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Avant– propos

L’objectif de ce livre est d’initier à l’immunologie les étudiants qui entament des
études de médecine ou une formation de premier cycle avancé en biologie, mais
aussi les chercheurs engagés dans un doctorat ainsi que les scientifiques d’autres
disciplines qui veulent en savoir plus sur le système immunitaire. Cet ouvrage tente
de présenter le champ de l’immunologie à partir d’un point de vue cohérent, celui
de l’interaction de l’hôte avec son environnement qui comprend de nombreuses
espèces microbiennes potentiellement nuisibles. Ce choix se justifie par le fait que
l’absence d’un ou de plusieurs composants du système immunitaire entraîne en
général une susceptibilité accrue à une ou plusieurs infections. En effet, le sys-
tème immunitaire existe d’abord et avant tout pour protéger l’organisme contre
des infections, et son évolution a été largement orientée par cette confrontation.
D’autres aspects de l’immunologie, comme l’allergie, l’auto-immunité, le rejet de
greffe et l’immunité antitumorale seront abordés en tant que variantes de cette
immunité protectrice de base. Dans tous ces cas, la nature de l’antigène apparaît
comme la variable principale.
Dans cette septième édition, tous les chapitres ont été mis à jour pour intégrer de
nouvelles observations qui étendent notre connaissance et notre compréhension
du système immunitaire. Voici quelques-unes de ces données récentes : la descrip-
tion des récepteurs des cellules NK, le rôle mieux compris de la cytidine désami-
nase induite par activation (AID) dans la génération de la diversité des anticorps,
les immunoévasines virales, la présentation croisée des antigènes aux cellules T, les
sous-populations de cellules dendritiques et de cellules T et les nouveaux récep-
teurs de l’immunité innée qui reconnaissent les agents pathogènes. Notre chapitre
sur l’évolution inclut de nouveaux aperçus fascinants sur les formes alternatives de
l’immunité adaptative chez les invertébrés et les organismes supérieurs. Les cha-
pitres cliniques contiennent de nouvelles sections sur la maladie cœliaque et son
mécanisme, sur la maladie de Crohn ainsi que sur les stratégies immunologiques
pour le traitement du cancer. Des questions de type discussion terminent chaque
chapitre. Elles peuvent être utilisées pour réviser ou comme base de discussion
avec les étudiants et dans des groupes d’étude informels. Le CD-ROM, Janeway’s
Immunobiology 7 Interactive, couvre un nombre accru de sujets, et les explications
sont plus détaillées.
Après un aperçu complet du système immunitaire dans le Chapitre 1, l’immunité
innée est traitée au Chapitre 2 comme un important système de protection capable
d’agir seul ou en collaboration avec l’immunité adaptative, que l’immunité innée
peut à la fois induire et compléter. La liste des molécules reconnues par les récep-
teurs Toll et par d’autres systèmes de détection des agents pathogènes a été mise à
jour, ce qui illustre bien les progrès rapides survenus dans ce domaine au cours des
trois dernières années. La description des différentes familles de récepteurs acti-
vateurs ou inhibiteurs des cellules NK a été révisée et reflète aussi notre meilleure
compréhension de l’immunité innée. Des informations sur les agents pathogènes
figuraient au début du Chapitre 10 dans les éditions précédentes ; nous les avons
déplacées au Chapitre 2 puisque les infections sont précisément la raison d’être du
système immunitaire. Après l’immunité innée, nous décrivons l’immunité adapta-
tive dont les connaissances ont beaucoup progressé car elle reste le sujet favori de
la grande majorité des immunologistes. Le thème central de la suite du texte est la
sélection clonale des lymphocytes.
vi

Comme dans la sixième édition, nous considérons en même temps les deux
lignées lymphoïdes, les lymphocytes B et les lymphocytes T dans une grande par-
tie de l’ouvrage, car ces deux types cellulaires utilisent des mécanismes qui, en
général, se ressemblent. Un exemple est la réorganisation des segments géniques
qui codent les récepteurs lymphocytaires spécifiques d’antigène (Chapitre 4). Le
Chapitre 5, sur la reconnaissance de l’antigène, a été mis à jour afin qu’il com-
prenne la présentation croisée des antigènes par les molécules du CMH de classe
I ainsi que l’interférence par les immunoévasines virales dans la présentation de
l’antigène. Le Chapitre 6, sur la signalisation, a été adapté afin qu’il décrive plus en
détail les voies propres aux cellules T, avec des commentaires plus étendus concer-
nant les données récentes en matière de signalisation costimulatrice. Nous avons
considérablement réorganisé le Chapitre 7 de sorte que les développements res-
pectifs des cellules B et des cellules T soient examinés dans des sections séparées.
Les Chapitres 8 et 9 traitent séparément des fonctions effectrices des lymphocy-
tes T et B puisque ceux-ci font appel à des mécanismes différents. Il fallait mettre
à jour et étendre la description des cellules dendritiques tout en incluant les résul-
tats des recherches récentes sur les sous-populations des cellules TH17 et T régula-
trices (Chapitre 8). Nous avons trouvé opportun de recentrer le Chapitre 10 sur la
nature dynamique de la réponse immunitaire à l’infection, en allant de l’immunité
innée jusqu’à la formation de la mémoire immunologique. Nous avons introduit les
dernières avancées dans la compréhension, d’une part, des changements temporels
des sous-populations de cellules T au cours d’une réponse immunitaire et, d’autre
part, de la nature de la mémoire immunologique. Comme son rôle dans la protec-
tion immunitaire est de plus en plus reconnu, l’immunité des muqueuses fait main-
tenant l’objet d’un nouveau chapitre qui lui est entièrement consacré (Chapitre 11).
Les trois chapitres suivants (Chapitres 12-14) traitent principalement de la façon
dont les maladies comme le VIH/sida, l’auto-immunité ou les allergies peuvent
être causées par des déficits immunitaires héréditaires et acquis, ou par une
défaillance et un dysfonctionnement des mécanismes immunologiques. À mesure
que notre connaissances des causes de la maladie se développe, ces chapitres ont
été étendus à la description des syndromes liés à des anomalies génétiques récem-
ment identifiées. Ces chapitres, qui décrivent les défaillances du système immu-
nitaire, sont suivis d’un chapitre (Chapitre 15) qui traite des manipulations de la
réponse immunitaire par la vaccination et d’autres moyens pour lutter non seu-
lement contre les maladies infectieuses, mais aussi contre le rejet des greffes et
le cancer. Ces quatre chapitres ont été largement révisés et mis à jour, en parti-
culier à propos de nouveaux traitements qui prennent une place de plus en plus
importante en pratique médicale, les thérapeutiques dites «biologiques». Le livre
se termine par une mise à jour du chapitre (Chapitre 16) sur l’évolution du système
immunitaire des animaux. L’analyse des séquences génomiques des invertébrés et
des vertébrés inférieurs nous a donné un meilleur aperçu de la sophistication des
défenses immunitaires des invertébrés et nous a fait découvrir que notre système
immunitaire adaptatif basé sur les anticorps et les cellules T n’est pas la seule façon
par laquelle l’immunité adaptative peut être générée.
Les maladies et déficiences immunologiques renvoient à la cinquième édition
de l’ouvrage intitulé Études de cas en immunologie (ISBN: 9780815341451). Les
auteurs, Raif Geha et Fred Rosen, présentent les principaux thèmes immunologi-
ques comme base à une sélection de cas cliniques réels qui servent à renforcer et
à étendre les connaissances fondamentales. Cinq nouveaux cas ont été ajoutés à la
cinquième édition, portant leur nombre à 47. Une icône dans la marge du présent
ouvrage fournit au lecteur un lien vers une exemple de maladie, où les notions fon-
damentales rejoignent les applications cliniques.
La septième édition de Immunobiologie de Janeway comprend un CD-ROM avec
des animations immunologiques originales basées sur les illustrations de l’ouvrage
et des vidéos sélectionnées à partir d’expériences visuellement convaincantes.
Les animations ont été révisées et mises à jour pour cette édition, qui comporte
vii

cinq nouvelles animations portant sur l’infection à VIH, l’hypersensibilité de type


retardé (DTH), les évasines virales, la reconnaissance innée des germes et les récep-
teurs interagissant avec les pathogènes. Toutes les animations et les vidéos sont
accompagnées de commentaires lus par Julie Theriot, Stanford University School
of Medicine. Le CD-ROM contient également les figures et les tableaux de l’ouvrage
dans les formats PowerPoint® et JPEG. Les enseignants qui adoptent Immunobiologie
de Janeway pour leurs cours ont accès à Garland Science Classwire™. Le système
Classwire™ permet aux enseignants de préparer facilement des sites Web pour leurs
cours et également d’archiver en ligne tous leurs documents. Après s’être enregis-
trés, ils seront en mesure de télécharger toutes les illustrations de Immunobiologie,
disponibles en format JPEG et PowerPoint, et toutes les vidéos et animations conte-
nues dans le CD. Les enseignants peuvent également télécharger des fichiers tirés
d’autres manuels de Garland Science. Nous vous invitons à visiter le site Web de
Garland Science à www.garlandscience.com. Vous pouvez aussi obtenir plus d’in-
formations sur Classwire™ en adressant un courriel à science@garland.com.
Cette édition a été renommée Immunobiologie de Janeway en mémoire de Charles
A. Janeway, qui est à l’origine de ce manuel et a été son constant inspirateur jusqu’à
sa mort en 2003. Andrey Shaw, Washington University School of Medicine, St. Louis,
a entièrement révisé et mis à jour le Chapitre 6 sur la signalisation ; Allan Mowat,
Université de Glasgow, a fait de même pour le Chapitre 11 sur l’immunité des
muqueuses. Claudia Mauri (Chapitres 12 et 14) et Michael Ehrenstein (Chapitres 13
et 15), University College London, ont révisé et mis à jour les chapitres cliniques.
L’Appendice III consacré aux cytokines et à leurs récepteurs a été réorganisé et mis
à jour par Robert Schreiber, Washington University School of Medicine, St. Louis.
Joost Oppenheim, National Cancer Institute, Washington, DC, a mis à jour l’Appen-
dice IV, qui reprend l’ensemble des chimiokines et de leurs récepteurs. Nous avons
à leur égard une grande dette de gratitude pour la compétence qu’ils ont mise au
service de cet ouvrage et pour le soin et les efforts que ces révisions ont nécessités.
Les éditeurs et les illustrateurs éditeurs ont assuré la cohésion de l’ouvrage. Nous
avons bénéficié des compétences rédactionnelles d’Eleanor Lawrence, qui est res-
ponsable de l’édition de cet ouvrage depuis ses débuts, ainsi que de la créativité
et du talent artistique de Matt McClements, notre illustrateur depuis la deuxième
édition. Leur « mémoire institutionnelle » a maintenu la cohérence globale de cette
édition fortement remise à jour. À Garland, Mike Morales a réussi à créer des ani-
mations qui donnent vie à des concepts importants. Aucun de ces efforts n’aurait
porté ses fruits sans la coordination habile (et patiente) de Sigrid Masson et les
suggestions perspicaces et le soutien continu de notre éditrice, Denise Schanck.
Kenneth Murphy souhaite remercier Theresa Murphy ainsi que Paul, Mike, Mark
et Jason, pour leurs encouragements. Paul Travers remercie Rose Zamoyska pour
son infinie patience. Mark Walport est reconnaissant à sa femme, Julia, et à ses
enfants, Louise, Robert, Emily, et Fiona, pour leur soutien permanent.
Nous voudrions remercier chaleureusement tous les personnes qui ont lu une par-
tie ou la totalité des chapitres de la sixième édition, ainsi que les projets de la sep-
tième édition, et qui nous ont conseillés sur la façon de les améliorer. Leurs noms
sont classés par chapitre à la page ix. Tous les efforts ont été faits pour écrire un
livre exempt d’erreur. Néanmoins, vous pourrez en trouver ça et là, et ce serait très
utile si vous pouviez nous les communiquer.

Kenneth Murphy
Paul Travers
Mark Walport

PowerPoint est soit une marque commerciale déposée ou une marque commerciale de Microsoft
Corporation aux États-Unis et/ou dans d’autres pays.
Classwire est une marque commerciale de Chalkfree, Inc.
viii

Contenu du CD – ROM Immunobiology

Le CD-ROM Immunobiology Interactive contient les figures et les tableaux de cet


ouvrage aux formats PowerPoint® et JPEG. Les vidéos et animations illustrent de
manière indépendante et dynamique des concepts importants. Les vidéos sont
indiqués par un (V).
Section I
2.1 Reconnaissance innée des pathogènes
2.2 Phagocytose
2.3 Récepteurs de reconnaissance des pathogènes
2.4 Système du complément
2.5 Adhérence de roulement
2.6 Roulement des leucocytes (V)
2.7 Extravasation leucocytaire
Section II
4.1 Recombinaison somatique
5.1 Apprêtement du CMH de classe I
5.2 Infection intracellulaire par Listeria (V)
5.3 Apprêtement du CMH de classe II
5.4 Évasines virales
Section III
6.1 Radeaux lipidiques
6.2 Signalisation par le TCR
6.3 Cellule T activée (V)
6.4 MAP kinase
6.5 Signaux transmis par les cytokines
6.6 Signaux transmis par les chimiokines
6.7 Induction de l’apoptose
6.8 Apoptose (V)
7.1 Développement des cellules T
7.2 Développement des ganglions lymphatiques
Section IV
8.1 Cytotoxicité des cellules T
8.2 Migration des cellules dendritiques
8.3 Interaction TCR-APC
8.4 Synapse immunologique (V)
8.5 Libération des granules par une cellule T
10.1 La réponse immunitaire
10.2 Chimiotaxie (V)
10.3 Trafic lymphocytaire
10.4 Écotaxie lymphocytaire (V)
10.5 Centres germinatifs
Section V
11.1 Dérive antigénique
11.2 Substitution antigénique
12.1 Infection par le VIH
13.1 Hypersensibilité de type retardé (DTH)
ix

Remerciements

Nous souhaitons remercier les experts suivants qui ont lu des parties ou l’en- St. Louis; Hans-Georg Rammensee, University of Tubingen, Germany; John
tièreté des chapitres de la sixième et de la septième édition et qui nous ont Trowsdale, University of Cambridge; Emil Unanue, Washington University
fourni de précieux conseils pour cette nouvelle édition. School of Medicine, St. Louis.

Chapitre 1 : Hans Acha-Orbea, Université de Lausanne; Leslie Berg, Chapitre 6 : Leslie Berg, University of Massachusetts Medical Center; John
University of Massachusetts Medical Center; Michael Cancro, University Cambier, University of Colorado Health Sciences Center; Doreen Cantrell,
of Pennsylvania; Elizabeth Godrick, Boston University; Michael Gold, University of Dundee, UK; Andy Chan, Genentech, Inc.; Gary Koretzky,
University of British Columbia; Harris Goldstein, Albert Einstein College University of Pennsylvania School of Medicine; Gabriel Nunez, University of
of Medicine; Kenneth Hunter, University of Nevada, Reno; Derek McKay, Michigan Medical School; Anton van der Merwe, University of Oxford; Andre
McMaster University; Eleanor Metcalf, Uniformed Services University of the Veillette, Institut de Recherches Cliniques de Montréal; Art Weiss, University of
Health Sciences, Maryland; Carol Reiss, New York University; Maria Marluce California, San Francisco.
dos Santos Vilela, State University of Campinas Medical School, Brazil;
Chapitre 7 : Avinash Bhandoola, University of Pennsylvania; B.J. Fowlkes,
Heather Zwickey, National College of Natural Medicine, Oregon.
National Institutes of Health, US; Richard Hardy, Fox Chase Cancer Center,
Chapitre 2 : Alan Aderem, Institute for Systems Biology, Washington; Philadelphia; Kris Hogquist, University of Minnesota; John Kearney, The
John Atkinson, Washington University School of Medicine, St. Louis; University of Alabama, Birmingham; Dan Littman, New York University School
Marco Colonna, Washington University School of Medicine, St. Louis; of Medicine; John Monroe, University of Pennsylvania Medical School; David
Jason Cyster, University of California, San Francisco; John Kearney, The Raulet, University of California, Berkeley; Ellen Robey, University of California,
University of Alabama, Birmingham; Lewis Lanier, University of California, Berkeley; Harinder Singh, University of Chicago; Barry Sleckman, Washington
San Francisco; Ruslan Medzhitov, Yale University School of Medicine; University School of Medicine, St. Louis; Brigitta Stockinger, National Institute
Alessandro Moretta, University of Genova, Italy; Gabriel Nunez, University for Medical Research, London; Paulo Vieira, Institut Pasteur, Paris; Harald
of Michigan Medical School; Kenneth Reid, University of Oxford; Robert von Boehmer, Harvard Medical School; Rose Zamoyska, National Institute for
Schreiber, Washington University School of Medicine, St. Louis; Caetano Medical Research, London.
Reis e Sousa, Cancer Research UK; Andrea Tenner, University of California,
Irvine; Eric Vivier, Université de la Méditerranée Campus de Luminy; Wayne Chapitre 8 : Rafi Ahmed, Emory University School of Medicine; Michael
Yokoyama, Washington University School of Medicine, St. Louis. Bevan, University of Washington; Frank Carbone, University of Melbourne,
Victoria; Bill Heath, University of Melbourne, Victoria; Tim Ley, Washington
Chapitre 3 : David Davies, NIDDK, National Institutes of Health, US; University School of Medicine, St. Louis; Anne O’Garra, The National Institute
K. Christopher Garcia, Stanford University; David Fremont, Washington for Medical Research, London; Steve Reiner, University of Pennsylvania School
University School of Medicine; Bernard Malissen, Centre d’Immunologie of Medicine; Robert Schreiber, Washington University School of Medicine,
Marseille-Luminy; Ellis Reinherz, Harvard Medical School; Roy Marriuzza, St. Louis; Casey Weaver, The University of Alabama, Birmingham; Marco
University of Maryland Biotechnology Institute; Robyn Stanfield, The Scripps Colonna, Washington University School of Medicine, St. Louis.
Research Institute; Ian Wilson, The Scripps Research Institute.
Chapitre 9 : Michael Cancro, University of Pennsylvania; Robert H. Carter, The
Chapitre 4 : Fred Alt, Harvard Medical School; David Davies, NIDDK, National University of Alabama, Birmingham; John Kearney, The University of Alabama,
Institutes of Health, US; Amy Kenter, University of Illinois, Chicago; Michael Birmingham; Garnett Kelsoe, Duke University; Michael Neuberger, University
Lieber, University of Southern California; John Manis, Harvard Medical School; of Cambridge.
Michael Neuberger, University of Cambridge; David Schatz, Yale University
School of Medicine; Barry Sleckman, Washington University School of Chapitre 10-11 : Rafi Ahmed, Emory University School of Medicine; Charles
Medicine, St. Louis. Bangham, Imperial College, London; Jason Cyster, University of California,
San Francisco; David Gray, The University of Edinburgh; Dragana Jankovic,
Chapitre 5 : Paul Allen, Washington University School of Medicine, St. Louis;
National Insitutes of Health; Michael Lamm, Case Western University; Antonio
Siamak Bahram, Centre de Recherche d’Immunologie et d’Hematologie;
Lanzavecchia, Institute for Research in Biomedicine, Switzerland; Sara
Michael Bevan, University of Washington; Peter Cresswell, Yale University
Marshall, Imperial College, London; Allan Mowat, University of Glasgow;
School of Medicine; David Fremont, Washington University School of Medicine,
Gabriel Nunez, University of Michigan Medical School; Michael Oldstone, The
St. Louis; K. Christopher Garcia, Stanford University; Ted Hansen, Washington
Scripps Research Insitute; Michael Russell, SUNY, Buffalo; Federica Sallusto,
University School of Medicine, St. Louis; Jim Kaufman, Institute for Animal
Institute for Research in Biomedicine, Switzerland; Philippe Sansonetti, Institut
Health, UK; Philippa Marrack, National Jewish Medical and Research Center,
Pasteur, Paris; Alan Sher, National Institutes of Health, US.
University of Colorado Health Sciences Center, Denver; Jim McCluskey,
University of Melbourne, Victoria; Jacques Neefjes, The Netherlands Cancer Chapitre 12 : Mary Collins, University College, London; Alain Fischer,
Institute, Amsterdam; Chris Nelson, Washington University School of Medicine, Groupe Hospitalier Necker-Enfants-Malades, Paris; Raif Geha, Harvard
x

Medical School; Paul Klenerman, University of Oxford; Dan Littman, New


York University School of Medicine; Michael Malim, King’s College; Sarah
Rowland‑Jones, University of Oxford; Adrian Thrasher, University College,
London.

Chapitre 13 : Cezmi Akdis, Swiss Institute of Allergy and Asthma Research;


Raif Geha, Harvard Medical School; Barry Kay, Imperial College, London;
Gabriel Nunez, University of Michigan Medical School; Harald Renz, Philipps
Universität Marburg, Germany; Alan Shaffer, Harvard Medical School.

Chapitre 14 : Antony Basten, The University of Sydney; Lucienne Chatenaud,


Groupe Hospitalier Necker-Enfants-Malades, Paris; Maggie Dallman, Imperial
College, London; Anne Davidson, Albert Einstein College of Medicine;
Betty Diamond, Albert Einstein College of Medicine; Rikard Holmdahl, Lund
University, Sweden; Laurence Turka, University of Pennsylvania School of
Medicine; Kathryn Wood, University of Oxford.

Chapitre 15 : Filippo Belardinelli, Istituto Superiore di Sanita, Italy; Benny


Chain, University College, London; Lucienne Chatenaud, Groupe Hospitalier
Necker-Enfants-Malades, Paris; Robert Schreiber, Washington University
School of Medicine, St. Louis; Ralph Steinman, The Rockefeller University;
Richard Williams, Imperial College, London.

Chapitre 16 : Max Cooper, The University of Alabama, Birmingham; Jim


Kaufman, Institute for Animal Health, UK; Gary Litman, University of South
Florida; Ruslan Medzhitov, Yale University School of Medicine.

Nous remercions particulièrement Matthew Vogt pour la lecture attentive de la


première épreuve de tout cet ouvrage.
xi

Sommaire

Partie I Concepts de base en immunologie


Chapitre  1 Les concepts de base en immunologie 1
Chapitre  2 L’immunité innée 39

Partie II La reconnaissance des antigènes


Chapitre  1 La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B
et des cellules T 111
Chapitre  2 La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène 143
Chapitre  3 La présentation des antigènes aux lymphocytes T 181

Partie III le développement des répertoires de récepteurs


des lymphocytes matures
Chapitre  1 Signalisation par les récepteurs du système immunitaire 219
Chapitre  2 Le développement et la survie des lymphocytes 257

Partie IV La réponse immunitaire adaptative


Chapitre  1 L’immunité dépendant des cellules T 323
Chapitre  2 Les réponses immunitaires humorales 379
Chapitre  3 La dynamique de l’immunité adaptative 421
Chapitre  4 Le système immunitaire des muqueuses 459

Partie V le systÈme immunitaire chez l’individu sain et malade


Chapitre  1 Les échecs des mécanismes de protection  497
Chapitre  2 Allergie et hypersensibilité 555
Chapitre  3 Auto-immunité et transplantation 599
Chapitre  4 Manipulation de la réponse immunitaire 655

Partie VI LES ORIGINES DES RÉPONSES IMMUNITAIRES


Chapitre  1 L’évolution du système immunitaire 711

Appendice  I La boîte à outils de l’immunologiste 735


Appendice  II Antigènes CD 783
Appendice  III Les cytokines et leurs récepteurs 799
Appendice  IV Les chimiokines et leurs récepteurs 802
Appendice  V Constantes Immunologiques 804
Biographies 805
Glossaire 806
Index 835
xii

Table des Matières

Partie I Concepts de base 1-20 Les cellules T CD4 et CD8 reconnaissent des peptides liés à deux
classes différentes de molécules du CMH. 32
en immunologie 1-21 Les déficiences du système immunitaire entraînent une sensibilité
accrue aux infections. 34
Chapitre  1 Les concepts de base en immunologie 1 1-22 La compréhension des réponses immunitaires adaptatives
est importante pour le contrôle des allergies, des maladies
Principes de l’immunité naturelle et adaptative. 3 auto-immunes et des rejets de greffe. 35
1-1 Les fonctions du système immunitaire. 3 1-23 La vaccination est le moyen le plus efficace de contrôler les maladies
infectieuses. 36
1-2 Les cellules du système immunitaire dérivent de précurseurs présents
dans la moelle osseuse. 5 Résumé. 37
1-3 La lignée myéloïde comprend la plupart des cellules Résumé du Chapitre 1. 37
du système immunitaire inné. 5
1-4 La lignée lymphoïde comprend les lymphocytes du système immunitaire
adaptatif et les cellules NK de l’immunité innée. 8 Chapitre  2 L’immunité innée 39
1-5 Les lymphocytes viennent à maturité dans la moelle osseuse ou dans
La ligne de front des défenses de l’hôte. 40
le thymus et se concentrent ensuite dans les tissus lymphoïdes
répartis dans tout l’organisme.  9 2-1 Les maladies infectieuses sont dues à différents agents vivants qui se
1-6 La plupart des agents infectieux activent le système immunitaire répliquent dans leur hôte. 41
inné et induisent une réponse inflammatoire. 10 2-2 Les agents infectieux doivent déborder les défenses naturelles de
1-7 L’activation des cellules spécialisées dans la présentation antigénique l’hôte pour établir un foyer infectieux. 44
est une première étape nécessaire à l’induction 2-3 Les surfaces épithéliales du corps constituent les premières lignes de
de l’immunité adaptative.  12 défense contre l’infection. 46
1-8 Le système immunitaire inné permet une première distinction entre 2-4 Après être entrés dans les tissus, de nombreux pathogènes sont
le soi et le non-soi. 13 reconnus, ingérés et tués par les phagocytes. 48
1-9 Les lymphocytes activés par un antigène donnent naissance à des 2-5 La reconnaissance de l’agent pathogène et la lésion tissulaire
clones de cellules effectrices spécifiques qui assurent l’immunité déclenchent la réaction inflammatoire. 50
adaptative. 13 Résumé. 52
1-10 La sélection clonale des lymphocytes est le principe central
de l’immunité adaptative. 14 La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système
1-11 La structure de la molécule d’anticorps illustre le point central immunitaire inné. 53
de l’immunité adaptative. 15 2-6 Les récepteurs spécifiques de molécules des pathogènes
1-12 Chaque lymphocyte en développement produit un récepteur reconnaissent des motifs structuraux répétés. 54
antigénique unique par réarrangement de segments géniques 2-7 Les récepteurs de type Toll sont des récepteurs de signalisation qui
codant son récepteur. 16 distinguent différents types de pathogènes et contribuent au choix
1-13 Les immunoglobulines lient une large variété de structures d’une réponse immunitaire appropriée. 56
chimiques, alors que le récepteur des cellules T est spécialisé dans 2-8 Les effets du lipopolysaccharide bactérien sur les macrophages sont
la reconnaissance des antigènes étrangers présentés sous forme de induits par la liaison de CD14 au récepteur TLR-4. 57
peptides par des protéines du complexe majeur d’histocompatibilité. 17
2-9 Les protéines NOD agissent comme des détecteurs intracellulaires
1-14 Le développement et la survie des lymphocytes sont déterminés par d’infection bactérienne. 58
des signaux transmis par leurs récepteurs antigéniques. 18
2-10 L’activation des récepteurs de type Toll et des protéines NOD
1-15 Les lymphocytes rencontrent leur antigène et y répondent dans les déclenche la production de cytokines pro-inflammatoires et de
organes lymphoïdes périphériques. 18 chimiokines ainsi que l’expression de molécules costimulatrices. 58
1-16 L’interaction avec d’autres cellules ainsi qu’avec l’antigène est Résumé. 59
nécessaire pour l’activation d’un lymphocyte. 23
1-17 Activés par un antigène, les lymphocytes prolifèrent dans les organes Le système du complément et l’immunité innée. 61
lymphoïdes périphériques, générant des cellules effectrices et la
mémoire immunitaire.  23 2-11 Le complément est un système de protéines plasmatiques qui est
activé par la présence de pathogènes. 61
Résumé. 27
2-12 Le complément interagit avec les pathogènes et les marque en vue
de leur destruction par les phagocytes. 62
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative. 27
2-13 La voie classique est déclenchée par l’activation du complexe C1. 64
1-18 Les anticorps se chargent des formes extracellulaires des pathogènes
et de leurs produits toxiques. 28 2-14 La voie des lectines est homologue à la voie classique. 65
1-19 Les cellules T sont nécessaires au contrôle intracellulaire 2-15 L’activation du complément est confinée à la surface sur laquelle elle
des pathogènes et pour activer la réponse des cellules B a été déclenchée. 67
à la plupart des antigènes. 30 2-16 L’hydrolyse de C3 déclenche la voie alternative du complément. 69
xiii

2-17 Des protéines membranaires et plasmatiques qui régulent la 3-5 Les domaines d’une molécule d’immunoglobuline ont des structures
formation et la stabilité des C3 convertases déterminent l’amplitude similaires. 116
de l’activation du complément dans diverses circonstances. 69 Résumé. 118
2-18 La C3 convertase liée à une surface de pathogène y dépose un grand
nombre de fragments C3b et génère l’activité de la C5 convertase. 73 L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène
2-19 Les phagocytes reconnaissent et ingèrent par des récepteurs spécifique. 118
spécifiques les pathogènes couverts de composants du complément. 73 3-6 Des séquences hypervariables forment le site de liaison à
2-20 Les petits fragments de certaines protéines du complément peuvent l’antigène. 118
déclencher une réponse inflammatoire locale. 75 3-7 Les anticorps lient les antigènes par les acides aminés des CDR,
2-21 Les protéines finales du complément polymérisent pour former des mais les détails du mode de liaison dépendent de la taille et de la
pores dans les membranes, ce qui peut tuer certains pathogènes. 75 forme de l’antigène. 119
2-22 Des protéines de régulation contrôlent les trois voies d’activation et 3-8 Les anticorps se lient à des structures de conformation particulière
protègent ainsi l’hôte des effets destructeurs du complément. 78 situées à la surface des antigènes. 120
Résumé. 81 3-9 Diverses forces interviennent dans la liaison de l’antigène à son
anticorps. 121
Les réponses innées induites contre une infection. 82 Résumé. 122
2-23 Les macrophages activés sécrètent une série de cytokines qui
exercent divers effets locaux et à distance. 83 La reconnaissance de l’antigène par les cellules T.  123
2-24 Des chimiokines libérées par les phagocytes et les cellules 3-10 Le récepteur des cellules T est très semblable au fragment Fab des
dendritiques recrutent des cellules dans les foyers infectieux. 83 immunoglobulines. 123
2-25 Des molécules d’adhérence cellulaire contrôlent les interactions 3-11 Le récepteur des cellules T reconnaît l’antigène sous la forme d’un
entre les leucocytes et les cellules endothéliales pendant la réaction complexe d’un peptide étranger lié à une molécule du CMH. 125
inflammatoire. 87 3-12 Il existe deux classes de molécules du CMH avec une composition
2-26 Les neutrophiles constituent la première vague de cellules qui de sous-unités distinctes mais des structures tridimensionnelles
traversent la paroi des vaisseaux sanguins pour gagner les sites similaires. 126
de l’inflammation. 88 3-13 Les peptides sont liés de façon stable aux molécules du CMH et
2-27 Le TNF-α est une cytokine importante qui limite localement l’infection, servent aussi à stabiliser la molécule du CMH à la surface
mais induit un état de choc quand il est libéré de manière cellulaire. 128
systémique. 90 3-14 Les molécules du CMH de classe I lient les deux extrémités de petits
2-28 Les cytokines libérées par les macrophages activent la réponse de peptides de 8–10 acides aminés. 129
phase aiguë. 92 3-15 La longueur des peptides liés par les molécules du CMH de classe II
2-29 Les interférons induits par une infection virale apportent plusieurs n’est pas imposée.  130
contributions à la défense de l’hôte. 94 3-16 Les structures cristallines de plusieurs complexes
2-30 Les cellules NK sont activées par les interférons et les cytokines peptide:CMH:récepteur de cellule T montrent la même orientation
produites par les macrophages pour contribuer à la défense précoce du récepteur T sur le complexe CMH:peptide. 132
contre certaines infections intracellulaires. 95 3-17 Les protéines de surface, CD4 et CD8, des cellules T sont requises
2-31 Les cellules NK ont des récepteurs de molécules du soi qui empêchent pour répondre de manière adéquate à l’antigène. 133
leur activation par des cellules non infectées. 96 3-18 Les deux classes de molécules du CMH sont exprimées sur les
2-32 Les cellules NK portent des récepteurs qui activent la fonction lytique cellules de manière différente. 135
en réponse à des ligands exprimés sur des cellules infectées ou des 3-19 Une sous-population distincte de cellules T porte un autre récepteur
cellules tumorales. 99 constitué des chaînes γ et δ. 137
2-33 Le récepteur NKG2D active une voie de signalisation Résumé. 137
différente de celle des autres récepteurs activateurs NK. 100
Résumé du Chapitre 3. 138
2-34 Plusieurs sous-populations lymphocytaires se comportent comme si
elles appartenaient au système immunitaire inné. 100
Résumé. 103
Résumé du Chapitre 2. 103
Chapitre  4 La génération des récepteurs lymphocytaires
d’antigène 143
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines. 144
Partie II La reconnaissance 4-1 Les gènes d’immunoglobulines sont réarrangés dans les cellules
des antigènes productrices d’anticorps. 144
4-2 Des gènes complets qui codent une région variable sont générés par
recombinaison somatique de segments géniques séparés. 145
Chapitre  3 La reconnaissance des antigènes par les 4-3 De multiples segments géniques V contigus sont présents dans
récepteurs des cellules B et des cellules T 111 chaque locus d’immunoglobuline. 146
4-4 Le réarrangement des segments géniques V, D et J est guidé par des
La structure moléculaire typique d’un anticorps. 112 séquences d’ADN adjacentes. 148
3-1 Les anticorps IgG sont constitués de quatre chaînes polypeptidiques. 113 4-5 La réaction qui recombine des segments géniques V, D et J requiert
3-2 Les chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines sont composées des enzymes spécifiques des lymphocytes et des enzymes ubiquitaires
de régions variables et constantes. 113 modificateurs de l’ADN. 150
3-3 La molécule d’anticorps peut être facilement clivée en fragments 4-6 La diversité du répertoire des immunoglobulines est générée par
fonctionnels distincts. 114 quatre processus principaux. 153
3-4 La molécule d’immunoglobuline est flexible, spécialement dans sa région 4-7 Les multiples segments géniques hérités entrent dans différentes
charnière. 115 combinaisons. 153
xiv

4-8 L’addition et la soustraction variables de nucléotides aux jonctions 5-8 La chaîne invariante dirige des molécules du CMH de classe II
entre segments géniques contribuent à la diversité de la troisième nouvellement synthétisées vers des vésicules intracellulaires
région hypervariable. 154 acidifiées. 192
Résumé. 155 5-9 Une molécule spécialisée semblable à une molécule du CMH de classe II
catalyse le chargement des peptides sur les molécules de classe II. 193
Réarrangement génique du récepteur de cellule T. 155 5-10 Une liaison stable des peptides aux molécules du CMH permet une
4-9 Les segments géniques des récepteurs de cellule T sont disposés de présentation efficace des antigènes à la surface cellulaire. 194
la même manière que les segments géniques des immunoglobulines Résumé. 195
et sont réarrangés par les mêmes enzymes. 156
4-10 Les récepteurs des cellules T concentrent leur diversité dans la Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions. 196
troisième région hypervariable. 157 5-11 De nombreuses protéines impliquées dans l’apprêtement et la
4-11 Les récepteurs des cellules T γ:δ sont aussi générés par réarrangement présentation de l’antigène sont codées par des gènes situés dans le
génique. 158 complexe majeur d’histocompatibilité. 197
Résumé. 159 5-12 Les produits protéiques des gènes du CMH des classes I et II sont
très polymorphes.  199
La diversité structurale des régions constantes 5-13 Le polymorphisme du CMH affecte la reconnaissance de l’antigène
d’immunoglobulines. 160 par les cellules T en influençant la liaison du peptide et les contacts
4-12 Les différentes classes d’immunoglobulines se distinguent par la entre le récepteur de cellule T et la molécule du CMH. 201
structure de la région constante de leurs chaînes lourdes. 160 5-14 Les cellules T qui reconnaissent des molécules de CMH étranger
4-13 Les régions constantes confèrent une spécialisation fonctionnelle aux sont très nombreuses. 204
anticorps. 161 5-15 De nombreuses cellules T répondent aux superantigènes. 206
4-14 Les cellules B matures et naïves expriment l’IgM et l’IgD à leur 5-16 Le polymorphisme du CMH élargit la gamme d’antigènes auxquels le
surface. 163 système immunitaire peut répondre.  207
4-15 Les formes transmembranaire et sécrétée des immunoglobulines sont 5-17 Divers gènes du CMH sont impliqués dans des fonctions immunitaires
générées à partir de transcrits alternatifs des chaînes lourdes. 163 spécialisées. 208
4-16 Les IgM et les IgA forment des polymères. 164 5-18 Des molécules spécialisées du CMH de classe I agissent comme
Résumé. 166 ligands activateurs ou inhibiteurs des cellules NK. 209
5-19 La famille CD1 des molécules de type CMH de classe I est codée
Diversification secondaire du répertoire des anticorps. 167 en dehors du CMH et présente des lipides microbiens à des
cellules T restreintes à CD1. 211
4-17 La cytidine désaminase induite par activation introduit des mutations
Résumé. 212
dans les gènes transcrits par les cellules B. 168
Résumé du Chapitre 5. 212
4-18 L’hypermutation somatique diversifie davantage les gènes réarrangés
de la région V. 169
4-19 Dans certaines espèces, la diversification des gènes
d’immunoglobulines se produit principalement après le Partie III le développement
réarrangement génique. 171 des répertoires de récepteurs
4-20 La commutation de classe permet au même exon VH assemblé d’être des lymphocytes matures
associé à différents gènes CH au cours d’une réponse immunitaire. 171
Résumé. 175
Résumé du Chapitre 4. 175
Chapitre  6 Signalisation par les récepteurs du système
immunitaire 219
Principes généraux de la transduction du signal. 220
Chapitre  5 La présentation des antigènes aux
6-1 Les récepteurs transmembranaires convertissent les signaux
lymphocytes T 181 extracellulaires en événements biochimiques intracellulaires. 220
La génération des ligands des récepteurs de cellule T. 182 6-2 La transduction intracellulaire du signal passe souvent par de grands
complexes multiprotéiques. 221
5-1 Les molécules du CMH de classe I et de classe II apportent des
peptides à la surface cellulaire à partir de deux compartiments 6-3 L’activation de certains récepteurs génère de petites molécules
intracellulaires. 182 servant de messagers secondaires. 222
5-2 Les peptides liés par les molécules du CMH de classe I sont 6-4 De petites protéines G agissent comme des commutateurs
transportés activement du cytosol vers le réticulum endoplasmique. 183 moléculaires dans de nombreuses voies de signalisation. 224
5-3 Les peptides transportés dans le réticulum endoplasmique sont 6-5 Les protéines de signalisation sont recrutées à la membrane par
produits dans le cytosol. 184 divers mécanismes. 224
5-4 Un transport rétrograde du réticulum endoplasmique vers le cytosol 6-6 Les protéines de transduction du signal sont organisées dans la
permet aux protéines exogènes d’être apprêtées pour une présentation membrane plasmique en structures appelées radeaux lipidiques. 225
croisée par des molécules du CMH de classe I. 186 6-7 La dégradation protéique joue un rôle important dans l’arrêt des
5-5 Les molécules du CMH de classe I nouvellement synthétisées sont réactions de signalisation. 226
retenues dans le réticulum endoplasmique jusqu’à ce qu’elles lient un Résumé. 227
peptide. 187
5-6 De nombreux virus produisent des immunoévasines qui interfèrent Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation
avec la présentation antigénique des molécules du CMH lymphocytaire. 227
de classe I. 189
6-8 Les chaînes variables des récepteurs d’antigène sont associées
5-7 Les peptides présentés par les molécules du CMH de classe II sont à des chaînes accessoires invariantes qui exercent la fonction de
produits dans des vésicules endocytaires acidifiées. 190 signalisation du récepteur. 228
xv

6-9 Les lymphocytes sont extrêmement sensibles à leur antigène Résumé.  272
spécifique. 229
6-10 La liaison de l’antigène entraîne la phosphorylation des séquences Le développement des cellules T dans le thymus. 273
ITAM associées au récepteur d’antigène. 231 7-7 Les progéniteurs des cellules T proviennent de la moelle osseuse,
6-11 Dans les cellules T, des ITAM complètement phosphorylés lient la mais tous les événements importants se déroulent dans le thymus. 274
kinase ZAP-70 et permettent son activation.  233 7-8 Les précurseurs des cellules T prolifèrent fortement dans le thymus,
6-12 ZAP-70 activée phosphoryle des protéines échafaudage qui exercent mais la plupart meurent. 275
en aval de nombreux effets de la signalisation du récepteur 7-9 Les stades successifs du développement des thymocytes se
d’antigène.  233 caractérisent par des changements de molécules à la surface
6-13 La PLC-γ est activée par des tyrosine kinases Tec.  234 cellulaire. 277
6-14 L’activation de la petite protéine G Ras active une cascade MAP 7-10 Les thymocytes se situent en fonction de leur stade de développement
kinase, aboutissant à la production du facteur de transcription AP-1. 235 dans des zones différentes du thymus. 279
6-15 The facteur de transcription NFAT est activé indirectement par le Ca2+.  236 7-11 Les cellules T pourvues de récepteurs α:β ou γ:δ proviennent d’un
6-16 Le facteur de transcription NFκB est activé par la protéine kinase C.  237 progéniteur commun.  280
6-17 La signalisation des récepteurs des cellules B et T repose sur des 7-12 Les cellules T exprimant des régions V particulières des chaînes γ
principes communs, mais quelques éléments sont propres aux et δ surviennent selon une séquence ordonnée tôt dans la vie. 282
cellules B. 239 7-13 La synthèse réussie d’une chaîne β réarrangée permet la production
6-18 D’autres récepteurs leucocytaires qui interviennent dans l’activation d’un récepteur de cellule pré-T qui déclenche la prolifération cellulaire
cellulaire contiennent des ITAM.  240 et bloque un réarrangement supplémentaire de gène de chaîne β.  283
6-19 La protéine de surface cellulaire CD28 est un récepteur costimulateur 7-14 Les gènes de la chaîne α des cellules T subissent des réarrangements
de cellule T naïve.  240 successifs jusqu’à ce qu’une sélection positive ou la mort cellulaire
intervienne. 286
6-20 Des récepteurs inhibiteurs sur les lymphocytes contribuent à réguler
les réponses immunitaires.  242 Résumé. 288
Résumé.  244
Sélection positive et négative des cellules T. 288
Autres récepteurs et voies de signalisation. 244 7-15 Le type de CMH du stroma thymique sélectionne un répertoire de
cellules T matures qui peuvent reconnaître des antigènes étrangers
6-21 Des cytokines activent typiquement des voies de signalisation rapide
présentés par le même type de CMH. 289
qui aboutissent au noyau.  245
7-16 Seuls les thymocytes dont les récepteurs interagissent avec un
6-22 Les récepteurs de cytokine forment des dimères ou des trimères
complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent survivre et atteindre
lorsqu’ils interagissent avec leur ligand.  245
la maturité. 290
6-23 Des récepteurs de cytokine sont associés à la famille de tyrosine
7-17 La sélection positive agit sur un répertoire de récepteurs de cellules T
kinases JAK, qui activent les facteurs de transcription STAT.  245
dotés d’une spécificité inhérente pour les molécules du CMH. 291
6-24 La signalisation par les cytokines est arrêtée par un mécanisme de
7-18 La sélection positive coordonne l’expression de CD4 et CD8 avec
rétroaction négative.  246
la spécificité du récepteur de la cellule T et les fonctions effectrices
6-25 Les récepteurs qui induisent l’apoptose activent des protéases potentielles de la cellule. 292
spécialisées intracellulaires appelées caspases.  247
7-19 Les cellules épithéliales du cortex thymique permettent la sélection
6-26 La voie intrinsèque de l’apoptose dépend de la libération du positive des thymocytes en développement. 293
cytochrome c des mitochondries. 249
7-20 Les cellules T qui réagissent fortement avec des antigènes
6-27 Les microbes et leurs produits activent NFκB par l’intermédiaire des ubiquitaires du soi sont éliminées dans le thymus. 294
récepteurs de type Toll.  249
7-21 Pour la sélection négative, ce sont les cellules présentatrices
6-28 Des peptides bactériens, des médiateurs des réactions inflammatoires d’antigène provenant de la moelle osseuse qui sont les
et des chimiokines se lient à des récepteurs couplés aux protéines G. 251 plus efficaces. 296
Résumé. 253 7-22 La spécificité et  /  ou la force des signaux pour la sélection négative ou
Résumé du Chapitre 6.  253 positive doivent être différentes. 297
Résumé. 298

Chapitre  7 Le développement et la survie des Survie et maturation des lymphocytes dans les organes
lymphocytes 257 lymphoïdes périphériques. 299
7-23 Différentes sous-populations se trouvent dans des zones
Développement des lymphocytes B. 259 particulières des tissus lymphoïdes périphériques. 299
7-1 Les lymphocytes dérivent des cellules souches hématopoïétiques 7-24 Le développement et l’organisation des tissus lymphoïdes
dans la moelle osseuse. 259 périphériques sont contrôlés par des protéines de la famille du
7-2 Le développement des cellules B commence par le réarrangement du facteur de nécrose tumorale. 300
locus de la chaîne lourde. 262 7-25 La localisation des lymphocytes dans des régions spécifiques des
7-3 Le récepteur de la cellule pré-B témoigne de la production réussie tissus lymphoïdes périphériques est assurée par des chimiokines. 302
d’une chaîne lourde complète et donne le signal de prolifération 7-26 Des lymphocytes qui rencontrent des quantités suffisantes
aux cellules pro-B.  264 d’autoantigènes pour la première fois en périphérie sont éliminés ou
7-4 La signalisation par le récepteur de la cellule pré-B inhibe la inactivés. 303
poursuite du réarrangement du locus de la chaîne lourde et impose 7-27 La plupart des cellules B immatures qui arrivent dans la rate ont une
une exclusion allélique.  266 vie courte, leur maturation et survie nécessitant des cytokines et
7-5 Les cellules pré-B réarrangent le locus des chaînes légères et des signaux positifs transmis par le récepteur d’antigène. 304
expriment des immunoglobulines de surface. 266 7-28 Les cellules B-1 et les cellules B de la zone marginale sont des
7-6 Avant de quitter la moelle osseuse, les cellules B immatures sont sous-types distincts de cellules B avec des spécificités antigéniques
soumises au test d’autoréactivité.  268 uniques. 306
xvi

7-29 L’homéostasie des cellules T en périphérie est régulée par des 8-16 Les cellules T qui prolifèrent et se différencient deviennent effectrices
cytokines et des interactions avec le CMH du soi. 307 et ne requièrent plus de costimulation pour agir.  349
Résumé. 307 8-17 Les cellules T se différencient en plusieurs sous-populations
effectrices fonctionnellement différentes.  349
Les tumeurs lymphoïdes. 308 8-18 Les cellules T CD8 peuvent être activées de différentes manières
7-30 Les tumeurs des cellules B occupent souvent le même site que leurs pour devenir des cellules effectrices cytotoxiques.  352
homologues normaux.  308 8-19 Diverses formes du signal 3 induisent la différenciation des cellules T
7-31 Les tumeurs de cellules T aux stades intermédiaires de leur CD4 naïves dans des voies effectrices distinctes.  352
développement sont rares. 311 8-20 Les cellules T CD4 régulatrices sont impliquées dans le contrôle des
7-32 Les lymphomes B comportent fréquemment des translocations réponses immunitaires adaptatives.  354
chromosomiques qui joignent des locus d’immunoglobulines à Résumé.  356
des gènes qui régulent la croissance cellulaire. 312
Résumé. 313 Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs
Résumé du Chapitre 7. 313 cytokines.  356
8-21 L’interaction des cellules T effectrices avec leurs cellules cibles
commence par l’intervention non spécifique de molécules
d’adhérence cellulaire.  357
Partie IV La réponse immunitaire
8-22 La liaison du complexe du récepteur de cellule T oriente la libération
adaptative des molécules effectrices en les concentrant sur la cellule cible.  357
8-23 Les fonctions effectrices des cellules T dépendent des diverses
Chapitre  8 L’immunité dépendant des cellules T 323 molécules effectrices qu’elles produisent.  358
8-24 Les cytokines peuvent agir localement ou à distance.  359
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices 8-25 Les cytokines et leurs récepteurs se répartissent en familles de
d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques. 325 protéines de structure apparentée.  361
8-1 Les cellules T naïves migrent à travers les tissus lymphoïdes 8-26 Les cytokines de la famille du TNF sont des protéines trimériques
périphériques afin de détecter des complexes peptide:CMH à la habituellement associées à la surface cellulaire.  362
surface des cellules dendritiques. 325 Résumé.  363
8-2 L’entrée des lymphocytes dans un tissu lymphoïde dépend de
chimiokines et de molécules d’adhérence. 326 La cytotoxicité des cellules T.  364
8-3 L’activation des intégrines par des chimiokines est responsable de
8-27 Les cellules T cytotoxiques peuvent induire la mort programmée
l’entrée des cellules T naïves dans les ganglions lymphatiques. 327
des cellules cibles.  364
8-4 Les réponses des cellules T sont induites dans les organes
8-28 Les granules des cellules T CD8 cytotoxiques contiennent des
lymphoïdes périphériques par des cellules dendritiques activées.  331
protéines effectrices qui déclenchent l’apoptose.  365
8-5 On distingue deux classes de cellules dendritique différentes sur le
8-29 Les cellules T cytotoxiques sont sélectives et se comportent comme
plan fonctionnel.  332
des tueurs en série des cibles exprimant un antigène spécifique.  367
8-6 Les cellules dendritiques apprêtent des antigènes provenant d’une
8-30 Les cellules T cytotoxiques agissent aussi en libérant des cytokines.  368
grande variété de pathogènes. 334
Résumé.  368
8-7 En stimulant les TLR des cellules dendritiques immatures, les
pathogènes déclenchent leur migration dans les organes lymphoïdes
et amplifient l’apprêtement des antigènes.  336 L’activation des macrophages par les cellules TH1.  368
8-8 Les cellules dendritiques plasmacytoïdes détectent des infections 8-31 Les cellules TH1 jouent un rôle primordial dans l’activation des
virales et produisent en abondance des interférons de type I et des macrophages.  369
cytokines pro-inflammatoires.  338 8-32 L’activation des macrophages par les cellules TH1 favorise la lyse
8-9 Des pathogènes rendent les macrophages, destinés à l’élimination microbienne et doit être strictement régulée afin d’éviter les
des déchets, capables de présenter des antigènes étrangers aux dommages tissulaires.  370
cellules T naïves. 339 8-33 Les cellules TH1 coordonnent la réponse aux pathogènes
8-10 Les cellules B présentent de manière très efficace les antigènes intracellulaires.  371
qu’elles ont captés par leurs immunoglobulines de surface.  340 Résumé.  372
Résumé.  342 Résumé du Chapitre 8.  372

Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules


dendritiques activées par un pathogène. 343 Chapitre  9 Les réponses immunitaires humorales 379
8-11 Des molécules d’adhérence cellulaire assurent l’interaction initiale des
cellules T naïves avec les cellules présentatrices d’antigène.  343 L’activation de la cellule B et la production d’anticorps.  381
8-12 Les cellules présentatrices d’antigène émettent trois types de 9-1 La réponse immunitaire humorale est déclenchée lorsque les
signaux qui stimulent l’expansion clonale et la différenciation des cellules B qui ont lié l’antigène reçoivent un signal des cellules T
cellules T naïves. 344 auxiliaires ou par certains antigènes microbiens seuls. 381
8-13 La costimulation par CD28 des cellules T activées induit l’expression 9-2 Les réponses des cellules B à un antigène sont amplifiées par
du facteur de croissance des cellules T, l’interleukine-2, et son l’intervention du corécepteur de cellule B. 382
récepteur de forte affinité.  345 9-3 Les cellules T auxiliaires activent les cellules B qui reconnaissent le
8-14 Le signal 2 peut être modifié par des voies costimulatrices même antigène.  383
supplémentaires.  346 9-4 Des peptides antigéniques liés à des molécules du CMH de classe II sur
8-15 La reconnaissance de l’antigène en absence de costimulation entraîne les cellules B stimulent la production par les cellules T auxiliaires
une inactivation fonctionnelle ou une délétion clonale des cellules T de molécules membranaires et sécrétées qui peuvent activer une
périphériques.  347 cellule B.  384
xvii

9-5 Les cellules B qui ont lié un antigène par leur récepteur spécifique 10-2 Les réponses non spécifiques de l’immunité innée sont nécessaires
sont piégées dans les zones de cellules T des tissus lymphoïdes au déclenchement d’une réponse immunitaire adaptative. 425
secondaires.  386 10-3 Des cytokines produites au cours de la phase la plus précoce d’une
9-6 Les plasmocytes sécréteurs d’anticorps se différencient à partir des infection influencent la différenciation des cellules T CD4 vers la
cellules B activées.  387 sous-population TH17.  426
9-7 La seconde phase d’une réponse immunitaire primaire des cellules B 10-4 Les cytokines produites durant les stades plus tardifs d’une infection
survient lorsque les cellules B activées migrent dans les follicules et orientent la différenciation des cellules T CD4 vers un statut TH1
prolifèrent pour former des centres germinatifs.  388 ou TH2.  427
9-8 Les cellules B du centre germinatif sont soumises à un processus 10-5 Les différentes sous-populations de cellules T CD4 peuvent réguler
d’hypermutation somatique de leur région V, et les cellules B mutées la différenciation de chacune des autres.  430
dont l’affinité pour l’antigène est augmentée sont sélectionnées. 390 10-6 Les cellules T effectrices sont guidées dans les foyers infectieux par des
9-9 La commutation de classe au cours des réponses à anticorps chimiokines et des molécules d’adhérence nouvellement exprimées.  432
thymodépendantes requiert l’expression du ligand de CD40 par la 10-7 Les cellules T effectrices différenciées ne constituent pas une population
cellule T auxiliaire et est orientée par des cytokines. 392 statique mais elles continuent à répondre aux signaux pendant qu’elles
9-10 La liaison du récepteur de la cellule B, de CD40 et un contact direct exercent leurs fonctions effectrices.  434
avec la cellule T sont indispensables à la survie des cellules B du 10-8 Les réponses primaires des cellules T CD8 aux pathogènes peuvent
centre germinatif. 394 avoir lieu en absence d’aide CD4.  435
9-11 Les cellules B des centres germinatifs qui ont survécu se différencient 10-9 Les réponses à anticorps se développent dans les tissus lymphoïdes
soit en plasmocytes soit en cellules mémoire. 395 sous la direction des cellules T auxiliaires CD4.  437
9-12 Les réponses des cellules B à des antigènes bactériens 10-10 Les réponses à anticorps se prolongent dans les cordons médullaires
intrinsèquement capables d’activer des cellules B ne requièrent et dans la moelle osseuse.  439
pas l’aide de cellule T.  396
10-11 Les mécanismes effecteurs utilisés pour éliminer une infection varient
9-13 Les réponses des cellules B aux polysaccharides bactériens n’ont pas selon l’agent en cause.  439
besoin de l’aide des cellules T auxiliaires spécifiques de peptide. 397
10-12 La guérison d’une infection s’accompagne de la mort de la plupart
Résumé. 399 des cellules effectrices et de la production de cellules mémoire.  441
Résumé.  441
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines.  400
9-14 Les diverses classes d’anticorps se distinguent par leur distribution La mémoire immunologique. 442
dans l’organisme, par leurs effets biologiques et leurs fonctions.  400 10-13 La mémoire immunologique persiste longtemps après l’infection
9-15 Les protéines de transport qui se lient à la partie Fc des anticorps ou la vaccination. 442
permettent à certains isotypes de traverser les barrières épithéliales. 402 10-14 Les réponses des cellules B mémoire diffèrent de celles des cellules B
9-16 Les anticorps IgG et IgA de haute affinité peuvent neutraliser les naïves sur plusieurs points.  444
toxines bactériennes. 404 10-15 À la suite d’immunisations répétées, l’affinité des anticorps augmente
9-17 Les anticorps de type IgG et IgA de haute affinité peuvent inhiber en raison de l’hypermutation somatique et de la sélection par
l’infectivité des virus. 405 l’antigène dans les centres germinatifs.  445
9-18 Les anticorps peuvent bloquer l’adhérence des bactéries aux cellules. 406 10-16 Les cellules T mémoire sont en proportion plus élevée que les
9-19 Les complexes antigène-anticorps activent la voie classique du cellules T naïves spécifiques du même antigène et ont des exigences
complément en se liant à C1q. 406 différentes en signaux d’activation et en protéines membranaires qui
les distinguent des cellules T effectrices.  446
9-20 Les récepteurs du complément sont importants pour éliminer les
complexes immuns de la circulation. 408 10-17 Les cellules T mémoire sont hétérogènes et comprennent des
sous-populations centrales ou effectrices.  449
Résumé.  409
10-18 L’aide des cellule T CD4 est requise pour les cellules T CD8
mémoire et implique la signalisation par CD40 et l’IL-2.  450
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par 10-19 Chez les individus immunisés, les réponses secondaires et
l’intermédiaire des récepteurs de Fc. 409 subséquentes sont attribuables surtout aux lymphocytes mémoire.  452
9-21 Les récepteurs de Fc des cellules accessoires sont des récepteurs de Résumé.  453
signalisation spécifiques des immunoglobulines de différent classes.  410
Résumé du Chapitre 10.  454
9-22 Les récepteurs de Fc des phagocytes sont activés par des anticorps
couvrant des pathogènes et permettent à ces cellules de les
phagocyter et de détruire ces pathogènes. 411 Chapitre  11 Le système immunitaire des muqueuses 459
9-23 Les récepteurs de Fc activent la destruction des cibles recouvertes
d’anticorps par les cellules NK. 412 L’organisation du système immunitaire des muqueuses. 459
9-24 Les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles activés lient les 11-1 Le système immunitaire des muqueuses protège les surfaces internes
anticorps de type IgE par l’intermédiaire du récepteur de Fcε de forte du corps.  459
affinité. 413
11-2 Le système immunitaire des muqueuses pourrait être le système
9-25 L’activation par les IgE des cellules accessoires joue un rôle immunitaire originel des vertébrés.  461
important dans la lutte contre les infections parasitaires. 414
11-3 Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est localisé dans des
Résumé.  415 compartiments anatomiques intestinaux bien définis.  462
Résumé du Chapitre 9.  416 11-4 L’intestin capte les antigènes par des voies et mécanismes
particuliers.  464
11-5 Le système immunitaire des muqueuses contient de nombreux
Chapitre  10 La dynamique de l’immunité adaptative 421 lymphocytes effecteurs même en absence de maladie.  466
11-6 La circulation des lymphocytes dans le système immunitaire des
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection. 422 muqueuses est contrôlée par des molécules d’adhérence propres
10-1 L’évolution d’une infection peut être divisée en plusieurs phases.  422 au tissu et par des récepteurs de chimiokine.  467
xviii

11-7 La sensibilisation des lymphocytes dans une muqueuse peut induire 12-10 Certaines déficiences en anticorps peuvent être dues à des
une immunité protectrice dans d’autres muqueuses.  469 dysfonctionnements des cellules B ou T. 512
11-8 L’IgA sécrétoire est la classe d’anticorps associée au système 12-11 Des déficiences en composants du complément altèrent la fonction
immunitaire des muqueuses.  469 immunitaire humorale. 514
11-9 Une déficience en IgA est assez fréquente chez l’homme mais 12-12 Des défauts des cellules phagocytaires permettent des infections
peut être compensée par l’IgM sécrétoire.  472 bactériennes étendues. 515
11-10 Le système immunitaire des muqueuses contient des lymphocytes T 12-13 Des anomalies dans la différenciation des cellules T sont
inhabituels.  472 responsables d’immunodéficiences combinées sévères. 517
Résumé.  475 12-14 Des défauts dans le réarrangement génique du récepteur d’antigène
aboutit au SCID. 519
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation 12-15 Des défauts dans la signalisation à partir des récepteurs d’antigène
des réponses immunitaires dans ces tissus.  476 des cellules T peuvent causer une immunodéficience grave. 520
11-11 Les pathogènes entériques causent une réaction inflammatoire 12-16 Des défauts génétiques dans la fonction thymique qui bloquent le
locale et le développement d’une immunité protectrice.  476 développement des cellules T sont responsables d’immunodéficiences
graves. 520
11-12 La conséquence d’une infection par des pathogènes intestinaux est
déterminée par des interactions complexes entre le micro-organisme 12-17 Les voies normales de protection contre les bactéries intracellulaires
et la réponse immunitaire.  478 ont été mises en évidence par l’étude des déficits génétiques touchant
l’IFN-γ, l’IL-12 ou leurs récepteurs respectifs. 522
11-13 Le système immunitaire des muqueuses confronté à un grand nombre
d’antigènes étrangers différents doit maintenir un équilibre entre 12-18 Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X est associé à des infections
immunité protectrice et homéostasie.  480 mortelles par le virus d’Epstein-Barr et au développement de
lymphomes. 523
11-14 L’intestin normal contient de grandes quantités de bactéries mais
ne s’immunise pas contre elles.  482 12-19 Des anomalies génétiques dans la voie de sécrétion cytotoxique des
lymphocytes causent une lymphoprolifération incontrôlée et des
11-15 Des réponses immunitaires complètes contre des bactéries réponses inflammatoires aux infections virales. 523
commensales causent une maladie intestinale.  485
12-20 Des déficiences génétiques peuvent être corrigées par une greffe de
11-16 Des helminthes intestinaux provoquent de fortes réponses moelle osseuse ou par thérapie génique. 525
immunitaires de type TH2.  485
12-21 Des immunodéficiences secondaires prédisposent à des infections
11-17 D’autres parasites eucaryotes suscitent une immunité protectrice mais graves pouvant être fatales. 526
aussi des affections intestinales.  488
Résumé. 527
11-18 Des cellules dendritiques dans les muqueuses favorisent l’induction
de tolérance dans les conditions physiologiques et entretiennent une Le syndrome d’immunodéficience acquise.  527
inflammation dite physiologique.  488
Résumé. 489 12-22 Au bout d’un certain temps, la plupart des infections par le VIH
aboutissent au SIDA. 528
Résumé du Chapitre 11.  490
12-23 Le VIH est un rétrovirus qui infecte les cellules T CD4, les cellules
dendritiques et les macrophages.  530
12-24 La vitesse de progression de la maladie peut varier selon le terrain
Partie V le systÈme immunitaire chez génétique.  532
l’individu sain et malade 12-25 Un déficience génétique du corécepteur CCR5 confère une résistance
à l’infection par le VIH in vivo. 532
12-26 L’ARN du VIH est transcrit par la transcriptase inverse virale en ADN
Chapitre  12 Les échecs des mécanismes de qui s’intègre dans le génome de la cellule. 534
protection  497 12-27 Le VIH ne se réplique que dans les cellules T activées. 536
Évasion et subversion des défenses immunitaires. 498 12-28 Le tissu lymphoïde est le réservoir principal du VIH.  537
12-1 Des variations antigéniques permettent aux pathogènes d’échapper 12-29 Une réponse immunitaire contrôle mais n’élimine pas le VIH. 538
au système immunitaire. 498 12-30 La perte de la fonction immunitaire causée par l’infection à VIH
12-2 Certains virus persistent in vivo en cessant de se répliquer jusqu’à prédispose aux infections opportunistes et aboutit finalement
ce que l’immunité décline.  501 à la mort.  540
12-3 Certains pathogènes résistent à la destruction par les mécanismes 12-31 Les médicaments qui bloquent la réplication du VIH diminuent
immunitaires ou exploitent ceux-ci à leur avantage. 502 rapidement la virémie et augmentent le nombre de cellules T CD4. 540
12-32 Le VIH accumule de nombreuses mutations tout au long du
12-4 Une immunosuppression ou une réponse immunitaire inappropriée
déroulement d’une infection et le traitement est suivi par l’apparition
peuvent contribuer à la persistance de la maladie. 504
de variants du virus qui résistent aux médicaments. 542
12-5 Les réponses immunitaires peuvent être directement impliquées dans
12-33 La vaccination contre le VIH est une option séduisante, mais elle
la pathogénie. 506
se heurte à de nombreuses difficultés. 543
12-6 Des cellules T régulatrices peuvent affecter l’évolution de la maladie
12-34 Par la prévention et l’éducation, on peut contrôler la propagation
infectieuse. 506
du VIH et du SIDA. 545
Résumé. 507
Résumé. 545
Résumé du Chapitre 12. 546
Les immunodéficiences. 507
12-7 Des antécédents d’infections répétées suggèrent un diagnostic
d’immunodéficience. 507 Chapitre  13 Allergie et hypersensibilité 555
12-8 Les immunodéficiences héréditaires sont causées par des gènes
récessifs défectueux. 508 Sensibilisation et production de l’IgE. 557
12-9 La conséquence principale d’une diminution des anticorps est 13-1 Les allergènes traversent souvent les muqueuses en faible quantité,
l’incapacité d’éliminer les bactéries extracellulaires. 509 une voie qui favorise la production d’IgE. 557
xix

13-2 Les enzymes induisent souvent des allergies. 558 14-4 Les lymphocytes qui lient des antigènes du soi avec une affinité
13-3 La commutation de classe vers l’IgE dans les lymphocytes B est relativement faible les ignorent habituellement, mais dans certaines
favorisée par des signaux spécifiques. 559 circonstances ils sont activés. 603
13-4 Des facteurs génétiques et environnement aux contribuent au 14-5 Des antigènes dans des sites immunologiquement privilégiés
développement de l’allergie dépendante de l’IgE. 560 n’induisent pas de réponse immunitaire, mais peuvent servir
de cibles. 605
13-5 Les cellules T régulatrices peuvent contrôler les réponses
allergiques. 565 14-6 Des cellules T autoréactives qui expriment des cytokines particulières
peuvent être non pathogènes ou supprimer des lymphocytes
Résumé. 565 pathogènes.  606
14-7 Des réponses auto-immunes peuvent être contrôlées à différents
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques. 566 stades par des cellules T régulatrices.  607
13-6 La majorité de l’IgE est fixée aux cellules et les mécanismes Résumé. 609
effecteurs qu’elle déclenche diffèrent de ceux qui sont mobilisés par
des anticorps d’un autre isotype. 567 Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes. 610
13-7 Les mastocytes sont distribués dans les tissus et sont à la base des 14-8 Des réponses immunitaires adaptives spécifiques d’autoantigènes
réactions allergiques. 567 peuvent causer une maladie auto-immune. 610
13-8 Les éosinophiles sont soumis normalement à un contrôle strict qui 14-9 Les maladies auto-immunes peuvent être classées selon la spécificité
prévient des réactions nocives. 569 de la réaction, qui peut être systémique ou limitée à un organe. 611
13-9 Les éosinophiles et les basophiles induisent une inflammation et des 14-10 Les divers modes d’action du système immunitaire sont en général
lésions tissulaires au cours des réactions allergiques. 571 impliqués dans la pathogénie des maladies auto-immunes. 612
13-10 Une réaction allergique comprend une réponse immédiate et une 14-11 Une maladie auto-immune chronique se développe par des
réponse tardive. 571 rétroactions positives de l’inflammation, l’impossibilité d’éliminer
13-11 Les manifestations cliniques des réactions allergiques varient selon l’autoantigène et l’élargissement de la réaction auto-immune. 615
le site d’activation des mastocytes. 572 14-12 Les anticorps et les cellules T effectrices peuvent causer des lésions
13-12 L’inhalation de l’allergène induit le développement de rhinite tissulaires au cours des maladies auto-immunes. 617
et d’asthme. 574 14-13 Les autoanticorps contre les cellules sanguines entraînent leur
13-13 Les allergies cutanées se manifestent sous forme d’urticaire destruction. 617
ou d’eczéma chronique. 576 14-14 La fixation du complément aux cellules, même si elle ne déclenche
13-14 Les allergies alimentaires provoquent des réactions systémiques pas de lyse, induit une réaction inflammatoire puissante. 619
ainsi que des symptômes limités à l’intestin. 577 14-15 Des autoanticorps dirigés contre des récepteurs provoquent des
13-15 La maladie cœliaque est un modèle d’immunopathologie spécifique maladies en stimulant ou en bloquant la fonction de ces récepteurs. 620
d’un antigène. 578 14-16 Les autoanticorps dirigés contre des antigènes extracellulaires
13-16 Les allergies peuvent être traitées par inhibition de la production provoquent des lésions inflammatoires par des mécanismes
des IgE ou des voies effectrices activées par le pontage des IgE analogues aux réactions d’hypersensibilités de type II et III. 621
à la surface cellulaire. 580 14-17 Les cellules T spécifiques des antigènes du soi peuvent causer des
Résumé. 583 lésions tissulaires directes et soutenir la production d’autoanticorps. 622
Résumé. 625
Les hypersensibilités. 583
13-17 Chez des individus sensibles, des antigènes inoffensifs peuvent Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité. 626
déclencher des réactions d’hypersensibilité de type II en se fixant 14-18 Les maladies auto-immunes ont une forte composante génétique. 626
à des cellules sanguines circulantes. 583 14-19 Un défaut dans un seul gène peut provoquer des
13-18 Une maladie systémique induite par la formation de complexes immuns maladies auto-immunes. 627
peut survenir après l’administration de grandes quantités d’antigènes 14-20 Plusieurs approches nous ont donné un aperçu des bases génétiques
faiblement catabolisés. 583 de l’auto-immunité. 628
13-19 Les réactions d’hypersensibilité de type retardé sont induites par les 14-21 Les gènes qui prédisposent à l’auto-immunité sont divisés
cellules TH1 et les cellules T cytotoxiques CD8+. 585 en catégories qui ont une incidence sur un ou plusieurs
13-20 Des mutations dans les molécules régulatrices de l’inflammation des mécanismes de tolérance. 631
peuvent être à l’origine d’hypersensibilités aboutissant 14-22 Les gènes du CMH jouent un rôle important dans le contrôle
aux « maladies auto-inflammatoires ». 588 de la susceptibilité à une maladie auto-immune. 631
13-21 La maladie de Crohn est une affection inflammatoire relativement 14-23 Des événements externes peuvent déclencher l’autoimmunité. 634
commune mais dont l’étiologie est complexe. 590
14-24 Une infection peut aboutir à une maladie auto-immune en établissant
Résumé. 591 un environnement qui favorise l’activation lymphocytaire. 634
Résumé du Chapitre 13. 591 14-25 Une réactivité croisée entre des molécules d’un pathogène
et des molécules du soi peut conduire à des réponses contre le soi
et à une maladie auto-immune. 635
Chapitre  14 Auto-immunité et transplantation 599 14-26 Des médicaments et des toxines peuvent causer des syndromes
auto-immuns. 636
Le développement et la rupture de la tolérance au soi. 600 14-27 Des événements aléatoires peuvent être nécessaires
14-1 Une fonction critique du système immunitaire est de distinguer le soi au déclenchement d’une auto-immunité. 637
du non soi. 600 Résumé.  637
14-2 De multiples mécanismes de tolérance préviennent normalement
l’auto-immunité. 602 Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon. 637
14-3 La délétion centrale, ou inactivation des lymphocytes nouvellement 14-28 Le rejet de greffe est une réponse immunitaire dépendant surtout
formés, est le premier point de contrôle de l’autotolérance.  603 des cellules T. 638
xx

14-29 Respecter la compatibilité entre les CMH du donneur et du receveur 15-18 Amplifier la réponse immunitaire contre les tumeurs par vaccination
améliore les résultats de la transplantation. 639 est prometteur dans la prévention et la thérapie du cancer. 684
14-30 Dans les greffes avec CMH identique, le rejet est dû à des peptides Résumé. 687
d’autres alloantigènes liés à des molécules du CMH du greffon. 640
14-31 Il existe deux façons de présenter les alloantigènes de la greffeaux Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection. 687
lymphocytes T du receveur. 641 15-19 Un vaccin efficace doit répondre à plusieurs critères. 689
14-32 Des anticorps réagissant avec l’endothélium provoquent un rejet 15-20 L’histoire de la vaccination contre Bordetella pertussis illustre
suraigu du greffon. 643 l’importance du développement d’un vaccin efficace et perçu comme
14-33 Le rejet chronique est provoqué par des lésions vasculaires inoffensif. 690
inflammatoires du greffon. 643 15-21 Des vaccins conjugués ont été développés après que le mécanisme
14-34 Divers organes sont greffés en pratique courante. 644 de collaboration entre les cellules T et B dans la réponse immunitaire
14-35 Le contraire du rejet de greffe est la maladie du greffon contre a été élucidé. 691
l’hôte. 645 15-22 L’addition d’un adjuvant à un vaccin est un moyen important
14-36 Des cellules T régulatrices sont impliquées dans les réponses d’augmenter son immunogénicité. 693
immunitaires alloréactives.  646 15-23 Les vaccins viraux vivants atténués sont généralement plus efficaces
14-37 Le fœtus est une allogreffe tolérée de manière répétée. 647 que les vaccins « tués » et peuvent être rendus plus sûrs par la
technologie de l’ADN recombinant. 695
Résumé. 648
15-24 Des vaccins bactériens vivants atténués peuvent être développés par
Résumé du Chapitre 14. 648
sélection de mutants non pathogènes ou non réplicatifs. 696
15-25 Des peptides synthétiques d’antigènes protecteurs peuvent induire
une immunité protectrice. 696
Chapitre  15 Manipulation de la réponse immunitaire 655
15-26 Le succès d’un vaccin dépend aussi du mode d’administration. 697
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires 15-27 Une immunité protectrice peut être induite par injection intramusculaire
indésirables. 655 d’ADN codant des antigènes microbiens et des cytokines humaines. 698
15-1 Les corticostéroïdes sont de puissants agents anti-inflammatoires 15-28 On peut améliorer l’efficacité d’un vaccin en le dirigeant dans un site
qui modifient la transcription de nombreux gènes. 656 où la présentation antigénique est optimale. 699
15-2 Les agents cytotoxiques sont immunosuppresseurs en tuant les 15-29 Question importante : une vaccination à but thérapeutique peut-elle
cellules en division mais ont de graves effets secondaires. 657 contrôler les infections chroniques existantes ? 700
15-3 La ciclosporine A, le FK506 (tacrolimus) et la rapamycine (sirolimus) 15-30 Une modulation du système immunitaire pourrait être utilisée pour inhiber
sont des agents immunosuppresseurs puissants qui interfèrent dans les réponses immunopathologiques envers des agents infectieux. 701
la signalisation des cellules T.  658 Résumé. 702
15-4 Les immunosuppresseurs sont des sondes utiles pour l’étude des Résumé du Chapitre 15. 702
voies de signalisation intracellulaire des lymphocytes. 659
15-5 Des anticorps contre des molécules de surface cellulaire ont été
utilisés pour éliminer des sous-populations lymphocytaires ou pour Partie VI LES ORIGINES DES RÉPONSES
inhiber la fonction cellulaire.  661
IMMUNITAIRES
15-6 Des anticorps peuvent être modifiés afin qu’ils soient moins
immunogènes chez l’homme.  661
15-7 Des anticorps monoclonaux peuvent être utilisés pour prévenir le Chapitre  16 L’évolution du système immunitaire 711
rejet d’allogreffe. 662
15-8 Des agents biologiques peuvent être utilisés pour atténuer et L’évolution du système immunitaire inné. 712
supprimer une maladie auto-immune. 664 16-1 L’évolution du système immunitaire peut être étudiée par comparaison
15-9 La déplétion ou l’inhibition des lymphocytes autoréactifs peut servir des gènes exprimés par des espèces différentes.  712
de traitement des maladies auto-immunes.  666 16-2 Les peptides antimicrobiens sont probablement les moyens de défense
15-10 Interférer dans les voies de costimulation de l’activation lymphocytaire immunitaire les plus anciens. 713
pourrait être un traitement des maladies auto-immunes. 668 16-3 Les récepteurs de type Toll pourraient représenter le mode de
15-11 L’induction de cellules T régulatrices au moyen d’anticorps peut inhiber reconnaissance des pathogènes le plus ancien. 714
les maladies auto-immunes. 668 16-4 Les gènes des récepteurs de type Toll se sont fortement diversifiés
15-12 Des médicaments d’usage courant ont des propriétés chez certaines espèces d’invertébrés. 716
immunorégulatrices. 669 16-5 Un second système de reconnaissance chez la drosophile homologue
15-13 Une administration contrôlée d’un antigène peut servir à manipuler à la voie du récepteur du TNF chez les mammifères protège des
la nature d’une réponse spécifique de cet antigène. 671 bactéries Gram-négatives. 717
Résumé. 672 16-6 Un système du complément ancestral opsonise des pathogènes
facilitant ainsi leur phagocytose. 717
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs. 672 16-7 La voie d’activation du complément par des lectines s’est développée
chez les invertébrés. 719
15-14 Le développement de tumeurs transplantables chez la souris a permis
la découverte des réponses immunitaires contre les tumeurs. 673 Résumé. 720
15-15 Les tumeurs peuvent échapper au rejet de plusieurs façons. 674
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative. 720
15-16 Des lymphocytes T reconnaissent des antigènes spécifiques sur des
tumeurs humaines, et des transferts adoptifs de cellules T sont testés 16-8 Certains invertébrés génèrent une diversité extensive dans un
chez des patients. 678 répertoire de gènes codant des protéines de type immunoglobuline. 721
15-17 Des anticorps monoclonaux, seuls ou liés à des toxines, dirigés 16-9 Les agnathes ont un système immunitaire adaptatif qui utilise un
contre les antigènes tumoraux peuvent contrôler la croissance réarrangement génique somatique pour diversifier des récepteurs
de la tumeur. 682 produits à partir de domaines LRR. 722
xxi

16-10 Une immunité adaptative basée sur un répertoire diversifié de gènes Caractérisation de la spécificité des lymphocytes, de leur
codant des protéines de type immunoglobuline est apparue fréquence et de leur fonction. 762
brusquement chez les poissons cartilagineux. 724
A-25 Culture en dilution limite. 763
16-11 La cible du transposon a probablement été un gène codant un
récepteur de surface cellulaire contenant un domaine V de type A-26 Les tests ELISPOT. 763
immunoglobuline. 725 A-27 Identification des sous-populations de cellules T par marquage des
16-12 Les processus de diversification des immunoglobulines peuvent cytokines. 764
différer d’une espèce à l’autre. 726 A-28 Identification de la spécificité du récepteur T au moyen des tétramères
16-13 Les récepteurs de cellule T α:β et γ:δ sont présents chez les de CMH:peptide. 765
poissons cartilagineux. 727 A-29 Évaluation de la diversité du répertoire des cellules T par
16-14 Des molécules du CMH de classe I et de classe II sont aussi trouvées immunoscope. 766
d’abord chez les poissons cartilagineux. 728 A-30 Utilisation des biosenseurs pour mesurer les vitesses d’association
Résumé.  729 et de dissociation des ligands des récepteurs à l’antigène. 767
Résumé du Chapitre 16. 729 A-31 Stimulation de la prolifération lymphocytaire au moyen de mitogènes
polyclonaux ou de l’antigène spécifique. 769
A-32 Mesure de l’apoptose par le test TUNEL. 770
A-33 Tests des cellules T cytotoxiques. 770
Appendice I La boîte à outils de l’immunologiste. 735
A-34 Tests des cellules T CD4. 770
Immunisation. 735 A-35 Puces à ADN. 772
A-1 Haptènes. 736
A-2 Voies d’immunisation. 738 Détection de l’immunité in vivo. 772
A-3 Effets de la dose d’antigène.  738 A-36 Évaluation de l’immunité protectrice. 772
A-4 Adjuvants. 738 A-37 Transfert de l’immunité protectrice. 773
A-38 Le test à la tuberculine. 774
Détection, quantification et caractérisation des anticorps et leur A-39 Tests pour les réactions allergiques. 774
utilisation en tant qu’outils de recherche et de diagnostic. 740 A-40 Évaluation des réponses immunes et de la compétence
A-5 Chromatographie d’affinité. 741 immunologique chez l’homme. 775
A-6 RIA (RadioImmunoAssay), ELISA (Enzyme-Linked A-41 La réaction d’Arthus. 776
ImmunoSorbent Assay) et technique d’inhibition compétitive. 741
A-7 Hémagglutination et groupage sanguin. 743 Manipulation du système immunitaire. 777
A-8 Réaction de précipitation. 744 A-42 Transfert adoptif des lymphocytes. 777
A-9 Dialyse à l’équilibre : détermination de l’affinité et de l’avidité d’un A-43 Transfert de cellules souches hématopoïétiques. 777
anticorps. 745 A-44 Déplétion in vivo des cellules T.  777
A-10 Anticorps anti-immunoglobulines. 746 A-45 Déplétion in vivo des cellules B. 778
A-11 Test de Coombs et détection des incompatibilités dans le système A-46 Souris transgéniques. 778
Rhésus. 747
A-47 Invalidation (knockout) génique par dislocation ciblée. 779
A-12 Les anticorps monoclonaux. 749
A-13 Les banques de phages d’expression pour la production des
régions V d’anticorps. 750 Appendice II   Antigènes CD. 783
A-14 L’immunofluorescence. 751
A-15 L’immunomicroscopie électronique. 753
Appendice III  Les cytokines et leurs récepteurs. 799
A-16 Immunohistochimie. 753
A-17 Immunoprécipitation et co-immunoprécipitation. 754
A-18 L’immuno-empreinte (western blot). 755 Appendice IV  Les chimiokines et leurs récepteurs. 802
A-19 L’utilisation d’anticorps pour l’isolement et la détection de gènes et
de leurs produits. 756
Appendice V   Constantes Immunologiques. 804
Isolement des lymphocytes. 758
A-20 Isolement des lymphocytes en gradient de Ficoll-Hypaque™. 758 Biographies. 805
A-21 Isolement des lymphocytes tissulaires. 758
A-22 Cytométrie de flux et analyse par FACS™. 759
Glossaire. 806
A-23 Isolement des lymphocytes par des billes magnétiques recouvertes
d’anticorps. 761
A-24 Isolement de lignées cellulaires T homogènes. 761 Index. 835
Concepts de base
PARTIE I
en immunologie

Chapitre 1 Les concepts de base en immunologie.

Principes de l’immunité naturelle et adaptative.

Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative.

Chapitre 2 L’immunité innée.

La ligne de front des défenses de l’hôte.

La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système


immunitaire inné.

Le système du complément et l’immunité innée.

Les réponses innées induites contre une infection.


1

Les concepts de base


en immunologie 1

L’immunologie est l’étude de la défense de l’organisme contre les infections. Nous


vivons entourés par des micro-organismes, dont beaucoup sont pathogènes et,
malgré cette exposition constante, nous tombons rarement malades. Comment le
corps se défend-il ? Lors d’une infection, comment élimine-t-il l’intrus et parvient-
il à guérir ? Par quel mécanisme, restons-nous longtemps immunisés contre des
maladies infectieuses que nous n’avons contractées qu’une seule fois ? Ce sont les
questions auxquelles tentent de répondre les immunologistes, qui s’efforcent de
comprendre comment notre organisme se protège, au niveau cellulaire et molé-
culaire, contre les infections.
L’immunologie est une science relativement récente. Son origine est généralement
attribuée à Edward Jenner (Fig. 1.1), qui observa à la fin du 18e siècle que la variole
bovine, ou vaccine, semblait induire une protection contre la variole humaine, une
maladie souvent mortelle. En 1796, Jenner démontra que l’inoculation de la vac-
cine protégeait contre la variole. Il appela ce procédé vaccination, et ce terme est
toujours utilisé pour décrire le processus d’inoculation d’individus sains avec des
souches affaiblies ou atténuées d’agents vecteurs de maladies afin de conférer une
protection contre ces maladies. Bien que l’expérience hardie de Jenner ait été un
succès, il a fallu près de deux siècles pour que la vaccination contre la variole se
généralise. Ce progrès a permis à l’Organisation Mondiale de la Santé d’annoncer
en 1979 que la variole avait été éradiquée (Fig. 1.2), ce qui est sans doute le plus
grand triomphe de la médecine moderne.
Quand Jenner introduisit la vaccination, il ne savait rien des agents infectieux res-
ponsables des maladies : ce n’est pas avant la fin du 19e siècle que Robert Koch
prouva que des micro-organismes provoquaient des maladies infectieuses, cha-
cun responsable d’une maladie ou d’une pathologie particulière. Nous connais-
sons maintenant quatre grandes catégories de micro-organismes responsables de
maladies, ou pathogènes, ce sont les virus, les bactéries, les champignons et un
groupe d’organismes eucaryotes relativement nombreux et complexes appelés
communément parasites.
À la suite des découvertes de Koch et d’autres grands microbiologistes du 19e siè-
cle, la vaccination s’est étendue à la prévention d’autres pathologies. En 1880, Fig. 1.1 Edward Jenner. Portrait par John
Raphael Smith. Reproduit avec l’autorisation
Louis Pasteur inventa un vaccin contre le choléra des poulets et développa un de Yale University, Harvey Cushing/John Hay
vaccin antirabique, qui s’avéra d’une efficacité remarquable lors du premier essai Whitney Medical Library.
2 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

sur un jeune garçon mordu par un chien enragé. Ces succès pratiques ont conduit
Nombre 30
de pays à l’étude des mécanismes de protection et ainsi au développement de l’immuno-
avec un cas logie. En 1890, Emil von Behring et Shibasaburo Kitasato découvrirent que le
ou plus
par mois sérum d’animaux immunisés contre la diphtérie ou le tétanos exerçait une « acti-
15 éradication
officielle
vité antitoxique » qui conférait aux gens une protection transitoire contre les effets
de la variole de la toxine diphtérique ou tétanique. Cette propriété était due aux anticorps, pro-
téines qui lient spécifiquement les toxines et les neutralisent.
0
1965 1970 1975 1980 La réaction qu’un agent pathogène déclenche est appelée réponse immunitaire.
Année Lorsque celle-ci est spécifique, comme la production d’anticorps contre un patho-
gène particulier ou ses produits, on la qualifie d’adaptative car elle apparaît au
Fig. 1.2 L’éradication de la variole par la cours de la vie d’un individu comme un mode d’adaptation à l’infection par ce
vaccination. Après une période de 3 ans pathogène. La plupart du temps, cette réponse immune adaptative assure une pro-
durant laquelle aucun cas de variole n’a été
tection immunitaire de longue durée contre toute réinfection par le même patho-
enregistré, l’Organisation Mondiale de la
Santé fut en mesure d’annoncer en 1979 gène, un processus appelé mémoire immunologique. C’est précisément une des
que la variole avait été éradiquée et que la caractéristiques qui distinguent l’immunité adaptative de l’immunité naturelle
vaccination était arrêtée. Des réserves de virus ou innée, qui est toujours prête à s’opposer immédiatement à une grande diversité
ont cependant été constituées dans quelques
laboratoires, mais d’aucuns craignent qu’elles
de germes, mais qui n’est pas suivie d’une immunité persistante et n’est spécifique
ne soient le point de départ de nouvelles d’aucun pathogène particulier. Au moment où von Behring développait la sérothé-
épidémies. rapie passive contre la diphtérie, l’immunité innée était surtout connue au travers
des travaux du célèbre immunologiste russe, Elie Metchnikoff, qui découvrit que
de nombreux micro-organismes étaient ingérés et digérés par des cellules phago-
cytaires qu’il appela « macrophages ». Ces cellules, qui contribuent au front défen-
sif de l’immunité naturelle, sont toujours présentes et prêtes à agir. Par contre, une
réponse immunitaire adaptative met du temps à se développer et est hautement
spécifique ; des anticorps contre le virus de la grippe, par exemple, ne protègent
pas contre le virus de la polio.
Il est apparu rapidement que les anticorps spécifiques peuvent être induits par
de nombreuses substances différentes appelées antigènes puisque, à leur contact,
des anticorps sont générés. Nous verrons cependant que toutes les réponses
immunes adaptatives n’entraînent pas la production d’anticorps, et le terme d’an-
tigène désigne maintenant, au sens large, toute substance pouvant être reconnue
par le système immunitaire adaptatif. Les protéines, les glycoprotéines et les poly-
saccharides des pathogènes sont les antigènes que le système immunitaire adap-
tatif reconnaît et contre lesquels il réagit, mais il peut reconnaître et répondre à
un éventail plus large de structures chimiques, d’où la possibilité de provoquer
des réactions allergiques à des métaux comme le nickel, des médicaments comme
la pénicilline et certaines molécules organiques des feuilles du sumac vénéneux
(poison ivy). Les réponses de type inné et adaptatif forment ensemble un sys-
tème de défense d’une efficacité remarquable. L’immunité innée empêche que de
nombreuses infections ne déclenchent une maladie. En cas d’échec, l’immunité
adaptative s’enclenche et, si elle prend le dessus, il s’établit une mémoire immu-
nologique à long terme qui évitera une réinfection.
L’objet de cet ouvrage est la description des divers mécanismes de l’immu-
nité adaptative, par laquelle des globules blancs spécialisés appelés lymphocy-
tes reconnaissent et attaquent des micro-organismes pathogènes ou des cellules
infectées. Nous verrons toutefois que l’intervention du système immunitaire inné
conditionne le développement de l’immunité adaptative et que les cellules impli-
quées dans les réponses immunitaires innées contribuent aux réponses immu-
nitaires adaptatives. En effet, pour éliminer les micro-organismes, le système
adaptatif, après avoir reconnu l’antigène spécifique, utilise la plupart des mécanis-
mes dont le système inné dispose.
Dans ce chapitre, nous décrirons successivement les principes de l’immunité
innée et adaptative, les cellules du système immunitaire et les tissus dans lesquels
elles se développent et circulent. Nous expliquerons ensuite les fonctions spécia-
lisées des différents types cellulaires et les mécanismes par lesquels elles élimi-
nent l’infection.
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 3

Principes de l’immunité naturelle et adaptative.


Le corps est protégé des agents infectieux et des dommages qu’ils génèrent,
ainsi que d’autres substances comme les toxines des insectes, par diverses cellu-
les effectrices et molécules qui, ensemble, constituent le système immunitaire.
Dans cette partie du chapitre, nous discutons les principes majeurs à la base des
réponses immunitaires et nous décrivons les cellules et tissus du système dont la
réponse immunitaire dépend.

1-1 Les fonctions du système immunitaire.

Afin de protéger efficacement l’individu contre une maladie, le système immuni-


taire doit assurer quatre fonctions principales. La première est la reconnaissance
immunologique : l’infection doit être détectée. Cette tâche revient aux globules
blancs du système immunitaire inné, qui réagissent de manière immédiate, et aux
lymphocytes du système immunitaire adaptatif. La deuxième mission est de conte-
nir l’infection et, si possible, l’éliminer complètement ; elle requiert l’intervention
des fonctions immunitaires effectrices comme les protéines sériques du complé-
ment, les anticorps et la capacité destructrice des lymphocytes et des autres globu-
les blancs. En même temps, la réponse immunitaire doit rester sous contrôle afin
qu’elle ne cause pas de dommage au corps lui-même. La régulation immunitaire,
ou la capacité du système immunitaire de se contrôler, est donc une caractéristi-
que importante des réponses immunitaires. Un défaut dans une telle régulation
est responsable d’affections comme l’allergie et les maladies auto-immunes. La
quatrième fonction est de protéger l’individu contre une réinfection par le même
pathogène. Une propriété unique du système immunitaire adaptatif est sa capa-
cité de générer une mémoire immunologique, si bien qu’une personne ayant été
exposée une seule fois à un agent infectieux réagira de manière immédiate et plus
puissamment lors d’un contact ultérieur avec ce pathogène, envers lequel elle dis-
posera dorénavant d’une immunité protectrice. Trouver les moyens de générer
une immunité persistante contre des pathogènes qui ne l’induisent pas naturelle-
ment est un des plus grands défis que les immunologistes doivent relever.
Lorsqu’un individu rencontre pour la première fois un agent infectieux, les pre-
mières lignes de défense qu’il oppose à l’entrée du microbe sont de nature physi-
que et chimique. En général, elles ne sont pas considérées comme faisant partie
du système immunitaire proprement dit. Ce n’est que lorsque ces barrières sont
franchies que le système immunitaire entre en jeu. Les premières cellules à réagir
sont les globules blancs phagocytaires comme les macrophages qui font partie du
système immunitaire inné. Ces cellules sont capables d’ingérer et de tuer les ger-
mes au moyen de diverses molécules toxiques et de puissantes enzymes lytiques.
L’immunité innée a une origine lointaine ; on en retrouve des traces chez tous les
animaux et toutes les plantes. Les macrophages de l’homme et des autres verté-
brés, par exemple, seraient, pense-t-on, les descendants directs des cellules pha-
gocytaires d’animaux plus simples, comme ceux que Metchnikoff observait chez
des invertébrés comme les étoiles de mer.
Les réponses immunitaires innées surviennent peu après le contact avec l’agent
infectieux. Chevauchant cette première phase, mais prenant plusieurs jours plu-
tôt que plusieurs heures à se développer, le système immunitaire adaptatif s’avère
plus efficace dans l’élimination des infections que les réactions innées. Il n’existe
que chez les vertébrés et dépend des fonctions de reconnaissance très spécifi-
que des lymphocytes, qui peuvent distinguer un pathogène particulier et focaliser
sur lui la réponse immunitaire. Ces cellules portent à leur surface des récepteurs
d’antigène hautement spécialisés qui reconnaissent les antigènes individuelle-
ment et déclenchent les réactions. Les milliards de lymphocytes présents dans le
corps représentent un immense répertoire de récepteurs d’antigène qui permet au
4 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Moelle osseuse

cellule souche hématopoïétique pluripotente

Moelle osseuse

progéniteur progéniteur progéniteur progéniteur


lymphoïde myéloïde des granulocytes des mégacaryocytes
commun commun et macrophages et érythrocytes mégacaryocyte érythroblaste

Sang

Granulocytes (ou leucocytes polymorphonucléaires)

cellule précurseur
cellule B cellule T cellule NK dendritique neutrophile éosinophile basophile inconnu monocyte plaquettes érythrocyte
immature des mastocytes

Ganglions lymphatiques Tissus

cellule dendritique cellule dendritique


cellule B cellule T cellule NK mature immature mastocyte macrophage

dotés de récepteurs d’antigène, ce que les autres leucocytes n’ont


Cellules effectrices pas, et ces deux lignées se distinguent l’une de l’autre par leur site de
différenciation, respectivement le thymus et la moelle osseuse. Après leur
rencontre avec un antigène, les cellules B se différencient en plasmocytes
sécréteurs d’anticorps, tandis que les cellules T se différencient en cellules
effectrices aux fonctions variées. Contrairement aux lymphocytes B et T,
les cellules NK n’ont pas de spécificité antigénique. Les leucocytes restants
sont les monocytes, les cellules dendritiques ainsi que les neutrophiles,
éosinophiles, basophiles. Ces trois derniers circulent dans le sang et sont
communément appelés granulocytes parce qu’ils renferment des granules
cellule T cellule NK
plasmocyte activée activée cytoplasmiques, reconnaissables par leur coloration spécifique sur les
frottis sanguins. On les appelle aussi leucocytes polymorphonucléaires
à cause de la forme irrégulière de leur noyau. Les cellules dendritiques
Fig. 1.3 Tous les éléments cellulaires du sang, y compris les immatures (fond jaune) sont des cellules phagocytaires qui colonisent les
lymphocytes du système immunitaire adaptatif, proviennent de tissus ; elles viennent à maturité après leur rencontre avec un pathogène
cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse. Ces cellules potentiel. Le progéniteur lymphoïde commun est également à l’origine
pluripotentes se divisent d’abord pour donner deux types de cellules d’une sous-population mineure de cellules dendritiques, mais pour raison
souches. Un progéniteur lymphoïde commun donne naissance à la lignée de simplicité, cette voie de différenciation n’est pas représentée. Cependant,
lymphoïde (fond bleu) des globules blancs ou leucocytes, les cellules les progéniteurs myéloïdes communs étant plus nombreux que les
tueuses naturelles ou cellules NK (natural killer) et les lymphocytes T et progéniteurs lymphoïdes communs, la majorité des cellules dendritiques de
B. Un progéniteur myéloïde commun est à l’origine de la lignée myéloïde l’organisme se développent à partir des premiers. Les monocytes entrent
(fond rose ou jaune), qui comprend le reste des leucocytes, les érythrocytes dans les tissus, où ils se différencient en macrophages phagocytaires.
(globules rouges) et les mégacaryocytes qui produisent les plaquettes Le précurseur à l’origine des mastocytes reste inconnu. Les mastocytes
indispensables à la coagulation sanguine. Les lymphocytes T et B sont colonisent également les tissus, où ils complètent leur maturation.
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 5

système immunitaire de reconnaître pratiquement tout antigène auquel une per-


sonne risque d’être exposée. Par cette reconnaissance et réponse spécifiques à un
pathogène particulier, le système immunitaire adaptatif concentre ses forces sur
cet agresseur et permet ainsi au corps de neutraliser le germe qui aurait débordé
le front de l’immunité innée. Les anticorps produits et les lymphocytes activés
durant cette phase persistent après que cette première infection a été vaincue ; ils
préviennent ainsi une réinfection immédiate. Les lymphocytes sont aussi respon-
sables de l’immunité à long terme qui est générée après le succès d’une réponse
immunitaire adaptative à un pathogène donné. En conséquence, la réaction à une
deuxième rencontre avec le même germe est à la fois plus rapide et plus puissante,
même si elle survient plusieurs années plus tard.

1-2 Les cellules du système immunitaire dérivent de précurseurs


présents dans la moelle osseuse.

Les réponses immunitaires innées et adaptatives dépendent des activités de glo-


bules blancs ou leucocytes. Toutes ces cellules proviennent de la moelle osseuse,
où plusieurs d’entre elles se développent et arrivent à maturité. Elles migrent alors
dans les tissus périphériques qu’elles doivent protéger et dans lesquels certaines
vont résider, alors que d’autres circulent par le courant sanguin et par des vais-
seaux spécialisés qui forment le système lymphatique. Ce réseau draine le fluide
extracellulaire et les cellules libres à partir des tissus et les transporte à travers le
corps pour les ramener finalement dans le sang. On appelle ce liquide la lymphe.
Toutes les cellules du sang, dont les globules rouges qui transportent l’oxygène, les pla-
quettes, qui déclenchent la coagulation du sang dans les tissus lésés, et les globules
blancs du système immunitaire dérivent des cellules souches hématopoïétiques de
la moelle osseuse. Comme ces cellules souches peuvent générer tous les types de cel-
lules sanguines, elles sont qualifiées de pluripotentes. Elles donnent naissance d’abord
à des cellules souches intermédiaires au potentiel de développement plus restreint, ce
sont les progéniteurs directs des globules rouges, des plaquettes, et des deux popula-
tions principales de globules blancs, les lignées lymphoïde et myéloïde. La Fig. 1.3
reprend les différents types de cellules sanguines et leur lignage particulier.

1-3 La lignée myéloïde comprend la plupart des cellules du système


immunitaire inné.

Le progéniteur myéloïde commun est le précurseur des cellules du système


immunitaire inné : les macrophages, les granulocytes, les mastocytes et les cellu-
les dendritiques. Il peut également se différencier en mégacaryocytes et en globu-
les rouges, mais ceux-ci ne retiendront pas notre attention.
Les macrophages sont présents dans la plupart des tissus et représentent la forme
mature des monocytes, qui circulent dans le sang et migrent continuellement
dans les tissus où ils se différencient. Ensemble, les monocytes et les macrophages
constituent un des trois types de phagocytes du système immunitaire. Les autres
sont les cellules dendritiques et les granulocytes, terme général qui désigne les
neutrophiles, les éosinophiles et les basophiles. Les macrophages ont une longue
durée de vie et exercent diverses fonctions au cours de la réponse immunitaire
innée et ensuite au cours de la réponse immunitaire adaptative. L’une est d’ingé-
rer et de tuer les micro-organismes. Par cette activité phagocytaire, ils constituent
une première ligne de défense importante de l’immunité innée, mais ils élimi-
nent également les pathogènes et les cellules infectées qui ont servi de cibles à la
réponse immunitaire adaptative. Tant les monocytes que les macrophages phago-
cytent, mais la plupart des infections touchent les tissus. Aussi, ce sont principale-
ment les macrophages qui exercent cette importante fonction protectrice. Un rôle
supplémentaire et crucial des macrophages est d’orchestrer les réponses immuni-
taires : ils contribuent à l’inflammation, indispensable comme nous le verrons, au
6 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Fig. 1.4 Les cellules myéloïdes dans


l’immunité innée et adaptative. Les Cellule Fonction activée
cellules de la lignée myéloïde assurent
diverses fonctions importantes lors de la Macrophage
réponse immunitaire. Dans la colonne de
gauche, les cellules sont représentées Phagocytose
schématiquement comme elles le seront dans et activation
le reste du livre. Une microphotographie de des mécanismes
chaque type cellulaire est présentée dans bactéricides
la colonne centrale. Les macrophages et les
neutrophiles sont essentiellement des cellules Présentation
de l’antigène
phagocytaires qui ingèrent les pathogènes
et les détruisent dans leurs vésicules
intracellulaires, une fonction qu’ils assurent
à la fois lors des réponses immunes innées
et adaptatives. Les cellules dendritiques sont Cellule dendritique
phagocytaires lorsqu’elles sont immatures
et peuvent ingérer les pathogènes ; après
Capture
maturation, elles fonctionnent comme cellules
de l’antigène
spécialisées qui présentent les antigènes du
dans les sites
pathogène aux lymphocytes T sous une forme périphériques
reconnaissable par ceux-ci. Elles activent
ces cellules et déclenchent ainsi la réponse Présentation
immunitaire adaptative. Les macrophages de l’antigène
peuvent aussi présenter les antigènes aux
cellules T et les activer. Les autres cellules
myéloïdes sont essentiellement sécrétrices
et libèrent le contenu de leurs granules Neutrophile
caractéristiques sous l’activation par un
anticorps au cours d’une réponse immunitaire
adaptative. Les éosinophiles seraient impliqués Phagocytose
dans l’attaque de parasites de grande taille et activation
comme les vers, lorsqu’ils sont recouverts des mécanismes
d’anticorps, alors que la fonction des bactéricides
basophiles est moins claire. Les mastocytes
sont des cellules tissulaires qui déclenchent
une inflammation locale en réponse à un
antigène en libérant des médiateurs qui
agissent sur les vaisseaux sanguins locaux ;
ils jouent un rôle important dans les réactions Eosinophile
allergiques. Clichés de N. Rooney, R. Steinman
et D. Friend.
Destruction
des parasites
recouverts
d’anticorps

Basophile

Inconnu

Mastocyte

Libération
des granules
contenant
de l’histamine
et d’autres
médiateurs
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 7

succès de la réponse immunitaire, et sécrètent des protéines de signalisation qui


activent et recrutent d’autres cellules pour contrer l’envahisseur. En plus de leur
rôle spécialisé dans le système immunitaire, les macrophages remplissent la tâche
d’éboueurs en éliminant les cellules mortes et les débris cellulaires.
Les granulocytes tirent leur nom de leurs granules cytoplasmiques fortement
colorés ; ils sont aussi appelés leucocytes polymorphonucléaires à cause de la
forme particulière de leur noyau. On distingue trois types de granulocytes, les
neutrophiles, les éosinophiles et les basophiles, sur base des différentes proprié-
tés tinctoriales de leurs granules. Comparés aux macrophages, ils ont une durée de
vie relativement courte, survivant durant quelques jours. Ils sont produits en nom-
bre croissant lors d’une réponse immunitaire et migrent du sang dans les foyers
infectieux ou inflammatoires. Les neutrophiles sont les plus nombreux et les plus
importants acteurs de la réponse immunitaire innée  : ils ingèrent divers micro-
organismes par phagocytose et les détruisent dans des vésicules intracellulaires au
moyen d’enzymes lytiques et d’autres substances antimicrobiennes concentrées
dans leurs granules cytoplasmiques. Leur rôle est décrit de manière plus détaillée
au Chapitre 2. Des déficiences héréditaires dans la fonction des neutrophiles
conduisent à de graves infections bactériennes, fatales si elle ne sont pas traitées.
Les fonctions protectrices des éosinophiles et des basophiles sont moins bien
connues. Leurs granules contiennent diverses enzymes et protéines toxiques qui sont
libérées lorsque la cellule est activée. On considère que le rôle des éosinophiles et des
basophiles est particulièrement important dans la défense contre les parasites trop
volumineux pour être ingérés par les macrophages ou les neutrophiles. Mais, l’intérêt
médical principal de ces cellules est leur implication dans les réactions allergiques,
au cours desquelles leur activité est plus délétère que protectrice. Nous décrivons les
fonctions de ces cellules au Chapitre 9 et leur rôle dans l’allergie au Chapitre 13.
Les mastocytes, dont les précurseurs sanguins sont mal connus, se différencient
dans les tissus. Bien que mieux connus comme responsables des réponses allergi-
ques, comme il en est question au Chapitre 13, ils seraient impliqués dans la pro-
tection des muqueuses contre des pathogènes, particulièrement contre les vers.
Leur cytoplasme contient de grands granules qui, lorsque la cellule est activée,
libèrent un contenu pro-inflammatoire.
Les cellules dendritiques constituent la troisième classe de cellules phagocytai-
res du système immunitaire. Elles sont pourvues de longs prolongements digités
semblables aux dendrites des cellules nerveuses, d’où leur appellation. Les cel-
lules dendritiques immatures migrent de la moelle osseuse dans les tissus par le
courant sanguin. Elles ingèrent les particules par phagocytose ainsi que de gran-
des quantités de liquide extracellulaire et leur contenu selon le processus dit de
macropinocytose. À l’instar des macrophages et des neutrophiles, elles lysent les
pathogènes qu’elles ont captés, mais leur rôle principal dans le système immuni-
taire n’est pas l’élimination des micro-organismes. Les cellules dendritiques qui
ont rencontré des germes viennent à maturation, c’est-à-dire deviennent capa-
bles d’activer une classe particulière de lymphocytes, les lymphocytes T, décrits
plus loin. Elles le font en présentant à leur surface les antigènes du pathogène de
manière qu’ils soient reconnus par ce type de lymphocytes. Comme nous le ver-
rons plus loin dans ce chapitre, la reconnaissance de l’antigène ne suffit pas pour
activer un lymphocyte T qui n’a jamais rencontré son antigène. Les cellules den-
dritiques matures, cependant, ont des propriétés supplémentaires qui leur per-
mettent d’activer les lymphocytes T. Les cellules qui présentent des antigènes à des
lymphocytes T inactifs et les activent pour la première fois sont appelées cellules
présentatrices d’antigène (APC, Antigen-Presenting Cells) ; elles forment un lien
crucial entre la réponse immunitaire innée et la réponse immunitaire adaptative.
Les macrophages peuvent aussi présenter des antigènes et intervenir de manière
importante dans des situations particulières. Les cellules dendritiques, cependant,
se sont spécialisées dans la présentation des antigènes aux lymphocytes et dans le
déclenchement des réponses immunitaires adaptatives.
8 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Cellule NK
1-4 La lignée lymphoïde comprend les lymphocytes du système
immunitaire adaptatif et les cellules NK de l’immunité innée.

