membre de la superfamille des immunoglobulines, dont l’expression est induite à
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 433
L’IL-23 et l’IL-12 amplifient respectivement les activités des cellules TH17 et TH1.
Comme beaucoup d’autres cytokines, elles agissent par la voie de signalisation
intracellulaire, JAK–STAT (voir Fig. 6.30). La signalisation par l’IL-23 active les fac-
teurs de transcriptions STAT1, STAT3 et STAT5, mais n’active STAT4 que très faible-
ment. Au contraire, l’IL-12 active STAT1 et STAT3 et active fortement STAT4. L’IL-23
n’oriente pas les cellules T naïves CD4 vers le statut TH17, mais stimule leur expan-
sion. De nombreuses réponses in vivo qui dépendent de l’IL-17 sont diminuées en
cas d’absence d’IL-23. Par exemple, des souris déficientes en la sous-unité p19 pro-
pre à l’IL-23 montre une production diminuée de l’IL-17A et de IL-17F dans les pou-
mons après infection par Klebsiella pneumoniae. Des cellules TH1 de souris guéries
d’une infection par L. major sont transférées
Les souris dépourvues de la sous-unité p40, commune à l’IL-12 et à l’IL-23, sont chez des souris déficientes en RAG2
déficientes en IL-23 et IL-12. Ce fait a causé une certaine confusion avant qu’on ne ou p40 auxquelles on inocule L. major
réalise le rôle particulier de l’IL-23 dans l’activité des TH17. Par exemple, on pensait cellules TH1
que l’inflammation du cerveau dans l’encéphalomyélite auto-immune expérimen- Leishmania
tale (EAE) chez les souris était due à l’IFN-γ et aux cellules TH1. Cette interprétation major
était basée sur une étude de souris déficientes en p40 ne montrant pas d’inflam-
mation cérébrale dans l’EAE. Cependant, les souris déficientes en p35 ne produi-
sent pas d’IL-12, mais produisent bien l’IL-23 et sont susceptibles à l’EAE. Il fallait en souris RAG–/–
conclure que l’inflammation du cerveau dans l’EAE est largement la conséquence
TH1 cells
de l’activité de l’IL-17 et des cellules TH17.
Leishmania
L’IL-12 régule l’activité effectrice des cellules TH1 dans les foyers infectieux, mais major
d’autres cytokines, comme l’IL-18, peuvent aussi être impliquées. Les études de
deux pathogènes différents ont montré que la différenciation initiale des cellu-
souris p40–/–
les TH1 n’est pas suffisante pour une protection efficace, et que des signaux continus
sont requis. Des souris déficientes en p40 résistent à l’infection initiale par T. gondii
tant que l’administration d’IL-12 continue. Lorsque l’IL-12 est administrée durant Les cellules TH1 protègent les souris déficientes
les deux premières semaines de l’infection, les souris déficientes en p40 survivent à en RAG2, mais chez les souris sans la sous-unité
l’infection initiale, mais il s’établit une infection latente chronique caractérisée par p40 de l’IL-12 le parasite se multiplie progressivement
des kystes contenant le pathogène. Si l’on suspend alors l’administration d’IL-12,
les kystes latents se réactivent progressivement et les animaux meurent d’encépha- Taille de la
lésion (mm)
lite toxoplasmique. La production d’IFN-γ par les cellules T spécifiques du patho-
gène diminuait en absence d’IL-12, mais pouvait être restaurée par l’administration 6
d’IL-12. De même, le transfert adoptif de cellules TH1 différenciées de souris gué-
ries d’une infection par L. major protège des souris déficientes en RAG et infectées
par L. major, mais ne peuvent protéger des souris déficientes en p40 (Fig. 10.12). 3
L’ensemble de ces expériences suggèrent que des cellules TH1 continuent à répondre
aux signaux durant une infection, et qu’une production continue d’IL-12 est néces-
saire au maintien de l’efficacité des cellules TH1 différenciées, du moins, contre cer-
tains pathogènes. 0
0 2 4 6 8
Semaines après l’infection
10-8 Les réponses primaires des cellules T CD8 aux pathogènes peuvent
avoir lieu en absence d’aide CD4. Fig. 10.12 L’IL-12 est requise de manière
continue pour résister aux pathogènes par
De nombreuses réponses des cellules T CD8 requièrent une aide des cellules T CD4 une réponse TH1. Les souris guéries d’une
(voir la Section 8-18). C’est typiquement le cas lorsque l’antigène reconnu par les infection par Leishmania major et qui ont produit
cellules T CD8 provient d’un agent qui ne cause pas d’inflammation lors de l’in- des cellules TH1 spécifiques du pathogène ont
procuré des cellules T qui furent transférées
fection initiale. Dans de telles circonstances, l’aide des cellules T CD4 est requise à des souris déficientes en RAG2, qui sont
pour activer les cellules dendritiques et les rendre capables de stimuler une réponse dépourvues de cellules T et cellules B et ne
CD8 complète de cellules T ; la cellule présentatrice d’antigène reçoit ainsi le « droit peuvent contrôler l’infection par L. major mais
d’exercer » (licensing) (voir la Section 8-7). Ce droit implique l’induction de molécu- peuvent produire de l’IL-12, ou chez des souris
les costimulatrices comme B7, CD40 et 4-1BBL sur la cellule dendritique, qui peut ne produisant pas p40 et donc pas d’IL-12.
Lors d’une infection des souris déficientes en
alors transmettre des signaux qui activent complètement les cellules T CD8 naïves RAG2, les lésions ne se sont pas développées
(voir Fig. 8.28). L’attribution de ce droit impose l’exigence d’une double reconnais- en raison de l’immunité conférée par le transfert
sance de l’antigène par le système immunitaire à la fois celle des cellules T CD4 et adoptif des cellules TH1. Cependant, malgré
des CD8, ce qui constitue une sauvegarde utile contre l’auto-immunité. Cette recon- le fait que les cellules transférées étaient déjà
différenciées en cellules TH1, elles n’ont pas
naissance double s’observe également dans la coopération entre cellules T et cellu-
conféré de résistance aux souris déficientes en
les B pour la production des anticorps (voir Chapitre 9). Cependant, un tel soutien p40 chez lesquelles une source continue d’IL-12
n’est pas nécessaire pour toutes les réponses des cellules T CD8. n’était pas présente.
436 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
CTL IFN-γ
CTL
Une seconde voie d’activation des cellules T CD8 indépendante de l’aide des cellu-
les T est aussi indépendante de l’antigène. Des cellules T CD8 naïves non spécifi-
ques de l’antigène peuvent être activées par l’IL-12 et l’IL-18 très tôt au cours d’une
infection par un effet de voisinage, et produire des cytokines comme l’IFN-γ qui
contribuent à la progression de la réponse immunitaire (voir Fig. 10.13). Des sou-
ris infectées par L. monocytogenes ou B. pseudomallei répondent rapidement par
une forte production d’IFN-γ, essentielle à leur survie. La source de cet IFN-γ sem-
ble être à la fois les cellules NK de l’immunité innée et des cellules T CD8 naïves,
qui commencent à le sécréter dans les premières heures après l’infection. On consi-
dère que cette réaction est trop précoce pour qu’une expansion significative des cel-
lules T CD8 spécifiques du pathogène puisse l’expliquer ; les cellules spécifiques de
l’antigène sont trop peu nombreuses pour intervenir de cette manière et, à ce stade,
les cellules TH1 pouvant soutenir l’activation des cellules T CD8 n’ont pas encore eu
le temps de se différencier. La production d’IFN-γ par les cellules NK et les T CD8 à
ce stade précoce peut être bloquée expérimentalement par des anticorps anti-IL-12
et anti-IL-18, ce qui suggère la responsabilité de ces cytokines. La source de l’IL-12 et
de l’IL-18 n’a pas été identifiée dans cette expérience, mais on sait que ces cytokines
sont produites par des macrophages et des cellules dendritiques en réponse à une
activation par les TLR. Ces expériences indiquent que les cellules T CD8 naïves peu-
vent contribuer de manière non spécifique à une sorte de défense innée, ne requé-
rant pas de cellules T CD4, en réponse à des signaux précoces d’infection.
La migration hors des tissus lymphoïdes est importante pour les actions effectri-
ces des cellules T CD8 cytotoxiques spécifiques d’antigène, des cellules TH17 et TH1.
Cependant, une autre fonction effectrice importantes des cellules T auxiliaires CD4+,
tant TH1 que TH2, dépend de leurs interactions avec les cellules B et ces interactions
se produisent dans les tissus lymphoïdes eux-mêmes. Les cellules B spécifiques d’un
antigène protéique ne peuvent pas proliférer, former des centres germinatifs ou se
différencier en plasmocytes avant de rencontrer une cellule T auxiliaire spécifique
d’un des peptides dérivés de cet antigène. Les réponses immunitaires humorales
aux antigènes protéiques ne peuvent donc se développer qu’avec l’aide des cellu-
les T auxiliaires spécifiques de l’antigène.
Une des questions les plus intéressantes en immunologie est de savoir comment
deux lymphocytes spécifiques du même antigène, la cellule B naïve ayant reconnu
l’antigène et la cellule T auxiliaire effectrice, se rencontrent pour déclencher une
réponse anticorps dépendante des cellules T. Comme nous l’avons appris dans le
Chapitre 9, la réponse semble être le trajet suivi par les cellules B au cours de leur
migration à travers les tissus lymphoïdes et la présence des cellules T auxiliaires sur
cette voie (Fig. 10.14). Si les cellules B qui ont reconnu leur antigène spécifique dans
la zone T des organes lymphoïdes périphériques reçoivent des signaux spécifiques
provenant des cellules T auxiliaires, elles prolifèrent dans les zones T (voir Fig. 10.14,
deuxième panneau). En absence de signaux provenant des cellules T, ces cellules B
stimulées par l’antigène meurent dans les 24 heures de leur arrivée dans la zone des
cellules T. Les cellules B qui n’entrent pas en contact avec leur antigène entrent dans
les follicules lymphoïdes et finalement continuent à recirculer entre la lymphe, le
sang et les tissus lymphoïdes périphériques.
Environ 5 jours après l’immunisation primaire, des foyers primaires de cellules B
en prolifération apparaissent dans les zones de cellules T. Ce délai correspond au
temps nécessaire à la différenciation des cellules T. Certaines des cellules B activées
dans ce foyer primaire peuvent migrer dans les cordons médullaires du ganglion
lymphatique ou dans les parties de la pulpe rouge de la rate proches des zones de
cellules T. Là, elles se différencient en plasmocytes et produisent des anticorps spé-
cifiques durant quelques jours (voir Fig. 10.14, troisième panneau). D’autres cel-
lules B vont migrer dans un follicule (voir Fig. 10.14, quatrième panneau), où elles
continuent à proliférer et forment un centre germinatif dans lequel elles passent
par l’hypermutation somatique et la maturation d’affinité, c’est-à-dire la production
438 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
Les cellules B recirculantes entrent Les cellules B spécifiques de Les cellules B en prolifération forment Plusieurs cellules B migrent dans un
dans les organes lymphoïdes par l’antigène, piégées à la limite un foyer primaire ; quelques cellules follicule proche, forment un centre
les veinules à endothélium élevé et entre la zone T et le follicule, B migrent dans les cordons germinatif où certaines prolifèrent rapidement
migrent dans le follicule primaire sont stimulées et prolifèrent médullaires et sécrètent des anticorps et subissent des mutations somatiques
cordon
médullaire
HEV
cellule B
foyer
cellule T primaire
follicule
primaire
cellule
dendritique
FDC
Fig. 10.14 Les tissus lymphoïde périphériques fournissent un spécifiques de la même protéine étrangère sont capable d’interagir au
environnement où les cellules B naïves spécifiques de l’antigène cours de la migration des cellules B à travers la zone des cellules T.
interagissent avec des cellules T auxiliaires spécifiques du même Troisième panneau : l’interaction avec les cellules T stimule la prolifération
antigène. Premier panneau : des cellules T spécifiques d’une protéine des cellules B spécifiques de l’antigène et la formation d’un foyer
étrangère (cellules bleues) activées par des cellules dendritiques primaire aboutissant à une certaine commutation isotypique. Certaines
présentatrices d’antigène acquièrent le statut de cellules T auxiliaires des cellules B activées migrent dans les cordons médullaires, où elles
dans la zone des cellules T. Quelques-unes des cellules B naïves entrant se divisent, se différencient en plasmocytes et sécrètent des anticorps
par les HEV exprimeront des récepteurs spécifiques pour la même pendant quelques jours. Quatrième panneau : d’autres cellules B activées
protéine étrangère (cellules jaunes), mais la plupart ne le feront pas migrent dans des follicules lymphoïdes primaires, où elles prolifèrent
(cellules brunes). Deuxième panneau : les cellules B qui n’établissent rapidement pour former un centre germinatif avec l’aide des cellules T
pas de contact avec leur antigène dans la zone des cellules T la auxiliaires spécifiques de l’antigène (en bleu). Le centre germinatif
traversent directement et entrent dans les follicules lymphoïdes, à est le site de l’hypermutation somatique et de sélection des cellules B
partir desquels elle poursuivront leur recirculation à travers les tissus de forte affinité (maturation d’affinité ) (voir Chapitre 9). L’antigène (en
lymphoïdes périphériques. Les rares cellules B naïves spécifiques de rouge) qui est piégé sous la forme de complexes immuns (complexes
l’antigène captent la protéine étrangère par leurs récepteurs d’antigène antigène:anticorps:complément) à la surface des cellules dendritiques
de cellule B et présentent ses peptides sur les protéines du CMH aux folliculaires (FDC, Follicular Dendritic Cells) peut être impliqué dans la
cellules T spécifiques de l’antigène. Ainsi, les cellules B et les cellules T stimulation des cellules B durant la maturation d’affinité.
de cellules B avec des récepteurs de plus grande affinité pour l’antigène (voir les
Sections 4-18 et 9-8).
L’antigène est retenu pour une très longue période sous forme de complexes
antigène:anticorps à la surface des cellules dendritiques folliculaires locales. Les
complexes, qui sont couverts de fragments C3, sont retenus sur la cellule par les
récepteurs des fragments du complément (CR1, CR2 et CR3) ainsi que par les récep-
teurs de Fc non phagocytaires (voir Fig. 9.14). L’antigène peut rester sous cette forme
dans les follicules lymphoïdes durant une très longue période, mais pourquoi cet
antigène est-il retenu dans le centre germinatif ? Il semblerait qu’il ne soit pas abso-
lument nécessaire pour la stimulation des cellules B dans le centre germinatif (voir
la Section 9-10), mais il pourrait réguler la réponse anticorps à long terme.
La prolifération, l’hypermutation somatique et la sélection des cellules B de plus
forte affinité dans les centres germinatifs durant la réponse anticorps primaire ont été
décrites dans le Chapitre 9. Les molécules d’adhérence et les chimiokines qui contrô-
lent le comportement migratoire des cellules B jouent probablement un rôle très
important dans ces processus, mais l’on connaît encore peu de choses à leur propos.
La paire chimiokine:récepteur CXCL13 / CXCR5, qui contrôle la migration des cellu-
les B dans le follicule, semble être importante surtout pour la localisation des cel-
lules B dans le centre germinatif. Un autre récepteur de chimiokine, CCR7, qui est
fortement exprimé sur les cellules T et faiblement sur les cellules B, pourrait interve-
nir en dirigeant temporairement les cellules B à l’interface avec la zone des cellules T.
Les ligands de CCR7 sont CCL19 et CCL21, qui sont abondants dans la zone des cellu-
les T et pourraient attirer les cellules B qui ont une expression accrue de CCR7.
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 439
Les cellules B activées dans les foyers primaires migrent dans les follicules adja-
cents ou vers des sites de prolifération extrafolliculaires avoisinants. À cet endroit,
les cellules B se multiplient de manière exponentielle pendant 2 à 3 jours et pas-
sent par six ou sept divisions cellulaires avant que leurs descendants ne quittent le
cycle cellulaire pour se différencier in situ en plasmocytes producteurs d’anticorps
(Fig. 10.15, panneau supérieur). La plupart de ces plasmocytes ont une durée de vie
de 2 à 3 jours, après lesquels ils subissent l’apoptose. Parmi les plasmocytes de ces
sites extrafolliculaires, environ 10 % vivent plus longtemps. Leur origine et leur des-
tin sont encore inconnus. Les cellules B qui migrent dans les follicules primaires
pour former les centres germinatifs subissent la commutation de classe et la matu-
ration d’affinité avant de devenir des cellules mémoire ou de quitter le centre germi-
natif pour devenir des cellules productrices d’anticorps et dotées d’une durée de vie
relativement longue (voir les Sections 9-7 à 9-9).
Ces cellules B quittent les centres germinatifs sous forme de plasmoblastes (pré-
plasmocytes). Les plasmoblastes qui prennent naissance dans les follicules des pla-
ques de Peyer et des ganglions mésentériques migrent par la lymphe dans le sang et
gagnent la lamina propria de l’intestin ainsi que d’autres surfaces épithéliales. Ceux
qui prennent naissance dans les ganglions lymphatiques et les follicules spléniques
migrent dans la moelle osseuse (Fig. 10.15, panneau inférieur). Dans ces sites éloi- Fig. 10.15 Les plasmocytes sont répartis
gnés, les plasmoblastes se différencient en plasmocytes qui ont une durée de vie dans les cordons médullaires et la moelle
osseuse. Dans ces sites, ils sécrètent à taux
de plusieurs mois ou de plusieurs années. Ce sont sans doute ces cellules qui four- élevés des anticorps directement dans le sang
nissent les anticorps qui peuvent rester dans le sang durant plusieurs années après pour qu’ils soient distribués dans le reste de
la réponse immunitaire initiale. On ignore encore si cette réserve de plasmocytes l’organisme. Dans la micrographie du haut,
est reconstituée par une différenciation continue mais rare des cellules mémoire. les plasmocytes du cordon médullaire du
ganglion lymphatique sont marqués en vert
L’étude des réponses aux antigènes non réplicatifs a montré que les centres germi-
(avec des anti-IgA marqués à la fluorescéine)
natifs ne se maintiennent que 3 à 4 semaines après l’exposition initiale à l’antigène. s’ils sécrètent des IgA et en rouge (avec
Cependant, un petit nombre de cellules B continue à proliférer dans les follicules des anti-IgG marqués à la rhodamine) s’ils
pendant plusieurs mois. Ils pourraient être les précurseurs des plasmocytes spécifi- sécrètent des IgG. Les plasmocytes dans ces
ques de l’antigène présents dans les muqueuses et dans la moelle osseuse au cours sites extrafolliculaires ont une durée de vie
courte (2-4 jours). Les sinus lymphatiques
des mois et des années suivantes. sont soulignés par une coloration granuleuse
verte spécifique des IgA. Dans la micrographie
du bas, des plasmocytes à longue durée de
10-11 Les mécanismes effecteurs utilisés pour éliminer une infection varient vie (de 3 semaines à 3 mois ou plus) dans
selon l’agent en cause. la moelle osseuse sont révélés par des
anticorps spécifiques des chaînes légères
(marquage à la fluorescéine d’un anti-λ et à
La plupart des infections mobilisent tant l’immunité cellulaire que l’immunité la rhodamine d’un anti-κ). Les plasmocytes
humorale, et fréquemment les deux contribuent à l’élimination ou au contrôle du sécrétant des immunoglobulines contenant
pathogène ainsi qu’à l’établissement d’une immunité protectrice, comme le mon- des chaînes légères λ apparaissent en jaune
tre la Fig. 10.16, bien que l’importance relative des différents mécanismes effec- sur cette micrographie. Celles qui sécrètent
des immunoglobulines contenant des chaînes
teurs et des classes d’anticorps impliqués varie selon le pathogène en cause. Comme légères κ sont colorées en rouge. Clichés de
nous l’avons appris au Chapitre 8, les cellules T cytotoxiques sont importantes pour P. Brandtzaeg.
détruire une cellule infectée par un virus, et dans certaines maladies virales, elles
forment la classe prédominante de lymphocytes présents dans le sang durant une
infection primaire. Néanmoins, il ne faut pas oublier le rôle des anticorps dans l’éli-
mination du virus et dans la prévention de son installation à demeure. Le virus Ébola,
qui cause une fièvre hémorragique est l’un des plus mortels connus, mais certains
patients survivent et même certaines personnes infectées restent asymptomatiques.
Dans les deux cas, une réponse antivirale IgG, forte et précoce, paraît être responsa-
ble de la survie. Les anticorps semblent éliminer le virus du courant sanguin et don-
ner au patient le temps d’activer ses cellules T cytotoxiques. Au contraire, la réponse
humorale ne se développe pas au cours des infections fatales, le virus continue à se
répliquer et, malgré une certaine activation des cellules T, la maladie progresse.
Les cellules T cytotoxiques sont aussi requises pour la destruction des cellules infec-
tées par certaines bactéries pathogènes intracellulaires, comme Rickettsia, l’agent
du typhus. Par contre, les mycobactéries, qui vivent à l’intérieur de vésicules dans
les macrophages, sous tenues sous contrôle par des cellules TH1, qui activent les
440 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
macrophages infectés et les rendent aptes à tuer les bactéries. Les anticorps sont les
réactifs immunitaires principaux qui éliminent les infections primaires causées par les
bactéries extracellulaires communes comme Staphylococcus aureus et Streptococcus
pneumoniae. Les anticorps IgM et IgG produits contre des composants de la surface
bactérienne opsonisent les bactéries et facilitent ainsi leur phagocytose.
La liste de la Figure 10.16 reprend divers pathogènes et les mécanismes immunitai-
res impliqués lors d’une première infection ainsi que dans l’immunité protectrice,
c’est à dire lors d’une réinfection. Le but des vaccins est de susciter une immunité
protectrice ; pour y parvenir, il faut induire une réponse immunitaire adaptative qui
est à la fois spécifique de l’antigène et qui mobilise les éléments fonctionnels appro-
Fig. 10.16 Différents mécanismes effecteurs priés pour combattre le pathogène en cause. Les micro-organismes étant porteurs
sont utilisés pour éliminer des infections d’épitopes multiples reconnus par les cellules B et les cellules T, induisent diverse
primaires par différents pathogènes et réponses à anticorps ou cellules T, toutes n’étant pas d’égale efficacité dans la lutte
pour protéger contre une réinfection. Les contre l’infection. L’immunité protectrice comporte d’une part les réactifs immu-
mécanismes de défense utilisés pour éliminer
une infection primaire sont indiqués par un
nitaires comme les anticorps ou les cellules T effectrices induits par l’infection ini-
triangle rouge. La couleur jaune indique qu’ils tiale ou la vaccination et, d’autre part, la mémoire immunologique de longue durée
interviennent dans l’immunité protectrice. Les (Fig. 10.17), dont il sera question dans la dernière partie de ce chapitre.
surfaces plus pâles indiquent les mécanismes
moins bien établis. Il est clair que les Le type d’anticorps ou de cellule T effectrice qui offre une protection dépend de la
pathogènes d’une même classe Induisent stratégie d’infection et du style de vie du pathogène. Ainsi, lorsque des anticorps
le même type de réponse immunitaire opsonisants comme les IgG1 sont présents (voir la Section 9-14), l’opsonisation et
protectrice, ce qui reflète les similitudes
la phagocytose des pathogènes extracellulaires seront plus efficaces. Si des IgE spé-
de leur mode de vie. Les réponses CD4
indiquées dans ce diagramme se réfèrent cifiques sont présentes, alors les mastocytes qui seront activés par les pathogènes
seulement à celles qui sont impliquées déclencheront rapidement une réaction inflammatoire par la libération d’histamine
dans l’activation des macrophages. De plus, et de leucotriènes. Dans de nombreux cas, l’immunité protectrice la plus efficace
dans pratiquement toutes les maladies, les est assurée par des anticorps neutralisants qui peuvent empêcher les pathogènes
réponses des cellules T CD4 auxiliaires seront
impliquées dans la stimulation de la production
d’établir une infection, et la plupart des vaccins contre les infections virales aiguës
d’anticorps, la commutation de classe et la de l’enfance protègent surtout en induisant des anticorps protecteurs. Par exemple,
production de cellules mémoire. une immunité efficace contre le virus de la polio nécessite la présence d’anticorps
Résumé.
La mémoire immunologique.
Après avoir vu comment une réponse immunitaire primaire appropriée se déve-
loppe, nous nous tournons à présent vers le développement de l’immunité protec-
trice à long terme. La conséquence la plus importante de la réponse immunitaire
adaptative est peut-être la mise en place d’un état de mémoire immunologique, qui
est la capacité du système immunitaire de répondre plus rapidement et plus effi-
cacement aux pathogènes avec lesquels il est déjà entré en contact et de les empê-
cher de causer à nouveau la maladie. Les réponses immunitaires mémoire, que
l’on qualifie de secondaires, tertiaires, etc, selon le nombre de rencontres avec l’an-
tigène, diffèrent qualitativement des réponses primaires. Ce qui est particulièrement
évident dans la réponse humorale, dont les caractéristiques au cours des réponses
secondaires diffèrent de celles de la réponse primaire au même antigène. Les répon-
ses T mémoire peuvent aussi être différenciées qualitativement des réponses naïves
et des cellules T effectrices. Le but principal de cette partie de chapitre sera l’étude
des caractéristiques des réponses mémoire, mais nous discuterons aussi des ébau-
ches d’explication des mécanismes par lesquels la mémoire immunologique se
maintient après l’exposition à l’antigène.
Dans les pays développés, la plupart des enfants sont actuellement vaccinés contre le
virus de la rougeole. Avant la généralisation de la vaccination, la plupart des enfants
étaient naturellement exposés au virus et développaient une forme aiguë, déplai-
sante et potentiellement dangereuse de la maladie. Que ce soit après vaccination
ou infection, les enfants exposés aux virus développent une protection à long terme
contre la rougeole, pouvant durer toute la vie chez la plupart des gens. Ce phéno-
mène existe pour de nombreuses autres maladies infectieuses aiguës : cet état de
protection est une conséquence de la mémoire immunologique.
La mémoire immunologique 443
Les bases de la mémoire immunologique ont été très difficiles à étudier expérimen-
talement. Bien que le phénomène ait été observé par les Grecs anciens et ait été
exploité en routine dans des programmes de vaccination depuis environ 200 ans,
ce n’est que maintenant que l’on comprend que la mémoire reflète l’existence d’une
petite population de cellules mémoire spécialisées qui s’est formée durant la réponse
immunitaire adaptative et qui peut persister indépendamment de la présence conti-
nue de l’antigène inducteur. Ce mécanisme de maintien de la mémoire est conforme
à l’observation que seuls les individus qui ont été exposés eux-mêmes à un agent
infectieux donné sont immunisés et que la mémoire est indépendante d’expositions
répétées à l’infection suite à des contacts avec d’autres individus infectés. Ce qui a été
établi par des observations de populations insulaires isolées dans lesquelles un virus
comme celui de la rougeole peut causer une épidémie infectant toutes les personnes
vivant dans l’île puis disparaître pendant de nombreuses années. Réintroduit plus
tard dans l’île, le virus n’a pas touché la population d’origine, mais a causé la maladie
chez les personnes nées après la première épidémie.
Dans un étude récente, on a essayé de déterminer la durée de la mémoire immuno-
logique en testant les réponses chez des gens qui avaient été immunisés contre la
vaccine, le virus servant à vacciner contre la variole. Cette maladie ayant été éradi-
quée en 1978, on présume que leur réponses représentent bien la mémoire immu-
nologique, et ne sont pas dues à une restimulation de temps à autre par le virus de la
variole. L’étude a trouvé de fortes réponses mémoire des cellules T CD4 et CD8 spé-
cifiques de la vaccine jusqu’à 75 ans après l’immunisation originale ; en se basant
sur l’intensité de ces réponses, on estime que la réponse mémoire a une demi-vie de
l’ordre de 8 à 15 ans. La demi-vie représente le temps nécessaire pour que l’intensité
d’une réponse diminue de 50 %. Les titres des anticorps antiviraux sont restés sta-
bles, sans diminution notable.
Ces observations montrent que la mémoire immunologique n’a pas besoin d’être
maintenue par des contacts répétés avec le virus. Il est bien plus probable que la
mémoire est assurée par des lymphocytes spécifiques de longue durée de vie, induits
lors du premier contact et qui persistent jusqu’à une seconde confrontation avec le
pathogène. Bien que la plupart des cellules mémoire soient au repos, des études
minutieuses ont montré qu’un faible pourcentage se divisaient à certains moments.
On ignore ce qui stimule ces rares divisions des cellules T, mais il est probable que
des cytokines soient impliquées ; elles seraient produites soit de manière constitu-
tive ou durant des réponses immunitaires dirigées contre d’autres antigènes non
apparentés. Le nombre de cellules mémoire pour un antigène donné est strictement
régulé et reste pratiquement constant durant la phase de mémoire, ce qui suppose
qu’il existe un mécanisme qui maintient un équilibre entre la prolifération cellulaire
et la mort cellulaire.
La mémoire immunologique peut être mesurée expérimentalement de différentes
manières, entre autres par des transferts adoptifs (voir Appendice I, Section A-42) de
lymphocytes provenant d’animaux immunisés. Pour ces études, on a choisi des anti-
gènes simples, incapables de se répliquer. Dans ces expériences, l’évaluation repose
sur la capacité de répondre spécifiquement transmise d’un animal immunisé (’sen-
sibilisé’) à un receveur non immunisé, testé par une immunisation subséquente
avec l’antigène. Les animaux qui ont reçu des cellules mémoire répondent plus rapi-
dement et de manière plus robuste à la stimulation antigénique que les contrôles qui
n’ont pas reçu de cellules, ou qui ont reçu des cellules de donneurs non immunisés.
Des expériences semblables ont montré que lorsqu’un animal est immunisé pour la
première fois avec un antigène protéique, les cellules T auxiliaires mémoire contre
cet antigène apparaissent abruptement et atteignent leur nombre maximum après
environ 5 jours. Les cellules B mémoire spécifiques de l’antigène apparaissent quel-
ques jours plus tard. En effet, l’activation des cellules B ne peut pas commencer
avant que les cellules T auxiliaires armées ne soient disponibles. Les cellules B peu-
vent alors entrer dans une phase de prolifération et de sélection dans le tissu lym-
phoïde. Environ un mois après l’immunisation, les cellules B mémoire atteignent un
nombre maximum, qui est maintenu avec peu de changement durant le reste de la
vie de l’animal. Il est important de reconnaître que la mémoire fonctionnelles sus-
citée dans ces expériences peut être due aux précurseurs de cellules mémoire aussi
444 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
bien qu’aux cellules mémoire elles-mêmes. Ces précurseurs sont probablement des
cellules T et B activées, dont certains descendants se différencieront plus tard en
cellules mémoire. Ainsi, les précurseurs de mémoire peuvent apparaître peu après
l’immunisation, même si les lymphocytes quiescents de type mémoire peuvent ne
pas encore s’être développés.
Dans les prochaines sections, nous allons étudier plus en détail les modifications
que subissent les lymphocytes après leur sensibilisation à l’antigène et qui condui-
sent au développement de lymphocytes mémoire quiescents, et nous décrirons les
mécanismes qui pourraient expliquer ces changements.
10-14 Les réponses des cellules B mémoire diffèrent de celles des cellules B
naïves sur plusieurs points.
commencent plus tôt après la stimulation antigénique que lors de la réponse pri-
maire. La réponse secondaire est caractérisée par une génération de plasmocytes Concentration des anticorps
plus vigoureuse et plus précoce que lors de la réponse primaire, ce qui explique la 10,000
tènes qui sont reconnus par un nombre limité de cellules B naïves. Les anticorps IgM
0.1
produits sont codés par les mêmes gènes VH et VL chez tous les animaux de cette sou-
0.01
che, ce qui suggère que ces régions variables ont été sélectionnées au cours de l’évo-
lution pour reconnaître des déterminants des pathogènes communs avec certains
Affinité des anticorps
haptènes. L’uniformité de ces réponses primaires facilite l’observation des modifi- 1010
cations dans les molécules d’anticorps produites au cours des réponses secondaires
109
aux mêmes antigènes. Ces différences comprennent non seulement de nombreuses
mutations somatiques dans les anticorps contenant les régions variables dominan-
Affinité (M–1)
108
tes mais aussi un apport d’anticorps contenant des segments de gènes VH et VL non IgG
107
détectés lors de la réponse primaire. On pense que ces cellules dérivent de cellules B
qui n’étaient pas décelables au cours de la réponse primaire parce qu’activées en fai- 106
ble proportion, mais qui se sont différenciées en cellules B mémoire. 105 IgM
104
1 2 3 4 5 6 7 8
10-15 À la suite d’immunisations répétées, l’affinité des anticorps augmente
en raison de l’hypermutation somatique et de la sélection par l’antigène 1o 2o 3o
dans les centres germinatifs.
immunisation
Au cours des réponses immunitaires secondaires et subséquentes, tous les anticorps Temps après l’immunisation (semaines)
qui persistent d’une réponse antérieure sont immédiatement disponibles pour se
lier au pathogène nouvellement introduit. Ces anticorps destinent les antigènes aux Fig. 10.19 L’affinité ainsi que la quantité
phagocytes en vue de leur dégradation et élimination (voir la Section 9-22) et s’ils d’anticorps augmentent après des
sont en quantité suffisante pour écarter ou inactiver complètement le pathogène, il immunisations répétées. Le panneau
est possible qu’aucune réponse immunitaire secondaire ne suive. Si l’antigène per- supérieur montre une augmentation du taux
d’anticorps au cours du temps après une
siste, une réponse secondaire des cellules B débute dans les organes lymphoïdes immunisation primaire (1°), suivie d’une
périphériques. Les anticorps restant de la réponse primaire, et ceux produits tôt au immunisation secondaire (2°) et tertiaire (3°). Le
cours de la réponse secondaire, jouent un rôle important en assurant l’augmenta- panneau inférieur montre une augmentation de
tion considérable de l’affinité des anticorps qui survient durant la réponse secon- l’affinité de ces anticorps (maturation d’affinité ).
daire (voir Fig. 10.19). En effet, seules les cellules B mémoire dont les récepteurs se L’augmentation de l’affinité est nettement visible
pour les anticorps IgG (ainsi que pour les IgA et
lient à l’antigène avec une avidité suffisante pour entrer en compétition avec les anti- les IgE, ce qui n’est pas montré) qui proviennent
corps préexistants capteront l’antigène libre, l’apprêteront et le présenteront à leur de cellules B matures après la commutation de
surface et seront donc à même de recevoir l’aide des cellules T. classe et l’hypermutation somatique qui aboutit
à la production d’anticorps de forte affinité.
Comme une réponse immunitaire primaire, une réponse secondaire des cellules B La coloration bleue représente l’IgM seule ;
commence par la prolifération des cellules B et des cellules T à l’interface entre les la jaune, l’IgG ; la verte, la présence d’IgG et
zones des cellules T et des cellules B. Les cellules T mémoire peuvent entrer dans d’IgM. Bien qu’une certaine maturation d’affinité
puisse survenir au cours de la réponse primaire,
les tissus non lymphoïdes en raison des changements dans les molécules de la sur- elle se produit surtout dans les réponses
face cellulaire qui modifient la migration et l’écotaxie (voir la Section 10-6), mais plus tardives après des injections répétées
on pense que les cellules B mémoire continuent à recirculer à travers les mêmes d’antigène. Notez l’échelle logarithmique des
compartiments lymphoïdes secondaires comme les cellules B naïves, principale- graphiques ; autrement, ils ne pourraient
ment les follicules de la rate, les ganglions lymphatiques et les plaques de Peyer de la représenter l’augmentation de la concentration
des anticorps IgG spécifiques ; elle est de
muqueuse intestinale. Certaines cellules B mémoire peuvent aussi se retrouver dans l’ordre d’un million de fois le taux initial.
les zones marginales de la rate (voir Fig. 1.19), bien que l’on ignore si celles-ci repré-
sentent une sous-population distincte de cellules B mémoire.
Les cellules B mémoire qui ont capté un antigène présentent des complexes
peptide:CMH de classe II aux cellules T auxiliaires effectrices et partenaires qui
entourent et infiltrent les centres germinatifs. Des contacts entre la cellule B présen-
tatrice d’antigène et des cellules T auxiliaires conduit à un échange de signaux acti-
vateurs et à la prolifération rapide des cellules B et des cellules T auxiliaires activées
spécifiquement par l’antigène. Comme les cellules B mémoire de plus forte affinité
entrent en compétion de manière plus efficace pour l’antigène, seules ces cellules B
sont stimulées efficacement au cours de la réponse secondaire immunitaire. Les
446 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
10-16 Les cellules T mémoire sont en proportion plus élevée que les cellules T
naïves spécifiques du même antigène et ont des exigences différentes
en signaux d’activation et en protéines membranaires qui les distinguent
des cellules T effectrices.
80 lules effectrices et les cellules mémoire est évidente. Les cellules B mémoire peuvent
être reconnues, car les cellules B effectrices sont des plasmocytes différenciés qui ont
déjà été activés pour produire des anticorps jusqu’à leur mort.
60
Une difficulté majeure dans les expériences visant à montrer l’existence des cellules T
mémoire est la longue durée de la plupart des tests servant à mesurer la fonction des
40
cellules T effectrices ; ils prennent plusieurs jours et, pendant ce temps, les cellules T
mémoire peuvent reprendre le statut de cellules T effectrices. Ces tests ne peuvent
20
donc pas faire la différence entre les cellules effectrices préexistantes et les cellules T
mémoire puisque les cellules mémoire peuvent acquérir une activité effectrice durant
la période du test. Ce problème ne touche pas les cellules T cytotoxiques, car une cel-
0 lule T cytotoxique effectrice peut induire la lyse d’une cellule cible en 5 minutes, alors
6 que les cellules T CD8 mémoire doivent être réactivées pour devenir cytotoxiques.
(log10 génomes/ml)
Ainsi, leur activité cytotoxiques apparaîtra plus tard que celles des cellules effectrices
Charge virale
5
4
3 Fig. 10.21 Génération de cellules T mémoire bas mais soutenu de cellules T mémoire.
après une infection virale. Après une Le panneau supérieur montre le nombre de
2
infection, dans ce cas une réactivation du cellules T (orange) ; le panneau inférieur
0 50 100 150
cytomégalovirus (CMV) latent, le nombre montre le cours de l’infection virale (bleu), suivi
Temps (jours) de cellules T spécifiques de l’antigène viral sur base de la quantité d’ADN viral dans le
augmente fortement puis chute à un niveau sang. Données de G. Aubert.
La mémoire immunologique 447
préexistantes, bien qu’elles puissent être activées sans synthèse d’ADN comme l’ont
montré les études effectuées en présence d’inhibiteurs de mitose.
Récemment, il a été possible de suivre des clones particuliers de cellules T CD8 spéci-
fiques de l’antigène en les marquant avec des complexes tétramériques peptide:CMH
(voir Appendice I, Section A-28). On a trouvé que le nombre de cellules T CD8 spé-
cifiques augmente fortement au cours d’une infection puis diminue d’environ 100
fois. Néanmoins, le nombre final de ces cellules est nettement supérieur à celui qui
précédait l’infection. Ces cellules continuent à exprimer des marqueurs caractéristi-
ques des cellules activées, comme CD44, mais n’expriment plus d’autres marqueurs
d’activation comme CD69. De plus, elles expriment plus de Bcl-2, une protéine qui
favorise la survie cellulaire et qui pourrait être responsable de la longue demi-vie des
cellules CD8 mémoire.
La sous-unité du récepteur de l’IL-7 (IL-7Rα ou CD127) peut être un bon marqueur
des cellules T activées qui deviendront des cellules mémoire de longue durée de
vie (voir Fig. 10.22). Les cellules T naïves expriment l’IL-7Rα, mais cette molécule
est rapidement perdue lors de l’activation et n’est pas exprimée par la plupart des
cellules T effectrices. Par exemple, durant le pic de la réponse effectrice contre le
virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV, Lymphocytic ChorioMeningitis
Virus) chez les souris, environ 7 jours après l’infection, une petite population
448 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
d’approximativement 5 % des cellules T CD8 effectrices expriment des taux éle-
vés d’IL-7Rα. Un transfert adoptif de ces cellules pouvait fournir des cellules T CD8
mémoire fonctionnelles à des souris non infectées , alors que les cellules T effectrices
exprimant des taux bas d’IL-7Rα en étaient incapables (Fig. 10.23). Cette expérience
suggère que le présence précoce, ou la réexpression, d’IL-7Rα identifie les cellules T
CD8 effectrices qui génèrent les cellules T mémoire, bien qu’il ne soit pas encore
connu si ce processus est régulé et comment il le serait. Les cellules T mémoire sont
plus sensibles à la restimulation par l’antigène que ne le sont les cellules T naïves, et
produisent plus rapidement et plus vigoureusement des cytokines comme l’IFN-γ
en réponse à une telle stimulation.
Pour les réponses des cellules T CD4, l’étude directe de la mémoire a été plus dif-
ficile en partie parce que ces réponses sont plus faibles que celles des cellules T
CD8 et aussi parce que, jusqu’il y a peu, on ne disposait pas, pour les complexes
peptide:CMH de classe II, de réactifs similaires aux tétramères peptide:CMH de
classe I. Néanmoins, le transfert et la sensibilisation des cellules T naïves porteu-
ses de transgènes du récepteur de cellule T, qui procure aux cellules une spécificité
connue envers un complexe peptide:CMH, a rendu possible la mise en évidence
des cellules T CD4 mémoire. Elles apparaissent comme une population de cellu-
les à longue durée de vie qui partagent certaines caractéristiques de surface des cel-
lules T activées effectrices, mais s’en distinguent par le fait qu’elles requièrent une
restimulation additionnelle avant d’agir sur des cellules cibles. Des changements
de trois protéines de surface cellulaire, la sélectine L, CD44 et CD45, présentes
sur les cellules T CD4, que l’on suppose à mémoire, après exposition à l’antigène
sont particulièrement significatifs. La sélectine L est perdue sur la plupart des cel-
lules T CD4 mémoire, tandis que les taux de CD44 sont augmentés sur toutes les
Fig. 10.23 L’expression du récepteur de cellules T mémoire ; ces changements contribuent à diriger la migration des cellu-
l’IL-7 (IL-7R) indique quelles cellules T
CD8 effectrices peuvent susciter de fortes
les T mémoire du sang dans les tissus plutôt que directement dans les tissus lym-
réponses mémoire. Des souris exprimant phoïdes. Les changements de l’isoforme de CD45 à la suite d’un épissage alternatif
le transgène du récepteur de cellule T des exons qui codent le domaine extracellulaire de CD45, donnent des isoformes,
(TCR) spécifique d’un antigène du virus de comme CD45RO, qui sont plus petites et plus facilement associées au récepteur de
la chorioméningite lymphocytaire (LCMV, cellule T, ce qui facilite la reconnaissance de l’antigène (voir Fig. 10.22). Ces change-
Lymphocytic ChorioMeningitis Virus) ont
été infectées et des cellules effectrices ont
ments sont caractéristiques des cellules qui ont été activées pour devenir des cellu-
été collectées au jour 11. Des cellules T les T effectrices, quoique certaines des cellules sur lesquelles ces changements sont
CD8 effectrices exprimant IL-7R en forte survenus ont de nombreuses caractéristiques de cellules T CD4 au repos, suggérant
densité (IL-7Rhaut, bleu) furent séparées et qu’elles représentent des cellules T CD4 mémoire. Ce n’est qu’après une réexposi-
transférées dans un groupe de souris naïves,
tion à l’antigène sur une cellule présentatrice d’antigène qu’elles reprennent le statut
des cellules T effectrices CD8 exprimant
peu d’IL-7R (IL7Rbas, vert) étant transférées de cellule T effectrice et acquièrent toutes les caractéristiques de cellules TH2 ou TH1,
dans un autre groupe. Trois semaines après sécrétant respectivement l’IL-4 et l’IL-5, ou l’IFN-γ.
le transfert, les souris furent infectées par
une bactérie manipulée pour qu’elle exprime Il semble dès lors raisonnable de reconnaître à ces cellules le statut de cellules T CD4
l’antigène viral original, et les cellules T mémoire et de supposer que les cellules T CD4 naïves peuvent se différencier soit en
répondeuses transférées (détectées par cellules T effectrices ou en cellules T mémoire, qui plus tard peuvent être activées et
leur expression du TCR transgénique) prendre le statut d’effecteur. Comme pour les cellules T CD8 mémoire, ce domaine
furent comptées à divers moments après
l’inoculation. Seules les cellules transférées
bénéficie à présent de grands progrès techniques comme la coloration directe des
riches en IL-7R ont généré une forte expansion cellules T CD4 avec des tétramères peptide:CMH de classe II (voir Appendice I,
de cellules T CD8 après restimulation. Section A-28). Cette technique permet non seulement d’identifier les cellules T CD4
Des souris infectées par le LCMV génèrent une réponse CD8 Seul le transfert de cellules T CD8 riches en IL-7R à des souris naïves
primaire ; certaines cellules effectrices expriment IL-7R à induit une forte expansion des cellules CD8 spécifiques
en densité élevée, alors que d’autres ne le font pas de l’antigène après restimulation
Stimulation
Nombre de cellules T CD8
Transfert
spécifiques de l’antigène
antigénique
Cellules
LCMV IL-7Rhaut
Cellules Stimulation
IL-7Rbas antigénique
Souris avec un TCR transgénique Transfert 0
CD8 0 7 14
Jours après le transfert
Souris naïves
La mémoire immunologique 449
Fig. 10.24 Les cellules T naïves et les en cellules effectrices de vie relativement
Pour survivre, les cellules T naïves requièrent
cellules T mémoire ont des exigences brève, mais certaines deviennent des cellules T les cytokines IL-15 et IL-7 et un contact avec
différentes pour leur survie. Pour leur survie mémoire à longue durée de vie, qui ont besoin les complexes peptide du soi:CMH du soi
en périphérie, les cellules T naïves requièrent d’être soutenues par des cytokines mais ne
une stimulation périodique par les cytokines requièrent pas de contact avec des complexes
IL-7 and IL-15 et par des antigènes du soi peptide du soi:CMH du soi pour survivre. cytokines
présentés par des molécules du CMH. Lors de Cependant, un contact avec des antigènes du
sa sensibilisation par son antigène spécifique, soi paraît nécessaire pour que les cellules T TCR
une cellule T naïve se divise et se différencie. mémoire continuent à proliférer et maintiennent peptide du soi
La plupart de ses descendants se différencient ainsi leur nombre dans le pool mémoire.
APC
spécifiques de l’antigène mais aussi, combinée à la coloration de cytokines intracel- Une cellule T naïve rencontre un antigène
lulaires (voir Appendice I, Section A-27), de déterminer s’il s’agit de cellules TH1 ou
TH2. Ces améliorations dans l’identification et le phénotypage des cellules T CD4
augmenteront rapidement nos connaissances de ces cellules restées jusqu’à présent
mystérieuses et pourraient fournir des informations comparatives intéressantes sur
les cellules T CD4 naïves, mémoire et effectrices.
Les mécanismes homéostatiques déterminant la survie des cellules T mémoire dif- APC
fèrent de ceux qui concernent les cellules T naïves. Les cellules T mémoire se divi-
sent plus fréquemment que les cellules T naïves, et leur expansion est contrôlée par
un équilibre entre la prolifération et la mort cellulaire. Comme pour les cellules naï-
ves, la survie des cellules T mémoire requiert une stimulation par les cytokines IL-7 La plupart Certains cellules activées
des cellules T et/ou effectrices
et IL-15. L’IL-7 est nécessaire pour la survie des cellules T mémoire CD4 et CD8, mais deviennent des cellules
activées deviennent mémoire à longue
en plus, l’IL-15 est critique pour la survie à long terme et la prolifération des cellu- des cellules effectrices durée de vie
les T CD8 mémoire dans des conditions normales. Pour les cellules T CD4 mémoire,
le rôle de l’IL-15 est encore controversé.
En plus d’une stimulation par des cytokines, les cellules T naïves requièrent un
contact avec des complexes peptide du soi:CMH du soi pour leur survie à long
terme en périphérie (voir la Section 7-29), mais il semble que les cellules T mémoire
cellule cible
n’auraient pas cette exigence. On a, cependant, trouvé que les cellules T mémoire
survivant après leur transfert chez des receveurs dépourvus de CMH avaient certai-
nes déficiences dans les fonctions typiques des cellules T mémoire, indiquant que De nombreuses cellules Les cytokines IL-7
effectrices ont une vie and IL-15 sont
la stimulation par des complexes peptide du soi:CMH du soi peut être requise pour brève et meurent requises pour la survie
une prolifération continue et une fonction optimale (Fig. 10.24). par apoptose
CD45RO perforine
Les cellules mémoire Les cellules mémoire Certaines cellules La plupart des cellules
centrales expriment effectrices sont dépourvues effectrices peuvent effectrices meurent
CCR7 et restent dans de CCR7 et migrent devenir des cellules après quelques jours
le tissu lymphoïde dans les tissus mémoire quiescentes
CCR5
CCR7 CCR3
CD45RO CD45RO
chimiokines. Par exemple, parmi les cellules mémoire centrales exprimant CCR7,
on trouve une sous-population de cellules qui expriment CXCR5, un récepteur
de CXCL13, un chimiokine produite dans les follicules de cellules B. Ces cellules
mémoire centrales porteuses de CXCR5 ont été appelées cellules auxiliaires folli-
culaires ; elles produisent de l’IL-2 et procurent de l’aide aux cellules B.
Lors d’une stimulation par un antigène, les cellules mémoire centrales perdent rapi-
dement l’expression de CCR7 et se différencient en cellules mémoire effectrices.
Les cellules mémoire effectrices sont aussi hétérogènes quant à leurs récepteurs de
chimiokines, et ont été classées selon des récepteurs de chimiokines typiques des
TH1, comme CCR5, et des TH2, comme CCR4. Les cellules mémoire centrales ne
sont pas encore destinées à une lignée effectrice particulière et même les cellules
mémoire effectrices ne sont pas complètement destinées à une lignée TH1 ou TH2,
bien qu’il y ait une certaine corrélation entre le sort final de cellules TH1 ou TH2 et
les récepteurs de chimiokines exprimés. Une stimulation supplémentaire par l’an-
tigène semble diriger la différenciation des cellules mémoire effectrices graduelle-
ment dans les lignées de cellules T effectrices distinctes.
10-18 L’aide des cellule T CD4 est requise pour les cellules T CD8 mémoire
et implique la signalisation par CD40 et l’IL-2.
Nous avons décrit plus tôt comment les réponses primaires des cellules T CD8
contre Listeria monocytogenes peuvent survenir chez des souris déficientes en cel-
lules T CD4. Après 7 jours d’infection, les souris normales et les souris dépourvues
de cellules T CD4 montrent une expansion et une activité équivalentes des cellu-
les T CD8 effectrices spécifiques du pathogène (voir la Section 10-8). Cependant,
La mémoire immunologique 451
elles ne sont pas également capables de générer des cellules T CD8 mémoire. Les
souris sans cellules T CD4 en raison d’une déficience en CMH de classe II déve-
loppaient des réponses secondaires beaucoup plus faibles, caractérisées par une
expansion beaucoup moindre des cellules T CD8 mémoire spécifiques du patho-
gène. Dans cette expérience, Listeria contenait le gène de la protéine ovalbumine,
et ce fut la réponse à cette protéine qui fut mesurée comme marqueur des cellules T
CD8 mémoire (Fig. 10.26). Les cellules T CD4 chez ces souris sont absentes durant la
réponse primaire et lors de toute restimulation ; aussi, les cellules T CD4 pourraient
être requises soit pour la programmation initiale des cellules T CD8 durant leur acti-
vation primaire en vue du développement de la mémoire, soit pour fournir de l’aide
uniquement durant la réponse mémoire secondaire.
Ce problème fut résolu par la constatation que les cellules T CD8 mémoire qui se
développaient sans l’aide de CD4 étaient beaucoup moins aptes à proliférer même
après avoir été transféré dans des souris normales. Ceci indique que c’est la program-
mation de leur destinée de cellules mémoire qui est déficiente et pas simplement un
manque d’aide des cellules T CD4 au moment des réponses secondaires. La néces-
sité de l’aide de CD4 dans la génération des CD8 mémoire a aussi été démontrée par
des expériences dans lesquelles les cellules T CD4 ont été éliminées par adminis-
tration d’anticorps ou chez des souris dont le gène de CD4 était déficient. Ces expé-
riences indiquent que l’aide des cellule T CD4 est nécessaire pour programmer les
cellules T CD8 naïves et ainsi les rendre aptes à générer des cellules mémoire capa-
bles d’une forte expansion lors d’une réponse immunitaire secondaire.
Le mécanisme expliquant cet effet des cellules T CD4 est pas encore compris entiè-
rement, mais il implique probablement au moins deux types de signaux transmis Fig. 10.26 Les cellules T CD4 sont requises
à la cellule T CD8, ceux reçus par CD40 et ceux reçus par le récepteur de l’IL-2. Les pour le développement de cellules T
cellules T CD8 qui n’expriment pas CD40 sont incapables de générer des cellules T mémoire CD8 fonctionnelles. Des souris
mémoire. Bien que de nombreuses cellules pourraient exprimer le ligand de CD40 qui n’expriment pas de molécules du CMH
de classe II (CMH II– / –) ne développent pas
nécessaire à la stimulation de CD40, il est très probable que les cellules T CD4 consti-
de cellules T CD4. Des souris normales et
tuent la source de ce signal. des souris CMH II– / – furent infectées par
Listeria monocytogenes exprimant l’antigène
La nécessité de la signalisation par l’IL-2 dans la programmation de la mémoire CD8
modèle, l’ovalbumine (LM-OVA). Après 7 jours,
fut découverte par l’utilisation de cellules T CD8 avec une déficience génétique de la les cellules T CD8 spécifiques de OVA ont
sous-unité IL-2Rα, qui étaient donc incapable de répondre à l’IL-2. Puisque la signa- peu être comptées au moyen de tétramères
lisation par l’IL-2Rα est requise pour le développement des cellules Treg, des souris du CMH contenant un peptide de OVA
dépourvues de IL-2Rα développent une affection lymphoproliférative. Cependant, qui pouvaient donc se lier aux récepteurs
des cellule T spécifiques. Après 7 jours
celle-ci ne se développe pas chez les souris qui ont une moelle osseuse chimérique d’infection, les souris sans cellules T CD4
contenant des cellules normales et des cellules déficientes en IL-2Rα ; ces chimères avaient le même nombre de cellules T CD8
peuvent servir à l’étude du comportement des cellules déficientes en IL-2Rα. Lorsque spécifiques de OVA que les souris normales.
ces souris chimériques furent infectées par le virus de la chorioméningite lymphocy- Après avoir laissé les souris se rétablir
taire (LCMV), ce sont précisément les cellules T sans IL-2Rα dont les réponses CD8 pendant 60 jours, période durant laquelle
des cellules T mémoire ont eu le temps de
mémoire s’avérèrent défectueuses. se développer, on a réinoculé le LM-OVA aux
souris. Le groupe sans cellules T CD4 n’a
Les cellules T CD4 paraissent aussi fournir une aide nécessaire au maintien du nom- montré aucune expansion des cellules CD8
bre de cellules T CD8 mémoire, et le mécanisme semble distinct de l’effet sur la pro- mémoire spécifiques de OVA, alors qu’elle était
grammation des cellules T CD8 naïves destinées à devenir des cellules mémoire. prononcée dans le groupe contrôle.
Des souris normales et des souris sans Après 7 jours d’infection, les deux groupes Après 70 jours, les souris ont été réinfectées.
cellules T CD4 ont été infectées par une bactérie (LM) de souris ont développé un nombre semblable Cette fois, seules les souris normales ont développé
exprimant l’antigène ovalbumine (OVA) de cellules T CD8 spécifiques de OVA des cellules mémoire spécifiques de OVA
Cellules T CD8 spécifiques de OVA
LM-OVA
normales LM-OVA
CMH de classe II–/– Normales CMH de classe II–/– Normales CMH de classe II–/–
452 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
Lorsque des cellules T CD8 mémoire sont transférées chez des souris immunologi-
quement naïves, la présence ou l’absence de cellules T CD4 chez le receveur influence
le maintien des cellules CD8 mémoire. Le transfert de cellules CD8 mémoire chez
des souris déficientes en cellules T CD4 est suivie d’une diminution graduelle du
nombre de cellules mémoire en comparaison des suites d’un transfert similaire à
des souris normales. De plus, les cellules CD8 effectrices transférées à des souris
sans cellules T CD4 montraient un affaiblissement relatif de leurs fonctions effec-
trices. Ces expériences montrent que les cellules T CD4 activés durant une réponse
immunitaire ont un impact significatif sur la quantité et la qualité de la réponse des
cellules T CD8, même si elles ne sont pas nécessaires à l’activation initiale des cellu-
les T CD8. Les cellules T CD4 aident à programmer les cellules T CD8 naïves à être
capables de générer des cellules T mémoire, aident le développement d’une activité
effectrice efficace et aident à maintenir le nombre de cellules T mémoire.
Résumé.
L’immunité protectrice contre la réinfection est l’une des conséquences les plus
importantes de l’immunité adaptative. L’immunité protectrice dépend non seu-
lement d’anticorps préformés et de cellules T effectrices mais aussi, et de manière
essentielle, du développement d’une population de lymphocytes responsable
d’une mémoire immunologique à long terme. La capacité de ces cellules à répon-
dre rapidement à une stimulation par le même antigène peut être transférée à des
receveurs naïfs par des cellules T et des cellules B provenant de donneurs immuni-
sés. Les modifications précises qui permettent de distinguer les lymphocytes naïfs, Fig. 10.27 Lorsque des individus qui ont été
effecteurs ou mémoire commencent à être connues et comprennent la régulation infectés par un variant du virus de la grippe
sont infectés par un deuxième ou troisième
de l’expression des récepteurs des cytokines comme l’IL-7, qui contribue au main- variant, ils produisent des anticorps
tien de ces cellules, et la régulation des récepteurs de chimiokine comme CCR7, uniquement contre les épitopes qui étaient
qui permet de distinguer des sous-populations fonctionnelles de cellules mémoire. présents dans le premier virus. Un enfant de
Les progrès dans les réactifs spécifiques des récepteurs, comme les tétramères du deux ans infecté pour la première fois par le
virus de la grippe produit des anticorps contre
CMH, ont permis de clarifier les contributions relatives de l’expansion clonale et tous les épitopes (panneau de gauche). À l’âge
de la différenciation dans le phénotype mémoire. Les cellules B mémoire peuvent de 5 ans, le même enfant exposé à un variant
aussi être distinguées des cellules B naïves par des modifications dans les gènes du virus de la grippe répond préférentiellement
de leurs immunoglobulines suite à la commutation de classe et aux mutations aux épitopes communs avec le virus originel
et développe une réponse plus faible que la
somatiques. Les réponses immunitaires secondaires et les réponses suivantes sont normale aux nouveaux épitopes (panneau
caractérisées par des anticorps présentant une affinité de plus en plus importante du milieu). Même à 20 ans, cette tendance
pour l’antigène. On commence à comprendre l’interaction complexe entre les cel- à répondre préférentiellement aux épitopes
partagés avec le virus originel et à répondre
lules T CD4 et CD8 dans la régulation de la mémoire. Bien que les cellules T CD8
faiblement aux nouveaux épitopes existe
peuvent générer des réponses primaires efficaces sans l’aide des cellules T CD4, encore (panneau de droite). Ce phénomène
on réalise que des cellules T CD4 jouent un rôle essentiel dans la régulation de la est appelé « péché antigénique originel ».
L’individu de 2 ans infecté par le virus de la Le même individu à 5 ans infecté par un Le même individu à 20 ans infecté par un
grippe produit des anticorps contre tous les variant de virus de la grippe produit des autre variant du virus de la grippe produit des
épitopes présents sur le virus anticorps dirigés uniquement contre les anticorps dirigés contre les épitopes communs
épitopes communs avec le virus d’origine avec le virus d’origine mais pas contre ceux
communs avec le variant rencontré à 5 ans
Pourcentage de la réponse
Pourcentage de la réponse
normale
normale
normale
10 10 10
A B C D A B C D E F A B C D E F G
Réponse à l’épitope Réponse à l’épitope Réponse à l’épitope
454 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
mémoire des cellules T CD8. Ce sujet est important pour que de nouveaux vaccins
puissent être développés, par exemple, contre des virus comme le VIH.
Résumé du Chapitre 10.
Questions.
10.1 La communication est cruciale dans toute grande entreprise. (a) Comme le corps
est-il averti d’une invasion microbienne, et (b) comment assure-t-il que les réponses
atteignent le site infecté ?
10.3 Les cellules T différenciées requièrent des signaux continus pour maintenir leur
fonction. (a) Quels sont les signaux dont les cellules TH1 ont besoin ? (b) Quels
avantages pourrait avoir cette nécessité de signaux continus ? Quels désavantages ?
10.5 On pourrait s’interroger sur l’utilité de la mémoire immunologique. Les invertébrés s’en
passent bien. Après tout, si vous survivez à une infection une fois, vous devriez être
capable d’y survivre à nouveau et, si vous échouez à survivre à la première infection, la
mémoire est alors inutile. (a) Quels sont les avantages de la mémoire immunologique
qui s’opposent à cet argument ? Quelles sont les caractéristiques des pathogènes
qui ont favorisé le développement de la mémoire immunologique au cours de
l’évolution ? (b) Les réponses immunitaires innées ne suscitent pas de mémoire.
Quelles propriétés des réponses immunitaires adaptatives donnent à la mémoire
immunologique qu’elles développent une plus grande valeur ? Comment ces propriétés
pourraient-elles constituer un désavantage ?
10.6 Les réponses de type mémoire diffèrent des réponses immunitaires primaires par
plusieurs caractéristiques importantes. Citez trois différences et décrivez les
mécanisme(s) sous-jacents impliqués dans chaque cas.
10.7 (a) Discutez les rôles relatifs des signaux des cytokines et des signaux reçus par
le récepteur de cellule T dans la survie et la fonction des cellules T mémoire. (b)
Comparez, tout en soulignant les contrastes, leurs exigences ainsi que les réponses
à de tels signaux avec celles des cellules T naïves.
456 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
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458 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative
10-16 Les cellules T mémoire sont en proportion plus élevée 10-18 L’aide des cellule T CD4 est requise pour les cellules T CD8
que les cellules T naïves spécifiques du même antigène mémoire et implique la signalisation par CD40 et l’IL-2.
et ont des exigences différentes en signaux d’activation
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10-17 Les cellules T mémoire sont hétérogènes et comprennent mémoire.
des sous-populations centrales ou effectrices.
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459
Le système immunitaire
des muqueuses 11
Le système immunitaire comporte une série de compartiments anatomiques,
chacun étant spécialement adapté à répondre aux antigènes rencontrés dans un
ensemble tissulaire particulier. Dans les chapitres précédents, nous avons exa-
miné surtout les réponses immunitaires adaptatives qui débutent dans les gan-
glions lymphatiques et la rate ; elles sont dirigées contre des antigènes qui ont
pénétré dans les tissus ou se sont répandus dans le sang. Ce sont les réponses
immunitaires les plus étudiées par les immunologistes, puisqu’elles sont suscitées
par injection de l’antigène. Il existe, cependant, un autre compartiment du sys-
tème immunitaire adaptatif qui est même de plus grande taille ; il est situé près des
surfaces par lesquelles la plupart des pathogènes peuvent pénétrer. Il s’agit du sys-
tème immunitaire des muqueuses, objet de ce chapitre.
poumons
tractus œsophage
glande mammaire
gastro-intestinal
estomac
rein
intestin
utérus
tractus
vessie
urogénital
vagin
Fig. 11.1 Le système immunitaire des les muqueuses (Fig. 11.2). Les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires
muqueuses. Les tissus du système
aiguës, la tuberculose pulmonaire, la rougeole, la coqueluche et les infestations
immunitaire des muqueuses sont les organes
lymphoïdes associés à l’intestin, aux voies par les vers continuent à tuer dans le monde entier, particulièrement les enfants en
respiratoires et au tractus urogénital, ainsi bas âge dans les pays en développement. Il faut y ajouter le virus de l’immunodé-
qu’à la cavité orale, au pharynx et aux ficience humaine (VIH), un pathogène dont la voie d’entrée naturelle est en géné-
glandes associées à ces tissus, comme les
glandes salivaires et les glandes lacrymales.
ral une muqueuse, ce qui est souvent oublié.
Les glandes mammaires font aussi partie du Un second point important à garder à l’esprit lorsque l’on considère l’immunobio-
système immunitaire des muqueuses.
logie des muqueuses est le fait qu’elles sont aussi les portes d’entrée d’une vaste
assortiment d’antigènes étrangers non pathogènes. C’est particulièrement évident
pour l’intestin, qui est exposé à d’énormes quantités de protéines alimentaires,
environ 10 à 15 kg par an par personne. En même temps, le gros intestin est colonisé
normalement par au moins 1 000 espèces de micro-organismes qui vivent en sym-
biose avec leur hôte et sont qualifiés de commensaux. Ce sont surtout des bacté-
ries, dont le nombre dans le côlon avoisine 1012 organismes par millilitre, ce qui fait
d’elles les cellules les plus nombreuses du corps. Dans des circonstances normales,
elles ne font aucun tort et sont bénéfiques à leur hôte de diverses manières.
Comme les protéines alimentaires et les bactéries commensales contiennent de
nombreux antigènes étrangers, ils peuvent être reconnus par le système immuni-
taire adaptatif. Cependant, générer des réponses immunitaires protectrices contre
ces agents inoffensifs serait inapproprié et inutile. En effet, on pense actuellement
que des réactions immunitaires aberrantes causent certaines maladies relative-
ment communes, entre autres la maladie cœliaque (une réaction anormale à la
protéine du gluten de blé) et des maladies inflammatoires intestinales comme la
maladie de Crohn (une réaction aux bactéries commensales). Comme nous le ver-
rons, le système immunitaire de la muqueuse intestinale a développé les moyens
de distinguer les pathogènes nocifs des antigènes alimentaires et de la flore intes-
tinale naturelle. D’autres muqueuses, comme le tractus respiratoire, sont confron-
tées à la même difficulté. L’immunité protectrice contre des pathogènes est
essentielle, mais, comme dans l’intestin, de nombreux antigènes entrant dans le
tractus respiratoire proviennent d’organismes commensaux, de pollens et d’autres
substances inoffensives de l’environnement.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 461
Caractéristiques anatomiques Interactions étroites entre les épithéliums des muqueuses et les tissu lymphoïdes
Des compartiments distincts de tissu lymphoïde diffus et des structures plus organisées
comme les plaques de Peyer, des follicules lymphoïdes isolés et les amygdales
contre les invasions, et les tissus lymphoïdes organisés se sont d’abord dévelop-
pés, chez les vertébrés, dans l’intestin des poissons cartilagineux primitifs. Deux
importants organes lymphoïdes centraux, le thymus et la bourse de Fabricius des
oiseaux, dérivent de l’intestin embryonnaire. C’est pourquoi, on a proposé que le
système immunitaire des muqueuses représentait le système immunitaire originel
des vertébrés et que la rate et les ganglions lymphatiques étaient des organes spé-
cialisés apparus plus tard.
Fig. 11.6 Une plaque de Peyer et son épithélium de surface Panneau b : la micrographie électronique à balayage de l’épithélium
spécialisé. Panneau a : les plaques de Peyer sont des tissus lymphoïdes associé aux follicules d’une plaque de Peyer de souris montrée en
organisés dans la couche sous-muqueuse de la paroi intestinale. encadré dans (a) révèle les cellules M (microfold ou microplis), qui sont
Chacune comprend de nombreux follicules très actifs de cellules B avec dépourvues de microvillosités et de la couche de mucus qui couvre
centres germinatifs (CG), ainsi que des zones T dépendantes interposées les cellules épithéliales normales. Chaque cellule M apparait comme
(ZTD) et une couche entre l’épithélium de surface et les follicules appelé une zone enfoncée à la surface épithéliale. Panneau c : vue à un fort
dôme sous-épithélial, qui est riche en cellules dendritiques, cellules T grossissement de la zone encadrée en (b) ; elle montre la surface ridée
et cellules B (voir le schéma d’une plaque de Peyer à la Fig. 1.20). caractéristique d’une cellule M. Les cellules M servent de portes d’entrée
L’épithélium de surface est appelé épithélium associé aux follicules ; il à de nombreux pathogènes et à d’autres particules. (a) Coloration à
est composé d’une seule couche de cellules épithéliales cylindriques. l’éosine et hématoxyline. Grossissement × 100. (b) × 5 000. (c) × 23,000.