Le progéniteur lymphoïde commun donne naissance dans la moelle osseuse non


seulement aux lymphocytes spécifiques des antigènes et donc membres du sys-
tème immunitaire adaptatif, mais aussi à un type lymphocytaire considéré comme
faisant partie du système immunitaire inné. En effet, il réagit en cas d’infection,
mais est dépourvu de spécificité antigénique. Il s’agit d’une grande cellule avec un
cytoplasme granuleux caractéristique et qui est appelée cellule tueuse naturelle
ou cellule NK (Natural Killer Cell) (Fig. 1.5). Ces cellules sont capables de recon-
naître et de tuer certaines cellules anormales, par exemple des cellules tumora-
les et des cellules infectées par un virus herpès. Leurs fonctions dans le système
immunitaire inné sont décrites dans le Chapitre 2.
Nous arrivons enfin aux lymphocytes spécifiques auxquels la majeure partie de ce
livre est consacrée. À partir de maintenant, nous réserverons le terme lymphocyte,
sauf indication contraire, aux lymphocytes spécifiques. Le système immunitaire
doit être capable de réagir contre la multitude de pathogènes qu’une personne est
Libère des granules lytiques qui tuent susceptible de rencontrer durant sa vie. Ce qui est rendu possible par la grande
certaines cellules infectées par un virus variabilité des récepteurs exprimés à la surface de l’ensemble des lymphocytes et
par lesquels ces cellules reconnaissent et lient les antigènes. Chaque lymphocyte
Fig. 1.5 Les cellules tueuses naturelles qui vient à maturité est porteur d’un récepteur de spécificité unique, l’ensemble
NK ou cellules NK (Natural Killer). Ces de la population lymphocytaire exprimant un immense répertoire de récepteurs
cellules granulaires, qui ressemblent à
dotés de sites de liaison antigénique fortement diversifiés. Parmi les milliards de
de grands lymphocytes, exercent des
fonctions importantes dans l’immunité lymphocytes circulant dans l’organisme à tout moment, il y en aura toujours quel-
innée, spécialement contre les infections ques-uns capables de reconnaître un antigène étranger donné.
intracellulaires, puisqu’elles sont capables
de tuer d’autres cellules. Contrairement aux En absence d’infection, la plupart des lymphocytes circulant dans l’organisme sont
autres lymphocytes, elles sont dépourvues de petites cellules sans particularité avec peu d’organites cytoplasmiques et une
de récepteurs d’antigène spécifiques, elles
grande partie de la chromatine nucléaire inactive, comme son caractère condensé
peuvent détecter et attaquer certaines cellules
infectées par un virus. Cliché de B. Smith. l’indique (Fig. 1.6). Cet aspect est typique des cellules inactives. Il n’est donc pas
étonnant que, jusqu’aux années soixante, les traités aient présenté ces cellules, qui
concentrent actuellement toute l’attention des immunologistes, comme n’exer-
çant aucune fonction. Il est vrai que ces petits lymphocytes sont inactifs tant qu’ils
n’ont pas rencontré leur antigène spécifique. Ils sont appelés lymphocytes naïfs
tant qu’ils n’ont pas encore été stimulés par leur antigène et lymphocytes effec-
teurs après leur rencontre avec leur antigène.
Il existe deux populations principales de lymphocytes : les lymphocytes B (cellu-
les B), et les lymphocytes T (cellules T), chacun chargé de rôles immunitaires dif-
férents et porteur de types distincts de récepteurs d’antigène. Après la liaison d’un
antigène à un récepteur présent à la surface d’une cellule B, ou récepteur de cel-
lule B (BCR, B-Cell Receptor), le lymphocyte prolifère et se différencie en plasmocyte.

Fig. 1.6 La plupart des lymphocytes sont


des petites cellules inactives. Le panneau
de gauche montre une microphotographie d’un
petit lymphocyte dont le noyau est coloré en
pourpre par l’hématoxyline et l’éosine. Il est
entouré de globules rouges. Notez le caractère
condensé de la chromatine nucléaire, ce qui
traduit une faible activité de transcription,
la relative absence de cytoplasme, et la
petite taille. À droite, la photo au microscope
électronique montre un petit lymphocyte avec
sa chromatine condensée, un cytoplasme
réduit ainsi que l’absence de réticulum
endoplasmique rugueux et de tout autre signe
d’activité. Clichés de N. Rooney.
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 9

Cette cellule est la forme effectrice du lymphocyte B ; elle produit des anticorps qui
représentent la forme sécrétée du récepteur de la cellule B et qui ont une spécificité
antigénique identique. Ainsi, l’antigène qui active une cellule B devient la cible des
anticorps produits par la descendance de cette cellule. Les molécules d’anticorps
sont aussi appelées immunoglobulines (Ig), d’où les dénominations d’immuno-
globulines membranaires (mIg) ou d’immunoglobulines de surface (sIg) parfois
utilisées pour désigner les récepteurs antigéniques des lymphocytes B.
Le récepteur d’antigène des cellules T ou récepteur des cellules T (TCR, T Cell
Receptor) est apparenté aux immunoglobulines, mais il s’en distingue par sa struc-
ture et son mode de reconnaissance de l’antigène. Après qu’une cellule T a été acti-
vée par sa première rencontre avec l’antigène, il prolifère et se différencie en un des
divers types fonctionnels de lymphocytes T effecteurs. Les cellules T se répartis-
sent en trois groupes selon qu’elles tuent, activent ou régulent. Les cellules T cyto-
toxiques tuent les cellules qui sont infectées par des virus ou d’autres pathogènes
intracellulaires. Les cellules T auxiliaires fournissent des signaux essentiels pour
l’activation des lymphocytes B stimulés par un antigène, pour leur différenciation
et leur production d’anticorps ; certaines de ces cellules T peuvent aussi activer des
macrophages afin de rendre plus efficace leur aptitude à ingérer et lyser des patho-
gènes. Nous reviendrons aux fonctions des cellules cytotoxiques et auxiliaires plus
loin dans ce chapitre, leurs actions étant décrites en détail au Chapitres 8 et 10. Les
cellules T régulatrices suppriment l’activité des autres lymphocytes et contribuent
au contrôle des réponses immunitaires ; elles sont décrites aux Chapitres 8, 10 et 14.
Au cours d’une réponse immunitaire, certaines cellules B et cellules T activées par
l’antigène se différencient en cellules mémoire, qui sont responsables de l’immu-
nité de longue durée qui se développe après une infection ou une vaccination. Les
cellules mémoire se différencieront facilement en cellules effectrices lors d’une
seconde rencontre avec l’antigène spécifique. La mémoire immunologique est
décrite au Chapitre 10.

1-5 Les lymphocytes viennent à maturité dans la moelle osseuse


ou dans le thymus et se concentrent ensuite dans les tissus
lymphoïdes répartis dans tout l’organisme.

Les lymphocytes circulent dans le sang et la lymphe et on les trouve également en


grand nombre dans les tissus lymphoïdes ou organes lymphoïdes, qui sont des
agrégats lymphocytaires organisés distribués dans un réseau de cellules non lym-
phoïdes. On distingue les organes lymphoïdes centraux, ou primaires, où les lym-
phocytes sont générés, et les organes lymphoïdes périphériques, ou secondaires,
où les lymphocytes matures mais naïfs sont maintenus et où la réponse immunitaire
acquise débute. Les organes lymphoïdes centraux sont la moelle osseuse et le thy-
mus, un organe situé dans le haut du thorax. Les organes lymphoïdes périphériques
comprennent les ganglions lymphatiques, la rate et les tissus lymphoïdes associés
aux muqueuses de l’intestin, du tractus respiratoire et nasal, du tractus urogénital et
d’autres muqueuses. Le schéma de la Fig. 1.7 montre la localisation des principaux
tissus lymphoïdes. Nous décrirons chacun des organes lymphoïdes périphériques
en détail plus loin dans ce chapitre. Les ganglions lymphatiques sont reliés entre eux
par un système de vaisseaux lymphatiques qui drainent le liquide extracellulaire des
tissus à travers les ganglions et le ramènent ensuite dans le sang.
Les lymphocytes B et T proviennent de la moelle osseuse, mais seuls les lympho-
cytes B s’y différencient. Les précurseurs des lymphocytes T migrent dans le thy-
mus, d’où le « T » de leur dénomination, et c’est dans cet organe qu’ils atteignent
leur maturité. Le « B » des lymphocytes B était l’initiale de la bourse de Fabricius,
un organe dans lequel les lymphocytes se différencient chez le jeune oiseau ; heu-
reusement, le « B » est aussi la première lettre de Bone marrow, moelle osseuse
en anglais. Une fois leur différenciation achevée, les deux types de lymphocy-
tes, en tant que lymphocytes matures et naïfs, gagnent les organes lymphoïdes
10 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Fig. 1.7 Distribution des tissus lymphoïdes


dans l’organisme. Les lymphocytes dérivent
des cellules souches hématopoïétiques de
la moelle osseuse et se différencient dans
les organes lymphoïdes centraux (en jaune) : tissu adénoïde
moelle osseuse pour les B et thymus pour amygdale
les T. Ils migrent ensuite par voie sanguine
vers les organes lymphoïdes périphériques veine sous-clavière gauche
veine sous-clavière droite
(en bleu) : ganglions lymphatiques, rate et thymus
tissus lymphoïdes associés aux muqueuses,
comme les amygdales, les plaques de Peyer ganglion lymphatique cœur
et l’appendice. Les organes lymphoïdes
périphériques sont les sites d’activation des canal thoracique
lymphocytes par l’antigène, et les lymphocytes
rein rate
circulent entre le sang et ces organes jusqu’à
la rencontre avec leur antigène spécifique. Des plaques de Peyer
vaisseaux lymphatiques drainent le liquide dans l’intestin grêle
extracellulaire, que l’on appelle lymphe, à partir appendice côlon
des tissus périphériques, ensuite à travers les
ganglions lymphatiques pour aboutir au canal
thoracique, qui se déverse dans la veine sous-
clavière gauche. La lymphe transporte donc,
dans les ganglions lymphatiques, l’antigène
capté par les cellules dendritiques et les
macrophages, et permet aux lymphocytes lymphatiques moelle osseuse
circulants de passer des ganglions
lymphatiques dans le sang. Le tissu lymphoïde
est aussi associé aux muqueuses comme celle
des bronches (non montré).

périphériques par la voie sanguine. Ils circulent à travers les tissus lymphoïdes
périphériques, dans lesquels une réponse immunitaire adaptative est déclenchée
si un lymphocyte rencontre son antigène. Avant cela, en général, l’infection a sus-
cité une réaction immunitaire innée, et nous allons voir comment le reste du sys-
tème immunitaire est ainsi alerté de la présence d’un pathogène.

1-6 La plupart des agents infectieux activent le système immunitaire inné


et induisent une réponse inflammatoire.

Les pathogènes qui cherchent à envahir l’organisme doivent traverser la peau ou


les muqueuses bordant les voies respiratoires et l’intestin. Cette barrière physique
et chimique constitue la première ligne de défense. Les germes qui y parviennent
sont alors confrontés à des cellules et molécules qui interviennent dans la réac-
tion immunitaire innée et immédiate. Les macrophages présents dans les tissus
sont les premières cellules mobilisées, par exemple, contre les bactéries, qu’elles
reconnaissent au moyen de récepteurs qui lient des constituants de surface com-
muns à de nombreuses bactéries. L’engagement de ces récepteurs déclenche l’in-
gestion et la lyse des bactéries par le macrophage, qui se met également à sécréter
des protéines appelées cytokines et chimiokines ainsi que d’autres molécules bio-
logiquement actives. Des réactions similaires se développent contre les virus, les
champignons et les parasites. Cytokine est le nom général donné à toute protéine
qui est sécrétée par des cellules et qui affecte le comportement de cellules voisines
porteuses des récepteurs appropriés. Les chimiokines sont également des protéi-
nes sécrétées qui attirent, dans le tissu infecté, les cellules sanguines pourvues des
récepteurs correspondants, comme les neutrophiles et les monocytes (Fig. 1-8).
Les cytokines et chimiokines libérées par les macrophages activés déclenchent le
processus appelé inflammation, qui a plusieurs effets bénéfiques dans le combat
contre l’infection. Les cellules et les molécules de l’immunité innée sont recrutées
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 11

Fig. 1.8 Une infection déclenche une


La bactérie déclenche La vasodilatation et Les cellules inflammatoires
réaction inflammatoire. Dans les tissus, les
la sécrétion de cytokines l’augmentation de la perméabilité migrent dans les tissus
et de chimiokines vasculaire provoquent et libèrent des médiateurs macrophages, au contact de bactéries ou
par les macrophages rougeur, chaleur et gonflement qui provoquent la douleur d’autres types de micro-organismes, sécrètent
des cytokines qui augmentent la perméabilité
neutrophile des vaisseaux sanguins, permettant aux
fluides et aux protéines d’infiltrer les tissus.
Ils produisent aussi des chimiokines, qui
cytokines attirent les neutrophiles dans le site d’infection.
protéines L’adhésivité des cellules endothéliales des
vaisseaux sanguins est augmentée, ce qui
fluide permet aux leucocytes de s’insérer entre
chimiokines elles. Les neutrophiles sont les premiers à
sortir du vaisseau sanguin. Ils sont suivis
des monocytes. L’accumulation de fluide et
de cellules dans le foyer infectieux cause
rougeur, gonflement, chaleur et douleur,
symptômes caractéristiques de l’inflammation.
Les neutrophiles et les macrophages sont les
à partir du sang dans le tissu où elles sont nécessaires pour détruire directement principales cellules inflammatoires. Plus tard,
lors de la réponse spécifique, les lymphocytes
le pathogène. De plus, l’inflammation augmente le flux de lymphe transportant les
activés contribueront aussi à l’inflammation.
microbes et les cellules chargées d’antigènes dans les tissus lymphoïdes voisins,
où les lymphocytes seront activés et lanceront la réponse immunitaire adaptative.
Finalement, une fois la réponse immunitaire adaptative déclenchée, l’inflamma-
tion recrute également dans le foyer infectieux les effecteurs du système immuni-
taire adaptatif, c’est-à-dire les anticorps et les cellules T effectrices.
L’inflammation locale et la phagocytose des bactéries peuvent aussi être déclen-
chées à la suite de l’activation d’un groupe de protéines plasmatiques constituant
le système du complément. Son activation par des surfaces bactériennes déclen-
che une cascade de réactions protéolytiques qui couvrent de fragments protéiques
les microbes, mais non les cellules de l’organisme lui-même. Les germes ainsi cou-
verts sont reconnus et captés par des récepteurs du complément présents sur les
macrophages, ce qui favorise la phagocytose et la destruction du pathogène.
L’inflammation est définie traditionnellement par les quatre mots latins  : calor,
dolor, rubor et tumor, ou chaleur, douleur, rougeur et tuméfaction. Chacun de ces
symptômes est dû aux effets des cytokines et d’autres médiateurs inflammatoires
sur les vaisseaux sanguins locaux. La dilatation et l’augmentation de la perméabilité
des vaisseaux sanguins durant l’inflammation augmentent le flux sanguin local et
la fuite de liquide dans les tissus, ce qui explique la chaleur, la rougeur et le gonfle-
ment. Les cytokines et les fragments du complément exercent des effets importants
sur l’endothélium bordant les vaisseaux sanguins et les cellules endothéliales elles-
mêmes produisent des cytokines en réponse à l’infection. Les cytokines inflamma-
toires modifient les propriétés adhésives des cellules endothéliales, favorisant ainsi
l’adhérence des leucocytes circulants, qui passent alors entre les cellules endothé-
liales dans le foyer infectieux, où ils sont attirés par des chimiokines. La migration
des cellules dans le tissu et leurs effets locaux sont responsables de la douleur.
Les types cellulaires principaux participant à la phase initiale de l’inflammation
sont les macrophages et les neutrophiles ; ils sont recrutés en grand nombre dans
le tissu infecté et enflammé, d’où leur nom de cellules inflammatoires. Comme
les macrophages, les neutrophiles ont des récepteurs de surface pour les consti-
tuants bactériens communs et pour le complément, et ce sont les principales cel-
lules qui ingèrent et détruisent les micro-organismes. L’afflux des neutrophiles est
suivi peu de temps après par les monocytes, qui se transforment rapidement en
macrophages, renforçant et soutenant ainsi la réponse immunitaire innée. Les
éosinophiles migrent également dans les tissus enflammés, mais plus lentement,
et contribuent à la destruction des microbes.
La réponse immunitaire innée ne se limite pas à la destruction directe des patho-
gènes, elle joue un rôle déterminant dans le déclenchement de la réponse immu-
nitaire adaptative, comme nous le verrons dans la prochaine section. Ce processus
dépend essentiellement des cellules dendritiques.
12 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

1-7 L’activation des cellules spécialisées dans la présentation


antigénique est une première étape nécessaire à l’induction
de l’immunité adaptative.

L’induction d’une réponse immunitaire adaptative commence lorsqu’un patho-


gène est ingéré par une cellule dendritique immature dans le foyer infectieux. Ces
cellules phagocytaires spécialisées résident dans la plupart des tissus et, comme
les macrophages, ont une longue durée de vie en comparaison avec d’autres glo-
bules blancs. Elles trouvent leur origine dans la moelle osseuse (voir Section 1-3)
et, sous forme immature, elles migrent par le sang vers leurs sites périphériques où
elles surveillent l’environnement local.
À l’instar des macrophages et des neutrophiles, les cellules dendritiques
immatures sont dotées de récepteurs de surface qui reconnaissent des com-
posants communs à de nombreux pathogènes, comme le lipopolysaccharide
bactérien. Les molécules microbiennes qui se lient à ces récepteurs stimulent
l’ingestion du pathogène et sa dégradation intracellulaire par la cellule den-
dritique. Les cellules dendritiques immatures absorbent continuellement par
macropinocytose le liquide extracellulaire contenant éventuellement des anti-
gènes solubles, des particules virales et des bactéries. Ce mécanisme ne néces-
site pas de récepteurs. Les cellules dendritiques sont donc capables de capter et
de dégrader des pathogènes que leurs récepteurs de surface ne reconnaissent
pas. Cependant, leur fonction principale n’est pas de détruire les pathogènes,
mais bien de transporter les antigènes microbiens dans les organes lymphoï-
des périphériques et de les présenter là aux lymphocytes T. Tout en captant les
pathogènes et leurs composants, la cellule dendritique migre vers les tissus
lymphoïdes périphériques, où elle se transforme en une cellule présentatrice
d’antigène très efficace. Elle présente à sa surface des fragments antigéniques
des pathogènes et commence à produire des protéines de surface appelées
molécules costimulatrices. Comme leur nom l’indique, celles-ci envoient des
signaux qui contribuent avec l’antigène à stimuler la prolifération et la différen-
ciation du lymphocyte T en sa forme finale et fonctionnelle (Fig. 1.9). Puisque
les cellules B ne sont pas activées par la plupart des antigènes sans l’aide four-
nie par des cellules T auxiliaires activées, l’activation des lymphocytes T naïfs
est une première étape nécessaire pour presque toutes les réponses immuni-
taires adaptatives.
Les cellules dendritiques activées sécrètent également des cytokines qui influen-
cent à la fois les réponses immunitaires innées et adaptatives, faisant de ces cellu-
les essentielles des gardiennes d’accès qui déterminent si le système immunitaire
doit répondre à la présence des agents infectieux et comment il doit le faire. Nous
décrivons au Chapitre 8 la maturation des cellules dendritiques et leur rôle central
dans la présentation d’antigène aux cellules T naïves.

Fig. 1.9 Les cellules dendritiques


Les cellules dendritiques Les cellules dendritiques migrent Des cellules dendritiques matures
déclenchent une réponse immunitaire immatures résident dans par les lymphatiques afférents dans activent des cellules T naïves dans
adaptative. Les cellules dendritiques les tissus périphériques les ganglions lymphatiques voisins des organes lymphoïdes comme
immatures présentes dans les tissus infectés les ganglions lymphatiques
captent les pathogènes et leurs antigènes
par macropinocytose et par phagocytose cellules T
dépendante des récepteurs. Si elles naïves
détectent un pathogène, elles migrent par
les lymphatiques dans les ganglions voisins,
où elles parviennent en tant que cellules
dendritiques matures ayant perdu leur activité cellules T
phagocytaire. Elles présentent l’antigène activées
macropinosome
à leur surface et produisent les molécules
costimulatrices nécessaires à l’induction de cellule
la prolifération et de la différenciation des dendritique Médullaire
mature du ganglion
lymphocytes T naïfs spécifiques.
ganglion lymphatique lymphatique
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 13

1-8 Le système immunitaire inné permet une première distinction Les macrophages expriment des récepteurs
entre le soi et le non-soi. pour de nombreux composants microbiens

Les systèmes de défense de l’immunité innée sont efficaces contre de nombreux récepteur récepteur du LPS
du mannose (CD14)
pathogènes. Ils sont toutefois limités par le répertoire relativement étroit et inva-
riable des récepteurs de reconnaissance des micro-organismes. Ces récepteurs
de surface des macrophages, des neutrophiles et des cellules dendritiques recon-
naissent des molécules simples et des structures moléculaires répétées appelées
TLR-4
motifs moléculaires associés aux pathogènes ou PAMP (Pathogen-Associated TLR-2
Molecular Patterns) présents sur de nombreux micro-organismes, mais absents
des cellules de notre organisme (Fig. 1.10). Ces récepteurs, appelés récepteurs de
reconnaissance de motifs ou PRR (Pattern Recognition Receptors), s’attachent à
des molécules comme des oligosaccharides riches en mannose, des peptidogly- récepteur récepteur
cans et des lipopolysaccharides de la paroi bactérienne, ainsi que l’ADN riche en des glucans éboueur
séquences CpG non méthylées. Ces motifs sont communs à de nombreux patho-
gènes et ont été conservés au cours de l’évolution. Le système immunitaire inné est
Fig. 1.10 Les macrophages expriment
donc capable de distinguer en général le soi (le corps) du non-soi (le pathogène) et plusieurs récepteurs qui leur permettent
de déclencher une attaque contre les envahisseurs. Activées par leurs récepteurs de reconnaître différents pathogènes. Les
de reconnaissance des motifs, les cellules dendritiques immatures, qui forment macrophages expriment divers récepteurs,
une partie du système immunitaire inné, deviennent capables à leur tour d’activer chacun étant à même de reconnaître des
composants microbiens spécifiques. Certains,
des lymphocytes T naïfs, comme nous l’avons vu dans la section précédente. Ainsi, comme les récepteurs du mannose et des
la réponse immunitaire adaptative est essentiellement déclenchée par une recon- glucans ainsi que le récepteur éboueur, lient
naissance explicite du non soi par le système immunitaire inné. les glucides de la paroi des bactéries, des
levures et des champignons. Les récepteurs de
Les constituants communs des pathogènes reconnus par les PRR sont habituelle- type Toll (TLR, Toll-Like Receptor) constituent
ment tout à fait distincts des antigènes spécifiques reconnus par les lymphocytes. une famille importante de récepteurs
reconnaissant des motifs microbiens. Les
On avait réalisé expérimentalement longtemps avant la découverte des cellules TLR sont présents sur les macrophages et
dendritiques et des modalités de leur activation que des composants microbiens d’autres cellules immunitaires et lient différents
autres que les antigènes étaient nécessaires au déclenchement d’une réponse composants microbiens ; par exemple, TLR-2
immunitaire adaptative. On constatait que des antigènes purifiés, par exemple des lie des composants de la paroi des bactéries
Gram-négatives, tandis que TLR-4 lie des
protéines, étaient souvent incapables de susciter une immunisation, en d’autres composants de la paroi des bactéries Gram-
termes, ils n’étaient pas immunogènes. Pour obtenir des réponses immunitaires positives. LPS : lipopolysaccharide.
adaptatives envers des antigènes purifiés, il était essentiel d’y ajouter des bacté-
ries tuées ou des extraits bactériens. Ces substances furent appelées adjuvants,
puisqu’ils aident le système immunitaire à réagir (adjuvare en latin veut dire
« aider »). Nous savons maintenant que les adjuvants sont nécessaires, du moins
en partie, pour que les cellules dendritiques acquièrent leur pleine capacité de
présenter les antigènes en absence d’infection. Trouver des adjuvants adéquats
reste une démarche importante dans la préparation des vaccins ; nous décrivons
les formulations actuelles des adjuvants dans l’Appendice I.
Les micro-organismes évoluent plus rapidement que leurs hôtes, et ceci explique
pourquoi les cellules et les molécules du système immunitaire inné ne reconnais-
sent que des structures moléculaires restées inchangées durant l’évolution. Comme
nous allons le voir, le mécanisme de reconnaissance utilisé par les lymphocytes du
système immunitaire adaptatif ont évolué pour compenser cette faiblesse du sys-
tème immunitaire inné. Il permet la reconnaissance d’une diversité presque infinie
d’antigènes. Ainsi, chaque pathogène différent peut être attaqué spécifiquement.

1-9 Les lymphocytes activés par un antigène donnent naissance


à des clones de cellules effectrices spécifiques qui assurent
l’immunité adaptative.

Au lieu de porter plusieurs récepteurs différents, chacun reconnaissant un motif


particulier commun à de nombreux pathogènes, un lymphocyte naïf est pourvu de
récepteurs antigéniques spécifiques d’une structure chimique unique. Chaque lym-
phocyte émergeant des organes lymphoïdes centraux diffère des autres par la spécifi-
cité de ses récepteurs. Celle-ci est générée par un processus génétique original qui se
14 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Un seul progéniteur cellulaire donne naissance


déroule pendant le développement des lymphocytes dans la moelle osseuse et le thy-
à un grand nombre de lymphocytes chacun mus pour aboutir à la production de millions de variants différents pour chaque gène
avec une spécificité différente codant les molécules du récepteur. Ceci assure que les millions de lymphocytes de
l’organisme portent collectivement des millions de spécificités de récepteur antigéni-
que différentes, c’est le répertoire de récepteurs lymphocytaires d’un individu. Au
cours de la vie d’une personne, ces lymphocytes subissent un processus apparenté à
la sélection naturelle : seuls les lymphocytes qui rencontrent un antigène auquel se
lient leurs récepteurs vont proliférer et se différencier en cellules effectrices.
Ce mécanisme sélectif fut proposé la première fois dans les années 1950 par
Macfarlane Burnet pour expliquer pourquoi les anticorps qui peuvent être
induits en réponse à tout antigène ne sont produits dans chaque individu unique-
Élimination des lymphocytes immatures
autoréactifs potentiels par délétion clonale ment pour les antigènes auxquels il ou elle à été exposé(e). Il émit l’hypothèse de la
préexistence dans l’organisme de nombreuses cellules différentes potentiellement
productrices d’anticorps, chacune ayant la possibilité de produire un anticorps de
spécificité différente, et présentant à sa surface, en guise de récepteur antigénique,
une version membranaire de l’anticorps. En liant l’antigène, la cellule est activée,
se divise et produit de nombreuses cellules filles identiques, ce que l’on appelle
antigènes du soi antigènes du soi expansion clonale. Ce clone de cellules identiques peut alors sécréter des anti-
corps clonotypiques avec une spécificité identique à celle du récepteur de surface
qui a déclenché l’activation et l’expansion clonale (Fig. 1.11). C’est ce que Burnet a
Pool de lymphocytes naïfs matures appelé la théorie de la sélection clonale de la production d’anticorps.

1-10 La sélection clonale des lymphocytes est le principe central de


l’immunité adaptative.
antigène étranger Remarquablement, à l’heure où Burnet formulait sa théorie, rien n’était encore
connu sur les récepteurs d’antigène des lymphocytes. En effet, on ignorait encore la
Prolifération et différenciation des lymphocytes fonction des lymphocytes eux-mêmes. Ces cellules ne sont venues sur le devant de
spécifiques activés pour constituer la scène qu’au début des années 1960, quand James Gowans découvrit que l’élimi-
un clone de cellules effectrices
nation des petits lymphocytes chez les rats supprimait toute réponse immunitaire
adaptative. Elle était restaurée par transfert de petits lymphocytes. C’est ainsi que
l’on a réalisé que les lymphocytes étaient les acteurs de la sélection clonale, et leur
étude devint le centre d’intérêt d’un nouveau domaine, l’immunologie cellulaire.

Les cellules effectrices éliminent l’antigène


La sélection clonale des lymphocytes avec des récepteurs divers fournit une expli-
cation élégante à l’immunité adaptative, mais soulève un problème conceptuel
sérieux. Si les récepteurs antigéniques des lymphocytes sont générés au hasard au
Fig. 1.11 La sélection clonale. Chaque
précurseur produit de nombreux lymphocytes,
cours de la vie d’un individu, comment les lymphocytes ne reconnaissent-ils pas et
chacun portant des récepteurs antigéniques n’attaquent-ils pas les antigènes des tissus de l’organisme ? Ray Owen avait montré,
distincts. Les lymphocytes avec des récepteurs à la fin des années 1940, que des veaux jumeaux génétiquement différents mais avec
qui lient des antigènes ubiquitaires du soi
sont éliminés avant d’atteindre la maturité,
ce qui crée la tolérance à ces autoantigènes.
Quand l’antigène se lie aux récepteurs Postulats de l’hypothèse de la sélection clonale
d’un lymphocyte naïf mature, celui-ci est
activé et commence à se diviser, donnant
ainsi naissance à un clone de cellules filles
Chaque lymphocyte porte un seul type de récepteur avec une spécificité unique
porteuses de récepteurs de même spécificité.
La spécificité antigénique est donc maintenue
tant que les cellules filles prolifèrent et se
L’interaction entre une molécule étrangère et les récepteurs d’un lymphocyte capable
différencient en cellules effectrices. Une fois
de lier cette molécule avec une haute affinité active le lymphocyte
que l’antigène a été éliminé par ces cellules
effectrices, la réponse immune cesse, bien
que quelques lymphocytes soient retenus pour
Les cellules effectrices différenciées à partir d’un lymphocyte activé porteront
assurer la mémoire immunologique. des récepteurs de spécificité identique à celle de la cellule parentale
dont ces lymphocytes dérivent

Les lymphocytes porteurs de récepteurs spécifiques de molécules ubiquitaires


du soi sont éliminés à un stade précoce de développement des cellules lymphoïdes
Fig. 1.12 Les quatre principes de base de la et sont donc absents du répertoire des lymphocytes matures
sélection clonale
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 15

un placenta commun et donc une circulation sanguine commune étaient immu-


nologiquement tolérants aux tissus de l’autre, c’est-à-dire qu’ils ne développaient
pas de réponse immunitaire l’un contre l’autre. Peter Medawar montra en 1953 que
si des souris étaient exposées à des tissus étrangers pendant leur développement
embryonnaire, elles devenaient immunologiquement tolérantes à ces tissus. Burnet
proposa alors que les lymphocytes en division potentiellement réactifs au soi étaient
éliminés avant qu’ils ne deviennent matures, selon un processus appelé délétion
clonale. Ce qui s’est avéré, à nouveau, exact, bien que les mécanismes de tolérance
immunologique n’aient pas encore livré tous leurs secrets, comme nous le verrons
quand nous décrirons le développement des lymphocytes au Chapitre 7.
La sélection clonale des lymphocytes est le principe le plus important de l’immu-
nité adaptative. La Fig. 1.12 reprend ses quatre principes de base. Mais, comment
la diversité des récepteurs d’antigène des lymphocytes est-elle générée ? Ce der-
nier problème posé par la théorie de la sélection clonale fut résolu dans les années
1970, quand les progrès en biologie moléculaire ont rendu possible le clonage des
gènes codant les anticorps.

1-11 La structure de la molécule d’anticorps illustre le point central


de l’immunité adaptative.

Les anticorps, comme nous l’avons vu précédemment, sont la forme sécrétée du


récepteur antigénique des cellules B. Parce qu’ils sont produits en très grande quan-
tité en réponse à l’antigène, ils peuvent être étudiés par les techniques biochimiques
traditionnelles. En effet, leur structure fut comprise longtemps avant que les techni-
ques de l’ADN recombinant ne rendent possible l’étude des récepteurs antigéniques
membranaires des lymphocytes. La caractéristique remarquable mise en évidence
par les études biochimiques est la présence dans la molécule d’anticorps de deux
régions distinctes. L’une est une région constante qui ne peut prendre qu’une des
quatre ou cinq formes distinctes sur le plan biochimique. L’autre est une région varia-
ble qui peut prendre une diversité apparemment infinie de séquences peptidiques
formant des structures différentes, qui permettent aux anticorps de lier spécifique-
ment un aussi grand nombre d’antigènes différents. Cette organisation est illustrée
dans le schéma de la Fig. 1.13, où l’anticorps est décrit comme une molécule en forme
de Y, avec la région constante en bleu et la région variable en rouge. La région variable
Fig. 1.13 Structure schématique des
détermine la spécificité de la liaison de l’anticorps à l’antigène. Il existe deux régions récepteurs d’antigène. Panneau de gauche :
variables identiques dans une molécule d’anticorps, qui possède donc deux sites de une molécule d’anticorps, qui est sécrétée par
liaison à l’antigène. La région constante détermine la fonction effectrice de l’anti- des cellules B activées en tant que molécule
effectrice liant l’antigène. Une version de cette
corps, c’est-à-dire le sort que l’anticorps réserve à l’antigène une fois lié. molécule ancrée à la membrane agit comme
Chaque molécule anticorps est un ensemble symétrique de deux chaînes lourdes récepteur d’antigène des cellules B (non
montré). Un anticorps est composé de deux
identiques et deux chaînes légères identiques (voir Fig. 1.13, les chaînes lourdes chaînes lourdes identiques (en vert) et de deux
chaînes légères identiques (en jaune). Chaque
chaîne contient une région constante (en bleu)
Structure schématique d’une molécule d’anticorps Structure schématique du récepteur des cellules T et une région variable (en rouge). Chaque bras
de l’anticorps est formé d’une chaîne légère
et d’une chaîne lourde de telle manière que
région variable les parties variables des deux chaînes se
(site de liaison rassemblent pour créer une région variable
à l’antigène) qui contient le site de liaison à l’antigène. La
tige est formée des parties constantes des
B C chaînes lourdes et prend un nombre limité de
formes. Cette région constante est impliquée
région variable dans l’élimination de l’antigène. Panneau de
(site de liaison droite : un récepteur d’antigène de cellule T.
région constante à l’antigène) Il est aussi composé de deux chaînes, une
(fonction effectrice)
région chaîne α (en jaune) et une chaîne β (en vert),
constante qui chacune contient une partie variable et
une partie constante. Comme pour la molécule
d’anticorps, les parties variables créent une
région variable, qui constitue le site de liaison
à l’antigène. Le récepteur des cellules T n’est
pas produit sous forme sécrétée.
16 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

sont en vert et les chaînes légères en jaune). Les chaînes lourdes et légères ont
chacune une région variable et une région constante. Les régions variables d’une
chaîne lourde et d’une chaîne légère s’assemblent pour former le site de liaison
à l’antigène, de telle façon que les deux chaînes contribuent à la spécificité anti-
génique. La structure des anticorps sera décrite en détail au Chapitre 3, et leurs
propriétés fonctionnelles liées à leurs régions constantes seront considérées aux
Chapitres 4 et 9. Pour l’instant, nous nous intéressons uniquement aux propriétés
des molécules d’immunoglobulines en tant que récepteurs d’antigène et au méca-
nisme responsable de la diversité des régions variables.
Le récepteur d’antigène des cellules T montre de nombreuses similitudes avec le
récepteur d’antigène des cellules B, et les deux molécules sont clairement apparen-
Segments géniques hérités tées sur le plan de l’évolution ; en fait, le récepteur des cellules T ressemble étroite-
ment à une partie de la molécule d’anticorps. Cependant, comme nous le verrons,
les deux molécules se distinguent sur plusieurs points importants liés à leurs rôles
différents au sein du système immunitaire. Le récepteur des cellules T (Fig. 1.13)
est composé de deux chaînes de taille presque identique, appelées chaînes α et
β du récepteur des cellules  T, chacune traversant la membrane de la cellule  T.
Chaque chaîne comporte une région variable et une région constante, et la combi-
naison des régions variables des chaînes α et β crée un site unique de liaison à l’an-
Chaque combinaison unique des segments
tigène. Cette structure est décrite en détail au Chapitre 3, le processus responsable
se forme par réarrangement somatique de la diversité dans les régions variables étant discuté au Chapitre 4. Comme nous
de segments géniques le verrons, l’organisation des gènes codant les récepteurs d’antigène et l’origine de
la diversité introduite pour former un site unique de liaison sont essentiellement
les mêmes pour le récepteur des cellules B que pour le récepteur des cellules T. Il y
a toutefois une différence essentielle dans la manière avec laquelle les récepteurs
des deux types cellulaires se lient à l’antigène ; le récepteur des cellules T ne lie pas
directement la molécule d’antigène, mais reconnaît des fragments d’antigène liés
à des protéines de surface d’autres cellules. La nature exacte de l’antigène reconnu
par les cellules T ainsi que le processus conduisant à la fragmentation de l’antigène
Les chaînes s’apparient pour former et de son transport à la surface cellulaire constituent l’objet du Chapitre 5. Une dif-
un récepteur unique pour chaque lymphocyte férence supplémentaire par rapport à la molécule d’anticorps est qu’il n’existe pas
de forme sécrétée du récepteur des cellules T ; la fonction de ce récepteur est seu-
lement de signaler à la cellule T qu’elle a lié un antigène, et les effets immunologi-
ques subséquents dépendent des actions des cellules T elles-mêmes, comme nous
le décrivons au Chapitre 8.

1-12 Chaque lymphocyte en développement produit un récepteur antigénique


unique par réarrangement de segments géniques codant son récepteur.

Fig. 1.14 La diversité des récepteurs Comment les récepteurs antigéniques qui ont une gamme presque infinie de spéci-
antigéniques des lymphocytes est générée ficités sont-ils codés par un nombre limité de gènes ? Susumu Tonegawa a décou-
par des réarrangements somatiques
de segments géniques. Les différentes
vert que les gènes des régions variables des immunoglobulines étaient hérités sous
parties des régions variables des récepteurs forme de groupes de segments géniques, chacun codant une partie de la région
antigéniques sont codées par un ensemble variable d’une des chaînes polypeptidiques de l’immunoglobuline (Fig.  1.14).
de segments géniques. Au cours du Pendant le développement des cellules B dans la moelle osseuse, ces segments de
développement lymphocytaire, un membre de
chaque ensemble de segments est assemblé gène sont assemblés irréversiblement par recombinaison d’ADN, pour former un
au hasard avec un autre, par un processus fragment d’ADN codant une région variable complète. Parce qu’il existe de nom-
irréversible de recombinaison d’ADN. La breux segments géniques différents dans chaque groupe pour former une région
juxtaposition des segments géniques constitue
variable, et que différents segments géniques s’assemblent dans les différentes cel-
un gène complet qui code la partie variable
de l’une des chaînes du récepteur, cette partie lules, chaque cellule produit des gènes uniques codant les régions variables des
variable étant propre à la cellule où elle a été chaînes lourdes et légères de la molécule d’immunoglobuline. Une fois que ces
formée. Ce réarrangement au hasard se répète évènements de recombinaison ont abouti à la production d’un récepteur fonc-
pour les ensembles de segments géniques
codant l’autre chaîne. Les gènes réarrangés
tionnel, tout réarrangement supplémentaire est interdit. Ainsi, chaque lympho-
expriment les deux types de chaînes. Celles-ci cyte n’exprime qu’une seule spécificité de récepteur.
s’assemblent pour former à la surface du
lymphocyte de nombreuses copies du Ce mécanisme a trois conséquences importantes. D’abord, il permet à un nombre
récepteur antigénique, toutes de même limité de segments de gène de produire un grand nombre de protéines différentes.
spécificité et propres à cette cellule.
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 17

Ensuite, puisque chaque cellule regroupe un ensemble différent de segments


géniques, chaque cellule exprime des récepteurs de spécificité unique. Enfin,
parce que le réarrangement des gènes implique un changement irréversible dans
l’ADN d’une cellule, toutes les cellules filles de celle-ci hériteront de gènes codant
la même spécificité de récepteur. Ce schéma général fut confirmé plus tard pour
les gènes codant le récepteur antigénique des lymphocytes T.
La diversité potentielle des récepteurs lymphocytaires produits de cette façon est
énorme. Quelques centaines de segments géniques différents, en se combinant de
différentes façons, peuvent donner des milliers de chaînes différentes. La diversité
des récepteurs des lymphocytes est encore amplifiée par une diversité au niveau
de la jonction des segments, suite à l’addition ou à la soustraction de nucléotides
au cours du réarrangement. L’appariement aléatoire de deux chaînes aux parties
variables différentes, chacune codée par des groupes distincts de segments géni-
ques, contribue également à la diversité. Par cette diversité combinatoire, un mil-
lier de chaînes différentes de chaque type peut générer 106 récepteurs antigéniques
distincts. Ainsi, une petite quantité de matériel génétique parvient à coder des
récepteurs d’une diversité impressionnante. Seul un petit groupe de ces récepteurs
spécifiques, générés au hasard, survit au processus sélectif qui façonne le répertoire
lymphocytaire périphérique ; cependant, au moins 108 spécificités différentes sont
représentées sur les lymphocytes d’un individu, à un temps donné. Ceux-ci procu-
rent le matériel de base à partir duquel la sélection clonale s’effectue.

1-13 Les immunoglobulines lient une large variété de structures


chimiques, alors que le récepteur des cellules T est spécialisé dans
la reconnaissance des antigènes étrangers présentés sous forme de
peptides par des protéines du complexe majeur d’histocompatibilité.

En principe, presque toute structure chimique peut être reconnue par le système
épitope
immunitaire adaptatif, mais les antigènes habituels rencontrés au cours d’une
infection sont des protéines, des glycoprotéines et des polysaccharides. Un récep- antigène
teur d’antigène ou un anticorps ne reconnaît, dans la structure moléculaire de l’an-
tigène, qu’une petite partie, qui est appelée déterminant antigénique ou épitope
(Fig. 1.15). Les antigènes macromoléculaires comme les protéines et les glycopro-
téines ont en général plusieurs épitopes différents qui peuvent être reconnus par
des récepteurs antigéniques différents.
Les récepteurs des cellules B et des cellules T reconnaissent les antigènes de deux
manières différentes. Chacune est liée au mécanisme utilisé par les cellules effec-
trices pour détruire le pathogène. Les cellules B sont spécialisées dans la recon-
naissance des antigènes de surface des germes qui vivent en dehors des cellules.
Elles se différencient en plasmocytes sécréteurs des anticorps qui attaquent ces
pathogènes. Les récepteurs des cellules B et leurs anticorps homologues sont donc
capables de lier une large variété de structures moléculaires. anticorps

Les cellules T effectrices, au contraire, s’en prennent aux pathogènes qui ont pénétré
dans les cellules. Elles contribuent également à l’activation des cellules B. Pour exer- Fig. 1.15 Les antigènes sont les molécules
cer ces fonctions, le récepteur des cellules T est spécialisé dans la reconnaissance envers lesquelles le système immunitaire
des antigènes qui sont générés à l’intérieur de la cellule et sont présentés à sa sur- réagit, tandis que les épitopes sont des
sites au sein des antigènes auxquels
face. Les propriétés du récepteur des cellules T reflète le fait qu’il ne reconnaît qu’un les récepteurs antigéniques se lient. Les
seul type d’antigène, des peptides qui ont été produits dans une autre cellule par la antigènes peuvent être des macromolécules
fragmentation de protéines et qui sont présentés à la surface cellulaire. De plus, les complexes comme des protéines (en jaune).
peptides ne sont reconnus que s’ils sont liés à un type particulier de protéine de sur- La plupart des antigènes sont plus grands
que les sites auxquels ils se fixent dans les
face. Ce sont des glycoprotéines membranaires, appelées molécules du CMH, qui anticorps ou les récepteurs d’antigène ; la
sont codées par un groupe de gènes appelé complexe majeur d’histocompatibi- portion de l’antigène qui est liée est appelée
lité, CMH en abrégé. L’antigène reconnu par les récepteurs des cellules T est donc déterminant antigénique ou épitope. De grands
antigènes comme les protéines peuvent
un complexe formé d’un peptide étranger et d’une molécule du CMH (Fig. 1.16).
contenir plusieurs épitopes (en rouge et en
Nous verrons au Chapitre 3 comment ces antigènes composés sont reconnus par les bleu) et peuvent donc se lier à des anticorps
récepteurs des cellules T et, au Chapitre 5, comment ils sont générés. différents
18 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Les anticorps lient Les épitopes reconnus L’antigène doit d’abord Le peptide épitope s’attache Le récepteur des cellules T lie
des épitopes présents par les récepteurs être fragmenté à une molécule du soi, un complexe fait d’une molécule
à la surface des antigènes des cellules T sont souvent en peptides une molécule du CMH du CMH et d’un peptide épitope
à l’intérieur des antigènes

TCR
peptide
épitope
molécule
du CMH
molécule
du CMH

Fig. 1.16 Un anticorps lie un antigène 1-14 Le développement et la survie des lymphocytes sont déterminés
directement tandis qu’un récepteur des
cellules T lie un complexe formé par un par des signaux transmis par leurs récepteurs antigéniques.
fragment d’antigène et une molécule du
soi. Les anticorps (premier panneau) lient La génération de millions de récepteurs antigéniques de spécificité différente est
directement l’antigène et reconnaissent des
épitopes qui se trouvent à la surface de étonnante, mais l’élaboration de ce répertoire pendant le développement lympho-
l’antigène. Par contre, les récepteurs des cytaire et son maintien en périphérie le sont tout autant. Comment les récepteurs
cellules T peuvent reconnaître des épitopes potentiellement utiles sont-ils maintenus, alors que ceux qui pourraient réa-
cachés à l’intérieur des antigènes et qui ne gir contre les antigènes propres à l’individu, les antigènes du soi, sont éliminés ?
peuvent être reconnus directement (deuxième
panneau). Ces antigènes doivent d’abord Comment le nombre de lymphocytes périphériques et le pourcentage de cellules B
être dégradés par des protéases (troisième et T sont-ils maintenus constants ? La réponse semble être celle-ci : durant toute sa
panneau), et le peptide épitope transféré sur vie, à partir de son développement dans les organes lymphoïdes centraux et après,
une molécule du soi appelée molécule du
la survie du lymphocyte dépend de signaux transmis par son récepteur d’antigène.
CMH (quatrième panneau). C’est sous cette
forme, un complexe de peptide et de molécule Si un lymphocyte ne reçoit plus un tel signal de survie, il meurt par apoptose ou
CMH, que les antigènes sont reconnus par mort cellulaire programmée, une sorte de suicide cellulaire. Les lymphocytes
les récepteurs des cellules T (cinquième qui réagissent vigoureusement contre des antigènes du soi sont éliminés durant le
panneau).
développement par délétion clonale, comme le prévoit la théorie de sélection clo-
nale de Burnet, avant qu’ils n’atteignent un stade de maturité qui leur permettrait
de causer des dommages. En revanche, une absence complète de signaux transmis
par le récepteur d’antigène durant le développement peut aussi conduire à la mort
cellulaire. De plus, si un récepteur n’est pas sollicité pendant un temps relativement
court après son entrée dans le répertoire constitué en périphérie, la cellule concer-
née meurt, laissant la place à de nouveaux lymphocytes porteurs de récepteurs dif-
férents. De cette manière, les récepteurs autoréactifs sont éliminés, et le caractère
fonctionnel des récepteurs est testé. Les mécanismes qui façonnent et maintien-
nent le répertoire des récepteurs lymphocytaires sont examinés au Chapitre 7.
L’apoptose, terme qui dérive d’un mot grec signifiant la chute des feuilles des
arbres, est un processus de régulation du nombre de cellules dans l’organisme.
Elle est responsable, par exemple, de la mort et de la desquamation des cellules
de la peau et des cellules épithéliales intestinales ainsi que du renouvellement des
cellules hépatiques. Chaque jour, la moelle osseuse produit des millions de nou-
veaux neutrophiles, monocytes, globules rouges et lymphocytes, production qui
doit être compensée par une perte cellulaire équivalente. Toutes ces cellules san-
guines meurent par apoptose, les cellules mourantes étant finalement phagocy-
tées par des macrophages hépatiques et spléniques spécialisés.

1-15 Les lymphocytes rencontrent leur antigène et y répondent dans les


organes lymphoïdes périphériques.

Les pathogènes peuvent pénétrer dans l’organisme par de nombreuses voies et pro-
voquer une infection n’importe où, alors que les lymphocytes ne se trouvent norma-
lement que dans le sang, la lymphe et les organes lymphoïdes. Comment peuvent-ils
alors se rencontrer ? Les antigènes et les lymphocytes finissent par se rencontrer dans
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 19

des organes lymphoïdes périphériques : les ganglions lymphatiques, la rate et les tis- Les lymphocytes et la lymphe Les lymphocytes naïfs
sus lymphoïdes associés aux muqueuses (voir Fig. 1.7). En effet, les lymphocytes cir- rejoignent la circulation sanguine entrent dans les ganglions
culent continuellement à travers ces organes, dans lesquels l’antigène est transféré par le canal thoracique à partir du sang

depuis les foyers infectieux surtout par les cellules dendritiques. Les organes lym-
phoïdes périphériques sont spécialisés dans la rétention des cellules dendritiques
chargées d’antigènes et dans l’induction des réponses immunitaires adaptatives.
Les tissus lymphoïdes périphériques sont composés d’agrégats de lymphocytes
insérés dans un réseau de cellules stromales non leucocytaires, qui forment la cœur
structure tissulaire de base et fournissent des signaux qui contribuent à la survie
lymphocytaire. En plus des lymphocytes, les organes lymphoïdes périphériques
contiennent des macrophages et des cellules dendritiques.
Lorsqu’une infection survient dans un tissu comme la peau, l’antigène libre et les
cellules dendritiques chargées d’antigène quittent le foyer infectieux et gagnent,
par les vaisseaux lymphatiques afférents, les ganglions lymphatiques de drainage
(Fig. 1.17), où ils activent les lymphocytes spécifiques. Les lymphocytes activés pas- ganglion
sent alors par une phase de prolifération et de différenciation, après quoi la plupart, lymphatique
devenus des effecteurs, quittent les ganglions lymphatiques par le canal lympha-
tique efférent, et aboutissent dans le courant sanguin (voir Fig. 1.7), qui les trans-
tissu
porte dans les tissus où ils devront intervenir. Ce processus prend environ 4-6 jours périphérique
à partir du moment où l’antigène est reconnu, ce qui signifie qu’une réponse infecté
immunitaire adaptive à un antigène rencontré pour la première fois ne devient effi-
cace qu’environ une semaine après l’infection. Des lymphocytes naïfs qui n’ont pas À partir des foyers infectieux, les antigènes
parviennent aux ganglions par les lymphatiques
reconnu d’antigène sortent également par le vaisseau lymphatique efférent et pas-
sent dans le sang, à partir duquel ils continuent à recirculer à travers les tissus lym-
phoïdes jusqu’à ce qu’ils reconnaissent un antigène ou jusqu’à leur mort. Fig. 1.17 Les lymphocytes circulants
rencontrent l’antigène dans les organes
Les ganglions lymphatiques sont des structures lymphoïdes hautement organi- lymphoïdes périphériques. Les lymphocytes
sées situées aux points de convergence des vaisseaux du système lymphatique, qui naïfs circulent continuellement à travers les
collectent le liquide extracellulaire dans les tissus pour le ramener dans le sang organes lymphoïdes périphériques représentés
ici par un ganglion poplité (situé derrière le
(voir Fig. 1.7). Ce liquide est produit continuellement par filtration du sang et s’ap- genou). En cas d’infection d’un pied, il sera
pelle lymphe. Celle-ci est évacuée des tissus périphériques par les vaisseaux lym- le ganglion lymphatique de drainage ; les
phatiques, ou lymphatiques, sous l’effet de la pression exercée par sa production lymphocytes y rencontreront leur antigène
spécifique et seront activés. Les lymphocytes
continue. Des valvules unidirectionnelles dans les lymphatiques préviennent le
activés et non activés retournent dans le
reflux, et les mouvements corporels facilitent le drainage de la lymphe. courant sanguin par le système lymphatique.
Les vaisseaux lymphatiques afférents drainent la lymphe depuis les tissus et trans-
fèrent ainsi les pathogènes et les cellules chargées d’antigènes dans les ganglions
lymphatiques (Fig. 1.18). Les antigènes libres diffusent simplement par la lymphe
jusqu’aux ganglions lymphatiques, alors que les cellules dendritiques migrent de
manière active sous l’effet chimiotactique de chimiokines. Les mêmes chimiokines
attirent également les lymphocytes du sang et ceux-ci entrent dans les ganglions lym-
phatiques en s’insinuant à travers les parois de vaisseaux sanguins spécialisés appe-
lés veinules à endothélium élevé, ou cubique (HEV, High Endothelial Venules).
Dans les ganglions lymphatiques, les lymphocytes B sont organisés en follicules qui
forment le cortex périphérique du ganglion, alors que les lymphocytes T sont répar-
tis de façon plus diffuse dans les aires paracorticales voisines aussi appelées cor-
tex profond ou zones des cellules T (voir Fig. 1.18). Les lymphocytes qui migrent du
sang dans les ganglions entrent d’abord dans les zones paracorticales et, puisqu’ils
sont attirés par les mêmes chimiokines, les macrophages et les cellules dendritiques
présentatrices d’antigène se rassemblent également dans cet endroit. L’antigène
libre diffusant à travers le ganglion peut être capté par ces cellules dendritiques et
des macrophages. La juxtaposition, dans la zone des cellules T, d’antigène, de cellu-
les présentatrices d’antigène et de cellules T naïves offrent à ces dernières les condi-
tions idéales pour qu’elles rencontrent leur antigène et soient ainsi activées.
Comme dit plus haut, l’activation des cellules B requiert habituellement non seu-
lement l’antigène, qui se lie au récepteur de la cellule  B, mais aussi la coopéra-
tion des cellules T auxiliaires, un type de cellules T effectrices (voir la Section 1-4).
L’organisation du ganglion lymphatique est telle qu’elle permet que les cellules B
20 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

naïves, avant d’entrer dans les follicules, passent à travers les zones de cellules T,
où elles peuvent rencontrer leur antigène et leurs cellules T auxiliaires. Certains
follicules de cellules B contiennent des centres germinatifs où les cellules B proli-
fèrent intensément et se différencient en plasmocytes.
Chez l’homme, La rate est un organe de la taille d’un poing, situé juste derrière
l’estomac (voir Fig. 1.7). Elle n’a pas de connexion directe avec le système lympha-
tique ; elle capte les antigènes présents dans le sang et joue un rôle déterminant
dans les réactions aux pathogènes qui accèdent à la circulation sanguine. Les lym-
Fig. 1.18 Organisation d’un ganglion phocytes entrent et quittent la rate par des vaisseaux sanguins. La rate recueille
lymphatique. Comme le montre le schéma
également les globules rouges sénescents et les élimine. La Fig. 1.9 montre sché-
de gauche qui montre une coupe longitudinale
d’un ganglion lymphatique, celui-ci est matiquement la structure de la rate, qui est occupée en majeure partie par la pulpe
constitué d’un cortex et d’une zone médullaire. rouge, site de destruction des globules rouges. Les lymphocytes entourent les
Le cortex comprend une zone externe de artérioles qui irriguent la rate, et constituent les aires dites de pulpe blanche. Le
cellules B organisées en follicules lymphoïdes,
et une zone interne ou paracortex riche
manchon de lymphocytes autour d’une artériole est appelé manchon lymphoïde
en cellules T et cellules dendritiques. Au périartériolaire ou PALS (Periarteriolar Lymphoid Sheath). Il contient essentielle-
cours d’une réponse immunitaire, certains ment des cellules T. Autour de lui, des follicules lymphoïdes composés surtout de
follicules dits secondaires contiennent une cellules B sont distribués à intervalle régulier. Une zone dite marginale entoure les
structure centrale appelée centre germinatif,
qui est le siège d’une prolifération intense de
follicules ; elle contient peu de cellules T, est riche en macrophages et contient une
cellules B. Ces réactions sont spectaculaires, population de cellules B non circulantes appelées cellules B de la zone marginale,
mais s’éteignent finalement et laissent des à propos desquelles on connaît peu de choses ; il en est question au Chapitre 7. Les
centres germinatifs sénescents. La lymphe microbes arrivant par le sang, les antigènes solubles et les complexes antigène-
formée dans les espaces extracellulaires
transporte dans les ganglions par la voie anticorps sont filtrés par les macrophages et les cellules dendritiques immatures
des lymphatiques afférents les antigènes dans la zone marginale. À l’instar des cellules dendritiques immatures qui migrent
captés par les cellules dendritiques et les des tissus périphériques vers les zones de cellules T des ganglions lymphatiques,
macrophages. Ceux-ci migrent directement des
les cellules dendritiques des zones marginales spléniques, après avoir capté des
sinus dans les parties cellulaires du ganglion.
La lymphe ressort par les lymphatiques antigènes et avoir été ainsi activées, migrent dans les zones spléniques des cellu-
efférents, qui partent de la zone médullaire les T, où elles présentent aux cellules T les antigènes qu’elles ont transportés.
riche en macrophages et plasmocytes
sécréteurs d’anticorps, l’ensemble de ces La plupart des pathogènes pénètrent dans l’organisme par les surfaces muqueu-
cellules constituant les cordons médullaires. ses, celles-ci étant également exposées à une charge importante d’autres antigènes
Les lymphocytes naïfs parviennent dans le potentiels provenant de l’air, de la nourriture et de la flore microbienne naturelle.
ganglion par voie sanguine et à travers les
veinules post-capillaires, adaptées à ce type Les muqueuses sont protégées par un vaste système de tissus lymphoïdes appelé en
de transfert (non montrées), et ressortent général système immunitaire des muqueuses ou tissus lymphoïdes associés aux
avec la lymphe par le lymphatique efférent. La muqueuses (MALT, Mucosa-Associated Lymphoid Tissues). On estime que, dans son
microphotographie optique (grossissement × 7)
ensemble, le système immunitaire des muqueuses contient autant de lymphocytes
montre une coupe de ganglion lymphatique
avec des follicules contenant les centres que tout le reste du corps, et qu’ils forment un ensemble spécialisé de cellules obéis-
germinatifs. Cliché de N. Rooney. sant à des règles de circulation quelque peu différentes de celles en vigueur dans les

Un ganglion lymphatique

sinus cortical
follicule
follicule lymphoïde primaire
lymphoïde secondaire (surtout cellules B)
avec centre germinatif cordons médullaires
(macrophages
vaisseau lymphatique et plasmocytes)
afférent
sinus médullaire
artère
paracortex veine
(surtout cellules T)
vaisseau
lymphatique efférent
centre germinatif
sénescent
centre germinatif
sinus marginal
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 21

autres organes lymphoïdes périphériques. Les tissus lymphoïdes associés au tractus


digestif ou GALT (Gut-Associated Lymphoid Tissues), qui comprennent notamment
les amygdales, le tissu adénoïde pharyngé et l’appendice ainsi que des structu-
res spécialisées de l’intestin grêle appelées plaques de Peyer, captent les antigènes
du tractus gastro-intestinal. Les plaques de Peyer forment le tissu lymphoïde le plus

La rate

capsule pulpe rouge pulpe blanche

veine sinus
trabéculaire veineux

artère
Coupe transversale de la pulpe blanche trabéculaire Coupe longitudinale de la pulpe blanche
PR
ZPF

ZM
Co

couronne
de cellules B
CG centre germinatif
zone marginale
zone
périfolliculaire
manchon lymphoïde
PALS périartériolaire
artériole centrale
ZPF
pulpe rouge

Fig. 1.19 Organisation du tissu lymphoïde de la rate. Le schéma pulpe blanche, le sang transportant les lymphocytes et l’antigène passe
du haut montre la pulpe rouge (en rose), site de destruction des d’une artère trabéculaire vers une artériole centrale. À partir de cette
globules rouges, et les zones de pulpe blanche composées de tissu artériole, de plus petits vaisseaux irradient et aboutissent dans une
lymphoïde. L’agrandissement d’une coupe de rate (au centre) montre zone spécialisée de la rate humaine appelée zone périfolliculaire (ZPF)
l’organisation de la pulpe blanche (en jaune et bleu) autour des artérioles qui entoure chaque zone marginale. Les cellules et l’antigène passent
centrales. Elle y est représentée par plusieurs sections transversales dans la pulpe blanche à travers des espaces ouverts remplis de sang
et par deux sections longitudinales. Les deux schémas du bas sont dans la zone périfolliculaire. La microphotographie optique (en bas,
des agrandissements d’une section transversale (à gauche) et d’une à gauche) montre une coupe transversale de pulpe blanche de rate
section longitudinale (à droite) de pulpe blanche. Le manchon lymphoïde humaine après coloration immunologique des cellules B matures. Les
périartériolaire (PALS, PeriArteriolar Lymphoid Sheath) est composé follicules et le PALS sont entourés de la zone périfolliculaire. L’artériole
de cellules T. Les lymphocytes et les cellules dendritiques chargées folliculaire arrive dans le PALS (tête de flèche au-dessous), traverse le
d’antigène s’y rejoignent. Les follicules sont constitués essentiellement follicule, puis la zone marginale et s’ouvre dans la zone périfolliculaire
de cellules B. Dans les follicules secondaires, les centres germinatifs (tête de flèche au-dessus). Co, couronne de cellules B folliculaires ; CG,
sont entourés d’une couronne de cellules B. Les follicules sont entourés centre germinatif ; ZM, zone marginale ; PR, pulpe rouge ; têtes de flèche,
par une zone dite lymphocytaire marginale. Dans chaque zone de la artériole centrale. Cliché de N.M. Milicevic.
22 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

important et le plus organisé du système GALT. L’antigène est capté par des cellules
épithéliales spécialisées appelées cellules M (Microfold, microplis) (Fig. 1.20). Sous
la cellule M, se trouvent plusieurs follicules de lymphocytes B. Les cellules T, moins
nombreuses que les B, occupent les zones interfolliculaires. La couche entre l’épithé-
lium de surface et les follicules est appelée dôme sous-épithélial. Les cellules den-
dritiques résidentes des plaques de Peyer présentent l’antigène aux lymphocytes  T.
Les lymphocytes entrent dans les plaques de Peyer à partir du sang et quittent par
Fig. 1.20 Organisation d’une plaque de des lymphatiques efférents. Les lymphocytes effecteurs formés dans les plaques de
Peyer dans la muqueuse intestinale. Peyer migrent, par le système lymphatique et le courant sanguin, dans les muqueu-
Comme le montre le schéma de gauche, ses où elles exercent leurs fonctions effectrices.
une plaque de Peyer contient de nombreux
follicules avec un centre germinatif. Les Des agrégats lymphocytaires similaires mais plus diffus sont présents dans le trac-
cellules T occupent les zones interfolliculaires, tus respiratoire et d’autres muqueuses. On distingue le tissu lymphoïde associé
dites zones thymodépendantes. La couche
entre l’épithélium de surface et les follicules à la muqueuse nasale ou NALT (Nasal- Associated Lymphoid Tissue) et le tissu
est appelée le dôme sous-épithélial ; elle est lymphoïde associé à la muqueuse bronchique ou BALT (Bronchial-Associated
riche en cellules dendritiques, lymphocytes Lymphoid Tissue). Comme les plaques de Peyer, ces tissus lymphoïdes des
T et B. Les plaques de Peyer n’ont pas de
lymphatiques afférents et l’antigène provient
muqueuses sont couverts de cellules M, par lesquels passent les microbes et anti-
directement de l’intestin à travers un épithélium gènes inhalés et piégés dans le mucus couvrant les voies respiratoires. Il est ques-
spécialisé constitué des cellules M (microfold, tion du système immunitaire des muqueuses au Chapitre 11.
microplis). Bien que ce tissu paraisse très
différent des autres organes lymphoïdes, on Malgré une apparence très différente, les ganglions lymphatiques, la rate et les tis-
retrouve les mêmes zones. Comme dans sus lymphoïdes associés aux muqueuses partagent la même structure de base.
les ganglions lymphatiques, les lymphocytes
Tous opèrent selon le même principe : capturer l’antigène venant du site d’infec-
entrent dans les plaques de Peyer à partir
du sang à travers les parois des veinules à tion et le présenter aux petits lymphocytes  T circulants afin d’induire ainsi une
endothélium élevé (non montrées) et quittent réponse immune adaptative. Les tissus lymphoïdes périphériques fournissent
par le lymphatique efférent. La micrographie aussi des signaux permanents aux lymphocytes qui n’ont pas rencontré leur anti-
optique dans le panneau a montre une
coupe à travers une plaque de Peyer dans
gène spécifique, leur permettant ainsi de survivre et de circuler.
la paroi de l’intestin d’une souris. La plaque Puisqu’ils sont impliqués dans le déclenchement des réponses immunitaires adap-
de Peyer est située plus bas que les tissus
épithéliaux. CG, centre germinatif ; ZTD, tatives, les tissus lymphoïdes périphériques ne sont pas des structures statiques,
zone thymodépendante. Le panneau b est mais elles changent fortement sous l’effet d’une infection. Les tissus lymphoïdes
une micrographie électronique à balayage diffus des muqueuses peuvent se former en réponse à une infection et disparaître
de l’épithélium associé aux follicules
ensuite tandis que, dans les mêmes circonstances, l’architecture des tissus organi-
correspondant à l’encadré de (a), montrant
les cellules M, qui sont dépourvues de sés se modifie d’une manière plus définie. Par exemple, les follicules de cellules B
microvillosités et de la couche de mucus des ganglions lymphatiques augmentent de volume avec la prolifération des lym-
présente sur les cellules épithéliales normales. phocytes B qui forment des centres germinatifs (voir Fig. 1.18). Il s’ensuit une hyper-
Chaque cellule M apparaît comme une
zone enfoncée à la surface épithéliale. Le
trophie du ganglion ou, selon l’expression familière, un gonflement des glandes.
panneau c est une vue à fort grossissement
Finalement, des populations spécialisées de lymphocytes peuvent être dispersées
de la zone encadrée en (b), montrant les
microplis caractéristiques d’une cellule M. dans des sites particuliers du corps plutôt que de se trouver dans des tissus lym-
Les cellules M sont les portes d’entrée de phoïdes organisés. De tels sites comprennent le foie et la lamina propria intes-
nombreux pathogènes et d’autres particules. tinale, ainsi que la base de l’épithélium intestinal, les épithéliums des tractus
(a) Coloration à l’éosine et hématoxyline.
Grossissement × 100 ; (b) × 500 ; (c) × 23 000.
génitaux et, chez la souris mais pas chez l’homme, l’épiderme. Ces populations
Source : Mowat, A., Viney, J.: Immunol. Rev. lymphocytaires semblent jouer un rôle important dans la protection de ces tissus
1997, 156:145-166. contre les infections, et sont décrites plus en détail aux Chapitres 7 et 11.

Les plaques de Peyer sont couvertes d’une couche épithéliale contenant des cellules spécialisées appelées cellules M, qui ont des microplis membranaires caractéristiques

dôme sous-épithélial
cellule villosité dôme
épithélium associé M
aux follicules
centre
germinatif b

cellules T

follicule
lymphatiques ZTD CG cellule M
efférents

a c
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 23

1-16 L’interaction avec d’autres cellules ainsi qu’avec l’antigène est


nécessaire pour l’activation d’un lymphocyte.

Comme nous l’avons vu dans les Sections 1-3 et 1-6, les tissus lymphoïdes périphé-
riques sont spécialisés non seulement dans la rétention des cellules phagocytai-
res qui ont ingéré l’antigène, mais aussi dans la promotion des interactions de ces
dernières avec les lymphocytes, processus indispensable au déclenchement d’une
réponse immunitaire adaptative.
Toutes les réponses lymphocytaires aux antigènes requièrent non seulement le
signal résultant de la liaison de l’antigène aux récepteurs spécifiques, mais aussi
un second signal provenant d’une autre cellule par l’intermédiaire de molécules
de surface dites de costimulation (voir la Section 1.7). Les cellules T naïves sont
généralement stimulées par les cellules dendritiques activées (Fig. 1.21, schéma
de gauche) mais, pour les cellules B naïves, le second signal est délivré par une
cellule T auxiliaire effectrice (Fig. 1.21, schéma de droite). Les macrophages et les
cellules B qui présentent un antigène étranger à leur surface peuvent aussi expri-
mer des molécules costimulatrices et peuvent donc activer des cellules T naïves.
La Fig. 1.22 présente ces trois cellules immunitaires spécialisées dans la présenta-
tion d’antigène. À cet égard, les cellules dendritiques sont les plus importantes des
trois ; elles jouent un rôle central dans le déclenchement des réponses immunitai-
res adaptatives.
L’induction de molécules costimulatrices est essentielle dans le déclenchement
d’une réponse immunitaire adaptative car le contact avec l’antigène en absence de
costimulation inactive les lymphocytes naïfs, ce qui entraîne soit une délétion clo-
nale ou conduit à un état inactif appelé anergie. Nous reviendrons sur ce sujet au
Chapitre 7. Ainsi, nous devons ajouter un postulat final à la théorie de la sélection
clonale. Un lymphocyte naïf ne peut être activé que par des cellules porteuses non
seulement de l’antigène spécifique mais aussi de molécules costimulatrices, dont
l’expression est régulée par l’immunité innée.

1-17 Activés par un antigène, les lymphocytes prolifèrent


dans les organes lymphoïdes périphériques, générant
des cellules effectrices et la mémoire immunitaire.

Du fait de la grande diversité des récepteurs lymphocytaires, on considère qu’il y


en aura toujours au moins quelques-uns qui pourront se lier à un antigène étran-
ger donné. Cependant, ce nombre sera trop petit et certainement insuffisant pour
réagir à un pathogène. Pour générer des lymphocytes spécifiques en quantité suf-
fisante pour combattre une infection, le lymphocyte avec la spécificité appropriée

Fig. 1.21 Deux signaux sont requis pour


Liaison antigène-récepteur et costimulation Liaison antigène-récepteur et activation l’activation du lymphocyte. Après avoir reçu
de la cellule T par la cellule dendritique de la cellule B par la cellule T un signal par leurs récepteurs antigéniques
(signal 1), les lymphocytes naïfs matures
doivent aussi recevoir un second signal
(signal 2) pour être activés. Pour les cellules T
(schéma de gauche), celui-ci est fourni par
une cellule présentatrice d’antigènes comme
1 la cellule dendritique représentée ici. Pour
les cellules B (schéma de droite), le second
1 signal est habituellement délivré par une
cellule T activée, qui a reconnu les peptides
2 2
antigéniques ingérés, apprêtés et présentés
par la cellule B à sa surface.
cellule dendritique lymphocyte T lymphocyte T lymphocyte B

Prolifération et différenciation de la cellule T Prolifération et différenciation de la cellule B


pour devenir effectrice pour devenir effectrice
24 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Cellule dendritique Macrophage Lymphocyte B

a b c

d e f

g h i

Fig. 1.22 Les cellules présentatrices d’antigène professionnelles. immatures qui interagissent avec de nombreux pathogènes différents. Les
Les trois types de cellules présentatrices d’antigène professionnelles sont macrophages sont spécialisés d’une part dans l’ingestion des pathogènes,
représentées de façon schématique dans la ligne du haut, comme elles plus particulièrement quand ces germes sont couverts d’anticorps, et
le seront dans tout le livre. La deuxième ligne présente des micrographies d’autre part dans la présentation des antigènes. Les cellules B ont des
optiques, les cellules d’intérêt étant montrées par une flèche. Les clichés récepteurs spécifiques de l’antigène qui leur permettent d’ingérer une
des deux dernières lignes ont été pris au microscope électronique à grande quantité d’un antigène spécifique, de l’apprêter et de le présenter.
transmission et à balayage. Les cellules dendritiques matures, présentes Clichés de R.M. Steinman (a), N. Rooney (b, c, e, f), S. Knight (d, g),
dans les tissus lymphoïdes, dérivent de cellules dendritiques tissulaires P.F. Heap (h, i).
Principes de l’immunité naturelle et adaptative 25

doit proliférer. Ce n’est que lorsqu’un vaste clone de cellules identiques aura été
produit que celles-ci vont se différencier en cellules effectrices. Cette expansion
clonale est une caractéristique commune à toutes les réponses immunes adapta-
tives. En reconnaissant son antigène spécifique sur une cellule présentatrice d’an-
tigène activée, un lymphocyte naïf arrête sa migration et enfle. La chromatine de
son noyau devient moins dense, les nucléoles apparaissent, le noyau et le cyto-
plasme augmentent de volume et de nouvelles molécules d’ARNm et de protéines
sont synthétisées. En quelques heures, la cellule a pris un aspect complètement
différent ; est devenue un lymphoblaste (Fig. 1.23).
Les lymphoblastes commencent alors à se diviser, se dupliquant normalement
deux à quatre fois toutes les 24 heures, pendant 3 à 5 jours, de telle façon qu’un
seul lymphocyte naïf aboutit à un clone d’environ 1000 cellules filles de spécificité
identique. Celles-ci se différencient ensuite en cellules effectrices. Dans le cas des
cellules B, ce sont les plasmocytes qui sécrètent les anticorps ; dans le cas des cellu-
les T, les cellules effectrices sont les cellules T cytotoxiques capables de détruire les

Fig. 1.23 Micrographies électroniques


Petit lymphocyte au repos de lymphocytes aux différents stades
d’activation de leur fonction effectrice.
Ce petit lymphocyte au repos (en haut),
qui n’a pas encore rencontré l’antigène,
a l’aspect typique d’une cellule inactive :
faible proportion de cytoplasme, absence
de réticulum endoplasmique rugueux et
caractère condensé de la chromatine. Il peut
s’agir soit une cellule T, soit une cellule B. Les
petits lymphocytes circulants sont retenus
dans les ganglions lymphatiques quand
leurs récepteurs reconnaissent l’antigène
sur les cellules présentatrices d’antigènes.
La stimulation qui s’en suit transforme le
lymphocyte en un lymphoblaste (au centre),
qui se reconnaît à sa grande taille, à la
présence des nucléoles, à l’augmentation de
Lymphoblaste volume du noyau et à l’aspect plus diffus de la
chromatine. Les lymphocytes T et B ont encore
la même apparence. Après des divisions
répétées, le lymphoblaste se différencie en
cellule effectrice. Les deux clichés du bas
montrent des lymphocytes T et B effecteurs,
qui montrent tous les signes de cellules en
pleine activité. Le cytoplasme est abondant, les
nucléoles sont proéminents, les mitochondries
sont nombreuses. Le réticulum endoplasmique
rugueux est bien visible, en particulier dans
les plasmocytes (cellules B effectrices), qui
synthétisent et sécrètent de grandes quantités
de protéines correspondant aux anticorps.
Clichés de N. Rooney.

Cellule B effectrice (plasmocyte) Cellule T effectrice


26 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Fig. 1.24 Évolution d’une réponse humorale


typique. La première rencontre avec un
antigène induit une réponse primaire. Réponse primaire Réponse secondaire
L’antigène A introduit au temps 0 rencontre
Anticorps
peu d’anticorps spécifiques dans le sérum.
(Ng ml–1 de sérum) 104
Après une phase de latence, l’anticorps anti-A phase
(en bleu) apparaît, sa concentration atteint un 103 de latence
plateau, puis diminue. Si l’on recherche un
anticorps d’une autre spécificité, anti-B par 102
exemple (en jaune), on en trouve très peu,
ce qui démontre la spécificité de la réponse
101
anti-A. Quand l’animal est ensuite immunisé
contre un mélange d’antigènes A et B, on
constate l’apparition rapide d’une réponse
100
réponse
secondaire intense anti-A. Cette capacité à l’antigène A
du système immunitaire de répondre, lors 10–1
d’un deuxième contact avec l’antigène, de
manière plus efficace, assurant à l’organisme 10–2
réponse
une défense spécifique contre l’infection est à l’antigène B
l’illustration de la mémoire immunologique. 10–3
C’est la justification des injections de  rappel
lors d’une vaccination. Notez que la réponse à 4 8 12 16 20 64 68 72
l’antigène B ressemble à la réponse initiale ou antigènes Jours
primaire à l’antigène A. Il s’agit en effet de la antigène A
A+B
première rencontre de l’hôte avec cet antigène.

cellules infectées ou des cellules T auxiliaires qui activent d’autres cellules du sys-
tème immunitaire. Les lymphocytes effecteurs ne circulent pas comme des lym-
phocytes naïfs. Certaines cellules  T effectrices détectent des foyers infectieux et
migrent dans ces sites à partir du sang ; d’autres restent dans les tissus lymphoï-
des pour activer les cellules B. Certains plasmocytes sécréteurs d’anticorps restent
dans les organes lymphoïdes périphériques, mais la plupart des plasmocytes géné-
rés dans les ganglions lymphatiques et la rate gagnent la moelle osseuse et y restent,
versant leurs anticorps dans le courant sanguin. Les cellules effectrices générées
dans le système immunitaire des muqueuses restent en général dans ces tissus.
Après l’activation d’un lymphocyte naïf, il faut 4 à 5 jours avant que l’expansion
clonale ne soit complète et que les lymphocytes soient devenus effecteurs. C’est
pourquoi les premières réponses immunitaires adaptatives n’interviennent que
plusieurs jours après le début de l’infection et sa détection par le système immu-
nitaire inné. La plupart des lymphocytes générés par l’expansion clonale au cours
d’une réponse immunitaire donnée meurent. Cependant, un nombre significatif
de cellules B et de cellules T spécifiques et activées persiste après l’élimination de
l’antigène. Ces cellules sont appelées cellules mémoire et forment la base de la
mémoire immunologique, qui assure une réponse plus rapide et plus efficace lors
d’une seconde rencontre avec le même pathogène et procure de cette façon une
protection immunitaire durable.
Les caractéristiques de la mémoire immunologique apparaissent clairement lors-
que la production d’anticorps par un individu à la suite d’une première immunisa-
tion, immunisation primaire, est comparée à la réponse qui survient chez le même
individu lors d’une deuxième immunisation, immunisation secondaire ou de
rappel, par le même antigène. Comme le montre la Fig. 1.24, la réponse anticorps
secondaire intervient après une phase de latence plus courte, atteint un niveau
nettement plus élevé et produit des anticorps de plus haute affinité (ou force de
liaison) pour l’antigène. Cette augmentation de l’affinité pour l’antigène est appelée
maturation d’affinité ; elle est la conséquence d’événements qui sélectionnent les
récepteurs des cellules B, et ainsi des anticorps, sur base d’une affinité croissante
pour l’antigène durant une réponse immunitaire. Il faut souligner que les récep-
teurs des cellules T ne subissent pas la maturation d’affinité ; le seuil d’activation
des cellules T mémoire est plus bas que celui des cellules T naïves, mais cela tient à
un changement dans la capacité de répondre de la cellule et non à un changement
de récepteur. Nous décrirons les mécanismes de ces changements importants,
dans les Chapitres 4, 9 et 10. Les bases cellulaires de la mémoire immunologique
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 27

sont l’expansion et la différenciation clonales des cellules spécifiques de l’antigène


et sont, par conséquent, entièrement spécifiques de celui-ci.
C’est la mémoire immunologique qui permet la réussite d’une vaccination et
prévient les réinfections par des pathogènes qui avaient été éliminés lors d’une
première réponse adaptative. La mémoire immunologique est la conséquence
biologique la plus importante du développement de l’immunité adaptative, bien
que ses fondements moléculaires et cellulaires ne soient pas encore parfaitement
compris, comme nous le verrons au Chapitre 10.

Résumé.

Les systèmes innés de défense précoce dépendent de récepteurs invariables qui


reconnaissent des motifs communs des pathogènes  ; ils jouent un rôle crucial,
mais ils peuvent être débordés par de nombreux pathogènes et ne sont pas suivis
de mémoire immunologique. Reconnaître un pathogène particulier et assurer une
protection plus efficace contre une réinfection est le propre de l’immunité adapta-
tive. Une réponse immunitaire adaptative implique la sélection et l’amplification de
clones de lymphocytes porteurs de récepteurs qui reconnaissent l’antigène étran-
ger. Cette sélection clonale fournit le cadre théorique pour la compréhension des
caractéristiques principales d’une réponse immunitaire adaptative. Il existe deux
types majeurs de lymphocytes : les B qui se différencient dans la moelle osseuse et
constituent la source des anticorps circulants, et les lymphocytes T qui se différen-
cient dans le thymus et reconnaissent des peptides de pathogènes présentés par
des molécules du CMH sur les cellules infectées ou les cellules présentatrices d’an-
tigène. Chaque lymphocyte porte à sa surface des récepteurs de spécificité anti-
génique unique. Ces récepteurs sont générés par la recombinaison aléatoire de
segments géniques codant la partie variable des récepteurs et par l’appariement
de chaînes protéiques distinctes : les chaînes lourdes et légères des immunoglo-
bulines ou des deux chaînes des récepteurs des cellules T. Ce processus produit
un vaste ensemble de lymphocytes, chacun étant porteur d’un récepteur distinct,
si bien que le répertoire entier de récepteurs peut reconnaître pratiquement tout
antigène. Si le récepteur est spécifique d’un antigène ubiquitaire du soi, le lympho-
cyte est éliminé, au début de son développement, par sa rencontre avec l’antigène,
tandis que les signaux de survie transmis par le récepteur d’antigène sélectionnent
et maintiennent un répertoire de lymphocytes potentiellement utiles. L’immunité
adaptative est déclenchée lorsqu’une réponse immunitaire innée ne parvient pas
à surmonter une infection, et lorsque des cellules présentatrices d’antigène acti-
vées, chargées des antigènes du pathogène parviennent aux tissus lymphoïdes de
drainage. Lorsqu’un lymphocyte recirculant rencontre son antigène dans les tis-
sus lymphoïdes périphériques, il prolifère et sa descendance se différencie en lym-
phocytes T et B effecteurs qui peuvent éliminer l’agent infectieux. Certains de ces
lymphocytes se différencient en cellules mémoire, prêtes à répondre rapidement
contre le même pathogène si elles le rencontrent à nouveau. Les détails de ces
processus de reconnaissance, de développement et de différenciation forment la
matière principale des trois parties centrales de cet ouvrage.

Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative.


Nous avons vu dans la première partie de ce chapitre comment des lymphocytes
naïfs sont sélectionnés par l’antigène pour se différencier en clones de lymphocy-
tes effecteurs activés. Nous examinons maintenant les mécanismes par lesquels des
lymphocytes effecteurs activés s’attaquent à différents pathogènes lors d’une réponse
immunitaire adaptative efficace. Les modes de vie distincts de différents pathogè-
nes requièrent des modes adaptés de reconnaissance et d’élimination (Fig. 1.25).
Les cellules  B reconnaissent des antigènes présents en dehors des cellules et se
28 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

Fig. 1.25 Les principaux types de


pathogènes confrontés au système Le système immunitaire protège contre quatre classes de pathogènes
immunitaire et les maladies qu’ils
provoquent. Type de pathogènes Exemples Maladies

Streptococcus pneumoniae Pneumonie


Bactéries extracellulaires, Clostridium tetani Tétanos
parasites, champignons Trypanosoma brucei Maladie du sommeil
Pneumocystis carinii Pneumonie à Pneumocystis

Bactéries intracellulaires, Mycobacterium leprae Lèpre


parasites Leishmania donovani Leishmaniose
Plasmodium falciparum Paludisme

Variole Variole
Virus (intracellulaires) Influenza Grippe
Varicelle Varicelle

Vers parasites (extracellulaires) Ascaris Ascaridiose


Schistosoma Schistosomiase

différencient en plasmocytes qui sécrètent des anticorps capables d’agir dans cet
environnement. Les récepteurs des cellules T sont spécialisés dans la détection d’an-
tigènes qui ont été générés à l’intérieur des cellules de l’organisme, et cela se reflète
dans les actions effectrices des cellules T. Certaines cellules T effectrices tuent direc-
tement les cellules infectées par des pathogènes intracellulaires comme les virus,
alors que d’autres participent aux réponses contre des pathogènes extracellulaires
en interagissant avec les cellules B pour les aider à produire des anticorps.
La plupart des autres mécanismes effecteurs qui éliminent les pathogènes cibles
d’une réponse immunitaire adaptative sont pratiquement identiques à ceux de
l’immunité innée et font appel à des cellules comme les macrophages et les neutro-
philes ainsi qu’a des protéines comme le complément. En effet, il paraît probable
que le système immunitaire inné qui existait chez les invertébrés a évolué en acqué-
rant le mode de reconnaissance spécifique au moyen de récepteurs distribués de
manière clonale. C’est le thème qui sera discuté au Chapitre 16. Nous commençons
par résumer les activités effectrices des anticorps, qui dépendent presque entière-
ment du recrutement de cellules et de molécules du système immunitaire inné.

1-18 Les anticorps se chargent des formes extracellulaires


des pathogènes et de leurs produits toxiques.

Les anticorps sont présents dans la phase liquide du sang, le plasma, et dans
les fluides extracellulaires. Les liquides de l’organisme étant autrefois nommés
« humeurs », l’immunité assurée par les anticorps s’appelle immunité humorale.
Comme nous l’avons vu à la Fig. 1.13, les anticorps sont des molécules en Y dont
les bras forment deux sites identiques de liaison à l’antigène. Ces sites varient for-
tement d’une molécule à l’autre, ce qui assure la diversité requise pour la recon-
naissance spécifique de l’antigène. La queue de l’Y est de loin moins variable. Il
n’existe que cinq formes principales de cette région constante des anticorps ; elles
sont appelées classes ou isotypes des anticorps. La région constante détermine
les propriétés fonctionnelles de l’anticorps, comment il déclenche les mécanis-
mes effecteurs qui éliminent l’antigène reconnu, et chaque classe exerce sa fonc-
tion particulière en engageant une série distincte de mécanismes effecteurs. Nous
décrivons les isotypes et leurs actions aux Chapitres 4 et 9.
Le moyen le plus simple et direct par lequel les anticorps assurent la protection
contre les pathogènes et leurs produits toxiques est de se lier à eux et de bloquer
ainsi leur accès aux cellules qu’ils pourraient infecter ou détruire (Fig. 1.26, pan-
neaux de gauche). Ce mécanisme, dit de neutralisation, est important pour la
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 29

Fig. 1.26 Les anticorps participent à


Anticorps spécifique la défense de l’hôte de trois manières
principales. La colonne de gauche montre
des anticorps liant et neutralisant une toxine
bactérienne, ce qui l’empêche d’interagir avec
les cellules et de causer une maladie. La
toxine libre peut réagir avec des récepteurs
cellulaires tandis que la toxine liée à l’anticorps
Toxines bactériennes Bactéries dans l’espace Bactéries dans le plasma en est empêchée. Les anticorps neutralisent
extracellulaire
également les particules virales et des
bactéries en se liant à elles et en les inactivant.
Le complexe antigène-anticorps est finalement
capté et dégradé par des macrophages. Les
anticorps recouvrant l’antigène permettent aux
phagocytes (macrophages et polynucléaires
cellules ayant neutrophiles) de le reconnaître et ainsi de
des récepteurs l’ingérer et de le détruire. Ce processus se
pour la toxine macrophage
nomme opsonisation. La colonne du milieu
montre l’opsonisation et la phagocytose d’une
bactérie. La colonne de droite représente
Neutralisation Opsonisation Activation du complément l’activation du système du complément par
les anticorps fixés sur une bactérie. Les
anticorps fixés servent de récepteurs à la
première protéine du système du complément,
qui formera finalement un complexe avec
d’autres protéines à la surface de la bactérie.
Ce complexe pourra, dans certains cas, tuer
directement la bactérie Plus généralement,
il favorisera sa capture et sa destruction par
les phagocytes. Ainsi, les anticorps font des
bactéries et de leurs produits toxiques des
complément cibles pour les phagocytes.

Ingestion par le macrophage Ingestion par le macrophage Lyse et ingestion

protection contre les toxines bactériennes et les pathogènes comme les virus, dont
l’entrée et la réplication intracellulaire sont ainsi empêchées.
La liaison aux anticorps, cependant, ne suffit pas pour arrêter la réplication des bacté-
ries qui se multiplient hors des cellules. Dans ce cas, un des rôles de l’anticorps est de
permettre à une cellule phagocytaire, un macrophage ou un neutrophile, d’ingérer
et de détruire la bactérie. De nombreuses bactéries échappent au système immuni-
taire inné car elles ont une tunique externe qui n’est pas reconnue par les récep-
teurs de reconnaissance de motifs (PRR) présents sur les phagocytes. Cependant,
des antigènes de la tunique peuvent être reconnus par des anticorps. Or les phago-
cytes ont des récepteurs qui se lient à la région constante des anticorps recouvrant la
bactérie, ce qui conduit à la phagocytose (Fig. 1.26, panneaux du milieu). Les anti-
corps, ainsi que d’autres protéines, en recouvrant des pathogènes et des particules
étrangères, facilitent leur ingestion ; ce processus s’appelle opsonisation.
La troisième fonction des anticorps est d’activer le système du complément. Le
système du complément, décrit en détail dans le Chapitre 2, est d’abord activé
30 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

dans le cadre de l’immunité innée, par des surfaces microbiennes sans l’interven-
tion des anticorps. Mais les régions constantes des anticorps liés aux surfaces bac-
tériennes peuvent interagir avec la première protéine du système du complément.
Aussi, une fois des anticorps produits, l’activation du complément augmente. Les
composants du complément liés à la surface bactérienne peuvent détruire direc-
tement certaines bactéries. Ce mécanisme est important dans certaines infections
bactériennes (voir Fig. 1.26, panneaux de droite). Toutefois, la principale fonction
du complément, comme celle des anticorps eux-mêmes, est de recouvrir la sur-
face des pathogènes et de rendre les phagocytes capables d’ingérer et de détruire
les bactéries qu’ils n’auraient pas reconnues autrement. Le complément ampli-
fie également les actions bactéricides des phagocytes. Il se nomme d’ailleurs ainsi
parce qu’il « complémente » l’action des anticorps.
Les anticorps des différents isotypes sont retrouvés dans les différents compar-
timents de l’organisme et se distinguent par les mécanismes effecteurs qu’ils
recrutent. Mais finalement, toutes les particules et tous les pathogènes couverts
d’anticorps sont finalement livrés aux phagocytes pour être ingérés, dégradés et
éliminés de l’organisme (voir Fig. 1.26, panneaux du bas). Le complément et les
phagocytes que les anticorps recrutent ne sont pas eux-mêmes spécifiques de l’an-
tigène ; ils dépendent des molécules d’anticorps qui marquent les particules étran-
gères. Les anticorps sont l’unique contribution des cellules B à la réponse immune
acquise. Les cellules T, au contraire, exercent diverses actions effectrices.

1-19 Les cellules T sont nécessaires au contrôle intracellulaire des pathogènes


et pour activer la réponse des cellules B à la plupart des antigènes.

Les pathogènes sont accessibles aux anticorps seulement dans le sang et les espa-
ces extracellulaires. Cependant, des pathogènes bactériens ou parasitaires ainsi
que tous les virus se répliquent dans la cellule où les anticorps ne peuvent pas les

Fig. 1.27 Mécanismes de défense contre les


infections intracellulaires par des virus. Les Cellule infectée par un virus Une cellule T cytotoxique tue une cellule infectée
cellules infectées par des virus sont reconnues
par des cellules T spécialisées : les cellules T
cytotoxiques, qui tuent directement les cellules
infectées. Le mécanisme cytotoxique débouche tue
sur l’activation d’enzymes, les caspases, Tc
qui clivent la chaîne peptidique après l’acide
aspartique. Ceci permet l’activation d’une
nucléase cytosolique dans la cellule infectée
cellule T
qui clive aussi bien l’ADN cellulaire que viral.
cytotoxique
La microphotographie (a) montre la membrane
plasmique d’une cellule CHO (Chinese virus
Hamster Ovary) infectée par le virus influenza.
Plusieurs particules virales bourgeonnent
à la surface de la cellule. Certains de ces
bourgeonnements ont été marqués par un
cellule infectée cellule infectée tuée
anticorps monoclonal spécifique de la protéine
virale et couplé à des particules d’or qui
apparaissent sous forme de points noirs. En
(b) on voit une cellule infectée par un virus
(v) entourée de lymphocytes T cytotoxiques.
Notez, dans la partie supérieure gauche de
la microphotographie, le contact étroit entre T
la membrane cellulaire et le lymphocyte T
(T), dont les organites cytoplasmiques sont
rassemblés entre le noyau et le point de
contact avec la cellule infectée. Documents de
V
M.Bui et A.Helenius pour (a) et de N.Rooney
pour (b).

a b
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 31

détecter. La destruction de ces intrus est prise en charge par des lymphocytes T,
responsables des réponses immunitaires cellulaires de l’immunité acquise.
Les interventions des cellules  T cytotoxiques sont les plus directes. Elles recon-
naissent toute cellule infectée par un virus. Des antigènes dérivés du virus en répli-
cation sont exposés à la surface des cellules infectées, où ils sont alors reconnus
par les récepteurs d’antigène des cellules  T cytotoxiques, qui peuvent contrôler
l’infection en tuant la cellule infectée avant que la réplication virale ne soit com-
plète et que de nouveaux virus n’aient été libérés (Fig. 1.27).
À la fin de leur développement dans le thymus, les lymphocytes T sont se répartis-
sent en deux classes principales : l’une porteuse d’une protéine de surface appelée
CD8 et l’autre d’une protéine appelée CD4. Ce ne sont pas de simples marqueurs,
ces protéines jouent un rôle important dans la fonction des cellules T, puisqu’elles
contribuent à déterminer le type d’interaction de la cellule T avec d’autres cellu-
les. Les cellules T cytotoxiques sont porteuses de CD8, tandis que la classe des cel-
lules T qui activent les cellules avec lesquelles elles interagissent, plutôt que de les
tuer, sont porteuses de CD4.
Les cellules  T CD8 sont destinées à devenir cytotoxiques dès le moment où elles
quittent le thymus comme lymphocytes naïfs. Par contre, les cellules T CD4 peu-
vent se différencier en différents types de cellules  T effectrices après leur activa-
tion initiale par l’antigène. Les deux types majeurs de cellules T effectrices CD4 sont
appelées cellules TH1 et TH2 bien que plusieurs autres types, comme nous le ver-
rons au Chapitre 8, aient été décrits. Ces deux types sont tout deux impliqués dans
le combat contre les infections bactériennes, mais de manière tout à fait différen-
tes. Les cellules TH1 exercent deux fonctions. La première est de contrôler certaines
infections bactériennes intracellulaires. Certaines bactéries ne se développent que
dans des vésicules à l’intérieur des macrophages. Des exemples typiques sont ceux
de Mycobacterium tuberculosis et de M. leprae, agents respectifs de la tuberculose
et de la lèpre. Les bactéries phagocytées par les macrophages sont habituellement
détruites dans les lysosomes qui contiennent diverses enzymes et substances anti-
microbiennes. Les bactéries intracellulaires survivent parce que les vésicules qu’el-
les occupent ne fusionnent pas avec les lysosomes (Fig. 1.28). Ces infections peuvent
être contrôlées par les cellules  TH1, qui reconnaissent des antigènes bactériens

Fig. 1.28 Mécanismes de défense contre


Macrophage infecté Macrophage infecté activé les infections par des mycobactéries. Les
mycobactéries sont phagocytées par les
macrophages, mais résistent à la destruction
lysosome mycobactérie en empêchant la fusion des vésicules
intracellulaires qui les contiennent avec les
active lysosomes riches en agents bactéricides.
Elles sont ainsi protégées de la lyse. Dans
les macrophages au repos, elles persistent
et se répliquent alors dans ces vésicules.
TH1
Cependant, quand une cellule TH1 spécifique
reconnaît un macrophage infecté, elle sécrète
des cytokines qui activent le macrophage
et induisent la fusion lysosomiale ainsi
que l’activité bactéricide du macrophage.
L’activation des macrophages dépend des
antigène cellules TH1, à la fois pour éviter des lésions
tissulaires et par économie d’énergie. Les
microphotographies optiques du bas montrent
des macrophages au repos (à gauche)
et après activation (à droite) infectés par
M. tuberculosis. Les cellules sont colorées au
fast-red acide qui révèle les mycobactéries
en rouge foncé. Celles-ci sont nettement
visibles dans les macrophages au repos, mais
sont éliminées des macrophages activés.
Photographies de G.Kaplan.
32 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

exposés à la surface du macrophage. Les cellules  TH1 activent les macrophages


CMH de classe I CMH de classe II infectés, ce qui induit la fusion de leurs lysosomes avec les vésicules contenant les
peptide
bactéries et stimule d’autres mécanismes antibactériens du phagocyte (Fig. 1.28).
Le second rôle des cellules TH1 est de stimuler, en tant que cellules T auxiliaires, la
production d’anticorps en produisant des signaux costimulateurs et en interagissant
avec les lymphocytes B. Nous verrons au Chapitre 9, lorsque nous discuterons en
détail des réponses humorales, que seuls quelques antigènes aux propriétés parti-
culières peuvent activer directement des lymphocytes B naïfs ; habituellement, un
membrane cellulaire
signal costimulateur provenant des cellules T est requis (voir Fig. 1.21).
Alors que les cellules  TH1 jouent un rôle double, les cellules  TH2 sont destinées
entièrement à l’activation des cellules B naïves pour la production d’anticorps. Le
terme de cellule T auxiliaire est parfois utilisé par les chercheurs pour décrire tou-
Fig. 1.29 Les molécules du CMH à la tes les cellules CD4. À l’origine, ce nom fut inventé pour décrire les cellules T qui
surface cellulaire exposent des fragments
« aident » les cellules B à produire des anticorps, avant que l’existence des deux
peptidiques des antigènes. Les molécules
du CMH sont des protéines membranaires sous-types de cellules  T CD4 ne soit reconnue. Lorsque le rôle activateur des
dont les domaines extracellulaires forment macrophages des cellules  T CD4 fut découvert, la désignation «  auxiliaire  » fut
un sillon dans lequel un fragment peptidique étendue à ces cellules (d’où le H dans TH1, H pour Helper). Nous considérons cet
est inséré. Ces fragments dérivent de
protéines dégradées à l’intérieur de la cellule,
usage comme une source de confusion, et dans tout cet ouvrage, nous réserverons
comprenant des antigènes protéiques du soi le terme « cellule T auxiliaire » uniquement à la cellule qui stimule la production
et étrangers. Les peptides sont liés par la d’anticorps par les cellules B, que les cellules activatrices soient TH1 ou TH2.
molécule du CMH nouvellement synthétisée
avant qu’elle n’atteigne la surface cellulaire. On Les lymphocytes T naïfs reconnaissent leurs antigènes correspondants sur des cel-
distingue deux types de molécules du CMH, lules présentatrices d’antigène spécialisées, qui peuvent aussi les activer. Les cellu-
celles du CMH de classe I et celles du CMH de
classe II, dont les structures et fonctions sont
les T effectrices reconnaissent de manière similaire des peptides d’antigènes liés à
apparentées mais distinctes. Non montrées des molécules du CMH mais, dans ce cas, la cellule T est déjà activée et ne requiert
ici pour raison de simplicité, les molécules donc pas de signaux de costimulation.
du CMH de classe I et de classe II sont des
trimères composés de deux chaînes protéiques
et d’un peptide du soi ou du non-soi. 1-20 Les cellules T CD4 et CD8 reconnaissent des peptides liés
à deux classes différentes de molécules du CMH.

Les différents types de cellules T effectrices doivent être dirigés contre les cellu-
les cibles appropriées. La reconnaissance de l’antigène est évidemment cruciale,
mais des interactions supplémentaires entre les molécules CD8 et CD4 sur les cel-
lules T et les molécules du CMH de la cellule cible contribuent à la reconnaissance
correcte de cette cible.
Comme nous l’avons vu dans la Section 1-13, les cellules T détectent des peptides
dérivés des antigènes étrangers. Ceux-ci sont dégradés à l’intérieur de la cellule ;
Fig. 1.30 Les molécules du CMH de classe ensuite, les peptides sont pris en charge par des molécules du CMH et les com-
I présentent des antigènes dérivés de plexes sont finalement exposés à la surface de la cellule (voir Fig. 1.16). Il existe
protéines du cytosol. Dans les cellules
infectées par des virus, les protéines virales deux types principaux de molécules du CMH, dites du CMH de classe I et du CMH
sont synthétisées dans le cytosol. Des de classe II. Elles se distinguent par de petites différences de structure, mais elles
fragments peptidiques de ces protéines ont toutes deux un sillon allongé à la surface extracellulaire de la molécule, dans
virales sont transportés vers le réticulum
lequel un seul peptide est inséré durant la synthèse et l’assemblage de la molécule
endoplasmique (RE) où ils se lient à des
molécules du CMH de classe I. Ensuite, du CMH dans la cellule. La molécule du CMH chargée de son peptide est transpor-
celles-ci les exposent à la surface de la cellule. tée à la surface de la cellule où elle présente le peptide aux cellules T (Fig. 1.29).

Les protéines virales sont Les fragments peptidiques Les peptides liés sont transportés
Le virus infecte la cellule synthétisées dans le cytosol de protéines virales se lient par le CMH de classe I
au CMH de classe I dans le RE à la surface de la cellule
Cytosol
Réticulum
Cytosol endoplasmique

Noyau
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 33

Fig. 1.31 Les molécules du CMH de classe


La bactérie infecte le macrophage, Les fragments bactériens se lient Les peptides liés sont transportés II présentent des antigènes en provenance
entre dans une vésicule et libère aux molécules du CMH de classe II par les molécules du CMH de vésicules intracellulaires. Certaines
des fragments peptidiques dans les vésicules de classe II à la surface de la cellule
bactéries infectent les cellules et s’y multiplient
dans des vésicules. Des peptides dérivés de
telles bactéries se lient aux molécules du CMH
de classe II et sont transportés à la surface de
la cellule (rangée du haut). Les molécules du
CMH de classe II lient et transportent aussi
des peptides dérivés d’antigènes fixés sur la
cellule et internalisés dans des vésicules après
capture par les récepteurs d’antigène des
cellules B (rangée du bas)

Antigène lié par un récepteur Antigène internalisé Les fragments se lient aux molécules
de surface des cellules B et dégradé en fragments du CMH de classe II et sont
peptidiques transportés à la surface de la cellule

anticorps

cellule B

La différence importante entre les deux classes de molécules du CMH ne repose pas La cellule T cytotoxique reconnaît
sur leur structure mais sur l’origine des peptides qu’elles capturent et transportent à le complexe peptide viral-CMH
la surface cellulaire. Les molécules du CMH de classe I collectent des peptides déri- de classe I et tue la cellule infectée
vés de protéines synthétisées dans le cytosol et sont ainsi capables de présenter des
fragments de protéines virales à la surface de la cellule (Fig. 1.30). Les molécules du
CMH de classe II lient des peptides issus de protéines contenues dans les vésicules Tc CD8
intracellulaires et présentent ainsi des peptides dérivés de pathogènes vivant dans
les vésicules macrophagiques ou ingérés par les cellules phagocytaires et les cellu-
les B (Fig. 1.31). Nous verrons au Chapitre 5 comment des peptides provenant de ces CMH de
tue classe I
différentes sources deviennent accessibles aux deux types de molécules du CMH.
Après avoir gagné la surface cellulaire avec leur charge peptidique, les deux classes
de molécules du CMH sont reconnues par différentes classes fonctionnelles de cel-
lules T. En effet, la molécule CD8 se lie préférentiellement aux molécules du CMH de
classe I, tandis que CD4 se lie préférentiellement aux molécules du CMH de classe II. Fig. 1.32 Les cellules T cytotoxiques CD8
Ainsi, les molécules du CMH de classe I présentant des peptides viraux sont recon- reconnaissent les antigènes présentés par
les molécules du CMH de classe I et tuent
nues par des cellules T cytotoxiques, qui tuent les cellules infectées (Fig. 1.32) ; les la cellule. Le complexe peptide-CMH de
molécules du CMH de classe II présentant des peptides dérivés d’antigènes exogè- classe I sur des cellules infectées par un virus
nes et présents dans des vésicules sont reconnues par des cellules T porteuses de est détecté par des cellules T cytotoxiques
spécifiques de l’antigène. Les cellules sont
préprogrammées pour tuer les cellules qu’elles
reconnaissent.
La cellule TH1 reconnaît un complexe La cellule T auxiliaire reconnaît un complexe
peptide bactérien-CMH de classe II peptide antigénique-CMH de classe II
et active le macrophage et active la cellule B
Fig. 1.33 Les cellules CD4 reconnaissent les
antigènes présentés par les molécules du
CMH de classe II. Lors de la reconnaissance
TH 1 CD4 Cellule T CD4 de l’antigène présenté sur des macrophages
auxiliaire infectés, les cellules TH1 activent ces
macrophages, ce qui entraîne la destruction
des bactéries intracellulaires (panneau de
CMH CMH gauche). Lorsqu’elles reconnaissent un
classe II classe II B antigène sur des cellules B, les cellules T
active active auxiliaires TH2 ou TH1 les activent, ce qui
entraîne leur prolifération et leur différenciation
en plasmocytes producteurs d’anticorps
(panneau de droite).
34 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

CD4 (Fig. 1.33). CD4 et CD8 sont donc appelés corécepteurs, puisqu’ils sont impli-
qués obligatoirement dans la signalisation de la cellule T dont le récepteur a lié l’an-
tigène correct. Les interactions utiles sont assurées en plus par le fait que toutes les
cellules expriment des molécules du CMH de classe I, et ainsi toute cellule infectée
par un virus peut être reconnue et tuée par une cellule T cytotoxique CD8, alors que
les seules cellules qui expriment normalement des molécules du CMH de classe II
sont les cellules dendritiques, les macrophages et les cellules B, c’est-à-dire les cel-
lules qui doivent activer ou être activées par les cellules T CD4.
Puisque le récepteur des cellules T est spécifique de la combinaison d’un peptide
et d’une molécule du CMH, tout récepteur d’une cellule T donnée reconnaîtra soit
une molécule du CMH de classe I ou une molécule du CMH de classe II. Pour
être utiles, les lymphocytes T dotés de récepteurs d’antigène qui reconnaissent le
CMH de classe I doivent aussi exprimer les corécepteurs CD8, tandis que les lym-
phocytes T pourvus de récepteurs spécifiques du CMH de classe II doivent expri-
mer CD4. La concordance d’un récepteur de cellule T avec un corécepteur de type
approprié s’établit au cours du développement lymphocytaire, et les cellules T naï-
ves émergent des organes lymphoïdes centraux en portant la combinaison cor-
recte de récepteurs et de corécepteurs. La maturation des cellules T en cellules T
CD8 ou CD4 reflète les résultats du test de spécificité que subit le récepteur de la
cellule T pendant son développement. Comment fonctionne exactement ce pro-
cessus sélectif et comment il optimise l’efficacité du répertoire  T sont des ques-
tions centrales en immunologie et constituent le sujet principal du Chapitre 7.
En reconnaissant leurs cibles, les trois types de cellules T sont stimulés et libèrent
diverses molécules effectrices. Celles-ci peuvent directement affecter leurs cellules
cibles ou contribuer au recrutement d’autres cellules effectrices par des voies dont
nous discuterons au Chapitre 8. Ces molécules effectrices comprennent de nom-
breuses cytokines, qui jouent un rôle crucial dans l’expansion clonale des lympho-
cytes aussi bien que dans les réponses innées et dans les activités effectrices de
la plupart des cellules du système immunitaire. Aussi, connaître l’effet des cyto-
kines est essentiel pour comprendre les divers modes d’intervention du système
immunitaire. Les actions de toutes les cytokines connues sont résumées dans l’Ap-
pendice III, certaines sont introduites au Chapitre 2, les cytokines dérivées des cel-
lules T étant décrites au Chapitre 8.

1-21 Les déficiences du système immunitaire entraînent une sensibilité


accrue aux infections.

On aurait tendance à considérer que notre système immunitaire nous met à l’abri
de toute infection et peut prévenir les récidives. Chez certaines personnes, tou-
tefois, des fonctions du système immunitaire font défaut. Dans les plus graves
de ces immunodéficiences, l’immunité acquise est complètement absente et le
décès survient dans l’enfance à la suite d’une infection fulminante à moins que des
mesures drastiques ne soient prises. D’autres déficits moins sévères conduisent à
des infections récurrentes causées par des pathogènes particuliers et dépendent
d’une déficience particulière. On a beaucoup appris sur les fonctions des différen-
tes composantes du système immunitaire humain par l’étude de ces immunodéfi-
ciences, dont beaucoup sont d’origine génétique.
Il y a plus de 25 ans, une forme dévastatrice d’immunodéficience est apparue, le
syndrome de l’immunodéficience acquise ou SIDA, dont l’agent causal est le
virus de l’immunodéficience humaine acquise (VIH) dont il existe deux types,
le VIH-1 et le VIH-2. Cette maladie détruit les cellules T, les cellules dendritiques
et les macrophages porteurs de CD4, entraînant des infections par des bactéries
intracellulaires et par d’autres pathogènes normalement contrôlés par ces cellu-
les. Ces infections sont la principale cause de décès liée à cette immunodéficience,
dont la prévalence augmente. Nous en discuterons en détail au Chapitre 12 avec
les immunodéficiences héréditaires.
Les mécanismes effecteurs de l’immunité adaptative 35

1-22 La compréhension des réponses immunitaires adaptatives


est importante pour le contrôle des allergies, des maladies
auto-immunes et des rejets de greffe.

La fonction principale de notre système immunitaire est de protéger l’hôte humain


contre les agents infectieux. Cependant, de nombreuses maladies importantes sur
le plan médical sont associées à une réponse immunitaire normale dirigée contre
un antigène inapproprié en l’absence de maladie infectieuse. Les réponses immu-
nitaires dirigées contre des antigènes non infectieux surviennent lors des allergies,
où l’antigène est une substance étrangère inoffensive, lors des maladies auto-
immunes, où la réponse est dirigée contre un antigène du soi, et lors des rejets
de greffe, où l’antigène provient des cellules étrangères transplantées. Les antigè-
nes principaux provoquant le rejet de greffe sont, en fait, les molécules du CMH,
car chacune d’entre elles est présente sous de nombreuses versions différentes
dans la population humaine, en d’autres termes, elles sont hautement polymor-
phes, et la plupart des gens non apparentés diffèrent par l’ensemble des molécules
du CMH qu’ils expriment. Le CMH fut d’abord identifié chez la souris comme un
locus génétique, le locus H2, qui contrôle l’acceptation ou le rejet de tissus trans-
plantés, tandis que les molécules du CMH humain furent découvertes après des
essais de greffes cutanées prélevées chez des donneurs dans l’espoir de soigner les
graves brûlures des pilotes et des victimes de bombardement durant la Seconde
Guerre mondiale. Les patients rejetaient les greffes, que le système immunitaire
reconnaissaient comme « étrangères ». Ce que nous considérons comme une réac-
tion immunitaire efficace ou inefficace, et comme une réponse délétère ou bénéfi-
que pour l’hôte, ne dépend pas de la réponse elle-même mais bien de la nature de
l’antigène et des circonstances dans lesquelles la réponse survient (Fig. 1.34).
Les maladies allergiques, comme l’asthme, sont de plus en plus répandues dans
les pays développés, et de nombreuses autres maladies importantes sont désor-
mais reconnues comme auto-immunes. Une réponse auto-immune dirigée contre
les cellules β du pancréas représente la cause principale du diabète infantile. Dans
les allergies et les pathologies auto-immunes, les puissants mécanismes protec-
teurs de la réponse immunitaire adaptative causent de graves lésions au patient.
Les réponses immunitaires contre des antigènes inoffensifs, contre des tissus auto-
logues ou des greffes, sont, comme toutes les autres réponses immunes, haute-
ment spécifiques. À ce jour, la manière usuelle de traiter ces réponses est l’usage
de médicaments immunosuppresseurs, qui inhibent toutes les réponses immunes
qu’elles soient bénéfiques ou non. S’il était possible de supprimer uniquement les
clones de lymphocytes responsables de la réponse non désirée, la maladie pour-
rait être traitée ou l’organe greffé être protégé sans que les réponses immunes pro-
tectrices ne soient entravées. On peut espérer que ce rêve d’immunorégulation

Fig. 1.34 Les réponses immunitaires


Effet de la réponse à l’antigène peuvent être bénéfiques ou délétères
Antigène selon la nature de l’antigène. Les réponses
bénéfiques sont montrées dans les rectangles
Réponse normale Réponse déficiente blancs ; les réponses délétères dans les
rectangles colorés en rouge. Là où la réponse
est bénéfique, son absence est nocive.
Agent infectieux Immunité protectrice Infection récurrente

Substance inoffensive Allergie Pas de réponse

Organe greffé Rejet Greffe acceptée

Organe du soi Auto-immunité Tolérance du soi

Tumeur Immunité antitumorale Cancer


36 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

spécifique, capable de contrôler les réponses immunitaires indésirables devien-


dra réalité. En effet, la suppression d’une réponse spécifique a pu être induite
expérimentalement, même si les bases moléculaires de cette suppression demeu-
rent imparfaitement connues. Nous discuterons l’état actuel des connaissances
en matière d’allergie, de maladies auto-immunes, de rejet de greffe et des médi-
caments immunosuppresseurs dans les Chapitres 13-15 et nous verrons dans le
Chapitre 14 comment les mécanismes de l’immunorégulation émergent progres-
sivement d’une meilleure compréhension des différentes sous-populations fonc-
tionnelles de lymphocytes et des cytokines qui les contrôlent.

1-23 La vaccination est le moyen le plus efficace de contrôler les maladies


infectieuses.

Alors que la suppression spécifique des réponses immunitaires reste tributaire des
avancées de la recherche fondamentale sur la régulation immunitaire et ses appli-
cations, la stimulation volontaire de la réponse par immunisation, ou vaccination,
a permis de nombreux succès au cours des deux siècles écoulés depuis l’expé-
rience pionnière de Jenner.
Les programmes de vaccination de masse ont conduit à l’éradication actuelle de
plusieurs maladies à forte morbidité (maladie) et mortalité (Fig. 1.35). On consi-
dère l’immunisation tellement sûre et efficace que la plupart des états aux USA exi-
gent que les enfants soient vaccinés contre sept maladies infantiles fréquentes.

Fig. 1.35 Campagnes vaccinales réussies.


La diphtérie, la poliomyélite, la rougeole et
leurs séquelles ont été virtuellement éliminées Diphtérie
aux USA comme ces trois graphiques le Nombre de cas 100
montrent. La panencéphalite subaiguë rapportés vaccin
sclérosante (PESS) est une affection cérébrale pour 100 000
qui survient chez quelques patients comme habitants 10
séquelle tardive de la rougeole. Après la
prévention efficace de la rougeole, les cas
de PESS ont disparu 15 à 20 ans plus tard. 1.0
Cependant, ces maladies n’ont pas été
éradiquées partout dans le monde. Aussi, afin
de prévenir leur réapparition, il faut continuer à 0.1
vacciner une large proportion de la population.
1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

Poliomyélite
Nombre de cas 40
rapportés vaccin
pour 100 000 inactivé
30
habitants
20
vaccin
10 oral

0
1940 1950 1960 1970 1980 1990

Rougeole
Nombre de cas 600 60 Nombre
vaccin
rapportés 500 50 de cas
pour 100 000 de PESS
habitants 400 40 aux USA
300 30
200 rougeole PESS 20
100 10
0 0
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990
Résumé du Chapitre 1 37

Aussi impressionnants que soient ces résultats, nous manquons encore de vaccins
efficaces contre de nombreux pathogènes. Et même dans le cas où des vaccins sont
appliqués avec efficacité contre des maladies comme la rougeole ou la poliomyé-
lite dans les régions développées, des difficultés techniques et économiques empê-
chent leur usage courant dans les pays en voie de développement, où la mortalité
liée à ces maladies reste élevée. Les outils de l’immunologie moderne et de la bio-
logie moléculaire permettent actuellement de développer de nouveaux vaccins et
d’améliorer les plus anciens. Nous discuterons de ces avancées dans le Chapitre 15.
La perspective de pouvoir contrôler ces maladies graves stimule la communauté
scientifique. Pouvoir garantir un bon état de santé est une étape critique dans le
contrôle des populations et le développement économique. Pour un faible coût
individuel, de nombreuses détresses et souffrances peuvent être soulagées.
De nombreux pathogènes ont résisté aux vaccins que l’on cherche à développer
contre eux, souvent parce qu’ils peuvent échapper aux mécanismes protecteurs de
la réponse immunitaire adaptative, qu’ils peuvent également affaiblir. Nous exami-
nons, au Chapitre 12, les stratégies d’échappement que certains pathogènes utili-
sent avec succès. Pour vaincre les maladies principales à l’échelle mondiale, entre
autres le paludisme et les maladies diarrhéiques (principales affections létales chez
les enfants) ainsi que le SIDA de menace plus récente, il faudra mieux connaître les
pathogènes en cause et leurs interactions avec les cellules du système immunitaire.

Résumé.

Les lymphocytes disposent de deux systèmes distincts et spécialisés pour la détec-


tion et la reconnaissance de pathogènes extra- et intracellulaires. Les cellules  B
possèdent des immunoglobulines de membrane qui servent de récepteurs à l’anti-
gène. Après activation, la cellule B sécrète l’immunoglobuline sous sa forme anti-
corps soluble, qui assure la défense de l’hôte contre les pathogènes présents dans
les milieux extracellulaires de l’organisme. Les cellules T possèdent des récepteurs
capables de reconnaître des fragments peptidiques de pathogènes intracellulaires
et transportés à la surface cellulaire par les glycoprotéines du CMH. Deux classes de
molécules du CMH transportent les peptides à partir de différents compartiments
intracellulaires pour les présenter aux divers types de cellules T effectrices : les cel-
lules T cytotoxiques CD8 qui tuent les cellules cibles infectées et les cellules T CD4
qui surtout activent les macrophages et les cellules B. Ainsi, les cellules T ont une
importance cruciale à la fois dans les réponses humorale et cellulaire de l’immunité
adaptative. Le système immunitaire adaptatif, qui assure une reconnaissance anti-
génique spécifique par des récepteurs très diversifiés, semble avoir été greffée au
système immunitaire inné, qui joue un rôle central dans les activités effectrices des
lymphocytes T et B. Les immunodéficiences et les problèmes causés par les patho-
gènes qui réussissent à échapper ou à saper les réponses immunitaires adaptatives
illustrent l’importance de l’immunité adaptative dans la lutte contre les infections.
La suppression spécifique de certaines réponses immunitaires adaptatives est le
but du traitement de maladies humaines importantes causées par une activation
inappropriée des lymphocytes, tandis que la stimulation spécifique d’une réponse
immunitaire adaptative est la base d’une vaccination efficace.

Résumé du Chapitre 1.

Le système immunitaire protège l’hôte contre les infections. L’immunité innée


constitue la première ligne de défense, mais elle n’a pas la capacité de reconnaître
certains pathogènes et d’installer un état immunitaire spécifique qui préviendrait
les récidives. L’immunité adaptative est basée sur la sélection clonale à partir d’un
répertoire de lymphocytes dotés de récepteurs antigéniques spécifiques, très diver-
sifiés, qui permettent au système immunitaire de reconnaître tout antigène étranger.
Dans la réponse immunitaire adaptative, les lymphocytes spécifiques d’un antigène
38 Chapitre 1 : Les concepts de base en immunologie

prolifèrent et se différencient en clones de lymphocytes effecteurs qui éliminent le


pathogène. La défense de l’hôte nécessite plusieurs systèmes de reconnaissance et
divers mécanismes effecteurs afin de détecter et de détruire les multiples pathogè-
nes dans diverses localisations du corps, à ses surfaces externes ou internes. Cette
réponse immunitaire adaptative peut non seulement éliminer un pathogène, mais
peut, en même temps, générer, par sélection clonale, un nombre croissant de lym-
phocytes mémoire différenciés. Ceci permet une réponse plus rapide et efficace lors
d’une réinfection. La régulation des réponses immunitaires, que ce soit pour les sup-
primer si elles sont intempestives ou pour les stimuler s’il faut prévenir des maladies
infectieuses, est l’objectif médical primordial de la recherche immunologique.

Journal of Experimental Medicine


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Autoimmunity 1-6 Traités fondamentaux d’immunologie, compendiums, etc.


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Journal of Autoimmunity
39

L’immunité innée
2
Dans ce livre, nous étudierons les divers mécanismes par lesquels la réponse
immune acquise agit pour protéger l’hôte contre les différents agents patho-
gènes infectieux. Cependant, dans le présent chapitre, c’est le rôle des défenses
naturelles non adaptatives constituant les premières barrières contre la maladie
infectieuse que nous allons examiner. Les micro-organismes qui sont rencontrés
chaque jour dans la vie d’un individu sain n’engendrent que de manière occasion-
nelle des maladies. La plupart sont détectés et détruits en quelques minutes ou
quelques heures par les mécanismes de défense qui ne requièrent pas une longue
période d’induction car ils ne dépendent pas de l’expansion clonale des lympho-
cytes spécifiques d’antigènes (voir la Section 1-9) : ce sont les mécanismes de l’im-
munité naturelle.
Fig. 2.1 La réponse à une première infection
La Fig. 2.1 résume la cinétique et les différentes phases de l’interaction du patho- se produit en trois phases. On distingue
gène avec l’hôte susceptible d’être infecté. Certains mécanismes de la réponse la phase innée, la réponse innée, induite
et précoce ainsi que la réponse immune
innée entrent en jeu immédiatement lors de la rencontre avec les agents infec- adaptative. Les deux premières phases
tieux. D’autres sont activés et amplifiés en présence d’une infection et reviennent sont basées sur la reconnaissance des
alors aux niveaux de base après la fin de l’infection. Les mécanismes de l’immu- pathogènes par des récepteurs codés par la
nité innée ne génèrent pas une mémoire immunologique protectrice à long terme. lignée germinale du système immunitaire inné,
tandis que l’immunité adaptative utilise des
C’est seulement si un organisme infectieux perce ces premières lignes de défense récepteurs variables spécifiques de l’antigène
que la réponse immune adaptative se développe avec la production de cellu- et produits après des réarrangements de
les effectrices, qui attaquent le pathogène de manière spécifique, et des cellules segments géniques. L’immunité adaptative
mémoire, qui préviendront la réinfection par ce même micro-organisme. Le pou- intervient tardivement, car les rares cellules B
et T spécifiques du pathogène doivent passer
voir des réponses immunes adaptatives est dû à leur spécificité antigénique, que par une expansion clonale avant de se
nous étudierons dans les chapitres suivants. Cependant, pour éliminer les patho- différencier en cellules effectrices pouvant
gènes, ces réponses spécifiques dépendent de plusieurs des mécanismes effec- éliminer l’infection. Les mécanismes effecteurs
qui éliminent l’agent infectieux sont semblables
teurs du système de l’immunité innée décrits dans ce chapitre.
ou identiques à chaque phase.

Reconnaissance par des


Immunité innée effecteurs préformés Élimination de
Infection
(immédiate : 0-4 heures) non spécifiques l’agent infectieux
ou de large spécificité

Réponse innée, Reconnaissance de Inflammation


Élimination de
induite et précoce Infection motifs moléculaires recrutement et activation
l’agent infectieux
(précoce : 4 – 96 heures) associés aux microbes de cellules effectrices

Réponse immune Transport de Reconnaissance Expansion clonale


Élimination de
adaptative Infection l’antigène vers par des cellules et différenciation des
l’agent infectieux
(tardive : >96 heures) les organes lymphoïdes B et T naïves cellules effectrices
40 Chapitre 2 : L’immunité innée

Alors que le système immun adaptatif utilise un large répertoire de récepteurs


codés par des gènes qui se réarrangent afin de reconnaître une très grande variété
d’antigènes (voir la Section 1-12), l’immunité innée dépend de récepteurs codés
par la lignée germinale qui reconnaissent des caractéristiques communes à de
nombreux pathogènes. En fait, comme nous le verrons, les mécanismes de l’im-
munité innée distinguent très efficacement la surface des cellules de l’hôte de celle
des pathogènes, et cette capacité de discrimination entre soi et non soi, comme
celle de reconnaître les différentes classes de pathogènes, contribue à l’induction
d’une réponse immune adaptative appropriée.
Dans la première partie de ce chapitre, nous considérons les défenses permanen-
tes de l’organisme : les épithéliums qui tapissent les surfaces internes et externes
de l’organisme, et les phagocytes qui se trouvent sous toutes les surfaces épithélia-
les et qui captent et digèrent les micro-organismes envahisseurs. En même temps
qu’ils tuent les micro-organismes, ces phagocytes induisent la phase suivante de la
réponse immune innée, déclenchant une réaction inflammatoire qui recrute, dans
le foyer infectieux, de nouvelles cellules phagocytaires et des molécules effectrices
circulantes. Deuxièmement, nous allons examiner de plus près l’ancien système
des récepteurs de reconnaissance de motifs utilisés par les cellules phagocytai-
res de l’immunité innée pour identifier les agents pathogènes et les distinguer des
autoantigènes. Nous allons voir comment la stimulation de certains de ces récep-
teurs sur les macrophages et les cellules dendritiques permet non seulement la
destruction immédiate des agents pathogènes mais aussi rend ces cellules capa-
bles de présenter efficacement un antigène aux lymphocytes T, ce qui déclenche les
réponses immunitaires adaptatives. La troisième partie du chapitre est consacrée
à un système de protéines plasmatiques appelé système du complément. Cet élé-
ment important de ce qu’on appelle l’immunité innée humorale interagit avec les
micro-organismes pour promouvoir leur élimination par les cellules phagocytai-
res. Dans la dernière partie du chapitre, nous allons décrire comment les cytokines
et les chimiokines produites par des phagocytes activés et des cellules dendriti-
ques induisent les phases ultérieures de la réponse immunitaire innée, comme la
réponse dite de phase aiguë. Nous allons également rencontrer une autre cellule
de l’immunité innée, la cellule tueuse naturelle ou cellule NK (Natural Killer), qui
contribue aux défenses innées contre les virus et d’autres agents pathogènes intra-
cellulaires. Au cours de cette phase, les premières étapes vers le déclenchement
d’une réponse immunitaire adaptative ont lieu, de sorte que si l’infection n’est pas
surmontée par la réponse innée, une réponse immunitaire complète s’ensuivra.

La ligne de front des défenses de l’hôte


Les micro-organismes qui sont à l’origine de pathologies humaines et anima-
les entrent dans l’organisme par différents sites et produisent les symptômes de la
maladie par des mécanismes très variés. Les nombreux agents infectieux respon-
sables de pathologies diverses sont appelés micro-organismes pathogènes ou,
plus brièvement, pathogènes. Les invasions par les micro-organismes sont initia-
lement contrées chez tous les vertébrés par des mécanismes de défense naturelle
qui préexistent chez tous les individus et qui agissent dès les premières minutes
après l’infection. Ce n’est que lorsque les défenses innées sont contournées, évi-
tées ou dépassées qu’une réponse immune induite ou adaptative est requise. Bien
que l’immunité innée soit de toute évidence suffisante pour empêcher l’organisme
d’être régulièrement débordé par les nombreux micro-organismes qu’il abrite, des
agents pathogènes, presque par définition, sont des microorganismes que l’évolu-
tion a pourvus de moyens de surmonter les défenses innées de manière plus efficace
que d’autres micro-organismes. Une fois qu’ils ont pénétré dans l’organisme, il faut
les efforts concertés des réponses immunes innée et adaptative pour les éliminer.
Même dans ces cas, le système immunitaire inné exerce généralement une fonc-
tion de retardement, maintenant le nombre de pathogènes sous contrôle pendant
La ligne de front des défenses de l’hôte 41

que le système immunitaire adaptatif se prépare à l’action. Dans la première partie


de ce chapitre, nous décrirons brièvement les différents types de pathogènes et leurs
stratégies infectieuses avant d’examiner les défenses naturelles de l’hôte qui, dans la
plupart des cas, empêchent l’infection de s’installer. Nous examinerons les fonctions
de défense des surfaces épithéliales de l’organisme, le rôle des peptides et protéines
antimicrobiennes et la défense par les cellules phagocytaires, les macrophages et les
neutrophiles, qui captent et ingèrent les micro-organismes envahisseurs.

2-1 Les maladies infectieuses sont dues à différents agents vivants


qui se répliquent dans leur hôte.

Les agents responsables des maladies sont répartis en cinq groupes : les virus, les
bactéries, les champignons, les protozoaires et les helminthes (vers). Les protozoai-
res et les vers sont généralement regroupés sous le terme de parasites et sont étu-
diés en parasitologie alors que les virus, les bactéries et les champignons sont les
sujets d’étude de la microbiologie. La Fig. 2.2 présente une liste des classes de micro-
organismes et de parasites responsables des maladies avec des exemples classiques
pour chacun. Chaque pathogène se distingue par son mode de transmission, son
mécanisme de réplication, son mécanisme de pathogénie, c’est-à-dire comment il
cause la maladie, et la réponse qu’il suscite dans l’organisme. Les différents habi-
tats et cycles vitaux des pathogènes signifient qu’une série variée de mécanismes
immunitaires innés et adaptatifs doivent être déployés en vue de leur destruction.
Les agents infectieux peuvent se développer dans différents compartiments de
l’organisme, comme la Fig. 2.3 le montre schématiquement. Nous avons déjà vu
que l’organisme peut être divisé en deux compartiments : l’intra- et l’extracellu-
laire. Les systèmes immunitaires inné et adaptatif disposent de différents moyens
pour faire face aux pathogènes occupant ces deux compartiments. De nombreu-
ses bactéries vivent et se répliquent dans les espaces extracellulaires, soit à l’in-
térieur de l’organisme soit à la surface des épithéliums qui bordent les cavités de
l’organisme. Les bactéries extracellulaires sont généralement sensibles à la des-
truction par les phagocytes, une arme importante du système immunitaire inné,
mais certaines pathogènes, comme les staphylocoques et les streptocoques, sont
protégés de l’ingestion par une capsule polysaccharidique. Ce qui peut être sur-
monté dans une certaine mesure avec l’aide d’un autre composant de l’immunité
innée, le complément, qui rend les bactéries plus sensibles à la phagocytose. Dans
la réponse immunitaire adaptative, les bactéries sont rendues plus sensibles à la
phagocytose par une combinaison d’anticorps et de complément.
Les pathogènes intracellulaires obligés, comme les virus, doivent envahir les cellu-
les pour se répliquer, tandis que les pathogènes intracellulaires facultatifs, comme
les mycobactéries peuvent se répliquer à l’intérieur ou à l’extérieur des cellules.
Les pathogènes intracellulaires doivent donc être bloqués lors de leur entrée dans
la cellule ou être détectés et éliminés après leur entrée. Les pathogènes de ce type
peuvent être répartis selon qu’ils se répliquent librement dans la cellule, comme
les virus et certaines bactéries (par exemple, Chlamydia, Rickettsia ou Listeria), ou
dans des vésicules cellulaires, comme le font les mycobactéries. Les agents infec-
tieux intracellulaires causent fréquemment une maladie en tuant ou en altérant
des fonctions de la cellule qu’ils occupent. Le système immunitaire inné dispose
de deux moyens généraux de défense contre ce type de pathogène. Les phagocy-
tes peuvent capter le pathogène avant qu’il n’entre dans les cellules, tandis que les
cellules NK peuvent reconnaître directement et tuer les cellules infectées par cer-
tains pathogènes intracellulaires. Les cellules NK sont efficaces dans le contrôle de
certaines infections virales jusqu’à ce que des cellules T cytotoxiques du système
immunitaire adaptatif prennent le relais et, à leur tour, se mettent à tuer les cellu-
les infectées par le virus. Les pathogènes qui vivent dans les vésicules des macro-
phages peuvent être fragilisés lorsque la cellule colonisée est activée sous l’effet de
médiateurs libérés par les cellules NK ou les cellules T (voir Fig. 2.3).
42 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.2 Une grande variété de micro-


organismes peut déclencher des Quelques pathogènes fréquents chez l’homme
maladies. Les organismes pathogènes sont
de cinq types : les virus, les bactéries, les Adénovirus Adénovirus humains (types 3, 4 et 7)
champignons, les protozoaires et les vers.
Certains pathogènes bien connus dans Virus herpès Herpès simplex, virus Epstein-Bar, virus de la varicelle
chaque groupe sont repris dans la colonne de et du zona, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus, HHV8
droite. Variole, vaccine
Poxvirus
Virus à ADN
Parvovirus Parvovirus humain

Papovavirus Virus du papillome

Hépadnavirus Virus de l’hépatite B


Orthomyxovirus Virus de l’influenza
Paramyxovirus Oreillons, rougeole, virus syncitial respiratoire
Virus
Coronavirus Virus du rhume, SRAS

Picornavirus Polio, coxsackie, hépatite A, rhinovirus

Réovirus Rotavirus, réovirus


Virus à ARN
Togavirus Rubéole, encéphalite transmise par les arthropodes
Virus transmis par les arthropodes
Flavivirus (fièvre jaune, dengue)
Arénavirus Chorioméningite lymphocytaire, fièvre de Lassa

Rhabdovirus Rage

Rétrovirus Virus de la leucémie humaine à cellules T, VIH

Staphylocoques Staphylococcus aureus


Coques Gram+
Streptocoques Streptococcus pneumoniae, S. pyogenes

Coques Gram– Neissérias Neisseria gonorrhoeae, N. meningitidis


Corynebacterium diptheriae, Bacillus anthracis,
Bacilles Gram+
Listeria monocytogenes
Salmonella typhi, Shigella flexneri, Campylobacter
Bacilles Gram– jejuni, Vibrio cholerae, Yersinia pestis, Pseudomonas
aeruginosa, Brucella melitensis, Haemophilus
Bactéries influenzae, Legionella pneumophilus, Bordetella
pertussis
Firmicutes Clostridies Clostridium tetani, C. botulinum, C. perfringens
Treponema pallidum, Borrelia burgdorferi,
Spirochaetes Spirochètes
Leptospira interrogans
Actinobactéries Mycobactéries Mycobacterium tuberculosis, M. leprae, M. avium

Protobactéries Rickettsies Rickettsia prowazekii

Chlamydia Chlamydies Chlamydia trachomatis

Mollicutes Mycoplasmes Mycoplasma pneumoniae

Candida albicans, Cryptococcus neoformans,


Champignons Ascomycètes Aspergillus fumigatus, Histoplasma capsulatum,
Coccidioides immitis, Pneumocytis carinii
Entamoeba histolytica, Giardia intestinalis,
Protozoaires Leishmania donovani, Plasmodium falciparum,
Trypanosoma brucei, Toxoplasma gondii,
Cryptosporidium parvum
Trichuris trichura,Trichinella spiralis, Enterobius
Intestin vermicularis, Ascaris lumbricoides, Ancylostoma
duodenale, Strongyloides stercoralis
Nématodes
Vers Onchocerca volvulus, Loa loa,
Tissus
Dracuncula medinensis
Douves Sang, foie Schistosoma mansoni, Clonorchis sinensis
La ligne de front des défenses de l’hôte 43

Fig. 2.3 Les pathogènes sont retrouvés


Extracellulaire Intracellulaire dans divers compartiments de l’organisme
où ils sont combattus par les différents
Espaces interstitiels, Surfaces mécanismes de défense de l’hôte.
Cytoplasmique Vésiculaire Virtuellement, tous les pathogènes ont une
sang, lymphe épithéliales
phase extracellulaire pendant laquelle ils
sont vulnérables aux mécanismes effecteurs
Site dépendant des anticorps. Cependant, durant
d’infection les phases intracellulaires, le germe n’est pas
accessible aux anticorps ; il est attaqué par les
cellules T.

Virus Neisseria Virus Mycobacterium spp.


Bactéries gonorrhoeae Chlamydia spp. Salmonella
Protozoaires Mycoplasmes ssp. Rickettsia spp. typhimurium
Champignons Streptococcus Listeria Yersinia pestis
Vers pneumoniae monocytogenes Listeria spp.
Organismes Vibrio cholerae Protozoaires Legionella
Escherichia coli pneumophila
Helicobacter pylori Cryptococcus
Candida albicans neofomans
Vers Leishmania spp.
Trypanosoma spp.
Histoplasma
Activation des
Complément Peptides Cellules NK macrophages
Immunité Phagocytose antimicrobiens Cellules T dépendant des
protectrice Anticorps Anticorps, cytotoxiques cellules T et
surtout IgA
des cellules NK

Une fois que les pathogènes ont débordé les défenses de l’immunité innée, ils pous-
sent et se répliquent dans l’organisme, causant des maladies nettement différen-
tes, ce qui reflète les différents processus par lesquels ils endommagent les tissus
(Fig. 2.4). De nombreux pathogènes bactériens extracellulaires dangereux provo-
quent des maladies en libérant des toxines protéiques, contre lesquelles le système
immunitaire inné est assez dépourvu. Les anticorps hautement spécifiques produits
par le système immunitaire adaptatif sont nécessaires pour neutraliser l’activité de
ces toxines (voir Fig. 1.26). Le dommage causé par un agent infectieux particulier
dépend aussi du site dans lequel il prolifère ; par exemple, Streptococcus pneumo-
niae, dans le poumon, cause une pneumonie, alors que, dans le sang, il déclenche
une maladie systémique et rapidement fatale, la sepsie pneumococcique.
Comme nous le verrons dans les prochaines sections, pour envahir l’organisme,
un pathogène doit se fixer à un épithélium ou le traverser. Les pathogènes intes-
tinaux, comme Salmonella typhi, l’agent de la fièvre typhoïde, ou Vibrio cho-
lerae, responsable du choléra, se répandent respectivement par la nourriture et
l’eau contaminées par des matières fécales. Les réponses immunitaires adaptati-
ves contre ce type de pathogène se développent, une fois que la barrière épithé-
liale a été franchie, dans le système immunitaire muqueux spécialisé décrit au
Chapitre 11. La première ligne de défense contre les micro-organismes qui enva-
hissent l’organisme en passant par l’intestin consiste en un épithélium intestinal
sain et une flore intestinale capable d’entrer en compétition avec les pathogènes
pour les nutriments et les sites d’adhérence épithéliale.
La plupart des micro-organismes pathogènes ont acquis, au cours de l’évolution,
la capacité de déborder les réponses immunitaires innées, de continuer à se mul-
tiplier et, ainsi, de nous rendre malades. Une réponse immunitaire adaptative est
requise pour les éliminer et pour prévenir une réinfection subséquente. D’autres
pathogènes létaux ne sont jamais éliminés complètement par le système immuni-
taire, et persistent dans le corps pendant des années. Mais, la plupart des pathogè-
nes ne sont pas tous létaux. Ceux qui ont vécu pendant des milliers d’années dans
la population humaine ont évolué pour exploiter leurs hôtes humains ; ils ne peu-
vent plus modifier leur caractère pathogène sans risquer de compromettre l’équili-
bre qu’ils ont établi avec le système immunitaire humain. Pour survivre longtemps,
44 Chapitre 2 : L’immunité innée

Mécanismes directs de lésion tissulaire par des pathogènes Mécanismes indirects de lésion tissulaire par des pathogènes

Production Effet cytopathique Complexes Autoanticorps Immunité cellulaire


Endotoxine
d’exotoxine direct immuns

Mécanisme
pathogène

Streptococcus Escherichia coli Variole Virus de l’hépatite B Streptococcus Mycobacterium


pyogenes Haemophilus Varicelle et zona Paludisme pyogenes tuberculosis
Staphylococcus influenzae Virus de l’hépatite B Streptococcus Mycoplasma Mycobacterium
aureus Salmonella typhi Virus de la polio pyogenes pneumoniae leprae
Agent Corynebacterium Shigella Virus de la rougeole Treponema Virus de la
infectieux diphtheriae Pseudomonas Virus de la grippe pallidum chorioméningite
Clostridium tetani aeruginosa Virus Herpès simplex Principalement lymphocytaire
Vibrio cholerae Yersina pestis Virus herpès humain des infections Borrelia burgdorferi
8 (HHV8) aiguës Schistosoma mansoni
Virus Herpès simplex

Amygdalite, Sepsie à bactéries Variole Varicelle, zona Maladie rénale Rhumatisme Tuberculose
scarlatine Gram–négatives Hépatite Dépôts vasculaires articulaire aigu Lèpre tuberculoïde
Furoncles, syndrome Méningite, Poliomyélite Glomérulonéphrite Anémie hémolytique Méningite aseptique
de choc toxique, pneumonie Rougeole, Lésions rénales dans Arthrite de Lyme
Maladie intoxication Fièvre typhoïde panencéphalite la syphilis secondaire Schistosomiase
alimentaire Dysenterie bacillaire sclérosante aiguë Dépôts rénaux Kératite stromale
Diphtérie Infection des plaies Grippe transitoires herpétique
Tétanos Peste Boutons
Choléra de fièvre
Sarcome de Kaposi

Fig. 2.4 Les pathogènes peuvent un pathogène qui tue rapidement son hôte n’est pas plus performant qu’un patho-
endommager les tissus de différentes
gène qui est éliminé par le système immunitaire avant d’avoir eu le temps d’infecter
manières. La figure reprend les mécanismes
pathogènes, les agents infectieux un autre individu. En bref, nous nous sommes adaptés à vivre avec nos ennemis, et
caractéristiques et les noms communs eux avec nous. Néanmoins, l’alerte récente déclenchée par des souches hautement
des maladies associés à chacun de ces pathogènes de la grippe aviaire et l’épisode, en 2002-2003, du syndrome respira-
pathogènes. Les exotoxines sont libérées par
les micro-organismes et agissent à la surface
toire aigu sévère (SRAS) nous rappellent que de nouvelles infections mortelles peu-
des cellules de l’hôte, en se fixant par exemple vent passer des animaux à l’homme. Le SRAS, responsable de pneumonie humaine
à des récepteurs. Les endotoxines, qui sont grave, est causé par un coronavirus des chauve-souris. Ces infections d’origine ani-
des composés intrinsèques de la structure male sont appelées zoonoses. Nous devons rester vigilants à tout moment afin de
microbienne, déclenchent la libération par
les phagocytes de cytokines qui produisent
faire face à l’émergence de nouveaux pathogènes et de nouvelles menaces pour
des symptômes locaux et systémiques. De la santé. Le virus de l’immunodéficience humaine qui cause le SIDA (décrit au
nombreux pathogènes sont cytopathiques, Chapitre 12) nous rappelle que nous restons constamment vulnérables.
endommageant directement les cellules
qu’ils infectent. Enfin, la réponse immunitaire
adaptative contre un pathogène peut induire
des complexes antigène:anticorps qui activent
2-2 Les agents infectieux doivent déborder les défenses naturelles
les macrophages et les neutrophiles, des de l’hôte pour établir un foyer infectieux.
anticorps qui peuvent réagir de manière
croisée avec les tissus de l’hôte ou des
Nos organismes sont constamment exposés aux micro-organismes présents dans
cellules T qui tuent les cellules infectées
Tous ces mécanismes sont susceptibles l’environnement, y compris les agents infectieux disséminés par les individus
d’endommager les tissus de l’hôte. De plus, les infectés. Le contact avec ces micro-organismes peut se produire au niveau des sur-
neutrophiles, les cellules les plus nombreuses faces épithéliales externes et internes. La muqueuse de l’arbre respiratoire fournit
au début de l’infection, libèrent de nombreuses
protéines et de petites molécules inflammatoires
une porte d’entrée pour les micro-organismes aériens ; la muqueuse gastro-in-
qui contrôlent l’infection et provoquent des testinale pour les micro-organismes présents dans les aliments et l’eau. Les piqû-
lésions tissulaires (voir Fig. 2.9). res d’insectes et les blessures permettent aux micro-organismes de pénétrer dans
la peau ; les contacts directs entre individus permettent les infections cutanées,
intestinales et génitales (Fig. 2.5).
En dépit de cette exposition, la maladie infectieuse reste heureusement rare.
Les surfaces épithéliales du corps servent de barrière efficace contre la plu-
part des micro-organismes, et sont rapidement réparées lorsqu’elles sont lésées.
La ligne de front des défenses de l’hôte 45

Fig. 2.5 Les agents pathogènes infectent


Voies d’infection pour les pathogènes l’organisme par des voies très variées.

Porte d’entrée Mode de transmission Pathogène Maladie

Muqueuses

Gouttelettes inhalées Virus influenza Grippe

Voie aérienne Neisseria meningitidis Méningite méningococcique


Spores
Bacillus anthracis Anthrax par inhalation

Salmonella typhi Fièvre typhoïde


Tractus gastro-intestinal Eau et aliments
contaminés
Rotavirus Diarrhée

Treponema pallidum Syphilis


Tractus génital Contact physique
VIH SIDA

Épithéliums externes

Surface externe Contact physique Trichophyton Pied d’athlète

Petites abrasions de la peau Bacillus anthracis Anthrax cutané

Blessures et abrasions Piqûres Clostridium tetani Tétanos

Manipulation d’animaux infectés Francisella tularensis Tularémie

Piqûres de moustiques
(Aedes aegypti) Flavivirus Fièvre jaune
Piqûres d’insecte
Piqûres de tiques des cervidés Borrelia burgdorferi Maladie de Lyme

Piqûres de moustiques Plasmodium spp Paludisme


(Anopheles)

De plus, la plupart des germes qui réussissent à traverser l’épithélium sont effica-
cement éliminés par des mécanismes de l’immunité innée qui agissent dans les
tissus sous-jacents. Ainsi, dans la plupart des cas, ces défenses empêchent l’in-
fection de s’établir. Il est difficile d’estimer la proportion d’infections ainsi repous-
sées, puisqu’elles ne suscitent pas de symptômes cliniques et passent inaperçues.
Il est certain cependant que les nombreux micro-organismes qu’un individu nor-
mal inhale et ingère ou qui pénètrent par des blessures mineures sont le plus sou-
vent mis en échec ou éliminés puisqu’ils causent rarement des maladies.
La maladie apparaît lorsqu’un micro-organisme réussit à éviter ou à déborder
les défenses de l’hôte pour établir un foyer infectieux et s’y répliquer et se disper-
ser ensuite dans notre corps. Dans certains cas, comme l’infection fongique dite
« pied d’athlète », le foyer initial reste localisé et ne cause pas de pathologie signi-
ficative. Dans d’autres cas, l’agent infectieux occasionne de sérieux dommages et
une maladie grave en se dispersant par la voie lymphatique ou sanguine, en enva-
hissant et détruisant les tissus ou en perturbant les fonctions de l’organisme par
ses toxines, comme le fait la puissante neurotoxine sécrétée par l’agent du tétanos,
Clostridium tetani.
La diffusion du pathogène est souvent contrée par la réponse inflammatoire, qui
recrute, à partir des vaisseaux sanguins locaux, des cellules et molécules effectrices
du système de l’immunité innée (Fig. 2.6), tandis que la formation d’un caillot en
aval évite la dispersion sanguine du pathogène. Les réactions de l’immunité innée
agissent pendant plusieurs jours durant lesquels l’immunité adaptative se met en
œuvre pour faire face aux antigènes microbiens transportés dans le tissu lymphoïde
local par les cellules dendritiques (voir la Section 1-15). Une réponse immunitaire
adaptative diffère de l’immunité innée par son aptitude à cibler des structures
46 Chapitre 2 : L’immunité innée

Infection locale, pénétration


Adhérence à l’épithélium Infection locale des tissus Immunité adaptative
dans l’épithélium

macrophag tissulaire cellule dendritique tissulaire

vaisseau sanguin

Protection contre l’infection

Induction de la cicatrisation Complément, cytokines, chimiokines.


Flore normale d’une blessure Phagocytes, cellules NK, activation des L’infection est éliminée par des
Facteurs chimiques locaux Des protéines et des peptides macrophages. Les cellules dendritiques anticorps spécifiques,
Phagocytes antimicrobiens, des phagocytes et le migrent dans les ganglions lymphatiques des cellules T cytotoxiques et
(spécialement dans les poumons) complément détruisent les pour déclencher l’immunité adaptative des macrophages activés par
micro-organismes envahisseurs La coagulation sanguine contribue à des cellules T
Activation des cellules T γ:δ ? limiter la diffusion de l’infection

Fig. 2.6 Une infection et la réponse spécifiques de souches particulières et de variants des pathogènes. Cette réponse
qu’elle suscite peuvent être divisées en
finira habituellement par éliminer l’infection et protégera l’hôte contre une réinfec-
une série des stades. Ceux-ci sont illustrés
ici pour un micro-organisme pénétrant par tion par le même pathogène en produisant des cellules effectrices et des anticorps
une blessure cutanée. L’agent infectieux doit spécifiques et en générant une mémoire immunologique contre ce pathogène.
d’abord adhérer aux cellules épithéliales puis
traverser l’épithélium. Une réponse immune
locale peut prévenir l’installation de l’infection. 2-3 Les surfaces épithéliales du corps constituent les premières lignes
Si ce n’est pas le cas, elle contribue à contenir
l’infection, l’agent infectieux étant transporté de défense contre l’infection.
par la lymphe et à l’intérieur des cellules
dendritiques dans les ganglions lymphatiques Nos surfaces corporelles sont défendues par les épithéliums, qui constituent
locaux. Ceci déclenche une réponse immune
adaptative et une guérison éventuelle de une barrière physique entre le milieu interne et le monde extérieur contenant
l’infection. Comme nous le verrons dans la les pathogènes (Fig. 2.7). Les cellules épithéliales sont tenues entre elles par des
Section 2-28, le rôle des cellules T γ:δ est jonctions serrées, qui forment un joint étanche efficace. Les épithéliums com-
incertain, ce qui est indiqué par le point prennent la peau et les tissus qui bordent le tractus gastro-intestinal, respiratoire
d’interrogation.
et urogénital. Les infections se manifestent lorsque le pathogène peut coloniser
ces tissus ou les traverser. Les couches sèches et protectrices de la peau consti-
tuent une barrière résistante ; aussi les pathogènes entrent le plus souvent par les
épithéliums internes, qui représentent la vaste majorité des surfaces épithélia-
les du corps. L’importance des épithéliums dans la protection contre l’infection
est démontrée par les complications infectieuses qui font suite aux blessures et
brûlures, l’infection étant dans ces circonstances la cause majeure de mortalité
et morbidité. En absence de blessure, les pathogènes parviennent à traverser les

Peau Intestin Poumons Yeux/nez

Cellules épithéliales attachées par des jonctions serrées


Mécanique
Déplacement du mucus Larmes
Flux longitudinal d’air ou de liquide Cils nasaux
par les cils vibratiles

pH bas Enzymes dans


Acides gras les larmes
Chimique
Fig. 2.7 Plusieurs obstacles empêchent les Enzymes (pepsine) (lysozyme)
pathogènes de traverser les épithéliums
et de coloniser les tissus. Les surfaces Peptides antibactériens
épithéliales dressent des barrières
mécaniques, chimiques et microbiologiques à Microbiologique Flore normale
l’infection.
La ligne de front des défenses de l’hôte 47

barrières épithéliales en se liant à des molécules des surfaces épithéliales de nos


organes internes ou ils établissent une infection par adhérence et colonisation de
ces surfaces. Cet attachement spécifique permet au pathogène d’infecter les cellu-
les épithéliales ou bien de les endommager et ainsi de les traverser ou, dans le cas
des pathogènes colonisant l’épithélium, ils évitent ainsi d’être emportés par le flux
d’air ou de fluides qui passent sur la surface épithéliale.
Les épithéliums internes sont dits épithéliums muqueux (ou muqueuses) parce
qu’ils sécrètent un liquide visqueux appelé mucus, lequel contient plusieurs glyco-
protéines appelées mucines. Les micro-organismes recouverts de mucus adhèrent
plus difficilement à l’épithélium et, dans des muqueuses comme celle de l’arbre
respiratoire, les micro-organismes peuvent être entraînés avec le mucus, déplacé
en permanence par le battement des cils vibratiles. L’efficacité protectrice de ce
flux est illustrée par les cas de déficience dans la sécrétion de mucus ou d’inhibi-
tion du mouvement ciliaire, comme on l’observe en cas de la maladie héréditaire,
la fibrose kystique ou mucoviscidose. Ces patients contractent fréquemment des
infections pulmonaires par des bactéries qui colonisent la surface épithéliale, mais
ne la traversent pas. Dans les intestins, le péristaltisme est un mécanisme indis-
pensable à la progression du bol alimentaire mais aussi à l’évacuation des agents
infectieux. Un défaut de péristaltisme est suivi immédiatement d’une augmenta-
tion de la prolifération bactérienne dans la lumière intestinale.
Nos surfaces épithéliales sont plus que des simples barrières physiques contre l’in-
fection ; elles produisent aussi des substances qui sont microbicides ou qui inhi-
bent la croissance microbienne. Par exemple, des enzymes antibactériennes, le
lysozyme et la phospholipase A, sont sécrétées dans les larmes et la salive. Celle-ci
contient également plusieurs histatines, des peptides riches en histidine aux pro-
priétés antimicrobiennes. Le pH acide de l’estomac ainsi que les enzymes diges-
tives, les sels biliaires, les acides gras et les lysolipides du tractus gastro-intestinal
supérieur dressent un obstacle chimique contre l’infection. Plus en aval dans
l’intestin, des peptides antibactériens et antifongiques appelés cryptidines ou
α-défensines sont produits par les cellules de Paneth, présentes à la base des cryp-
tes de l’intestin grêle, en dessous des cellules de l’épithélium basal. Apparentés aux
peptides antimicrobiens, les β-défensines sont produites par d’autres épithéliums,
surtout dans le tractus respiratoire et urogénital, la peau et la langue. Les peptides
antimicrobiens jouent un rôle dans les défenses immunitaires de nombreux orga-
nismes, même chez les humains et d’autres vertébrés capables de réponse immu-
nitaire adaptative. Encore plus étonnante est la résistance aux infections chez les
insectes et d’autres invertébrés, et même les plantes, dans lesquelles le système
immunitaire inné est le seul moyen de protection. Dans tous ces organismes, les
peptides antimicrobiens représentent une partie importante des défenses. Les
peptides antimicrobiens comme les défensines sont des peptides cationiques qui,
croit-on, tuent les bactéries en endommageant leur membrane cellulaire.
Des protéines antimicrobiennes qui agissent par un mécanisme différent sont
sécrétées dans les fluides qui baignent les surfaces épithéliales pulmonaire et
intestinale. Ces protéines couvrent la surface des pathogènes, ce qui favorise leur
phagocytose par les macrophages. Elles sont membres d’une famille de récepteurs
aptes à reconnaître des caractéristiques communes des surfaces microbiennes et
sont décrites en détail plus tard dans ce chapitre.
En plus de ces défenses, la plupart des surfaces épithéliales sont associées à une
flore normale de bactéries non pathogènes, appelées bactéries commensales, qui
sont en compétition avec les pathogènes pour les nutriments et pour les sites d’atta-
chement aux cellules. Cette flore peut aussi produire des substances antimicrobien-
nes, comme l’acide lactique produit par les lactobacilles vaginaux, dont certaines
souches produisent aussi des peptides antimicrobiens (bactériocines). Lorsque les
bactéries non pathogènes sont tuées par un traitement antibiotique, leur rempla-
cement par des pathogènes est une complication fréquente. Leur survie sur les sur-
faces de notre corps est régulée par un équilibre entre la croissance et l’élimination
48 Chapitre 2 : L’immunité innée

des bactéries par les mécanismes de l’immunité innée ; des échecs de cette régula-
Le macrophage exprime des récepteurs pour
de nombreux constituants bactériens tion, par exemple en cas de déficience héréditaire de protéines de l’immunité innée
comme nous le décrivons au Chapitre 12, peuvent permettre à des bactéries norma-
récepteur récepteur lement non pathogènes de proliférer excessivement et causer ainsi une maladie.
de mannose de LPS (CD14)

TLR-4 2-4 Après être entrés dans les tissus, de nombreux pathogènes sont
reconnus, ingérés et tués par les phagocytes.
récepteur récepteur
des glucans éboueur Si un micro-organisme traverse une barrière épithéliale et commence à se répli-
quer dans les tissus, il est dans la plupart des cas reconnu par les phagocytes
Les bactéries, en se fixant aux récepteurs du mononucléaires ou macrophages qui résident dans ces tissus. Les macropha-
macrophage, déclenchent la libération de cytokines ges viennent à maturité de manière continue à partir des monocytes qui migrent
et de médiateurs lipidiques de l’inflammation dans les divers tissus. Les macrophages tissulaires ont reçu des noms particuliers
médiateurs liés à l’histoire de leur découverte, par exemple ils s’appellent cellules microglia-
lipidiques les dans les tissus nerveux et cellules de Kupffer dans le foie ; de manière géné-
LPS rique, ces cellules sont appelées phagocytes mononucléaires. Ils sont présents
en grand nombre particulièrement dans les tissus conjonctifs associés au trac-
tus gastro-intestinal, dans les poumons, où ils se trouvent à la fois dans le tissu
interstitiel et les alvéoles, le long de certains vaisseaux sanguins du foie, et dis-
chimiokines persés dans la rate, où ils éliminent les cellules sanguines vieillies. La deuxième
cytokines
grande famille de phagocytes, les neutrophiles, ou leucocytes polynucléaires
neutrophiles (PMN ou poly) sont des cellules à vie courte, nombreuses dans le
Les macrophages ingèrent et digèrent les sang mais normalement absentes dans les tissus sains. Ces cellules phagocytaires
bactéries auxquelles ils se sont liés jouent ensemble un rôle clé dans l’immunité naturelle, car elles reconnaissent,
ingèrent et détruisent beaucoup de pathogènes sans l’intervention de la réponse
immune adaptative.
lysosome
Comme la plupart des micro-organismes entrent dans le corps par les muqueuses
phagosome
intestinale et respiratoire, les macrophages situés dans les tissus sous-muqueux
sont les premières cellules à rencontrer la plupart des pathogènes, mais ils obtien-
nent rapidement du renfort suite au recrutement de nombreux neutrophiles dans
phagolysosome le foyer infectieux. Les macrophages et les neutrophiles reconnaissent les patho-
gènes par leurs récepteurs de surface qui distinguent les molécules de surface des
Fig. 2.8 Les macrophages activés par des pathogènes de celles de l’organisme. Ces récepteurs, que nous décrirons plus en
pathogènes les ingèrent et déclenchent les détail plus loin dans ce chapitre, comprennent, par exemple, le récepteur de man-
réactions inflammatoires. Les macrophages nose présent sur les macrophages mais absent des monocytes et des neutrophi-
dérivent des monocytes circulants. Ils
les. Citons encore les récepteurs éboueurs (scavenger) ; ils fixent divers ligands
partagent plusieurs propriétés communes,
mais acquièrent de nouvelles fonctions et de anioniques comme les acides lipoteichoïques, qui entrent dans la composition de
nouveaux récepteurs lorsqu’ils deviennent des la paroi des bactéries Gram-positives, et CD14, un récepteur qui se retrouve sur-
cellules quiescentes dans les tissus conjonctifs tout sur les monocytes et les macrophages (Fig. 2.8). CD14 fixe les liposaccharides
de tout l’organisme. Les macrophages
expriment des récepteurs pour de nombreux
(LPS) bactériens présents à la surface des bactéries Gram-négatives et leur permet
composants bactériens entre autres des d’être reconnus par d’autres récepteurs appelés récepteurs de type Toll. Les inte-
glucides bactériens (récepteurs du mannose ractions des pathogènes avec la plupart des récepteurs de surface entraîne la pha-
et des glucans), des lipides (récepteur du gocytose et la mort de l’agent infectieux. La phagocytose est un processus actif, au
LPS) et d’autres composants dérivés des
pathogènes (récepteurs de type Toll, ou TLR,
cours duquel le pathogène piégé est d’abord entouré par la membrane du phago-
et les récepteurs éboueurs). La liaison des cyte puis enfermé dans une vésicule formée par la membrane, le phagosome ou
bactéries aux récepteurs des macrophage vacuole endocytaire, dont le contenu s’acidifie progressivement, ce qui tue la plu-
stimule la phagocytose et la capture des part des pathogènes. En plus d’être des phagocytes, les macrophages et les neu-
pathogènes dans des vésicules intracellulaires,
où elles sont détruites. La signalisation par trophiles contiennent des granules appelés lysosomes, riches en enzymes et en
certains récepteurs, comme les récepteurs protéines et peptides qui peuvent attaquer le pathogène. Le phagosome fusionne
de type Toll, en réponse à des composants avec un ou plusieurs lysosomes pour former un phagolysosome dans lequel le
bactériens suscite la sécrétion de cytokines pro-
pathogène est détruit par le contenu lysosomial (voir Fig. 2.8).
inflammatoires comme l’interleukine-1β (IL-1β),
l’IL-6 et le facteur de nécrose tumorale (TNF-α). Lors de la phagocytose, les macrophages et les neutrophiles produisent aussi divers
produits toxiques qui contribuent à la lyse du micro-organisme ingéré (Fig. 2.9). Les
plus importants sont les peptides antimicrobiens et l’oxyde nitrique (NO), l’anion
superoxyde (O2-) et le peroxyde d’hydrogène (H2O2), qui sont directement toxiques
pour les bactéries. L’oxyde nitrique est produit par une forme de synthase à haut
La ligne de front des défenses de l’hôte 49

Fig. 2.9 Agents bactéricides produits


Type de mécanisme Produits spécifiques ou libérés par les phagocytes lors de
l’ingestion des micro-organismes. La
plupart de ces agents sont produits par les
Acidification pH=~3.5-4.0, bactériostatique ou bactéricide macrophages et les neutrophiles. Certains
d’entre eux sont toxiques ; d’autres, comme
la lactoferrine, agissent en accaparant les
Produits toxiques dérivés Superoxide O2− peroxyde d’hydrogène H2O2, oxygène singulet nutriments essentiels et en prévenant ainsi leur
de l’oxygène
1
O2*, radical hydroxyle *OH, hypochlorite OCl− utilisation par des bactéries. Ces substances
peuvent aussi être libérées par les phagocytes
Oxydes toxiques de l’azote Oxyde nitrique NO lorsqu’ils interagissent avec de larges surfaces
couvertes d’anticorps comme des vers
parasites ou les tissus de l’hôte. Comme ces
Peptides antimicrobiens Défensines et protéines cationiques agents sont aussi toxiques pour les cellules
de l’hôte, l’activation phagocytaire peut
occasionner de sérieux dommages tissulaires
Lysozyme – dissout la paroi de certaines bactéries Gram-positives
Enzymes pendant l’infection.
Hydrolases acides – elles achèvent la digestion des bactéries

Compétiteurs Lactoferrine (fixe le fer) et la protéine liant la vitamine B12

rendement, iNOS2. Le superoxyde est généré par la NADPH-oxydase, un complexe


moléculaire associé à la membrane, au cours d’un processus dit bouffée respira- Maladie granulomateuse chronique
toire puisqu’il s’accompagne d’une augmentation transitoire de la consommation
d’oxygène ; le superoxyde est converti par une superoxyde dismutase en H2O2
(Fig. 2.10). Des réactions chimiques et enzymatiques supplémentaires produisent
une série de molécules toxiques à partir de l’ H2O2, entre autres le radical hydroxyle
(•OH), l’hypochlorite (OCl–) et l’hypobromite (OBr–). Les neutrophiles vivent peu
longtemps, mourant rapidement après avoir accompli un cycle de phagocytose.
Les neutrophiles morts ou mourants sont les composants principaux du pus, qui se
forme lors de certaines infections. Les bactéries en cause sont dites pyogènes. Les
macrophages au contraire ont une longue durée de vie et continuent à générer de Fig. 2.10 La bouffée respiratoire dans
nouveaux lysosomes. Les patients atteints de maladie granulomateuse chronique les macrophages et les neutrophiles
souffrent d’un déficit génétique de la NADPH oxydase. Leurs phagocytes ne pro- est déclenchée par une augmentation
transitoire de la consommation d’oxygène
duisent donc pas de dérivés toxiques de l’oxygène caractéristiques de la bouffée durant la production de métabolites
respiratoire et sont ainsi moins aptes à tuer les micro-organismes ingérés et à gué- microbicides de l’oxygène. L’ingestion d’un
rir d’une infection. Ces patients sont anormalement sensibles aux infections bacté- micro-organisme déclenche dans le phagocyte
l’assemblage des diverses sous-unités de la
riennes et fongiques, notamment au cours de l’enfance. NADPH oxydase. L’enzyme active convertit
Les macrophages peuvent phagocyter des pathogènes et produire la bouffée respi- l’oxygène moléculaire en ion superoxyde
O2– et autres radicaux libres de l’oxygène.
ratoire immédiatement après la rencontre avec un micro-organisme infectieux, et L’ion superoxyde est alors converti par la
cela peut suffire à prévenir le développement de l’infection. Au 19e siècle, l’immu- superoxyde dismutase (SOD) en peroxyde
nologiste cellulaire Elie Metchnikoff croyait que la réponse naturelle des macro- d’hydrogène (H2O2), qui peut tuer également
des micro-organismes, et est également
phages constituait toutes les défenses de l’hôte. En effet, il est évident à présent
converti par d’autres enzymes et par des
que les invertébrés, comme l’étoile de mer qu’il étudiait, dépendent entièrement réactions chimiques avec des ions ferreux
de leur immunité naturelle pour se défendre contre les infections. Bien que cela (Fe2+) en hypochlorite (OCl–) microbicide et en
ne soit pas le cas chez l’homme et les autres vertébrés, la réponse naturelle des radical hydroxyle (•OH).

La NADPH oxydase convertit Une deuxième enzyme, Des peroxydases et le fer


L’enzyme NADPH oxydase est composée de la superoxyde dismutase, poursuivent la conversion du
plusieurs sous-unités différentes les molécules d’O2 en convertit le superoxyde en peroxyde d’hydrogène en ions
ion superoxyde O2– peroxyde d’hydrogène hypochlorite et radicaux hydroxyles
vacuole d’endocytose
O2– OCl– p OH
gp22phox gp91phox H2O2

peroxydase

p47phox p67phox Fe2+

Rac SOD

p40phox for next edition PT wants


another panel - remember?
50 Chapitre 2 : L’immunité innée

macrophages constitue encore un obstacle solide que le micro-organisme doit


surmonter pour qu’il puisse établir une infection, qu’il pourra ensuite transmettre
à une nouvelle victime.
Un élément clé qui distingue les micro-organismes pathogènes des non patho-
gènes est leur capacité d’échapper à l’immunité naturelle. Les pathogènes ont
développé diverses stratégies pour éviter d’être immédiatement détruits par les
macrophages. De nombreuses bactéries pathogènes extracellulaires se couvrent
d’une épaisse capsule polysaccharidique, qui n’est reconnue par aucun récep-
teur phagocytaire. D’autres, comme les mycobactéries, réussissent à croître à l’in-
térieur des phagosomes des macrophages, parce qu’ils inhibent l’acidification et
la fusion avec les lysosomes. En dehors de ces procédés, un micro-organisme doit
entrer dans l’organisme en nombre suffisant pour simplement déborder les défen-
ses innées immédiates et développer un foyer infectieux.
Le second effet important de l’interaction entre les pathogènes et les macropha-
ges tissulaires est l’activation de ces cellules et la libération de petites protéines
appelées cytokines et chimiokines (cytokines chimiotactiques) ainsi que d’autres
agents qui déclenchent l’inflammation dans les tissus et attirent les neutrophiles
et des protéines plasmatiques dans le foyer infectieux. On pense que le pathogène
induit la sécrétion de cytokines et de chimiokines au moyen de signaux transmis
à partir de certains récepteurs avec lesquels il interagit ; nous verrons plus tard
comment cela se passe en réponse au lipopolysaccharide bactérien. Les récep-
teurs qui signalent la présence de pathogènes et induisent la production des cyto-
kines amorcent souvent un autre processus important : l’expression de molécules
dites de costimulation sur les macrophages et aux cellules dendritiques, un autre
type de phagocytes présents dans les tissus, permettant ainsi à ces cellules pré-
sentatrices d’antigène, de déclencher une réponse immune adaptative (voir la
Section 1-7).
Les cytokines libérées par les macrophages contribuent fortement à l’inflamma-
tion locale et à d’autres réponses innées induites qui se produisent dans les pre-
miers jours d’une infection. Nous décrirons, dans la dernière partie de ce chapitre,
ces réponses innées induites et le rôle de chaque cytokine. Cependant, puisqu’une
réponse inflammatoire survient généralement dans les minutes qui suivent l’in-
fection ou la blessure, nous décrirons maintenant ces mécanismes précoces et
comment ils contribuent à la protection de l’hôte.

2-5 La reconnaissance de l’agent pathogène et la lésion tissulaire


déclenchent la réaction inflammatoire.

L’inflammation joue trois rôles essentiels pour combattre l’infection. Le premier


est d’attirer un supplément de molécules effectrices et de cellules dans le site d’in-
fection pour renforcer l’activité lytique des macrophages formant la première ligne
de front. Le deuxième est l’induction de la coagulation sanguine locale afin de
Syndromes héréditaires constituer une barrière physique pour empêcher l’extension de l’infection, le troi-
de fièvre périodique sième étant l’induction du processus de réparation des tissus endommagés, un rôle
non immunologique que nous ne discuterons pas davantage. L’inflammation sur le
site d’infection débute avec la réaction des macrophages aux agents pathogènes.
Les réactions inflammatoires se caractérisent par la douleur, la rougeur, la cha-
leur et le gonflement au site de l’infection, reflétant quatre types de modifications
dans les vaisseaux sanguins locaux (Fig. 2.11). Le premier est une augmentation du
diamètre vasculaire des vaisseaux, ce qui augmente l’apport sanguin local, d’où la
chaleur et la rougeur, mais cela ralentit la vitesse du courant sanguin particulière-
ment le long des parois internes des petits vaisseaux. Le deuxième changement est
Déficience d’adhérence l’activation des cellules endothéliales qui bordent les vaisseaux sanguins et qui se
leucocytaire mettent alors à exprimer des molécules d’adhérence cellulaire qui favorisent la
liaison des leucocytes circulants. La combinaison d’un flux sanguin ralenti et des
La ligne de front des défenses de l’hôte 51

Des cytokines produites par des Des leucocytes gagnent la périphérie du


L’extravasation a lieu dans le Le sang coagule dans les
macrophages causent la dilatation vaisseau sanguin en raison de l’expression
foyer infectieux microvaisseaux
des petits vaisseaux locaux accrue de molécules d’adhérence

cytokines

chimiokines

molécules d’adhérence permet aux leucocytes de s’attacher à l’endothélium et de Fig. 2.11 Une infection stimule la libération,
par les macrophages, de cytokines et de
migrer dans les tissus, un processus connu sous le terme d’extravasation, que nous
chimiokines qui déclenchent une réponse
décrirons en détail ultérieurement. Tous ces changements sont induits par les inflammatoire. Des cytokines produites par
cytokines et les chimiokines produites par les macrophages activés. des macrophages tissulaires dans le foyer
infectieux causent la dilatation des vaisseaux
Les premières cellules attirées sur le site de l’infection sont généralement les neu- sanguins locaux et des changements dans
trophiles. Ils sont suivis par les monocytes, lesquels se différencient en autant de leurs cellules endothéliales. Ces modifications
macrophages dans les tissus (Fig.  2.12). Les monocytes peuvent également se entraînent la sortie des leucocytes, comme
les neutrophiles et les monocytes, hors du
transformer en cellules dendritiques dans les tissus, selon les signaux précis qu’ils vaisseau sanguin (extravasation) ; ils gagnent
reçoivent de l’environnement ; par exemple, la cytokine GM-CSF (Granulocyte– le foyer infectieux en étant guidés par des
Macrophage Colony-Stimulating Factor) associée à l’interleukine-4 (IL-4) induira la chimiokines produites par les macrophages
activés. Les vaisseaux sanguins deviennent
différenciation du monocyte en cellule dendritique, tandis que la cytokine M-CSF
aussi plus perméables, permettant aux
(Macrophage Colony-Stimulating Factor) induit la différenciation du monocyte en protéines plasmatiques et au liquide de
macrophage. s’échapper dans les tissus. Ces divers
changements causent les symptômes
Dans les stades plus tardifs de l’inflammation, d’autres leucocytes comme les éosi- inflammatoires typiques : chaleur, douleur,
nophiles (voir la Section 1-3) et les lymphocytes gagnent également le foyer infec- rougeur et gonflement.
tieux. Le troisième changement majeur dans les vaisseaux sanguins locaux est une
augmentation de la perméabilité vasculaire. Perdant leur connexion serrée, les cel-
lules endothéliales des parois vasculaires s’écartent, ce qui entraîne la fuite de fluides
et des protéines plasmatiques, qui s’accumulent alors dans le site enflammé. Cela
explique le gonflement ou œdème, et la douleur, mais aussi l’apport des protéines
plasmatiques utiles à la défense de l’hôte. Les changements qui surviennent dans
l’endothélium comme conséquences de l’inflammation sont appelés en général

Un monocyte s’attache aux molécules d’adhérence Le monocyte migre Le monocyte se différencie


sur l’endothélium vasculaire près du foyer dans le tissu en un macrophage et migre
infectieux et reçoit un signal des chimiokines sous-jacent dans le foyer infectieux

Lumière du vaisseau sanguin


Fig. 2.12 Des monocytes quittent la
récepteur de circulation sanguine pour migrer dans
chimiokine molécules
d’adhérence le foyer infectieux et inflammatoire. Des
molécules d’adhérence sur les cellules
endothéliales du vaisseau sanguin captent
d’abord les macrophages et les font adhérer
à l’endothélium vasculaire. Des chimiokines
liées à l’endothélium induisent la migration du
monocyte à travers l’endothélium dans le tissu
sous-jacent. Le monocyte, se différenciant
alors en un macrophage, continue à migrer
chimiokine vers le foyer infectieux, sous l’influence
des chimiokines libérées durant la réaction
inflammatoire. Des monocytes quittant le
sang de cette manière sont aussi capables de
se différencier en cellules dendritiques (non
Tissu montré), selon les signaux qu’ils reçoivent de
leur environnement.
52 Chapitre 2 : L’immunité innée

activation endothéliale. Le quatrième changement, la coagulation dans les micro-


vaisseaux du foyer infectieux, empêche la dispersion du pathogène par le sang.
Ces changements sont induits par divers médiateurs de l’inflammation, qui sont
libérés suite à la reconnaissance de l’agent pathogène. Ils comprennent les média-
teurs lipidiques de l’inflammation : les prostaglandines, les leucotriènes et le
facteur d’activation plaquettaire (PAF, Platelet-Activating Factor), qui sont rapi-
dement produits par les macrophages à la suite de réactions enzymatiques qui
dégradent les phospholipides membranaires. Leur action est suivie par celle des
cytokines et des chimiokines qui sont synthétisées et sécrétées par les macropha-
ges en réponse aux agents pathogènes. Le facteur de nécrose tumorale α (TNF‑α,
Tumor Necrosis Factor-α), par exemple, est un activateur puissant des cellules
endothéliales.
Comme nous le verrons dans la prochaine partie du chapitre, une autre voie
par laquelle la reconnaissance de l’agent pathogène déclenche rapidement une
réponse inflammatoire passe par la cascade du complément. Un des produits de
clivage de cette réaction est le peptide appelé C5a, un puissant médiateur de l’in-
flammation, capable d’augmenter la perméabilité vasculaire et l’expression de
diverses molécules d’adhérence, mais aussi d’attirer les neutrophiles et les mono-
cytes et d’activer les phagocytes et les mastocytes locaux (voir la Section  1-3),
qui sous l’effet de cette stimulation vont à leur tour vider leurs granules riches en
médiateurs inflammatoires comme l’histamine et le TNF-α.
Dès que la lésion s’est produite, l’altération des vaisseaux sanguins déclenche
immédiatement deux autres cascades enzymatiques. Le système des kinines, un
ensemble de protéases plasmatiques, est activé dès qu’un tissu est altéré. Ce qui
aboutit à la formation de divers médiateurs inflammatoires, dont la bradykinine,
un peptide vasoactif. Le système des kinines est un exemple de cascade protéasi-
que, aussi appelée cascade enzymatique, au cours de laquelle les enzymes sont
au départ sous forme de pro-enzymes, c’est-à-dire inactives. Après activation du
système, une protéase clive et active la protéase suivante dans la série et ainsi de
suite. La bradykinine augmente la perméabilité vasculaire et favorise ainsi l’afflux
des protéines plasmatiques dans le site altéré. Elle déclenche aussi de la douleur
laquelle, bien que désagréable, offre l’avantage d’attirer l’attention sur la lésion et
d’entraîner l’immobilisation de la partie du corps affectée, ce qui aide à limiter la
dissémination des agents infectieux.
Le système de coagulation, autre cascade d’enzymes plasmatiques, est activé par
les dommages occasionnés aux vaisseaux sanguins. Son activation conduit à la
formation d’un caillot de fibrine, dont le rôle normal est de prévenir la perte san-
guine. Dans le cadre de l’immunité innée, le caillot prévient l’entrée des micro-­
organismes dans le courant sanguin. Les cascades des kinines et de la coagulation
sont toutes deux déclenchées par des cellules endothéliales activées, et peuvent
jouer un rôle important dans la réaction inflammatoire contre les agents pathogè-
nes, même si la blessure ou les altérations tissulaires sont modérées. Ainsi, dans
les minutes qui suivent l’entrée du pathogène dans les tissus, la réaction inflam-
matoire suscite un afflux de protéines et de cellules susceptibles de contrôler l’in-
fection. Tout en érigeant une barrière physique limitant l’extension de l’infection,
elle suscite la douleur, qui informe la victime de l’infection locale.

Résumé.

Les mammifères sont sensibles à de nombreux pathogènes, lesquels doivent


d’abord entrer en contact avec l’hôte et ensuite établir le foyer infectieux qui sera à
l’origine de la maladie. Ces agents pathogènes diffèrent fortement dans leur mode
de vie, dans les structures de leur surface et leurs mécanismes pathogènes, ce qui
requiert pour la survie de l’hôte des réponses immunitaires également diversifiées.
La première ligne de défense consiste en ces mécanismes présents et prêts en per-
manence à s’opposer à l’envahisseur. Les surfaces épithéliales de l’organisme
La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système immunitaire inné 53

empêchent les agents pathogènes d’entrer ou de former des colonies. Elles doi-
vent empêcher l’adhérence des virus et des bactéries qui pénètrent grâce à des
interactions spécifiques avec les surfaces cellulaires. Elles résistent également en
sécrétant des enzymes et des peptides antimicrobiens. Les bactéries, les virus et les
parasites qui dépassent cette barrière sont confrontés immédiatement aux macro-
phages tissulaires, équipés de récepteurs de surface qui peuvent lier et phagocyter
différents types de pathogènes. Cette activité entraîne alors une réaction inflam-
matoire avec accumulation, dans le foyer infectieux, des phagocytes, les neutro-
philes et les macrophages, qui ingèrent et détruisent les germes envahissants.

La reconnaissance de motifs moléculaires


dans le système immunitaire inné.
Bien que le système immunitaire naturel n’ait pas la spécificité étroite de l’immunité
adaptative ni la mémoire immunologique qui est associée, il peut distinguer le soi
du non soi. Nous avons vu comment cela se passait lorsque les macrophages réa-
gissaient envers les pathogènes. Dans cette partie de chapitre, nous examinerons de
plus près les récepteurs qui activent la réponse de l’immunité innée, entre autres ceux
qui reconnaissent les pathogènes directement et qui stimulent une réponse immu-
nitaire innée de type cellulaire. Des motifs moléculaires réguliers sont présents sur
de nombreux micro-organismes mais absents des cellules de l’hôte. Les protéines
qui reconnaissent ces motifs sont des récepteurs à la surface des macrophages, des
neutrophiles et des cellules dendritiques, mais existent aussi sous forme de molécu-
les sécrétées. La Fig. 2.13 compare leurs caractéristiques générales à celles des récep-
teurs spécifiques d’antigène de l’immunité adaptative. Contrairement aux récepteurs
d’antigène décrits au Chapitre 1, les récepteurs du système immunitaire inné ne sont
pas distribués d’une manière clonale ; un assortiment donné de récepteurs est pré-
sent sur toutes les cellules de même type. La liaison des composants du pathogène
par ces récepteurs suscite des réponses très rapides, qui deviennent opérationnelles
sans le délai imposé par la nécessité pour les lymphocytes activés de se diviser et de se
différencier au cours du développement d’une réponse immune adaptative.

Caractéristique du récepteur Immunité innée Immunité adaptative

Spécificité héréditaire Oui Non

Expression par toutes les cellules d’un type particulier Oui Non
(par ex. les macrophages)

Déclenche une réponse immédiate Oui Non

Reconnaît des classes très larges de pathogènes Oui Non


Fig. 2.13 Comparaison des caractéristiques
des récepteurs des systèmes immunitaires
Interagit avec une série de structures moléculaires Oui inné et adaptatif. L’immunité innée utilise
Non
d’un type donné des récepteurs qui sont codés par des gènes
hérités de la lignée germinale, tandis que
Codé par de multiples segments géniques Non Oui le système immunitaire adaptatif utilise des
récepteurs codés par des gènes assemblés à
partir de segments géniques individuels durant
Nécessite un réarrangement génique Non Oui la différenciation lymphocytaire, un processus
qui permet à chaque cellule d’exprimer un
récepteur de spécificité unique. Il en résulte
Distribution clonale Non Oui que les récepteurs de l’immunité naturelle
sont répartis de manière non clonale, alors
Capable de reconnaître une grande variété de que les récepteurs de l’immunité acquise
Non Oui sont distribués en clones produits à partir de
structures moléculaires
lymphocytes individuels.
54 Chapitre 2 : L’immunité innée

Les récepteurs du système de l’immunité innée exercent plusieurs fonctions diffé-


rentes. Beaucoup sont des récepteurs phagocytaires qui stimulent l’ingestion des
pathogènes qu’ils reconnaissent. Certains sont des récepteurs chimiotactiques,
qui guident les cellules jusqu’au foyer infectieux. Une troisième fonction est l’in-
duction de la production de molécules effectrices qui influencent le déclenche-
ment et la nature de toute réponse immune adaptative subséquente. Dans cette
partie de chapitre, nous examinerons en premier lieu les propriétés de recon-
naissance de certains récepteurs qui lient directement les pathogènes. Nous nous
concentrerons ensuite sur un système de reconnaissance et de signalisation, de
caractère primitif sur le plan de l’évolution, constitué par les récepteurs de type
Bactéries Gram-positives
Toll, qui protègent aussi bien les plantes que les insectes et les vertébrés, y compris
les mammifères, contre des infections.
acide protéine de acide
téichoïque surface lipotéichoïque
2-6 Les récepteurs spécifiques de molécules des pathogènes
reconnaissent des motifs structuraux répétés.
peptido- Les micro-organismes portent typiquement des motifs moléculaires répétés à leur
glycan
surface. Les parois des bactéries Gram-positives et Gram-négatives, par exemple,
sont composées d’une matrice de protéines, de glucides et de lipides sous forme
membrane d’alignements répétés (Fig. 2.14). Les acides lipotéichoïques des parois des bacté-
cellulaire ries Gram-positives et le lipopolysaccharide de la membrane externe des bactéries
des Gram-négatives sont, comme nous le verrons, importants pour la reconnais-
phospholipide sance des bactéries par le système immunitaire inné. D’autres composants micro-
biens ont aussi une structure répétée. Les flagelles bactériens sont constitués de
sous-unités protéiques répétées, et l’ADN bactérien contient des répétitions de
Bactéries Gram-négatives dinucléotides, CpG, non méthylés. Les virus expriment presque systématique-
ment des ARN double brin au cours de leur cycle vital. Ces structures répétitives
lipopolysaccharide (LPS) protéine de surface
sont appelées en général « motifs moléculaires liés aux pathogènes » ou PAMP
(Pathogen-Associated Molecular Patterns) et les récepteurs qui les reconnaissent,
membrane « récepteurs de motifs » ou PRR (Pattern Recognition Receptors).
externe
Un de ces récepteurs est la lectine liant le mannose (MBL, Mannose-Binding
lipoprotéine Lectin), présente comme protéine libre dans le plasma sanguin. Comme nous le
verrons dans la partie suivante de ce chapitre, elle peut déclencher la voie du com-
peptido-
glycan plément dite des lectines, mais il en sera question ici car c’est un bon exemple de
reconnaissance de motifs moléculaires. Comme le montre la Fig 2. 15, le patho-
membrane gène est reconnu et distingué du soi par la MBL en raison d’une orientation et d’un
cellulaire espacement particuliers de certains de ses résidus glucidiques, disposition que
l’on ne retrouve pas sur les cellules de l’hôte. Une fois formé, le complexe MBL–
pathogène est capté par des phagocytes, soit par des interactions directes avec la
Fig. 2.14 L’organisation des parois des MBL ou par des récepteurs des phagocytes pour le complément, qui lui aussi s’est
bactéries Gram-positives et Gram- attaché au pathogène. Le résultat est la phagocytose et la lyse du pathogène (voir la
negatives. Les bactéries Gram-positives
(panneau du haut) ont une paroi composée Section 2-4) ainsi que l’induction d’autres réponses cellulaires comme la produc-
d’une couche externe constituée d’une matrice tion de chimiokines. Lorsque des protéines, en couvrant une particule, favorisent
répétée de molécules de peptidoglycan dans sa phagocytose, on parle d’opsonisation ; nous rencontrerons d’autres exemples
lesquelles la N-acétylglucosamine (hexagones
de ce mode de défense dans de prochains chapitres ainsi que dans celui-ci.
bleu clair) et l’acide N-acétylmuramique
(cercles pourpres) interconnectés par La MBL est un membre de la famille protéique des collectines, appelées de la sorte
des ponts peptidiques forment un réseau
tridimensionnel dense. Des protéines de car elles contiennent des domaines du type collagène et de type lectine (qui lie les
surface et d’autres molécules, comme l’acide glucides). D’autres membres de cette famille sont les protéines A et D du surfac-
téichoïque, sont encastrées dans la couche tant (SP-A et SP-D), qui sont présentes dans le fluide qui baigne les surfaces épi-
de peptidoglycan et les acides lipotéichoïques
théliales pulmonaires. Là, elles se fixent à la surface des pathogènes, les rendant
lient la couche de peptidoglycan à la
membrane cellulaire bactérienne. La paroi plus sensibles à la phagocytose par les macrophages qui ont quitté les tissus sous-
des bactéries Gram-négatives (panneau du épithéliaux pour entrer dans les alvéoles pulmonaires. Les phagocytes sont éga-
bas) est composée d’une fine matrice de lement équipés de plusieurs récepteurs de surface qui reconnaissent les surfaces
peptidoglycan et d’une membrane lipidique
externe dans laquelle s’insèrent des protéines
des pathogènes directement. Parmi eux, on trouve le récepteur des macropha-
et le lipopolysaccharide (LPS) caractéristique ges pour le mannose (voir Fig.  2.8). Ce récepteur est une lectine membranaire
des bactéries Gram-négatives. de type C (dépendante du calcium) qui lie certains glucides présents à la surface
La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système immunitaire inné 55

Fig. 2.15 La lectine liant le mannose


La lectine liant le mannose (MBL) contient deux
reconnaît des surfaces bactériennes
à six groupes de domaines reconnaissant des
glucides. Dans chacun des groupes, les sites par l’espacement particulier des résidus
de liaison aux glucides ont une orientation fixe glucidiques. La lectine liant le mannose
(MBL), une protéine plasmatique, appartient
au système de reconnaissance des
hélice de collagène pathogènes par l’immunité innée. Elle se lie à
triple
hélice α certaines surfaces bactériennes qui exposent
des résidus mannose ou fucose disposés dans
l’espace de façon particulière. La présence de
ces résidus ne suffit pas à assurer la liaison ;
l’orientation des sites de liaison dans la MBL
est fixe, et ce n’est que si les résidus mannose
et fucose ont un espacement correct que la
MBL pourra s’y lier. Couvertes de MBL, les
domaines de reconnaissance des glucides bactéries sont plus facilement phagocytées.

La MBL se fixe avec une haute affinité aux résidus La MBL ne se lie pas aux résidus mannose
de mannose et de fucose correctement espacés et fucose qui ont un espacement différent

de nombreuses bactéries et de certains virus, y compris le virus de l’immunodéfi-


cience humaine (VIH) ; ses propriétés de reconnaissance sont très proches de cel-
les de la MBL (voir Fig. 2.15). Comme celle-ci, la molécule dispose de plusieurs
branches se terminant par des domaines de reconnaissance des glucides. Puisque
c’est un récepteur transmembranaire, il peut fonctionner directement comme
récepteur de phagocytose.
Un second groupe de récepteurs de phagocytose, nommés récepteurs « éboueurs »
(scavenger receptors), reconnaît divers polymères anioniques ainsi que des lipo-
protéines de basse densité acétylées. Ces récepteurs forment une famille hétéro-
gène, comprenant au moins six formes moléculaires. Certains récepteurs éboueurs
reconnaissent des structures normalement protégées par des acides sialiques sur
les cellules de l’hôte. Ils ont encore d’autres cibles de reconnaissance, dont beau-
coup doivent encore être identifiées.
Tous les récepteurs qui reconnaissent des molécules spécifiques de pathogènes n’in-
duisent pas nécessairement la phagocytose. La séquence des polypeptides bactériens
commence de manière typique par un résidu de méthionine formylée, et le récep-
teur de fMet-Leu-Phe (fMLP) des macrophages et des neutrophiles lie ces peptides
N-formylés. Ce récepteur est de type chimiotactique et son engagement guide les
neutrophiles vers le foyer infectieux. La liaison de pathogènes à certains récepteurs de
surface des macrophages stimule non seulement la phagocytose, mais envoie aussi
des signaux à la cellule qui déclenchent des réponses de l’immunité innée, comme
nous le verrons plus loin dans ce chapitre. La stimulation de certains récepteurs par
des produits des pathogènes entraîne aussi l’expression en surface de molécules cos-
timulatrices par les macrophages et les cellules dendritiques, ce qui leur permet d’agir
comme cellules qui présentent les antigènes aux lymphocytes T et déclenchent ainsi
une réponse immune adaptative. La voie d’activation la mieux définie de ce type est
56 Chapitre 2 : L’immunité innée

déclenchée par une famille de récepteurs transmembranaires, conservés sur le plan


Reconnaissance immunitaire innée par
les récepteurs de type Toll de l’évolution, appelés récepteurs de type Toll et qui semblent fonctionner exclusive-
ment comme récepteurs de signalisation, et que nous allons décrire.
Récepteur de type Toll Ligand

Hétérodimère Peptidoglycan 2-7 Les récepteurs de type Toll sont des récepteurs de signalisation
TLR-1:TLR-2 Lipoprotéines qui distinguent différents types de pathogènes et contribuent
Lipoarabinomannan
(mycobactéries) au choix d’une réponse immunitaire appropriée.
Hétérodimère GPI (T. cruzi)
TLR-2:TLR-6 Zymosan (levure)
Les récepteurs de type Toll des mammifères (TLR, Toll-Like Receptors) appartien-
nent à un système de reconnaissance et de signalisation très ancien sur le plan de
TLR-3 ARNdb
l’évolution et découvert par son rôle dans le développement embryonnaire de la
mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster. On a trouvé ensuite que ces récep-
Dimère TLR-4 LPS (bactéries
(plus MD-2 Gram-négatives) teurs intervenaient dans la défense contre des infections bactériennes et fongiques
et CD14) Acides lipotéichoïques chez l’insecte adulte et l’on sait actuellement qu’ils jouent un rôle dans la protec-
(bactéries tion anti-infectieuse des plantes, des insectes adultes et des vertébrés, y compris
Gram-positives)
les mammifères. Le récepteur responsable de ces fonctions chez la drosophile est
TLR-5 Flagelline
appelé Toll, et les protéines homologues chez les mammifères et les autres ani-
maux sont dès lors dites de type Toll.
On a décrit 10 gènes TLR chez la souris et chez l’homme, et chacune des 10 pro-
TLR-7 ARNsb
téines correspondantes est destinée à reconnaître un assortiment distinct de
motifs moléculaires qui sont normalement absents chez les vertébrés normaux.
Ces motifs sont caractéristiques de composants de micro-organismes pathogènes
TLR-8 Oligonucléotides riches en G à l’un ou l’autre stade de l’infection. Puisqu’il n’existe que 10 gènes fonctionnels
TLR, les récepteurs de type Toll ont une spécificité limitée en comparaison des
TLR-9 ADN CpG récepteurs d’antigène du système immunitaire adaptatif et ont évolué pour recon-
non méthylé naître certains motifs moléculaires associés aux microbes. Mais, bien que la diver-
sité des récepteurs de type Toll soit limitée, ils peuvent reconnaître des éléments
Fig. 2.16 Reconnaissance immunitaire de la plupart des microbes pathogènes, comme la Fig. 2.16 le montre.
innée par les récepteurs de type Toll.
Chacun des TLR dont la spécificité est connue Certains TLR mammaliens sont des récepteurs de surface, tandis que d’autres sont
reconnaît un ou plusieurs motifs moléculaires situés à l’intérieur de la cellule et insérés dans la membrane des endosomes, où ils
microbiens, en général par interaction détectent la présence des pathogènes ou de leurs composants ingérés par endo-
directe avec des molécules de la surface du
pathogène. Bien que certaines protéines des
cytose ou macropinocytose (Fig. 2.17). Un important récepteur de type Toll pour
TLR forment des hétérodimères (par ex. TLR- la réponse contre des infections bactériennes communes est TLR-4 sur les macro-
1:TLR-2), ce n’est pas la règle ; TLR-4, par phages ; il signale la présence de lipopolysaccharide bactérien par association avec
exemple, ne forme que des homodimères. CD14, le récepteur des macrophages pour le lipopolysaccharide, et une protéine
GPI, glycosylphosphatidylinositol; T. cruzi,
Trypanosoma cruzi, le protozoaire parasite ; cellulaire additionnelle, MD-2. TLR-4 est aussi impliqué contre un virus, au moins,
ARNdb, ARN double brin ; ARNsb, ARN simple le virus syncytial respiratoire, mais dans ce cas, la nature exacte du ligand stimu-
brin. lant n’est pas encore connue. Un autre récepteur de type Toll chez les mammifères,
TLR-2, signale la présence d’un assortiment différent de composants microbiens,
qui comprennent les acides lipotéichoïques (LTA) des bactéries Gram-positives et
diacyl triacyl
lipopeptides lipopeptides flagelline LPS les lipoprotéines des bactéries Gram-négatives, mais l’on ignore comment il les
reconnaît. Les réponses cellulaires à la stimulation des divers TLR sont dirigées de
TLR-6 TLR-2 TLR-1 TLR-2 TLR-5 TLR-4
manière à s’adapter au type particulier de pathogène présent. Par exemple, la sti-
mulation de TLR-3 par l’ARN double brin d’origine virale conduit à la production
MD-2
d’une cytokine antivirale, l’interféron, dont il sera question plus loin dans ce chapi-
tre. TLR-4 et TLR-2 induisent des signaux semblables mais distincts, comme l’illus-
trent les réponses différentes résultant de la signalisation par le lipopolysaccharide
TLR-3 Fig. 2.17 Les localisations cellulaires à la paroi de l’endosome, reconnaissent des
TLR-7
des récepteurs de type Toll mammaliens. composants microbiens, comme l’ADN, qui ne
Certains TLR sont localisés à la surface deviennent accessibles qu’après dégradation
cellulaire des cellules dendritiques et des du microbe. Les peptides diacyl et triacyl
macrophages, où ils peuvent détecter des reconnus respectivement par les récepteurs
ARNsb TLR-9 molécules extracellulaires des pathogènes. hétérodimériques TLR-6:TLR-2 et TLR-
ARNdb
On pense que les TLR agissent sous forme de 1:TLR-2, proviennent de l’acide lipotéichoïque
dimères ; seuls ceux qui fonctionnent comme des parois des bactéries Gram-positives et des
ADN CpG hétérodimères sont montrés ici sous forme lipoprotéines de surface des bactéries Gram-
Endosome dimérique. Les autres fonctionnent comme négatives.
homodimères. Les TLR intracellulaires, ancrés
La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système immunitaire inné 57

via TLR-4 et la signalisation par les LTA via TLR-2 ; par exemple, le lipopolysaccha-
ride et les LTA induisent la production de TNF-α, mais le lipopolysaccharide peut
aussi induire la production d’interféron (IFN)-β.

2-8 Les effets du lipopolysaccharide bactérien sur les macrophages sont


induits par la liaison de CD14 au récepteur TLR-4.

Le lipopolysaccharide bactérien (LPS) est un composant de la paroi des bacté-


ries Gram-négatives, comme les salmonelles ; il est connu depuis longtemps par
la réaction qu’il induit chez le sujet infecté. L’injection systémique de LPS cause
un collapsus circulatoire et respiratoire que l’on appelle un choc. Ces effets dra-
matiques du LPS sur les humains aboutissent à ce que l’on appelle choc septique, Fig. 2.18 Certains pathogènes peuvent
envahir l’organisme en traversant
qui est causé par une sécrétion massive de cytokines, particulièrement de TNF-α, la muqueuse intestinale ou d’autres
comme conséquence d’une infection bactérienne systémique non contrôlée, ou muqueuses. Dans le cas de Salmonella
septie. Nous décrirons la pathogénie du choc septique plus tard dans ce chapitre typhi, agent de la fièvre typhoïde, que l’on
et nous verrons qu’il s’agit d’une conséquence malheureuse d’actions effectrices voit ici migrer à travers l’épithélium intestinal,
la flagelline, une protéine qui entre dans la
du TNF-α importantes pour contenir les infections locales. Le LPS agit via TLR-4, et composition du flagelle, est reconnue par
les bénéfices de cette signalisation sont clairement illustrés par les souris mutan- les TLR sur les macrophages et les cellules
tes dépourvues de la fonction TLR-4 : bien qu’elles résistent au choc septique, elles dendritiques dans les tissus sous-jacents. Cela
sont très sensibles aux pathogènes porteurs de LPS comme Salmonella typhimu- suscite une réponse innée qui contribue à
contrôler l’infection. Cliché de J. Galan.
rium, un pathogène naturel des souris.
Les mêmes principes s’appliquent à l’homme infecté par Salmonella typhi,
l’agent de la fièvre typhoïde. Cette bactérie envahit en traversant les muqueuses
(Fig. 2.18), mais peut être reconnue par des macrophages et d’autres cellules pha-
gocytaires car elle est porteuse de LPS et de flagelline, qui activent deux TLR de
surface, TLR-4 et TLR-5 (voir Fig. 2.16), entraînant la libération de TNF-α. Ainsi,
une infection systémique par S. typhi peut causer un choc chez l’homme par le
même mécanisme que celui qui est induit par S. typhimurium chez la souris, c’est-
à-dire une libération massive de TNF-α.
Cependant, S. typhi, à l’instar de nombreuses bactéries pathogènes, est doté d’un
système de sécrétion dit de type III ; cela ressemble à l’usage d’une seringue minia-
ture qui permet à la bactérie de sécréter des molécules directement dans le cyto-
sol à travers la membrane des cellules mammaliennes. Par ce processus, S. typhi
peut transférer dans le cytosol du macrophage des protéases qui inhibent la voie
de signalisation aboutissant à la production de TNF-α ; un mécanisme qui pourrait
avoir été acquis par la bactérie au cours de son évolution afin de rendre les répon-
ses immunitaires innées moins efficaces.
TLR-4 seul ne peut reconnaître le LPS ; deux autres protéines de surface, CD14 et
MD-2, sont requises. CD14 lie le LPS et l’on pense que le complexe CD14:LPS est le
ligand de TLR-4, bien que sa liaison directe à TLR-4 attende encore d’être démon- Immunodéficience par déficit
trée. MD-2 s’attache d’abord à TLR-4 à l’intérieur de la cellule ; elle est nécessaire à en IRAK4 (Interleukin-1
l’adressage correct de TLR-4 à la surface et à la reconnaissance du LPS. Lorsque le Receptor-Associated Kinase-4)
complexe TLR-4:MD-2 interagit avec le LPS lié à CD14, un signal est envoyé au
noyau cellulaire et active le facteur de transcription NFκB (Fig. 2.19). Nous décri-
rons plus en détail les voies de signalisation utilisées par les TLR au Chapitre 6.
Cette voie de signalisation NFκB, appelée aussi voie Toll, fut découverte par son
rôle au cours de l’embryogenèse de la drosophile, le récepteur Toll déterminant
la morphologie dorsoventrale de l’insecte. Chez la mouche adulte, la même voie
conduit à la formation de peptides antimicrobiens en réponse à une infection. Une
voie de signalisation pratiquement identique est utilisée par tous les TLR dans leur
induction des réponses immunitaires innées chez les vertébrés, et une voie simi-
laire est utilisée par les plantes dans leur défense contre les virus et d’autres patho-
gènes des végétaux. Ainsi, la voie de signalisation Toll est un ancien processus qui
paraît intervenir dans le système immunitaire inné de la plupart des organismes
multicellulaires, si pas de tous.
58 Chapitre 2 : L’immunité innée

Le LPS dans les liquides biologiques est lié à une


2-9 Les protéines NOD agissent comme des détecteurs intracellulaires
protéine de phase aiguë, la LBP (LPS-Binding Protein) d’infection bactérienne.
LPS LBP
Les TLR sont situés dans les membranes cellulaires, soit en surface ou dans des
vésicules intracellulaires. D’autres protéines, qui interagissent avec leurs ligands
MD-2 par des domaines partageant des caractéristiques communes avec ceux des TLR,
complexe
TLR4:MD-2 sont présentes dans le cytosol et peuvent lier des produits microbiens et activer
CD14 NFκB, déclenchant ainsi les mêmes processus inflammatoires que ceux induits
par les TLR (Fig. 2.20). Ces protéines sont appelées NOD1 et NOD2, car en plus
du domaine d’interaction avec leur ligand, elles contiennent un domaine d’oligo-
mérisation et qui lie des nucléotides (NOD, Nucleotide-binding Oligomerization
Domain). Elles contiennent aussi des domaines qui recrutent les caspases, une
Le complexe LPS:LBP transfère le LPS famille de protéases intracellulaires, ce qui explique que les gènes qui codent les
à CD14 à la surface des phagocytes protéines NOD sont considérés comme membres de la famille génique CARD,
NOD1 est codée par CARD4 et NOD2 par CARD15.
Les protéines NOD reconnaissent des fragments de protéoglycans de la paroi bac-
térienne ; NOD1 lie l’acide γ-glutamyl diaminopimélique (iE-DAP), un produit de
dégradation des protéoglycans des bactéries Gram-négatives, tandis que NOD2 lie
le muramyl dipeptide, qui est présent dans les protéoglycans des bactéries Gram-
positives et Gram-négatives. Ainsi, NOD2 peut agir comme un détecteur général
des infections bactériennes, tandis que l’activité de NOD1 est limitée à la détec-
tion des bactéries Gram-négatives. Dans le cadre de ce rôle, les protéines NOD
sont exprimées dans des cellules qui sont continuellement exposées à des bac-
Ayant lié leLPS, CD14 interagit avec
le récepteur de type Toll 4 (TLR4:MD2), téries : dans les épithéliums qui forment la barrière que les bactéries doivent tra-
ce qui active NF𝛋B dans le noyau verser pour infecter le corps, et dans les macrophages et les cellules dendritiques
qui ingèrent les bactéries qui ont réussi à pénétrer dans l’organisme. Comme les
macrophages et les cellules dendritiques expriment aussi les TLR qui peuvent
reconnaître des protéoglycans bactériens, dans ces cellules, les signaux provenant
de NOD1 et NOD2 s’ajoutent aux signaux émis par les TLR. Dans les cellules épi-
théliales, cependant, l’expression des TLR est faible ou absente et, dans ces cellu-
les, NOD1 est un activateur important de réponse immunitaire innée. La protéine
NOD2 semble jouer un rôle plus spécialisé ; elle est fortement exprimée dans les
cellules de Paneth intestinales dans lesquelles elle stimule la production de puis-
sants peptides antimicrobiens, les α-défensines.

Fig. 2.19 Le signal induit par le


lipopolysaccharide bactérien est transmis
2-10 L’activation des récepteurs de type Toll et des protéines NOD déclenche
par le récepteur de type Toll, TLR-4, et la production de cytokines pro-inflammatoires et de chimiokines
active le facteur de transcription NFκB. ainsi que l’expression de molécules costimulatrices.
Dans le plasma, le LPS est lié à la protéine
LBP (LPS-Binding Protein), qui le transfère
à CD14, une protéine ancrée à la membrane Chez l’homme et tous les vertébrés examinés, l’activation de NFκB par les voies Toll
par un groupe glycosylphosphatidylinositol et NOD conduit à la production de plusieurs médiateurs importants de l’immu-
(GPI). Ce complexe LPS:CD14 se lie à TLR-4, nité innée, comme les cytokines (Fig. 2.21) et les chimiokines (voir Fig. 2.46). Les
complexé à la protéine MD-2, ce qui active le
facteur de transcription NFκB, qui passe alors
Appendices III et IV fournissent une liste détaillée de ces médiateurs importants.
dans le noyau où il allume les gènes impliqués Cette signalisation conduit aussi à l’expression de molécules costimulatrices
dans la protection contre l’infection. membranaires, essentielles pour l’induction des réponses immunes adaptatives.
Ces protéines, appelées B7.1 (CD80) et B7.2 (CD86), sont produites par les macro-
phages et les cellules dendritiques en réponse à l’interaction du LPS avec TLR-4
(Fig. 2.22). Ce sont ces protéines, avec les peptides antigéniques microbiens pré-
sentés par les protéines du CMH de classe II sur les macrophages et les cellules
dendritiques (voir Section 1-8), qui activent les cellules T CD4 (Fig. 2.23). Ces cel-
lules, à leur tour, sont nécessaires pour déclencher la plupart des réponses immu-
nes adaptatives. Pour rencontrer une cellule T CD4 naïve, les cellules dendritiques
présentatrices d’antigènes doivent migrer vers un ganglion lymphatique voisin
dans lequel passent les cellules T naïves circulantes, et cette migration est stimu-
lée par des cytokines, comme le TNF−α, qui sont aussi induites par la signalisation
via TLR-4. Ainsi, l’activation de l’immunité adaptative dépend de molécules indui-
tes en conséquence de la reconnaissance des pathogènes par l’immunité innée.
La reconnaissance de motifs moléculaires dans le système immunitaire inné 59

Fig. 2.20 Des protéines membranaires et à sa translocation dans le noyau où il induit


et intracellulaires agissent comme des l’expression des gènes pro-inflammatoires. Des protéoglycans bactériens peuvent être
détecteurs de bactéries qui reconnaissent La dégradation des protéoglycans bactériens
reconnus par des TLR à la surface cellulaire ou
par des protéines NOD dans le cytosol. Les deux
des protéoglycans bactériens et activent produit le muramyl dipeptide, le ligand de
conduisent à l’activation du facteur de transcription,
NFκB, le facteur de transcription stimulant NOD2, un détecteur intracellulaire des
NF𝛋B et l’expression de gènes pro-inflammatoires.
l’expression des gènes pro-inflammatoires. composants bactériens. Par la voie d’un
Les TLR à la surface cellulaire peuvent lier adaptateur, la protéine kinase RICK (Receptor-
TLR-2 protéo-
des composants bactériens, par ex. TLR-2 Interacting serine–threonine Kinase), NOD2
glycan
lie des protéoglycans de la paroi bactérienne. peut activer NFκB, activant ainsi les mêmes
Cette interaction transmet un signal à la cellule gènes pro-inflammatoires que ceux qui sont NOD2
par l’intermédiaire de la protéine adaptatrice activés par TLR-2.
MyD88, ce qui aboutit à l’activation de NFκB muramyl
dipeptide

Des substances comme les LPS qui induisent une activité costimulatrice ont été
MyD88
utilisées pendant des années dans les composés qui sont injectés avec les antigè-
RICK
nes protéiques pour augmenter leur immunogénicité. Ces substances sont appe-
lées adjuvants (voir Appendice I, Section  A-4), et c’est empiriquement que l’on NFκB NFκB
a trouvé que les meilleurs adjuvants contenaient des composants microbiens.
Plusieurs de ceux-ci (voir Fig. 2.16) induisent l’expression de molécules costimu-
latrices et de cytokines par les macrophages et les cellules dendritiques. Le pro-
fil exact des cytokines produites par le macrophage et la cellule dendritique varie
selon la nature des récepteurs stimulés, et nous verrons aux Chapitres 8 et 10 que
les cytokines sécrétées influencent à leur tour le caractère fonctionnel de la réponse
immune adaptative en développement. Ainsi, la capacité de discrimination du
système immunitaire inné entre les différents types de pathogènes est mise à pro-
fit pour assurer le choix de la réponse immune adaptative la plus appropriée.

Résumé.

Le système immunitaire naturel recourt à divers récepteurs pour reconnaître les


pathogènes et y répondre. Ceux qui reconnaissent directement la surface de ces
pathogènes se fixent souvent à des motifs répétés, par exemple des copules gluci-
diques ou lipidiques, caractéristiques des surfaces microbiennes et absentes des
cellules de l’hôte. Certains de ces récepteurs, par exemple le récepteur du man-
nose des macrophages, stimule directement la phagocytose, tandis que d’autres

Fig. 2.21 Les macrophages en réponse


Cytokines sécrétées par les macrophages et les cellules dendritiques aux produits bactériens sécrètent les
cytokines importantes suivantes : IL-1β,
Cytokine Principal producteur Agit sur Effet IL-6, CXCL-8, IL-12 et TNF-α. Le TNF-α est
un inducteur de la réponse inflammatoire
locale qui aide à contenir les infections. Il a
Lymphocytes Amplifie les réponses aussi des effets systémiques dont beaucoup
Macrophages
IL-1 sont dangereux (voir la Section 2-27). La
Kératinocytes
Foie Induit la sécrétion des protéines de phase aiguë chimiokine, CXCL-8, est aussi impliquée dans
la réponse inflammatoire locale en attirant
Lymphocytes Amplifie les réponses des neutrophiles dans le foyer infectieux. L’IL-
Macrophages 1, l’IL-6 et le TNF-α jouent un rôle critique
IL-6
Cellules dendritiques dans l’induction de la réponse hépatique
Foie Induit la sécrétion des protéines de phase aiguë
dite de phase aiguë (voir la Section 2-28), et
ils induisent la fièvre qui favorise la défense
CXCL8 Macrophages efficace de l’hôte de diverses manières. L’IL-
Phagocytes Facteur chimiotactique pour les
(IL-8) Cellules dendritiques 12 active les cellules tueuses naturelles (NK)
neutrophiles et favorise la différenciation des cellules T CD4
en la sous-population TH1 durant l’immunité
Oriente la réponse immunitaire vers les TH1, adaptative.
Macrophages
IL-12 Cellules T naïves
Cellules dendritiques pro-inflammatoire, sécrétion de cytokines

Induit des changements dans l’endothélium


Macrophages Endothélium vasculaire (expression de moléculesd’adhérence
TNF-α cellulaire, sélectines E et P, des changements
Cellules dendritiques vasculaire
dans les jonctions intercellulaires avec perte
accrue de liquide, coagulation sanguine locale)
60 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.22 Le LPS bactérien induit, dans les dans les ganglions régionaux sous forme
cellules de Langerhans, des changements de cellules dendritiques matures. Le second
qui les font migrer et déclencher l’immunité changement porte sur les molécules exprimées
adaptative en activant les cellules T à leur surface. Les cellules de Langerhans au
Cellule de
CD4. Les cellules de Langerhans sont des repos dans la peau ont une intense activité
Langerhans
cellules dendritiques immatures résidant phagocytaire et macropinocytaire, mais
bactérie dans la peau. En cas d’infection bactérienne, sont incapables d’activer les lymphocytes T.
elles sont activées par le LPS par la voie Les cellules dendritiques matures dans les
de signalisation des TLR. Ce qui induit ganglions lymphatiques ont perdu la capacité
CD14 chez elles deux types de changements. Le de capter les antigènes, mais sont devenues
premier concerne leur comportement et leur compétentes dans la stimulation des cellules T,
localisation. Alors que, dans la peau, elles sont du fait de l’expression accrue des molécules
au repos, dans les lymphatiques afférents, CMH et des molécules costimulatrices, CD80
TLR-4 on les retrouve en train de migrer en état (B7.1) et CD86 (B7.2).
d’activation. Finalement, elles aboutissent

sont des molécules sécrétées, qui facilitent la phagocytose des pathogènes par
opsonisation ou par activation du complément, comme nous le verrons dans la
prochaine partie de ce chapitre. Les récepteurs du système immunitaire naturel
qui reconnaissent les pathogènes jouent aussi un rôle important dans la signalisa-
tion des réponses induites responsables de l’inflammation locale, le recrutement
de nouvelles cellules effectrices, le contrôle de l’infection locale et le déclenche-
ment d’une réponse immune adaptative. De tels signaux peuvent être transmis par
une famille de récepteurs de signalisation, les récepteurs Toll (TLR), très conservés
au cours de l’évolution et qui servent à activer les défenses par une voie de signa-
lisation opérationnelle dans la plupart des organismes multicellulaires. Chez les
CD80
vertébrés, les récepteurs Toll jouent un rôle clé en permettant le déclenchement
de l’immunité adaptative. TLR-4 détecte la présence de bactéries Gram-négatives
par son association avec la protéine membranaire CD14, qui est un récepteur pour
molécule le LPS bactérien. D’autres TLR répondent à d’autres motifs moléculaires présents
du CMH
CD86 à la surface ou à l’intérieur des pathogènes. Ils activent le facteur de transcrip-
tion NFκB, qui induit alors la transcription de divers gènes codant entre autres des
cytokines, des chimiokines et des molécules costimulatrices, qui jouent un rôle
essentiel en orientant par la suite le cours de la réponse immune adaptative face à
l’infection. Tandis que les TLR reconnaissent la présence de bactéries et d’autres
microbes à l’extérieur de la cellule, les protéines cytosoliques, NOD, détectent des
produits bactériens similaires dans le cytoplasme de la cellule et activent la même
voie de NFκB.