Les plaques de Peyer sont couvertes par une couche épithéliale contenant des cellules spécialisées appelées cellules M, qui ont une membrane ridée caractéristique
villosité dôme
cellule M
ZTD CG
a b c
464 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
Tissu TNFR1 LT-𝛂 LT-𝛃 LT𝛃R TRANCE IL-7R 𝛃7 L-sel CXCR5 NK𝛋B2
Fig. 11.7 Le développement fœtal des tissus lymphoïdes intestinaux pour le ganglion lymphatique mésentérique en développement et qu’il
est contrôlé par un assortiment particulier de cytokines. Des peut être remplacé par LIGHT, une autre molécule de la famille du
expériences sur souris knockout montrent que les ganglions lymphatiques TNF, qui peut aussi se lier au récepteur de LT-β. Le développement des
mésentériques and les plaques de Peyer diffèrent les uns des autres, et plaques de Peyer est absolument dépendant de la présence des sous-
des ganglions lymphatiques des autres parties du corps, par les signaux unités de LT-α et de LT-β, qui sont produites par les cellules inductrices de
requis pour leur développement au cours de la vie fœtale et néonatale tissu lymphoïde en réponse à l’IL-7 provenant des cellules stromales. Les
précoce. Le développement de toutes ces tissus lymphoïdes requiert un cellules inductrices de tissu lymphoïde sont aussi recrutées uniquement
échange de signaux entre cellules inductrices de tissu lymphoïde et les dans les plaques de Peyer via leurs récepteurs CXCR5, et le récepteur
cellules stromales locales. Des signaux venant des cellules stromales du TNF, TNFR-I, est aussi impliqué dans le développement des plaques
font exprimer, par les cellules inductrices de tissu lymphoïde, les sous- de Peyer mais non de celui des autres tissus montrés ici. En ce qui
unités des lymphotoxines (LT)-α et -β. Ces sous-unités peuvent former concerne les signaux des LT, les exigences des ganglions lymphatiques
des homotrimères (LT-α3) ou hétérotrimères (LT-α1:β2) ; LT-α1:β2 agit sur périphériques ressemblent davantage à celles des ganglions
les cellules stromales locales via le récepteur de LT-β, et ce récepteur lymphatiques mésentériques. Les différences dans les exigences des
est nécessaire au développement de tous les tissus lymphoïdes sous-unités de LT et de leurs récepteurs reflètent probablement de
considérés ici, comme l’est la production de la sous-unité de la LT-α. subtiles différences dans les voies de signalisation utilisées dans les
La stimulation des cellules stromales via le récepteur de LT-β conduit à différents sites. Les molécules d’adhérence sont aussi impliquées dans
l’expression de molécules d’adhérence comme VCAM-1 et la production le développement des tissus lymphoïdes. Les plaques de Peyer se
de chimiokines comme CCL19, CCL21 et CXCL13, qui toutes recrutent développent normalement en absence de sélectine L mais dépendent
des lymphocytes dans l’organe en développement, ainsi que davantage partiellement de l’intégrine α4:β7 et sont entièrement absentes si ce deux
de cellules inductrices de tissu lymphoïde. Les ganglions lymphatiques protéines sont absentes. Les ganglions lymphatiques mésentériques
mésentériques sont les premiers tissus lymphoïdes à se développer requièrent aussi soit la sélectine L ou l’intégrine α4:β7 , mais se
chez le fœtus. Les cellules inductrices de tissu lymphoïde dans ces sites développent normalement en absence of l’une des deux. Les ganglions
produisent la LT-α1:β2 en réponse à la cytokine TRANCE de la famille du lymphatiques systémiques ne requièrent que la sélectine L pour leur
TNF produite par les cellules stromales, mais des expériences sur des développement.
souris knockout montrent que la sous-unité de LT-β n’est pas essentielle
Cellule M
Fig. 11.8 Capture et transport des antigènes lamina propria. Ce comportement permet aux cellules dendritiques des muqueu-
par les cellules M. Comme le montrent
ses de prélever des antigènes à travers une barrière épithéliale intacte sans inter-
les trois premiers panneaux, les cellules M
dans l’épithélium associé aux follicules des vention des cellules M. Après avoir capté des antigènes de la lumière intestinale, les
plaques de Peyer ont une membrane basale cellules dendritiques de la lamina propria les transportent dans les zones de cel-
qui forme des « poches » dans le feuillet lules T des ganglions lymphatiques mésentériques par les lymphatiques afférents
épithélial, permettant un contact étroit avec
les lymphocytes et les autres cellules. Ceci
qui drainent la paroi intestinale. Des populations semblables de cellules dendriti-
favorise le transport local des antigènes qui ques qui captent des antigènes locaux et migrent dans les ganglions lymphatiques
ont été captés par les cellules M et livrés aux de drainage se trouvent dans les poumons et d’autres surfaces muqueuses.
cellules dendritiques pour la présentation
antigénique. La micrographie d’une partie
d’une plaque de Peyer à droite montre des 11-5 Le système immunitaire des muqueuses contient de nombreux
cellules épithéliales (bleu foncé) dont certaines
sont les cellules M qui forment des poches lymphocytes effecteurs même en absence de maladie.
dans lesquelles les cellules T (rouge) et les
cellules B (vert) s’accumulent. Les cellules ont En plus des organes lymphoïdes organisés, une muqueuse contient un nombre
été colorées par des anticorps fluorescents
spécifiques de chaque type cellulaire. énorme de lymphocytes et d’autres leucocytes dispersés à travers tout le tissu. La
plupart de ces lymphocytes ont l’apparence de cellules qui ont été activées par un
antigène, et ils comprennent les cellules T effectrices et les plasmocytes du sys-
tème immunitaire des muqueuses. Dans l’intestin, on trouve des cellules effec-
trices dans deux compartiments principaux : l’épithélium et la lamina propria
(Fig. 11.10). Ces tissus sont tout à fait distincts en termes immunologiques, bien
qu’ils ne soient séparés que par une fine couche de membrane basale. L’épithélium
contient surtout des lymphocytes, qui sont en vaste majorité des cellules T CD8. La
lamina propria est beaucoup plus hétérogène ; elle comprend de grands nombres
cellule T
CD8 CCR9
intégrine
αE:β7
intégrine
α4:β7
cellule T CCR9
CD4
CD
macrophage
mastocyte
IgA
cellule dendritique
plasmocyte
de cellules T CD4 et CD8, ainsi que des plasmocytes, des macrophages, des cel- Fig. 11.10 La lamina propria et l’épithélium
lules dendritiques et de rares éosinophiles et mastocytes. Les neutrophiles sont de la muqueuse intestinale sont des
compartiments lymphoïdes distincts.
rares dans l’intestin normal, bien que leur nombre augmente rapidement durant La lamina propria contient un mélange
une maladie inflammatoire ou une infection. Le nombre total de lymphocytes hétérogène de plasmocytes producteurs
dans l’épithélium et la lamina propria excède probablement celui de la plupart des d’IgA, de lymphocytes dotés d’un phénotype
« mémoire » (voir Chapitre 10), de cellules T
autres parties du corps. CD4 et CD8 effectrices conventionnelles, de
La muqueuse intestinale normale montre dès lors de nombreuses caractéristi- cellules dendritiques (CD), de macrophages
et de mastocytes. Les cellules T de la
ques d’une réaction inflammatoire chronique, à savoir la présence de nombreux lamina propria de l’intestin grêle expriment
lymphocytes effecteurs et d’autres leucocytes dans les tissus. Il s’agit d’une consé- l’intégrine α4:β7 et le récepteur de
quence des réponses locales permanentes à une myriade d’antigènes inoffensifs chimiokine CCR9, qui les attirent dans le tissu
à partir du courant sanguin. Des lymphocytes
qui bombardent les muqueuses en déclenchant rarement une maladie. On en
intra-épithéliaux expriment CCR9 et
conclut que de puissants mécanismes régulateurs évitent que ces réactions loca- l’intégrine αE:β7 , qui se lie à la cadhérine E sur
les ne deviennent excessives. les cellules épithéliales. Elles sont surtout des
cellules T CD8, dont certaines expriment la
forme α:β conventionnelle de CD8 et d’autres
11-6 La circulation des lymphocytes dans le système immunitaire l’homodimère CD8α:α. Les cellules T CD4
prédominent dans la lamina propria, tandis
des muqueuses est contrôlée par des molécules d’adhérence que les cellules T CD8 prédominent dans
propres au tissu et par des récepteurs de chimiokine. l’épithélium.
Les cellules T entrent dans les plaques Les cellules T dans la plaque de Peyer Les cellules T activées transitent Des cellules T activées exprimant
de Peyer à partir des vaisseaux rencontrent un antigène transporté par les ganglions lymphatiques l’intégrine 𝛂4:𝛃7 et CCR9 migrent
mésentériques avant de rejoindre dans la lamina propria et l’épithélium
sanguins, dirigées par les récepteurs à travers les cellules M et sont activées le canal thoracique et de retourner
d’écotaxie CCR7 et la sélectine L par des cellules dendritiques dans l’intestin par le courant sanguin intestinal de l’intestin grêle
CCR9
intégrine
A4:B7
CCR7
HEV
sélectine L ganglions
lymphatiques
mésentériques
Fig. 11.11 Sensibilisation des cellules T et cessent d’exprimer CCR7 et la sélectine L. Ce qui signifie qu’ils perdent leur ten-
naïves and redistribution des cellules T
dance à se localiser dans les organes lymphoïdes périphériques, et dès qu’ils les
effectrices dans le système immunitaire
intestinal. Des cellules T naïves sont ont quittés ils sont incapables d’y revenir par les veinules à endothélium élevé.
porteuses du récepteur de chimiokine CCR7
et de la sélectine L, ce qui permet leur entrée Les lymphocytes effecteurs des muqueuses quittent les organes lymphoïdes où
dans les plaques de Peyer par les veinules à ils ont été activés et retournent dans les muqueuses. Les lymphocytes activés
endothélium élevé (HEV). Dans la zone des dans les plaques de Peyer quittent par les lymphatiques, passent par les ganglions
cellules T, elles rencontrent un antigène qui lymphatiques mésentériques et aboutissent finalement dans le canal thoraci-
a été transporté dans le tissu lymphoïde par
les cellules M et est présenté par des cellules que. De là, ils parcourent tout l’organisme par le courant sanguin (voir Fig. 11.11)
dendritiques locales. Durant l’activation, et rejoignent les muqueuses de manière sélective par les petits vaisseaux san-
et sous le contrôle sélectif des cellules guins de la lamina propria. Les cellules B spécifiques d’antigène sont sensibili-
dendritiques intestinales, les cellules T perdent
sées comme cellules B productrices d’IgM dans la plaque de Peyer, subissent là
la sélectine L et acquièrent le récepteur de
chimiokine CCR9 et l’intégrine α4:β7. Après une commutation de classe et entrent dans la lamina propria comme plasmocy-
activation, mais avant leur différenciation tes sécréteurs d’IgA.
complète, les cellules T sensibilisées sortent
des plaques de Peyer par les lymphatiques Le tropisme intestinal spécifique est en partie déterminé par l’expression de l’inté-
de drainage, transitent par le ganglion grine α4:β7 sur les lymphocytes. Celle-ci se lie à l’adressine vasculaire des muqueu-
lymphatique mésentérique avant de rejoindre
ses MAdCAM-1 des cellules endothéliales bordant les vaisseaux sanguins de la
le canal thoracique, d’où elles passent
dans le courant sanguin qui ramène les paroi intestinale (Fig. 11.12). Les lymphocytes sensibilisés dans l’intestin y sont
cellules T activées dans la paroi intestinale. ramenés aussi sous l’effet de chimiokines particulières produites par l’épithé-
Les cellules T porteuses de CCR9 et de α4:β7 lium intestinal. CCL25 (TECK), exprimée par l’épithélium de l’intestin grêle, est
y sont attirées spécifiquement, ce qui leur
permet d’échapper au courant sanguin et
un ligand pour le récepteur de chimiokine, CCR9, exprimé sur les cellules T et cel-
d’entrer dans la lamina propria de la villosité. lules B à tropisme intestinal. Même dans l’ensemble du tractus digestif, il sem-
ble y avoir une spécialisation régionale dans l’expression de chimiokines. Le côlon
et les glandes salivaires expriment CCL28 (MEC, Mucosal Epithelial Chemokine),
qui interagit avec le récepteur CCR10 des lymphocytes à tropisme intestinal et qui
attire les lymphoblastes B producteurs d’IgA.
Seuls les lymphocytes qui ont d’abord rencontré un antigène dans un organe lym-
phoïde secondaire associé à l’intestin sont amenés à exprimer des récepteurs et
des intégrines permettant l’écotaxie intestinale. Cette capacité inductrice est une
caractéristique des cellules dendritiques du GALT, liée en partie à leur contenu en
acide rétinoïque, qui provient de la transformation enzymatique de la vitamine
A par la rétinal déshydrogénase. Ces cellules dendritiques induisent l’expression
sélective de l’intégrine α4:β7 et de CCR9 lors de la présentation d’un antigène et
de l’activation des cellules T naïves, alors que les cellules dendritiques de tissus
autres que les muqueuses, par exemple la peau, font exprimer par les lympho-
cytes T activés l’intégrine α4:β1, l’antigène lymphocytaire cutané (CLA, Cutaneous
Lymphocyte Antigen) et le récepteur de chimiokine CCR4, qui confèrent à ces cel-
lules un tropisme cutané (voir la Section 10-6). Ces conséquences de la spécifi-
cité tissulaire lors de la sensibilisation lymphocytaire dans le GALT expliquent
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 469
L’IgA est la classe dominante du système immunitaire muqueux ; elle est pro-
duite localement par les plasmocytes présents dans la paroi muqueuse. Cette
classe d’anticorps existe chez l’homme sous deux formes isotypiques, IgA1 et IgA2.
L’expression de l’IgA est différente selon les deux principaux compartiments dans
lesquels on la trouve, le sang et les sécrétions muqueuses. Dans le sang, l’IgA est
sous forme monomérique ; elle est produite dans la moelle osseuse par des plas-
mocytes dérivés des cellules B qui ont été activées dans les ganglions lymphati-
ques, le rapport entre IgA1 et IgA2 étant de 10:1. Dans les muqueuses, l’IgA est
produite presque entièrement sous forme d’un dimère stabilisé par une chaîne J et
le rapport entre IgA1 et IgA2 est d’environ 3:2.
470 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
Les cellules B naïves servant de précurseurs aux plasmocytes sécréteurs d’IgA sont
activées dans les plaques de Peyer et les ganglions lymphatiques mésentériques. La
commutation de classe des lymphocytes B naïfs vers la production d’IgA survient
sous le contrôle de la cytokine TGF-β (Transforming Growth Factor-β) dans les tissus
lymphoïdes organisés du GALT, qui recourent aux mêmes mécanismes moléculaires
que ceux des ganglions lymphatiques et de la rate (les mécanismes moléculaires de la
commutation de classe sont décrits en détail au Chapitre 4 et les conséquences géné-
rales de la commutation de classe ou des réponses immunitaires dans le Chapitre 9).
Environ 5 grammes d’IgA sont produits chaque jour dans les muqueuses humaines,
ce qui excède considérablement la production de toute autre classe d’immunoglobu-
line dans le corps. Plusieurs pathogènes intestinaux communs possèdent des enzy-
mes protéolytiques qui peuvent digérer l’IgA1 ; l’IgA2 est beaucoup plus résistante à la
digestion. La plus grande proportion de plasmocytes sécréteurs d’IgA2 dans la lamina
propria de l’intestin pourrait donc être la conséquence d’une pression sélective exer-
cée par les pathogènes contre les individus produisant peu d’IgA2 dans l’intestin.
Après activation et différenciation des cellules B, les lymphoblastes expriment l’in-
tégrine d’écotaxie muqueuse α4:β7 ainsi que les récepteurs de chimiokines CCR9
et CCR10. Les plasmocytes sécréteurs d’IgA se localisent dans les muqueuses par
les mécanismes que nous avons décrits à la Section 11-6. Une fois dans la lamina
propria, les plasmocytes synthétisent et sécrètent des dimères d’IgA contenant la
chaîne J dans l’espace sous-épithélial (Fig. 11.13). Pour atteindre ses cibles antigé-
niques dans la lumière intestinale, l’IgA doit être transportée à travers l’épithélium.
Ce sont les cellules épithéliales immatures situées à la base des cryptes intestinales
qui s’en chargent. Elles expriment le récepteur des immunoglobulines polymé-
riques (le récepteur poly-Ig) à leur surface basolatérale. Ce récepteur a une forte
affinité pour les immunoglobulines polymériques contenant la chaîne J comme
l’IgA dimérique, et transporte les anticorps par transcytose à la surface luminale
de l’épithélium, où elle est libérée par clivage protéolytique du domaine extracel-
lulaire du récepteur poly-Ig. Une partie du récepteur clivé reste associée à l’IgA
et est appelée composant sécrétoire (fréquemment désigné par le sigle SC pour
Secretory Component). L’anticorps resultant est alors appelé IgA sécrétoire.
Lamina propria
IgA
Chez certains animaux, l’IgA est sécrétée dans l’intestin par une seconde voie, la
voie hépatobiliaire (Fig. 11.14). Dans ce cas, les anticorps IgA dimériques qui ne
se lient pas au récepteur poly-Ig des cellules épithéliales sont emportés dans les
veines portes de la lamina propria, qui drainent le sang de l’intestin vers le foie.
Dans cet organe, les petites veines (sinusoïdes) sont bordées par des hépatocy-
tes qui expriment le récepteur poly-Ig à leur surface basale, permettant la transcy-
tose de l’IgA dans les canaux biliaires adjacents. De cette manière, l’IgA sécrétoire
peut être déversée directement dans la partie supérieure de l’intestin grêle par la
voie biliaire principale. De plus, les anticorps IgA qui ont lié des antigènes dans la
lumière peuvent être ramenés dans la paroi intestinale par les cellules épithéliales
et éliminés du corps par la voie hépatobiliaire. Bien que très efficace chez le rats, le
lapin et le poulet, cette voie ne semble pas avoir d’importance chez l’homme, dont
les hépatocytes n’expriment pas le récepteur poly-Ig.
L’IgA sécrétée dans la lumière intestinale se lie, par des motifs glucidiques du com-
posant sécrétoire, à la couche de mucus couvrant la surface épithéliale. Sa réten-
tion près de la surface épithéliale signifie qu’elle peut empêcher ainsi l’adhérence
des micro-organismes, et neutraliser leurs toxines et enzymes (Fig. 11.15). En plus
de cett activité dans la lumière intestinale, on a trouvé que l’IgA à l’intérieur des
cellules épithéliales neutralisait le lipopolysaccharide bactérien ayant pénétré
dans les cellules épithéliales. La capacité de l’IgA sécrétoire d’activer la voie classi-
que du complément et d’agir comme opsonine est faible ; elle ne peut donc induire
d’inflammation. Sa fonction principale est de limiter l’accès des pathogènes aux
muqueuses, sans risquer de causer des dommages inflammatoires à ces tissus
fragiles. L’IgA intestinale joue aussi un rôle important dans la relation symbioti-
que entre un individu et ses bactéries commensales intestinales en contribuant
à confiner ces organismes dans la lumière intestinale. Le répertoire IgA dans l’in-
testin comprend des anticorps spécifiques d’antigènes exprimés par les bactéries
commensales ; on ne trouve pas ces anticorps spécifiques dans le sérum sauf dans
des circonstances pathologiques lorsque des bactéries commensales ont envahi le
courant sanguin.
Chez les souris, une proportion significative des anticorps IgA intestinaux est pro-
duite par des lymphocytes de la sous-population B-1 (voir la Section 7-28). Les
cellules B-1, qui proviennent de précurseurs de cellules B de la cavité péritonéale,
présentent un répertoire restreint d’immunoglobulines et produisent des anti-
corps contre certains antigènes sans l’aide de cellules T. Cependant, cette source
d’IgA ne paraît pas exister chez l’homme, chez qui toutes les réponses à IgA sécré-
toire impliquent une hypermutation somatique et semblent dépendre des cellu-
les T. Néanmoins, son existence chez la souris pourrait s’inscrire dans l’histoire
évolutive des réponses humorales spécifiques.
472 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
Fig. 11.15 L’IgA sécrétoire exerce plusieurs L’IgA sécrétée sur la surface
fonctions sur les surfaces épithéliales. L’IgA est capable de se lier aux L’IgA peut exporter des toxines et
intestinale peut se lier à des antigènes internalisés dans les des pathogènes à partir de la lamina
Premier panneau : l’IgA est adsorbée par la pathogènes et des toxines et les
neutraliser endosomes et de les neutraliser propria tandis qu’elle est sécrétée
couche de mucus couvrant l’épithélium, où
elle peut neutraliser des pathogènes et leurs toxine
toxines, empêcher leur accès aux tissus et
inhiber leurs fonctions. Deuxième panneau : un couche de mucus
antigène internalisé par la cellule épithéliale
peut rencontrer et être neutralisé par l’IgA
dans les endosomes. Troisième panneau : cellule épithéliale
des toxines ou des pathogènes qui ont atteint
la lamina propria rencontrent l’IgA dimérique
spécifique du pathogène dans la lamina
propria, et les complexes formés sont excrétés
dans la lumière à travers la cellule épithéliale
comme l’IgA est sécrétée par l’intermédiaire du
récepteur de poly-Ig.
toxine
Lamina propria
CE
LIE
MB
LIE
CE
MB
LIE
LP
CE
même dans l’intestin normal et en absence d’inflammation. Dans des affections Fig. 11.16 Lymphocytes intra-épithéliaux.
L’épithélium de l’intestin grêle contient une
comme la maladie cœliaque et les maladies inflammatoires intestinales, les cellu-
vaste population de lymphocytes dits intra-
les T CD4 de la lamina propria sont clairement les principales cellules T effectrices épithéliaux (LIE) (panneau de gauche).
responsables des dommages tissulaires locaux, mais leur fonction dans l’intestin La micrographie du centre est celle d’une
normal est incertaine. Elles peuvent aider à la production d’IgA par les plasmo- coupe d’intestin grêle humain dans lequel les
cellules T CD8 ont été colorées en brun par un
cytes locaux, ou elles peuvent être des cellules T régulatrices impliquées dans la anticorps monoclonal marqué à la peroxidase.
prévention des réactions d’hypersensibilité aux protéines alimentaires et aux bac- La plupart des lymphocytes dans l’épithélium
téries commensales, comme décrit plus loin dans ce chapitre. Les cellules T CD8 sont des cellules T CD8. Grossissement × 400.
activées sont aussi présentes dans la lamina propria et sont capables de produire La micrographie électronique à droite montre
que les LIE sont situés entre les cellules
des cytokines et d’exercer une activité cytotoxique durant une réponse immuni- épithéliales (CE) sur la membrane basale (MB)
taire protectrice contre des pathogènes et au cours d’une inflammation. séparant la lamina propria (LP) de l’épithélium.
On voit un LIE situé dans l’épithélium après
Les lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) sont tout à fait différents (Fig. 11.16). On avoir traversé la membrane basale et avoir
dénombre 10 à 15 lymphocytes pour 100 cellules épithéliales dans l’intestin grêle laissé une trainée de cytoplasme dans son
normal, ce qui signifie qu’il s’agit d’une des plus grandes populations lympho- sillage. Grossissement × 8 000.
cytaires de l’organisme. Plus de 90 % des lymphocytes intra-épithéliaux sont des
cellules T, et environ 80 % de ceux-ci sont porteurs de CD8, ce qui contraste com-
plètement avec les lymphocytes de la lamina propria. Cependant, comme dans la
lamina propria, la plupart des lymphocytes intra-épithéliaux paraissent avoir été
activés, et sont pourvus de granules contenant de la perforine et des granzymes,
comme le sont les cellules T effectrices cytotoxiques. La plupart de ces lymphocy-
tes recourent à un nombre relativement étroit de segments géniques V(D)J pour la
synthèse de leurs récepteurs de cellule T, ce qui indique qu’ils peuvent s’être mul-
tipliés localement en réponse à un faible nombre d’antigènes. Les lymphocytes
intra-épithéliaux de l’intestin grêle expriment le récepteur de chimiokine CCR9,
mais ont l’intégrine αE:β7 à leur surface au lieu de l’intégrine α4:β7 présente sur les
autres cellules T à tropisme intestinal. Le récepteur de l’intégrine αE:β7 est la cadhé-
rine E de la surface des cellules épithéliales, cette interaction pouvant contribuer
au maintien de ces lymphocytes dans l’épithélium (voir Fig. 11.12).
L’origine et les fonctions des lymphocytes intra-épithéliaux sont controversées.
Chez les jeunes animaux et chez les adultes de certaines espèces, on trouve un nom-
bre anormalement élevé de cellules T γ:δ dans l’épithélium intestinal. Cependant,
chez les souris adultes normales et chez l’homme, les cellules T γ:δ sont en nombre
474 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
MIC-A,B
CD8α:α
NKG2D CD8α:α
similaire dans l’épithélium et dans le courant sanguin. Chez la souris, environ 50 %
des lymphocytes intra-épithéliaux expriment la forme homodimérique inhabi-
tuelle α:α de CD8, et l’on peut répartir les cellules T en deux groupes selon la forme
de CD8 exprimée. Le type a est constitué de cellules T conventionnelles porteuses
du récepteur de cellule T α:β et de l’hétérodimère CD8α:β. Elles dérivent des cellu-
les T CD8 naïves activées dans les plaques de Peyer, comme décrit plus haut, et fonc-
tionnent comme des cellules T conventionnelles cytotoxiques restreintes au CMH
de classe I, tuant par exemple les cellules infectées par un virus, (Fig. 11.17, pan-
neaux supérieurs). Elles sécrètent aussi des cytokines effectrices comme l’IFN-γ.
La seconde classe de lymphocytes intra-épithéliaux, le type b, comprend des cel-
lules T exprimant l’homodimère α CD8 (CD8 α:α) et leurs récepteurs de cellule T
sont soit α:β ou γ:δ. Cependant, les récepteurs des cellules T α:β dans ce groupe ne
se lient pas aux ligands conventionnels peptide:CMH, mais bien à divers autres
ligands, entre autres des molécules du CMH de classe Ib (voir Sections 5-17 et
5-18). Contrairement aux cellules T intra-épithéliales de type a, de nombreuses
cellules T de type b ne subissent pas de sélection conventionnelle positive et néga-
tive dans le thymus (voir Chapitre 7) et expriment des récepteurs de cellule T appa-
remment autoréactifs. Cependant, l’absence de la protéine CD8 α:β signifie que ces
cellules T ont une faible affinité pour les complexes peptide:CMH conventionnels
et ne peuvent donc agir comme cellules effectrices autoréactives.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 475
Résumé.
Les muqueuses comme celles de l’intestin et du tractus respiratoire sont exposées
continuellement à d’énormes quantités d’antigènes différents, qui peuvent être dan-
gereux lorsqu’ils proviennent de pathogènes ou inoffensifs comme le sont les ali-
ments ou les organismes commensaux. Les réponses immunitaires à cette charge
antigénique sont contrôlées par un compartiment distinct du système immuni-
taire, le système immunitaire des muqueuses, qui est le plus vaste de tout l’orga-
nisme et se distingue par de nombreuses caractériques qui lui sont propres. Parmi
celles-ci, on trouve des voies et des processus particuliers pour le prélèvement et
476 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
la présentation des antigènes, qui se font entre autres à hauteur des cellules M qui
transportent les antigènes à travers l’épithélium des plaques de Peyer. On trouve
aussi des populations inhabituelles de cellules dendritiques qui donnent aux cellu-
les T qu’elles activent un tropisme intestinal. Les lymphocytes sensibilisés dans le
tissu lymphoïde associé aux muqueuses acquièrent des récepteurs d’écotaxie spé-
cifique leur permettant de revenir préférentiellement dans les muqueuses comme
cellules effectrices. L’exposition à un antigène en dehors du système immunitaire
des muqueuses ne peut reproduire ces effets. Les tissus lymphoïdes associés aux
muqueuses génèrent aussi des réponses effectrices différentes de celles des autres
parties du corps, entre autres des formes uniques de réaction immunitaire innée.
Les réponses immunitaires adaptatives dans les muqueuses sont caractérisées par
la production d’IgA dimérique sécrétoire, et par la présence de populations distinc-
tes de cellules T effectrices dont les propriétés fonctionnelles et phénotypiques sont
fortement influencées par leur localisation anatomique.
Malgré les divers mécanismes de l’immunité innée intestinale et une rude compé-
tition avec la flore locale, l’intestin est le site le plus fréquemment infecté par des
pathogènes, que ce soient des virus, des bactéries entériques comme Salmonella
et Shigella, des protozoaires comme Entamoeba histolytica ou des helminthes
parasites comme les ténias et les oxyures (Fig. 11.18). Ces pathogènes causent des
maladies de diverses manières, mais certains caractères communs à ces infections
nous permettent de comprendre comment ils stimulent une réponse immunitaire
efficace. Dans l’intestin, comme d’ailleurs dans le reste du corps, une phase essen-
tielle est l’activation du système immunitaire inné.
Les mécanismes innés éliminent la plupart des infections intestinales rapidement
et sans que celles-ci ne s’étendent de manière significative au-delà de l’intestin.
L’activation locale des cellules inflammatoires par les récepteurs de motifs micro-
biens comme les récepteurs de type Toll (TLR, Toll-Like Receptors) est importante
dans ce processus, mais les cellules épithéliales intestinales elles-mêmes contri-
buent aussi significativement et ne sont pas de simples victimes passives de l’in-
fection. Les cellules épithéliales n’expriment pas de TLR ou CD14 (une partie
essentielle du complexe TLR-4 qui détecte les lipopolysaccharides bactériens) à
leur surface apicale et sont ainsi probablement incapables de détecter les bacté-
ries présentes dans la lumière intestinale. Par contre, elles sont porteuses de TLR-5
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 477
à leur surface basale, ce qui leur permet de reconnaître la flagelline (la protéine qui
compose le flagelle bactérien) sur les bactéries qui ont réussi à traverser la barrière
épithéliale. Des souris mutantes dépourvues de ce récepteur sont plus sensibles
à une infection par Salmonella. Les cellules épithéliales comportent également,
dans des vacuoles intracellulaires, des TLR qui peuvent détecter des pathogènes
et leurs produits internalisés par endocytose (Fig. 11.19).
Les cellules épithéliales ont également des senseurs intracellulaires qui peu-
vent réagir aux micro-organismes ou à leurs produits entrés dans le cytoplasme
(voir Fig. 11.19). Ces senseurs comprennent les protéines NOD1 et NOD2
(Nucleotide-binding Oligomerization Domain), qui sont apparentées aux TLR
(voir la Section 2-9). Ces protéines sont aussi appelées respectivement CARD4
et CARD15 car elles contiennent un domaine de recrutement des caspases
Virus
Rotavirus Gastro-entérite
Virus de type Norwalk Maladie des vomissements hivernaux
Astrovirus Maladie des vomissements hivernaux
Adenovirus Maladie des vomissements hivernaux
Parasites
Protozoaires
Helminthes
Fig. 11.19 Les cellules épithéliales jouent comme CXCL8, CXCL1 (GROa), CCL1 et
Des bactéries Des bactéries ou leurs
endocytées sont un rôle critique dans la défense innée CCL2, qui attirent des neutrophiles et des
produits entrant
reconnues par des TLR contre les pathogènes. Les récepteurs macrophages ; (2) CCL20 et des β-défensines,
directement dans le
présents dans des cytosol sont reconnus de type Toll (TLR ) sont présents dans des qui en plus de leurs propriétés microbicides,
vésicules intracellulaires par NOD1 et NOD2 vésicules intracellulaires ou à la surface attirent les cellules dendritiques immatures ;
basolatérale des cellules épithéliales ; ils (3) les cytokines, IL-1 et IL-6, qui activent les
reconnaissent différents composants des macrophages et d’autres composants de la
pathogènes. Les récepteurs de reconnaissance réaction inflammatoire aiguë. Les cellules
de motifs NOD1 et NOD2 se trouvent dans épithéliales expriment aussi MIC-A et MIC-B
le cytoplasme et reconnaissent des peptides et d’autres molécules du CMH non classique
de la paroi bactérienne. Les TLR et les NOD liées au stress, qui peuvent être reconnues par
activent la voie de NFκB, ce qui déclenche la les cellules du système immunitaire inné. IκB,
production par les cellules épithéliales d’agents inhibiteur de NFκB.
TLR
pro-inflammatoires : (1) des chimiokines
NOD
Fig. 11.21 Shigella flexneri, un agent de la dysenterie bactérienne, qui forme alors des oligomères ; NOD1 oligomérisée se lie la protéine
infecte les cellules épithéliales intestinales et déclenchent kinase RICK, qui active la voie de NFκB, entrainant ainsi la transcription
l’activation de la voie de NFκB. Shigella flexneri se lie aux cellules M des gènes de chimiokines et de cytokines (troisième panneau). Les
et passe ensuite sous l’épithélium intestinal (premier panneau). Les cellules épithéliales activées libèrent la chimiokine CXCL8 (IL-8), qui
bactéries infectent les cellules épithéliales intestinales à partir de leur recrute les neutrophiles (quatrième panneau). IκK, IκB kinase ; IκB,
surface basale et sont libérées dans le cytoplasme (deuxième panneau). inhibiteur de NFκB.
Le lipopolysaccharide (LPS) sur les shigelles se lie à la protéine NOD1,
Les shigelles pénètrent dans Les shigelles envahissent la surface Le LPS des shigelles se lie et
basale des cellules épithéliales et se L’épithélium activé sécrète CXCL8,
l’épithélium intestinal oligomèrise NOD1, activant la voie
propagent dans d’autres cellules épithéliales qui recrute des neutrophiles
par les cellules M de NF𝛋B
IκB
IκK
NFκB
CXCL8
480 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
induisent leur apoptose par la voie des caspases. Tout ceci stimule la production
d’une cascade de médiateurs inflammatoires de la réponse immunitaire innée,
parmi lesquels l’IL-1β et le TNF-α, qui relâchent fortement les jonctions serrées
unissant les cellules épithéliales. Ce qui lève la barrière normale prévenant l’inva-
sion bactérienne, permettant aux micro-organismes d’inonder le tissu intestinal à
partir de la lumière et d’étendre l’infection.
Malgré cette aide apparente à l’envahisseur, il convient de se rappeler que le rôle
principal des médiateurs et des cellules de la réponse immunitaire innée est de
contribuer au déclenchement de la réponse immunitaire adaptative, qui finale-
ment éliminera le germe. Ces effets protecteurs sont en grande partie liés à l’acti-
vité des cytokines IL-12 et IL-18 produites par les macrophages infectés. Ceux-ci
entraînent la production d’IFN-γ par des cellules T spécifiques d’antigène, ce qui
à son tour amplifie l’aptitude des macrophages à tuer les bactéries ingérées. Ainsi,
la réponse immunitaire innée aux bactéries entériques a, semble-t-il, des effets
opposés. Elle orchestre une série de puissants mécanismes effecteurs visant à éli-
miner l’infection, mais ceux-ci sont exploités par le germe envahisseur. Le fait que
la réponse immunitaire protectrice sorte gagnante dans la plupart des cas témoi-
gne de l’efficacité et de la souplesse du système immunitaire des muqueuses.
L’interaction entre hôte et pathogène est encore compliquée par l’aptitude de
nombreux microbes entériques de moduler la réponse inflammatoire. Par exem-
ple, Yersinia produisent les protéines Yop, qui peuvent à la fois inhiber la réaction
inflammatoire et bloquer la phagocytose ainsi que la lyse intracellulaire des micro-
bes par les phagocytes. Salmonella typhi crée son propre abri à l’intérieur des pha-
gosomes en modifiant la membrane des phagosomes et en empêchant la fonction
des mécanismes lytiques. Shigella, au contraire, réside dans le cytoplasme des cel-
lules épithéliales où elle adapte le cytosquelette d’actine, créant un équipement
moléculaire qui lui permet d’être transférée directement dans d’autres cellules sans
être exposée au système immunitaire. Tous ces micro-organismes facilitent aussi
leur dispersion en induisant l’apoptose des cellules phagocytaires, ce qui prive la
réaction inflammatoire d’une arme importante. Les molécules immunomodula-
trices produites par ces bactéries sont fréquemment essentielles pour leur apti-
tude à causer une maladie, ce qui souligne leur rôle vital dans le cycle bactérien.
Fig. 11.22 La sensibilisation immunitaire et une inflammation. Dans le cas des protéines
la tolérance orale sont des conséquences alimentaires, il n’y a pas de production locale Immunité Tolérance
différentes de l’exposition intestinale d’anticorps IgA et pas de réponse humorale protectrice orale
à un antigène. Panneau supérieur : le primaire systémique et les cellules T effectrices
système immunitaire intestinal génère une ne sont pas activées. Comme le montrent les Protéines alimentaires,
Bactéries invasives,
Antigène bactéries
immunité protectrice contre des antigènes panneaux inférieurs, la tolérance orale peut virus, toxines
commensales
qui constituent une menace, comme des être induite par administration orale d’une
organismes pathogènes et leurs produits. protéine comme l’ovalbumine à une souris IgA intestinale Quelques Ac IgA
Production locaux Ac sériques
Les anticorps IgA sont produits localement, normale. Tout d’abord, les souris reçoivent Ac spécifiques présents
d’Ig absents ou en faible
des IgG et IgA sériques sont produites et les l’ovalbumine par voie orale ou une protéine dans le sérum
quantité
cellules T effectrices appropriées sont activées différente servant de contrôle. Sept jours
dans l’intestin et ailleurs. Lorsque l’antigène plus tard, les souris sous immunisées contre Cellules T effectrices Pas de réponse
est rencontré à nouveau, des cellules mémoire l’ovalbumine par injection sous-cutanée en Réponse
et mémoire locales par des cellules T
des cellules T
efficaces assurent rapidement une protection. présence d’un adjuvant ; 2 semaines plus et systémiques effectrices locales
Des antigènes inoffensifs comme des protéines tard, on mesure les réponses immunitaires
alimentaires ou des antigènes de bactéries systémiques comme les anticorps sériques et Réponse lors
Réponse
d’une nouvelle Réponse faible
commensales induisent un phénomène appelé la fonction des cellules T. Les souris qui ont amplifiée
exposition ou nulle
tolérance orale. Ils ne déclenchent pas les reçu l’ovalbumine par voie orale développent (mémoire)
à l’antigène
signaux de danger nécessaires à l’activation une réponse immunitaire systémique spécifique
des cellules présentatrices d’antigènes locales, de l’ovalbumine plus faible que celle des souris
Les souris reçoivent de l’ovalbumine
ou n’envahissent pas suffisamment pour causer qui ont reçu la protéine contrôle. ou une protéine contrôle
est de longue durée et est spécifique de l’antigène, les réponses à d’autres antigènes
n’étant pas affectées. Une suppression similaire des réponses immunitaires subsé-
quentes est observée après l’administration de protéines inertes dans le tractus res-
piratoire, ce qui a donné naissance au concept de tolérance des muqueuses, qui
serait la réponse habituelle à de tels antigènes administrés sur une muqueuse.
Au jour 7, on injecte aux souris l’ovalbumine
Tous les types de réponse immunitaire périphérique sont sensibles à la tolérance avec un adjuvant pour stimuler efficacement
la réponse immunitaire
orale. Toutefois, les réponses effectrices dépendant des cellules T et la production
d’IgE tendent à être plus inhibées que les réponses à anticorps sériques IgG. Ainsi,
les réponses immunitaires systémiques les plus sensibles à la tolérance orale sont
celles qui sont habituellement associées à une inflammation tissulaire. Les répon-
ses immunitaires dans les muqueuses sont aussi atténuées, ce qui signifie que le
phénomène s’étend à la fois aux tissus locaux et périphériques. Une rupture de la
tolérance orale surviendrait dans la maladie cœliaque. Chez les individus généti- Souris traitées
quement prédisposés et souffrant de cette affection, des cellules T CD4 productrices
d’IFN-γ et dirigées contre la protéine du gluten de blé déclenchent une inflamma- Ovalbumine Contrôle
tion destructrice de la partie haute de l’intestin grêle (voir la Section 13-15).
Réponse – +++
Les mécanismes de la tolérance orale aux antigènes protéiques ne sont que partiel- à l’ovalbumine
lement connus, mais ils consistent probablement en anergie ou délétion des cellu-
les T spécifiques d’antigène et en génération de divers types de cellules T régulatrices,
que l’on trouve dans les plaques de Peyer et les ganglions lymphatiques mésentéri-
ques. Elles peuvent revenir dans la lamina propria, mais aussi influencer les réponses
ailleurs dans l’organisme. Nous avons vu au Chapitre 8 que les cellules T régulatrices
peuvent agir de diverses façons, mais les cellules T régulatrices CD4 productrices de
TGF-β (Transforming Growth Factor-β) paraissent jouer un rôle déterminant dans la
tolérance orale. On les appelle parfois cellules TH3 (voir la Section 8-20). Le TGF-β
exerce non seulement des activités immunosuppressives, mais stimule aussi la pro-
duction d’IgA par des cellules B. Ensemble, ces propriétés pourraient contribuer à pré-
venir une immunité active contre les protéines alimentaires en favorisant la tolérance
des cellules T effectrices spécifiques de ces antigènes et la production d’anticorps IgA
non inflammatoires. L’IL-10 produite par des cellules T régulatrices serait aussi impli-
quée dans la tolérance orale ; elle joue un rôle important dans une tolérance équiva-
lente qui survient envers certains antigènes introduits par voie respiratoire.
En plus de son rôle physiologique dans la prévention des réponses immunitaires
inappropriées aux antigènes alimentaires, la tolérance des muqueuse s’est révé-
lée utile comme moyen de prévenir des maladies inflammatoires dans des modè-
les animaux. On a constaté que l’administration orale ou intranasale d’antigènes
appropriés était efficace dans la prévention, et même le traitement, du diabète
de type 1, de l’arthrite expérimentale, de l’encéphalomyélite et d’autres maladies
auto-immunes chez les animaux. Jusqu’à présent, des essais cliniques basés sur
482 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
la tolérance muqueuse pour traiter des maladies équivalentes chez l’homme ont
rencontré moins de succès, mais cela reste un moyen séduisant d’induire une tolé-
rance spécifique en clinique.
Les bactéries commensales ne déclenchent pas non plus de réponse immunitaire
primaire systémique, mais il n’y a pas de tolérance active envers ces antigènes dans
Maladie cœliaque
le système lymphoïde systémique ; ils semblent plutôt être ignorés. Cependant, ils
stimulent la production locale d’anticorps IgA dans l’intestin et il y a une suppres-
sion active des réponses des cellules T effectrices locales. Lorsque des cellules T
effectrices se mettent à réagir contre des protéines alimentaires ou des bactéries
commensales, des affections comme la maladie cœliaque et la maladie de Crohn
(voir les Sections 13-15 et 13-21) peuvent se développer.
Chacun de nous abrite dans son intestin plus de 1000 espèces de bactéries com-
mensales, présentes surtout dans le côlon et la partie basse de l’iléon. Bien que leur
ensemble pèse environ 1 kg, la plupart du temps nous vivons avec notre flore bacté-
rienne intestinale une relation symbiotique pacifique. Elle représente, néanmoins,
une menace potentielle, comme on le constate lorsque l’épithélium intestinal
endommagé permet à un grand nombre de bactéries commensales d’entrer dans
la muqueuse. Un tel accident survient lorsque la circulation sanguine de l’intestin
est compromise à la suite d’un traumatisme, d’une infection, d’une maladie vascu-
laire ou d’un choc toxique (voir Fig. 9.23). Dans ces circonstances, des bactéries nor-
malement inoffensives comme des colibacilles non pathogènes peuvent traverser la
muqueuse, envahir the courant sanguin et causer une infection systémique fatale.
La flore intestinale normale contribue de manière essentielle à notre santé ; elle par-
ticipe au métabolisme de composants alimentaires comme la cellulose, dégrade des
toxines et produit des cofacteurs indispensables comme la vitamine K1 et des acides
gras à chaîne courte. Par un effet direct sur les cellules épithéliales, les bactéries com-
mensales entretiennent le fonctionnement normal de la barrière épithéliale. Elles se
révèlent également très utiles en empêchant les bactéries pathogènes de coloniser
et d’envahir l’intestin. Elles y parviennent en partie par compétition pour l’espace et
les nutriments, mais elles peuvent aussi inhiber directement les voies de signalisa-
tion pro-inflammatoire que les pathogènes stimulent dans les cellules épithéliales et
qui sont nécessaires à l’invasion. Le rôle protecteur de la flore commensale est bien
illustré par les effets nocifs des antibiotiques à large spectre. Ces antibiotiques peu-
vent tuer un grand nombre de bactéries commensales intestinales, créant ainsi une
niche écologique pour des bactéries qui ne seraient pas capables autrement d’en-
trer en compétition avec succès avec la flore normale. Un exemple de bactérie qui
prolifère dans l’intestin soumis à un antibiotique et qui peut causer une infection
grave est Clostridium difficile ; elle produit deux toxines, qui peuvent causer de gra-
ves diarrhées hémorragiques associées à des lésions de la muqueuse (Fig. 11.23).
L’interaction des bactéries commensales avec des TLR est aussi importante dans
la protection contre l’inflammation intestinale. En effet, les souris dépourvues de
TLR-2, de TLR-9 ou de la protéine adaptatrice MyD88 impliquée dans la signalisa-
tion par les TLR sont beaucoup plus sensibles à l’induction de maladies inflamma-
toires intestinales. Cet effet protecteur des TLR paraît être dû à une résistance accrue
des cellules épithéliales aux dommages induits par l’inflammation.
Les bactéries commensales et leurs produits sont reconnus par le système immu-
nitaire adaptatif, comme le montre bien l’étude des animaux axéniques ou gno-
tobiotiques. Les axéniques sont dépourvus de toute flore intestinale, alors que les
gnotobiotiques sont des axéniques volontairement contaminés par un ou plusieurs
micro-organismes connus. Ces animaux montrent une réduction nette de la taille
de tous les organes lymphoïdes périphériques, des taux bas d’immunoglobulines
sériques et une diminution des réactions immunitaires de tout type. Les sécrétions
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 483
intestinales des animaux normaux contiennent des quantités élevées d’IgA sécré-
toire dirigée contre les bactéries commensales. De plus, les individus normaux ont
des cellules T qui peuvent reconnaître des bactéries commensales, bien que ces
antigènes, à l’instar des protéines alimentaires, ne génèrent habituellement pas
de cellules T effectrices. Des bactéries commensales pourraient induire un état de
non réponse immunitaire systémique similaire à la tolérance orale envers les anti-
gènes protéiques, mais cela reste à prouver. Au contraire des pathogènes, les bac-
téries commensales ne disposent pas des facteurs de virulence nécessaires à leur
pénétration dans l’épithélium et ne peuvent se disséminer dans tout l’organisme.
Dès lors, le système immunitaire systémique semble ignorer leur présence, malgré
le fait qu’elles soient clairement reconnaissables par des lymphocytes du GALT.
Cette compartimentalisation semble exister du fait que le seul moyen d’entrer dans
le corps pour les bactéries commensales intestinales est d’être captées par les cel-
lules M des plaques de Peyer et d’être transférées ensuite dans les cellules dendriti-
ques locales, dont la migration s’arrête aux ganglions lymphatiques mésentériques.
Des cellules dendritiques chargées de bactéries commensales peuvent activer direc-
tement des cellules B naïves ; celles-ci se mettent à exprimer l’IgA et à migrer dans
la lamina propria comme plasmocytes sécréteurs d’IgA. En présence de bactéries
commensales, les cellules épithéliales et mésenchymateuses intestinales produi-
sent de manière constitutive des facteurs, comme le TGF-β, la TSLP (Thymic Stromal
LymphoPoietin) et la prostaglandine E2 (PGE2), qui tendent à maintenir les cellules
dendritiques locales dans un état quiescent avec des taux bas de molécules costi-
mulatrices. Lorsque de telles cellules présentent des antigènes aux cellules T CD4
naïves dans les ganglions lymphatiques mésentériques, des cellules T naïves se dif-
férencient en cellules T régulatrices (Treg) ou anti-inflammatoires, plutôt qu’en cel-
lules TH1 et TH2 effectrices induites par un pathogène (Fig. 11.24). Dès lors, les effets
combinés de la présence de bactéries commensales sont, d’une part, la production
locale d’anticorps IgA, qui empêchent l’adhérence à l’épithélium et l’entrée des bac-
téries commensales, et d’autre part l’inhibition des cellules T effectrices pro-inflam-
matoires. Ainsi, la capture localisée de bactéries commensales par des cellules
dendritiques du GALT aboutit à des réponses qui sont anatomiquement comparti-
mentalisées et qui évitent l’activation de cellules effectrices inflammatoires.
En plus des processus qui régulent activement les réponses immunitaires loca-
les aux bactéries commensales de manière spécifique de l’antigène, des facteurs
non spécifiques contribuent aussi à maintenir les relations symbiotiques locales
484 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
Des cellules dendritiques immatures émettent des Les cellules dendritiques activées expriment des
signaux costimulateurs faibles et induisent la ligands costimulateurs puissants et induisent la
différenciation des cellules T CD4 en cellules différenciation des cellules T CD4 en cellules
régulatrices TH3 ou Treg effectrices TH1 et TH2
TLR-5
IKK
IκB PPARγ
IκB dégradée
NFκB
11-15 Des réponses immunitaires complètes contre des bactéries Fig. 11.25 Des bactéries commensales
peuvent prévenir les réactions
commensales causent une maladie intestinale. inflammatoires dans l’intestin. Le facteur
de transcription pro-inflammatoire NFκB
Actuellement, il est généralement admis que des cellules T potentiellement agressi- est activé dans les cellules épithéliales par
l’interaction de TLR avec des pathogènes
ves dirigées contre des bactéries commensales sont toujours présentes chez les ani- (deux premiers panneaux). On a trouvé que
maux normaux, mais sont habituellement gardées sous contrôle par une régulation des bactéries commensales inhibaient cette
active. Si ces mécanismes régulateurs échouent, des réactions immunitaires incon- voie et empêchaient ainsi l’inflammation.
trôlées à la flore commensale déclenchent une maladie intestinale inflammatoire Elles y parviennent, d’une part, en activant
comme la maladie de Crohn (voir la Section 13-21). Ce qui est illustré par des modè- le récepteur nucléaire PPARγ, ce qui exporte
NFκB du noyau (troisième panneau) et, d’autre
les animaux dont les mécanismes immunorégulateurs impliquant l’IL-10 et le TGF-β part, en bloquant la dégradation de l’inhibiteur
sont déficients, ou lors d’une rupture de la barrière épithéliale ayant permis l’entrée IκB, ce qui retient NFκB dans le cytoplasme
de nombreuses bactéries commensales. Dans ces conditions, des réponses immuni- (quatrième panneau).
taires systémiques sont générées contre des antigènes, par exemple la flagelline, des
bactéries commensales. De fortes réactions inflammatoires des cellules T sont aussi
déclenchées dans la muqueuse, entraînant des lésions intestinales graves. Ce sont
typiquement des réponses TH1, qui impliquent la production d’IFN-γ et de TNF-α et
qui sont induites par l’IL-12 ou l’IL-23 (voir Fig. 11.24, panneaux de droite). Dans tous
ces cas, les affections sont entièrement dépendantes de la présence de bactéries com-
mensales, puisqu’elles ne surviennent pas chez les animaux axéniques ou traités par
antibiotiques. On ignore si toutes les espèces commensales peuvent provoquer l’in-
flammation ou si seules certaines espèces en sont capables.
Environ 30 % des patients atteints de maladie de Crohn sont porteurs d’une muta-
tion non fonctionnelle du gène NOD2, ce qui indique le rôle probable d’une réponse
anormale aux bactéries commensales dans la maladie.
Les intestins de pratiquement tous les animaux et humains, sauf ceux qui vivent
dans les pays développés, sont colonisés par un grand nombre d’helminthes para-
sites (Fig. 11.26). Bien que beaucoup de ceux-ci puissent être rapidement éliminés
par des réactions immunitaires efficaces, ils peuvent causer des maladies chro-
niques débilitantes chez les humains et les animaux. Dans ces circonstances, le
parasite persiste pour de longues périodes et résiste apparemment aux efforts
de l’hôte cherchant à l’expulser. Quant à la maladie, elle résulte de la compéti-
tion pour les nutriments ou des lésions causées aux cellules épithéliales ou aux
486 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses
a b
infectées. Le TNF-α est, cependant, aussi une cause importante d’inflammation et Fig. 11.27 Réponses protectrices et
des lésions intestinales qui surviennent lors de telles infections. pathologiques aux helminthes intestinaux.
La plupart des helminthes intestinaux
Un composant additionnel important de la réaction aux vers parasites est un taux de peuvent induire des réponses immunitaires
protectrices et pathologiques par des
renouvellement accéléré des cellules épithéliales (voir Fig. 11.27, premier panneau).
cellules T CD4. Les réponses TH2 tendent à
Ce processus contribue à l’élimination des parasites qui sont attachés à l’épithélium créer un environnement hostile au parasite
et réduit la surface disponible pour la colonisation. Il survient en partie car les cellules (voir the texte pour les détails), aboutissant à
épithéliales des cryptes perçoivent la perte des cellules endommagées dans la couche une expulsion et à une immunité protectrice.
de surface et se divisent plus rapidement dans un effort de réparation des lésions. Un Cependant, si la cellule présentatrice
d’antigène produit de l’IL-12 au contact des
renouvellement accru des cellules épithéliales est aussi un effet direct et spécifique antigènes du pathogène, la réponse des
de l’IL-13 produite par les cellules T, les cellules NK et les cellules T NK en présence cellules T CD4 est polarisée de manière
de l’infection. Bien que cela rende la vie difficile pour le parasite, ce renouvellement prédominante vers des cellules effectrices TH1,
épithélial accéléré compromet aussi la fonction intestinale car les cellules épithélia- qui n’éliminent pas le pathogène. Les stimulus
les nouvellement produites sont immatures et ont des activités absorbantes et diges- qui induisent la production d’IL-12 dans ces
circonstances sont encore inconnues. Si la
tives déficientes. La réaction immunitaire dans les infestations intestinales par des réponse TH1 n’est pas équilibrée par une
helminthes doit ménager des intérêts contradictoires. En effet, les processus les plus réponse protectrice TH2, la réponse TH1 conduit
efficaces de la réaction immunitaire protectrice sont probablement aussi les plus sus- à une infection persistante et à une pathologie
ceptibles de produire des effets délétères dans l’environnement local. chronique intestinale. Il est probable que
les deux réponses soient présentes dans la
plupart des situations et qu’il existe un spectre
continu entre les deux.
Des cellules T CD4 naïves
sont activées durant une
infection helminthique et
peuvent se différencier en
cellulesTH1 ouTH2 effectrices
Fonctions effectrices des cellules TH2 Fonctions effectrices des cellules TH1
Des cellules TH2 produisent Des cellules TH2 recrutent Des cellules TH1
de l’IL-13 qui induit la L’IL-5 produite par des Des cellules TH2 les mastocytes par l’IL-3 Des cellules TH1
stimulent la production
réparation de l’épithélium cellules TH2 recrute et stimulent la production et l’IL-9. L’IgE spécifique activent
d’IgG2a par
et la sécrétion de mucus active des éosinophiles d’IgE par des cellules B arme les mastocytes des macrophages
contre les helminthes des cellules B
renouvelle-
IL-13 ment
mucus
Le renouvellement et le Des éosinophiles L’IgE arme des Des mastocytes produisent Des produits des Anticorps fixant le
mouvement accélérés produisent la MBP qui mastocytes et peut des médiateurs comme macrophages activés complément
favorisent la desquamation tue des parasites ; ils intervenir par ADCC l’histamine, le TNF-α et causent des dommages
des cellules épithéliales sont également capables la MMCP, ce qui aboutit et un remodelage
parasitées. Le mucus prévient d’ADCC guidée par des au recrutement de tissulaires
l’adhérence et facilite Ig spécifiques cellules inflammatoires et
l’élimination du parasite du parasite remodèle la muqueuse
Certains helminthes intestinaux sont des agents d’infection chronique qui se sont
adaptés tard au cours de l’évolution ; ils ont acquis des moyens sophistiqués pour
résister aux réactions immunitaires pendant de longues périodes. Ils modulent la réac-
tion immunitaire de plusieurs façons, entre autres par la production de médiateurs
qui atténuent la réponse inflammatoire innée et par l’expression de récepteurs leurres
détournant les cytokines inflammatoires et les chimiokines. De plus, plusieurs molé-
cules sécrétées par des helminthes modifient la différenciation des cellules T, favori-
sant souvent la génération des cellules T régulatrices productrices d’IL-10 au dépens
des cellules effectrices. La conséquence est une régulation à la baisse de la produc-
tion d’IL-12 par les cellules dendritiques à la suite d’interférences dans la signalisation
venant des TLR ou de la stimulation de la production de cytokines inhibitrices comme
l’IL-10 et le TGF-β. L’effet global de ces processus est de contrebalancer la production
et le potentiel inflammatoire de cytokines comme l’IFN-γ et le TNF-α. Les cellules T
régulatrices tenteront de moduler à la fois les réponses TH1 et TH2, produisant un état
d’infection persistante en absence de dommage grave pour l’hôte.
Ces processus immunologiques opposés opèrent simultanément dans de nom-
breuses infestations parasitaires, assez bien comme nous l’avons vu dans les réac-
tions aux bactéries commensales mais de manière plus intense. La conséquence
peut être un aspect fortement enflammé de l’intestin, mais celui-ci continue à
exercer des fonctions physiologiques malgré une charge importante en parasites
multicellulaires vivants.
Le système immunitaire intestinal doit lutter contre divers parasites eucaryotes uni-
cellulaires, surtout des protozoaires comme Giardia lamblia, Cryptosporidium par-
vum et Toxoplasma gondii. Giardia lamblia est un micro-organisme répandu non
invasif qui se transmet par de l’eau contaminée et qui est une cause importante
d’inflammation intestinale. Une immunité protectrice contre G. lamblia est liée à
la production locale d’anticorps et à l’infiltration de la muqueuse par des cellules T
effectrices, y compris des lymphocytes intra-épithéliaux, mais cette immunité peut
se révéler inefficace avec en conséquence le développement d’une maladie chroni-
que. Cryptosporidium parvum et T. gondii sont des agents opportunistes qui infec-
tent le plus souvent des gens souffrant d’immunodéficience comme le SIDA. Ce
sont des pathogènes intracellulaires dont l’élimination requiert à la fois des cellu-
les CD4 TH1 et des cellules T CD8. Une infection chronique entraîne une pathologie
sérieuse due à une production excessive d’IFN-γ par des cellules T et de TNF-α par
des macrophages.
Nous avons vu dans les sections précédentes comment le système immunitaire dans
l’intestin normal et d’autres muqueuses est orienté de manière à éviter de réagir à la
plupart des antigènes rencontrés. Mais les antigènes sont tout de même reconnus,
et des réponses immunitaires protectrices puissantes doivent être, et sont générées,
contre des pathogènes lorsque c’est nécessaire. Comment ces besoins apparemment
contradictoires peuvent-ils être rencontrés sans compromettre la santé de l’hôte ? La
réponse serait fournie par les interactions entre les cellules dendritiques locales et des
facteurs du microenvironnement des muqueuses (voir Fig. 11.24). Des cellules den-
dritiques sont continuellement en train de surveiller la surface de la muqueuse ; elles
prélèvent des antigènes et les transfèrent dans les zones de cellules T du GALT. Ce
passage des cellules dendritiques dans et hors de la muqueuse est constitutif, et ne
dépend pas de la présence de pathogènes ou d’autres stimulus inflammatoires.
Des expériences récentes montrent que des cellules dendritiques dans les plaques
de Peyer et la lamina propria produisent de l’IL-10 plutôt que des cytokines pro-
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 489
Résumé.
cellules dendritiques qui migrent de la paroi intestinale pour gagner le ganglion lym-
phatique mésentérique de drainage. Ceci assure l’ignorance systémique mais aussi
une tolérance active des muqueuses et la production locale d’anticorps IgA qui limi-
tent la colonisation par les micro-organismes. Puisque les bactéries commensales
exercent de nombreux effets bénéfiques pour l’hôte, ces processus immunorégula-
teurs sont importants en permettant aux bactéries de coexister pacifiquement avec
le système immunitaire.
Les helminthes intestinaux constituent une autre source d’antigènes intestinaux et
sont des causes fréquentes d’infection chronique, en partie parce qu’ils produisent
divers facteurs qui peuvent tempérer les réactions immunitaires. La réponse pro-
tectrice dominante contre les helminthes dépend des TH2, avec participation des
mastocytes et des éosinophiles et la production de TNF-α. Une telle réponse peut
endommager l’intestin ; aussi, le système immunitaire doit maintenir un équilibre
entre immunité protectrice et immunopathologie. L’absence de facteurs immuno-
modulateurs provenant des helminthes pourrait contribuer à augmenter l’incidence
de maladies allergiques et inflammatoires dans les pays développés.
Le facteur principal décidant du développement d’une immunité protectrice ou
d’une tolérance immunitaire dans la muqueuse intestinale est l’état d’activation des
cellules dendritiques locales. L’état par défaut consiste en cellules dendritiques quies-
centes qui n’expriment que partiellement leurs molécules costimulatrices, mais peu-
vent présenter un antigène aux cellules T ; elles orientent ainsi les cellules T vers une
différenciation en cellules T régulatrices à tropisme intestinal. Néanmoins, les cel-
lules dendritiques peuvent encore répondre complètement à des organismes et aux
signaux inflammatoires lorsque cela devient nécessaire et permettre alors aux cellu-
les T de devenir effectrices. Lorsque les processus normaux de régulation sont pertur-
bés, une maladie inflammatoire peut survenir. Une conséquence de cette opposition
entre les différents types de réponses immunitaires est l’aspect d’inflammation phy-
siologique que prend l’intestin normal et qui contribue au maintien de son bon fonc-
tionnement et de celui du système immunitaire.
Résumé du Chapitre 11.
Le système immunitaire des muqueuses est une structure vaste et complexe dont
notre santé dépend, non seulement parce qu’elle protège des organes vitaux mais
aussi parce qu’elle contribue à la régulation de tout le système immunitaire et joue
ainsi un rôle préventif. Les organes lymphoïdes périphériques, sur lesquels la plupart
des immunologistes concentrent leur attention, pourraient être une spécialisation
récente d’un système qui a évolué dans les muqueuses. Celles-ci sont très vulnérables
aux infections et sont pourvues d’un réseau complexe de mécanismes immunitai-
res innés et adaptatifs. Le système immunitaire adaptatif du tissu lymphoïde asso-
cié aux muqueuses diffère du reste du système lymphoïde périphérique sur plusieurs
points : la juxtaposition de la muqueuse et du tissu lymphoïde ; un tissu lymphoïde
diffus ainsi que des organes lymphoïdes plus organisés ; des mécanismes spéciali-
sés de capture des antigènes ; une prédominance des lymphocytes activés / mémoire
même en absence d’infection ; la production d’IgA sécrétoire polymérique comme
isotype d’anticorps prédominant ; la régulation à la baisse des réponses immunitai-
res à des antigènes inoffensifs comme les antigènes alimentaires et les micro-organis-
mes commensaux. Aucune réponse immunitaire systémique ne peut être détectée
normalement contre ces antigènes. Au contraire, des micro-organismes pathogènes
induisent de fortes réponses protectrices. Le facteur déterminant dans la décision
entre tolérance et développement de puissantes réponses immunitaires adaptati-
ves est le contexte dans lequel l’antigène est présenté aux lymphocytes T dans le sys-
tème immunitaire des muqueuses. En absence d’inflammation, la présentation d’un
antigène aux cellules T par des cellules présentatrices d’antigène survient en absence
de costimulation, ce qui tend à induire la différenciation de cellules T régulatrices.
Par contre, des micro-organismes pathogènes traversant la muqueuse induisent une
réaction inflammatoire qui stimule la maturation des cellules présentatrices d’an-
tigène et leur expression de molécules costimulatrices, ce qui favorise une réponse
protectrice assurée par les cellules T.
Références 491
Questions.
11.1 Décrivez les processus qui permettent à une cellule T CD4 spécifique d’être
sensibilisée à un antigène dans l’intestin et discutez comment les cellules T
effectrices résultantes peuvent retourner dans la muqueuse intestinale.
11.2 Décrivez comment les anticorps IgA accèdent à la lumière intestinale et comment
ces anticorps peuvent contribuer à la protection contre les infections.
11.3 Quelles sont les populations de lymphocytes T que líon trouve dans la muqueuse
intestinale et quels rôles jouent-ils dans les défenses immunitaires ?
11.4 Comparez, en soulignant les différences, les réponses immunitaires intestinales aux
bactéries commensales et aux bactéries pathogènes, en indiquant les conséquences
immunologiques de ces différents effets.
11-3 Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est localisé 11-5 Le système immunitaire des muqueuses contient
dans des compartiments anatomiques intestinaux de nombreux lymphocytes effecteurs même
bien définis. en absence de maladie.
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le systÈme immunitaire
PARTIE V chez l'individu sain
et malade
Les immunodéficiences.
Les hypersensibilités.
Lors du déroulement normal d’une infection, les agents en cause induisent une
réaction immunitaire innée responsable des symptômes. Les antigènes étrangers
de l’agent infectieux, avec l’aide de signaux provenant de la réponse immunitaire
innée, induisent une réponse immunitaire adaptative qui élimine l’infection et
induit un état de protection immunitaire. Cependant, cette série d’évènements ne
se produit pas toujours. Dans ce chapitre, nous allons étudier trois circonstances
au cours desquelles la défense de l’hôte contre les infections est prise en défaut :
le pathogène lui-même évite ou perturbe la réponse immunitaire ; des défauts
génétiques altèrent les mécanismes de défense ; dans le syndrome d’immunodéfi-
cience acquise (SIDA), une susceptibilité généralisée aux infections se développe
suite à l’incapacité de l’hôte de contrôler et d’éliminer le virus de l’immunodéfi-
cience humaine (VIH).
La propagation du pathogène dépend de sa capacité de se répliquer dans l’orga-
nisme et de s’étendre à d’autres individus. Les pathogènes communs doivent donc
se développer sans activer trop vigoureusement la réponse immunitaire et inver-
sement ne doivent pas tuer leur victime trop rapidement. Les pathogènes les plus
efficaces se maintiennent soit parce qu’ils n’induisent pas de réponse immunitaire
soit parce qu’ils parviennent à y échapper. Pendant les millions d’années d’évolu-
tion parallèle avec leurs hôtes, les pathogènes ont développé différentes stratégies
pour éviter la destruction par le système immunitaire, stratégies qui seront exami-
nées dans la première partie de ce chapitre.
Dans la seconde partie de ce chapitre, nous nous tournerons vers les immuno-
déficiences, aux cours desquelles les défenses de l’hôte sont inefficaces. Dans la
majorité de ces maladies, un gène déficient est responsable de l’absence de un ou
plusieurs éléments du système immunitaire, conduisant à une sensibilité accrue
à l’infection par une classe particulière de pathogène. On connaît des immuno-
déficiences liées à des défauts dans le développement des lymphocytes T et des
lymphocytes B, dans la fonction des phagocytes et dans la cascade du complé-
ment. Enfin, nous verrons comment l’infection chronique des cellules du système
immunitaire par le virus de l’immunodéficience humaine, VIH, conduit au syn-
drome d’immunodéficience acquise, SIDA. L’analyse de toutes ces maladies a
contribué de manière importante à la compréhension des mécanismes de défense
de l’hôte et, à long terme, pourra aider au développement de nouvelles méthodes
de contrôle et de prévention des maladies infectieuses, dont le SIDA.
498 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Une des stratégies utilisées par les agents infectieux pour échapper à la surveillance
immunitaire consiste à modifier leurs antigènes. Ce mécanisme est particulière-
ment important pour les pathogènes extracellulaires, contre lesquels le système de
défense principal est la production d’anticorps contre leurs structures de surface
(voir Chapitre 9). La variation antigénique peut se produire de trois manières dif-
férentes. Tout d’abord, de nombreux agents infectieux existent sous différents types
antigéniques. Par exemple, il existe 84 types connus de Streptococcus pneumoniae,
une cause importante de pneumonie bactérienne. Chaque type diffère des autres
par la structure de leur capsule polysaccharidique. Les différents types sont iden-
tifiés par des tests sérologiques, d’où leur nom de sérotypes. L’infection avec un
sérotype peut induire une immunité spécifique de ce type. Cette réponse protège
contre une réinfection par ce type mais pas contre une infection par un autre séro-
type. Pour le système immunitaire adaptatif, chaque sérotype de S. pneumoniae
représente donc un organisme différent. En conclusion, le même pathogène peut
donc induire la maladie plusieurs fois chez le même individu (Fig. 12.1).
Le second mécanisme, beaucoup plus dynamique, de variation antigénique
est typique du virus de la grippe. À tout moment, un type particulier de virus est
chez les trypanosomes leur permet dans le télomère, est copié et transporté dans
Taux d’anticorps
type a type c type f d’échapper à la surveillance immunitaire. le site d’expression télomérique où il devient
VSGa VSGc VSG
f
La surface du trypanosome est recouverte actif. La première fois qu’un individu est infecté,
de la glycoprotéine VSG (Variant Specific des anticorps sont produits contre la VSG
Glycoprotein). Chaque trypanosome possède exprimée par la population de trypanosomes.
environ 1000 gènes codant différentes Un petit nombre de trypanosomes échange
VSG, mais seul le gène situé dans un site spontanément leur gène VSG contre un
d’expression particulier situé dans le télomère nouveau gène. Pendant que les anticorps
à un bout du chromosome est actif. Plusieurs éliminent le variant précédent, le nouveau
Temps (semaines) mécanismes génétiques de changement variant n’est pas affecté et peut se développer
Infection du gène VSG ont été observés, mais le et relancer la séquence des événements.
mécanisme le plus courant est la conversion
Évasion et subversion des défenses immunitaires 501
remplace le gène actif sous le contrôle du promoteur de la piline. Tous ces méca-
nismes de variation antigénique aident le pathogène à échapper à une réponse
immunitaire par ailleurs spécifique et efficace.
Généralement, les virus trahissent leur présence car, après avoir pénétré dans la
cellule, ils lui font synthétiser des protéines virales dont des fragments seront pré-
sentés en association aux molécules du CMH à la surface de la cellule infectée, où
ils seront reconnus par les lymphocytes T. Pour se répliquer, un virus doit produire
des protéines, si bien que les virus qui se répliquent rapidement et provoquent une
maladie aiguë sont facilement détectés par les cellules T qui peuvent alors contrô-
ler l’infection. Cependant, certains virus entrent dans un état de latence, au cours
duquel le virus ne se réplique pas. Dans cet état, le virus ne cause pas de maladie,
mais du fait de l’absence de peptides viraux, le virus ne peut pas être détecté ni éli-
miné. Des infections latentes de ce type peuvent être réactivées, provoquant ainsi
une maladie récurrente.
Infection primaire
Un exemple est le virus herpès simplex (HSV), responsable des boutons de fièvre,
qui infecte les épithéliums et se propage dans les neurones sensoriels qui innervent
le site infecté. Une réponse immunitaire efficace contrôle l’infection épithéliale,
mais le virus persiste en état de latence dans les neurones sensoriels. Les facteurs
comme la lumière du soleil, une infection bactérienne ou des changements hor- ganglion
trigéminal
monaux peuvent réactiver le virus, qui migre alors le long de l’axone du neurone
sensoriel et infecte à nouveau le tissu épithélial (Fig. 12.4). À cet endroit, la réponse
immunitaire est activée et contrôle l’infection locale en tuant les cellules épithélia-
les, ce qui provoque une nouvelle plaie. Ce cycle peut se répéter plusieurs fois.
Les neurones sensoriels restent infectés pour deux raisons. Tout d’abord, le virus
Récurrence de l’infection
est quiescent dans le nerf si bien que, peu de protéines virales sont produites et
donc peu de peptides viraux sont présentés par le CMH de classe I. De plus, les
neurones n’expriment que peu de molécules du CMH de classe I, rendant très dif-
ficile la tâche des cellules T CD8 chargées de la reconnaissance et de la destruc-
Phase de latence
tion des neurones infectés. Cette faible expression du CMH de classe I peut être
bénéfique, car elle réduit le risque que les neurones, qui se régénèrent lentement
voire pas du tout, ne soient attaqués par les cellules T cytotoxiques. Cependant,
cela rend les neurones très vulnérables aux infections persistantes. Les virus her-
pès entrent souvent en latence : l’herpès zoster (varicelle, zona), cause la varicelle,
mais il reste latent dans un ou plusieurs ganglions de racine dorsale après la fin de
la maladie aiguë et peut être réactivé à la suite d’un stress ou d’une immunosup-
pression. Il migre alors le long du nerf et réinfecte la peau et déclenche le zona, qui
consiste en la réapparition des éruptions classiques de la varicelle dans la partie
de la peau innervée par la racine dorsale infectée. La réactivation du virus herpès
simplex est fréquente, alors que le virus herpès zoster n’est généralement réactivé
qu’une fois au cours de la vie d’un individu immunocompétent.
Le virus d’Epstein-Barr (EBV), encore un virus herpès, entre en phase de latence
dans les cellules B après l’infection primaire, qui souvent n’est pas diagnostiquée.
Chez une minorité d’individus, la première infection aiguë des cellules B est plus Fig. 12.4 Persistance et réactivation de
l’infection par le virus herpès simplex. La
sérieuse, et induit une maladie appelée mononucléose infectieuse (ou fièvre glan-
première infection de la peau est éliminée
dulaire). L’EBV infecte les cellules B en se fixant sur CR2 (CD21), un élément du par une réponse immunitaire efficace, mais
corécepteur de la cellule B, ainsi qu’aux molécules du CMH de classe II. L’infection une infection résiduelle persiste dans les
primaire induit la prolifération de la majorité des cellules infectées qui produisent neurones sensoriels comme ceux des ganglions
trigéminaux dont les axones innervent les lèvres.
des virus, qui à leur tour font proliférer des cellules T spécifiques de l’antigène, Lorsque le virus est réactivé, généralement par
menant ainsi à un excès de leucocytes mononucléaires dans le sang, d’où le nom un stress environnemental et / ou par altération
de la maladie. Les virus sont libérés des cellules B, qu’ils tuent au cours du proces- du statut immunitaire, la peau innervée par le
sus, et se retrouvent dans la salive. L’infection est finalement contrôlée par des cel- nerf est réinfectée par le virus et un nouveau
bouton de fièvre apparaît. Ce processus peut se
lules T CD8 cytotoxiques spécifiques du virus, qui tuent les cellules B infectées en répéter de nombreuses fois.