L’activation des cellules T requiert à la fois l’antigène et des signaux costimulateurs

Pas d’antigène Pas de costimulation Antigène et costimulation

APC antigène étranger pathogène

Fig. 2.23 Pour que des cellules T naïves


soient activées par un antigène, celui-ci Récepteur CMH de CD4
CD80 CD80
doit être leur être présenté par une de cellule T classe II ou CD86
cellule présentatrice d’antigène activée Récepteur
qui exprime également des molécules CD28 de cellule T CD28 CD28
costimulatrices. Le récepteur des cellules T CD4
reconnaît l’antigène qui est sous la forme de
peptide lié à une molécule du CMH sur la
cellule présentatrice d’antigène (APC) comme Cellule T naïve Cellule T naïve Cellule T naïve
un macrophage ou une cellule dendritique.
Cependant, la cellule T ne sera activée que
si la cellule présentatrice d’antigène exprime Pas de peptide d’antigène Pas d’activation
Activation de la cellule T
aussi les molécules costimulatrices CD80 ou Pas de réponse La cellule T devient non répondeuse
CD86.
Le système du complément et l’immunité innée 61

Le système du complément et l’immunité innée.


Le complément a été découvert, il y a de nombreuses années, par Jules Bordet
comme un composant thermolabile du plasma sanguin normal qui augmente
l’opsonisation et la lyse des bactéries par des anticorps. On disait que cette activité
« complétait » l’effet antibactérien des anticorps d’où le nom qui lui a été attribué.
Bien qu’il ait été tout d’abord découvert comme un effecteur de la réponse à anti-
corps, il peut aussi être activé dès le début de l’infection en l’absence d’anticorps.
En effet, il semble à présent évident que le complément a d’abord évolué comme
une partie du système immunitaire inné, où il joue encore un rôle essentiel en cou-
vrant les pathogènes et en facilitant leur destruction.

2-11 Le complément est un système de protéines plasmatiques


qui est activé par la présence de pathogènes.

Le système du complément est constitué par de nombreuses protéines plas-


matiques différentes qui interagissent entre elles afin d’opsoniser des pathogè-
nes et d’induire une série de réactions inflammatoires qui contribuent à la lutte
contre l’infection. Plusieurs composants du complément sont des protéases qui
sont elles-mêmes activées par clivage protéolytique. Les précurseurs sont appe-
lés pro-enzymes ou zymogènes comme ceux que l’on a trouvés d’abord dans l’in-
testin. Une enzyme digestive, par exemple la pepsine, est stockée à l’intérieur des
cellules et secrétée sous forme d’un précurseur enzymatique inactif, le pepsi-
nogène. Celui-ci est clivé en pepsine dans l’environnement acide de l’estomac.
L’avantage d’un tel processus est évident ; il évite que l’organisme ne digère ses
propres tissus.
Les zymogènes du complément sont distribués largement dans les liquides bio-
logiques et les tissus. Dans les foyers infectieux, ils sont activés localement par la
présence du pathogène et déclenchent une série de puissants processus inflam-
matoires. Le système du complément fonctionne comme une cascade enzymati-
que : une protéase activée par clivage de son zymogène active à son tour un autre
précurseur de protéase. La réaction en chaîne peut ainsi se poursuivre. L’activation
au départ d’un petit nombre de protéines est fortement amplifiée à chaque réac-
tion enzymatique, aboutissant rapidement à une réaction particulièrement forte.
La coagulation sanguine est un autre exemple de cascade enzymatique. Dans ce
cas, une lésion minime d’un vaisseau sanguin peut conduire à la formation d’un
important caillot sanguin.
Un site important pour l’activation du complément est la surface des pathogè-
nes. Il existe trois voies distinctes par lesquelles le complément peut être activé
(Fig.  2.24). Déclenchées par des molécules différentes, elles convergent pour
générer le même jeu de molécules effectrices. L’activité protectrice du complé-
ment passe par trois mécanismes (voir Fig. 2.24). Dans le premier, de nombreu-
ses molécules du complément, après activation, se lient de manière covalente
aux pathogènes, et opsonisent de la sorte les pathogènes qui seront ainsi endo-
cytés plus facilement par les cellules phagocytaires porteuses de récepteurs pour
le complément. Le deuxième mécanisme repose sur la libération de petits frag-
ments du complément qui agissent comme agents chimiotactiques recrutant et
activant les phagocytes. Par le troisième mécanisme, les composants terminaux
du complément endommagent certaines bactéries en créant des pores dans leur
membrane.
En plus des effets directs du complément dans l’élimination des micro-organis-
mes infectieux, ce système joue aussi un rôle clé en activant le système immu-
nitaire adaptatif. C’est une conséquence partielle de l’opsonisation. En effet, les
cellules présentatrices d’antigène portent des récepteurs pour le complément et
62 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.24 Vue schématique de la cascade


du complément. Il existe trois voies VOIE CLASSIQUE VOIE DES LECTINES VOIE ALTERNATIVE
d’activation du complément. La voie classique
est déclenchée par l’interaction de C1q
directement avec la surface du pathogène, Liaison de la lectine
Complexes antigène-anticorps Surface des pathogènes
avec des anticorps liés à leurs antigènes aux pathogènes
ou avec la protéine C réactive couvrant
le pathogène. La voie des lectines est
déclenchée par des protéines comme la
lectine liant le mannose (MBL, Mannose-
Binding Lectin) et la ficoline, des constituants Activation du complément
normaux du sérum qui se lient à certaines
bactéries encapsulées. La voie alternative
est déclenchée directement au contact des
pathogènes. Ces trois voies conduisent à
une activité enzymatique cruciale qui génère
à son tour des molécules effectrices du Recrutement des cellules Opsonisation Destruction
inflammatoireset immunocompétentes des pathogènes des pathogènes
complément. Les trois conséquences de
l’activation du complément sont l’opsonisation
des pathogènes, le recrutement de cellules
inflammatoires et immunocompétentes ainsi
que la destruction directe des pathogènes.

ceux-ci amplifient la capture des antigènes couverts de complément et la présen-


tation de ces antigènes au système immunitaire adaptatif. En plus, comme nous le
verrons au Chapitre 9, les lymphocytes B portent des récepteurs pour les protéi-
nes du complément qui agissent comme costimulateurs, amplifiant la réponse des
cellules B envers les antigènes couverts de complément.
Le complément n’est pas activé seulement par les organismes infectieux. Des cel-
lules mourantes, comme celles de tissus ischémiques, c’est-à-dire qui manquent
d’oxygène, peuvent déclencher l’activation du complément. Les particules couver-
tes de complément sont plus facilement captées par les phagocytes. De la même
manière, le complément contribue à l’élimination efficace des cellules mortes,
endommagées ou apoptotiques. En faisant cela, il prévient le développement de
l’auto-immunité, c’est-à-dire une attaque par le système immunitaire des antigè-
nes du soi.

2-12 Le complément interagit avec les pathogènes et les marque


en vue de leur destruction par les phagocytes.

Au cours des phases précoces de l’infection, le complément peut être activé à la


surface d’un pathogène par une, ou plus, des trois voies montrées à la Fig. 2.25.
La voie classique est déclenchée par la liaison de C1q, la première protéine de la
cascade du complément, directement à la surface du pathogène. C1q peut intera-
gir avec la surface des pathogènes de trois manières. Il peut se lier directement à
des composants de surface de certaines bactéries, entre autres des protéines des
parois bactériennes et des structures polyanioniques comme l’acide lipotéichoï-
que des bactéries Gram-positives. Deuxièmement, C1q peut se lier à la protéine
C réactive, une protéine de phase aiguë du plasma humain qui s’attache aux rési-
dus de phosphocholine des polysaccharides bactériens, comme le polysaccha-
ride C des pneumocoques, d’où le nom de protéine C réactive. Nous traiterons
des protéines de phase aiguë de la réponse innée précoce plus loin dans ce chapi-
tre. Troisièmement, C1q est un lien important entre les mécanismes effecteurs de
l’immunité innée et adaptative en se liant aux complexes antigène:anticorps. La
voie des lectines est déclenchée par la liaison de protéines spécifiques de gluci-
des à des motifs particuliers de la surface des pathogènes. Ces protéines compren-
nent la lectine MBL, qui se lie aux glucides contenant du mannose sur les bactéries
ou les virus, comme décrit dans la Section  2-6, et les ficolines, qui se lient à la
N-acétylglucosamine présente à la surface de certains pathogènes. Finalement, la
voie alternative d’activation du complément peut être déclenchée par la liaison, à
la surface du pathogène, du composant C3 du complément activé spontanément
dans le plasma.
Le système du complément et l’immunité innée 63

Fig. 2.25 Vue générale des principaux


VOIE CLASSIQUE VOIE DES LECTINES VOIE ALTERNATIVE composants du complément et de leurs
activités effectrices. Les événements
précoces des trois voies d’activation du
Une lectine ou une ficoline
Complexes antigène-anticorps complément consistent en une série de
se lie aux glucides de la Surface des pathogènes
(surface de pathogène) clivages qui aboutissent à la formation d’une
surface des pathogènes
enzyme appelée C3 convertase, qui clive le
composant C3 en C3b et C3a. La formation
de la C3 convertase est le point où les
C1q, C1r, C1s MBL/ficoline, MASP-2 C3
trois voies convergent et où les principales
C4 C4 B
C2 C2 D fonctions du complément sont générées. C3b
se lie de manière covalente à la membrane
des bactéries et les opsonise, ce qui permet
aux phagocytes de les ingérer. C3a est un
médiateur local de l’inflammation. C5a et
C3 convertase C5b sont générés par le clivage de C5 par
la C5 convertase formée par C3b lié à la C3
convertase (non montré dans ce schéma
simplifié). C5a est aussi un puissant médiateur
local de l’inflammation. C5b déclenche les
Composants terminaux événements tardifs qui mènent à l’assemblage
du complément du complexe d’attaque membranaire qui
C5b peut endommager la membrane de certains
C3a, C5a C3b C6 pathogènes.
C7
C8
C9

Liaison aux récepteurs du Complexe d’attaque


Peptides médiateurs
complément sur les phagocytes membranaire,
de l’inflammation,
lyse de certains pathogènes
recrutement des phagocytes
et de cellules

Opsonisation
du pathogène

Élimination
des complexes immuns

Chaque voie suit une séquence de réactions qui va générer une protéase appe-
lée C3 convertase. Ces réactions constituent les événements « précoces » de
l’activation du complément. Cette phase est une succession de réactions enzy-
matiques dans lesquelles des précurseurs enzymatiques sont clivés en deux
fragments, le plus grand fragment des deux étant une sérine protéase. Cette pro-
téase active est retenue à la surface du pathogène, ce qui assure que le précur-
seur suivant soit clivé et activé à la surface du pathogène. Au contraire, le petit
fragment est libéré du site de la réaction et peut agir comme un médiateur solu-
ble de l’inflammation.
Les C3 convertases formées pendant ces événements précoces d’activation du com-
plément sont liées de façon covalente au pathogène. Là, elles clivent la protéine
C3 du complément pour générer de grandes quantités de C3b, le principal effec-
teur du complément, et C3a, un peptide médiateur de l’inflammation. Les molé-
cules de C3b sont des opsonines ; elles se lient de manière covalente au pathogène
et le destinent ainsi à la destruction par des cellules phagocytaires équipées de
récepteurs de C3b. C3b peut également s’unir à la C3 convertase pour former la C5
convertase, qui produit C5a, le plus important des petits peptides médiateurs de
l’inflammation, et le grand fragment C5b, qui déclenche les événements « tardifs »
de l’activation du complément. Ceux-ci comprennent une séquence de réactions
de polymérisation dans lesquelles les composants terminaux du complément for-
ment un complexe d’attaque membranaire, qui crée un pore dans la membrane
de certains pathogènes, ce qui peut les tuer.
64 Chapitre 2 : L’immunité innée

La nomenclature des protéines du complément est souvent un obstacle à la


Classement des protéines du complément
selon leur fonction compréhension du système, et avant d’entrer dans les détails de son fonction-
nement, nous voulons expliquer les conventions et la nomenclature utilisée
Liaison aux complexes dans cet ouvrage. Tous les composants de la voie classique et du complexe d’at-
antigène:anticorps et à la C1q
taque membranaire sont désignés par la lettre C suivie par un chiffre. Les com-
surface des pathogènes
posants natifs ont un simple chiffre, par exemple C1 et C2, mais les chiffres ont
Liaison au mannose été malheureusement attribués dans l’ordre de leur découverte plutôt que dans
MBL
des bactéries l’ordre de la réaction, qui est C1, C4, C2, C3, C5, C6, C7, C8 et C9. Les produits de
clivage sont désignés par l’addition d’une lettre minuscule, le plus grand frag-
C1r ment est désigné par b et le plus petit par a. Par exemple, le fragment C4 est
C1s clivé en C4b, le grand fragment de C4 qui se lie de manière covalente à la sur-
C2a
Enzymes activatrices Bb face du pathogène, et en C4a, le petit fragment qui est doté de faibles propriétés
D pro-inflammatoires. Il y a une exception à cette nomenclature. Pour C2, le plus
MASP-2
grand fragment fut à l’origine appelé C2a, et c’est ce composant qui exerce l’ac-
tivité enzymatique. Les composants de la voie alternative, au lieu d’être numé-
Protéines se liant aux C4b
membranes et opsonines C3b rotés, sont désignés par différentes lettres capitales, par exemple le facteur B et
D. Comme pour la voie classique, leurs produits de clivage sont désignés par
l’addition d’un « a » ou « b ». Ainsi, le grand fragment de B est Bb et le petit frag-
C5a
Peptides médiateurs C3a ment Ba.
de l’inflammation C4a
Finalement, dans la voie des lectines, les premières enzymes à être activées sont
les sérines protéases associées à la MBL, MASP1 et MASP2 (Mannose-binding-
C5b
C6 lectin-Associated Serine Proteases), après quoi, cette voie rejoint la voie classique.
Protéines d’attaque C7 Les composants activés du complément sont souvent désignés par une barre hori-
membranaire C8
C9 zontale, par exemple C2a ; cependant nous n’emploierons pas cette convention.
La formation de la C3 convertase joue un rôle pivot dans l’activation du com-
CR1 plément. Elle aboutit à la production des principales molécules effectrices et
CR2
Récepteurs du complément CR3 déclenche les phases tardives. Dans la voie classique et la voie des lectines, la C3
CR4 convertase est un complexe formé par le C4b lié à une membrane et associé à
C1qR
C2a ; on le désigne par le sigle C4b2a. Dans la voie alternative, un homologue de
C1INH la C3 convertase est formé à partir de C3b lié à une membrane et associé à Bb. La
C4bp voie alternative peut jouer un rôle amplificateur pour les trois voies puisqu’elle est
CR1
MCP déclenchée par la liaison de C3b.
Protéines régulatrices du
complément DAF
H Il est évident qu’une voie qui conduit à des effets inflammatoires et destructeurs
I avec un effet amplificateur important est potentiellement dangereuse et doit être
P soumise à une stricte régulation. Une sauvegarde importante est l’inactivation
CD59
spontanée et rapide des composants du complément s’ils ne sont pas liés à la sur-
face du pathogène qui les a activés. Il y a aussi plusieurs stades dans la voie d’acti-
Fig. 2.26 Classement des protéines du vation où des protéines régulatrices interviennent afin de prévenir une activation
complément selon leur fonction.
intempestive par des cellules de l’hôte et les dommages que cela pourrait causer.
Nous reviendrons plus loin sur ces mécanismes régulateurs.
Après avoir introduit les principaux composants du complément, nous sommes
maintenant prêts à détailler leurs fonctions. Pour distinguer les différents compo-
sants selon leurs fonctions, nous utiliserons un code de couleur dans les figures de
ce chapitre. Ceci commence à la Fig. 2.26, où tous les composants du complément
sont regroupés par fonction.

2-13 La voie classique est déclenchée par l’activation du complexe C1.

La voie classique joue un rôle dans l’immunité innée et adaptative. Comme nous
le verrons au Chapitre 9, le premier composant de cette voie, C1q, relie l’immu-
nité humorale adaptative au système du complément en se fixant aux complexes
antigènes:anticorps. Cependant, la voie classique peut aussi être activée au cours
des réponses immunitaires innées. Des anticorps appelés anticorps naturels sont
produits en l’absence apparente de toute infection. Ils ont une large spécificité pour
des antigènes microbiens et du soi, peuvent réagir avec de nombreux pathogènes
et, en tant qu’acteurs de l’immunité adaptative, peuvent activer le complément par
Le système du complément et l’immunité innée 65

Fig. 2.27 C1 est la première protéine de la des composants C1r et C1s, formant le
voie classique du complément, c’est un complexe C1q:C1r2:C1s2. Les têtes globulaires
complexe constitué de C1q, C1r et C1s. C1q peuvent se lier aux régions constantes des C1q
est composé de six sous-unités identiques immunoglobulines ou directement à la surface
comprenant des têtes globulaires et de longues du pathogène, ce qui change la conformation
tiges de type collagène. On a comparé cette de C1r, qui peut alors cliver et activer le C1s
molécule à un « bouquet de tulipes ». Ses zymogène C1s. Cliché (× 500 000) de C1r
tiges se lient à deux molécules de chacun K.B.M Reid.

liaison au C1q. Nous décrirons les anticorps naturels et la sous-population lym-


phocytaire spécialisée qui les produisent en plus de détails à la Section 2-34. Ici,
il faut seulement souligner le fait que la plus grande partie des anticorps naturels
appartient à la classe IgM et que c’est la classe qui est la plus efficace à lier C1q ;
ainsi les anticorps naturels fournissent un moyen efficace par lequel l’activation
du complément peut être dirigée vers les surfaces des pathogènes dès le début de
l’infection.
Une fonction supplémentaire de C1q dans l’immunité innée est qu’il peut se lier
directement à la surface de certains pathogènes et ainsi déclencher l’activation du
complément en l’absence d’anticorps. Il peut, par exemple, interagir avec la pro-
téine C réactive liée à la phosphocholine des bactéries. Ainsi, l’activation de C1 par
les anticorps naturels et par interaction directe avec les surfaces des pathogènes
représente une composante humorale importante de l’immunité innée.
C1q est une molécule du complexe C1, qui comprend une molécule de C1q liée à
deux molécules de chaque zymogène C1r et C1s. C1q est un hexamère, dont cha-
que sous-unité est un trimère, formant un domaine globulaire avec une queue
de type collagène en triple hélice. Dans l’hexamère de C1q, les six têtes globu-
laires sont liées entre elles par leur queue de type collagène, qui entoure le com-
plexe (C1r:C1s)2 (Fig.  2.27). La liaison de plusieurs têtes de C1q à la surface du
pathogène ou à la région constante des anticorps, la région Fc, dans un complexe
antigène:anticorps provoque un changement de conformation au niveau du com-
plexe (C1r:C1s)2 qui déclenche l’activité autocatalytique des C1r ; la forme active
de C1r clive alors C1s pour générer une sérine protéase active.
Une fois activé, C1s agit sur les deux composants suivants de la voie classique en
clivant C4 puis C2 pour donner deux grands fragments C4b et C2b, qui forment
la C3 convertase de la voie classique. Dans une première étape, C1s clive C4 pour
produire C4b qui se lie de manière covalente à la surface du pathogène. C4b lié
de manière covalente peut alors se lier à une molécule de C2 rendant possible
son clivage par C1s. C1s clive C2 en produisant le grand fragment C2a, qui est lui-
même une sérine protéase. C4b2a, le complexe formé de C4b avec la sérine pro-
téase active C2a, reste fixé à la surface du pathogène et forme la C3 convertase de
la voie classique. Sa principale activité est de cliver un grand nombre de molécu-
les C3 afin de produire un grand nombre de molécules C3b pour recouvrir la sur-
face du pathogène. En même temps, l’autre produit de clivage C3a déclenche une
réponse inflammatoire locale. Ces réactions représentent la voie d’activation clas-
sique du complément et sont schématisées dans la Fig. 2.28, les protéines impli-
quées et leur forme active sont reprises sur la liste de la Fig. 2.29.

2-14 La voie des lectines est homologue à la voie classique.

La voie des lectines utilise des protéines très similaires à C1q pour déclencher la
cascade du complément. Une de ces protéines est la lectine liant le mannose (MBL,
Mannose-Binding Lectin ) décrite plus haut. Elle se lie de manière spécifique aux
résidus mannose et à certains autres glucides présents à la surface de nombreux
pathogènes et disposés de manière à ce qu’ils puissent interagir, comme le mon-
tre schématiquement la Fig. 2.15. Sur les cellules de vertébrés, ces structures sont
recouvertes par d’autres glucides, particulièrement par l’acide sialique. Ainsi, la
MBL ne peut activer le complément qu’en se liant à la surface d’un pathogène. Elle
66 Chapitre 2 : L’immunité innée

C4b2a est une C3 convertase Une molécule de C4b2a peut cliver


C1s activé clive C4 en C4a et C4b; C4b se lie alors à C2, qui est clivé
active qui clive C3 en C3a et C3b ; plus de 1000 molécules de C3 en
C4b se lie à la surface du par C1s en C2a et C2b, formant le
C3b se lie à la surface microbienne C3b. Beaucoup de molécules C3b
pathogène complexe C4b2a
ou à la convertase elle-même se lient à la surface microbienne

C4
C4a C2
C2b C3 C3a C3 C3a

C1s

C4b2a3b
C3b
C4b C4b2a C4b2a C3b

Fig. 2.28 La voie classique de l’activation est présente à faible concentration dans le plasma normal de la plupart des indi-
du complément génère la C3 convertase,
vidus et, comme nous le verrons dans la dernière partie de ce chapitre, sa produc-
qui dépose un grand nombre de molécules
C3b à la surface du pathogène. Les étapes tion par le foie est augmentée pendant la réaction de phase aiguë, qui fait partie de
citées ici sont détaillées dans le texte. Le la réponse immune innée.
clivage de C4 par C1s expose un groupement
réactif de C4b qui lui permet de se lier de La MBL, comme C1q, est une molécule à six têtes qui forme un complexe avec
manière covalente à la surface du pathogène. deux zymogènes de sérine protéases MASP1 et MASP2 (Fig.  2.30). MASP2 est
C4b se lie alors à C2, le rendant sensible au apparentée étroitement à C1r et C1s, et MASP1 est une cousine un peu plus éloi-
clivage par C1s. Le grand fragment C2a est la
protéase active de la C3 convertase. Celle-ci gnée ; ces quatre enzymes ont probablement évolué par duplication d’un gène à
clive de nombreuses molécules de C3 en C3b, partir d’un précurseur commun. Quand le complexe MBL se lie à la surface du
qui se lie à la surface du pathogène, et C3a, pathogène, MASP1 et MASP2 sont activées et clivent C4 et C2. Le rôle de MASP-1
un médiateur de l’inflammation.
dans l’activation du complément est incertain ; in vitro, elle clive C2 de manière
aussi efficace que MASP-2. Aussi, son rôle pourrait être d’amplifier l’activation
du complément, même si elle est incapable de la déclencher. Ainsi, la voie des
lectines active le complément de la même manière que la voie classique, en for-
mant une C3 convertase à partir de C2a lié à C4b. Les patients déficients en MBL
ou en MASP-2 sont plus sensibles aux infections durant la petite enfance, ce qui
montre l’importance de la voie des lectines. La fenêtre d’âge durant laquelle les
patients déficients en MBL sont particulièrement sensibles aux infections illus-
tre bien l’importance particulière des mécanismes de défense innés pendant la
petite enfance. Cette période critique débute après que l’enfant a perdu la protec-
tion passive assurée par les anticorps maternels transmis à travers le placenta et
par le colostrum et avant que son système immunitaire adaptatif n’ait atteint sa
pleine maturité.
La structure et la fonction des ficolines les apparentent à MBL et à Clq ; elles lient
également les glucides des surfaces microbiennes et, comme les collectines, acti-
vent le complément par liaison et activation de MASP-1 et MASP-2 (voir Fig. 2.30).
Chez l’homme, on distingue trois ficolines : L, M et H. Elles diffèrent des col-
lectines dans le fait qu’au lieu d’avoir un domaine lectine attaché à une tige de
type collagène, elles ont un domaine de type fibrinogène, qui lie des glucides et
donne aux ficolines leur spécificité générale pour les oligosaccharides contenant
la N-acétylglucosamine. En décrivant l’activation du complément par ces molécu-
les d’activation innée, nous avons utilisé MBL comme prototype, mais les ficolines
peuvent être plus importantes en pratique, puisque leur concentration plasmati-
que est plus grande que celle de MBL.
Le système du complément et l’immunité innée 67

Fig. 2.29 Les protéines de la voie classique


Les protéines de la voie classique d’activation du complément d’activation du complément.

Composant Forme
Fonction de la forme active
natif active

Une liaison directe au pathogène ou indirecte par les anticorps fixés


C1q
au pathogène, permet l’auto-activation de C1r
C1
(C1q: C1r Clive C1s en protéase active
C1r2:C1s2)

C1s Clive C4 et C2

Liaison covalente au pathogène et opsonisation


C4b Lie C2, qui est alors clivé par C1s
C4
C4a Peptide médiateur de l’inflammation (activité faible)

Lectine liant le mannose


Enzyme active de la C3/C5 convertase de la voie classique :
C2a clive C3 et C5
C2
MASP-1 MASP-1
C2b Précurseur de la kinine C2 vasoactive
MASP-2 MASP-2
Liaison de nombreuses molécules de C3b à la surface du pathogène
C3b et opsonisation. Déclenche l’amplification par la voie alternative.
C3 Se lie à C5, qui est clivé par C2a

C3a Peptide médiateur de l’inflammation (activité intermédiaire)

2-15 L’activation du complément est confinée à la surface


sur laquelle elle a été déclenchée. Lectine liant le mannose

Nous avons vu que la voie classique et la voie des lectines d’activation du complé-
ment débutent par la liaison de protéines à la surface des pathogènes. Pendant la
cascade enzymatique qui suit, il est important que l’activation reste localisée sur
ce même site, de telle manière que l’activation de C3 ait lieu à la surface du patho-
gène et non dans le plasma ou sur des cellules de l’hôte. Ce qui est réalisé princi-
palement par la liaison covalente de C4b au pathogène. Le clivage de C4 expose
une liaison thioester hautement réactionnelle dont la rupture entraîne la liaison
de C4b à un site proche de son lieu d’activation. Dans l’immunité innée, le cli-
vage de C4 est catalysé par le complexe C1 ou MBL lié au pathogène, C4b se liant
aux protéines voisines ou aux polysaccharides du pathogène. Si C4b ne forme pas
Ficolines

Fig. 2.30 Les molécules du système inné qu’elles interagissent avec la MBL de la
activatrices du complément sont associées même manière que C1r et C1s interagissent MASP-1 MASP-1
à des sérine protéases et forment un avec C1q. Après la liaison de la MBL à la
ensemble qui ressemble au complexe C1. surface bactérienne, MASP-2 est activée et MASP-2 MASP-2
La lectine liant le mannose (MBL) (panneau peut alors activer le complément en clivant et
du haut) est composée de groupes de deux activant C4 et C2. Les ficolines (panneau du
à six têtes qui se lient aux glucides et d’une bas) ressemblent à la MBL par leur structure
tige centrale constituée des monomères de générale, sont associées à MASP-1 et MASP-2
type collagène. Cette structure est facilement et peuvent activer C4 et C2 après liaison
visible en microscopie électronique (panneau aux glucides des surfaces microbiennes.
du milieu). Deux sérine protéases, MASP-1 et Le domaine de liaison des ficolines est un
MASP-2 (MBL Associated Serine Proteases), domaine de type fibrinogène et non de type
sont associées à la MBL. La disposition des lectine comme ceux de la MBL. Cliché de
molécules MASP dans le complexe n’est K.B.M Reid.
pas encore déterminée, mais il est probable
68 Chapitre 2 : L’immunité innée

rapidement cette liaison, le pont thioester est rompu par réaction avec l’eau, ce
qui inactive irréversiblement C4b (Fig. 2.31). La forme active ne peut ainsi s’écar-
ter du site d’activation, ce qui réduit le risque de liaison aux cellules saines de
l’hôte.
Le clivage de C2 par C1s n’est possible que lorsqu’il est lié à C4b et que la sérine
protéase, C2a, est de cette manière également confinée à la surface du patho-
gène sur laquelle elle reste associée à C4b pour former la C3 convertase, C4b2a.

Fig. 2.31 Le clivage de C4 expose un pont


thioester réactionnel qui permet qu’une C4
liaison covalente s’établisse entre le grand
fragment, C4b, et des molécules voisines
présentes à la surface de la bactérie. La γ
molécule de C4 complète est composée d’une
β
chaîne α, d’une chaîne β et d’une chaîne γ.
La liaison thioester, qui est protégée dans la α
protéine native, est portée par la chaîne α.
Quand celle-ci est clivée par C1s pour produire
C4b, le pont thioester (marqué par une flèche
dans le troisième panneau) est rapidement Clivage par C1s
hydrolysé (c’est-à-dire, clivé par l’eau),
inactivant C4b à moins qu’il ne réagisse avec C1s
un groupe hydroxyle ou amine pour former une C4a C4b
liaison covalente à la surface du pathogène.
La protéine homologue C3 possède un pont γ
thioester identique qui est aussi exposé sur β
C3b lorsque C3 est clivé par C2a. La liaison α
covalente de C3b et C4b au pathogène permet
à ces molécules d’agir comme des opsonines
et, point important, de limiter l’activation du
complément à la surface du pathogène.

Groupe thioester réactionnel de C4b

Gly Glu

Cys Glu

+ H2O + R-OH (protéine, glucide)

C4b inactif C4b lié à la surface cellulaire

γ γ
β β
α α

R
surface cellulaire
Le système du complément et l’immunité innée 69

L’activation de C3 a lieu aussi à la surface du pathogène. Ensuite, le produit de cli-


vage C3b est rapidement inactivé à moins qu’il ne forme une liaison covalente par
le même mécanisme que C4b, et dès lors il n’opsonise que la surface sur laquelle
l’activation du complément a eu lieu. L’opsonisation des pathogènes par C3b est
plus efficace lorsque les anticorps sont liés à la surface du pathogène, puisque les
phagocytes ont des récepteurs pour le complément et les anticorps ; ce qui sera
décrit au Chapitre 9. Puisque les formes réactives de C3b et C4b peuvent former
un lien covalent avec toute protéine ou glucide adjacent, lorsque le complément
est activé par des anticorps fixés, une proportion des C3b et Cb4 réactionnels s’at-
tachera aux molécules d’anticorps elles-mêmes. Cette combinaison d’anticorps
interconnectés chimiquement au complément est probablement très efficace
pour déclencher la phagocytose.

2-16 L’hydrolyse de C3 déclenche la voie alternative du complément.

La troisième voie d’activation du complément est dite « alternative » parce


qu’elle a été découverte comme une seconde voie ou une alternative à la voie
classique. Cette voie peut s’enclencher à la surface de nombreux micro-orga-
nismes en l’absence d’anticorps spécifiques. Elle aboutit à la formation d’une
C3 convertase différente appelée C3bBb. Contrairement à la voie classique et
à la voie des lectines, la voie alternative ne dépend pas d’une liaison protéique
au pathogène pour son déclenchement ; au lieu de cela, elle débute par l’hy-
drolyse spontanée de C3, comme le montrent les trois panneaux du haut de la
Fig. 2.32. Les différents composants de cette voie sont repris dans la Fig. 2.33.
Plusieurs mécanismes veillent à ce que cette activation ne survienne qu’à la sur-
face du pathogène ou de cellules endommagées, et non sur des cellules et tis-
sus normaux.
Le composant C3 est abondant dans le plasma, C3b étant produit en quantité
significative par clivage spontané (ou tickover, comme un moteur qui tourne au
ralenti). L’hydrolyse spontanée du pont thioester de C3 aboutit à C3(H2O) et à un
changement de conformation qui permet sa liaison au facteur B. Le facteur B en
se liant à C3(H2O) devient la cible du facteur D, qui le clive en Ba et Bb, ce dernier
restant attaché C3(H2O) pour former le complexe C3(H2O)Bb, qui est une forme
soluble de la C3 convertase. Bien que formée en faible quantité, elle clive de nom-
breuses molécules de C3 en C3a et C3b. Les molécules C3b sont pour la plupart
inactivées par hydrolyse, mais le pont thioester, en se rompant, permet à une frac-
tion de C3b de s’attacher de manière covalente à la surface des cellules de l’hôte
ou des pathogènes. Là, il s’associe au facteur B et l’expose au facteur D, qui le clive
en Ba et en la protéase active Bb. Ainsi se forme la C3 convertase de la voie alter-
native, C3bBb (voir Fig. 2.34).

2-17 Des protéines membranaires et plasmatiques qui régulent la


formation et la stabilité des C3 convertases déterminent l’amplitude
de l’activation du complément dans diverses circonstances.

L’amplitude de l’activation du complément dépend de manière critique de la


stabilité de la convertase C3bBb. Cette stabilité est contrôlée par des protéines
régulatrices positives et négatives. Les cellules normales sont protégées de l’ac-
tivation du complément par plusieurs protéines régulatrices négatives présen-
tes dans le plasma et sur les membranes cellulaires. Ces protéines interagissent
avec C3b et empêchent la formation de la C3  convertase ou favorisent sa dis-
sociation. Ainsi, une protéine membranaire, DAF (Decay-Accelerating Factor)
ou CD55, entre en compétition avec le facteur B pour la liaison à C3b et peut
même déplacer Bb d’une convertase déjà formée. La formation de la conver-
tase peut aussi être évitée par le clivage de C3b en iC3b inactif. Ce que réalise la
protéase plasmatique appelée facteur I, assistée par la protéine membranaire
70 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.32 Le complément activé par la voie


alternative attaque les pathogènes en C3 subit une hydrolyse spontanée en C3(H2O),
qui se lie au facteur B permettant son clivage
épargnant les cellules de l’hôte, qui sont
par le facteur D en Ba et Bb
protégées par des protéines régulatrices
du complément. Le composant C3 du
complément est clivé spontanément dans le
C3
plasma pour donner C3(H2O), qui se lie au facteur D
facteur B
facteur B et permet le clivage de ce dernier
par le facteur D (panneau du haut). La C3
convertase soluble ainsi formée clive C3 en C3(H2O)
C3a et C3b, qui peut s’attacher aux cellules de
l’hôte ou à la surface du pathogène (deuxième
panneau). Le C3b lié de manière covalente se
Le complexe C3(H2O)Bb est une C3 convertase qui
lie au facteur B, qui en retour est rapidement clive plus de C3 en C3a et C3b. C3b est rapidement
clivé par le facteur D en Bb. Bb reste attaché inactivé sauf s’il se fixe à une surface cellulaire
au C3b pour former la C3 convertase, et Ba
est libéré (troisième panneau). Si C3bBb
se forme à la surface d’une cellule de l’hôte Bb
(panneau du bas à gauche), il est rapidement C3a
inactivé par les protéines régulatrices du
complément exprimées par les cellules de C3(H2O) C3
l’hôte : le récepteur 1 du complément (CR1),
la protéine DAF (Decay-Accelerating Factor)
et MCP (Membrane Cofactor of Proteolysis). C3b
Les surfaces cellulaires de l’hôte favorisent
en outre la fixation du facteur plasmatique H.
CR1, DAF et le facteur H déplacent Bb de
C3b ; CR1, MCP et le facteur H catalysent le Le facteur B se fixe de manière non covalente
clivage du C3b lié par la protéase plasmatique, à C3b sur la surface cellulaire où il est clivé par
le facteur I, ce qui produit un fragment C3b le facteur D qui libère le fragment Bb
inactif (connu comme iC3b). Les surfaces
facteur B Ba
bactériennes (panneaux du bas à droite)
n’expriment pas de protéines régulatrices
du complément et favorisent la liaison du
facteur P (properdine), qui stabilise l’activité facteur D
de la convertase C3bBb. Cette convertase est Bb
l’équivalent de C4b2a de la voie classique (voir
Fig. 2.28).

Sur les cellules de l’hôte, les protéines Les pathogènes n’ont pas de protéines
régulatrices, CR1, H, MCP et DAF, se fixent régulatrices. La liaison de la properdine
à C3b. CR1, H et DAF déplacent Bb (facteur P) stabilise le complexe C3bBb

Bb

facteur P
DAF C3b Bb
H C3b
CR1 MCP C3bBb
C3b

C3b lié à H, CR1 et MCP est clivé par le Le complexe C3bBb est une C3 convertase qui
facteur I pour donner le C3b inactif (iC3b) dépose de nombreuses molécules de C3b sur
la surface du pathogène

facteur I
I DAF C3b I

I
CR1 H MCP
iC3b
iC3b
iC3b

Pas d’activation du complément Opsonisation, activation des


à la surface des cellules de l’hôte composants terminaux du complément.
Le système du complément et l’immunité innée 71

Fig. 2.33 Les protéines de la voie alternative


Les protéines de la voie alternative d’activation du complément d’activation du complément.

Composant Fragments
Fonction
natif actifs

Se lie à la surface du pathogène, se lie au facteur B et permet son


C3 C3b
clivage par D, C3bBb est la C3 convertase et C3b2Bb est la C5 convertase

Ba Petit fragment de B, fonction inconnue


Facteur B (B)
Bb est l’enzyme active de la C3 convertase C3bBb
Bb
et de la C5 convertase C3b2Bb Facteur I de déficience

Facteur D (D) D Sérine protéase plasmatique, clive B lié à C3b en Ba et Bb

Properdine Protéine plasmatique qui stabilise la C3 convertase C3bBb


(facteur P) P liée aux bactéries

MCP (Membrane Cofactor of Proteolysis) ou CD 46. Le récepteur membranaire


du complément de type 1 (CR1, Complement Receptor type 1) exerce une acti-
vité semblable à celles de DAF et de MCP dans l’inhibition de la formation de la
C3 convertase et la promotion du catabolisme de C3b en produits inactifs, mais
il a une distribution tissulaire plus limitée. Le facteur H est une autre protéine
plasmatique régulatrice du complément qui se lie à C3b et, comme CR1, entre
en compétition avec le facteur B et déplace Bb de la convertase tout en agissant
comme cofacteur du facteur I. Le facteur H se lie préférentiellement au C3b atta-
ché aux cellules de vertébrés puisqu’il a une affinité importante pour les résidus
d’acide sialique de ces cellules.
Par contre, lorsque le complément est activé sur des surfaces étrangères, comme
les surfaces bactériennes, ou sur des cellules qui ont été endommagées ou modi- Fig. 2.34 L’activation de la voie alternative
du complément peut amplifier la voie
fiées par ischémie, infection virale ou liaison à des anticorps, les convertases sont classique ou la voie des lectines en
stabilisées, ce qui permet à l’activation du complément de se poursuivre. Sur ces formant une autre C3 convertase et en
cellules, une protéine plasmatique régulatrice positive, la properdine ou fac- déposant plus de molécules de C3b sur
teur P, se lie à la convertase C3bBb et augmente sa stabilité, amplifiant ainsi l’ac- le pathogène. Le C3b déposé par la voie
classique ou la voie des lectines peut se lier au
tivation du complément. facteur B, le rendant alors sensible au clivage
par le facteur D. Le complexe C3bBb est la C3
Une fois formée sur une surface qui lui procure une certaine stabilité, la conver- convertase de la voie alternative et son action,
tase C3bBb clive rapidement d’autres fragments C3 en C3b, qui peuvent se lier comme C4b2a est de déposer de nombreuses
au pathogène et agir comme opsonine ou réactiver la voie pour former une molécules de C3b à la surface du pathogène.

Le facteur B lié est clivé en Ba et Le complexe C3bBb est une C3


Le C3b déposé par la C3 convertase de la
C3b se lie au facteur B Bb par la protéase plasmatique D convertase qui clive de nombreuses
voie classique ou de la voie des lectines
moléculesde C3 en C3a et C3b

facteur B facteur D C3

Ba C3a

Bb
C3bBb
C3b

C3b
72 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.35 Il existe une parenté étroite entre


les facteurs d’activation du complément de Protéine assurant la fonction
la voie alternative, de la voie des lectines Étape Parenté
et de la voie classique. La plupart de ces Alternative Lectine Classique
facteurs sont soit identiques soit produits par
des gènes qui ont été dupliqués et dont les Homologue
séquences ont ensuite divergé. Les protéines Sérine protéase déclenchante D MASP C1s (C1s et MASP)
C4 et C3 sont homologues et contiennent un
pont thioester instable qui permet la liaison
covalente de C4b et C3b aux membranes. Liaison covalente à la surface cellulaire C3b C4b Homologue
Les gènes qui codent les protéines C2 et B
sont adjacents dans la région du CMH de
C3/C5 convertase Bb C2a Homologue
classe III et résultent d’une duplication de
gène. Les protéines régulatrices CR1, le
facteur H et C4bp contiennent une séquence CR1 CR1 Identique
Contrôle de l’activation Homologue
répétée commune à beaucoup de protéines H C4BP
régulatrices du complément. La divergence
la plus importante entre ces voies est leur Opsonisation C3b Identique
déclenchement. Dans la voie classique, le
complexe C1 se lie soit à certains pathogènes
soit aux anticorps fixés au pathogène et sert Déclenchement de la voie effectrice C5b Identique
ensuite à convertir la fixation de l’anticorps
en une activité enzymatique sur une surface
spécifique. Dans la voie des lectines, la Local Inflammation locale C5a, C3a Identique
lectine liant le mannose (MBL) s’associe aux
sérine protéases MASP, qui exercent la même
Stabilisation P Aucun Unique
fonction que celle assurée par C1r:C1s. Dans
la voie alternative, cette activité est assurée
par le facteur D.

autre molécule de convertase C3bBb. Ainsi, la voie alternative activée à travers


une boucle d’amplification ne peut se dérouler qu’à la surface d’un pathogène
ou de cellules endommagées et pas sur les cellules ou tissus normaux. La même
boucle d’amplification permet à la voie alternative de contribuer à l’activation
du complément déclenchée soit par la voie classique ou celle des lectines (voir
Fig. 2.25).
Les C3 convertases de la voie classique et de la voie des lectines (C4b2b) et la
C3 convertase de la voie alternative (C3bBb) sont apparemment distinctes.
Cependant, la compréhension du système du complément est simplifiée par les
similitudes liées à une évolution conjointe des différentes protéines du complé-
ment (Fig. 2.35). Ainsi, les zymogènes, facteur B et C2, sont des protéines étroite-
ment apparentées, codées par des gènes homologues localisés en tandem dans
le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) sur le chromosome 6 humain.
En outre, leurs partenaires respectifs de liaison, C3 et C4, contiennent un pont
thioester qui leur permet d’attacher la C3 convertase de manière covalente à la
surface des pathogènes. Seul un composant de la voie alternative se distingue des
équivalents fonctionnels de la voie classique et de la voie des lectines, c’est le fac-
teur D, la sérine protéase qui joue un rôle clé dans la voie alternative. Le facteur
D est la seule protéase activatrice du complément qui circule sous forme active et
non sous forme de zymogène. Ce qui est nécessaire pour le déclenchement de la
voie alternative par le clivage spontané de C3, et sécurisant pour l’hôte puisque
le facteur D n’a pas d’autre substrat que le facteur B lié à C3b. Cela signifie que le
facteur ne rencontre son substrat qu’en très faible quantité dans le plasma, et à
la surface du pathogène quand l’activation de la voie alternative du complément
peut se poursuivre.
La comparaison des différentes voies d’activation du complément illustre le prin-
cipe général selon lequel la plupart des mécanismes immunitaires effecteurs acti-
vables sans sélection clonale, typiques d’une réponse non adaptative précoce, ont
été récupérés au cours de l’évolution pour être utilisés comme mécanismes effec-
teurs de l’immunité adaptative. En d’autres termes, il est quasi certain que l’évo-
lution vers la réponse adaptative a progressé par la simple addition de systèmes
de reconnaissance spécifique au système non adaptatif d’origine. Ce qu’illustre
Le système du complément et l’immunité innée 73

très bien le système du complément, dont les composants sont clairement défi- C3b se lie aux C3 convertases C4b2a et
nis et pour lesquels, au plan de l’évolution, on peut facilement relier les homolo- C3bBb formant les C5 convertases actives
gues fonctionnels. C4b2a3b et C3b2Bb

2-18 La C3 convertase liée à une surface de pathogène y dépose un grand


nombre de fragments C3b et génère l’activité de la C5 convertase.
C4b2a3b C3b2Bb
La formation de la C3 convertase est le point où convergent les trois voies d’ac-
tivation, puisque la convertase C4b2b, de la voie classique et de la voie des lec-
C5 se lie au C3b de la C5 convertase
tines, et la convertase de la voie alternative C3bBb possèdent la même activité
et déclenchent les mêmes événements subséquents. Elles clivent C3 en C3b et
C3a. C3b se lie de manière covalente suite à la rupture de son pont thioester
aux molécules voisines de la surface du pathogène ; s’il en était autrement, il C5 C5
serait inactivé par hydrolyse. C3 est le composant du complément le plus abon-
dant dans le plasma à une concentration de 1, 2 mg/ml et plus de mille molé-
C4b2a3b C3b2Bb
cules de C3b peuvent se lier à proximité d’une seule C3 convertase active (voir
Fig. 2.34). Ainsi, la principale action du complément est de déposer de grandes
quantités de C3b sur la surface du pathogène et de former ainsi une enveloppe C5 est clivé par C2a ou Bb pour former
attachée par covalence capable de déclencher la destruction du pathogène par C5b et C5a
les phagocytes.
C5a C5a
L’étape suivante de la cascade est la formation de la C5 convertase. Dans la voie
classique et la voie des lectines, la C5 convertase est formée par la liaison de C3b C5b C5b
à C4b2b ce qui donne le complexe C4b2b3b. De la même manière, la C5 conver-
tase de la voie alternative est formée par la liaison de C3b à la C3 convertase par
formation de C3b2Bb. C5, capté par un site accepteur de C3b dans la C5 conver-
C4b2a3b C3b2Bb
tase, est exposé à la sérine protéase C2b ou Bb, dont l’activité génère C5b et C5a.
Ce clivage est plus limité que celui de C3 puisque C5 ne peut être clivé que lors-
que C3b est lié à la C5 convertase. Ainsi, les trois voies d’activation du complé- Fig. 2.36 Le composant C5 du complément
ment aboutissent à la liaison de nombreuses molécules de C3b à la surface du est clivé dés qu’il est capté par C3b qui
fait partie de la C5 convertase. Comme
pathogène, à la formation d’un nombre limité de C5b et à la libération de C3a et montré dans le panneau du haut, les C5
C5a (Fig. 2.36). convertases sont formées quand C3b se lie
soit à la C3 convertase de la voie classique
ou de la voie des lectines C4b2a pour former
2-19 Les phagocytes reconnaissent et ingèrent par des récepteurs C3b2a3b, soit à la C3 convertase de la voie
alternative C3bBb pour former C3b2Bb. C5 se
spécifiques les pathogènes couverts de composants du complément. lie au C3b de ce complexe (panneau central).
Le panneau du bas montre comment C5 est
L’action la plus importante du complément est de faciliter la capture et la des- clivé par l’enzyme C2b ou Bb pour former
C5b et le médiateur inflammatoire C5a. À la
truction des pathogènes par les cellules phagocytaires. Des récepteurs du com- différence de C3b et C4b, C5b n’est pas lié de
plément (CR) sur les phagocytes reconnaissent de manière spécifique des manière covalente à la surface cellulaire. La
composants du complément. Ils se lient aux pathogènes opsonisés : l’opsonisation production de C5b déclenche l’assemblage
du pathogène étant une fonction majeure de C3b et de ses dérivés protéolytiques. des composants terminaux du complément.
C4b peut aussi agir comme opsonine, mais son rôle est mineur, car C3b est beau-
coup plus abondant.
La Fig. 2.37 reprend les six types connus de récepteurs du complément avec leurs
fonctions et leur distribution. Le mieux connu est le récepteur de C3b, CR1 (CD35),
qui est exprimé sur les macrophages et les polynucléaires. La liaison de C3b à CR1
ne peut pas stimuler directement le phagocyte, mais permet la phagocytose en
présence d’autres activateurs. Par exemple, le fragment C5a peut activer les macro-
phages pour déclencher la phagocytose des bactéries liées à CR1 (Fig. 2.38). C5a
se lie à un autre récepteur exprimé par les macrophages, le récepteur de C5a, qui
possède sept domaines transmembranaires. Les récepteurs de ce type se couplent
à des protéines G intracellulaires (guanine-nucleotide-binding protein), qui trans-
mettent le signal venant du récepteur de C5a. Les protéines associées à la matrice
extracellulaire, comme la fibronectine, peuvent aussi contribuer à l’activation des
phagocytes ; ceci survient quand les phagocytes sont recrutés et activés  dans le
tissu conjonctif.
74 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.37 Distribution et fonction des


récepteurs du complément à la surface Récepteur Spécificité Fonctions Types cellulaires
des cellules. Il existe plusieurs récepteurs
spécifiques pour le complément et ses
fragments. CR1 et CR3 sont particulièrement Favorise la dégradation de C3b et C4b Erythrocytes, macrophages,
importants pour induire la phagocytose des
CR1 C3b, C4bi Stimule la phagocytose monocytes, leucocytes
(CD35) C3b Transport des complexes immuns polynucléaires, cellules B, FDC
bactéries opsonisées par le complément. CR2
par les érythrocytes
est retrouvé principalement sur les cellules B,
où il fait partie du complexe corécepteur des
cellules B. Il est aussi le récepteur du virus C3d, iC3b, Participe au corécepteur
Epstein-Barr, qui infecte sélectivement les
CR2 C3dg des cellules B Cellules
(CD21) Virus Récepteur du virus d’Epstein-Barr B, FDC
cellules B en causant une mononucléose
d’Epstein-Barr
infectieuse. CR1 et CR2 possèdent des
caractéristiques structurelles communes avec CR3
les protéines régulatrices du complément (Mac-1) Macrophages, monocytes,
qui se lient au C3b et C4b. CR3 et CR4 sont iC3b Stimule la phagocytose
(CD11b/ leucocytes polynucléaires, FDC
des intégrines ; CR3 est important pour CD18)
l’adhérence des leucocytes et leur migration,
alors que CR4 ne joue un rôle que dans la CR4
Macrophages, monocytes,
réponse phagocytaire. Les récepteurs pour (gp150, 95)
iC3b Stimule la phagocytose leucocytes polynucléaires,
C5a et C3a sont couplés à des protéines G (CD11c/
cellules dendritiques
avec sept domaines transmembranaires. FDC, CD18)
cellules folliculaires dendritiques ; elles ne sont
pas impliquées dans l’immunité innée et seront Cellules endothéliales,
Récepteur La liaison de C5a
étudiées dans les chapitres ultérieurs. C5a mastocytes,
de C5a active des protéines G
phagocytes

Cellules endothéliales,
Récepteur La liaison de C3a
C3a mastocytes,
de C3a active des protéines G
phagocytes

Trois autres récepteurs du complément : CR2 (CD21), CR3 (CD11b:CD18) et


CR4 (CD11c:CD18) se lient aux formes inactivées de C3b qui restent attachées à
la surface du pathogène. Comme beaucoup de composants du complément, C3b
est soumis à des mécanismes de régulation et peut être clivé en dérivés qui ne
peuvent pas former une convertase active. Un des dérivés inactifs, iC3b (voir la
Section 2-17) agit comme une opsonine quand il est lié à CR3. À la différence de
la liaison entre C3b et CR1, la liaison entre iC3b et CR3 est suffisante à elle seule
pour activer la phagocytose. Un second produit de clivage de C3b appelé C3dg se
lie uniquement à CR2. CR2 est retrouvé sur les cellules B, faisant partie d’un com-
plexe de corécepteurs qui amplifie le signal reçu par l’immunoglobuline servant de
récepteur d’antigène. Ainsi, le signal transmis dans une cellule B par un antigène
spécifique provenant d’un pathogène donné est amplifié si la surface du germe en
cause est couverte de C3dg. L’activation du complément peut donc contribuer à la

Fig. 2.38 L’anaphylatoxine C5a peut


augmenter la phagocytose des micro- La bactérie est recouverte de Quand C3b se lie à CR1
C5a peut activer les macrophages
organismes opsonisés. L’activation du complément par la voie seulement, la bactérie
et activer la phagocytose via CR1
complément, par la voie alternative ou par la alternative et la voie des lectines n’est pas phagocytée
voie des lectines, aboutit au dépôt de C3b sur
la surface des micro-organismes (panneau
de gauche). Le fragment C3b peut se lier au
récepteur du complément CR1 présent sur les C5a
phagocytes, mais lui seul ne peut pas activer
la phagocytose (panneau du centre). Les
phagocytes expriment aussi des récepteurs
de l’anaphylatoxine C5a, et la liaison de C5a
permet l’activation de la phagocytose des
micro-organismes liés grâce au CR1 (panneau macrophage
de droite).
Le système du complément et l’immunité innée 75

production d’une réponse anticorps (voir Chapitres 6 et 9). Cet exemple montre
comment l’immunité innée participe à l’activation de l’immunité humorale adap-
tative, parallèlement aux macrophages et aux cellules dendritiques qui, de leur
côté, contribuent à l’induction d’une réponse cellulaire T. Nous y reviendrons plus
loin dans ce chapitre.

2-20 Les petits fragments de certaines protéines du complément peuvent


déclencher une réponse inflammatoire locale.

Les petits fragments C3a, C4a et C5a agissent sur des récepteurs spécifiques (voir
Fig.  2.37) pour produire une réponse inflammatoire locale. Produits en grande
quantité ou après une injection systémique, ils induisent un collapsus circula-
toire généralisé en produisant un choc similaire à celui que l’on peut observer lors
d’une réaction allergique impliquant les anticorps IgE. (voir Chapitre  13). Une
telle réaction est appelée choc anaphylactique et les petits fragments du com-
plément sont alors appelés anaphylatoxines. Des trois petits fragments, c’est C5a
qui est le plus stable et qui possède la plus grande activité biologique. Tous les
trois induisent la contraction des muscles lisses et l’augmentation de la perméa-
bilité vasculaire, mais C5a et C3a agissent aussi sur les cellules endothéliales des
vaisseaux sanguins pour induire des molécules d’adhérence. En plus, C3a et C5a
peuvent activer les mastocytes qui infiltrent les muqueuses et leur faire libérer
des médiateurs comme l’histamine et le TNF-α, qui produisent des effets simi-
laires. Les changements induits par C5a et C3a permettent le recrutement d’an-
ticorps, de protéines du complément et de phagocytes dans le foyer infectieux
(Fig. 2.39). L’afflux supplémentaire de liquide dans les tissus facilite le transport
du pathogène par les cellules présentatrices d’antigène vers les ganglions lym-
phoïdes locaux, ce qui contribue au déclenchement rapide de la réponse immune
adaptative.
C5a peut agir directement sur les neutrophiles et les monocytes et augmenter ainsi
leur adhérence vasculaire, leur migration dans les site où se trouve l’antigène et
leur aptitude à ingérer des particules. C5a augmente aussi l’expression de CR1 et
CR3 à la surface de ces cellules. Dans ce cas, C5a et, dans une moindre mesure,
C3a et C4a peuvent agir de concert avec les autres composants du complément
pour accélérer la destruction des pathogènes par les phagocytes. C5a et C3a trans-
mettent leur signal par un récepteur transmembranaire qui active des protéines
G. L’effet d’attraction qu’exerce C5a sur les neutrophiles et les monocytes est ana-
logue à celui des chimiokines, qui contrôlent la migration leucocytaire également
via des protéines G.

2-21 Les protéines finales du complément polymérisent pour former


des pores dans les membranes, ce qui peut tuer certains pathogènes.

Un des effets important de l’activation du complément est l’assemblage des com-


posants terminaux (Fig.  2.40) pour former le complexe d’attaque membranaire.
Les schémas et les micrographies électroniques de la Fig. 2.41 montrent les réac-
tions qui aboutissent à la formation de ce complexe. Le résultat final est la forma-
tion d’un pore dans la bicouche lipidique, ce qui rompt l’intégrité membranaire.
On pense que la mort du pathogène serait due à la perte du gradient de protons au
travers de la membrane cellulaire.
La première étape de la formation du complexe d’attaque membranaire est le cli-
vage de C5 par la C5 convertase, ce qui aboutit à C5b (voir Fig. 2.36). Dans les éta-
pes suivantes, montrées dans la Fig. 2.41, C5b induit l’assemblage des composants
tardifs du complément et leur insertion dans la membrane cellulaire. En pre-
mier lieu, une molécule de C5b se lie à une molécule de C6, et le complexe C5b6
peut alors se lier à une molécule de C7. Cette réaction aboutit à un changement
de conformation qui expose un site hydrophobe de C7 lui permettant de s’insérer
76 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.39 La réponse inflammatoire locale


peut être induite par les petits fragments Les petits produits de clivage agissent sur les vaisseaux
du complément, et plus particulièrement
sanguins pour augmenter leur perméabilité vasculaire
et leur densité en molécules d’adhérence cellulaire
par C5a. Les petits fragments du complément
ont des activités différentes : C5a est plus actif C5a
que C3a, lui-même étant plus actif que C4a. C3a C4a
Ils provoquent une réponse inflammatoire
locale en agissant directement sur les
vaisseaux sanguins locaux. Ils provoquent
une augmentation du flux sanguin et de
la perméabilité vasculaire, ainsi qu’une
augmentation de la liaison des phagocytes
aux cellules endothéliales. C5a active aussi
les mastocytes (non montré), qui libèrent des
médiateurs, comme l’histamine et le TNF-
α, qui contribuent à la réponse inflammatoire.
L’augmentation du diamètre vasculaire et de
la perméabilité aboutit à une accumulation
de liquides et de protéines. L’accumulation de
liquide augmente le drainage lymphatique,
amenant les pathogènes et leurs composants L’augmentation de la perméabilité permet La migration des macrophages, des
antigéniques dans les ganglions lymphatiques l’afflux de liquide des vaisseaux sanguins et polynucléaires (PMN) et des lymphocytes est
voisins. Les anticorps et le complément l’extravasation des immunoglobulines et des amplifiée, de même que l’activité microbicide
participent à l’élimination du pathogène en molécules du complément des macrophages et des PMN
augmentant la phagocytose par les cellules
recrutées. Les petits fragments du complément
peuvent aussi augmenter directement l’activité IgG
des phagocytes.

IgM

composants
du complément

Fig. 2.40 Les composants terminaux du


complément s’assemblent pour former le Les composants terminaux du complément s’assemblent pour former le complexe d’attaque membranaire
complexe d’attaque membranaire.
Protéine Composant
Fonction
native actif

C5a Petit peptide médiateur de l’inflammation (forte activité)


C5
C5b Déclenche l’assemblage du système d’attaque membranaire

C6 C6 Se lie à C5b, forme l’accepteur du C7

C7 C7 Se lie à C5b6, le complexe amphiphile s’insère dans la bicouche lipidique

C8 C8 Se lie au C5b67, induit la polymérisation de C9

Polymérise avec C5b678 pour former un canal à travers la


C9 C9n membrane qui lyse la cellule
Le système du complément et l’immunité innée 77

dans la bicouche lipidique. Des sites hydrophobes similaires sont exposés par les
composants C8 et C9 lorsqu’ils se sont fixés au complexe, permettant aussi à ces
protéines de s’insérer dans la bicouche lipidique. C8 est formé de deux protéines
C8β et C8α-γ. La protéine C8β se lie à C5b et la liaison de C8β au complexe asso-
cié aux membranes C5b67 permet au domaine hydrophobe de C8α-γ de s’insérer
Fig. 2.41 L’assemblage du complexe
dans la bicouche lipidique. Finalement, C8α-γ induit la polymérisation de 10 à 16 d’attaque membranaire forme un pore
molécules de C9 qui forment une structure tubulaire, appelée complexe d’attaque dans la bicouche lipidique membranaire.
membranaire. Ce complexe d’attaque membranaire que l’on peut voir en schéma La séquence des étapes et l’apparence
et en microscopie électronique dans la Fig. 2.41 a une face externe hydrophobe approximative des composants impliqués
sont montrées de façon schématique. C5b
qui lui permet de s’associer à la bicouche lipidique mais un canal interne hydro- déclenche l’assemblage d’un complexe
phile. Le diamètre de ce canal est d’environ 100 Å, permettant le passage d’eau et contenant une molécule de chaque composant
de solutés à travers la bicouche lipidique. Cette perte d’intégrité membranaire per- C6, C7 et C8, dans cet ordre. C7 et C8
turbe l’homéostasie cellulaire, entraîne la rupture du gradient transmembranaire subissent un changement de conformation
exposant des domaines hydrophobes qui
de protons, la pénétration d’enzymes comme le lysozyme dans la cellule et la des- s’insèrent dans la membrane. Ce complexe
truction finale du pathogène. provoque lui-même des dommages modérés
à la membrane, mais il sert à induire la
Bien que l’effet du complexe d’attaque membranaire soit spectaculaire, particu- polymérisation de C9, de nouveau suite à
lièrement au cours des expériences dans lesquelles on se sert d’anticorps contre l’exposition d’un site hydrophobe. Jusqu’à 16
les membranes de globules rouges pour déclencher la cascade du complément, molécules de C9 peuvent être ainsi ajoutées
à l’assemblage pour former un canal de 100 Å
l’importance de ce mécanisme dans la défense de l’hôte serait plutôt limitée. À ce de diamètre dans la membrane. Ce canal
jour, les déficiences en composants C5-C9 du complément n’ont été associées rompt la membrane de la bactérie et la tue.
qu’à une susceptibilité accrue à l’espèce Neisseria, une bactérie responsable d’une Les micrographies électroniques montrent
maladie transmissible sexuellement, la gonorrhée, et d’une forme commune de des membranes érythrocytaires avec des
complexes d’attaque membranaires dans deux
méningite bactérienne. Ainsi, l’opsonisation et l’inflammation provoquées par les orientations différentes, de face et de profil.
composants précoces du complément sont nettement plus efficaces dans la Clichés de S. Bhakdi et J. Tranum-Jensen.

Le complexe C5b67 se C8 se lie à ce complexe Les molécules de C9 10-16 molécules de C9


C5b se lie à C6 et C7 lie à la membrane et s’insère dans la se lient à ce complexe s’associent pour former
via C7 membrane cellulaire et polymérisent un pore dans la membrane

C8 C9
C6 C7

complexe
C5b
C5b67

bicouche lipidique

Pathogène

Représentation schématique du pore


Lésions membranaires vues de face (anneaux) Lésions membranaires vues de profil (tubes)
du complexe d’attaque membranaire

15 nm

3 nm

10 nm
78 Chapitre 2 : L’immunité innée

protection de l’hôte contre l’infection. Le complexe d’attaque membranaire n’in-


Déficit en composant C8 terviendrait que dans la destruction d’un petit nombre de pathogènes, bien que,
du complément comme nous le verrons dans le Chapitre  14, il puisse jouer un rôle majeur en
immunopathologie.

2-22 Des protéines de régulation contrôlent les trois voies d’activation


et protègent ainsi l’hôte des effets destructeurs du complément.

Vu les effets destructeurs du complément et l’amplification rapide de son activa-


tion, il n’est pas surprenant que de nombreux mécanismes interviennent pour
contrôler le processus. Comme nous l’avons vu, les molécules effectrices du com-
plément sont générées par une activation séquentielle de zymogènes présents dans
le plasma sous forme inactive. Cette activation survient habituellement à la sur-
face du pathogène, les fragments produits par l’activation du complément se liant
au voisinage du lieu d’activation ou étant rapidement inactivés par hydrolyse. Ces
deux faits contribuent à prévenir une activation incontrôlée. Cependant, même si
des composants activés ne sont présents qu’en faible quantité dans le plasma, ils
pourraient se lier aux cellules de l’hôte. Les dommages qu’ils pourraient causer de
la sorte sont évités par une série de protéines de contrôle, reprises dans la Fig. 2.42.
Elles régulent la cascade du complément en différents points. Comme nous l’avons
vu dans la description de la voie alternative (voir la Section 2-16), beaucoup de ces
protéines de contrôle protègent les cellules de l’hôte de manière spécifique tan-
dis qu’elles permettent l’activation du complément à la surface du pathogène. Les
protéines de régulation permettent donc au système du complément de distinguer
le soi du non soi.
La Fig. 2.43 décrit les réactions qui régulent la cascade du complément. Le pan-
neau du haut montre comment l’activation de C1 est contrôlée par son inhibiteur,
C1INH (C1 INHibitor), un membre de la famille des serpines, qui sont des inhibi-
teurs plasmatiques de sérine protéases. Le C1INH se lie aux formes actives de
C1r:C1s et les détache de C1q, qui reste lié au pathogène. C1INH limite le temps
durant lequel C1s est capable de cliver C4 et C2. De même, C1INH limite l’activation
spontanée de C1 dans le plasma. L’importance de sa fonction peut être constatée lors

Fig. 2.42 Les protéines qui régulent


l’activité du complément. Les protéines régulatrices de la voie classique et de la voie alternative

Nom (symbole) Rôle dans la régulation de l’activation du complément

Se lie à C1r, C1s, les détachant de C1q, et à MASP-2 activé, la


Inhibiteur de C1
détachant de la MBL
(C1INH)
C4bp Se lie à C4b et déplace C2a ; cofacteur du clivage de C4b par I
(C4-binding protein)

Récepteur 1 du
Se lie à C4b et déplace C2a, ou se lie à C3b et déplace Bb ; cofacteur pour I
complément (CR1)

Facteur H (H) Se lie à C3b et déplace Bb ; cofacteur pour I

Facteur I (I) Sérine protéase qui clive C3b et C4b ; aidée par H, MCP, C4BP ou CR1

DAF Protéine membranaire qui déplace Bb de C3b et C2a de C4b


(Decay-Accelerating Factor)

MCP (Membrane Protéine membranaire qui facilite l’inactivation de C3b et C4b par I
Cofactor Protein)

Prévient la formation du complexe d’attaque membranaire sur les cellules


CD59 (protectine) autologues ou allogéniques. Exprimée largement sur les membranes
Le système du complément et l’immunité innée 79

d’un déficit en C1INH appelé œdème angioneurotique héréditaire, dans lequel


une activation chronique et spontanée du complément aboutit à la production
d’un excès de fragments C4 et C2 clivés. Le petit fragment de C2, C2b, est ensuite
clivé en peptide, la kinine C2, qui provoque un gonflement important, le plus dan-
gereux étant un gonflement de la trachée pouvant entraîner une suffocation. La
bradykinine, qui a une action similaire à la kinine C2, est aussi produite de manière
incontrôlée dans cette maladie, à la suite de l’absence d’inhibition d’une autre pro-
téase plasmatique, la kallikréine, un composant du système des kinines décrit à la
Section  2-5, qui est activée par les dommages tissulaires et régulée aussi par le Œdème angioneurotique héréditaire
C1INH. Cette maladie est parfaitement corrigée par l’administration de C1INH.
Les grands fragments activés de C4 et C2, qui normalement s’assemblent pour for-
mer la C3 convertase, ne causent aucun dommage aux cellules de ces patients
parce que C4b est rapidement inactivé dans le plasma (voir Fig.  2.31) et que la
convertase ne se forme pas. En outre, toute convertase qui se forme de manière
accidentelle sur une cellule de l’hôte serait inactivée par d’autres mécanismes
décrits ci-dessous.
Les ponts thioesters de C3 et C4 activés sont extrêmement réactionnels, mais
aucun mécanisme n’est susceptible de limiter leurs interactions avec les grou-
pements hydroxyle ou amine du pathogène à l’exclusion de ceux qui appartien-
nent aux cellules de l’hôte. C’est pourquoi sont apparus divers systèmes de
protection qui réduisent au minimum les possibilités de liaison de C3 ou de C4
aux membranes des cellules de l’hôte, partant la formation de C3 convertase et
l’amplification de l’activation du complément. Nous avons déjà décrit la plupart
de ces mécanismes en décrivant la voie alternative (voir Fig. 2.32), mais nous
allons y revenir, puisqu’ils sont aussi d’importants régulateurs de la convertase
de la voie classique (voir Fig. 2.43, deuxième et troisième rangées). Les méca-
nismes peuvent être séparés en trois catégories. Le premier catalyse le clivage
de chaque C3b ou C4b qui se lie à la cellule de l’hôte en produit inactif. L’enzyme
régulatrice responsable de cet effet est la sérine protéase plasmatique, le fac-
teur I ; elle circule sous forme active, mais pour cliver C3b et C4b elle a besoin
de l’aide d’un cofacteur membranaire. Si celui-ci est disponible, le facteur I clive
C3b d’abord en iC3b et ensuite en C3dg, l’inactivant ainsi de manière perma-
nente. C4b est inactivé de manière similaire par clivage en C4c et C4d. Deux
protéines membranaires se lient à C3b et C4b et agissent comme cofacteurs du
facteur I ; il s’agit de CR1 et MCP (voir la Section 2-17). Les parois bactériennes
ne possèdent pas ces protéines protectrices et ne peuvent donc favoriser la
dégradation de C3b et C4b. Ces protéines, par contre, agissent comme sites de
fixation pour les facteurs B et C2 et amplifient alors l’activation du complément.
La déficience en facteur I, qui est héréditaire, illustre l’importance de cet inhi-
biteur. En effet, en raison de l’activation incontrôlée du complément, les protéi- Déficit en facteur I
nes du système sont rapidement consommées. Ces patients ne sont donc plus
protégés et souffrent d’infections répétées particulièrement par des bactéries
pyogènes ubiquitaires.
Il existe également des protéines plasmatiques dotées d’une activité de cofacteur
pour le facteur I. C4b est lié par un cofacteur, C4BP, (C4b-Binding Protein), qui agit
surtout en régulateur de la voie classique en phase liquide. C3b est lié aux mem-
branes cellulaires par des cofacteurs comme DAF et MCP. Ces molécules régula-
trices entrent en compétition efficacement avec le facteur B pour la liaison à C3b
attaché aux cellules. Si le facteur B « gagne », comme cela arrive typiquement à la
surface d’un pathogène, plus de C3 convertase C3bBb se forme et l’activation du
complément est amplifiée. Si ce sont DAF et MCP qui gagnent, comme c’est le cas
sur les cellules de l’hôte, alors le C3b lié est catabolisé par le facteur I en iC3b et
C3dg, et l’activation du complément est inhibée.
L’équilibre délicat entre inhibition et activation du complément à la surface cel-
lulaire est illustré chez les individus hétérozygotes pour des mutations dans les
protéines régulatrices MCP, facteur I ou facteur H. Chez eux, la concentration des
protéines régulatrices fonctionnelles est réduite et le déséquilibre en faveur de
80 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.43 L’activation du complément


est régulée par une série de protéines Étapes au cours desquelles le complément est régulé
qui évitent aux cellules de l’hôte de
subir des dommages accidentels.
Celles-ci agissent à différentes étapes de la C1q se lie aux complexes antigène : L’inhibiteur de C1 (C1INH) dissocie
anticorps et active C1r et C1s C1r et C1s du complexe actif C1
cascade du complément, en dissociant des
complexes ou en favorisant la dégradation
enzymatique des protéines du complément
liées de manière covalente. Les étapes de la
C1q C1s
cascade du complément sont représentées
C1INH
schématiquement sur le côté gauche de la
figure, et les réactions de contrôle sur le côté C1r
C1r C1s
droit. La C3 convertase de la voie alternative
est régulée de façon similaire par DAF, CR1,
MCP et le facteur H.

microbe

DAF, C4BP et CR1 déplacent C2a du complexe


C4b2a est la C3 convertase
C4b2a. C4b lié à C4BP, MCP ou CR1 est clivé
active qui clive
par la protéase soluble I en fragments
C3 en C3a et C3b
inactifs C4d et C4c

C3
C2a
C3a
I
CR1
C4b I C4c
C4b2a C3b DAF I C4d
MCP
C3b
C4b C4BP

La C5 convertase clive CR1 et H déplacent C3b. CR1 et H agissent


C5 en C5a et C5b comme cofacteurs dans le clivage de C3b par I

C5 C5a

C5b I I

H
C4b2a3b C3b2Bb C4b2a CR1 iC3b iC3b

Les composants terminaux du complément CD59 empêche l’assemblage final


forment un pore dans la membrane, le du complexe d’attaque membranaire
complexe d’attaque membranaire. au stade C8 à C9

C9
C5b

C6 CD59

C8 C7 C9
C5b678
Le système du complément et l’immunité innée 81

l’activation du complément prédispose au syndrome urémique et hémolytique,


une maladie caractérisée par des lésions des plaquettes et des globules rouges
et par une inflammation rénale, conséquences d’une activation du complément
inefficacement contrôlée.
La compétition entre DAF ou MCP et le facteur B pour la liaison avec le C3b fixé
à la surface cellulaire est un exemple du deuxième mécanisme qui permet l’inhi-
bition de l’activation du complément sur les cellules de l’hôte. Plusieurs protéines
inhibent de manière compétitive la liaison du C2 et du facteur B respectivement au
C4b et C3b liés aux cellules, inhibant ainsi la formation de la convertase. Ces pro-
téines se lient au C3b et C4b à la surface de la cellule et protègent du complément
par un troisième mécanisme qui consiste en la dissociation des convertases C4b2a
et C3bBb déjà formées. Les molécules des cellules de l’hôte qui régulent le com-
plément par ces deux mécanismes comprennent DAF et CR1, qui activent la dis-
sociation de la convertase en plus de leur activité de cofacteur. Toutes les protéines
qui se lient à C4b et C3b comportent une ou plusieurs copies d’un motif appelé
SCR (Short Consensus Repeat), CCP (Complement Control Protein repeat) ou (spé-
cialement au Japon) le domaine sushi.
Outre ces mécanismes inhibant la formation de la C3 convertase et le dépôt de
C3 et de C4 sur les membranes cellulaires, il existe des mécanismes qui empê-
chent une insertion malencontreuse du complexe d’attaque membranaire. Nous
avons vu dans la Section 2-21 que le complexe d’attaque membranaire polymérise
à partir du fragment C5b formé par la C5 convertase. Ce complexe s’insère dans
la membrane cellulaire voisine de la C5 convertase, tout près du lieu d’activation
du complément à la surface du pathogène. Cependant, une fraction du complexe
d’attaque membranaire nouvellement formé peut diffuser à partir du site d’acti-
vation et s’insérer dans les membranes de cellules adjacentes. Plusieurs protéi-
nes plasmatiques comprenant, surtout, la vitronectine ou protéine S, se lient au
complexe C5b67 et empêchent ainsi son insertion dans les membranes cellulai-
res de l’hôte. Les membranes cellulaires de l’hôte contiennent une protéine intrin-
sèque, CD59 ou protectine, qui inhibe la liaison de C9 au complexe C5b678 (voir
Fig. 2.43, rangée du bas). CD59 et DAF sont tous les deux liés à la surface cellulaire
par une queue glycosylphosphatidylinositol (GPI), comme beaucoup d’autres pro-
téines membranaires. Une des enzymes incriminée dans la synthèse des queues
GPI est codée par le chromosome X. Chez les patients présentant une mutation
somatique de ce gène dans un clone de cellules hématopoïétiques, C59 et DAF ne
sont pas fonctionnels. Ils souffrent alors d’une maladie appelée hémoglobinurie
nocturne paroxystique, qui se caractérise par des épisodes d’hémolyse intravas-
culaire causée par le complément. Les hématies déficientes en CD59 uniquement
sont également sensibles à la destruction après activation spontanée de la cascade
du complément.

Résumé.

Le système du complément est un des mécanismes majeurs par lequel la recon-


naissance du pathogène conduit à la protection de l’organisme contre une infec-
tion. Ce système de protéines plasmatiques peut être activé directement par le
pathogène ou indirectement par liaison à des complexes immuns, ce qui déclen-
che une cascade de réactions. Ces réactions ont lieu à la surface du pathogène
et génèrent des composants actifs exerçant différentes fonctions effectrices. Il
existe trois voies d’activation du complément : la voie classique, qui est déclen-
chée directement par le pathogène ou indirectement par des anticorps liés au
pathogène, la voie des lectines et la voie alternative, qui sert également de boucle
d’amplification pour les deux autres voies. Chacune des trois voies peut être acti-
vée de manière indépendante des anticorps ; elles font donc partie de l’immunité
innée. Les événements précoces dans chacune des voies consistent en une suc-
cession de réactions de clivage. Les grands fragments qui en résultent se lient de
82 Chapitre 2 : L’immunité innée

manière covalente au pathogène et contribuent à l’activation des composants sui-


vants. Ces voies convergent vers la formation d’une enzyme, la C3 convertase, qui
clive C3 pour produire le composant actif C3b. La liaison de nombreuses molé-
cules de C3b sur le pathogène est l’événement central de l’activation du complé-
ment. Les fragments liés, et plus particulièrement C3b lié et ses fragments inactifs,
sont reconnus par des récepteurs spécifiques présents sur les phagocytes. Ce qui
favorise la phagocytose des pathogènes opsonisés par C3b et ses fragments inac-
tifs. Les petits fragments de clivage de C3, C4 et plus spécialement de C5 recrutent
les phagocytes sur le site de l’infection et les activent en se liant à des récepteurs
spécifiques couplés à des protéines G. Ces activités favorisent la capture et la des-
truction des pathogènes par les phagocytes. Les molécules de C3b qui se lient à
la C3 convertase déclenchent les événements tardifs, en liant C5 pour l’exposer
au clivage par C2b et Bb. Le grand fragment C5b provoque l’assemblage du com-
plexe d’attaque membranaire, qui peut aboutir à la lyse de certains pathogènes.
L’activité des composants du complément est modulée par un système de protéi-
nes de régulation qui évitent les dommages tissulaires qui seraient provoqués par
la fixation malencontreuse de protéines activées du complément à la surface des
cellules de l’hôte ou par l’activation spontanée des composants du complément
dans le plasma.

Les réponses innées induites contre une infection.


Dans la dernière partie de ce chapitre, nous examinerons les réponses induites de
l’immunité innée. Elles dépendent des cytokines et des chimiokines produites en
réponse à la reconnaissance de pathogènes et nous les introduirons en premier
lieu. Les chimiokines forment une grande famille de molécules chimiotactiques
exerçant leurs effets sur la migration des leucocytes. Les molécules d’adhérence
jouent aussi un rôle central dans ce processus et nous les considérerons éga-
lement de manière brève. Nous étudierons ensuite plus en détail comment les
chimiokines et cytokines provenant des macrophages favorisent la phagocytose
par le recrutement et la production de nouveaux phagocytes et la production de
molécules opsonisantes supplémentaires par les réactions de phase aiguë. Nous
examinerons aussi le rôle de cytokines appelées interférons, induites lors d’une
infection virale, et le rôle d’une classe de cellules lymphoïdes appelées cellules
NK (Natural Killer). Elles sont activées par les interférons pour contribuer à la
défense innée de l’hôte contre les virus et d’autres pathogènes intracellulaires.
Nous décrirons aussi les cellules ILL (Innate-Like Lymphocytes ou lymphocytes
de type inné), qui contribuent aux réponses rapides à l’infection en intervenant
tôt mais qui utilisent un assortiment limité de segments géniques de récepteurs
d’antigène (voir la Section  1-11) pour produire des immunoglobulines ou des
récepteurs de cellules  T. Les réponses innées induites réussissent soit à élimi-
ner totalement l’infection, soit à la limiter pendant que la réponse adaptative se
met en place. L’immunité adaptative utilise de nombreux mécanismes effecteurs
du système immunitaire inné, mais leur action est dirigée avec une plus grande
précision. Ainsi, les cellules  T spécifiques des antigènes activent les propriétés
microbicides et les propriétés sécrétrices de cytokines des macrophages conte-
nant des pathogènes, tandis que les anticorps activent le complément, agissent
en tant qu’opsonines directes pour les phagocytes et entraînent les cellules NK à
tuer les cellules infectées. De plus, la réponse immune adaptative utilise des cyto-
kines et des chimiokines de la même manière que l’immunité innée afin d’induire
les réponses inflammatoires qui activent l’afflux des anticorps et des lymphocy-
tes effecteurs dans les foyers infectieux. Les mécanismes effecteurs décrits ici
serviront par conséquent d’introduction aux chapitres ultérieurs sur l’immunité
adaptative.
Les réponses innées induites contre une infection 83

2-23 Les macrophages activés sécrètent une série de cytokines


qui exercent divers effets locaux et à distance.

Les cytokines (voir Appendice III) sont de petites protéines (environ 25 kDa) qui
sont libérées par diverses cellules de l’organisme habituellement en réponse à un
signal d’activation et qui induisent des réponses par liaison à des récepteurs spéci-
fiques. Elles peuvent agir de manière autocrine, modifiant alors le comportement
de la cellule qui libère la cytokine, ou de manière paracrine, modifiant le com-
portement des cellules adjacentes. Certaines cytokines sont suffisamment stables
que pour agir de manière endocrine, modifiant le comportement de cellules à dis-
tance. Cette propriété dépend de la demi-vie des cytokines et de leur capacité à
rejoindre la circulation sanguine.
Les cytokines sécrétées par les macrophages en réponse aux pathogènes diffèrent
entre elles par leur structure. On trouve parmi elles l’interleukine-1β (IL-1β), l’IL-6,
l’IL-12, le TNF-α et la chimiokine CXCL8 (appelée à l’origine IL-8). On a proposé le
nom d’interleukine (IL) suivi d’un nombre (par exemple IL-1, IL-2…) afin de déve-
lopper une nomenclature standardisée qui reprendrait l’ensemble des molécules
sécrétées par les leucocytes et agissant sur les leucocytes. Cependant, la décou-
verte d’un nombre croissant de cytokines d’origine et de structure différentes et
aux effets variés a rapidement créé la confusion, et bien que l’appellation IL soit
encore utilisée, on espère qu’une nomenclature basée sur la structure des cytoki-
nes sera développée. Les cytokines et leurs récepteurs sont regroupés suivant leur
structure dans l’Appendice III à la fin de ce livre. On distingue trois familles struc-
turales majeures : la famille des hématopoïétines, qui inclut des hormones de
croissance aussi bien que de nombreuses interleukines qui interviennent à la fois
dans l’immunité adaptative et l’immunité innée ; la famille du TNF, qui elle aussi
intervient dans les deux formes d’immunité et qui comprend des molécules asso-
ciées aux membranes ; la famille des chimiokines, dont nous parlerons plus loin.
Parmi les interleukines dérivées des macrophages, l’IL-6 appartient à la grande
famille des hématopoïétines, le TNF-α fait évidemment partie de la famille des
TNF, tandis que l’IL-1 et l’IL-12 sont distinctes sur le plan structural. Toutes ont des
effets locaux et systémiques importants à la fois dans l’immunité innée et adapta-
tive ; ils sont résumés dans la Fig. 2.44.
La reconnaissance de classes différentes de pathogènes par des phagocytes et des
cellules dendritiques peuvent impliquer une signalisation passant par des récep-
teurs distincts, comme des TLR différents et aboutir à une certaine diversité des
cytokines induites. C’est une voie par laquelle des réponses appropriées seraient
suscitées de manière sélective, les cytokines libérées orchestrant la phase ulté-
rieure de la défense de l’hôte. Nous verrons comment le TNF-α, dont la production
est induite par les pathogènes porteurs de LPS, est particulièrement important
pour confiner ce type d’infection et comment la libération de différentes chimioki-
nes peut recruter et activer différents types de cellules effectrices.

2-24 Des chimiokines libérées par les phagocytes et les cellules


dendritiques recrutent des cellules dans les foyers infectieux.

Parmi les cytokines libérées par les tissus au cours des premières phases d’une
infection, on trouve les membres d’une famille de cytokines chimiotactiques, les
chimiokines (l’Appendice IV en établit la liste). Ces petites protéines, découvertes
assez récemment, induisent un chimiotactisme dirigé dans les cellules répondeu-
ses qui sont dans le voisinage. Parce qu’elles ont tout d’abord été détectées lors de
tests de cytokines, elles ont été initialement appelées interleukines. L’interleukine-8
(appelée maintenant CXCL8) a été la première chimiokine clonée et caractérisée ;
elle reste le représentant type de cette famille. Toutes les chimiokines sont appa-
rentées par leur séquence en acides aminés, et leurs récepteurs sont tous des pro-
téines avec sept hélices transmembranaires qui transmettent les signaux par des
84 Chapitre 2 : L’immunité innée

Les macrophages activés sécrètent


diverses cytokines

IL-1β TNF-α IL-6 CXCL8 IL-12

Effets locaux

Active l’endothélium vasculaire Active l’endothélium vasculaire Activation des lymphocytes Facteur chimiotactique qui Active les cellules NK
Active les lymphocytes et augmente la perméabilité et augmentation de la recrute les neutrophiles, les Induit la différenciation des
Détruit localement les tissus vasculaire, qui permet un apport production d’anticorps basophiles et les cellules T cellules T CD4 en cellules TH1
Augmente l’apport en plus grand d’IgG, de complément dans le foyer infectieux
cellules effectrices et de cellules dans les tissus et
amplifie le drainage des fluides
vers les ganglions lymphatiques

Effets systémiques

Fièvre Fièvre Fièvre


Production d’IL-6 Mobilisation de métabolites Induit la production des
Choc protéines de phase aiguë

Fig. 2.44 Les cytokines importantes protéines G. On n’a pas encore déterminé la structure atomique d’un récepteur
sécrétées par les macrophages en réponse
de chimiokine, mais elle est probablement semblable à celle d’autres récepteurs à
aux produits bactériens comprennent
l’IL-1β, l’IL-6, CXCL8, l’IL-12 et le TNF- sept hélices transmembranaires et couplés aux protéines G comme le sont la rho-
α. Le TNF-α est un inducteur de la réponse dopsine (Fig.  2.45) et le récepteur muscarinique de l’acétylcholine. Les chimio-
inflammatoire locale qui aide à contenir les kines exercent leur activité principalement sur les leucocytes, recrutant, à partir
infections. Il a aussi des effets systémiques
dont beaucoup sont dangereux (voir
du sang, des monocytes, des neutrophiles et d’autres cellules effectrices dans le
Section 2-23). CXCL8 est aussi impliqué foyer infectieux. Libérées par de nombreux types cellulaires différents, elles ser-
dans la réponse inflammatoire locale en vent à guider les cellules impliquées dans l’immunité innée mais aussi les lympho-
contribuant à l’attraction des neutrophiles cytes de l’immunité adaptative, comme nous le verrons dans les Chapitres 8-10.
dans le foyer infectieux. L’IL-1, l’IL-6 et le
TNF-α jouent un rôle critique dans l’induction
Certaines chimiokines exercent aussi une fonction dans le développement et la
de la réponse hépatique dite de phase aiguë migration lymphocytaires ainsi que dans l’angiogenèse (croissance de nouveaux
(voir Section 2-28), et ils induisent la fièvre vaisseaux sanguins). La Fig.  2.46 reprend les propriétés d’un certain nombre de
qui renforce la défense de l’hôte de diverses chimiokines (voir aussi l’Appendice IV). Il est étonnant de constater qu’il existe un
manières. L’IL-12 active les cellules tueuses
naturelles (NK) et favorise la différenciation si grand nombre de chimiokines différentes ; cela pourrait refléter leur importance
des cellules T CD4 en sous-population de dans l’adressage des cellules dans les sites adéquats, comme cela semble être le
cellules TH1 durant l’immunité adaptative. cas pour les lymphocytes.
Les membres de la famille des chimiokines se répartissent pour la plupart en deux
grands groupes : les chimiokines CC avec deux cystéines adjacentes à proximité
de l’extrémité aminoterminale, et les chimiokines CXC, pour lesquelles les mêmes
résidus cystéines sont séparés par un autre acide aminé. Les deux groupes de
chimiokines agissent sur différents types de récepteurs : les récepteurs des chimio-
kines CC, dont neuf ont été identifiés jusqu’à présent, désignés de CCR1 à CCR9 et
les récepteurs des chimiokines CXC au nombre de six et appelés CXCR1 à CXCR6.
Ces récepteurs sont exprimés sur différents types cellulaires, qui sont donc attirés
par différentes chimiokines. En général, les chimiokines CXC avec un motif tripep-
tidique Glu-Leu-Arg (ELR) situé juste avant la première cystéine assurent la migra-
tion des neutrophiles. CXCL8 est un exemple de ce type de chimiokine. D’autres
chimiokines CXC dépourvues de ce motif, comme la chimiokine des lymphocytes B
Les réponses innées induites contre une infection 85

(CXCL13), guident les lymphocytes vers leur site propre dans les zones de cellu-
les  B de la rate, des ganglions et de l’intestin. Les chimiokines  CC entraînent la
migration des monocytes ou d’autres types de cellules. On peut citer par exem-
ple MCP-1 (Macrophage Chemoattractant Protein-1) ou CCL2. CXCL8 et CCL2 ont
des fonctions similaires quoique complémentaires : CXCL8 induit la sortie des
neutrophiles de la circulation sanguine et leur migration dans les tissus environ-
nants. CCL2, pour sa part, agit sur les monocytes induisant leur migration depuis
les vaisseaux vers les tissus où ils deviennent des macrophages. D’autres chimio-
kines  CC comme CCL5 peuvent promouvoir l’infiltration tissulaire par d’autres
types de leucocytes, y compris des cellules T effectrices (voir Section 10-6), cha-
que chimiokine agissant sur les différentes sous-populations cellulaires. La seule
chimiokine connue avec une seule cystéine (XCL1) était appelée, à l’origine, lym-
photactine ; on pense qu’elle attire les précurseurs des cellules T vers le thymus en
se liant à XCR1. La chimiokine fractalkine est inhabituelle sur plusieurs plans : elle
a trois acides aminés entre les deux cystéines, c’est donc une chimiokine CX3CL.
De manière inhabituelle, il en existe deux formes : une est ancrée à la membrane
des cellules épithéliales et endothéliales qui l’expriment là où elle sert de protéine
d’adhérence ; l’autre est une forme soluble qui est libérée de la surface cellulaire et
qui agit comme agent chimiotactique à l’instar des autres chimiokines.
Le rôle des chimiokines comme CXCL8 et CCL2 dans le recrutement cellulaire est
double. Premièrement, elles agissent sur le leucocyte quand il roule le long des
cellules endothéliales dans les foyers inflammatoires ; elles arrêtent ce déplace-
ment et établissent une liaison stable en provoquant un changement de confor-
mation des molécules d’adhérence appelées intégrines leucocytaires. Cela permet
au leucocyte de traverser la paroi du vaisseau sanguin en passant entre les cellules
endothéliales, comme nous le verrons quand nous décrirons le processus d’extra-
vasation. Deuxièmement, les chimiokines liées à la surface des cellules endothé-
liales et à la matrice extracellulaire se distribuent sous forme de gradient qui dirige
le leucocyte, la concentration étant plus forte dans le foyer infectieux. Fig. 2.45 Les chimiokines constituent
Les chimiokines peuvent être produites par une grande variété de cellules en une famille de protéines de structure
semblable qui se lient à des récepteurs
réponse à des composants bactériens, à des virus, et à des agents responsables qui appartiennent eux-mêmes à une
de dommages physiques comme les cristaux de silice, d’alun ou d’urate, qui se grande famille de récepteurs couplés
forment chez les malades souffrant de la goutte. Ainsi, une infection comme une aux protéines G. Les chimiokines sont
représentées ici par CXCL8 (structure du haut).
lésion tissulaire déclenche la production de gradients de chimiokines, qui attirent Les récepteurs des chimiokines appartiennent
les phagocytes là où ils sont nécessaires. Le peptide fMLP produit par les bactéries à la famille de récepteurs à sept passages
est un puissant agent chimiotactique pour les cellules inflammatoires, et spécia- transmembranaires, laquelle comprend la
lement les neutrophiles (voir la Section 2-6). Le récepteur du fMLP est aussi cou- protéine photoréceptrice, la rhodopsine,
et de nombreux autres récepteurs. Ils ont
plé à une protéine G comme les récepteurs des chimiokines et ceux des fragments sept hélices transmembranaires, et tous
du complément C5a, C3a et C4a. Il existe donc un mécanisme commun pour l’at- les membres de cette famille de récepteurs
traction des neutrophiles, que ce soit par le complément, les chimiokines ou les interagissent avec des protéines G. La seule
peptides bactériens. Les neutrophiles sont les premiers à arriver en grand nom- structure élucidée d’une protéine à sept
passages membranaires est celle de la
bre dans le foyer infectieux, les monocytes et les cellules dendritiques immatures protéine bactérienne, la bactériorhodopsine.
étant recrutés plus tard. Elle est représentée par la structure du
bas, montrant l’orientation des sept hélices
Le peptide C5a du complément, et les chimiokines CXCL8 et CCL2 activent leurs transmembranaires (bleu) avec le ligand fixé
cellules cibles respectives, de sorte que les neutrophiles et les macrophages ne (rétinal dans ce cas) en rouge. L’essentiel
sont pas seulement attirés vers les sites d’infection, mais sont aussi armés pour de cette structure est imbriqué à l’intérieur
de la membrane cellulaire. Les cylindres
affronter les pathogènes. En particulier, les neutrophiles exposés à CXCL8 et à la représentent les hélices α, et les flèches les
cytokine TNF-α sont activés, ce qui déclenche la bouffée respiratoire génératrice feuillets β.
des radicaux de l’oxygène et de l’oxyde nitrique ainsi que la libération du contenu
des lysosomes. Ainsi, ils contribuent à la fois à la défense de l’hôte, à la destruction
des tissus et à la formation de pus dans les tissus infectés par les bactéries dites
pyogènes.
Les chimiokines n’agissent pas seules dans le recrutement des cellules, qui requiert
aussi l’intervention de médiateurs vasoactifs pour rapprocher les leucocytes des
endothéliums vasculaires (voir Section  2-5) ainsi que de cytokines comme le
TNF-α pour induire les molécules d’adhérence sur les cellules endothéliales. Nous
86 Chapitre 2 : L’immunité innée

reviendrons sur le sujet des chimiokines dans des chapitres ultérieurs, lorsqu’el-
les seront décrites dans le contexte de la réponse immune adaptative. Nous allons
maintenant étudier ces molécules qui interviennent dans l’adhérence des leuco-
cytes à l’endothélium, et nous décrirons ensuite chacune des étapes de l’extravasa-
tion leucocytaire, qui a été décrite pour les neutrophiles et les monocytes.

Fig. 2.46 Propriétés de chimiokines


sélectionnées. Les chimiokines se Classe Chimiokine Produite par Récepteurs Cellules attirées Effets principaux
répartissent en deux groupes distincts
quoique apparentés. Les chimiokines CXC, Monocytes Mobilise, active et
dont les gènes se trouvent dans un groupe Macrophages dégranule les
sur le chromosome 17 humain, ont un résidu CXCL8 Fibroblastes CXCR1 Neutrophiles
neutrophiles
d’acide aminé (X) entre deux cystéines (IL-8) Kératinocytes CXCR2 Cellules T
Angiogenèse
invariantes (C) dans la région aminoterminale. Cellules naïves
Les chimiokines CC, qui chez l’homme sont endothéliales
codées principalement dans une région CXCL7 Active les neutrophiles
Neutrophiles
du chromosome 4, ont ces deux cystéines (PBP, β-TG Plaquettes CXCR2 Résorption du caillot
invariantes adjacentes. On peut affiner la NAP-2) Angiogenèse
distinction en tenant compte de la présence
ou de l’absence d’un triplet d’acides aminés CXCL1 (GROα) Monocytes Neutrophiles Active les neutrophiles
(ELR ; acide glutamique-leucine-arginine) CXC CXCL2 (GROβ) Fibroblastes CXCR2 Cellules T naïves Fibroplasie
précédant les cystéines invariantes. Toutes CXCL3 (GROγ) Endothélium Fibroblastes Angiogenèse
les chimiokines qui attirent les neutrophiles
ont ce motif, tandis qu’il est absent de la
Kératinocytes
Monocytes Cellules T au Immunostimulant
plupart des autres chimiokines CXC, y compris CXCL10 Anti-angiogène
Cellules T CXCR3 repos
les chimiokines qui se lient aux récepteurs (IP-10) Favorise l’immunité TH1
Fibroblastes Cellules NK
CXCR3, 4 et 5. Une chimiokine C, qui ne Endothélium Monocytes
contient qu’une seule cystéine dans cette
région, et la fractalkine, une chimiokine Cellules T naïves Développement des
CX3C, sont codées ailleurs dans le génome. CXCL12 Progéniteur cellules B
Cellules CXCR4 Cellules Écotaxie des lymphocytes
Chaque chimiokine interagit avec un ou (SDF-1)
stromales B(CD34+) Compétition avec le VIH-1
plusieurs récepteurs, et touche un ou plusieurs
types cellulaires. L’Appendice IV donne une Cellules
CXCL13 (BLC) CXCR5 Cellules B Écotaxie des lymphocytes
liste exhaustive des chimiokines et de leurs stromales
récepteurs.
Monocytes Monocytes Compétition avec le VIH-1
CCL3 Cellules T Cellules NK et T Défense antivirale
CCR1, 3, 5
(MIP-1α) Mastocytes Basophiles Favorise l’immunité TH1
Fibroblastes Cell. dendritiques

Monocytes Monocytes
CCL4 Macrophages Cellules NK et T
CCR1, 3, 5 Compétition avec
(MIP-1β) Neutrophiles Cellules
le VIH-1
Endothélium dendritiques

Monocytes Monocytes Activation des macrophages


CC CCL2 Macrophages Cellules NK et T Libération d’histamine
CCR2B par les basophiles
(MCP-1) Fibroblastes Basophiles
Kératinocytes Cell. dendritiques Favorise l’immunité TH2

Monocytes
Cellules T Cellules NK et T Dégranulation des
CCL5
Endothélium CCR1, 3, 5 Basophiles basophiles
(RANTES)
Plaquettes Éosinophiles Activation des cellules T
Cell. dendritiques Inflammation chronique

Endothélium
Éosinophiles
CCL11 Monocytes
CCR3 Monocytes Rôle dans l’allergie
(Éotaxine) Épithélium
Cellules T
Cellules T

Rôle dans l’activation


CCL18 (DC-CK) Cellules ? Cellules T
des cellules T naïves
dendritiques naïves
Thymocytes
XCL1 Cellules Trafic et développement
C CXCR1 Cell. dendritiques
(Lymphotactine) T CD8 CD4 des lymphocytes
Cellules NK
Monocytes Adhérence leucocyte
CXXXC CX3CL1 CX3CR1 Monocytes
Endothélium endothélium
(CX3C) (Fractalkine) Cellules T
Cell. microgliales Inflammation du cerveau
Les réponses innées induites contre une infection 87

2-25 Des molécules d’adhérence cellulaire contrôlent les interactions entre les
leucocytes et les cellules endothéliales pendant la réaction inflammatoire.

Le recrutement des phagocytes activés aux foyers de l’infection est l’une des fonc-
tions les plus importantes de l’immunité innée. Ce recrutement fait partie de la
réaction inflammatoire ; il dépend des molécules d’adhérence cellulaire induites à
la surface de l’endothélium des vaisseaux sanguins locaux. Avant de nous intéres-
ser au processus de recrutement des cellules inflammatoires, nous décrirons tout
d’abord quelques molécules d’adhérence cellulaire impliquées dans ce processus.
Comme pour les composants du complément, la nomenclature des molécules d’ad-
hérence cellulaire prête à confusion. La plupart des molécules d’adhérence cellulaire,
en particulier celles qui sont présentes sur les leucocytes et dont la fonction est étu-
diée assez facilement, sont nommées en fonction des effets d’anticorps monoclonaux
dirigés contre elles. Plus tard, elles ont été caractérisées par clonage de leur gène. Leur
nom n’a donc aucune relation avec leur structure. Par exemple, les antigènes associés
à la fonction lymphocytaire, LFA-1, LFA-2 et LFA-3 (Leucocyte Functional Antigens),
appartiennent en réalité à deux familles différentes de protéines. Dans la Fig. 2.47,
les molécules d’adhérence sont regroupées selon leur structure moléculaire, illustrée
par un schéma, avec mention de leurs différents noms, de leurs sites d’expression et
de leurs ligands. Trois familles de molécules d’adhérence sont importantes dans le
recrutement des leucocytes. Les sélectines sont des glycoprotéines membranaires
avec un domaine distal semblable à une lectine capable de lier des molécules gluci-
diques spécifiques. Les membres de cette famille, induits dans l’endothélium activé,
établissent les premières interactions entre endothélium et leucocytes par liaison à
des ligands oligosaccharidiques fucosylés des leucocytes (voir Fig. 2.47).
L’étape suivante du recrutement des leucocytes dépend d’une adhérence plus ferme,
due à des molécules d’adhérence intercellulaire, ICAM, (Intercellular Adhesion
Molecules) sur l’endothélium ; elles se lient à des protéines hétérodimériques de la

Nom Distribution tissulaire Ligand

Fig. 2.47 Molécules d’adhérence impliquées


Sélectines Sélectine P Endothélium activé dans les interactions leucocytaires.
Sélectine P PSGL-1, sialyl-Lewis x
(PADGEM, CD62P) et plaquettes Plusieurs familles structurales de molécules
d’adhérence jouent un rôle dans la migration,
Se lient à des glucides. l’écotaxie des leucocytes et dans les
Déclenchent l’interaction interactions cellulaires : les sélectines, les
entre leucocyte et Sélectine E
(ELAM-1, CD62E) Endothélium activé Sialyl-Lewisx intégrines et les protéines de la superfamille
endothélium des immunoglobulines. La figure montre
schématiquement un représentant de
Monocytes, cellules T, chaque famille et présente une liste des
Intégrines αL:β2 macrophages, autres membres de la famille qui participent
(LFA-1, CD11a:CD18) ICAM
neutrophiles, aux interactions leucocytaires avec leur
cellules dendritiques distribution cellulaire et leurs ligands. Les
LFA-1
Neutrophiles,
différents membres présentés ici se limitent
Se lient à des αM:β2 (CR3, à ceux qui participent à l’inflammation et à
monocytes, ICAM-1, iC3b, fibrinogène
molécules d’adhérence � � Mac-1, CD11b:CD18) d’autres mécanismes immunitaires innés.
macrophages
cellulaire et à la Cellules dendritiques, Certaines molécules semblables et d’autres
matrice extracellulaire αX:β2 (CR4,
macrophages, iC3b interviennent dans l’immunité adaptative,
Adhérence forte p150.95, CD11c:CD18)
neutrophiles nous en reparlerons dans les Chapitres 8-10.
α5:β1 Monocytes, La nomenclature des différentes molécules
macrophages Fibronectine
(VLA-5, CD49d:CD29) de ces familles prête à confusion car elle
repose souvent sur la voie dans laquelle
Superfamille des elles ont été identifiées au départ plutôt que
ICAM-1 (CD54) Endothélium activé LFA-1, Mac1
immunoglobulines sur leurs caractéristiques structurales. Des
noms alternatifs pour chacune des molécules
Endothélium au repos, LFA-1 d’adhérence sont donnés entre parenthèses.
ICAM-2 (CD102)
ICAM-1 cellules dendritiques
Le sialyl Lewisx sulfaté, reconnu par les
Divers rôles dans sélectines P et E, est un oligosaccharide
l’adhérence cellulaire. VCAM-1 (CD106) Endothélium activé VLA-4 présent sur des glycoprotéines de la surface
Ligand pour les cellulaire des leucocytes circulants. La
intégrines Leucocytes activés, sulfatation peut se produire sur le sixième
PECAM (CD31) jonctions entre cellules CD31 atome de carbone soit du galactose, soit de la
endothéliales
N-acétyl-glucosamine, mais pas sur les deux.
88 Chapitre 2 : L’immunité innée

CR3 (αM:β2) famille des intégrines sur les leucocytes. Les intégrines leucocytaires importantes pour
Neutrophile l’extravasation sont LFA-1 (αL:β2 appelée aussi CD11a:CD18) et CR3 (αM:β2 ; récepteur
du complément de type 3, appelé aussi CD11b:CD18 ou Mac-1 ; il a été question de
LFA-1 (αL:β2) CR3 dans la Section 2-19 en tant que récepteur de iC3b, mais il s’agit là d’un des ligands
de cette intégrine) et les deux lient à la fois ICAM-1 et ICAM-2 (Fig. 2.48). L’adhérence
entre leucocytes et cellules endothéliales est renforcée par l’induction d’ICAM-1 sur
l’endothélium inflammatoire et par l’activation d’un changement conformationnel de
LFA-1 et de CR3 en réponse aux chimiokines qui se lient au leucocyte. L’importance
des intégrines leucocytaires dans le recrutement des cellules inflammatoires est illus-
ICAM-1 ICAM-2 trée par le déficit de l’adhérence leucocytaire, maladie liée à un défaut dans la chaîne
Endothélium
β2 commune à LFA-1 et CR3. Les personnes atteintes souffrent d’infections bactérien-
nes récurrentes et d’une cicatrisation défectueuse des blessures.
Fig. 2.48 Les phagocytes adhèrent à
l’endothélium vasculaire par des intégrines. L’endothélium est activé par des interactions avec les cytokines des macropha-
L’endothélium vasculaire, lorsqu’il est ges, en particulier le TNF-α. Sous son action, les granules des cellules endothélia-
activé par des médiateurs inflammatoires,
exprime deux molécules d’adhérence : les, appelés grains de Weibel-Palade, se vident de leur contenu, qui comprend la
ICAM-1 et ICAM-2. Ce sont des ligands pour sélectine P préformée. Celle-ci est donc exprimée en quelques minutes à la sur-
les intégrines qui sont exprimées par les face des cellules endothéliales locales après la production de TNF-α par les macro-
phagocytes : αM:β2 (appelé aussi CR3, Mac-1
phages. Peu de temps après l’apparition de la sélectine P à la surface cellulaire,
ou CD11b:CD18) et αL:β2 (appelé aussi LFA-1
ou CD11a:CD18). l’ARN messager codant la sélectine E est synthétisé. Après deux heures, les cellu-
les endothéliales expriment surtout la sélectine E. Ces deux protéines interagissent
avec le motif sialyl Lewisx sulfaté, qui est présent à la surface des neutrophiles.
La densité d’ICAM-2 sur l’endothélium au repos est faible, apparemment quels
que soient les vaisseaux auxquels il appartient. Il se peut que ce soit suffisant pour
permettre aux monocytes circulants de gagner leur lieu de résidence dans les tis-
sus, ce processus se déroulant de manière permanente et le plus souvent ubiqui-
taire. Par ailleurs, suite à une exposition au TNF-α, ICAM-1 est fortement exprimé
Syndromes héréditaires sur l’endothélium des petits vaisseaux dans les foyers infectieux. Il se lie alors au
de fièvre périodique LFA-1 ou au CR3 des monocytes circulants et des polynucléaires, en particulier les
neutrophiles, comme le montre la Fig. 2.48. Les molécules d’adhérence cellulaire
jouent beaucoup d’autres rôles dans l’organisme en participant au développement
des tissus et des organes humains. Dans cette brève description, nous n’avons
considéré que les mécanismes impliqués dans le recrutement des cellules inflam-
matoires qui survient dans les heures et les jours après le début d’une infection.

2-26 Les neutrophiles constituent la première vague de cellules qui traversent


la paroi des vaisseaux sanguins pour gagner les sites de l’inflammation.