502 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Certains pathogènes induisent une réponse immunitaire normale, mais ont déve-
loppé des mécanismes particuliers pour résister à son action. Par exemple, cer-
taines bactéries qui sont captées par les macrophages ont développé des moyens
pour empêcher leur destruction par ces phagocytes et utilisent ceux-ci comme
hôtes primaires. Par exemple, Mycobacterium tuberculosis est capté par les macro-
phages, mais inhibe la fusion du phagosome avec le lysosome, se protégeant ainsi
des effets bactéricides du contenu des lysosomes.
D’autres micro-organismes, comme Listeria monocytogenes, s’échappent du pha-
gosome dans le cytoplasme du macrophage, où ils se multiplient. Les bactéries se
propagent alors aux cellules adjacentes sans quitter la cellule pour l’environne-
ment extracellulaire. Elles y parviennent en détournant une protéine du cytosque-
lette, l’actine, qui s’assemble en filaments à l’arrière de la bactérie et la propulse
dans des projections vacuolaires dans le cytoplasme de cellules adjacentes. Les
vacuoles sont alors lysées par les Listeria, libérant des bactéries directement dans
le cytoplasme de la cellule adjacente. De cette manière, les bactéries évitent d’être
attaquées par les anticorps, mais les cellules infectées restent des cibles pour les
cellules T cytotoxiques. Le protozoaire parasite, Toxoplasma gondii, peut lui fabri-
quer ses propres vésicules qui l’isolent du reste de la cellule, car elles ne peuvent
fusionner avec aucune vésicule cellulaire. Ce mécanisme permettrait à T. gon-
dii d’empêcher que des peptides provenant de ses protéines ne s’associent à des
molécules du CMH.
Treponema pallidum, un spirochète bactérien agent de la syphilis, peut échapper
aux anticorps et s’établir dans les tissus de manière persistante et très dommagea-
ble. On pense qu’il évite d’être reconnu par les anticorps en se couvrant de protéines
de l’hôte jusqu’à ce qu’il envahisse des tissus comme le système nerveux central,
où il est moins accessible aux anticorps. Un autre spirochète, Borrelia burgdorferi,
Évasion et subversion des défenses immunitaires 503
Récepteur soluble de
cytokines codé par le virus, Bloque l’effet
par ex. homologue des cytokines Vaccine
du récepteur de l’IL-I, du en inhibant leur Virus de la myxomatose
récepteur du TNF ou interaction avec les du lapin
Inhibition récepteurs de l’hôte
de la réponse du récepteur de l’IFN-γ
inflammatoire
Inhibition virale
Bloque l’adhérence
de l’expression des
des lymphocytes Virus d’Epstein-Barr
molécules d’adhérence
aux cellules infectées
par ex. LFA-3 et ICAM-1
Empêche la reconnaissance
Inhibition de l’expression Herpès simplex
des cellules infectées par
Blocage du CMH de classe I Cytomégalovirus
les cellules T cytotoxiques
de l’apprêtement
et de la présentation Bloque l’association
antigénique Inhibe le transport
du peptide Herpès simplex
du peptide par TAP
au CMH de classe I
transmis par les tiques, est la cause de la maladie de Lyme, conséquence d’une
infection chronique par cette bactérie. Certaines souches de B. burgdorferi évitent
la lyse par le complément en se couvrant du facteur H, une protéine qui inhibe ce
système de défense (voir Section 2-17) et qui se lie à des récepteurs protéiques de
la membrane externe de la bactérie.
Enfin, de nombreux virus débordent diverses parties du système immunitaire.
Leurs mécanismes comprennent la capture de gènes cellulaires codant des cyto-
kines ou des récepteurs de cytokines, la synthèse de molécules régulatrices du
complément, l’inhibition de la synthèse ou de l’assemblage du CMH de classe I
(comme dans les infections à EBV) ou la production de protéines leurres qui
imitent les domaines TIR, qui font partie de la voie de signalisation des récep-
teurs TLR / IL-1 (voir Fig. 6.34). Le cytomégalovirus humain produit une protéine
appelée UL18, qui est homologue à une molécule HLA de classe I. Par l’interaction
d’UL18 avec la protéine LIR-1, un récepteur inhibiteur des cellules NK, on pense
que le virus déclenche un signal inhibiteur de la réponse immunitaire innée (voir
la Section 2-31).
La subversion des réponses immunitaires est un des domaines en expansion la
plus rapide dans l’étude des relations hôte-pathogènes. La Fig. 12.5 présente des
exemples de stratégies utilisées par les virus de la famille herpès et pox.
504 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
diminution d’antigène viral qui survient après un traitement antiviral améliore l’aide
fournie par les cellules T CD4 et permet la restauration de la cytotoxicité et de la
fonction mémoire des cellules T CD8. Le retard de maturation des cellules dendriti-
ques causé par le VHC agirait en synergie avec une autre propriété du virus qui l’aide Lèpre lépromateuse
à échapper à une réponse immunitaire. L’ARN polymérase que le virus utilise pour
répliquer son génome est incapable de corriger d’éventuelles erreurs, d’où un taux
élevé de mutations virales et donc de fréquents changements d’antigénicité,
La lèpre, dont il a été question à la Section 8-19, est un exemple plus complexe d’im-
munosuppression par une infection. Dans la lèpre lépromateuse, l’immunité cel-
lulaire est profondément déprimée, les cellules infectées par la bactérie sont très
Fig. 12.6 Les réponses des cellules T et
L’infection par Mycobacterium leprae peut causer différentes formes cliniques de lèpre des macrophages à Mycobacterium leprae
diffèrent nettement dans les deux formes
On distingue deux formes, la lèpre tuberculoïde et la lèpre lépromateuse, de lèpre. L’infection par M. leprae, qui apparaît
mais aussi plusieurs formes intermédiaires sous forme de petits points rouge sombre
sur les clichés, peut causer deux formes très
différentes de maladie. Au cours de la lèpre
Lèpre tuberculoïde Lèpre lépromateuse tuberculoïde (gauche), la prolifération du
micro-organisme est bien contrôlée par les
cellules TH1, qui activent les macrophages
infectés. Les lésions tuberculoïdes contiennent
des granulomes et sont enflammées, mais
l’inflammation est locale et n’induit que
des effets locaux, comme des lésions des
nerfs périphériques. Au cours de la lèpre
lépromateuse (droite), l’infection est largement
disséminée et le bacille se développe sans
contrôle exercé par les macrophages. Lors
des phases tardives de la maladie, des
lésions importantes des tissus conjonctifs
et du système nerveux périphérique sont
observées. Entre ces deux extrêmes, il existe
plusieurs formes intermédiaires de la maladie.
Le panneau inférieur montre des empreintes
northern qui révèlent que les deux formes de
la maladie diffèrent fortement par les cytokines
produites, comme le montre l’analyse de
l’ARN isolé à partir des lésions de quatre
Bactéries peu nombreuses ou indétectables Prolifération bactérienne importante dans les macrophages patients atteints de lèpre lépromateuse et de
quatre patients atteints de lèpre tuberculoïde.
Faible infectiosité Forte infectiosité Les cytokines produites typiquement par les
cellules TH2 (IL-4, IL-5 et IL-10) dominent dans
Granulomes et inflammation locale. Infection disséminée. la forme lépromateuse, alors que les cytokines
Lésions des nerfs périphériques Os, cartilages, lésions diffuses des nerfs produites par les cellules TH1 (IL-2, IFN-γ et
TNF-β) dominent dans la forme tuberculoïde. Il
Taux sériques d’immunoglobulines normaux Hypergammaglobulinémie semble donc que les cellules TH1 prédominent
au cours de la lèpre tuberculoïde et les
Réponse normale des cellules T. Réponse des cellules T faible ou absente. cellules TH2 au cours de la lèpre lépromateuse.
Réponse spécifique aux antigènes de M. leprae Pas de réponse aux antigènes de M. leprae On pense que l’IFN-γ active les macrophages
et augmente ainsi la destruction de M. leprae,
Cytokines dans les lésions lépreuses alors que l’IL-4 inhibe l’activité microbicide
des macrophages. Clichés de G. Kaplan ;
empreintes northern de R.L. Moldin.
Cytokines TH1 Cytokines TH2
IL-2 IL-4
IFN-γ IL-5
TNF-β IL-10
506 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Résumé.
Les agents infectieux peuvent déclencher des maladies récurrentes et persistantes
en évitant les mécanismes normaux de défense de l’hôte ou en les perturbant afin
de promouvoir leur propre réplication. Les germes recourent à différentes stratégies
pour échapper à la réponse immunitaire ou pour la perturber. La variation antigéni-
que, la latence, la résistance aux mécanismes effecteurs immunitaires et l’inhibition
de la réponse immunitaire sont responsables d’infections persistantes ou médicale-
ment importantes. Dans certains cas, la réponse immunitaire représente une partie
du problème. Certains pathogènes utilisent l’activation immunitaire pour dissémi-
ner l’infection ; d’autres pathogènes ne causeraient pas de maladie en absence de
réponse immunitaire. Chacun de ces mécanismes nous apprend quelque chose à
propos de la nature de la réponse immunitaire et de ses faiblesses, et chacun requiert
une approche médicale différente pour prévenir ou traiter l’infection.
Les immunodéficiences.
Les immunodéficiences se manifestent lorsqu’un ou plusieurs éléments du sys-
tème immunitaire sont défectueux. Elles peuvent être primaires ou secondaires.
Les formes primaires sont dues à des mutations dans un des nombreux gènes qui
sont impliqués dans les réponses immunitaires ou leur contrôle. Les manifesta-
tions cliniques des immunodéficiences primaires sont très variées ; elles com-
prennent souvent des infections récurrentes non contrôlées chez des enfants très
jeunes, mais l’allergie, une prolifération lymphocytaire anormale et l’auto-immu-
nité peuvent aussi survenir. En revanche, les immunodéficiences secondaires sont
des conséquences d’autres maladies ou sont dues à des facteurs environnemen-
taux comme la malnutrition ou des interventions médicales.
En examinant les infections qui accompagnent une immunodéficience héréditaire
ou acquise particulière, on peut comprendre quels éléments du système immu-
nitaire sont importants pour la réponse à des agents infectieux particuliers. Les
immunodéficiences héréditaires peuvent aussi révéler quelles sont les interac-
tions entre les différents types cellulaires qui contribuent à la réponse immunitaire
et au développement des lymphocytes T et B. Enfin, ces maladies héréditaires peu-
vent nous conduire aux gènes déficients, nous révélant souvent de nouvelles infor-
mations concernant les bases moléculaires des mécanismes immunitaires et nous
fournissant ainsi les informations nécessaires pour le diagnostic, le conseil généti-
que et finalement la possibilité de thérapie génique.
infections récurrentes par des bactéries pyogènes, qui forment du pus, suggèrent
des défauts dans la fonction des anticorps, du complément ou des phagocytes, ce
qui illustre le rôle de ces composantes du système immunitaire dans la défense
de l’hôte contre ces infections. À l’opposé, des antécédents d’infections fongiques
cutanées, comme la candidose cutanée, ou des infections virales répétées, suggè-
rent l’existence d’un défaut dans les défenses assurées par les lymphocytes T.
Avant l’arrivée des antibiotiques, la plupart des individus atteints de déficits immu-
nitaires héréditaires mourraient dans la petite enfance à cause de leur sensibilité
à certaines classes de pathogènes (Fig. 11.9). Ces maladies n’étaient pas faciles à
identifier car de nombreux enfants normaux mourraient aussi d’infections. La plu-
part des défauts génétiques responsables des immunodéficiences héréditaires sont
récessifs et, pour cette raison, beaucoup sont causées par des mutations de gènes
du chromosome X. Comme les garçons n’ont qu’un seul chromosome X, tous ceux
qui ont hérité d’un chromosome X portant un gène défectueux développeront la
maladie. Au contraire, les filles porteuses d’un chromosome X défectif sont habi-
tuellement en bonne santé car leur système immunitaire se développe à partir de
cellules souches qui sont sélectionnées naturellement à partir de celles dans les-
quelles l’inactivation de X a porté sur le chromosome X porteur du gène muté. On
a décrit des immunodéficiences qui affectent les diverses étapes du développe-
ment des lymphocytes T et B ainsi que des défauts dans les molécules membra-
naires indispensables à la fonction de ces cellules. Des déficiences touchant les
cellules phagocytaires, le complément, des cytokines, des récepteurs de cytokines
et des molécules qui interviennent dans les réponses effectrices surviennent éga-
lement. La Fig. 12.7 reprend des exemples d’immunodéficiences. Aucune n’est
très fréquente ; la déficience sélective en IgA étant la plus fréquente. Certaines sont
extrêmement rares. Quelques-unes de ces maladies sont décrites dans des sec-
tions ultérieures.
L’utilisation de techniques d’inactivation génique (knockout) chez la souris (voir
Appendice I, Section A-47) a permis d’établir de nombreuses immunodéficien-
ces, ce qui a augmenté rapidement nos connaissances quant à la contribution de
protéines individuelles à la fonction immunitaire normale. Néanmoins, les immu-
nodéficiences humaines restent la meilleure source d’informations sur les voies
normales de défense contre les maladies infectieuses humaines. Par exemple, un
déficit en anticorps, dans le système du complément ou dans les fonctions de pha-
gocytose augmente le risque d’infection par certaines bactéries pyogènes, ce qui
montre que la voie normale de défense de l’hôte contre ce type de bactéries est la
liaison des anticorps avec fixation du complément, qui permet aux cellules pha-
gocytaires de capter et de tuer les bactéries opsonisées. La rupture de tout lien de
cette chaîne d’événements cause un état d’immunodéficience semblable.
Les immunodéficience nous informent également sur les redondances des méca-
nismes de défense contre les maladies infectieuses. Les deux premières person-
nes chez qui ont été découvertes des déficiences héréditaires du complément
étaient des immunologistes en bonne santé. On en a tiré deux leçons. La première
est que les mécanismes de protection immunitaire contre l’infection sont multi-
ples. Par exemple, il est bien établi que les déficiences du complément augmen-
tent la sensibilité aux bactéries pyogènes, mais toutes les personnes atteintes de
déficience du complément ne souffrent pas d’infections récurrentes. La seconde
leçon concerne une erreur d’interprétation. Lorsqu’on observe un fait inhabituel
chez un malade, on est tenté d’y voir la cause de l’affection. Personne, cependant,
n’affirmera qu’une déficience génétique dans le système du complément éveille
la vocation d’immunologiste. Les déficiences dans le complément ont été décou-
vertes chez des immunologistes parce qu’ils ont utilisé leur propre sang dans leurs
Les immunodéficiences 509
Anticorps anti-
Syndrome Lié à l’X ; gène polysaccharides défectifs, Bactéries extracellulaires
de Wiskott-Aldrich de WASP défectif activation déficiente encapsulées
des cellules T et
dysfonctionnement des Treg
Déficience en IgA Inconnue ; liaison au CMH Pas de synthèse d’IgA Infections respiratoires
Syndrome
Incapacité de contrôler la Tumeurs des cellules B
lymphoprolifératif SAP (SH2D1A) muté
prolifération des cellules B liées à l’EBV
lié à l’X
expériences. Si une mesure est faite uniquement dans un groupe très précis de
patients ayant une maladie précise, il est inévitable que les résultats anormaux ne
seront observés que chez ces patients. C’est une erreur d’interprétation, et cela
nous montre l’importance d’étudier des contrôles appropriés.
Les bactéries pyogènes ont des capsules polysaccharidiques qui ne sont pas direc-
tement reconnues par les récepteurs des macrophages et des neutrophiles qui sti-
mulent la phagocytose. Ils échappent ainsi à l’élimination immédiate par la
réponse immunitaire innée et sont donc des pathogènes extracellulaires virulents.
Les individus normaux peuvent éliminer les infections par ce type de bactéries
510 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Albumine Globulines
Sérum de patient souffrant d’infection récurrente
α β γ
+ _
mois années
Chez les patients atteints du syndrome hyper IgM lié à l’X, les cellules T et B
se développent normalement. Bien que leur taux sérique d’IgM soit élevé, leurs
réponses IgM contre les antigènes dépendants des cellules T sont faibles, et ils
ne produisent qu’en faible quantité les isotypes autres que les IgM et les IgD. Ces
caractéristiques les rendent très sensibles à l’infection par les pathogènes extracel-
lulaires. Cinq causes du syndrome hyper IgM ont été reconnues, ce qui a contribué
à élucider les mécanismes impliqués dans les recombinaisons liées à la commuta-
tion de classe et à l’hypermutation somatique des cellules B.
La forme la plus commune du syndrome hyper IgM est le syndrome hyper IgM lié
à l’X, qui est causé par des mutations dans le gène codant le ligand de CD40
Immunodéficience hyper IgM (CD154), qui se trouve dans le chromosome X. Le ligand de CD40, qui est exprimé
liée à l’X normalement par les cellules T activées, leur permet d’interagir avec la pro-
téine CD40 sur les cellules B et de les activer (voir la Section 9-4). En cas de défi-
cience en ligand de CD40, les cellules B ne reçoivent aucun stimulus par leur CD40,
mais elles sont elles-mêmes normales. Comme nous l’avons vu au Chapitre 4, l’in-
teraction du ligand de CD40 avec CD40 est aussi essentiel pour l’induction de la
commutation de classe et la formation des centres germinatifs (Fig. 12.11).
Un syndrome très semblable a été identifié chez des patients avec des mutations
Dysplasie ectodermique
hypohidrotique dans deux autres gènes. Comme on pouvait s’y attendre, un de ceux-ci est celui qui
et immunodéficience liées à l’X code CD40 sur le chromosome 20, mutations qui ont été trouvées chez plusieurs
patients avec une forme récessive du syndrome hyper IgM. Un gène muté différent
a été trouvé chez des patients avec une affection rare du développement appelée
dysplasie ectodermique hypohidrotique avec immunodéficience, caractérisée
par l’absence de glandes sudoripares, cheveux secs et clairsemés, absence par-
tielle ou totale de dentition et syndrome hyper IgM. Dans cette maladie, appe-
lée aussi déficience de NEMO, des mutations touchent le gène codant la protéine
NEMO (appelée aussi IKKγ, une sous-unité de la kinase IKK), qui est un compo-
sant essentiel de la voie de signalisation intracellulaire menant à l’activation du
facteur de transcription NFκB (voir Fig. 6.22).
Ce groupe de syndromes hyper IgM montre que des mutations à ces différentes
places dans la voie activée par le ligand de CD40 sur les cellules T en se liant à
CD40 sur les cellules B aboutissent toutes à un syndrome similaire d’immunodéfi-
cience. Ces patients se protègent moins bien contre divers micro-organismes, sur-
tout les bactéries pyogènes et les mycobactéries.
Les immunodéficiences 513
Ils souffrent aussi de défauts de l’immunité cellulaire. Ils sont sensibles aux infec-
Ganglion lymphatique d’un patient atteint
tions par Pneumocystis carinii, qui est normalement détruit par les macrophages. du syndrome hyper IgM (pas de centre germinatif)
On pense que cette sensibilité particulière est due, au moins en partie, à l’incapa-
cité des cellules T de fournir un signal d’activation aux macrophages infectés par
l’intermédiaire de la molécules CD40 portée par ces cellules (voir Section 8-29).
Une anomalie de l’activation des cellules T peut aussi contribuer à la profonde
immunodéficience observée chez ces patients. En effet, des études chez des souris
déficientes en CD40 ligand ont montré des anomalies dans l’expansion des cellu-
les T spécifiques de l’antigène en réponse à une immunisation primaire.
Un autre type de syndrome hyper IgM est un défaut intrinsèque des cellules B causé
par des mutations du gène codant la cytidine désaminase induite par activation
(AID, Activation-Induced cytidine Deaminase ; voir la Section 4-17). Il est associé à
Ganglion lymphatique normal
une forme moins grave d’immunodéficience que les autres formes du syndrome. avec des centres germinatifs
Les patients atteints de déficience de AID sont plus sensibles que les sujets nor-
maux à de graves infections bactériennes, mais pas aux infections opportunistes
comme P. carinii. Dans les cellules B chez ces patients, la commutation des isoty-
pes d’anticorps est impossible et l’hypermutation somatique est fortement réduite.
La conséquence est une accumulation de cellules B immatures dans des centres
germinatifs anormaux, ce qui cause, une hypertrophie des ganglions lymphatiques
et de la rate. AID n’est exprimée que dans les cellules B dans lesquelles la com-
mutation de classe ou l’hypermutation a été déclenchée, ce qui démontre son rôle
unique dans les deux processus. Le degré moindre d’immunodéficience associé au
syndrome hyper IgM dû à la déficience de AID en comparaison avec celle associée
à une déficience soit du ligand de CD40, de CD40 ou de NEMO s’explique par le fait
Fig. 12.11 Les patients atteints du
que la déficience de AID ne cause qu’un affaiblissement des réponses à anticorps, syndrome hyper IgM lié à l’X ne peuvent
alors que les déficiences des autres protéines sont associées à des défauts dans le pas activer complètement leurs cellules B.
fonctionnement des cellules B et T. Une autre cause de syndrome hyper IgM a été Les tissus lymphoïdes des patients atteints
du syndrome hyper IgM sont dépourvus
identifiée récemment chez un petit nombre de patients ; chez eux, l’hypermutation de centres germinatifs (panneau du haut)
somatique est normale et AID fonctionne normalement, mais la commutation iso- contrairement aux ganglions lymphatiques
typique est défectueuse. Il reste à découvrir l’anomalie génétique en cause. normaux (panneau du bas). L’activation des
cellules B par les cellules T est indispensable
L’immunodéficience commune et variable (CVID, Common Variable à la commutation de classe et à la formation
ImmunoDeficiency) est un quatrième exemple de déficit intéressant surtout les des centres germinatifs, où les cellules B
prolifèrent activement. Cliché de R. Geha
anticorps. Dans ce syndrome, la production de la plupart des immunoglobulines, et A. Perez-Atayde.
IgM, IgG, et IgA est affectée. Certains cas de CVID sont familiaux. Dans cette affec-
tion, le fonctionnement tant des cellules T que des B est altérée et les symptômes
diffèrent d’un malade à l’autre. Les patients sont sensibles à des infections récur-
rentes et ont des taux d’immunoglobulines sériques réduits et des réponses à anti-
corps anormales. Des maladies auto-immunes et gastro-intestinales ont aussi été Déficience de AID
rapportées chez certains patients avec CVID. Les enfants atteints de cette maladie (Activation-Induced cytidine
sont plus sensibles aux infections de l’oreille moyenne (otite moyenne), et peuvent Deaminase)
développer des infections articulaires, osseuses, cutanées et parotidiennes.
L’affection n’est pas aussi grave que certaines des autres immunodéficiences, et la
plupart des patients ne sont en général pas diagnostiqués avant l’âge adulte. Un
pourcentage significatif de cas de CVID et une plus petite proportion de cas de
simple déficience en IgA sont associés à une déficience génétique de la protéine
transmembranaire appelée TACI (TNF-like receptor transmembrane Activator and Immunodéficience commune
CAML Interactor). C’est le récepteur de la cytokine BAFF, qui est sécrétée par les et variable
cellules dendritiques et qui fournit des signaux costimulateurs et de survie pour
l’activation des cellules B et la commutation de classe (voir Section 9-13).
Une autre défaut génétique qui a été lié à une petit pourcentage de patients atteints
de CVID est une déficience de la molécule costimulatrice ICOS. Comme décrit
dans la Section 8-14, ICOS est une molécule costimulatrice inductible qui est régu-
lée à la hausse sur les cellules T lorsqu’elles sont activées. Les effets de la déficience
en ICOS ont confirmé son rôle essentiel dans l’aide des cellules T lors des derniè-
res phases de différenciation des cellules B, y compris la commutation de classe et
la formation des cellules mémoire.
514 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Une diminution du nombre des phagocytes ou une altération de leur fonction peut
constituer une immunodéficience grave ; en effet, une absence totale de neutrophi-
les est incompatible avec la survie dans un environnement normal. On distingue trois
types d’immunodéficiences liées aux phagocytes et causées par des gènes codant des
protéines qui contrôlent respectivement la production des phagocytes, leurs interac-
tions et leur activité lytique sur les micro-organismes. Nous les décrirons tour à tour.
Des déficiences héréditaires dans la production des neutrophiles (neutropénies) sont
classées soit comme neutropénies congénitales sévères ou comme neutropénies
cycliques. Dans la neutropénie congénitale sévère, qui peut être transmise comme
un caractère dominant ou récessif, le nombre de neutrophiles reste de manière per-
sistante à moins de 0,2 × 109 par litre de sang, la norme étant de 3–5,5 × 109 / litre), et la
survie des patients dépend de la réussite d’une greffe de moelle. La neutropénie cycli-
que est une maladie héréditaire dominante au cours de laquelle le nombre de neu-
trophiles proche de la norme se met à chuter très bas au cours d’un cycle d’environ
21 jours. D’autres cellules dérivées de la moelle osseuse, les monocytes, plaquettes,
lymphocytes et réticulocytes, passent par des fluctuations numériques plus faibles
avec la même périodicité.
De manière surprenante, des mutations de l’élastase des neutrophiles humains
(ELA2) sont responsables de la neutropénie cyclique, mais aussi d’une proportion
significative de neutropénie congénitale sévère dominante. À la suite de ces muta-
tions, les élastases fonctionnent moins bien, ce qui aboutit à la production de pro-
téines intracellulaires toxiques qui bloquent la maturation des neutrophiles. Des
mutations hétérozygotes de l’oncogène GFI1, qui code un répresseur de transcrip-
tion, ont été détectées chez trois patients neutropéniques. Cette trouvaille découle de
l’observation inattendue que les souris dépourvues de la protéine Gfi1 sont neutro-
péniques. Une analyse plus poussée a révélé qu’une mutation de Gfi1 chez la sou-
ris affecte l’expression d’Ela2, fournissant un lien entre ces deux gènes dans une voie
commune de différenciation des cellules myéloïdes. Comment l’élastase mutée déter-
mine un cycle durant 21 jours pour la neutropénie et les effets sur les autres types cel-
lulaires de la moelle osseuse reste un mystère.
Une neutropénie intermittente est aussi caractéristique de patients atteints du syn-
drome de Shwachman–Diamond, un autre exemple rare d’une immunodéficience
autosomique récessive. Ce syndrome est caractérisé par des anomalies du squelette,
une insuffisance du pancréas exocrine et un dysfonctionnement de la moelle osseuse.
Une mutation dans le gène appelé SBDS a été identifié dans 89 % d’individus non appa-
rentés et atteints du syndrome de Shwachman–Diamond. SBDS est un membre d’une
famille génique qui comprend des gènes impliqués dans l’apprêtement de l’ARN, ce qui
suggère que le syndrome pourrait être dû à dysfonctionnement dans le métabolisme
de l’ARN essentiel pour l’hématopoïèse, la chondrogenèse (formation du cartilage) et le
développement du pancréas exocrine.
Des défauts dans le recrutement des cellules phagocytaires dans les sites extravascu-
laires d’infection peuvent causer de graves immunodéficiences. Les leucocytes attei-
gnent les sites d’infection en émigrant depuis les vaisseaux sanguins par un processus
bien contrôlé (voir Fig. 2.49). Au cours d’une première phase, les leucocytes adhèrent
516 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Bien que les patients avec des déficiences des cellules B peuvent résister à de nombreux
pathogènes, ceux qui souffrent d’anomalies dans le développement des cellules T sont
sensibles à un large spectre d’agents infectieux, ce qui démontre le rôle central des cellu-
les T dans les réponses immunitaires adaptatives dirigées pratiquement contre tous les
antigènes. Puisque chez ces patients la production d’anticorps dépendant des cellules T
et les réponses immunitaires cellulaires sont impossibles, ils ne peuvent pas développer
de mémoire immunologique ; on dit qu’ils souffrent d’immunodéficience combinée
sévère (SCID, Severe Combined ImmunoDeficiency).
Plusieurs défauts génétiques peuvent conduire au phénotype SCID. Une caracté-
ristique commune à tous les enfants atteints de SCID est un arrêt intrinsèque de la
différenciation des cellules T, souvent associé à une différenciation défectueuse des
cellules B et, dans certains types génétiques, à des déficiences des cellules NK. Les
enfants atteints souffrent d’infections opportunistes graves par des adénovirus, le
virus d’Epstein–Barr, Candida albicans et P. carinii, et ils meurent en général au cours
de leur première année de vie à moins qu’ils ne reçoivent des anticorps et une greffe
de moelle. La Figure 12.14 énumère les causes principales de SCID.
Le SCID associé à l’X (XSCID, X-linked SCID) est la forme la plus fréquente ; elle est
parfois appelée « bubble boy disease » ou « maladie de l’enfant-bulle ». Cette expres-
sion dérive de l’histoire d’un garçon atteint de XSCID qui a vécu dans une bulle pro-
tectrice pendant plus de 10 ans avant de mourir après l’échec d’une greffe de moelle.
Les patients atteints de XSCID ont une mutation du gène qui code la chaine gamma
commune (γc) du récepteur de l’IL-2 (IL-2R). Plusieurs récepteurs de cytokines, IL-2,
IL-4, IL-7, IL-9, IL-15 et IL-21, partagent γc et sont donc défectueux dans ce type de Immunodéficience combinée sévère
SCID. Conséquence de ce défaut génétique, les cellules T et NK ne peuvent se déve- liée à l’X
lopper normalement, tandis que le nombre de cellules B, mais pas leur fonction, est
normal. Un type de SCID que l’on ne peut distinguer sur les plans clinique et immu-
nologique et associé à une mutation qui inactive une des protéines de la voie de signa-
lisation partant de γc et d’autres récepteurs de cytokine, la kinase Jak3 (voir la
Section 6-23). Cette mutation cause le développement de cellules T et NK anormales,
mais le développement des cellules B n’est pas affecté.
D’autres immunodéficiences chez l’homme et la souris ont révélé certains rôles des
cytokines et de leurs récepteurs dans le développement des cellules T et des cellu-
les NK. Par exemple, on a décrit le cas d’un enfant avec SCID qui n’avait pas de cellu-
les NK ni de cellules T normales, mais qui avait des gènes normaux de γc et de la kinase
Jak3. Il est apparu qu’il avait un déficit de la chaîne β, βc, partagée par les récepteurs
de l’IL-2 et de l’IL-15. Cet enfant unique et les souris avec des mutations affectant le
518 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
Recombinaison
RAG2 T–B–NK+ T–B–NK+
du récepteur d’antigène
Recombinaison
Artemis T–B–NK+ T–B–NK+
du récepteur d’antigène
gène de la chaîne β ont permis de définir un rôle clé pour l’IL-15 comme facteur de
croissance pour le développement des cellules NK, ainsi qu’un rôle pour l’IL-15 dans
la maturation et le trafic des cellules T. Des souris dont le gènes de l’IL-15 ou celui de
la chaîne α de son récepteur a été muté n’ont pas de cellules NK et un développement
relativement normal des cellules T, mais elles montrent une réduction du tropisme
des cellules T pour les tissus lymphoïdes périphériques et une réduction du nombre
de cellules T CD8.
Les sujets avec une déficience de la chaîne α du récepteur de l’IL-7 n’ont pas de cel-
lules T, mais un nombre normal de cellules NK, ce qui montre que la signalisation
par l’IL-7 est essentielle pour le développement des cellules T, mais pas pour celui
des cellules NK. Chez l’homme et les souris dont les cellules T montrent une produc-
tion défectueuse de IL-2 après stimulation des récepteurs, le développement des cel-
lules T lui-même est normal. Les effets plus limités de déficit individuel de cytokine
contrastent avec les déficiences globales dans le développement des cellules T et NK
chez les patients atteints de XSCID.
Comme dans toutes les déficiences graves de cellules T, les patients avec XSCID ne
développent pas de réponse à anticorps effective contre la plupart des antigènes,
bien que leurs cellules B semblent normales. Puisque le gène se trouve sur le chro-
mosome X, on peut déterminer si l’absence de la fonction des cellules B n’est qu’une
conséquence de l’absence d’aide des cellules T par l’examen de l’inactivation du
chromosome X dans les cellules B de porteurs non affectés (voir la Section 12-9). La
plupart des lymphocytes B naïfs porteurs d’IgM, mais pas tous, de femmes porteu-
ses de XSCID ont inactivé le chromosome X défectueux plutôt que le normal, ce qui
montre que le développement des cellules B est affecté mais qu’il n’est pas entière-
ment dépendant de la chaîne γc. Les cellules B mémoire matures qui sont passées
par la commutation de classe ont inactivé le chromosome X défectueux presque sans
exception. Cela pourrait refléter le fait que la chaîne γc fait partie des récepteurs de
l’IL-4 et de l’IL-21. Ainsi, les cellules B dépourvues de cette chaîne auront des récep-
teurs d’IL-4 et d’IL-21 défectueux et ne proliféreront pas lors de réponse anticorps
dépendant des cellules T (voir la Section 9-4).
Un second type de SCID hérité de manière autosomique est dû à un déficit en adé-
Déficience en adénosine nosine désaminase (ADA) ou à un déficit en phosphorylase des nucléotides puri-
désaminase
ques (PNP). Des anomalies dans ces enzymes affectent la dégradation des purines et
conduisent à une accumulation des métabolites nucléotidiques, qui sont particuliè-
rement toxiques pour les cellules T en développement. Les cellules B sont aussi gra-
vement affectées chez ces patients, plus dans l’ADA que dans la PNP.
Les immunodéficiences 519
Une troisième série de déficiences menant au SCID sont celles qui induisent des
échecs de réarrangement de l’ADN au cours du développement des lymphocytes.
Par exemple, des défauts dans les gènes RAG-1 et RAG-2 entraînent l’arrêt du déve-
loppement des lymphocytes à cause de l’impossibilité de réarrangement génique
du récepteur d’antigène. On observe alors une absence complète de cellules T et
de cellules B chez les souris dont les gènes RAG ont été rendus déficients et chez
les malades souffrant d’une forme héréditaire autosomique de SCID suite à l’ab-
sence d’une protéine RAG fonctionnelle. D’autres enfants avec des mutations soit
dans le gène RAG-1 soit dans le gène RAG-2 peuvent malgré tout synthétiser une
petite quantité de protéine RAG fonctionnelle, permettant un faible activité de
recombinaison V(D)J. Ils souffrent d’une maladie différente mais tout aussi grave
appelée syndrome d’Omenn, au cours de laquelle l’augmentation de la sensibilité
aux multiples infections opportunistes s’accompagne de caractéristiques clini- Syndrome d’Omenn
ques très proches de la maladie du greffon contre l’hôte (voir la Section 14-35) avec
des éruptions, une éosinophilie, des diarrhées et une hypertrophie des ganglions
lymphatiques. Un nombre normal ou élevé de cellules T, toutes étant activées, est
observé chez ces malheureux enfants. Une explication possible de ce phénotype
est qu’une faible activité RAG permet la recombinaison d’un nombre limité de
récepteurs T. Cependant, on n’observe pas de cellules B ; il est possible que les cel-
lules B ont un besoin plus important d’activité RAG. Les cellules T produites par
ces patients ont des récepteurs dont le répertoire est anormalement restreint aussi
bien dans le thymus qu’à la périphérie, où ils ont été activés et ont subi l’expansion
clonale. Les manifestations cliniques suggèrent fortement que ces cellules T péri-
phériques sont autoréactives et sont responsables des symptômes de maladie du
greffon contre l’hôte.
Un autre groupe de patients présentant une maladie SCID autosomique ont un
phénotype qui ressemble à celui d’une souche mutante de souris appelée scid.
Les souris scid sont anormalement sensibles aux radiations ionisantes en plus du
syndrome SCID. Elles produisent peu de cellules T et B matures, car le réarran-
gement de l’ADN des lymphocytes en développement est anormal. On observe
peu d’associations VJ ou VDJ et la plupart d’entre elles sont anormales. Le déficit
responsable de ce phénotype concerne la protéine-kinase dépendante de l’ADN
(DNA-PKCS, DNA-dependent Protein Kinase), qui est impliquée dans le réarran-
gement génique des récepteurs d’antigène (voir la Section 4-5). Une mutation
différente chez certaines personnes atteintes d’un SCID autosomique touche la
protéine Artemis, qui agit dans la même voie que DNA-PKCS. Le rôle normal du
complexe Artemis:DNA-PKCS est d’ouvrir les structures en épingle à cheveux afin
de permettre la formation des jonctions VDJ, ce qui complète le processus de
recombinaison VDJ.
D’autres défauts de la réparation et des recombinaisons de l’ADN sont associés à
un ensemble d’immunodéficiences, à une augmentation de la sensibilité aux effets
néfastes des radiations ionisantes et au développement de cancers. Un exemple
est le syndrome de Bloom, une maladie due à des mutations d’une enzyme qui
déroule l’ADN bicaténaire, l’ADN hélicase. Un autre exemple est l’ataxie-télan-
giectasie (AT), dans laquelle une protéine appelée ATM (Ataxia Telangiectasia-
Mutated) est défectueuse. Elle contient un domaine kinase qui semble impliqué
dans la signalisation intracellulaire en réponse aux lésions de l’ADN. L’ADN ligase
IV, qui joint l’ADN lors de la recombinaison V(D)J (voir la Section 4-5), manque dans
un petit groupe de patients atteints d’un syndrome semblable à l’ataxie-télangiecta-
sie, dans lequel la recombinaison V(D)J et la commutation de classe sont altérées.
L’ADN ligase IV est un composant de la voie générale de jonction des extrémités
non homologues pour la réparation de l’ADN ; elle joint l’ADN clivé dans divers pro-
cessus de réparation. Une réparation défectueuse des bris d’ADN cause aussi une
susceptibilité accrue au cancer des tissus lymphoïdes et d’autres tissus.
520 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
de la mutation, mais la réponse à presque tous les agents pathogènes est profon-
dément altérée en raison de l’absence de cellules T.
Le syndrome de DiGeorge est une autre maladie dans laquelle l’épithélium thymi-
que ne se développe pas normalement, d’où un syndrome SCID. L’anomalie généti-
que à la base de cette affection complexe touchant le développement est une délétion
dans une copie du chromosome 22. La délétion varie entre 1,5 et 5 mégabases, la plus
petite délétion responsable du syndrome contenant environ 24 gènes. Le gène rele-
vant dans cet intervalle est TBX1, qui code un facteur de transcription, T-box 1. Le syn-
drome de diGeorge est causé par la délétion d’une seule copie de ce gène. En absence
de leur environnement, les cellules T ne peuvent pas atteindre leur maturité; la pro-
duction d’anticorps dépendante des cellules T, comme l’immunité cellulaire, est donc
déficiente. Les patients atteints de ce syndrome ont des taux normaux d’immunoglo-
bulines sériques, mais une absence ou un développement incomplet du thymus et des
parathyroïdes, avec des degrés variables d’immunodéficience des cellules T.
L’expression défectueuse des molécules du CMH peut mener à une immunodéfi-
cience grave en raison des effets sur la sélection positive des cellules T dans le thy-
mus. Les individus atteints du syndrome des lymphocytes nus n’expriment aucune
molécule du CMH de classe II sur leurs cellules. Puisque le thymus est dépourvu de
molécules du CMH de classe II, les cellules T CD4 ne peuvent être sélectionnées posi-
tivement et peu d’entre elles se développent. Les cellules présentatrices d’antigène
chez ces individus manquent également de molécules du CMH de classe II ; aussi, les
quelques cellules T CD4 qui se développent ne peuvent être stimulées par un anti-
gène. L’expression du CMH de classe I est normale et les cellules T CD8 se dévelop-
pent normalement. Cependant, ces patients souffrent d’immunodéficience grave,
ce qui illustre le rôle central des cellules T CD4 dans l’immunité adaptative à la plu-
part des pathogènes. Le syndrome n’est pas causé par une mutation dans les gènes
du CMH eux-mêmes, mais par des mutations dans un des divers gènes codant pour
des protéines de régulation génique indispensables à l’activation de transcription des
promoteurs du CMH de classe II. Des déficiences dans quatre gènes complémen-
taires (groupes A, B, C et D) ont été identifiées chez les patients qui n’expriment pas
de molécules du CMH de classe II, ce qui suggère qu’au moins quatre gènes diffé-
rents sont requis pour l’expression normale de ces protéines. Les gènes correspon-
dant à chaque groupe complémentaire ont été identifiés : le transactivateur du CMH
de classe II ou CIITA (MHC Class II TransActivator) est le gène muté dans le groupe
A. Les gènes mutés dans les groupes B, C et D sont appelés respectivement RFXANK,
RFX5 et RFXAP. Ces trois derniers codent trois protéines, qui appartiennent à un fac-
teur polymérique, RFX, impliqué dans le contrôle de la transcription. Il se fixe à une
séquence d’ADN, appelée boîte X, présente dans la région promotrice de tous les
gènes du CMH de classe II.
Une immunodéficience plus limitée, associée à des infections bactériennes respira-
toires chroniques et à des ulcérations de la peau avec vasculite, a été observée chez un
petit nombre de patients qui n’ont presque pas de molécules du CMH de classe I à la
surface de leurs cellules. Les individus atteints de cette déficience en CMH de classe I
présentent un taux normal d’ARNm codant les molécules du CMH de classe I et une
production normale des protéines de classe I. Cependant, très peu de ces protéines
atteignent la surface cellulaire. Cette anomalie ressemble à celle que l’on observe
dans les cellules dont TAP est muté, décrite à la Section 5-2, et des mutations des
gènes TAP1 ou TAP2, qui codent les sous-unités du transporteur de peptide, ont été
trouvées chez des patients avec déficience du CMH de classe I. Comme dans la défi- Déficience en CMH de classe I
cience du CMH de classe II, l’absence d’expression des molécules du CMH de classe I
à la surface cellulaire des cellules épithéliales thymiques est responsable d’une
absence de cellules T CD8 exprimant le récepteur T α:β, mais ces patients possèdent
des cellules T CD8 γ:δ. Il est plutôt surprenant que ces patients ne soient pas plus sen-
sibles aux infections virales, alors que l’on connaît le rôle central de la présentation
par les molécules du CMH de classe I et des cellules T CD8 α:β dans le contrôle des
infections virales. Cependant, on a constaté que certains peptides parvenaient à
rejoindre le CMH de classe I par des voies indépendantes de TAP. Le phénotype clini-
que des patients déficients pour TAP1 et TAP2 indique que ces voies seraient suffisan-
tes pour permettre le contrôle des infections virales.
522 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
de signalisation. La conclusion à tirer de ces maladies est que les voies contrôlée par
les TLR et NFκB semblent importantes dans les réponses immunitaires contre une
collection de pathogènes non apparentés, tandis que la voie IL-12 / IL-23 / IFN-γ est
spécialement importante pour l’immunité contre les mycobactéries et les salmonel-
les mais non contre d’autres pathogènes.
Le virus d’Epstein-Barr que nous avons rencontré plus tôt dans ce chapitre (voir la
Section 12-2) peut transformer les cellules B et est utilisé au laboratoire pour immor-
taliser les cellules B. Cette transformation n’a normalement pas lieu in vivo car l’infec-
tion par EBV est contrôlée et maintenue dans un état de latence par les cellules T
cytotoxiques spécifiques des antigènes d’EBV exprimés par les cellules B. En cas
d’une immunodéficience T, ce mécanisme de contrôle est faillible, et des lympho- Syndrome lymphoprolifératif
mes B potentiellement mortels peuvent se développer. Une circonstance au cours de lié à l’X
laquelle cela peut survenir est une immunodéficience rare, le syndrome lympho-
prolifératif lié à l’X, qui est la conséquence de mutations dans un gène appelé
SH2D1A pour SH2-Domain containing gene 1A. Ce gène code une protéine appelée
SAP (un acronyme pour SLAM-Associated Protein, SLAM étant lui-même un acro-
nyme pour Signaling Lymphocyte Activation Molecule ou molécule de signalisation
activatrice des lymphocytes). Les garçons atteints de cette déficience sont victimes
d’une infection incontrôlée par EBV durant leur enfance et, dans certains cas, de lym-
phome. Dans ces conditions, l’infection par EBV est habituellement mortelle et asso-
ciée à une nécrose hépatique. SAP doit donc jouer un rôle vital et non redondant dans
le contrôle normal de l’infection par EBV.
La fonction de SAP n’est que partiellement comprise. Le domaine SH2 de la protéine
interagit avec les queues cytoplasmiques de deux récepteurs transmembranaires,
SLAM et 2B4, structurellement homologues, et avec la molécule d’adhérence de la cel-
lule T, CD2. SLAM est exprimée sur les cellules T activées alors que 2B4 est exprimée
sur les cellules T, les cellules B et les cellules NK. Une fonction de SAP est de recruter
la tyrosine kinase FynT auprès de ces récepteurs, ce qui active une cascade de signa-
lisation intracellulaire qui inhibe la production d’IFN-γ après l’engagement du récep-
teur de cellule T sans affecter la production d’IL-2. En l’absence de SAP, les cellules T
produisent des quantités accrues d’IFN-γ et cela pourrait privilégier une réponse de
type TH1. Les garçons atteints du syndrome lymphoprolifératif lié à l’X produisent net-
tement plus d’IFN-γ que des sujets normaux lors d’une infection primaire par l’EBV.
Deux hypothèses peuvent expliquer la pathogénie de l’infection fatale par EBV chez
les enfants avec des anomalies de SAP. Tout d’abord, les cellules T ne détruiraient pas
les cellules B exprimant des antigènes de EBV en train de se multiplier et permettent
ainsi le développement d’une infection non contrôlée. La seconde hypothèse est une
activation incontrôlée des cellules T par les cellules B présentant des peptides d’EBV,
ce qui aboutir à des lésions inflammatoires graves par des mécanismes décrits dans
la section suivante. Certains cas de lymphomes chez les jeunes enfants sont asso-
ciés à des mutations dans le gène SH2D1A en absence de preuves d’une infection
par EBV. Cette observation suggère que SH2D1A puisse être un gène suppresseur de
tumeur en plus de son rôle dans le contrôle du virus qui peut aussi induire la forma-
tion de tumeur. En raison du fait que l’EBV persiste dans des cellules B mémoire (voir
Section 12-2), une déplétion des cellules B a été utilisée avec succès pour traiter des
patients infectés gravement par l’EBV.
sans lien est un défaut dans la sécrétion régulée des lysosomes. De nombreux types
de cellules dérivées de la moelle osseuse, y compris les lymphocytes, granulocytes,
les mastocytes et les cellules, ont en commun la propriété de la sécrétion régulée
des lysosomes. En réponse à des stimulus, ils exportent (exocytose) des lysosomes
sécrétoires qui contiennent des groupes protéiques. Parmi les autres types de cellu-
les dotées de cette activité de sécrétion régulée des lysosomes, on trouve les méla-
nocytes, les cellules pigmentaires de la peau. Le contenu des lysosomes sécrétoires
diffèrent selon le type de cellule. Dans les mélanocytes, la mélanine est le compo-
sant principal, tandis que dans les cellules T cytotoxiques, les lysosomes sécrétoires
contiennent les protéines cytolytiques perforine, granulysines et granzymes (voir la
Section 8-28). Bien que le contenu des granules diffère entre les types cellulaires, les
mécanismes fondamentaux de leur sécrétion sont semblables, ce qui explique pour-
quoi des perturbations héréditaires dans la sécrétion régulée des lysosomes peuvent
causer simultanément l’albinisme et une immunodéficience.
Nous avons appris dans la Section 12-18 que le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X
est associé à une inflammation incontrôlée en réponse à une infection par l’EBV. À
cet égard, il ressemble fortement à un groupe de maladies qui causent un syndrome
connu sous le nom de syndrome hémophagocytaire dans lequel il existe une expan-
sion non contrôlée des lymphocytes CD8 cytotoxiques, associée à l’activation des
macrophages. Les manifestations cliniques de la maladie sont dues à une réaction
inflammatoire provoquée par une augmentation de la libération de cytokines pro-
inflammatoires telles que l’IFN-γ, TNF, IL-6, IL-10 et M-CSF (Macrophage Colony-
Stimulating Factor). Ces médiateurs sont sécrétées par les lymphocytes T activés et
les macrophages qui infiltrent tous les tissus, ce qui provoque une nécrose tissulaire
et la défaillance de divers organes. Les macrophages activés phagocytent des cellu-
les sanguines, entre autres des érythrocytes et des leucocytes, ce qui donne son nom
au syndrome. Certains de ces syndromes hémophagocytaires sont hérités, et peuvent
être classés en deux catégories selon la nature du gène défectueux. Dans la première,
les effets de la mutation se limitent à des lymphocytes et autres cellules du système
immunitaire parce que la protéine mutante est présente dans les granules des cellu-
les NK et des lymphocytes cytotoxiques. Dans le deuxième type, l’anomalie génétique
perturbe la voie de sécrétion régulée des lysosomes et touche tous les types de cellu-
les qui utilisent cette voie ; dans ces cas, l’albinisme peut s’ajouter au syndrome.
Une maladie particulièrement pénible nommée lymphohistiocytose hémopha-
gocytaire familiale (LHF) est causée par une déficience héréditaire de la protéine
cytotoxique perforine. Il s’agit d’un trouble propre aux lymphocytes, dans lequel des
cellules T CD8 polyclonales s’accumulent dans les tissus lymphoïdes et d’autres orga-
nes en association avec des macrophages activés hémophagocytaires. L’inflammation
progressive est mortelle si elle n’est pas contrôlés par des immunosuppresseurs. Chez
la souris déficiente en perforine, aucun défaut n’est observé, mais quand les souris
sont infectées par le virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCV), ou d’autres
virus, une maladie qui ressemble à la LHF humaine se développe, due à une réponse
non contrôlée des cellules T spécifiques du virus. Ce syndrome rare montre claire-
ment le rôle de lymphocytes CD8 dans la limitation des réponses immunitaires des
cellules T, par exemple en réponse à une infection virale, par des mécanismes cyto-
toxiques tributaires de la perforine. Lorsque ce mécanisme échoue, des cellules T
activées incontrôlées tuent leur hôte. La perforine est également critique pour la cyto-
toxicité des cellules NK, également altérée dans la LHF.
Des exemples de maladies héréditaires qui affectent la sécrétion régulée des lysoso-
mes sont le syndrome de Chediak-Higashi, causée par des mutations dans une pro-
téine, CHS1, qui régule le trafic lysosomial, et le syndrome de Griscelli, causé par des
mutations dans une petite GTPase, RAB27A, qui contrôle la circulation des vésicules
à l’intérieur des cellules. Deux autres types de syndrome de Griscelli ont été identifiés,
dans lesquels les patients n’ont que des modifications pigmentaires sans déficience
immunitaire. Dans le syndrome de Chediak-Higashi, des lysosomes géants anormaux
s’accumulent dans les mélanocytes, les neutrophiles, les lymphocytes, les éosinophi-
les et les plaquettes. Les cheveux ont typiquement une couleur argentée, la vision est
faible en raison des anomalies des cellules pigmentaires de la rétine et la dysfonction
plaquettaire favorise les saignements. Les enfants atteints de ce syndrome souffrent
Les immunodéficiences 525
d’infections graves récurrentes en raison d’une défaillance des cellules T, des polynu-
cléaires neutrophiles et des cellules NK. Après quelques années, une lymphohistiocy-
tose hémophagocytaire menant à la mort en absence de traitement. Les antibiotiques
sont nécessaires pour traiter et prévenir les infections, l’immunosuppression étant
nécessaire pour faire face à l’inflammation non contrôlée ; seule la greffe de moelle
osseuse offre un réel espoir aux patients atteints de la maladie de Chediak-Higashi.
12-20 Des déficiences génétiques peuvent être corrigées par une greffe
de moelle osseuse ou par thérapie génique.
ont développé une tumeur des cellules T. Le vecteur rétroviral avait été, en effet,
Les cellules T matures de la greffe reconnaissent
les cellules de l’hôte comme étrangères intégré à proximité d’un promoteur du proto-oncogène appelé LMO2, un gène
qui régule l’hématopoïèse.
Les immunodéficiences primaires nous ont beaucoup appris sur la biologie de cer-
taines protéines du système immunitaire. Heureusement, ces conditions sont rares.
En revanche, les immunodéficiences secondaires sont très fréquentes en pratique
médicale quotidienne. La malnutrition touche de nombreuses populations dans le
monde, et l’une des caractéristiques majeures de la malnutrition est une immuno-
Maladie du greffon contre l’hôte (GVDH)
Maladie immunitaire systémique
déficience secondaire, qui affecte en particulier l’immunité de type cellulaire, la mort
au cours des famines est souvent causée par une infection. La rougeole, qui provoque
Pas de réponse immunitaire de la greffe dont elle-même une immunosuppression (voir la Section 12-4), est une cause importante
les cellules T ont été éliminées de décès chez les enfants souffrant de malnutrition. Dans les pays développés, la rou-
Les cellules souches prolifèrent et reconstituent geole est une maladie désagréable, mais les complications majeures sont rares. En
le système immunitaire de l’hôte revanche, la rougeole en cas de sous-alimentation a une forte mortalité. La tubercu-
lose est une autre complication grave de la malnutrition. Chez la souris, une carence
en protéines cause une immunodéficience en altérant la fonction des cellules pré-
B sentatrices d’antigène, mais chez l’homme, il n’est pas clair comment la malnutrition
cellule affecte spécifiquement la réponse immunitaire. Des liens entre les systèmes endo-
souche crinien et immunitaire pourraient fournir une explication. Les adipocytes (cellules
T graisseuses) produisent l’hormone leptine, dont les taux sont directement liés à la
quantité de graisse du corps ; or, les taux de leptine chutent en cas de famine. Tant
chez l’homme que chez la souris, un déficit génétique en leptine atténue les répon-
ses des cellules T et, chez la souris, le thymus s’atrophie. Ces anomalies peuvent être
Greffe réussie
corrigées par l’administration de leptine aux souris dénutries ou qui ont hérité d’une
déficience en leptine.
Les immunodéficiences secondaires sont également associées à des tumeurs
Les cellules T matures de l’hôte reconnaissent hématopoïétiques, comme la leucémie et des lymphomes. Selon le type, la leu-
les cellules de la greffe comme étrangères
cémie peut être associée à un excès de neutrophiles (neutrophilie) ou un défi-
cit (neutropénie). Dans les deux cas, le dysfonctionnement des polynucléaires
tue
neutrophiles augmente la sensibilité aux infections bactériennes et fongiques,
T
cellule comme décrit à la Section 12-12. La destruction ou l’invasion des tissus lym-
souche phoïdes périphériques par un lymphome ou des métastases d’autres cancers
peut favoriser les infections opportunistes. L’ablation chirurgicale de la rate ou
la suppression de la fonction splénique par certaines maladies prédispose à une
infection généralisée par S. pneumoniae, ce qui illustre le rôle des cellules pha-
Réponse de l’hôte contre la greffe. Rejet de la greffe gocytaires mononuclées spléniques dans l’élimination de ce pathogène. Les
patients sans fonction splénique devraient être vaccinés contre les pneumoco-
ques et on leur recommande souvent de prendre, à titre prophylactique, des
Fig. 12.16 La greffe de moelle osseuse
peut être utilisée pour corriger les antibiotiques tout au long de leur vie.
immunodéficiences causées par
des anomalies de la maturation des
Malheureusement, une complication majeure des médicaments cytotoxiques
lymphocytes malgré deux problèmes utilisés pour traiter le cancer est l’immunosuppression et une susceptibilité
potentiels. Premièrement, les cellules T accrue aux infections. Ces médicaments tuent toutes les cellules en division,
matures présentes dans la moelle osseuse et les cellules de la moelle osseuse et des systèmes lymphoïdes en sont les
peuvent attaquer les cellules de l’hôte principales victimes. L’infection est donc l’un des principaux effets secondai-
en reconnaissant les antigènes du CMH,
induisant ainsi la maladie du greffon contre
res de la chimiothérapie cytotoxique. C’est également le cas lorsque ce type
l’hôte (panneau du haut). Une élimination de médicaments est utilisé en vue d’une immunosuppression. Un autre effet
des cellules T de la moelle osseuse du secondaire de l’intervention médicale est le risque accru d’infection dans les
donneur prévient cette complication (panneau dispositifs médicaux implantés, tels que les cathéters, les valves cardiaques arti-
du centre). Deuxièmement, les cellules T ficielles et des articulations artificielles. Ce sont des sites favorables au dévelop-
immunocompétentes du receveur peuvent
attaquer les cellules souches de la moelle
pement d’infections qui résistent aux antibiotiques. Ces matériaux implantés
osseuse (panneau du bas). Ce mécanisme sont dépourvus des mécanismes de défense innée des tissus normaux, d’où la
induit un rejet de la greffe par les mécanismes croissance facile des bactéries et des champignons. Les cathéters utilisés pour
classiques de rejet (voir Chapitre 13). la dialyse péritonéale ou l’injection de médicaments et de liquides dans la cir-
culation peuvent aussi faciliter la transmission des bactéries en leur permettant
de contourner l’obstacle de la peau
Le syndrome d’immunodéficience acquise 527
Résumé.
Des déficiences génétiques peuvent toucher presque toutes les molécules impli-
quées dans la réponse immunitaire. Le développement de ces immunodéficien-
ces caractéristiques, bien que rares, apportent de nombreuses informations sur
le développement et le fonctionnement du système immunitaire humain normal.
Les immunodéficiences héréditaires montrent le rôle central de la réponse immu-
nitaire adaptative et particulièrement des cellules T sans lesquelles l’immunité
cellulaire et l’immunité humorale ne peuvent pas se développer. Elles fournissent
des informations sur les rôles séparés des lymphocytes B dans l’immunité humo-
rale et des lymphocytes T dans l’immunité cellulaire, l’importance des phagocy-
tes et du complément dans l’immunité humorale et innée, ainsi que les fonctions
spécifiques de plusieurs molécules de surface et de signalisation dans la réponse
immunitaire adaptative. Il existe aussi plusieurs désordres immunitaires héréditai-
res dont les causes sont encore inconnues. L’étude de ces maladies nous appren-
dra indubitablement encore plus de choses sur la réponse immunitaire normale
et son contrôle. Les déficiences acquises du système immunitaire, dites secondai-
res, sont beaucoup plus fréquentes que les immunodéficiences primaires hérédi-
taires. La dénutrition est une cause importante d’immunodéficience et de mort à
l’échelle mondiale. Dans la section qui suit, nous allons nous pencher sur la pan-
démie du syndrome d’immunodéficience acquise causée par le virus VIH.
qu’ils ont évolué chez l’homme après la transmission du virus à partir d’un chim-
panzé, porteur du virus de l’immunodéficience simienne (SIVcpz), qui est apparenté
au VIH. Il a été estimé que l’ancêtre commun du groupe M pourrait remonter aussi
loin que 1915-1941. Dans ce cas, cela signifierait que le VIH-1 a infecté l’homme en
Afrique centrale depuis bien plus longtemps qu’on ne l’avait pensé.
L’infection par le VIH ne provoque pas immédiatement le SIDA et les questions de
savoir comment il y conduit et si tous les patients évolueront vers la maladie décla-
rée restent controversées. Néanmoins, on dispose d’arguments de plus en plus
nombreux qui mettent clairement en cause la croissance du virus dans les cellu-
les T CD4 et la réponse immunitaire contre lui. Ces deux éléments constitueraient
le mécanisme central menant au SIDA. L’infection par le VIH est une pandémie
à l’échelle mondiale. Bien que la compréhension de la pathogénie et de l’épidé-
miologie de la maladie avance à grands pas, le nombre de personnes infectées à
travers le monde continue à croître à une vitesse alarmante, présageant la mort
de nombreuses personnes dans les années à venir. L’Organisation Mondiale de la
Santé estime que plus de 25 millions de personnes sont mortes du SIDA depuis
le début de l’épidémie et qu’il y a actuellement environ 44 millions d’individus
porteurs du VIH (Fig. 12.17), la plupart d’entre eux vivant en Afrique sub-saha-
rienne où environ 7,4 % des jeunes adultes sont infectés. Dans certains pays de
cette région, comme le Zimbabwe ou le Botswana, plus de 25 % des adultes sont
infectés. Des épidémies d’infection par le VIH et le SIDA s’étendent en Chine et en
Inde, où des enquêtes dans plusieurs états ont montré une prévalence de 1-2 % de
l’infection à VIH chez les femmes enceintes. L’incidence de l’infection à VIH aug-
mente plus rapidement en Europe de l’Est et en Asie centrale que dans le reste du
monde. Environ un tiers des personnes infectées par le VIH ont entre 15 et 24 ans,
et la plupart ignorent qu’ils sont porteurs du virus.
12-22 Au bout d’un certain temps, la plupart des infections par le VIH
aboutissent au SIDA.
Fig. 12.17 L’infection par le VIH s’étend à
tous les continents. Le nombre de personnes De nombreux virus provoquent une infection aiguë mais limitée induisant ainsi
infectées par le VIH est très important et
ne fait qu’augmenter. À l’échelle mondiale,
une immunité protectrice de longue durée. D’autres, comme le virus de l’her-
en 2006, on dénombrait environ 40 millions pès, s’établissent de manière latente et ne peuvent être éliminés par la réponse
d’individus infectés par le VIH, dont 5 millions immunitaire adaptative, qui cependant maintient l’infection sous contrôle (voir
de nouveaux cas et plus de 3 millions de morts Section 12-2). L’infection par VIH semble, rarement ou même jamais, conduire à
du SIDA. Les chiffres représentent les nombres
estimés d’enfants et d’adultes vivant avec le une réponse immunitaire qui pourrait empêcher la réplication du virus. L’infection
VIH / SIDA à la fin de 2006 selon l’estimation de initiale aiguë semble être contrôlée par le système immunitaire, mais le VIH conti-
l’Organisation mondiale de la Santé. nue à se répliquer et à infecter de nouvelles cellules.
Europe de l’Est
et Asie centrale
1,7 million/270.000/84.000
Europe de l’Ouest
Amérique du Nord 740.000/22.000/12.000
1,4 million/43.000/18.000
Asie de l’Est
750.000/100.000/43.000
Afrique du Nord
Caraïbes et Moyen-Orient
250.000/27.000/19.000 460.000/68.000/36.000
Asie du Sud
Amérique latine et du Sud-Est
1,7 million/140.000/65.000 7,8 millions/860.000/590.000
Océanie
81.000/7 100/4 000
12-23 Le VIH est un rétrovirus qui infecte les cellules T CD4, les cellules
dendritiques et les macrophages.
Le VIH est un rétrovirus enveloppé dont la structure est présentée dans la Fig. 11.22.
Chaque particule virale ou virion contient deux copies d’ARN génomique ; de
nombreuses copies d’enzymes essentielles requises pour les phases initiales de
l’infection de la réplication du génome, avant que de nouvelles protéines virales
ne soient produites. Le génome viral est transcrit en ADN dans la cellule infec-
tée par la transcriptase inverse, et l’ADN est intégré dans les chromosomes de la
cellule hôte par l’intégrase virale. Les ARN transcrits produits à partir de l’ADN
viral intégré dans le chromosome servent à la fois d’ARNm pour la synthèse des
protéines virales et plus tard d’ARN génomique dans de nouvelles particules vira-
les. Celles-ci s’échappent de la cellule en bourgeonnant à partir de la membrane
Le syndrome d’immunodéficience acquise 531
Fig. 12.21 L’infection commence par les Les cellules dendritiques qui ont
cellules dendritiques qui transportent le VIH Des cellules dendritiques
Le VIH est internalisé migré dans les ganglions
des muqueuses dans le tissu lymphoïde. intraépithéliales lient le VIH lymphatiques transfèrent le VIH
dans les endosomes précoces
Le VIH adhère à la surface des cellules en utilisant DC-SIGN aux cellules T CD4
dendritiques intraépithéliales par fixation de la
gp120 virale à DC-SIGN (panneau de gauche).
Il accède aux cellules dendritiques là où les
muqueuses sont lésées ou éventuellement aux
cellules dendritiques qui insèrent des dendrites
entre les cellules épithéliales afin de sonder
le milieu extérieur. Les cellules dendritiques
internalisent le VIH dans les endosomes
précoces légèrement acides et migrent vers
le tissu lymphoïde (panneau central). Le VIH
revient à la surface cellulaire, et quand les
cellules dendritiques rencontrent des cellules T
CD4 dans le tissu lymphoïde secondaire, le VIH
est transmis à la cellule T (panneau de droite).
peut infecter les cellules CD4, soit directement ou par l’intermédiaire de la synapse
immunologique formée entre les cellules dendritiques et des cellules T CD4.
La couche unique de cellules épithéliales constituant la muqueuse rectale et
endocervicale exprime CCR5 et une autre molécule liant le VIH, un glycosphin-
golipide, le galactosyl céramide, et on a montré que les variants R5 du VIH, et non
X4, étaient ainsi transférés de manière sélective par cette monocouche épithéliale,
permettant ainsi au VIH d’infecter les cellules T CD4 et les cellules dendritiques de
la sous-muqueuse. L’infection des cellules T CD4 par CCR5 se produit tôt au cours
de l’infection et continue dans les cellules T CD4 activées, ce qui représente la pro-
duction principale tout au long de l’infection. Vers la fin de l’infection, dans envi-
ron 50 % des cas, le virus acquiert le phénotype de type X4, qui infecte les cellules T
par l’intermédiaire du corécepteur CXCR4, ce qui est suivi par un déclin rapide du
nombre de cellules T CD4 et par la progression vers le SIDA.
Des preuves de l’importance des récepteurs des chimiokines dans l’infection par
le VIH ont été apportées par des études sur un petit groupe d’individus exposés
Le syndrome d’immunodéficience acquise 533
à un risque important d’infection mais restant toujours séronégatifs. En culture, Fig. 12.22 gènes qui influencent la
progression du SIDA chez l’homme. E, effet
des lymphocytes et macrophages provenant de ces personnes étaient relative-
qui intervient tôt dans la progression vers le
ment résistants à l’infection par un VIH et secrétaient des quantités importan- sida ; L, qui intervient à la fin de la progression
tes de CCL3, CCL4 et CCL5 en réponse à l’inoculation du VIH. La résistance du sida ; ?, mécanisme d’action plausible sans
de ces rares individus à l’infection par le VIH s’explique par le fait qu’ils sont preuve directe. Reproduit avec la permission
de Macmillan Publishers Ltd: Nat. Genet.
homozygotes pour un allèle non fonctionnel de CCR5 ; il est appelé ∆32 car la S.J O’Brien, G.W. Nelson, 36: 565-574, © 2004.
Entrée du VIH
CXCL12 3´A Récessif Retarde le SIDA (L) Empêche la transition CCR5-CXCR4 (?)
CXCR6 E3K Dominant Accélère la pneumonie par P. carinii (L) Altère l’activations des cellules T (?)
Cytokine anti-VIH
Limite l'infection
IL10 5´A Dominant Diminue l’expression de l’IL-10
Accélère le SIDA
B*27
HLA Retarde le SIDA Contribue à empêcher le VIH-1 de s’échapper
B*57 Codominant
B*35-Px Accélère le SIDA Dévie l’élimination du VIH-1 par les cellules T CD8
KIR3DS1 3DS1 Épistatique envers HLA-Bw4 Retarde le SIDA Élimine les cellules HLA–, VIH+ (?)
534 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
12-26 L’ARN du VIH est transcrit par la transcriptase inverse virale en ADN
qui s’intègre dans le génome de la cellule.
Une fois que le virus est entré dans la cellule, il se réplique de la même manière
que les autres rétrovirus. Une des protéines présentes dans la particule virale est
la transcriptase inverse virale, qui transcrit l’ARN viral en ADN complémentaire
(ADNc). L’ADNc viral est alors intégré dans le génome de la cellule par l’intégrase
virale qui est, elle aussi, entrée dans la cellule avec l’ARN viral. La copie d’ADNc
intégrée dans le chromosome est appelée provirus. La Fig. 12.23 décrit le cycle
infectieux du virus après intégration du provirus. Dans les cellules T CD4 activées,
la réplication virale est induite par la transcription du provirus comme nous le ver-
rons dans la prochaine section. Cependant, le VIH peut, comme d’autres rétrovi-
rus, établir une infection latente au cours de laquelle le provirus reste quiescent ;
ce qui semble se produire dans les cellules T CD4 mémoire et dans les macropha-
ges au repos. On pense que ces cellules constituent un réservoir important de virus
infectieux.
Le génome du VIH est constitué de neufs gènes entourés de longues répétitions
terminales (LTR, Long Terminal Repeat), qui sont indispensables à l’intégration du
provirus dans l’ADN de la cellule hôte et qui contiennent des sites de fixation pour
des protéines de régulation génique qui contrôlent l’expression des gènes viraux.
Comme les autres rétrovirus, le VIH possède trois gènes principaux : gag, pol et
env. Le gène gag code les protéines de structure de la particule virale, pol les enzy-
mes impliquées dans la réplication et l’intégration virale et env les glycoprotéines
de l’enveloppe virale. Les ARNm de gag et pol sont traduits en polyprotéines, de
longues chaînes polypeptidiques qui sont clivées par la protéase virale (codée par
pol) en différentes protéines fonctionnelles. Le produit du gène env, gp160, doit être
clivé par une protéase de la cellule hôte en gp120 et gp41, qui s’assemblent sous
forme de trimères dans l’enveloppe virale. La Fig. 12.24 montre que le VIH pos-
sède six autres petits gènes codant des protéines qui jouent un rôle dans la réplica-
tion du virus et son caractère infectieux. Deux d’entre elles, Tat et Rev, exercent des
fonctions régulatrices essentielles à la réplication virale. Les quatre autres, Nef, Vif,
Vpr et Vpu, sont nécessaires pour que la production virale soit efficace in vivo.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 535
gp120
ARN du
génome viral
gp41
ADNc viral
transcriptase CD4
inverse
corécepteur Provirus
membrane
plasmique Cytoplasme Noyau ADN chromosomique
Les ARN transcrits subissent Tat amplifie la transcription de l’ARN Les protéines tardives Gag, Pol
L’activation de la cellule T induit de multiples épissages, viral. Rev augmente le transport et Env sont traduites et assemblées
une transcription lente du provirus ce qui permet la traduction des ARN n’ayant subi aucun ou un en particules virales qui
des gènes précoces tat et rev seul épissage dans le cytoplasme bourgeonnent de la cellule
Tat
Rev
gp160
Pol
Gag
NFκ B
Fig. 12.23 Le cycle de vie du VIH. Rangée du haut : le virus se lie à au LTR proviral et lancent la transcription du génome du VIH. Les
CD4 par gp120, qui est modifiée par la liaison à CD4 de telle manière premiers transcrits viraux sont apprêtés, ce qui fournit plusieurs
qu’elle peut alors se lier à un récepteur de chimiokine qui agit comme ARNm codant les protéines régulatrices, Tat et Rev. Tat améliore la
corécepteur permettant l’entrée du virus. Cette liaison libère gp41, ce transcription du provirus et en se liant aux ARN transcrits, elle les
qui permet la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane cellulaire stabilise dans une forme qui peut être traduite. Rev se lie aux ARN
et la libération de la capside virale dans le cytoplasme. Une fois dans transcrits et les transporte dans le cytosol. Avec l’augmentation du taux
le cytoplasme, la capside libère l’ARN génomique, qui est transcrit en de Rev, des transcrits moins apprêtés et n’ayant pas subi d’épissage
ADNc double brin par la transcriptase inverse virale. L’ADNc double sont transportés en dehors du noyau. Les transcrits n’ayant subi aucun
brin migre dans le noyau en association avec l’intégrase virale et la ou un seul épissage codent les protéines de structure du virus, et les
protéine vpr et est intégré dans le génome de la cellule, et devient transcrits non apprêtés, qui constituent aussi les nouveaux génomes
un provirus. Rangée du bas : l’activation des cellules T CD4 induit viraux, sont empaquetés avec ces protéines pour former un grand
l’expression des facteurs de transcription NFκB et NFAT, qui se lient nombre de nouvelles particules virales.
536 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
l’ARN génomique puissent être produits. Rev se lie aussi à une protéine de trans-
port cellulaire, la protéine Crm1, qui permet l’utilisation des voies cellulaires pour
exporter les ARNm viraux dans le cytoplasme à travers les pores nucléaires.
Lorsque le provirus vient d’être activé, Rev est peu abondant, les transcrits sont
dont transférés lentement du noyau dans le cytoplasme, laissant ainsi le temps aux
multiples événements d’épissage de se produire. Ces différents épissages s’accom-
pagnent de la production des protéines Tat et Rev. Tat augmente alors la production
des transcrits viraux. Par la suite, lorsque le taux de Rev a augmenté, les transcrits
sont transférés rapidement depuis le noyau sans qu’ils aient subi un épissage ou
malgré qu’ils n’en aient subi qu’un seul. La traduction de ces transcrits aboutit alors
à la synthèse des composants de l’enveloppe et de la capside virale ainsi que de la
transcriptase inverse, de l’intégrase et de la protéase virale. Tous les éléments sont
alors réunis pour la production d’une nouvelle particule virale. Les transcrits com-
plets non apprêtés, qui sont transportés depuis le noyau plus tard au cours du cycle
infectieux permettent la traduction de gag et pol et seront empaquetés avec les pro-
téines pour constituer les ARN génomiques des nouvelles particules virales.
Le succès de la réplication du virus dépend aussi des protéines Nef, Vif, vpr, et vpu.
Vif (Viral infectivity factor, facteur d’infectivité virale) est une protéine liant l’ARN qui
s’accumule dans le cytoplasme et sur la membrane plasmique des cellules infectées.
Vif intervient pour surmonter un mécanisme cellulaire naturel de défense contre les
rétrovirus. Les cellules expriment une cytidine désaminase, APOBEC, qui peut être
intégrée aux virions. Cette enzyme, qui appartient à la même famille de protéines que
AID (Activation Induced Cytidine Deaminase, cytidine désaminase induite par activa-
tion) (voir la Section 12-10), catalyse la conversion de la désoxycytidine en désoxyu-
ridine dans le premier brin de l’ADNc viral transcrit à partir de l’ARN, le rendant ainsi
incapable de coder les protéines virales. Vif induit le transfert d’APOBEC dans les pro-
téasomes, où il est dégradé. L’expression de Nef (Negative regulation factor, facteur de
régulation négative) au début du cycle viral induit l’activation des lymphocytes T et
favorise ainsi la persistance de l’infection par le VIH. Nef inhibe l’expression des molé-
cules du CMH de classe I sur les cellules infectées, les rendant ainsi moins suscepti-
bles d’être tuées par des cellules T cytotoxiques. Elle inhibe également la présentation
des peptides restreinte au CMH II aux cellules T CD4, inhibant ainsi la production
d’une réponse immunitaire antivirale. La fonction de Vpr (Viral protein R) n’est pas
entièrement comprise, mais elle exerce des activités qui améliorent la production et
la dissémination du virus. Vpu (Viral protein U) est unique au VIH-1 et des variantes
de SIV ; elle est nécessaire à la maturation des virions et à leur libération.
La charge en VIH et son taux de renouvellement sont généralement mesurés par l’ARN
des virions présents dans le sang ; cependant, c’est le tissu lymphoïde qui constitue
le réservoir important du VIH infectieux, où il infecte les cellules T CD4, les mono-
cytes, les macrophages et les cellules dendritiques. Le VIH est également piégé sous
forme de complexes immuns à la surface des cellules dendritiques folliculaires du
centre germinatif. Ces cellules ne sont pas elles-mêmes infectées, mais constituent
une réserve de virions infectieux. Plusieurs autres réservoirs potentiels pour le VIH-1
peuvent contribuer à sa persistance à long terme ; ce sont des cellules infectées du
système nerveux central, du système gastro-intestinal et du tractus génital masculin.
Au cours d’études sur des patients traités, on a estimé que plus de 95 % des virus
détectables dans le plasma dérivent de cellules T CD4 infectées qui ont une demi-
vie très courte, d’environ 2 jours (voir Fig. 12.27). Les cellules T CD4 productrices
de virus se trouvent dans les zones des cellules T du tissu lymphoïde, et l’on pense
qu’elles succombent à l’infection, lorsqu’elles sont activées en cas de réponse
immunitaire. Lorsque des cellules T CD4 mémoire infectées de manière latente
sont réactivées par leur antigène, elles se mettent également à produire des virus,
qui peuvent se propager à d’autres cellules T CD4 activées. Malheureusement, les
cellules T CD4 mémoire infectées de manière latente ont une très longue demi‑vie,
538 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
L’infection par le VIH induit une réponse immunitaire adaptative qui permet de
contenir le virus, mais qui ne peut que très rarement, voire même jamais, éliminer
le virus. Le déroulement de la réponse immunitaire adaptative contre le VIH est
résumé dans la Fig. 12.26 en même temps que la quantité de virus infectieux dans
le plasma. La phase aiguë initiale qui se déroule pendant que la réponse immuni-
taire adaptative se développe est suivie par une phase chronique, semi-stable qui
se termine finalement par le SIDA. On pense actuellement que la cytopathogéni-
cité virale est très importante au début de l’infection et qu’elle entraîne une déplé-
tion marquée des lymphocytes T CD4, en particulier dans les muqueuses. Après la
phase aiguë, on assiste à un début de récupération, mais les effets combinés des
lymphocytes cytotoxiques dirigés contre les cellules infectées par le VIH, de l’ac-
tivation immunitaire (directe et indirecte), de la cytopathogénicité et de l’insuf-
fisance de régénération des cellules T aboutissent à un état chronique, au cours
duquel l’immunodéficience se développe. Dans cette section, nous considérons
tour à tour les rôles des cellules T cytotoxiques CD8, des cellules T CD4, des anti-
corps et des facteurs solubles dans les réponses immunitaires à l’infection à VIH
qui finalement ne parviennent pas à contenir l’infection.
Des études des cellules du sang périphérique de personnes infectées révèlent que
des cellules T cytotoxiques spécifiques de peptides viraux peuvent tuer des cellu-
les infectées in vitro. In vivo, on peut voir les cellules T cytotoxiques envahir les sites
de réplication du VIH, et elles pourraient, en théorie, être responsables de la mort
de nombreuses cellules infectées productives avant que tout virus infectieux ne soit
libéré, maintenant ainsi la charge virale à un niveau quasi stable caractéristique de
la période asymptomatique. La preuve de l’importance clinique du contrôle exercé
par les cellules T CD8 cytotoxiques sur les cellules infectées par le VIH provient
d’études montrant la relation entre le nombre et l’activité des cellules T CD8 et la
Fig. 12.26 La réponse immunitaire au VIH.
Le virus infectieux est présent en quantité
relativement faible dans le sang périphérique
des individus infectés durant la longue phase
Réponse immunitaire au VIH
asymptomatique au cours de laquelle le
virus continue à se répliquer dans les tissus Anticorps contre Env du VIH
lymphoïdes. Pendant cette période, le nombre
de cellules T CD4 diminue graduellement
bien que les taux d’anticorps et de cellules T CTL spécifiques du VIH
cytotoxiques dirigés contre le virus restent
élevés. Deux types de réponses à anticorps Anticorps contre p24 du VIH
sont illustrées dans la figure, une contre la
protéine d’enveloppe (Env) du VIH et une
autre contre la protéine de capside p24. Virus infectieux dans le plasma
Finalement, le taux d’anticorps et le nombre
de cellules T cytotoxiques spécifiques du VIH
(CTL) diminuent aussi et la charge de VIH
4 – 8 semaines 2 – 12 ans 2 – 3 ans 0 – 1 an
infectieux augmente rapidement dans le sang
périphérique.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 539
charge virale. Une corrélation inverse a été constatée entre le nombre de cellules T
CD8 porteuses d’un récepteur spécifique d’un peptide du VIH restreint à la molé-
cule HLA-A2 et la quantité d’ARN viral dans le plasma. De même, chez des patients
avec un nombre élevé de cellules T CD8 spécifiques du VIH, on a constaté une pro-
gression plus lente de la maladie que chez ceux qui en avaient moins. Une expéri-
mentation chez des macaques infectés par le SIV a fourni une preuve directe que les
cellules T CD8 cytotoxiques contrôlent in vivo les cellules infectées par le rétrovirus.
L’administration d’anticorps monoclonaux éliminant les cellules T CD8 à des ani-
maux infectés a été suivie par une forte augmentation de la charge virale.
Divers facteurs produits par les cellules CD4, CD8 et NK jouent un rôle important
dans l’immunité antivirale. Une activité suppressive non cytotoxique des cellules
CD8 sur le VIH-1 a été observée. Des cellules mononucléées du sang périphérique
(PMBC) de personnes séropositives asymptomatiques ne permettaient pas la répli-
cation du VIH-1 in vitro, alors que la déplétion des cellules T CD8, mais pas d’autres
cellules (par exemple, des cellules NK), dans ces PMBC a entraîné une augmentation
de la réplication virale. On sait maintenant que l’inhibition est due à des protéines
sécrétées. Des chimiokines, comme CCL5, CCL3 et CCl4, sont libérées dans le site de
l’infection et empêchent la propagation du virus sans tuer la cellule ; elles entrent en
compétition avec les souches R5 du VIH-1 pour le corécepteur CCR5, alors que des
facteurs encore inconnus entrent en compétition avec les souches R4 pour la liaison
à CXCR4. Des cytokines come l’IFN-α et l’IFN-γ peuvent également être impliquées
dans le contrôle de la propagation du virus, mais on ignore leur mode d’action.
En plus d’être une cible majeure pour l’infection par le VIH, trois éléments de preuve
montrent que les cellules T CD4 jouent également un rôle important dans les réac-
tions contre les cellules infectées par le VIH. Premièrement, une corrélation inverse
est observée entre l’intensité de la prolifération des cellules T CD4 au contact d’an-
tigènes du VIH et la charge virale. Deuxièmement, certains patients qui n’évoluent
pas ver le SIDA longtemps après l’infection par le VIH ont montré de fortes répon-
ses prolifératives de leurs cellules T CD4. Troisièmement, un traitement précoce au
cours de la phase aiguë avec des médicaments antirétroviraux a été associé à une
reprise des réponses prolifératives des CD4 aux antigènes du VIH. Si cette thérapie
antirétrovirale était arrêtée, les réponses CD4 chez certaines de ces personnes ont
été associées à la réduction de la virémie. Toutefois, l’infection persiste chez tous les
patients et il est probable que le contrôle immunologique de l’infection finira par
échouer. Si les réponses des cellules T CD4 sont essentielles au contrôle de l’infection
par le VIH, le fait que le VIH a un tropisme pour ces cellules et les tue explique pour-
quoi, à long terme, la réponse immunitaire est incapable de contrôler l’infection.
Des anticorps dirigés contre les antigènes viraux, gp120 et gp41, de l’enveloppe
sont produits en réponse à l’infection, mais, à l’instar des cellules T, ne parviennent
pas à éliminer l’infection. Les anticorps réagissent bien in vitro avec des antigènes
purifiés et avec des fragments du virus, mais ne se lient que faiblement à l’enve-
loppe des virions intacts ou aux cellules infectées. Ce qui suggère que la conforma-
tion native de ces antigènes, qui sont fortement glycosylés, n’est pas accessible aux
anticorps produits naturellement. Il est prouvé que les anticorps ne peuvent pas
modifier de manière significative une maladie établie, mais l’administration pas-
sive d’anticorps anti-VIH à des animaux les protègent d’une infection par le VIH
à partir d’une muqueuse, ce qui fait espérer qu’un vaccin capable d’empêcher de
nouvelles infections pourrait être mis au point.
Les mutations qui touchent le VIH lors de sa réplication permettent aux variants du
virus d’échapper à la reconnaissance par les anticorps et les cellules T cytotoxiques
et contribuent ainsi à l’échec du système immunitaire incapable de contenir l’in-
fection à long terme. Une réponse immunitaire est souvent dominée par des cel-
lules T spécifiques d’épitopes particuliers, les épitopes immunodominants. Or,
on a trouvé des mutations dans des peptides immunodominants du VIH présen-
tés par des molécules du CMH de classe I. Dans d’autres cas, des peptides mutés
produits par le virus semblent agir comme antagonistes dans la réponse T contre
les épitopes sauvages, permettant la survie des virus sauvages et des virus mutants.
540 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
les niveaux d’ARN du VIH près de la limite de détection (50 copies / ml de plasma) 60
40
La thérapie HAART est également accompagnée d’une augmentation lente mais
30
régulière du nombre des cellules T CD4, bien que d’autres compartiments du sys- 10
20
tème immunitaire restent compromis. Même si HAART est efficace pour traiter Utilisation d’une
thérapie combinée 10
l’infection par le VIH, cette thérapie ne peut vider les réservoirs viraux constitués
0 0
au début de l’infection. L’arrêt de HAART est suivi d’un rebond rapide de la multi- 1994 1995 1996 1997
plication du virus, ce qui implique que les patients doivent suivre leur traitement
indéfiniment. Enfin, en raison des graves effets secondaires et du coût, l’HAART
n’est pas abordable pour la plupart des pays.
5
Phase 1 Phase 2 Phase 3
t 1 = 2 jours t 1 = 2 jours t 1 = très longue
/2 /2 /2
Molécules 106 0
d’ARN viral 1994 1995 1996 1997
par ml 105
de plasma
104
Fig. 12.29 Diminution de la charge virale du taux de virus dans le plasma au cours de
sanguine au cours du traitement. La cette phase est de plus de 95 %. La seconde
production de nouvelles particules virales phase dure environ 6 mois avec une demi-vie
de VIH peut être inhibée pendant longtemps de 2 semaines. Au cours de cette phase, le virus
par association d’inhibiteurs de protéase et est libéré par les macrophages infectés et les
d’inhibiteurs de la transcriptase inverse du cellules T CD4 au repos. Celles-ci sont infectées
virus. Après le début de ce type de traitement, de manière latente, mais après stimulation, elles
la production virale est réduite puisque ces se divisent et propagent ainsi l’infection. On
cellules meurent et le virus ne peut infecter pense qu’il existe une troisième phase de durée
d’autres cellules. La demi-vie de la réduction de inconnue due à la réactivation du provirus intégré
la virémie se produit en trois phases. La première dans les cellules T mémoire et dans d’autres
phase a une demi-vie de 2 jours et dure environ réservoirs d’infection. Ces réservoirs de cellules
2 semaines au cours desquelles la production infectées de manière latente peuvent persister
de virus diminue car les lymphocytes qui étaient plusieurs années. L’évaluation de cette phase de
infectés au début du traitement meurent. Le virus diminution du virus est impossible car la virémie
libéré est rapidement éliminé de la circulation où est trop basse pour être détectée. Données de
sa demi-vie (t1 / 2) est de 6 heures. La diminution G. M. Shaw.
542 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
follicules lymphoïdes, qui sont connus pour leur capacité de capter des complexes
antigène:anticorps et les retenir durant une période prolongée.
L’autre question soulevée par l’étude des traitements est l’effet de la réplication du
VIH sur la dynamique des populations de cellules T CD4. La baisse de la virémie
plasmatique est accompagnée d’une augmentation régulière des cellules T CD4
dans le sang : d’où proviennent ces nouvelles cellules T CD4 qui apparaissent dès
le début du traitement ? Trois mécanismes entrent en jeu pour l’augmentation du
nombre de cellules T CD4. Le premier est une redistribution des cellules T CD4
mémoire qui passent des tissus lymphoïdes dans la circulation alors que la répli-
cation virale est sous contrôle ; ceci survient au cours des semaines qui suivent le
début du traitement. Le deuxième est l’atténuation de l’intensité anormale de l’ac-
tivation immunitaire puisque l’infection par le VIH est contrôlée, associée à une
diminution de l’activité lytique des lymphocytes T cytotoxiques sur les cellules T
CD4 infectées. Le troisième est beaucoup plus lent et consiste en l’émergence de
nouvelles cellules T naïves du thymus. Bien que le thymus s’atrophie avec l’âge,
la preuve que ces cellules arrivées tardivement sont en effet d’origine thymique
est fournie par l’observation qu’elles contiennent des cercles d’excision des récep-
teurs de cellule T (TREC, T-cell Receptor Excision Circle) (voir la Section 4-9).
Puisque les réservoirs de virus latents sont la principale cause d’échec dans l’éradi-
cation du virus par les médicaments, on a cherché des moyens de vider ces réser-
voirs. Une stratégie consiste en l’administration de cytokines comme l’IL-2, l’IL-6
et le TNF-α, qui favorisent la transcription et la réplication virale dans les cellules
hébergeant le virus latent, ce qui faciliterait les actions de HAART. L’IL-2 est l’une
des rares cytokines activatrices des cellules T qui a été testée dans le traitement du
Fig. 12.30 Cibles thérapeutiques SIDA pour stimuler le système immunitaire épuisé. Bien qu’il n’ait pas diminuer la
potentielles d’interférence dans le cycle quantité d’ARN du VIH-1, le traitement à l’IL-2 a induit une augmentation d’environ
de vie du VIH. En principe, des médicaments
pourraient attaquer le VIH à de multiples points six fois du nombre de cellules T CD4 lorsqu’elle a été administrée avec une théra-
de son cycle de vie : l’entrée du virus, l’action pie antirétrovirale. L’augmentation concernait essentiellement les cellules T naïves
de la transcriptase inverse, l’insertion de plutôt que les cellules T mémoire. L’effet bénéfique de l’IL-2 reste à prouver, notam-
l’ADN viral dans l’ADN cellulaire par l’intégrase ment si l’on tient compte des effets secondaires : symptômes grippaux, congestion
virale, le clivage de polyprotéines virales par
la protéase virale, ainsi que l’assemblage et des sinus, hypotension artérielle et toxicité hépatique. La Fig. 12.30 décrit les phases
le bourgeonnement des virions infectieux. du cycle de vie du VIH considérées comme cibles thérapeutiques.
Pour le moment, seuls les médicaments
qui inhibent la transcriptase inverse et la
protéase ont été élaborés. On dispose de 12-32 Le VIH accumule de nombreuses mutations tout au long du déroulement
huit inhibiteurs analogues nucléosidiques et
de trois inhibiteurs non nucléosidiques de d’une infection et le traitement est suivi par l’apparition de variants
la transcriptase inverse, ainsi que de sept du virus qui résistent aux médicaments.
inhibiteurs de protéase. Une thérapie combinée
utilisant différents types de drogues est plus
efficace que l’utilisation d’un seul médicament. La réplication rapide du VIH aboutissant à la production de 109 à 1010 virions cha-
que jour, couplée à un taux de mutation de l’ordre de 3 × 10− 5 par nucléotide et par
Entrée
du virus
Inhibition de la transcriptase
inverse. Des analogues
nucléosidiques et non
nucléosidiques interrompent
la transcription de l’ARN
viral en ADNc viral.
Un vaccin sûr et efficace pour prévenir l’infection par le VIH et le SIDA est le but
ultime, mais la route qui y conduit est semée d’obstacles qui n’ont jamais été ren- Fig. 12.31 Le VIH devient rapidement
contrés lors du développement de vaccins contre d’autres maladies. Le principal est résistant aux inhibiteurs de protéase.
L’administration d’un seul inhibiteur de
la nature de l’infection elle-même, caractérisée par un virus dont la prolifération est protéase à un patient séropositif induit une
extrêmement rapide et qui cause une infection soutenue malgré de fortes réponses à diminution rapide du taux plasmatique
anticorps et des cellules cytotoxiques. En plus des vaccins prophylactiques destinés d’ARN viral avec une demi-vie d’environ
à prévenir l’infection initiale, on a envisagé le développement de vaccins qui, admi- 2 jours (panneau du haut). Cette diminution
s’accompagne d’une augmentation du nombre
nistrés à des patients déjà infectés, pourraient stimuler des réponses immunitaires de cellules T CD4 dans le sang (panneau
et empêcher ainsi la progression vers le sida. Cependant, ce développement d’une du centre). Dans les jours qui suivent le
vaccination thérapeutique chez des sujets déjà infectés se révèle extrêmement diffi- début du traitement, des mutants résistants
au médicament peuvent être détectés dans
cile. Comme nous l’avons vu dans la section précédente, le VIH évolue chez chaque
le plasma (panneau du bas) et dans les
patient par la prolifération sélective de virus mutants qui échappent à la reconnais- lymphocytes du sang. Après 4 semaines de
sance par les anticorps et les cellules T cytotoxiques. La capacité du virus à persister traitement, les taux d’ARN viral et le nombre de
à l’état latent comme provirus dont la transcription est silencieuse et qui reste invisi- cellules T CD4 sont revenus à leur niveau de
départ, et le VIH plasmatique est représenté à
ble pour le système immunitaire pourrait également empêcher, même chez une per- 100 % par le virus mutant résistant à la drogue.
sonne immunisée, l’élimination de l’infection, une fois celle-ci établie.
L’espoir d’une vaccination prophylactique est évidemment plus grand. Mais, même
ici, l’absence d’effet de la réponse immunitaire normale et l’ampleur de la diversité
de séquence entre les souches de VIH dans l’ensemble de la population est un défi
de taille. Les patients infectés par une souche du virus ne semblent pas résister à des
souches étroitement liées, écartant la possibilité d’un vaccin universel. Par exem-
ple, un patient infecté par le VIH-1 clade AE a été traité avec succès pendant 28 mois,
mais 3 mois après la cessation de traitement il a contracté une infection avec un
clade B du VIH-1 à la suite de rapports sexuels au Brésil, où ce clade est endémi-
que. Des cas de surinfection, où deux souches infectent simultanément la même cel-
lule, ont également été décrits. Une des difficultés importantes est notre incertitude
quant à la forme que l’immunité protectrice contre le VIH devrait prendre. On ne sait
pas si les anticorps, les réponses des cellules T CD4 ou CD8 cytotoxiques, ou les trois,
544 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection
sont nécessaires pour assurer une immunité protectrice, et quels seraient les épito-
pes qui pourraient constituer des cibles pour une immunité protectrice.
Cependant, dans cette ambiance pessimiste, il reste encore une lueur d’espoir qu’un
vaccin efficace puisse être développé. Des groupes de personnes qui ont été expo-
sées si souvent au VIH qu’elles auraient dû être infectées, mais qui n’ont pas déve-
loppé la maladie offrent un intérêt particulier. Dans certains cas, cette résistance
est due à une déficience dans le récepteur des chimiokines utilisé comme corécep-
teur pour l’entrée du VIH (voir la Section 12-25). Cependant, cette mutation dans
le récepteur des chimiokines n’existe pas en Afrique, où pourtant des personnes
résistantes ont été identifiées. Quelques prostituées gambiennes et kenyanes, expo-
sées chaque mois pendant plus de 5 ans à plusieurs partenaires masculins infectés,
n’ont pas d’anticorps spécifiques, mais présentent une réponse T cytotoxique contre
divers épitopes peptidiques du VIH. Ces femmes semblent s’être immunisées natu-
rellement contre le VIH. Le suivi d’un certain nombre d’entre elles a montré qu’en-
viron 10 % attrapaient plus tard une infection à VIH. Paradoxalement, l’infection
à VIH est survenue plus souvent chez les femmes qui avaient réduit leurs activités
sexuelles et ainsi leur exposition régulière au virus. Une explication possible serait
que l’absence d’exposition répétée aux antigènes du VIH conduit à une perte de
réponse des cellules T cytotoxiques, rendant ces femmes sensibles à l’infection.
On a essayé diverses stratégies dans le but de développer des vaccins contre le VIH.
De nombreux vaccins efficaces contre d’autres maladies virales consistent en une
souche vivante atténuée du virus, ce qui suscite une réponse immunitaire, mais ne
cause pas la maladie (voir la Section 15-23). Il est très difficile de mettre au point un
vaccin vivant atténué contre le VIH, en particulier à cause du risque de recombi-
naison entre les souches vaccinales et les virus de type sauvage, ce qui reconstitue-
rait une souche virulence. Une autre approche est l’utilisation de la vaccination par
ADN, une technique décrite dans la Section 15-27. La vaccination à ADN contre le
VIH suivie d’un rappel par un virus recombinant de la vaccine, contenant des anti-
gènes du VIH, a été expérimentée sur des primates. Elle a réussi à prévenir l’infec-
tion par l’injection intrarectale du virus 7 mois après le vaccin de rappel. Cependant,
chaque succès dans le développement de la vaccination contre le VIH a connu des
revers. Des singes rhésus ont reçu un vaccin à ADN anti-SIV avec de l’IL-2 sous
forme de protéine de fusion, puis ont été exposés à un virus hybride pathogène SIV-
VIH. Six mois après l’infection, l’un des singes a développé une maladie semblable
à un sida qui était due à l’émergence d’un virus porteur d’une mutation ponctuelle
dans un épitope immunodominant de Gag reconnu par des cellules T cytotoxiques.
Il s’agit d’une bel exemple, quoique décourageant, de la capacité du VIH d’échapper
au contrôle immunitaire sous la pression d’une réponse des cellules T cytotoxiques.
Des vaccins sous forme de sous-unités, qui induisent uniquement une immunité
contre quelques protéines du virus, ont été testés. Un vaccin de ce type a été conçu
à partir de la protéine de l’enveloppe gp120 et a été testé sur le chimpanzé. Ce vac-
cin était spécifique de la souche particulière de virus utilisée pour fabriquer le vac-
cin et s’est avéré inefficace dans la protection contre une infection naturelle. Les
vaccins sous-unitaires sont aussi moins efficaces dans l’induction d’une réponse T
cytotoxique prolongée. Malgré les résultats obtenus chez le chimpanzé, un vaccin
basé sur un protéine gp120 recombinante a été testé sur des volontaires humains
non infectés. Un petit nombre de volontaires ont contracté plus tard l’infection,
dont l’évolution n’a pas été modifiée par la vaccination préalable.
Enfin, il existe des difficultés d’ordre éthique dans le développement d’un vaccin.
Il apparaît peu éthique de lancer un essai de vaccination sans essayer en même
temps de réduire l’exposition des populations vaccinées au virus. Or, on ne peut
tester l’efficacité du vaccin que sur une population exposée suffisamment au virus
pour que l’on puisse constater si la vaccination protège ou non contre l’infection.
Ceci implique que les premiers essais de vaccination doivent être effectués dans
des pays où l’incidence de l’infection est très élevée et où les mesures de santé
publique n’ont pas réussi à réduire la propagation du VIH.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 545
La seule manière connue pour se protéger contre l’infection par le VIH est d’éviter
le contact avec les liquides de l’organisme comme le sperme, le sang, les dérivés
sanguins ou le lait des personnes infectées. En effet, il a été démontré à plusieurs
reprises que cette précaution, très simple dans les pays développés, suffit à empê-
cher l’infection, puisque le personnel de santé réussit à soigner des patients atteints
du SIDA pendant longtemps sans devenir séropositifs et sans présenter de signes
d’infection.
Cependant, pour que cette stratégie fonctionne, il faut pouvoir tester les popula-
tions à risque périodiquement pour que les patients puissent prendre les mesu-
res nécessaires pour empêcher la transmission du virus. Ce processus nécessite
une stricte confidentialité et une confiance mutuelle. Une barrière à ce contrôle
du VIH est la répugnance des individus à contrôler s’ils sont ou pas infectés, sur-
tout parce que la conséquence d’un test positif pour le VIH représente souvent une
mise à l’écart de la société. La conséquence est que des personnes infectées peu-
vent involontairement contaminer de nombreuses autres personnes. En revanche,
le succès des thérapies combinées (voir la Section 12-31) peuvent inciter les per-
sonnes potentiellement infectées à se soumettre aux tests diagnostiques afin de
profiter des bénéfices du traitement précoce. La responsabilisation est essentielle
à la prévention contre le VIH et une loi garantissant les droits des personnes infec-
tées encouragerait les attitudes responsables. Les droits des personnes infectées
sont protégés dans quelques pays. Le problème est encore plus important dans les
pays les moins développés, où les précautions élémentaires de santé sont très dif-
ficiles à faire respecter.
Résumé.
Résumé du Chapitre 12.
Alors que la majorité des infections induisent une immunité protectrice, les patho-
gènes les plus efficaces ont développé des moyens d’échapper à une réponse
immunitaire efficace et peuvent déclencher des maladies sérieuses et persistantes.
De plus, certains individus souffrent de déficits immunitaires touchant différents
éléments du système immunitaire, les rendant très sensibles à certaines classes
de pathogènes infectieux. Les infections persistantes et les immunodéficiences
illustrent l’importance de l’immunité innée et adaptative dans la défense effi-
cace de l’hôte contre les infections et constituent un défi pour les futures recher-
ches immunologiques. Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) associe
les caractéristiques des agents infectieux persistants et la capacité de créer une
immunodéficience chez les humains, une combinaison généralement létale pour
le patient. Pour lutter efficacement contre de nouveaux pathogènes comme le VIH,
il faut développer notre compréhension des propriétés fondamentales du système
immunitaire et de son rôle dans la lutte contre l’infection.
Questions.
12.1 Donnez la liste des différents mécanismes par lesquels les virus peuvent échapper
au système immunitaire. Lequel de ceux-ci aboutit à une infection chronique, et
pourquoi ?
12.2 Décrivez les facteurs qui permettent au virus de l’herpès de maintenir une
infection latente et comment survient la réactivation qui permet au virus de
contaminer quelqu’un d’autre.
12.3 De ce que vous avez appris dans d’autres chapitres sur l’infection par Leishmania
(par exemple, dans les chapitres 8 et 10), décrivez comment l’accumulation des
cellules Treg dans le derme est susceptible d’interférer dans l’élimination de l’agent
pathogène à partir de ce site.
12.5 Discutez de l’importance générale d’une réponse équilibrée, plutôt que d’une
réponse polarisée, des cellules T CD4 et des cytokine à une infection. Illustrez
votre réponse en mentionnant un agent pathogène dont il a été question. Dans
quelle maladie une réponse polarisée est-elle plus bénéfique, et pourquoi ?
12.6 Citez les causes d’immunodéficience touchant les lymphocytes T. Pourquoi celles-ci
affectent-elles généralement les réponses immunitaires plus gravement que les
déficiences ne touchant que les cellules B ?
12.7 Qu’est-ce que les personnes atteintes d’une immunodéficience héritée ou acquise
nous apprennent sur le mécanisme de protection contre la tuberculose ?
12.10 Pourquoi l’infection par le VIH ne peut-elle être guérie par des médicaments ?
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du déroulement d’une infection et le traitement est suivi
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à VIH prédispose aux infections opportunistes et aboutit aux médicaments.
finalement à la mort.
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555
Allergie et hypersensibilité
13
Facteur immunitaire IgE IgG IgG Cellules TH1 Cellules TH2 CTL
en cause
complexe immun
plaquettes
vaisseau
sanguin
+ TH1 TH2
complément IFN-γ
+ IL-4 CTL
complément IL-5 éotaxine
Ag
Exemple Rhinite allergique, Allergie à certains Urticaire chronique Dermatite de contact, Asthme chronique,
Maladie sérique,
de réaction asthme, anaphylaxie médicaments (anticorps réaction rhinite allergique Rejet de greffe
réaction d’Arthus
d’hypersensibilité systémique (e.g. pénicilline) anti-FcεRIα) tuberculinique chronique
Fig. 13.1 Les réactions d’hypersensibilité sont dues à des réactions suscitées par les complexes immuns. Une catégorie spéciale
mécanismes immunologiques entraînant des lésions tissulaires. On de réponses de type II fait intervenir des anticorps IgG contre des
distingue en général quatre types de réactions d’hypersensibilités. Les récepteurs de surface cellulaire. Ces anticorps perturbent les fonctions
types I, II et III dépendent des anticorps et se distinguent par la nature normales du récepteur, soit en l’activant d’une manière incontrôlable
des antigènes reconnus ainsi que par les différentes classes d’anticorps ou en bloquant son fonctionnement. Les réactions d’hypersensibilité
impliqués. Les réponses de type I sont induites par les IgE, qui de type IV sont induites par les cellules T et peuvent être réparties en
provoquent l’activation des mastocytes, alors que ce sont les IgG qui sont trois groupes. Dans le premier groupe, les lésions tissulaires sont liées
en cause dans les types II et III. Selon la sous-classe d’IgG et la nature à l’activation des macrophages par les cellules TH1 et à la réaction
de l’antigène impliqué, les mécanismes effecteurs du complément et des inflammatoire qui s’ensuit. Dans le second groupe, elles sont dues à une
phagocytes seront activés à différents degrés. Les réponses de type II réaction inflammatoire dépendant des cellules TH2 et dans laquelle les
sont dirigées contre des antigènes de la surface cellulaire et de la matrice éosinophiles jouent un rôle prédominant. Dans le troisième groupe, les
extracellulaire alors que les réponses de type III sont dirigées contre lésions sont causées directement par les cellules T cytotoxiques (CTL).
des antigènes solubles, les lésions tissulaires étant causées par les
Le rôle biologique des IgE dans l’immunité protectrice est la défense, en particu-
lier, contre les vers parasites, très répandus dans les pays sous-développés. Dans
les pays industrialisés, les réponses à IgE sont le plus souvent dirigées contre
des antigènes inoffensifs, ces allergies étant une cause importante de maladie
(Fig. 13.2). Près de la moitié des populations de l’Amérique du Nord et de l’Europe
souffre d’allergie à un ou plusieurs antigènes communs de l’environnement. Bien
que mettant rarement la vie en danger, l’allergie cause beaucoup d’inconfort et de
perte de temps à l’école et au travail. La physiopathologie des réactions dépendan-
tes de l’IgE est nettement mieux connue que le rôle physiologique normal des IgE,
probablement parce que la prévalence de l’allergie dans les sociétés industriali-
sées a doublé dans les 10 à 15 dernières années.
Dans ce chapitre, nous examinons d’abord les mécanismes qui favorisent la sen-
sibilisation d’un individu à un allergène par la production d’IgE. Nous décrivons
ensuite la réaction allergique elle-même, c’est-à-dire les conséquences patho-
logiques de l’interaction entre les allergènes et les IgE liées au récepteur de Fcε
de haute affinité des mastocytes et des basophiles. Nous terminerons par l’étude
des causes et des conséquences des autres types de réactions d’hypersensibilité
immunologique.
Sensibilisation et production de l’IgE 557
Noix
Mollusques et crustacés
Vomissement
Cacahuètes
Diarrhée
Lait
Allergie alimentaire Orale Prurit (démangeaisons)
Œufs
Urticaire
Poissons
Anaphylaxie (rarement)
Soya
Blé
particules desséchées comme les grains de pollen ou les particules fécales des aca-
riens. Lors du contact de ces molécules avec, par exemple, les épithéliums respi-
ratoires, l’allergène soluble libéré de la particule diffuse dans les muqueuses. C’est
à très faible dose que ce type d’antigène est présenté au système immunitaire. On
estime qu’une personne n’est jamais exposée au cours d’une année à plus de 1 µg
de l’allergène du pollen d’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia). Pourtant, ces doses
minuscules d’allergènes stimulent, chez certaines personnes, des cellules TH2 et la
production d’anticorps IgE capables de susciter des réactions non seulement irri-
tantes mais parfois mortelles. Il est important de noter que seules certaines des
personnes exposées à ces substances produisent des IgE spécifiques.
Il semble donc que la présentation de l’antigène à travers les muqueuses et à très
faible dose est particulièrement efficace pour induire des réponses IgE dépendan-
tes des cellules TH2. La production d’IgE nécessite des cellules TH2 productrices
d’interleukine-4 (IL-4) et d’IL-13. Elle est inhibée par des cellules TH1 qui produi-
sent l’interféron-γ (IFN-γ) (voir Fig. 9.13). La présentation de l’antigène à faible
dose favoriserait l’activation des cellules TH2 plutôt que celles des cellules TH1 (voir
Section 10-5), et de nombreux allergènes communs sont présentés aux muqueu-
ses respiratoires par inhalation de faibles doses. Dans les muqueuses respiratoires,
ces allergènes rencontrent des cellules dendritiques qui captent les antigènes pro-
téiques et les apprêtent très efficacement. Dans certaines circonstances, des mas-
tocytes et des éosinophiles peuvent aussi présenter un antigène aux cellules T et
Fig. 13.4 L’activité enzymatique de certains
allergènes leur permet de traverser promouvoir leur différenciation en cellules TH2.
les barrières épithéliales. Des cellules
épithéliales unies par des jonctions serrées
constituent une barrière protectrice des 13-2 Les enzymes induisent souvent des allergies.
voies aériennes. Les particules fécales
des acariens de la poussière domestique,
D.pteronyssimus, contiennent une enzyme
Plusieurs observations suggèrent que les IgE sont importantes dans la défense de
protéolytique, Der p 1, qui est un allergène. l’hôte contre les parasites (voir Section 11-16). De nombreux parasites pénètrent
Cette enzyme clive l’occludine, une protéine dans l’organisme en sécrétant des enzymes protéolytiques qui détruisent les tissus
qui entre dans la constitution des jonctions conjonctifs et permettent aux parasites d’avoir accès aux tissus de l’hôte. On pense
serrées, et détruit ainsi la fonction de barrière
de l’épithélium. Les antigènes fécaux peuvent que ces enzymes interviendraient dans l’induction d’une réponse de type TH2.
alors traverser la barrière épithéliale et être Cette idée trouve un certain appui dans la constatation que beaucoup d’allergènes
captés par les cellules dendritiques des tissus sont des enzymes. L’allergène principal, Der p1, des particules fécales des acariens
sous-épithéliaux. Der p 1 est ingérée par les (Dermatophagoides pteronyssimus) présent dans la poussière et responsable de l’al-
cellules dendritiques ; celles-ci sont activées et
migrent dans les ganglions lymphatiques (non lergie de 20 % de la population nord-américaine est une protéase à cystéine homo-
présenté). Là, elles se comportent comme des logue de la papaïne. Cette enzyme coupe l’occludine, un constituant protéique des
cellules présentatrices d’antigène, induisant jonctions serrées intercellulaires. Ce qui pourrait expliquer le caractère allergisant
la production de cellules TH2 et d’IgE, toutes
d’autres enzymes. En détruisant l’intégrité des jonctions serrées entre les cellules épi-
deux spécifiques de Der p 1. L’allergène peut
alors se fixer directement sur les IgE liées aux théliales, Der p 1 pourrait avoir anormalement accès aux cellules présentatrices d’an-
mastocytes et activer ces cellules. tigène sous-épithéliales, aux mastocytes tissulaires et aux éosinophiles (Fig. 13.4).
Les jonctions serrées scellent entre Der p 1 est captée par des cellules L’IgE spécifique de Der p 1 se lie
L’enzyme Der p 1 clive l’occludine au mastocyte ; Der p 1 déclenche
elles les cellules épithéliales dendritiques pour la présentation de
dans la jonction serrée la dégranulation du mastocyte
des voies respiratoires l’antigène et la sensibilisation des TH2
jonction
serrée
La tendance des protéases à induire la production d’IgE est illustrée par la maladie
de Netherton (Fig. 13.5), qui se caractérise par un taux élevé d’IgE et des allergies
multiples. Le défaut responsable de cette maladie est l’absence d’un inhibiteur de
protéase appelé SPINK5, qui inhiberait les protéases libérées par des bactéries
comme Staphylococcus aureus. Cette observation soulève la possibilité que les
inhibiteurs de protéase entrent un jour dans l’arsenal thérapeutique de certains Asthme allergique
troubles allergiques. La papaïne, une protéase à cystéine présente dans les papayes
et utilisée pour attendrir la viande, cause des allergies chez les travailleurs qui
extraient l’enzyme. On parle alors d’allergie professionnelle. Cependant, tous les
allergènes ne sont pas des enzymes. Par exemple, deux allergènes identifiés dans
les vers de type filaires sont des inhibiteurs d’enzymes. Plusieurs allergènes protéi-
ques d’origine végétale ont été identifiés et séquencés, mais leur fonction reste
encore inconnue. En conclusion, il ne semble pas y avoir d’association systémati-
que entre activité enzymatique et allergénicité.
Connaître l’identité de protéines allergéniques peut être important pour la santé
publique et avoir un impact économique, comme l’illustre ce récit édifiant. Il y
a quelques années, le gène d’une protéine des noix du Brésil qui code une pro-
téine riche en cystéine et en méthionine a été transféré par génie génétique dans
les fèves de soja destinées à l’alimentation animale. L’objectif était d’améliorer la
valeur nutritive des graines de soja, qui sont intrinsèquement pauvres en ces aci-
des aminés soufrés. Cette expérience a mené à la découverte que la protéine, l’al-
bumine 2S, était le principal allergène des noix du Brésil. L’injection des extraits
de fèves de soja génétiquement modifié dans l’épiderme a déclenché une réac-
tion allergique cutanée chez les personnes allergiques aux noix du Brésil. Comme
on ne pouvait garantir que les graines de soja modifiées pourraient être tenues à
l’écart de la chaîne alimentaire humaine, si elles étaient produites à grande échelle,
le développement de cet aliment génétiquement modifié a été abandonné.
réponses TH2. En général, cependant, il semble qu’une interaction entre des cel-
lules dendritiques présentatrices d’antigène et des cellules T naïves en absence
de stimulus inflammatoires induits par une infection bactérienne ou virale tend à
polariser la différenciation des cellules T vers les cellules TH2. Par contre, si l’anti-
gène est rencontré par des cellules dendritiques dans le contexte de signaux pro-
inflammatoires, les cellules dendritiques se mettent alors à produire des cytokines
de polarisation TH1 comme l’IL-12, l’IL-23 et l’IL-27.
Les cytokines et les chimiokines produites par les cellules TH2 amplifient la réponse
TH2 et stimulent la commutation isotypique des cellules B vers l’isotype IgE. Comme
nous l’avons vu au Chapitre 9, l’IL-4 ou l’IL-13 fournissent le premier signal qui
commute les cellules B vers la production d’IgE. Les cytokines IL-4 et IL-13 activent
les tyrosine kinases JAK1 et JAK3 de la famille des Janus kinases (voir Section 6-23),
ce qui conduit à la phosphorylation de STAT-6, un régulateur de transcription des
lymphocytes T et B. Les souris déficientes en IL-4, IL-13 ou STAT-6 sont incapables
de réponse TH2 et de commutation isotypique IgE, ce qui démontre le rôle clé de ces
voies de signalisation. Le second signal est la costimulation fournie par l’interaction
entre le ligand de CD40 à la surface de la cellule T et CD40 des cellules B. Cette inte-
raction est indispensable à la commutation de classe vers tous les isotypes. En effet,
les patients atteints du syndrome hyper-IgM lié à l’X, chez qui le ligand de CD40 est
déficient, ne produisent ni IgG, ni IgA, ni IgE. (voir Section 12-10).
La réponse IgE, lorsqu’elle a été déclenchée, peut être amplifiée par les mastocy-
tes et les basophiles, qui peuvent aussi induire la production d’IgE (Fig. 13.6). Ces
cellules expriment FcεRI et, lorsqu’elles sont activées suite au pontage par l’anti-
gène des IgE fixées à leurs récepteurs FcεRI, elles expriment le ligand de CD40 à
leur surface et sécrètent l’IL-4. Elles peuvent donc, comme les TH2, induire la com-
mutation de classe des cellules B vers l’isotype IgE. Ces granulocytes peuvent inte-
ragir avec les cellules B dans le site de la réaction allergique, où l’on a observé que
les cellules B pouvaient former des centres germinatifs au sein du foyer inflamma-
toire. Un objectif thérapeutique est de bloquer ce processus d’amplification qui
permet aux réactions allergiques de se perpétuer.
Fig. 13.7 Locus de susceptibilité à l’asthme, à la dermatite atopique à l’asthme et à la dermatite atopique, ce qui suggère que des facteurs
et à d’autres affections immunitaires identifiés par analyse du génétiques spécifiques soient impliqués dans les deux. On observe un
génome. Seuls les locus avec des liens étroits sont indiqués. Un groupe certain chevauchement entre les gènes de susceptibilité à l’asthme et aux
de gènes de susceptibilité à ces maladies se trouve dans le CMH sur maladies auto-immunes, et entre les gènes des maladies inflammatoires
le chromosome 6p21 et dans plusieurs autres régions génomiques. Il cutanées, le psoriasis et la dermatite atopique. Adapté de Cookson, W.:
existe en fait peu de chevauchement entre les gènes de susceptibilité Nat. Rev Immunol. 2004, 4:978-988.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 X Y
allergique des voies respiratoires que dans la production de l’IL-4 et IL-13 par les
cellules T. Des variations héréditaires dans les gènes TIM humains ont été corré-
lées avec une hyperréactivité des voies respiratoires, une maladie dans laquelle un
irritant non spécifique cause une contraction des muscles lisses bronchiques simi-
laire à celle qui est observée dans l’asthme. Le troisième gène candidat de suscepti-
bilité dans cette partie du génome code p40, l’une des deux sous-unités de l’IL-12.
Cette cytokine favorise les réponses TH1, et l’on a trouvé qu’une variation généti-
que dans l’expression de p40, qui pourrait réduire la production d’IL-12, était asso-
ciée à un asthme plus sévère. Un quatrième gène candidat de susceptibilité dans
cette région est celui qui code le récepteur β-adrénergique. Une variation dans ce
récepteur pourrait être associée à une altération dans la capacité du muscle lisse
de répondre aux ligands endogènes et pharmacologiques.
Cette complexité illustre une difficulté commune à l’identification des bases
génétiques de maladies complexes. Des régions relativement petites du génome,
identifiées comme contenant des gènes de susceptibilité accrue pour une mala-
die, peuvent contenir de nombreux bons candidats à en juger par leurs activités
physiologiques connues. Identifier le gène, ou les gènes, peut requérir des étu-
des de plusieurs vastes populations de patients et de contrôles. Pour le chromo-
some 5q31‑33, par exemple, il est encore trop tôt pour évaluer l’importance de
chacun des différents polymorphismes dans la génétique complexe de l’atopie.
Un second type de variations héréditaires dans les réponses IgE est lié à la région
du CMH de classe II et affecte les réponses spécifiques aux allergènes plutôt que
la susceptibilité générale à l’atopie. La production d’IgE en réponse à un allergène
particulier est associée à certains allèles HLA de classe II. Ceci implique que cer-
taines combinaisons peptide-CMH peuvent favoriser une forte réponse TH2. Par
exemple, les réponses IgE à plusieurs allergènes du pollen d’ambroisie sont asso-
ciées à des haplotypes contenant l’allèle DRB1*1501 du CMH de classe II. En consé-
quence, certaines personnes sont prédisposées aux réponses TH2 et aux réponses
spécifiques à certains allergènes. Cependant, les allergies aux médicaments cou-
rants comme la pénicilline ne paraissent pas être associées au CMH de classe II ou
à l’état atopique ou non du patient.
Il y a probablement aussi des gènes qui affectent seulement certains aspects par-
ticuliers de la maladie allergique. Dans l’asthme par exemple, on a constaté que
différents gènes avaient une influence sur au moins trois manifestations de la mala-
die, la production d’IgE, la réponse inflammatoire et les réponses cliniques à des
traitements particuliers. Le polymorphisme du gène sur le chromosome 20 codant
ADAM33, une métalloprotéase exprimée par les cellules musculaires lisses des
bronches et les fibroblastes pulmonaires, a été associée à l’asthme et à l’hyperréac-
tivité bronchique. C’est probablement un exemple de variation génétique dans la
réponse inflammatoire pulmonaire et dans les changements anatomiques patho-
logiques qui surviennent dans les voies respiratoires (remodelage des voies aérien-
nes) aboutissant à une susceptibilité accrue à l’asthme. La Fig. 13.8 reprend certains
des polymorphismes génétiques les mieux caractérisés de gènes candidats associés
à l’asthme, ainsi que les voies possibles par lesquelles ces variations génétiques peu-
vent affecter le type de maladie qui se développe et sa réponse aux médicaments.
La prévalence de l’allergie atopique, et de l’asthme en particulier, augmente dans
les régions économiquement développées. Cette observation s’explique surtout
par des facteurs environnementaux. Les quatre principaux facteurs seraient une
exposition à des maladies infectieuses dans la prime enfance, la pollution, le taux
d’allergènes et la nourriture. La pollution a été mise en cause dans l’augmentation
de l’incidence de maladies cardiopulmonaires non allergiques comme la bron-
chite chronique, mais une association avec l’allergie est plus difficile à démon-
trer. Il y a cependant de plus en plus d’observations d’interactions entre allergènes
et pollution, particulièrement chez les individus prédisposés génétiquement.
Les particules émises par les moteurs diesels sont particulièrement suspectées ;
elles augmentent la production d’IgE de 20 à 50 fois lorsqu’elles sont combinées
Sensibilisation et production de l’IgE 563
Variants de structure
Famille génique TIM Régulation de l’équilibre TH1/TH2
et du promoteur
des agents pathogènes tels que Toxoplasma gondii (qui stimule une réponse TH1)
Susceptibilité
Environnement ou Helicobacter pylori est associée à une diminution de la prévalence des mala-
génétique
dies allergiques.
Une histoire d’infection rougeoleuse, d’hépatite virale A ou d’un test cutané positif
à la tuberculine (suggérant une exposition antérieure et une réponse immunitaire
à Mycobacterium tuberculosis), semble également avoir une association négative
avec l’atopie. L’homologue humain de la protéine murine Tim-1, qui pourrait être
importante dans la détermination de l’hyperréactivité des voies respiratoires et de
la production d’IL-4 et d’IL-13 par les cellules T, est le récepteur cellulaire de virus
de l’hépatite A. L’infection des cellules T par le virus de l’hépatite A pourrait donc
influencer directement leur différenciation et la production de cytokines, limitant
le développement des réponses TH2.
Contrairement à ces associations négatives entre les infections de l’enfance et le
développement de l’atopie et de l’asthme, il est prouvé que les enfants qui ont eu
des attaques de bronchiolite due au virus respiratoire syncytial (VRS) sont plus
Pas
Forte Hygiène Faible sujets au développement de l’asthme. Cet effet du VRS dépend de l’âge auquel la
d’hygiène
première infection est survenue. Une infection néonatale de souris par le VRS a
été suivie par une baisse de la réponse IFN-γ par rapport aux souris infectées à 4
Atopique Non atopique
ou 8 semaines. Quand les souris ont été réinoculées à l’âge de 12 semaines avec
Conjonctivite Virus de l’hépatite A
le VRS, les animaux qui avaient été infectés à la naissance souffraient plus d’in-
Rhinite Tuberculose primaire flammation pulmonaire que les animaux infectés à 4 ou 8 semaines (Fig. 13.10).
Eczéma Rougeole De même, les enfants hospitalisés avec une infection à VRS ont un rapport biaisé
Asthme Colonisation intestinale
précoce par les dans leur production de cytokines, moins d’IFN-γ et plus d’IL-4, la cytokine qui
bactéries commensales induit des réponses TH2. Tous ces résultats suggèrent que l’infection qui évoque
une réponse immunitaire TH1 tôt dans la vie pourrait réduire le risque de répon-
ses TH2 plus tard dans la vie, et vice versa.
Fig. 13.9 Les gènes, l’environnement et
les maladies allergiques atopiques. Des Le plus grand argument contre la théorie de l’hygiène est la forte corrélation néga-
facteurs environnementaux et héréditaires
tive entre l’infestation par des helminthes (par ex. les ankylostomes et schistoso-
sont des déterminants importants du risque
de maladie allergique atopique. La Fig. 13.8 mes) et le développement de l’allergie. Une étude au Venezuela a montré que les
reprend certains gènes connus qui influent enfants traités durant une période prolongée par des agents antihelminthiques
sur le développement de l’asthme. Le postulat ont un risque plus élevé d’atopie par rapport aux enfants non traités et fortement
de « l’hypothèse de l’hygiène » est que
l’exposition à certains agents infectieux dans
parasités. Or, comme nous l’avons vu, les helminthiases sont des moteurs puis-
l’enfance oriente le système immunitaire sants de réponses TH2. Il est difficile de concilier cela avec l’idée que la polarisation
vers des réponses de type TH1 et à la non- de cellules T vers des réponses TH1 est un mécanisme général par lequel l’infection
atopie. En revanche, les enfants avec une protège contre l’atopie.
susceptibilité génétique à l’atopie et qui
vivent dans un environnement où ils sont Ces observations ont conduit à une modification de l’hypothèse de l’hygiène. On
peu exposés aux maladies infectieuses ont
parle maintenant de l’hypothèse de contre-régulation. Selon celle-ci, tous les
tendance à recourir aux cellules TH2, qui
prédominent naturellement dans la période types d’infection pourraient protéger contre le développement de l’atopie en indui-
néonatale. Ce sont ces enfants qui sont sant la production de cytokines comme l’IL-10 et le TGF-β (Transforming Growth
prédisposés à une maladie allergique atopique. Factor-β), qui régulent à la baisse les deux réponses TH1 et TH2 (voir la Section 8-19).
Dans les environnements hygiéniques, les enfants souffrent moins d’infections,
ce qui entraînerait une réduction de la production de ces cytokines. Ni les voies
moléculaires induites par l’exposition microbienne ni les réponses inductrices de
tolérance ne sont identifiées, mais il existe divers produits microbiens dotés d’un
potentiel immunorégulateur. Par exemple, l’exposition des cellules dendritiques
à divers ligands des récepteurs de type Toll (TLR, Toll-Like Receptor), comme le
lipopolysaccharide bactérien (le ligand de TLR-4), l’ADN riche en CpG (le ligand
de TLR-9) ou des médiateurs pro-inflammatoires comme l’IFN-γ peuvent stimuler
la production d’indoleamine 2,3-dioxygénase (IDO), une enzyme qui dégrade le
tryptophane, un acide aminé essentiel. Les cellules dendritiques exprimant l’IDO
peuvent supprimer l’inflammation dépendant des TH2 et promouvoir la différen-
ciation des cellules T régulatrices, assurant ainsi une protection immédiate et à
long terme contre l’allergie. Des facteurs génétiques peuvent également avoir une
incidence sur ce type de régulation puisque l’on a trouvé que la fonction des cel-
lules T régulatrices était altérée chez les nouveau-nés prédisposés génétiquement
à l’allergie.
Sensibilisation et production de l’IgE 565
0,1 80 IL-4 ++
0 7 14 21 0 7
Jours après l’infection Jours après l’infection
0,1 80 IL-4 +
–
0 7 14 21 0 7
Jours après l’infection Jours après l’infection
13-5 Les cellules T régulatrices peuvent contrôler les réponses allergiques. Fig. 13.10 Réponse de souris à la
réinfection par le virus respiratoire
syncytial (VRS) en fonction de l’âge de
Les cellules mononucléaires du sang périphérique (PBMC, Peripheral Blood la primo-infection. Des souris répondent à
Mononuclear Cells) de personnes atopiques ont tendance à sécréter des cytoki- l’infection par le VRS de manière différente
nes TH2 après stimulation non spécifique des cellule T par l’intermédiaire de leur en fonction de l’âge de la primo-infection. Les
graphiques de gauche montrent la production
récepteur, tandis que les PBMC des personnes non atopiques ne le font pas. Cela d’IFN-γ soit après infection néonatale
a conduit à la suggestion que des mécanismes de régulation jouent un rôle impor- (panneau supérieur) ou une infection à l’âge
tant dans la prévention des réponses IgE aux allergènes. Les cellules T régulatri- de 4 ou 8 semaines (panneau inférieur). Les
ces, en particulier, font l’objet d’une attention considérable dans tous les types de souris infectées à la naissance ne parviennent
pas à produire l’IFN-γ. Les panneaux de droite
maladie d’origine immunologique. Tous les types de cellules T régulatrices (voir montrent les conséquences de la réinfection
Section 8-17) peuvent intervenir dans la modulation de l’allergie. Les cellules T avec le VRS de deux cohortes de souris
régulatrices naturelles (Treg CD4 CD25) d’individus atopiques répriment moins adultes. Les souris qui ont été infectées la
bien la production de cytokines TH2 par rapport à celles des sujets non atopi- première fois à la naissance montrent, lors
de la réinfection, une perte de poids et une
ques, et ce défaut est encore plus prononcé au cours de la saison des pollens. Des réaction inflammatoire grave avec infiltration
preuves supplémentaires ont été fournies par les souris dépourvues du facteur de pulmonaire par des éosinophiles et des
transcription FoxP3, le commutateur principal de la production des cellules Treg neutrophiles, accompagnée de la production
CD4 CD25 ; elles développent des symptômes d’allergie, entre autres de l’éosino- de la cytokines TH2, l’IL-4. En revanche, les
souris qui ont été infectées la première fois
philie, une augmentation de l’IgE et une inflammation allergique des voies respi- à 4 ou 8 semaines ne maigrissent pas, n’ont
ratoires, ce qui suggère que l’absence de cellules T régulatrices serait en cause. Ce qu’une infiltration modérée de neutrophiles et
syndrome pourrait être partiellement corrigé par une déficience concomitante en produisent la cytokine TH1, l’IFN-γ.
STAT6, qui indépendamment prévient le développement de la réponse TH2 (voir
Section 13-3).
Les cellules T régulatrices peuvent aussi être induites par l’IDO sécrétée par divers
types cellulaires (voir la section 13-4). Les cellules dendritiques sécrètent de l’IDO
lorsque leurs récepteurs TLR-9 sont stimulés par des ligands comme de l’ADN
riche en séquences CpG non méthylées. On a montré que la sécrétion d’IDO par
des cellules pulmonaires résidentes stimulées de cette façon améliorait l’asthme
expérimental chez la souris.
Résumé.
d’IL-4 et d’IL-13 induisent la production d’IgE par les cellules B spécifiques de l’al-
lergène. Les IgE spécifiques produites en réponse à un allergène se fixent sur les
récepteurs de haute affinité pour les IgE ; ils sont présents sur les mastocytes, les
basophiles et les éosinophiles activés. La production d’IgE peut être amplifiée par
ces cellules car, lors de leur activation, elles produisent de l’IL-4 et le ligand de CD40.
La tendance à surproduire des IgE est due à des facteurs génétiques et environne-
mentaux. Lorsque des IgE sont produites en réponse à un allergène, une nouvelle
rencontre avec celui-ci déclenche une réponse allergique. L’immunorégulation est
critique dans le contrôle de la maladie allergique ; elle fait appel à divers mécanis-
mes, entre autres les cellules T régulatrices. Nous décrirons les mécanismes et la
pathologie des réponses allergiques dans la partie suivante de ce chapitre.
13-7 Les mastocytes sont distribués dans les tissus et sont à la base
des réactions allergiques.
Ehrlich a découvert les mastocytes dans le mésentère du lapin et les a appelé Mastzellen
(« cellules engraissées »). Comme les basophiles, les mastocytes contiennent des gra-
nules riches en protéoglycans acides fixant les colorants basiques. Les mastocytes
proviennent de cellules souches hématopoïétiques, mais viennent à maturité locale-
ment et résident souvent près des surfaces exposées aux pathogènes et aux allergènes.
Les principaux facteurs nécessaires à la croissance et au développement des mas-
tocytes comprennent le facteur de cellule souche (SCF, Stem Cell Factor) (ligand du
récepteur tyrosine kinase Kit), l’IL-3 et des cytokines associées aux TH2 comme l’IL-4
et l’IL-9. Les souris avec une déficience de Kit sont dépourvues de mastocytes diffé-
renciés, et, même si elles produisent des IgE, on ne peut susciter chez elles une réac-
tion inflammatoire dépendante de l’IgE. Cela montre que ces réponses dépendent
568 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité
Neurotoxine dérivée
Neurotoxine
des éosinophiles
contrôlée séparément par d’autres médiateurs. Dans ce cas, les molécules respon-
sables sont des chimiokines de type CC (voir Section 2-20). Elles sont responsables
du chimiotactisme de plusieurs types de leucocytes, mais trois d’entre elles sont par-
ticulièrement importantes pour attirer et activer les éosinophiles ; on les appelle
éotaxines : CCL11 (éotaxine 1), CCL24 (éotaxine 2) et CCL26 (éotaxine 3).
Le récepteur des éotaxines sur les éosinophiles, CCR3, est très peu discriminant ; il lie
aussi bien d’autres chimiokines de type CC, entre autres CCL7, CCL13 et CCL5, qui
attirent et activent également les éosinophiles. Des chimiokines identiques ou similai-
res stimulent aussi les mastocytes et les basophiles. Par exemple, les éotaxines attirent
les basophiles et déclenchent leur dégranulation, alors que CCL2, qui se lie à CCR2,
active les mastocytes en absence ou en présence de l’antigène. CCL2 active aussi la
différenciation des cellules T naïves en cellules TH2. Les cellules TH2 expriment aussi
CCR3 ; elles vont donc migrer sous le contrôle des éotaxines. Il est étonnant que ces
interactions entre les différentes chimiokines et leurs récepteurs montrent un tel che-
vauchement et une telle redondance ; nous ne comprenons pas la signification de
cette complexité. Ces observations montrent que les familles de chimiokines, comme
celles des cytokines, peuvent coordonner certains types de réponse immunitaire.
Un troisième type de contrôle régule l’activation des éosinophiles. Dans leur état
non activé, les éosinophiles n’expriment pas le récepteur de haute affinité des IgE
et le seuil d’activation qui permet la libération du contenu des granules est élevé.
Après activation par les chimiokines et les cytokines, le seuil chute, le FcεRI est
exprimé et le nombre de récepteurs de Fcγ et de récepteurs du complément aug-
mente à la surface cellulaire. L’éosinophile est maintenant prêt à exercer son acti-
vité effectrice, par exemple dégranuler à la suite du pontage par l’antigène des IgE
fixées aux récepteurs FcεRI à la surface des éosinophiles.
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 571
Les cellules qui allaient être reconnues plus tard comme étant des éosinophiles ont
été observées dès le 19ème siècle dans la première description pathologique de
l’état de mal asthmatique mortel, mais le rôle précis de ces cellules dans les maladies
allergiques n’est toujours pas éclairci. Dans une réaction allergique, la dégranulation
des mastocytes et l’activation des cellules TH2 causent l’accumulation des éosinophi- Fig. 13.14 Les réactions allergiques
les en grand nombre et leur activation. Les éosinophiles peuvent aussi présenter des comprennent une phase immédiate et
antigènes aux cellules T et sécrètent des cytokines TH2. Les éosinophiles semblent une phase tardive. Panneau de gauche :
la réaction à un antigène inhalé peut être
favoriser l’apoptose des cellules TH1, et l’expansion des cellules TH2 qu’on leur attri- décomposée en réponses immédiate et tardive
bue est peut-être due en partie à une réduction relative du nombre de cellules TH1. L’intensité de la réaction asthmatique associée
La présence continue des éosinophiles est caractéristique de l’inflammation allergi- à un rétrécissement des voies aériennes par
que chronique, et l’on pense qu’ils contribuent fortement aux lésions tissulaires. contraction des muscles lisses bronchiques
peut être mesurée par la diminution du
Les basophiles sont aussi présents dans le site de la réaction inflammatoire, et les fac- VEMS (volume expiratoire maximal en une
seconde). La réaction immédiate atteint un
teurs de croissance des basophiles sont très semblables à ceux des éosinophiles ; ils pic quelques minutes après l’inhalation de
comprennent l’IL-3, l’IL-5 et le GM-CSF. Il existe un contrôle réciproque de la matu- l’antigène puis disparaît. Six à huit heures
ration de la population des cellules souches en basophiles ou éosinophiles. Par exem- après inhalation de l’antigène, une réponse
ple, le TGF-β en présence d’IL-3 inhibe la différenciation des éosinophiles et induit de phase tardive survient ; elle se traduit
aussi par une diminution du VEMS. Les
celle des basophiles. Les basophiles sont généralement présents en faible nombre médiateurs libérés par les mastocytes et
dans la circulation et semble jouer un rôle identique à celui des éosinophiles dans la rapidement métabolisés comme l’histamine
défense contre les pathogènes. Comme les éosinophiles, on les retrouve dans les sites et les médiateurs lipidiques déclenchent la
de réaction allergique. Les basophiles expriment FcεRI à leur surface et, après activa- réaction immédiate par leur action directe sur
les vaisseaux sanguins et les muscles lisses,
tion par des cytokines ou par l’antigène, ils libèrent de l’histamine et l’IL-4 à partir des alors que la réaction de phase tardive est liée
granules basophiles, d’où ils tirent leur nom ; ils produisent aussi l’IL-4 et l’IL-13. à un afflux de leucocytes inflammatoires attirés
par les chimiokines et par d’autres médiateurs
Les éosinophiles, les mastocytes et les basophiles peuvent interagir entre eux. La libérés par les mastocytes pendant et après
dégranulation des éosinophiles libère la protéine basique majeure, qui, à son la réponse immédiate. Panneau de droite :
tour, induit la dégranulation des mastocytes et des basophiles. Cet effet est aug- une réaction allergique du type gonflement et
rougeur se développe en une ou deux minutes
menté par toutes les cytokines qui affectent la croissance, la différenciation et l’ac- après une injection épidermique d’antigène et
tivation des éosinophiles et des basophiles, comme l’IL-3, l’IL-5 et le GM-CSF. se prolonge jusqu’à 30 minutes. La réaction
œdémateuse plus diffuse caractéristique de
la phase tardive apparaît approximativement
13-10 Une réaction allergique comprend une réponse immédiate 6 heures plus tard et peut persister pendant
quelques heures. La photographie montre à
et une réponse tardive. gauche une papule érythémateuse typique
de réaction immédiate, 15 minutes après
La réponse inflammatoire qui suit l’activation des mastocytes par les IgE comprend l’injection intradermique d’un allergène, un
extrait de pollen de graminée. À droite, le
une réaction immédiate, qui commence dans la seconde, et une réaction tardive, gonflement plus diffus correspond à une
qui prend de 8 à 12 heures pour se développer. On peut distinguer cliniquement ces réaction tardive survenue 6 heures après
deux phases (Fig. 13.14). La réaction immédiate est due à l’activité de l’histamine, l’injection. Cliché de S.R. Durham.
Stimulation
300 antigénique
100
0
0 30 60 6 8 10 12 Temps
minutes heures
572 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité
Lorsqu’un allergène déclenche une réaction allergique, les effets nocifs survien-
nent au site de la dégranulation des mastocytes. Au cours de la réponse immé-
diate, les médiateurs libérés ont une durée de vie courte et leur action potentielle
sur les vaisseaux sanguins et les muscles lisses est confinée à proximité des mas-
tocytes activés. Les effets les plus importants de la réponse tardive sont aussi limi-
tés au site initial de l’activation par l’allergène et l’anatomie particulière de ce site
peut déterminer la facilité avec laquelle l’inflammation peut être résorbée. Le syn-
drome clinique d’une réaction allergique dépend donc de trois variables : la quan-
tité d’IgE spécifique de l’allergène, la voie d’introduction de l’allergène et la dose
d’allergène (Fig. 13.15).
Si l’allergène est introduit directement dans le sang ou s’il est rapidement absorbé
par l’intestin, les mastocytes des tissus conjonctifs associés aux vaisseaux san-
guins peuvent être activés. Ce qui induit un syndrome très dangereux, l’anaphy-
laxie systémique. L’activation des mastocytes disséminés dans l’organisme a
plusieurs effets qui peuvent être mortels : l’augmentation généralisée de la per-
Anaphylaxie systémique aiguë méabilité vasculaire conduit à une diminution rapide de la pression sanguine ; la
contraction des voies aériennes cause des difficultés respiratoires et le gonfle-
ment de l’épiglotte peut aboutir à l’asphyxie. Ce syndrome, qui peut être mortel,
est appelé choc anaphylactique. Il se produit lorsqu’un médicament est admi-
nistré à une personne qui possède des IgE dirigées contre ce médicament ou
après une piqûre d’insecte chez les individus allergiques aux venins d’insecte.
Certains aliments, par exemple les cacahuètes ou les noix du brésil, peuvent
aussi induire une anaphylaxie systémique chez les individus sensibilisés. Ce syn-
drome est rapidement mortel, mais peut être contrôlé par une injection immé-
diate d’adrénaline, qui relaxe les muscles lisses et inhibe les effets cardiovasculaires
de l’anaphylaxie.
La réaction allergique aux médicaments la plus courante est l’allergie à la péni-
cilline et à ses dérivés. L’administration par injection de pénicilline chez des
personnes ayant des anticorps IgE anti-pénicilline induit une réaction anaphy-
lactique qui peut aller jusqu’à la mort. Il faut être très prudent lors de l’adminis-
tration d’un médicament à des patients ayant des antécédents allergiques contre
ce médicament ou un médicament de la même famille. La pénicilline se com-
porte comme un haptène (voir Appendice I, Section A-1). C’est une petite molé-
cule, qui possède un cycle β-lactame crucial pour son activité antibactérienne.
Ce cycle réagit avec des groupes amines des protéines de l’hôte pour former des
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 573
Fig. 13.15 La dose et la voie d’administration des allergènes que les mastocytes des tissus conjonctifs locaux et n’induisant dès
déterminent le type de réaction allergique dépendante des IgE. lors qu’une réaction inflammatoire locale. Les allergènes inhalés qui
Les mastocytes ont deux localisations principales. Ils sont soit associés pénètrent à travers l’épithélium activent essentiellement les mastocytes
aux tissus conjonctifs vascularisés, ce sont les mastocytes des tissus muqueux et déclenchent la contraction des muscles lisses des voies
conjonctifs, soit situés dans les couches sous-muqueuses des tractus aériennes inférieures, cette bronchoconstriction entraînant des difficultés
intestinaux et respiratoires, ce sont les mastocytes muqueux. Chez expiratoires. L’activation des mastocytes muqueux irrite l’épithélium
un allergique, tous les mastocytes sont chargés d’IgE dirigées contre et augmente la sécrétion locale de mucus. De la même manière,
les allergènes spécifiques. La réponse à un antigène dépend donc l’allergène ingéré pénètre à travers l’épithélium intestinal, déclenche des
du type de mastocytes activés. Les allergènes dans la circulation vomissements par contraction des muscles lisses intestinaux et de la
activent les mastocytes des tissus conjonctifs à différents endroits de diarrhée causée par une sortie de fluide à travers l’épithélium intestinal.
l’organisme, induisant ainsi une libération systémique d’histamine et Les allergènes alimentaires peuvent aussi être disséminés par le sang et
d’autres médiateurs. L’administration sous-cutanée de l’allergène n’active provoquer une urticaire lorsqu’ils atteignent la peau.