Les changements physiques qui accompagnent le début de la réponse inflamma-


toire ont été décrits dans la Section 2-5. Ici, nous allons rendre compte, pas à pas,
de la manière avec laquelle les cellules effectrices sont recrutées dans les foyers
infectieux. Dans les conditions normales, les leucocytes se répartissent au centre
des petits vaisseaux sanguins, là où le flux est le plus rapide. Dans les foyers inflam-
matoires, où les vaisseaux sont dilatés, le ralentissement du flux sanguin permet
aux leucocytes de quitter le centre du vaisseau sanguin et d’interagir avec l’endo-
thélium vasculaire. Même en absence d’infection, les monocytes migrent conti-
nuellement dans les tissus, où ils se différencient en macrophages. Au cours de
la réponse inflammatoire, l’induction de molécules d’adhérence sur les cellules
endothéliales, aussi bien que les changements imposés aux molécules d’adhé-
rence exprimées sur les leucocytes, recrute un grand nombre de leucocytes en cir-
culation, initialement des neutrophiles et plus tard des monocytes, vers le site de
l’infection. On pense que la migration leucocytaire en dehors des vaisseaux san-
guins, processus appelé extravasation, peut se décomposer en quatre étapes. Nous
décrirons le processus connu pour les monocytes et les neutrophiles (Fig. 2.49).
La première étape fait intervenir des sélectines. La sélectine P apparaît à la surface
des cellules endothéliales, quelques minutes après exposition à la leucotriène B4,
au fragment du complément C5a ou à l’histamine libérée à partir des mastocytes
Les réponses innées induites contre une infection 89

L’adhérence des sélectines au sialyl Lewisx des leucocytes est faible et permet aux
leucocytes de rouler le long de la surface endothéliale vasculaire

Flux sanguin
s-Lex

sélectine-E

Fig. 2.49 Les neutrophiles quittent le sang


et migrent vers les foyers infectieux en
plusieurs étapes grâce à des interactions et
membrane basale des adhérences régulées par les cytokines
et les chimiokines produites par les
macrophages. La première étape (panneau
du haut) implique une liaison réversible des
Roulement Adhérence ferme Diapédèse Migration leucocytes à l’endothélium vasculaire par des
interactions entre des sélectines induites sur
l’endothélium et leurs ligands glucidiques sur
le leucocyte, illustré ici par la sélectine E et
son ligand, le radical sialyl Lewisx (s-Lex). Ce
CXCL8R type de liaison ne peut que freiner les cellules,
(Récepteur car le flux sanguin est trop fort. Elles roulent le
de l’IL-8) LFA-1(αL:β2) long de l’endothélium, suite à une succession
s-Lex
continue de liaisons et ruptures. Ces contacts
ICAM-1 permettent cependant à des interactions
Sélectine E plus fortes de s’établir ; elles résultent de
l’induction d’ICAM-1 sur l’endothélium et de
l’activation de ses récepteurs LFA-1 et CR3
(Mac-1) (non montré) sur le leucocyte après
contact avec une chimiokine comme CXCL8.
CD31
Des cytokines inflammatoires comme le
chimiokine TNF-α sont aussi nécessaires pour induire
CXCL8 (IL-8)
l’expression de molécules d’adhérence
comme ICAM-1 et ICAM-2, les ligands de ces
intégrines sur l’endothélium vasculaire. Le
leucocyte, retenu par ces liens plus solides,
cesse de rouler et se glisse alors entre les
cellules endothéliales de la paroi vasculaire
(extravasation). Les intégrines leucocytaires
en réponse à C5a. L’apparition de la sélectine P peut aussi être induite par expo-
LFA-1 et CR3 sont nécessaires à cette
sition au TNF-α ou au LPS. Leurs effets s’additionnent pour l’induction de la syn- extravasation et à la migration dirigée par
thèse de la seconde sélectine, la sélectine E, qui apparaît à la surface des cellules les médiateurs chimiotactiques. L’adhérence
endothéliales quelques heures plus tard. Ces sélectines reconnaissent le motif sia- entre des molécules CD31, exprimées à la
fois sur le leucocyte et à la jonction entre
lyl Lewisx sulfaté de certaines glycoprotéines exposées à la pointe des microvillosi- les cellules endothéliales, doit également
tés leucocytaires. L’interaction des sélectines E et P avec ces glycoprotéines permet contribuer à l’extravasation. Le leucocyte doit
aux neutrophiles et aux monocytes d’adhérer de manière réversible à la paroi vas- aussi traverser la membrane basale ; ce qu’il
culaire, de sorte que les leucocytes circulants semblent rouler le long de l’endo- fait grâce une métalloprotéase exprimée à la
surface cellulaire. Enfin, le leucocyte migre
thélium lorsque celui-ci a été exposé à des cytokines inflammatoires (Fig.  2.49, le long d’un gradient de concentration de
panneau du haut). Cette interaction adhésive prépare les interactions plus fortes chimiokines (représentées ici par CXCL8)
de l’étape suivante de la migration leucocytaire. sécrétées par des cellules du foyer infectieux.
La micrographie électronique montre un
Cette seconde étape dépend des interactions entre les intégrines leucocytaires, neutrophile qui sort du vaisseau entre des
LFA-1 et CR3, et des molécules endothéliales comme ICAM-1, induite également cellules endothéliales. La flèche bleue
indique le pseudopode que le neutrophile
par le TNF-α, et ICAM-2 (Fig. 2.49, panneau du bas). LFA-1 et CR3 n’adhèrent nor- insère progressivement entre les cellules
malement qu’assez faiblement, mais CXCL8 et d’autres chimiokines, liées à des endothéliales. Cliché (x 5 500) de I. Bird et
protéoglycans à la surface des cellules endothéliales, se lient aux récepteurs leuco- J. Spragg.
cytaires spécifiques de chimiokines et déclenchent dans la cellule un changement
de la conformation de LFA-1 et de CR3 sur le leucocyte en train de rouler sur l’en-
dothélium, ce qui augmente fortement sa capacité d’adhérence. En conséquence,
le roulement s’arrête, et le leucocyte s’attache fermement à l’endothélium.
Dans la troisième étape, le leucocyte traverse la paroi endothéliale. Cette étape
implique aussi LFA-1 et CR3, de même qu’une interaction adhésive supplémentaire
90 Chapitre 2 : L’immunité innée

impliquant une molécule apparentée aux immunoglobulines, appelée PECAM ou


CD31, elle est exprimée à la fois sur les leucocytes et à hauteur des jonctions entre
les cellules endothéliales. Ces interactions permettent au phagocyte de se glisser
entre les cellules endothéliales. Il traverse alors la membrane basale (structure de
la matrice extracellulaire) grâce à l’intervention d’enzymes qui lysent les protéi-
nes de cette membrane. Ce mouvement au travers de la paroi vasculaire est connu
sous le nom de diapédèse ; il permet aux phagocytes de pénétrer dans les tissus
sous-endothéliaux.
La quatrième et dernière étape de l’extravasation est la migration des leucocytes à
travers les tissus sous l’influence de chimiokines. Des chimiokines comme CXCL8
et CCL2 (voir la Section 2-24) sont produites dans le foyer infectieux et se lient à des
protéoglycans de la matrice extracellulaire et sur des molécules similaires de la sur-
face des cellules endothéliales. Elles forment ainsi un gradient de concentration asso-
cié à la matrice le long duquel le leucocyte peut migrer jusqu’au foyer infectieux (voir
Fig.  2.49). CXCL8 sécrétée par les macrophages, qui sont les premiers à entrer en
contact avec les pathogènes, recrute des neutrophiles, qui pénètrent dans les tissus
infectés en grand nombre au début de la réponse induite. Cet afflux est maximal habi-
tuellement dans les six premières heures de la réponse inflammatoire, tandis que les
monocytes sont recrutés plus tard sous l’action de chimiokines comme CCL2. Arrivés
dans le foyer inflammatoire, les neutrophiles sont capables d’éliminer de nombreux
pathogènes par phagocytose. Ils agissent comme des effecteurs phagocytaires grâce
à leurs récepteurs du complément et à d’autres protéines d’opsonisation du système
immunitaire inné aussi bien que par la reconnaissance directe de pathogènes. De
plus, comme nous le verrons dans le Chapitre 9, ils agissent en tant qu’effecteurs pha-
gocytaires dans l’immunité adaptative humorale. L’importance des neutrophiles
est dramatiquement démontrée dans les maladies ou les traitements qui réduisent
sévèrement le nombre de neutrophiles. De tels patients présentent une neutropénie
et sont très sensibles à l’infection par de nombreux pathogènes. On peut les traiter
efficacement en leur transfusant des fractions sanguines riches en neutrophiles ou en
stimulant la production de ces cellules par des facteurs de croissance spécifiques.

2-27 Le TNF-α est une cytokine importante qui limite localement l’infection,
mais induit un état de choc quand il est libéré de manière systémique.

Les médiateurs de l’inflammation induisent aussi sur les cellules endothéliales


l’expression de molécules qui déclenchent localement la formation de caillots
sanguins, ce qui arrête le flux sanguin dans les petits vaisseaux. Ce mécanisme
est utile pour empêcher le pathogène d’entrer dans la circulation et de se répan-
dre ainsi dans tout l’organisme. Le liquide extravasé dans le tissu va transporter le
pathogène capté par des phagocytes, en particulier les cellules dendritiques, par
les lymphatiques vers les ganglions régionaux, où une réponse immunitaire adap-
tative peut être induite. L’importance du rôle du TNF-α dans la limitation d’une
infection est illustrée par des expériences dans lesquelles des lapins ont été infec-
tés localement avec une bactérie. Normalement, l’infection reste circonscrite au
site de l’inoculation, mais si on neutralise le TNF-α par des anticorps spécifiques,
l’infection s’étend par voie sanguine aux autres organes.
Si l’infection gagne le système sanguin, ces mêmes mécanismes de contrôle local
de l’infection par le TNF-α vont devenir catastrophiques (Fig. 2.50). L’infection du
sang, appelé sepsie, s’accompagne de la libération de TNF-α par les macropha-
ges du foie, de la rate et d’autres sites. La libération systémique de TNF-α provoque
une vasodilatation, qui entraîne une chute de pression sanguine et une augmenta-
tion de la perméabilité vasculaire conduisant à une perte de volume plasmatique
et finalement à un choc. Dans le choc septique, une coagulation intravasculaire
diffuse est également déclenchée par le TNF-α, avec formation de caillots dans de
nombreux petits vaisseaux sanguins et une consommation massive des facteurs de
coagulation, de sorte que le sang du malade devient incoagulable. Cette situation
Les réponses innées induites contre une infection 91

conduit fréquemment à l’insuffisance fonctionnelle d’organes vitaux comme les


reins, le foie, le cœur et les poumons, atteints rapidement par défaut de perfusion.
Par conséquent, le choc septique entraîne un taux de mortalité très élevé.
Des souris avec une mutation du gène du récepteur du TNF-α sont résistantes au
choc septique, mais elles sont aussi incapables de contrôler une infection locale.
Les propriétés du TNF-α qui le rendent si utile pour contenir une infection locale
sont précisément celles qui lui permettent de jouer un rôle central dans la patho-
génie du choc septique. Sa conservation au cours de l’évolution suggère que les
bénéfices du TNF-α au premier stade de l’infection l’emportent sur les conséquen-
ces dévastatrices de son éventuelle libération systémique.

Fig. 2.50 La libération de TNF-α par les


Infection locale par des Infection systémique (sepsie) par des macrophages induit localement des
bactéries Gram-négatives bactéries Gram-négatives effets protecteurs, mais le TNF-α a des
effets dommageables quand il est libéré
Sécrétion de TNF- 𝛂 Les macrophages activés dans le foie et la de manière systémique. Les schémas
par les macrophages activés rate sécrètent du TNF- 𝛂 dans le courant sanguin de gauche montrent les causes et les
conséquences de la libération locale de
TNF‑α ; les panneaux de droite montrent les
causes et les conséquences de sa libération
systémique. Dans les deux cas, le TNF-α agit
sur les vaisseaux sanguins, en particulier
les veinules, pour augmenter le flux sanguin,
la perméabilité vasculaire au liquide, aux
protéines et aux cellules, et l’adhésivité
endothéliale des leucocytes et des plaquettes
(panneaux du milieu). Sa libération locale
permet donc un afflux de liquide, de cellules
et de protéines dans le tissu infecté pour
participer à la défense de l’hôte. Ensuite, des
caillots sanguins se forment dans les petits
vaisseaux prévenant l’extension de l’infection
par voie sanguine (panneau du bas à gauche).
Le liquide et les cellules accumulées sont
Augmentation du passage de protéines plasmatiques Œdème systémique entraînant une diminution du drainés vers le ganglion lymphatique régional,
dans le tissu. Augmentation de la migration des volume sanguin, une hypoprotéinémie et une où la réponse immunitaire adaptative sera
phagocytes et des lymphocytes dans le tissu. Augmentation neutropénie, suivie d’une neutrophilie. Collapsus déclenchée. En cas d’infection systémique,
de l’adhérence des plaquettes à la paroi vasculaire vasculaire dû à la diminution du volume sanguin ou sepsie, par des bactéries qui entraînent
la production de TNF-α, la cytokine, libérée
dans le sang par les macrophages du foie et
de la rate, agit de façon similaire sur tous les
petits vaisseaux sanguins (panneau en bas
à droite). Le résultat est un état de choc avec
coagulation intravasculaire disséminée avec
consommation des facteurs de coagulation,
hémorragie et décompensation de plusieurs
organes aboutissant fréquemment à la mort.

Phagocytose des bactéries. Occlusion locale Coagulation intravasculaire disséminée


des vaisseaux. Drainage du plasma et des conduisant à la cachexie et à la défaillance
cellules vers les ganglions lymphatiques régionaux de nombreux organes

Élimination de l’infection Mort


Immunité adaptative
92 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.51 Les cytokines TNF-α, IL-1β et IL-6


ont un large spectre d’activités biologiques IL-1𝛂/IL-6/TNF-𝛂
qui servent à coordonner les réponses de
l’organisme à l’infection. Sous l’action de
l’IL-1β, de l’IL-6 et du TNF-α, les hépatocytes
produisent les protéines de phase aiguë et
l’endothélium de la moelle osseuse libère plus Endothélium de la
de neutrophiles. Ces protéines de phase aiguë Foie Hypothalamus Graisse, muscle Cellules dendritiques
moelle osseuse
agissent comme des opsonines, la possibilité
d’élimination des pathogènes ainsi opsonisés Protéines de Mobilisation Augmentation de Mobilisation de Stimulation par le
étant augmentée par le recrutement accru des phase aiguë des neutrophiles la température protéines et d’énergie TNF-α de leur
neutrophiles à partir de la moelle osseuse. (Protéine C réactive, corporelle pour augmenter migration vers les
L’IL-1, l’IL-6 et le TNF-α sont également lectine liant la température ganglions lymphatiques
des pyrogènes ; ils élèvent la température, le mannose) corporelle et de leur maturation
ce qui est considéré comme favorable à la
guérison des infections. Le changement de
la température est dû à une action de ces
cytokines sur l’hypothalamus et sur les cellules Activation du Diminution de la réplication virale et bactérienne Déclenchement de
complément Phagocytose Augmentation de l’apprêtement antigénique la réponse immunitaire
musculaires et graisseuses dont la production
énergétique est augmentée. Aux températures Opsonisation Augmentation de la réponse immunitaire spécifique adaptative
élevées, la réplication bactérienne et virale
diminue, alors que le système immunitaire
adaptatif fonctionne plus efficacement. 2-28 Les cytokines libérées par les macrophages activent la réponse
de phase aiguë.

En plus de leurs effets locaux importants, les cytokines produites par des macropha-
ges ont des effets à distance qui contribuent à la défense de l’hôte. L’un de ces effets
est l’élévation de la température corporelle, principalement causée par le TNF-α,
l’IL-1β et l’IL-6. Ces facteurs sont dits pyrogènes endogènes, car ils provoquent de la
fièvre et proviennent d’une source endogène plutôt que de composants bactériens
comme le LPS, qui un pyrogène exogène. Les pyrogènes endogènes provoquent la
fièvre en induisant la synthèse de la prostaglandine E2 par l’enzyme cyclooxygéna-
Syndromes héréditaires se-2, dont ces cytokines entraînent l’expression. La prostaglandine E2 agit alors sur
de fièvre périodique l’hypothalamus, ce qui fait augmenter la production de chaleur par la graisse brune et
par une vasoconstriction, qui réduit la perte transcutanée de l’excès de chaleur. Les
pyrogènes exogènes déclenchent la production de pyrogènes endogènes, mais ils
agissent aussi directement en interagissant avec TLR-4, ce qui active la cyclooxygéna-
se-2 et entraîne la production de prostaglandine E2. La fièvre est généralement béné-
fique pour la défense de l’hôte, la plupart des pathogènes se développant mieux à des
températures plus basses et les réponses immunitaires adaptatives étant plus inten-
ses à des températures élevées. Les cellules de l’hôte sont également protégées des
effets délétères du TNF-α à des températures plus élevées.
La Fig. 2.51 résume les effets du TNF-α, de l’IL-1 et de l’IL-6. L’un des effets les plus
importants est le déclenchement d’une réponse connue sous le nom de réponse de
phase aiguë (Fig. 2.52). Il s’agit d’un changement dans les concentrations des protéi-
nes sécrétées dans le plasma sanguin par le foie suite à l’action de l’IL-1, de l’IL-6 et du
TNF-α sur les hépatocytes. Au cours de la phase aiguë, les taux de certaines protéines
plasmatiques diminuent, tandis que les taux d’autres protéines augmentent considé-
rablement. Les protéines dont la synthèse est induite par le TNF-α, l’IL-1 et l’IL-6 sont
appelées protéines de phase aiguë. Plusieurs de ces protéines présentent un inté-
rêt particulier, car elles imitent l’action des anticorps, mais à la différence des anti-
corps, elles ont une large spécificité pour les motifs moléculaires (PAMP) associés aux
pathogènes, et leur production dépend uniquement de la présence de cytokines.
Une de ces protéines, la protéine C réactive, appartient à la famille des pentraxines,
ainsi appelées car elles sont formées de cinq sous-unités identiques. La protéine C
réactive est un autre exemple de protéine polyvalente capable de reconnaître des
motifs moléculaires propres aux pathogène. Elle se lie au résidu phosphorylcholine
des lipopolysaccharides des parois de certaines cellules bactériennes et fongiques. La
phosphorylcholine est aussi retrouvée dans les phospholipides de la membrane des
cellules de mammifère, mais sous une forme qui ne peut réagir avec la protéine C réac-
tive. Quand la protéine C réactive se lie à une bactérie, elle n’est pas seulement capa-
ble de l’opsoniser, mais elle peut aussi activer la cascade du complément en se liant à
Les réponses innées induites contre une infection 93

Les bactéries induisent la production d’IL-6 par


les macrophages. Celle-ci déclenche la synthèse
des protéines de phase aiguë par les hépatocytes

IL-6
SP-A
SP-D

foie

lectine liant
le mannose

fibrinogène
protéine protéine C
amyloïde sérique réactive

La protéine C réactive se lie à la phosphorylcholine La lectine liant le mannose s’attache à ce Protéine amyloïde sérique
de la surface de bactéries, agit en tant glucide de la surfaces de bactéries, qu’elle
qu’opsonine et active aussi le complément opsonise ; elle active aussi le complément

C1q, premier composant de la voie classique du complément (voir la Section 2-13). Fig. 2.52 Les protéines de phase aiguë
se fixent aux pathogènes mais non
Ce sont les parties de C1q de type collagène qui sont impliquées dans l’interaction et
aux cellules de l’hôte. Les protéines de
non les têtes globulaires, qui établissent le contact avec les surfaces des pathogènes, phase aiguë sont produites par les cellules
mais c’est la même cascade de réactions qui est déclenchée. hépatiques en réponse aux cytokines libérées
par des macrophages confrontés à des
La seconde protéine d’intérêt de phase aiguë est la MBL. Nous en avons déjà parlé en bactéries. Elles comprennent la protéine
tant que molécule se liant au pathogène (voir Fig. 2.15) et déclenchant la cascade du amyloïde sérique (SAP) (chez les souris mais
complément (voir Section 2-14). La MBL est présente dans le sérum normal en fai- pas chez l’homme), la protéine C réactive
(CRP), le fibrinogène et la lectine liant le
ble concentration, mais sa production augmente au cours de la phase aiguë. Elle agit mannose (MBL). La SAP et la CRP ont une
comme opsonine pour les monocytes, qui, contrairement aux macrophages tissulai- structure homologue ; ce sont des pentraxines,
res, n’expriment pas le récepteur du mannose. Deux autres protéines avec des proprié- dont la structure est faite de cinq sous-
unités en forme de disque (photographie de
tés d’opsonisation produites par le foie en grande quantité lors de la phase aiguë sont
droite). La CRP se lie à la phosphorylcholine
les surfactants pulmonaires A et D (voir la Section 2-6). On les trouve, avec des macro- présente à la surface de certaines bactéries et
phages, dans le liquide alvéolaire pulmonaire ; elles jouent un rôle important en favo- champignons, mais elle ne reconnaît pas cette
risant la phagocytose des pathogènes des voies respiratoires comme Pneumocystis molécule dans les membranes des cellules
de l’hôte. Elle agit en tant qu’opsonine et elle
carinii, un des principaux agents de pneumonie chez les patients atteints de SIDA. active la voie classique du complément en se
liant à C1q pour augmenter l’opsonisation. La
Ainsi, en un jour ou deux, la réponse de phase aiguë fournit à l’organisme plu-
MBL appartient à la famille des collectines,
sieurs protéines dotées des propriétés fonctionnelles des anticorps et capables de dont font partie les protéines du surfactant
se lier à une grande variété de pathogènes. Pourtant, contrairement aux anticorps, pulmonaire, SP-A et SP-D. Elle ressemble par
dont il sera question aux Chapitres 3 et 9, elles ne présentent pas de diversité struc- sa structure à C1q. Comme la CRP, la MBL
peut fonctionner en tant qu’opsonine, à l’instar
turale et sont fabriquées en réponse à n’importe quel signal capable de déclen- d’ailleurs des SP-A et SP-D. Modèle structural
cher la libération de TNF-α, d’IL-1 et d’IL-6. Leur synthèse n’est donc pas induite de J. Emsley.
de manière spécifique, ni ciblée.
Un dernier effet à distance des cytokines produites par des macrophages est d’induire
une leucocytose, c’est-à-dire une augmentation du nombre de neutrophiles en cir-
culation. Ces neutrophiles proviennent de deux sources : la moelle osseuse, qui livre
des leucocytes matures en grand nombre, et de certains sites dans les vaisseaux san-
guins où ils sont attachés faiblement aux cellules endothéliales. Ainsi, les effets de ces
cytokines contribuent au contrôle de l’infection pendant que la réponse immunitaire
94 Chapitre 2 : L’immunité innée

Les ARN viraux double brin peuvent être


adaptative se développe. Comme le montre la Fig. 2.51, le TNF-α intervient aussi dans
reconnus par des TLR dans les endosomes l’induction de la migration des cellules dendritiques de leurs sites tissulaires périphé-
et par RIG-1 ou MDA-5 dans le cytosol, riques vers le ganglion lymphatique, et dans leur maturation en cellules non phagocy-
ce qui induit l’expression des interférons
taires mais présentatrices d’antigènes avec une forte capacité de costimulation.
TLR-3
MDA-5 RIG-I
2-29 Les interférons induits par une infection virale apportent plusieurs
contributions à la défense de l’hôte.
CARDIF
L’infection cellulaire par un virus induit la production de protéines appelées à juste
TRIF
titre interférons puisqu’elles interfèrent avec la réplication virale dans des cellules
mises en culture à partir de tissus non infectés. On pense qu’elles pourraient jouer
un rôle semblable in vivo en bloquant la transmission des virus aux cellules non
IRF3 IRF7 IRF3 IRF7 infectées. Ces molécules antivirales, appelées interféron-α (IFN-α) et interféron-β
(IFN-β), sont très différentes de l’interféron-γ (IFN-γ). Ce dernier n’est pas direc-
tement induit par l’infection virale, mais produit plus tard il joue un rôle important
dans la réponse vis-à-vis de pathogènes intracellulaires, comme nous le verrons plus
loin. L’IFN-α, une famille de plusieurs protéines étroitement apparentées, et l’IFN-β,
gène gène qui est le produit d’un seul gène, sont synthétisés par de nombreux types de cellu-
d’interféron d’interféron les lors d’une infection par divers virus. On pense que la synthèse d’interféron se fait
en réponse à la présence d’ARN double brin, car l’ARN double brin synthétique est
Fig. 2.53 Les ARN double brin induisent un fort inducteur d’IFN-α et d’IFN-β. L’ARN double brin constitue le génome de cer-
l’expression des interférons en activant tains virus et pourrait être produit au cours d’une phase du cycle infectieux de tous
les régulateurs d’interféron IRF3 et IRF7 les virus. Bien que des molécules d’ARN double brin soient présentes dans les cellu-
(Interferon Regulatory Factors). Les longs
ARN double brin peuvent être reconnus par le les de mammifères, il s’agit de molécules relativement courtes, contenant habituelle-
récepteur de type Toll TLR-3, qui est présent ment moins de 100 nucléotides, tandis que les génomes à ARN double brin ont une
dans les endosomes (panneau de gauche). séquence de milliers de nucléotides. Il est donc possible que les longues molécules
Les signaux provenant de TLR-3 passent
par la molécule adaptatrice, TRIF, et activent
d’ARN double brin soient les inducteurs communs de la synthèse d’interféron ; de
les facteurs de transcription IRF3 et IRF7. De telles molécules sont reconnues comme un motif moléculaire distinct (PAMP) par le
même, les récepteurs intracellulaires RIG-1 récepteur de type Toll, TLR-3 (Fig. 2-53), qui induit la synthèse des IFN-α et IFN-β.
et MDA-5 se lient également aux longs ARN
double brin (panneau de droite) et activent Un long ARN viral double brin peu aussi induire l’expression des interférons en
IRF3 et IRF7, mais dans ce cas-ci en passant activant les protéines cytoplasmiques RIG-I et MDA-5 (voir Fig. 2.53). Ces protéi-
par la protéine adaptatrice CARDIF (CARD
nes contiennent des domaines de type hélicase d’ARN qui lient les ARN double
adaptator inducing IFN-β). IRF3 et IRF7
activés peuvent former des homodimères brin, et deux domaines CARD (voir Section  2-9) qui leur permettent d’interagir
(non montré) et des hétérodimères avec des protéines adaptatrices intracellulaires pour transmettre le signal annon-
IRF3:IRF7 qui entrent dans le noyau et çant la présence d’ARN viral. Pour RIG-I et MDA-5, les adaptateurs relient la liaison
activent la transcription de plusieurs gènes,
principalement ceux de l’IFN-α et de l’IFN-β.
des ARN double brin à l’activation des facteurs régulateurs d’interféron IRF3 et
IRF7, des facteurs de transcription qui induisent la production d’IFN-α et d’IFN-β.
Les interférons contribuent de plusieurs manières à la défense antivirale de l’orga-
nisme (Fig. 2.54). Un effet évident et important des interférons est l’induction d’un état
de résistance à la réplication virale dans toutes les cellules. L’IFN-α et l’IFN-β sécrétés
par la cellule infectée se lient à un récepteur commun sur les cellules, appelé récep-
teur d’interféron, présent à la fois sur les cellules infectées et sur les cellules voisi-
nes. Le récepteur d’interféron, comme beaucoup d’autres récepteurs de cytokines, est
couplé à une tyrosine kinase de la famille Janus, par laquelle passe la voie de signa-
lisation. Cette voie, que nous décrirons en détail au Chapitre 6, induit rapidement la
transcription de nouveaux gènes. Les kinases de la famille Janus phosphorylent direc-
tement les activateurs de transcription appelés protéines STAT (Signal-Transducing
Activators of Transcription). Les protéines STAT phosphorylées gagnent le noyau,
où elles activent la transcription de plusieurs gènes différents, comprenant ceux qui
codent des protéines contribuant à l’inhibition de la réplication virale.
L’une de ces protéines est l’enzyme oligoadénylate synthétase, qui polymérise
l’ATP en une série d’oligomères liés en 2’-5’ (les nucléotides sont normalement
liés en 3’-5’ dans les acides nucléiques). Ces oligomères activent une endoribonu-
cléase qui dégrade l’ARN viral. Une seconde protéine activée par l’IFN-α et l’IFN-β
est une sérine/thréonine kinase appelée PKR kinase. Elle phosphoryle le fac-
teur d’initiation de la synthèse protéique des eucaryotes, eIF-2 (eukaryotic protein
Les réponses innées induites contre une infection 95

synthesis Initiation Factor-2), ce qui inhibe la traduction et contribue ainsi au blo-


Cellules de l’hôte infectées par un virus
cage de la réplication virale. On sait qu’une autre protéine inductible par l’interfé-
ron, appelée Mx, est nécessaire pour que la cellule résiste à la réplication du virus
de l’influenza. Des souris dont le gène codant la protéine Mx est déficient sont virus
beaucoup plus sensibles au virus de l’influenza que les souris normales. Une autre
voie par laquelle les interférons interviennent dans l’immunité innée est l’activa-
tion des cellules NK, qui peuvent tuer les cellules infectées par un virus, comme
c’est décrit en détail dans la section suivante.
Finalement, les interférons jouent un rôle plus général dans le processus qui per- IFN-α, IFN-β
met au système immunitaire inné, après son interaction avec un pathogène, de sou-
tenir et d’amplifier l’activation de la réponse immune adaptative. Nous avons déjà Induisent une résistance à la réplication virale
décrit comment la reconnaissance des ARN double brin par TLR-3 peut conduire dans toutes les cellules
à l’induction des IFN-α et IFN-β. D’autres TLR, typiquement TLR-4, peuvent aussi Augmentent l’expression du CMH de classe I et la
induire ces interférons en réponse à la reconnaissance de composants de la paroi présentation de l’antigène par toutes les cellules
bactérienne. Les interférons à leur tour induisent l’expression de molécules cos-
timulatrices sur les macrophages et les cellules dendritiques, qui leur permettent Activent les cellules dendritiques et les macrophages
d’agir comme cellules présentatrices d’antigène capables d’activer complètement
les cellules T (voir la Section 1-7). Ainsi, un macrophage ou une cellule dendritique Activent les cellules NK afin de tuer les cellules
infectées par un virus
qui est activée lorsque des récepteurs de type Toll interagissent avec des pathogè-
nes est à son tour apte à envoyer des signaux à d’autres macrophages et cellules
dendritiques et à les recruter pour déclencher une réponse immune adaptative. Fig. 2.54 Les interférons sont des protéines
antivirales produites par les cellules
Les IFN-α et IFN-β stimulent également une expression accrue des molécules du en réponse à une infection virale. Les
CMH de classe I sur tous les types cellulaires. Les lymphocytes T cytotoxiques du interférons IFN-α et IFN-β ont trois fonctions
système immunitaire adaptatif reconnaissent les complexes des antigènes viraux principales. Tout d’abord, ils induisent une
et des molécules du CMH de classe I exposés à la surface des cellules infectées résistance à la réplication virale dans les
cellules non infectées en activant des gènes
par un virus (voir Fig. 1.30). Ainsi indirectement, les interférons favorisent l’activité cellulaires qui entraînent la destruction des
lytique des cellules T cytotoxiques CD8 sur les cellules infectées par un virus. ARNm et inhibent la traduction des protéines
virales et de certaines protéines de l’hôte.
Presque tous les types cellulaires peuvent produire les IFN-α et IFN-β si nécessaire, Deuxièmement, ils induisent l’expression du
mais certaines cellules sont spécialisées dans cette tâche. Les cellules dendriti- CMH de classe I dans la plupart des cellules
ques plasmacytoïdes (aussi appelées cellules productrices d’interféron ou cellu- de l’organisme, leur conférant ainsi une
résistance aux cellules NK. Ils peuvent aussi
les productrices naturelles d’interféron) sont des cellules dendritiques circulantes induire une augmentation de la synthèse des
qui s’accumulent dans les tissus lymphoïdes périphériques durant une infection et molécules de CMH de classe I par les cellules
peuvent sécréter jusqu’à 1000 fois plus d’interféron que les autres types cellulaires. qui viennent d’être infectées par un virus, les
Elles sont décrites plus en détail au Chapitre 8. rendant ainsi plus sensibles à la lyse par les
cellules T CD8 cytotoxiques (voir Chapitre 8).
Troisièmement, ils activent les cellules NK pour
qu’elles éliminent sélectivement les cellules
2-30 Les cellules NK sont activées par les interférons et les cytokines infectées par un virus.
produites par les macrophages pour contribuer à la défense précoce
contre certaines infections intracellulaires.

Les cellules tueuses naturelles (cellules NK) se développent dans la moelle osseuse
à partir d’un progéniteur lymphoïde commun, et circulent dans le sang. Plus gran-
des que les lymphocytes T et B, elles contiennent des granules cytoplasmiques carac-
téristiques et sont identifiables sur le plan fonctionnel par leur capacité de tuer in
vitro certaines lignées de cellules tumorales lymphoïdes sans nécessiter une immu-
nisation ou une activation préalable. Le mécanisme par lequel les cellules NK tuent
les cellules est le même que celui que les cellules T cytotoxiques du système immu-
nitaire adaptatif utilisent : elles déchargent, sur la surface de la cellule cible, des gra-
nules cytotoxiques qui contiennent des protéines effectrices. Celles-ci traversent la
membrane de la cellule cible et induisent la mort cellulaire programmée. Cependant,
la cytotoxicité des cellules NK est déclenchée par des récepteurs invariants qui recon-
naissent des composants de la surface de cellules infectées. Elles interviennent durant
les phases précoces de l’infection par différents pathogènes intracellulaires, en parti-
culier les virus herpès et le parasite protozoaire Leishmania. Les cellules NK font par-
tie du système immunitaire inné en raison de leurs récepteurs invariants.
Les cellules NK sont activées en réponse aux interférons ou aux cytokines produi-
tes par les macrophages. Bien qu’on puisse isoler chez des individus non infectés des
96 Chapitre 2 : L’immunité innée

cellules NK capables de tuer des cibles sensibles, cette activité augmente de vingt à cent
Production Les cellules Les cellules fois quand les cellules sont exposées à l’IFN-α et l’IFN-β ou à l’IL-12, qui est un activa-
d’IFN-α, NK tuent T tuent les teur des cellules NK et l’une des cytokines produites au début de nombreuses infec-
IFN-β, TNF-α, les cellules cellules
IL-12 infectées infectées tions. Les cellules NK activées vont limiter l’infection virale pendant que le système
immunitaire adaptatif génère des cellules T cytotoxiques spécifiques qui élimineront
l’infection (Fig. 2.55). À présent, la seule indication sur la fonction physiologique des
cellules NK chez l’homme provient des rares patients dépourvus de ces cellules ; ils
sont particulièrement sensibles aux phases initiales de l’infection par le virus herpès.
L’IL-12 agissant en synergie avec le TNF-α peut aussi induire la production de
grandes quantités d’IFN-γ par les cellules NK, ce qui est crucial pour le contrôle de
Titre viral certaines infections avant que l’IFN-γ, produit par des cellules T cytotoxiques CD8
activées, ne devienne disponible. Cette production précoce d’IFN-γ par les cellu-
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 les NK peut aussi influencer la réponse des cellules T CD4 aux agents infectieux en
Temps après l’infection virale (jours) induisant la différenciation des cellules T CD4 activées en cellules inflammatoires
TH1 activatrices des macrophages (voir la Section 8-19).
Fig. 2.55 La cellule tueuse naturelle
(cellules NK) intervient tôt lors d’une
réaction à une infection virale. Des
2-31 Les cellules NK ont des récepteurs de molécules du soi
expériences chez des souris montrent que qui empêchent leur activation par des cellules non infectées.
l’IFN-α, l’IFN-β et les cytokines TNF-α et
IL-12 apparaissent d’abord. Survient ensuite
Si les cellules NK sont des médiateurs de la défense de l’organisme contre les infec-
une vague de cellules NK. La réplication
virale est ainsi sous contrôle, mais le virus tions par des virus et d’autres pathogènes, certains mécanismes doivent leur per-
n’est pas éliminé. Son élimination nécessite mettre de distinguer les cellules infectées des cellules non infectées. Comment
les cellules T CD8 spécifiques du virus. En exactement cela est réalisé n’a pas encore été élucidé dans chaque cas, mais on
l’absence de cellules NK, les titres de certains
virus sont beaucoup plus élevés dans les
pense qu’une cellule NK est activée par une combinaison de reconnaissance directe
premiers jours de l’infection et causeraient de changements dans les glycoprotéines de la surface cellulaire induites par un
la mort si un traitement vigoureux à base de stress métabolique comme une transformation maligne ou une infection virale
médicaments anti-viraux n’était administré. ou bactérienne, associée à une reconnaissance du « soi altéré », qui implique des
changements dans l’expression des molécules du CMH. Une expression altérée des
molécules du CMH de classe I peut être une caractéristique commune des cellules
infectées par des pathogènes intracellulaires car beaucoup de ces pathogènes ont
développé des stratégies qui interfèrent avec la capacité des molécules du CMH de
classe I de capter et de présenter des peptides aux cellules T. Aussi, un mécanisme
par lequel les cellules NK distinguent les cellules infectées des non infectées est par
la reconnaissance d’altérations dans l’expression du CMH de classe I (Fig. 2.56).
Les cellules NK sont capables de percevoir des changements dans l’expression des
molécules du CMH de classe I en intégrant les signaux provenant de deux types de
récepteurs de surface, qui ensemble contrôlent leur activité cytotoxique. L’un d’eux
est un récepteur activateur qui déclenche l’activité cytotoxique des cellules NK.
Plusieurs classes de récepteurs transmettent ce signal d’activation ; ils compren-
nent des protéines des familles des lectines de type C et des immunoglobulines.
Une stimulation de ces récepteurs active les cellules NK et déclenche la sécré-
tion de cytokines comme l’IFN-γ et la lyse directe de la cellule stimulatrice par la
décharge des granules cytotoxiques contenant des granzymes et la perforine. Ce
mécanisme de lyse est le même que celui utilisé par les cellules T cytotoxiques et
sera décrit en détail lorsque nous décrirons les fonctions de cette population de
cellules T effectrices au Chapitre 8. Les cellules NK portent également des récep-
teurs pour les immunoglobulines, et la liaison d’anticorps à ces récepteurs active
les cellules NK, qui déchargent alors leurs granules cytotoxiques ; c’est ce que l’on
appelle la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps ou ADCC (Antibody-
Dependent Cellular Cytotoxicity) ; elle sera décrite au Chapitre 9. Un second assor-
timent de récepteurs inhibe l’activation et prévient la lyse des cellules normales
par les cellules NK. Ces récepteurs inhibiteurs sont spécifiques de diverses molé-
cules du CMH de classe I, ce qui explique pourquoi les cellules NK tuent sélective-
ment les cellules dont la densité en molécules du CMH de classe I est faible, alors
qu’elles en sont empêchées lorsque ces molécules sont en densité normale. Plus
le taux d’expression du CMH de classe I est élevé à la surface d’une cellule, plus
Les réponses innées induites contre une infection 97

Fig. 2.56 La cytotoxicité des cellules


Le CMH de classe I sur les cellules normales est NK dépend de l’équilibre entre signaux
reconnu par des récepteurs inhibiteurs qui suppriment La cellules NK ne tue pas la cellule normale activateurs et inhibiteurs. Les cellules NK
les signaux provenant des récepteurs activateurs disposent de plusieurs récepteurs activateurs
différents qui reconnaissent des ligands
glucidiques communs à la surface des cellules
et déclenchent la cytotoxicité de la cellule NK
Cellule NK envers la cellule à laquelle ces récepteurs
se sont liés. Cependant, les cellules NK
sont empêchées d’attaquer par un autre
ligand assortiment de récepteurs qui reconnaissent
activateur des molécules du CMH de classe I (qui
de cellule NK
récepteur inhibiteur récepteur activateur sont présentes sur presque tous les types
cellulaires) et inhibent la cytotoxicité en
CMH de surmontant l’effet des récepteurs activateurs.
classe I
Ce signal inhibiteur est perdu lorsque les
cellules cibles n’expriment pas le CMH
de classe I ; de nombreux virus inhibent
spécifiquement l’expression du CMH de classe
I ou altèrent sa conformation afin d’éviter ainsi
la reconnaissance par des cellules T CD8. Une
autre possibilité est que des cellules normales
Le CMH de classe I « altéré » ou absent ne peut La cellule NK activée libère le contenu de ses non infectées répondent à l’IFN-α et à l’IFN-β
générer un signal négatif. Des signaux provenant granules, induisant l’apoptose de la cellule cible en augmentant l’expression des molécules du
des récepteurs activateurs stimulent la cellule NK
CMH de classe I, les rendant ainsi résistantes
à la cytotoxicité par les cellules NK activées.
Par contre, des cellules infectées peuvent être
incapables d’augmenter l’expression du CMH
de classe I, et deviennent alors des cibles pour
les cellules NK activées.

celle-ci sera protégée de la lyse par des cellules NK. C’est pourquoi les interférons,
qui induisent l’expression des molécules du CMH de classe I, peuvent protéger les
cellules non infectées de l’activité lytique des cellules NK. Par ailleurs, ils stimulent
cette activité lytique envers les cellules infectées par un virus.
Les récepteurs qui régulent l’activité des cellules NK se répartissent en deux gran-
des familles (Fig. 2.57) qui contiennent de nombreux autres récepteurs de surface
en plus des récepteurs NK. L’une est composée des récepteurs homologues des
lectines de type C ; ils sont appelés KLR (Killer Lectin-like Receptors ou récepteurs
lytiques de type lectine). Les gènes des KLR sont regroupés dans un complexe
appelé NKC (NK receptor Complex ou complexe génique des récepteurs NK).
L’autre famille de récepteurs est composée de protéines contenant des domaines de
type immunoglobuline ; d’où leur nom, récepteurs de type immunoglobuline des cel-
lules tueuses ou KIR (Killer cell Immunoglobulin-like Receptors). Les gènes KIR consti-
tuent une partie d’un plus grand ensemble de récepteurs de type immunoglobuline
appelé LRC (Leukocyte Receptor Complex ou complexe génique des récepteurs leu-
cocytaires). Les deux complexe NKC et LRC sont présents chez la souris et l’homme,
mais les souris sont dépourvues des gènes des KIR et dès lors ne disposent que des
récepteurs du type des lectines C du NKC pour contrôler l’activité des cellules NK.
Une complication dans la compréhension de la régulation de l’activité des cellules
NK est que les mêmes familles structurales des récepteurs NK contiennent à la fois
des récepteurs activateurs et inhibiteurs. Chez l’homme et la souris, les cellules NK
expriment un hétérodimère de deux lectines de type C, appelées CD94 et NKG2,
qui interagissent avec des molécules non polymorphes de type CMH de classe I,
entre autres HLA-E chez l’homme et Qa-1 chez la souris, qui lient les fragments du
98 Chapitre 2 : L’immunité innée

Fig. 2.57 Les gènes qui codent les


récepteurs NK se répartissent en deux LRC étendu LRC
grandes familles. La première, le complexe
du récepteur leucocytaire (LRC, Leukocyte

DAP12
DAP10

NKp46
FcαR

GPVI
Receptor Complex), comprend un grand CD66 SIGLEC FcGRT ILT LAIR ILT KIR
groupe de gènes codant une famille de
protéines composées de domaines de type 19
immunoglobuline. Il comprend les récepteurs
KIR (Killer Immunoglobulin-like Receptors)

NKR-P1A
exprimés par les cellules NK, la classe des

MAFA-L

NKG2D

NKG2C
NKG2E

NKG2A
NKG2F
KLRF1

Clec-2

LY49L

PRB3
CD69

CD94
Lox-1
ILT (Immunoglobulin-Like transcript) et les

AICL
A2M

LLt1
familles géniques LAIR (Leukocyte-Associated
Immunoglobulin-like Receptor). Les lectines 12
de signalisation (SIGLEC, SIGnaling Lectins)
et des membres de la famille CD66 sont situés
NKC
à proximité. Chez l’homme, ce complexe est
situé sur le chromosome 19. Le second groupe
génique est appelé le complexe des récepteurs
NK (NKC, NK receptor Complex) et code les peptide de tête des autres molécules du CMH de classe I. Ainsi, CD94:NKG2 pour-
récepteurs KLR (Killer Lectin-like Receptors), rait être sensible à la présence de plusieurs variants différents du CMH de classe I.
une famille de récepteurs qui comprennent
les protéines NKG2 et CD94, avec lesquelles Chez l’homme, la famille NKG2 comporte six membres, NKG2A, B, C, D, E et F. De
une molécule NKG2 s’apparie pour former ceux-ci, par exemple, NKG2A et B sont inhibiteurs, tandis que NKG2C est activa-
un récepteur fonctionnel. Chez l’homme, ce teur (Fig. 2.58). NKG2D est aussi activateur, mais est distinct des autres membres de
complexe est situé sur le chromosome 12.
la famille NKG2 ; il sera décrit séparément dans la prochaine section. Chez la sou-
Certains gènes de récepteur NK se trouvent
en dehors de ces deux groupes géniques ; par ris, Ly49H, un membre de la famille des lectines de type C Ly49, paraît être distinct,
exemple, les gènes des récepteurs naturels puisque la liaison de cette molécule est un événement activateur qui déclenche une
de cytotoxicité NKp30 et NKp44 sont situés réponse cytotoxique, tandis que la liaison à d’autres membres Ly49 est inhibitrice.
dans le complexe majeur d’histocompatibilité
sur le chromosome 6. Figure basée sur des Dans la famille des récepteurs KIR, aussi, certains membres sont activateurs tan-
données fournies par J. Trowsdale, University dis que d’autres sont inhibiteurs. Les différents gènes des KIR codent des protéines
of Cambridge.
également avec des nombres différents de domaines d’immunoglobuline ; cer-
tains, appelés KIR-2D, ont deux domaines immunoglobuline tandis que d’autres,
appelé KIR-3D, en ont trois. La fonction activatrice ou inhibitrice d’une protéine KIR
dépend de la présence ou de l’absence de motifs spécifiques de signalisation dans
son domaine cytoplasmique. Des séquences formant des motifs reconnus par des
protéines adaptatrices inhibitrices intracellulaires sont présentes dans des protéines
KIR qui ont une longue queue cytoplasmique ; ces protéines sont appelées KIR-2DL
et KIR-3DL (L pour Longue queue). Les protéines KIR à courte queue cytoplasmi-
que sont dépourvues de ces motifs inhibiteurs, et s’associent à la protéine adapta-
trice activatrice DAP12 (également connue sous le nom de KARAP). Les récepteurs
activateurs KIR sont donc appelés KIR-2DS et KIR-3DS (S pour Small tail ou courte
queue) (voir Fig. 2.58). D’autres récepteurs NK inhibiteurs spécifiques pour les pro-
Des récepteurs activateurs et inhibiteurs des cellules duits des locus du CMH de classe I sont en voie d’identification rapide, tous étant
NK peuvent appartenir à la même famille structurale
membres soit de la famille KIR de type immunoglobuline, soit des lectines de type C
Ly49. Il est clair que la régulation de l’activité de la cellule NK est complexe, et l’acti-
Récepteurs activateurs
vation de toute cellule NK par une autre cellule dépendra de l’équilibre global entre
récepteurs activateurs inhibiteurs que la cellule NK exprime.
KLR
La sensibilité générale des cellules NK aux différences dans l’expression du CMH
se complique par le polymorphisme des gènes KIR. Par exemple, l’un des gènes

KIR-2DS KIR-3DS NKG2C CD94 Fig. 2.58 Les familles structurales des queue cytoplasmique et sont désignés par
récepteurs NK comprennent à la fois des « S » (Small). Ils s’associent à une protéine
récepteurs activateurs et inhibiteurs. Les adaptatrice, DAP12. Le récepteur activateur
récepteurs KIR (Killer Immunoglobulin-like KLR est un hétérodimère de NKG2C avec un
Récepteurs inhibiteurs Receptors) et les récepteurs KLR (Killer Lectin- membre de la famille des lectines de type C,
like Receptors) comprennent des membres CD94. Les récepteurs KIR inhibiteurs ont une
qui envoient des signaux activateurs à la longue queue cytoplasmique et sont désignés
cellule NK, comme le montre le panneau du par la lettre « L » ; ceux-ci ne s’associent
haut, et d’autres qui envoient des signaux pas de manière constitutive à des protéines
inhibiteurs, comme le montre le panneau adaptatrices, mais contiennent des motifs de
du bas. Les membres de la famille KIR sont signalisation qui, lorsqu’ils sont phosphorylés
désignés selon le nombre de domaines de sont reconnus par des phosphatases
type immunoglobuline qu’ils possèdent et par inhibitrices. Comme les KLR activateurs, les
KIR-2DL KIR-3DL NKG2A,B CD94 la longueur de leur queue cytoplasmique. Les KLR inhibiteurs (NKG2A et NKG2B) forment
récepteurs KIR activateurs ont une courte des hétérodimères avec CD94.
Les réponses innées induites contre une infection 99

KIR a deux allèles, dont l’un est activateur et l’autre inhibiteur. En outre, le groupe
des gènes KIR semble représenter une partie très dynamique du génome humain,
car on trouve des nombres différents de gènes KIR activateurs et inhibiteurs chez
différentes personnes. Quel avantage cette diversité peut-elle offrir ? On l’ignore.
Comme indiqué plus haut, le locus KIR n’existe pas chez la souris, qui utilise seu-
lement les molécules KLR pour réguler l’activité des cellules NK. Alors, quelle que
soit la force qui dirige l’évolution du locus KIR et sa diversité, il est probable que
son apparition est relativement récente en termes d’évolution.
La signalisation par les récepteurs NK inhibiteurs supprime l’activité lytique des
cellules NK. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas tuer les cellules saines, généti-
quement identiques, exprimant normalement les molécules du CMH de classe I,
comme les autres cellules du corps. Cependant, les cellules NK peuvent tuer des
cellules infectées par un virus en recourant à divers mécanismes. Tout d’abord, cer-
tains virus inhibent la synthèse de toutes les protéines des cellules qu’ils infectent,
de sorte que la synthèse des protéines du CMH de classe I est bloquée dans les cellu-
les infectées, alors que leur production dans des cellules non infectées est stimulée
par l’action de l’interféron. L’expression réduite du CMH de classe I par les cellules
infectées diminuerait leur capacité d’inhiber les cellules NK par l’intermédiaire des
récepteurs spécifiques du CMH ; les cellules infectées seraient donc plus suscepti-
bles d’être tuées. Deuxièmement, certains virus peuvent sélectivement empêcher le
transfert des molécules du CMH de classe I à la surface de la cellule. Cela permet-
trait à la cellule infectée de se soustraire à la reconnaissance par les cellules T cyto-
toxiques, mais les rendrait sensibles à l’activité lytique des cellules NK. L’infection
par le virus modifie également la glycosylation de protéines cellulaires. En consé-
quence, la reconnaissance par des récepteurs activateurs des cellules NK pourrait
alors dominer, à moins que ce ne soit la perte du ligand normal pour les récepteurs
inhibiteurs qui soit en cause. Cela permettrait à des cellules infectées d’être détec-
tées, même lorsque le niveau d’expression du CMH de classe I n’a pas changé.
C’est évident, il reste encore beaucoup à apprendre sur ce mécanisme inné d’atta-
que cytotoxique et sur sa pertinence physiologique. Le rôle des molécules du CMH
de classe I en permettant aux cellules NK de détecter les infections intracellulaires
est d’un intérêt particulier parce que ces mêmes protéines régissent la réponse des
cellules T à des agents pathogènes intracellulaires. Il est possible que les cellules
NK, qui utilisent une batterie de récepteurs différents non clonaux pour détecter un Les récepteurs activateurs principaux des cellules NK
CMH modifié, représentent les vestiges modernes de l’évolution des ancêtres des
cellules T. Ces ancêtres des cellules T ont évolué jusqu’à disposer du mécanisme
du réarrangement des gènes qui codent, dans les cellules T, un vaste répertoire de
récepteurs spécifiques d’antigène et adaptés à la reconnaissance des molécules du
CMH « altérées » par leur liaison aux antigènes peptidiques.
NKp30 NKp40 NKp46 NKG2D
2-32 Les cellules NK portent des récepteurs qui activent la fonction lytique
en réponse à des ligands exprimés sur des cellules infectées Fig. 2.59 Les récepteurs activateurs
ou des cellules tumorales. principaux des cellules NK sont les
récepteurs naturels de cytotoxicité
En plus des récepteurs KIR et KLR, dont le rôle est de détecter le niveau d’expression et NKG2D. Les récepteurs naturels de
cytotoxicité sont des protéines de type
du CMH de classe I sur d’autres cellules, les cellules NK expriment des récepteurs qui immunoglobuline. NKp30 et NKp40 ont
perçoivent plus directement la présence d’une infection ou d’autres perturbations un domaine extracellulaire qui ressemble
cellulaires. Les récepteurs activateurs les plus importants pour la reconnaissance des à un seul domaine variable de molécule
d’immunoglobuline. Ils activent la cellule NK
cellules infectées sont les NCR (Natural Cytotoxicity Receptors ou récepteurs naturels
par leur association aux homodimères de la
de cytotoxicité) NKp30, NKp44 et NKp46, qui sont des récepteurs de type immuno- chaîne CD3ζ ou de la chaîne γ du récepteur
globuline, et NKG2D, le membre de la famille des lectines de type C (Fig. 2.59). Les de Fc (ce sont des protéines de signalisation
ligands reconnus par les NCR ne sont pas bien définis, bien que l’on sache que NKp46 qui s’associent aussi à d’autres types de
récepteurs et qui seront décrites en plus de
reconnaît les protéoglycans héparan sulfate ainsi que certaines protéines virales. détails au Chapitre 6). NKp46 ressemble aux
molécules KIR-2D ; elle contient en effet deux
NKG2D semble jouer un rôle spécialisé dans l’activation des cellules NK. D’autres
domaines de molécule d’immunoglobuline.
membres de la famille NKG2 (NKG2A, C et E) forment des hétérodimères avec CD94 NKG2D est un membre de la famille des
et lient HLA-E, une molécule du CMH de classe I. L’activité de NKG2D est différente ; lectines de type C et forme un homodimère.
100 Chapitre 2 : L’immunité innée

Les ligands de NKG2D sont des molécules de type


les ligands de ce récepteur sont des familles de protéines apparentées de loin aux
CMH, MIC-A, MIC-B ou des membres de la famille RAET1, molécules du CMH de classe I, mais exerçant une tout autre fonction, étant produi-
dont l’expression est induite par un stress cellulaire tes en réponse au stress. Chez l’homme, les ligands de NKG2D, comme la Fig. 2.60
l’indique, sont les molécules MIC de type CMH de classe I, MIC-A et MIC-B, et la
famille des protéines RAET1, qui sont homologues des domaines α1 et α2 des molé-
cules du CMH de classe I, qui seront décrites lorsque nous présenterons la structure
des molécules du CMH au Chapitre 3. La famille RAET1 compte10 membres, dont 3
qui ont d’abord été caractérisés comme ligands pour la protéine UL16 du cytoméga-
MIC-A famille RAET1 lovirus, et sont donc appelés ULBP (UL16-Binding Proteins ou protéines liant UL16).
ou (comprend des ULBP) Les souris n’expriment pas l’équivalent des molécules MIC, et les ligands du NKG2D
MIC-B
murin ont une structure très semblable à celle des protéines RAET1, et en sont pro-
bablement des homologues. En fait, ces ligands ont d’abord été identifiés chez la
Fig. 2.60 Les ligands du récepteur
souris comme la famille des protéines Rae1 (Retinoic acid early inducible 1).
activateur des NK, NKG2D, sont des
Les ligands pour NKG2D sont exprimés en réponse au stress métabolique ou cel-
protéines qui sont exprimées par les
cellules soumises à un stress. Les protéines lulaire, et leur densité sur les cellules augmente lorsque celles-ci sont infectées par
MIC, MIC-A et MIC-B, sont des molécules de des bactéries ou certains virus, comme le cytomégalovirus, ainsi que sur des cel-
type CMH qui apparaissent à la surface des lules qui viennent d’acquérir un caractère tumoral. Ainsi, la reconnaissance par
cellules épithéliales, et d’autres, lorsqu’elles
sont soumises à un stress comme un choc
NKG2D avertit le système immunitaire de l’existence d’un « danger » quel qu’il soit.
thermique, des perturbations métaboliques NKG2D est également exprimé sur les macrophages activés et les cellules T CD8
ou une infection. Les membres de la famille cytotoxiques ; la reconnaissance des ligands de NKG2D par ces cellules envoie un
RAET1, comprenant le sous-groupe des signal de costimulation puissant qui amplifie leurs fonctions effectrices.
protéines liant UL16 (ULBP, UL16-Binding
Proteins), ressemblent aussi à une portion de
molécule du CMH de classe I, les domaines
α1 et α2, et sont attachées à la cellule par une 2-33 Le récepteur NKG2D active une voie de signalisation différente
ancre glycophosphatidylinositol. de celle des autres récepteurs activateurs NK.

NKG2D se distingue non seulement par ses ligands, mais également par la voie de
signalisation intracellulaire qu’il déclenche et qui diffère de celle qui est activée par
d’autres récepteurs des cellules NK. Les autres récepteurs activateurs, tant les récep-
teurs de cytotoxicité naturelle que les KIR activateurs, lient des molécules adaptatri-
ces comme la chaîne CD3ζ, la chaîne γ du récepteur de Fc et DAP12, qui contiennent
toutes des motifs de signalisation appelés ITAM (Immunoreceptor Tyrosine-based
Activation Motifs ou motifs d’activation basés sur les tyrosines des immunorécep-
teurs). Lorsque le récepteur NK interagit avec son ligand, les ITAM sont phospho-
rylés, ce qui conduit à la liaison et à l’activation de la tyrosine kinase intracellulaire Syk
ainsi qu’à d’autres événements de signalisation intracellulaire (voir la Section 6-17).
En revanche, NKG2D lie une autre protéine adaptatrice, DAP10, qui ne contient pas
de séquence ITAM, mais qui active une lipide kinase intracellulaire, la phosphati-
dylinositol-3-kinase (PI 3-kinase), déclenchant une série différente d’événements
de signalisation dans la cellule. Néanmoins, les deux voies de signalisation aboutis-
sent à l’activation des cellules NK. Chez la souris, le fonctionnement de NKG2D est
encore plus compliqué, parce que le NKG2D murin est produit sous deux formes par
épissage alternatif ; l’une se lie à DAP12 et l’autre à DAP10. Le NKG2D murin peut
donc activer les deux voies de signalisation, alors que le NKG2D humain transmet
ses signaux uniquement par DAP10 pour activer la voie de la PI 3-kinase.

2-34 Plusieurs sous-populations lymphocytaires se comportent


comme si elles appartenaient au système immunitaire inné.

Les réarrangements des gènes de récepteurs constituent une caractéristique des lym-
phocytes du système immunitaire adaptatif et permettent la synthèse d’une variété
infinie de récepteurs, chacun exprimé soit par une cellule T, soit par une cellule B (voir
la Section 1-11). Cependant, il existe plusieurs sous-groupes mineurs de lymphocytes
qui expriment une diversité très restreinte de récepteurs codés à partir de quelques
réarrangements communs. Puisque leurs récepteurs sont relativement invariants et
puisqu’ils ne sont présents que dans des sites particuliers de l’organisme, ces lympho-
cytes n’ont pas besoin de subir une expansion clonale pour répondre efficacement à
Les réponses innées induites contre une infection 101

Fig. 2.61 Les trois classes principales


Lymphocytes de type inné de lymphocytes de type inné et leurs
propriétés.
Cellules B-1 Cellules 𝛄:𝛅 épithéliales Cellules T NK

Produisent des anticorps


naturels, protègent contre
une infection par Produisent des cytokines Produisent des cytokines
Streptococcus pneumoniae rapidement rapidement

Ligands non associés au Les ligands sont associés au Les ligands sont des lipides
CMH CMH classe IB liés à CD1d

Ne peuvent être amplifiés Ne peuvent être amplifiés Ne peuvent être amplifiés

l’antigène qu’ils reconnaissent : on les appelle dès lors les lymphocytes de type inné
ou ILL (Innate-Like Lymphocytes) (Fig.  2.61). La production des récepteurs d’anti-
gène dans ces cellules requiert les recombinases RAG-1 et RAG-2 ; ces protéines et
leur rôle dans le réarrangement génique des lymphocytes sont décrits au Chapitre 4.
Puisqu’ils expriment RAG-1 et RAG-2 et passent par le réarrangement génique du
récepteur d’antigène, les ILL sont, par définition, des cellules du système immunitaire
adaptatif. Ils se comportent, cependant, davantage comme des membres du système
immunitaire inné ; c’est pourquoi nous les décrirons ici.
Un type d’ILL est la sous-population des cellules T γ:δ qui résident dans les épi-
théliums comme la peau. Les cellules T γ:δ sont elles-mêmes une sous-population
mineure des cellules T introduites au Chapitre 1. Leurs récepteurs d’antigène sont
composés d’une chaîne γ et d’une chaîne δ, au lieu des chaînes α et β qui consti-
tuent les récepteurs d’antigène de la sous-population majoritaire de cellules T de
l’immunité adaptative. Les cellules T γ:δ ont été découvertes simplement grâce au
fait qu’elles présentent des récepteurs de type immunoglobuline codés par des
gènes réarrangés, leur fonction devant encore être clarifiée.
Une caractéristique des cellules T γ:δ est leur répartition en deux sous-populations
très différentes. L’une est présente dans les tissus lymphoïdes de tous les vertébrés
et, comme les cellules B et les cellules T α:β, elle possède des récepteurs très diver-
sifiés. Au contraire, les cellules  T γ:δ intra-épithéliales, représentées de manière
variable chez différents vertébrés, ont généralement des récepteurs de diversité
très limitée, en particulier dans la peau et le tractus génital femelle des souris, où les
cellules T γ:δ ont, dans chacun de ces sites, un caractère très homogène. Sur la base
de cette diversité limitée de leurs récepteurs et de leur faible aptitude à circuler, il
a été proposé que les cellules T γ:δ intra-épithéliales reconnaîtraient des ligands
dérivés de l’épithélium au sein duquel elles résident mais qui ne seraient expri-
més que lorsqu’une cellule a été infectée. Les ligands candidats sont des protéines
de choc thermique, des molécules du CMH de classe Ib (décrit au Chapitre 5), des
nucléotides et des phospholipides peu courants. Pour tous ces ligands, on dispose
d’observations indiquant qu’ils sont reconnus par des cellules T γ:δ.
À la différence des cellules T α:β, les cellules T γ:δ ne reconnaissent généralement
pas les antigènes présentés sous la forme de peptides par les molécules du CMH.
Elles semblent capables de reconnaître directement leurs antigènes cibles et pour-
raient reconnaître et répondre rapidement aux molécules exprimées par de nom-
breux types cellulaires différents. La reconnaissance des molécules exprimées
suite à une infection, plutôt que des antigènes spécifiques du pathogène, distin-
gueraient les cellules T γ:δ intra-épithéliales des autres lymphocytes et les place-
raient dans la classe de type inné.
Une autre sous-population lymphocytaire avec une diversité restreinte de récep-
teurs d’antigène est la sous-population B-1. Les cellules  B de cette lignée se dis-
tinguent par la présence de la protéine CD5 à leur surface cellulaire et par des
propriétés très distinctes de celles des cellules B normales de l’immunité humorale
102 Chapitre 2 : L’immunité innée

La cellule B-1 se lie aux polysaccharides de la capsule


adaptative. Ces cellules  B-1 partagent plusieurs caractéristiques avec les cellu-
bactérienne ou aux composants de la paroi cellulaire les T γ:δ intra-épithéliales : elles apparaissent tôt au cours de l’embryogenèse, elles
et reçoit un signal (IL-5) à partir de cellules auxiliaires utilisent une série limitée et très particulière de réarrangements géniques pour
générer leurs récepteurs, elles se renouvellent elles-mêmes en périphérie et elles
IL-5 constituent la population lymphocytaire prédominante dans un environnement
particulier, la cavité péritonéale. Les cellules B-1 semblent produire des anticorps
principalement dirigés contre des antigènes polysaccharidiques. Ces anticorps de
classe IgM sont produits sans l’aide des cellules T (Fig. 2.62). Bien que ces répon-
cellule ses puissent être amplifiées par les cellules  T, elles apparaissent 48 heures après
B-1 l’exposition à un antigène ; les cellules T ne peuvent donc être impliquées. Ainsi,
les cellules B-1 n’interviennent pas dans le cadre d’une réponse immune adapta-
tive spécifique d’antigène. Ce manque d’interaction antigénique spécifique avec les
cellules T auxiliaires pourrait expliquer l’absence de mémoire immunologique : des
La cellule B-1 secrète des anticorps expositions répétées au même antigène activent des réponses similaires voire dimi-
IgM anti-polysaccharides nuées à chaque exposition. Donc, ces réponses, bien que générées par des lympho-
cytes suite à des réarrangements de leurs récepteurs, ressemblent à des réponses
immunitaires innées plutôt qu’à des réponses immunitaires adaptatives.
Comme pour les cellules T γ:δ, le rôle précis des cellules B-1 dans la défense immu-
lgM nitaire reste incertain. Des souris déficientes en cellules B-1 sont plus sensibles à
l’infection par Streptococcus pneumoniæ, car elles ne peuvent produire un anti-
corps anti-phosphorylcholine qui assure la protection contre cette bactérie. Une
fraction significative de cellules B-1 peut produire des anticorps de cette spécifi-
cité, et puisque aucune aide des cellules T spécifiques n’est requise, une réponse
importante peut être induite dès le début de l’infection. On ignore si les cellu-
les B-1 jouent le même rôle chez l’homme.
L’IgM se lie à la capsule polysaccharidique
Une troisième sous-population d’ILL, les cellules T NK, existe dans le thymus et dans
les organes lymphoïdes périphériques. Ces cellules expriment une chaîne α inva-
riante de récepteur de cellule T, appariée à l’une de trois chaînes β différentes, et sont
aptes à reconnaître des antigènes glycolipidiques. La réponse principale des cellu-
les T NK semble être la sécrétion rapide de cytokines, entre autres l’IL-4, l’IL-10 et
l’IFN-γ, et l’on pense que ces cellules pourraient exercer principalement une fonction
régulatrice. Nous rencontrerons à nouveau ces cellules inhabituelles au Chapitre 10.
En termes d’évolution, il faut remarquer que les cellules T γ:δ semblent protéger
les surfaces de l’organisme, tandis que les cellules B-1 défendent les cavités cor-
porelles. Ces types cellulaires sont à la fois relativement limités dans leur gamme
Activation du complément et de spécificités et dans leur efficacité de réponse. Il est possible qu’ils permettent
élimination de la bactérie une phase de transition dans le cours de la réponse immunitaire adaptative, en
surveillant les deux compartiments principaux des organismes primitifs, les surfa-
Fig. 2.62 Les cellules B-1 CD5 pourraient ces épithéliales et les cavités. Il reste à savoir s’ils jouent un rôle déterminant dans
jouer un rôle important dans la réponse la défense de l’hôte ou s’ils représentent un vestige de l’évolution. Néanmoins,
à des antigènes glucidiques comme
les polysaccharides bactériens. Ces comme chaque type cellulaire est prédominant dans certains sites et contribue
réponses surviennent rapidement, les aux réponses contre certains pathogènes, on doit les intégrer dans notre façon de
anticorps apparaissant dans les 48 heures de concevoir les mécanismes de défense de l’organisme.
l’infection. Il est probable que les précurseurs
lymphocytaires susceptibles de répondre Les anticorps IgM, dits anticorps naturels font également partie des défenses
sont nombreux et ne nécessitent qu’une immunitaires innées. Ils sont codés par des gènes réarrangés qui n’ont pas subi de
faible expansion clonale. Contrairement
aux réponses contre de nombreux autres diversification supplémentaire par le processus d’hypermutation somatique (décrit
antigènes, cette réponse n’a pas besoin de dans le Chapitre 4). Ils représentent, chez l’homme, une proportion considérable
l’aide des cellules T. En absence d’une telle de l’IgM circulante, ce qui ne semble pas être le résultat d’une réponse immunitaire
aide, seule l’IgM est produite (pour des raisons
adaptative spécifique d’un agent infectieux. Ils ont une affinité faible pour de nom-
qui seront expliquées au Chapitre 9). La
protection est assurée alors principalement, breux pathogènes microbiens et réagissent de manière croisée avec de nombreux
du moins chez la souris, par activation du antigènes, se liant même à certaines molécules du soi. De plus, on ne sait pas s’ils
complément, particulièrement efficace quand sont produits en réponse à la flore normale des surfaces épithéliales du corps ou en
les anticorps sont de classe IgM.
réponse au soi. Pourtant, ils pourraient jouer un rôle protecteur contre Streptococcus
pneumoniae en se liant à la phosphocholine de l’enveloppe bactérienne, entraînant
l’élimination des bactéries avant qu’elles ne deviennent dangereuses.
Résumé du Chapitre 2 103

Résumé.

L’immunité innée recourt à divers mécanismes effecteurs pour guérir une infection
ou au moins la tenir en échec jusqu’à ce que le pathogène puisse être reconnu par le
système immunitaire adaptatif. Ces mécanismes effecteurs sont tous régulés par des
systèmes de récepteurs codés par la lignée germinale et aptes à distinguer les molé-
cules normales du soi sur les cellules non infectées et les ligands infectieux. Ainsi,
la capacité de discrimination des phagocytes entre le soi et le pathogène contrôle la
libération de chimiokines et de cytokines pro-inflammatoires qui ensemble recrutent
davantage de cellules phagocytaires. Particulièrement prédominant est le recrute-
ment précoce des neutrophiles qui peuvent reconnaître les pathogènes directement.
De plus, les cytokines libérées par les cellules phagocytaires des tissus induisent la
fièvre, la production des protéines de phase aiguë, dont la lectine qui se lie au man-
nose des pathogènes et la protéines C réactive, ainsi que la mobilisation des cellu-
les présentatrices d’antigène qui induisent la réponse immunitaire adaptative. Les
pathogènes viraux sont reconnus par les cellules au sein desquelles ils se répliquent,
conduisant à la production d’interférons qui servent à inhiber la réplication virale et à
activer les cellules NK, qui en retour peuvent distinguer les cellules infectées des cel-
lules non infectées. Comme nous le verrons plus loin, les cytokines, les chimiokines,
les cellules phagocytaires et les cellules NK contribuent toutes aux mécanismes effec-
teurs utilisés dans les réponses immunitaires adaptatives, dont les récepteurs varia-
bles reconnaissent de manière spécifique les antigènes des pathogènes.

Résumé du Chapitre 2.

Le système inné de défense contre l’infection est constitué de plusieurs composants


distincts. Les premiers sont constitués par les épithéliums qui servent de barrières et
préviennent ainsi l’établissement d’une infection. Ensuite, des cellules et des molé-
cules peuvent contrôler ou détruire le pathogène une fois qu’il a franchi les défenses
épithéliales. Les plus importants de ces composants sont les macrophages tissulaires
qui contribuent à la défense cellulaire des surfaces épithéliales. La compréhension du
mode de reconnaissance des pathogènes par le système immunitaire inné progresse
rapidement, et les études structurales, comme celle de la lectine liant le mannose, ont
commencé à révéler en détail comment les récepteurs de l’immunité innée peuvent
distinguer les surfaces des pathogènes de celles des cellules. De plus, avec l’identifica-
tion du récepteur au LPS et son lien avec le récepteur humain TLR-4, on perçoit mieux
comment le système immunitaire inné reconnaît les motifs moléculaires associés aux
pathogènes. La reconnaissance par le système immunitaire inné conduit à l’élimination
des pathogènes envahisseurs par divers mécanismes effecteurs. La plupart d’entre eux
sont connus depuis fort longtemps. Le premier observé fut évidemment l’élimination
des micro-organismes par phagocytose. Cependant, les connaissances progressent en
permanence ; les chimiokines, par exemple, ne sont connues que depuis environ 15
ans, mais plus de 50 ont déjà été identifiées. Le système du complément contribue à
l’immunité innée humorale des espaces tissulaires et du sang. L’induction de méca-
nismes effecteurs puissants sur la base de la reconnaissance par des récepteurs codés
par la lignée germinale présente clairement certains risques. Par exemple, le TNF-α est
une lame à double tranchant ; ses effets sont bénéfiques quand il est libéré localement,
mais désastreux quand il est libéré de manière systémique. Ceci illustre bien combien
la voie que l’évolution des mécanismes innés de défense a dû emprunter est étroite.
L’immunité innée peut être considérée comme un système de défense qui empêche
avant tout l’établissement d’un foyer infectieux ; cependant, si cette mission échoue, ce
système prépare la scène pour la réponse immune adaptative, qui représente une par-
tie essentielle des défenses chez l’homme. Ainsi, après avoir introduit l’étude de l’im-
munologie par les réactions immunitaires innées, nous tournerons maintenant notre
attention sur la réponse immune adaptative. Elle est a été l’objet de presque toutes les
études immunologiques, parce qu’il est beaucoup plus facile d’effectuer des expérien-
ces qui suscitent des réponses spécifiques à des antigènes bien définis.
104 Chapitre 2 : L’immunité innée

Questions.

2.1 L’immunité innée fait appel à deux stratégies différentes pour identifier des agents
pathogènes : la reconnaissance du non soi et la reconnaissance de soi. (a) Donnez
des exemples pour chaque stratégie et expliquez comment, dans chaque exemple,
l’organisme se protège de l’infection. (b) Quels sont les inconvénients de ces
différentes stratégies ?

2.2 Le système du complément produit des signaux inflammatoires, des opsonines et


des molécules qui lysent des bactéries directement. (a) Décrivez les propriétés
générales de chaque processus et discutez de leur utilité dans la défense de l’hôte.
(b) Dites, selon vous, lequel est le plus important dans la défense de l’hôte et
pourquoi.

2.3 « Les récepteurs de type Toll représentent le plus ancien mode de défense de l’hôte. »
Cette affirmation est-elle fondée ? Justifiez votre réponse.

2.4 Elie Metchnikoff a découvert le rôle protecteur des macrophages en observant


ce qui s’est passé dans une étoile de mer blessée par une épine d’oursin. Décrivez
la séquence des événements qui surviendraient si vous étiez piqué par une épine
d’oursin.

2.5 Le système du complément fonctionne comme une cascade de réactions


enzymatiques capables de produire de puissants effets délétères. (a) Comment le
complément est-il maîtrisé afin qu’il protège sans nuire (b) Qu’est-ce qui se passe
quand les choses tournent mal ?

2.6 Au cours de leur développement et pour l’exercice efficace de leurs fonctions,


les cellules du système immunitaire doivent trouver le bon chemin vers les sites
corporels appropriés. Comment y parviennent-ils ?

2-2 Les agents infectieux doivent déborder les défenses


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2-11 Le complément est un système de protéines plasmatiques
2-7 Les récepteurs de type Toll sont des récepteurs
qui est activé par la présence de pathogènes.
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106 Chapitre 2 : L’immunité innée

2-13 La voie classique est déclenchée par l’activation 2-18 La C3 convertase liée à une surface de pathogène y dépose
du complexe C1. un grand nombre de fragments C3b et génère l’activité de la
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2-29 Les interférons induits par une infection virale apportent 2-32 Les cellules NK portent des récepteurs qui activent la fonction
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infectées ou des cellules tumorales.
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La reconnaissance
PARTIE II
des antigènes

Chapitre 3 La reconnaissance des antigènes


par les récepteurs des cellules B et des cellules T.

La structure moléculaire typique d’un anticorps.

L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène spécifique.

La reconnaissance de l’antigène par les cellules T.

Chapitre 4 La génération des récepteurs lymphocytaires


d’antigène.

Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines.

Réarrangement génique du récepteur de cellule T.

La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines.

Diversification secondaire du répertoire des anticorps.

Chapitre 5 La Présentation des antigènes


aux lymphocytes T.

La génération des ligands des récepteurs de cellule T.

Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions.


111

3
La reconnaissance des
antigènes par les récepteurs
des cellules B et des cellules T

Les réponses immunitaires innées défendent l’organisme au début de l’infection,


mais celles-ci ne sont efficaces que dans le contrôle de pathogènes porteurs de cer-
tains motifs structuraux ou qui induisent la production d’interféron et la sécrétion
d’autres substances non spécifiques, comme nous l’avons appris au Chapitre 2. Pour
combattre efficacement la large gamme de germes qu’un individu peut rencontrer,
les lymphocytes du système immunitaire adaptatif ont évolué pour reconnaître de
nombreux antigènes différents de bactéries, de virus et d’autres organismes patho-
gènes. Les molécules de reconnaissance de l’antigène des lymphocytes B sont les
immunoglobulines (Ig). Ces protéines produites par les cellules  B sont dotées
d’une vaste gamme de spécificités antigéniques, chaque cellule B produisant des
immunoglobulines d’une seule spécificité (voir les Sections 1-11 à 1-12). Les immu-
noglobulines fixées à la membrane des cellules  B servent de récepteurs cellulai-
res d’antigène, et sont donc les récepteurs des cellules B (BCR, B-Cell Receptor).
Les immunoglobulines de même spécificité antigénique sont sécrétées sous forme
d’anticorps par les cellules B arrivées au terme de leur différenciation, c’est-à-dire
les plasmocytes. La sécrétion des anticorps, qui lient les pathogènes ou leurs pro-
duits toxiques dans les espaces extracellulaires du corps, est la principale fonction
effectrice des cellules B dans l’immunité adaptative.
Les anticorps ont été les premières molécules impliquées dans la reconnaissance
spécifique de l’immunité à être caractérisées et sont encore les mieux connues. La
molécule d’anticorps a deux fonctions distinctes  : l’une est de se fixer spécifique-
ment aux molécules des pathogènes qui ont suscité la réponse immune, l’autre est
de recruter d’autres cellules et d’autres molécules pour détruire le pathogène une
fois l’anticorps fixé. Par exemple, la fixation des anticorps neutralise les virus et per-
met la destruction des pathogènes par les phagocytes et le complément, comme cela
est décrit dans la Section  1-18. Ces fonctions sont séparées structuralement dans
la molécule d’anticorps, une partie reconnaissant et se fixant aux pathogènes ou à
l’antigène tandis que l’autre engage différents mécanismes effecteurs. La région se
fixant à l’antigène varie beaucoup entre les molécules d’anticorps et se dénomme
région variable ou région V. La variabilité des molécules d’anticorps permet à cha-
que anticorps de se fixer à un antigène spécifique différent, et le répertoire entier des
anticorps au sein d’un individu est assez vaste pour assurer virtuellement la recon-
naissance de n’importe quelle structure. La région de la molécule d’anticorps qui
engage les fonctions effectrices du système immunitaire ne varie pas de la même
façon et se dénomme région constante ou région C. Elle existe sous cinq formes
principales, chacune étant spécialisée pour activer différents mécanismes effec-
teurs. Le récepteur fixé à la membrane de la cellule B n’a pas ces fonctions effectrices
puisque la région C reste insérée dans la membrane de la cellule B. Sa fonction de
récepteur est de reconnaître et de fixer l’antigène par ses régions V exposées à la sur-
face de la cellule, transmettant ainsi un signal d’activation des cellules B conduisant
à leur expansion clonale et à la production d’anticorps spécifiques.
Les molécules de reconnaissance de l’antigène des cellules  T consistent seule-
ment en protéines membranaires, et ne fonctionnent que pour la signalisation
des cellules T et leur activation. Ces récepteurs des cellules T (TCR) ressemblent
112 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

aux immunoglobulines à la fois par leur structure protéique — ils possèdent des
régions C et V — et par le mécanisme génétique qui produit leur grande variabi-
lité, ce qui sera décrit au Chapitre 4. Cependant, le récepteur de la cellule T diffère
de manière importante du récepteur de la cellule B : il ne reconnaît pas et ne fixe
pas l’antigène directement, mais reconnaît à la place de courts fragments peptidi-
ques des antigènes protéiques des pathogènes, qui sont liés à des protéines appe-
lées molécules du CMH à la surface cellulaire.
Les molécules du CMH sont des glycoprotéines codées par un large groupe géni-
a que appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Leur caractéristique
structurale la plus surprenante est un sillon formé à leur surface externe et dans
sites de liaison lequel divers peptides peuvent être liés. Les molécules du CMH sont hautement
à l’antigène VL polymorphes, c’est-à-dire que chaque molécule du CMH existe dans de nombreu-
ses versions différentes. La plupart des gens sont dès lors hétérozygotes pour les
CL
molécules du CMH : ils expriment deux formes différentes de chaque type de molé-
VH cule du CMH, ce qui élargit la gamme de peptides dérivés des pathogènes qui peu-
vent être liés. Les récepteurs des cellules T reconnaissent des caractéristiques à la
CH1 charnière fois de l’antigène peptidique et de la molécule du CMH à laquelle le peptide est fixé.
ponts
Cela introduit une autre dimension à la reconnaissance des antigènes par les cel-
disulfure CH2 lules T, appelée restriction par le CMH, parce qu’aucun récepteur donné des cel-
glucides
lules T n’est spécifique pour un antigène peptidique étranger, mais bien pour une
CH3 combinaison d’un peptide et d’une molécule particulière du CMH. Nous décrirons
b le polymorphisme du CMH et ses conséquences pour la reconnaissance de l’anti-
gène par les cellules T et leur développement respectivement aux Chapitres 5 et 7.
N-terminal Région Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur la structure et les propriétés de liaison
variable antigénique des immunoglobulines et des récepteurs des cellules T. Les deux types
de récepteurs sont aussi associés à des complexes de signalisation, qui transmettent
le signal de liaison de l’antigène à l’intérieur de la cellule ; ces derniers sont décrits au
Chapitre 6. Bien que les cellules T et les cellules B reconnaissent les molécules étran-
ponts gères de façon différente, les molécules réceptrices qu’elles utilisent pour cette tâche
disulfure
ont des structures très similaires. Nous verrons comment cette structure de base peut
Région s’accommoder de la grande variabilité de spécificité antigénique, et comment cela
constante
permet aux immunoglobulines et aux récepteurs T d’exercer leurs fonctions de molé-
C-terminal cules de reconnaissance antigénique lors d’une réponse immunitaire adaptative.
c

Fig. 3.1 Structure d’une molécule


d’anticorps. Le panneau montre l’ossature de La structure moléculaire typique d’un anticorps.
base formée par les chaînes polypeptidiques
d’une molécule d’anticorps. Il s’agit d’un
diagramme en ruban basé sur la structure Un anticorps est la forme sécrétée du récepteur de la cellule  B. Puisqu’ils sont
cristallographique obtenue aux rayons X. Les solubles et sécrétés en grandes quantités, les anticorps sont faciles à obtenir et à
trois régions globulaires sont disposées en Y.
étudier. Pour cette raison, la plus grande partie de ce que nous connaissons sur le
Les deux sites de liaison à l’antigène se situent
au sommet des bras, qui sont rattachés au récepteur de la cellule B vient de l’étude des anticorps.
pied de l’Y par une région charnière flexible. La
structure montrée en a est schématisée dans Les anticorps ont grossièrement une forme de Y constituée de trois parties égales,
le panneau b. On y retrouve les quatre chaînes reliées par un segment flexible. Trois représentations schématiques de la struc-
et les domaines séparés composant chaque ture d’un anticorps, déterminées par cristallographie aux rayons X, sont montrées
chaîne. Le panneau c montre le schéma dans la Figure 3.1. L’objectif de cette partie du chapitre est d’expliquer comment
qui sera utilisé tout au long de ce livre pour
représenter une molécule d’anticorps. Cliché cette structure se forme et comment elle permet à l’anticorps d’assumer sa dualité
de A. McPherson et L. Harris. fonctionnelle : se lier d’un côté à une grande variété d’antigène et de l’autre côté à
un nombre limité de molécules et de cellules effectrices. Comme nous le verrons,
chacune de ces tâches dépend de parties distinctes de la molécule. Les deux bras
de l’Y se terminent par des régions qui varient entre les différentes molécules d’an-
ticorps ; ce sont les régions V. Elles sont impliquées dans la liaison à l’antigène tan-
dis que la tige de l’Y, ou région C, est beaucoup moins variable ; elle constitue la
partie qui interagit avec les cellules et les molécules effectrices.
Tous les anticorps sont construits de la même façon, à partir de paires de chaî-
nes polypeptidiques lourdes et légères, et le terme générique d’immunoglobuline
La structure moléculaire typique d’un anticorps 113

est utilisé pour toutes ces protéines. Dans cet ensemble, on distingue cependant,
cinq classes différentes d’immunoglobulines  — IgM, IgD, IgG, IgA et IgE — qui
se distinguent par leur région C. Des différences plus subtiles s’observent dans les
régions V en relation avec la spécificité de liaison antigénique. Nous utiliserons la chaîne
molécule d’anticorps IgG comme exemple pour décrire les caractéristiques struc- légère
turales générales des immunoglobulines.
ponts
disulfure
3-1 Les anticorps IgG sont constitués de quatre chaînes polypeptidiques. chaîne
lourde

Les anticorps IgG sont de grandes molécules dont le poids moléculaire est d’envi-
ron 150 kDa. Ils sont composés de deux sortes de chaînes polypeptidiques. Une,
d’approximativement 50 kDa, est appelée chaîne lourde ou H ; l’autre de 25 kDa,
est appelée chaîne légère ou L (Fig. 3.2). Chaque molécule d’IgG est constituée Fig. 3.2 Les molécules d’immunoglobulines
de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères. Les deux chaînes lourdes sont sont composées de deux types de
chaînes protéiques : les chaînes lourdes
reliées par des ponts disulfure et chaque chaîne lourde est liée à une chaîne légère et les chaînes légères. Chaque molécule
par un pont disulfure. Pour une molécule d’anticorps donné, les deux chaînes lour- d’immunoglobuline est faite de deux chaînes
des et les deux chaînes légères sont identiques, donnant à la molécule d’anticorps lourdes (vert) et de deux chaînes légères
(jaune) jointes par des ponts disulfure de telle
deux sites de liaison à l’antigène (voir Fig. 3.1), et donc la capacité de fixer simulta-
manière que chaque chaîne légère soit liée
nément deux structures identiques. à une chaîne lourde et que les deux chaînes
lourdes soient reliées entre elles.
Deux types de chaînes légères, lambda (λ) et kappa (κ), sont trouvés dans les anticorps.
Une immunoglobuline donnée possède soit des chaînes κ, soit des chaînes λ, jamais les
deux. Aucune différence fonctionnelle n’a été trouvée entre les anticorps contenant des
chaînes λ ou κ, chacune de ces chaînes pouvant entrer dans la composition des anti-
corps de chacune des cinq classes majeures. Le rapport des deux types de chaînes légè-
res varie d’une espèce à l’autre. Chez la souris, le rapport κ / λ est de 20:1, chez l’homme
de 2:1 et chez le bétail de 1:20. La raison de cette variation est inconnue. Des distorsions
dans ce rapport peuvent quelquefois servir à la détection de la prolifération anormale
d’un clone de cellules B. Celles-ci expriment alors un seul type de chaîne légère. De
cette façon, un excès, par exemple, de chaînes légères λ chez un patient pourrait prove-
nir d’une tumeur de cellules B productrices de ce type de chaîne.
À l’inverse, la classe et donc la fonction effectrice d’un anticorps sont définies par
la structure de sa chaîne lourde. On distingue cinq classes principales de chaînes
lourdes, certaines se répartissant en plusieurs sous-classes. Les différences entre
ces classes ou isotypes déterminent les différences fonctionnelles des anticorps.
Les cinq classes principales sont les immunoglobulines M (IgM), immunoglobu-
lines D (IgD), immunoglobulines G (IgG), immunoglobulines A (IgA), et immu-
noglobulines E (IgE). Leurs chaînes lourdes sont désignées par la lettre grecque
correspondante (µ, γ, δ, α et ε). Les IgG sont de loin les immunoglobulines les plus
abondantes. Chez l’homme, on distingue quatre sous-classes, les IgG1, 2, 3 et 4.
Les propriétés fonctionnelles distinctives sont liées à la partie carboxyterminale
de la chaîne lourde, qui n’est pas associée à la chaîne légère. Nous décrirons la
structure et la fonction des différents isotypes de chaînes lourdes au Chapitre 4. La
structure générale de tous les isotypes est similaire. Nous prendrons ici l’IgG, l’iso-
type le plus abondant dans le plasma, comme modèle typique d’anticorps.
La structure du récepteur de cellule B est identique à celle de son anticorps corres-
pondant sauf pour un court segment carboxyterminal de la région C de la chaîne
lourde. Dans le cas du récepteur de la cellule B, la partie carboxyterminale est une
séquence hydrophobe d’ancrage à la membrane, et dans le cas de l’anticorps, c’est
une séquence hydrophile qui permet la sécrétion.

3-2 Les chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines sont composées


de régions variables et constantes.

Les séquences peptidiques de nombreuses chaînes lourdes et légères ont été déter-
minées, ce qui a révélé deux caractéristiques essentielles des molécules d’anticorps.
114 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Tout d’abord, chaque chaîne est constituée de séries de séquences similaires mais
pas tout à fait identiques d’une longueur d’environ 110  acides aminés. Chacune
de ces séquences répétées correspond à une région peptidique repliée de manière
compacte appelée domaine de la protéine. La chaîne légère est faite de deux domai-
nes d’immunoglobulines, tandis que la chaîne lourde de l’anticorps IgG en contient
quatre (voir Fig. 3.1a). Ce qui suggère que les chaînes d’immunoglobulines ont évo-
lué par duplication répétée d’un gène ancestral correspondant à un seul domaine.
Une deuxième caractéristique importante révélée par la comparaison des séquen-
ces peptidiques concerne les séquences aminoterminales des chaînes lourdes
et légères qui varient fortement entre les différents anticorps. La variabilité de la
séquence est limitée aux 110 premiers résidus, correspondant au premier domaine,
tandis que les domaines suivants sont constants entre les chaînes d’immunoglo-
bulines de même isotype. L’association des domaines aminoterminaux variables
ou domaines V des chaînes lourdes et légères (respectivement VH et VL,) consti-
tue la région V de l’anticorps et lui confère la capacité de se lier à son antigène spé-
cifique, tandis que les domaines constants (domaines C) des chaînes lourdes et
légères (respectivement CH et CL,) constituent la région C (voir Fig. 3.1b et c). Les
différents domaines C des chaînes lourdes sont numérotés de l’extrémité aminée à
l’extrémité carboxylée, par exemple CH1, CH2, etc.

3-3 La molécule d’anticorps peut être facilement clivée en fragments


fonctionnels distincts.

Les domaines protéiques décrits ci-dessus s’associent pour former de larges domai-
nes globulaires. Ainsi, quand ils sont complètement repliés et assemblés, les anti-
corps comprennent trois portions globulaires de taille égale jointes par un segment
flexible d’une chaîne polypeptidique, nommée région charnière (voir Fig. 3.1b).
Chaque bras de cette structure en forme d’Y est formé par l’association d’une
chaîne légère à la moitié de la partie aminoterminale de la chaîne lourde, tandis
que la queue de l’Y est formée par l’appariement des moitiés carboxyterminales
des deux chaînes lourdes. L’association des chaînes lourdes et légères varie selon les
domaines : VH et VL sont juxtaposés comme le sont les domaines CH1 et CL ainsi que
les deux CH3 voisins, alors que les domaines CH2 s’écartent l’un de l’autre par l’inter-
position d’oligosaccharides. Les deux sites de liaison à l’antigène sont formés par la
paire de domaines VH et VL à l’extrémité des deux bras de l’Y (voir Fig. 3.1b).
Les enzymes protéolytiques (protéases), qui clivent les séquences polypeptidi-
ques, ont été utilisées pour la dissection de la structure des molécules d’anticorps
et pour l’identification des parties responsables des diverses fonctions. Une diges-
tion partielle par la papaïne clive les anticorps en trois fragments (Fig. 3.3). Deux
fragments identiques gardent l’activité de liaison à l’antigène. On les appelle frag-
ments Fab (Fragment antigen binding) puisque capables de lier l’antigène. Les frag-
ments Fab correspondent aux deux bras identiques de la molécule, qui contient les
chaînes légères complètes associées aux domaines VH et CH1 des chaînes lourdes.
L’autre fragment incapable de lier l’antigène a été facilement cristallisé, d’où son
nom de fragment Fc, pour Fragment cristallisable. Ce fragment, correspondant à
l’assemblage des domaines CH2 et CH3, est la partie de la molécule d’anticorps qui
interagit avec les molécules et les cellules effectrices. Les différences fonctionnel-
les entre les différents isotypes de chaînes lourdes reposent principalement sur le
fragment Fc.
Les fragments obtenus après protéolyse sont déterminés par les sites de clivage de
la molécule d’anticorps et en rapport avec les ponts disulfure qui unissent les deux
chaînes lourdes. Ils se situent dans la région charnière qui unit les domaines CH1 et
CH2. Comme le montre la Fig. 3.3, la papaïne clive la molécule d’anticorps du côté
aminoterminal des ponts disulfure. Cela libère les deux bras de la molécule d’an-
ticorps en fragments Fab distincts, tandis que dans le fragment Fc les moitiés car-
boxyterminales des chaînes lourdes restent liées.
La structure moléculaire typique d’un anticorps 115

Fig. 3.3 Les molécules d’immunoglobulines


Clivage protéolytique par la papaïne en forme de Y peuvent être clivées par
digestion partielle à l’aide de protéases. La
papaïne clive la molécule d’immunoglobuline
Fab Fab en trois parties, deux fragments Fab et un
fragment Fc (panneaux du haut). Le fragment
Fab contient les régions V et se lie à l’antigène.
Le fragment Fc est cristallisable et contient les
régions C. La pepsine clive l’immunoglobuline
pour donner un fragment F(ab´)2 et beaucoup
de petits morceaux du fragment Fc, le plus
grand d’entre eux étant appelé le fragment
pFc´ (panneaux du bas). F(ab´)2 s’écrit avec
une apostrophe car il contient quelques
Fc acides aminés de plus que le Fab, incluant les
cystéines qui forment les ponts disulfure.

Clivage protéolytique par la pepsine

F(ab´) 2

pFc´

Une autre protéase, la pepsine, coupe à peu près dans la même région de la molé-
cule d’anticorps que la papaïne, mais du côté carboxyterminal des ponts disul-
fure (voir Fig. 3.3). Le fragment principal qui en résulte, appelé fragment F(ab´)2,
contient les deux bras liant l’antigène, alors que la partie restante de la chaîne
lourde est clivée en plusieurs petits peptides. Le fragment F(ab´)2 possède les
mêmes propriétés de fixation à l’antigène que l’anticorps d’origine, mais est inca-
pable d’interagir avec les molécules effectrices. Il offre donc des possibilités inté-
ressantes tant en vue d’applications thérapeutiques des anticorps que dans l’étude
du rôle fonctionnel de la portion Fc.
Les techniques de génie génétique permettent maintenant la construction de diver-
ses molécules semblables aux anticorps. Un exemple important est un Fab tronqué,
ne comprenant que le domaine V de la chaîne lourde relié par un segment de pep-
tide synthétique au domaine V d’une chaîne légère. Ces molécules sont donc faites
d’une seule chaîne dite Fv (Fragment variable) peuvent devenir des agents théra-
peutiques efficaces du fait de leur petite taille, qui leur permet de diffuser facilement
dans les tissus. En les couplant à des toxines protéiques, on obtient des immuno-
toxines, qui peuvent, par exemple, être utilisées en thérapeutique anticancéreuse
en recourant à un Fv spécifique d’un antigène tumoral (voir Chapitre 15).

3-4 La molécule d’immunoglobuline est flexible, spécialement


dans sa région charnière.

La région charnière, qui unit les fragments Fc et Fab de la molécule d’anticorps,


n’est pas rigide. Segment flexible, elle permet au contraire un mouvement indépen-
dant des deux bras Fab. Ce qu’a démontré la microscopie électronique appliquée
à des anticorps liés à de petits antigènes appelés haptènes. Le terme d’haptène
116 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Fig. 3.4 Les bras de l’anticorps sont joints


par une charnière flexible. Un antigène
constitué de deux molécules d’haptène
(cercles rouges dans les schémas) peut réunir
deux sites de liaison à l’antigène. Il est utilisé
pour créer des complexes antigène:anticorps L’angle entre les bras est de 0°
qui peuvent être visualisés en microscopie
électronique. Des formes linéaires,
triangulaires, et carrées sont observées, avec
de petites projections. Une digestion limitée par
la pepsine enlève ces pointes (non montré sur
la figure), qui correspondent donc à la partie
Fc de l’anticorps, les fragments F(ab´)2 restant
liés à l’antigène. L’interprétation des complexes
est montrée dans les diagrammes. Les angles
entre les bras des molécules d’anticorps
varient de 0° dans les dimères d’anticorps,
à 60° dans les formes triangulaires, jusqu’à
90° dans les formes carrées, montrant que L’angle entre les bras est de 60° L’angle entre les bras est de 90°
les connexions entre les bras sont flexibles.
Photographie (× 300.000) de N.M. Green.

désigne diverses molécules dont la taille est généralement celle d’une chaîne laté-
rale de tyrosine. Les haptènes peuvent être reconnus par un anticorps, mais ils
ne peuvent induire la production d’anticorps, qui nécessite que l’immunisation
se fasse au moyen d’haptènes couplés à une protéine porteuse (voir Appendice I,
section A-1). Un antigène fait de deux molécules identiques d’haptène jointes par
un segment court et flexible peut fixer un ou plusieurs anticorps spécifiques de
l’haptène. Il se forme ainsi des polymères de taille croissante, des dimères, des
trimères, des tétramères, etc., visibles en microscopie électronique (Fig. 3.4). Les
formes prises par ces complexes démontrent la flexibilité de la région charnière.
La jonction entre les domaines V et C est également assez souple, ce qui autorise
l’inclinaison et la rotation du domaine V par rapport au domaine C. Par exemple,
dans la molécule d’anticorps de la Fig. 3.1a, non seulement les deux régions char-
nières sont inclinées différemment, mais les angles entre les domaines V et C dans
chacun des deux bras Fab sont différents. Vu l’amplitude du mouvement entre les
domaines V et C, on dit de cette jonction qu’elle est une « rotule moléculaire ». La
flexibilité de la région charnière et de la jonction V–C permet la liaison des bras
d’un anticorps à des sites antigéniques dont la distribution est irrégulière comme
ceux des polysaccharides de la paroi bactérienne. La flexibilité de la charnière per-
met aussi aux anticorps d’interagir avec les protéines qui, en se liant aux anticorps,
déclenchent divers mécanismes effecteurs.

3-5 Les domaines d’une molécule d’immunoglobuline ont des structures


similaires.

Comme nous avons vu dans la Section  3-2, les chaînes lourdes et légères des
immunoglobulines sont composées d’une série de domaines protéiques dis-
tincts, qui tous montrent un même type de repliement. Cependant, cette struc-
ture tridimensionnelle de base diffère quelque peu dans les domaines  V et C,
La structure moléculaire typique d’un anticorps 117

Fig. 3.5 La structure des domaines


d’immunoglobulines constants et
Domaine C d’une chaîne légère Domaine V d’une chaîne légère variables. Les panneaux du haut montrent
schématiquement le mode de repliement
des domaines constants (C) et variables
(V) d’une chaîne légère d’immunoglobuline.
N-terminal Chaque domaine est une structure en forme
de tonneau dans lequel les brins d’une chaîne
polypeptidique (brins β) courent en direction
opposée (antiparallèle), compactés pour
former deux feuillets β (en jaune et vert dans
C-terminal le diagramme du domaine C) unis par un pont
disulfure. Le mode de repliement de la chaîne
polypeptidique pour donner la structure finale
se voit mieux quand les feuillets sont ouverts
comme dans les panneaux du bas. Les brins
β sont désignés par les lettres de l’alphabet
selon leur ordre d’apparition dans la séquence
brins β brins β peptidique des différents domaines. L’ordre
de chaque feuillet β est caractéristique des
pont disulfure domaines d’immunoglobuline. Les brins β, C´
et C˝, qui sont trouvés dans les domaines V
mais non dans les domaines C apparaissent
sur un fond bleu ombré. L’arrangement
Arrangement des brins 𝛃 caractéristique en 4 chaînes plus 3 chaînes
(domaine type de la région C) ou 4 chaînes
plus 5 chaînes (domaine type de la région V),
avec des domaines assemblés comme des
blocs de construction, est typique de la
superfamille des immunoglobulines et se
retrouve dans toute une gamme d’autres
protéines que les anticorps et les récepteurs
des cellules T.

pont disulfure pont disulfure


D E B A G F C D E B A G F C C´ C´´

comme le montre la Fig. 3.5, qui représente la conformation d’une chaîne légère.


Chaque domaine est constitué de deux feuillets  β, éléments de structure pro-
téique formés d’un groupement serré des brins polypeptidiques (brins β). Les
feuillets unis par un pont disulfure prennent grossièrement la forme d’un ton-
neau, dit tonneau β. Cette conformation caractéristique des domaines d’immu-
noglobulines est aussi appelée repli des immunoglobulines (immunoglobulin
fold).
Les schémas du bas de la Fig. 3.5 illustrent les similitudes et différences entre
domaines C et V. Les domaines cylindriques sont ouverts pour révéler com-
ment la chaîne polypeptidique se replie pour créer chacun des feuillets  β et
comment se forment les boucles lors des changements de direction du fila-
ment. La différence principale entre les domaines V et C est la plus grande lar-
geur du domaine  V, qui comporte une boucle supplémentaire. Nous verrons
dans la Section 3-6 que les boucles des domaines V forment le site de liaison à
l’antigène.
Beaucoup d’acides aminés communs aux domaines C et V des immunoglobu-
lines se retrouvent dans la partie centrale de ces domaines, dont ils assurent la
stabilité. Pour cette raison, on pense que d’autres protéines ayant des séquen-
ces similaires à celles des immunoglobulines forment des domaines de même
conformation. Dans beaucoup de cas, la démonstration en a été faite par cris-
tallographie. Ces domaines de type immunoglobuline sont retrouvés dans
de nombreuses autres protéines du système immunitaire et dans les protéines
118 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

impliquées dans la reconnaissance intercellulaire et l’adhérence dans le sys-


tème nerveux et d’autres tissus. L’ensemble de ces protéines forment, avec les
immunoglobulines et les récepteurs des cellules  T, la vaste superfamille des
immunoglobulines.

Résumé.

La molécule d’anticorps IgG est constituée de quatre chaînes polypeptidiques,


comprenant deux chaînes légères identiques et deux chaînes lourdes identi-
ques. On peut la représenter comme une structure flexible ayant la forme d’un Y.
Chacune de ces quatre chaînes a une région variable (V) dans sa partie aminoter-
minale qui contribue au site de liaison à l’antigène, et une région constante (C) qui
détermine l’isotype de la chaîne lourde, sur lequel reposent les propriétés fonc-
tionnelles de l’anticorps. Les chaînes légères sont fixées aux chaînes lourdes par de
nombreuses interactions non covalentes et par des ponts disulfure. Les régions V
des paires de chaînes lourdes et légères sur chaque bras de l’Y génèrent deux sites
identiques de liaison à l’antigène, qui se situent au sommet des deux bras de l’Y. La
possession de deux sites de liaison à l’antigène permet aux molécules d’anticorps
de complexer les antigènes et de les fixer de manière plus stable. Le pied de l’Y, ou
fragment Fc, est composé des domaines carboxyterminaux des chaînes lourdes.
À la jonction des bras de l’Y se trouve la région charnière flexible. Le fragment Fc
et la région charnière diffèrent dans les anticorps des différents isotypes, détermi-
nant ainsi leurs propriétés fonctionnelles. Cependant, l’organisation générale de
ces domaines est similaire pour tous les isotypes.

L’interaction de la molécule d’anticorps


avec son antigène spécifique.
Nous avons décrit la structure de la molécule d’anticorps et comment les régions V
des chaînes lourdes et légères se replient et s’apparient pour former le site de
liaison à l’antigène. Dans cette partie du chapitre, nous décrirons ce site plus en
détail. Nous discuterons des différents modes d’interactions des antigènes avec
leurs anticorps, et nous montrerons comment la variation des séquences des
domaines V de l’anticorps détermine la spécificité pour l’antigène.

3-6 Des séquences hypervariables forment le site de liaison à l’antigène.

Les régions V d’un anticorps donné diffèrent de celles d’une autre. La variabilité
des séquences n’est cependant pas distribuée de la même façon tout au long des
régions V. Elle se concentre dans certains segments. La distribution variable des
acides aminés est facilement visible sur un graphique de variabilité (Fig.  3.6),
dans lequel les séquences peptidiques de plusieurs anticorps différents sont
comparées. Trois segments qui se caractérisent par leur grande variabilité tant
dans les domaines VH que VL sont appelés régions hypervariables, désignées par
HV1, HV2 et HV3. Dans les chaînes légères, ces segments se situent dans les seg-
ments 30 à 36, 49 à 59 et 92 à 103. La partie la plus variable du domaine est dans la
région HV3. Les segments situés entre les régions hypervariables, qui compren-
nent le reste du domaine V, montrent moins de variabilité. Ils forment un cadre
dans lequel sont enchâssées les parties hypervariables. Chaque domaine V com-
porte quatre régions de ce type, désignées FR1, FR2, FR3 et FR4 (FR, Framework
Regions).
Les régions correspondant au cadre forment les feuillets β qui assurent la confor-
mation du domaine, tandis que les séquences hypervariables sont situées dans les
trois boucles, là où elles sont juxtaposées et là où le domaine se replie pour former
L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène spécifique 119

Fig. 3.6 Les domaines V contiennent


des régions qui se distinguent par leur
hypervariabilité. La comparaison des
séquences d’acides aminés de plusieurs
douzaines de domaines V de chaînes lourdes
et légères permet d’établir un graphique
exprimant la variabilité. À chaque position, le
degré de variabilité est le rapport du nombre
des différents acides aminés trouvés dans
Région V des chaînes lourdes l’ensemble des séquences analysées sur la
Région V des chaînes légères
fréquence de l’acide aminé le plus souvent
50
rencontré. Les trois régions hypervariables

Variabilité
Variabilité

100
40 (HV1, HV2, et HV3), indiquées en rouge,
80 sont aussi appelées CDR1, CDR2 et CDR3
30 (Complementarity-Determining Region). Elles
60
sont flanquées par des régions moins variables
40 20 dites FR1, FR2, FR3 et FR4 (Framework
Region) indiquées en bleu ou jaune.
20 10

0 0
0 20 40 60 80 100 120 0 20 40 60 80 100 120
Résidu Résidu

FR1 FR2 FR3 FR4 FR1 FR2 FR3 FR4


HV1 HV2 HV3 HV1 HV2 HV3

le bord externe du tonneau  β (Fig.  3.7). Ainsi, non seulement la diversité des
séquences se concentre dans des segments particuliers des domaines  V, mais elle
se localise aussi dans une région particulière à la surface de la molécule. Quand
les domaines VH et VL s’apparient dans la molécule d’anticorps, les boucles hyper-
variables de chaque domaine forment un site hypervariable unique au sommet de
chaque bras de la molécule. C’est le site de liaison à l’antigène ou le site de com-
binaison de l’anticorps. Les six boucles hypervariables déterminent la spécificité
antigénique en formant une structure complémentaire de celle de l’antigène, d’où
leur dénomination habituelle de régions déterminant la complémentarité ou
CDR (Complementary-Determining Regions) au nombre de trois : CDR1, CDR2, et
CDR3. Les CDR des domaines VH et VL contribuant au site de liaison antigénique,
c’est l’association de la chaîne légère et de la chaîne lourde, et non une seule des
deux, qui détermine la spécificité antigénique. Ainsi, un des moyens par lesquels
le système immunitaire génère des anticorps de différentes spécificités consiste en
la combinaison aléatoire de chaînes lourdes et légères. C’est ce que l’on appelle la
diversité combinatoire. Nous rencontrerons une seconde modalité de diversité
combinatoire quand nous verrons au Chapitre  4 comment les gènes codant les
régions V des chaînes lourdes et légères sont formés à partir de courts segments
d’ADN.