Intraveineuse : forte dose Sous-cutanée : faible dose Inhalation : faible dose Ingestion
Des médiateurs inflammatoires causent une augmentation Réponse chronique causée par des cytokines
de la sécrétion de mucus et une contraction des muscles Recrutement de cellules de la circulation et des produits libérés par des éosinophiles
lisses entraînant l’obstruction des voies respiratoires
voie protéines des granules
cytokines des éosinophiles
respiratoire
TH2
TH2
vaisseau
sanguin
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 575
L’action directe des cytokines TH2 comme l’IL-9 et IL-13 sur les cellules épithélia-
les des voies aériennes peuvent jouer un rôle dominant dans l’une des principales
caractéristiques de la maladie, l’induction de la métaplasie des cellules caliciformes,
qui est l’augmentation de la différenciation des cellules épithéliales en cellules cali-
ciformes, et l’augmentation consécutive de la sécrétion de mucus. Les cellules épi-
théliales pulmonaires peuvent aussi produire le récepteur de chimiokine, CCR3, et
au moins deux des ligands de ce récepteur, CCL5 et CCL11. Ces chimiokines ampli-
fient la réponse TH2 en attirant plus de cellules TH2 et d’éosinophiles dans les pou-
mons affectés. Les effets directs des cytokines TH2 et des chimiokines sur les cellules a
musculaires lisses des voies respiratoires et les fibroblastes pulmonaires causent
l’apoptose des cellules épithéliales et le remodelage des voies aériennes, induits en
partie par la production de TGF-β, qui a de nombreux effets sur l’épithélium, allant
de l’induction de l’apoptose à la stimulation de la prolifération cellulaire.
Une maladie ressemblant à l’asthme de l’homme apparaît chez les souris dépour-
vues du facteur de transcription T-bet, nécessaire à la différenciation TH1 (voir la
Section 8-19). Leurs réponses cellulaires TH2 seraient ainsi favorisées. Une inflam-
mation des voies aériennes impliquant des éosinophiles et des lymphocytes se
développe chez ces souris, qui ont des taux plus élevés de cytokines TH2, IL-4, IL-5
et IL-13 (Fig. 13.18). Elles ont également une hyperréactivité non spécifique des b
voies respiratoires à des stimulus non immunologiques comme on l’observe dans
l’asthme chez l’homme. Ces changements se produisent en l’absence de tout sti- Fig. 13.17 Inflammation chronique des voies
mulus inflammatoire exogène et montrent que, dans des circonstances extrêmes, aériennes chez un patient asthmatique. Le
un déséquilibre génétique favorisant les réponses TH2 peut provoquer des affec- panneau a montre une coupe bronchique d’un
tions allergiques. L’implication des éosinophiles dans l’asthme semble quelque patient mort d’une crise d’asthme. On observe
une obturation presque complète des voies
peu différente chez l’homme et chez la souris. Chez les patients asthmatiques, le aériennes par un bouchon de mucus. Dans le
nombre d’éosinophiles est directement associé à la gravité de l’asthme. Chez la panneau b, une vue rapprochée montre une
souris déficiente en éosinophiles, la seule observation constante concernant la lésion de l’épithélium bronchique associée à
un infiltrat inflammatoire dense qui comprend
physiopathologie de l’asthme est une réduction de remodelage des voies aérien-
des éosinophiles, des neutrophiles et des
nes sans atténuation de l’hyperréactivité des voies respiratoires. lymphocytes. Clichés de T. Krausz.
T-bet+/+ T-bet–/–
Bien que l’asthme allergique soit d’abord causé par une réponse à un allergène,
l’inflammation chronique qui s’ensuit semble se perpétuer même sans exposition
à l’allergène. Les voies respiratoires deviennent hyperréactives et des agents autres
que l’antigène peuvent déclencher des crises d’asthme. Les asthmatiques réagis-
sent de manière excessive à des produits chimiques de l’environnement comme la
fumée de cigarettes et le dioxyde de soufre. Des infections des voies respiratoires
d’origine virale ou, dans une moindre mesure, bactérienne, peuvent aussi aggraver
la maladie en induisant une réponse locale de prédominance TH2.
Stat6–/–KCASP1Tg +++ ND +
d’IL-18. Ces cytokines sont surproduites chez des souris mutantes qui surexpriment Fig. 13.19 Une déficience en IL-18 prévient
l’enzyme caspase-1 spécifiquement dans les kératinocytes (souris KCASP1Tg). Ces le développement de la dermatite atopique
chez des souris prédisposées. Les
souris naissent en bonne santé, mais développent des modifications cutanées similai- souris KCASP1Tg surexpriment l’enzyme
res à la dermatite atopique humaine et commencent à se gratter fréquemment à par- caspase-1 dans leurs kératinocytes et
tir de 8-10 semaines après la naissance. À ce moment-là aussi, les taux sériques d’IgE développent une maladie similaire à la
et d’IgG s’élèvent progressivement. La surexpression de la caspase-1 entraîne une aug- dermatite atopique humaine. Panneau de
gauche : dans des coupes de peau colorées
mentation de l’apoptose des kératinocytes, mais aussi l’augmentation des taux d’IL-1 à l’hématoxyline-éosine (HE) (rangée du
et IL-18, parce que la caspase-1 est nécessaire pour activer ces cytokines. Avec la crois- haut), les lésions sont caractérisées par
sance des souris, les lésions cutanées s’étendent et la maladie s’aggrave. Les souris sont, de l’hyperkératose et un infiltrat dense de
toutefois, totalement protégées du développement de la maladie quand elles sont ren- leucocytes et lymphocytes. Après coloration
par le bleu de toluidine (rangée du bas), on
dues déficientes en IL-18 et ne développent donc pas une forte réponse TH1. Elles ne observe une accumulation de mastocytes.
sont pas protégées lorsqu’elles sont rendues déficientes en STAT6, ce qui conduit à une Les cellules colorées en pourpre foncé sont
absence de réponse cellulaire TH2 (Fig. 13.19). Ce type d’allergie a été classé comme des mastocytes (indiqués par des flèches) ; ils
sont beaucoup plus nombreux dans la lésion
allergie de type inné, contrairement à l’allergie classique dépendant des TH2.
à 16 semaines qu’à 4 semaines. Panneau de
Les réponses TH2 sont, toutefois, importantes dans la dermatite atopique naturelle droite : chez les souris KCASP1Tg déficientes
en STAT6, l’IgE sérique est sous le seuil de
et peuvent conduire indirectement à l’aggravation de la maladie en rendant l’in- détection, mais les lésions cutanées sont
dividu plus vulnérable à certaines infections. Par exemple, les individus atteints similaires, tandis que les souris KCASP1Tg
de dermatite atopique sont plus sensibles à l’inflammation cutanée après la vac- déficientes en IL-18 n’ont pas de dermatite.
Ce qui suggère que les cytokines TH2 ne
cination avec le virus de la vaccine. L’augmentation de la sensibilité résulte de la
sont pas importantes dans ce modèle. Les
propagation du virus de la vaccine en raison de l’action des cytokines TH2, IL-4 et souris KIL-18Tg, qui surexpriment l’IL-18
IL-13. La réponse TH2 inhibe également la production du peptide antimicrobien, mature dans leurs kératinocytes, montrent les
la cathélicidine, qui est normalement induite à la suite de la stimulation de TLR-3. mêmes symptômes que les souris KCASP1Tg,
mais la maladie commence plus tard.
Ainsi, on pourrait envisager un cercle vicieux : une infection déclenche la derma- KCASP1Tg, souris Keratinocyte-specific
tite atopique, qui entraîne une susceptibilité accrue aux infection. CASPase-1-TransGenic ; KIL-18Tg, souris
Keratinocyte-specific mature IL-18-transgenic ;
ND, non détectable. Clichés de Tsutsui, H., et
13-14 Les allergies alimentaires provoquent des réactions systémiques al.: Immunol. Rev. 2004, 202: 115–138.
ainsi que des symptômes limités à l’intestin.
Les véritables allergies alimentaires touchent environ 1-4 % des populations amé-
ricaine et européenne. Elles ne doivent pas être confondues avec les intolérances
alimentaires et les aversions, qui sont répandues et souvent appelées à tort « aller-
gies » par le malade. Environ un quart des véritables allergies alimentaires aux
États-Unis et en Europe est représenté par l’allergie aux arachides, dont l’incidence
augmente ; elle a triplé au cours des 5 dernières années. L’allergie alimentaire cause
environ 30 000 réactions anaphylactiques chaque année aux États-Unis, dont 200
décès. Il s’agit là d’un problème sérieux de santé publique, en particulier à l’école,
où les enfants peuvent être exposés involontairement aux arachides, qui sont pré-
sentes dans de nombreux aliments. La Fig. 13.20 illustre les facteurs de risque qui
favorisent le développement de l’allergie alimentaire.
578 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité
L’une des caractéristiques des allergènes alimentaires est un degré élevé de résis-
Facteurs de risque pour le développement
de l’allergie alimentaire tance à la digestion par la pepsine de l’estomac. Ils arrivent donc intacts à la sur-
face de la muqueuse de l’intestin grêle. Lorsque l’allergène est ingéré, deux types de
Immaturité du système immunitaire réactions allergiques peuvent survenir. L’activation des mastocytes de muqueuse
associé aux muqueuses
associés au tractus gastro-intestinal déclenche un exsudat à travers l’épithélium
et la contraction des muscles lisses, ce qui provoque de la diarrhée et des vomis-
Introduction prématurée d’aliments solides
sements. Pour des raisons qui ne sont pas pleinement comprises, les mastocytes
Augmentation héréditaire de la perméabilité des tissus conjonctifs dans le derme et les tissus sous-cutanés peuvent aussi être
des muqueuses activés après ingestion de l’allergène, probablement parce qu’après l’absorption de
celui-ci dans la circulation sanguine, il parvient à la peau et déclenche l’urticaire.
Déficience en IgA ou production retardée de l’IgA Il s’agit là d’une réaction fréquente lorsque la pénicilline est donnée oralement à
un patient qui a déjà des anticorps IgE spécifiques de la pénicilline. L’ingestion
Stimulation inappropriée du système immunitaire d’allergènes alimentaires peut également conduire au développement de l’asthme
intestinal par la flore commensale et à l’anaphylaxie généralisée avec collapsus cardiovasculaire. Certains aliments,
surtout les arachides, les noix, les crustacés et mollusques, sont particulièrement
Orientation génétique vers la production de associés à ce type de réponse au risque létal. L’allergie alimentaire peut dépendre
cytokines TH2
de l’IgE, comme l’asthme ou l’anaphylaxie systémique, ou en être indépendante
comme l’illustre bien l’exemple de la maladie cœliaque.
Polymorphismes des gènes de cytokines TH2 ou
des récepteurs de l’IgE
13-15 La maladie cœliaque est un modèle d’immunopathologie spécifique
Système nerveux entérique défectueux d’un antigène.
Altérations immunitaires (par ex. taux La maladie cœliaque est une maladie chronique de la partie supérieure de l’intes-
bas de TGF-β)
tin grêle ; elle est causée par une réponse immunitaire dirigée contre le gluten, un
complexe de protéines présentes dans le blé, l’avoine et l’orge. L’élimination du glu-
Infections gastro-intestinales
ten de l’alimentation normale restaure la fonction intestinale, mais ce régime doit
être poursuivi tout au long de la vie. La pathologie de la maladie cœliaque est carac-
Fig. 13.20 Facteurs de risque pour le térisée par la perte des villosités étroites et en forme de doigt de la muqueuse intes-
développement de l’allergie alimentaire. tinale (atrophie des villosités), avec augmentation de la taille des sites dans lesquels
les cellules épithéliales se renouvellent (hyperplasie des cryptes ) (Fig. 13.21). Ces
modifications pathologiques aboutissent à la perte des cellules épithéliales matu-
res qui couvrent les villosités et qui normalement absorbent et digèrent la nour-
riture. Cela s’accompagne d’une inflammation grave de la paroi intestinale, avec
augmentation du nombre de cellules T, des macrophages et des plasmocytes dans
la lamina propria, ainsi qu’une augmentation du nombre de lymphocytes dans la
couche épithéliale. Le gluten semble être la seule des protéines alimentaires qui
provoque une inflammation intestinale de cette façon, une propriété qui reflète la
capacité du gluten de stimuler à la fois l’immunité innée et spécifique chez les per-
sonnes génétiquement sensibles.
La maladie cœliaque montre une très forte prédisposition génétique, plus de 95 %
des patients exprimant l’allèle du CMH de classe II, HLA-DQ2, et la concordance
Maladie cœliaque entre jumeaux monozygotes est de 80 % (c’est-à-dire que si un jumeau est atteint
de la maladie,la probabilité que l’autre jumeau l’attrape est de 80 %), alors que la
concordance n’est que de 10 % entre jumeaux dizygotes. Néanmoins, la plupart
des individus exprimant HLA-DQ2 ne développent pas la maladie cœliaque en
dépit de la présence quasi universelle de gluten dans l’alimentation occidentale.
Ainsi, d’autres facteurs génétiques doivent apporter d’importantes contributions à
la susceptibilité.
La plupart des éléments de preuve indiquent que la maladie cœliaque nécessite
une sensibilisation aberrante de cellules T CD4 productrices d’IFN-γ par des pep-
tides antigéniques présents dans l’α-gliadine, une des principales protéines du
gluten. Il est généralement admis qu’un nombre limité de peptides suffit à pro-
voquer une réponse immunitaire aboutissant à la maladie cœliaque. Cela est pro-
bablement dû à la structure inhabituelle du sillon liant le peptide de la molécule
HLA-DQ2. L’étape clé dans la reconnaissance immunitaire de l’α-gliadine est la
désamidation de ses peptides par la transglutaminase tissulaire (TGT), qui conver-
tit certains résidus de glutamine en acide glutamique chargé négativement. Seuls
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 579
les peptides contenant des résidus de charge négative dans certaines positions
Fig. 13.22 Base moléculaire de la
peuvent se lier fortement à l’HLA-DQ2, et donc la réaction de transamination favo- reconnaissance immune du gluten dans
rise la formation des complexes peptides-HLA-DQ2, qui peuvent activer des cel- la maladie cœliaque. Après la digestion
lules T CD4 spécifiques de l’antigène (Fig. 13.22). Plusieurs épitopes peptidiques du gluten par les enzymes digestives de
l’intestin, la désamidation des épitopes
peuvent être générés à partir de la gliadine. Les cellules T CD4 spécifiques de la par la transglutaminase tissulaire aboutit à
gliadine et activées s’accumulent dans la lamina propria et produisent de l’IFN-γ , leur liaison aux molécules HLA-DQ et à la
une cytokine qui entraîne l’inflammation intestinale. sensibilisation du système immunitaire.
Des peptides produits naturellement Une enzyme, la transglutaminase Les cellules T activées peuvent tuer
Le peptide lié active
à partir du gluten ne se lient (tTG) rend les peptides capables les cellules épithéliales de la muqueuse
les cellules T CD4 spécifiques
pas aux molécules de se lier aux molécules du CMH en liant Fas. Elles sécrètent également
du gluten
du CMH de classe II de classe II l’IFN-𝛄, qui active les cellules épithéliales
tTG
Fas
FasL IFN-γ
580 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité
circulation. Des études des effets d’un traitement à base d’anti-IL-5 n’ont pas donné
de résultats encourageants ; l’anti-IL-5 a réduit le nombre d’éosinophiles dans le
sang et les expectorations, mais n’a pas modifié les réponses immédiate et tardive
à des allergènes inhalés ni l’hyperréactivité des voies respiratoires à l’histamine.
Résumé.
Les hypersensibilités.
Cette partie du chapitre traite des réponses immunologiques faisant intervenir
des anticorps IgG ou des cellules T spécifiques responsables de réactions nocives
d’hypersensibilité. Bien que ces effecteurs de la réponse immunitaire participent
normalement à l’immunité protectrice contre les infections, ils réagissent parfois
avec des antigènes non infectieux et occasionnent des réactions aiguës ou chroni-
ques d’hypersensibilité. Bien que les mécanismes de déclenchement des diverses
formes d’hypersensibilité soient différents, la pathologie est due en majeure par-
tie aux mêmes mécanismes effecteurs immunologiques. Nous considérons égale-
ment ici une nouvelle forme d’hypersensibilité, dans laquelle certaines variantes
des gènes de régulation des réponses inflammatoires causent le déclenchement
intempestif de l’inflammation, pouvant entraîner une maladie grave.
C5a
1 – 2 heures
Les hypersensibilités 585
Taux plasmatique
sérique chez une petite minorité de patients. les protéines
protéines sériques sériques étrangères
étrangères
La maladie sérique apparaît 7 à 10 jours après l’injection de sérum de cheval,
un intervalle qui correspond au temps nécessaire pour le développement d’une
réponse immunitaire primaire et pour la commutation de classe d’IgM vers IgG
des anticorps dirigés contre les antigènes du sérum de cheval. Les manifesta-
tions cliniques de la maladie sérique sont des frissons, de la fièvre, des éruptions Temps
(jours)
cutanées, une arthrite et quelquefois une glomérulonéphrite (inflammation injection de Fièvre, vasculite,
sérum étranger arthrite, néphrite
des glomérules rénaux). L’urticaire est une des caractéristiques prédominan-
tes, montrant le rôle de l’histamine provenant de la dégranulation des mastocy-
tes. Dans ce cas, la dégranulation des mastocytes est induite par le pontage des Fig. 13.27 La maladie sérique est un
exemple classique de syndrome transitoire
récepteurs FcγRIII cellulaires par des complexes immuns contenant des IgG. lié aux complexes immuns. L’injection d’une
ou plusieurs protéines étrangères entraîne
La Fig. 13.27 résume le déroulement de la maladie sérique. Le début de la mala- la production d’anticorps, qui forment des
die coïncide avec la production d’anticorps dirigés contre les protéines abon- complexes immuns avec ces protéines
dantes du sérum étranger, les anticorps formant des complexes immuns avec circulantes. Les complexes se déposent dans
de petits vaisseaux et activent le complément
leur antigène partout dans l’organisme. Ces complexes immuns fixent le com- et des phagocytes, ce qui induit de la fièvre et
plément et activent les leucocytes en se fixant à leurs récepteurs de Fc et à leurs des symptômes de vasculite et d’arthrite. Tous
récepteurs du complément, ce qui entraîne des lésions tissulaires étendues. La ces effets sont transitoires et disparaissent
avec l’élimination de la protéine étrangère.
formation des complexes immuns permet l’élimination des antigènes étrangers.
La maladie sérique est donc généralement une maladie limitée dans le temps.
Après une seconde dose d’antigène, la maladie sérique suit la cinétique typique
d’une réponse secondaire et la maladie débute après un ou deux jours.
Le même type de réaction pathologique est observée dans deux autres situa-
tions où l’antigène persiste. C’est d’abord le cas lorsque les anticorps ne par-
viennent pas à éliminer certains agents infectieux, par exemple lors d’une
endocardite bactérienne subaiguë ou lors d’une hépatite virale chronique. Dans
ces affections, les bactéries et les virus qui se multiplient fournissent sans cesse
de nouveaux antigènes en présence d’une production persistante d’anticorps
incapables d’éliminer le micro-organisme. Il en résulte une maladie à comple-
xes immuns caractérisée par des lésions des capillaires sanguins dans de nom-
breux tissus et organes, dont la peau, les reins et les nerfs.
Certains allergènes inhalés induisent la production d’IgG plutôt que la pro-
duction d’IgE, peut-être parce que leur concentration dans l’air inhalé est rela-
tivement élevée. Lorsqu’une personne est exposée à des doses élevées de ce
type d’antigène, des complexes immuns se forment dans les parois alvéolaires
pulmonaires. Il s’ensuit une accumulation de fluide, de protéines et de cellu-
les dans la paroi alvéolaire aboutissant à une réduction des échanges gazeux et
de la fonction pulmonaire. Certains métiers prédisposent à ce type d’affection.
C’est le cas des agriculteurs qui sont exposés de manière répétée à la poussière
du foin et aux spores de moisissures. La maladie qui en résulte est dite du pou-
mon de fermier. Si l’exposition à l’antigène se poursuit, les parois alvéolaires
peuvent être endommagées de manière irréversible.
24 – 72 heures
Les hypersensibilités 587
dans le site et de former ainsi une papule bien visible (Fig. 13.29). Chacune de
ces phases dure plusieurs heures, c’est pourquoi la réponse complète ne se
manifeste que 24-72 heures après l’injection. Les cytokines produites par les
cellules TH1 activées et leurs actions sont reprises dans la Fig. 13.30.
Des réactions très semblables sont observées dans plusieurs formes d’hyper-
sensibilité cutanée. Elles sont induites par des cellules T CD4+ ou des cellules T
CD8+ selon la voie par laquelle l’antigène a été apprêté. Les antigènes en cause
sont de petites molécules très réactives qui peuvent traverser la peau. En provo-
quant des démangeaisons et ainsi des lésions de grattage, elles facilitent ce pas-
sage. Ces molécules chimiques réagissent alors avec des protéines du soi et
forment un conjugué protéine-haptène dont l’apprêtement peut aboutir à des
complexes haptène-peptide qui se fixent aux molécules de CMH et sont alors
reconnus par les cellules T comme antigènes étrangers. Une réponse d’hyper-
sensibilité cutanée comprend deux phases, la sensibilisation et le déclenche-
ment. Au cours de la première, les cellules de Langerhans captent et apprêtent
l’antigène, puis migrent vers les ganglions lymphatiques locaux où elles activent
les cellules T (voir Fig. 8.13) et induisent ainsi la production de cellules T
mémoire qui gagnent le point d’entrée de l’haptène dans le derme. La phase de
déclenchement survient à la suite de contacts ultérieurs avec la même molécule
chimique ; l’antigène est présenté, dans le derme, aux cellules T mémoire , qui
libèrent alors des cytokines, comme l’IFN-γ et l’IL-17. Ce qui stimule la sécré- Dermatite de contact due au sumac
tion par les kératinocytes épidermiques de cytokines comme l’IL-1, l’IL-6, le vénéneux
TNF-α et le GM-CSF, la chimiokine CXCL8 et les chimiokines induites par l’in-
terféron CXCL11 (IP-9), CXCL10 (IP-10) et CXCL9 (MIG ; monokine induite par
l’IFN-γ). Ces cytokines et ces chimiokines aggravent l’inflammation en attirant
dans la lésion encore plus de cellules T ainsi que des monocytes, qui se trans-
forment localement en macrophages (Fig. 13.31). Puisque c’est par contact de la
peau avec les agents chimiques en cause que les lésions cutanées surviennent,
la réaction est appelée hypersensibilité de contact.
588 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité
L’agent sensibilisant pénètre dans Les cellules de Langerhans Les kératinocytes activés Les produits des kératinocytes
la peau et se lie à des protéines présentent les peptides du soi sécrètent des cytokines et des cellules TH1 activent les
du soi, qui sont captées par les porteurs de l’agent sensibilisant comme l’IL-1 et le TNF-𝛂 ainsi macrophages, qui sécrètent
cellules de Langerhans aux cellules TH1, qui sécrètent que des chimiokines comme des médiateurs inflammatoires
l’IFN-𝛄 et d’autres cytokines CXCL8, CXCL11 et CXCL9
TH1 NO
Fig. 13.31 Induction d’une réaction d’hypersensibilité de contact par haptènes aux cellules TH1 effectrices (qui ont déjà été activées dans les
un agent sensibilisant. L’agent sensibilisant est une petite molécule très ganglions lymphatiques et sont revenues dans la peau). Elles sécrètent
réactive qui pénètre facilement dans la peau. En se fixant de manière des cytokines comme l’IFN-γ qui stimulent la sécrétion de cytokines et de
covalente à de nombreuses protéines endogènes, elle se comporte chimiokines par les kératinocytes. Ces molécules vont alors attirer des
comme un haptène. Les conjugués sont captés et apprêtés par les monocytes et induire leur maturation en macrophages tissulaires activés,
cellules de Langerhans, qui sont les principales cellules présentatrices responsables des lésions inflammatoires décrites dans la Fig. 13.32.
d’antigène dans la peau. Ces cellules présentent les peptides portant les NO, oxyde nitrique.
Nous avons vu tout au long de cet ouvrage que la défense de l’hôte contre l’infection
dépend de la mobilisation par le système immunitaire de mécanismes effecteurs qui
limitent la propagation de l’infection et tuent l’agent infectieux. Dans ce chapitre,
nous avons vu comment des réponses inappropriées à des stimulus immunologi-
ques non infectieux peuvent provoquer des maladies aussi diverses que l’asthme et
l’hypersensibilité au nickel. Il existe un équilibre très délicat entre une réponse trop
faible de l’hôte à des stimulus infectieux, ce qui permet la propagation incontrôlée
de l’infection, et une réponse excessive, tuant non seulement l’agent infectieux mais
peut-être aussi l’hôte. Dans un petit nombre de maladies des mutations des gènes qui
contrôlent la vie, la mort et les activités des cellules inflammatoires sont associées à
de graves maladies inflammatoires. Ces syndromes sont la conséquence d’une inca-
Fig. 13.32 Vésicules cutanées sur la main
d’un patient atteint de dermatite de contact pacité à limiter les dommages causés par l’inflammation et la réponse immunitaire
au sumac vénéneux. Cliché de R. Geha. à l’infection et sont appelés maladies auto-inflammatoires (Fig. 13.33).
Les hypersensibilités 589
Le nom de fièvre méditerranéenne familiale (FMF) décrit bien les trois carac-
téristiques de cette grave maladie inflammatoire, héritée de manière autosomi-
que récessive. La pathogénie de la FMF était restée mystérieuse jusqu’à ce que
l’on découvre que des mutations du gène codant la protéine pyrine, appelée
ainsi du fait de son association à la fièvre, étaient en cause. Ce gène a également
été découvert par un deuxième groupe de chercheurs à peu près au même Syndromes héréditaires de fièvre
moment et nommé marenostrine, d’après le nom latin, mare nostrum, de la mer périodique
Méditerranée. Le terme pyrine est resté et a été étendu à la désignation d’un
domaine dans cette protéine qui est le prototype des domaines « pyrine » trou-
vés dans certaines protéines impliquées dans l’apoptose.
Une maladie avec des manifestations cliniques similaires est la fièvre hibernienne
familiale (FHF), également connue sous le nom de syndrome périodique associé
au récepteur du TNF (TRAPS, TNF-Receptor Associated Periodic Syndrome). Bien
que de transmission autosomique dominante, la maladie fut considérée comme
étant une variante de la FMF introduite en Irlande par les marins de l’Armada espa-
gnole, jusqu’à ce que la génétique ait montré qu’elle était causée par des mutations
dans un gène totalement différent, celui qui code le récepteur TNFR-1 (un récepteur
de TNF-α). Les patients ont des niveaux bas de TNFR-1, ce qui conduit à l’augmen-
tation des taux de TNF-α dans la circulation, car il n’est pas capté par les récepteurs.
La maladie répond à un blocage thérapeutique par des agents anti-TNF tels que
l’étanercept, récepteur soluble du TNF mis au point fortuitement pour traiter les
patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (voir la Section 15-8). Les deux affec-
tions, FHF et FMF, sont caractérisées par des épisodes de fortes poussées inflamma-
toires associées à de la fièvre, une réponse de phase aiguë, d’importants malaises et,
dans la FMF, des complications de pleurésie et de péritonite, inflammation respec-
tive de la plèvre et du péritoine. Des mutations dans le gène codant la protéine-1
liant CD2 (CD2BP1, CD2-Binding Protein-1), une protéine qui interagit avec la
pyrine, sont associées à un autre syndrome auto-inflammatoire héréditaire, auto-
somique dominant, le syndrome PAPA (Pyogenic sterile Arthritis, Pyoderma gangre-
nosum, Acne) ou arthrite purulente stérile — pyoderma gangrenosum — acné. Ces Fig. 13.33 Les maladies auto-
mutations amplifient l’interaction entre la pyrine et la CD2BP1. inflammatoires
Syndrome hyper-IgD (HIDS) Fièvre périodique, taux d’IgD élevé, lymphadénopathie Autosomique récessive MVK Mévalonate synthase
présence de la maladie de Crohn, environ 30 % des patients étant porteurs d’une
mutation perte de fonction de NOD2. Des mutations dans le même gène sont éga-
lement la cause d’une maladie granulomateuse héréditaire dominante, nommée
syndrome de Blau, dans laquelle des granulomes se développent dans la peau, les
yeux et les articulations. Alors que la maladie de Crohn serait due à une perte de
fonction de NOD2, on attribue le syndrome de Blau à un gain de fonction.
NOD2 sert de récepteur intracellulaire pour le muramyl dipeptide provenant du pep-
tidoglycan bactérien, sa stimulation aboutissant à l’activation du facteur de trans-
cription NFκB et à l’induction de gènes codant des cytokines pro-inflammatoires
(voir la Section 2-10). Cette réponse pro-inflammatoire serait importante pour l’éli-
mination des bactéries intestinales dont la présence conduirait sinon à une inflam-
mation chronique (voir la Section 11-11). Les formes mutantes de NOD2 ont perdu
cette fonction, et cela permettrait le développement de l’inflammation chronique.
Une complication supplémentaire est l’identification d’une déficience de l’immu-
nité innée chez les patients atteints de maladie de Crohn ; les bactéries pathogè-
nes sont difficilement éliminées à cause d’un défaut de production de CXCL8 et
donc du recrutement des neutrophiles. Cette déficience ne suffirait pas à entraîner
une pathologie intestinale, à moins qu’elle ne soit associée à un NOD2 défectueux,
la combinaison des deux défauts aboutissant à l’inflammation. Des déficiences de
l’immunité innée et de la régulation de l’inflammation agiraient donc en synergie
dans la pathogénie de la maladie de Crohn.
L’étude des maladies auto-inflammatoires a ouvert un nouveau champ d’investiga-
tions dans les sciences médicales ; il est probable que de nombreuses autres mala-
dies seront à leur tour reconnues comme dépendantes de gènes qui régulent les
réponses immunitaires innées et le contrôle de l’inflammation, ces gènes pouvant
différer à cause de leur polymorphisme ou de mutations. Une infection mineure ou
un stress physiologique sans conséquence néfaste chez la plupart des gens aurait
des effets dévastateurs chez quelques personnes génétiquement prédisposées. De
l’étude de ces maladies, on peut également conclure que la compréhension des
bases moléculaires des maladies permettra de les classer de manière plus logique.
Résumé.
Les hypersensibilités sont le reflet de mécanismes immunitaires normaux dirigés
contre des antigènes inoffensifs ou des stimulus inflammatoires. Elles sont indui-
tes par des IgG fixées aux membranes modifiées ou par des complexes d’anticorps
fixés à des antigènes faiblement catabolisés, comme dans la maladie sérique. Les
réactions d’hypersensibilité induites par les cellules T peuvent être activées par
des protéines du soi modifiées ou à la suite d’une injection de protéines comme
celles de la tuberculine. Ces réponses T nécessitent une phase d’induction durant
laquelle les molécules effectrices sont synthétisées. Elles se développent donc plus
lentement. C’est pourquoi on parle de réactions d’hypersensibilité retardée. Un
défaut génétique dans la régulation de l’inflammation est à l’origine de syndro-
mes auto-inflammatoires rares, tandis que la maladie de Crohn est associée à une
défectuosité dans le contrôle des bactéries intestinales commensales et donc à
une incapacité d’empêcher le développement d’une inflammation chronique.
Résumé du Chapitre 13.
Chez certaines personnes, les réponses immunitaires à des antigènes inoffensifs
suscitent des réactions allergiques ou d’hypersensibilité lors d’une exposition ulté-
rieure au même antigène. La majorité des allergies implique la production d’IgE
en réponse à des allergènes communs de l’environnement. Certaines personnes,
dites atopiques, sont intrinsèquement prédisposées à la production d’anticorps
IgE contre de nombreux allergènes. La réponse de type IgE est induite par des cel-
lules TH2 spécifiques de l’antigène. Cette orientation TH2 est liée à un mélange de
592 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité
Questions.
13.1 Énumérez trois hypersensibilités qui impliquent l’IgE et trois qui impliquent
d’autres mécanismes.
13.4 Quelles sont les caractéristiques principales qui différencient les réactions
allergiques aiguës et chroniques ?
13.7 Quels types de globules blancs participent aux réactions allergiques et que
font-ils ?
13.8 Décrivez comment un allergène alimentaire peut déclencher, lors de son ingestion,
une allergie cutanée sous forme d’urticaire.
Sprecher, E., Tesfaye-Kedjela, A., Ratajczak, P., Bergman, R., and Richard, G.:
Références générales. Deleterious mutations in SPINK5 in a patient with congenital ichthyosiform
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13-18 Une maladie systémique induite par la formation
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13-20 Des mutations dans les molécules régulatrices
de grandes quantités d’antigènes faiblement catabolisés.
de l’inflammation peuvent être à l’origine
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599
Auto-immunité
et transplantation 14
Diabète de type 1 Cellules T autoréactives contre Destruction des cellules β des îlots Voir cas divers
(diabète des antigènes des cellules pancréatiques conduisant à
insulinodépendant, DID) des îlots pancréatiques une production insuffisante d'insuline
Inactivation cellulaire
Anergie périphérique par une signalisation faible Tissu lymphoïde secondaire
sans costimulation
Les mécanismes de tolérance centrale, qui éliminent les lymphocytes très autoréac-
tifs, constituent le premier, et le plus important, point de contrôle de l’autotolérance
et sont décrits en détail au Chapitre 7. Sans eux, le système immunitaire serait forte-
ment autoréactif, et une auto-immunité fatale surviendrait certainement dès la nais- Régulation immunitaire
sance. Il est improbable que les autres mécanismes de tolérance plus tardifs soient
suffisants pour compenser l’échec de l’élimination des lymphocytes autoréactifs au
cours de leur développement. En effet, on ne connaît pas de maladies auto-immunes Auto-immunité
qui soient attribuables à une déficience complète de ces mécanismes de base, bien
que certaines soient associées à un échec partiel de la tolérance centrale.
L’autotolérance générée dans les organes lymphoïdes centraux est efficace, mais pen- Fig. 14.3 Conditions à remplir pour le
dant longtemps on a pensé que de nombreux antigènes du soi n’étaient pas exprimés développement d’une maladie auto-
dans le thymus ou dans la moelle osseuse et que les mécanismes périphériques immune. Chez des individus prédisposés
génétiquement, l’auto-immunité peut être
étaient les seuls moyens d’induire la tolérance à leur égard. On sait maintenant que déclenchée à la suite d’un échec d’un
de nombreux antigènes tissulaires spécifiques (pas tous), par exemple l’insuline, sont mécanisme de tolérance intrinsèque et / ou d’un
exprimés dans le thymus par une sous-population de cellules dendritiques, et donc stimulus environnemental, par exemple une
qu’une autotolérance centrale peut être générée contre ces antigènes. Comment ces infection.
gènes «périphériques» sont-ils activés de manière ectopique dans le thymus ?
L’énigme n’est pas encore entièrement résolue, mais un indice important a été trouvé.
Un facteur de transcription unique, AIRE (AutoImmune REgulator), est responsable
de l’activation de nombreux gènes périphériques dans le thymus (voir la Section 7-20).
Le gène AIRE est défectueux chez les patients avec une forme héréditaire rare d’auto-
immunité, APECED (Autoimmune PolyEndocrinopathy–Candidiasis–Ectodermal
Dystrophy, ou polyendocrinopathie auto-immune, candidose et dystrophie ectoder-
mique) qui conduit à la destruction de plusieurs tissus endocriniens, y compris les
îlots pancréatiques producteurs d’insuline. Cette maladie est également appelée
APS-1 (Autoimmune Polyglandular Syndrome-1 ou syndrome polyglandulaire auto-
immun). Les souris dont le gène AIRE a été inactivé ont le même syndrome, même si Polyendocrinopathie
elles ne semblent pas être sensibles à des infections fongiques comme la candidose. auto-immune, candidose
Plus important encore, ces souris n’expriment plus de nombreux gènes périphéri- et dystrophie ectodermique
ques dans le thymus. Ceci relie la protéine AIRE à l’expression de ces gènes et suggère
que l’incapacité de les exprimer dans le thymus aboutit à une maladie auto-immune
(Fig. 14.4). L’auto-immunité qui accompagne la déficience de AIRE met du temps à se
développer et n’affecte pas toujours tous les organes cibles potentiels. Donc, en plus
de souligner l’importance du la tolérance centrale, la maladie montre que d’autres
niveaux de contrôle de la tolérance jouent un rôle important.
14-4 Les lymphocytes qui lient des antigènes du soi avec une affinité
relativement faible les ignorent habituellement, mais dans certaines
circonstances ils sont activés.
Certains lymphocytes dotés d’une faible affinité pour des autoantigènes n’y répon-
dent pas, échappent complètement aux mécanismes de tolérance et peuvent être
considérés comme « ignorants » du soi (voir la Section 7.6). Ces cellules ignoran-
tes, mais autoréactives de manière latente, peuvent être entraînées dans des répon-
ses auto-immunes si le stimulus est suffisamment puissant. Un tel stimulus peut être
une infection. Des cellules T naïves de faible affinité envers un autoantigène ubiqui-
taire peuvent être activées si elles rencontrent une cellule dendritique activée pré-
sentant cet antigène et exprimant de puissants signaux de costimulation en raison de
l’infection.
Une situation particulière dans laquelle les lymphocytes ignorants peuvent être
activés se présente lorsque les autoantigènes sont aussi des ligands de récepteurs
de type Toll (TLR, Toll-Like Receptor). Ces récepteurs sont habituellement considé-
rés comme des récepteurs de reconnaissance des motifs moléculaires associés aux
pathogènes (voir la Section 2-7). Cependant, ces motifs ne sont pas exclusifs des
pathogènes et peuvent être trouvés parmi des molécules du soi. Par exemple, les
604 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
rétine
ovaires
Fig. 14.4 Le gène AIRE (AutoImmune Regulator) favorise l’expression en développement seront en mesure de reconnaître ces antigènes
de certains antigènes spécifiques de tissu dans les cellules spécifiques de tissu (deuxième panneau). Des peptides de ces protéines
médullaires du thymus, causant la délétion des thymocytes sont présentés aux thymocytes en développement, qui sont alors soumis
immatures pouvant réagir à ces antigènes. Bien que le thymus à une sélection négative dans le thymus (troisième panneau), entraînant
exprime beaucoup de gènes, et donc des protéines du soi, communs à la délétion de ces cellules. En l’absence de AIRE, cette délétion n’a pas
toutes les cellules, le mécanisme par lequel les antigènes spécifiques lieu, mais des thymocytes autoréactifs matures sont exportés vers la
de tissus spécialisés, comme la rétine ou de l’ovaire (premier panneau), périphérie (quatrième panneau), où ils peuvent causer des maladies
accèdent au thymus afin de permettre la sélection négative de thymocytes auto-immunes. En effet, des personnes et des souris qui n’expriment
immatures autoréactifs n’est pas évident. On sait maintenant qu’un gène pas AIRE développent un syndrome appelé APECED (Autoimmune
appelé AIRE favorise l’expression de nombreuses protéines spécifiques PolyEndocrinopathy–Candidiasis–Ectodermal Dystrophy).
de tissus dans des cellules médullaires du thymus. Certains thymocytes
séquences CpG non méthylées dans l’ADN, qui sont reconnues par TLR-9, consti-
tuent ce type d’autoantigène potentiel. Le CpG non méthylé est normalement beau-
coup plus fréquent dans l’ADN bactérien que dans l’ADN de mammifères, mais il est
enrichi dans les cellules de mammifères en cours d’apoptose. Dans un scénario où de
nombreuses cellules meurent alors que l’élimination des fragments apoptotiques est
insuffisante (peut-être en raison de l’infection), les cellules B spécifiques des compo-
sants de la chromatine peuvent internaliser les séquences CpG par l’intermédiaire de
leurs récepteurs de cellule B. Ces séquences rencontrent aussi leur récepteur intra-
cellulaire, TLR-9, ce qui déclenche un signal costimulateur ; celui-ci, de concert avec
le signal venant du récepteur de cellule B, active la cellule B anti-chromatine, préala-
blement ignorante (Fig. 14.5). Les cellules B activées de cette façon se mettent à pro-
duire des autoanticorps anti-chromatine ; elles peuvent aussi agir en tant que cellules
présentatrices d’antigènes aux cellules T autoréactives. On a montré que des comple-
xes ribonucléoprotéiques contenant de l’ARN riche en uridine activaient de manière
similaire des lymphocytes B naïfs à la suite de la liaison de l’ARN à TLR-7 ou TLR‑8.
Ces mécanismes expliqueraient comment les cellules B se mettent à produire des
autoanticorps dirigés contre l’ADN, des protéines de la chromatine et des ribonucléo-
protéines au cours de la maladie auto-immune, le lupus érythémateux disséminé
(LED). Ces observations remettent en question la notion qui veut que les récepteurs
de type Toll seraient totalement fiables dans leur capacité de distinguer le soi du non
soi ; leur rôle proposé dans l’auto-immunité a été appelé « l’hypothèse Toll ».
Un autre mécanisme par lequel les lymphocytes ignorants peuvent entrer en action
est une modification de disponibilité ou de forme d’un autoantigène. Certains anti-
gènes intracellulaires ne sont normalement pas rencontrés par les lymphocytes, mais
ils peuvent être libérés à la suite de la mort ou d’une inflammation massive d’un
tissu. Ces antigènes peuvent alors activer des cellules T et B jusqu’alors ignorantes et
induire des réactions auto-immunes. Cela peut survenir après un infarctus du myo-
carde, quand une réaction auto-immune se développe quelques jours après la libé-
ration d’antigènes cardiaques. Ces réactions sont typiquement transitoires et cessent
lorsque les autoantigènes ont été éliminés ; cependant, ils peuvent continuer à causer
une maladie auto-immune lorsque les mécanismes d’élimination sont insuffisants
ou génétiquement déficients.
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 605
Polyarthrite rhumatoïde
14-5 Des antigènes dans des sites immunologiquement privilégiés
n’induisent pas de réponse immunitaire, mais peuvent servir de cibles.
Les tissus greffés dans certains sites du corps ne déclenchent pas de réponse immu-
nitaire. Par exemple, le cerveau et la chambre antérieure de l’œil sont des sites dans
lesquels des tissus peuvent être greffés sans provoquer de rejet. C’est pourquoi, on
dit que ce sont des sites immunologiquement privilégiés (Fig. 14.7). À l’origine, on
croyait que ce privilège tenait à l’incapacité des antigènes de quitter les sites privilé-
giés et de déclencher une réponse immunitaire. Cependant, des études ultérieures
ont montré que les antigènes quittaient bel et bien les sites privilégiés et qu’ils inte-
ragissaient avec les cellules T. Mais, au lieu de provoquer une réponse immunitaire
destructrice, les antigènes déclenchent la tolérance ou une réponse qui n’est pas des-
tructrice pour le tissu.
Les sites privilégiés paraissent inhabituels sur trois points. Premièrement, la commu-
nication entre le site privilégié et l’organisme est atypique dans le sens où le liquide
extracellulaire dans ces sites ne passe pas par les vaisseaux lymphatiques habituels.
Cependant, les protéines introduites dans ces sites les quittent et peuvent avoir des
effets immunologiques. Les sites privilégiés sont en général entourés par des barrières
tissulaires qui excluent les lymphocytes naïfs. Le cerveau par exemple est protégé par
606 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Testicule 14-6 Des cellules T autoréactives qui expriment des cytokines particulières
peuvent être non pathogènes ou supprimer des lymphocytes
Utérus (fœtus) pathogènes.
Bajoue du hamster Nous avons appris au Chapitre 8 que, durant le cours normal de la réponse immuni-
taire, les cellules T CD4 peuvent se différencier en divers types de cellules effectrices,
à savoir TH1 et TH2. Les cellules TH1 et TH2 sécrètent différentes cytokines : interfé-
Fig. 14.7 Certains sites sont ron (IFN)-γ et facteur de nécrose tumorale (TNF)-α pour les TH1, et l’interleukine
immunologiquement privilégiés. Des (IL)-4, IL-5, IL-10 et IL-13 pour les TH2. Celles-ci exercent des effets différents sur
greffons tissulaires placés dans ces sites
peuvent souvent y survivre indéfiniment, et des les cellules présentatrices d’antigène, les cellules B et sur l’élimination des pathogè-
antigènes introduits dans ces sites n’induisent nes. Un paradigme semblable s’applique à l’auto-immunité. En particulier, certai-
pas de réponses immunitaires destructrices. nes maladies auto-immunes dépendant des cellules T comme le diabète de type 1,
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 607
Des cellules autoréactives qui ont échappé aux mécanismes induisant la tolérance
décrits précédemment peuvent encore être régulées de telle manière qu’elles ne cau-
sent pas de maladie. Cette régulation se présente sous deux formes : la première est
extrinsèque, provenant de cellules T régulatrices spécifiques qui exercent des effets
sur les cellules T activées et sur les cellules présentatrices d’antigène. Le deuxième est
intrinsèque et agit en limitant l’intensité et la durée des réponses immunitaires qui Syndrome IPEX
sont programmées dans les lymphocytes eux-mêmes. Nous allons d’abord examiner
le rôle des cellules T régulatrices, qui ont été introduites au Chapitre 8.
La tolérance due aux lymphocytes régulateurs se distingue des autres formes d’autoto-
lérance par le fait que les cellules T régulatrices ont la possibilité de supprimer l’auto-
réactivité de lymphocytes spécifiques d’antigènes différents de ceux reconnus par les
cellules T régulatrices. Cette forme de tolérance est appelée tolérance par régula-
tion, suppression immunitaire dominante ou tolérance infectieuse. La principale
caractéristique de la tolérance par régulation est qu’elle peut supprimer des lympho-
cytes autoréactifs qui reconnaissent divers autoantigènes, tant que les antigènes sont
tous sur le même tissu ou sont présentés par les mêmes cellules présentatrices d’an-
tigène (Fig. 14.9). On considère que les cellules T régulatrices comme étant des cellu-
les T modérément autoréactives qui ont échappé à la délétion dans le thymus et qui,
lorsqu’elles sont activées par des autoantigènes, ne se différencient pas en cellules
Un traumatisme à un œil Les cellules T effectrices Fig. 14.8 Des lésions causées dans un
entraîne la libération retournent dans la circulation site privilégié peuvent déclencher une
des antigènes et rencontrent l’antigène réaction auto-immune. Dans l’ophtalmie
protéiques intraoculaires dans les deux yeux sympathique, un traumatisme oculaire libère
dans les tissus voisins des antigènes qui
normalement sont séquestrés dans l’œil et qui
deviennent ainsi accessibles aux cellules T. Les
Les antigènes intraoculaires cellules effectrices qui sont produites attaquent
libérés sont transportés l’œil traumatisé, mais infiltrent et attaquent
dans les ganglions également l’œil sain. Ainsi, bien que les
et activent les cellules T antigènes emprisonnés ne déclenchent pas une
réponse par eux-mêmes, si une réponse est
déclenchée ailleurs, ils peuvent servir de cibles.
608 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Fig. 14.9 Une tolérance récessive s’établit présentatrice–antigène (APC) et s’ils sont
Tolérance par délétion (récessive) lorsque des cellules T autoréactives sont activés (en haut à droite). Un mécanisme qui
éliminées, alors qu’une forme dominante supprime cette autoréactivité potentiellement
Des cellules T En périphérie de tolérance assurée par des cellules T dangereuse est appelée tolérance régulatrice
autoréactives sont de telles cellules T régulatrices peut inhiber de multiples (panneaux inférieurs). Elle dépend de
éliminées dans le thymus. cellules T autoréactives qui toutes cellules T régulatrices (Treg) spécialisées qui
Occasionnellement, une autoréactives
cellule T autoréactive peut échappées reconnaissent le même tissu. Comme se développent dans le thymus en réponse
échapper à la délétion peuvent être activées nous l’avons vu précédemment, l’un des à une stimulation par un autoantigène, trop
principaux mécanismes d’autotolérance faible pour causer une délétion mais suffisante
est la délétion des cellules T autoréactives pour une sélection positive (en bas à gauche).
dans le thymus par des cellules dendritiques Ces cellules migrent vers la périphérie où, si
thymiques qui expriment des autoantigènes elles rencontrent leur autoantigène (en bas à
(en haut à gauche). Cependant, certaines droite) sur une cellule présentatrice d’antigène,
cellules autoréactives peuvent ne pas être elles sécrètent des cytokines comme l’IL-10
éliminées parce que leur autoantigène et le TGF-β qui inhibent toutes les cellules T
spécifique n’est pas disponible sur la cellule autoréactives voisines, indépendamment de
assurant la délétion (en haut à gauche, leur spécificité autoantigénique. Il s’agit d’une
en turquoise). Ces lymphocytes T peuvent forme dominante de tolérance en ce sens
APC causer des dommages à la périphérie s’ils qu’une seule cellule peut en réguler plusieurs
rencontrent leurs autoantigènes sur une cellule autres.
Une maladie inflammatoire La maladie peut être traitée par le Après avoir résolu l'inflammation, des
transfert de cellules Treg CD4 CD25 Des cellules Treg CD4 CD25 prolifèrent
intestinale et une colite sont cellules Treg CD4 CD25 restent groupées
arrivant dans les ganglions et inhibent les cellules T effectrices
causées par des cellules T avec des cellules dendritiques et les
mésentériques et le côlon pathogènes
autoréactives dans la lamina propria lymphocytes T effecteurs pathogènes
L’administration orale de grandes quantités d’autoantigène à des animaux peut par- Fig. 14.10 Des cellules T
fois conduire à l’absence de réaction à ces antigènes lorsqu’ils sont administrés par régulatrices CD4 CD25 inhibent la colite en
migrant dans le côlon et dans les ganglions
d’autres voies, et peut prévenir des maladies auto-immunes. Cette tolérance orale
mésentériques, où elles interagissent avec
(voir la Section 11-13) est accompagnée de la formation ou de l’expansion de cellu- des cellules dendritiques et T effectrices.
les TH3, qui pourraient jouer un rôle dans ce mécanisme. Des cellules T naïves qui contiennent certains
clones autoréactifs (premier panneau,
On a constaté que presque tous les types de lymphocytes pouvaient exercer une acti- cellules roses) déclenchent la colite lors de
vité régulatrice dans certaines circonstances. Même les cellules B peuvent réguler des leur transfert à des souris déficientes en
syndromes auto-immuns induits expérimentalement, entre autres l’arthrite induite cellules T. La population naïve est dépourvue
par le collagène (CIA, Collagen-Induced Arthritis) et l’EAE chez la souris. Cette acti- de cellules Treg CD4 CD25, mais si celles-ci
sont transférées avec les cellules T naïves
vité régulatrice est probablement assurée de la même manière que celle des cellules T (deuxième panneau ; les cellules bleues
régulatrices CD4, par la sécrétion de cytokines qui inhibent la prolifération des cellu- sont des cellules Treg), la colite est bloquée.
les T et la différenciation des cellules TH1, d’une importance particulière. Les cellules Le mécanisme de blocage comprend la
dendritiques immatures induisent la différenciation des cellules T régulatrices, ce qui migration des cellules Treg dans les ganglions
contribue au maintien de la tolérance en absence d’infection. mésentériques (non représentés) et plus
tard dans la lamina propria du côlon. Les
En plus de la régulation extrinsèque des lymphocytes T et B autoréactifs par des cel- cellules Treg prolifèrent et sécrètent des
cytokines régulatrices (troisième panneau),
lules régulatrices, les lymphocytes ont des mécanismes intrinsèques qui limitent leur
notamment l’IL-10, qui est essentielle, et
prolifération et leur survie, ce qui peut contribuer à limiter les réponses auto-immu- interagissent avec les cellules dendritiques
nes ainsi que les réponses immunitaires normales (voir la Section 10-12). On en trouve et T autoréactives, atténuant l’activation
l’illustration dans les effets de mutations affectant le contrôle des voies de l’apoptose, (indiqué par la plus petite taille des cellules
comme la voie de Bcl-2 ou la voie de Fas (voir la Section 6-25). Comme nous le ver- roses) et finalement l’inflammation. Une fois
que l’inflammation a disparu, les cellules T
rons plus loin dans ce chapitre, ces mutations sont responsables d’une auto-immunité régulatrices restent dans la lamina propria
spontanée. Ce type d’auto-immunité fournit la preuve que des cellules autoréactives (quatrième panneau). Inspiré d’une figure de
sont générées normalement, mais sont ensuite contrôlées par apoptose. C’est évidem- F. Powrie.
ment un mécanisme important pour la tolérance des cellules T et B.
Résumé.
La discrimination entre le soi et le non soi est imparfaite, en partie en raison de son
caractère indirect et en partie parce qu’un juste équilibre doit être trouvé entre la pré-
vention de la maladie auto-immune et la préservation de la compétence immuni-
taire. Des lymphocytes autoréactifs existent toujours dans le répertoire immunitaire
610 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
naturel, mais ne sont pas souvent activés. Dans une maladie auto-immune, cepen-
dant, ces cellules sont activées par des autoantigènes spécifiques. Si l’activation per-
siste, des fonctions effectrices identiques à celles obtenues en réponse à des agents
pathogènes sont déclenchées et provoquent la maladie. Le système immunitaire
dispose d’un ensemble remarquable de mécanismes qui interviennent dans la pré-
vention des maladies auto-immunes (voir la Fig. 14.2). Cette action collective signi-
fie que chaque mécanisme ne doit pas nécessairement fonctionner parfaitement
ni ne s’applique à toutes les cellules autoréactives. L’ auto-tolérance commence au
cours du développement lymphocytaire, lorsque des cellules T autoréactives dans
le thymus et des cellules B dans la moelle osseuse sont éliminées. Des mécanismes
de tolérance périphérique, comme l’anergie et la délétion, complètent ces mécanis-
mes de tolérance centrale pour des antigènes qui ne sont pas exprimées dans les
organes centraux. Des lymphocytes faiblement autoréactifs ne sont pas éliminés à
ce stade ; des mécanismes de tolérance qui élimineraient des cellules faiblement
autoréactives réduiraient trop drastiquement le répertoire immunitaire, entraînant
une altération des réactions aux pathogènes. Au lieu de cela, les cellules faiblement
autoréactives ne sont supprimées que si elles sont activées, les mécanismes régu-
lateurs étant les cellules T régulatrices et la modulation immunitaire, c’est-à-dire la
différenciation des cellules T en TH2, productrices de cytokines non inflammatoires.
Un type important de cellules T régulatrices exprime CD4 et CD25, et, en absence
de ces cellules, une auto-immunité grave se développe. On se demande encore ce
qui active les cellules T régulatrices, mais les cellules CD4 CD25 sont elles-mêmes
autoréactives, bien que non pathogènes. Les cellules T régulatrices peuvent inhiber
divers lymphocytes autoréactifs, pour autant que les cellules régulatrices interagis-
sent avec des autoantigènes situés dans le voisinage des autoantigènes auxquels les
lymphocytes autoréactifs répondent. Ceci permet aux cellules régulatrices de rejoin-
dre et de supprimer les foyers inflammatoires auto-immuns. Un dernier mécanisme
qui contrôle l’auto-immunité est la tendance naturelle de la réponse immunitaire à
s’autolimiter : des programmes intrinsèques dans les lymphocytes activés les prédis-
posent à l’apoptose. Les lymphocytes activés acquièrent également une sensibilité à
des signaux inducteurs d’apoptose, tels que ceux venant de Fas.
des bactéries (voir Appendice I, Section A-4). Cela montre que l’auto-immunité
peut être déclenchée directement lorsque l’on induit une réponse immunitaire
adaptative spécifique des antigènes du soi. De tels systèmes expérimentaux illus-
trent l’importance d’une activation de certains composants du système immuni-
taire, essentiellement les cellules dendritiques, par les bactéries présentes dans
l’adjuvant. L’utilisation de tels modèles animaux pour l’étude de l’auto-immunité
a cependant des inconvénients. Chez l’homme et les animaux prédisposés généti-
quement aux maladies auto-immunes, l’auto-immunité apparaît généralement de
façon spontanée ; ce qui signifie que nous ne savons pas quels événements amor-
cent la réponse immunitaire qui conduit à la maladie auto-immune. En étudiant
le profil des autoanticorps et aussi les tissus particuliers touchés, il a été possi-
ble d’identifier certains des autoantigènes qui sont les cibles de la maladie auto-
immune, mais il reste à prouver que la réponse immunitaire a été déclenchée en
réponse à ces antigènes. Dans des modèles animaux, et dans une moindre mesure
chez l’homme, il a été parfois possible d’identifier des protéines du soi qui sensibi-
lisent des cellules T autoréactives.
Certaines affections auto-immunes peuvent être déclenchées par des agents infec-
tieux dont les épitopes sont communs à certains autoantigènes et qui sensibilisent
le patient contre ceux-ci. Cependant, des modèles animaux d’auto-immunité ont
démontré que de nombreuses affections auto-immunes surviennent à cause d’un
dérèglement interne du système immunitaire sans intervention d’agents infectieux. Maladies auto-immunes spécifiques d’organe
14-9 Les maladies auto-immunes peuvent être classées selon la spécificité Diabète de type I
de la réaction, qui peut être systémique ou limitée à un organe.
Syndrome de Goodpasture
La classification des maladies est une science incertaine, tout particulièrement en
l’absence d’une compréhension précise des mécanismes en cause. Cela est bien Sclérose en plaques
illustré dans la difficulté de classer les maladies auto-immunes. D’un point de vue
clinique, il est utile de les répartir en deux types principaux : celles dans lesquelles le Maladie de Graves
processus auto-immun ne vise que des organes particuliers et que l’on qualifie donc Thyroïde d’Hashimoto
de « spécifiques d’organe », et celles dans lesquelles de nombreux tissus sont tou- Anémie pernicieuse auto-immune
Maladie d’Addison
chés et que l’on dit « systémiques ». Les maladies auto-immunes systémiques tou- Vitiligo
chent plusieurs organes et ont tendance à devenir chroniques car les autoantigènes Myasthénie
ne peuvent jamais être éliminés. Certaines maladies auto-immunes semblent être
dominées par des effets pathogènes d’une voie immunitaire effectrice particulière,
soit des autoanticorps ou des cellules T autoréactives activées. Cependant, ces deux Maladies auto-immunes systémiques
voies contribuent souvent à la pathogénie générale de la maladie auto-immune.
Arthrite rhumatoïde
Dans les maladies spécifiques d’organe, des autoantigènes d’un ou plusieurs orga-
nes seulement sont la cible, et la maladie est dès lors limitée à ces organes.
Sclérodermie
La thyroïdite d’Hashimoto et la maladie de Graves, les deux touchant de manière
prédominante la glande thyroïde, et le diabète de type I, qui est causé par une atta- Lupus érythémateux disséminé
que immunitaire sur les cellules β pancréatiques productrices d’insuline, sont des Syndrome primaire de Sjögren
exemples de maladies auto-immunes spécifiques d’organe. Le lupus érythéma- Polymyosite
teux disséminé (LED) et le syndrome primaire de Sjögren sont des exemples de
maladies auto-immunes systémiques dans lesquelles des tissus aussi divers que la
Fig. 14.11 Maladies auto-immunes
peau, les reins et le cerveau peuvent être affectés (Fig. 14.11). courantes classées selon leur spécificité :
limitée à un organe ou systémique.
Les autoantigènes impliqués dans ces deux catégories de maladie peuvent aussi être Les maladies qui ont tendance à survenir
classés comme spécifiques d’organe ou systémiques. Ainsi, la maladie de Graves se ensemble sont groupées dans une même
caractérise par la production d’anticorps dirigés contre le récepteur de la thyréosti- case. On dit que des maladies ont tendance à
muline (TSH), spécifique de la glande thyroïde ; la thyroïdite d’Hashimoto par des survenir ensemble lorsque plusieurs maladies
affectent un même patient ou différents
anticorps dirigés contre la peroxydase thyroïdienne ; et le diabète de type I par des membres d’une famille. Toutes les maladies
anticorps anti-insuline. Par contre, le LED se caractérise par la présence d’anticorps auto-immunes ne peuvent pas être classées
contre des antigènes ubiquitaires et abondants dans chaque cellule de l’organisme, selon ce procédé. Par exemple, l’anémie
hémolytique autoimmune peut survenir seule
comme la chromatine et les protéines de la machinerie d’épissage des pré-ARNm, ou en association avec le lupus érythémateux
c’est-à-dire le complexe de la particule d’épisssage ou spliceosome. disséminé (LED).
612 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Fig. 14.12 Identification, chez des patients de produire des anticorps, les mêmes patients
atteints de myasthénie, des autoanticorps doivent également avoir des cellules T CD4
qui peuvent transférer la maladie. Les qui répondent à un peptide dérivé du récepteur
La maladie peut être autoanticorps du sérum de patients atteints de de l’acétylcholine. Pour leur détection, les
transférée par myasthénie immunoprécipitent le récepteur de cellules T des patients atteints de myasthénie
injection des anticorps l’acétylcholine provenant de lysats cellulaires sont isolées. On les fait pousser en présence
à un animal des muscles squelettiques (panneaux de du récepteur de l’acétylcholine et de cellules
droite). Puisqu’ils peuvent se lier aussi bien au présentant des antigènes de CMH adéquat
récepteur de souris qu’à celui de l’homme, ils (panneaux de gauche). Les cellules T
peuvent transférer la maladie lorsqu’ils sont spécifiques des épitopes du récepteur de
injectés aux souris (panneau du bas). Cette l’acétylcholine étant stimulées se mettent à
expérience démontre que les anticorps sont proliférer, ce qui permet leur détection.
pathogènes. Cependant, pour être capables
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 613
IFN-γ TNF-α
TH1
paralysie paralysie
Fig. 14.13 Les cellules T spécifiques de la protéine basique de la est la protéine basique de la myéline (MBP). L’immunisation avec la
myéline sont responsables de l’inflammation du cerveau dans MBP seule en présence d’adjuvant complet de Freund peut également
l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE). Cette maladie provoquer ces symptômes de la maladie. L’inflammation du cerveau et
est induite chez des animaux de laboratoire par injection de moelle la paralysie sont déclenchées par les cellules TH1 et TH17 spécifiques
épinière homogénéisée dans de l’adjuvant complet de Freund. L’EAE de la MBP. Des clones de cellules TH1 spécifiques de la MBP peuvent
est due à une réaction inflammatoire dans le cerveau qui provoque une transférer les symptômes de l’EAE à des receveurs naïfs dans la mesure
paralysie progressive touchant en premier lieu la queue et l’arrière- où les receveurs sont porteurs de l’allèle du CMH qui convient. Dans ce
train (comme on le voit pour la souris de gauche sur la photographie, système, on a donc pu identifier le complexe peptide:CMH reconnu par
en comparaison avec une souris saine à droite) avant de progresser les clones TH1 qui transfèrent la maladie. D’autres composants purifiés
jusqu’à la paralysie des membres avant et finalement jusqu’à la mort. de la gaine de myéline peuvent également provoquer les symptômes de
L’un des autoantigènes identifiés dans l’homogénat de moelle épinière l’EAE. Il y a donc plus d’un autoantigène dans cette maladie.
Fig. 14.15 Suite au transfert transplacentaire d’anticorps, les enfants de dommages durables car les symptômes disparaissent en même temps
de mères atteintes de maladies auto-immunes dépendantes des que les anticorps maternels. Dans la maladie de Graves, les symptômes
anticorps peuvent souffrir du même syndrome. Chez les femmes sont provoqués par les anticorps contre le récepteur de la thyréostimuline
enceintes, les anticorps de classe IgG traversent le placenta et (TSH). Les enfants des mères produisant les anticorps qui stimulent la
s’accumulent chez le fœtus (voir Fig. 9.22). Les enfants nés de mères thyroïde naissent avec une hyperthyroïdie, mais on peut corriger celle-ci
atteintes d’une maladie auto-immune causée par des IgG ont donc en remplaçant le plasma par du plasma normal (plasmaphérèse), ce qui
fréquemment des symptômes similaires à ceux de la mère dans les permet d’éliminer les anticorps maternels.
quelques premières semaines de leur vie. Heureusement, il n’y a que peu
eu un temps suffisant pour provoquer des lésions chroniques comme les domma-
ges causés au tissu conducteur du cœur chez les enfants de mères atteinte de SLE
ou du syndrome de Sjögren. L’élimination des anticorps peut être accélérée par
échange du sang ou du plasma de l’enfant (plasmaphérèse), bien que ce ne soit pas
utile après une lésion permanente, comme dans un bloc cardiaque congénital.
Bien que ces maladies soient des exemples clairs qu’une fonction effectrice parti-
culière, une fois établie, peut causer des maladies, l’idée que la plupart des mala-
dies auto-immunes soient causées uniquement par une seule voie effectrice du
système immunitaire est trop simpliste. Il est plus pertinent de considérer que les
réponses auto-immunes, à l’instar des réponses immunitaires aux agents patho-
gènes, mobilisent l’ensemble du système immunitaire et donc en général les cel-
lules T, les cellules B et les cellules dendritiques. Par exemple, chez la souris NOD
(Non Obese Diabetic, diabétique non obèse), un modèle de diabète de type 1, la
maladie généralement considérée comme dépendant des cellules T, requiert au
début des cellules B. Dans ce cas, les cellules B fonctionnent probablement comme
cellules présentatrices d’antigènes essentielles pour les cellules T, bien que les
détails exacts ne soient pas connus. La Fig. 14.16 reprend une sélection de mala-
dies auto-immunes avec les différents modes d’intervention pathogénique du sys-
tème immunitaire.
Fig. 14.16 Tous les modes d’action du
système immunitaire interviennent dans la
pathogénie des maladies auto-immunes.
Bien que l’on ait pensé traditionnellement que
Tous les modes d’action du système immunitaire interviennent dans les maladies auto-immunes
certaines maladies auto-immunes dépendaient
soit des cellules B soit cellules T, il convient Maladie Cellules T Cellules B Anticorps
de considérer que, généralement, tous les
modes d’action du système immunitaire Pathogéniques Présentent l’antigène
interviennent. Pour quatre maladies auto- Lupus érythémateux disséminé Auxiliaires aux cellules T Pathogéniques
immunes importantes, le tableau donne la des cellules B
liste des rôles des cellules T, cellules B et des
anticorps. Dans certaines maladies, comme le Présentent l’antigène Présents, mais
Diabète de type 1 Pathogéniques aux cellules T rôle incertain
lupus érythémateux disséminé, les cellules T
peuvent jouer plusieurs rôles, comme aider
les cellules B à produire des autoanticorps et Auxiliaires
Myasthénie Sécrétion d’anticorps Pathogéniques
provoquer directement des lésions tissulaires, des cellules B
alors que les cellules B peut aussi exercer
deux activités : présenter des autoantigènes Présentent l’antigène Présents, mais
Sclérose en plaques Pathogéniques aux cellules T rôle incertain
pour stimuler les cellules T sécréter des
autoanticorps.
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 615
Les cellules B se différencient en Dans site agressé, des anticorps Plus de cellules B captent
Une cellule B circulante capte La cellule B est activée spécifiques d’autoantigènes
plasmocytes, qui sécrètent de des autoantigènes
des autoantigènes libérés par par une cellule T spécifique déclenchent une réaction
grandes quantités d’anticorps inflammatoire, causant et amplifient ainsi le cycle
des cellules endommagées d’un peptide du soi
spécifiques d’autoantigènes davantage de lésions d’agression tissulaire
616 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Cellule B
et ingèrent leurs antigènes spécifiques reconnus par les anticorps leur servant de
récepteurs. Mais, ce faisant, ils peuvent également internaliser d’autres molécules
associées à l’antigène spécifique. Les cellules B peuvent alors agir en tant que cellu-
les présentatrices d’antigènes pour des peptides dérivés de protéines différentes de
l’autoantigène original qui pourrait avoir lancé la réaction auto-immune.
Lupus érythémateux disséminé Les autoanticorps produits dans le LED amorce ce mécanisme d’extension épito-
pique et antigénique. Dans cette maladie, les autoanticorps sont dirigés à la fois
contre des composants protéiques et l’ADN de la chromatine. La Fig. 14.18 montre
comment des cellules B autoréactives spécifiques de l’ADN permettent de recru-
ter, dans la réaction auto-immune, des cellules T autoréactives spécifiques des
histones, des composants protéiques de la chromatine. À leur tour, ces cellules T
fournissent de l’aide non seulement aux cellules B originales spécifiques de l’ADN,
mais aussi aux cellules B spécifiques des histones, ce qui aboutit à la production
d’anticorps anti-ADN et anti-histones.
Une maladie auto-immune dans laquelle l’extension épitopique est liée à la progres-
Pemphigus vulgaire sion de la maladie est le pemphigus vulgaire, qui est caractérisé par la formation de
bulles dans la peau et les muqueuses. Elle est causée par des autoanticorps contre la
desmogléine, un type de cadhérine constituant les jonctions intercellulaires (des-
mosomes) assurant l’intégrité de l’épiderme. La liaison des autoanticorps aux domai-
nes extracellulaires de ces molécules d’adhérence cause la dissociation des jonctions
et la dégradation du tissu concerné. Le pemphigus vulgaire commence habituelle-
ment par des lésions de la muqueuse buccale et des organes génitaux, et s’étend plus
tard à la peau. Au stade des muqueuses, les autoanticorps ne reconnaissent que cer-
tains épitopes de la desmogléine Dsg-3, et ces anticorps semblent incapables de
faire apparaître les bulles cutanées. L’extension de la maladie à la peau est associée à
la fois à une extension épitopique au sein de la DSG-3, les nouveaux autoanticorps
pouvant provoquer d’importantes bulles cutanées, et à l’extension épitopique
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 617
atteignant une autre desmogléine, la DSG-1, qui est plus abondante dans l’épiderme.
La DSG-1 est aussi l’autoantigène dans une variante moins sévère de la maladie, le
pemphigus foliacé. Dans cette maladie, les autoanticorps d’abord produits contre la
DSG-1 ne causent pas de dommages ; la maladie n’apparaît qu’après que des auto-
anticorps aient été produits contre des épitopes localisés dans les parties de la pro-
téine impliquées dans l’adhérence des cellules de l’épiderme.
14-12 Les anticorps et les cellules T effectrices peuvent causer des lésions
tissulaires au cours des maladies auto-immunes.
Les manifestations d’une maladie auto-immune sont causées par des mécanismes
effecteurs du système immunitaire dirigés contre des tissus autologues. Comme
nous l’avons vu, la réponse est habituellement amplifiée et entretenue par l’ap-
port constant de nouveaux autoantigènes. Une importante exception à cette règle
générale est le diabète de type I ; la réaction auto-immune détruit complètement
l’organe cible, ce qui rend impossible la production d’insuline, l’un des principaux
autoantigènes dans cette maladie et c’est le manque d’insuline qui est responsable
des symptômes de la maladie.
Les mécanismes de lésion tissulaire dans l’auto-immunité peuvent être classés selon
le schéma adopté pour les réactions d’hypersensibilité (voir Fig. 14.19 ; voir aussi
Fig. 13.1). Il faut souligner, cependant, que des cellules B et T sont impliquées dans
toutes les maladies auto-immunes, même dans les cas où un type particulier de
réponse prédomine. L’antigène, ou le groupe d’antigènes, contre lequel la réponse
auto-immune est dirigée, et le mécanisme par lequel le tissu exprimant l’antigène est
endommagé, détermine à la fois la pathogénie et l’expression clinique de la maladie
Les maladies auto-immunes diffèrent des réponses d’hypersensibilité par le fait que les
réactions dépendantes de l’IgE, dites de type I, ne semblent pas jouer un rôle majeur.