3-7 Les anticorps lient les antigènes par les acides aminés des CDR,
mais les détails du mode de liaison dépendent de la taille
et de la forme de l’antigène.

Lors des premières investigations sur la liaison de l’antigène aux anticorps, on


ne disposait que d’une seule source d’anticorps homogènes. C’était le produit
de cellules tumorales sécrétrices d’anticorps. Les spécificités antigéniques de
ces anticorps étaient inconnues. On devait donc en tester un grand nombre afin
d’identifier leur antigène spécifique. En général, il s’agissait d’haptènes (voir
la Section  3-4), par exemple la phosphorylcholine ou la vitamine K1. L’analyse
structurale des complexes formés par les anticorps avec ces haptènes ont fourni
la première démonstration que les régions hypervariables formaient le site de
liaison à l’antigène, et assuraient la base structurale de la spécificité pour l’hap-
tène. Plus tard, grâce aux techniques de production d’anticorps monoclo-
naux (voir Appendice I, Section A-12), on a obtenu des anticorps spécifiques de
divers antigènes en grandes quantités. Ce qui a permis d’obtenir une image plus
120 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T
Région V d’une chaîne légère
Fig. 3.7 Les régions hypervariables se Dans la molécule d’anticorps, l’appariement
Variabilité situent dans des boucles distinctes d’une chaîne lourde et d’une chaîne légère
50 rapprochées par le repliement structural. rassemble les boucles hypervariables de
Quand les régions hypervariables (CDR) sont chaque chaîne dont l’ensemble forme le site
40 positionnées sur la structure d’un domaine V, de liaison à l’antigène au sommet de chaque
on voit qu’elles se situent dans des boucles qui bras de l’Y. C, extrémité carboxyterminale ; N,
30 sont rapprochées par le repliement structural. extrémité aminoterminale.

20
fidèle de l’interaction des anticorps avec leurs antigènes. On a pu ainsi confir-
10
mer et élargir la vision limitée jusqu’alors aux interactions des anticorps avec les
0 haptènes.
0 20 40 60 80 100
Résidu La surface de la molécule d’anticorps formée par la juxtaposition des CDR des
chaînes lourdes et légères crée le site auquel un antigène se fixe. Évidemment,
FR1 HV1 FR2 HV2 FR3 HV3 FR4 les séquences peptidiques des CDR différant d’un anticorps à l’autre, les formes
créées par ces CDR diffèrent. En général, les anticorps se fixent à des ligands dont
les surfaces sont complémentaires de celles de l’anticorps. Un petit antigène, tel
qu’un haptène ou un petit peptide, se fixe dans une poche ou un sillon situé entre
N les chaînes des domaines V des chaînes lourdes et légères (Fig. 3.8a et b). D’autres
antigènes, comme une protéine, peuvent être de même taille ou plus grande que
l’anticorps lui-même. Dans ces cas, l’interface entre les deux molécules est souvent
une surface étendue qui implique tous les CDR et, dans certains cas, une partie de
la région cadre de l’anticorps (Fig.  3.8c). Cette surface ne doit pas être concave,
mais peut-être plate, ondulée, ou même convexe. Dans certains cas, des molécules
C d’anticorps avec des boucles CDR3 allongées peuvent enfoncer un « doigt » dans
une cavité de la surface de l’antigène, comme le montre la Fig. 3.8d dans laquelle
on voit un anticorps lié à l’antigène gp120 du VIH ; il projette une longue boucle
contre sa cible.
N

HV3
(CDR3)
3-8 Les anticorps se lient à des structures de conformation particulière
situées à la surface des antigènes.

HV1 La fonction biologique des anticorps est de se fixer aux pathogènes et à leurs pro-
(CDR1) duits et de faciliter leur élimination. Un anticorps ne reconnaît généralement
qu’une petite région à la surface d’une molécule de grande taille comme un poly-
C HV2 saccharide ou une protéine. La structure reconnue par l’anticorps est nommée
(CDR2)
déterminant antigénique ou épitope. Certains des pathogènes les plus impor-
tants ont des capsules polysaccharidiques, et les anticorps qui reconnaissent les
épitopes formés par les sous-unités de ces molécules glucidiques sont essentiels
site de
liaison à pour conférer une protection immune contre ces germes. Dans beaucoup de cas,
l’antigène cependant, les antigènes qui suscitent une réponse immune sont des protéines.
Par exemple, certains anticorps neutralisant les virus reconnaissent des protéi-
nes de leur enveloppe. Dans de tels cas, les structures reconnues par l’anticorps
sont localisées à la surface de la protéine. De tels sites antigéniques sont souvent
composés de résidus des différentes parties de la chaîne polypeptidique, rappro-
chés par le repliement de la protéine. Ce type de déterminant est dit conforma-
tionnel ou épitope discontinu, parce que la structure reconnue est composée de
segments discontinus quant à la séquence primaire de la protéine, mais qui sont
rapprochés dans la structure tridimensionnelle. Par contre, l’épitope composé
d’une seule séquence polypeptidique est dit continu ou linéaire. Quoique la plu-
part des anticorps produits contre des protéines intactes reconnaissent des épi-
topes discontinus, d’autres se fixent à des fragments peptidiques de la protéine.
Inversement, les anticorps produits contre les peptides d’une protéine ou des pep-
tides synthétiques correspondant à une partie de sa séquence peuvent occasion-
nellement se fixer à la protéine native. Cela permet, dans certains cas, d’utiliser des
peptides synthétiques comme vaccins par lesquels on espère induire la produc-
tion d’anticorps dirigés contre les protéines du pathogène.
L’interaction de la molécule d’anticorps avec son antigène spécifique 121

Fig. 3.8 Les antigènes peuvent se lier


dans des poches ou sillons ou sur des
surfaces étendues des sites de liaison
des anticorps. Les panneaux de la rangée
supérieure montrent les différents types
VH VL de sites de liaison dans un fragment Fab
d’anticorps : premier panneau, une poche ;
deuxième panneau, un sillon ; troisième
panneau, une surface étendue ; quatrième
panneau, surface saillante. La rangée du
bas montre des exemples de chaque type
d’interaction. Panneau a : l’image du haut
montre la surface moléculaire d’interaction
d’un petit haptène avec les CDR d’un
fragment Fab. Le site de fixation à l’antigène
est vu de face. L’haptène ferrocène, en
vert, est lié dans la poche du site de liaison
(jaune). Dans l’image du bas (et dans celles
des panneaux b, c et d), la molécule a été
tournée de 90° afin que le site de liaison soit
vu de profil. Panneau b : dans un complexe
d’un anticorps avec un peptide du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), le peptide
(vert) s’insère dans le sillon (jaune) formé entre
les domaines V des chaînes lourde et légère.
a b c d Panneau c : complexe entre le lysozyme d’œuf
de poule et le fragment Fab de son anticorps
(HyHel5). La surface de l’anticorps qui entre
3-9 Diverses forces interviennent dans la liaison de l’antigène à son en contact avec le lysozyme est colorée en
anticorps. jaune. Tous les six CDR du site de liaison
de l’anticorps sont impliqués dans la liaison.
Panneau d : dans une molécule d’anticorps
Les complexes antigène:anticorps peuvent être dissociés par de fortes concentra- contre l’antigène gp120 du VIH, les boucles
tions en sel, un pH extrême, des détergents ou par l’apport d’une grande quantité CDR3 sont allongées, font saillie et s’insèrent
de l’épitope lui-même, qui agit alors par compétition. Ce qui montre que la liaison dans une cavité de la surface de l’antigène.
La structure du complexe entre cet anticorps
est réversible et donc non covalente. Les forces impliquées dans ces interactions et la gp120 n’a pas été établie ; les zones en
sont décrites dans la Fig. 3.9. jaune sur les images représentent l’étendue
des régions CDR plutôt que la région réelle de
Les interactions électrostatiques se font entre les chaînes latérales des acides ami- contact entre anticorps et antigène. Clichés de
nés chargés, comme dans les liaisons salines. L’interaction se fait aussi souvent I.A. Wilson et R.L. Stanfield.
entre des dipôles électriques, comme dans les ponts hydrogène, ou peut impliquer
des forces de Van der Waals, qui n’agissent qu’à courte distance. Une forte concen-
tration de sel et des pH extrêmes dissocient les complexes antigène:anticorps en
affaiblissant les interactions électrostatiques et / ou les ponts hydrogène. C’est le
procédé appliqué pour la purification d’antigènes au moyen de colonnes d’affinité

Forces non covalentes Origine

Attraction entre
Forces électrostatiques charges opposées NH 3 OOC

Hydrogène partagé N H O C
Liaisons hydrogène entre atomes électronégatifs
(N, O) δ− δ+ δ−
Fig. 3.9 Les forces non covalentes qui
maintiennent le complexe antigène :
Fluctuations dans les
δ+ δ− anticorps. Les charges partielles trouvées
Force de Van der Waals nuages électroniques autour dans les dipôles électriques sont δ+ ou δ−. Les
de molécules comportant des
δ− δ+ forces électrostatiques sont proportionnelles
atomes de polarité opposées à l’inverse du carré de la distance séparant
les charges, tandis que les forces de Van
H H der Waals, qui sont plus nombreuses dans
Les groupes hydrophobes H O la plupart des contacts antigène-anticorps,
interagissent difficilement avec O +
H δ H diminuent en fonction de l’inverse de la
Forces hydrophobes l’eau et tendent à se regrouper δ− O H distance à la puissance 6 et ne sont donc
pour exclure les molécules. δ− opérationnelles que sur de très courtes
Leur attraction implique aussi δ+ distances. De manière naturelle, il ne s’établit
les forces de Van der Waals O jamais de liaison covalente entre antigènes et
H H
anticorps.
122 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

avec des anticorps immobilisés, ou vice-versa pour la purification d’anticorps (voir


Appendice I, Section A-5). Les interactions hydrophobes se créent quand deux sur-
faces hydrophobes se rapprochent suffisamment pour exclure l’eau entre elles. La
force d’une interaction hydrophobe est proportionnelle à l’aire de la surface à l’abri
de l’eau. Pour certains antigènes, des interactions hydrophobes rendent compte de
la plus grande partie de l’énergie de liaison. Dans certains cas, les molécules d’eau
sont piégées dans des poches à l’interface entre l’antigène et l’anticorps ; elles peu-
vent ainsi contribuer, spécialement celles qui sont situées entre les résidus pepti-
diques polaires, à la liaison et à la spécificité de l’anticorps.
La participation de chacune de ces forces à l’interaction globale dépend des anti-
gènes et des anticorps impliqués. Une différence frappante dans les interactions
des anticorps avec les antigènes protéiques par rapport à la plupart des autres inte-
ractions protéine-protéine est que les anticorps contiennent beaucoup d’acides
aminés aromatiques dans leurs sites de liaison à l’antigène. Ces acides aminés par-
ticipent principalement aux interactions de type Van der Waals et hydrophobe, et
quelquefois aux ponts hydrogène. La tyrosine, par exemple, peut participer à une
liaison hydrogène et à des interactions hydrophobes ; elle convient dès lors parti-
culièrement bien pour assurer la diversité dans la reconnaissance de l’antigène et
elle est surreprésentée dans les sites de liaison à l’antigène. Les forces hydropho-
bes et celles de Van der Waals opérant sur de très courtes distances servent à réunir
des surfaces de forme complémentaire : une protubérance devant correspondre à
une dépression pour que la liaison soit solide. Par contre, les interactions électros-
tatiques et les ponts hydrogène entre atomes d’oxygène et d’azote, tout en renfor-
Fig. 3.10 Le complexe du lysozyme avec
l’anticorps D1.3. Le fragment Fab de D1.3
çant l’interaction globale, impliquent des groupes réactionnels particuliers. Des
interagit avec le lysozyme du blanc d’œuf acides aminés qui possèdent des chaînes latérales chargées, par exemple l’argi-
de poule ; l’antigène est en bleu, la chaîne nine, sont également surreprésentés dans les sites de liaison à l’antigène.
lourde en pourpre et la chaîne légère en
jaune. Un résidu glutamine du lysozyme, en Par exemple, dans le complexe formé par le lysozyme de blanc d’œuf de poule avec
rouge, s’enfonce entre les deux domaines V l’anticorps D1.3 (Fig.  3.10), de fortes liaisons hydrogène s’établissent entre l’anti-
du site de liaison à l’antigène ; il établit des
liaisons hydrogène importantes pour la liaison
corps et une glutamine particulière de la molécule de lysozyme, ce résidu s’insérant
antigène-anticorps. Cliché de R.J. Poljak. entre les domaines VH et VL. Les lysozymes de perdrix et de dinde, qui ont un autre
acide aminé à la place de la glutamine, ne se fixent pas à l’anticorps. Dans le com-
plexe de haute affinité formé par le lysozyme avec un autre anticorps, HyHel5 (voir
Fig. 3.8c), deux ponts salins sont établis entre les deux résidus d’arginine, fortement
basiques, à la surface du lysozyme et deux résidus d’acide glutamique, situés res-
pectivement sur les boucles VH CDR1 et CDR2. Ici aussi, quand les lysozymes ne
possèdent pas une des deux arginines, l’affinité chute de 1000 fois. Quoique la com-
plémentarité générale des surfaces doive jouer un rôle important dans les interac-
tions antigène:anticorps, ce sont les interactions électrostatiques spécifiques et les
ponts hydrogène qui paraissent déterminer l’affinité de l’anticorps. Dans la plu-
part des anticorps qui ont été ainsi étudiés en détail, quelques résidus seulement
contribuent de manière prédominante à l’énergie de liaison et donc à la spécificité
finale de l’anticorps. Bien que de nombreux anticorps se lient naturellement à leurs
ligands avec une haute affinité, l’ingénierie génétique par mutagenèse dirigée peut
donner à l’anticorps une force de liaison à son épitope encore plus puissante.

Résumé.

L’analyse par cristallographie aux rayons  X des complexes antigène:anticorps a


démontré que les boucles hypervariables (régions déterminant la complémenta-
rité, CDR) des régions V des immunoglobulines déterminent la spécificité des anti-
corps. Le contact entre une molécule d’anticorps et un antigène protéique s’établit
entre deux larges surfaces complémentaires. Les interactions électrostatiques, les
ponts hydrogène, les forces de Van der Waals et les interactions hydrophobes peu-
vent contribuer à la liaison. Selon la taille de l’antigène, les chaînes latérales des
acides aminés dans la plupart, voire tous, les CDR entrent en contact avec l’anti-
gène et déterminent à la fois la spécificité et l’affinité de réaction. D’autres parties
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 123

des régions V jouent un rôle mineur dans le contact direct avec l’antigène, mais
procurent une assise aux CDR en déterminant leur position et leur conformation.
Les anticorps produits contre des protéines intactes se lient habituellement à la
surface des protéines et entrent en contact avec des résidus qui ne sont pas conti-
gus dans la séquence peptidique de la molécule. Cependant dans certains cas, ils
peuvent se lier à des fragments peptidiques de la protéine, et des anticorps pro-
duits contre des peptides dérivés d’une protéine peuvent parfois être utilisés pour
la détection de la molécule native de la protéine. La liaison des peptides aux anti-
corps se fait habituellement dans l’échancrure entre les régions  V des chaînes
lourdes et légères, où ils entrent en contact spécifique avec certains, pas néces-
sairement tous, les CDR. C’est aussi le mode de liaison habituel pour les antigènes
glucidiques et les petites molécules comme les haptènes.

La reconnaissance de l’antigène par les cellules T.


Contrairement aux immunoglobulines, qui interagissent avec les pathogènes et
leurs produits toxiques dans les espaces extracellulaires du corps, les cellules  T
reconnaissent uniquement les antigènes étrangers exposés à la surface des cellu-
les de l’organisme. Ces antigènes peuvent dériver de pathogènes comme les virus
ou les bactéries intracellulaires se répliquant dans les cellules ou de produits de
pathogènes ingérés par endocytose à partir du fluide extracellulaire.
Les cellules  T peuvent détecter la présence d’un pathogène intracellulaire car les
site de liaison
cellules infectées exposent à leur surface des fragments peptidiques dérivés des à l’antigène
protéines de ce pathogène. Ces peptides étrangers sont présentés à la surface cel-
lulaire par des glycoprotéines cellulaires spécifiques de l’hôte. Elles sont codées par VL VH anticorps
une gamme étendue de gènes identifiés d’abord par leurs effets importants sur la Fab
réponse immune contre les tissus transplantés. Pour cette raison, ce complexe géni-
CL CH
que a été appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), et les glycoprotéines
fixant les peptides sont dites molécules du CMH. La reconnaissance de l’antigène
sous forme d’un fragment peptidique lié à une molécule du CMH le présentant à Fc
la surface cellulaire, est une des propriétés les plus caractéristiques des cellules T et
fera l’objet de cette partie de chapitre. Dans le Chapitre 5, nous verrons comment les
fragments peptidiques de l’antigène se complexent aux molécules du CMH. site de liaison
à l’antigène
Nous décrivons ici la structure et les propriétés du récepteur d’antigène des cellu-
les T (TCR). Comme on pouvait s’y attendre, du fait des fonctions et des structures
VA VB
nécessaires à la reconnaissance d’une grande diversité d’antigènes, les récepteurs récepteur
cellulaires T ressemblent beaucoup aux molécules d’anticorps par la structure de des cellules T
CA CB
leurs gènes. Cependant, il existe, entre les récepteurs des cellules T et les immu-
noglobulines, d’importantes différences qui reflètent les particularités de la recon-
naissance antigénique par les cellules T.
cellule T
3-10 Le récepteur des cellules T est très semblable au fragment Fab
des immunoglobulines.
Fig. 3.11 Le récepteur des cellules T
ressemble à un fragment Fab lié à une
Les récepteurs des cellules T ont d’abord été identifiés par des anticorps monoclo- membrane. Le fragment Fab des molécules
naux qui se liaient uniquement à un clone de cellules T et qui pouvaient inhiber anticorps est un hétérodimère comportant
spécifiquement la reconnaissance de l’antigène par ce clone, ou encore l’activer un pont disulfure, dont chaque chaîne
(voir Appendice I, Section A-19). On a aussi utilisé ces anticorps clonotypiques contient un domaine C et un domaine V
d’immunoglobuline ; la juxtaposition des
pour montrer que chaque cellule T comporte à sa surface environ 30.000 molécu- domaines V forme le site de liaison à
les de récepteurs antigéniques identiques. Chaque récepteur est constitué de deux l’antigène (voir la Section 3-6). Le récepteur
chaînes polypeptidiques différentes, la chaîne α (TCRα) et la chaîne β (TCRβ) du des cellules T est aussi un hétérodimère avec
un pont disulfure, chaque chaîne contenant
récepteur des cellules T, unies par un pont disulfure. Ces hétérodimères α:β ont un domaine C et un domaine V semblables à
une structure très semblable à celle d’un fragment Fab de molécule d’immuno- ceux d’une immunoglobuline. Comme pour le
globuline (Fig. 3.11) et servent à la reconnaissance d’antigène par la plupart des fragment Fab, la juxtaposition des domaines V
forme un site de reconnaissance antigénique.
124 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Fig. 3.12 Structure du récepteur des de l’immunoglobuline, relie les domaines


oligosaccharide cellules T. L’hétérodimère du récepteur des d’immunoglobuline à la membrane et contient
cellules T est composé de deux chaînes les résidus cystéine qui forment le pont
chaîne α chaîne β glycoprotéiques transmembranaires, α et β. disulfure unissant les deux chaînes. Les
La portion extracellulaire de chaque chaîne hélices transmembranaires des deux chaînes
consiste en deux domaines, ressemblant aux contiennent de façon inhabituelle des résidus
région domaines V et C d’une immunoglobuline. chargés positivement (résidus basiques) dans
variable (V) Chaque domaine, dans les deux chaînes, le segment transmembranaire hydrophobe. Les
est porteur d’oligosaccharides. Un court chaînes α en contiennent au moins deux, alors
segment tige, analogue à la région charnière que les chaînes β n’en ont qu’un.

région cellules T. Une minorité de cellules T porte un récepteur différent, mais de structure
constante (C) similaire, constitué d’une paire différente de chaînes polypeptidiques désignées γ
et δ. Le mode de reconnaissance de l’antigène par les récepteurs des cellules T γ:δ
segment tige
paraît différent de celui des récepteurs des cellules T α:β, et leur fonction dans la
+ région
+ réponse immune n’est pas encore connue (voir la Section 2-34). Dans le reste de
+ transmembranaire
ce chapitre, nous utiliserons le terme de récepteur des cellules T pour désigner le
queue récepteur α:β, sauf quand nous le spécifierons. Les deux types de récepteurs des
cytoplasmique
pont disulfure cellules T diffèrent des immunoglobulines de membrane, qui servent de récepteur
des cellules B : un récepteur des cellules T ne possède qu’un seul site de liaison à
l’antigène, alors que l’immunoglobuline en a deux, et les récepteurs T ne sont pas
sécrétés alors que les immunoglobulines le sont sous forme d’anticorps.
Notre perception initiale de la structure et la fonction du récepteur α:β des cellules T
provient d’études sur l’ADNc cloné codant les chaînes du récepteur. Les séquences
peptidiques prédites à partir des ADNc des récepteurs des cellules T montrent que les
deux chaînes des récepteurs cellulaires ont une région aminoterminale variable (V)
homologue du domaine V des immunoglobulines, une région constante (C) homo-
logue du domaine C des immunoglobulines et une courte région charnière conte-
nant un résidu cystéine formant un pont disulfure intercaténaire (Fig. 3.12). Chaque
chaîne franchit la bicouche lipidique grâce à un domaine transmembranaire hydro-
phobe et se termine par une extrémité cytoplasmique courte. Ces similitudes étroites
des chaînes du récepteur des cellules T avec les chaînes lourdes et légères des immu-
noglobulines ont permis de prédire que la structure de l’hétérodimère du récepteur
des cellules T ressemblerait au fragment Fab des immunoglobulines.
La structure en trois dimensions du récepteur des cellules T a été établie par cristal-
lographie aux rayons X, ce qui a confirmé qu’elle était bien similaire à celle d’un frag-
ment Fab. Les chaînes du récepteur des cellules T se replient de la même façon qu’un
fragment Fab (Fig. 3.13a), bien que la structure finale paraisse un peu plus petite et
plus large. Cependant, les récepteurs des cellules T et les fragments Fab diffèrent sur
certains points. La différence la plus marquée porte sur le domaine Cα, dont le replie-
ment diffère de celui des domaines semblables des immunoglobulines. La moitié du
domaine jouxtant le domaine Cβ forme un feuillet β proche de celui d’autres domaines
comparables des immunoglobulines, mais l’autre moitié du domaine est formée de
brins assemblés de manière plus lâche et d’un petit segment d’hélice α (Fig. 3.13b). Le
pont disulfure intramoléculaire qui, dans les domaines comparables des immunoglo-
bulines, joint normalement deux brins β joint ici le brin β au segment de l’hélice α.
Il y a aussi des différences dans la manière dont les domaines interagissent.
L’interface entre les domaines V et C des deux chaînes du récepteur des cellules T
est plus étendue que pour celle des anticorps. L’interaction entre les domaines Cα
et Cβ est assez particulière. Elle est en effet partiellement assurée par des sucres,
un groupe glycosylé du domaine Cα établissant plusieurs liaisons hydrogène avec
le domaine Cβ (voir Fig.3.13b). Finalement, une comparaison des sites de liaison
montre que, bien que les boucles CDR s’alignent assez étroitement avec celles des
molécules d’anticorps, il y a un certain décalage (voir Fig.3.13c). C’est particulière-
ment évident dans la boucle CDR2 Vα, qui est orientée approximativement en angle
droit par rapport à la boucle équivalente des domaines V de l’anticorps, en raison
d’un déplacement du brin β qui ancre une extrémité de la boucle d’une face à l’autre
du domaine. Le décalage d’un brin cause aussi un changement dans l’orientation
de la boucle CDR2 Vβ dans certains domaines Vβ dont les structures sont connues.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 125

2 1 3
3 2
1 TCRα TCRβ
IgL IgH
Vα Vβ L2
H3 H1

Cβ HV4

Cα L3
HV4
Cβ L1
Cα oligosaccharide H2

a b c

Fig. 3.13 Structure cristalline d’un récepteur α:β de cellule T résolue entre le domaine Cα et le domaine Cβ. Dans le panneau c, le récepteur T
à 2.5 Å. Dans les panneaux a et b, la chaîne α est indiquée en rose et la est aligné sur les sites de liaison à l’antigène de trois anticorps différents.
chaîne β en bleu. Les ponts disulfure sont en vert. Dans le panneau a, le Cette vue plongeante sur le site de liaison montre le domaine Vα du
récepteur des cellules T est vu de côté dans la position qu’il occuperait récepteur des cellules T aligné sur les domaines VL des sites de liaison
normalement à la surface cellulaire, avec les boucles CDR qui forment, sur antigénique des anticorps, le domaine Vβ étant aligné sur les domaines
le sommet relativement plat, le site de fixation de l’antigène (chiffres 1, 2 VH. Les CDR 1, 2 et 3 du récepteur cellulaire T sont colorés en rouge et
et 3). Le panneau b montre les domaines Cα et Cβ. Le domaine Cα ne la boucle HV4 en orange. Pour les domaines V des immunoglobulines,
se replie pas comme un domaine typique d’immunoglobuline; dans ce les boucles CDR1 des chaînes lourdes (H1) et des chaînes légères (L1)
domaine, la face la plus éloignée du domaine Cβ est composée surtout sont indiquées en bleu clair et bleu foncé, et les boucles CDR2 (H2, L2)
de brins peptidiques irréguliers plus que d’un feuillet β. Le pont disulfure en violet clair et violet foncé. Les boucles CDR3 des chaînes lourdes (H3)
intramoléculaire joint un brin β à ce segment d’hélice α. L’interaction entre sont en jaune. Les CDR3 des chaînes légères (L3) sont en vert brillant.
les domaines Cα et Cβ est renforcée par un oligosaccharide (en gris et Les boucles HV4 du TCR (orange) n’ont pas d’équivalents hypervariables
indiqué sur la figure) dont un résidu glycosylé établit un pont hydrogène dans les immunoglobulines. Modèles de I.A. Wilson.

Comme relativement peu de structures cristallographiques ont été établies à ce


niveau de résolution, il reste à voir jusqu’à quel degré tous les récepteurs de cel-
lule T partagent ces caractéristiques et si l’on découvrira davantage de différences.

3-11 Le récepteur des cellules T reconnaît l’antigène sous la forme


d’un complexe d’un peptide étranger lié à une molécule du CMH.

La reconnaissance de l’antigène par les récepteurs des cellules T se différencie clai-


rement de la reconnaissance par les récepteurs des cellules B et par les anticorps.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules B implique une liaison directe de
l’immunoglobuline à l’antigène intact. Comme cela est discuté à la Section 3-8, les
anticorps se fixent typiquement à la surface des antigènes protéiques, en contact
avec des acide aminés discontinus dans la structure primaire mais regroupés dans
la protéine repliée. Les cellules T, d’un autre côté, sont connues pour répondre à de
courtes séquences peptidiques continues dans les protéines. Ces séquences sont
souvent enfouies dans la structure native de la protéine et donc ne peuvent pas
être reconnues directement par les récepteurs des cellules T, à moins que la pro-
téine ne soit dépliée et apprêtée sous forme de fragments peptidiques (Fig. 3.14).
Nous verrons au Chapitre 5 comment cela se produit.
a
Fig. 3.14 Différences dans la molécule, car ces récepteurs ne reconnaissent
reconnaissance du lysozyme de blanc pas la protéine telle quelle, mais certains
d’œuf de poule par les immunoglobulines fragments peptidiques. Le panneau b montre
et les récepteurs des cellules T. Par les peptides correspondant à deux épitopes
cristallographie aux rayons X, on peut du lysozyme reconnus par des cellules T. Un
visualiser des anticorps qui fixent les épitopes épitope, indiqué en bleu, est situé à la surface
qui se trouvent à la surface de protéines, de la protéine, alors que le second, indiqué en
comme le montre le panneau a, où les épitopes rouge, se situe en majeure partie au centre et
reconnus par trois anticorps sont indiqués est ainsi inaccessible dans la protéine repliée.
à la surface du lysozyme d’œuf de poule Pour que cet épitope devienne accessible au
(voir aussi Fig. 3.10). Par contre, les épitopes récepteur de cellule T, la protéine doit être
reconnus par des récepteurs de cellules T dépliée et clivée. Panneau a de S. Sheriff. b
ne doivent pas se trouver à la surface de la
126 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

On a réalisé quelle était la nature de l’antigène reconnu par les cellules T quand on
a compris que les peptides ne pouvaient stimuler les cellules T que lorsqu’ils sont
liés à une molécule du CMH. Le ligand reconnu par les cellules T est donc un com-
plexe formé d’un peptide et d’une molécule du CMH. L’implication du CMH dans
la reconnaissance de l’antigène par les cellules T fut d’abord montrée de manière
indirecte, mais elle a été prouvée récemment de façon définitive par stimulation
des cellules  T au moyen de complexes purifiés peptide:CMH. Le récepteur des
cellules T interagit avec ce ligand en établissant des contacts avec la molécule du
CMH et le peptide antigénique.

3-12 Il existe deux classes de molécules du CMH avec une composition


de sous-unités distinctes mais des structures tridimensionnelles
similaires.

Il existe deux classes de molécules du CMH — CMH de classe I et CMH de classe  I I —


qui diffèrent par leur structure et ont aussi des distributions différentes sur les cellu-
les de l’organisme. Comme les Figs 3.15 et 3.16 le montrent, les molécules du CMH
de classe I et du CMH de classe II sont étroitement apparentées par leur structure
générale, mais diffèrent dans leur composition en sous-unités. Dans les deux classes,
les domaines protéiques appariés les plus proches de la membrane ressemblent aux
domaines d’immunoglobuline, tandis que les deux domaines les plus éloignés de la

cavité liant
le peptide
Fig. 3.15 La structure d’une molécule
du CMH de classe I déterminée par α1
cristallographie aux rayons X. Le panneau a
montre une représentation graphique assistée
par ordinateur d’une molécule humaine du
CMH de classe I, HLA-A2, qui a été clivée
par la papaïne au ras de la surface cellulaire. N
La surface de la molécule est peinte dans les
tons utilisés pour chaque domaine dans les
panneaux b-d. Dans les panneaux b et c, la
structure est représentée par un diagramme
en ruban. Comme le montre le schéma du
panneau d, la molécule du CMH de classe I
est un hétérodimère comprenant une chaîne α
transmembranaire (poids moléculaire de
43 kDa) liée de façon non covalente à la β-microglobuline
β2-microglobuline (12 kDa), qui elle ne
traverse pas la membrane. La chaîne α se
replie en trois domaines : α1, α2 et α3. Les α3
séquences peptidiques du domaine α3 et
de la β2-microglobuline ressemblent aux
domaines C des immunoglobulines et ont des a b
structures repliées similaires, alors que les
domaines α1 et α2, en se repliant, ne forment
qu’une seule structure constituée de deux
segments d’hélices α allongés sur un feuillet α1 cavité liant
le peptide
de huit brins β antiparallèles. Cette disposition
des domaines α1 et α2 crée une grande fente
ou sillon, constituant le site dans lequel les
antigènes peptidiques se lient aux molécules α2 α1
du CMH. La région transmembranaire et le
court segment peptidique qui connecte les
cavité liant
domaines extracellulaires à la surface cellulaire le peptide β feuillet
ne sont pas représentés dans les panneaux α3 β2-microglobuline
a et b, car ils ont été enlevés par la digestion
à la papaïne. Dans le panneau c, la vue
plongeante montre que les faces internes des
deux hélices α forment les parois de la cavité,
α hélice
dont le plancher correspond au feuillet β plissé α2
qui appartient aux domaines α1 et α2. Nous
utiliserons la représentation schématique du c d
panneau d tout au long de cet ouvrage.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 127

membrane se replient pour former ensemble une longue crevasse, ou sillon, qui est
le site auquel se lie le peptide. Les structures des complexes purifiés peptide:CMH
de classe I et peptide:CMH de classe II ont été caractérisées, ce qui nous permet de
décrire en détail les molécules du CMH et comment elles lient les peptides.
Les molécules du CMH de classe  I (Fig.  3.15) sont constituées de deux chaînes
polypeptidiques, une grande chaîne  α codée par le locus génétique du CMH et
une chaîne plus petite associée de façon non covalente, la β2-microglobuline,
laquelle n’est pas polymorphe et dont le gène se trouve sur un autre chromosome,
le n°15 chez l’homme. Seule la chaîne α de classe I traverse la membrane. La molé-
cule complète comprend quatre domaines, trois formés à partir de la chaîne  α 
codée par le CMH, et un formé par la β2-microglobuline. Le domaine  α3 et la
β2-microglobuline ont une structure repliée qui ressemble étroitement à celle du
domaine d’une immunoglobuline. Les domaines repliés α1 et α2 forment les parois
d’une crevasse à la surface de la molécule ; c’est le site de liaison au peptide, que
l’on appelle sillon de liaison au peptide. Les molécules du CMH sont hautement
polymorphes et les différences principales entre les différentes formes se situent
dans le sillon de liaison au peptide, déterminant ainsi quel peptide peut être lié et
donc la spécificité du double antigène présenté aux cellules T.
Une molécule du CMH de classe II est constituée d’un complexe non covalent de
deux chaînes, α et β, qui toutes deux traversent la membrane (voir Fig. 3.16). La
chaîne α du CMH de classe II est une protéine différente de la chaîne α de classe I.

cavité liant
le peptide
β1
α1

Fig. 3.16 Les molécules du CMH de


classe II ressemblent aux molécules
du CMH de classe I dans leur structure
globale. La molécule du CMH de classe II est
composée de deux chaînes de glycoprotéines
transmembranaires, α (34kDa) et β (29kDa),
comme le montre schématiquement le
α2 panneau d. Chaque chaîne comporte deux
β2 C domaines, les deux chaînes formant une
structure compacte de quatre domaines
semblable à celle de la molécule du
a b CMH de classe I (à comparer avec le
panneau d de la Fig. 3.15). Le panneau a
montre une représentation graphique assistée
par ordinateur de la surface de la molécule
α1 cavité liant du CMH de classe II, dans ce cas la protéine
le peptide humaine HLA-DR1, et le panneau b montre
le diagramme en ruban correspondant. Les
β1 α1 domaines α2 et β2, à l’instar des domaines
α3 et la β2-microglobuline de la molécule
du CMH de classe I, ont des similarités
cavité liant de séquence primaire et de structure avec
le peptide les domaines C des immunoglobulines ;
β2 α2 dans la molécule du CMH de classe II, les
deux domaines formant la cavité de liaison
peptidique appartiennent à des chaînes
différentes et ne sont pas joints par une
liaison covalente (voir les panneaux c et d).
Une autre différence importante, non visible
β1
sur le diagramme, est que le sillon de liaison
peptidique de la molécule du CMH de classe II
c d
est ouvert aux deux extrémités.
128 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Fig. 3.17 Les molécules du CMH lient


fermement les peptides insérés dans la
cavité. Quand les molécules du CMH ont été
cristallisées avec un seul antigène peptidique
synthétique, les détails de la liaison du
peptide ont été révélés. Dans les molécules
du CMH de classe I (panneaux a et c), le
peptide est allongé dans le sillon avec les deux
extrémités fortement liées à chaque extrémité
de la cavité. Dans le cas des molécules du
CMH de classe II (panneaux b et d), le peptide
a la même disposition, mais ses extrémités
ne sont pas liées fortement, et il s’étend en a b
dehors de la cavité. La surface supérieure
du complexe CMH:peptide est reconnue
par les cellules T. Elle est composée de
résidus de la molécule du CMH et du peptide.
Dans les représentations c et d, le potentiel
électrostatique de la surface de la molécule
du CMH est montré, avec des zones bleues
indiquant un potentiel positif et des zones
rouges un potentiel négatif.

c d

Les chaînes α et β du CMH de classe II sont toutes deux codées dans le CMH. La
structure cristallographique de la molécule du CMH de classe II montre qu’elle est
repliée de manière très semblable à celle du CMH de classe I, mais dans les molécu-
les du CMH de classe II, le sillon de liaison au peptide est formé par deux domaines
de chaînes différentes, les domaines des chaînes, α1 et β1. Les différences principa-
les se trouvent aux extrémités du sillon de liaison peptidique, lesquelles sont plus
ouvertes dans les molécules du CMH de classe II que dans les molécules du CMH
de classe I. La conséquence principale de ceci est que les extrémités d’un peptide
lié à une molécule du CMH de classe I sont réellement enfouies dans la molécule,
alors que les extrémités des peptides liés aux molécules du CMH de  classe II ne
le sont pas. Dans les molécules du CMH de classe I et II, les peptides liés sont pris
en sandwich entre les deux segments d’hélice α de la molécule du CMH (Fig. 3.17).
Le récepteur des cellules T interagit avec ce ligand complexe, créant des contacts
à la fois avec la molécule du CMH et le fragment peptidique de l’antigène. Les sites
du polymorphisme principal des molécules du CMH de classe II sont à nouveau
situés dans le sillon de liaison au peptide.

3-13 Les peptides sont liés de façon stable aux molécules du CMH
et servent aussi à stabiliser la molécule du CMH à la surface cellulaire.

Un individu peut être infecté par de nombreux pathogènes différents, leurs protéi-
nes ne comportant généralement pas de séquences peptidiques communes. Si les
cellules T doivent être mises en alerte contre toutes les infections possibles, alors
les molécules du CMH de chaque cellule (classe I et classe II) doivent être capa-
bles de lier de façon stable de nombreux peptides différents. Cette capacité dif-
fère nettement de celles des autres récepteurs liant des peptides  ; par exemple,
les récepteurs des hormones peptidiques ne fixent généralement qu’un seul type
de peptide. L’étude de la structure cristalline du complexe peptide:CMH a révélé
comment un site de liaison unique peut lier les peptides avec une forte affinité tout
en restant capable de lier une grande diversité de peptides différents.
Une caractéristique importante de la liaison des peptides aux molécules du CMH
est que le peptide lié se comporte comme une partie intégrante de la structure
de la molécule du CMH. En effet, les molécules du CMH sont instables quand
les peptides ne sont pas fixés. La stabilité de la liaison au peptide est importante,
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 129

car des échanges de peptides à la surface cellulaire empêcheraient le complexe


peptide:CMH de jouer son rôle d’indicateur fiable de l’infection ou de présenter
l’antigène spécifique. Par conséquent, lorsque les molécules du  CMH sont puri-
fiées à partir des cellules, leur peptide accompagne, ce qui rend possible l’analyse
des peptides spécifiques liés aux molécules du CMH. Les peptides peuvent être
détachés des molécules du CMH par dénaturation à l’acide, être ensuite purifiés
et séquencés. Des peptides synthétiques purs peuvent également être incorporés
dans ces molécules vides du CMH. La structure du complexe ainsi formé révèle
alors les détails des contacts entre la molécule du CMH et le peptide. À partir de tel-
les études, un tableau détaillé des interactions de liaison a été établi. Nous décrirons
d’abord les propriétés de liaison du peptide aux molécules du CMH de classe I.

3-14 Les molécules du CMH de classe I lient les deux extrémités de petits
peptides de 8–10 acides aminés.

La liaison d’un peptide dans le sillon d’une molécule du CMH de classe I est sta-
bilisée aux deux extrémités par contact entre les atomes des extrémités amino-
terminale et carboxyterminale du peptide et les sites invariables qui se trouvent à
chaque extrémité du sillon de toutes les molécules du CMH de classe I (Fig. 3.18).
On pense que c’est à ces endroits que les contacts les plus stabilisants du com-
plexe peptide:CMH de classe I s’établissent, car les analogues de peptides synthé-
tiques privés du groupe aminoterminal et du groupe carboxyterminal ne peuvent
pas se lier de façon stable aux molécules du CMH de classe I. D’autres résidus dans
le peptide servent de points d’ancrage additionnels. Les peptides qui s’attachent
aux molécules du CMH de classe I ont habituellement une longueur de 8–10 aci-
des aminés. Des peptides plus longs seraient capables de se lier, particulièrement
s’ils peuvent se lier par leur bout carboxyterminal ; ils seraient ensuite clivés par
des exopeptidases présentes dans le réticulum endoplasmique, là où les molécu-
les du CMH de classe I prennent en charge les peptides. Ceux-ci s’allongent au long
du sillon ; en cas de variation dans la longueur du peptide, celui-ci peut se replier.
Pourtant, on connaît deux exemples de molécules du CMH de classe I où le peptide
peut s’étendre en dehors du sillon à l’extrémité carboxyterminale, ce qui suggère
qu’une certaine variation de longueur peut aussi être tolérée de cette manière.

Fig. 3.18 Les peptides sont liés aux


molécules du CMH de classe I par leurs
extrémités. Les molécules du CMH de classe I
interagissent avec le squelette du peptide fixé
(indiqué en jaune) par une série de liaisons
hydrogène et d’interactions ioniques (indiquées
par des lignes pointillées bleues) à chaque
extrémité du peptide. Le bout aminoterminal
du peptide est à gauche, et le carboxyterminal
à droite. Les cercles noirs sont des atomes de
carbone, les rouges des atomes d’oxygène
et les bleus des atomes d’azote. Les résidus
qui forment ces liaisons dans la molécule du
CMH sont communs à toutes les molécules du
CMH de classe I et leurs chaînes latérales sont
indiquées en entier (en gris) sur le diagramme
en ruban représentant le sillon du CMH
de classe I. Un groupe de résidus tyrosine,
commun à toutes les molécules du CMH
de classe I, forme des ponts hydrogène avec le
bout aminoterminal du peptide lié, alors qu’un
second groupe de résidus forme des ponts
hydrogène et des interactions ioniques avec le
squelette du peptide au bout carboxyterminal
et avec l’extrémité carboxyterminale elle-
même.
130 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

+ – Ces interactions assurent à toutes les molécules du CMH de classe I une large spécifi-
H3N R G Y V Y Q Q L COO
cité de liaison peptidique. De plus, les molécules du CMH étant hautement polymor-
+ –
H3N S I I N F E K L COO
phes, il existe des centaines de versions différentes, ou allèles, des gènes du CMH de
H3N
+
A P G N Y P A L

COO classe I dans l’ensemble de la population, chaque individu n’en possédant qu’une
petite sélection. Les différences principales entre les variants alléliques du CMH se
H3N
+
T Y Q R T R A L V COO
– retrouvent sur certains sites du sillon de liaison au peptide. Le résultat est la présence
+ –
d’acides aminés différents dans les sites d’interaction avec les peptides selon la nature
H3N S Y F P E I T H I COO
des variants du CMH. En conséquence, chaque variant du CMH lie préférentielle-

H3N
+
K Y Q A V T T T L COO ment certains peptides particuliers. Ces peptides qui se lient à un variant donné du
H3N
+
S Y I P S A E K I COO
– CMH ont des résidus identiques ou très proches sur deux ou trois positions particu-
lières le long de la séquence peptidique. À ces positions, les chaînes latérales des aci-
des aminés s’insèrent dans des poches qui sont ménagées dans la molécule du CMH
Fig. 3.19 Les peptides se lient aux
et bordées par les résidus polymorphes. Les résidus auxquels ces chaînes latérales
molécules du CMH par des résidus
d’ancrage apparentés. Des peptides élués appartiennent sont appelés résidus d’ancrage. Leur position et leur identité peuvent
de deux molécules du CMH de classe I sont varier, dépendant du variant particulier du CMH de classe I impliqué. Pourtant, la
présentés dans les panneaux du haut et du plupart des peptides qui lient les molécules du CMH de classe I ont un résidu d’an-
bas. Les résidus d’ancrage (en vert) diffèrent
dans les peptides qui lient des allèles différents
crage hydrophobe (ou parfois basique) à leur extrémité carboxyterminale (Fig. 3. 19).
des molécules du CMH de classe I, mais ils Alors que la substitution d’un résidu d’ancrage empêchera dans la plupart des cas la
sont similaires dans tous les peptides qui se liaison du peptide, tout peptide synthétique de longueur adéquate qui contient ces
lient à la même molécule du CMH. Les résidus résidus d’ancrage ne se liera pas nécessairement à une molécule appropriée du CMH
d’ancrage qui lient une molécule du CMH
particulière ne doivent pas être identiques, de classe I. En effet, la liaison en général doit aussi dépendre de la nature des acides
mais sont toujours apparentés (par exemple aminés en d’autres positions dans le peptide. Dans certains cas, des acides aminés
la phénylalanine (F) et la tyrosine (Y) sont particuliers sont préférés dans certaines positions, tandis que dans d’autres la pré-
des acides aminés aromatiques, alors que la sence d’acides aminés particuliers empêche la liaison. Ces positions additionnelles
valine (V), la leucine (L) et l’isoleucine (I) sont
de grands acides aminés hydrophobes). Les d’acides aminés sont appelées « ancres secondaires ». Ces caractéristiques de liaison
peptides se lient aussi aux molécules du CMH du peptide permettent à une molécule du CMH de classe I individuelle de lier de
de classe I par leurs extrémités, aminée (bleu) nombreux peptides différents, tout en permettant à différents variants alléliques du
et carboxylée (rouge).
CMH de classe I de lier différents assortiments de peptides.

3-15 La longueur des peptides liés par les molécules du CMH de classe II
n’est pas imposée.

La liaison des peptides par les molécules du CMH de classe II a aussi été étudiée
par élution des peptides liés et par cristallographie aux rayons  X. Les modes de
liaison diffèrent sur plusieurs points de ceux qui sont décrits pour les molécules
de classe I. Les peptides qui lient les molécules de classe II contiennent au moins
13 acides aminés, et peuvent être bien plus longs. Les groupes de résidus conser-
vés qui lient les deux extrémités d’un peptide à la molécule du CMH de classe I
sont absents des molécules du CMH de classe II, les extrémités du peptide restant
libres. Au lieu de cela, le peptide s’allonge sur toute la longueur du sillon de liaison
de la molécule de classe II. Il y est maintenu par des acides aminés dont les chaî-
nes latérales s’enfoncent dans les poches plus ou moins profondes formées par les
résidus polymorphes, et par interaction entre le squelette du peptide et les chaînes
latérales des acides aminés conservés qui bordent le sillon de liaison au peptide
dans toutes les molécules du CMH de classe II (Fig. 3.20). Bien que moins d’étu-
des des structures cristallines aient été effectuées sur les complexes peptide:CMH
de classe II, les données disponibles montrent que les chaînes latérales des acide
aminés en position 1, 4, 6 et 9 du peptide lié au CMH de classe  II peuvent être
maintenues dans ces poches de liaison. En comparaison aux molécules du CMH
de classe I, les molécules du CMH de classe II acceptent une plus grande diversité
des chaînes latérales dans leurs poches de liaison. Identifier les résidus d’ancrage
et prédire quels sont les peptides qui seront capables de se lier à telle ou telle molé-
cule de classe II est donc plus difficile (Fig. 3.21). Néanmoins, en comparant des
séquences connues de peptides fixés, on peut détecter un profil d’acides aminés
pour chacun des différents allèles de classe II et modéliser ainsi comment les aci-
des aminés de ce motif de séquence peptidique interagiront avec les acides ami-
nés qui forment le sillon de liaison. Parce que le peptide est lié par son squelette
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 131

Fig. 3.20 Les peptides se fixent aux


molécules du CMH de classe II par
interaction tout le long du sillon de liaison.
Un peptide (jaune ; montrant uniquement
le squelette peptidique avec le bout
aminoterminal à gauche et le carboxyterminal
à droite) est lié à une molécule du CMH de
classe II par une série de ponts hydrogène
(lignes pointillées bleues) distribués tout au
long du peptide. À son extrémité aminée,
le peptide est uni par des ponts hydrogène
au squelette de la chaîne polypeptidique du
CMH de classe II, alors que les liaisons le
long du peptide sont établies avec les chaînes
latérales des résidus hautement conservés
dans les molécules du CMH de classe II. Les
chaînes latérales sont indiquées en gris sur le
diagramme en ruban représentant le sillon de
la molécule de classe II).

D G S T D Y G I L Q I N S R W

G S T D Y G I L Q I N S R W W C

Q A T N R N T D G S T D Y G I L Q I N S R W W C N D G R

I S N Q L T L D S N T K Y F H K L N

V D T F L E D V K N L Y H S E A

K P R A I V V D P V H G F M Y

K Q T I S P D Y R N M I

Y P D F I M D P K E K D K V

G P P K L D I R K E E K Q I M I D I F H

G F K A I R P D K K S N P I I R T V

I P D N L F L K S D G R I K Y T L N K N

V T T L N S D L K Y N A L D L T N

Fig. 3.21 La longueur des peptides qui lient les molécules du peuvent varier, et donc par convention, le premier résidu d’ancrage est
CMH de classe II varie et leurs résidus d’ancrage se situent à des noté comme le résidu 1. Notez que tous les peptides portent un résidu
distances variables des extrémités du peptide. Les séquences chargé négativement, acide aspartique (D) ou acide glutamique (E) en
d’une série de peptides qui se lient à l’allèle Ak du CMH de souris de position P4. Ils ont aussi tendance à avoir un résidu basique, lysine (K),
classe II sont indiquées dans le panneau du dessus. Tous contiennent arginine (R), histidine (H), glutamine (Q) ou asparagine (N) en position 6,
la même séquence en leur centre, mais diffèrent en longueur. Dans le et ils ont souvent un résidu hydrophobe, par exemple la tyrosine (Y), la
panneau du dessous, les différents peptides liés à l’allèle HLA-DR3 du leucine (L), la proline (P), la phénylalanine (F), en position P9.
CMH humain de classe II sont indiqués. Les longueurs de ces peptides
132 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

et peut dépasser les deux extrémités du sillon de liaison, il n’y a en principe pas de
limite supérieure dans la longueur des peptides qui peuvent se lier aux molécu-
les de classe II. Cependant, il apparaît que les longs peptides liés aux molécules de
classe II sont coupés par des peptidases et ramenés, dans la plupart des cas, à une
longueur de 13–17 acides aminés. Comme les molécules de classe I, les molécules
de classe II qui n’ont pas fixé de peptide, sont instables, mais les interactions cru-
ciales stabilisant le complexe peptide:CMH de classe II ne sont pas connues.

3-16 Les structures cristallines de plusieurs complexes


peptide:CMH:récepteur de cellule T montrent la même orientation
du récepteur T sur le complexe CMH:peptide.

Au moment où était publiée la première structure du récepteur de cellule T (TCR),



Cα obtenue par diffraction des rayons X, la structure du même récepteur lié à un com-
plexe peptide:CMH de classe  I était également décrite. Cette structure (Fig.  3.22),
qui avait été prédite sur base de mutagenèse dirigée de la molécule CMH de classe I,
montre que le TCR est aligné en diagonale sur le peptide et le sillon de liaison du pep-
tide. La chaîne α du TCR surplombe le domaine α2 et l’extrémité aminoterminale du
peptide lié, la chaîne β du TCR se situant au-dessus du domaine α1 et de l’extrémité
carboxyterminale du peptide. Les boucles CDR3 des TCRα et TCRβ se rejoignent au-
Vα Vβ dessus des acides aminés centraux du peptide. Le TCR s’insinue entre les deux points
culminants des hélices α, qui forment les parois du sillon de liaison au peptide.
L’analyse d’autres complexes peptide:CMH de classe  I:TCR et du complexe
peptide:CMH de classe II:TCR (Fig. 3.23) montre que tous ont une orientation très
similaire, particulièrement pour le domaine Vα, bien que quelques variantes puis-
sent apparaître dans la localisation et l’orientation du domaine Vβ. Le domaine Vα
est en contact surtout avec le bout aminoterminal du peptide, alors que le domaine
P8
Vβ interagit principalement avec le bout carboxyterminal du peptide. Les deux chaî-
P1 α1 nes interagissent aussi avec les hélices α de la molécule du CMH de classe I (voir
Fig. 3.22). Les contacts du TCR ne sont pas distribués symétriquement sur la molé-
α2
cule du CMH. Alors que les boucles CDR1 et CDR2 de Vα sont en contact étroit avec
les hélices du complexe peptide:CMH autour du bout aminoterminal du peptide
lié, les boucles CDR1 et CDR2 de la chaîne β qui interagissent avec le complexe au
bout carboxyterminal du peptide contribuent à la liaison de manière variable.
La comparaison de la structure tridimensionnelle du TCR à celle du même récep-
β2m teur complexé à son ligand peptide:CMH montre que la liaison induit un certain
changement de conformation, ce que l’on appelle une « adaptation induite » (indu-
α3
ced fit) particulièrement dans la boucle CDR3 de Vα. On a aussi montré que des
peptides légèrement différents peuvent avoir des effets étonnamment différents
sur la reconnaissance, par la même cellule  T, d’un ligand peptide:CMH ligand
a
identique sur d’autres points. La flexibilité de la boucle CDR3 démontrée par ces
deux structures contribue à expliquer comment le TCR peut adopter des confor-
mations qui peuvent reconnaître des ligands apparentés mais différents.

Vβ Fig. 3.22 Le récepteur des cellules T se lie de la surface du complexe peptide:CMH (le
au complexe peptide:CMH. Panneau a : le peptide est ombré en jaune vif). Le récepteur
HV4 récepteur des cellules T se lie au sommet du des cellules T s’étend diagonalement à
2β complexe peptide:CMH, enjambant, dans le travers le complexe peptide:CMH, avec les
cas de la molécule de classe I qui est montrée boucles CDR3 α et β du récepteur T (3α, 3β,
1α 3α ici, les hélices des domaines α1 et α2. Les CDR jaune et vert, respectivement) en contact
3β du récepteur des cellules T sont indiqués en avec le centre du peptide. Les boucles CDR1

Vα couleur ; les boucles CDR1 et CDR2 de la et CDR2 de la chaîne α (1α, 2α, violet vif et
2α chaîne β en bleu clair et foncé respectivement. foncé, respectivement) sont en contact avec
La boucle CDR3 de la chaîne α est en jaune les hélices du CMH au bout aminoterminal
alors que la boucle CDR3 de la chaîne β est du peptide lié, alors que les boucles CDR1 et
en vert. La boucle HV4 de la chaîne β est CDR2 de la chaîne β (1β, 2β, en bleu clair ou
en orange. Panneau b : le contour du site foncé respectivement) réalisent des contacts
b de liaison antigénique du récepteur T (ligne avec les hélices au bout carboxyterminal du
épaisse noire) est superposée au sommet peptide lié. Document d’I.A. Wilson.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 133

À partir de l’examen des structures disponibles, il est difficile de prédire si l’éner-


gie de liaison est due surtout aux contacts du récepteur des cellules T avec le pep-
tide lié, ou à ses contacts avec la molécule du CMH. Des mesures de la cinétique de
liaison du récepteur de cellule T aux ligands peptide:CMH suggèrent que les inte- Vα
ractions entre le récepteur de la cellule T et la molécule du CMH puissent prédo-
miner au début du contact, faisant prendre au récepteur la position correcte dans C

laquelle une seconde interaction plus complexe, avec le peptide ainsi qu’avec la
molécule du CMH détermine le sort final de l’interaction — liaison ou dissociation.
Comme dans les interactions anticorps–antigène, seuls quelques acides aminés α1
à l’interface peuvent établir les contacts essentiels qui déterminent la spécificité N β1
et la force de liaison. On sait que des modifications aussi simples que le change-
ment d’une leucine par une isoleucine dans le peptide sont suffisantes pour altérer
la réponse des cellules T qui, d’une forte cytotoxicité, peut aller jusqu’à l’absence
complète de réponse. On a montré que les mutations d’un seul résidu dans les α2
molécules de présentation du CMH pouvaient avoir le même effet. Ce qui mon-
tre bien que la spécificité de la reconnaissance des cellules T implique à la fois le
peptide et sa molécule de présentation du CMH. Cette double spécificité expli-
que la restriction du CMH dans les réponses des cellules  T, un phénomène qui β2
avait été observé bien avant que les propriétés de liaison des peptides des molé-
cules du CMH ne soient connues. Nous retracerons l’histoire de la découverte de
la restriction du CMH lorsque nous décrirons dans le Chapitre 5 comment le poly-
morphisme du CMH affecte la reconnaissance de l’antigène par les cellules T. Une
autre conséquence de cette double spécificité est la nécessité pour les récepteurs
des cellules T d’interagir de façon appropriée avec la surface de présentation anti- Fig. 3.23 Le récepteur des cellules T
génique des molécules du CMH. Or, vis-à-vis des molécules du CMH, il existe des interagit avec les molécules du CMH
de classe I et de classe II de manière
spécificités particulières codées par les gènes du récepteur des cellules T. Au cours
similaire. La structure du récepteur des
du développement des cellules T, un répertoire de récepteurs capables d’interagir cellules T liant une molécule du CMH de
de façon appropriée avec les molécules spécifiques du CMH de chaque individu classe II a été déterminée. Elle montre la
est sélectionné. Nous discuterons de ces observations au Chapitre 7. liaison du récepteur des cellules T à un site
équivalent, et dans une orientation semblable,
à celui auquel les TCR se lient quand ils
interagissent avec les molécules de classe I
3-17 Les protéines de surface, CD4 et CD8, des cellules T sont requises (voir Fig. 3.27). Ces molécules sont dessinées
pour répondre de manière adéquate à l’antigène. avec les chaînes α et β du CMH de classe II
en vert et orange respectivement. Seuls les
domaines Vα et Vβ du récepteur des cellules T
En plus de la liaison au ligand peptide:CMH par son récepteur d’antigène, les sont représentés ; ils sont colorés en bleu.
cellules  T établissent, avec la molécule du CMH, des liens supplémentaires qui Le peptide est coloré en rouge. Les résidus
stabilisent l’interaction, et qui sont nécessaires pour que la cellule T répondent glucidiques sont en gris. Le TCR s’assoit sur
efficacement à l’antigène. Les cellules T se répartissent en deux classes majeures une sorte de selle peu profonde formée entre
les régions α-hélicoïdales des chaînes α et β
exerçant des fonctions effectrices différentes. Les deux classes se distinguent par du CMH de classe II, à grossièrement 90° de
l’expression des protéines de surface cellulaire CD4 et CD8. CD8 est porté par les l’axe de la molécule du CMH de classe II et du
cellules  T cytotoxiques, tandis que CD4 l’est par des cellules  T dont la fonction peptide fixé. Document de E.L. Reinherz.
est l’activation d’autres cellules (voir la Section 1-19). CD4 et CD8 étaient connus
comme des marqueurs des différents types fonctionnels des cellules T avant qu’on
ne réalise qu’ils jouent un rôle essentiel dans la reconnaissance des différentes
classes de molécules du CMH ; CD8 reconnaît les molécules du CMH de classe I et
CD4 reconnaît les molécules du CMH de classe II. Au cours de la reconnaissance
de l’antigène, selon le type de cellule T, les molécules CD4 ou CD8, à la surface de
la cellule T, s’associant au récepteur antigénique, se fixent à une région invariable
de la molécule du CMH présentatrice du peptide, à distance du site de liaison du
peptide. Cette liaison est requise pour que les cellules T puissent développer une
réponse effectrice. C’est pourquoi on dit que CD4 et CD8 sont des corécepteurs.
CD4 est une molécule monocaténaire, composée de quatre domaines de type immu-
noglobuline (Fig. 3.24). Les deux premiers domaines (D1 et D2) de la molécule CD4
sont tassés l’un contre l’autre pour former une tige rigide de 60 Å de long, reliée par
une charnière flexible à une tige similaire formée par les troisième et quatrième
domaines (D3 et D4). Certaines observations suggèrent que CD4 forme, à la surface
de la cellule T, des homodimères qui interviennent dans la reconnaissance du CMH
de classe II, bien que la base structurale de leur formation soit encore incertaine.
134 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Fig. 3.24 Les structures des molécules


coréceptrices CD4 et CD8. La molécule CD4
CD4 contient quatre domaines de type
CD4
immunoglobuline, illustrés sous forme de
schéma dans le panneau a, le panneau b D1
montrant la représentation en ruban
de la structure cristalline. Le domaine CD8
aminoterminal, D1, a une structure semblable α β CD8
à celle d’un domaine V d’immunoglobuline. Le
deuxième domaine, D2, bien que clairement D2
apparenté à un domaine d’immunoglobuline,
diffère des domaines V et C et a été appelé
un domaine C2. Les deux premiers domaines
de CD4 forment une sorte de barre rigide liée
aux deux domaines carboxyterminaux par un D3
lien flexible. On pense que le site de liaison
aux molécules du CMH de classe II implique
surtout le domaine D1. La molécule CD8 est
un hétérodimère composé d’une chaîne α et D4
d’une β unies de manière covalente par un
pont disulfure ; une forme alternative de CD8
existe comme homodimère de chaînes α.
L’hétérodimère est illustré dans le panneau a,
tandis que la représentation en ruban dans
le panneau b est celle d’un homodimère. Les
chaînes CD8α et CD8β ont des structures
très semblables, chacune ayant un seul
domaine ressemblant à un domaine V d’une a b
immunoglobuline et un segment de chaîne
polypeptidique, qui aurait une conformation
relativement allongée et qui ancre le domaine CD4 se lie aux molécules du CMH par une région localisée principalement sur la
de type V à la membrane de la cellule. face latérale de son premier domaine, D1  ; il se lie à une crevasse hydrophobe for-
mée à la jonction des domaines α2 et β2 de la molécule du CMH de classe II. Cette
région est bien éloignée du site auquel le récepteur de cellule T se lie (Fig. 3.25a).
Ainsi, la molécule CD4 et le récepteur des cellules T peuvent lier le même complexe
peptide:CMH de classe II. La portion intracellulaire de CD4 interagit fortement avec
une tyrosine kinase cytoplasmique appelée Lck, qu’il rapproche des éléments qui
transmettent les signaux venant du complexe du récepteur des cellules T. Le signal
généré lorsque le récepteur de cellule T se lie à son ligand est ainsi fortement ampli-
fié, comme nous le verrons au Chapitre 6. Lorsque CD4 et le récepteur de cellule T
se lient simultanément au même complexe CMH de classe II:peptide, la cellule T est
près de cent fois plus sensible à l’antigène que lorsque CD4 est absent.
La structure de CD8 est tout à fait différente. C’est un hétérodimère consistant en
une chaîne α et une chaîne β reliées par un pont disulfure, chacune contenant un
domaine unique de type immunoglobuline relié à la membrane par une longue
chaîne polypeptidique (voir Fig 3.24). Ce segment est considérablement glycosylé,
ce qui maintiendrait ce polypeptide dans une conformation étendue et le proté-
gerait contre le clivage par des protéases. Les chaînes CD8α peuvent aussi former
des homodimères, bien que ceux-ci soient absents quand les chaînes CD8β sont
présentes. L’homodimère CD8α pourrait exercer une fonction spécifique dans la
reconnaissance d’un sous-groupe spécialisé de molécules de classe I du CMH non
classique que nous décrivons au Chapitre 5.
CD8 se lie faiblement à un site invariable dans le domaine α3 de la molécule du CMH
de classe I (Fig. 3.25b). Bien que seule l’interaction de l’homodimère CD8α avec le
CMH de classe I soit connue en détail, ceci montre que le site de liaison du CMH de
classe I à l’hétérodimère α:β CD8 est formé de l’interaction des chaînes CD8α et β.
De plus, CD8 (très probablement par la chaîne α) interagit avec des résidus situés à
la base du domaine α2 de la molécule du CMH de classe I. La force de liaison de CD8
à la molécule du CMH de classe I dépend de la glycosylation de la molécule CD8 ;
l’ajout de résidus d’acide sialique supplémentaires aux structures glucidiques de CD8
décroît la force de cette interaction. La densité de sialylation de CD8 change au cours
de la maturation des cellules T et au cours de leur activation ; il est donc probable que
ces changements contribuent à la modulation de la reconnaissance antigénique.
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 135

Fig. 3.25 Les sites de liaison de CD4


CMH de classe II CMH de classe I et CD8 sur les molécules du CMH de
classe II et classe I se trouvent dans les
domaines de type immunoglobuline.
Les sites de liaison pour CD4 et CD8 sur
les molécules du CMH de classe II et de
classe I se trouvent respectivement dans les
domaines de type immunoglobuline les plus
proches de la membrane et à distance du
sillon liant le peptide. La liaison de CD4 à la
molécule du CMH de classe II est montrée
en simulation graphique dans le panneau a
et schématiquement dans le panneau c. La
chaîne α de la molécule du CMH de classe II
est montrée en rose, et la chaîne β en
CD4 CD8 blanc, tandis que CD4 est en doré. Seuls les
a b domaines D1 et D2 de la molécule CD4 sont
visibles dans le panneau a. Le site de liaison
pour CD4 est situé à la base du domaine β2
d’une molécule du CMH de classe II, dans
la crevasse hydrophobe entre les domaines
β2 et α2. La liaison de CD8 à une molécule
du CMH de classe I est montrée dans le
panneau b et schématiquement dans le
panneau d. La chaîne lourde de classe I
et la β2-microglobuline sont montrées
respectivement en blanc et rose, et les deux
D4 CD4 CD8 chaînes du dimère CD8 sont montrées en
pourpre clair et foncé. La structure est en
réalité celle de la liaison de l’homodimère
CD8α, mais l’hétérodimère CD8α:β se lie,
D3 croit-on, de la même manière. Le site de
CMH de classe I liaison pour CD8 sur une molécule du CMH de
CMH de classe II classe I se trouve dans une position similaire
à celle de CD4 dans une molécule du CMH
de classe II, mais la liaison de CD8 implique
D2 α2 α1 aussi la base des domaines α1 et α2, et donc la
β1 α1 liaison de CD8 au CMH de classe I n’est pas
complètement équivalente à la liaison de CD4
β α au CMH de classe II.
D1 β2 α2 α3 β2-micro-
globuline

c d

En se liant aux domaines des molécules du CMH de classe I et de classe II proches


de la membrane, les corécepteurs laissent la partie supérieure de la molécule CMH
exposée et libre d’interagir avec le récepteur des cellules T, comme le montre pour
CD8 la Fig. 3.26. CD4 et CD8 interagissent avec Lck — dans le cas de l’hétérodimère
CD8α:β par la queue cytoplasmique de la chaîne α — et le rapproche du récepteur
des cellules T. Comme pour CD4, la présence de CD8 augmente d’environ 100 fois la
sensibilité des cellules T à l’antigène présenté par les molécules du CMH de classe I.
Ainsi, CD4 et CD8 exercent des fonctions similaires et se lient à des sites dont la loca-
lisation est équivalente dans les molécules du CMH de classe I et celles de classe II,
même si les structures des deux corécepteurs ne sont apparentées que d’assez loin.

3-18 Les deux classes de molécules du CMH sont exprimées


sur les cellules de manière différente.

Les molécules du CMH de classe I et de classe II ont une distribution cellulaire diffé-
rente. Ce qui reflète les fonctions effectrices différentes des cellules T qui les recon-
naissent (Fig.  3.27). Les molécules du CMH de classe  I présentent des peptides
136 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Fig. 3.27 CD8 se fixe au site des molécules est faiblement visible en arrière-plan) avec
du CMH de classe I distant de celui le récepteur des cellules T et avec CD8. Les
auquel se lie le récepteur des cellules T. chaînes α et β du récepteur T sont indiquées
Les positions respectives du récepteur des en rose et violet. La structure CD8 est celle
cellules T et de CD8 liés à la même molécule d’un homodimère CD8α, mais est colorée pour
du CMH de classe I sont visibles sur cette représenter l’orientation probable des sous-
reconstruction hypothétique de l’interaction de unités dans l’hétérodimère ; la sous-unité CD8α
la molécule du CMH de classe I (la chaîne α est en rouge et la sous-unité CD8β en bleu.
est en vert ; la β2-microglobuline en beige Cliché de G. Gao.

issus de pathogènes, généralement des virus, à des cellules T cytotoxiques, dont la


spécialité est de tuer les cellules qu’elles reconnaissent spécifiquement. Puisque
les virus peuvent infecter toute cellule nucléée, la plupart de celles-ci expriment
les molécules du CMH de classe I, bien que le degré d’expression constitutif varie
d’un type cellulaire à l’autre. Par exemple, les cellules du système immunitaire
expriment abondamment le CMH de classe I à leur surface, alors que les cellules
du foie (hépatocytes) expriment des taux relativement faibles (voir Fig. 3.27). Les
cellules non nucléées, comme les globules rouges mammaliens, expriment un peu
ou pas du tout le CMH de classe I, et donc l’intérieur des globules rouges est un
site dans lequel l’infection peut devenir indétectable pour les cellules T cytotoxi-
ques. Puisque les globules rouges ne peuvent pas supporter une réplication virale,
cela ne prête à conséquence en cas d’infection virale, mais cette absence de CMH
de classe I permet à l’espèce Plasmodium, qui cause le paludisme de vivre dans ce
site privilégié.
Par contre, la fonction principale des cellules  T CD4, après reconnaissance des
molécules du CMH de classe II, est d’activer d’autres cellules effectrices du système

Fig. 3.26 L’expression des molécules du


CMH diffère selon les tissus. Les molécules Tissu CMH de classe I CMH de classe II
du CMH de classe I sont exprimées sur
toutes les cellules nucléées ; toutefois, elles
sont surtout exprimées sur les cellules Tissus lymphoïdes
hématopoïétiques. Les molécules de classe II
sont normalement exprimées uniquement
sur une sous-population de cellules
Cellules T +++ +∗
hématopoïétiques et sur les cellules du
stroma thymique, bien qu’elles puissent être Cellules B +++ +++
exprimées sur d’autres types cellulaires après
stimulation par une cytokine de l’inflammation,
l’interféron-γ. Macrophages +++ ++
*Chez l’homme, les cellules T activées
expriment les molécules du CMH de classe II,
alors que chez la souris, toutes les cellules T Cellules dendritiques +++ +++
sont dépourvues de CMH de classe II.
† Dans le cerveau, la plupart des types
cellulaires n’expriment pas de CMH de Cellules épithéliales du thymus + +++
classe II, mais la microglie, qui est apparentée
aux macrophages, est porteuse de CMH de
classe II. Autres cellules nucléées

Neutrophiles +++ −

Hépatocytes + −

Rein + −

Cerveau + −†

Cellules non nucléées

Globules rouges − −
La reconnaissance de l’antigène par les cellules T 137

immunitaire. Les molécules du CMH de classe II sont donc normalement retrou- Récepteur de cellule T 𝛂:𝛃
vées sur les lymphocytes B, les cellules dendritiques et les macrophages — cellu-
les participant aux réponses immunitaires — mais pas sur les autres cellules (voir
Fig. 3.27). Quand les cellules T CD4 reconnaissent les peptides liés aux molécules V
du CMH de classe II sur les cellules B, elles les stimulent à produire des anticorps.
De la même façon, les cellules T CD4 reconnaissant les peptides liés aux molécu-
les du CMH de classe II sur les macrophages, activent ces cellules pour détruire
les pathogènes présents dans leurs vacuoles. Nous verrons au Chapitre 8 que les
molécules du CMH de classe II sont aussi exprimées sur les cellules spécialisées
présentatrices d’antigène dans les tissus lymphoïdes, où les cellules T naïves ren-
contrent l’antigène et sont activées pour la première fois. L’expression conjointe C
des molécules du CMH de classe I et II est régulée par les cytokines, en particu-
lier par les interférons libérés au cours des réponses immunes. L’interféron γ (IFN-
γ), par exemple, augmente l’expression des molécules du CMH de classe I et de a
classe II, et peut induire l’expression des molécules du CMH de classe II sur cer-
tains types cellulaires qui normalement ne les expriment pas. Les interférons favo- Récepteur de cellule T 𝛄:𝛅
risent aussi la fonction de présentation d’antigène par les molécules du CMH de
classe I en induisant l’expression de constituants clé de la machinerie intracellu-
laire qui permet aux peptides d’être chargés sur les molécules du CMH. V

3-19 Une sous-population distincte de cellules T porte un autre récepteur


constitué des chaînes γ et δ.

Au cours des recherches sur le gène de la chaîne α du récepteur des cellules T, un


C
autre gène proche du récepteur des cellules  T a été découvert inopinément. Ce
gène a été appelé TCRγ, et sa découverte a conduit à la recherche d’autres gènes
du récepteur des cellules T. On a identifié l’autre chaîne du récepteur, la chaîne δ,
au moyen d’un anticorps dirigé contre une séquence prédite de la chaîne γ. On a b
alors découvert rapidement que le récepteur d’une population minoritaire des cel-
lules T était constitué d’hétérodimères γ:δ au lieu des hétérodimères α:β. Le déve-
Fig. 3.28 Structure des récepteurs α:β
loppement de ces cellules est décrit dans les Sections 7-11 et 7-12. et γ:δ des cellules T. La structure des
récepteurs α:β et γ:δ des cellules T a été
La structure cristallographique du récepteur γ:δ des cellules T révèle que sa confor- établie par cristallographie aux rayons X.
mation, comme l’on s’y attendait, ressemble à celle du récepteur α:β (Fig. 3.28). Le Le panneau a montre le récepteur T α:β ;
récepteur γ:δ des cellules T est peut-être spécialisé dans la liaison de certains types la chaîne α est colorée en rouge et la
de ligands, incluant les protéines de choc thermique et des ligands non peptidi- chaîne β en bleu. Le panneau b montre le
récepteur γ:δ ; la chaîne γ est colorée en
ques comme des ligands phosphorylés ou des antigènes lipidiques mycobacté- pourpre et la chaîne δ en rose. Les deux
riens. Il semble probable que les récepteurs γ:δ ne sont pas restreints aux molécules récepteurs ont une structure très semblable,
classiques du CMH de classe I et II. Ils pourraient lier l’antigène libre comme le ressemblant quelque peu à celle d’un fragment
Fab d’une molécule d’immunoglobuline. La
font les immunoglobulines, et / ou les peptides ou d’autres antigènes présentés par
similitude du domaine Cδ avec un domaine
des molécules non classiques de type CMH. Il existe des protéines qui ressem- d’immunoglobuline est plus grande que celle
blent aux molécules du CMH, mais qui sont peu polymorphes ; elles sont décrites du domaine Cα correspondant du récepteur de
au Chapitre 5). Nous ne savons que peu de choses sur la manière dont les récep- cellule T α:β.
teurs γ:δ lient l’antigène, comment les cellules fonctionnent et quel est leur rôle
dans les réponses immunes. La structure et le réarrangement génique pour les
récepteurs T γ:δ sont décrits dans les Sections 4-11 et 7-12.

Résumé.

Le récepteur antigénique de la plupart des cellules T, le récepteur α:β, est composé


de deux chaînes protéiques, TCRα et TCRβ. Il ressemble par beaucoup d’aspects
au fragment unique Fab des immunoglobulines. Les récepteurs des cellules T sont
toujours membranaires. Les récepteurs α:β des cellules  T ne reconnaissent pas
l’antigène dans son état natif, comme le font les récepteurs des immunoglobulines
des cellules B, mais reconnaissent un ligand recomposé de l’antigène peptidique
lié à une molécule du CMH. Les molécules du CMH sont des glycoprotéines haute-
ment polymorphes codées par des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité
138 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

(CMH). Chaque molécule du CMH lie une grande diversité de peptides différents,
mais les différents variants reconnaissent chacun préférentiellement un groupe
de peptides avec des séquences particulières et des caractéristiques physiques.
L’antigène peptidique est généré dans la cellule, et se lie de façon stable dans le
sillon de liaison peptidique à la surface de la molécule du CMH. Il existe deux clas-
ses de molécules du CMH, et celles-ci peuvent se lier par leurs domaines non poly-
morphes aux molécules CD8 et CD4, qui distinguent deux classes fonctionnelles
différentes de cellules T α:β. CD8 lie les molécules du CMH de classe I, et peut le
faire alors même que le complexe peptide:CMH de même classe I est reconnu par
le récepteur des cellules  T. Il agit comme corécepteur amplifiant la réponse des
cellules T. CD4 lie les molécules du CMH de classe II et agit comme corécepteur
pour les récepteurs des cellules T qui reconnaissent les ligands peptide:CMH de
classe II. Les récepteurs des cellules T interagissent directement avec le peptide
antigénique et les parties polymorphes de la molécule du CMH qui l’expose, cette
double spécificité expliquant la restriction au CMH des réponses cellulaires T. Un
second type de récepteur T, composé d’une chaîne γ et δ, est structurellement sem-
blable au récepteur α:β des cellules T, mais semble lier différents ligands, y compris
des ligands non peptidiques. Il ne semble pas restreint par le CMH. Il a été retrouvé
sur une population minoritaire de cellules T, les cellules T γ:δ.

Résumé du Chapitre 3.

Les cellules  B et les cellules  T utilisent des molécules différentes mais structu-
rellement semblables pour reconnaître l’antigène. Les molécules de reconnais-
sance antigénique des cellules B sont les immunoglobulines qui servent à la fois
de récepteur antigénique lié à la membrane mais aussi d’anticorps sécrétés qui
lient l’antigène et déclenchent les activités effectrices humorales. Les molécules
de reconnaissance antigénique des cellules T sont par contre constituées unique-
ment par des récepteurs de surface cellulaire. Les immunoglobulines et les récep-
teurs des cellules T sont des molécules hautement variables, avec une variabilité
concentrée sur une partie de la molécule, la région variable (V), qui lie les anti-
gènes. Les immunoglobulines lient de nombreux antigènes chimiquement diffé-
rents, alors que le type principal α:β des récepteurs des cellules T ne reconnaît que
des fragments peptidiques de protéines étrangères liées à des molécules du CMH
ubiquitaires sur les surfaces cellulaires.
Les interactions de l’antigène avec les immunoglobulines ont été étudiées surtout
au moyen des formes solubles d’anticorps. Leur liaison à l’antigène est hautement
spécifique, et cette spécificité est déterminée par la configuration et les proprié-
tés physico-chimiques du site de liaison. La partie de l’anticorps qui déclenche
les fonctions effectrices, alors que la partie variable se lie à l’antigène, est appelée
région constante. Elle est localisée à l’autre extrémité des sites de liaison antigéni-
que. On distingue cinq classes fonctionnelles majeures d’anticorps, chacune codée
par des segments géniques différents. Comme nous le verrons dans le Chapitre 9,
ces régions constantes interagissent avec différents composants du système immu-
nitaire et déclenchent une réponse inflammatoire pour éliminer l’antigène.
Le récepteur des cellules T diffère des immunoglobulines des cellules B sur plu-
sieurs points. L’un est l’absence de forme sécrétée du récepteur. Cela reflète les
différences fonctionnelles entre les cellules T et B. Les cellules B reconnaissent les
pathogènes et leurs produits protéiques qui circulent dans l’organisme. La sécré-
tion par les cellules B activées par l’antigène d’une molécule soluble reconnaissant
cet antigène leur permet d’éliminer efficacement celui-ci des espaces extracellu-
laires. Les cellules T, elles, sont spécialisées dans les interactions intercellulaires.
Soit elles tuent les cellules infectées par des pathogènes intracellulaires et porteu-
ses de peptides antigéniques étrangers, soit elles interagissent avec les cellules du
système immunitaire qui ont capté des antigènes étrangers et les ont exposés à la
surface cellulaire. Elles n’ont donc pas besoin de sécréter un récepteur soluble.
Résumé du Chapitre 3 139

Une caractéristique propre supplémentaire du récepteur des cellules T comparé


aux immunoglobulines est qu’il reconnaît un ligand composé d’un peptide étran-
ger lié à une molécule du CMH. Ceci signifie que les cellules T ne peuvent intera-
gir qu’avec une cellule exposant l’antigène, et non avec le pathogène intact ou une
protéine. Chaque récepteur de cellules T est spécifique d’une combinaison parti-
culière d’un peptide et d’une molécule du CMH du soi.
Les molécules du CMH sont codées par une famille de gènes hautement poly-
morphes  ; bien que chaque individu en exprime plusieurs, ceci ne représente
seulement qu’une petite sélection de tous les variants possibles. Durant le déve-
loppement des cellules T, le répertoire du récepteur T est sélectionné pour que les
cellules T de chaque individu ne reconnaissent l’antigène que s’il est combiné avec
les molécules de son propre CMH. Grâce à l’expression de multiples variants des
molécules du CMH, chacun avec un répertoire de liaison peptidique différent, les
cellules T d’un individu sont capables de reconnaître au moins certains peptides
générés à partir de presque tous les pathogènes.

Questions

3.1 La superfamille des immunoglobulines est l’une des familles qui comptent le plus
grand nombre de protéines dont la structure est organisée en domaines. (a)
Quelles sont les caractéristiques d’un domaine d’immunoglobuline et par quoi
les différents sous-types de ces domaines diffèrent-ils ? (b) Quelles régions
du domaine d’immunoglobuline de type V contribuent aux régions déterminant
la complémentarité (CDR) et par quoi les domaines de type V et de type C des
immunoglobulines diffèrent-ils dans ces régions ?

3.2 Comment les anticorps, qui ont tous la même forme de base, reconnaissent-ils des
antigènes de nombreuses formes différentes ?

3.3 Les cellules T doivent exercer des fonctions effectrices appropriées pour lutter
contre des agents pathogènes intracellulaires, tandis que les cellules B sont
soumises à moins de contraintes. (a) Comment cela explique-t-il les propriétés
différentes de reconnaissance des récepteurs d’antigène des cellules B et T ?
(b) Décrivez les similitudes et les différences entre les récepteurs d’antigène
des cellules B et T. (c) Compte tenu de ces différences, quelle est la particularité
fonctionnelle essentielle qui distingue les cellules B et T ?

3.4 Il existe deux types de molécules du CMH : dites de classe I ou de classe II. (a) Quel
est le rôle des molécules du CMH dans l’activation des cellules T spécifiques de
l’antigène ? (b) Expliquez comment les régions liant le peptide dans les molécules
des classes I et II du CMH peuvent être si semblables, alors que l’une est codée par
un seul gène et l’autre est codée par deux gènes différents. (c) Si les régions liant
le peptide dans les classes I et II du CMH sont si semblables, comment les cellules T
peuvent-elles distinguer les antigènes présentés par des molécules de classe I et de
classe II du CMH ?
140 Chapitre 3 : La reconnaissance des antigènes par les récepteurs des cellules B et des cellules T

Références générales. 3-5 Les domaines d’une molécule d’immunoglobuline ont des
structures similaires.
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143

La génération des récepteurs


lymphocytaires d’antigène 4
Les récepteurs lymphocytaires d’antigène, sous la forme d’immunoglobulines de
surface sur les cellules B et de récepteurs T sur les cellules T, permettent aux lym-
phocytes de détecter la présence d’antigènes dans leur environnement. Comme
décrit au Chapitre  3, chaque lymphocyte produit des récepteurs avec une spé-
cificité antigénique unique, déterminée par la structure de son site de liaison à
l’antigène. Chaque individu possédant des milliards de lymphocytes, l’ensemble
de ces cellules le rend capable de réagir à de nombreux antigènes différents. La
vaste gamme de spécificités du répertoire des récepteurs d’antigène s’explique par
la variation de la séquence en acides aminés dans le site de liaison à l’antigène,
constitué par les régions variables (V) des chaînes protéiques du récepteur. Pour
chaque chaîne, la région V est liée à une région constante (C) invariable qui assure
les fonctions effectrices ou de signalisation.
Étant donné l’importance d’un répertoire diversifié de récepteurs des lymphocytes
dans la défense contre l’infection, il n’est pas surprenant qu’un mécanisme généti-
que complexe et élégant se soit développé pour produire ces protéines hautement
variables. Le génome dans sa totalité ne suffirait pas pour coder chaque variété de
chaîne de récepteur. En effet, ceci nécessiterait plus de gènes pour coder les récep-
teurs d’antigène qu’il n’existe de gènes au sein du génome. Nous verrons qu’au lieu
de cela les régions V des chaînes des récepteurs sont codées par plusieurs segments
géniques, qui sont assemblés dans le lymphocyte en développement par des recom-
binaisons somatiques de l’ADN pour former la séquence complète d’un gène de
région variable. Ce mécanisme porte le nom de réarrangement génique. Chaque
type de segment génique est présent en multiples copies dans la lignée germinale.
La sélection d’un segment génique de chaque type pendant le réarrangement s’ef-
fectue au hasard, et le grand nombre de combinaisons différentes possibles repré-
sente quasiment l’ensemble de la diversité du répertoire des récepteurs.
Dans la première partie de ce chapitre, nous décrivons les réarrangement géniques
intrachromosomiques qui génèrent le répertoire primaire des gènes des régions V
des immunoglobulines et des gènes des récepteurs de cellule T. Le mécanisme de
base est commun aux cellules B et T, et son développement fut probablement cri-
tique pour l’évolution du système immunitaire adaptatif des vertébrés. Les récep-
teurs d’antigène exprimés après ces réarrangements géniques primaires fournissent
le répertoire des diverses spécificités antigéniques des cellules B et T naïves.
Les immunoglobulines peuvent être synthétisées sous forme de récepteurs trans-
membranaires ou d’anticorps sécrétés, à la différence des récepteurs de cellules T,
qui n’existent que sous forme de récepteurs transmembranaires. Dans la deuxième
partie du chapitre, nous verrons comment s’effectue la transition entre la production
d’immunoglobulines transmembranaires par les cellules B activées et la production
d’anticorps sécrétés par les plasmocytes. Les régions C des anticorps exercent d’im-
portantes fonctions effectrices lors d’une réponse immunitaire, et nous examinerons
aussi brièvement les différents types de régions C des anticorps et leurs propriétés,
un sujet sur lequel nous reviendrons de manière plus détaillée au Chapitre 9.
144 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Dans la dernière partie du chapitre, nous examinons trois types de modifications


secondaires qui peuvent avoir lieu dans les gènes réarrangés des immunoglobu-
lines dans les cellules  B, mais qui ne se produisent pas dans les cellules  T. Tous
contribuent à élargir la diversité du répertoire des anticorps ce qui rend ces molé-
cules plus efficaces au fil du temps. L’un est un processus connu sous le nom d’hy-
permutation somatique ; il introduit des mutations ponctuelles dans les régions V
des gènes réarrangés d’immunoglobulines dans les cellules B activées, produisant
ainsi certains variants qui se lient plus fortement à l’antigène. Le deuxième est une
modification appelée conversion génique, qui dans certaines espèces a un rôle plus
significatif que la diversité combinatoire dans la diversification des régions V réar-
rangées au cours du développement des cellules B immatures. La troisième modifi-
cation est limitée, mais fonctionnellement importante ; l’expression séquentielle de
différentes régions C d’immunoglobulines dans les cellules B activées par un pro-
cessus appelé commutation de classe permet la production d’anticorps de même
spécificité antigénique, mais dotés de propriétés fonctionnelles différentes.

Le réarrangement primaire
des gènes d’immunoglobulines.
Pratiquement, toute substance peut être la cible d’une réponse à anticorps et, même
lorsque celle-ci est dirigée contre un seul épitope, elle comprend de nombreuses
molécules d’anticorps différents, chacun avec une spécificité légèrement distincte et
sa propre affinité ou force de liaison à l’épitope. La collection complète des spécifici-
tés anticorps disponibles chez un individu est appelée le répertoire d’anticorps, ou
répertoire des immunoglobulines et, chez l’homme, il est d’au moins 1011 molécu-
les différentes. Le nombre de spécificités des anticorps présents à un moment donné
dans l’organisme est cependant limité par le nombre total de cellules B chez l’indi-
vidu ainsi que par les rencontres antérieures de chaque individu avec les antigènes.
Avant qu’il fut possible d’examiner directement les gènes des immunoglobulines,
deux hypothèses principales étaient proposées pour expliquer l’origine de la diver-
sité. Pour la théorie germinale, il existait un gène distinct pour chaque chaîne dif-
férente d’immunoglobuline et le répertoire des anticorps était en grande partie
hérité. Par contre, pour les théories de diversification somatique, le répertoire
observé provenait d’un nombre limité de séquences de régions V héritées, mais
qui subissaient des modifications dans les cellules B durant l’existence de l’indi-
vidu. Le clonage des gènes qui codent les immunoglobulines révéla que des élé-
ments des deux théories étaient corrects et que la séquence d’ADN codant chaque
région V était générée par des réarrangements d’un nombre relativement petit de
segments géniques hérités. La diversité est encore accrue par le processus d’hy-
permutation somatique dans les cellules  B matures et activées. Ainsi, la théorie
somatique de la diversification se révéla exacte, mais le concept de gènes multi-
ples germinaux, exprimé dans la théorie germinale, s’est également avéré correct.

4-1 Les gènes d’immunoglobulines sont réarrangés dans les cellules


productrices d’anticorps.
Dans les cellules n’appartenant pas à la lignée lymphoïde, les segments de gènes
codant pour la plus grande partie de la région V des chaînes d’immunoglobulines se
situent à une distance considérable de la séquence codant la région C. Par contre, dans
les lymphocytes B matures, la séquence d’ADN qui code la région V se trouve beau-
coup plus proche de celle codant la région C en raison du réarrangement génique. Le
réarrangement des gènes d’immunoglobulines fut découvert il y a environ 30 ans lors-
que, pour la première fois, l’étude de l’organisation des gènes des immunoglobulines,
à la fois dans les cellules B et dans les cellules non lymphoïdes, fut rendue possible par
l’utilisation des enzymes de restriction. Dans cette technique, l’ADN chromosomique
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines 145

Fig. 4.1 Les gènes des immunoglobulines photographies de droite (ADN de cellules B)
sont réarrangés dans les cellules B. montrent les produits de digestion, par la
ADN ADN
Dans l’expérience originale de Hozumi et même enzyme de restriction, de l’ADN de germinal de cellules B
Tonegawa, les tailles des fragments d’ADN lymphocytes circulants d’un patient atteint fragment fragment fragment fragment
furent mesurées par hybridation de sondes d’une leucémie lymphoïde chronique (voir de région C de région V de région C de région V
radiomarquées avec les fragments de Chapitre 7), chez qui un clone particulier
restriction isolés des tranches de gel après de cellules B s’est fortement multiplié. Les
électrophorèse. Plus tard, la méthode de cellules B malignes expriment la région V, à
Southern, au cours de laquelle les fragments partir de laquelle on a obtenu la sonde pour
séparés par électrophorèse sont transférés sur la région V. En raison de la prédominance
une membrane de nitrocellulose, est devenue des cellules tumorales parmi la population
la technique de choix. Les deux photographies cellulaire, on ne voit qu’un seul réarrangement.
de gauche (ADN germinal) montrent les Sur cet ADN, les régions V et C se trouvent sur
produits obtenus après que l’ADN provenant de le même fragment, qui a une taille différente de
cellules non lymphoïdes d’un individu normal celle des fragments germinaux des régions C
a été digéré par une enzyme de restriction. ou V. Cette figure ne le montre pas, mais une
Les localisations des séquences d’ADN codant population de cellules B normales contient
les immunoglobulines sont identifiées par de nombreux gènes réarrangés différents, de
hybridation avec des sondes s’associant aux sorte que ceux-ci donnent une tâche diffuse de
régions V et C. Les régions V et C se situent fragments d’ADN de taille diverse, sans bande
sur des fragments d’ADN largement séparés nette. Clichés de S. Wagner et L. Luzatto.
dans les cellules non lymphoïdes. Les deux

est tout d’abord coupé par une enzyme de restriction. Les fragments d’ADN contenant
les séquences des régions V et C sont ensuite détectés par hybridation avec des son-
des d’ADN radiomarquées spécifiques des séquences d’ADN recherchées. Dans l’ADN
germinal des cellules non lymphoïdes, les séquences des régions V et C se trouvent sur
des fragments d’ADN séparés. Au contraire, dans l’ADN extrait d’une cellule B produc-
trice d’anticorps, les séquences des régions V et C se trouvent sur le même fragment, ce
qui prouve que l’ADN a été réarrangé. La Fig. 4.1 décrit une expérience typique.
Cette expérience simple démontrait que les segments d’ADN génomique dans les
gènes des immunoglobulines étaient réarrangés dans les cellules de la lignée B,
mais pas dans les autres cellules. Le mécanisme par lequel le réarrangement inter-
vient se nomme recombinaison somatique, à distinguer de la recombinaison
méiotique qui prend place lors de la production des gamètes.

4-2 Des gènes complets qui codent une région variable sont générés
par recombinaison somatique de segments géniques séparés.
La région variable (V), ou domaine V, d’une chaîne lourde ou légère d’immunoglo-
buline est codée par plus d’un segment génique. Pour la chaîne légère, le domaine V
est codé par deux segments séparés d’ADN. Le premier segment code les 95 à 101
premiers acides aminés, la plus grande partie du domaine variable, et s’appelle seg-
ment génique variable ou V. Le second segment code le reste du domaine variable
(jusqu’à 13 acides aminés) et est appelé segment génique de jonction ou J.
La Fig. 4.2 décrit les réarrangements qui conduisent à la production d’un gène complet
de chaîne légère d’immunoglobuline (panneau du milieu). La jonction d’un segment
génique V et d’un segment génique J forme un exon continu qui code pour la totalité de
la région variable de la chaîne légère. Dans l’ADN non réarrangé, les segments géniques
V sont relativement éloignés des segments géniques codant la région constante (C). Les
segments géniques J sont, au contraire, proches de ceux qui codent la région C, et la
jonction d’un segment V à un segment J rapproche donc aussi le gène V de la séquence
de la région C. Le segment génique J de la région variable réarrangée est séparé de la
séquence de la région C par un unique intron. Dans l’expérience de la Fig. 4.1, le frag-
ment d’ADN germinal identifié par la sonde de la région V contient le segment géni-
que V, et celui qui est identifié par la sonde de la région C comporte en fait le segment
génique J et la séquence de la région C. Pour aboutir à l’ARN messager complet d’une
chaîne légère d’immunoglobulines, l’exon de la région variable est relié à la séquence
de la région C par épissage de l’ARN après sa transcription (voir Fig. 4.2).
Une région variable de chaîne lourde est codée par trois segments géniques. En plus
des segments géniques V et J (annotés VH et JH pour les différencier de VL et JL pour
146 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Chaîne légère Chaîne lourde

C
L V J C L V D J
ADN germinal

Recombinaison
somatique C
L V DJ
ADN réarrangé
ADN

jonction D-J

Recombinaison
somatique C
L V J C L V DJ
ADN réarrangé
jonction V-J ou V-DJ

Transcription
C
L V J C L V DJ
ARN
transcrit primaire AAA AAA
ARN

Épissage
L V DJ C
L V J C
ARNm
AAA AAA

Traduction
VL CL CH3
C H2
Chaîne polypeptidique
Protéine

VH C H1

Fig. 4.2 Les gènes des régions V sont construits à partir de V et entre J et C. Les régions V des chaînes lourdes sont construites à
segments géniques. Les gènes des régions variables des chaînes partir de trois segments géniques (panneau de droite). Tout d’abord, les
légères sont construits à partir de deux segments (panneau du milieu). segments géniques de diversité (D) et J sont réunis, puis le segment
Un segment génique variable (V) et un segment de jonction (J) de génique V s’ajoute à la séquence combinée DJ, ce qui forme un exon
l’ADN génomique s’associent pour former un exon complet de région V VH complet. Un gène de région constante de chaîne lourde est codé
de chaîne légère. Les chaînes d’immunoglobulines sont des protéines par plusieurs exons. Les exons de région C ainsi que de la séquence
extracellulaires et le segment génique V est précédé par un exon signal sont associés à la séquence du domaine V au cours de l’épissage
codant le peptide signal (L, leader), qui oriente la protéine vers les voies de l’ARN transcrit du gène de chaîne lourde. La séquence signal est
sécrétrices de la cellule et est ensuite clivé. La région constante de la éliminée après la traduction et les ponts disulfure qui lient les chaînes
chaîne légère est codée par un exon séparé puis rattaché à l’exon de la polypeptidiques sont formés. La région charnière est en violet. La région
région variable par épissage de l’ARN, qui élimine les introns entre L et charnière est colorée en pourpre.

une chaîne légère), on trouve un troisième segment appelé segment génique de


diversité ou DH, qui se situe entre les segments de gènes VH et JH. La Fig. 4.2 (schéma
de droite) montre le mécanisme de recombinaison qui produit une région variable
de chaîne lourde complète et qui se déroule en deux étapes distinctes. Dans la pre-
mière, un segment DH est relié à un segment JH. Ensuite, un segment VH se réarrange
avec le segment DJH pour former l’exon complet codant la région VH. Comme pour
les chaînes légères, l’épissage de l’ARN permet de joindre la séquence assemblée
codant la région variable au gène voisin de la région constante.

4-3 De multiples segments géniques V contigus sont présents


dans chaque locus d’immunoglobuline.

Pour simplifier, nous avons décrit la formation d’une séquence complète de région
variable d’immunoglobulines en considérant jusqu’ici qu’il n’existait qu’une seule
copie de chaque segment génique. En fait, il existe de nombreuses copies de tous
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines 147

les segments géniques dans l’ADN germinal. La sélection au hasard d’un seul seg- Nombre de segments géniques fonctionnels dans
ment génique de chaque type pour construire une région V rend possible la grande les locus des immunoglobulines chez l’homme
diversité des régions V parmi les immunoglobulines. La Fig. 4.3 reprend le nombre
de segments géniques fonctionnels de chaque type dans le génome humain, déter- Chaînes Chaîne
légères lourde
miné par clonage et séquençage. Tous les segments géniques découverts ne sont Segment
pas fonctionnels, une certaine proportion de gènes ont accumulé des mutations κ λ H
qui les empêchent de coder une protéine fonctionnelle. On les appelle « pseudo-
gènes ». Puisque l’ADN germinal contient beaucoup de segments géniques V, D Variable (V) 40 30 40
et J, aucun n’est essentiel. Ceci diminue la pression évolutive exercée sur chaque
segment génique pour qu’il reste intact, ce qui explique le nombre relativement Diversité (D) 0 0 25
important de pseudogènes. Étant donné que certains de ces pseudogènes peu-
vent subir un réarrangement tout comme un segment génique normal fonction-
nel, une proportion significative de réarrangements incorporent un pseudogène et Jonction (J) 5 4 6
sont ainsi non fonctionnels.
Nous avons vu dans la Section  3-1 qu’il existait trois assortiments de chaînes Fig. 4.3 Nombres de segments géniques
fonctionnels pour les régions V des
d’immunoglobuline, les chaînes lourdes et les deux types équivalents de chaînes
chaînes lourdes et légères. On a obtenu ces
légères, les chaînes κ et λ. Les segments géniques des immunoglobulines codant données grâce au clonage et au séquençage
chacune de ces chaînes sont organisés selon trois ensembles ou locus génétiques : exhaustif de l’ADN d’un individu, en excluant
les locus de κ, de λ et des chaînes lourdes. Ils se situent sur différents chromosomes tous les pseudogènes (versions mutées et
non fonctionnelles d’une séquence génique).
et l’organisation de chacun diffère légèrement, comme le montre la Fig. 4.4 pour En raison du polymorphisme génétique, les
l’espèce humaine. Au locus de la chaîne légère λ, localisé sur le chromosome 22, un nombres varient d’une personne à l’autre.
groupe de segments géniques Vλ est suivi par quatre segments géniques Jλ , chacun
lié à un gène Cλ. Dans le locus de la chaîne légère κ, sur le chromosome 2, le groupe
de segments géniques Vκ est suivi par un ensemble de segments géniques Jκ puis
par un unique gène Cκ. L’organisation du locus de la chaîne lourde, sur le chro-
mosome 14, ressemble à celle du locus κ, avec des groupes séparés de segments
géniques VH, DH et JH et des gènes CH. Le locus de la chaîne lourde se distingue par
un point important : à la place d’une région C unique, il comporte une série de
régions C disposées l’une après l’autre et correspondant chacune à un isotype dif-
férent. Les cellules B commencent par exprimer les isotypes de chaîne lourde µ et
δ. L’expression des autres isotypes, par exemple γ, qui donne l’IgG, se produit lors
de la commutation de classe, que nous décrirons dans la Section 4-20.

Locus de la chaîne légère 𝛌


L1 V λ 1 L2 V λ 2 L Vλ~30 Jλ 1 Cλ1 J λ2 C λ2 J λ4 Cλ 4

Locus de la chaîne légère 𝛋


L1 V κ 1 L 2 Vκ 2 L3 Vκ 3 L Vκ ~40 J κ 1– 5 Cκ

Locus de la chaîne lourde


L1 V H1 L2 VH 2 L3 VH 3 LH VH ~40 D H1–25 J H 1–6 Cm

Fig. 4.4 Organisation germinale des locus des chaînes lourdes d’environ 25 segments DH situés entre les segments géniques VH
et légères d’immunoglobulines dans le génome humain. Le locus et six segments géniques JH. Le locus de la chaîne lourde contient
génétique pour la chaîne légère λ (chromosome 22) comporte environ également un groupe important de gènes CH décrits dans la Fig. 4.17.
30 segments géniques Vλ fonctionnels et quatre paires de segments Pour simplifier, nous n’avons montré sur ce schéma qu’un seul gène CH
de gènes Jλ fonctionnels et de gènes Cλ. Le locus κ (chromosome 2) sans représenter les exons distincts, nous avons omis les pseudogènes
est organisé de la même façon, avec environ 40 segments géniques Vκ et nous avons présenté tous les segments géniques V dans la même
fonctionnels accompagnés par un groupe de cinq segments géniques Jκ orientation. L (Leader ), séquence signal. Ce schéma n’est pas à l’échelle ;
et un unique gène Cκ. Chez à peu près 50 % des individus, le groupe la longueur totale du locus de la chaîne lourde dépasse 2 mégabases
des segments géniques Vκ s’est dupliqué (ce qui, pour simplification, (2 millions de bases), tandis que certains segments géniques D ne font
n’est pas montré ici). Le locus de la chaîne lourde (chromosome 14) que 6 bases de long.
comprend environ 40 segments géniques VH fonctionnels, un groupe
148 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Les segments géniques V humains peuvent être regroupés en familles dans lesquel-
les chaque membre partage, avec les autres membres de la même famille, au moins
80 % d’identité dans leur séquence d’ADN. Les segments géniques V des chaînes
lourdes et légères κ sont subdivisés ainsi en sept familles alors qu’il en existe huit
pour les segments géniques Vλ. Les familles peuvent être regroupées en clans au
sein desquelles elles sont plus semblables entre elles qu’elles ne le sont avec les
familles des autres clans. Les segments géniques  VH humains forment ainsi trois
clans. Tous les segments géniques VH identifiés chez les amphibiens, les reptiles et
les mammifères se groupent à l’intérieur de trois clans semblables, ce qui suggère
que ces clans existaient chez un ancêtre commun à ces groupes d’animaux moder-
nes. Ainsi, les segments géniques V que nous voyons aujourd’hui proviennent d’une
série de duplications et de diversifications géniques au cours de l’évolution.

4-4 Le réarrangement des segments géniques V, D et J est guidé


par des séquences d’ADN adjacentes.

Pour qu’une chaîne complète d’immunoglobuline ou de récepteur de cellule T soit


exprimée, le réarrangement de l’ADN doit se faire aux endroits corrects par rapport
aux régions codantes des segments géniques V, D ou J. De plus, les jonctions doivent
être régulées de telle façon qu’un segment génique V se joigne à un D ou un J et non
pas à un autre V. Les réarrangements d’ADN sont en fait guidés par des séquences
d’ADN non codantes et conservées qui sont adjacentes aux points de recombinaison
et sont appelées séquences signal de recombinaison (SSR). Ces séquences sont
constituées d’un bloc conservé de sept nucléotides — l’heptamère 5´CACAGTG 3´
— toujours contigu à la séquence codante et suivi d’une région non conservée
nommée espaceur, longue de 12 ou 23 paires de bases (pb). Celle-ci est prolon-
gée à son tour par un second bloc conservé de neuf nucléotides — le nonamère
5´ACAAAAACC3´ (Fig. 4.5). L’espaceur a une séquence variable, mais ses longueurs
conservées correspondent à un (12 pb) ou deux tours (23 pb) de la double hélice
d’ADN. Ceci permet aux séquences hepta et nonamériques de se retrouver du même
côté de l’hélice d’ADN, où elles peuvent interagir avec le complexe protéique qui
catalyse la recombinaison. Le motif séquenciel heptamère-espaceur-nonamère ou
SSR est toujours adjacent à la séquence codante des segments géniques V, D ou J. La
recombinaison se déroule normalement entre deux segments géniques localisés sur
le même chromosome. Un segment génique flanqué d’un SSR avec un espaceur de
12 pb peut typiquement n’être joint qu’à un autre segment flanqué d’un SSR avec un
espaceur de 23 pb. Il s’agit de la règle 12 / 23. Ainsi, pour la chaîne lourde, la recom-
binaison ne peut associer qu’un segment génique DH à un segment génique JH et un
segment génique VH à un segment génique DH, vu que les segments géniques VH et JH
sont flanqués par des espaceurs de 23 paires de bases, alors que les segments géni-
Fig. 4.5 Les séquences signal de ques DH ont des espaceurs de 12 paires de bases des deux côtés (voir Fig. 4.5).
recombinaison sont des séquences
heptamériques et nonamériques
conservées qui flanquent les segments Séquence signal de recombinaison (SSR) avec Séquence signal de recombinaison (SSR)
espaceur de 23 paires de base avec espaceur de 12 paires de base
géniques codant les régions V, D et J des
immunoglobulines. Les séquences signal
de recombinaison (SSR) sont composées
CACAGTG ACAAAAACC GGTTTTTGT CACTGTG
d’un heptamère (CACAGTG) et d’un heptamère 23 nonamère nonamère 12 heptamère
nonamère (ACAAAAACC) qui sont séparés GTGTCAC TGTTTTTGG CCAAAAACA GTGACAC
soit par 12 pb ou environ 23 pb. Le motif
heptamère- espaceur de 12-pb -nonamère
est représenté ici comme une tête de flèche chaîne 𝛌
pourpre. La jonction de segments géniques Vλ 23 12 Jλ
implique presque toujours une SSR de 12
et 23 pb ; c’est la règle 12   /   23. Le schéma RSS RSS
montre le réarrangement des SSR dans les chaîne 𝛋
segments géniques V (rouge), D (vert) et J Vκ 12 23 Jκ
(jaune) des chaînes lourdes et légères (λ et κ)
d’immunoglobulines. Notez que selon la règle
12   /   23, le réarrangement des SSR dans les
chaîne 𝚮
VH 23 12 DH 12 23 JH
segments géniques des chaînes lourdes
prévient une jonction directe de V avec J.
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines 149

Fig. 4.6 Les segments géniques des


Vn Ln J régions V sont joints par recombinaison.
Lors de chaque événement de recombinaison
23 23 23 12 des régions V, les séquences signal de
L1 V1 L2 V2 recombinaison (SSR) qui flanquent les
segments géniques se rapprochent l’un de
l’autre pour permettre la recombinaison. Les
SSR avec espaceur de 12 pb sont en orange
et les SSR avec un espaceur de 23 pb sont en
L1 V1 violet. Pour raison de simplification, ce schéma
ne représente que la recombinaison d’un gène
de chaîne légère ; pour le gène de chaîne
lourde, deux événements recombinatoires
L2 sont nécessaires pour générer une région V
fonctionnelle. Dans la plupart des cas, les deux
V2 Vn V2 segments en cours de réarrangement (les
L2 Ln segments géniques V et J dans cet exemple)
ont la même orientation transcriptionnelle
dans le chromosome (panneaux de gauche),
et la juxtaposition des SSR aboutit à la
formation d’une boucle d’ADN intermédiaire. La
J J recombinaison se produit aux extrémités des
V1 Vn
séquences heptamériques, créant un signal
L1 Ln dit de jonction qui libère l’ADN intermédiaire
sous forme d’ anneau. Il s’ensuit la jonction des
segments géniques V et J et la formation de la
jonction codante dans l’ADN chromosomique.
Dans certains cas, illustrés dans les panneaux
éliminé L1 V1 de droite, les segments géniques V et J sont
orientés dans des directions transcriptionnelles
opposées. Réunir les SSR dans ce cas exige
la formation plus complexe d’une boucle
L2 d’ADN. La jonction des extrémités des deux
heptamères aboutit cette fois à l’inversion
V2 Vn V2 et l’intégration de l’ADN intermédiaire dans
L2 Ln une nouvelle position sur le chromosome. De
nouveau, la jonction des segments V et J crée
un exon fonctionnel de région V.
signal de jonction

direction de la transcription direction de la transcription

L1 V1 J Ln Vn J
jonction codante inverti

Rappelez-vous de la Section 3-6 où il était dit que la région liant l’antigène dans une
immunoglobuline est formée de trois régions hypervariables. Les deux premières
régions hypervariables, CDR1 et CDR2, sont codées par le segment génique V lui-
même. La troisième région hypervariable, CDR3, est codée par une séquence addi-
tionnelle d’ADN qui est créée par la jonction des segments géniques V et J pour la
chaîne légère, et les segments géniques V, D et J pour la chaîne lourde. Une diver-
sité supplémentaire du répertoire des anticorps peut résulter de la génération de
régions CDR3 régions qui semblent résulter de la jonction de deux segments géni-
ques D. Bien que rare, un telle jonction D-D semble violer la règle 12 / 23, et l’on
ignore comment ces réarrangements peu fréquents sont générés. Chez l’homme,
la jonction D-D se retrouve dans environ 5 % des anticorps. C’est le mécanisme
principal par lequel des boucles CDR3 particulièrement longues seraient formées
dans certaines chaînes lourdes.
Le mécanisme de réarrangement de l’ADN est semblable pour les locus des chaî-
nes lourdes et légères. Toutefois, une seule opération de jonction est nécessaire pour
construire un gène de chaîne légère tandis qu’il en faut deux pour aboutir à un gène
complet de chaîne lourde. Lorsque les deux segments géniques ont la même orien-
tation dans l’ADN, le réarrangement implique la formation de boucles et la délétion
de l’ADN entre les deux (Fig. 4.6, panneaux de gauche), mais si les segments géniques
ont des orientations transcriptionnelles opposées, l’ADN intermédiaire subit un sort
150 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

différent (Fig. 4.6, panneaux de droite). Dans ce dernier cas, l’ADN intermédiaire est
retenu dans le chromosome dans une orientation inversée. Ce mode de recombinai-
son est moins courant, mais est tout de même responsable d’environ la moitié des
jonctions Vκ à Jκ chez l’homme car l’orientation de la moitié des segments géniques Vκ
est inversée par rapport à celle des segments géniques Jκ.