Par contre, l’auto-immunité provoque fréquemment des lésions tissulaires par des
mécanismes analogues aux réactions d’hypersensibilité de type II. Dans cette forme
d’auto-immunité, les interactions des IgG ou IgM avec les autoantigènes localisés à la
surface cellulaire ou sur la matrice extracellulaire provoquent les lésions. Dans d’autres
cas d’auto-immunité, les lésions tissulaires peuvent être causées par des réponses de
type III induites par des complexes immuns contenant des autoanticorps dirigés contre
des autoantigènes solubles ; ces maladies auto-immunes sont systémiques et caracté-
risées par une vasculite (inflammation des vaisseaux sanguins) auto-immune. Dans le
LED, des autoanticorps causent des lésions par les mécanismes de type II et de type III.
Finalement, dans plusieurs maladies auto-immunes spécifiques d’organe, les cellu-
les TH1 et / ou les cellules T cytotoxiques sont les responsables directs des lésions. Dans
la plupart des maladies auto-immunes, plusieurs mécanismes de pathogénie immu-
nitaire opèrent. Notamment, les cellules T auxiliaires sont presque toujours nécessai-
res pour la production des autoanticorps pathogènes. Réciproquement, les cellules B
jouent souvent un rôle important dans l’activation maximale des cellules T qui provo-
quent les lésions ou renforcent la production d’autoanticorps (voir la Section 14-10).
Dans le diabète de type I et la polyarthrite rhumatoïde, par exemple, qui sont clas-
sées comme maladies dépendantes des cellules T, les mécanismes reposant tant sur
les cellules T que sur les anticorps contribuent aux lésions tissulaires. Le LED est un
exemple de maladie auto-immune que l’on croyait être due aux anticorps et aux com-
plexes immuns, mais l’on sait à présent qu’elle dépend aussi en partie de cellules T.
Nous allons d’abord examiner comment les autoanticorps provoquent des lésions tis-
sulaires, avant de terminer par la description des réponses autoréactives des cellules T
et leur rôle dans les maladies auto-immunes.
immune en est un exemple. Les anticorps contre des autoantigènes sur les globules
rouges provoquent la destruction de ces cellules, ce qui conduit à une anémie. Cela
peut se produire de deux façons différentes (Fig. 14.20). Les globules rouges portant
un anticorps de classe IgG ou IgM sont rapidement éliminés de la circulation par
Anémie hémolytique auto-immune l’interaction avec des récepteurs de Fc ou des récepteurs du complément présents
sur des cellules du système des phagocytes mononucléaires tissulaires; cela se pro-
duit surtout dans la rate. Par ailleurs, les globules rouges sensibilisés aux autoanti-
corps sont lysés par formation du complexe d’attaque membranaire du complément.
Dans le purpura thrombopénique auto-immun, les autoanticorps dirigés contre
le récepteur du fibrinogène GpIIb:IIIa sur les plaquettes causent une thrombopénie
(une déplétion plaquettaire), qui peut provoquer une hémorragie.
La lyse des cellules nucléées par le complément est plus rare car ces cellules sont
protégées par les protéines régulatrices du complément. Celles-ci exercent leur acti-
vité en interférant avec l’activation des composants du complément ainsi qu’avec
leur assemblage dans le complexe d’attaque membranaire (voir la Section 2-21).
Néanmoins, les cellules nucléées prises pour cible par les autoanticorps peuvent
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 619
encore être détruites par le système des phagocytes mononucléaires. Les autoan-
ticorps dirigés contre les neutrophiles, par exemple, provoquent une neutropé-
nie qui accroît la prédisposition aux infections à bactéries pyogènes. Dans tous
ces cas, l’élimination accélérée des cellules sensibilisées aux autoanticorps cause
leur disparition du sang. La splénectomie est une approche thérapeutique de ce
type d’auto-immunité, car la rate est l’organe dans lequel se produit principale-
ment l’élimination des globules rouges, des plaquettes et des leucocytes. Un autre
traitement est l’administration de grandes quantités d’IgG non spécifiques (IVIG,
IntraVenous ImmunoGlobulin), qui parmi d’autres mécanismes, inhibent par
compétition l’interaction des cellules couvertes d’anticorps avec les récepteurs de
Fc des phagocytes.
La fixation des anticorps IgG et IgM aux cellules dans les tissus provoque des lésions
inflammatoires par différents mécanismes. Comme pour les cellules sanguines, la
fixation du complément est l’un de ces mécanismes. Bien que les cellules nucléées
soient relativement résistantes à la lyse par le complément, l’assemblage de faibles
quantités de complexe d’attaque membranaire sur leur surface fournit un puissant
stimulus d’activation. Selon le type de cellule, l’interaction du complexe d’attaque
membranaire avec la membrane cellulaire, même s’il ne provoque pas de lyse,
peut déclencher la libération de cytokines, la stimulation du métabolisme oxyda-
tif ou la mobilisation des phospholipides membranaires qui génèrent de l’acide
arachidonique, le précurseur des prostaglandines et des leucotriènes (médiateurs
lipidiques de l’inflammation).
Dans les tissus, la plupart des cellules sont immobiles et les cellules du système
inflammatoire sont attirées vers elles grâce à des molécules chimiotactiques. Le
fragment de complément C5a est l’une de ces molécules. Il est libéré lors de l’ac-
tivation du complément, elle-même déclenchée par la liaison des autoanticorps.
D’autres agents chimiotactiques, comme le leucotriène B4, peuvent être libérés par
620 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
les cellules recouvertes par les autoanticorps. Les leucocytes inflammatoires sont
ensuite activés en se liant aux régions Fc des autoanticorps et aux fragments C3 du
complément fixés aux cellules. Des lésions tissulaires peuvent encore être induites
par les produits des leucocytes activés et par la cytotoxicité cellulaire dépendant
des anticorps et exercée par des cellules NK (voir Section 9-23).
Un exemple probable de ce type d’auto-immunité est la thyroïdite de Hashimoto,
maladie dans laquelle les autoanticorps contre des antigènes tissulaires spéci-
fiques, tels que la peroxydase thyroïdienne et la thyroglobuline, se retrouvent à
des taux très élevés pendant des laps de temps prolongés. Une cytotoxicité directe
dépendante des cellules T, dont nous parlerons plus tard, est sans doute aussi
impliquée dans cette maladie.
Les réactions des anticorps avec les molécules de la matrice extracellulaire ne sont
pas fréquentes, mais elles peuvent causer de sérieux dégâts. Dans le syndrome de
Goodpasture, un exemple de réaction d’hypersensibilité de type II (voir Fig. 13.1),
des anticorps dirigés contre la chaîne α3 du collagène de la membrane basale
(collagène de type IV) se lient aux membranes basales des glomérules rénaux
(Fig. 14.24a) et, dans certains cas, aux membranes basales des alvéoles pulmonai-
res, ce qui déclenche une maladie rapidement mortelle en absence de traitement.
Les autoanticorps fixés à la membrane basale, en se liant aux récepteurs de Fcγ,
activent des monocytes, des neutrophiles, des basophiles tissulaires et des masto-
cytes. Ceux-ci libèrent des chimiokines qui attirent une nouvelle vague de neutro-
philes dans les glomérules, induisant de graves lésions tissulaires (Fig. 14.24b). Les
autoanticorps provoquent également une activation locale du complément qui
peut aggraver les dommages.
Des complexes immuns sont formés chaque fois que des anticorps réagissent avec
un antigène soluble (voir Appendice I, Section A-8). Normalement, ils sont éliminés
efficacement par des globules rouges exprimant les récepteurs du complément et par
des phagocytes mononucléaires, qui possèdent des récepteurs du complément et des
récepteurs de Fc. Aussi, ces complexes causent peu de dommages tissulaires. Ce sys-
tème d’élimination peut cependant échouer dans trois circonstances. La première
correspond au moment qui suit l’injection de quantités importantes d’antigènes. Cet
apport massif induit la formation de complexes immuns en telle abondance que les
a mécanismes normaux de leur élimination sont submergés. La maladie sérique en
est un exemple (voir Section 13-18). Elle est provoquée par une injection de gran-
des quantités de protéines sériques. Cette maladie transitoire disparaît lorsque les
complexes immuns sont éliminés. La deuxième circonstance concerne les infections
chroniques, comme l’endocardite bactérienne, dans laquelle la réponse immunitaire
C
contre les bactéries logées dans les valvules cardiaques se révèle impuissante. La libé-
ration continue d’antigènes par le foyer infectieux en présence d’une forte produc-
tion d’anticorps antibactériens cause des lésions étendues par le dépôt de complexes
N B immuns dans les petits vaisseaux sanguins d’organes tels que le rein et la peau.
Troisièmement, une partie de la pathogénie du LED peut aussi être attribuée à un
b
échec dans l’élimination des complexes immuns. Dans le LED, des anticorps IgG
sont produits de manière chronique contre des autoantigènes présents dans toutes
Fig. 14.24 Les autoanticorps qui réagissent les cellules nucléées. Trois particules nucléoprotéiques intracellulaires sont les anti-
avec la membrane basale des capillaires du
glomérule rénal provoquent une maladie
gènes principaux : les sous-unités de la chromatine, c’est-à-dire les nucléosomes, le
glomérulaire inflammatoire connue sous spliceosome et un petit complexe ribonucléoprotéique cytoplasmique contenant
le nom de syndrome de Goodpasture. Les deux protéines connues sous le nom de Ro et La (nommées ainsi car ce sont les deux
panneaux montrent des coupes de glomérules première lettres des patronymes des deux patients chez qui les autoanticorps contre
rénaux provenant de biopsies prélevées
chez des patients atteints du syndrome de
ces protéines ont été découverts). Pour que ces autoantigènes participent à la forma-
Goodpasture. Panneau a, glomérule coloré tion des complexes auto-immuns, ils doivent être accessibles en dehors des cellules.
par immunofluorescence pour montrer le Les autoantigènes du LED sont exposés sur des cellules mortes ou en train de mou-
dépôt d’IgG. Les anticorps dirigés contre la rir et sont libérés par des tissus lésés. Dans le LED, de grandes quantités d’antigènes
membrane basale des glomérules (en vert)
son déposés de façon linéaire le long de la sont disponibles, donc un grand nombre de petits complexes immuns sont produits
membrane basale des capillaires du glomérule en continu et sont déposés dans les parois des petits vaisseaux du glomérule rénal,
rénal. L’autoanticorps provoque une activation dans la membrane basale glomérulaire (Fig. 14.25), dans les articulations ainsi que
locale des cellules portant le récepteur de dans d’autres organes. Ces complexes induisent l’activation des cellules phagocytai-
Fc, l’activation du complément et un afflux
de neutrophiles. Panneau b, la coloration res par l’intermédiaire de leurs récepteurs de Fc. Les lésions tissulaires qui en décou-
par l’hématoxyline et l’éosine d’une coupe lent libèrent plus de complexes nucléoprotéiques, qui forment à leur tour plus de
à travers un glomérule rénal montre que le complexes immuns. Durant ce processus, des cellules T autoréactives sont égale-
glomérule est comprimé par la formation d’un
croissant (C) de cellules mononucléaires qui
ment activées, mais leur spécificité est moins bien connue. Les modèles animaux de
prolifèrent dans la capsule de Bowman (B). On LED ne peuvent être induits sans l’aide de cellules T et celles-ci peuvent être directe-
observe un afflux de neutrophiles (N) dans la ment pathogéniques, formant une partie des infiltrats cellulaires dans la peau et les
pelote vasculaire. Clichés de M. Thompson et zones interstitielles rénales. Comme nous le verrons dans la prochaine section, les
D. Evans.
cellules T contribuent à la maladie auto-immune de deux manières : en aidant les
cellules B à produire des anticorps, comme dans une réponse immunitaire normale
dépendante des cellules T, et par des fonctions effectrices directes des cellules T
lorsqu’elles infiltrent et détruisent des tissus cibles comme la peau, l’interstitium
Lupus érythémateux disséminé rénal et les vaisseaux. Finalement, l’inflammation déclenchée dans ces tissus peut
causer suffisamment de dommages que pour tuer le patient.
14-17 Les cellules T spécifiques des antigènes du soi peuvent causer des
lésions tissulaires directes et soutenir la production d’autoanticorps.
Il est bien plus difficile de démontrer l’existence des cellules T autoréactives que de
démontrer la présence d’autoanticorps. Tout d’abord, les cellules T humaines auto-
réactives ne peuvent pas être utilisées pour transférer la maladie à des animaux
de laboratoire. En effet, la reconnaissance des cellules T est limitée par le CMH, et
les animaux et les humains ont des allèles du CMH différents. Ensuite, il est diffi-
cile d’identifier l’antigène reconnu par une cellule T. Par exemple, les autoanti-
corps peuvent être utilisés pour marquer les tissus du soi afin de révéler la présence
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 623
a b c
de l’autoantigène, tandis que les cellules T ne peuvent pas être utilisées à ces fins. Fig. 14.25 Au cours du lupus érythémateux
Néanmoins, il existe des preuves irréfutables concernant l’implication des cellules T disséminé (LED), le dépôt de complexes
immuns dans le glomérule rénal provoque
autoréactives dans plusieurs maladies auto-immunes. Dans le diabète insulinodé- une insuffisance rénale. Panneau a, coupe
pendant de type I, les cellules β produisant l’insuline dans les îlots de Langerhans d’un glomérule rénal d’un patient atteint de
du pancréas sont détruites de façon sélective par des cellules T cytotoxiques spécifi- LED ; elle montre que le dépôt de complexes
ques. Dans des cas exceptionnels où des patients diabétiques ont subi une transplan- immuns a provoqué un épaississement
de la membrane basale des capillaires du
tation de la moitié du pancréas de leur jumeau homozygote, les cellules β du tissu glomérule rénal, ce qui apparaît sous la forme
greffé ont été détruites rapidement et sélectivement par les cellules T du receveur. de « canaux » clairs parcourant le glomérule.
On peut éviter une rechute grâce à la ciclosporine A (voir Chapitre 14), un médica- Panneau b, sur une coupe similaire, des
anticorps anti-immunoglobulines fluorescents
ment immunosuppresseur (voir Chapitre 15) qui inhibe l’activation des cellules T.
révèlent des dépôts d’immunoglobulines
On peut identifier les autoantigènes reconnus par les cellules T CD4 en ajoutant de sur la membrane basale. Panneau c, en
microscopie électronique, les complexes
cellules ou des tissus contenant des autoantigènes à des cultures de leucocytes mono- immuns sont visibles sous forme de dépôts
nucléaires du sang et en testant la réaction des cellules CD4 provenant d’un patient protéiques denses entre les membranes
auto-immun. Si l’autoantigène est présent, il devrait être présenté efficacement, puis- basales des capillaires du glomérule rénal et
les cellules épithéliales rénales. Les leucocytes
que des phagocytes dans la culture leucocytaire peuvent capter une protéine extra-
neutrophiles sont également présents, attirés
cellulaire, la dégrader dans des vésicules intracellulaires, et présenter les peptides sur par les dépôts de complexes immuns. Clichés
des molécules du CMH de classe II. L’indentification de peptides autoantigéniques de H.T. Cook et M. Kashgarian.
est particulièrement difficile dans des maladies auto-immunes dues aux cellules T
CD8 car dans ce cas les autoantigènes reconnus ne sont pas présentés dans ce type de
culture. Les peptides présentés par les molécules du CMH de classe I doivent en géné-
ral être produits par les cellules cibles elles-mêmes (voir Chapitre 5) ; des cellules
intactes des tissus cibles provenant du patient doivent donc être utilisées pour étudier
les cellules T CD8 autoréactives responsables des lésions tissulaires. Cependant, la
pathogénie de la maladie peut elle-même livrer des indices sur l’identité de l’antigène
dans certaines maladies induites par les cellules T CD8. Par exemple, dans le diabète
de type I, les cellules β produisant l’insuline dans les îlots pancréatiques de Langerhans
semblent être directement visées et détruites par les cellules T CD8 (Fig. 14.26). Cela Greffe rénale à la suite
suggère qu’une protéine unique des cellules β semble être la source du peptide de complications d’un diabète
reconnu par les cellules T CD8 pathogènes. Des études dans le modèle de souris NOD auto-immun insulinodépendant
atteintes de diabète de type I ont montré que des peptides de l’insuline sont reconnus
par les cellules CD8 pathogènes, ce qui confirme le rôle de l’insuline comme l’un des
principaux autoantigènes dans ce modèle de diabète.
La sclérose en plaques est un exemple de maladie neurologique chronique dépen-
dante des cellules T ; elle est causée par une réaction immunitaire destructive contre
plusieurs antigènes du cerveau, notamment la protéine basique de la myéline
(MBP, Myelin Basic Protein), la protéine protéolipidique (PLP, ProteoLipid Protein)
et la glycoprotéine des oligodendrocytes de la myéline (MOG, Myelin Oligodendrocyte Sclérose en plaques
Glycoprotein). Elle tire son nom des lésions dures (scléreuses), ou plaques, qui se
développent dans la substance blanche du système nerveux central. Ces lésions
montrent la dégradation de la myéline qui, normalement, enveloppe les axones des
cellules nerveuses, avec des infiltrats inflammatoires de lymphocytes et de macro-
phages en particulier le long des vaisseaux sanguins. Les patients atteints de sclé-
rose en plaques développent divers symptômes neurologiques : faiblesse
musculaire, ataxie, cécité et paralysie des membres. Les lymphocytes et les autres
cellules du sang ne franchissent normalement pas la barrière hémato-encéphali-
que, mais si le cerveau et ses vaisseaux sanguins sont enflammés, cette barrière est
624 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
neurone
cellule T
C3
myéline
cellule microgliale
C1q Tissu
cérébral oligodendrocyte
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 625
Un agent inconnu déclenche un Des cellules T CD4 autoréactives Les MPM attaquent les tissus.
activent des macrophages, ce qui Des cytokines induisent la
foyer inflammatoire initial dans la production de MPM et du ligand Activation des ostéoclastes
membrane synoviale, attirant les aboutit à la production de ostéolytiques destructeurs
cytokines pro-inflammatoires et à de RANK par des fibroblastes
leucocytes dans le tissu de l’articulation
une inflammation soutenue
ostéoclaste
TNF-α
IL-6
ligand cartilage
MPM de RANK
fibroblastes Articulation
cytokines
de l’histamine, ce qui contribue à l’inflammation. La combinaison de ces activités Fig. 14.28 Pathogénie de l’arthrite
aboutit à la démyélinisation et aux perturbations de la fonction neuronale. rhumatoïde. L’inflammation de la membrane
synoviale, déclenchée par un agent inconnu,
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie chronique caractérisée par l’in- attire des lymphocytes autoréactifs et des
flammation de la synoviale (la membrane qui tapisse l’intérieur d’une articulation). macrophages dans le tissu enflammé. Des
cellules T CD4 effectrices autoréactives
La synoviale enflammée envahit progressivement et endommage le cartilage, puis activent les macrophages, avec production de
érode l’os (Fig. 14.28). Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde souffrent de cytokines pro-inflammatoires comme
douleur chronique et sont handicapés par la perte de fonction articulaire. L’arthrite l’IL-1, l’IL-6, l’IL-17 et le TNF-α. Les fibroblastes
activés par les cytokines produisent des
rhumatoïde a d’abord été considérée comme une maladie auto-immune due prin-
métalloprotéases matricielles (MPM), qui
cipalement aux cellules B productrices d’anticorps anti-IgG appelés facteur rhuma- contribuent à la destruction tissulaire. La
toïde (voir la Section 14-4). Toutefois, l’identification du facteur rhumatoïde chez cytokine de la famille du TNF, le ligand de
certaines personnes en bonne santé, et son absence chez certains patients atteints RANK, exprimée par les cellules T et les
fibroblastes dans l’articulation enflammée,
d’arthrite rhumatoïde, a suggéré que des mécanismes plus complexes étaient impli- est le principal activateur des ostéoclastes,
qués. La découverte de l’association de la polyarthrite rhumatoïde à des gènes par- responsables de l’ostéolyse. Des anticorps
ticuliers du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II, HLA-DR, a dirigés contre plusieurs protéines articulaires
suggéré que les cellules T étaient impliquées dans la pathogénie de cette maladie. sont également produits (non montré), mais
leur rôle dans la pathogénie est incertain.
Dans l’arthrite rhumatoïde, comme dans la sclérose en plaques, des cellules T CD4
autoréactives sont activées par des cellules dendritiques et des cytokines inflam-
matoires produites par les macrophages. Une fois activées, les cellules T autoréacti-
ves aident les cellules B à se différencier en plasmocytes producteurs d’anticorps
arthritogènes. Des autoantigènes, comme le collagène de type II, des protéogly-
cans, l’agrécan, une protéine de liaison du cartilage et des protéines de choc ther-
mique ont été proposées comme des antigènes potentiels en raison de leur capacité
d’induire une arthrite chez la souris. Leur rôle pathogène chez l’homme reste
cependant incertain. Les cellules T activées produisent des cytokines, qui à leur
tour stimulent la production, par les monocytes / macrophages, les cellules endo-
théliales et les fibroblastes, de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α, l’IL-1
et l’IFN-γ, ou de chimiokines (CXCL8, CCL2), et enfin des métalloprotéases matri-
cielles, responsables de la destruction tissulaire. Toutefois, on doit réaliser que dans Polyarthrite rhumatoïde
l’arthrite rhumatoïde, comme dans beaucoup d’autres maladies auto-immunes,
nous ne savons pas encore comment la maladie commence. Des modèles d’arthrite
rhumatoïde chez la souris nous enseignent que les cellules T et cellules B sont
nécessaires pour déclencher la maladie, parce que les souris dépourvues de cellu-
les T CD3+ ou de cellules B ne développent pas la maladie.
Résumé.
Les maladies auto-immunes peuvent être classées en deux catégories : celles qui
touchent un organe spécifique et celles qui touchent les tissus dans tout l’orga-
nisme. Les maladies auto-immunes spécifiques d’organe sont le diabète, la sclérose
en plaques, la myasthénie et la maladie de Graves. Dans chaque cas, les fonctions
626 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Bien que les causes de l’auto-immunité soient encore recherchées, il est clair que cer-
taines personnes sont génétiquement prédisposées à l’auto-immunité. La démons-
tration la plus claire est fournie par les différentes souches de souris consanguines qui
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 627
sont sujettes à divers types de maladies auto-immunes. Par exemple, des souris de la mâle
souche NOD deviennent très souvent diabétiques et les femelles le deviennent plus femelle
rapidement que les mâles (Fig. 14.29). Beaucoup de maladies auto-immunes sont 100
plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes (voir Fig. 14.33), bien que par-
Les facteurs environnementaux sont aussi clairement en cause. Par exemple, bien
0
que la plupart des souris NOD deviennent diabétiques, elles le deviendront à des 10 15 20 25 30
âges différents (voir Fig. 14.29). En outre, le moment de l’apparition de la mala- Âge (semaines)
die diffère souvent d’une colonie animale à l’autre, même si toutes les souris sont
génétiquement identiques. Ainsi, des facteurs environnementaux doivent détermi-
ner, en partie, le délai d’apparition du diabète ; quelques animaux peuvent même Fig. 14.29 Différences entre sexes dans
l’incidence d’une maladie auto-immune.
échapper à la maladie. On tire le même enseignement de l’étude des jumeaux
De nombreuses maladies auto-immunes
identiques. Pour le LED, même si la maladie survient chez les deux jumeaux dans sont plus fréquentes dans le sexe féminin
environ 25 % des cas lorsqu’ils sont monozygotes, la proportion générale est beau- que dans le sexe mâle comme le montre ici
coup plus élevée que le risque normal d’attraper cette maladie. Néanmoins, le taux l’incidence cumulative de diabète dans une
population de souris NOD prédisposées aux
de concordance est loin d’atteindre 100 %. Des facteurs environnementaux pour- diabète. Le diabète apparaît plus tôt chez les
raient expliquer le caractère incomplet de la concordance, mais on ne peut exclure femelles (ligne rouge) que chez les mâles, ce
qu’il ne soit purement aléatoire. qui indique une plus grande prédisposition.
Données fournies par S. Wong.
Gène Maladie humaine Souris avec gène muté ou inactivé Mécanisme de l’auto-immunité
Inactivation et mutation
FOXP3 IPEX Fonction moindre des cellules T régulatrices CD4 CD25
(scurfy)
FAS ALPS Mutants lpr/lpr;gld/gld Échec dans la mort apoptotique des cellules B et T autoréactives
C1q SLE Inactivation Élimination défectueuse des complexes immuns et des cellules apoptotiques
Fig. 14.30 Traits monogéniques associés déficience en CD25, conséquence d’une délétion du gène CD25 et d’une tolérance
à l’auto-immunité. APECED, Autoimmune
périphérique défaillante. Ce patient souffrait de multiples déficiences immunitai-
PolyEndocrinopathy–Candidiasis–Ectodermal
Dystrophy, ou polyendocrinopathie res et de maladies auto-immunes tout en étant très sensible aux infections. Ces
auto-immune, candidose et dystrophie résultats confirment le rôle important des cellules Treg CD4 CD25 dans la régula-
ectodermique ; APS-1, Autoimmune tion du système immunitaire.
Polyglandular Syndrome 1 ou syndrome
polyglandulaire auto-immun 1 ; IPEX, Immune Un cas intéressant de maladie auto-immune monogénique est le syndrome auto-
dysregulation, Polyendocrinopathy, Enteropathy, immun systémique causé par des mutations dans le gène de Fas. Cette protéine est
X-linked ou syndrome de dysrégulation
immunitaire, de polyendocrinopathie et normalement présente à la surface des cellules T et B activées, et quand elle intera-
d’entéropathie lié à l’X ; ALPS, Autoimmune git avec son ligand, FasL, elle transmet un signal qui déclenche l’apoptose de la cel-
LymphoProliferative Syndrome ou syndrome lule qui la porte (voir la Section 8-27). De cette manière, elle limite l’intensité de la
lymphoprolifératif auto-immun. La mutation lpr
réponse immunitaire. Les mutations qui éliminent ou inactivent Fas entraînent une
chez la souris touche le gène de Fas, tandis
que la mutation gld affecte le gène de FasL. accumulation massive de lymphocytes, en particulier de cellules T et, chez la sou-
Reproduit avec la permission de Macmillan ris, la production de grandes quantités d’autoanticorps pathogènes. La maladie res-
Publishers Ltd: Nature. J.D. Rioux, A.K. Abbas, semble au LED, même si le LED humain n’est pas associé à des mutations de Fas.
435: 584-589, © 2005.
Une mutation qui a conduit à ce syndrome auto-immun a été observée d’abord dans
la souche de souris MRL et appelée lpr, pour lymphoproliferation ; elle a ensuite été
identifiée comme une mutation de Fas. Des chercheurs qui étudiaient un groupe
de patients atteints du rare syndrome lymphoprolifératif auto-immun (SLPA), un
syndrome similaire à celui des souris MLR / lpr, ont identifié et cloné le gène mutant
responsable de la plupart de ces cas ; il s’agissait de Fas (voir Fig. 14.30).
Syndrome lymphoprolifératif
auto-immun
Les maladies auto-immunes causées par un seul gène sont rares. Elles sont toutefois
d’un grand intérêt, car les mutations en cause identifient certaines des voies principa-
les qui, normalement, préviennent le développement de réponses auto-immunes.
14-20 Plusieurs approches nous ont donné un aperçu des bases génétiques
de l’auto-immunité.
Défauts dans la production de cytokines ou dans la signalisation intracellulaire Fig. 14.31 Défauts dans la production de
cytokines ou dans la signalisation pouvant
pouvant mener à l’auto-immunité
mener à l’auto-immunité. Certaines voies de
Défaut Cytokine ou signal intracellulaire Résultat signalisation impliquées dans l’auto-immunité
ont été identifiées par analyse génétique,
surtout dans des modèles animaux. Les effets
Maladie intestinale inflammatoire, d’une expression excessive ou insuffisante
TNF-α
arthrite, vasculite de certaines cytokines et molécules de
signalisation intracellulaire impliquées sont
IL-2, IL-7, IL-10, IL-2R, IL-10R Maladie intestinale inflammatoire reprises dans ce tableau (voir le texte pour
plus de détails).
TNF-α LED
l’interaction avec ses ligands B7.1 et B7.2 étaient encore résistants à l’activation des
cellules T, et il y avait une augmentation de l’expression de ce variant dans les cellu-
les T mémoire et régulatrices des souris résistantes au diabète.
Un second locus, PTPN22, a été impliqué dans la susceptibilité au diabète de type
1 et à la polyarthrite rhumatoïde. Ce gène code une protéine tyrosine phosphatase
lymphocytaire qui, comme CTLA-4, est normalement impliquée dans la répres-
sion de l’activation des cellules T.
CD22 inactivé
Mutation ponctuelle
de CD45 E613R
Cellules B déficientes
en toutes les kinases
de la famille Src
(triple inactivation)
Surexpression de
BAFF (souris
transgénique)
Surexpression de Semblable
Bcl-2 (souris au lupus
transgénique)
Déficience
hétérozygote de Pten
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 631
classe III, comme ceux pour le TNF-α ou des protéines du complément, ont été asso-
Contrôles non diabétiques ciés à la maladie. Le développement expérimental du diabète ou de l’arthrite chez des
souris transgéniques exprimant des antigènes HLA humains spécifiques suggère for-
tement que des allèles du CMH peuvent conférer la prédisposition à la maladie.
DR4/x
(17,5 %)
L’association du génotype du CMH à la maladie est d’abord évaluée par comparai-
son de la fréquence des différents allèles chez les patients avec leur fréquence dans
DR2/x la population normale. Pour le diabète de type 1, cette approche a démontré d’abord
DR3/x (30,3 %)
(24 %) une association avec les allèles HLA-DR3 et de HLA-DR4 identifiés par typage séro-
logique (Fig. 14.34). Ces études ont également montré que l’allèle HLA-DR2 du CMH
DRx/x de classe II avait un effet protecteur dominant ; des individus porteurs de HLA-DR2,
(25,7 %) même en association avec l’un des allèles de prédisposition, développaient rarement
DR3/4 un diabète. Une autre façon de déterminer si les gènes du CMH sont importants dans
(2,5 %) les maladies auto-immunes est l’étude des familles de patients touchés ; il a été mon-
tré que deux membres d’une fratrie atteints de la même maladie auto-immune ont
de fortes chances de partager les mêmes haplotypes du CMH (Fig. 14.35). Comme
Diabète le typage génétique des HLA est devenu plus précis grâce au séquençage de l’ADN
des allèles HLA, des associations de maladies qui avaient été découvertes par typage
sérologique ont été définies de manière plus précise. Par exemple, on sait maintenant
DR4/x
DR3/x
(27 %) Fig. 14.34 Les études de population génotype hétérozygote HLA DR3 / DR4
(30 %)
montrent une association entre sensibilité étant surreprésenté chez les diabétiques
DRx/x au diabète insulinodépendant de type I par rapport au groupe contrôle. Ces allèles
(4 %) et génotype HLA. Les génotypes HLA sont étroitement liés aux allèles HLA-DQ
(déterminés par typage sérologique) des qui confèrent la sensibilité au diabète
DR3/4
patients diabétiques (panneau du bas) ne insulinodépendant. Par contraste, le HLA-DR2
(39 %)
sont pas représentatifs de ceux trouvés protège contre le développement du diabète de
dans la population (panneau du haut). type 1 et n’est que rarement retrouvé chez les
Presque tous les patients diabétiques patients diabétiques. Le petit x représente tout
expriment HLA-DR3 et / ou HLA-DR4, le autre allèle que le DR2, DR3 ou DR4.
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 633
37
25 25
que l’association entre le diabète de type 1 et les allèles DR3 et DR4 est dû à leur lien
génétique étroit avec les allèles de DQβ, qui prédisposent effectivement à la mala-
die. En effet, la sensibilité est associée plus étroitement à des polymorphismes cor-
respondant à une position particulière dans la séquence d’acides aminés de DQβ. La
séquence la plus courante de DQβ a un résidu acide aspartique en position 57, qui
est capable de former un pont salin à travers l’extrémité du sillon de liaison au pep-
tide de la molécule DQ. En revanche, les patients diabétiques dans les populations
caucasiennes ont le plus souvent une valine, une sérine ou une alanine à cette place,
ce qui prive les molécules de DQ de ce pont salin (Fig. 14.36). La souche de souris
NOD, qui développe un diabète spontané, a également une sérine à cette position
dans la molécule homologue du CMH de classe II, appelée I-Ag7.
L’association du génotype du CMH à une maladie auto-immune n’est pas surpre-
nante, car les réponses auto-immunes impliquent des cellules T, et la capacité des
cellules T à réagir à un antigène particulier dépend du génotype du CMH. Ainsi, les
associations peuvent être expliquées par un modèle simple dans lequel la sensibilité
à une maladie auto-immune est déterminée par les différences dans la capacité des
différents variants alléliques des molécules du CMH de présenter des peptides auto-
antigéniques aux cellules T autoréactives, ce qui serait cohérent avec ce que nous
savons de l’implication des cellules T dans certaines maladies. Dans le diabète, par
exemple, il existe des associations à des allèles du CMH de classe I et du CMH de
classe II, et ce qui est compatible avec la constatation que des cellules T CD8 et CD4,
qui répondent respectivement à des antigènes présentés par le CMH de classe I et les
molécules du CMH de classe II, sont à la base de la réponse auto-immune.
Une autre hypothèse pour l’association entre le génotype du CMH et la prédis-
position aux maladies auto-immunes, souligne le rôle des allèles du CMH dans
la formation du répertoire des récepteurs de cellule T (voir le Chapitre 7). Cette
hypothèse propose que les peptides du soi associés à certaines molécules du CMH
pourraient déterminer une sélection positive de thymocytes spécifiques de cer-
tains autoantigènes. Ces peptides autoantigéniques pourraient être exprimés à
un niveau trop bas ou se lier trop faiblement aux molécules du CMH du soi pour
entraîner une sélection négative dans le thymus, mais pourraient être présents à
un niveau suffisant pour déterminer une sélection positive. Cette hypothèse est
étayée par les observations que l’I-Ag7, la molécule du CMH de classe II associée à
la maladie chez la souris NOD, lie de nombreux peptides très faiblement et pour-
rait dès lors être moins efficace dans l’établissement de la sélection négative intra-
thymique des lymphocytes T qui se lient aux peptides du soi.
634 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Fig. 14.36 Il existe une relation entre les (gris). Le remplacement de Asp 57 par un
La position 57 de la chaîne DQ𝛃 conditionne variations de séquence d’une protéine du résidu non chargé (par exemple, l’alanine, en
la prédisposition au DID CMH de classe II et la prédisposition ou la jaune sur le dessin du bas) rompt ce pont salin,
résistance au diabète. Chez la plupart des ce qui modifie la stabilité de la molécule DQ.
gens, la chaîne HLA-DQβ1 contient un acide La lignée de souris diabétiques non obèses
chaine α aspartique (Asp) en position 57, alors que dans (NOD), qui développe un diabète spontané,
les populations caucasiennes, les patients montre une substitution similaire dans la
atteints de diabète de type 1 ont le plus chaîne I-Aβ homologue, l’acide aspartique
souvent à cette place une valine, une sérine ou en position 57 étant remplacé par une sérine.
une alanine, en plus d’autres différences. Les souris NOD transgéniques pour des
L’Asp 57, en rouge sur la structure du squelette chaînes β contenant l’Asp 57 sont nettement
de la chaîne DQβ, forme un pont salin (en moins prédisposées au diabète. DID, diabète
Position 57
vert sur le dessin du milieu) avec un résidu insulinodépendant. Clichés de C. Thorpe.
d’arginine (en rose) dans la chaîne α adjacente
chaine β
14-23 Des événements externes peuvent déclencher l’autoimmunité.
La répartition géographique des maladies auto-immunes révèle une hétérogénéité
Associée à la résistance au DID de distribution entre les continents, pays et groupes ethniques. Par exemple, l’inci-
dence de la maladie semble diminuer du nord au sud dans l’hémisphère nord. Ce
gradient est particulièrement évident pour des maladies comme la sclérose en pla-
ques et le diabète de type 1 qui, en Europe, ont une incidence plus élevée dans les
pays du Nord que dans les régions méditerranéennes. Plusieurs études ont égale-
ment montré une incidence d’auto-immunité moins élevée dans les pays en déve-
loppement que dans les plus développés.
Il existe de nombreux facteurs qui contribuent à ces variations géographiques
en plus de la susceptibilité génétique, entre autres le statut socio-économique
et l’alimentation. Un exemple de facteurs autres que génétiques qui influencent
l’apparition de la maladie est celui des souris génétiquement identiques qui déve-
loppent une auto-immunité en proportion et gravité différentes (voir la Fig. 14.29).
Associée à la prédisposition au DID Chez l’homme, l’exposition aux infections et aux toxines de l’environnement peu-
vent être des facteurs qui contribuent à déclencher l’auto-immunité. Toutefois, il
convient de noter que les études épidémiologiques et cliniques au cours du siè-
cle dernier ont montré une corrélation négative entre l’exposition à certains types
d’infection au début de la vie et le développement des allergies et des maladies
auto-immunes. Cette « hypothèse de l’hygiène » est examinée en détail dans la
Section 13-4 ; elle propose que l’absence d’infection durant l’enfance peut affecter
la régulation du système immunitaire plus tard dans la vie, conduisant à une plus
grande probabilité de réactions allergiques et auto-immunes.
et des ARN d’activer directement les cellules B autoréactives ignorantes par l’inter-
Mécanisme
médiaire de leurs récepteurs de type Toll et donc de rompre la tolérance au soi (voir Rupture d’une cellule
Mimétisme
ou d’une
la Section 14-4). Des ligands microbiens pour des récepteurs de type Toll peuvent barrière cellulaire
moléculaire
aussi favoriser l’auto-immunité en stimulant la production, par les cellules dendri-
tiques et les macrophages, de grandes quantités de cytokines qui provoquent une
Libération Production
inflammation locale et contribuent à la stimulation et au maintien des cellules T et d’autoantigène d’anticorps ou de
Effet
B autoréactives déjà activées. Ce mécanisme pourrait expliquer les poussées qui séquestré ; activation de cellules T
suivent une infection chez des patients atteints d’une vasculite auto-immune asso- cellules non tolérisées à réactivité croisée
ciée à des anticorps dirigés contre des antigènes cytoplasmiques des neutrophiles.
Rhumatisme
Un exemple de la façon dont l’exposition à des ligands de récepteurs de type Toll Ophtalmie articulaire aigu
sympathique Arthrite réactive
peut provoquer une inflammation locale découle d’un modèle animal d’arthrite Arthrite de Lyme
par injection de séquences CpG d’ADN bactérien dans les articulations de souris,
Exemples
ce qui induit une arthrite aseptique caractérisée par un infiltrat de macrophages.
Ces macrophages expriment des récepteurs de chimiokines à leur surface, et pro-
duisent de grandes quantités de chimiokines CC, qui favorisent le recrutement de
leucocytes au site d’injection.
dans laquelle les anticorps dirigés contre l’agent pathogène réagissent de manière
croisée avec un antigène des globules rouges, ce qui conduit à l’hémolyse (voir la
Section 14-13). Les autoanticorps disparaissent après guérison de l’infection. Parfois,
cependant, l’auto-immunité persiste bien au-delà de l’infection initiale. Cela est vrai
dans certains cas de rhumatisme articulaire aigu, qui suit parfois une angine ou la
Rhumatisme articulaire aigu scarlatine causée par Streptococcus pyogenes. La similitude des épitopes d’antigènes
streptococciques avec des épitopes de certains tissus aboutit à des dommages cau-
sés par des anticorps et peut-être par des cellules T à divers tissus y compris les val-
ves cardiaques. Bien que le rhumatisme articulaire aigu soit souvent transitoire,
surtout en raison du traitement antibiotique, il peut parfois devenir chronique. De
même, la maladie de Lyme, une infection par le spirochète Borrelia burgdorferi, est
suivie plus tard par une auto-immunité responsable de ce que l’on appelle l’arthrite
de Lyme. Dans ce cas, on n’est pas certain du mécanisme, mais il est probable qu’il
soit lié à une réactivité croisée entre des composants du pathogène et du sujet infecté,
ce qui conduit à une réaction auto-immune et auto-entretenue.
Résumé.
Les causes spécifiques de la plupart des maladies auto-immunes sont les plus sou-
vent inconnues. Des facteurs de risque génétiques, y compris des allèles des molé-
cules du CMH de classe II et d’autres gènes, ont été identifiés, mais de nombreuses
personnes avec des variants génétiques prédisposant à une maladie auto-immune
ne développent pas la maladie. Les études épidémiologiques de populations
d’animaux génétiquement identiques ont mis en évidence le rôle de facteurs envi-
ronnementaux dans le déclenchement de l’auto-immunité, mais bien que ceux-
ci exercent une influence au moins aussi forte que la génétique, ils sont encore
moins bien compris. On connaît certaines toxines et des médicaments responsa-
bles de syndromes auto-immuns, mais on ignore quel rôle ces agents pourraient
jouer dans les maladies auto-immuns habituelles. De même, certains syndro-
mes auto-immuns peuvent survenir après des infections virales ou bactériennes.
Les pathogènes peuvent favoriser l’auto-immunité en déclenchant une inflam-
mation non spécifique et des lésions tissulaires. Ils peuvent aussi susciter parfois
des réponses contre des protéines du soi, s’ils expriment des molécules qui res-
semblent à des autoantigènes, un phénomène connu sous le nom de mimétisme
moléculaire. Beaucoup de progrès seront nécessaires pour que l’on arrive à mieux
définir les facteurs environnementaux. Il se peut qu’il n’y ait pas un seul facteur
environnemental identifiable qui contribue à la plupart des maladies, le hasard
pouvant jouer un rôle important dans le déclenchement de la maladie.
perçues comme étrangères par le receveur. Lorsque les tissus contenant des cellu-
les nucléées sont greffés, les réponses des cellules T contre les molécules, très poly-
morphes, du CMH provoquent presque toujours une réponse contre l’organe greffé.
Respecter la compatibilité entre les CMH du donneur et du receveur augmente le
taux de réussite, mais une compatibilité parfaite n’est possible que lorsque le don-
neur et le receveur sont de la même famille et, même dans ces cas, des différen-
ces génétiques à d’autres locus peuvent provoquer des rejets, quoique moins graves.
Néanmoins, les progrès en matière d’immunosuppression et de transplantation en
général ont eu comme conséquence que la compatibilité précise des tissus en vue
d’une greffe n’est plus considérée comme une condition essentielle pour la survie
du greffon. Lors d’une transfusion sanguine, la première et toujours la plus courante
des greffes, la compatibilité CMH n’est pas nécessaire puisque les globules rouges et
les plaquettes n’expriment que de petites quantités de molécules du CMH de classe I
et n’expriment pas du tout le CMH de classe II ; aussi, ces éléments ne sont pas des
cibles pour les cellules T du receveur. Cependant, la compatibilité des antigènes
des groupes sanguins ABO et Rh doit être respectée afin d’éviter que des anticorps
ne détruisent rapidement les globules rouges incompatibles (voir Appendice I,
Section A-11). Etant donné qu’il n’existe que quatre types principaux ABO et deux
Fig. 14.39 Le rejet de greffe de peau types Rh, cela est relativement aisé. Dans cette partie du chapitre, nous décrirons la
est la conséquence d’une réponse des
cellules T dirigées contre le greffon. Les
réponse immunitaire contre les tissus greffés, et nous demanderons pourquoi une
greffons syngéniques sont acceptés de façon greffe de tissu étranger, le fœtus chez les mammifères, est couramment tolérée.
permanente (premiers panneaux), mais les
greffons portant un CMH différent sont rejetés
environ 10 à 13 jours après la greffe (rejet de 14-28 Le rejet de greffe est une réponse immunitaire dépendant surtout
première intention, deuxièmes panneaux). des cellules T.
Lorsqu’une souris reçoit une seconde greffe
de peau provenant du même donneur, elle la
rejette plus rapidement (troisièmes panneaux).
Les règles de base des transplantations ont été établies sur base de greffes de peau
Cela s’appelle un rejet de deuxième intention entre lignées de souris consanguines. La peau peut être greffée avec un taux de réus-
où la réponse accélérée est spécifique du site de 100 % entre des endroits différents sur le même animal ou la même personne
CMH ; la peau provenant d’un deuxième (autogreffe), ou entre des animaux ou des personnes génétiquement identiques
donneur du même type de CMH est rejetée
tout aussi rapidement, tandis que la peau
(greffe syngénique ou isogénique). Cependant, lorsque la peau est greffée entre
venant d’un donneur dont le CMH est différent individus non apparentés ou allogéniques (allogreffe), le greffon est tout d’abord
est rejetée comme lors d’un rejet de première accepté, mais est ensuite rejeté environ 10 à 13 jours après la greffe (Fig. 14.39). Cette
intention (non représenté). Les souris naïves réaction, appelée rejet aigu ou de première intention, dépend d’une réponse des
auxquelles on a injecté des cellules T venant
d’un donneur sensibilisé se comportent cellules T du receveur. En effet, la peau greffée sur des souris nude, qui sont déficien-
comme si elles avaient déjà été greffées tes en cellules T, n’est pas rejetée. Par un transfert adoptif de cellules T normales, on
(derniers panneaux). peut rendre les souris nude capables de rejeter la peau greffée.
La greffe est rapidement rejetée La greffe est rejetée plus rapidement La greffe est rejetée plus rapidement
La greffe est tolérée
(rejet de première intention) (rejet de seconde intention) (rejet de seconde intention)
% de survie 100
des greffes
50
0
0 10 20 0 10 20 0 10 20 0 10 20
Jours après la greffe
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 639
Lorsqu’un receveur qui a déjà rejeté une greffe en reçoit une nouvelle provenant
du même donneur, il la rejette en 6 à 8 jours. On parle alors de rejet de seconde
intention (voir Fig. 14.39). La peau provenant d’un autre donneur et greffée sur le
même receveur au même moment ne subit pas de rejet accéléré, mais bien un rejet
de première intention. Le rejet de seconde intention peut être déclenché par trans-
fert des cellules T provenant du receveur initial à des receveurs normaux ou irra-
diés, ce qui montre que le rejet de seconde intention est causé par une réponse
immunitaire de type mémoire (voir Chapitre 10) de clones de cellules T sensibili- Greffe rénale à la suite
sées et spécifiques de la peau du donneur. de complications d’un diabète
auto-immun insulinodépendant
Les réponses immunitaires constituent un obstacle important à une transplan-
tation efficace du fait de la destruction du tissu greffé par la réponse adaptative
contre les protéines étrangères. Ces réponses reposent sur l’intervention de cellu-
les T CD8, de cellules T CD4 ou des deux. Les anticorps peuvent également contri-
buer à un rejet de seconde intention.
Les antigènes qui diffèrent entre membres d’une même espèce sont appelés alloan-
tigènes, et une réponse immunitaire contre de tels antigènes est dite alloréactive.
Lorsque le donneur et le receveur diffèrent par leur CMH, une réponse immunitaire
alloréactive est dirigée contre la molécule du CMH allogénique du non soi ou des
molécules présentes sur le greffon. Dans la plupart des tissus, ceux-ci seront surtout
des antigènes du CMH de classe I. Si un receveur a rejeté une greffe d’un type CMH
particulier, toute nouvelle greffe porteuse de la même molécule du CMH subira un
rejet rapide de seconde intention. Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 5, la
proportion de cellules T spécifiques d’une molécule du CMH du non soi est relati-
vement élevée, ce qui rend les différences de CMH le plus puissant stimulus de rejet
d’une première greffe. C’est ainsi que le complexe majeur d’histocompatibilité tire
son nom du rôle central qu’il joue dans le rejet de greffe.
Dès qu’il est apparu que la reconnaissance des molécules du CMH du non soi était
un facteur déterminant du rejet de greffe, des efforts considérables furent consacrés
à la recherche de compatibilité entre receveur et donneur. Bien que la compatibilité
HLA augmente nettement le taux de réussite clinique des greffes d’organes, cela ne
permet pas en soi d’éviter les réactions de rejet. Il y a deux raisons principales à cela.
Premièrement, le typage HLA est imprécis en raison du polymorphisme et de la com-
plexité du CMH humain ; des individus non apparentés dont le typage HLA paraît
identique dans le test effectué au moyen d’anticorps contre les protéines du CMH ont
rarement des génotypes CMH identiques. Ce qui ne devrait pas poser de problème
quand il s’agit de frères ou sœurs d’HLA identiques. En effet, comme les frères et sœurs
héritent leurs gènes du CMH sous forme d’haplotype, un membre de la fratrie sur qua-
tre devrait avoir un HLA réellement identique. Néanmoins, à moins que le donneur
et le receveur ne soient des jumeaux vrais, les greffes entre frères et sœurs partageant
le même HLA sont invariablement rejetées, bien que plus lentement. Ce rejet, qui
est le résultat des différences entre des antigènes mineurs d’histocompatibilité, est la
deuxième cause de l’échec de la prévention du rejet par la recherche de compatibilité
HLA. Ces antigènes mineurs d’histocompatibilité, qui sont des peptides de protéines
non CMH qui varient aussi entre individus, seront décrits dans la prochaine section.
Ainsi, à moins que le donneur et le receveur ne soient de vrais jumeaux, tous les
receveurs de greffes doivent prendre des immunosuppresseurs afin d’empêcher le
rejet. En effet, la réussite actuelle des greffes d’organes tient plus aux progrès dans
les traitements immunosuppresseurs, sujet que nous abordons au Chapitre 15,
qu’à l’amélioration du contrôle de compatibilité tissulaire. Étant donné la pénurie
d’organes de cadavre et la nécessité d’identifier en urgence un receveur dès qu’un
organe est disponible, une compatibilité précise est rarement respectée, sauf bien
sûr en cas de don de rein compatible au sein d’une fratrie.
640 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
La greffe est tolérée La greffe est rejetée rapidement La greffe est rejetée lentement
% de survie 100
des greffes
50
0
0 10 60 120 0 10 60 120 0 10 60 120
Jours après la greffe
14-30 Dans les greffes avec CMH identique, le rejet est dû à des peptides
d’autres alloantigènes liés à des molécules du CMH du greffon.
Lorsque le donneur et le receveur ont un CMH identique, mais diffèrent par d’autres
locus génétiques, le rejet de greffe n’est pas aussi rapide (Fig. 14.40). Des molécules du
CMH de classe I et de classe II lient et présentent une sélection de peptides dérivés
de protéines produites dans la cellule, et si les polymorphismes dans ces protéines
signifient que des peptides différents sont produits chez différents membres d’une
espèce, ceux-ci peuvent être reconnus comme antigènes mineurs d’histocompati-
bilité (Fig. 14.41).
Les réponses à ces antigènes sont bien moins fortes que les réponses à des différences
de CMH car la fréquence des cellules T qui les reconnaissent est beaucoup plus faible.
Cependant, la plupart des lignées consanguines de souris qui ont un CMH identique
diffèrent par plusieurs locus d’antigènes H mineurs. Ainsi, des greffes entre ces souris
sont toujours uniformément et assez rapidement rejetées. Les cellules qui répondent
Des protéines du soi polymorphes dont les séquences d’acides aminés diffèrent
entre individus constituent les antigènes H mineurs distincts entre donneur et receveur
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 641
aux antigènes H mineurs sont généralement les cellules T CD8+, ce qui laisse suppo-
ser que la plupart des antigènes H mineurs sont des complexes de peptides du don-
neur et de molécules du CMH de classe I. Cependant, des peptides liés aux molécules
du CMH de classe II peuvent également susciter le rejet de greffons compatibles par
ailleurs sur le plan du CMH. Diverses protéines qui se comportent comme des antigè-
nes mineurs d’histocompatibilité sont codées par des gènes du chromosome mâle Y.
Les réponses induites par ces protéines sont appelées collectivement H-Y. Comme
les gènes propres au chromosome Y ne sont pas exprimés chez les femelles, celles-ci
développent des réponses d’histocompatibilité mineure contre les mâles. Par contre,
on n’observe pas de réponse mâle anti-femelle, car les gènes du chromosome X sont
exprimés dans les deux sexes. Un antigène H-Y a été identifié chez la souris et chez
l’homme ; il est constitué de peptides provenant de protéines codées par le gène
Smcy du chromosome Y. Un gène homologue du Smcy, appelé Smcx, présent sur le
chromosome X ne contient pas ces séquences peptidiques, qui sont donc exprimées
uniquement chez les mâles. La nature de la plupart des antigènes mineurs d’histo-
compatibilité, codés par des gènes autosomiques, n’est pas connue, mais 10 d’entre
eux ont été identifiés récemment au niveau génétique.
La réponse contre les antigènes mineurs d’histocompatibilité est analogue à une
réponse contre les infections virales. Cependant, une réponse antivirale n’élimine
que les cellules infectées, tandis que toutes les cellules d’un greffon exprimant des
antigènes mineurs d’histocompatibilité c’est le greffon entier qui est détruit par la
réaction contre ces antigènes. Étant donné la quasi-certitude d’incompatibilité entre
deux individus sur le plan des antigènes mineurs d’histocompatibilité et la puissance
des réactions qu’elle suscite, il n’est pas étonnant que, pour réussir une greffe, il faille
recourir à des immunosuppresseurs puissants.
Fig. 14.42 Le déclenchement du rejet de
14-31 Il existe deux façons de présenter les alloantigènes de la greffe greffe implique généralement la migration
des cellules présentatrice d’antigène du
aux lymphocytes T du receveur. greffon jusqu’aux ganglions lymphatiques
locaux. La figure représente l’exemple d’un
Avant que des cellules T alloréactives naïves puissent causer un rejet, elles doi- rejet de greffe cutanée. Ici, les cellules de
vent être activées par des cellules présentatrices d’antigène qui sont porteuses de Langerhans sont les cellules présentatrice
de l’antigène. Ces cellules présentent des
molécules du CMH allogénique et exercent une activité costimulatrice. Les gref- peptides du greffon à leur surface. Après avoir
fons contiennent des cellules présentatrice de l’antigène provenant du donneur. migré jusqu’au ganglion lymphatique, ces
Appelés leucocytes passagers, ils stimulent fortement l’alloréaction. Cette voie de cellules présentatrices d’antigène rencontrent
sensibilisation du receveur vis-à-vis d’un greffon semble impliquer que des cellules des cellules T naïves recirculantes spécifiques
des antigènes du greffon et stimulent leur
présentatrice de l’antigène du donneur quittent le greffon et migrent par la lymphe
division. Les cellules T effectrices activées qui
jusqu’aux ganglions lymphatiques drainant cette région. Là, elles peuvent activer en résultent gagnent la circulation sanguine
des cellules T du receveur porteuses des récepteurs ad hoc. Les cellules T effectrices par le canal thoracique et atteignent le tissu
alloréactives activées reviennent ensuite dans le greffon, qu’elles attaquent direc- greffé, qu’elles détruisent rapidement. La
tement (Fig. 14.42). Cette voie de reconnaissance est appelée alloreconnaissance destruction est très spécifique des cellules
dérivées du donneur, ce qui suggère qu’elle
directe (Fig. 14.43, panneau de gauche). En effet, si le tissu greffé est dépourvu de est induite par une cytotoxicité directe et
cellules présentatrices de l’antigène par un traitement au moyen d’anticorps ou par non par des processus inflammatoires non
une incubation prolongée, le rejet ne se produit qu’après une période beaucoup spécifiques.
plus longue. De plus, si le site de la greffe n’a pas de drainage lymphatique, aucune
réaction contre le greffon ne survient.
Un deuxième mécanisme de reconnaissance d’allogreffe qui conduit à un rejet de
greffe est la capture des protéines allogéniques par les cellules présentatrices de l’an-
tigène du receveur lui-même et leur présentation aux cellules T, y compris les Treg, par
les molécules du CMH du soi. La reconnaissance des protéines allogéniques présen-
tées de cette façon s’appelle alloreconnaissance indirecte, (Fig. 14.43, panneau de
droite). Parmi les peptides dérivés du greffon présentés par les cellules présentatrices
l’antigène du receveur, il y a les antigènes mineurs d’histocompatibilité et aussi les
peptides des molécules du CMH étranger lui-même. Ces dernières sont la principale
source de peptides polymorphes reconnus par les cellules T du receveur, dans le cas,
bien sûr, où le CMH du greffon est différent de celui du receveur.
Les contributions respectives de l’alloreconnaissance directe et indirecte dans le rejet
de greffe ne sont pas connues. On pense que l’alloreconnaissance directe est plutôt
responsable du rejet aigu, cela surtout lorsque la proportions des cellules T alloréac-
tives du receveur est élevée à cause des incompatibilités du CMH. De plus, une atta-
que directe des cellules T cytotoxiques sur les cellules du greffon ne peut être réalisée
que par des cellules T qui reconnaissent directement les molécules du CMH du gref-
fon. Toutefois, les cellules T avec une allospécificité indirecte peuvent contribuer au
rejet de greffe en activant les macrophages, qui provoquent des lésions tissulaires et
de la fibrose, et jouent probablement un rôle important dans le développement d’une
réponse humorale contre le greffon. Des anticorps produits contre des antigènes d’un
autre membre de la même espèce sont appelé alloanticorps.
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 643
14-32 Des anticorps réagissant avec l’endothélium provoquent un rejet suraigu Rein greffé chez un patient avec une insuffisance
du greffon. rénale et des anticorps préexistants dirigés
contre les antigènes du donneur
Les anticorps peuvent aussi intervenir dans le rejet de greffe. Des alloanticorps
préexistants contre les antigènes des groupes sanguins et les antigènes polymorphes
du CMH peuvent provoquer, dans les minutes qui suivent la greffe, un rejet dépen-
dant du complément. Ce type de réaction est appelé rejet suraigu. La plupart des gref-
fons couramment transplantés en médecine sont des greffons d’organes vascularisés,
connectés directement à la circulation du receveur. Dans certains cas, le receveur a
déjà des anticorps circulants dirigés contre les antigènes du greffon. Des anticorps
contre les groupes sanguins ABO peuvent se lier à tous les tissus, et pas seulement aux
globules rouges. Ils sont préformés et peuvent être impliqués dans tous les cas d’in- greffon
compatibilité. De plus, des anticorps contre d’autres antigènes peuvent être produits
en réponse à une greffe antérieure ou à une transfusion de sang. De tels anticorps
peuvent déclencher un rejet très rapide des greffons vascularisés car ils réagissent
avec des antigènes portés par les cellules endothéliales du greffon. Il activent alors le
complément et la coagulation sanguine, ce qui obstrue les vaisseaux du greffon et sa Les anticorps dirigés contre les antigènes
du donneur se lient à l’endothélium vasculaire
mort immédiate. De tels greffons s’engorgent et prennent une couleur violacée pro- du greffon déclenchant une inflammation
venant du sang hémorragique désoxygéné (Fig. 14.44). On peut éviter cet accident avec obstruction des vaisseaux sanguins
en effectuant un test direct de compatibilité, ou cross-match, entre le donneur et le
receveur. Le test consiste à rechercher chez le receveur la présence éventuelle d’anti-
corps qui réagissent avec les leucocytes du donneur. Leur mise en évidence a consti-
tué jusqu’à présent comme une sérieuse contre-indication à la greffe, car en absence
de traitement, ces anticorps entraîneront très probablement un rejet suraigu.
Cependant, ces dogmes sont en train de changer. La présence d’alloanticorps spécifi-
ques du CMH du donneur et un cross-match positif ne sont plus considérés comme
un facteur réduisant la survie du greffon. La désensibilisation des patients par une
administration d’immunoglobulines intraveineuses a réussi chez un certain nom-
bre de patients chez lesquels des anticorps contre le tissu du donneur étaient déjà
présents. Ainsi, un cross-match positif n’est plus maintenant une contre-indication La greffe s’engorge et devient violacée
absolue à la transplantation. à cause de l’hémorragie
Un problème similaire empêche l’usage des organes d’origine animale, les xénogref-
fes. Si les greffons xénogéniques pouvaient être utilisés, ils permettraient de contour-
ner le principal obstacle à la greffe d’organe, c’est-à-dire la grave pénurie de donneurs.
On a suggéré que les porcs pourraient fournir des organes pour les xénogreffes car ils
ont une taille similaire à celle de l’homme et leur élevage est facile. Les hommes et
les autres primates ont des anticorps naturels qui réagissent avec un antigène glu-
cidique ubiquitaire de la surface cellulaire (α-Gal) d’autres espèces de mammifères,
y compris des porcs. Lorsque des organes de porcs sont greffés chez l’homme, ces greffon
anticorps provoquent un rejet suraigu en se liant aux cellules endothéliales du gref- mort
fon et en activant le complément et la coagulation. Le problème du rejet suraigu est
encore plus difficile à résoudre en cas de xénogreffe car les protéines régulant le com-
plément, comme CD59, DAF (CD55) et MPC (CD46) (voir la Section 2-22), perdent
leur efficacité quand elles sont transférées dans une autre espèce ; ainsi, les protéines
régulatrices du porc, par exemple, ne peuvent protéger le greffon de l’attaque par le Fig. 14.44 Des anticorps préexistants
complément humain. reconnaissant les antigènes du greffon du
donneur peuvent causer un rejet de greffe
Une avancée importante en matière de xénogreffe a été le développement de porcs suraigu. Dans certains cas, les receveurs ont
transgéniques exprimant le DAF humain ainsi que des porcs dépourvus de α-Gal. Ces déjà des anticorps dirigés contre les antigènes
approches pourraient un jour réduire ou prévenir le rejet suraigu en xénotransplan- du donneur, qui sont souvent des antigènes
des groupes sanguins. Lorsque l’organe du
tation. Cependant, le rejet suraigu est seulement le premier obstacle auquel fait face donneur est greffé chez de tels receveurs, ces
une xénogreffe. Il se pourrait que le rejet de greffe par les lymphocytes T soit extrême- anticorps se lient à l’endothélium vasculaire
ment difficile à surmonter avec les traitements immunosuppresseurs actuels. du greffon, ce qui induit l’activation du
complément et les réactions en cascade de la
coagulation sanguine. Les vaisseaux sanguins
14-33 Le rejet chronique est provoqué par des lésions vasculaires du greffon sont obstrués par des caillots et
saignent ; cette hémorragie dans le greffon
inflammatoires du greffon. l’engorge et le sang désoxygéné lui donne une
coloration violacée.
Grâce au succès de l’immunosuppression moderne, environ 90 % des greffons de
reins de cadavres fonctionnent encore un an après la greffe. Cependant, la survie à
644 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
long terme n’a pas été améliorée ; la demi-vie fonctionnelle des allogreffes rénales
reste d’environ 8 ans. La principale cause de la défaillance tardive des greffes est le
rejet chronique, qui se caractérise par une artériosclérose concentrique des vaisseaux
sanguins du greffon, ainsi que par une atrophie et une fibrose des glomérules et des
tubules.
Les mécanismes qui induisent un rejet chronique peuvent être classés en deux types :
ceux qui sont dus à l’alloréaction, et ceux qui sont dus à d’autres mécanismes. On
distingue aussi des événements précoces et des événements tardifs. L’alloréaction
peut survenir plusieurs jours voire plusieurs semaines après la greffe et provoquer un
rejet aigu. Les réponses alloréactives peuvent également se produire des mois ou des
années après la greffe, et être associées à une perte graduelle de la fonction du greffon
difficilement détectable cliniquement. D’autres causes importantes de rejet de greffe
chronique comprennent des lésions d’ischémie-reperfusion, qui se produisent au
moment de la greffe, mais peuvent avoir des effets indésirables tardifs sur le greffon.
Des facteurs nocifs peuvent intervenir plus tardivement comme la toxicité chronique
de la ciclosporine ou une infection à cytomégalovirus.
L’infiltration des vaisseaux du greffon et des tissus par les macrophages, suivie d’une
cicatrisation, est la caractéristique histologique du rejet tardif. On a proposé un modèle
dans lequel les cellules T alloréactives infiltrant le greffon sécrèteraient des cytokines
stimulant l’expression des molécules d’adhérence endothéliales ainsi que des chimio-
kines, comme CCL5 (voir la Fig. 2.46), attirant des monocytes qui se différencient en
macrophages dans le greffon. Ce processus est suivi par une deuxième phase d’in-
flammation chronique dominée par les médiateurs des macrophages comme l’in-
terleukine (IL)-1, le TNF-α et la chimiokine CCL2, ce qui amplifie le recrutement des
macrophages. Ces médiateurs agissant en synergie déclenchent une inflammation
Tissu No. de greffes Survie des chronique et une fibrose, ce qui mène finalement à une défaillance irréversible de
greffé aux USA (2006)* greffes à 5 ans
l’organe. Les modèles animaux de rejet chronique montrent également que les anti-
Rein 18 017 71,9 %
corps IgG alloréactifs peuvent provoquer une athérosclérose accélérée dans les orga-
nes greffés.
la sélection de donneurs de moelle osseuse résident dans le fait que le test ne permet
pas de quantifier précisément les cellules T. Un essai en dilution limite est un test plus
précis (voir Appendice I, Section A-25) qui permet d’évaluer précisément la propor-
tion des cellules T alloréactives.
Bien que la maladie du greffon contre l’hôte soit généralement délétère pour le rece-
veur d’une greffe de moelle osseuse, on peut observer des effets bénéfiques. Certains
des effets thérapeutiques d’une greffe de moelle osseuse lors du traitement d’une leu-
cémie peuvent être dus à une réaction du greffon contre la leucémie. Dans ce cas,
la moelle osseuse allogénique reconnaît des antigènes mineurs d’histocompatibilité
ou des antigènes spécifiques de la tumeur exprimés par les cellules leucémiques, ce
qui amène les cellules du donneur à tuer les cellules leucémiques. L’un des traite-
Fig. 14.47 Des cellules présentatrices ments préventifs de la GVHD est l’élimination in vitro des cellules T matures de la
d’antigène du type du receveur sont moelle osseuse du donneur avant la greffe, ce qui supprime de ce fait les cellules T
nécessaires pour le lancement de la alloréactives. Les cellules T qui se développent ensuite dans le corps du receveur à
réaction du greffon contre l’hôte (GVHD).
Les cellules T qui accompagnent les cellules
partir de la moelle du donneur deviennent tolérants aux antigènes du receveur. Bien
souches hématopoïétiques du donneur que l’élimination de la maladie du greffon contre l’hôte soit bénéfique pour le patient,
(panneau gauche) peuvent reconnaître des on observe une augmentation du risque de récidive de la leucémie, ce qui fournit une
antigènes mineurs d’histocompatibilité du preuve solide de l’effet du greffon contre la leucémie.
receveur et commencer à réagir contre les
tissus du receveur. Lors d’une transplantation L’immunodéficience est une autre complication de la déplétion des cellules T du
de cellules souches, les antigènes mineurs donneur. Puisque la plupart des cellules T du receveur sont détruites par la combi-
pourraient être présentés par les cellules
naison d’une chimiothérapie à haute dose et d’irradiation servant à traiter le receveur
présentatrices d’antigène dérivées soit du
receveur ou du donneur, ces dernières avant la transplantation, les cellules T du donneur sont la source principale pour la
dérivant des cellules souches greffées et reconstitution d’un répertoire de cellules T matures après la greffe. Cela est particuliè-
des précurseurs qui se différencient après la rement vrai chez les adultes, dont la fonction thymique résiduelle est faible. Si un trop
transplantation. Les cellules présentatrices grand nombre de cellules T ont été éliminées de la greffe, les receveurs sont à la merci
d’antigènes sont présentées ici comme
des cellules dendritiques dans un ganglion
de nombreuses infections opportunistes et peuvent en mourir. Le besoin d’équili-
lymphatique (panneau du milieu). Chez la brer les effets bénéfiques de la réaction du greffon contre la leucémie et de l’immuno-
souris, il a été possible de supprimer les compétence avec les effets négatifs de la GVHD causés par les cellules T du donneur
cellules présentatrices d’antigènes du receveur a suscité beaucoup de recherches. Une approche particulièrement prometteuse est
par inactivation génique. Ces receveurs d’empêcher les cellules T des donneurs de réagir avec les antigènes du receveur qu’ils
résistent totalement à la GVHD dépendant
des cellules T CD8 du donneur (panneau
pourraient rencontrer peu de temps après la transplantation. On peut y parvenir en
de droite). Ainsi, la présentation croisée éliminant les cellules présentatrices d’antigène du receveur, essentiellement les cel-
des antigènes mineurs d’histocompatibilité lules dendritiques (Fig. 14.47). Évidemment, dans cette situation, les cellules T du
du receveur sur des cellules dendritiques donneur ne sont pas activées au début de l’inflammation qui accompagne la trans-
du donneur ne sont pas suffisantes pour plantation, et par la suite elles ne favorisent pas la GVHD. Toutefois, il est difficile de
stimuler la GVHD ; ces antigènes synthétisés
de manière endogène et présentés par des savoir si, dans ce contexte, il y aura une réaction du greffon contre la leucémie.
cellules présentatrices d’antigènes du receveur
sont nécessaires pour stimuler les cellules T
du donneur. Pour que cette stratégie puisse 14-36 Des cellules T régulatrices sont impliquées dans les réponses
être utile pour prévenir la GVHD chez l’homme, immunitaires alloréactives.
des moyens de supprimer les cellules
présentatrices d’antigène du receveur seront
nécessaires. Ceci fait l’objet de recherches Comme dans toutes les réponses immunitaires, des cellules T CD4 CD25 régulatrices
dans plusieurs laboratoires. joueraient un rôle immunorégulateur dans les réponses immunitaires alloréactives
Lors d’une transplantation de cellules souches Des cellules T alloréactives sont activées par Si les cellules dendritiques du receveur sont absentes,
hématopoïétiques, le receveur reçoit des cellules dendritiques du receveur et les cellules T du donneur ne voient maintenant
quelque cellules T matures peuvent causer des lésions tissulaires étendues que les cellules dendritiques dérivées du donneur
appelées maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) et ne sont pas activées et ne causent pas de GVHD
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 647
Toutes les greffes dont il a été question jusqu’à présent relevaient de la technologie
médicale moderne. Cependant, un tissu qui est greffé, et toléré, de manière répétée
est le fœtus de mammifère. Il porte le CMH et les antigènes mineurs d’histocompati-
bilité du père qui sont différents de ceux de la mère (Fig. 14.48), et pourtant une mère
réussit à donner naissance à de nombreux enfants exprimant les mêmes protéines
du CMH étranger provenant du père. Le mystère de cette absence de rejet fœtal a
interpellé des générations d’immunologistes, mais aucune explication complète n’a
encore été trouvée. L’un des problèmes est que l’acceptation de l’allogreffe fœtale est
tellement banale qu’il est difficile d’étudier le mécanisme qui empêche le rejet ; si le
mécanisme de rejet du fœtus n’est que si rarement activé, comment pourrait-on ana-
lyser les mécanismes qui le contrôlent ?