4-5 La réaction qui recombine des segments géniques V, D et J requiert


des enzymes spécifiques des lymphocytes
et des enzymes ubiquitaires modificateurs de l’ADN.

La Fig.  4.7 illustre le mécanisme moléculaire de réarrangement de la région V, ou


recombinaison V(D)J. Les deux SSR se rejoignent à la suite d’interactions entre pro-
téines qui reconnaissent spécifiquement la longueur de l’espaceur et qui appliquent
ainsi la règle 12 / 23 de recombinaison. La molécule d’ADN est alors clivée en deux
endroits et reconstituée dans une autre configuration. Les extrémités des séquen-
ces heptamériques sont jointes en tête-à-tête de manière précise pour former le
joint signal ; lorsque les segments sont en orientation directe, le joint de signalisation
est un morceau d’ADN circulaire extrachromosomique (voir Fig.  4.6, panneaux de
gauche), que le génome perd quand la cellule se divise. Les segments géniques V et J,
qui restent sur le chromosome, s’assemblent pour former le joint codant. Dans le cas
du réarrangement par inversion (voir Fig 4.6, panneaux de droite), le joint signal est
retenu dans le chromosome, et la région de l’ADN entre le segment génique V et la
SSR du segment génique J est inversée pour former la jonction codante. Comme nous
le verrons plus tard, la jonction au joint codant est imprécise et génère par consé-
quent une variabilité supplémentaire au sein de la séquence de la région V.
Le complexe enzymatique qui contribue à la recombinaison somatique V(D)
J est appelé recombinase V(D)J. Ses composants propres à la lignée lymphoïde
sont appelés RAG-1 et RAG-2 et sont codés par deux gènes, RAG-1 et RAG-2
(Recombination-Activating Genes). Cette paire de gènes s’exprime uniquement
dans les lymphocytes en développement lorsqu’ils sont engagés dans l’assem-
blage de leurs récepteurs d’antigène, ce qui sera décrit plus en détail au Chapitre 7,
ces enzymes étant indispensables à la recombinaison V(D)J. En effet, quand elles
sont exprimées ensemble, elles suffisent pour conférer aux cellules non lymphoï-
des, comme des fibroblastes, la capacité de réarranger des segments d’ADN exo-
gène contenant les SSR appropriées. C’est ainsi que les enzymes RAG-1 et RAG-2
furent découvertes.
Les autres protéines dans le complexe de la recombinase sont des agents modi-
ficateurs de l’ADN, distribués de façon ubiquitaire dans l’organisme. Ces protéi-
nes sont impliquées dans la réparation de l’ADN double brin et la modification des
extrémités des brins d’ADN rompus. L’une est Ku, un hétérodimère (Ku70:Ku80)
qui forme un anneau autour de l’ADN et s’associe étroitement à une sous-unité
catalytique d’une protéine kinase, ADN-PKcs, pour former la protéine kinase
dépendant de l’ADN (ADN-PK). Une autre est la nucléase Artemis. Les extrémi-
tés de l’ADN sont finalement jointes par l’enzyme ADN ligase IV, qui forme un
complexe avec la protéine réparatrice de l’ADN, XRCC4.
La recombinaison V(D)J est un processus enzymatique à plusieurs étapes. La pre-
mière réaction est un clivage endonucléolytique nécessitant l’activité coordonnée
des deux protéines RAG. Au début, deux complexes protéiques RAG, contenant
chacun RAG-1, RAG-2 et un groupe de protéines HMG (High-Mobility Group chro-
matin proteins) reconnaissent et alignent les deux SSR qui orientent la réaction
de clivage (voir Fig. 4.7). RAG-1 semble reconnaître spécifiquement le nonamère
de la SSR. À ce stade, la règle 12 / 23 est établie par des mécanismes encore mal
connus. L’activité endonucléasique des complexes protéiques RAG, due croit-on
à RAG-1, effectue alors deux coupures simple brin dans l’ADN aux sites 5’ de cha-
que SSR réunie, laissant libre un groupement OH en 3’ au bout de chaque segment
codant. Le groupement 3’-OH hydrolyse le pont phosphodiester sur l’autre brin,
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines 151

Fig. 4.7 Les étapes enzymatiques du


Configuration germinale réarrangement V(D)J dépendant de RAG.
Les segments géniques contenant des
séquences signal de recombinaison (SSR)
(triangles) commencent à être réarrangés
V 23 12 J
lorsque RAG-1 et RAG-2 (bleu et pourpre)
ainsi que les protéines HMG (High Mobility
Group) (non montrées) se lient à une des
SSR flanquant les séquences codantes afin
RAG1:2 lie SSR Synapse des complexes RAG Clivage des SSR qu’elle se rejoignent (deuxième rangée).
Après la liaison des complexes RAG aux deux
SSR, on présume qu’une synapse s’établit
par juxtaposition des deux complexes. à
l’étape du clivage, le complexe, doté d’activité
RAG1/2 endonucléasique, commence par couper
une liaison une liaison phosphodiester du squelette
covalente entre d’ADN et crée ainsi un groupe 3-hydroxyle
les deux brins de manière précise entre le segment codant
d’ADN forme une et sa séquence SSR. Ce groupe 3-OH réagit
épingle à cheveux
alors avec une liaison phosphodiester sur
le brin d’ADN opposé, ce qui génère une
extrémité franche 5-phosphorylée du côté
de la séquence heptamérique de la SSR et
une épingle à cheveux à l’extrémité codante.
Ensuite, ces deux extrémités sont traitées de
Joints codants Joints signal manière légèrement différente. Aux extrémités
des séquences codantes (panneaux de
Ku70:Ku80 se lie aux bouts d’ADN Ku70:Ku80 se lie aux bouts d’ADN gauche), des protéines essentielles, comme
Ku70:Ku80 (vert), se lient aux épingles à
cheveux. Le complexe ADN-PK:Artemis
Ku70:80 (pourpre) rejoint Ku70:Ku80 et, par son activité
endonucléasique, ouvre l’épingle à cheveux
de l’ADN dans un site aléatoire pour fournir un
Ku70:80 bout aligné ou une extrémité constituée d’un
simple brin étendu d’ADN (selon le site exact
Bouts francs du clivage de l’épingle à cheveux). Ce bout
5´ phosphorylés d’ADN est alors modifié par la TdT (rose) et des
activités exonucléasiques, qui créent au hasard
divers bouts imprécis (La Fig. 4.8 illustre ce
ADN-PK:Artémis ouvre l’épingle à cheveux processus de manière plus détaillée). Les
bouts sont finalement ligaturés par l’ADN ligase
IV (turquoise) associée à XRCC4 (vert). Aux
Artémis extrémités des séquences signal (panneaux de
ADN-PK droite), les deux bouts francs 5 phosphorylés
des heptamères sont liés à Ku70:Ku80, mais
ne sont pas modifiés davantage. Un complexe
d’ADN ligase IV:XRCC4 réunit les deux
extrémités des séquences signal de manière
précise et forme ainsi le joint signal.

La Tdt apprête les bouts d’ADN L’ADN ligase IV:XRCC4 ligature les bouts d’ADN

Terminal désoxynucléotidyl transférase (TdT)

ADN ligase:XRCC4

ADN ligase:XRCC4 ligature les bouts d’ADN Joint signal précis

ADN ligase:XRCC4
152 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

créant une «  épingle à cheveux  » à l’extrémité de la région codante du segment


génique et une cassure alignée (flush break) du double brin d’ADN aux extrémités
des deux séquences heptamériques. Cependant, les extrémités d’ADN ne flottent
pas librement, elles sont maintenues ensemble par Ku et sont jointes de manière
précise par un complexe d’ADN ligase IV et de XRCC4 pour former le joint signal.
Les extrémités de l’ADN avec les épingles à cheveux sont maintenues ensemble
par Ku, qui recrute la sous-unité ADN-PKcs ainsi qu’Artémis, qui est phosphorylée
par ADN-PK. Ainsi activée, Artémis ouvre les épingles à cheveux de l’ADN par cou-
pure d’un seul brin, clivage qui peut survenir à différents points le long de l’épin-
gle à cheveux, ce qui entraîne une variabilité dans la séquence du joint final. Les
enzymes de réparation de l’ADN dans le complexe modifient les épingles à che-
veux ouvertes en enlevant des nucléotides, alors qu’en même temps, l’enzyme
propre aux lymphocytes, la désoxynucléotidyl transférase (TdT), qui fait aussi
partie du complexe de la recombinase, ajoute des nucléotides de manière aléa-
toire aux extrémités simple brin. L’addition et l’élimination de nucléotides peuvent
survenir dans n’importe quel ordre et l’un ne précède pas nécessairement l’autre.
Finalement, l’ADN ligase IV joint les extrémités apprêtées reconstituant ainsi un
chromosome qui comprend le gène réarrangé. Ce processus de réparation crée
de la diversité à la jonction entre les segments géniques, tout en assurant que les
extrémités des SSR soient ligaturées sans modification et qu’un dommage généti-
que non intentionné comme une rupture chromosomique soit évité.
Le mécanisme de recombinaison contrôlé par les protéines RAG partage beaucoup
de caractéristiques intéressantes avec celui par lequel les intégrases des rétrovirus
catalysent l’insertion d’ADN rétroviral dans le génome, et également avec le méca-
nisme de transposition utilisé par les transposons (éléments génétiques mobiles
codant leur propre transposase, qui leur permet de s’exciser ou de s’insérer dans le
génome). La structure des gènes RAG eux-mêmes, qui sont proches sur le chromo-
some et ne comportent pas d’introns pourtant habituels chez les mammifères, rap-
pelle celle d’un transposon. En effet, il a été récemment démontré que le complexe
RAG pouvait agir comme une transposase in vitro. Ces caractéristiques fondent
Syndrome d’Omenn l’hypothèse que le complexe RAG dériverait d’une transposase qui se serait adaptée
aux vertébrés pour permettre la recombinaison des segments géniques V, et ainsi
aurait conduit à l’élaboration du système immunitaire acquis chez les vertébrés ; ce
sujet sera discuté au Chapitre 16. Le fait qu’aucun gène homologue des gènes RAG
n’ait été retrouvé chez des invertébrés conforte cette hypothèse.
Les rôles in vivo des enzymes impliquées dans la recombinaison V(D)J ont été éta-
blis grâce aux mutations naturelles ou induites artificiellement. Des souris ne pos-
sédant pas la TdT ne peuvent additionner des nucléotides au niveau des jonctions
entre les segments géniques. Des souris, chez qui les gènes RAG sont soit inac-
tivés (knockout) ou les souris qui sont déficientes en ADN-PKcs, Ku ou Artemis
ont un blocage complet du développement lymphocytaire au stade du réarran-
gement génique ou ne produisent qu’en petit nombre de cellules  B et T. On dit
qu’elles sont atteintes d’un déficit immunitaire combiné sévère ou DICS (SCID,
Severe Combined Immune Deficiency). La mutation dics (scid en anglais) originale
fut découverte un peu avant que les composants du processus de recombinaison
ne soient identifiés ; on a trouvé ensuite que la mutation concernait l’ADN-PKcs.
Conformément au rôle que l’on prêtait à cette enzyme, on a trouvé que les souris
dépourvues d’une ADN-PK fonctionnelle ont des défauts dans les joints codants,
mais pas dans la formation du joint signal. Les souris déficientes en ADN-PKcs, Ku
ou Artémis ne peuvent réparer les cassures double brin en général et sont très sen-
sibles aux radiations ionisantes, qui produisent ce type de cassure. Chez l’homme,
des mutations de RAG1 or RAG2, qui réduisent l’activité de la recombinase V(D)J
sont responsables d’une maladie héréditaire appelée syndrome d’Omenn, carac-
térisée par l’absence de cellules B circulantes et une infiltration cutanée par des
lymphocytes T oligoclonaux activés. Une déficience d’Artémis chez l’homme pro-
duit une immunodéficience combinée des cellules B et T qui est associée à une
radiosensibilité accrue et est appelée RS-DICS ou RS-SCID.
Le réarrangement primaire des gènes d’immunoglobulines 153

4-6 La diversité du répertoire des immunoglobulines est générée


par quatre processus principaux.

Le réarrangement génique qui combine des segments géniques pour former un


exon complet de région V peut générer la diversité de deux façons. Premièrement,
il existe de multiples copies de chaque type de segment génique et différentes com-
binaisons de ces segments peuvent être utilisées dans différents réarrangements.
Cette diversité combinatoire est à l’origine d’une part importante de la diversité
des régions V. Deuxièmement, la diversité jonctionnelle est introduite dans les
jonctions entre les différents segments géniques ; elle résulte de l’addition et de
la soustraction de nucléotides lors du processus de recombinaison. Un troisième
mécanisme de diversité, également combinatoire, provient des différentes asso-
ciations possibles des régions V des chaînes lourdes et légères pour former le site
de liaison à l’antigène dans la molécule d’immunoglobuline. Les deux processus
de diversité combinatoire peuvent, à eux seuls, générer en théorie environ 1,9 × 106
molécules d’anticorps différentes (voir la Section 4-7), et avec la diversité jonction-
nelle, on estime que le répertoire de récepteurs exprimés par les cellules B naïves
atteint 1011 récepteurs différents. Pour finir, l’hypermutation somatique, que nous
décrivons plus loin dans ce chapitre, introduit des mutations ponctuelles dans les
gènes réarrangés de régions V des cellules B activées, ce qui crée une diversité sup-
plémentaire qui peut servir à augmenter la force de liaison à l’antigène.

4-7 Les multiples segments géniques hérités entrent dans différentes


combinaisons.

Il existe de multiples copies des segments géniques V, D et J, chacune étant capa-


ble de contribuer à former une région variable d’immunoglobuline. La sélection
des différentes combinaisons de segments géniques aboutit donc à de nombreu-
ses régions V différentes. En ce qui concerne les chaînes légères κ humaines, il y
a environ 40 segments géniques Vκ fonctionnels et cinq Jκ, et donc 200 régions Vκ
potentielles. Pour les chaînes légères λ, on trouve à peu près 30  segments géni-
ques Vλ fonctionnels et quatre Jλ, soit 120 régions Vλ possibles. Ainsi en tout, 320
chaînes légères différentes peuvent être obtenues en combinant les différents seg-
ments géniques de chaînes légères. Pour les chaînes lourdes chez l’homme, il
existe 40 segments géniques VH fonctionnels, environ 25 DH, et 6 JH, et donc 6 000
régions VH différentes possibles (40 × 25 × 6 = 6 000). Pendant le développement
des lymphocytes B, le réarrangement du locus du gène de chaîne lourde est suivi
par plusieurs cycles de division cellulaire avant que le réarrangement du gène de
chaîne légère n’ait lieu, avec en conséquence l’appariement de la même chaîne
lourde avec diverses chaînes légères dans différentes cellules. Puisque les régions
V des chaînes lourdes et légères contribuent à la spécificité de l’anticorps, chacune
des 320 chaînes légères différentes peut s’associer à chacune des 6 000 chaînes
lourdes pour donner environ 1,9 × 106 spécificités anticorps différentes.
Cette estimation théorique de la diversité combinatoire se base sur le nombre de
segments géniques V germinaux contribuant à la formation d’anticorps fonction-
nels (voir Fig. 4.3). Le nombre total de régions V est plus important, mais les seg-
ments géniques supplémentaires sont des pseudogènes et n’apparaissent pas dans
les molécules d’immunoglobulines exprimées. En pratique, la diversité combina-
toire est probablement inférieure à ce que les calculs théoriques ci-dessus pour-
raient laisser croire. En effet, tous les segments géniques V ne sont pas utilisés avec
la même fréquence. Certains sont présents fréquemment dans les anticorps, alors
que d’autres sont retrouvés rarement. Il est également évident que toute chaîne
lourde ne peut s’apparier avec toute chaîne légère. En effet, certaines associations
de régions VH et VL ne forment pas une molécule d’immunoglobuline stable. Les
cellules qui portent des chaînes lourdes et légères qui ne s’apparient pas peuvent
continuer réarranger le gène de chaîne légère jusqu’à la production d’une chaîne
légère appropriée, ou elles seront éliminées. Néanmoins, on pense que la plupart
154 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

des chaînes lourdes et légères sont capables de s’apparier, et que ce type de diver-
Les SSR sont juxtaposées
sité combinatoire joue un rôle majeur dans la formation d’un répertoire d’immu-
noglobulines avec une vaste gamme de spécificités.
T C C A C A G T G
D
A G G T G T C A C

C A C T G T G T A
J
4-8 L’addition et la soustraction variables de nucléotides aux jonctions
G T G A C A C A T
entre segments géniques contribuent à la diversité de la troisième
région hypervariable.
Le complexe RAG génère des épingles
à cheveux aux bouts codants de l’ADN Parmi les trois boucles hypervariables des chaînes protéiques des immunoglo-
bulines, deux sont codées par l’ADN des segments géniques  V. L’ADN codant la
T C T A
troisième (HV3 ou CDR3, voir Fig.  3.6) se situe à la jonction entre les segments
D J géniques V et J, et, dans la chaîne lourde, le segment génique D code partiellement
A G A T
cette région. Dans les chaînes lourdes et légères, la diversité de CDR3 est significa-
tivement augmentée par l’addition et la soustraction de nucléotides lors de deux
Le complexe Artémis:ADN-PK ouvre l’épingle àcheveux étapes dans la formation des jonctions entre les segments géniques. Les nucléoti-
et génère ainsi des nucléotides P palindromiques des ajoutés sont appelés nucléotides P et nucléotides N. La Fig. 4.8 illustre le méca-
nisme de leur addition.
T C G A
D Les nucléotides P sont ainsi nommés car ils composent des séquences palindro-
J miques qui s’ajoutent aux extrémités des segments géniques. Comme décrit dans
A T A T
la Section 4-5, les protéines RAG génèrent les épingles à cheveux aux extrémités
codantes des segments V, D ou J, après quoi Artémis catalyse un clivage d’un sim-
Additions de nucléotides N par la TdT ple brin d’ADN au hasard dans la séquence codante, mais en un point proche du
site d’origine de formation de l’épingle. Lorsque le clivage se produit en un point
différent de celui de la cassure initiale induite par le complexe RAG1 / 2, une queue
T C G A C T C A
D simple brin se forme à partir de quelques nucléotides de la séquence codante plus
J les nucléotides complémentaires de l’autre brin d’ADN (voir Fig. 4.8). Dans la plu-
T A G C G A T A T
part des réarrangements de gènes de chaîne légère, les enzymes de réparation de
l’ADN ajoutent ensuite des nucléotides complémentaires à ces queues monoca-
Appariement des brins ténaires, ce qui laisserait de courtes séquences palindromiques (les nucléotides
P) au joint si les extrémités étaient jointes en absence d’activité exonucléasique
T C G A C T C A éventuelle.
D J
A G C G A T A T
T Chez l’homme, au cours des réarrangements des gènes de chaînes lourdes et de
certains gènes de chaînes légères, les nucléotides N sont ajoutés, avant la jonc-
tion des extrémités, par un mécanisme tout à fait différent. Les nucléotides N
Les nucléotides non appariés sont éliminés
par une exonucléase sont ainsi nommés parce qu’ils ne reproduisent pas un motif déterminé à partir
d’une matrice (Non-templated). Ils sont ajoutés par l’enzyme TdT aux extrémités
T C G A C T C
D J
A G C G A T A T

Fig. 4.8 L’introduction de nucléotides P (Palindrome). Par exemple, la séquence GA à


et N diversifie les joints entre segments l’extrémité du segment D est complémentaire
Les vides sont comblés par synthèse et ligature géniques pendant le réarrangement des de la séquence précédente TC. Là où l’enzyme
d’ADN et le joint codant est ainsi formé gènes d’immunoglobulines. Ce processus désoxynucléotidyl transférase terminale (TdT)
est illustré par un réarrangement de DH à JH est présente, des nucléotides sont ajoutés de
(premier panneau) ; il se déroule de la même manière aléatoire aux extrémités des segments
T C G A C T C G C T A T A
D J manière lors des réarrangements entre VH d’ADN monocaténaire (quatrième panneau) ;
A G C T G A G C G A T A T et DH et entre VL et JL. Après formation des ces nucléotides, surlignés en bleu, sont
épingles à cheveux (deuxième panneau), les ajoutés en absence de matrice d’ADN et
P N P
deux séquences heptamériques sont ligaturées sont appelés nucléotides N (Non-templated).
pour former le joint signal (non représenté), Ensuite, les deux extrémités monocaténaires
tandis que le complexe Artémis:ADN-PK s’apparient (cinquième panneau). L’excision par
clive l’épingle à cheveux dans des sites l’exonucléase des nucléotides non appariés
aléatoires (indiqués par des flèches) et génère et la réparation du joint codant par synthèse
une extrémité d’ADN simple brin (troisième d’ADN et ligature (panneau du bas) laissent
panneau). Selon le site de clivage, cet ADN les nucléotides P et N présents dans le joint
monocaténaire peut contenir des nucléotides codant final (surlignés en bleu). Le caractère
qui, à l’origine, étaient complémentaires dans aléatoire de l’insertion de nucléotides P
l’ADN bicaténaire et qui forment ainsi de et N permet à une région originale P-N de
courtes séquences palindromiques, comme servir de marqueur utile pour le suivi d’un
TCGA et ATAT, surlignées en bleu. De telles clone particulier de cellules B lors de son
séquences de nucléotides provenant du brin développement, par exemple pour les études
complémentaire s’appellent nucléotides P de l’hypermutation somatique (voir Fig. 4.25).
Réarrangement génique du récepteur de cellule T 155

monocaténaires de l’ADN codant, après clivage de l’épingle à cheveux. Après addi-


tion de 20 nucléotides au plus par cette enzyme, les deux extensions monocaténai-
res aux bouts des segments géniques s’apparient sur une courte séquence. Ensuite,
les enzymes de réparation éliminent toute base non appariée, synthétisent des
bases complémentaires pour compléter l’ADN monocaténaire restant et ligaturent
le nouvel ADN avec la région palindromique (voir Fig. 4.8). Au cours du dévelop-
pement des cellules B, la TdT est exprimée surtout durant l’assemblage du gène de
chaîne lourde ; aussi, des nucléotides N sont fréquents dans les jonctions V-D et
D-J. Les nucléotides N le sont moins dans les gènes de chaîne légère, qui se réar-
rangent après les gènes des chaînes lourdes (voir Chapitre 7).
Des nucléotides peuvent aussi être éliminés aux jonctions de segments géniques
par des exonucléases non encore identifiées. Ainsi, la région CDR3 d’une chaîne
lourde peut même être plus courte que le plus petit segment D. Dans certains cas, il
est difficile, voire impossible, de reconnaître le segment D qui a participé à la forma-
tion de CDR3 à cause de l’excision de la plupart des nucléotides qui le composaient.
Des délétions peuvent également effacer les traces des palindromes de nucléoti-
des P introduits au moment de l’ouverture de l’épingle à cheveux. Pour cette raison,
beaucoup de jonctions V(D)J complètes ne montrent pas clairement la présence
de nucléotides P. Comme le nombre de nucléotides ajoutés par ce mécanisme est
aléatoire, leur addition perturbe souvent le cadre de lecture de la séquence codante
au-delà de la jonction. De tels déphasages risquent donc de ne pas aboutir à la pro-
duction de protéines fonctionnelles, ce sont des réarrangements non productifs.
Environ deux réarrangements sur trois sont non productifs  ; aussi, de nombreu-
ses cellules B ne parviennent jamais à produire des molécules d’immunoglobulines
fonctionnelles, et la diversité jonctionnelle n’est atteinte qu’au prix d’un gaspillage
cellulaire considérable. Nous en discuterons davantage au Chapitre 7.

Résumé.

La diversité extraordinaire du répertoire des immunoglobulines est obtenue de


plusieurs façons. Le mécanisme probablement le plus important permettant cette
diversité est la recombinaison somatique V(D)J par laquelle des segments géniques
séparés, V, D et J, se rejoignent pour produire un gène complet de région V. De nom-
breux segments géniques différents sont présents dans le génome d’un individu et
fournissent ainsi une base héréditaire de diversité mise à profit par le mécanisme
combinatoire. Des recombinases uniques propres aux lymphocytes, les protéines
RAG, sont indispensables pour catalyser ces réarrangements ; l’évolution des pro-
téines RAG a coïncidé avec l’apparition du système immunitaire adaptatif des verté-
brés modernes. Une part substantielle de la diversité fonctionnelle provient aussi du
processus de jonction lui-même. La variabilité aux jonctions entre segments géni-
ques est générée par l’insertion aléatoire de plusieurs nucléotides P et N et par la
délétion variable de nucléotides aux extrémités de certains segments. L’association
de différentes régions V de chaînes lourdes et légères pour former le site de liaison à
l’antigène d’une molécule d’immunoglobuline contribue également à la diversité.
La combinaison de toutes ces sources de diversité génère un vaste répertoire pri-
maire de spécificités d’anticorps. Des changements additionnels dans les régions V
réarrangées introduits par hypermutation somatique (décrits plus tard dans ce cha-
pitre) élargissent encore la diversité de ce répertoire primaire.

Réarrangement génique du récepteur de cellule T.


Le mécanisme par lequel les récepteurs d’antigène de la cellule B sont générés est
un tel moyen puissant de créer de la diversité qu’il n’est pas étonnant que les récep-
teurs d’antigène des cellules T ressemblent non seulement aux immunoglobulines
par leur structure mais aussi par le mécanisme qui crée leur diversité. Dans cette
156 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Fig. 4.9 Organisation germinale des


locus α et β du récepteur des cellules T Locus de la chaîne α
humaines. L’arrangement des segments
géniques ressemble à celui des gènes LVα × 70 – 80 Jα × 61 C
d’immunoglobulines, avec séparation des
segments de variabilité (V), de diversité (D),
de jonction (J) et des gènes constants (C).
Le locus du TCRα (chromosome 14) consiste
en 70-80 segments géniquesVα, chacun
précédé par un exon codant pour la séquence
signal (L). On ignore encore combien de ces
Locus de la chaîne β
segments géniques Vα sont fonctionnels.
L Vβ × 52 Dβ1 Jβ1 × 6 Cβ1 Dβ2 Jβ2 × 7 Cβ2
Un ensemble de 61 segments géniques Jα
est situé à une distance considérable des
segments géniques Vα. Les segments
géniques Jα sont suivis par un segment
génique C unique, qui contient des exons
séparés pour les domaines constants et de
charnière et un simple exon codant les régions
transmembranaires et cytoplasmiques (non partie du chapitre, nous décrivons l’organisation des locus du récepteur de la cel-
montré). Le locus TCRβ (chromosome 7) est lule T et la formation des gènes de chaque chaîne du récepteur de cellule T.
organisé différemment, avec un ensemble de
52 gènes Vβ fonctionnels localisés à distance
de deux ensembles séparés, chacun contenant
un seul segment génique D, avec 6 ou 7
4-9 Les segments géniques des récepteurs de cellule T sont disposés
segments géniques J et un gène C unique. de la même manière que les segments géniques
Chaque gène C du TCRβ a des exons séparés des immunoglobulines et sont réarrangés par les mêmes enzymes.
codant pour le domaine constant, la charnière,
la région transmembranaire et la région
cytoplasmique (non montré). Le locus du TCRα Comme les chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines, chaque chaîne α et β
est interrompu entre les segments géniques V du récepteur de cellule T est constituée d’une région aminoterminale variable (V)
et J par un autre locus du récepteur de la et d’une région (C) constante (voir la Section  3-10). La Fig.  4.9 montre l’organi-
cellule T – le locus TCRδ (non montré ici ;
voir Fig. 4.14). sation des locus du TCRα et du TCRβ  ; cette disposition des segments géniques
ressemble largement à celle des segments géniques d’immunoglobulines (voir les
Sections 4-2 et 4-3). Le locus du TCRα, comme celui des chaînes légères d’immuno-
globulines, contient des segments géniques V et J (Vα et Jα). Le locus TCRβ, comme
celui des chaînes lourdes d’immunoglobulines, contient des segments géni-
ques D, en plus des segments géniques Vβ et Jβ. Les segments géniques du récep-
teur de cellule T se réarrangent durant le développement pour former les exons du
domaine V complet (Fig. 4.10). Les réarrangements de gène du récepteur de cel-
lule T prennent place dans le thymus ; l’ordre et la régulation du réarrangement
seront décrits en détail au Chapitre 7. Les mécanismes de réarrangement génique
sont cependant essentiellement semblables pour les cellules B et T. Les segments
géniques du récepteur de cellule T sont flanqués de séquences signal de recombi-
naison (SSR), avec des espaceurs de 12 pb et 23 pb ; ces SSR sont homologues de
celles qui flanquent les segments géniques des immunoglobulines (Fig. 4.11, voir
la Section 4.4) et sont reconnues par les mêmes enzymes. Les cercles d’ADN résul-
tant des réarrangements géniques (voir Fig. 4.6) sont appelés « cercles d’excision
du récepteur de cellule T » (TREC, T-cell Receptor Excision Circles) et sont utilisés
comme marqueurs des cellules T qui ont émigré récemment du thymus. Tous les
déficits connus contrôlant la recombinaison V(D)J touchent à la fois les cellules T
et les cellules B ; les animaux atteints sont privés des deux types de lymphocytes
(voir la Section 4-5). Une autre caractéristique commune au récepteur de cellule T
et aux immunoglobulines est la présence de nucléotides P et N à la jonction entre
les segments V, D et J du gène TCRβ réarrangé. Dans les cellules T, les nucléoti-
des P et N sont aussi ajoutés entre tous les segments V et J de tous les gènes du
TCRα réarrangés, alors que seulement la moitié des jonctions des gènes des chaî-
nes légères d’immunoglobulines est modifiée par l’addition de nucléotides  N et
reste aussi souvent sans nucléotides P (Fig. 4.12, voir Section 4-8).
Les différences principales entre les gènes d’immunoglobulines et ceux qui codent
les récepteurs de cellule T sont liées au fait que toutes les fonctions effectrices des
cellules B dépendent d’anticorps sécrétés, dont les différents isotypes des régions
C des chaînes lourdes déclenchent des mécanismes effecteurs distincts. Les fonc-
tions effectrices des cellules T, au contraire, dépendent des contacts intercellulaires
Réarrangement génique du récepteur de cellule T 157

Fig. 4.10 Réarrangement et expression


Vα n Vα2 Vα1 Jα Cα des gènes des chaînes α et β du récepteur
de cellule T. Les gènes des chaînes α et β
ADN germinal α
du TCR sont composés de segments joints
par recombinaison somatique durant le
recombinaison développement de la cellule T. Les gènes
Vα1 J α Cα fonctionnels des chaînes α et β sont générés
de la même manière que les gènes complets
ADN réarrangé α d’immunoglobulines. Pour la chaîne α
(partie supérieure de la figure), un segment
transcription génique Vα se réarrange avec un segment
épissage génique Jα pour créer un exon fonctionnel
traduction de région V. La transcription et l’épissage de
l’exon VJα au Cα génère l’ARNm qui est traduit
protéine α pour produire la protéine de la chaîne α du
(récepteur T) récepteur de la cellule T. Pour la chaîne β
β (partie basse de la figure), comme pour la
transcription chaîne lourde des immunoglobulines, le
domaine variable est codé en trois segments
épissage
géniques, Vβ, Dβ, et Jβ. Les réarrangements de
traduction
ces segments géniques génèrent un exon de
V β1 D β1 J β C β1 région V fonctionnelle VDJβ qui est transcrit
ADN réarrangé β et épissé pour se joindre au Cβ ; l’ARNm
obtenu est traduit pour produire la chaîne β du
récepteur de la cellule T. Les chaînes α et β
recombinaison
s’apparient rapidement après leur synthèse
Vβn V β1 Dβ1 Jβ C β1 Dβ 2 Jβ Cβ2 pour fournir l’hétérodimère α:β du récepteur de
ADN germinal β cellule T. Les segments des gènes J ne sont
pas tous montrés, et les séquences signal
précédant chaque segment génique V sont
omises par simplicité.
et ne sont pas exercées directement par le récepteur de la cellule T, qui sert seule-
ment à la reconnaissance des antigènes. Ainsi, les régions C des locus de TCRα et
TCRβ sont beaucoup plus simples que celles du locus des chaînes lourdes d’im-
munoglobuline. Il y a seulement un gène Cα et, quoiqu’il y ait deux gènes Cβ, ils
sont très homologues et il n’y a aucune différence fonctionnelle connue entre leurs
produits. Les gènes des régions C du récepteur de cellule T codent seulement des
polypeptides transmembranaires.

4-10 Les récepteurs des cellules T concentrent leur diversité


dans la troisième région hypervariable.

La structure tridimensionnelle d’un site de reconnaissance d’antigène d’un récep-


teur de cellule T ressemble fort à une molécule d’anticorps (voir les Sections 3-11
et 3-7, respectivement). Dans un anticorps, le centre du site de liaison à l’antigène
est formé par les CDR3 des chaînes lourdes et légères. Leurs équivalents structu-
raux, c’est-à-dire les troisièmes boucles hypervariables (CDR3) des chaînes α et β
des récepteurs des cellules T, auxquelles des segments géniques D et J contribuent,
Fig. 4.11 Des séquences signal de
forment aussi le centre du site de liaison à l’antigène d’un récepteur de cellule T ; la recombinaison flanquent les segments
périphérie du site est formée par les boucles CDR1 et CDR2 des chaînes α et β, ces géniques du récepteur de cellule T. Comme
dans les locus des immunoglobulines
(voir Fig. 4.5), les segments géniques
individuels des locus de TCRα et TCRβ
sont flanqués par des séquences signal
de recombinaison heptamère–espaceur–
Vβ 23 12 Dβ 23 12 Jβ
nonamère (SSR). Les motifs SSR contenant
Cellules T αβ RSS un espaceur de 12-pb sont représentés par
des pointes de flèche en orange, et ceux qui
Vα 23 12 Jα contiennent un espaceur de 23-pb sont en
pourpre. Une jonction de segments géniques
2 suit presque toujours la règle 12   /   23. En raison
de la disposition des SSR dans les locus de
Vδ 23 12 Dδ 23 12 Jδ TCRβ et TCRδ, une jonction directe Vβ à Jβ
est en principe permise par la règle 12   /   23 (ce
Cellules T γδ
qui est impossible pour le gène de la chaîne
Vγ 23 12 Jγ lourde d’immunoglobuline), bien que ceci
survienne très rarement car d’autres types de
règles interfèrent.
158 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Fig. 4.12 Nombre de segments géniques


du récepteur de cellule T et origines de Immunoglobuline Récepteurs 𝛂:𝛃
la diversité du récepteur de la cellule T ; Élément
comparaison avec les immunoglobulines.
H 𝛋+𝛌 𝛃 𝛂
Notez qu’environ la moitié seulement des
chaînes humaines κ contient des nucléotides
N. L’hypermutation somatique en tant que
Segments variables (V) 40 70 52 ~70
mécanisme de diversité des immunoglobulines
n’est pas incluse dans la figure car elle ne
survient pas dans les cellules T. Segments de diversité (D) 25 0 2 0

Trois modes de lecture des segments D rarement – souvent –

Segments de jonction (J) 6 5(κ) 4(λ) 13 61

Joints avec nucléotides N et P 2 50 % des joints 2 1

Nombre de paires de gènes V 1,9 × 106 5,8 × 106

Diversité jonctionnelle ~3 × 107 ~2 × 1011

Diversité totale ~5 × 1013 ~1018

boucles étant codées par des segments géniques V de lignée germinale. L’étendue
et le profil de variabilité des récepteurs de cellule T et des immunoglobulines reflè-
tent la différence de nature de leurs ligands. Tandis que les sites de liaison à l’an-
tigène des immunoglobulines doivent se conformer aux surfaces d’une diversité
presque infinie d’antigènes différents, et donc possèdent une grande variété de
forme et de propriétés chimiques, le ligand de la classe principale de récepteurs
de cellule T (α:β) est toujours un peptide lié à une molécule du CMH. Dans l’en-
semble, les sites de liaison à l’antigène des récepteurs de cellule T doivent donc
posséder moins de variation dans leur forme ; leur variabilité est concentrée sur le
peptide antigénique à lier, celui-ci occupant le centre de la surface en contact avec
le récepteur. En effet, les boucles CDR1 et CDR2 d’un récepteur de cellule T sont
CDR3𝛂 moins variables et entrent en contact avec le CMH, qui est le composant moins
CDR2𝛃
variable du ligand, tandis que les régions CDR3 très variables entrent en contact
avec le composant peptidique de caractère unique (Fig. 4.13).

CDR1𝛃 La diversité structurale des récepteurs de cellule  T est due principalement à la


diversité combinatoire et de jonction générée durant le réarrangement génique.
La Fig.  4.12 montre que la variabilité dans les chaînes des récepteurs de la cel-
lule T est concentrée dans les régions de jonction des segments géniques V, D et J
CDR1𝛂 et modifiées par les nucléotides N et P. Le locus du TCRα contient beaucoup plus
CDR3𝛃 de segments géniques J que les locus des chaînes légères d’immunoglobulines :
CDR2𝛂 chez l’homme, 61 segments géniques Jα sont distribués sur environ 80 kb d’ADN,
tandis que les locus des chaînes légères d’immunoglobulines ont au plus cinq seg-
Fig. 4.13 Les parties les plus variables du ments géniques  J (voir Fig.  4.12). Puisque le locus du TCRα a tant de segments
récepteur de cellule T interagissent avec géniques J, la variabilité des récepteurs des cellules T générée dans cette région est
le peptide lié à la molécule du CMH. Les même supérieure à celle des immunoglobulines. Aussi, la diversité se trouve sur-
positions des boucles du CDR d’un récepteur
de cellule T sont montrées comme des tubes tout dans les boucles CDR3, qui correspondent aux régions de jonction et qui for-
colorés en surimpression sur le complexe ment le centre du site de liaison à l’antigène.
CMH:peptide (CMH en gris ; peptide en jaune
verdâtre avec les atomes O en rouge et les
atomes N en bleu). Les boucles CDR des 4-11 Les récepteurs des cellules T γ:δ sont aussi générés
chaînes α sont en vert, tandis que ceux de
la chaîne β sont en magenta. Les boucles par réarrangement génique.
CDR3 se situent au centre de l’interface
entre le TCR et le complexe CMH:peptide, et Une minorité de cellules T porte des récepteurs antigéniques composés de chaî-
entrent directement en contact avec le peptide
antigénique.
nes  γ   et δ (voir la Section  3-19). L’organisation des locus du TCRγ et du TCRδ
 159

Fig. 4.14 Organisation des locus des


Locus de la chaîne α chaînes γ et δ des récepteurs de cellule T
humaine. Les locus des TCRγ et TCRδ,
LVα × 70 – 80 Dδ× 3 Jδ × 4 Cδ Jα × 61 Cα comme les locus des TCRα et TCRβ, ont
des segments géniques V, D et J et des
gènes C. Le locus codant la chaîne δ se
localise de manière singulière, complètement
V𝛂 et V𝛅
à l’intérieur du locus de la chaîne α. Les trois
entremêlés segments géniques Dδ, les trois segments
géniques Jδ, et le seul gène Cδ se situent
entre l’ensemble des segments géniques
Locus de la chaîne γ Vα et l’ensemble des segments géniques Jα.
Deux segments géniques Vδ sont situés près
L Vγ × 12 Jγ × 3 Cγ 1 Jγ × 2 Cγ 2 du gène Cδ, l’un juste en amont des régions
D et l’autre en orientation inversée juste
en aval du gène C (non montré). De plus,
six segments géniques Vδ sont dispersés
parmi les segments géniques Vα. Cinq sont
partagés avec Vα et peuvent être utilisés par
chacun des deux locus et un est propre au
(Fig. 4.14) ressemble à ceux du TCRα et du TCRβ, avec quelques différences impor- locus δ. Le locus humain de TCRγ ressemble
tantes. Le groupe de segments géniques codant la chaîne δ se trouve entièrement au locus de TCRβ par la présence de gènes
dans le locus du TCRα, entre les segments géniques gènes Vα et Jα. Les segments C, chacun avec son propre assortiment
de segments géniques J. Le locus γ de la
géniques Vδ sont dispersés entre les segments Vα, mais sont situés surtout dans la souris (non montré) a une organisation plus
région 3´ du locus. Comme tous les segments géniques Vα sont orientés de telle complexe ; il comporte trois ensembles
sorte que les réarrangements éliminent l’ADN intermédiaire, tout réarrangement fonctionnels de segments géniques γ, chacun
au locus α aboutit à la perte du locus δ (Fig. 4.15). Il y a nettement moins de seg- contenant des segments géniques V et J et
un gène C. Les réarrangements au locus
ments géniques V au locus du TCRγ et du TCRδ qu’aux locus du TCRα, du TCRβ et γ et δ se passent comme pour les autres
des d’immunoglobulines. Une augmentation de la variabilité de jonction dans les locus des récepteurs des cellules T, sauf que
chaînes δ peut compenser le petit nombre de segments géniques V avec un effet de durant le réarrangement du TCRδ, les deux
concentration de presque toute la variabilité dans la région de jonction du récep- segments D peuvent être utilisés dans le
même gène. L’utilisation des deux segments D
teur γ:δ. Comme nous l’avons vu pour les récepteurs α:β, les acides aminés codés augmente considérablement la variabilité de
par les régions de jonction se situent au centre du site de liaison du récepteur de la la chaîne δ, principalement parce que des
cellule T. nucléotides de région N peuvent être ajoutés à
la jonction entre les deux segments géniques
Les cellules T pourvues de récepteurs γ:δ font partie d’une lignée de cellules T dont D en plus de ceux qui sont ajoutés aux
les fonctions restent peu connues. Les ligands de ces récepteurs sont aussi large- jonctions V-D et D-J.
ment inconnus. Certains des récepteurs des cellules T γ:δ paraissent capables de
reconnaître l’antigène directement, assez bien comme le font les anticorps, sans
besoin de présentation par une molécule du CMH ou d’apprêtement de l’antigène.
L’analyse détaillée des régions V réarrangées des récepteurs T γ:δ montre qu’elles
ressemblent plus aux régions V des anticorps qu’à celles des récepteurs T α:β.

Résumé.

Les récepteurs de cellule T ont une structure similaire à celle des immunoglobuli-
nes, et sont codés par des gènes homologues. Les gènes des récepteurs des cellu-
les T sont assemblés par recombinaison somatique à partir de groupes de segments
géniques de la même façon que les segments géniques des immunoglobulines. Dδ × 3 Jδ × 4 Cδ
Cependant, la diversité est distribuée différemment dans les récepteurs des cellu-
les T et dans les immunoglobulines ; les locus des récepteurs des cellules T ont à
peu près le même nombre de segments géniques V, mais ils ont plus de segments
géniques J , et il y a une grande diversification de jonction entre les segments géni-
ques durant le réarrangement génique. De plus, les récepteurs fonctionnels des Vδ
cellules T ne paraissent pas diversifier par hypermutation somatique leurs gènes V
réarrangés. Le produit est un récepteur de cellule T dans le lequel la plus grande

excisé
Fig. 4.15 La délétion du locus TCRδ est Vα   /   Vδ se joint à un des segments Jα, la région
induite par un réarrangement joignant intermédiaire, comprenant le locus Vδ en entier Jα
Vαn
un segment génique Vα à un Jα. Le locus est éliminé. Ainsi, le réarrangement de Vα
Vα Cα
du TCRδ est contenu entièrement dans la prévient toute expression de gène Vδ et exclut
région chromosomique contenant le locus du le développement de la lignée dans la voie γ:δ.
TCRα. Lorsque tout segment V dans la région
160 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

diversité se situe dans la partie centrale du récepteur, qui dans le cas des récepteurs
de cellule T α;β entre en contact avec le fragment peptidique constituant une par-
tie du ligand. La diversité parmi les récepteurs des cellules T γ:δ est principalement
dans CDR3, mais on ne comprend pas comment cela affecte l’interaction avec le
ligand. En effet, les cellules T γ:δ reconnaissent directement des ligands mal carac-
térisés qui, dans certains cas, sont indépendants des molécules du CMH.

La diversité structurale des régions constantes


d’immunoglobulines.
Jusqu’à présent, nous avons concentré notre attention sur les variations structu-
rales inhérentes à l’assemblage des régions V. Nous nous tournons à présent vers
les régions C. Celles des récepteurs de cellule T n’ont pas d’autres fonctions que de
servir de support aux régions V et d’ancrer la molécule dans la membrane ; nous
n’en dirons pas plus à leur sujet. En revanche, les immunoglobulines peuvent être
produites comme récepteurs transmembranaires et comme anticorps libres et
les domaines C des anticorps jouent un rôle crucial dans leur diverses fonctions
effectrices.
Les immunoglobulines sont produites en plusieurs classes différentes, qui se dis-
tinguent par leurs chaises lourdes. Diverses chaînes lourdes sont produites dans
un clone donné de cellules B par liaison de différentes régions C de chaîne lourde
(CH) au gène VH réarrangé. Toutes les classes d’immunoglobulines produites par
un clone de cellules B ont ainsi la même région V. Dans le locus de chaîne lourde,
les différentes régions C sont codées par des gènes séparés situés en aval des seg-
ments de la région V. Au début, les cellules B naïves n’utilisent que les deux pre-
miers des gènes C, les gènes de Cµ et Cδ, qui sont exprimés en même temps qu’une
séquence de région V assemblée, pour produire l’IgM et l’IgD transmembranai-
res à la surface de la cellule B naïve. Au cours d’une réponse à anticorps, les cellu-
les B activées peuvent commuter pour exprimer des gènes CH autres que Cµ et Cδ
par un type de recombinaison somatique appelée commutation de classe. Celle-ci
sera décrite dans la dernière partie de ce chapitre avec d’autres mécanismes qui
diversifient encore davantage les immunoglobulines. Contrairement aux régions
C de chaîne lourde, les régions C de chaîne légère (CL) n’exercent aucune fonction
effectrice spécifique autre que celle de s’attacher à la région V ; elles ne subissent
pas de commutation de classe et il ne paraît pas exister de différence fonctionnelle
entre les chaînes λ et κ.
Dans cette partie de chapitre, nous décrirons les caractéristiques structurales qui
distinguent les régions CH des anticorps des cinq classes principales et décrirons
leurs propriétés particulières. Les fonctions des différentes classes d’anticorps sont
examinées plus en détail au Chapitre 9. Nous expliquons également comment le
même gène d’anticorps peut générer des immunoglobulines sous une forme mem-
branaire et sous une forme sécrétée par épissage alternatif de l’ARNm.

4-12 Les différentes classes d’immunoglobulines se distinguent


par la structure de la région constante de leurs chaînes lourdes.

Les cinq classes principales d’immunoglobulines sont les IgM, IgD, IgG, IgE et
IgA, toutes pouvant servir de récepteurs transmembranaires d’antigène ou d’an-
ticorps sécrétés. Chez l’homme, les anticoprs IgG se subdivisent en quatre sous-
classes supplémentaires (IgG1, IgG2, IgG3 et IgG4), tandis que les anticorps IgA se
divisent en deux sous-classes (IgA1 et IgA2). Les sous-types d’IgG chez l’homme
sont numérotés en fonction de leur concentration sérique, les IgG1 étant les plus
abondantes. Les différentes chaînes lourdes qui définissent ces classes sont appe-
lées isotypes et sont désignées par les lettres grecques minuscules, µ, δ, γ, ε et α,
La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines 161

comme dans la Fig. 4.16, qui reprend aussi les principales propriétés physiques et
fonctionnelles des différentes classes d’anticorps humains. Les IgM sériques sont
des pentamères, ce qui explique leur poids moléculaire élevé. Les IgA sécrétées
peuvent être monomériques ou dimériques. Les différences de séquence entre
les chaînes lourdes d’immunoglobulines sont à l’origine des propriétés distinc-
tes des différentes classes. Elles portent sur le nombre et la localisation des ponts
disulfure, le nombre de sites de glycosylation, le nombre de domaines C et la lon-
gueur de la région charnière (Fig. 4.17). Les chaînes lourdes des IgM et des IgE
contiennent un domaine C supplémentaire qui remplace la région charnière pré-
sente dans les chaînes δ, γ et α. L’absence de région charnière n’implique pas que
les molécules d’IgM et d’IgE manquent de flexibilité : Les images de microsco-
pie électronique des molécules d’IgM liés à leur ligands montrent que les frag-
ments Fab peuvent se courber par rapport au fragment Fc. Cependant, une telle
différence de structure peut avoir des conséquences fonctionnelles encore incon-
nues. Différents isotypes et sous-types diffèrent aussi dans leur capacité d’exer-
cer certaines fonctions effectrices, comme nous allons le verrons plus tard. Les
propriétés distinctes des différentes régions C dépendent des différents gènes CH
présents dans un groupe situé en 3´ des segments JH. Nous décrivons le proces-
sus de réarrangement par lequel la région V s’associe à un gène CH différent dans
la Section 4-20.

4-13 Les régions constantes confèrent une spécialisation fonctionnelle


aux anticorps.

Les anticorps protègent l’organisme de diverses façons. Dans certains cas, il suf-
fit que l’anticorps se fixe à l’antigène. Par exemple, en se liant fortement à une
toxine ou un virus, un anticorps peut l’empêcher de reconnaître son récepteur sur
la cellule hôte (voir Fig. 1.24). Les régions V en elles-mêmes sont suffisantes pour
cela. La région C est cependant essentielle pour recruter l’aide d’autres cellules et

Fig. 4.16 Les propriétés physiques des


Immunoglobuline isotypes d’immunoglobulines humaines.
Les IgM sont appelées ainsi à cause de
leur taille : le poids moléculaire de l’IgM
IgG1 IgG2 IgG3 IgG4 IgM IgA1 IgA2 IgD IgE
monomérique est de 190 kDa, mais elle est
normalement pentamérique et donc de poids
Chaîne lourde γ1 γ2 γ3 γ4 μ α1 α2 δ ε moléculaire élevé, d’où la dénomination
de macroglobuline et le M de son sigle
(voir Fig. 4.20). Les dimères d’IgA, que l’on
Poids moléculaire (kDa) 146 146 165 146 970 160 160 184 188 trouve dans les sécrétions, ont un poids
moléculaire d’environ 390 kDa ; les anticorps
Taux sérique IgE sont associés à l’hypersensibilité
9 3 1 0,5 1,5 3,0 0,5 0,03 5 x10–5 immédiate ; lorsqu’elle est dans le plasma,
(mg ml-1 chez l’adulte)
l’IgE a une demi-vie beaucoup plus courte
Demi-vie dans le sérum (durée reprise dans le tableau) que lorsqu’elle
21 20 7 21 10 6 6 3 2 est liée aux mastocytes.
(jours)

Activation de la voie — — — — —
classique du complément

Activation de la voie
— — — — — — — —
alternative du complément


Transfert placentaire — — — — —

Liaison aux récepteurs de Fc —



— —
des macrophages et phagocytes

Liaison de forte affinité aux — — — — — — — —


mastocytes et basophiles

Réactivité avec la protéine A — — — — — —


du staphylocoque
162 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

IgM IgD IgG IgE IgA

Cδ Cγ Cα
Cμ Cε

JH Cμ Cδ Cγ3 Cγ1 Cγ2β Cγ2α Cε Cα


Souris

JH Cμ Cδ Cγ3 Cγ1 ψCε Cα 1 Cγ2 Cγ4 Cε Cα 2

Homme

Fig. 4.17 Les isotypes d’immunoglobuline molécules, pour détruire et se débarrasser des pathogènes auxquels les anticorps
sont codés par un groupe de gènes de
se sont liés.
région C des chaînes lourdes. Le panneau
supérieur montre la structure générale des Les régions C des anticorps exercent trois principales fonctions effectrices.
isotypes d’immunoglobuline, chaque domaine
étant représenté par un rectangle. Chez la Premièrement, les fragments Fc des différents isotypes sont reconnus par des
souris et chez l’homme (panneau inférieur), récepteurs de Fc spécialisés exprimés par des cellules effectrices de l’immunité.
les domaines sont codés par un groupe de Les récepteurs de Fcγ présents à la surface des cellules phagocytaires comme les
gènes distincts dans la région C de chaîne macrophages et les neutrophiles lient la portion Fc des anticorps IgG1 et des IgG3,
lourde. La région constante de la chaîne
lourde de chaque isotype est indiquée par la ce qui facilite la phagocytose des pathogènes couverts de ces anticorps. La portion
même couleur que celle du segment génique Fc des IgE se lie au récepteur de haute affinité de Fcε des mastocytes, des baso-
correspondant dans la région C. Les IgM et philes, et des éosinophiles activés, ce qui rend ces cellules aptes à répondre à la
les IgE n’ont pas de région charnière, mais
fixation de l’antigène spécifique par la libération de médiateurs inflammatoires.
contiennent un domaine supplémentaire de
chaîne lourde. Notez les différences dans le Deuxièmement, les portions Fc des complexes antigène:anticorps peuvent fixer le
nombre et la localisation des ponts disulfure complément (voir Fig. 1.24) et déclencher la cascade du complément qui contri-
(lignes noires) liant les chaînes. Les isotypes bue au recrutement et à l’activation de phagocytes, qui favorise l’ingestion des
diffèrent aussi dans la distribution des sites
de N-glycosylation, montrés sous forme
microbes par les phagocytes et qui parfois les détruit directement. Troisièmement,
d’hexagones. Chez l’homme, l’ensemble la portion Fc permet le passage des anticorps dans des compartiments qu’ils ne
montre à l’évidence une évolution par pourraient atteindre sans transport actif. C’est le cas des sécrétions des muqueu-
duplication d’une unité constituée de deux ses, des larmes et du lait (IgA) ainsi que de la circulation sanguine fœtale après
gènes γ, d’un gène ε et d’un gène α. Un
des gènes ε est un pseudogène (ψ), d’où transfert à partir du sang maternel (IgG). Dans les deux cas, la portion Fc utilise un
l’expression d’un seul sous-type d’IgE ; par récepteur spécifique qui transporte activement des immunoglobulines à travers
simplicité, les autres pseudogènes ne sont des cellules pour atteindre différents compartiments de l’organisme.
pas mentionnés, et les détails des exons à
l’intérieur des gènes C ne sont pas montrés. Le rôle de la portion Fc dans ces fonctions effectrices a été démontré par étude
Les classes d’immunoglobulines de la souris des immunoglobulines qui ont eu l’un ou l’autre des domaines Fc clivé par des
sont appelés IgM, IgD, IgG1, IgG2a, IgG2b,
IgG3, IgA, et IgE.
enzymes (voir la Section 3.3) ou, plus récemment, par génie génétique, qui permet
d’établir la cartographie exacte des résidus d’acides aminés dans le Fc et de déter-
miner quels sont ceux qui sont nécessaires à des fonctions particulières. De nom-
breux micro-organismes semblent avoir répondu au pouvoir destructeur de la
portion Fc en produisant des protéines qui s’y lient ou la dégradent pour se proté-
ger de ses fonctions effectrices. Les protéines A et G de Staphylococcus ainsi que la
protéine D de Haemophilus en sont des exemples. Les chercheurs ont exploité ces
protéines pour cartographier le fragment Fc ou comme réactifs immunologiques
(voir Appendice I, Section A-10). Toutes les classes d’immunoglobulines n’ont pas
la même capacité d’exercer chacune des fonctions effectrices. Ces diverses pro-
priétés fonctionnelles de chaque isotype de chaîne lourde sont résumées dans la
La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines 163

Fig. 4.16. Par exemple, les IgG1 et les IgG3 ont une plus grande affinité que l’IgG2
pour le récepteur de Fc le plus commun.

4-14 Les cellules B matures et naïves expriment l’IgM et l’IgD


à leur surface.

Les gènes CH d’immunoglobuline forment un groupe important s’étendant sur


environ 200 kb du côté 3’ des segments géniques JH (voir Fig. 4.17). Chaque gène CH
est divisé en plusieurs exons (non montré dans la figure), chacun correspondant
à un domaine individuel d’immunoglobuline dans la région C. Le gène codant la
région C de µ est le plus proche des segments géniques JH, et dès lors le plus proche
de l’exon assemblé de la région VH (exon VDJ) après le réarrangement de l’ADN.
Une fois le réarrangement terminé, un transcrit complet d’une chaîne lourde µ
est produit. Tout segment génique JH restant entre le gène V assemblé et le gène Cµ
sont éliminés durant l’apprêtement de l’ARN afin de générer l’ARNm mature. Les
chaînes lourdes µ sont dès lors les premières à être exprimées et l’IgM est la pre-
mière immunoglobuline à être produite durant le développement des cellules B.
Immédiatement en 3´ du gène µ se situe le gène δ, qui code la région C de la chaîne
lourde d’IgD (voir Fig. 4.17). L’IgD est coexprimée avec l’IgM à la surface de presque
toutes les cellules B matures ; cet isotype peut être sécrété en faible quantité par des
plasmocytes ; sa fonction reste inconnue. D’ailleurs, les souris sans exons Cδ semblent
avoir un système immunitaire quasiment normal. Les cellules B exprimant des IgM
et des IgD n’ont pas subi de commutation isotypique, qui, comme nous le verrons,
produit un changement irréversible de l’ADN. Ces cellules produisent à la place un
long transcrit d’ARNm dont le clivage et l’épissage différentiels fournissent une des
deux molécules distinctes d’ARNm. Dans l’une d’elles, l’exon VDJ se lie aux exons Cµ
pour coder la chaîne lourde µ (Fig. 4.18). L’apprêtement du long transcrit d’ARNm est
régulé au cours du développement, les cellules B immatures fabriquant principale- Fig. 4.18 La coexpression des IgD et des
ment le transcrit µ et les cellules B matures fabriquant surtout la forme δ en même IgM est régulée par l’apprêtement de l’ARN.
Dans les cellules B matures, la transcription
temps qu’un peu de transcrit µ. Lorsqu’une cellule B est activée, elle cesse de coex- débute au promoteur VH et s’étend au
primer l’IgD avec l’IgM, soit parce que les séquences µ et δ ont été éliminées à la suite travers des exons Cµ et Cδ. Ce long transcrit
d’une commutation de classe ou, dans les plasmocytes sécréteurs d’IgM, parce que la primaire est ensuite apprêté par clivage,
transcription à partir du promoteur de VH ne s’étend plus à travers les exons Cδ. polyadénylation (AAA), puis épissage. Le
clivage et la polyadénylation au site µ (pA1)
et l’épissage entre exons Cµ produit un ARNm
codant la chaîne lourde (panneau de gauche).
4-15 Les formes transmembranaire et sécrétée des immunoglobulines sont Le clivage et la polyadénylation aux sites δ
générées à partir de transcrits alternatifs des chaînes lourdes. (pA2) et un profil d’épissage différent qui
retire les exons Cµ produit un ARNm codant la
chaîne lourde δ (panneau de droite). Par
Les immunoglobulines de toutes les classes peuvent être produites soit sous une simplicité, nous n’avons pas montré tous les
forme sécrétée, soit sous une forme de récepteur lié à la membrane. Toutes les exons de chaque région C.

Expression de l’IgM Expression de l’IgD

VDJ Cμ pA1 Cδ pA2 VDJ Cμ pA1 Cδ pA2


ADN ADN

ARN ARN
AAA AAA
ARNm AAA ARNm AAA

Protéine IgM Protéine IgD


164 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

cellules B expriment d’abord la forme transmembranaire de l’IgM ; après stimu-


lation antigénique, une partie de leur descendance se différencie en plasmo-
cytes produisant la forme sécrétée des IgM, tandis que d’autres subissent une
commutation de classe et expriment des immunoglobulines transmembranai-
res d’une classe différente avant de produire la forme sécrétée de cette nouvelle
classe. Les formes membranaires de toutes les classes d’immunoglobulines sont
monomériques constituées de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères.
Les IgM et les IgA ne polymérisent que lorsqu’elles ont été sécrétées. Dans sa
forme liée à la membrane, une chaîne lourde d’immunoglobuline est pourvue,
dans sa partie carboxyterminale, d’un domaine transmembranaire hydrophobe
d’environ 25 résidus d’acides aminés qui l’ancre à la surface des lymphocytes B.
Ce domaine transmembranaire est absent de la forme sécrétée, dont l’extrémité
carboxyterminale est une queue hydrophile. Les deux parties carboxytermina-
les des formes transmembranaire et sécrétée des chaînes lourdes d’immunoglo-
buline sont codées par des exons différents et la production des deux formes se
fait par un épissage alternatif de l’ARN (Fig.  4.19). Les deux derniers exons de
chaque gène  CH contiennent les séquences codant les régions propres respec-
tivement aux formes sécrétée et transmembranaire ; si le transcrit primaire est
clivé et polyadénylé sur un site en aval de ces exons, la séquence codant la par-
tie carboxyterminale de la forme sécrétée est éliminée par épissage et la forme
membranaire est produite. Alternativement, si le transcrit primaire est clivé au
site de polyadénylation avant les deux derniers exons, seule la forme sécrétée
pourra être produite. L’épissage alternatif de l’ARN est illustré dans la Fig. 4.19
pour Cµ, mais se déroule de la même façon pour les autres isotypes. Dans les
cellules  B activées qui deviendront des plasmocytes sécréteurs d’anticorps, la
plupart des transcrits sont apprêtés pour donner la forme sécrétée plutôt que la
forme transmembranaire, quel que soit l’isotype de la chaîne lourde que la cel-
lule B exprimera.

4-16 Les IgM et les IgA forment des polymères.

Bien que toutes les immunoglobulines soient construites à partir d’une unité
de base de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères, les IgM et les IgA
peuvent former des polymères de ces unités de base (Fig. 4.20). Les régions C
des IgM et des IgA possèdent une queue de 18 acides aminés qui contient un
résidu cystéine essentiel pour la polymérisation. Une chaîne polypeptidique
additionnelle de 15kDa appelée chaîne J favorise la polymérisation en liant les
cystéines de la queue, qui ne se trouve que dans les formes sécrétées des chaî-
nes µ et α. ( Il ne faut pas confondre cette chaîne J avec la région J des immu-
noglobulines codée par un segment génique J ; voir la Section 4.2) Dans le cas
des IgA, la polymérisation est requise pour le transport au travers des épithé-
liums, comme nous le décrivons au Chapitre 9. Les molécules d’IgM du plasma
sont des pentamères, occasionnellement des hexamères (sans chaîne J). Pour
l’IgA, les dimères prédominent dans les sécrétions muqueuses et les monomè-
res dans le plasma.
On pense que la polymérisation des molécules d’immunoglobulines est importante
pour la liaison de l’anticorps aux épitopes répétitifs. Une molécule d’anticorps a au
moins deux sites de liaison identiques et chacun a une affinité donnée, ou une force
de liaison, pour un antigène (voir Appendice I, Section A-9). Si l’anticorps se lie à
des épitopes identiques multiples sur un antigène cible, il ne se détachera que lors-
que toutes les liaisons seront rompues. La vitesse de dissociation de tout l’anticorps
sera donc beaucoup plus lente que celle d’un seul site de liaison ; des sites multi-
ples de liaison donnent ainsi à l’anticorps une force de liaison totale plus grande,
appelée avidité. Cette considération est particulièrement pertinente pour les IgM
pentamériques, qui possèdent dix sites de liaison. Les anticorps IgM reconnaissent
souvent des épitopes répétitifs comme ceux des polysaccharides des parois bacté-
riennes, mais les sites individuels de liaison ont souvent une faible affinité car les
La diversité structurale des régions constantes d’immunoglobulines 165

Fig. 4.19 Les formes transmembranaire et


IgM transmembranaire secrétée d’immunoglobuline proviennent
de la même séquence de chaîne lourde
dont l’ARN subit un épissage alternatif.
L VDJ C μ1 C μ2 C μ3 C μ4 SC pA s MC pA m Chaque gène C de chaîne lourde a deux
exons qui codent la région transmembranaire
ADN réarrangé
(MC, Membrane-Coding, jaune) et la queue
cytoplasmique, et une séquence de sécrétion
Transcription (SC, Secretion-Coding, orange) qui code la
partie carboxyterminale de la forme secrétée.
Transcrit Pour les IgD, la séquence SC est présente sur
primaire d’ARN un exon séparé, mais pour les autres isotypes,
AAA dont l’IgM montrée ici, la séquence SC est
Clivage au second site contiguë au dernier exon du domaine C. Les
(pAm) de polyadénylation événements qui dictent le sort de l’ARN de
et épissage chaîne lourde : sera-t-il traduit sous forme
transmembranaire ou secrétée, surviennent
ARNm AAA durant l’apprêtement du transcrit initial.
Chaque gène C de chaîne lourde a deux sites
potentiels de polyadénylation (notés pAS et
Traduction, pAm). Dans le panneau supérieur, le transcrit
apprêtement est clivé et polyadénylé (AAA) au deuxième
de la protéine site (pAm). L’épissage entre un site situé entre
l’exon Cµ4 et la séquence SC et un second site
Protéine Bout C-terminal en 5 des exons MC aboutit à l’élimination
de l’IgM de la séquence SC et à la jonction des
transmembranaire exons MC à l’exon Cµ4. Cela génère la forme
transmembranaire de la chaîne lourde.

IgM secrétée

L VDJ C μ1 C μ2 C μ3 C μ4 SC pA s MC pA m

ADN réarrangé

Transcription

Transcrit
primaire d’ARN
AAA
Clivage au premier site
(pAS) de polyadénylation
et épissage

ARNm AAA

Traduction,
apprêtement
de la protéine

Protéine
Bout C-terminal
de l’IgM sécrétée
166 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Fig. 4.20 Les molécules d’IgA et d’IgM


peuvent former des multimères. Les IgM IgM pentamérique
et les IgA sont généralement synthétisées
sous forme de multimères en association
avec une chaîne polypeptidique additionnelle,
la chaîne J. Pour l’IgM pentamérique, les
monomères sont liés entre eux par des
ponts disulfure et par la chaîne J. L’image
en haut à gauche est le pentamère d’IgM
vu en microscopie électronique, montrant
l’arrangement des monomères sous forme
d’un disque plat. Les IgM peuvent aussi former
des hexamères sans chaîne J. Pour les IgA
dimériques, les monomères ont des ponts
disulfure avec la chaîne J et entre eux. L’image
en bas à gauche montre une IgA dimérique
vue en microscopie électronique (× 900 000).
Clichés de K.H. Roux et J.M. Schiff. chaîne J

IgA dimérique

chaîne J

IgM interviennent au début de la réponse immune avant l’hypermutation somati-


que et la maturation d’affinité. La liaison par de multiples sites permet donc de com-
penser cette faiblesse et d’améliorer considérablement la force de liaison globale.

Résumé.

Les classes des immunoglobulines sont définies par les régions C de leurs chaînes
lourdes, chaque isotype de chaîne lourde étant codé par des gènes différents de la
région C. Les régions C des chaînes lourdes forment un ensemble situé en 3´ des
segments géniques V et J. Un exon de région V réarrangée de manière productive
est d’abord exprimé en association avec les régions CH µ et δ, qui sont coexprimées
dans les cellules B naïves par épissage alternatif d’un transcrit d’ARNm qui contient
les exons CH µ et δ. De plus, les cellules peuvent exprimer toute classe d’immuno-
globuline comme récepteur d’antigène membranaire ou anticorps sécrété. Ceci est
réalisé par un épissage différentiel de l’ARNm afin d’inclure des exons qui codent
soit une séquence d’ancrage membranaire hydrophobe ou une queue permettant
Diversification secondaire du répertoire des anticorps 167

la sécrétion. L’anticorps que la cellule  B sécrète lors de son activation reconnaît


ainsi l’antigène qui a activé au départ la cellule B par son récepteur d’antigène. Le
même exon de région V peut ensuite être associé à l’un des autres isotypes pour
diriger la production d’anticorps de différentes classes. La prochaine partie de ce
chapitre décrit ce processus de commutation de classe.

Diversification secondaire du répertoire


des anticorps.
La recombinaison V(D)J dépendante de RAG décrite dans la première partie du
chapitre est responsable du répertoire initial d’anticorps des cellules  B en déve-
loppement dans la moelle osseuse. Ces mutations somatiques, sous la forme des
réarrangements géniques, assemblent les gènes qui produisent le répertoire pri-
maire des immunoglobulines, et cela se produit sans interaction des cellules B avec
l’antigène. Bien que ce premier répertoire soit vaste, la diversification peut encore
augmenter et améliorer l’aptitude des immunoglobulines à reconnaître et lier les
antigènes étrangers ainsi que les capacités effectrices des anticorps exprimés. Cette
deuxième phase de diversification se produit dans les cellules B activées et est lar-
gement déterminée par l’antigène. La diversification est obtenue au moyen de trois
mécanismes : l’hypermutation somatique, la conversion génique et la commu-
tation de classe ou recombinaison de commutation de classe, qui modifient la
séquence de l’immunoglobuline de manière distincte (Fig. 4.21). La recombinai-
son de commutation de classe ne concerne que la région C ; elle remplace la région
C originale de la chaîne lourde Cµ par une autre région C, ce qui augmente la diver-
sité fonctionnelle du répertoire d’immunoglobulines. L’hypermutation somati-
que et la conversion génique affectent la région V. L’hypermutation somatique

Conversion
génique

V V

C C
Commutation
de classe
Fig. 4.21 Le répertoire primaire des
C anticorps est diversifié par trois
Hypermutation processus qui modifient le gène réarrangé
somatique C d’immunoglobuline. Le répertoire primaire
des anticorps est composé au départ d’IgM
C contenant des régions variables produites
par recombinaison V(D)J. Cette vaste gamme
de réactivité peut encore être modifiée
par hypermutation somatique, conversion
génique et recombinaison de commutation
de classe dans les locus d’immunoglobuline.
L’hypermutation somatique résulte de
Hypermutation somatique Conversion génique Commutation de classe mutations (montrées par des lignes bleues)
introduites dans les régions V des chaînes
lourdes et légères (en rouge), modifiant
l’affinité de l’anticorps pour son antigène. Dans
la conversion génique, la région V réarrangée
est modifiée par l’introduction de séquences
dérivées de pseudogènes de segments
géniques V, créant des spécificités d’anticorps
additionnelles. Dans la recombinaison de
commutation de classe, les régions C de
la chaîne lourde μ initiale (en bleu) sont
remplacées par des régions de chaîne lourde
d’un autre isotype (en jaune), modifiant
l’activité effectrice de l’anticorps mais pas la
spécificité antigénique.
168 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

diversifie le répertoire d’anticorps par l’introduction de mutations ponctuelles dans


ADN monocaténaire attaqué par AID
les régions V des deux chaînes, ce qui modifie l’affinité de l’anticorps pour l’anti-
gène. La conversion génique diversifie le répertoire primaire des anticorps chez
certains animaux, en remplaçant des blocs de séquence dans la région V par des
G G séquences dérivées des régions V de pseudogènes. Comme la recombinaison V(D)
J dépendante de RAG, ces processus impliquent une mutation somatique des gènes
des immunoglobulines, mais à la différence de la recombinaison V(D)J, tous sont
déclenchés par une enzyme appelée cytidine désaminase induite par activation
(AID, Activation-Induced cytidine Deaminase), qui est exprimée spécifiquement
AID NH2
Zn OH dans les cellules B ; ils ne se produisent pas dans les gènes du récepteur de cellule T.
OH N Le mécanisme sous-jacent au lancement de tous ces processus est similaire, aussi
Cytidine nous allons commencer par une description générale des enzymes impliquées.
O N
ADN 4-17 La cytidine désaminase induite par activation introduit des mutations
dans les gènes transcrits par les cellules B.

État de transition de AID L’enzyme AID a été identifiée à partir de son gène qui est exprimé spécifiquement
lors de l’activation des lymphocytes B. Son importance pour la diversification des
anticorps a été révélée par l’étude de souris rendues déficientes en cette enzyme ;
AID NH2 chez ces animaux, on ne trouvait ni hypermutation somatique ni commutation de
Zn O classe. On a retrouvé ces anomalies chez des patients porteurs de mutations de
OH HN AID. La séquence de AID est apparentée à celle d’une protéine appelée APOBEC1
(APOlipoprotein B mRNA Editing Catalytic polypeptide 1), qui convertit la cyto-
O N sine dans l’ARNm de l’apolipoprotéine B en uracile par désamination. Aussi, on
a pensé que AID agissait comme une cytidine désaminase de l’ARNm. Bien que
cela soit encore possible, les données actuelles suggèrent que AID peut aussi agir
comme cytidine désaminase de l’ADN, en transformant directement par désami-
Régénération de AID et de l’uridine nation les résidus cytidine en uridine dans les gènes d’immunoglobuline. AID peut
lier et désaminer l’ADN monocaténaire, mais pas d’ADN bicaténaire. Ainsi, la dou-
ble hélice d’ADN doit être déroulée localement et temporairement pour que AID
puisse agir, ce qui semble se produire à la suite de la transcription de séquences
AID O
Zn OH voisines. Par analogie avec d’autres cytidine désaminases, on pense que AID lance
OH HN une attaque nucléophile sur le cycle pyrimidine de la cytidine exposée (Fig. 4.22).
Uridine Des enzymes ubiquitaires de réparation de l’ADN coopèrent avec AID pour
O N
modifier davantage la séquence de l’ADN monocaténaire (Fig. 4.23). Les résidus
d’uracile produits par AID peuvent servir de substrat à l’UNG (Uracil-DNA glyco-
sylase), une enzyme de réparation par excision de base qui enlève la base pyrimi-
dique pour former un site abasique dans l’ADN. L’APE1 (Apurinic / aPyrimidinic
Endonucléase 1) peut exciser le reste du résidu et cliver ainsi un seul brin d’ADN
G G à hauteur du site de la cytosine d’origine. L’UNG et l’APE1 agissent dans toutes les
U cellules pour réparer efficacement les fréquentes conversions cytosine en uracile
et les sites abasiques qui sont les conséquences de dommages spontanés subis par
l’ADN. L’enzyme AID n’est active que dans les cellules B activées, et en endomma-
Fig. 4.22 La cytidine désaminase induite par geant davantage l’ADN des gènes d’immunoglobulines, elle augmente considéra-
activation (AID) déclenche les mutations blement les possibilités de réparation incorrecte et donc de mutations.
en cas d’hypermutation somatique, de
conversion génique et de commutation de Les trois modifications peuvent mener à des types de mutations bien distincts dans
classe. L’activité de AID, qui n’est exprimée
le gène d’immunoglobuline, l’ampleur de la modification initiale de l’ADN ne corres-
que dans les cellules B, doit accéder à la
chaîne latérale de la cytidine de la molécule pondant que grossièrement à la nature de la mutation finale (Fig. 4.24). Ces mutations
d’ADN monocaténaire (premier panneau), ce sont décrites plus en détail dans les trois sections suivantes. Si l’ADN n’est soumis
qui est empêché normalement par les ponts qu’à l’activité de AID, il en résulte le processus d’hypermutation somatique. La for-
hydrogène dans l’ADN double brin. AID lance
une attaque nucléophile sur l’anneau de la
mation de sites abasiques par l’UNG peut aussi aboutir à l’hypermutation somatique
cytosine (deuxième panneau), qui aboutit à par substitution de nucléotides lors de la réplication. On pense que les coupures d’un
la désamination de la cytidine pour former simple brin par APE1 constituent un signal requis pour lancer le processus de répli-
l’uridine (troisième panneau). cation sur matrice d’ADN à partir de séquences homologues comme cela se produit
dans la conversion génique. Enfin, on pense qu’un grand nombre de coupures mono-
caténaires dans des régions spécifiques flanquant les gènes de la région C génère les
coupures bicaténaires échelonnées nécessaires à la commutation de classe.
Diversification secondaire du répertoire des anticorps 169

Fig. 4.23 Génération de coupures cytidine en uridine (troisième panneau). Les


L’ADN dans une région variable
monocaténaires dans l’ADN par enzymes de réparation de l’ADN ubiquitaires,
ou dans une région de commutation
action séquentielle de AID, d’UNG UNG et APE1 peuvent alors agir sur l’uridine
(Uracil-DNA-Glycosylase) et d’APE1 d’abord pour supprimer l’anneau uracile et
(Apurinic   /   aPyrimidinic Endonucléase 1). former ainsi un site abasique (quatrième
L’ADN double brin (premier panneau) est rendu panneau), puis pour exciser le résidu ribose
accessible à AID par une transcription localisée abasique du brin d’ADN (cinquième panneau),
qui déroule l’hélice d’ADN (deuxième panneau). ce qui conduit à la formation d’une seule
AID, qui est spécifiquement exprimée dans les coupure monocaténaire dans l’ADN (sixième
La transcription produit localement
cellules B activées, convertit les résidus de panneau).
de l’ADN monocaténaire

4-18 L’hypermutation somatique diversifie davantage les gènes réarrangés


de la région V.

L’hypermutation somatique se produit dans les organes lymphoïdes périphéri-


ques après que les gènes fonctionnels des immunoglobulines ont été assemblés.
Dans les cellules B, AID attaque une cytidine
Elle introduit, à un rythme rapide, des mutations ponctuelles dans tout l’exon réar- dans l’ADN monocaténaire pour produire l’uridine
rangé de la région V et fournit ainsi des récepteurs mutés à la surface des cellules B
(Fig.  4.25). Chez la souris et l’homme, l’hypermutation somatique se développe
AID
dans les centres germinatifs après que les cellules B matures ont été activées par
U
leur antigène spécifique et sous l’effet de signaux provenant de cellules T activées.
L’hypermutation somatique est dirigée de préférence sur des régions V réarran-
gées, qui sont activement transcrites dans les cellules B, et ne touche pas les locus
inactifs puisque AID requiert un substrat d’ADN simple brin. D’autres gènes trans-
crits exprimés dans une cellule B, comme les régions C, ne sont pas affectés, tandis
L’UNG (Uracil-DNA-Glycosylase) enlève l’uracile
que les gènes VH et VL réarrangés sont mutés même si les réarrangements sont non pour former un résidu apyrimidique
productifs et sont transcrits mais non exprimés comme protéine.
UNG
Fig. 4.24 AID lance les processus qui par des coupures monocaténaires,
conduisent à l’hypermutation somatique, à suivies de réplication de l’ ADN, qui utilise
la conversion génique et à la recombinaison des pseudogènes homologues comme
de commutation de classe. L’hypermutation matrice pour la réparation. Si des coupures
somatique se produira par mutations de monocaténaires sont converties simultanément
transition (C en T, ou G en A) lorsque l’uracile en cassures bicaténaires échelonnées dans
produit par l’action de AID est reconnu comme deux régions différentes flanquant des gènes
un T par les ADN polymérases. Si UNG a des régions C (régions de commutation), L’APE1 (Apurinic/aPyrimidinic Endonucléase 1)
généré un site abasique, une réplication non la machinerie de réparation des cassures
excise le ribose pour faire une coupure
monocaténaire dans l’ADN
matricielle à travers le site peut générer des bicaténaires peut rejoindre les deux bouts en
mutations soit de transition ou de transversion. permettant la commutation de classe.
La conversion génique semble être déclenchée
APE1

AID exprimé dans des cellules B


activées du centre germinatif

AID
Coupure monocaténaire dans l’ADN

Cytosine en uridine Mutations de transition

UNG Hypermutation somatique

Uridine en abasique Mutations de transversion

APE1
Réplication matricielle Conversion génique

Coupures monocaténaires
Cassures bicaténaires Recombinaison de
échelonnées commutation de classe
170 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Fig. 4.25 L’hypermutation somatique


introduit des mutations dans les Région V de chaîne lourde Région V de chaîne légère
régions variables réarrangée des
immunoglobulines, ce qui améliore CDR1 CDR2 CDR3 CDR1 CDR2 CDR3
la liaison à l’antigène. Dans certaines
circonstances, il est possible de suivre Jour 7
le processus d’hypermutation somatique Réponse
par séquençage des régions variables primaire
d’hybridomes établis à différents moments
après immunisation. Le résultat d’une telle
expérience est décrit ici. Chaque région
variable est représentée par une ligne
horizontale, sur laquelle les positions des
régions déterminant la complémentarité, Jour 14
CDR1, CDR2 et CDR3 sont signalées par Réponse
des zones ombrées. Les mutations sont secondaire
représentées par des barres colorées.
Quelques jours après l’immunisation, les
régions V d’un clone particulier de cellules B
qui répondent à l’antigène ont commencé à
Jour 21
muter et, au cours de la semaine suivante,
Réponse
plus de mutations sont visibles (panneaux du
tertiaire Affinité
haut). Les cellules B, dont les régions variables
ont accumulé des mutations délétères, ne
croissante
peuvent plus lier l’antigène et meurent. Les
cellules B dont les régions variables ont subi L’hypermutation somatique fonctionnelle des gènes de la région V a plusieurs consé-
des mutations qui améliorent la liaison à
l’antigène reçoivent des signaux qui favorisent quences. Les mutations qui modifient les séquences peptidiques conservées dans les
leur prolifération et leur expansion. Ce régions cadre tendent à perturber la structure de base de l’anticorps ; elles aboutiront
processus de mutation et de sélection peut à une sélection négative, parce que le processus se déroule dans le centre germina-
continuer dans le centre germinatif du ganglion
tif, où les clones de lymphocytes B sont en compétition les uns avec les autres pour
lymphatique en passant par de multiples
cycles lors de réponse secondaire ou tertiaire interagir avec l’antigène. La survie des clones de plus grande affinité pour l’antigène
(panneaux du milieu et du bas). De cette est favorisée. Certaines des molécules de l’immunoglobuline mutée lient l’antigène
manière, au bout du compte, l’efficacité de la mieux que les récepteurs de cellule B d’origine, et les cellules B qui les expriment sont
liaison à l’antigène lors de la réponse anticorps
s’accroît.
sélectionnées préférentiellement pour devenir des cellules matures sécrétrices d’an-
ticorps. Cela donne lieu au phénomène appelé maturation d’affinité de la popula-
tion d’anticorps, dont nous discuterons plus en détail dans les Chapitres 9 et 10. La
sélection fondée sur l’amélioration de la liaison à l’antigène a comme conséquence
que les changements de base susceptibles de modifier les séquences d’acides aminés,
et donc la structure des protéines, tendent à être regroupés dans les CDR, alors que
les mutations silencieuses qui préservent la séquence des acides aminés et ne modi-
fient pas la structure des protéines sont disséminées dans toute la V région.
Le profil des permutations de base dans les gènes non productifs de la région V, en
revanche, illustre le résultat d’hypermutation somatique sans sélection pour amé-
liorer la liaison à l’antigène et peuvent mieux révéler le processus sous-jacent. Les
changements de bases se distribuent dans toute la région V, mais pas complètement
au hasard : il existe certains « points chauds » de mutation qui indiquent une préfé-
Déficience de l’AID rence pour des motifs courts et caractéristiques de quatre à cinq nucléotides, et peut-
(Activation-Induced cytidine être aussi pour certaines données structurales secondaires mal définies. Comme
Deaminase) nous l’avons vu dans la Section 4-17, on pense que la désamination de cytidine par
l’enzyme AID est le principal mécanisme d’hypermutation somatique. La désami-
nation de la cytidine en uracile explique quelques-uns des biais connus de l’hyper-
mutation somatique comme des mutations de type transition telles que C en T ou G
en A. Il est plus difficile d’expliquer comme la désamination de résidus C peut don-
ner lieu à des mutations de paires de base A-T, également courantes dans l’hypermu-
tation somatique. Lorsque des mécanismes de réparation sont déclenchés par une
erreur d’appariement U-G, il est possible qu’à la suite des clivages monocaténaires
de l’ADN la réparation, plus extensive et plus sujette à erreur au cours de la réplica-
tion de l’ADN, conduise à une mutation des paires de base A-T adjacentes. Quand
APE1 clive un seul brin d’ADN, une réplication également moins stricte pourrait éga-
lement conduire à des mutations de transversion (NdT : remplacement d’une base
purique par une base pyrimidique ou l’inverse) sans matrice. La relation entre ces
mécanismes de mutation et la réparation des clivages bicaténaires de l’ADN, qui
sont également associés aux mutations des régions V, est inconnue.
Diversification secondaire du répertoire des anticorps 171

Contrairement aux récepteurs des cellules B, les récepteurs de cellule T acquièrent


toute leur diversité au cours du réarrangement génique ; l’hypermutation somati-
que des régions V réarrangées n’a pas lieu dans les cellules T. Cela signifie que la
variabilité dans les régions CDR1 et CDR2 est limitée à celle des segments géni-
ques V de la lignée germinale ; la diversité est donc concentrée dans les régions
CDR3. L’explication la plus convaincante de l’absence d’hypermutation somatique
dans les cellules T est simplement qu’il s’agit d’une spécialisation adaptative des
cellules B, qui doivent sécréter des anticorps de très forte affinité capables d’exer-
cer efficacement leurs fonctions effectrices. Puisque les cellules T n’ont pas besoin
de ce processus et puisque des changements dans les spécificités des récepteurs
des cellules T matures sont potentiellement plus dommageables pour la réponse
immunitaire que ceux qui touchent les cellules B, l’hypermutation somatique ne
s’est pas développée au cours de l’évolution des cellules T.
Certains problèmes concernant l’hypermutation somatique ne sont toujours pas
résolus. Par exemple, on ignore pourquoi les mutations semblent être dirigées de
manière sélective sur des gènes d’immunoglobulines, bien que l’on soupçonne que
les amplificateurs et les promoteurs des immunoglobulines soient impliqués. Il reste
cependant à identifier dans ces régions les séquences spécifiques qui orientent le
processus de mutation vers un gène déterminé. En outre, les promoteurs d’immu-
noglobuline peuvent recruter des polymérases réparatrices très sujettes aux erreurs
qui interviennent dans la réplication des régions endommagées de l’ADN.

4-19 Dans certaines espèces, la diversification des gènes


d’immunoglobulines se produit principalement
après le réarrangement génique.

Chez les oiseaux, les lapins, les vaches, les porcs, les moutons et les chevaux, la
diversité germinale des segments géniques V, D et J qui sont réarrangés pour for-
mer les gènes des récepteurs B initiaux est faible ou nulle. Les séquences réarran-
gées des régions V sont identiques ou très semblables dans la plupart des cellules B
immatures. Ces cellules B migrent alors dans des tissus spécialisés, le mieux connu
étant la bourse de Fabricius chez le poulet. Là, les cellules  B prolifèrent rapide-
ment et les gènes réarrangés d’immunoglobulines se diversifient davantage. Chez
les oiseaux et les lapins, cette diversification serait assurée par conversion géni-
que, au cours de laquelle de courtes séquences du gène de région V réarrangé et
exprimé sont remplacées par des séquences provenant d’un pseudogène V situé en
amont (Fig. 4.26). Il semble que le mécanisme de la conversion génique soit appa-
renté à celui de l’hypermutation somatique. En effet, on a constaté que la conver-
sion génique dans une lignée de cellules B aviaires nécessitait l’enzyme AID. On
pense que le clivage monocaténaire par APE1 qui suit la désamination de cytosine
serait le signal qui lance un processus de réparation sur base d’homologie au cours
duquel un segment génique V homologue est utilisé comme matrice pour la répli-
cation de l’ADN qui répare le gène de région V.
Chez les moutons et les vaches, la diversification des immunoglobulines résulte de
l’hypermutation somatique qui se produit dans un organe lymphoïde appelé pla-
ques de Peyer de l’iléon. L’hypermutation somatique, indépendante des cellules T
et de l’interaction avec un antigène particulier, contribue également à la diversifi-
cation des immunoglobulines chez les oiseaux, les moutons et les lapins.

4-20 La commutation de classe permet au même exon VH assemblé d’être


associé à différents gènes CH au cours d’une réponse immunitaire.

Les exons de la région VH exprimés par une cellule B donnée sont déterminés dès le
début de sa différenciation dans la moelle osseuse, et bien qu’ils puissent être modi-
fiés par hypermutation somatique, aucune recombinaison V(D)J supplémentaire
172 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Fig. 4.26 La diversification des


immunoglobulines de poulet se produit Gènes germinaux des immunoglobulines de poulet Progéniteur de cellules B de poulet
par conversion génique. Chez le poulet,
la diversité des immunoglobulines qui peut pseudogènes VH
être créée par recombinaison V(D)J est VH Dμ Jμ Cμ
extrêmement limitée. Au départ, il n’y a qu’un
segment génique J et V actif et 15 segments RAG-1
géniques D pour le gène de chaîne lourde et pseudogènes Vλ RAG-2
Vλ Jλ Cλ
un segment génique V et J actif au locus de la
seule chaîne légère (panneau de gauche en
haut). Les cellules B immatures exprimant ce
récepteur migrent dans la bourse de Fabricius,
où l’interconnexion de l’immunoglobuline de
surface (Igs) induit la prolifération cellulaire Toutes les cellules B immatures
(deuxièmes panneaux). Des événements Cellules B immatures de poulet. dans la bourse expriment le même
de conversion génique introduisent des Toutes ont réarrangé les mêmes gènes VH et V𝛌 récepteur. L’expression
séquences de pseudogènes V adjacents de l’Igs induit la prolifération
dans le gène exprimé, ce qui crée alors une
diversification des récepteurs (troisième VDJ μ Cμ
panneau). Certaines de ces conversions
géniques inactiveront le gène exprimé
précédemment (non montré). Si une cellule B VJ λ Cλ
ne peut plus exprimer l’Igs après conversion
génique, elle est éliminée. Des événements de
conversion génique répétés peuvent continuer
à diversifier le répertoire (panneaux du bas).

La conversion génique donne


Des séquences de pseudogènes V sont introduites, par conversion aux récepteurs des spécificités
génique, dans les gènes V réarrangés variables. Les cellules B qui n’expriment
plus l’Igs meurent

VDJ μ Cμ

VJ λ Cλ

De multiples cycles de conversion génique peuvent modifier Répertoire diversifié des spécificités
l’affinité des anticorps pour l’antigène antigéniques de la cellule B

VDJ μ Cμ

VJ λ Cλ

ne se produira par la suite. Tous les descendants de cette cellule  B exprimeront


par conséquent le même de gène VH. Par contre, plusieurs isotypes différents de
région C peuvent être exprimés dans la descendance de la cellule B pendant la dif-
férenciation et la prolifération cellulaires au cours d’une réponse immune. Toute
cellule B commence par exprimer des IgM comme récepteurs, et les premiers types
d’anticorps sécrétés au cours de la réponse immune sont toujours des IgM. Plus
tard, au cours de la réponse immune, la même région V assemblée peut être expri-
mée dans des anticorps IgG, IgA, ou IgE. Ce changement est appelé commutation
de classe ou commutation isotypique et, contrairement à l’expression de l’IgD, la
commutation isotypique implique une recombinaison irréversible de l’ADN. Elle
est induite au cours de la réponse immune par des signaux externes comme ceux
qui proviennent des cytokines sécrétées par les cellules T ou des signaux mitogè-
nes délivrés par des pathogènes (nous y reviendrons dans le Chapitre 9). Ici, nous
décrirons les bases moléculaires de la commutation isotypique.
La commutation à partir de l’IgM vers les autres classes d’immunoglobulines ne sur-
vient qu’après stimulation antigénique des cellules B. Elle se fait par un mécanisme
Diversification secondaire du répertoire des anticorps 173

spécialisé de recombinaison d’ADN non homologue guidée par des séquences répé-
tées d’ADN appelées régions de commutation (switch regions), ou région S. Elles se
situent dans l’intron entre les segments géniques JH et le gène Cµ ainsi que dans des
sites équivalents en amont de chaque gène de chacun des autres isotypes de chaîne
lourde, à l’exception du gène δ, dont l’expression ne dépend pas d’un réarrange-
ment de l’ADN (Fig. 4.27, premier panneau). Lorsqu’une cellule B passe de la coex-
pression d’IgM et d’IgD à l’expression d’une autre classe, une recombinaison d’ADN
survient entre Sµ et la région S située immédiatement en amont du gène codant cet
isotype. Lors d’un tel événement de recombinaison, les régions codant Cδ et tout

Fig. 4.27 La commutation de classe


VDJ Cμ Cδ Cγ3 Cγ1 Cγ2β Cγ2α Cε Cα implique une recombinaison entre des
signaux spécifiques de commutation. Cette
Sμ Sγ3 Sγ1 Sγ2β Sγ2α Sε Sα figure illustre la commutation entre les isotypes
μ et ε dans le locus de la chaîne lourde de
souris. Des séquences d’ADN répétitives,
régions de commutation ou régions S (Switch),
La transcription à travers la région de commutation est lancée par activation du promoteur en amont qui guident la commutation de classe se
trouvent en amont de chaque gène de région
C des immunoglobulines à l’exception du
Sμ Cμ Cδ Sε Cε
gène δ. La commutation est guidée par le
début de la transcription à travers ces régions
à partir des promoteurs (flèches) situés en
amont de chaque S. En raison de la nature
des séquences répétitives, la transcription à
AID, UNG et APE1 procèdent à des coupures groupées sur les deux brins d’ADN travers les régions S génère des boucles R
(des régions étendues d’ADN monocaténaire
APE1
formées par le brin non matriciel) qui servent
de substrats à AID, et ensuite à UNG et
UNG AID APE1. Ces activités introduisent des coupures
C C C C C C monocaténaires en grande densité dans le
C C
C
C
C
C brin d’ADN non matriciel, et probablement
ARNm ARNm aussi un nombre plus petit de coupures dans
le brin matriciel. Les coupures échelonnées
sont converties en cassures bicaténaires par
ADN-PK et d’autres protéines de réparation interviennent pour commencer à réparer la cassure bicaténaire un mécanisme qui n’est pas encore compris.
On pense que ces cassures sont reconnues
protéines par la machinerie de réparation des cassures
de réparation DNA-PK bicaténaires selon un processus qui implique
la participation de l’ADN-PKcs et d’autres
protéines de réparation. Les deux régions S,
dans le cas présent, Sμ et Sε, sont rapprochées
par cette machinerie, et la commutation de
classe est achevée par excision de la région
intermédiaire de l’ADN (comprenant Cμ, Cδ) et
La machinerie de réparation joint les deux régions S et excise les séquences intermédiaires ligature des régions Sμ et Sε.

Cγ3

Sγ3

Cμ Machinerie
de réparation

Sμ Sε
VDJ Cε Cα

La région constante sélectionnée est maintenant adjacente à la région VDJ

VDJ Cε Cα

Sμ/Sε Sα
174 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

l’ADN intermédiaire entre lui et la région S subissant le réarrangement sont exci-


sées. La Fig. 4.27 illustre la commutation à partir de Cµ jusqu’à Cε chez la souris. Tous
les événements de recombinaison produisent des gènes qui peuvent coder une pro-
téine fonctionnelle car les séquences de commutation sont situées dans les introns
et ne peuvent donc causer des mutations de déphasage du cadre de lecture.
Comme nous l’avons souligné dans la Section 4-17, AID ne peut agir que sur un
ADN monocaténaire. On sait que la transcription passant par les régions S est
requise pour une commutation efficace, cette transcription étant probablement
nécessaire pour ouvrir l’ADN et permettre l’accès de AID aux résidus de cytidine
dans les régions S. Les séquences de ces régions, lorsqu’elles sont transcrites,
acquièrent peut-être des propriétés qui favorisent l’accès de AID à l’ADN déroulé.
Premièrement, le brin non matriciel est riche en G. La région S de µ (Sµ) est consti-
tuée d’environ 150  répétitions de la séquence [(GAGCT)n(GGGGGT)], où n est
généralement égal à 3 mais peut aller jusqu’à 7. La séquence des autres régions S
(Sγ, Sα, et Sε ) est un peu différente, mais contient toujours des répétitions de GAGCT
et de GGGGGT. On pense que la transcription produit des structures ressemblant à
des bulles, appelées boucles R ; elles sont formées lorsque l’ARN transcrit déplace
le brin non matriciel de la double hélice d’ADN (voir Fig. 4.27). On a suggéré que
l’hybride ARN–ADN qui est formé lors de la transcription des régions S favorise par-
ticulièrement la formation des boucles R, bien qu’il y ait d’autres structures théo-
riques que le brin matriciel pourrait adopter afin de favoriser la commutation. En
tout cas, il semble que le brin non matriciel est déplacé et qu’il adopte une confi-
guration qui fait de la région un bon substrat pour AID, qui déclenche des clivages
monocaténaires dans les sites des résidus C. De plus, des séquences particulières
comme AGCT peuvent être des substrats particulièrement adéquats pour AID et,
puisqu’ils sont palindromiques, ils peuvent aider AID à agir simultanément sur les
résidus de cytidine des deux brins et donc entraîner de nombreux clivages sur cha-
cun des brins, ce qui conduit finalement à une cassure bicaténaire. Quel que soit le
mécanisme précis, la transcription à travers les régions S paraît induire des coupu-
res bicaténaires dans ces régions. Le mécanisme cellulaire de réparation pourrait
alors mener à une recombinaison non homologue entre les régions S avec commu-
tation de classe ; les bouts devant être joints seraient rapprochés par alignement des
séquences répétitives communes aux différentes régions S. La jonction des bouts
d’ADN serait alors suivie par l’excision de toute la séquence intermédiaire entre les
deux régions S et la formation d’une région chimérique à la jonction.
L’absence de AID bloque complètement la commutation de classe. Une déficience
en cette enzyme chez l’homme entraîne une forme d’immunodéficience appelée
« syndrome hyper IgM de type 2 », qui est caractérisée par une absence d’immuno-
globuline autre que l’IgM et dont il sera question au Chapitre 12. Une déficience
d’UNG chez la souris et chez l’homme affecte gravement la commutation de classe,
ce qui constitue un argument supplémentaire en faveur des actions séquentielles
Déficience de AID de AID et UNG, comme décrit à la Section 4-17. L’implication de la réparation de la
(Activation-Induced cytidine cassure bicaténaire est montrée par le fait que la commutation est réduite forte-
Deaminase) ment chez les souris déficientes en protéines Ku. Comme celles-ci sont aussi essen-
tielles pour les jonctions d’ADN durant les recombinaisons V(D)J (voir la Section 4-5),
l’expérience montrant son implication dans la commutation de classe fut effectuée
sur des souris porteuses de transgènes préarrangés de chaînes lourdes et légères.
Des déficiences en d’autres protéines de réparation de l’ADN comme l’ADN-PKcs
empêchent aussi la commutation de classe, très probablement parce qu’elles sont
requises pour l’appariement de l’ADN et les processus de jonction
Bien que la recombinaison de commutation isotypique implique, comme la recom-
binaison V(D)J, un réarrangement de l’ADN et certaines machineries enzymati-
ques communes, les deux processus diffèrent sur plusieurs points. Premièrement,
toute recombinaison de commutation est productive. Deuxièmement, elle utilise
des séquences différentes de signal de recombinaison et ne requiert pas les enzy-
mes RAG. Troisièmement, elle se produit après stimulation par l’antigène et non
durant le développement de la cellule B dans la moelle osseuse. Et quatrièmement,
Résumé du Chapitre 4 175

la commutation ne se fait pas au hasard, mais dépend de signaux externes comme


ceux qui proviennent des cellules T, comme décrit au Chapitre 9.

Résumé.

Les gènes d’immunoglobulines après avoir été réarrangés par recombinaison V(D)
J peuvent encore être diversifiés par hypermutation somatique, conversion géni-
que et commutation de classe, qui toutes sont basées sur la réparation de l’ADN
et les processus de recombinaison déclenchés par l’enzyme AID (Activation-
Induced cytidine Deaminase). Contrairement à la recombinaison V(D)J, cette
diversification secondaire ne se produit que dans les cellules B et, pour l’hyper-
mutation somatique et la commutation de classe, seulement après activation des
lymphocytes B par leur antigène. L’hypermutation somatique diversifie la région
V par introduction de mutations ponctuelles. Lorsque cela se traduit par une plus
grande affinité pour l’antigène, les cellules B activées produisant l’immunoglobu-
line mutée peuvent survivre ; la conséquence est que l’affinité des anticorps pour
l’antigène augmente avec la progression de la réponse immunitaire. La commuta-
tion de classe ne touche pas la région V, mais augmente la diversité fonctionnelle
des immunoglobulines en remplaçant, dans le gène d’immunoglobuline, la région
Cµ, exprimée en premier lieu, par une autre région C de chaîne lourde afin que des
anticorps IgG, IgA ou IgE puissent être produits. La commutation de classe four-
nit des anticorps dotés de la même spécificité antigénique, mais avec des capaci-
tés effectrices distinctes. La conversion génique est le principal mécanisme utilisé
pour fournir un large répertoire d’immunoglobulines aux animaux dont les gènes
de lignée germinale n’assurent qu’une diversité limitée à partir de la recombinai-
son V(D)J. Le processus consiste en un remplacement de segments de la région V
réarrangée par des séquences dérivées de pseudogènes.

Résumé du Chapitre 4.

Les récepteurs des lymphocytes sont remarquablement diversifiés, les cellules B


et les cellules  T en développement utilisant le même mécanisme de base pour
atteindre cette diversité. Dans chaque cellule, les gènes fonctionnels pour les
immunoglobulines et les récepteurs de cellule T sont assemblés par recombinai-
son somatique à partir d’assortiments de segments géniques séparés qui ensemble
codent la région V. Les substrats pour les processus de jonction sont des séries de
segments géniques V, D et J, qui sont semblables dans tous les locus des récepteurs
d’antigène, bien qu’il y ait d’importantes différences dans les détails de leur arran-
gement. Les protéines spécifiques des lymphocytes, RAG-1 et RAG-2, dirigent le
processus de recombinaison V(D)J dans les cellules  B et  T. Ces gènes fonction-
nent de concert avec d’autres enzymes ubiquitaires de modification de l’ADN et
avec au moins une autre enzyme spécifique des lymphocytes, la TdT, qui achève le
réarrangement génique. Comme chaque type de segment génique est présent en
de multiples versions légèrement différentes, la sélection au hasard d’un segment
génique de chaque assortiment en vue de l’assemblage est la source d’un vaste
potentiel de diversité. Durant le réarrangement, un haut degré de diversité fonc-
tionnellement importante est introduit aux jonctions des segments géniques par
des mécanismes d’assemblage imprécis. Cette diversité est concentrée dans l’ADN
codant les boucles CDR3 des récepteurs, boucles qui se situent au centre du site
de liaison à l’antigène. L’association indépendante des deux chaînes des immuno-
globulines ou des récepteurs de cellule T multiplie la diversité globale des récep-
teurs d’antigène. De plus, les cellules  B matures activées par l’antigène lancent
un processus de mutation ponctuelle somatique dans l’ADN des régions V, ce qui
crée de nombreuses variantes des régions  V assemblées. Une différence impor-
tante entre les immunoglobulines et les récepteurs de cellule T est l’existence de
deux formes d’immunoglobulines, soit membranaires (récepteur de cellule  B),
soit sécrétées (anticorps). Cette capacité de produire des formes membranaires ou
176 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

Fig. 4.28 Changements dans les gènes


des immunoglobulines et des récepteurs Événement Processus Nature Le processus a lieu dans :
de cellule T qui se produisent durant du changement
la différenciation et le développement
Cellules B Cellules T
des cellules B et des cellules T. Ces
changements qui établissent la diversité
immunologique sont tous irréversibles car Recombinaison somatique
Assemblage des régions V Irréversible Oui Oui
ils impliquent des changements dans l’ADN de l’ADN
des cellules B et des cellules T. Certains
changements dans l’organisation de l’ADN ou Diversité jonctionnelle Jonction imprécise, insertion
de séquences N dans l’ADN Irréversible Oui Oui
dans sa transcription surviennent seulement
dans les cellules B. L’hypermutation somatique
n’a pas été observée dans les récepteurs Activation d’un promoteur Irréversible
Activation transcriptionnelle par la proximité de l’amplificateur Oui Oui
fonctionnels des récepteurs des cellules T. mais régulé
Un processus propre aux cellules B, comme
la recombinaison de commutation, permet Recombinaison de commutation Recombinaison somatique Irréversible Oui Non
à la même région V d’être rattachée à de l’ADN
différentes régions C de chaînes lourdes
fonctionnellement distinctes et crée donc de la Hypermutation somatique Mutation ponctuelle de l’ADN Irréversible Oui Non
diversité fonctionnelle de manière irréversible.
Par contre, le passage de l’expression de l’IgM Expression de l’IgM et de l’IgD Réversible,
à celle de l’IgD et des formes membranaires Épissage différentiel de l’ARN Oui Non
de membrane régulé
aux formes secrétées pour tous les types
d’immunoglobulines, peut en principe être Forme membranaire Réversible,
Épissage différentiel de l’ARN Oui Non
régulé de manière réversible. vs forme secrétée régulé

sécrétées de la même molécule est due à des épissages différentiels de l’ARNm de


la chaîne lourde pour inclure les exons qui codent différentes formes de séquences
carboxyterminales. Les régions C des chaînes lourdes contiennent trois ou quatre
domaines d’immunoglobulines, tandis que les chaînes des récepteurs des cellu-
les T n’en ont qu’un. Finalement, les cellules B sont aptes à augmenter la diver-
sité des immunoglobulines par trois mécanismes qui impliquent des mutations
somatiques du répertoire primaire dépendant de AID : l’hypermutation somati-
que, la conversion génique et la commutation de classe. L’hypermutation somati-
que et la conversion génique augmentent la diversité par des changements dans
les régions V des gènes d’immunoglobuline. Les anticorps exercent de nombreu-
ses fonctions effectrices qui sont assurées par leur région C. La commutation de
classe permet l’usage de plusieurs régions C de chaîne lourde associées à la même
région V, produisant ainsi des anticorps de même spécificité mais exerçant des
fonctions effectrices différentes. De cette manière, la descendance d’une seule cel-
lule B peut exprimer différentes classes d’anticorps, optimisant ainsi les possibili-
tés effectrices d’un anticorps spécifique d’un antigène donné. Les changements
dans les gènes des immunoglobulines et des récepteurs de cellule T qui se produi-
sent durant le développement des cellules B et T sont résumés dans la Fig. 4.28.