Différentes hypothèses ont été avancées afin d’expliquer la tolérance au fœtus. On
pensait qu’il n’était pas considéré comme étranger. Cependant, plusieurs observa-
tions vont à l’encontre de cette hypothèse. Les femmes qui ont donné naissance à
plusieurs enfants produisent habituellement des anticorps contre les protéines
du CMH et les antigènes des globules rouges du père. Elles représentent même la
meilleure source d’anticorps pour le typage du CMH humain. Le placenta, qui est un
tissu appartenant au fœtus, semble isoler celui-ci des cellules T de la mère. La cou-
che externe du placenta, l’interface entre les tissus fœtaux et maternels, s’appelle le
trophoblaste. Il n’exprime pas de protéines du CMH de classe I et II classiques, ce qui
le rend résistant à toute reconnaissance ou attaque par les cellules T maternelles. Les
tissus qui n’ont pas d’expression de classe I sont, cependant, vulnérables aux attaques
des cellules NK (voir la Section 2-31). Le trophoblaste pourrait être protégé des atta-
ques des cellules NK en exprimant une molécule du HLA de classe I non classique et
très peu polymorphe, HLA-G. On a montré que cette protéine se liait aux deux récep-
teurs inhibiteurs principaux des cellules NK, le KIR1 et le KIR2, et inhibait ainsi la
cytotoxicité exercée par les cellules NK.
Le placenta peut également protéger le fœtus des cellules T de la mère au moyen d’un
mécanisme actif d’épuisement des nutriments. L’enzyme indoleamine 2,3-dioxygé-
nase (IDO), qui est fortement exprimée par les cellules de l’interface fœto-maternelle,
catabolise un acide aminé, le tryptophane, et en prive ainsi les cellules T, qui en ont Fig. 14.48 Le fœtus est une allogreffe qui
besoin pour leur activité. L’inhibition de l’IDO par le 1-méthyltryptophane chez des n’est pas rejetée. Bien que le fœtus porte
des molécules du CMH héritées du père, et
souris gravides entraîne un rejet rapide des fœtus allogéniques, mais non celui des
d’autres antigènes étrangers, il n’est pas rejeté.
fœtus syngéniques. Ce qui soutient l’hypothèse selon laquelle les cellules T maternel- Même lorsque la mère donne naissance à
les, alloréactives contre les protéines du CMH paternelles, pourraient être maîtrisées plusieurs enfants du même père, on n’observe
dans le placenta par la déplétion du tryptophane. aucun signe de rejet immunologique.
648 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
Il est plus que probable que la tolérance fœtale repose sur un processus multifacto-
riel. Le trophoblaste n’agit pas comme une barrière absolue entre la mère et le fœtus,
et les cellules sanguines fœtales peuvent traverser le placenta et être détectées dans
la circulation maternelle, bien qu’en très petit nombre. De expériences sur les sou-
ris ont fourni des preuves directes de la tolérance des cellules T spécifiques contre
les alloantigènes du CMH paternels. Les souris femelles gravides dont les cellules T
portent un récepteur transgénique spécifique d’un alloantigène paternel ont montré
une expression réduite de ce récepteur pendant la gestation. Ces mêmes souris sont
devenues incapables de contrôler la croissance d’une tumeur expérimentale portant
le même alloantigène du CMH paternel. Après la gestation, la croissance de la tumeur
a été contrôlée et le niveau du récepteur des cellules T s’est accru. Cette expérience
démontre que le système immunitaire maternel a sans doute été exposé aux alloan-
tigènes du CMH paternels et que la réponse immunitaire contre ces antigènes a été
temporairement supprimée.
Un autre facteur pouvant contribuer à la tolérance maternelle du fœtus est la sécré-
tion de cytokines à l’interface fœto-maternelle. L’épithélium utérin et le trophoblaste
sécrètent tous deux des cytokines, y compris le TGF-β (transforming growth factor),
l’IL-4, et l’IL-10. Cette association de cytokines tend à inhiber les réponses des cellu-
les TH1 (voir Chapitre 10). L’activation ou l’injection de cytokines comme l’interféron
(IFN)-γ et l’IL-12, qui activent les réponses des TH1 chez les animaux de laboratoire,
favorisent la résorption fœtale, l’équivalent d’un avortement spontané dans l’espèce
humaine. Finalement, il est possible que des cellules T régulatrices pourraient jouer
un rôle dans la suppression des réponses contre le fœtus.
Le fœtus est donc toléré pour deux raisons principales : il occupe un site protégé par
une barrière tissulaire non immunogène et il active une réponse immunosuppressive
locale chez la mère. Plusieurs sites du corps, comme l’œil, ont ces caractéristiques et
acceptent de manière prolongée des greffons tissulaires étrangers. Ces sites sont en
général qualifiés de privilégiés (voir la Section 14-5).
Résumé.
La greffe clinique est désormais une réalité quotidienne, son succès étant basé sur
la compatibilité du CMH, les immunosuppresseurs et les compétences techniques.
Cependant, même une compatibilité parfaite du CMH n’empêche pas le rejet de
greffe ; d’autres différences génétiques entre donneur et receveur peuvent générer
des protéines allogéniques dont les peptides sont présentés sous forme d’antigènes
mineurs d’histocompatibilité par des molécules du CMH sur le greffon, des réactions
contre eux pouvant induire un rejet. Comme nous n’avons pas la capacité de suppri-
mer de façon spécifique la réponse contre le greffon sans compromettre la défense
de l’hôte, la plupart des greffes nécessitent que le receveur soit soumis à une immu-
nosuppression. Ce qui peut s’avérer très toxique et accroître le risque de cancer et
d’infection. Le fœtus est une allogreffe naturelle qui doit être acceptée — et qui l’est
presque toujours — pour la survie de l’espèce. La tolérance envers le fœtus pourrait
être la clef du développement d’une tolérance spécifique envers les tissus greffés, à
moins qu’il ne s’agisse d’un cas spécial non applicable au traitement par greffe.
Résumé du Chapitre 14.
Questions.
14.1 (a) Décrivez les différents niveaux de l’autotolérance. (b) Citez au moins quatre de
ces niveaux et décrivez le mécanisme de chacun en quelques phrases.
14.3 Quelle est la preuve que la prédisposition génétique joue un rôle important dans
les maladies auto-immunes ? Donnez deux exemples et pour chacun expliquez
pourquoi l’exemple implique la génétique.
14.4 (a) Donnez un élément évident de preuve que l’environnement joue également
un rôle dans le développement de l’auto-immunité. (b) Citez deux facteurs
environnementaux potentiels et pour l’un d’entre eux décrivez plus en détail
comment il pourrait susciter l’auto-immunité.
650 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
14.6 Une personne ayant une leucémie reçoit une greffe de moelle osseuse de son
frère dont l’HLA est identique. Deux semaines plus tard, il développe une éruption
cutanée et des nausées, bien que sa leucémie soit en rémission. (a) Comment
appelle-t-on ce syndrome ? (b) Quel type de lymphocyte est en cause ? (c) Quels
sont les antigènes reconnus ?
14.10 Quel est le rôle du TNF-α dans la polyarthrite rhumatoïde? Quelles sont les cellules
qui le produisent ?
14.12 Citez trois points qui différencient l’auto-immunité de l’allergie et trois points qui
les rendent semblables.
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652 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation
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par des rétroactions positives de l’inflammation, extracellulaires provoquent des lésions inflammatoires
l’impossibilité d’éliminer l’autoantigène et l’élargissement par des mécanismes analogues aux réactions
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Manipulation de la réponse
immunitaire 15
La majeure partie de cet ouvrage a été consacrée aux mécanismes par lesquels
le système immunitaire nous protège efficacement de la maladie. Dans les trois
chapitres précédents, cependant, nous avons rencontré des exemples d’échec
de l’immunité face à certaines infections importantes, et à l’inverse, l’allergie et
l’auto-immunité ont montré comment des réponses immunitaires inappropriées
pouvaient elles-mêmes être causes de maladie. Nous avons également abordé les
réactions immunitaires néfastes qui se développent contre les tissus greffés.
Dans ce chapitre, nous traiterons des moyens par lesquels on peut manipuler ou
contrôler le système immunitaire, soit pour supprimer des réactions non souhai-
tées dans l’auto-immunité, l’allergie ou le rejet de greffe, soit pour stimuler l’immu-
nité protectrice. On pense depuis longtemps qu’il devrait être possible d’utiliser les
mécanismes puissants et spécifiques de l’immunité adaptative pour détruire les
tumeurs, et nous ferons le point sur l’état actuel des progrès dans cette direction.
Dans la dernière section de ce chapitre, nous présenterons les stratégies actuel-
les de vaccination et nous verrons comment une approche plus rationnelle dans
la conception et le développement des vaccins promet d’accroître leur efficacité et
d’élargir leur utilité et leur application.
pour supprimer les réactions immunitaires peuvent être répartis en trois catégories :
premièrement, les anti-inflammatoires puissants de la famille des corticostéroïdes,
comme la prednisone ; deuxièmement, les cytotoxiques tels que l’azathioprine et
le cyclophosphamide ; troisièmement, les dérivés fongiques et bactériens, tels que
la ciclosporine A, le tacrolimus (FK506 ou fujimycine) et la rapamycine (sirolimus),
qui inhibent la signalisation dans les lymphocytes T. Ces médicaments ont tous un
spectre d’action très large et inhibent aussi bien les fonctions protectrices du système
immunitaire que les fonctions nocives. Les infections opportunistes sont donc une
complication courante d’un traitement à base d’immunosuppresseurs. Récemment,
de nouveaux traitements ont été introduits ; ils ont été conçus pour atteindre des
composants particuliers de la réponse immunitaire délétère. L’agent immunosup-
presseur idéal qui éviterait une immunosuppression générale devrait viser certai-
nes mécanismes de la réponse immunitaire responsables des dommages tissulaires.
Même ce type d’intervention n’est pas exempt d’effets secondaires car les cellules ou
les molécules touchées exercent des fonctions importantes dans les réponses immu-
nitaires normales contre les infections. Les anticorps eux-mêmes, en raison de leur
grande spécificité, offrent la possibilité la plus immédiate d’inhiber un processus par-
ticulier d’une réponse immunitaire. Des traitements qualifiés d’expérimentaux dans
les éditions précédentes de cet ouvrage, par exemple l’utilisation d’anticorps mono-
clonaux anticytokine, font partie maintenant de la pratique médicale, et de nouveaux
traitements sont constamment à l’essai. Parmi ceux-ci, citons le ciblage de cellules
spécifiques, la neutralisation de cytokines et de chimiokines en excès dans certains
sites et l’amplification des mécanismes régulateurs naturels de la réponse immuni-
taire comme ceux qui impliquent les cellules T régulatrices (Treg).
Des récepteurs de stéroïdes se trouvent Les stéroïdes traversent la membrane Le complexe stéroïde:récepteur
dans le cytoplasme complexés à une cellulaire et se lient au complexe du peut maintenant traverser
protéine de choc thermique, Hsp 90 récepteur de stéroïde, libérant l’Hsp 90 la membrane du noyau
stéroïde
élément gène
régulateur en amont
récepteur
de stéroïde
Le récepteur de stéroïde peut interagir
avec NF𝛋B et inhiber ainsi la
transcription des gènes cibles de NF𝛋B
Hsp90
gène
élément
de réponse à NFκB
De gros efforts sont actuellement consacrés à la recherche de produits dotés des Fig. 15.1 Mécanisme d’action des stéroïdes.
mêmes effets anti-inflammatoires mais sans les effets secondaires. L’utilisation de Les corticostéroïdes sont des molécules
lipophiles qui entrent dans les cellules en
corticostéroïdes pour contrôler une maladie nécessite un équilibre précis entre l’aide diffusant à travers la membrane plasmique et
fournie au patient par la réduction des manifestations inflammatoires et les effets nui- qui se lient à leur récepteur dans le cytosol.
sibles du médicament. Pour cette raison, on administre souvent les corticostéroïdes La liaison d’un corticostéroïde à son récepteur
chez les receveurs de greffes et dans le traitement des maladies allergiques et auto- déplace des chaperonnes moléculaires,
comprenant les protéines de choc thermique,
immunes inflammatoires en les associant à d’autres médicaments afin de minimiser exposant ainsi, dans le récepteur, son site de
la dose et les effets toxiques. Dans l’auto-immunité et le rejet d’allogreffe, les corticos- liaison à l’ADN. Le complexe stéroïde:récepteur
téroïdes sont couramment combinés avec des immunosuppresseurs cytotoxiques ; peut agir en entrant dans le noyau et en se
liant aux séquences d’ADN spécifiques dans
cependant ceux-ci ont leurs propres effets secondaires.
les promoteurs des gènes sensibles aux
stéroïdes ou en interagissant avec d’autres
facteurs de transcription comme NFκB.
15-2 Les agents cytotoxiques sont immunosuppresseurs en tuant Plusieurs des effets des corticostéroïdes
les cellules en division mais ont de graves effets secondaires. surviennent rapidement et sont donc assurés
par des mécanismes non génétiques
comme ceux passant par des récepteurs de
Les trois agents cytotoxiques les plus couramment utilisés comme immunosup- membrane encore mal caractérisés.
presseurs sont l’azathioprine, le cyclophosphamide et le mycophénolate. Ces
substances interfèrent dans la synthèse de l’ADN et leur action pharmacologique
principale porte sur les tissus dont les cellules sont en division continuelle. Ces subs-
tances développées à l’origine pour traiter le cancer sont aussi immunosuppressi-
ves car elles sont cytotoxiques pour les lymphocytes en division. L’azathioprine
interfère aussi avec la costimulation de CD28, ce qui conduit à l’émission d’un
signal apoptotique par blocage d’une importante molécule de signalisation, la
petite GTPase, Rac1. L’utilisation de ces composés est limitée par une série d’effets
toxiques sur les tissus dont les cellules se divisent, comme la peau, la muqueuse
intestinale et la moelle osseuse. Les conséquences sont une diminution de la fonc-
tion immunitaire, une anémie, une leucopénie, une thrombopénie, des lésions de
l’épithélium intestinal, la perte de cheveux et des atteintes, voire la mort, du fœtus.
À cause de leur toxicité, ces médicaments sont utilisés à haute dose uniquement
lorsque l’objectif est d’éliminer tous les lymphocytes en division, et dans ces cas,
les patients traités requièrent une greffe de moelle osseuse subséquente afin de
restaurer leur fonction hématopoïétique. Pour traiter les réponses immunitaires
non souhaitées, ces substances sont utilisées à des doses plus faibles et sont asso-
ciées à d’autres médicaments comme les corticostéroïdes.
658 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
Granulocyte Diminution de l’exocytose dépendante du Ca2+ des sérine estérases des granules
La ciclosporine A et le tacrolimus sont efficaces, mais ont cependant pas mal d’ef-
fets secondaires. Premièrement, comme pour les agents cytotoxiques, ces subs-
tances touchent toutes les réponses immunitaires sans discrimination. La seule
façon de contrôler leur action immunosuppressive est de modifier la dose. Lors
de la greffe, de fortes doses sont requises mais, une fois la greffe en place, on peut
réduire la dose afin de permettre encore des réponses immunitaires protectrices,
tout en maintenant la suppression des réponses résiduelles envers le tissu greffé.
Cet équilibre délicat n’est pas toujours atteint. Par ailleurs, bien que les cellules T
soient particulièrement sensibles aux actions de ces médicaments, leurs cibles
moléculaires sont retrouvées dans d’autres types cellulaires et ces médicaments
ont donc des effets sur plusieurs autres tissus. La ciclosporine A et le tacrolimus
sont tous deux toxiques pour les reins ainsi que pour d’autres organes. Enfin, le
traitement avec ces médicaments est coûteux car il s’agit de produits naturels com-
plexes qui doivent être administrés pendant des périodes de temps prolongées.
Aussi, on espère améliorer ces composés, et des analogues de meilleure qualité et
moins coûteux sont recherchés. Néanmoins, actuellement, ces substances sont les
médicaments de choix en transplantation, et elles sont également testées dans dif-
férentes maladies auto-immunes, et tout particulièrement pour celles qui, comme
le rejet de greffe, sont induites par les cellules T.
Les membres activés de la famille NFATc migrent Les complexes CsA:CyP et tacrolimus:FKBP se
dans le noyau et se fixent à AP-1 et aux autres protéines lient à la calcineurine, empêchant son activation
partenaires pour former des facteurs de transcription actifs par le calcium et bloquant l’activation des NFATc
Inactive
NFATc
Ca2+
régulatrices, peut-être parce que ces cellules utilisent des voies de signalisation
différentes de celles des cellules T effectrices.
Les médicaments cytotoxiques tuent sans discrimination tous les types de lymphocy-
tes activés et toutes les autres cellules en division. La ciclosporine A, le tacrolimus et
la rapamycine sont plus sélectifs, mais inhibent quand même la plupart des réponses
immunitaires adaptatives. À l’opposé, les anticorps peuvent inhiber les réponses
immunitaires d’une manière non toxique et beaucoup plus spécifique. Le potentiel
des anticorps dans l’élimination des lymphocytes indésirables est démontré par les
globulines antilymphocytaires, une préparation d’immunoglobulines provenant
de chevaux immunisés avec des leucocytes humains. Cette préparation est utilisée Maladie sérique
depuis de nombreuses années dans le traitement des épisodes aigus de rejet de greffe.
Les globulines antilymphocytaires ne distinguent cependant pas les lymphocytes uti-
les de ceux qui sont impliqués dans le rejet. De plus, les immunoglobulines de cheval
sont très antigéniques chez l’homme. Un traitement avec des doses importantes
déclenche souvent une maladie sérique due aux complexes constitués des immuno-
globulines de cheval et des anticorps humains anti-cheval (voir la Section 13-18).
Néanmoins, les globulines antilymphocytaires sont toujours utilisées pour traiter
les rejets aigus. Elles ont été le point de départ de la recherche d’anticorps mono-
clonaux qui exerceraient des effets mieux ciblés (voir Appendice I, Section A-12).
Un tel anticorps est Campath-1H (appelé aussi alemtuzumab), qui est dirigé contre
la protéine de surface cellulaire, CD52, exprimée par la plupart des lymphocytes.
Il a une activité similaire aux globulines antilymphocytaires, causant une lympho-
pénie durable, et est utilisé dans certaines situations cliniques.
L’activité immunosuppressive des anticorps monoclonaux passent par deux méca-
nismes principaux. Certains anticorps, comme le Campath-1H, causent une déplé-
tion des lymphocytes in vivo, d’où la dénomination d’anticorps déplétants, tandis
que d’autres, les non déplétants, agissent en bloquant la fonction de leur protéine
cible sans tuer la cellule qui la porte. Les anticorps monoclonaux de type IgG qui
provoquent la déplétion lymphocytaire exposent ces cellules aux macrophages et
aux cellules NK, qui portent des récepteurs de Fc et qui tuent les lymphocytes par
phagocytose ou par cytotoxicité dépendante des anticorps. Une lyse par le com-
plément peut aussi contribuer à la destruction lymphocytaire. De nombreux anti-
corps sont testés pour leur capacité d’inhiber le rejet d’allogreffe et de modifier le
cours de maladies auto-immunes. Nous donnerons certains exemples après avoir
décrit les procédés par lesquels on s’efforce de préparer des anticorps monoclo-
naux utilisables chez l’homme.
15-6 Des anticorps peuvent être modifiés afin qu’ils soient moins
immunogènes chez l’homme.
Le principal obstacle au traitement par les anticorps monoclonaux chez l’homme
réside dans le fait que ces anticorps sont produits plus facilement à partir de cellules Anaphylaxie systémique aiguë
de souris (voir Appendice I, Section A-12), or l’homme s’immunise rapidement contre
les anticorps de souris. Ceci non seulement bloque l’activité des anticorps de souris,
mais peut aussi induire des réactions allergiques, et si le traitement est prolongé,
aboutir à un choc anaphylactique (voir la Section 13-11). Une fois que le patient s’est
immunisé, tout traitement ultérieur avec des anticorps monoclonaux de souris est
exclu. En principe, cet obstacle peut être contourné par la production d’anticorps non
reconnus comme étrangers par le système immunitaire humain. À cet effet, on recourt
actuellement à trois stratégies. Dans la première, on clone les régions V humaines
dans une banque de phages d’expression et l’on sélectionne ceux qui se lient aux
662 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
cellules humaines, comme décrit dans l’Appendice I (voir Section A-13). De cette
façon, on peut obtenir des anticorps monoclonaux qui sont totalement d’origine
humaine. Dans un second procédé, des souris dépourvues de gènes d’immunoglo-
bulines peuvent être rendues transgéniques (voir Appendice I, Section A-46) pour les
locus des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines humaines en utilisant des
chromosomes artificiels de levure. Les cellules B de ces souris, parfois appelées sou-
ris humanisées, ont des récepteurs codés par des gènes d’immunoglobulines humai-
nes, mais ne sont pas tolérantes vis-à-vis de la plupart des protéines humaines. Chez
ces souris, il est possible d’induire des anticorps monoclonaux humains contre des
épitopes portés par des cellules ou des protéines humaines.
Enfin, il est possible de greffer les régions déterminant la complémentarité (CDR)
d’un anticorps monoclonal de souris, qui forment les boucles de liaison à l’antigène,
dans le cadre d’une molécule d’immunoglobuline humaine, un procédé dit d’hu-
manisation. Comme la spécificité de la liaison à l’antigène est déterminée par la
structure des CDR (voir Chapitre 3), et comme les structures générales des anticorps
de souris et des anticorps humains sont très similaires, cette approche produit un
anticorps monoclonal qui est identique aux immunoglobulines humaines du point
de vue antigénique, mais se lie au même antigène que l’anticorps monoclonal de
souris dont les séquences CDR sont dérivées. Bien que ces anticorps recombinants
soient nettement moins immunogènes chez l’homme que les anticorps monoclo-
naux de souris, il apparaît que ces anticorps « chimériques » peuvent encore cau-
ser des réactions d’hypersensibilité. C’est pourquoi, des anticorps complètement
humains contre de nombreuses cibles antigéniques sont en développement, sou-
vent après que leur équivalent chimérique a démontré son efficacité thérapeutique.
Des anticorps spécifiques de diverses cibles physiologiques ont été utilisées, ou sont
à l’essai, afin de prévenir le rejet d’organes transplantés en inhibant le développement
de réactions inflammatoires et cytotoxiques nocives. Par exemple, Campath-1H a été
utilisé avec succès dans la transplantation d’organes solides et de moelle osseuse.
L’élimination des lymphocytes T matures de la moelle osseuse d’un donneur avant
son administration au receveur est très efficace pour diminuer la fréquence de la
maladie du greffon contre l’hôte (voir la Section 14-35). Dans cette maladie, les lym-
Maladie du greffon contre l’hôte phocytes T de la moelle osseuse du donneur reconnaissent le receveur comme étran-
ger et développent une alloréaction destructrice contre lui, causant des éruptions
cutanées, de la diarrhée et une hépatite, le syndrome étant souvent mortel. On a
pensé que l’élimination des cellules T matures du donneur pourrait ne pas être avan-
tageuse lorsque la greffe de moelle osseuse fait partie d’un traitement de leucémie ;
en effet, l’activité antileucémique des cellules T du donneur pourrait être perdue,
mais cela ne s’est pas révélé exact lorsque l’on a utilisé Campath-1H. Cet anticorps est
aussi autorisé pour le traitement de certaines leucémies et peut être utilisé comme
traitement avant que la transplantation de moelle osseuse ne soit envisagée.
Des anticorps plus spécifiques ont été utilisés pour traiter des épisodes de rejet de
greffe qui se produisent après la transplantation. L’anticorps OKT3 cible le com-
plexe CD3 et conduit à l’immunosuppression des cellules T en inhibant la signali-
sation par l’intermédiaire du récepteur de cellule T. Il a été utilisé en clinique dans
la transplantation d’organes solides, mais il est souvent associé à une stimulation
indésirable de la libération de cytokines, et son utilisation est à la baisse. La libé-
ration des cytokines est liée à une région Fc intacte. Lorsque celle-ci est mutée,
comme dans l’anticorps appelés OKT3g1 (Ala-Ala), l’anticorps ne produit plus
ce dangereux effet secondaire. L’anticorps conserve la région liant l’antigène de
OKT3, mais les acides aminés 234 et 235 de la région Fc de l’IgG1 humaine ont été
remplacés par des alanines, afin de prévenir les interactions qui mènent à la libé-
ration de cytokines (voir la Section 15-11).
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 663
Les anticorps monoclonaux dirigés contre d’autres cibles ont également eu un cer-
tain succès dans la prévention du rejet de greffe chez l’animal. Certains anticorps
anti-CD4 non déplétants, lorsqu’ils sont administrés pendant une courte période
au cours de la première exposition à des tissus greffés, induisent un état de tolé-
rance envers des antigènes du greffon chez le receveur (Fig. 15.5). Cet état de tolé-
rance est un exemple de la régulation immunitaire par des cellules T régulatrices
décrites à la Section 14-7. Les cellules inductrices de tolérance sont des cellu-
les Treg CD4 CD25, bien que d’autres sous-populations de cellules T régulatrices
pourraient avoir des effets similaires. La tolérance est spécifique ; ainsi, les ani-
maux de la souche A qui sont résistants à la souche B rejettent encore une greffe
d’une souche C. Cette tolérance est aussi « infectieuse » une population de cellu-
les T naïves exposée aux allogreffes, en présence de cellules T régulatrices spécifi-
ques de cette allogreffe acquièrent la tolérance aux antigènes de l’allogreffe. Nous
ne savons pas encore exactement comment l’anticorps anti-CD4 induit les cellu-
les T régulatrices.
Une approche différente pour inhiber le rejet d’allogreffe est de bloquer les signaux
de costimulation nécessaires à l’activation des cellules T qui reconnaissent les
antigènes du donneur. Les molécules de costimulation B7.1 et B7.2 sont présen-
tes à la surface des cellules présentatrices d’antigènes spécialisées, telles que les
cellules dendritiques, et les deux se lient aux récepteurs CD28 et à son homolo-
gue CTLA-4 sur les cellules T CD4 et certaines cellules T CD8 (voir la Section 8-14).
Dans des expériences de rejet de greffe sur animaux, la protéine recombinante
soluble, CTLA-4-Ig, qui se lie étroitement aux molécules B7 et empêche ainsi leur
Rejet accéléré
Rejet de première intention Pas de rejet de greffe
(seconde intention)
interaction avec les récepteurs de costimulation sur les cellules T, a permis la sur-
vie à long terme de certains tissus greffés, vraisemblablement par la suppression
de l’activation des lymphocytes T. CTLA-4-Ig est composé de CTLA-4 fusionnée à
la portion Fc d’une immunoglobuline humaine.
Un anticorps monoclonal humanisé contre la molécule de costimulation, le ligand
de CD40, présent à la surface des cellules T s’est avéré encore plus efficace dans un
modèle de rejet de greffe de rein chez des primates (voir la Section 8-14). Le ligand
de CD40 se lie au CD40 exprimé sur les cellules dendritiques et endothéliales (NT :
ainsi que sur les cellules B), et stimule chez celles-ci la production de cytokines tel-
les que l’IL-6, l’IL-8 et l’IL-12. Le mécanisme de l’effet immunosuppresseur de l’an-
ticorps anti-ligand de CD40 n’est pas connu, mais il est très probable qu’il est lié
au blocage de l’activation des cellules dendritiques par les cellules T auxiliaires qui
reconnaissent les antigènes des donneurs. Les études des anticorps anti-ligand de
CD40 chez l’homme sont encore préliminaires. Un anticorps a été associé à des
complications thromboemboliques et a été retiré ; un autre anticorps anti-ligand
de CD40 a été administré à des patients atteints de la maladie auto-immune, le
lupus érythémateux disséminé (LED) sans complications importantes, mais aussi
sans montrer beaucoup d’efficacité.
7 30 70
N. d’articulations enflées (0–58)
placébo
Score de la douleur (0–10)
6 60
placébo
5 50 placébo
20
CRP (mg l–1)
4 40
3 30
anticorps 10 anticorps
2 20
anticorps
1 10
0 0 0
0 1 2 3 4 0 1 2 3 4 0 1 2 3 4
Semaine Semaine Semaine
666 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
Nombre de 12
nouvelles
lésions 10 placébo
8
VCAM-1
intégrine α4:β1 6
4
natalizumab
2 (anti-intégrine α4)
0
endothélium 0 1 2 3 4 5 6
Mois
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 667
fraction est effectivement pathogène. Cette éradication peut être obtenue par des
globulines polyclonales antilymphocytaires ; nous avons examiné les résultats et les
effets secondaires de ce traitement dans la Section 15-5. Ici, nous nous intéressons
aux anticorps plus sélectifs dans leur activité antilymphocytaire. Par exemple, si des
récepteurs restreints sur le plan clonal peuvent être identifiés sur les cellules T ou
B à l’origine de maladies, ils peuvent être ciblés par des anticorps reconnaissant les
déterminants idiotypiques de ces récepteurs (voir Appendice I, Section A-10).
Les anticorps monoclonaux qui réagissent avec les lymphocytes ont différents
effets sur les cellules cibles. Certains causent la déplétion des cellules, comme
décrit dans la Section 11-5. Les anticorps non déplétants, en revanche, n’affectent
pas le nombre de cellules, mais certains d’entre eux semblent, paradoxalement,
plus efficaces dans le traitement de l’auto-immunité que des anticorps déplétants
qui se lient aux mêmes protéines cibles sur les lymphocytes. L’explication la plus
probable est que les anticorps non déplétants exercent leurs effets en modifiant,
de manière bénéfique, la fonction des cellules auxquelles ils se sont liés. Les effets
de ce dernier type d’anticorps sont considérés dans la section suivante.
Le traitement par des anticorps anti-CD4 qui provoquent la délétion des cellu-
les T auxiliaires (voir Fig. 15.5) a été tenté expérimentalement dans la polyarth-
rite rhumatoïde et la sclérose en plaques, avec des résultats décevants. Des études
contrôlées ont montré que les anticorps n’exerçaient que de petits effets thérapeu-
tiques, mais causaient une déplétion des lymphocytes T du sang durant plus de
6 ans après le traitement. Des études ultérieures ont montré que l’explication pro-
bable de l’échec était l’incapacité de ces anticorps d’éliminer les cellules TH1 CD4
sensibilisées sécrétrices de la cytokine pro-inflammatoire, l’interféron (IFN)-γ ;
ces anticorps semblaient donc avoir manqué leur cible. Cet échec édifiant montre
qu’il est possible d’éliminer un grand nombre de lymphocytes et, malgré cela, ne
pas réussir à atteindre les cellules en cause.
L’anticorps monoclonal Campath-1H a un profil cytolytique similaire à celui des
globulines antilymphocytaires (voir la Section 15-5) et a montré un certain effet
bénéfique dans des études sur de petits nombres de patients atteints de sclérose en
plaques. Cependant, immédiatement après la perfusion, chez la plupart des patients,
une flambée de la maladie, effrayante mais heureusement brève, est survenue. Cette
poussée illustre une autre complication potentielle de la thérapie par anticorps.
Alors que Campath-1H se liait aux cellules et les tuaient par des mécanismes dépen-
dant du complément et des récepteurs de Fc, des cytokines ont été libérées, dont
le TNF-α, l’IFN-γ et IL-6. Une des conséquences a été un blocage transitoire de la
conduction nerveuse dans les fibres nerveuses déjà touchées par la démyélinisation,
ce qui a causé la dramatique aggravation des symptômes. Néanmoins, Campath-1H
pourrait se révéler utile aux premiers stades de la maladie lorsque la réponse inflam-
matoire est maximale, mais cela n’a pas encore été montré.
On a également étudié les effets d’une délétion des cellules B obtenue par un anti-
corps monoclonal chimérique souris / homme anti-CD20, appelé rituximab, déve-
loppé à l’origine pour le traitement des lymphomes. La liaison et le regroupement
de CD20 par l’anticorps déclenche un signal qui provoque l’apoptose des lympho-
cytes. Des perfusions de rituximab causent la déplétion des cellules B pour plu- Cryoglobulinémie mixte
sieurs mois, et le médicament a été utilisé dans les essais de maladies auto-immunes
dans lesquelles les autoanticorps semblent jouer un rôle prédominant. Il existe des
preuves de l’efficacité de cet anticorps chez certains patients atteints d’anémie
hémolytique auto-immune, de LED, de polyarthrite rhumatoïde ou de cryoglobuli-
némie mixte de type II (voir Fig. 14.16). Bien que CD20 n’est pas exprimé sur les
plasmocytes producteurs d’anticorps, leurs précurseurs, les cellules B, sont ciblés
par l’anti-CD20, aboutissant à une réduction substantielle de la population des
plasmocytes à durée de vie courte, mais non pas de ceux à durée de vie longue.
D’autres stratégies pour éliminer ces cellules productrices d’anticorps compren-
nent le ciblage d’autres molécules de la surface cellulaire, notamment un compo-
sant du corécepteur cellules B, CD19, qui est exprimée par toutes les cellules B.
668 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
derme
CD11c
CD3
IL-4
TH2
IL-5
IL-10
Treg TGF-β
IL-10
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 671
type d’effet secondaire lorsque de nouveaux médicaments seront testés. Ces appro-
ches seront-elles efficaces dans la manipulation des réponses immunitaires à la base
des maladies auto-immunes humaines déjà établies ? Il est trop tôt pour répondre.
Résumé.
Les traitements existants contre les réponses immunitaires indésirables, telles que
les réactions allergiques, l’auto-immunité et le rejet de greffe, dépendent en grande
partie de trois types de médicaments : les anti-inflammatoires, les cytotoxiques et
les immunosuppresseurs. Les anti-inflammatoires, parmi lesquels les plus efficaces
sont les corticostéroïdes, sont utilisés pour les trois types de réponses. Cependant,
ceux-ci ont un large spectre d’action et une toute aussi grande variété d’effets indési-
rables ; leur dose doit être contrôlée avec soin. Ils sont donc habituellement utilisés
en association avec des médicaments cytotoxiques ou des immunosuppresseurs.
Les médicaments cytotoxiques tuent toutes les cellules en division et empêchent
ainsi la prolifération des lymphocytes, mais ils suppriment indifféremment toutes
les réponses immunitaires et tuent également d’autres types de cellules en division.
Les immunosuppresseurs agissent en intervenant dans les voies de signalisation
intracellulaires des cellules T. Ils sont moins dangereux que les médicaments cyto-
toxiques, mais ils inhibent indifféremment toutes les réponses immunitaires. Ils
sont également beaucoup plus onéreux que les médicaments cytotoxiques.
Les immunosuppresseurs sont désormais les médicaments de prédilection dans le
traitement des patients greffés, car ils peuvent être utilisés pour supprimer la réponse
immunitaire contre le greffon avant qu’elle ne soit établie. Les réponses auto-immu-
nes sont déjà bien établies au moment du diagnostic et sont donc plus difficiles à sup-
primer. Elles réagissent moins aux immunosuppresseurs et, pour cette raison, elles
sont généralement contrôlées par une association de corticostéroïdes et de médica-
ments cytotoxiques. Dans les expériences animales, des tentatives ont été réalisées
pour cibler de façon plus spécifique l’immunosuppression, en bloquant la réponse
contre l’autoantigène au moyen d’anticorps ou de peptides antigéniques ou en réo-
rientant le type de réponse vers une forme non pathogène par manipulation de
l’environnement en cytokines ou par administration orale de l’antigène, ce qui sus-
citerait une réponse immunitaire non pathogène. Beaucoup de ces approches thé-
rapeutiques sont actuellement testées chez l’homme, dans quelques cas avec grand
succès. L’arrivée des antagonistes du TNF-α est considérée comme un des triomphes
de l’immunothérapie. De nombreux agents biologiques sont en développement et
certains vont entrer en pratique clinique (Fig. 15.11). Tous ont le désavantage d’être
coûteux à produire et leur administration est pénible. Un but important de l’indus-
trie pharmaceutique est de produire de petites molécules qui ont les mêmes cibles
et les mêmes effets que les thérapies biologiques actuelles.
des pathogènes viraux ou bactériens induit une réponse immunitaire qui assure
une protection spécifique contre ce pathogène. Des approches immunologiques
du traitement du cancer ont été tentées depuis plus d’un siècle, mais ce n’est que
depuis une décennie que l’immunothérapie du cancer s’est révélée vraiment pro-
metteuse. Un progrès conceptuel important a été l’intégration des approches
conventionnelles comme la chirurgie et la chimiothérapie, qui réduisent considé-
rablement la charge tumorale, avec l’immunothérapie.
La découverte que les tumeurs pouvaient être déclenchées chez les souris après
traitement par des cancérogènes chimiques ou après irradiation ainsi que le
674 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
développement de lignées pures de souris sont à l’origine des expériences clés qui ont
Immunisation de la souris contre
des cellules tumorales irradiées révélé l’existence de réponses immunitaires contre les tumeurs. Ces tumeurs peuvent
être greffées dans d’autres souris, ce qui a permis l’étude expérimentale de leur rejet.
cellules tumorales Si celles-ci portent des molécules du CMH étrangères aux souris receveuses, les cel-
irradiées lules tumorales sont facilement reconnues et détruites par le système immunitaire.
Ceci a d’ailleurs été exploité dans le développement de la première lignée de souris
congéniques pour le CMH. L’immunité spécifique contre les tumeurs doit donc être
étudiée dans des lignées consanguines, de façon à ce que l’hôte et la tumeur aient des
CMH compatibles.
Après transplantation dans des receveurs syngéniques, le sort des tumeurs varie.
Injection de cellules Injection de cellules La plupart s’étendent progressivement et finissent par tuer l’hôte. Cependant, après
vivantes venant vivantes venant injection de cellules tumorales irradiées, incapables de se multiplier, les souris sont
de la même tumeur d’une tumeur différente souvent protégées contre l’administration ultérieure d’une dose habituellement mor-
telle de cellules vivantes de la même tumeur. Il semble y avoir un spectre d’immu-
nogénicité parmi ces tumeurs transplantables : des injections de cellules tumorales
irradiées semblent déclencher un degré variable d’immunité protectrice contre des
cellules tumorales vivantes injectées dans un site éloigné. On n’observe pas cette pro-
tection chez des souris déficientes en cellules T, mais elle peut être transmise aux sou-
ris par un transfert adoptif de cellules T provenant de souris immunes, ce qui montre
La réponse aux La réponse contre la la nécessité des cellules T pour obtenir ces effets.
antigènes de rejet tumeur irradiée
tumoral propres à la n’élimera pas des tumeurs Ces observations montrent que les tumeurs expriment des peptides antigéniques qui
tumeur permet non apparentées d’un peuvent devenir les cibles d’une réponse des cellules T spécifiques de la tumeur. Les
d’éliminer celle-ci type cellulaire différent
antigènes exprimés par les tumeurs murines déclenchées expérimentalement, que
l’on appelle souvent antigènes de rejet tumoral (TRA, Tumor Rejection Antigens),
sont habituellement spécifiques d’une tumeur individuelle. Ainsi, une immunisation
avec des cellules tumorales irradiées provenant d’une tumeur X protège une souris
syngénique contre des cellules vivantes provenant de cette tumeur X, mais pas contre
une tumeur Y syngénique différente, et vice versa (Fig. 15.12).
NK CD8 Treg
CD4 NK CD4 CD8
γδ CD8 γδ
CD8 NK NK
cancérogènes, ce qui illustre un rôle pour les cellules T γ:δ intraépithéliales (voir la Fig. 15.13 Des cellules malignes peuvent
Section 11-10) dans la surveillance et la cytotoxicité contre des cellules épithéliales être contrôlées par la surveillance
immunitaire. Certains types de
anormale. Des études des diverses cellules effectrices du système immunitaire ont cellules tumorales sont reconnues par diverses
identifié l’IFN-γ et l’IFN-α comme facteurs importants dans l’élimination des cellu- cellules du système immunitaire, qui peuvent
les tumorales, soit directement, soit indirectement par leurs actions sur d’autres cel- les éliminer. Si les cellules tumorales ne sont
lules. Les cellules T γ:δ sont une source importante d’IFN-γ, ce qui pourrait expliquer pas complètement détruites, des variants
l’importance de ces lymphocytes dans l’élimination des cellules cancéreuses comme peuvent apparaître qui échappent finalement
au système immunitaire et prolifèrent pour
nous venons de le signaler. former une tumeur.
Selon l’hypothèse de la révision immunologique, les cellules tumorales qui survivent
à la phase d’équilibre ont acquis de nombreuses mutations qui empêchent leur éli-
mination par le système immunitaire. Chez un individu immunocompétent, les cel-
lules non mutantes sont continuellement éliminées par la réponse immunitaire, ce
qui retarde la croissance de la tumeur, mais quand le système immunitaire est com-
promis, l’équilibre se transforme rapidement en phase d’échappement puisque plus
aucune cellule tumorale n’est éliminée. Un exemple clinique illustrant la présence
de la phase d’équilibre est la survenue de cancer chez les receveurs de greffes d’or-
ganes. Une étude a signalé le développement du mélanome entre 1 et 2 ans après
la transplantation chez deux patients qui avaient reçu un rein provenant du même
donneur, un patient qui avait eu un mélanome malin, traité avec succès à l’époque,
16 ans avant sa mort. On peut supposer que les cellules de mélanome, qui migrent
facilement dans d’autres organes, étaient présentes dans les reins de ce patient, mais
étaient en phase d’équilibre avec le système immunitaire. Ainsi, les cellules de méla-
nome n’étaient pas complètement éliminées par le système immunitaire qui, étant
resté compétent, maintenait le nombre de cellules sous contrôle. Mais, puisque le sys-
tème immunitaire des receveurs a été déprimé, cela a permis la multiplication rapide
des cellules de mélanome et leur propagation à d’autres parties du corps.
La plupart des tumeurs spontanées communes, cependant, ne sont pas plus fréquen-
tes chez les personnes immunodéficientes, et donc ne semblent pas être soumises à
la surveillance immunitaire. Les principaux types de tumeurs qui se produisent avec
une fréquence accrue chez des souris immunodéficientes ou chez l’homme sont des
tumeurs associées aux virus; la surveillance immunitaire semble donc être détermi-
nante pour le contrôle de ce type de tumeur ; en effet, l’immunothérapie tumorale est
généralement plus efficace contre les tumeurs d’origine virale.
Il n’est pas surprenant que les tumeurs spontanées soient rarement rejetées par les
cellules T, parce qu’en général, elles sont probablement dépourvues des peptides
antigéniques distinctifs ou des molécules d’adhérence ou de costimulation requi-
ses pour susciter une réponse primaire des cellules T (Fig. 15.14, premier panneau) .
Même des tumeurs qui expriment des antigènes tumoraux spécifiques peuvent être
considérées comme appartenant au « soi » si elles ne provoquent pas d’inflammation.
Des antigènes peuvent être captés par des cellules présentatrices d’antigènes, comme
les cellules dendritiques, mais si celles-ci sont immatures et présentent les antigènes
à des lymphocytes T en l’absence de signaux de costimulation, elles induiront une
anergie ou une suppression des cellules T (voir la Section 7-26).
676 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
T TH1
CD8 CTL
T
TGF-β
CD28
LFA-1
TCR
TGF-β
+
Treg
TGF-β,
IL-10
Fig. 15.14 Les tumeurs peuvent échapper à la surveillance considéré maintenant comme faisant partie d’une phase d’équilibre, qui
immunitaire de différentes façons. Panneau de gauche : les tumeurs peut conduire à l’expansion de la tumeur lorsque le système immunitaire
peuvent avoir une faible immunogénicité. Certaines tumeurs n’ont « perd la course » et n’est plus capable de s’adapter. Lorsqu’une tumeur
pas de peptides de nouvelles protéines qui puissent être présentés est attaquée par des cellules répondant à un antigène particulier, toute
par des molécules du CMH, et paraissent donc normales au système tumeur n’exprimant pas cet antigène aura un avantage sélectif. Quatrième
immunitaire. D’autres ont perdu une ou plusieurs molécules du CMH, et panneau : les tumeurs produisent souvent des substances, comme
la plupart n’expriment pas de protéines de costimulation, nécessaires le TGF-β, qui suppriment directement les réponses immunitaires ou
à l’activation des cellules T naïves. Deuxième panneau : des antigènes peuvent recruter des cellules T régulatrices qui peuvent elles-mêmes
tumoraux présentés en absence de signaux costimulateurs rendront les sécréter des cytokines immunosuppressives. Cinquième panneau : des
cellules T répondeuses tolérantes à ces antigènes. Troisième panneau : cellules tumorales peuvent sécréter des molécules, comme le collagène,
des tumeurs peuvent exprimer au début des antigènes auxquels le qui forment une barrière physique autour de la tumeur, empêchant
système immunitaire répond, mais elles les perdent par l’internalisation les lymphocytes d’y accéder. APC, Antigen-Presenting Cell, cellule
que des anticorps induisent ou par variation antigénique. Le processus présentatrice d’antigène ; TCR, T Cell Receptor, récepteur de cellule T.
d’instabilité génétique conduisant au changement génétique est
Épithélioma
Caspase-8 Régulateur de l’apoptose
épidermoïde
Anticorps spécifique
Ig de surface/
après réarrangement génique Lymphome
idiotype
dans le clone de cellules B
Mélanome
MAGE-1
Cellule germinale Protéines normales des testicules Sein
MAGE-3
Gliome
Enzyme de la voie
Différenciation Tyrosinase Mélanome
de synthèse de la mélanine
Expression Sein
HER-2/neu
β Récepteur tyrosine kinase
anormale d’un gène Ovaire
Modification
Sein
post-traductionnelle MUC-1 Mucine peu glycosylée
Pancréas
anormale
Modification
GP100 Rétention d’introns
post-traductionnelle Mélanome
TRP2 dans l’ARNm
anormale
devienne trop grande pour être contrôlée, même si la barrière physique est détruite
et qu’une inflammation s’ensuive. Ainsi, il existe de nombreuses voies qui permettent
aux tumeurs d’éviter d’être reconnues et d’être détruites par le système immunitaire.
Les antigènes de rejet des tumeurs reconnus par le système immunitaire sont des
peptides de protéines des cellules tumorales qui sont présentés aux cellules T par des
molécules du CMH (voir la Section 15-14). Ces peptides deviennent les cibles d’une
réponse des cellules T spécifiques de la tumeur, même s’ils peuvent aussi être pré-
sents sur des tissus normaux. Par exemple, des stratégies visant à induire une immu-
nité contre des antigènes de mélanome peuvent induire chez les patients du vitiligo,
une destruction auto-immune des cellules pigmentaires de la peau. On distingue plu-
sieurs catégories d’antigènes de rejet des tumeurs ; la Fig. 15.17 en donne des exem-
ples de chacune. La première catégorie comprend des antigènes qui sont strictement
spécifiques des tumeurs. Ces antigènes sont le résultat de mutations ponctuelles ou
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 679
Conforme à ces résultats est le constat que des cellules T spécifiques de mélanome
peuvent être multipliées à partir de lymphocytes prélevés chez des patients atteints
de mélanome, à partir du sang, d’infiltrats tumoraux ou de ganglions lymphatiques
de drainage. Fait intéressant, aucun des peptides reconnus par ces lymphocytes T ne
provient de protéines codées par des proto-oncogènes mutés ou des gènes suppres-
seurs de tumeurs, susceptibles d’être responsables de la transformation initiale de
la cellule, même si quelques-uns sont des produits d’autres gènes mutés. Les autres
proviennent de protéines normales, mais sont maintenant présentées sur les cellu-
les tumorales à des niveaux détectables par les cellules T pour la première fois. Par
exemple, les antigènes de la famille MAGE ne sont pas exprimés dans les tissus adul-
tes normaux, à l’exception du testicule, qui est un site immunologiquement privilé-
gié (voir Fig. 15.17). Ils représentent probablement des antigènes de développement
précoce, réexprimés au cours du processus de cancérisation. Seule une minorité de
patients atteints de mélanome ont des cellules T réagissant aux antigènes MAGE, ce
qui indique que, dans la plupart des cas, ces antigènes ne sont pas exprimés ou ne
sont pas immunogènes.
Les antigènes de mélanome les plus communs sont des peptides de l’enzyme tyro-
sinase ou de trois autres protéines, gp100, MART1 et gp75. Ce sont des antigènes de
différenciation spécifiques de la lignée des mélanocytes dont les mélanomes déri-
vent. Il est probable que la surexpression de ces antigènes dans les cellules tumorales
conduit à une densité anormalement élevée de complexes spécifiques peptide:CMH,
ce qui les rend immunogènes. Bien que les antigènes de rejet de tumeur soient géné-
ralement présentés comme des peptides présentés par des molécules du CMH de
classe I, on a montré que la tyrosinase stimulait des réponses des cellules T CD4
chez certains patients atteints de mélanome en étant ingérée et présentée par des
cellules exprimant des molécules du CMH de classe II. Il est importe de noter que
les deux types de cellules T, CD4 et CD8, sont susceptibles d’être impliqués dans le
contrôle immunitaire des tumeurs. Les cellules CD8 peuvent tuer directement les cel-
lules tumorales, alors que les cellules T CD4 jouent un rôle dans l’activation des cellu-
les T CD8 cytotoxiques et l’établissement de la mémoire. Les cellules T CD4 peuvent
aussi tuer les cellules tumorales par le biais de cytokines, comme le TNF-α.
En plus des antigènes de tumeurs humaines identifiés par l’induction des répon-
ses cellules T cytotoxiques (voir Fig. 15.17), de nombreux autres molécules candi-
dates à la fonction d’antigène de rejet de tumeur ont été identifiées par l’étude des
bases moléculaires du développement néoplasique. Il s’agit notamment des produits
mutés d’oncogènes cellulaires ou de suppresseurs de tumeurs, comme Ras et p53,
ainsi que de protéines de fusion, comme la tyrosine kinase Bcr-Abl, qui résulte de la
translocation chromosomique (t9; 22) dans la leucémie myéloïde chronique (LMC).
Il est curieux que, dans chaque cas, aucune réponse spécifique des cellules T cyto-
toxiques n’a été détectée lorsque des lymphocytes du patient ont été cultivés avec les
cellules tumorales porteuses de ces antigènes mutés.
Lorsqu’elle est présente sur des cellules de LMC, la molécule HLA de classe I,
HLA-A* 0301, peut présenter un peptide dérivé du site de fusion entre Bcr et Abl. Ce
peptide a été détecté par une technique puissante connue sous le nom d’immuno-
génétique « inverse », dans laquelle les peptides élués des sillons des variants poly-
morphes des molécules du CMH sont récupérés et séquencés par spectrométrie de
masse, ce qui permet l’identification des séquences des peptides spontanément liés
aux molécules du CMH. La technique a été utilisée pour détecter des peptides liés
aux HLA provenant d’autres antigènes tumoraux, par exemple des peptides dérivés
des antigènes tumoraux de mélanomes, gp100 et MART1. Elle a également été utili-
sée pour identifier des séquences peptidiques pouvant servir à la vaccination contre
des maladies infectieuses.
Les cellules T spécifiques du peptide de fusion Bcr-Abl peuvent être identifiées dans le
sang de patients atteints de LMC au moyen de ligands spécifiques constitués par des
tétramères de HLA-A* 0301 porteurs du peptide (voir Appendice I, Section A-28). Les
lymphocytes T cytotoxiques spécifiques de cet antigène et d’autres antigènes tumo-
raux peuvent être sélectionnés in vitro par des peptides dérivés de portions mutées
ou fusionnées de ces protéines oncogènes ; ces cellules T cytotoxiques sont capables
de reconnaître et de tuer les cellules tumorales.
682 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
TCRα
TCRβ
Fig. 15.20 Transfert rétroviral de gène de Après une greffe de moelle osseuse pour traiter une LMC, des lymphocytes matu-
récepteur de cellule T. Des contrustructions res du donneur de moelle osseuse injectés au patient peuvent aider à éliminer tout
d’ADN rétroviral sont transfectées dans des
cellules servant à produire des particules
résidu de tumeur. Cette technique est appelée infusion de lymphocytes du donneur
virales. Des lymphocytes sont activés de (ILD). À l’heure actuelle, on ignore dans quelle mesure la réponse clinique est due
manière polyclonale par des anticorps à la réaction du greffon contre l’hôte, les lymphocytes du donneur réagissant avec
anti-CD3 ou des billes couvertes d’anticorps des alloantigènes exprimés par les cellules leucémiques, ou si une réponse spécifi-
anti-CD3 / CD28. Deux jours après l’activation, que antileucémique est importante (voir la Section 14-35). Cependant, le fait qu’il
des lymphocytes sont exposés aux particules
virales, et 5 jours après l’activation,
soit possible de séparer in vitro les lymphocytes T qui assurent soit une réaction du
l’expression du récepteur de cellule T peut greffon contre l’hôte ou un effet de greffe contre leucémie est très encourageant. La
être démontrée par analyse au FACS. Une possibilité de sensibiliser les cellules du donneur contre des peptides spécifiques de
stimulation antigénique in vitro ou in vivo la leucémie offre la perspective de pouvoir amplifier l’effet antileucémique, tout en
conduit à l’expansion des cellules exprimant le minimisant le risque de réaction du greffon contre l’hôte.
récepteur de cellule T.
On a maintenant de bonnes raisons de croire qu’une immunothérapie par des cellu-
les T contre des antigènes tumoraux est une approche clinique possible. La thérapie
adoptive au moyen de cellules T consiste en l’expansion ex vivo des cellules T spéci-
fiques de la tumeur afin de produire un grand nombre de cellules T qui sont ensuite
perfusées au patient. Les cellules prolifèrent en culture en présence d’IL-2, d’anti-
corps anti-CD3 et de cellules présentatrices d’antigène allogéniques, qui fournissent
un signal de costimulation. La thérapie adoptive par cellules T est plus efficace si le
patient est immunodéprimé avant le traitement et ses effets sont renforcés par l’ad-
ministration systémique d’IL-2. Des cellules T dirigées contre des tumeurs malignes
exprimant des antigènes du virus d’Epstein-Barr (EBV) peuvent également être mul-
tipliées de manière spécifique en présence de lignées cellulaires lymphoblastoïdes
provenant des cellules B du patient et transformées par l’EBV. Une autre approche qui
a suscité beaucoup d’intérêt est le transfert de gènes de récepteurs de cellules T spéci-
fiques de la tumeur au moyen de vecteurs rétroviraux dans les cellules T des patients
avant leur réinfusion. Cela peut avoir des effets à long terme en raison de la capacité
des cellules T à devenir des cellules mémoire, et l’histocompatibilité n’est pas néces-
saire puisque les cellules transfusées proviennent du patient (Fig. 15.20).
15-17 Des anticorps monoclonaux, seuls ou liés à des toxines, dirigés contre
les antigènes tumoraux peuvent contrôler la croissance de la tumeur.
La découverte des anticorps monoclonaux a suggéré la possibilité de cibler et de
détruire les tumeurs en fabriquant des anticorps contre les antigènes spécifiques de
la tumeur (Fig. 15.21). Mais avant tout, il faut trouver un antigène spécifique de la
tumeur qui soit une molécule de surface. La Fig. 15.22 reprend quelques-unes des
molécules de surface visées dans des essais cliniques. Certains de ces traitements
ont été autorisés et des résultats remarquables ont été rapportés dans le traitement
du cancer du sein avec un anticorps monoclonal appelé trastuzumab (Herceptine),
qui est dirigé contre le récepteur HER-2 / neu surexprimé chez environ un quart des
patientes atteintes de cancer du sein. Comme nous l’avons vu à la Section 15-16,
cette surexpression de l’HER-2 / neu est responsable de la réponse antitumorale des
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 683
ont été obtenus par un traitement au moyen d’un anticorps humanisé anti-VEGF,
le bevacizumab, en association avec la chimiothérapie classique. Cet anticorps,
ainsi qu’un autre anticorps, le cetuximab, dirigé contre le récepteur de l’EGF, sont
maintenant autorisés pour le traitement du cancer colorectal.
La thérapie antitumorale par anticorps monoclonaux spécifiques ou sélectifs se heur-
tent à plusieurs difficultés : la variation antigénique de la tumeur (voir Fig. 15.13), la
lyse inefficace des cellules après liaison de l’anticorps monoclonal, la pénétration
insuffisante de l’anticorps dans la masse tumorale (ce peut être amélioré par l’utili-
sation de petits fragments d’anticorps) et la présence d’antigènes solubles qui neu-
tralisent les anticorps. La liaison d’une toxine à l’anticorps, ce qui produit un une
immunotoxine (voir Fig. 15.21) permet de contourner certains de ces obstacles.
La chaîne A de la ricine et la toxine de Pseudomonas sont les deux utilisées. Pour
être efficaces, l’immunotoxine doit pénétrer dans la cellule afin que la toxine puisse
se détacher de l’anticorps dans la vésicule d’endocytose ; les toxines peuvent alors
agir et tuer la cellule. Des toxines couplées à des anticorps entiers ont eu un succès
limité en thérapie antitumorale, mais des fragments d’anticorps comme les molé-
cules monocaténaires Fv (voir la Section 3-3) montrent des résultats prometteurs.
Un exemple d’immunotoxine efficace est un anticorps Fv recombinant anti-CD22
fusionné à un fragment de la toxine de Pseudomonas. Il a induit une rémission com-
plète dans deux tiers d’un groupe de patients atteints d’une leucémie des cellules B
appelée tricholeucémie, qui résistait à la chimiothérapie conventionnelle.
Deux autres approches utilisant des anticorps monoclonaux conjugués impliquent la
liaison d’anticorps à des médicaments de chimiothérapie comme l’adriamycine ou à
des radio-isotopes. Dans le cas d’un anticorps lié à un médicament, la spécificité de
l’anticorps monoclonal pour un antigène de surface des cellules tumorales concentre
le médicament dans le site tumoral. Après internalisation, le médicament est libéré
dans les endosomes et exerce son effet cytotoxique ou cytostatique. Une variante de
cette approche consiste à lier un anticorps à une enzyme qui métabolise une pro-
drogue non toxique en un produit actif cytotoxique, une technique appelée ADEPT
(Antibody-Directed Enzyme / Pro-drug Therapy, thérapie par prodrogue activée par
des enzymes dirigées par anticorps). Cette technique offre un avantage potentiel :
une petite quantité d’enzyme localisée par l’anticorps sur la tumeur peut générer des
molécules cytotoxiques dans le voisinage immédiat des cellules tumorales en quantité
beaucoup plus grande que celle qui pourrait être couplée directement à l’anticorps.
Des anticorps monoclonaux liés à des radio-isotopes (voir Fig. 15.21) concentrent la
source radioactive dans le site de la tumeur. Cette stratégie a été utilisée avec succès
pour traiter un lymphome à cellules B réfractaire ; l’yttrium-90 était couplé aux anti-
corps anti-CD20 (ibritumomab tiuxetan). Des anticorps monoclonaux couplés à des
radio-isotopes émettant des rayons γ ont également été utilisés avec succès en image-
rie pour diagnostiquer des tumeurs et suivre leur évolution (Fig. 15.23).
Ces approches ont l’avantage de tuer aussi les cellules tumorales voisines, parce
que la libération des drogues ou les émissions radioactives peuvent affecter les cel-
lules adjacentes à celles auxquelles les anticorps s’attachent. En fin de compte, les
D G anticorps monoclonaux porteurs de toxines, de médicaments ou de radioisotopes
combinés à des stratégies de vaccination visant à induire une immunité à cellu-
les T pourraient constituer l’immunothérapie du cancer la plus efficace.
Fig. 15.23 Un cancer colorectal récidivant
peut être détecté au moyen d’un anticorps
monoclonal dirigé contre l’antigène
carcino-embryonnaire et radiomarqué. Un 15-18 Amplifier la réponse immunitaire contre les tumeurs par vaccination
patient avec une récidive possible de cancer est prometteur dans la prévention et la thérapie du cancer.
colorectal a reçu une injection intraveineuse
d’un anticorps monoclonal dirigé contre
l’antigène carcino-embryonnaire et marqué La percée majeure dans les vaccins contre le cancer depuis la dernière édition de
par l’indium 111. La tumeur récidivante est ce livre a été la prévention d’un cancer d’origine virale. Vers la fin de 2005, un grand
visible sous forme de deux points rouges essai randomisé sur 12.167 femmes a montré qu’un vaccin recombinant contre le
situés dans la région pelvienne. Les vaisseaux
sanguins sont légèrement visibles du fait de la
virus du papillome humain (VPH) a été efficace à 100 % dans la prévention du can-
persistance de l’anticorps libre en circulation. cer du col de l’utérus causé par les deux souches principales, VPH-16 et VPH-18,
Cliché de A.M. Peters. qui sont associées à 70 % des cancers du col de l’utérus.
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 685
En revanche, les tentatives d’utilisation de vaccins pour traiter les tumeurs ont été
constamment décevantes. Des vaccins basés sur des antigènes tumoraux sont, en
principe, l’approche idéale pour l’immunothérapie antitumorale basée sur les cel-
lules T. Cependant, ces vaccins sont difficiles à mettre au point, on ignore dans
quelle mesure les épitopes seront partagés entre les tumeurs, et des peptides
des antigènes rejet tumoral ne seront présentés que par certains allèles particu-
liers du CMH. Pour être efficace, un vaccin antitumoral devrait donc compren-
dre une gamme d’antigènes tumoraux. Les antigènes MAGE-1, par exemple, ne
sont reconnus que par les cellules T chez les patients atteints de mélanome qui ont
l’haplotype HLA-A1, mais la gamme des protéines de type MAGE a maintenant été
caractérisée ; elle englobe des épitopes peptidiques présentés par de nombreu-
ses molécules HLA de classe I et II. Il est clair que les vaccins thérapeutiques anti-
tumoraux ne devraient être utilisés que lorsque la masse tumorale est faible, par
exemple après une intervention chirurgicale et une chimiothérapie appropriée.
Jusqu’à récemment, pour la plupart des vaccins contre le cancer, c’est la tumeur
du patient après sa résection chirurgicale qui a fourni les antigènes. Les vaccins
à base de cellules sont préparés par mélange de cellules tumorales irradiées ou
d’extraits de tumeurs avec des adjuvants bactériens comme le bacille de Calmette-
Guérin (BCG) ou Corynebacterium parvum, ce qui amplifie l’immunogénicité
(voir Appendice I, Section A-4). Bien que la vaccination avec le BCG comme adju-
vant a eu des résultats variables dans le passé, il y a un regain d’intérêt en raison de
la meilleure compréhension des récepteurs de type Toll. La stimulation de TLR-4
par le BCG et d’autres ligands a été testée dans le mélanome et d’autres tumeurs
solides. L’ ADN CpG, qui se lie à TLR-9, a également été utilisé pour augmenter
l’immunogénicité des vaccins contre le cancer.
Lorsque des antigènes de rejet tumoral ont été identifiés, par exemple dans le
mélanome, les stratégies de vaccination expérimentale incluent l’utilisation (1) de
protéines entières ; (2) de peptides choisis selon les séquences reconnues par les
lymphocytes T cytotoxiques et les lymphocytes T auxiliaires (administrés seuls ou
présentés par les cellules dendritiques du patient lui-même) ; (3) des virus recom-
binants codant ces épitopes peptidiques. Les antigènes tumoraux exprimés par les
lymphomes à cellules B sont considérés comme uniques et convenant bien à une
immunothérapie vaccinale, mais cette approche n’a pas encore été couronnée de
succès clinique. Une nouvelle approche expérimentale de vaccination antitumo-
rale est l’utilisation de protéines de choc thermique isolées de cellules tumorales.
Le principe sous-jacent est que les protéines de choc thermique agissent comme
des chaperonnes intracellulaires pour des peptides antigéniques. Comme les cel-
lules dendritiques seraient porteuses de récepteurs de surface capables de capter
certaines protéines de choc thermique et tout peptide associé, ce dernier passe-
rait alors par les voies d’apprêtement antigénique menant à la présentation par les
molécules du CMH de classe I. L’avantage de cette technique encore expérimen-
tale est que l’on ne doit pas connaître la nature des antigènes de rejet tumoral, mais
l’inconvénient est que les protéines de choc thermique purifiées à partir des cellu-
les de la tumeur comprennent de très nombreux peptides, de sorte que l’antigène
de rejet tumoral pourrait ne constituer qu’une infime proportion de ces peptides.
Une autre approche expérimentale pour la vaccination antitumorale chez la sou-
ris est d’augmenter l’immunogénicité des cellules tumorales par l’introduction de
gènes qui codent des molécules de costimulation ou des cytokines. Cette mesure
vise à rendre la tumeur elle-même plus immunogène. La Fig. 15.24 montre le prin-
cipe de base de ces expériences. Une cellule tumorale transfectée avec le gène
codant la molécule de costimulation B7 est implantée dans un animal syngénique.
Ces cellules porteuses de B7 peuvent activer des lymphocytes T naïfs spécifiques de
la tumeur, qui deviennent alors des cellules T effectrices capables de rejeter les cel-
lules tumorales. Elles sont également capables de stimuler la prolifération des cellu-
les effectrices qui atteignent le site d’implantation. Ces cellules T peuvent alors cibler
les cellules tumorales qu’elles expriment ou non B7 ; ce qui peut être démontré par
réimplantation de cellules tumorales non transfectées, qui sont également rejetées.
686 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
Toutefois, B7 peut également activer CTLA-4 et inhiber ainsi les réponses des cellu-
les T. Le blocage de CTLA-4 par des anticorps anti-CTLA-4 s’est révélé prometteur
dans le traitement du mélanome, en amplifiant l’activation des cellules T auxiliaires
et des cellules T cytotoxiques, bien que des réactions auto-immunes soient appa-
rues chez ces patients. Une alternative à B7 est d’utiliser le ligand de CD40 ; la trans-
fection du gène du ligand de CD40 dans des cellules tumorales devrait favoriser la
maturation des cellules dendritiques ainsi que la sensibilisation immunitaire.
La deuxième stratégie, celle de l’introduction de gènes de cytokines dans les
tumeurs afin qu’elles sécrètent la cytokine utile, a comme but d’attirer les cellu-
les présentatrices d’antigènes dans la tumeur et de profiter des activités paracrines
des cytokines. Chez la souris, les vaccins antitumoraux les plus efficaces à ce jour
sont les cellules tumorales qui sécrètent le GM-CSF (Granulocyte-Macrophage
Fig. 15.24 La transfection de tumeurs avec le gène de B7 ou du cellule (voir la Section 8-5). Elles peuvent donc être activées (panneaux
GM-CSF augmente l’immunogénicité de la tumeur. Une tumeur qui du milieu). On peut obtenir le même effet en transfectant la tumeur avec
n’exprime pas de molécules de costimulation ne déclenchera pas de le gène codant le GM-CSF, qui attire et stimule la différenciation des
réponse immunitaire, même si elle exprime des antigènes du rejet de précurseurs des cellules dendritiques (panneaux du bas). Ces stratégies
la tumeur (ART). En effet, les cellules T CD8 naïves spécifiques des ont toutes deux été testées chez la souris. Elles induisaient des cellules T
ART ne peuvent pas être activées par la tumeur. La tumeur croît donc mémoire ; les résultats avec le GM-CSF sont les plus impressionnants.
progressivement chez les souris et finit par les tuer (panneaux du haut). Les cellules T CD8 spécifiques des ART ayant été activées, même
Si ce type de cellules tumorales est transfecté avec une molécule de les cellules tumorales dépourvues de B7 ou de GM-CSF peuvent être
costimulation, telle que B7, les cellules T CD8 spécifiques des ART rejetées.
reçoivent simultanément le signal 1 et le signal 2 provenant de la même
Taille de mort
la tumeur
ART CD28
CMH
de classe
Temps
Taille de Taille de
la tumeur la tumeur
Temps Temps
GM-CSF
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 687
Résumé.
Certaines tumeurs suscitent des réponses immunitaires spécifiques qui suppri-
ment ou modifient leur croissance. Un système immunitaire quelque peu déficient
peut conduire à l’extension de tumeurs, ce qui suggère que le système immunitaire
joue un rôle dans la suppression du développement tumoral. Les tumeurs échap-
pent au système immunitaire ou l’inhibent par différents moyens, et les cellules T
régulatrices ont fait l’objet de beaucoup d’intérêt dans ce domaine. Des anticorps
monoclonaux ont été mis au point pour l’immunothérapie des tumeurs, dans plu-
sieurs cas avec succès, entre autres un anti-CD20 contre le lymphome à cellules B,
et des anticorps anti-VEGF contre le cancer colorectal. On cherche actuellement à
développer des vaccins incorporant des peptides conçus pour générer des répon-
ses efficaces des cellules T cytotoxiques et T auxiliaires. L’efficacité des cellules
dendritiques dans la présentation des antigènes de tumeurs a été améliorée en
exposant in vitro les cellules dendritiques du patient avec des cellules tumorales
modifiées ou des antigènes tumoraux et en lui réinjectant. Cette approche a été
étendue, dans des expériences animales, à la transfection de cellules tumorales
avec des gènes codant des molécules de costimulation ou des cytokines qui attirent
et activent les cellules dendritiques. La possibilité de la quasi-éradication du can-
cer du col s’est rapprochée par le développement d’un vaccin efficace contre des
souches particulières du virus du papillome humain responsables de ce cancer.
1 2 4 6 12 15 18 4–6 11 – 12 14 – 16
Vaccin
mois mois mois mois mois mois mois ans ans ans
Diphtérie/tétanos/coqueluche
(DTP)
Rougeole/oreillons/rubéole
(ROR)
Conjugué pneumococcique
Conjugué Haemophilus B
(HiBC)
Hépatite B
Varicelle
Grippe
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 689
Schistosomiase 15 000
vaccin basé sur des bactéries entières associées aux anatoxines de la diphtérie et du
tétanos (vaccin DPT) a fait décliner le taux annuel d’infection de 200 à moins de 2 cas
pour 100 000 personnes. Le vaccin DPT est en général inoculé pour la première fois
à l’âge de 3 mois.
Le vaccin contre la coqueluche à base de bactéries entières produit certains effets
secondaires, des rougeurs, une douleur et un gonflement à l’endroit de l’injection ;
plus rarement, l’injection est suivie de fièvre et d’un malaise qui se traduit par des
pleurs persistants. Exceptionnellement, des convulsions associées à une somnolence
de courte durée ou à un état de faiblesse peuvent survenir. Pendant les années 1970,
une inquiétude générale s’est répandue à la suite de cas anecdotiques d’encéphalite
aboutissant à des lésions cérébrales irréversibles et survenus après vaccination contre
la coqueluche. Au Japon en 1972, environ 85 % des enfants ont été vaccinés contre la
coqueluche, aucun décès n’a été rapporté et moins de 300 cas de coqueluche ont été
recensés. À la suite de deux décès survenus après vaccination au Japon en 1975, le
DPT a été temporairement suspendu. Il a ensuite été réintroduit avec une première
vaccination à l’âge de 2 ans plutôt qu’à 3 mois. En 1979, environ 13 000 cas de coque-
luche et 41 décès furent rapportés. Des experts ont étudié de manière approfondie
l’implication possible du vaccin dans le développement de graves lésions cérébrales ;
leur conclusion a été que le vaccin n’est pas une cause première de ce type de patho-
logie. Mais, la constatation principale est que la morbidité due à la coqueluche est
sans aucun doute plus importante que celle qui est due au vaccin.
La perception par les médecins et le public que la vaccination contre la coqueluche
basée sur des bactéries entières pouvait être dangereuse a stimulé la recherche d’un
vaccin qui serait plus sûr. L’étude de la réponse immunitaire naturelle envers B. per-
tussis a montré que l’infection induisait des anticorps contre quatre composants de
la bactérie : la toxine, l’hémagglutinine filamenteuse, la pertactine et les antigènes
fimbriaux. L’immunisation de souris avec ces antigènes purifiés les a protégées de
l’infection par cette bactérie. Ces résultats ont conduit au développement de vaccins
acellulaires qui contiennent tous une anatoxine de la coqueluche purifiée, c’est-à-
dire, une toxine inactivée par traitement chimique, par exemple par de l’eau oxygé-
née ou du formaldéhyde ou, plus récemment, modifiée par génie génétique. Certains
vaccins contiennent un ou plusieurs composants supplémentaires, l’hémaggluti-
nine filamenteuse, la pertactine ou des antigènes fimbriaux. D’après les observations
actuelles, ces différentes préparations sont aussi efficaces que le vaccin constitué de
bactéries entières, et ne causent pas les effets secondaires modérés que celui-ci occa-
sionnait. Le vaccin acellulaire est toutefois plus coûteux, ce qui restreint son usage
dans les pays pauvres.
De l’histoire de la vaccination contre la coqueluche, on peut tirer trois conclusions :
les vaccins doivent être absolument inoffensifs et dépourvus d’effet secondaire ; mais,
il faut aussi que le public et le corps médical en soient convaincus ; enfin, on a pu
constater que la compréhension du mécanisme de protection pouvait mener à la
conception de vaccins acellulaires plus sûrs et aussi efficaces que ceux constitués de
bactéries entières.
L’inquiétude du public à propos de la vaccination reste importante. Des craintes non
justifiées d’un lien entre le vaccin combiné vivant atténué ROR et l’autisme a causé
une chute des vaccinations ROR en Angleterre d’un pic de 92 % d’enfants en 1995–
1996 à 84 % en 2001–2002. Les épidémies limitées de rougeole en 2002 à Londres
illustrent l’importance de maintenir un taux de vaccination élevé afin de maintenir
l’immunité de groupe.
15-21 Des vaccins conjugués ont été développés après que le mécanisme
de collaboration entre les cellules T et B dans la réponse immunitaire
a été élucidé.
Bien que les préparations acellulaires soient plus sûres que les organismes entiers,
normalement un vaccin efficace ne peut pas être constitué que d’un seul constituant
du micro-organisme. Maintenant, on en connaît la raison : pour déclencher une
692 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
réponse immunitaire, il faut que plusieurs types cellulaires collaborent. Une consé-
quence de cette constatation a été le développement de vaccins conjugués. Nous
avons déjà décrit brièvement l’un des plus importants dans la Section 9-3.
De nombreuses bactéries, y compris Neisseria meningitidis (méningocoque), Strepto-
coccus pneumoniae (pneumocoque) et Haemophilus, ont une capsule externe com-
posée de polysaccharides qui sont spécifiques de l’espèce et du type de la bactérie. La
défense la plus efficace contre ces micro-organismes est l’opsonisation de la couche
de polysaccharides avec l’anticorps. L’objectif de la vaccination est donc d’induire la
production d’anticorps contre les capsules polysaccharidiques.
Les polysaccharides capsulaires peuvent être récupérés à partir du milieu de
culture des bactéries. Comme ce sont des antigènes thymo-indépendants,
ils sont utilisables tels quels comme vaccins. Cependant, les enfants de moins
de 2 ans sont incapables de produire en quantité suffisante des anticorps sans
contribution des cellules T. Ils ne peuvent donc pas être vaccinés efficacement
par des préparations ne contenant que des polysaccharides. Pour surmonter cet
obstacle (voir Fig. 9.5), on conjugue chimiquement des polysaccharides bacté-
riens avec des protéines porteuses. Celles-ci, en fournissant des peptides recon-
naissables par des cellules T spécifiques de l’antigène, convertissent la réponse
T-indépendante en réponse anticorps anti-polysaccharides T-dépendante. Sur
base de ce principe, différents vaccins conjugués ont été développés contre
Haemophilus influenzae, responsable de graves infections pulmonaires infantiles
et de méningite, et contre N. meningitidis de sérogroupe C, à nouveau une cause
importante de méningite. Ce type de vaccin est actuellement largement utilisé
et la Fig. 15.28 montre le succès de l’un d’entre eux en Grande Bretagne. En effet,
l’incidence de méningite à N. meningitidis C a diminué de manière remarquable
en comparaison de la méningite due au sérogroupe B, contre lequel aucun vaccin
n’est actuellement disponible.
Le virus pathogène est isolé d’un Le virus acquiert plusieurs mutations Le virus ne se développe plus dans les
Le virus ainsi cultivé est utilisé
patient et mis en culture dans des qui lui permettent de mieux se cellules humaines (il est atténué) et peut
pour infecter des cellules de singe
cellules humaines in vitro développer dans les cellules de singe être utilisé comme vaccin
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 695
Traditionnellement, le virus est atténué au cours de son développement dans des cel- Virulence
lules en culture. En général, les virus sont sélectionnés sur base de leur croissance dans
Protéines
des cellules non humaines ; au cours de cette phase, ils deviennent progressivement de la capside
incapables de pousser dans les cellules humaines (Fig. 15.29). Ces souches atténuées
se répliquant mal dans l’organisme humain ne sont plus capables de déclencher la
maladie, mais peuvent stimuler l’immunité. Les souches atténuées comportent des
mutations multiples qui touchant les gènes de plusieurs protéines, mais il se peut Muter le gène Supprimer le gène
qu’une souche de virus pathogène émerge à nouveau à la suite d’une série de muta- de virulence de virulence
tions ultérieures. Par exemple, la souche de vaccin contre la polio « Sabin de Type 3 »
n’a que 10 nucléotides différents sur 7429 par rapport à la souche originale. En de très
rares occasions, la réversion du vaccin en une souche neurovirulente peut survenir et
provoquer ainsi une maladie paralytique chez le receveur malchanceux.
Les vaccins viraux atténués peuvent également présenter des risques chez les
patients immunodéficients chez qui ils se comportent souvent comme des infec-
tions opportunistes virulentes. Les enfants immunodéficients qui sont vaccinés
avec le virus de la polio vivant atténué, avant que leurs déficiences héréditaires en
immunoglobulines ne soient diagnostiquées, sont en danger. En effet, ils ne peu- Le virus obtenu est viable, immunogène mais
vent pas éliminer le virus de leur tractus digestif ; il existe donc un risque accru que non virulent. Il peut être utilisé comme vaccin
la mutation du virus, associée à sa réplication continue et incontrôlée, dans l’intes-
tin aboutisse à une maladie paralytique fatale. Fig. 15.30 L’atténuation peut être atteinte
plus rapidement et de façon plus sûre avec
Un procédé empirique d’atténuation est toujours utilisé, mais il pourrait être sup- les techniques de l’ADN recombinant. Si
planté par deux nouvelles stratégies basées sur la technologie de l’ADN recombi- un gène viral indispensable à la virulence
nant. Dans la première, on isole et mutagénise in vitro des gènes viraux spécifiques. mais pas au développement viral ou à
l’immunogénicité virale est identifié, il peut
On utilise alors les gènes mutés pour remplacer les gènes originaux dans le génome être soit muté (panneau en bas à gauche)
du virus, et celui-ci délibérément atténué peut ensuite servir de vaccin (Fig. 15.30). soit éliminé du génome (panneau en bas à
L’avantage de cette approche est que les mutations peuvent être contrôlées de sorte droite) au moyen des techniques de l’ADN
que la réversion en génotype sauvage est quasiment impossible. recombinant. Cette technique crée un virus non
virulent (non pathogène) qui peut être utilisé
Un tel procédé pourrait être utile pour développer des vaccins vivants contre la comme vaccin. Les mutations dans les gènes
grippe. Comme nous l’avons vu au Chapitre 12, le virus de la grippe peut réinfecter de virulence sont habituellement importantes,
et il est donc très difficile pour le virus de
plusieurs fois le même hôte, car il subit une substitution antigénique et échappe revenir au phénotype original.
donc à la réponse immunitaire originale. Une faible protection conférée à la suite
d’infections par des sous-types différents d’influenza est observée chez les adultes,
mais pas chez les enfants, et est appelée immunité hétéro sous-typique (heterosub-
typic immunity). L’approche actuelle de la vaccination contre la grippe est d’utiliser
un virus tué qui est adapté chaque année sur base des nouvelles souches. Le vac-
cin est relativement efficace, réduisant la mortalité dans les populations âgées et
la morbidité chez les adultes sains. Le vaccin idéal contre la grippe serait un orga-
nisme vivant atténué qui correspondrait à la souche virale prévalente. On pourrait
créer ce type de vaccin en introduisant une série de mutations atténuantes dans
le gène codant la polymérase virale PB2. Ce gène muté pourrait alors remplacer
le gène d’origine dans un virus porteur des variants antigéniques de l’hémagglu-
tinine et de la neuraminidase de la souche épidémique ou pandémique en cause.
696 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
Cette opération pourrait être répétée autant de fois que nécessaire pour suivre les
substitutions antigéniques du virus. L’attention du public a été récemment attirée
sur la possibilité d’une pandémie de grippe causée par le virus aviaire H5N1. Cette
souche peut passer des oiseaux à l’homme avec un taux de mortalité élevé, mais
une pandémie ne surviendrait que si la transmission entre humains devenait pos-
sible. Un vaccin vivant atténué ne serait utilisé que si une pandémie se déclarait,
car son administration à l’avance introduirait de nouveaux gènes de virus influenza
qui pourraient recombiner avec des virus influenza existants.
Des tests de prolifération sont effectués Fig. 15.31 L’immunogénétique « inverse » séquences de protéines paludéennes et les
avec des lymphocytes de patients infectés peut être utilisée pour l’identification peptides correspondants ont été synthétisés.
d’épitopes reconnaissables par des On a ensuite examiné si ces nonapeptides
cellules T qui protégeraient contre synthétiques s’ajustaient dans la cavité
l’infection. Les études de génétique des peptidique d’HLA-B53 en vérifiant si l’HLA-B53
populations montrent que l’allèle de classe I pouvait, en présence du peptide testé,
HLA-B53 est associé à la résistance contre le s’assembler et former un hétérodimère stable
paludisme cérébral. Des peptides du soi de à la surface cellulaire. On a ensuite recherché
neuf acides aminés ont été élués d’HLA-B53. si les peptides identifiés par cette approche
On a trouvé que la plupart avaient la proline déclenchaient la prolifération de cellules T
Peptide identifié comme ayant un potentiel en position 2. Des séquences de neuf acides provenant de patients atteints de paludisme.
pour le développement d’un vaccin aminés contenant la proline en position 2 On pourrait envisager d’incorporer de telles
ont ensuite été repérées dans plusieurs séquences dans des vaccins.
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 697
appropriée car elle n’imite pas la voie d’entrée habituelle de la majeure partie des
pathogènes contre lesquels la vaccination est dirigée.
De nombreux pathogènes importants infectent les muqueuses ou les utilisent
comme portes d’entrée. C’est le cas par exemple des micro-organismes respiratoires
comme B. pertussis, les rhinovirus et le virus de la grippe ainsi que des micro-orga-
nismes entériques, tels que Vibrio cholerae, Salmonella typhi et les formes entéro-
pathogènes d’Escherichia coli et de Shigella. Un vaccin vivant atténué contre le virus
influenza administré par voie nasale induit des anticorps dans la muqueuse qui sont
plus efficaces que les anticorps systémiques dans le contrôle de l’infection du tractus
respiratoire supérieur. Cependant, les anticorps systémiques induits par injection
sont efficaces dans le contrôle de l’infection du tractus respiratoire inférieur qui peut
entraîner des maladies graves et même fatales. Aussi, la priorité pour un vaccin à uti-
liser en cas de pandémie de grippe est d’empêcher l’atteinte du tractus respiratoire
inférieur, même si une affection modérée de voies supérieures ne peut être évitée.
L’intérêt de la voie d’administration muqueuse est illustrée par l’efficacité des vac-
cins vivants atténués contre la polio. Le vaccin de la polio de Sabin composé de
trois souches atténuées de virus de la polio est très immunogène. De plus, comme
la polio peut se transmettre par contamination fécale des piscines publiques et par
d’autres manques d’hygiène, le vaccin peut se transmettre d’un individu à l’autre
par voie bucco-fécale. De la même façon, l’infection par une salmonelle induit une
forte réponse immunitaire muqueuse et systémique.
Les mécanismes de l’immunité muqueuse ne sont pas bien compris. La présenta-
tion d’antigènes protéiques solubles par voie orale provoque souvent la tolérance,
qui est importante étant donnée la charge énorme d’antigènes contenus dans la
nourriture et dans l’air auxquels sont exposés respectivement le tractus intestinal
et le tractus respiratoire (voir le Chapitre 11). La capacité d’induire la tolérance par
administration orale ou nasale d’antigènes est étudiée actuellement comme procédé
thérapeutique susceptible d’atténuer les réactions immunitaires indésirables (voir
la Section 15-13). Par ailleurs, le système immunitaire muqueux peut répondre aux
infections muqueuses telles que la coqueluche, le choléra et la polio. Les protéines
provenant de ces micro-organismes qui stimulent les réponses immunitaires sont
donc particulièrement intéressantes. Un groupe de protéines fortement immuno-
gènes sur les surfaces muqueuses est composé d’un groupe de toxines bactériennes
qui ont la propriété de se lier aux cellules eucaryotes et sont résistantes aux protéa-
ses. Une découverte récente d’importance pratique potentielle révèle que certaines
de ces protéines, comme la toxine sensible à la chaleur de E. coli et la toxine pertus-
sique, ont des propriétés d’adjuvant qu’elles conservent même lorsque la molécule
d’origine a été traitée afin qu’elle perde sa toxicité. Ces molécules peuvent être utili-
sées comme adjuvants pour des vaccins administrés par voie orale ou nasale. Chez
la souris, l’inhalation de l’une de ces toxines mutées en présence d’anatoxine tétani-
que protège l’animal contre une dose mortelle de toxine tétanique.
Titre
hémagglutinine viral souris non vaccinées
(contrôles)
souris
vaccinées
avec l’ADN
Temps
le muscle, à travers la peau, de minuscules billes métalliques enrobées de l’ADN ; Fig. 15.32 Vaccination par injection
c’est de la balistique biologique ou « biolistique ». Vacciner de la sorte s’est révélé intramusculaire d’ADN codant un antigène
protecteur et des cytokines. L’hémagglutinine
efficace chez l’animal et pourrait convenir pour une immunisation de masse. d’influenza contient à la fois des épitopes B
L’addition de plasmides codant des cytokines comme l’IL-12, l’IL-23 ou le GM-CSF et T. Lorsqu’un plasmide contenant le gène
à ceux qui codent des antigènes protecteurs rend l’immunisation nettement plus de l’hémagglutinine est injecté directement
efficace (voir la Section 15-22). L’ADN contenant du CpG non méthylé est un ligand dans le muscle, il en résulte une réponse
immunitaire spécifique composée à la fois
pour TLR9 et les cibles pour les vaccins à ADN sont probablement les cellules den- d’anticorps et de cellules T CD8 cytotoxiques.
dritiques, et d’autres cellules présentatrices d’antigène, qui captent et expriment On peut amplifier la réponse en incluant un
l’ADN, tout en étant activées via TLR-9. Des vaccins à ADN pour la prévention du plasmide encodant le GM-CSF. L’ADN des
paludisme, de la grippe et du VIH sont testés actuellement chez l’homme. plasmides couvrant des particules de métal
sont captées par des cellules dendritiques
dans le tissu musculaire où les plasmides ont
été injectés, ce qui provoque une réponse
15-28 On peut améliorer l’efficacité d’un vaccin en le dirigeant dans un site immunitaire comprenant à la fois un anticorps
où la présentation antigénique est optimale. et des cellules T cytotoxiques.
Une façon d’augmenter l’efficacité d’un vaccin est de le diriger vers les cellules pré-
sentatrices d’antigène, ce qui est un des mécanismes d’action des adjuvants. Dans
ce but, on veille tout d’abord à empêcher la protéolyse de l’antigène avant qu’il ne
soit capté par les cellules présentatrices d’antigène. La préservation de la structure
antigénique est une des raisons pour lesquelles de nombreux vaccins sont injectés
plutôt qu’administrés per os, voie qui expose les antigènes à la dégradation dans
le tube digestif. Ensuite, dès que le vaccin a été introduit, il faut qu’il soit dirigé de
façon sélective vers les cellules présentatrices d’antigènes et vers les voies d’apprê-
tement antigénique à l’intérieur de la cellule.
Les techniques qui permettent d’augmenter l’absorption des antigènes par les cel-
lules présentatrices de l’antigène comprennent le couplage de mannose à l’antigène
afin de faciliter sa capture par les récepteurs de mannose des cellules présentatrices
ainsi que l’utilisation de l’antigène sous forme de complexes immuns, un procédé
qui tire avantage de la fixation des anticorps et du complément à leurs récepteurs
respectifs. Les effets de la vaccination ADN ont été amplifiés de façon expérimen-
tale par injection d’ADN codant une protéine de fusion composée de l’antigène
couplé à CTLA-4. La protéine exprimée se liera alors de manière sélective aux cellu-
les présentatrices d’antigène porteuses de B7, le récepteur de CTLA-4.
Une stratégie plus compliquée est de diriger les antigènes vaccinaux vers les voies
de présentation des antigènes à l’intérieur de la cellule. Par exemple, l’antigène E7
du papillomavirus humain a été couplé au peptide signal qui destine les protéines
membranaires aux lysosomes et endosomes. Ce peptide dirige l’antigène E7 direc-
tement dans les compartiments intracellulaires dans lesquels les antigènes sont
dégradés en peptides qui se lient ensuite aux molécules du CMH de classe II (voir
la Section 5-7). Un virus de la vaccine contenant cet antigène chimérique a déclen-
ché chez des souris une réponse contre l’antigène E7 plus forte que celle qui était
induite par la vaccine ne contenant que l’antigène E7 d’origine. On a montré qu’un
antigène couplé à des anticorps dirigés contre des récepteurs des cellules dendri-
tiques induisait une immunité à long terme, ce qui offre une nouvelle possibilité
d’amélioration des vaccins destinés à activer des cellules T.
700 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire
10 000 1
0 0
IL-2 IFN-γ
(après 112 jours de traitement)
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 701
la fibrose en réponse aux ovules de schistosomes. Les taux d’IgE sont réduits, l’éo-
sinophilie tissulaire est moindre et le profil des cytokines indique une activation
TH1 plutôt que TH2. Ces résultats suggèrent qu’il serait donc possible de prévenir
les conséquences pathologiques des maladies pour lesquelles un vaccin protecteur
n’est pas disponible en recourant à une combinaison d’antigènes et de cytokines.
Cependant, ils n’apportent pas de réponse à la question de savoir si cette approche
est applicable et efficace chez des patients dont l’infection est déjà établie.
Résumé.
Résumé du Chapitre 15.
L’un des plus grands défis de l’immunologie réside dans le contrôle de la réponse
immunitaire, de façon à ce que les réponses immunitaires non désirées puissent
être supprimées et que les réponses désirées soient déclenchées. Les méthodes
actuelles pour supprimer les réponses non désirées sont en grande partie basées
sur des médicaments qui suppriment l’immunité adaptative sans discrimina-
tion et sont donc fondamentalement imparfaites. Dans cet ouvrage, nous avons
vu que le système immunitaire pouvait supprimer ses propres réponses d’une
façon spécifique de l’antigène. En étudiant ces événements régulateurs endogè-
nes, il pourrait être possible d’imaginer des stratégies pour manipuler les répon-
ses spécifiques tout en épargnant la compétence immunitaire générale. Grâce à
cette approche, on commence à développer de nouveaux traitements qui suppri-
ment de façon sélective les réponses menant à l’allergie, à l’auto-immunité ou au
rejet de greffe. De la même façon, comme nous connaissons mieux les tumeurs et
les agents infectieux, il devrait être possible trouver de meilleures stratégies pour
mobiliser le système immunitaire contre le cancer et l’infection. Pour réaliser tout
cela, nous devons apprendre plus sur le déclenchement de l’immunité et la biolo-
gie du système immunitaire, et parvenir à appliquer ce que nous avons appris aux
maladies humaines.
Références 703
Questions.
15.1 Comment des cellules T régulatrices peuvent-elles être induites pour traiter une
maladie auto-immune ou prévenir le rejet de greffe ?
15.2 Quels sont les rôles des anticorps dans le traitement d’une maladie ?
15.4 L’immunothérapie est-elle une approche réaliste dans le traitement des tumeurs ?
Justifiez votre réponse.
15.9 Discutez des différents usages de la protéine de fusion CTLA-4 Ig et des anticorps
anti-CTLA-4.
Galon, J., Franchimont, D., Hiroi, N., Frey, G., Boettner, A., Ehrhart-Bornstein, M.,
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LES ORIGINES DES
PARTIE VI
RÉPONSES IMMUNITAIRES
L’évolution du système
immunitaire 16
Nous avons commencé ce livre par un aperçu de l’immunologie et de la fascina-
tion qu’elle a exercée sur les scientifiques tout au long du 20e siècle. Dans ce cha-
pitre, nous réexaminons comment les mécanismes de base de l’immunologie ont
évolué au fil des éons. Nous commençons, comme nous avons débuté ce livre,
avec le système immunitaire inné, dont certains aspects sont aussi anciens que
les premiers organismes multicellulaires. Nous aborderons ensuite la fascinante
question de savoir comment les systèmes immunitaires ont développé la capacité
de reconnaître et de réagir à un nombre croissant d’antigènes différents de l’uni-
vers des agents pathogènes potentiels.
Nous avons distingué l’immunité innée et acquise par la manière avec laquelle
l’organisme code les molécules qui reconnaissent les pathogènes. L’immunité
innée utilise des récepteurs codés directement dans le génome, et dans les espèces
que nous avons examinées jusqu’à présent, l’homme et la souris, le nombre de ces
récepteurs est limité. Les récepteurs de type Toll et les protéines NOD décrites au
Chapitre 2 sont des exemples de ce répertoire limité de récepteurs de reconnais-
sance des pathogènes. L’immunité adaptative surmonte cette limitation en géné-
rant un plus large répertoire de récepteurs. Ceux-ci appartiennent à divers clones
cellulaires et sont constitués d’anticorps et des récepteurs de cellule T ; ils sont
codés par des gènes résultant de réarrangements de segments géniques comme
décrit au Chapitre 5. Puisqu’il en résulte une augmentation très significative de
la capacité de reconnaissance antigénique, nous qualifions ce type de répertoire
«d’anticipatif», en ce sens qu’il est assez vaste pour anticiper la rencontre avec un
nombre apparemment infini d’antigènes.
Jusqu’à très récemment, on pensait que l’immunité anticipative ou adaptative
n’était apparue qu’à partir des premiers vertébrés à mâchoire (gnathostomes)
grâce aux gènes des RAG1 et RAG2, qui sont uniques à ce groupe. De nouvelles
découvertes nous ont contraints à modifier ce point de vue. Nous reconnaissons
maintenant que le très vaste répertoire de molécules agissant dans les réponses
immunitaires peuvent être générées par différents types de mécanismes généti-
ques dans des organismes aussi divers que les insectes, les échinodermes, les mol-
lusques, les vertébrés sans mâchoire (agnathes). Comme nous le verrons dans ce
chapitre, certains organismes élargissent la diversité des moyens de reconnais-
sance des pathogènes tout simplement par une augmentation énorme du nombre
de récepteurs de cellules somatiques codés par un système immunitaire inné très
élaboré. Toutefois, d’autres espèces, y compris la mouche du vinaigre, Drosophila
melanogaster, élargissent la diversité de leurs réponses encore davantage, mais
utilisent d’autres mécanismes de réarrangement génique des cellules somatiques.
712 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
à travers divers phylums, une formidable similitude entre les stratégies de l’im-
munité innée, tout en révélant une diversité inattendue des réponses. On connaît
entièrement, ou presque, le génome de plusieurs des organismes de la Fig. 16.1 :
plantes (Arabidopsis thaliana), insectes (Drosophila melanogaster), échinoder-
mes (Strongylocentrotus purpuratus), urochordés (Ciona intestinalis et C. savignyi),
ainsi que plusieurs espèces de poissons, amphibiens (Xenopus tropicalis), oiseaux
(Gallus gallus) et mammifères (Homo sapiens, Mus musculus).
En utilisant ces informations, nous sommes en mesure de retracer l’évolution des
mécanismes de défense de nos ancêtres les plus anciens, comme ceux que nous
avons en commun avec les insectes, par l’intermédiaire de notre ancêtre commun Plantes
avec les échinodermes et finalement jusqu’à l’ancêtre que nous avons en commun
avec les urochordés (tuniciers ou ascidies), une branche de la lignée qui mène aux
vertébrés. Chez les vertébrés, nous pouvons suivre le développement des fonc-
tions immunitaires à partir des agnathes (poissons sans mâchoire comme les lam-
proies et les myxines), en passant par les poissons cartilagineux (requins et raies),
Insectes
les poissons osseux, les amphibiens, les reptiles et les oiseaux, pour aboutir aux
mammifères. Dans certains cas, nous ne savons pas encore si un gène particu-
lier du système immunitaire est présent dans tous les groupes « intermédiaires ».
Toutefois, s’il est présent, par exemple, chez les mammifères et les invertébrés, on
Échinodermes
considérera qu’il l’est aussi (ou l’a été à un moment) dans toutes les lignées des
vertébrés. Il n’est pas aussi simple de tirer la conclusion inverse, à savoir que l’ab-
sence d’un gène dans une espèce exclut sa présence chez l’ancêtre commun ; il est
possible en effet que des gènes et des fonctions se perdent dans certaines lignées.
Un système immunitaire inné est bien développé chez la drosophile, l’organisme Urochordés
modèle favori pour de nombreux types de recherche biologique, et chez beaucoup
d’autres invertébrés. Ce que la drosophile partage avec les vertébrés sont des récep-
teurs invariants, les récepteurs qui reconnaissent des motifs moléculaires com-
muns des pathogènes, ainsi que les voies de signalisation intracellulaire menant de
ces récepteurs à l’activation du facteur de transcription NFκB (voir les Chapitres 2 Céphalochordés
et 6). De nombreuses espèces d’animaux multicellulaires ont une cassette de gènes
qui codent les protéines de cette voie. Ce qui suggère que l’activation de NFκB est la
voie de signalisation centrale et originelle de l’immunité innée, cette voie aboutis-
sant à la transcription, par NFκB, d’un ensemble de gènes. Il s’agit d’une voie quasi
Temps
Une forme de défense dans les plantes et chez les animaux, et donc anté-
rieure à la séparation de ces deux lignées, est la production de peptides anti-
microbiens. Il existe de nombreux peptides antimicrobiens différents, avec une Ostéichthyens
grande variété de caractéristiques physiques et chimiques et d’effets sur les dif-
férents agents pathogènes. Une classe largement répandue comprend les petits
peptides appelés défensines (voir la Section 2-3). Les défensines de mammi-
fères, d’insectes et de plantes diffèrent par des détails de structure (Fig. 16.2),
mais il est clair qu’ils sont tous liés et découlent du même système ancestral de Amphibiens
défense.
Fig. 16.1 L’histoire évolutive des organismes qui comprend les vertébrés) comprennent
mentionnés dans ce chapitre. Les les urochordés qui sont des invertébrés (par
ramifications de cet arbre phylogénique très exemple, les ascidiens), les céphalochordés Reptiles & oiseaux
schématique représentent l’ordre de divergence (par exemple, les lancelets) et les vertébrés
des différentes lignées, par exemple la lignée qui comprennent eux-mêmes les agnathes
des plantes a divergé de son ancêtre commun (poissons sans mâchoire), les poissons
avec la lignée des animaux avant la séparation cartilagineux (chondrichthyens), les poissons
de la lignée des insectes, etc. Notez que cet osseux (ostéichthyens), les amphibiens, les
arbre ne représente pas le temps relatif de ces reptiles, les oiseaux et les mammifères.
diverses évolutions. Les chordés (le phylum Mammifères
714 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
Le gène du récepteur Toll intervient dans la différenciation embryonnaire des faces La voie de signalisation La voie
dorsale et ventrale de la drosophile. Ce n’est que plus tard que la fonction du récep- d’un récepteur de signalisation Toll
de type Toll
teur Toll dans la défense chez l’insecte adulte a été décrite par d’autres chercheurs, de la drosophile
chez les mammifères
qui ont observé que des mutations de Toll ou de protéines de la signalisation acti-
vée par Toll affectaient la production du peptide antimicrobien, la drosomycine, et
en conséquence prédisposaient la drosophile aux infections fongiques. Plus tard, TLR Toll
des protéines homologues de Toll ont été trouvées dans d’autres espèces, allant
des plantes aux mammifères, où elles sont associées à la résistance aux infections
virales, bactériennes et fongiques. Dans les plantes, comme chez les insectes, les
protéines de type Toll sont impliquées dans la production de peptides antimicro-
MyD88 dMyD88
biens, ce qui indique leur ancienne association avec ce moyen de défense. Elles
ont acquis de nouvelles fonctions chez les vertébrés (voir Chapitre 2), mais en rai-
son de leur origine apparemment ancienne, il y a lieu de croire qu’elles sont à l’ori-
IRAK TRAF6 Pelle
gine d’au moins un des premiers récepteurs de pathogène.
IKK Cactus
L’homme et la souris ont environ 10 récepteurs fonctionnels de type Toll, qui IκB Cactus kinase
reconnaissent des composants des pathogènes comme les parois des bactéries,
NFκB DIF
des levures et des champignons, les flagelles bactériens, l’ARN viral et l’ADN bacté-
rien (voir Fig. 2.16). Le premier récepteur de type Toll identifié, appelé maintenant
TLR-4, (Toll-Like Receptor 4) est requis pour la réponse immunitaire innée contre
le lipopolysaccharide (LPS) bactérien de la surface cellulaire des bactéries Gram-
négatives (voir Fig. 2.14).
Fig. 16.3 Une comparaison des voies de
La voie de signalisation à partir de Toll chez la drosophile semble également être signalisation Toll de la drosophile et des
conservée entre espèces très différentes, et ses composants correspondent assez mammifères. Les composants de la voie
bien à ceux des mammifères, comme le montre la Fig. 16.3. La voie d’activation de signalisation des récepteurs de type Toll
chez la drosophile aboutit à l’activation des facteurs de transcription de la famille chez les mammifères qui culminent dans
l’activation de NFκB sont homologues de ceux
Rel (homologues des facteurs de transcription mammaliens, NFκB), qui ensuite de la voie de signalisation du récepteur Toll
migrent dans le noyau pour induire la transcription de nouveaux gènes. Chez la de la drosophile. Le domaine intracellulaire
drosophile, les facteurs de transcription Rel impliqués dans l’induction des pep- des récepteurs de type Toll interagit avec un
tides antimicrobiens en réponse à la stimulation de Toll sont liés au facteur DIF domaine homologue de la protéine adaptatrice
MyD88. Une interaction similaire survient entre
(Dorsal-related Immunity Factor, facteur d’immunité apparenté à Dorsal) et, dans le domaine intracellulaire de Toll et dMyD88.
une moindre mesure, au facteur de transcription, Dorsal. Un troisième membre de L’étape suivante dans les deux voies de
la famille Rel, Relish, induit également la production de peptides antimicrobiens, signalisation se produit par l’interaction des
domaines de mort, entre MyD88 et IRAK dans
mais en réponse à une autre voie de signalisation, que nous décrirons plus tard.
les cellules de mammifères, et entre dMyD88
La protéine Toll de la drosophile ne reconnaît pas directement les produits des et Pelle chez la drosophile. IRAK et Pelle sont
des sérine kinases. À ce stade, la voie de
pathogènes, mais lie une version clivée d’une protéine autologue, Spätzle. La chro- signalisation des mammifères passe par un
nologie exacte des événements conduisant au clivage de Spätzle au cours des adaptateur, TRAF6, qui est activé par IRAK
réponses immunitaires de la drosophile n’est pas connue ; la voie la mieux connue et active, à son tour, IKK. IKK phosphoryle
conduisant au clivage de Spätzle intervient au cours de l’embryogenèse, mais pas l’inhibiteur de NFκB, IκB, le destinant ainsi à
la dégradation et à la libération de la forme
dans la défense. La voie de la réponse immunitaire semble impliquer des molécu- active du facteur de transcription dimérique,
les de reconnaissance spécifique de pathogène qui interagissent avec des sérine NFκB. Chez la drosophile, on trouve les
protéases pour déclencher le clivage de Spätzle. Une de ces molécules a été iden- homologues de MyD88, TRAF6 et de la
kinase IKK, qui phosphoryle l’homologue
tifiée, une protéine codée par un gène appelé semmelweis (en l’honneur de Ignaz d’IκB, appelé Cactus chez la drosophile. En
Semmelweis, un pionnier de la prévention des infections dans les hôpitaux). Cette outre, les parties terminales de la voie sont
protéine est un membre d’une famille de protéines de reconnaissance des peptido- également homologues entre la drosophile et
glycans (PGRP, PeptidoGlycan-Recognition Proteins), qui lient les peptidoglycans qui les mammifères, la phosphorylation de Cactus
entraîne sa dégradation et la libération du
entrent dans la composition des parois bactériennes (voir Fig. 2.14). La drosophile a dimère DIF, qui est un membre de la famille
environ 13 gènes PGRP. La protéine codée par semmelweis, PGRP-SA, est impliquée des facteurs de transcription NFκB.
dans la reconnaissance des bactéries Gram-positives. Une autre famille de protéi-
nes de la drosophile, les protéines de liaison aux bactéries Gram-négatives (GNBP,
Gram-Negative Binding Proteins), qui reconnaissent les (1→3)-β-glucans, est impli-
quée dans la reconnaissance des champignons, et plutôt de façon inattendue, éga-
lement à des bactéries Gram-positives. La protéine GNBP1 coopère avec PGRP-SA
dans la reconnaissance du peptidoglycan des bactéries Gram-positives. La sérine
protéase qui active Spätzle dans la voie de reconnaissance des bactéries Gram-
positives n’a pas encore été identifiée, mais une sérine protéase impliquée dans la
détection des infections fongiques l’a été. Cette protéase, appelée Persephone, res-
semble a des protéases du système de coagulation de l’hémolymphe des insectes
716 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
(un fluide analogue à certains égards au sérum sanguin des vertébrés) et du sang
des mammifères, et semble être activée directement par un facteur de virulence
fongique. Un protéine de reconnaissance spécifique des champignons, GNBP3,
peut également activer Toll d’une manière analogue à celle de PGRP-SA, mais on
ignore encore si une autre sérine protéase est impliquée dans cette voie.
Parmi les récepteurs de type Toll des mammifères, celui dont le mode de reconnais-
sance est le plus proche de celui de Toll chez la drosophile semble être TLR-4, qui, plu-
tôt que d’interagir directement avec le ligand bactérien, le LPS, le fait indirectement
en passant par l’intermédiaire d’une protéine soluble liant le LPS, qui à son tour se
fixe à TLR-4. Cependant, une comparaison fonctionnelle plus pertinente serait peut-
être avec le système du complément, dans lequel l’activation protéolytique d’une
série de protéases génère des ligands pour des récepteurs de surface cellulaire ; dans
le cas de complément, ces récepteurs sont impliqués dans la stimulation de la pha-
gocytose (voir le Chapitre 2). Bien que les spécificités de reconnaissance de la plu-
part des récepteurs de type Toll des mammifères semblent maintenant être connues
(voir le Chapitre 2), il n’est pas encore établi s’ils reconnaissent directement les com-
posants provenant des pathogènes, comme on l’a souvent présumé, ou si cela néces-
site des composants supplémentaires, comme pour Toll chez la drosophile et pour
TLR-4. En particulier, on n’a pas encore déterminé la structure d’un complexe formé
directement entre un récepteur de type Toll et son ligand, même si une interaction
directe entre TLR-5 et son ligand, la flagelline, a été montrée par d’autres moyens.
Bien que le système des récepteurs de type Toll des mammifères soit un peu plus
étendu que celui de la drosophile, un cas au moins d’une plus grande diversifica-
tion de ces récepteurs a été découvert. La séquence du génome de l’oursin S. pur-
puratus révèle une complexité sans précédent de la reconnaissance immunitaire
innée. Au total, le génome de l’oursin contient 222 gènes TLR différents, les spéci-
ficités des protéines codées restant à déterminer. Le nombre de protéines suscep-
tibles d’être impliquées dans la signalisation de ces récepteurs est également plus
élevé, avec quatre gènes similaires au MyD88 mammalien, qui code une molécule
adaptatrice (voir la Section 6-27). Il est intéressant de noter que, malgré le plus
grand nombre de gènes TLR, le nombre de cibles en aval, comme la famille des
facteurs de transcription NFκB, n’est pas augmenté, ce qui suggère que le résultat
final de la signalisation des récepteurs de type Toll chez l’oursin est très similaire à
celui d’autres organismes.
La partie externe des récepteurs de type Toll est composée d’une série de domai-
nes protéiques appelées LRR (Leucine-Rich Repeats, répétitions riches en leucine).
On pense que ces multiples LRR forment un échafaudage adaptable spécialisé
dans la reconnaissance et la liaison. Dans le génome de l’oursin de mer, les 222
gènes TLR se divisent en deux grandes catégories : un petit ensemble de 11 gènes
divergents et une grande famille de 211 gènes, dans laquelle on a trouvé une très
grande variabilité dans des régions particulières des LRR. Cette constatation et le
grand nombre de pseudogènes dans cette famille, ont été considérés comme des
signes de renouvellement évolutif rapide, ce qui pourrait refléter les changements
rapides de spécificité des récepteurs. Cela contraste avec le répertoire limité et sta-
ble des récepteurs de type Toll chez les vertébrés, qui reconnaissent un nombre
assez restreint de motifs moléculaires invariants associés aux pathogènes (PAMP,
Pathogen-Associated Molecular Patterns). Bien que nous ne connaissions pas
encore la spécificité des récepteurs de type Toll chez l’oursin de mer, il semble que,
dans ce groupe d’organismes, l’hypervariabilité dans le domaine des LRR a servi à
générer un système très diversifié de reconnaissance des pathogènes basés sur des
récepteurs de type Toll. Comme nous le verrons plus tard, la même stratégie s’est
développée indépendamment dans une lignée de vertébrés.
L’évolution du système immunitaire inné 717
Chez les mammifères, les récepteurs de type Toll reconnaissent une variété de IKK IKK
pathogènes, y compris les bactéries Gram-positives et Gram-négatives ainsi que les NFκB Relish
champignons. Chez la drosophile, le récepteur Toll ne semble pas être impliqué
dans la reconnaissance des bactéries Gram-négatives. Au lieu de cela, la mouche
utilise une deuxième voie, la voie Imd (immunodéficience). Deux récepteurs qui
reconnaissent les bactéries Gram-négatives ont été identifiés chez la drosophile,
qui sont tous deux membres de la famille PGRP. Un est PGRP-LC, qui est associé à la
membrane de la cellule ; l’autre, PGRP-LE, est sécrétée. Certaines des étapes dans la Fig. 16.4 La drosophile détecte les
voie de signalisation de ces récepteurs ont été déterminées par l’analyse de mutants bactéries Gram-négatives par la voie de
sensibles aux bactéries Gram-négatives, et non aux Gram-positives. La voie Imd signalisation des récepteurs Imd, qui
est étonnamment similaire à la voie du récepteur du TNF (Tumor Necrosis Factor, est analogue à la voie des récepteurs du
TNF des mammifères. Le récepteur du
facteur de nécrose tumorale) des mammifères qui lance une transcription d’autres TNF transmet des signaux qui conduisent
gènes (Fig. 16.4). La protéine Imd elle-même est homologue de la protéine RIP, qui soit à l’expression de nouveaux gènes ou à
se lie au récepteur du TNF. Le résultat final de la voie de l’Imd est l’activation du fac- la mort cellulaire. Dans la voie de TNFR-1
teur de transcription Relish, qui active l’expression de plusieurs gènes de réponse des mammifères, la liaison du ligand au
récepteur conduit au recrutement de la
immunitaire, y compris ceux qui codent les peptides antimicrobiens diptéricine, protéine adaptatrice TRADD (TNF Receptor-
attacine et cécropine ; ils sont distincts des peptides induits par la signalisation de Associated Death-Domain, domaine de mort
Toll. Ainsi, les voies de Toll et d’Imd activent des mécanismes effecteurs équiva- associé au récepteur du TNF ; non montré),
qui à son tour peut recruter soit FADD (Fas-
lents visant à éliminer les infections. Il est probable que ces deux voies de signali-
Associated Death-Domain, domaine de mort
sation sont apparues par la duplication d’une voie commune plus ancienne, mais associé à Fas), ce qui conduit à l’apoptose,
il est impossible de dire si cela ressemblait à la voie Toll ou à la voie Imd. Chez les soit RIP (Receptor-Interacting Protein, protéine
mammifères, cependant, il semble que les fonctions de défense de la voie Imd ont interagissant avec le récepteur), qui est une
sérine / thréonine kinase. Chacune des deux
été prises en charge par les voies équivalentes des récepteurs de type Toll. déclenche une voie de signalisation différente.
FADD active la caspase-8, déclenchant ainsi
une cascade de protéases qui aboutit à
16-6 Un système du complément ancestral opsonise des pathogènes l’apoptose, alors que RIP agit par une autre
facilitant ainsi leur phagocytose. kinase, MEKK3, qui active l’Iκ kinase, IKK, ce
qui conduit finalement à l’activation de NFκB et
à l’expression de nouveaux gènes. La voie de
Le complément est un autre moyen ancien de défense (voir le Chapitre 2). La fonc- l’Imd de la drosophile semble être homologue
tion la plus primitive du complément est probablement l’opsonisation, un moyen de la voie du TNFR et aboutit aux mêmes
d’augmenter l’efficacité de la capture des pathogènes par des phagocytes « éboueurs » résultats. La protéine Imd elle-même est un
homologue de RIP, alors que DmFADD est
qui patrouillent les divers espaces du corps de l’animal. Même avant que les com- homologue de FADD et Dredd homologue de
posants du complément n’aient été découverts chez les invertébrés, il a été suggéré la caspase-8. Dans cette voie, dTAK1 pourrait
qu’un système de complément primitif contiendrait un minimum de trois compo- être homologue de la MEKK3, activant la Iκ
sants. L’élément central serait C3, qui serait activé spontanément, comme dans la voie kinase (IKK) et conduisant à l’activation du
facteur de transcription Relish et à l’expression
d’activation alternative du complément chez les mammifères d’aujourd’hui (voir la de plusieurs gènes du système immunitaire, y
Section 2-16). C3 activé lierait l’équivalent du facteur B, formant une C3 convertase qui compris ceux des défensines.
amplifirait le signal d’origine par le clivage et l’activation de beaucoup plus de molécu-
les de C3. Le troisième composant de ce système serait un récepteur de C3 exprimé par
les phagocytes et capable d’activer la phagocytose des pathogènes couverts de C3.
718 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
On pense que les TEP exercent certaines fonctions immunitaires chez la droso-
phile, car l’expression d’au moins trois d’entre elles augmente lorsque la mouche
est infectée par des bactéries. La drosophile a des cellules phagocytaires (hémocy-
tes) dans l’hémolymphe, mais on n’a pas constaté jusqu’à présent d’activité opso-
nisante dans l’hémolymphe. De plus, les TEP sont synthétisées dans le corps gras
de la drosophile, l’équivalent du foie des mammifères, plutôt que par les cellules
phagocytaires elles-mêmes, comme c’est le cas pour l’homologue de C3 chez les
échinodermes. Ainsi, bien que les TEP de la drosophile soient clairement apparen-
tées à C3, elles pourraient jouer un rôle sensiblement différent. L’étude du mousti-
que Anopheles gambiae donne une image plus claire. Chez cet insecte, ce sont les
hémocytes qui produisent la protéine TEP1 et les infections induisent cette pro-
duction. Chez Anopheles, on constate également que TEP1 s’attache à la surface
bactérienne, et que les TEP sont impliquées dans la phagocytose des bactéries
Gram-négatives. L’origine du système du complément pourrait dès lors précéder
la ramification des bilatériens (animaux multicellulaires autres que les éponges et
les cœlentérés) en protostomes, qui comprennent les insectes, et les deutérosto-
mes, qui comprennent les échinodermes et les chordés (et donc les vertébrés).
Après son apparition initiale, le système du complément semble avoir évolué par
l’acquisition de nouvelles voies d’activation, permettant aux surfaces microbiennes
d’être spécifiquement visées. Parmi ces nouveaux systèmes d’activation du complé-
ment, c’est probablement la voie de la ficoline qui est apparue la première. En effet,
elle existe chez les vertébrés ainsi que chez certains invertébrés qui leur sont étroi-
tement apparentés, les urochordés. Les ficolines font partie des collectines (voir la
Section 2-14), la famille à laquelle, chez les vertébrés, la lectine liant le mannose Le complément peut être activé par la voie
(MBL, Mannose-Binding Lectin) appartient. À l’instar des collectines, les ficolines ont des lectines chez les chordés invertébrés
un domaine de type collagène et un domaine de liaison aux glucides et forment une
structure polymérique qui ressemble à un bouquet de tulipes. Toutefois, le domaine facteur B
de liaison aux glucides n’est pas apparenté aux lectines de type C, comme la MBL, ficoline
mais est similaire au fibrinogène. Le domaine de liaison aux glucides des ficolines C3
peut lier la N-acétylglucosamine, comme le fait la MBL, même si cette dernière peut MASP facteur D
également lier des glucides contenant du mannose, que les ficolines ne reconnais-
sent pas. Sur le plan de l’évolution, les ficolines pourraient avoir précédé les collecti-
nes, qui sont également apparues d’abord chez les urochordés.
Une autre collectine homologue de la MBL et du composant C1q de la voie classi-
que du complément a été identifiée dans le génome de Ciona. Ce qui suggère que
dans l’évolution de l’activation de la voie classique du complément par les anti-
corps (voir la Section 2-13), la molécule d’immunoglobuline ancestrale, qui n’est
apparue que beaucoup plus tard, a profité d’une famille déjà diversifiée de collec-
tines plutôt que de diriger la diversification de C1q à partir d’une molécule ances- Fig. 16.6 Une voie d’activation du
complément par des lectines existe
trale de type MBL. L’activation du complément par des ficolines et des collectines chez les chordés invertébrés. Une voie
dépend des sérine protéases appelées MASP (MBL-Associated Serine Proteases, d’activation du complément dépendant de
sérine protéases associées à la MBL), qui sont capables de cliver et d’activer C2, C4 lectines a été découverte dans une ascidie, un
et C3. Chez les vertébrés, deux MASP différentes, MASP1 et MASP2, sont associées urochordé. Une ficoline, qui utilise un domaine
de type fibrinogène, plutôt qu’un domaine de
aux ficolines et collectines, et cela semble aussi être le cas pour les ficolines des lectine de type C pour s’attacher aux glucides
invertébrés. Deux protéines homologues des MASP des mammifères ont été iden- de la surface des pathogènes, est associée à
tifiées chez des invertébrés, dans l’espèce d’ascidie chez qui les ficolines avaient des sérine protéases homologues des sérine
protéases associées à la MBL, MASP1 et
été trouvées. La spécificité des MASP d’invertébrés n’a pas été déterminée, mais
MASP2. La liaison de la ficoline à une surface
il semble probable qu’elles soient capables de cliver et d’activer C3. La Fig. 16.6 cellulaire permet aux MASP de cliver et
illustre le système du complément dépendant de la ficoline chez les invertébrés ; il d’activer C3. C3b activé se lie au pathogène
fonctionne de manière identique aux voies dépendant de la MBL et de la ficoline et déclenche une boucle d’amplification, dans
laquelle le C3b lié interagit avec le facteur B,
chez les mammifères. Ainsi, le système du complément minimal des échinoder- lui permettant d’être clivé par le facteur D et
mes a été complété chez les urochordés par le recrutement d’un système d’activa- de créer ainsi une C3 convertase, C3bBb, qui
tion qui peut concentrer le dépôt de C3 sur les surfaces microbiennes. Le système clive C3 et produit plus de C3b.
720 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
Résumé.
Le système immunitaire inné assure une défense précoce contre une attaque par des
pathogènes et alerte le système immunitaire adaptatif du fait qu’une invasion par un
pathogène a commencé. Cette double fonction semble fonctionner par le biais d’une
voie de signalisation très ancienne, la voie Toll, qui est apparue longtemps avant le
système immunitaire adaptatif et est présente tant chez les invertébrés, que chez les
vertébrés. Dans certains organismes, le système immunitaire inné a subi une impor-
tante diversification, comme l’expansion de la famille des récepteurs de type Toll chez
l’oursin. Les premières molécules de défense apparues dans les organismes multicel-
lulaires ont probablement été des peptides antimicrobiens, qui sont produits par les
plantes et les animaux. Une autre composant de l’immunité innée chez les animaux,
les cellules phagocytaires qui capturent les pathogènes, pourraient s’être développés
à partir d’eucaryotes unicellulaires comme les amibes. Le système du complément
précède aussi les vertébrés ; on le trouve chez les échinodermes et les urochordés.
Jusqu’à très récemment, on pensait que l’immunité des invertébrés était limitée
à un système inné dont la capacité de reconnaissance des pathogènes était très
restreinte. En effet, on savait que l’immunité innée des invertébrés était fondée
sur environ 10 récepteurs distincts de type Toll et un nombre semblable d’autres
récepteurs reconnaissant également des PAMP. On présumait que les invertébrés
n’avaient que ce petit nombre de récepteurs. Des études récentes ont toutefois mis
au jour au moins deux exemples de diversification extensive d’un membre de la
vaste superfamille des immunoglobulines, qui pourrait fournir une gamme éten-
due de récepteurs d’agents pathogènes.
Chez la drosophile, les cellules du corps gras et les hémocytes agissent comme des
éléments du système immunitaire. Les cellules du corps gras sécrètent, dans l’hé-
molymphe, des protéines, telles que les défensines antimicrobiennes. Une autre Fig. 16.7 La protéine Dscam de l’immunité
protéine présente dans l’hémolymphe est la Dscam (Down syndrome cell adhesion innée de la drosophile contient de multiples
domaines d’immunoglobuline et est très
molecule, molécule d’adhérence cellulaire du syndrome de Down), un membre de diversifiée par épissage alternatif. Le gène
la superfamille des immunoglobulines. Dscam a été découverte chez la mouche codant Dscam chez la drosophile contient
comme une protéine impliquée dans la mise en place du câblage neuronal. Elle plusieurs grands groupes d’exons alternatifs.
Les groupes 4 (vert), 6 (bleu clair), 9 (rouge)
est aussi produite par des cellules du corps gras et des hémocytes, qui peuvent la
et 17 (bleu foncé) contiennent respectivement
sécréter dans l’hémolymphe. Là, on pense qu’elle peut opsoniser des bactéries et 12, 48, 33 et 2 exons alternatifs. Pour chacun
favoriser leur ingestion par des phagocytes. de ces groupes, un seul exon alternatif est
utilisé dans l’ARNm de Dscam. Il existe une
La protéine Dscam contient plusieurs domaines de type immunoglobulines, habi- certaine différence dans l’utilisation des exons
tuellement 10. Le gène qui code Dscam a, toutefois, acquis un grand nombre d’exons dans les neurones, les cellules du corps gras
alternatifs pour plusieurs de ces domaines (Fig. 16.7). L’exon 4 de la protéine Dscam et les hémocytes. Les trois types cellulaires
utilisent l’ensemble des exons alternatifs pour
peut être codé par n’importe lequel de 12 exons différents, chacun spécifiant un les exons 4 et 6. Pour les exons 9, l’utilisation
domaine d’immunoglobuline de séquence différente. Le groupe 6 comporte 48 est restreinte aux hémocytes et aux cellules
exons, le groupe 9 en a 33, et le groupe 17 en contient 2. On estime que le gène de du corps gras. L’usage combinatoire d’exons
alternatifs dans le gène Dscam permet de
Dscam pourrait coder environ 38 000 isoformes. On a proposé un rôle immuni-
générer plus de 38 000 isoformes de la
taire pour Dscam lorsque que la phagocytose in vitro de E. coli par des hémocy- protéine. Adapté de Anastassiou, D.:
tes isolés dépourvus de Dscam s’est avérée moins efficace que normalement. Ces Genome Biol. 2006, 7:R2.
Le gène Dscam de la drosophile contient plusieurs grands groupes d’exons alternatifs qui subissent un épissage exclusif
1 12 1 48 1 33 12
38 000 = 12 48 33 2
722 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
Il est connu depuis au moins 50 ans que tous les poissons à mâchoire (les gna-
thostomes) sont capables de réponse immunitaire adaptative. Même les poissons
cartilagineux, le groupe de poissons à mâchoire le plus primitif encore survivant,
ont des tissus lymphoïdes organisés, des récepteurs de cellule T, des immuno-
globulines et donc la capacité de monter des réponses immunitaires adaptatives.
L’immunité adaptative dans l’ensemble de ces organismes est basée sur l’assem-
blage des récepteurs de l’antigène par le mécanisme de recombinaison somatique
dépendant de RAG. Jusqu’à très récemment, on pensait que tous les invertébrés
et tous les agnathes étaient dépourvus de système immunitaire adaptatif. Cette
notion a été complètement inversée. Un examen attentif des espèces d’agnathes
survivantes a révélé qu’en fait ils sont capables de générer des réponses immuni-
taires, avec mémoire, contre des pathogènes et des allogreffes.
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 723
carboxyterminale, mais ces trois blocs de séquence codante sont séparés par de l’ADN
non codant qui ne contient pas les signaux caractéristiques d’épissage de l’ARN, ni
les séquences signal de recombinaison (RSS, Recombination Signal Sequence) pré-
sentes dans les gènes des immunoglobulines (voir la Section 4-4). Toutefois, dans les
régions flanquant le gène VLR incomplet, il existe un grand nombre de « cassettes »
d’ADN contenant des unités LRR, un, deux ou trois domaines LRR à la fois.
Chaque lymphocyte de lamproie exprime un gène VLR unique et complet qui pro-
vient de la recombinaison du gène VLR germinal avec les régions qui le flanquent. Ces
unités LRR voisines semblent être incorporées de façon aléatoire dans le gène VLR au
cours des étapes qui mènent à l’achèvement de l’unité LRR de l’extrémité aminoter-
minale, suivie par l’ajout de domaines LRR internes et par la suppression de l’intérieur
Fig. 16.9 L’intégration d’un transposon
dans un gène de récepteur est à l’origine
des régions non codantes pour compléter la formation du domaine LRR carboxyter-
des gènes d’immunoglobulines et de minal. On cherche actuellement comment ce réarrangement se déroule ; la conversion
récepteurs de cellule T et de leur capacité génique pourrait en être le mécanisme. On estime que ce réarrangement somatique
de recombinaison somatique. Les pourrait générer dans les protéines VLR une diversité aussi vaste que celle des immu-
transposons sont des séquences d’ADN qui
peuvent se déplacer dans tout le génome,
noglobulines. Ainsi, la diversité d’un répertoire anticipateur chez les agnathes pourrait
s’exciser eux-mêmes d’un site et s’insérer être limitée non par le nombre de récepteurs potentiels qu’ils peuvent générer mais
dans un autre. Panneau de gauche : un par le nombre de lymphocytes présents chez tout individu, comme dans le système
transposon doit contenir deux éléments immunitaire adaptatif de leurs cousins phylogéniques, les gnathostomes.
fonctionnels : d’une part, une séquence
codant une transposase, l’enzyme qui excise
et intègre le transposon ; d’autre part, des
séquences que la transposase reconnaît 16-10 Une immunité adaptative basée sur un répertoire diversifié
spécifiquement, présentes à chaque extrémité de gènes codant des protéines de type immunoglobuline
du transposon et nécessaires pour que le
transposon puisse s’exciser ou s’intégrer dans est apparue brusquement chez les poissons cartilagineux.
l’ADN. Panneau du centre : après l’excision
de l’ADN (non représenté), le transposon est Chez les poissons à mâchoire et tous les vertébrés supérieurs, l’immunité adapta-
réintroduit ailleurs. La transposase clive l’ADN
tive est possible en raison d’un événement qui s’est produit chez un certain ancê-
génomique dans un site aléatoire, puis joint
les bouts du transposon aux extrémités libres tre des gnathostomes, lorsqu’un ADN mobile contenant le gène ancestral RAG des
de l’ADN génomique. Un transposon s’excise recombinases s’est inséré lui-même dans un segment d’ADN, probablement dans
par le processus inverse : la transposase un gène similaire à un gène de région V d’immunoglobuline ou de récepteur de
réunit les séquences terminales et retire le
transposon de l’ADN génomique. Panneau
cellule T. Les génomes des procaryotes et des eucaryotes contiennent une variété
de droite : au cours de l’évolution des gènes d’éléments mobiles d’ADN, appelés éléments transposables ou transposons, qui
d’immunoglobuline et du récepteur de cellule T peuvent se déplacer eux-mêmes, ou des copies d’eux-mêmes, pour gagner diffé-
(TCR), un événement initial d’intégration au rentes positions dans les chromosomes selon le processus dit de transposition.
milieu d’un gène de récepteur de surface
cellulaire a été suivi par des réarrangements
Les transposons contiennent deux éléments essentiels : d’une part, une séquence
d’ADN qui ont séparé les gènes de la codant une enzyme, appelée transposase, qui est un recombinase d’ADN capa-
transposase, que nous connaissons ble de couper l’ADN bicaténaire et d’y insérer ou exciser l’élément transposable,
maintenant comme gènes RAG-1 et et d’autre part des séquences répétées terminales qui sont reconnues par la trans-
RAG-2, à partir des séquences terminales du
transposon, que nous appelons à présent les posase et sont requises pour que l’élément puisse être excisé et inséré (Fig. 16.9).
séquences signal de reconnaissance signal Une conséquence importante de la transposition est le changement que l’inser-
(RSS, Recombination Signal Sequences). tion et l’excision causent dans l’ADN hôte. L’insertion d’un transposon conduit à la
gène
de transposase V RSS RSS J
gènes de récepteur
RAG-1 RAG-2
gène de récepteur
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 725
domaines I sont plus variés. Les domaines V, C1 et C2 sont présents dans de nom-
breuses molécules du système immunitaire. Par exemple, les immunoglobulines
et les récepteurs des cellules T ont des domaines V et C1, les molécules CD4 et CD8
ont des V et, dans le cas de CD4, des domaines C2, alors que les molécules du CMH
de classe I et II ont des domaines C1. Les molécules d’adhérence ICAM et VCAM
contiennent des domaines C2 et I. Les domaines I semblent être les plus dispara-
tes. Ils sont non seulement présents dans les molécules d’adhérence du système
immunitaire, mais aussi dans des protéines non immunitaires, par exemple, dans
des protéines musculaires comme la titine et la twitchine.
Le domaine ancestral dans lequel le transposon s’est inséré pour créer l’aptitude
au réarrangement a certainement été un domaine V. Ce domaine était très proba-
blement lié à un domaine C1 pour former un récepteur transmembranaire, ce qui
correspond à la structure de base des récepteurs de cellule T et des immunoglobu-
lines. Il est possible que le récepteur originel pourrait avoir été un domaine V cou-
plé à un domaine C2, une combinaison trouvée, par exemple, dans les récepteurs
KIR des cellules NK et dans d’autres membres de la famille étendue des récepteurs
leucocytaires (voir la Section 2-31), avec une évolution subséquente de C2 en C1
dans la lignée qui a conduit aux immunoglobulines et aux récepteurs de cellule T,
bien que ceci paraisse moins probable. Des gènes avec ces deux types d’organisa-
tion ont été trouvés chez l’urochordé Ciona : deux gènes contiennent des domai-
nes V associés à des domaines C2, et deux autres contiennent des domaines V liés
à des domaines C2 et de type C1. Les deux derniers sont les plus susceptibles d’être
l’ancêtre des récepteurs d’antigène des vertébrés.
Deux familles supplémentaires de protéines d’invertébrés contenant des domai-
nes V ont été identifiées chez le céphalochordé Branchiostoma (l’amphioxus).
Une famille comprend des protéines contenant des domaines V d’immunoglobu-
line associés à des domaines liant la chitine plutôt qu’à des domaines C d’immu-
noglobuline. La seconde famille est représentée par une protéine contenant un
domaine V lié à un domaine à plusieurs segments transmembranaires. Dans ces
deux cas, rien n’indique que ces protéines exercent une fonction immunitaire.
La plupart des animaux que nous connaissons génèrent une grande partie de la
diversité de leurs récepteurs d’antigène de la même manière que les humains, en
mettant ensemble des segments géniques dans différentes combinaisons, comme
décrit dans les Chapitres 3 et 4. Nous avons noté toutefois quelques exceptions, (voir
la Section 4-19), et nous y revenons à présent. Certains animaux utilisent un réar-
rangement génique pour joindre les mêmes segments V et J d’abord, puis diversifier
cette région V recombinée. Chez les poulets et les lapins, il est diversifié par conver-
sion génique dans la bourse de Fabricius (chez les poulets) ou un autre organe
lymphoïde intestinal (chez le lapin) (Fig. 16.10). D’autres animaux peuvent diver-
sifier leur répertoire principalement par hypermutation somatique d’une région V
recombinée assez invariante. La génération d’une certaine diversité des immuno-
globulines dans les plaques de Peyer iléales du mouton pourraient dépendre de ce
mécanisme, bien que la conversion génique intervienne aussi dans cette espèce.
Les locus des immunoglobulines dans les poissons osseux et les vertébrés supé-
rieurs sont organisés de telle manière que des blocs séparés contenant des
régions V répétées se situent en amont des blocs des régions D (dans le locus VH)
et des blocs des régions J. En revanche, les poisson cartilagineux ont de multiples
copies de cassettes distinctes VL-JL-CL et VH-DH-JH-CH, et activent le réarrangement
au sein des cassettes individuelles (voir Fig. 16.10). Bien que ces mécanismes diffè-
rent du processus canonique décrit au Chapitre 4, dans lequel la diversité est géné-
rée par réarrangement génique combinatoire, dans la plupart des cas, il y a encore
une exigence pour un événement de réarrangement somatique.
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 727
pseudogènes VH
Locus d’une chaîne
lourde de poulet
Chez les raies et les requins du genre Carcharhinus, certains des gènes d’immuno- Fig. 16.10 L’organisation des gènes
globulines ne sont pas générés par réarrangement. Au lieu de cela, ces organismes d’immunoglobulines est différente
selon les espèces, mais toutes peuvent
ont de multiples régions VL « réarrangées » (et parfois des régions VH réarrangées) générer un répertoire varié de récepteurs.
dans le génome germinal (voir Fig. 16.10) et génèrent la diversité apparemment L’organisation des gènes de la chaîne lourde
par activation de la transcription de différentes copies. Ce sont des exemples de des immunoglobulines chez les mammifères,
dans laquelle il y a des groupes séparés
systèmes d’immunoglobulines non combinatoires, mais au sens strict, il reste la
de segments géniques V, D et J répétés,
diversité combinatoire correspondant à la liaison des chaînes lourdes et légères. n’est pas la seule solution au problème de
Il est improbable que cette organisation des locus de chaînes légères représente créer un répertoire diversifié de récepteurs.
une étape évolutive intermédiaire, car dans ce cas, les gènes de chaîne lourde et D’autres vertébrés ont trouvé des solutions
de rechange. Dans des groupes « primitifs »,
de chaîne légère auraient dû acquérir, indépendamment, la capacité de réarran- comme les requins, le locus consiste en de
gement par un processus de convergence plutôt que par une évolution divergente. multiples répétitions d’une unité de base
Il est beaucoup plus probable que, après la divergence des poissons cartilagineux, composée d’un segment génique V et de un
des locus d’immunoglobulines chez un ancêtre commun de ce groupe se sont ou deux segments géniques D, un segment
génique J et un segment génique C. Une
réarrangés dans la lignée germinale par activation des gènes RAG dans les cellules version plus extrême de cette organisation
germinales, les locus réarrangés étant alors transmis tels quels à la descendance. se trouve dans le locus de la chaîne légère
Dans ces espèces, les locus germinaux remaniés pourraient conférer certains avan- de type λ de certains poissons cartilagineux
tages ; un assortiment préformé de chaînes d’immunoglobulines pourrait s’avérer comme les raies et les requins du genre
Carcharhinus, dans laquelle l’unité répétée est
utile au début du développement avant qu’un répertoire complexe ne soit établi constituée de gènes VJ-C déjà réarrangés,
ou pour assurer des réponses rapides à des agents pathogènes communs. à partir de laquelle un choix aléatoire est fait
lors de l’expression. Chez les poulets, il y a
La principale forme d’immunoglobuline chez les poissons cartilagineux est l’IgM, un seule série de segments géniques qui se
ce qui est vrai également pour les poissons osseux. Les poissons cartilagineux ont réarrangent dans le locus de la lourde chaîne,
au moins deux types de chaînes lourdes d’immunoglobulines que l’on ne trouve mais de multiples copies de pseudogènes
du segment V. La diversité de ce système est
pas dans des espèces évoluées plus récemment. L’une, l’IgW, a six domaines de créée par conversion génique, dans laquelle
région constante, tandis que l’autre, l’IgNAR (NAR pour New Antigen Receptor, les séquences des pseudogènes VH sont
nouveau récepteur d’antigène) semble être apparenté à l’IgW, mais a perdu le pre- copiés dans le seul gène réarrangé VH.
mier domaine constant et ne s’apparie pas avec des chaînes légères ; elle forme un
homodimère dans lequel chaque domaine V constitue un site distinct de liaison à
l’antigène. On pense que la molécule d’IgW est présente seulement comme récep-
teur de surface cellulaire sur les cellules B, fonction qui aurait été reprise par l’IgD,
qui apparaît chez les poissons osseux. Cette variabilité permet de penser que,
chez les poissons cartilagineux primitifs des immunoglobulines étaient apparues
récemment et projetaient des variants à tester par la sélection naturelle.
16-13 Les récepteurs de cellule T α:β et γ:δ sont présents chez les poissons
cartilagineux.
Ni les récepteurs des cellules T, ni les immunoglobulines n’ont été trouvés dans
l’évolution des espèces plus tôt que les poissons cartilagineux. De manière
728 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire
surprenante, quel que soit le caractère plus ou moins lointain de leur apparition,
les récepteurs d’antigène ont essentiellement la même forme que celle des mam-
mifères. L’identification des homologues de la chaîne β et la chaîne δ du TCR du
requin, et des chaînes α, β, γ et δ de la raie, montrent que, même à une période
très ancienne, ces récepteurs du système immunitaire adaptatif étaient présents et
qu’ils s’étaient déjà séparés dans au moins deux systèmes de reconnaissance. De
plus, chacun montre une diversité résultant d’un réarrangement somatique com-
binatoire. Bien que nous ne comprenions pas encore pleinement le rôle des cellu-
les T γ:δ dans le système immunitaire adaptatif des mammifères, une divergence
survenue aussi tôt des deux types de récepteurs des cellules T et leur conservation
au cours de l’évolution suggère une séparation précoce de leurs fonctions.
conséquence, l’exposition des tissus intestinaux à des produits résistants comme les
exosquelettes chitineux ou les coquilles aurait favorisé les infections. Toutefois, l’ac-
quisition d’une mâchoire n’est qu’un des multiples changements survenus lors du
passage des agnathes aux vertébrés à mâchoire, tant dans l’organisation corporelle
des vertébrés que dans leur développement et leur mode de vie. De plus, certains
mollusques, notamment les céphalopodes à bec comme les pieuvres et calamars,
avalent aussi des proies enveloppées d’un coquille ou contenant des os. C’est pour-
quoi, cette caractéristique alimentaire en elle-même ne semble pas être une force
suffisamment sélective pour le développement de l’immunité adaptative.
En fait, nous reconnaissons maintenant que les agnathes ont leur propre forme
d’immunité adaptative, même si celle-ci s’est établie à partir d’un ensemble d’élé-
ments constitutifs différents. Nous n’avons pas de réponse certaine à la question
de savoir quelles sont les forces qui ont conduit à l’élaboration, sous la dépen-
dance de RAG, de l’immunité adaptative, mais nous conclurons en citant Charles
Darwin qui à la fin de L’évolution des espèces écrivait : une quantité infinie de bel-
les et admirables formes, sorties d’un commencement si simple, n’ont pas cessé de se
développer et se développent encore.
Résumé.
Résumé du Chapitre 16.
qui a été suivie par l’évolution d’une voie passant par des lectines. Nous recon-
naissons maintenant qu’une forme d’immunité adaptative existe chez des verté-
brés primitifs, le agnathes, sur la base d’un système de réarrangement de gènes
de LRR plutôt que sur des gènes d’immunoglobulines et de récepteurs de cel-
lule T. L’immunité adaptative chez les poissons à mâchoire a émergé d’un système
immunitaire ancestral encore inconnu, avec l’évolution rapide d’une gamme com-
plète de récepteurs de cellules T et d’immunoglobulines, en même temps que les
Fig. 16.11 Vue d’ensemble de l’évolution
molécules présentatrices d’antigène du CMH de classe I et classe II. La suite de
des systèmes immunitaires innés et l’évolution a servi à affiner le système immunitaire adaptatif, mais sa nature est
adaptatifs. restée essentiellement inchangée.
Requin
Drosophile Oursin Ascidie Lamproie (élasmo- Carpe Grenouille Serpent Poulet Homme
(insecte) (échinoderme) (tunicier) (agnathe) branche) (téléostéen) (amphibien) (reptile) (oiseau) (mammifère)
Immunité adaptative Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Réarrangement des Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Non
gènes VLR
Réarrangement
combinatoire du Non Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui
récepteur de cellule T
Molécules Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui
polymorphes du CMH Non Non Non
Voie classique
du complément Non Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui
C3 et facteur B Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Lectine liant Non ? Oui Déduit Déduit Oui Déduit Déduit Oui Oui
le mannose
Ficolines Non ? Oui Déduit Déduit Déduit Déduit Déduit Déduit Oui
MASP Non ? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Récepteurs Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
de type Toll
Peptides Oui Déduit Déduit Déduit Déduit Déduit Oui Oui Oui Oui
antibactériens
Références 731
Questions.
16.2 (a) Un système immunitaire adaptatif pourrait-il être basé sur un répertoire de
récepteurs qui ne subit pas de réarrangement génique somatique ? (b) Le génome
de l’oursin contient un gène que l’on pense être apparenté au transposon ancestral
du RAG. Qu’est-ce que cela implique quant à l’évolution alternative de l’immunité
adaptative chez les agnathes et les vertébrés à mâchoire ?
Georgel, P., Naitza, S., Kappler, C., Ferrandon, D., Zachary, D., Swimmer, C., 16-9 Les agnathes ont un système immunitaire adaptatif
Kopczynski, C., Duyk, G., Reichhart, J.M., and Hoffmann, J.A.: Drosophila qui utilise un réarrangement génique somatique
immune deficiency (IMD) is a death domain protein that activates antibacte-
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735
La boîte à outils
APPENDICE i
de l’immunologiste
Immunisation.
Les réponses immunes adaptatives naturelles sont normalement dirigées contre
des antigènes de micro-organismes pathogènes. Le système immunitaire peut
aussi répondre à des antigènes inertes, et c’est sur ces antigènes simples que les étu-
des fondamentales visant à une meilleure compréhension de la réponse immune
ont été concentrées. L’induction délibérée de la réponse immune est appelée
immunisation. Les immunisations expérimentales sont pratiquées couramment
par injection d’un antigène à l’animal ou à l’homme. La réponse immune dépen-
dra de la voie, de la dose et de la forme d’administration de l’antigène, ces facteurs
affect