Questions.

4.1 (a) Quels sont les deux types de réarrangements somatiques de l’ADN qui
se produisent dans le locus du gène des immunoglobulines ? (b) Comparer les
mécanismes qui produisent ces types de réarrangement. (c) Lequel de ces types
de réarrangements se produit également dans les locus qui codent les récepteurs
de lymphocyte T ? (d) Quelles seraient les conséquences d’une activité de AID
survenant dans les cellules T ?

4.2 (a) Quelles sont les gènes critiques propres aux lymphocytes impliqués dans la
recombinaison V(D)J ? (b) Quelles sont leurs principales activités enzymatiques ? (c)
Lesquelles de ces activités sont utilisées de préférence pour la formation de gènes
réarrangés de chaîne lourde par rapport aux gènes de chaîne légère ? (d) Laquelle de
ces activités est utilisée uniquement dans l’apprêtement des joints codants ? Des
joints signal ? (e) Comment cela explique-t-il que les joints signal soient précis, alors
que les joints codants sont imprécis ?
Références 177

4.3 Le processus complet de recombinaison V(D)J utilise à la fois des activités


enzymatiques propres à certains tissus (les cellules B et les cellules T) ainsi que
d’autres qui sont exprimées de manière ubiquitaire. (a) Décrivez les deux activités
enzymatiques ubiquitaires nécessaires à l’achèvement de la jonction V(D)J. (b)
Pourquoi ces activités ne donnent-elles pas lieu à des réarrangements V(D)J
inappropriés dans d’autres tissus ?

4.4 (a) Décrivez les quatre processus principaux qui génèrent la diversité du
répertoire des lymphocytes. (b) Lequel de ces processus n’est pas partagé par
les deux cellules B et T ? (c) Comment cette différence est-elle liée à la nature des
réarrangements d’ADN qui se produisent dans les cellules B et les lymphocytes T ?
(d) Quels sont les autres processus qui se produisent dans les cellules B mais qui ne
surviennent pas dans les cellules T ? Pourquoi ?

4.5 (a) Quelles sont les fonctions physiologiques de la commutation de classe des
gènes d’anticorps ? (b) Comment la commutation de classe est-elle régulée par
l’environnement ou par des interactions avec des agents pathogènes ?

Références générales. 4-3 De multiples segments géniques V contigus sont présents


dans chaque locus d’immunoglobuline.
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4-5 La réaction qui recombine des segments géniques V, D
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178 Chapitre 4 : La génération des récepteurs lymphocytaires d’antigène

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4-12 Les différentes classes d’immunoglobulines se distinguent
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aux jonctions entre segments géniques contribuent fonctionnelle aux anticorps.
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4-14 Les cellules B matures et naïves expriment l’IgM et l’IgD
4-9 Les segments géniques des récepteurs de cellule T sont à leur surface.
disposés de la même manière que les segments géniques
des immunoglobulines et sont réarrangés par les mêmes Abney E.R., Cooper, M.D., Kearney, J.F., Lawton, A.R., and Parkhouse, R.M.:
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Références 179

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181

La présentation des antigènes


aux lymphocytes T 5
Au cours de la réponse immune adaptative, l’antigène est reconnu par deux groupes
distincts de molécules réceptrices - les immunoglobulines qui servent de récepteurs
d’antigène sur les cellules  B et les récepteurs spécifiques d’antigène des cellules  T.
Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 3, les cellules T ne reconnaissent que les
antigènes présentés sur les surfaces cellulaires. Ces antigènes peuvent dériver de
pathogènes qui se répliquent dans les cellules, comme les virus ou les bactéries intra-
cellulaires, ou encore des pathogènes ou de leurs produits que les cellules ingèrent
par endocytose à partir du milieu extracellulaire. Les cellules T peuvent détecter la
présence de pathogènes intracellulaires parce que les cellules infectées présentent à
leur surface des fragments peptidiques dérivés des protéines de ces pathogènes. Ces
peptides étrangers sont transférés à la surface cellulaire par des glycoprotéines spé-
cialisées, les molécules du CMH, décrites au Chapitre 3. Les molécules du CMH sont
codées par un vaste ensemble de gènes qui ont d’abord été identifiés par leurs effets
puissants sur la réponse immunitaire contre les tissus transplantés. Pour cette raison,
cet ensemble de gènes a été appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH).
Nous commencerons par discuter les mécanismes de l’apprêtement et de la pré-
sentation de l’antigène, par lesquels les antigènes protéiques sont dégradés en
peptides qui se fixent aux molécules du CMH dans les cellules et sont ensuite
transportés à la surface cellulaire. Nous verrons que les deux classes différentes de
molécules du CMH, appelées CMH de classe I et CMH de classe II, présentent des
peptides de différents compartiments cellulaires à la surface de la cellule infectée.
Les peptides cytosoliques sont liés par les molécules du CMH de classe I et sont
reconnus par les cellules T CD8, tandis que les peptides générés dans les vésicules
sont liés par les molécules de CMH de classe II et reconnus par les cellules T CD4.
Par conséquent, les deux sous-populations fonctionnelles de cellules T sont acti-
vées pour déclencher la destruction des pathogènes résidant dans ces deux com-
partiments cellulaires différents. Certaines cellules T CD4 activent les cellules B
qui ont ingéré un antigène spécifique, et donc stimulent aussi la production des
anticorps contre les pathogènes extracellulaires et leurs produits.
La seconde partie de ce chapitre est consacrée aux gènes du CMH des classes I et II et
à leur remarquable variabilité génétique. Il y a plusieurs molécules CMH différentes
dans chaque classe et chacun de leur gène est très polymorphe, avec de nombreux
variants dans la population. Le polymorphisme du CMH a un effet profond sur la
reconnaissance de l’antigène par les cellules T, et la combinaison de multiples gènes
avec le polymorphisme étend considérablement la gamme de peptides qui peu-
vent être présentés aux cellules T par chaque individu et chaque population expo-
sés au risque d’un agent infectieux. Nous verrons également que le CMH contient
des gènes autres que ceux des molécules du CMH, et que les produits de nombreux
d’entre eux sont impliqués dans la production des complexes peptide:CMH.
182 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Nous examinerons également un groupe de protéines, codées à l’intérieur et à l’ex-


térieur du CMH, qui sont semblables aux molécules du CMH de classe I mais ont
un polymorphisme restreint. Elles exercent diverses fonctions, dont l’une est la
présentation d’antigènes lipidiques aux cellules T et aux cellules NK.

La génération des ligands des récepteurs de cellule T.


La fonction protectrice des cellules T dépend de leur capacité de reconnaître les
cellules dans lesquelles des pathogènes se multiplient ou dans les cellules qui ont
ingéré des pathogènes ou leurs produits. Les cellules T y parviennent en recon-
naissant à la surface cellulaire les fragments peptidiques dérivés des protéines des
pathogènes sous forme de complexes de peptide et de molécules du CMH. Parce
que la génération des peptides à partir d’un antigène intact implique la modifica-
tion de la protéine native, le processus est communément appelé apprêtement de
l’antigène, tandis que l’exposition du peptide à la surface cellulaire par la molé-
cule du CMH est appelée présentation d’antigène. Nous avons déjà décrit la
structure des molécules du CMH et comment elles lient le peptide antigénique
dans un sillon de leur surface externe (voir Sections 3-13 à 3-16). Dans ce chapi-
tre, nous examinerons comment les peptides sont générés à partir des pathogènes
présents dans le cytosol ou dans les compartiments vésiculaires des cellules puis
chargés respectivement sur les molécules du CMH de classe I et de classe II.

5-1 Les molécules du CMH de classe I et de classe II apportent des peptides


à la surface cellulaire à partir de deux compartiments intracellulaires.
Les agents infectieux peuvent se répliquer dans l’un des deux compartiments intracel-
vésicule cytosol noyau lulaires (Fig. 5.1). Les virus et certaines bactéries se répliquent dans le cytoplasme ou
de sécrétion
dans le noyau (Fig. 5.2, premier panneau), tandis que beaucoup de bactéries patho-
gènes et certains parasites eucaryotes se répliquent dans les endosomes ou dans les
lysosomes qui font partie du système vésiculaire (Fig. 5.2, troisième panneau). Des anti-
gènes exogènes dérivés de pathogènes extracellulaires ou d’autres cellules infectées par
un pathogène peuvent aussi entrer dans le cytosol des cellules présentatrices d’antigène
spécialisées (Fig. 5.2, deuxième panneau), comme nous le décrirons plus en détail plus
tard. Le système immunitaire recourt à différentes stratégies pour éliminer les patho-
gènes du cytosol et du système endosomique. Les cellules infectées par des virus ou
endosome réticulum des bactéries qui vivent dans le cytosol sont éliminées par les cellules T cytotoxiques ;
endoplasmique comme il a été mentionné dans le Chapitre 3, ces cellules T se distinguent par la molé-
lysosome
appareil cule coréceptrice CD8 (voir la Section 3-17). La fonction des cellules T CD8 est de tuer
de Golgi
les cellules infectées ; c’est un important moyen d’éliminer les sources de nouvelles par-
ticules virales et des bactéries cytosoliques strictes, libérant ainsi l’hôte de l’infection.

Fig. 5.1 Il y a deux compartiments Les pathogènes et leurs produits dans les compartiments vésiculaires des cellules
intracellulaires majeurs séparés par des sont détectés par différentes classes de cellules T, reconnaissables par leurs molécu-
membranes. Le premier est le cytosol, qui les coréceptrices CD4 (voir la Section 3-17). Les cellules CD4 ont plusieurs activités
communique avec le noyau par des pores
distinctes, qui sont exercées par des sous-populations CD4 effectrices différentes. Les
dans la membrane nucléaire. Le second
est le système vésiculaire, qui comprend cellules TH1 et les cellules TH2 furent les premières sous-populations à être reconnues.
le réticulum endoplasmique, l’appareil de Les TH1 activent l’activité lytique des macrophages envers les pathogènes intravési-
Golgi, les endosomes, les lysosomes, et culaires qu’ils abritent et fournissent l’aide aux cellules B pour la production d’anti-
d’autres vésicules intracellulaires. Le système
vésiculaire peut être considéré comme étant
corps. Les cellules TH2 interviennent en réponse aux parasites et servent d’auxiliaires
en continuité avec le liquide extracellulaire. pour la production d’anticorps. Une sous-population de cellule T CD4 a été identifiée
Des vésicules de sécrétion bourgeonnent du récemment et est appelée TH17 du fait qu’elle produit une cytokine pro-inflamma-
réticulum endoplasmique, fusionnent avec toire, l’interleukine 17. Dans certaines situations, les cellules T CD4 exercent une acti-
les membranes du Golgi pour transférer
finalement le contenu vésiculaire en dehors vité cytotoxique similaire à celle des cellules T CD8. Par exemple, des cellules T CD4
des cellules, tandis que des substances humaines spécifiques d’un virus peuvent tuer des lymphocytes B infectés par le virus
extracellulaires sont captées par endocytose d’Epstein–Barr (EBV). D’autres sous-populations comprennent au moins deux types
dans les endosomes, qui les transfèrent dans de cellules T CD4 régulatrices : l’une est dérivée durant le développement dans le thy-
les lysosomes où elles seront finalement
dégradées. mus, et les autres sont générées en périphérie durant une réponse immune.
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 183

Pathogènes du cytosol Présentation croisée Pathogènes intravésiculaires Pathogènes extracellulaires


d’antigènes exogènes et toxines

toute cellule macrophage cellule B

Dégradé dans Cytosol Cytosol (par rétrotranslocation) Vésicules d’endocytose (pH acide) Vésicules d’endocytose (pH acide)

Peptides liés à CMH de classe I CMH de classe I CMH de classe II CMH de classe II

Présentés à Cellules T CD8 Cellules T CD8 Cellules T CD4 Cellules T CD4

Effet sur la cellule La cellule présentatrice, Activation pour tuer les Activation de cellules B qui
Mort cellulaire habituellement une cellule bactéries et les parasites sécrètent des Ig pour éliminer
présentatrice
dendritique, active la cellule T CD8 intravésiculaires bactéries et toxines extracellulaires

Les antigènes microbiens peuvent entrer dans les compartiments vésiculaires de Fig. 5.2 Les pathogènes et leurs produits
peuvent être trouvés soit dans le cytosol
deux façons. Certaines bactéries, dont les mycobactéries qui causent la tuberculose
soit dans le compartiment vésiculaire des
et la lèpre, envahissent les macrophages et prolifèrent dans les vésicules intracel- cellules. Premier panneau: tous les virus
lulaires. D’autres bactéries prolifèrent en dehors des cellules, où elles endomma- et certaines bactéries se multiplient dans
gent des tissus en sécrétant des toxines ou d’autres protéines. Ces bactéries et leurs le compartiment cytosolique. Les antigènes
sont présentés par les molécules du CMH
produits toxiques peuvent être ingérés par phagocytose, endocytose ou macropi- de classe I aux cellules T CD8. Deuxième
nocytose dans les vésicules intracellulaires des cellules qui présentent ensuite les panneau : des antigènes exogènes d’une
antigènes aux cellules T. Elles comprennent les cellules dendritiques spécialisées cellule mourante infectée par un virus et qui
dans l’activation des réponses cellulaires T (voir la Section 1-7), les macrophages est phagocytée par une cellule dendritique
peuvent être transférés dans le cytosol, où
spécialisés dans la capture des particules (voir la Section 2-4), et les cellules B qui ils peuvent être dégradés et chargés sur
endocytent efficacement les antigènes spécifiques liés à leurs immunoglobulines des molécules du CMH de classe I. Une
de surface (Fig. 5.2, quatrième panneau). telle présentation croisée est importante en
permettant aux cellules dendritiques d’activer
Les molécules du CMH de classe I transfèrent des peptides venant du cytosol à la des cellules T CD8 naïves spécifiques de virus
surface cellulaire, où ils sont reconnus par les cellules T CD8. Les molécules du CMH qui n’infectent pas les cellules dendritiques
elles-mêmes. Troisième panneau : d’autres
de classe II transfèrent des peptides originaires des systèmes vésiculaires à la surface bactéries et certains parasites sont captés
cellulaire, où ils sont reconnus par les cellules T CD4. Comme nous avons vu dans la dans des endosomes habituellement par
Section 3-17, la spécificité de cette réaction est due au fait que CD8 et CD4 lient res- des cellules phagocytaires comme les
pectivement les molécules du CMH de classe I et de classe II. Les différentes activités macrophages. Ils y sont tués et dégradés, mais
dans certains cas, ils sont capables de survivre
des cellules CD8 et CD4 peuvent être considérées comme étant adaptées à la résis- et de proliférer dans les vésicules. Leurs
tance contre des pathogènes présents dans des compartiments cellulaires différents antigènes sont présentés par les molécules
mais, comme nous allons le voir, des connexions existent entre ces deux voies. du CMH de classe II aux cellules T CD4.
Quatrième panneau : les protéines dérivées
des pathogènes extracellulaires peuvent
entrer dans le système vésiculaire des cellules
5-2 Les peptides liés par les molécules du CMH de classe I sont par liaison à des molécules de surface et
transportés activement du cytosol vers le réticulum endoplasmique. endocytose. C’est illustré pour des protéines
liées aux immunoglobulines de surface des
cellules B (pour simplification, le réticulum
Les chaînes polypeptidiques des protéines destinées à la surface cellulaire, entre
endoplasmique et l’appareil de Golgi ont été
autres les chaînes des molécules du CMH, sont transférées durant leur synthèse omis). Les cellules B présentent ces antigènes
dans la lumière du réticulum endoplasmique, où les deux chaînes de chaque molé- aux cellules T CD4 auxiliaires, qui peuvent
cule du CMH se replient correctement et s’associent. Ce qui signifie que le site de alors stimuler la production des anticorps
par les cellules B. D’autres types de cellules
liaison au peptide de la molécule du CMH de classe I est formé dans la lumière du porteuses de récepteurs pour les régions
réticulum endoplasmique et n’est jamais exposé au cytosol. Or, les fragments anti- Fc des molécules d’anticorps peuvent aussi
géniques qui se lient aux molécules du CMH de classe I dérivent de protéines vira- ingérer des antigènes de cette façon et sont
les produites dans le cytosol. La question se pose donc : comment des peptides capables d’activer les cellules T.
dérivés de protéines cytosoliques peuvent-elles se lier aux molécules du CMH de
classe I afin d’être exposés à la surface cellulaire ?
184 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

La réponse est que les peptides sont transportés à partir du cytosol par des protéines
Déficience en CMH de classe I de la membrane du réticulum endoplasmique. Les premiers indices sont venus de
cellules mutantes avec un déficit de présentation de l’antigène par les molécules du
CMH de classe I. Bien que les deux chaînes des molécules du CMH de classe I soient
synthétisées normalement dans ces cellules, les protéines du CMH de classe I sont
présentes à des taux anormalement bas à leur surface. Ce déficit peut être corrigé par
l’addition de peptides synthétiques au milieu de culture des cellules, suggérant à la
fois que la mutation affecte la fourniture de peptides aux molécules de classe I du
CMH et que ce peptide est requis pour leur maintien à la surface cellulaire. C’était la
première observation que les peptides du CMH sont instables si elles n’ont pas lié de
peptide. L’analyse de l’ADN des cellules mutantes a montré que deux gènes codant
des membres de la famille des protéines ABC (ATP-Binding Cassette) étaient absents
ou mutants dans ces cellules. Les protéines ABC permettent le transport dépendant
Représentation schématique de TAP de l’ATP des ions, des sucres, des acides aminés, et des peptides à travers la mem-
brane dans beaucoup de types cellulaires, y compris les bactéries. Les deux protéines
Lumière du RE
ABC manquantes dans les cellules mutantes sont normalement associées à la mem-
brane du réticulum endoplasmique. La transfection des cellules mutantes avec ces
TAP1 TAP2 deux gènes restaure la présentation des peptides par les molécules du CMH de
domaine
transmembranaire classe I. Ces protéines sont appelées transporteurs-1 et -2 associés à l’apprêtement
Membrane du RE hydrophobe
de l’antigène (TAP1 et TAP2, Transporters associated with Antigen-Processing). Les
deux protéines TAP forment un hétérodimère (Fig. 5.3) et des mutations dans l’un des
domaine
liant l’ATP deux gènes TAP peuvent empêcher la présentation de l’antigène par les molécules du
Cytosol
CMH de classe I. Une infection virale de la cellule augmente le transfert de peptides
cytosoliques dans le réticulum endoplasmique. Les gènes TAP1 et TAP2 sont locali-
sés à l’intérieur même du CMH (voir la Section 5-11), et sont inductibles par les inter-
férons, qui sont produits eux-mêmes en réponse à l’infection virale.
Dans des expériences in vitro utilisant des fractions cellulaires normales, les vésicu-
les microsomiales qui ressemblent au réticulum endoplasmique captent des pep-
tides, qui se fixent ensuite aux molécules du CMH de classe I déjà présentes dans
la lumière du microsome. Les vésicules des cellules déficientes en TAP1 ou TAP2
a b ne transportent pas de peptides. Le transport peptidique dans les microsomes nor-
maux nécessite l’hydrolyse de l’ATP, prouvant que le complexe TAP1:TAP2 est un
transporteur de peptide dépendant de l’ATP. De telles expériences ont aussi montré
Fig. 5.3 TAP1 et TAP2 forment un
que le complexe TAP a une certaine spécificité pour les peptides qu’il peut trans-
transporteur de peptide dans la membrane
du réticulum endoplasmique. Tous les porter. Il préfère les peptides de 8 à 16 acides aminés avec des résidus hydrophobes
transporteurs de la famille ABC (ATP-Binding ou basiques dans sa partie carboxyterminale, caractéristiques exactes des peptides
Cassette) sont composés de quatre domaines qui se lient aux molécules du CMH de classe I (voir la Section 3-14), et a un biais
(panneau supérieur) : deux domaines
hydrophobes transmembranaires pourvus de
contre la proline dans les trois premiers résidus aminoterminaux. La découverte
multiples régions transmembranaires, et deux de TAP a expliqué comment les peptides viraux accèdent à la lumière du réticulum
domaines de liaison à l’ATP. TAP1 et TAP2 endoplasmique et se lient aux molécules du CMH de classe I, mais elle laisse en
codent chacun un domaine hydrophobe et suspens la question concernant le mécanisme de production de ces peptides.
un domaine de liaison qui s’assemblent en
un hétérodimère pour former un transporteur
à quatre domaines. Par similitude entre 5-3 Les peptides transportés dans le réticulum endoplasmique
les molécules TAP et les autres membres
de la famille des transporteurs ABC, on sont produits dans le cytosol.
pense que les domaines de liaison à l’ATP
se situent dans le cytosol tandis que les Les protéines sont continuellement dégradées dans les cellules et remplacées par
domaines hydrophobes se projettent à travers
la membrane dans la lumière du réticulum des protéines nouvellement synthétisées. La dégradation protéique est effectuée
endoplasmique (RE) pour former un canal par un complexe protéasique multicatalytique appelé le protéasome. Le protéa-
par lequel les peptides peuvent passer. Le some est un grand complexe cylindrique formé de 28 sous-unités disposées en
panneau inférieur montre une reconstruction quatre anneaux empilés de sept sous-unités chacun, dont l’intérieur est creux et
de la structure de l’hétérodimère TAP1:TAP2 à
partir de clichés de microscopie électronique. bordé par les sites actifs des sous-unités protéolytiques du protéasome. Les protéi-
L’image a montre la surface du transporteur nes à dégrader sont introduites à l’intérieur du protéasome et découpées en petits
TAP telle qu’on la verrait à partir de la lumière peptides, qui sont ensuite libérés.
du RE, tandis que l’image b montre la
molécule dans le plan de la membrane. Les Plusieurs types d’observations impliquent le protéasome dans la production
domaines liant l’ATP forment deux lobes sous des ligands peptidiques des molécules du CMH de classe I. Par exemple, le pro-
les domaines transmembranaires et ne sont
pas visibles sur ces images. G. Velarde a fourni téasome prend part à la voie de dégradation des protéines cytoplasmiques qui
les structures de TAP. dépend de l’ubiquitine, et le marquage expérimental des protéines par l’ubiquitine
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 185

permet une meilleure présentation de leurs peptides par des molécules du CMH
de classe I. De plus, les inhibiteurs de l’activité protéolytique du protéasome inhi-
bent la présentation par les molécules du CMH de classe I. Cependant, on ignore
si le protéasome représente le seul complexe protéasique capable de générer les
peptides qui sont transférés dans le réticulum endoplasmique.
Deux sous-unités du protéasome, appelées LMP2 (ou b1i) et LMP7 (ou b5i), sont
codées dans le CMH près des gènes TAP1 et TAP2. Comme les molécules de classe I
et les TAP, leur expression est induite par les interférons produits en réponse à une
infection virale. LMP2 et LMP7 se substituent à deux sous-unités du protéasome
exprimées de manière constitutive. Une troisième sous-unité, MECL-1 (appelée aussi
b2i), qui n’est pas codée dans le CMH, est également induite par les interférons et
déplace également une sous-unité constitutive du protéasome. Le protéasome peut
dès lors exister sous deux formes  —  le protéasome constitutif, présent dans toutes les
cellules, et l’immunoprotéasome, présent dans les cellules stimulées par les inter-
férons. Ces trois sous-unités inductibles et les trois constitutives qu’elles remplacent
sont supposées être les protéases actives. Le remplacement des composants consti-
tutifs par les inductibles semble changer la spécificité du protéasome ; dans les cellu-
les traitées par l’interféron, il y a augmentation du clivage des polypeptides après les
résidus hydrophobes et moins de clivage après les résidus acides. Ceci augmente la
production de peptides avec des résidus carboxyterminaux convenant mieux pour
l’ancrage à la plupart des molécules du CMH de classe I et pour le transport par TAP.
La production de peptides antigéniques de longueur adéquate est amplifiée par
une modification supplémentaire du protéasome induite par l’interféron-γ (IFN-
γ). Il s’agit de la liaison au protéasome d’un complexe protéique, PA28, dit acti-
vateur du protéasome. PA28 est un anneau de six ou sept représentants de deux
protéines, PA28α et PA28β, toutes deux étant induites par l’IFN-γ. L’anneau PA28 se

Fig. 5.4 L’activateur PA28 se lie à l’une


ou l’autre extrémité du protéasome.
Panneau a : les anneaux heptamériques de
PA28 l’activateur de protéasome PA28 (en jaune)
interagissent avec les sous-unités α (en
rose) à l’une ou l’autre extrémité du noyau du
protéasome (les sous-unités β qui constituent
la cavité catalytique du noyau sont en bleu).
Dans cette région se trouve l’α-annulus (en
vert), une ouverture étroite en anneau qui est
normalement bloquée par d’autres parties
α des sous-unités α (en rouge). Panneau b :
vue rapprochée de l’α-annulus. Panneau c : la
liaison de PA28 (non montré par simplicité) au
protéasome change la conformation des sous-
unités α, déplaçant les parties de la molécule
qui bloquent l’α-annulus, ouvrant ainsi
β
b l’extrémité du cylindre. Document de F. Whitby.
chambre
catalytique
β

PA28

a c
186 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

lie à une extrémité, ou aux deux, du cylindre du protéasome et, en ouvrant les deux
bouts, il augmente la vitesse avec laquelle les peptides sont libérés du protéasome
(Fig.  5.4). Ce processus ne fournit pas simplement plus de peptides, mais l’aug-
mentation du débit permet à des peptides potentiellement antigéniques d’échap-
per à un apprêtement additionnel susceptible de détruire leur antigénicité.
La traduction d’ARNm dérivés de pathogène ou du soi dans le cytoplasme génère non
seulement des protéines repliées correctement, mais aussi une quantité significa-
tive, atteignant peut-être 30 %, de peptides et protéines déchets, les DRiPs (Defective
Ribosomal Products). Ceux-ci comprennent, en plus des peptides traduits à partir
d’introns d’ARNm apprêtés incorrectement ou des peptides traduits après déphasage
du cadre de lecture, des protéines mal repliées. Les DRiPs sont reconnus par l’ubi-
quitine, marqués par elle et destinés ainsi à une dégradation rapide par le protéa-
some. Ce processus, apparemment gaspilleur, assure que tant les protéines du soi
que les protéines dérivées des pathogènes, en passant par les protéasomes, génèrent
en abondance des peptides pour une présentation finale par les protéines du CMH de
classe I. Le protéasome peut aussi augmenter le pool de peptides par un mécanisme
d’excision et d’épissage, dans lequel un segment interne d’une protéine est enlevé et
les segments polypeptidiques non contigus sont joints et utilisés comme peptide pré-
senté par le CMH de classe I. Bien que la fréquence du processus excision-épissage
ne soit pas encore connue, on connaît plusieurs exemples de cellules T CD8 spécifi-
ques de tumeur qui reconnaissent des antigènes peptidiques formés de cette façon.
Le protéasome produit des peptides prêts à être transférés dans le réticulum endo-
plasmique. À ce stade, des chaperonnes cellulaires, comme TRiC (TCP-1 Ring
Complex), une chaperonne de groupe II, protègent ces peptides d’une dégrada-
tion complète dans le cytoplasme. Beaucoup de ces peptides sont, cependant,
trop longs pour pouvoir être liés par les molécules du CMH de classe I. Aussi, le
clivage dans le protéasome peut ne pas être le seul apprêtement des antigènes
pour les molécules du CMH de classe I. Il semble bien que les extrémités carboxy-
terminales de peptides antigéniques soient en effet produites par clivage dans
le protéasome, mais les extrémités aminoterminales peuvent être produites par
un autre mécanisme. Les peptides trop longs pour être liés par les molécules du
CMH de classe  I peuvent être transportés dans le réticulum endoplasmique où
leur extrémité aminoterminale est clivée par une aminopeptidase appelée ERAAP
(Endoplasmic Reticulum Aminopeptidase associated with Antigen Processing, ami-
nopeptidase du réticulum endoplasmique associée à l’apprêtement de l’antigène).
Comme d’autres composants de la voie d’apprêtement antigénique, ERAAP est
régulée à la hausse par l’IFN-γ. Les souris déficientes en ERAAP ne peuvent pas
charger les peptides sur les molécules du CMH de classe I et, chez elles, les répon-
ses des cellules T CD8 sont médiocres, ce qui montre que ERAAP est une amino-
peptidase essentielle et unique dans cette voie d’apprêtement antigénique.

5-4 Un transport rétrograde du réticulum endoplasmique vers le cytosol


permet aux protéines exogènes d’être apprêtées pour une présentation
croisée par des molécules du CMH de classe I.
Les molécules du CMH de classe I présentent aussi des peptides dérivés des membra-
nes et des protéines sécrétées, par exemple, les glycoprotéines des enveloppes vira-
les. Les protéines membranaires et sécrétées sont normalement transportées dans la
lumière du réticulum durant leur synthèse. Cependant les peptides liés aux molécu-
les du CMH de classe I montrent à l’évidence que de telles protéines sont dégradées
dans le cytosol. Les groupes glycosylés liés à l’asparagine, habituellement présents sur
les protéines membranaires ou sécrétées, peuvent être enlevés dans le cytosol par une
réaction enzymatique changeant le résidu asparagine en acide aspartique, et ce chan-
gement de séquence révélateur peut être constaté dans quelques peptides présentés
par les molécules du CMH de classe I. Il apparaît maintenant que les protéines du réti-
culum endoplasmique peuvent être renvoyées dans le cytosol par le même mécanisme
que celui qui a permis de les transporter d’abord dans le réticulum endoplasmique.
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 187

Ce mécanisme, récemment découvert et qualifié de translocation rétrograde (rétro-


translocation), pourrait être le mécanisme normal par lequel les protéines dans le
réticulum endoplasmique se renouvellent et les protéines mal repliées sont éliminées.
Une fois dans le cytosol, les polypeptides sont dégradés par le protéasome. Les pepti-
des produits peuvent alors être renvoyés vers la lumière du réticulum endoplasmique
via TAP et chargés sur les molécules du CMH de classe I.
En raison de ce mécanisme de rétrotranslocation, les molécules du CMH de classe I
peuvent aussi présenter des peptides dérivés de protéines appartenant à d’autres
cellules qui ont été endocytées dans le système vésiculaire à partir du milieu extra-
cellulaire. Il peut s’agir, par exemple, de protéines de cellules infectées par des
virus ou de tissus greffés. La présentation d’antigènes exogènes par les molécules
du CMH de classe I pour les cellules T CD8 est appelée présentation croisée (voir
Fig. 5.2) ; elle a été découverte dans le milieu des années 1970, longtemps avant
que l’on ne comprenne son mécanisme. Dans une première expérience documen-
tant la présentation croisée, des cellules de rate de souris dont le CMH était H-2b
ont été injectées à une souris receveuse H-2b×d (porteuse donc à la fois du CMH
des types b et d). Les souris différaient également par des caractères génétiques
autres que le CMH. Curieusement, certaines cellules T CD8 ont répondu aux anti-
gènes «étrangers» exprimés par les cellules immunisantes, même si on se serait
attendu à ce que seules les cellules T CD4 répondent à ces antigènes exogènes. Ces
réponses étaient restreintes par les molécules du CMH de classe I H-2d de la sou-
ris receveuse. Ce résultat a été interprété comme signifiant que les cellules T CD8
pouvaient réagir à des peptides qui dérivaient des cellules immunisantes, mais qui
étaient présentés par une molécule du CMH de classe I de l’hôte.
L’observation de la présentation croisée a précédé la reconnaissance du fait que la
rétrotranslocation était impliquée, et l’on ne comprenait pas comment des protéi-
nes d’origine exogène étaient transférées dans le cytosol de la cellule hôte. La préci-
sion de la machinerie biochimique impliquée dans la rétrotranslocation fait encore
l’objet de recherche, mais une fois que les protéines exogènes, ont atteint le cytosol,
elles peuvent être dégradées par le protéasome et leurs peptides transportés dans le
réticulum endoplasmique et chargés sur des molécules du CMH de classe I. La pré-
sentation croisée concerne non seulement les antigènes de cellules ou de tissus gref-
fés, comme dans l’expérience originale décrite ci-dessus, mais aussi les antigènes
viraux, bactériens et tumoraux. La présentation croisée se produit particulièrement
bien dans une sous-population de cellules dendritiques qui expriment CD8 à leur
surface ; elles sont particulièrement efficaces dans la phagocytose d’antigènes exo-
gènes et dans leur transfert à partir du système endosomique dans le cytosol pour
l’apprêtement et la présentation par les molécules du CMH de classe I. Cette voie est
importante dans l’activation des cellules T CD8 naïves contre les virus qui n’infec-
tent pas les cellules présentatrices d’antigène comme les cellules dendritiques.

5-5 Les molécules du CMH de classe I nouvellement synthétisées


sont retenues dans le réticulum endoplasmique
jusqu’à ce qu’elles lient un peptide.
La liaison du peptide est une étape importante dans l’assemblage de molécules
stables du CMH de classe I. Quand la fourniture des peptides dans le réticulum
endoplasmique est interrompue, comme dans les cellules dont TAP est muté, les
molécules du CMH de classe  I sont retenues dans le réticulum endoplasmique
dans un état partiellement replié. Cela explique pourquoi les cellules avec des Déficience en CMH de classe I
mutations de TAP1 ou TAP2 ne peuvent exprimer les molécules du CMH de classe I
à leur surface. Le repliement et l’assemblage d’une molécule complète du CMH de
classe I (voir Fig. 3.20) dépendent d’abord de l’association de la chaîne α du CMH
de classe I à la β2-microglobuline, puis au peptide. Ce processus implique de nom-
breuses protéines accessoires exerçant une fonction de type « chaperon ». Ce n’est
qu’après avoir lié un peptide que la molécule du CMH de classe I peut être libérée
du réticulum endoplasmique et peut gagner la surface cellulaire.
188 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Fig. 5.5 les molécules du CMH de Chez l’homme, les chaînes  α du CMH de classe  I nouvellement synthétisées qui
classe I ne peuvent quitter le réticulum
entrent dans le réticulum endoplasmique se fixent à une protéine chaperonne,
endoplasmique (RE) sans lier un peptide.
Les chaînes α du CMH de classe I qui la calnexine, qui retient la molécule de CMH de classe I dans un état partiellement
viennent d’être synthétisées s’assemblent replié dans le réticulum endoplasmique (Fig. 5.5). La calnexine s’associe aussi aux
dans le RE avec une protéine liée à la récepteurs de cellule T partiellement repliés, aux immunoglobulines et aux molé-
membrane, la calnexine. Quand ce complexe
se fixe à la β2-microglobuline (β2m), le dimère
cules du CMH de classe  II  ; elle joue donc un rôle central dans l’assemblage de
chaîne α du CMH de classe I:β2m se détache nombreuses protéines immunologiques. Lorsque la β2-microglobuline se lie à la
de la calnexine, et la molécule du CMH de chaîne α, l’hétérodimère partiellement replié α:β2-microglobuline se dissocie de la
classe I partiellement repliée se lie ensuite au calnexine et se fixe à un complexe de protéines, dont l’une d’elles — la calréticu-
transporteur de peptide TAP en interagissant
avec une molécule de protéine associée à
line — est similaire à la calnexine et exerce probablement aussi des fonctions de
TAP, la tapasine. Les molécules chaperones, chaperone. Un second composant du complexe est la protéine associée à TAP, ou
calréticuline et Erp57, s’associent aussi à ce tapasine, codée également par un gène situé dans le CMH. La tapasine forme un
complexe. La molécule du CMH de classe I pont entre les molécules du CMH de classe I et le complexe TAP1:TAP2 permettant
est retenue à l’intérieur du RE jusqu’à ce
qu’elle soit libérée par la liaison d’un peptide, à l’hétérodimère α:β2-microglobuline partiellement replié d’attendre l’arrivée d’un
qui complète le repliement de la molécule peptide adéquat provenant du cytosol. Un troisième composant de ce complexe est
du CMH. Même en absence d’infection, les la molécule chaperonne Erp57, une thiol oxydoréductase dont le rôle pourrait être
peptides passent en flux continu du cytosol
de rompre et de reformer le pont disulfure dans le domaine α2 du CMH de classe I
dans le RE. Les DRiP (Defective Ribosomal
Products) et des protéines vieillies marquées durant le chargement du peptide. La calnexine, Erp57 et la calréticuline se lient à de
en vue de leur destruction sont dégradées nombreuses protéines durant leur assemblage dans le réticulum endoplasmique et
dans le cytoplasme par le protéasome, ce qui semblent faire partie d’un mécanisme cellulaire général de contrôle de qualité.
produit des peptides qui sont transportés dans
la lumière du RE par TAP, comme montré ici, et Le dernier composant du complexe de chargement du CMH de classe I est la molé-
certains se lieront aux molécules du CMH de cule TAP elle-même, dont le rôle de transporteur est aussi le mieux compris. Les
classe I. Une fois que le peptide s’est lié à la
molécule du CMH, le complexe peptide:CMH autres composants semblent être essentiels pour maintenir la molécule du CMH
quitte le RE pour être transporté via l’appareil de classe I dans un état réceptif au peptide et aussi pour exécuter la fonction de
de Golgi à la surface cellulaire. révision du peptide, permettant l’échange des peptides liés avec une faible affinité
à une molécule du CMH de classe I pour des peptides de plus haute affinité. En
effet, dans des cellules déficientes en calréticuline ou tapasine, l’assemblage des
molécules du CMH de classe I est défectueux et les complexes de classe I à la sur-
face cellulaire contiennent des peptides liés avec une faible affinité.
La liaison d’un peptide à un hétérodimère partiellement replié le libère du complexe
de chargement du CMH de classe I. La molécule du CMH de classe I complètement

Les chaînes 𝛂 partiellement Le complexe chaîne 𝛂 du CMH de Des protéines cytosoliques et les Un peptide se lie à une molécule du CMH
repliées du CMH de classe I se classe I : 𝛃2m est libéré de la DRiP sont dégradés en fragments de classe I et lui permet de se replier
lient à la calnexine jusqu’à la calnexine et se lie à un complexe peptidiques par le protéasome. TAP complètement. La molécule du CMH de
liaison de la 𝛃2-microglobuline de chaperones (calréticuline, Erp57) livre les peptides au RE classe I est libérée du complexe TAP et
et se lie à TAP par la tapasine exportée vers la membrane cellulaire

calréticuline
CMH
de classe I Erp57
RE tapasine
B2m TAP
TAP
calnexine

protéines normales (>70 %)


Cytosol

fragments
peptidiques
DRIP
(<30 %)
ribosome

protéasome

Noyau protéine vieillie


La génération des ligands des récepteurs de cellule T 189

repliée peut maintenant quitter le réticulum endoplasmique et être transférée à la


surface cellulaire. On ignore encore si le complexe charge directement les peptides
sur les molécules du CMH de classe I ou si la liaison permet simplement à la molé-
cule du CMH de classe I de sélectionner les peptides transportés par TAP avant qu’ils
ne diffusent à travers la lumière du réticulum endoplasmique ou qu’ils ne soient ren-
voyés dans le cytosol. La plupart des peptides transportés par TAP ne se fixeront pas
aux molécules du CMH de cette cellule et seront rapidement éliminés du réticulum
endoplasmique ; on pense qu’ils sont renvoyés dans le cytosol par un mécanisme
dépendant de l’ATP et distinct de TAP, appelé complexe Sec61.
Dans les cellules dont les gènes TAP sont mutés, les molécules du CMH de classe I
dans le réticulum endoplasmique sont instables et sont finalement transférées dans
le cytosol, où elles sont dégradées. Ainsi, la molécule du CMH de classe I doit lier
un peptide pour compléter son repliement et être exportée. Dans les cellules non
infectées, des peptides dérivés des protéines du soi remplissent le sillon de liaison au
peptide des molécules matures du CMH de classe I et sont transportés à la surface cel-
lulaire. Dans les cellules normales, les molécules du CMH de classe I sont retenues un
moment dans le réticulum endoplasmique, ce qui suggère qu’elles sont présentes en
excès par rapport aux peptides. Ceci est très important pour la fonction des molécu-
les du CMH de classe I parce qu’elles doivent être disponibles immédiatement pour
transporter les peptides viraux à la surface cellulaire quand la cellule est infectée.

5-6 De nombreux virus produisent des immunoévasines qui interfèrent


avec la présentation antigénique des molécules du CMH de classe I.

La présentation de peptides viraux par les molécules du CMH de classe I sur une
surface cellulaire signale aux cellules  T  CD8 de tuer la cellule infectée. Certains
virus produisent des protéines, appelées immunoévasines, qui permettent au
virus d’échapper à la reconnaissance immunitaire en prévenant la présentation
des complexes peptide:CMH de classe I à la surface de la cellule infectée (Fig. 5.6).

Fig. 5.6 Les immunoévasines produites par


Virus Protéine Catégorie Mécanisme des virus interfèrent avec l’apprêtement des
antigènes qui se lient aux molécules du
CMH de classe I.
Virus Herpès simplex 1
ICP47 Bloque la liaison du peptide à TAP
Bloque l’entrée
Cytomégalovirus humain du peptide
US6 dans le réticulum Inhibe l’activité d’ATPase de TAP
(HCMV)
endoplasmique

Virus herpès bovin UL49.5 Inhibe le transport du peptide par TAP

Adénovirus E19 Inhibiteur compétitif de la tapasine

Rétention du CMH
de classe I
HCMV US3 Bloque la fonction de la tapasine
dans le réticulum
endoplasmique
Cytomégalovirus murin
M152 Inconnu
(CMV)

Transporte dans le cytosol des molécules


HCMV US2
Dégradation du CMH de classe I à peine synthétisées
du CMH de classe I
Virus herpès gamma (dislocation)
mK3 Activité de ligase E3-ubiquitine
murin 68

Se lie au CMH de classe I Empêche, par un mécanisme inconnu,


CMV murin m4 la reconnaissance antigénique
à la surface cellulaire par les lymphocytes cytotoxiques
190 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Certaines immunoévasines virales bloquent l’entrée dans le réticulum endoplas-


mique en neutralisant le transporteur TAP (Fig. 5.7, panneau supérieur). Le virus
Herpès simplex, par exemple, produit une protéine, ICP47, qui se lie à la surface
cytosolique de TAP et empêche les peptides d’entrer dans le transporteur. La pro-
téine US6 du cytomégalovirus humain interfère dans le transport des peptides en
inhibant l’activité d’ATPase de TAP, et la protéine UL49,5 du virus herpès bovin
inhibe le transfert peptidique par TAP. Des virus peuvent également empêcher les
complexes peptide:CMH d’atteindre la surface en retenant les molécules du CMH
de classe I dans le réticulum endoplasmique (Fig. 5.7, panneau du milieu). La pro-
téine E19 de l’adénovirus interagit avec certaines protéines du CMH de classe I,
et contient un motif qui retient le complexe protéique dans le réticulum endo-
Les évasines virales US6 et ICP 47 bloquent
la présentation de l’antigène en empêchant plasmique. E19 prévient aussi l’interaction tapasine-TAP requise pour le charge-
le passage du peptide à travers le transporteur TAP ment du peptide sur la molécule du CMH de classe I. Plusieurs protéines virales
peuvent catalyser la dégradation des molécules du CMH de classe I qui viennent
calréticuline RE d’être synthétisées par un processus appelé dislocation, qui ouvre la voie norma-
Erp57 CMH I lement utilisée pour la dégradation des protéines mal repliées dans le réticulum
tapasine endoplasmique en les redirigeant dans le cytosol. Par exemple, la protéine US11
US6
TAP du cytomégalovirus humain se lie aux molécules du CMH de classe I en formation
et, avec une protéine ubiquitaire de la membrane du réticulum endoplasmique,
la derline-1, les transfère dans le cytosol, où elles sont dégradées (Fig.  5.7, pan-
calnexine
neau inférieur). La plupart des immunoévasines virales viennent des virus à ADN
ICP 47 comme les virus de la famille herpès, qui ont un grand génome et dont la stratégie
de réplication chez l’hôte implique une période de latence ou de quiescence.

Cytosol
5-7 Les peptides présentés par les molécules du CMH de classe II
sont produits dans des vésicules endocytaires acidifiées.
La protéine E19 d’un adénovirus entre en compétition
avec la tapasine et inhibe le chargement du peptide
sur les protéines naissantes du CMH de classe I Plusieurs classes de pathogènes, dont le parasite protozoaire Leishmania et les
mycobactéries qui causent la lèpre et la tuberculose, se multiplient dans les vési-
cules intracellulaires des macrophages. Comme ils sont pris dans des vésicules fer-
E19 E19 mées par une membrane, les protéines de ces pathogènes ne sont pas accessibles
aux protéasomes du cytosol. Mais, après activation du macrophage, les protéines,
qui sont souvent globulaires et stabilisées par des ponts disulfure intramoléculai-
res, sont réduites et dégradées dans les vésicules par des protéases en fragments
peptidiques qui se lient aux molécules du CMH de classe II et sont livrés ainsi à la
surface cellulaire où ils peuvent être reconnus par les cellules T CD4. Les pathogè-
nes extracellulaires et les protéines après endocytose passent aussi par cette voie
et leurs peptides sont présentés aux cellules T CD4 (Fig. 5.8).
La plupart de nos connaissances sur les processus de la voie d’endocytose vien-
protéasome
nent d’expériences dans lesquelles de simples protéines sont livrées à des macro-
phages qui les ingèrent par endocytose ; l’apprêtement de l’antigène peut ainsi être
La protéine US11 du cytomégalovirus disloque
quantifié. Les protéines qui se lient aux immunoglobulines de surface des cellu-
des molécules naissantes du CMH de classe I, les B sont également endocytées et passent par la même voie. Les protéines qui
que la derline transfère dans le cytosol entrent dans les cellules par endocytose sont enfermées dans des endosomes,
en vue de leur dégradation
qui s’acidifient au fur et à mesure qu’ils progressent à l’intérieur de la cellule et

CMH I
US11 Fig. 5.7 Le complexe de chargement du Celle-ci se lie à certaines molécules du
peptide dans le réticulum endoplasmique CMH et les retient dans le RE par un motif
est la cible des immunoévasines virales. de rétention ; en même temps, elle entre en
Le panneau supérieur montre le blocage compétition avec la tapasine et prévient ainsi
de l’entrée du peptide dans le réticulum son association à TAP et le chargement du
endoplasmique (RE). La protéine cytosolique peptide. Le panneau inférieur montre comment
ICP47 de HSV-1 empêche des peptides de la protéine US11 du CMV humain s’associe
derline se lier à TAP dans le cytosol, tandis que la à des molécules du CMH de classe I à peine
protéine US6 du CMV humain interfère dans synthétisées et les redirige dans le cytosol
le transport des peptides en inhibant l’activité à travers un canal dans la membrane du
d’ATPase de TAP. Le panneau du milieu montre RE, la derline-1. Une fois dans le cytosol la
la rétention des molécules du CMH de classe I protéine du CMH est marquée en vue de sa
dans le RE par la protéine E19 de l’adénovirus. dégradation dans le protéasome.
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 191

Un antigène du milieu Dans les endosomes précoces, L’acidification des vésicules active Des vésicules contenant des peptides
extracellulaire est capté dans le pH neutre n’active pas les protéases et celles-ci dégradent fusionnent avec celles qui contiennent
des vésicules intracellulaires les protéases les antigènes en fragments peptidiques des molécules du CMH de classe II

Espace extracellulaire

Cytosol

fusionnent finalement avec des lysosomes. Dans les endosomes et les lysosomes, Fig. 5.8 Les peptides qui se fixent aux
molécules du CMH de classe II sont
des protéases, dites acides puisqu’elles s’activent dans ces conditions, dégradent
produits dans des vésicules d’endocytose
les antigènes protéiques contenus dans les vésicules. Des particules plus impor- acidifiées. Dans le cas illustré ici, des
tantes sont aussi captées par phagocytose ou macropinocytose et suivent la même antigènes extracellulaires étrangers, comme
voie d’apprêtement antigénique. des bactéries et des antigènes bactériens,
ont été captés par une cellule présentatrice
Des médicaments, comme la chloroquine, qui augmentent le pH des endosomes d’antigène comme des macrophages ou des
inhibent la présentation des antigènes qui entrent dans les cellules par cette voie, ce cellules dendritiques immatures. Dans d’autres
cas, la source d’antigènes peptidiques peut
qui suggère que les protéases acides sont responsables de l’apprêtement des anti- être des bactéries ou des parasites qui ont
gènes ingérés. Parmi ces protéases acides, les cystéine protéases comprennent les envahi la cellule pour se multiplier dans les
cathepsines B, D, S et L, la dernière étant la plus active de cette famille. L’apprêtement vésicules intracellulaires. Dans les deux cas,
l’apprêtement de l’antigène est le même. Le
antigénique peut être en partie imité par digestion enzymatique des protéines in
pH des endosomes contenant les pathogènes
vitro à pH acide. Les cathepsines S et L pourraient être les protéases prédominantes capturés décroît progressivement, activant les
impliquées dans l’apprêtement des antigènes vésiculaires ; chez des souris dépour- protéases qui résident dans les vésicules pour
vues de cathepsine  B ou  D l’apprêtement est normal, tandis que les souris sans dégrader le matériel phagocyté. À certains
moments, lors de leur transit vers la surface
cathepsine S apprêtent mal les antigènes. Il est probable que le répertoire global des cellulaire, les molécules du CMH de classe II
peptides produits dans la voie endosomique reflète les activités de nombreuses pro- nouvellement synthétisées passent au travers
téases présentes dans les compartiments endosomique et lysosomique. de telles vésicules et fixent les fragments
peptidiques des antigènes pour les présenter à
Des ponts disulfure, en particulier les intramoléculaires, doivent parfois être réduits la surface cellulaire.
avant que les protéines qui les contiennent puissent être digérées dans les endo-
somes. Une thiol-réductase induite par l’IFN-γ (GILT, IFN-γ-Induced Lysosomal
Thiol reductase) présente dans le compartiment endosomique joue ce rôle dans la
voie d’apprêtement de l’antigène.
Des molécules du CMH de classe II présentent essentiellement des peptides de pro-
téines passant par la voie vésiculaire, et les molécules du CMH de classe I présentent
des peptides dérivés de protéines intracellulaires. Cependant, comme nous l’avons
décrit dans la Section 5.4, des connexions existent entre ces deux voies, permettant
la présentation croisée de protéines exogènes par des molécules du CMH de classe I.
En revanche, il n’est pas surprenant que de nombreux peptides liés à des molécu-
les du CMH de classe II proviennent de protéines cytosoliques, telles que l’actine et
l’ubiquitine. Le mécanisme le plus probable par lequel les protéines cytosoliques
sont apprêtées pour leur présentation par le CMH de classe II est le processus nor-
mal de renouvellement protéique appelé autophagie, dans lequel les protéines et les
organites cytoplasmiques sont dégradés dans les lysosomes. L’autophagie est consti-
tutive, mais peut être amplifiée à la suite d’un stress cellulaire, comme le manque de
nutriments. La cellule doit alors cataboliser des protéines intracellulaires pour obte-
nir l’énergie nécessaire. Dans le processus de microautophagie, le cytosol est intégré
en permanence dans le système vésiculaire par des invaginations lysosomiques, alors
que, dans la macroautophagie, induite par l’absence d’apport nutritif, un autophago-
some à double membrane ingère le cytosol et fusionne avec les lysosomes. Une troi-
sième voie d’autophagie utilise les protéines de choc thermique Hsc70 (Heat‑Shock
192 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Cognate protein 70) et LAMP-2 (Lysosome-Associated Membrane Protein-2) pour


transporter des protéines cytosoliques dans les lysosomes. L’autophagie a été démon-
trée dans l’apprêtement de l’antigène nucléaire EBNA-1 (Epstein–Barr virus Nuclear
Antigen 1) en vue de sa présentation aux lymphocytes T CD4.

5-8 La chaîne invariante dirige des molécules du CMH de classe II


nouvellement synthétisées vers des vésicules intracellulaires
acidifiées.

La fonction des molécules du CMH de classe II est de lier des peptides produits dans
les vésicules intracellulaires des macrophages, des cellules dendritiques imma-
tures, des cellules B et d’autres cellules présentatrices d’antigènes, et de présenter
ces peptides aux cellules T CD4. Cependant, la voie de synthèse des molécules du
CMH de classe II, comme celle des autres glycoprotéines de surface, commence
par leur transfert dans le réticulum endoplasmique où elles doivent être protégées
d’une liaison précoce aux peptides transportés dans la lumière du réticulum endo-
plasmique ou aux polypeptides nouvellement synthétisés de la cellule. Comme le
réticulum endoplasmique est largement doté de chaînes polypeptidiques non ou
partiellement repliées, un mécanisme général est nécessaire pour prévenir leur
insertion dans le sillon de liaison du peptide de la molécule du CMH de classe II.
Toute liaison est empêchée par une protéine appelée chaîne invariante (Ii) qui
s’associe aux molécules du CMH de classe II. Cette chaîne invariante trimérique
Fig. 5.9 La chaîne invariante est clivée
et laisse un fragment, CLIP, associé à la
se lie par chacune de ses sous-unités de manière non covalente à un hétérodimère
molécule du CMH de classe II. Un modèle α:β du CMH de classe II (Fig. 5.9). Une chaîne de Ii se lie à la molécule du CMH
de la chaîne invariante trimérique liée à des de classe II en insérant une partie de sa séquence dans le sillon de liaison au pep-
hétérodimères du CMH de classe II α:β est tide, et prévient ainsi la liaison de tout peptide ou de toute protéine partiellement
montré à gauche. Le fragment CLIP est coloré
en rouge et les molécules du CMH de classe II repliée. Tandis que ce complexe s’assemble dans le réticulum endoplasmique, ses
en jaune. Dans le réticulum endoplasmique, composants sont associés à la calnexine. Ce n’est que lorsque cet assemblage de
la chaîne invariante (Ii) se lie aux molécules neuf chaînes est achevé qu’il se détache de la calnexine et sort du réticulum endo-
du CMH de classe II avec la partie CLIP de sa plasmique. Prise dans le complexe à neuf chaînes, la molécule du CMH de classe II
chaîne polypeptidique insérée dans le sillon
de liaison au peptide (modèle et panneau est incapable de lier des peptides ou des protéines mal repliées, ce qui explique
de gauche). à son arrivée dans une vésicule que des peptides du réticulum endoplasmique ne sont généralement pas présen-
acidifiée, Ii est clivée d’abord par un seul tés par les molécules du CMH de classe II. On a constaté qu’en absence de chaînes
côté de la molécule du CMH de classe II
(panneau du centre). La partie restante de Ii
invariantes, de nombreuses molécules du CMH de classe II sont retenues dans le
ou fragment LIP (Leupeptin-Induced Peptide) réticulum endoplasmique dans des complexes avec des protéines mal repliées.
conserve les segments transmembranaire et
cytoplasmique qui contiennent les séquences La chaîne invariante exerce une seconde fonction  ; elle dirige les molécules du
signal nécessaires aux complexes Ii:CMH de CMH de classe II dans un compartiment endosomique de pH acide où le charge-
classe II pour emprunter la voie endosomique. ment du peptide peut s’effectuer. Les complexes α:β hétérodimériques du CMH
Un clivage supplémentaire (panneau de
de classe II avec la chaîne invariante sont retenus dans ce compartiment pendant
droite) de LIP ne laisse qu’un petit peptide lié
à la molécule de classe II ; ce peptide est le 2-4 heures durant lesquelles la chaîne invariante est clivée en plusieurs étapes par
fragment CLIP. Modèle de P. Cresswell. des protéases acides, comme la cathepsine S (voir Fig. 5.9). Le clivage initial laisse

La chaîne invariante Ii est Ii clivée une première fois laisse Un deuxième clivage laisse
insérée dans le sillon de un fragment lié à la molécule un petit fragment, CLIP, lié
la molécule du CMH de classe II de classe II et à la membrane à la molécule de classe II

RE
Ii

Cytosol
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 193

une forme tronquée de la chaîne invariante qui reste fixée à la molécule du CMH de
classe II et la retient dans le compartiment de protéolyse. Un second clivage libère
la molécule du CMH de classe II du fragment de Ii associé à la membrane, laissant
un petit fragment de Ii, appelé CLIP (CLass II-associated Invariant-chain Peptide)
lié à la molécule de classe II. Ces molécules associées à CLIP ne peuvent toujours
pas fixer d’autres peptides. CLIP doit être dissocié ou déplacé pour qu’un peptide
puisse se lier et permette au complexe de gagner la surface cellulaire. La cathep-
sine S clive Ii dans la plupart des cellules porteuses de molécules de classe II, c’est-
à-dire les cellules présentatrices d’antigènes, tandis que la cathepsine L paraît se
substituer à la cathepsine S dans les cellules épithéliales du cortex thymique. MIIC
Le compartiment endosomique dans lequel la chaîne invariante est clivée et où
les molécules de classe II rencontrent les peptides n’est pas encore bien défini. La G
plupart des molécules du CMH de classe II sont transportées vers la surface cellu-
laire dans des vésicules qui à certaines occasions fusionnent avec des endosomes
qui entrent. Cependant, certaines observations indiquent que certains complexes
molécules de classe II:Ii sont d’abord transportés à la surface cellulaire et ensuite
repris dans des endosomes. Quoiqu’il en soit, ces complexes entrent dans la voie
endosomique et y rencontrent les peptides dérivés de pathogènes et qu’ils peuvent
lier. On peut localiser les molécules Ii et celles de classe II en microscopie électro-
nique au moyen d’anticorps marqués à l’or colloïdal. Les clichés montrent que le
clivage de Ii et la liaison des peptides aux molécules de classe II ont lieu dans un
compartiment endosomique particulier appelé MIIC (MHC class II Compartment), Fig. 5.10 Les molécules du CMH de classe II
prennent en charge des peptides dans un
qui occupe une position assez tardive dans la voie endosomique (Fig. 5.10). compartiment intracellulaire spécialisé.
Les molécules du CMH de classe II sont
Comme pour les molécules du CMH de classe I, les molécules de classe II dans les transportées de l’appareil de Golgi (noté G
cellules non infectées lient des peptides dérivés de protéines du soi, et les molé- sur la micrographie électronique d’une section
cules de classe II qui ne lient pas de peptide après dissociation de la chaîne inva- ultrafine d’une cellule B) vers la surface
riante sont instables au pH acide de l’endosome et sont rapidement dégradées. cellulaire via des vésicules intracellulaires
spécialisées appelées le compartiment
du CMH de classe II (MIIC). Elles ont une
morphologie complexe montrant des vésicules
5-9 Une molécule spécialisée semblable à une molécule du CMH internes et des feuillets membranaires. Des
de classe II catalyse le chargement des peptides sur les molécules anticorps marqués par des particules d’or de
différentes tailles identifient la présence à la
de classe II. fois de molécules du CMH de classe II (petites
particules d’or) et de la chaîne invariante
Un autre composant de la voie vésiculaire d’apprêtement antigénique a été mis (grosses particules d’or) dans le Golgi, tandis
que seules les molécules du CMH
en évidence par analyse de lignées cellulaires B humaines mutées et dont la pré-
de classe II sont détectables dans le MIIC. Ce
sentation antigénique était défectueuse. Les molécules du CMH de classe II dans compartiment doit donc être celui où la chaîne
ces lignées cellulaires s’assemblent correctement avec la chaîne invariante et sem- invariante est clivée et où le chargement
blent suivre la voie vésiculaire normale. Cependant, elles ne réussissent pas à lier du peptide a lieu. Cliché (× 135.000) de
H.J. Geuze.
les peptides dérivés des protéines ingérées et arrivent souvent à la surface cellu-
laire avec le peptide CLIP encore lié.
Le défaut de ces mutants réside dans la molécule du CMH du type classe II appelée
HLA-DM chez l’homme (H-2M chez la souris). Les gènes de HLA-DM se situent à
côté des gènes de TAP et de LMP (appelé aussi PSMB) dans la région du CMH de
classe II (voir Fig. 5.12). Ils codent des chaînes α et β proches de celles du CMH
de classe II. Cependant, la molécule HLA-DM n’est pas exprimée à la surface cel-
lulaire et se trouve surtout dans le compartiment MIIC. HLA-DM s’attache aux
molécules vides du CMH de classe II et les stabilise, ce qui évite qu’elles ne s’agrè-
gent. De plus, elle catalyse à la fois la libération de CLIP des complexes CMH de
classe  II:CLIP et la liaison des autres peptides aux molécules vides de classe  II
(Fig. 5.11). La molécule HLA-DM elle-même ne lie pas de peptide car le sillon qui
accueille un peptide dans les autres molécules du CMH de classe II est fermé.
HLA-DM catalyse aussi la libération des peptides mal fixés sur les molécules du CMH
de classe II. En présence d’un mélange de peptides capables de se lier aux molécu-
les du CMH de classe II, comme cela se passe dans le MIIC, HLA-DM s’attache et se
réattache aux complexes peptides:CMH de classe II, éliminant les peptides liés fai-
blement et permettant à d’autres peptides de les remplacer. Les antigènes présentés
194 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Les antigènes endocytés sont HLA-DM s’associe à la molécule


La chaîne invariante Ii forme un Elle est clivée dans un endosome dégradés en peptides dans les endosomes, du CMH de classe II, libère CLIP
complexe avec la molécule du CMH acidifié, laissant un court fragment mais le peptide CLIP bloque la liaison et permet aux peptides de se lier.
de classe II, bloquant la liaison des peptidique, CLIP, lié à la molécule des peptides aux molécules La molécule du CMH de classe II
peptides et des protéines mal repliées du CMH de classe II du CMH de classe II gagne alors la surface cellulaire.

Ii HLA-DM

Réticulum endoplasmique Cytosol

Fig. 5.11 HLA-DM facilite le chargement des par les molécules du CMH de classe II doivent persister à la surface des cellules pré-
peptides antigéniques sur des molécules
sentatrices d’antigènes pendant quelques jours afin de pouvoir rencontrer des cellu-
de classe II. La chaîne invariante (Ii) se
lie à des molécules du CMH de classe II les T aptes à les reconnaître. La capacité des HLA-DM de détacher des peptides dont
nouvellement synthétisées et bloque la liaison la liaison est instable, un processus parfois appelé révision peptidique (peptide edi-
de peptides et de protéines non repliées ting), assure que les complexes classe II:peptide présentés à la surface persistent suf-
dans le réticulum endoplasmique et durant le
transport des molécules du CMH de classe II
fisamment longtemps pour stimuler les cellules CD4 appropriées.
dans les vésicules endocytaires acidifiées Une seconde molécule de classe II atypique, appelée HLA-DO (H-2O chez la sou-
(premier panneau). Dans ces vésicules, les
protéases clivent la chaîne invariante, laissant ris), est produite par les cellules épithéliales thymiques et par les cellules B. Cette
le peptide CLIP fixé à la molécule du CMH molécule est un hétérodimère de la chaîne HLA-DNα et de la chaîne HLA-DOβ (voir
de classe II (deuxième panneau). Les Fig. 5.12 ). HLA-DO est absente de la surface cellulaire, et ne se trouve que dans les
pathogènes sont dégradés ainsi que leurs
vésicules intracellulaires apparemment sans lier de peptides. Par contre, elle agit
protéines en peptides à l’intérieur des
endosomes acidifiés, mais ces peptides comme un régulateur négatif de HLA-DM, auquel elle s’attache ; elle inhibe ainsi la
ne peuvent se lier aux molécules du CMH libération de CLIP et la liaison d’autres peptides aux molécules du CMH de classe II.
de classe II qui sont occupées par CLIP L’expression de la chaîne HLA-DOβ n’est pas augmentée par l’interféron-γ (IFN-γ),
(troisième panneau). La molécule du CMH de
type classe II, HLA-DM, s’associe au complexe
qui par ailleurs amplifie l’expression d’HLA-DM. Aussi, pendant une réaction inflam-
CMH de classe II:CLIP ; elle catalyse ainsi la matoire, durant laquelle l’IFN-γ est produit par les cellules T et les cellules NK, l’ex-
libération de CLIP et la liaison des peptides pression accrue d’HLA-DM permet de surmonter l’effet inhibiteur d’HLA-DO. On
antigéniques (quatrième panneau). ne sait pas pourquoi la présentation des antigènes par des cellules épithéliales thy-
miques et des cellules B est régulée de cette manière ; dans les cellules épithéliales
thymiques, le but est peut être de sélectionner des cellules T CD4 en développement
en utilisant un répertoire des peptides du soi différents de ceux auxquels elles seront
exposées en tant que cellules T matures. Le rôle de HLA-DM en facilitant la liaison
des peptides aux molécules du CMH de classe II est parallèle à celui de TAP qui faci-
lite la liaison des peptides aux molécules du CMH de classe I. Ainsi, il semble pro-
bable que des mécanismes de livraison de peptides ont évolué avec les molécules
du CMH elles-mêmes. Il est aussi probable que les pathogènes ont développé des
stratégies d’inhibition du chargement des peptides sur les molécules du CMH de
classe II à l’instar des virus qui ont acquis des moyens d’empêcher l’apprêtement et
la présentation des antigènes par les molécules du CMH de classe I.

5-10 Une liaison stable des peptides aux molécules du CMH permet
une présentation efficace des antigènes à la surface cellulaire.

Pour que les molécules du CMH accomplissent leurs fonctions essentielles de


signalisation de l’infection intracellulaire, le complexe CMH:peptide doit être sta-
ble à la surface cellulaire. Si le complexe se dissociait trop facilement, le pathogène
La génération des ligands des récepteurs de cellule T 195

présent dans la cellule infectée pourrait échapper à la détection. De plus, les molé-
cules du CMH sur les cellules non infectées pourraient lier des peptides libérés
des cellules infectées et signaler à tort aux cellules T cytotoxiques qu’une cellule
saine est infectée, ce qui déclencherait sa destruction injustifiée. La liaison forte
des peptides aux molécules du CMH rend improbables ces effets indésirables.
La persistance d’un complexe CMH:peptide sur une cellule peut être mesurée par
sa capacité à stimuler les cellules T, tandis que le destin des molécules du CMH
elles-mêmes peut-être directement suivi par marquage spécifique. De cette façon,
il a été montré que les complexes spécifiques CMH:peptide sur les cellules vivan-
tes disparaissent de la surface ; ils sont repris à l’intérieur de la cellule comme lors
du renouvellement des protéines naturelles et à la même vitesse que les molécules
du CMH elles-mêmes, ce qui indique que la liaison peptidique est quasiment irré-
versible. Cette liaison stable permet même aux peptides rares d’être transportés
efficacement à la surface cellulaire par les molécules du CMH, et permet la présen-
tation à long terme de ces complexes à la surface de la cellule infectée. La première
condition d’une présentation efficace des antigènes est donc remplie.
La deuxième condition est que si un peptide se dissociait du CMH à la surface cel-
lulaire, les peptides environnants du liquide extracellulaire ne devraient pas être
capables de remplir un site de liaison vide. En fait, la dissociation d’un peptide
d’une molécule purifiée du CMH nécessite la dénaturation de la protéine. Quand
un peptide se dissocie d’une molécule du CMH de classe I à la surface d’une cel-
lule vivante, la molécule change de conformation, la β2-microglobuline se détache,
et la chaîne α est internalisée et rapidement dégradée. Donc, la plupart des molé-
cules vides du CMH de classe I disparaissent rapidement de la surface cellulaire.
À pH neutre, les molécules du CMH de classe II sont plus stables que les molécu-
les vides du CMH de classe I, mais elles sont quand même éliminées de la surface
cellulaire. Les molécules vides du CMH de classe II s’agrègent facilement, et l’in-
gestion de tels agrégats peut expliquer la disparition des molécules du CMH de
classe II de la surface des cellules. De plus, la perte des peptides par le CMH de
classe II est plus probable lorsque les molécules transitent par les endosomes à pH
acide en suivant le processus normal du recyclage des membranes cellulaires. À
pH acide, les molécules du CMH de classe II sont capables de lier des peptides pré-
sents dans les vésicules, et celles qui n’y arrivent pas sont rapidement dégradées.
Ainsi, les molécules du CMH de classe I et de classe II sont empêchées de capter
directement des peptides du milieu extracellulaire. Les cellules T sont ainsi assu-
rées d’agir sélectivement sur les cellules infectées ou sur les cellules spécialisées
dans l’ingestion des antigènes et leur présentation, tout en épargnant les cellules
saines environnantes.

Résumé.

La caractéristique la plus marquante de la reconnaissance antigénique par les cel-


lules T est la nature du ligand reconnu par leurs récepteurs. Il comprend un peptide
dérivé de l’antigène étranger et lié à une molécule du CMH. Les molécules du CMH
sont des glycoprotéines de membrane avec un sillon qui peut lier de nombreux
peptides différents. La molécule du CMH lie le peptide à l’intérieur de la cellule et
le livre à la surface cellulaire, où le complexe peut être reconnu par une cellule T.
Les molécules du CMH de classe I et celles de classe II se chargent de peptides dans
différents sites intracellulaires et activent respectivement des cellules T CD8 et T
CD4. Les molécules du CMH de classe I sont synthétisées dans le réticulum endo-
plasmique et c’est là qu’elles se chargent d’un peptide. Les peptides chargés sur le
CMH de classe I sont dérivés de protéines dégradées dans le cytosol par une pro-
téase multicatalytique, le protéasome. Les peptides ainsi produits sont transpor-
tés dans le réticulum endoplasmique par une protéine hétérodimérique liant l’ATP,
appelé TAP, et sont alors disponibles pour se lier aux molécules de classe I partielle-
ment repliées et encore attachées à TAP. La liaison du peptide fait partie intégrante
196 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

de l’assemblage des molécules de classe I et doit avoir lieu avant que ces protéines
ne soient totalement repliées et qu’elles ne quittent le réticulum endoplasmique
pour la surface cellulaire. Le protéasome dégrade des protéines cytosoliques nor-
males, permettant la détection et l’élimination de pathogènes cytosoliques, comme
les virus, par des cellules T CD8 spécialisées dans la lyse de toute cellule présentant
des peptides étrangers. Le protéasome peut aussi dégrader des protéines qui ont
été transportées dans le cytosol à partir du système vésiculaire par voie rétrograde,
ce qui peut survenir, par exemple, lorsqu’une cellule dendritique a ingéré des cel-
lules tuées par un virus. Le transport des antigènes viraux exogènes dans le cytosol
permet aux cellules dendritiques non infectées d’apprêter et de présenter ces anti-
gènes aux cellules T CD8 naïves au cours du processus dit de présentation croisée,
qui est important pour l’induction de réponses immunitaires efficaces.
Par contre, les molécules du CMH de classe II ne peuvent pas lier les peptides dans
le réticulum endoplasmique car elles sont d’abord associées à une chaîne invariante
(Ii), qui s’insère partiellement dans leur sillon et bloque ainsi la liaison au peptide.
Elles sont adressées par leur chaîne invariante vers un compartiment endosomique
acide où, en présence de protéases actives, en particulier la cathepsine S, et avec
l’aide de HLA-DM, une molécule spécialisée de type classe II qui catalyse le char-
gement du peptide, la chaîne invariante est libérée et d’autres peptides sont liés.
Les molécules de classe II lient donc des peptides de protéines qui sont dégradées
dans les endosomes. Elles capturent les peptides des pathogènes qui entrent dans
le système vésiculaire des macrophages ou qui proviennent d’antigènes ingérés par
des cellules dendritiques immatures ou par des cellules B qui les ont reconnus par
leurs immunoglobulines réceptrices. Le processus d’autophagie peut livrer des pro-
téines cytosoliques au système vésiculaire en vue de leur présentation par le CMH
de classe II. Les cellules T CD4 qui reconnaissent les complexes peptide:CMH de
classe II exercent diverses activités effectrices spécialisées. Des sous-populations
de cellules T CD4 T activent des macrophages afin de tuer les pathogènes intravési-
culaires, aident les cellules B à sécréter des immunoglobulines contre des molécu-
les étrangères, alors que d’autres régulent les réponses immunitaires.

Le complexe majeur d’histocompatibilité


et ses fonctions.
La fonction des molécules du CMH est de lier des fragments peptidiques dérivés
de pathogènes et de les présenter à la surface cellulaire où ils doivent être reconnus
par les cellules T appropriées. Les conséquences sont presque toujours délétères
pour le pathogène – les cellules infectées par les virus sont tuées, les macrophages
sont activés pour tuer les bactéries vivant dans leurs vésicules intracellulaires, et
les cellules B sont activées pour produire des anticorps qui éliminent et neutrali-
sent les pathogènes extracellulaires. Une forte pression de sélection s’exerce donc
en faveur de tout mutant du pathogène qui pourrait échapper à la présentation par
les molécules du CMH.
Deux propriétés distinctes du CMH font qu’un pathogène échappe difficilement
aux réponses immunes. D’abord, le CMH est polygénique : il contient plusieurs
gènes différents du CMH de classe I et de classe II, de sorte qu’un individu pos-
sède une batterie de molécules du CMH avec différentes gammes de spécificité de
liaison des peptides. Deuxièmement, le CMH est polymorphe ; c’est-à-dire qu’il
existe de nombreux variants de chaque gène dans l’ensemble de la population.
Les gènes du CMH sont d’ailleurs les gènes les plus polymorphes connus actuelle-
ment. Dans cette section, nous décrivons l’organisation des gènes du CMH et com-
ment se produit la variabilité des molécules du CMH. Nous verrons aussi comment
l’effet du polymorphisme et de la polygénie sur la gamme de peptides pouvant être
liés aide le système immunitaire à répondre à une multitude de pathogènes diffé-
rents et qui évoluent rapidement.
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 197

5-11 De nombreuses protéines impliquées dans l’apprêtement


et la présentation de l’antigène sont codées par des gènes situés
dans le complexe majeur d’histocompatibilité.

Le complexe majeur d’histocompatibilité est situé dans le chromosome  6 chez


l’homme et 17 chez la souris et s’étend sur au moins  4 × 106 paires de base. Chez
l’homme, il contient plus de 200 gènes. Alors que l’identification des gènes se pour-
suit à l’intérieur et autour du CMH, il devient difficile d’établir les limites précises
de ce locus, qui pourrait s’étendre en réalité sur près de 7 × 106 paires de bases. Les
gènes codant les chaînes α des molécules du CMH de classe I et les chaînes α et β
des molécules du CMH de classe II sont regroupés à l’intérieur du complexe ; les
gènes de la β2-microglobuline et de la chaîne invariante sont sur des chromoso-
mes différents (chromosomes 15 et 5 respectivement chez l’homme et chromoso-
mes 2 et 18 chez la souris). La Figure 5.12 montre l’organisation générale des gènes
du CMH des classes I et II chez l’homme et la souris. Chez l’homme, ces gènes sont
appelés HLA (Human Leukocyte Antigen), car ce sont les différences antigéniques
entre les globules blancs de différents individus qui sont à l’origine de leur décou-
verte; chez la souris, ils sont connus sous le nom de gènes H-2. Les gènes murins
du CMH de classe II ont été d’abord identifiés sur base du contrôle qu’ils exercent
sur la réponse immunitaire à un antigène donné, d’où leur nom, à l’origine, de
gènes de réponse immunitaire ou Ir (Immune Response). En raison de cela, les
gènes A et E du CMH de classe II sont souvent appelés I-A et I-E, mais cette termi-
nologie ne doit pas être confondue avec celle des gènes du CMH de classe I.
On connaît trois gènes de chaînes α de classe I chez l’homme, nommés HLA-A, -B
et –C ainsi que trois paires de gènes des chaînes α et β du CMH de classe II, appe-
lées HLA-DR, -DP, et -DQ. Mais le groupe HLA-DR contient souvent un gène sup-
plémentaire de chaîne β dont le produit peut s’apparier avec la chaîne DRα. Il y a Fig. 5.12 L’organisation génétique du
donc trois groupes de gènes qui peuvent produire quatre types de molécules du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) chez l’homme et la souris.
CMH de classe II. Toutes les molécules du CMH de classe I et de classe II peuvent L’organisation des principaux gènes du
présenter des peptides aux cellules T, mais chaque protéine lie différentes gammes CMH est montrée pour l’homme (où le CMH
de peptides (voir les Sections 3-14 et 3-15). Ainsi, la présence de nombreux gènes situé sur le chromosome 6 est appelé HLA)
et pour la souris (où le CMH situé sur le
différents de chaque classe du CMH permet à chaque individu de présenter une
chromosome 17 est appelé H-2). L’organisation
gamme beaucoup plus large de peptides que s’il n’exprimait qu’une seule classe à des gènes du CMH est similaire dans les deux
la surface de ses cellules. espèces. On trouve des groupes séparés
de gènes du CMH de classe I (en rouge), et
des gènes du CMH de classe II (en jaune),
bien que chez la souris un gène du CMH
de classe I (H-2K) paraît s’être déplacé par
Structure génique du CMH humain rapport au CMH humain de telle façon que la
région du CMH de classe I est divisée en deux.
Dans les deux espèces, on distingue trois
HLA gènes principaux de classe I, appelés HLA-
A, HLA-B et HLA-C chez l’homme, et H2-K,
DP DOA DM DOB DQ DR H2-D et H2-L chez la souris. Le gène de la
TAPBP B A A B LMP/ TAP B A B B A HLA-B HLA-C HLA-A
β2-microglobuline, bien qu’il code une partie
de la molécule de classe I, est localisé sur
un chromosome différent, le chromosome 15
chez l’homme et le chromosome 2 chez la
souris. La région de classe II inclut les gènes
classe II classe III classe I des chaînes α et β (appelés A et B dan la
terminologie génétique) des molécules du
CMH de classe II, HLA-DR, -DP et -DQ (H-2A
Structure génique du CMH murin et –E chez la souris). De plus, les gènes pour
les transporteurs de peptides TAP1:TAP2,
H-2 les gènes LMP qui codent les sous-unités du
protéasome, les gènes codant les chaînes
O M O A E DMα et DMβ (DMA et DMB), les gènes codant
les chaînes α et β de la molécule DO (DOA
TAPBP H2-K A A B LMP/ TAP B B A B A H-2D H-2L et DOB, respectivement), et le gène de la
tapasine (TAPBP) sont aussi dans la région
du CMH de classe II. Les gènes appelés de
classe III codent diverses autres protéines
classe I classe II classe III classe I exerçant des fonctions immunitaires (voir
Fig. 5.13).
198 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

La Figure  5.13 montre une carte plus détaillée du locus du CMH humain. Elle
montre que de nombreux gènes de ce locus participent à l’apprêtement et la pré-
sentation antigéniques ou exercent d’autres fonctions liées aux réponses immu-
nes innées ou adaptatives. Les deux gènes TAP se situent dans la région du CMH
de classe II, en association étroite avec les gènes LMP, tandis que le gène codant la
tapasine (TAPBP), protéine qui s’attache à la fois à TAP et aux molécules vides du
CMH de classe I, se situe dans la partie du CMH la plus proche du centromère (voir
Fig. 5.13). Les gènes du CMH de classe I, dont les molécules présentent les pepti-
des cytosoliques à la surface cellulaire, sont liés aux gènes de TAP, de la tapasine, et
du protéasome (LMP). Or, les produits de ces gènes produisent des peptides dans
le cytosol et les transportent dans le réticulum endoplasmique. Cette liaison géné-
tique suggère que l’ensemble du CMH a été sélectionné au cours de l’évolution en
vue de l’apprêtement et de la présentation des antigènes.
Lorsque les cellules sont traitées par les interférons -α, -β ou -γ, la transcription
des gènes des chaînes α du CMH de classe I et de la β2-microglobuline, du protéa-
some, de la tapasine et de TAP augmente nettement. Les interférons sont produits

TAP1
LMP2
CMH de classe II DPB1 LMP7 DQB2 DQB1 DRB2
DPA2 DMA DMB TAP2 DQA2 DRB1 DRA
TAPBP DPB2 DPA1 DOA DOB DQB3 DQA1 DRB3 DRB9

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 (1050)

CYP C4B CYP C4A


21B 21Ps
TNF
CMH de classe III
Bf LTB LTA
C2 MICB MICA

(1050) 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000 (2080)

CMH de classe I
B C E MICC

(2080) 2200 2300 2400 2500 2600 2700 2800 2900 3000 (3100)

MICD

CMH de classe I A MICE


G F

(3100) 3200 3300 3400 3500 3600 3700 3800 3900 4000 4100

Fig. 5.13 Carte détaillée du CMH humain. L’organisation des régions du codent le TNF-α (tumor necrosis factor-α) et les lymphotoxines (LTA, LTB).
CMH humain de classe I, de classe II et de classe III est présentée avec Le gène codant la 21-hydroxylase (noté CYP 21B), une enzyme impliquée
les distances génétiques approximatives données en milliers de paires de dans la synthèse des stéroïdes, est étroitement lié aux gènes C4. Les
base (kpb). La plupart des gènes des régions de classe I et de classe II gènes en gris foncé et notés en italique sont des pseudogènes. Les
sont mentionnés dans le texte. Les gènes supplémentaires indiqués dans gènes du CMH de classe I sont en rouge, excepté les gènes MIC, colorés
les régions de classe I (par exemple E, F et G) sont des gènes de type en bleu ; ils sont distincts des autres gènes de type classe I et sont
classe I, codant les molécules de classe Ib ; les gènes supplémentaires soumis à des contrôles transcriptionnels différents. Les gènes du CMH de
de classe II sont des pseudogènes. Les gènes représentés dans la région classe II sont en jaune. Les gènes dans la région du CMH de classe II qui
de classe III codent les protéines du complément C4 (deux gènes, notés exercent des fonctions immunitaires sans relation avec les gènes du CMH
C4A et C4B), C2 et le facteur B (noté Bf) aussi bien que des gènes qui de classe I et de classe II sont colorés en violet.
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 199

de manière précoce au cours de la réponse immunitaire innée contre les infec-


tions virales, comme décrit au Chapitre 2 ; cette induction augmente donc la capa-
cité cellulaire d’apprêter les protéines virales et de présenter les peptides produits
à la surface cellulaire. Elle facilite l’activation des cellules T appropriées et le lan-
cement de la réponse immune adaptative antivirale. La régulation coordonnée des
gènes codant ces composants pourrait être facilitée par la relation de liaison de
nombreux d’entre eux dans le CMH.
Les gènes HLA-DM, qui codent les molécules DM, dont la fonction est de catalyser
la liaison des peptides au CMH de classe II (voir la Section 5-9), sont clairement
liés aux gènes du CMH de classe II. Les gènes DOα et DOβ, qui codent la molécule
DO, un régulateur négatif de DM, sont aussi clairement liés aux gènes du CMH de
classe II. Les gènes classiques du CMH de classe II et ceux de la chaîne invariante,
de DMα, DMβ et DOα, mais non de DOβ, sont régulés de manière coordonnée.
Cette régulation distincte des gènes du CMH de classe II par l’IFN-γ, qui est condi-
tionnée par les cellules T activées de type TH1 aussi bien que par les cellules NK et
CD8 activées, permet aux cellules T répondant aux infections bactériennes d’in-
duire la production des molécules impliquées dans l’apprêtement et la présenta-
tion des antigènes intravésiculaires. L’expression de toutes ces molécules est
induite par l’interféron-γ (mais pas par l’IFN-α ou –β), qui nécessite la production
d’un activateur de transcription appelé transactivateur du CMH de classe  II
(CIITA, MHC Class II TransActivator). L’absence de CIITA est responsable de défi-
ciences immunitaires graves par le manque de production des molécules du CMH Déficience en CMH de classe II
de classe II. Finalement, le locus du CMH contient de nombreux gènes dits ‘non
classiques’, qui ressemblent aux gènes du CMH de classe I par leur structure. Nous
reviendrons à ces gènes, dit de classe Ib, dans la Section 5-18 après avoir achevé la
description des gènes du CMH classique.

5-12 Les produits protéiques des gènes du CMH des classes I


et II sont très polymorphes.

La polygénie du CMH permet à chaque personne d’exprimer au moins trois molé-


cules différentes du CMH de classe I présentatrices d’antigène et trois (parfois qua- Fig. 5.14 Les gènes du CMH humain sont
tre) molécules du CMH de classe II sur ses cellules (voir la Section 5-11). En fait, le très polymorphes. Chaque locus possède de
nombre de molécules différentes du CMH exprimées sur les cellules de la plupart nombreux allèles, à l’exception du locus DRα,
qui est monomorphe. Le nombre des allèles
des gens est plus grand en raison de l’extrême polymorphisme du CMH (Fig. 5.14) différents est représenté par la hauteur des
et de l’expression codominante des produits des gènes du CMH. colonnes. Le nombre d’allèles HLA est celui
qui est rapporté par le comité de nomenclature
Le terme polymorphisme vient du grec poly, signifiant beaucoup, et morphe signi- des facteurs du système HLA de l’OMS en
fiant forme ou structure. Il s’applique ici à la variabilité d’un locus génique au sein janvier 2006.

CMH de classe II CMH de classe I CMH de classe Ib

728

503

414

210

120
68 60
23 32 23 20 25
3 8
DPB DPA DQB DQA DRB DRA B C A E G F MICA MIKB
200 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Fig. 5.15 L’expression des allèles du CMH


est codominante. Le polymorphisme du
CMH est tel que la plupart des individus sont
probablement hétérozygotes à chaque locus.
Les allèles sont exprimés à partir des deux
haplotypes du CMH chez tout individu, et
les produits de tous les allèles sont trouvés
sur toutes les cellules qui les expriment. Les
enfants peuvent donc hériter de leurs parents
quatre combinaisons d’haplotypes. Aussi, les
frères et sœurs exprimeront probablement
des allèles différents du CMH puisqu’il n’y
a qu’une chance sur quatre qu’un enfant
partage les deux haplotypes avec son frère
ou sa sœur. Ce qui explique la difficulté de
trouver des donneurs compatibles pour les
transplantations.

d’une même espèce et de la chaîne polypeptidique correspondante ; les variants


sont appelés allèles. On dénombre plus de 400 allèles de certains gènes humains
du CMH de classe I et de classe II, bien plus que le nombre d’allèles d’autres gènes
du locus CMH (Fig. 5.14). Chaque allèle du CMH de classe I et de classe II est relati-
Fig. 5.16 Le polymorphisme et la polygénie vement fréquent dans la population, aussi la chance que les locus correspondants
contribuent à la diversité des molécules du CMH présents sur les chromosomes homologues d’un individu contiennent le
du CMH exprimées par un individu. Le
même allèle est faible ; la plupart des individus seront donc hétérozygotes pour
polymorphisme élevé des locus classiques
du CMH assure une diversité de l’expression les locus du CMH. La combinaison particulière des allèles du CMH trouvés sur
génique du CMH dans l’ensemble de la un chromosome donné est appelée haplotype du CMH. L’expression des allèles
population. Cependant, quel que soit le du CMH est codominante, les protéines correspondant aux deux allèles du même
polymorphisme d’un gène, aucun individu
ne peut exprimer plus de deux allèles pour
locus étant exprimées par une même cellule avec la capacité de présenter des
un locus donné. La polygénie, c’est-à-dire la antigènes aux cellules T (Fig. 5.15). Le polymorphisme important de chaque locus
présence de plusieurs gènes homologues peut ainsi doubler le nombre de molécules différentes du CMH exprimées chez un
différents mais avec des fonctions similaires individu donné et augmente d’autant la diversité génétique offerte par la polygé-
assure que chaque individu produise
plusieurs molécules différentes du CMH. Le
nie (Fig. 5.16).
polymorphisme et la polygénie se combinent
Ainsi, avec trois gènes du CMH de classe I et un potentiel de quatre gènes du
pour produire la diversité des molécules du
CMH à la fois pour un individu donné et aussi CMH de classe  II sur chaque chromosome  6, une personne exprime typique-
dans l’ensemble de la population. ment six molécules du CMH de classe I et huit molécules différentes du CMH

Polymorphisme Polygénie Polymorphisme et polygénie


Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 201

de classe II. Pour les gènes du CMH de classe II, le nombre de molécules diffé-


Un gène ancestral du CMH
rentes du CMH peut être encore augmenté par la combinaison des chaînes  α s’est dupliqué et a divergé
et β codées par des gènes différents (de sorte que deux chaînes α et deux chaî-
nes β peuvent donner naissance à quatre protéines différentes). Chez la souris,
on a montré que toutes les combinaisons ne forment pas des dimères stables et
qu’en pratique le nombre exact de molécules différentes du CMH de classe II
exprimées dépend de la nature des allèles présents sur chaque chromosome.
Toutes les protéines du CMH sont plus ou moins polymorphes à l’exception de la Gènes multiples du CMH
chaîne DRα et de son homologue murin Eα. La séquence de ces chaînes ne varie
pas entre différents individus et sont dites monomorphes. Une contrainte fonc-
tionnelle pourrait prévenir la variation des protéines DRα et Eα, mais une telle
fonction spéciale n’a pas encore été identifiée. De nombreuses souris, domesti-
ques ou sauvages, ont une mutation dans le gène Eα qui empêche la synthèse de la
protéine correspondante. Elles sont donc dépourvues de molécules H2-E à la sur- Conversion génique entre chromosomes
face de leurs cellules. Aussi, si les molécules H2-E exercent une fonction spéciale, mal alignés durant la méiose
il semble improbable que celle-ci soit essentielle.
Des observations suggèrent que le CMH serait apparu après la divergence des
agnathes (vertébrés sans mâchoire) par de multiples duplications d’un gène
ancestral inconnu qui serait à l’origine des gènes de classe I et de classe II, qui ont
continué à diverger. Les polymorphismes des gènes du CMH semblent avoir été
sélectionnés fortement par des pressions évolutives. Plusieurs mécanismes géné- Chromosomes séparés après la méiose
tiques contribuent à la génération de nouveaux allèles. Certains apparaissent à la
suite de mutations ponctuelles et d’autres par conversion génique, un processus
par lequel une séquence dans un gène est remplacée en partie par des séquences
d’un gène différent (Fig. 5.17).
Les effets d’une pression sélective en faveur du polymorphisme sont clairement
visibles dans la nature des mutations ponctuelles des gènes du CMH. Les muta- Fig. 5.17 La conversion génique peut
tions ponctuelles peuvent être des substitutions qui changent un acide aminé ou créer de nouveaux allèles en copiant
qui changent le codon en laissant le même acide aminé. La fréquence des rempla- des séquences d’un autre gène du CMH.
De multiples gènes du CMH de structure
cements d’acide aminé dans le CMH par rapport aux substitutions silencieuses est
généralement semblable sont apparus au
plus grande que ce que l’on attendrait, ce qui suggère que le polymorphisme a été cours de l’évolution par duplication d’un
sélectionné activement au cours de l’évolution du CMH. Les prochaines sections gène ancestral du CMH (en gris) et ensuite
décrivent comment le polymorphisme du CMH avantage la réponse immunitaire divergence génétique. Des échanges entre
ces gènes peuvent survenir par un processus
et comment la sélection imposée par les pathogènes peut expliquer le nombre très appelé conversion génique au cours duquel
élevé d’allèles du CMH. des séquences peuvent être transférées
d’un gène à un autre différent mais similaire.
Pour que cela se produise, les deux gènes
doivent s’apposer durant la méiose suite à un
5-13 Le polymorphisme du CMH affecte la reconnaissance de l’antigène alignement incorrect lors de l’appariement des
par les cellules T en influençant la liaison du peptide et les contacts chromosomes homologues. Ce qui survient
entre le récepteur de cellule T et la molécule du CMH. plus fréquemment quand il existe beaucoup
de copies de gènes similaires disposés en
tandem. On peut comparer ce décalage à une
Les produits des allèles du CMH peuvent avoir jusqu’à 20 acides aminés de dif- erreur de boutonnage. Durant l’enjambement
férence entre eux, rendant chaque variant bien distinct. La plupart des différen- et la recombinaison de l’ADN, une séquence
d’ADN d’un chromosome est quelquefois
ces sont localisées dans les surfaces exposées du domaine extracellulaire le plus
copiée sur l’autre, remplaçant la séquence
éloigné de la membrane et en particulier dans le sillon de liaison au peptide originale. De cette façon, des changements
(Fig.  5.18). Nous avons vu que les peptides se lient aux molécules du CMH des multiples de nucléotides contigus surviennent
classes I et II par interaction des résidus d’ancrage spécifique avec les poches du d’un seul coup dans un gène. Ce qui peut
occasionner de nombreux changements
sillon de liaison au peptide (voir les Sections 3-14 et 3-15). De nombreux polymor- simultanés d’acides aminés dans la séquence
phismes dans les molécules du CMH changent les acides aminés qui bordent ces originale. En raison de la similitude des gènes
poches et modifient ainsi leur spécificité de liaison. En conséquence, les résidus du CMH entre eux et leur liaison étroite,
d’ancrage des peptides pouvant se lier à chaque allèle du CMH changent égale- la conversion génique s’est produite de
nombreuses fois au cours de l’évolution des
ment. L’assortiment de résidus d’ancrage qui permet la liaison à un allèle donné allèles du CMH.
du CMH des classes I ou II est appelé un motif séquentiel, et celui-ci peut être
utilisé pour prévoir les peptides d’une protéine qui pourraient se lier à cet allèle
(Fig. 5.19). Une telle information peut être très utile pour la conception de pepti-
des vaccinaux.
202 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

α2 α1 β1 α1

α3 β2 α2

Variabilité du CMH de classe I Variabilité du CMH de classe II

α1 α2 α3 β1 β2
Variabilité

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 260 280 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Résidu Résidu

Fig. 5.18 Les variations alléliques se situent Dans de rares cas, l’apprêtement d’une protéine ne génère aucun peptide dont le
dans des sites particuliers des molécules motif séquentiel lui permette de se lier à l’une des molécules du CMH exprimées
du CMH. Les graphes de variabilité des
séquences d’acides aminés des molécules par un individu. Lorsque cela survient, l’individu ne peut répondre à l’antigène. De
du CMH montrent que les variations du telles absences de réponse à un antigène ont été d’abord rapportées chez des ani-
polymorphisme génétique sont restreintes aux maux consanguins et ont été appelées déficiences de gène de réponse immune
domaines aminoterminaux (domaines α1 et α2
(Ir). Elles ont été identifiées et localisées dans des gènes du CMH bien avant que la
des molécules du CMH de classe I, et
domaines α1 et β1 des molécules du CMH de fonction des molécules du CMH ne soit connue et ce fut le premier indice suggé-
classe II). Ce sont eux qui forment le sillon rant la fonction de présentation d’antigène par les molécules du CMH. Nous com-
de liaison au peptide. La variabilité allélique prenons à présent que les déficiences des gènes Ir sont fréquentes dans les souches
prédomine dans des sites particuliers des
domaines aminoterminaux, essentiellement
de souris consanguines parce que celles-ci sont homozygotes à tous les locus de
le plancher et les bords du sillon de liaison. leur CMH, ce qui limite la gamme de peptides qu’elles peuvent présenter aux cel-
Les allèles HLA-DR ont été choisis comme lules  T. Normalement, le polymorphisme du CMH offre un nombre suffisant de
exemples pour illustrer la variabilité des molécules différentes du CMH chez un individu donné pour rendre cette absence
molécules du CMH de classe II. Pour HLA-DR
et ses homologues dans les autres espèces, de réponse improbable, même envers des antigènes relativement simples comme
la chaîne α est essentiellement invariante de petites toxines. C’est évidemment très important pour la défense de l’hôte.
et seule la chaîne β est significativement
polymorphe. Au début, la seule évidence de liaison entre les déficits de gènes Ir et le CMH était
génétique : les souris d’un génotype CMH donné pouvaient produire des anticorps
en réponse à un antigène particulier, tandis que les souris d’un génotype CMH dif-
férent, mais par ailleurs génétiquement identiques, ne le pouvaient pas. Le géno-
type du CMH contrôlait donc d’une certaine manière la capacité du système
immunitaire de détecter des antigènes spécifiques ou d’y répondre à, mais on
ignorait à cette époque que la reconnaissance directe des molécules du CMH était
impliquée.
Plus tard, des expériences ont montré que la spécificité antigénique des cellu-
les T était contrôlée par des molécules du CMH. On savait que les réponses immu-
nitaires conditionnées par les gènes Ir dépendaient également des cellules T, ce
qui a conduit à des expériences chez la souris visant à établir comment le poly-
morphisme du CMH contrôlait leurs réponses cellulaires. Les premières de ces
expériences ont montré que les cellules T ne pouvaient être activées que par les
macrophages ou par les cellules B qui partageaient les mêmes allèles du CMH que
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 203

Une molécule du CMH Kb liant un peptide d’ovalbumine Une molécule du CMH Kd liant un peptide du virus influenza

P6 P8
P4 P4 P7
P7
P6
P1 P3 P1
P3 P5
P5 P8 P2
P2 P9

a b

P1 P2 P3 P4 — P5 P6 P7 P8 P1 P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9

Ovalbumine (257-264) S I I N F E K L Influenza NP (147–155) T Y Q R T R A L V

HBV SA (208–215) I L S P F L P L tERK2 kinase (136–144) Q Y I H S A N V L

Influenza NS2 (114–121) R T F S F Q L I P198 (14–22) K Y Q A V T T T L

LCMV NP (205–212) Y T V K Y P N L P. yoelii CS (280–288) S Y V P S A E Q I

VSV NP (52–59) R G Y V Y Q G L P. berghei CS (25) G Y I P S A E K I

Virus de Sendai NP (324–332) F A P G N Y P A L Kinase JAK1 (367–375) S Y F P E I T H I

Fig. 5.19 Différents allèles d’une molécule du CMH de classe I lient de neuf résidus (P1-9) de la NP du virus de la grippe. Pour H2-Kb, le
différents peptides. Les panneaux a et b montrent des vues en coupe motif séquentiel est déterminé par la poche C, qui lie la chaîne latérale
d’un peptide de l’ovalbumine lié à la molécule H2-Kb du CMH de classe I P5 du peptide (une tyrosine (Y) ou une phénylalanine (F)), et la poche F,
de souris et un peptide de la nucléoprotéine (NP) du virus influenza lié qui lie le résidu P8 (une chaîne latérale non aromatique hydrophobe de
à la molécule H2-Kd du CMH de classe I, respectivement. La surface la leucine (L), isoleucine (I), méthionine (M) ou valine (V)). Pour H2-Kd,
accessible au solvant des molécules du CMH est affichée comme le motif est essentiellement déterminé par les poches B et F, qui lient
une surface en pointillé bleu. Les molécules du CMH de classe I ont respectivement les chaînes latérales de P2 et P9. La poche B accueille
généralement six poches dans le sillon de liaison au peptide ; elles sont une chaîne latérale de tyrosine. La poche F lie une leucine, isoleucine,
désignées par une lettre de A à F. Les peptides liés, représentés par des ou valine. Sous les structures, le tableau présente des motifs connus de
modèles de remplissage de l’espace, s’insèrent dans le sillon de liaison, peptides qui se lient respectivement à chaque molécule du CMH. Une
les chaînes latérales des résidus d’ancrage remplissant les poches. H2-Kb vaste collection de motifs peut être trouvée à
lie SIINFEKL (code d’acides aminés en une seule lettre), un peptide de http://www.syfpeithi.de. Structures de V.E. Mitaksov et D. Fremont.
huit résidus (P1-8) de l’ovalbumine, et H2-Kd lie TYQRTRALV, un peptide

les souris dont les cellules T provenaient. C’était la première observation indiquant
que la reconnaissance de l’antigène par les cellules T dépendait de la présence de
molécules spécifiques du CMH sur la cellule présentatrice de l’antigène, ce que
l’on appelle maintenant restriction au CMH, comme décrit au Chapitre 3.
L’exemple le plus démonstratif de ce mode de reconnaissance est venu des études
de cellules T cytotoxiques spécifiques de virus, pour lesquelles Peter Doherty et
Rolf Zinkernagel furent récompensés par un prix Nobel en 1996. Quand les souris
sont infectées par un virus, elles produisent des cellules T cytotoxiques qui tuent
les cellules infectées par ce virus, tout en épargnant les cellules non infectées ou
infectées par un autre virus. Ces cellules  T cytotoxiques sont donc spécifiques
du virus. Une particularité étonnante de ces expériences était que la spécificité
des cellules T cytotoxiques dépendait aussi du polymorphisme des molécules du
204 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

CMH. Les cellules T cytotoxiques induites par les infections virales chez les sou-
ris de CMH de génotype a (CMHa) peuvent tuer toute cellule de CMHa infectée par
ce virus, mais ne tuent pas des cellules du CMH de génotype b, c ou autre, même
si elles sont infectées par le même virus. Comme le génotype du CMH restreint
la spécificité antigénique des cellules T, cet effet a été appelé restriction au CMH.
Avec les études antérieures sur les cellules B et les macrophages, ce travail a mon-
tré que la restriction au CMH est une caractéristique critique de la reconnaissance
antigénique par toutes les classes de cellules T.
Nous savons maintenant que la restriction au CMH est due au fait que la spécifi-
cité de liaison d’un récepteur de cellule T n’est pas limitée à son peptide antigéni-
que mais bien au complexe du peptide et de la molécule du CMH (voir Chapitre 3).
La restriction au CMH s’explique en partie par le fait que les différentes molécu-
les du CMH lient des peptides différents. De plus, certains acides aminés polymor-
phes des molécules du CMH sont localisés dans les hélices α bordant le sillon de
liaison au peptide, mais ont des chaînes latérales orientées vers la surface exposée
du complexe peptide:CMH qui peut entrer directement en contact avec le récep-
teur de cellule T (voir Fig. 5.18 et 3.22). Il n’est donc pas étonnant que les cellules T
distinguent facilement le peptide fixé au CMHa du même peptide fixé au CMHb..
Cette reconnaissance restreinte peut parfois être causée à la fois par des différen-
ces de conformation du peptide imposées par les différentes molécules du CMH
et par la reconnaissance directe d’acides aminés polymorphes dans la molécule
même du CMH. Ainsi, la spécificité d’un récepteur de cellule T est définie par le
peptide qu’il reconnaît et par la molécule du CMH qui le présente (Fig. 5.20).

5-14 Les cellules T qui reconnaissent des molécules de CMH étranger


sont très nombreuses.

La découverte de la restriction au CMH a aussi contribué à expliquer le phéno-


Une greffe rénale pour des mène jusqu’alors énigmatique de la reconnaissance du CMH étranger responsa-
complications d’un diabète ble du rejet des organes et des tissus transplantés entre membres d’une même
insulinodépendant auto-immun espèce. Un organe de donneur dont le CMH diffère de celui du receveur  —  même
d’un seul acide aminé  —  est rejeté rapidement en raison de la présence chez tout
individu d’un grand nombre de cellules T qui réagissent contre le CMH étranger,
dit allogénique. Les premières études sur les réponses des cellules  T au CMH

Restriction au CMH

Cellule T Cellule T
Cellule T

Fig. 5.20 La reconnaissance des antigènes


par les cellules T est restreinte au
CMH. Le récepteur d’antigène de cellule T
(TCR) reconnaît un complexe formé du
peptide antigénique et du CMH du soi. En
conséquence, une cellule T spécifique d’un TCR TCR TCR
peptide x et d’un allèle du CMH particulier,
CMHa (panneau de gauche), ne reconnaîtra
pas le complexe du même peptide x avec le
x x y
CMHb (panneau du milieu) ou le complexe du
peptide y avec le CMHa (panneau de droite). CMH a
CMH b
CMH a

La reconnaissance conjointe du peptide et


du CMH est appelée restriction par le CMH,
ou au CMH, parce que la molécule du CMH
« restreint » la capacité de reconnaissance
antigénique de la cellule T. Cette restriction
peut soit résulter d’un contact direct entre Cellule présentatrice d’antigène Cellule présentatrice d’antigène Cellule présentatrice d’antigène
la molécule du CMH et le récepteur de
la cellule T ou être un effet indirect du
polymorphisme du CMH sur les peptides liés Reconnaissance Pas de reconnaissance Pas de reconnaissance
ou sur la conformation du complexe.
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 205

allogénique étaient basées sur la réaction lymphocytaire mixte, dans laquelle les
cellules T d’un individu sont mélangées avec des lymphocytes d’un autre individu.
Si les cellules T du premier reconnaissent les molécules du CMH de l’autre comme
étrangères, les cellules T se divisent et prolifèrent (les lymphocytes du second sont
habituellement irradiés ou traités par un agent cytostatique, la mitomycine C, ce
qui empêche leur prolifération). De telles études ont montré qu’environ 1-10 % de
toutes les cellules d’un individu répondent à la stimulation par les cellules d’un
autre membre de la même espèce sans lien de parenté. Cette réponse des cellu-
les T est appelée alloréactivité parce qu’elle représente la reconnaissance du poly-
morphisme allélique des molécules allogéniques du CMH.
Avant la compréhension du rôle des molécules du CMH dans la présentation à
l’antigène, la présence de nombreuses cellules T capables de reconnaître le CMH
étranger restait une énigme, car il n’y avait aucune raison que le système immuni-
taire ait développé une défense contre les tissus transplantés. Mais, une fois com-
pris que les récepteurs des cellules  T ont évolué pour reconnaître les peptides
étrangers en combinaison avec les molécules polymorphes du CMH, l’alloréac-
tivité devint plus facile à expliquer. Nous connaissons maintenant au moins deux
processus qui expliquent la proportion élevée de cellules T alloréactives (Fig. 5.21).
Premièrement, les cellules T, au cours de leur développement dans le thymus, sont
passées par une sélection positive rigoureuse qui favorise la survie des cellules
dont les récepteurs de cellule  T interagissent faiblement avec des molécules du
CMH autologues exprimées dans le thymus (voir le Chapitre 7 pour une descrip-
tion détaillée). On pense que la sélection des cellules T par leur interaction avec un
type de CMH augmente la probabilité que leurs récepteurs réagissent de manière
croisée avec des variants non autologues du CMH. Deuxièmement, il semble que
les récepteurs de cellule T aient une aptitude inhérente à reconnaître des molécu-
les du CMH. Des expériences ont montré une importante alloréactivité parmi des
cellules T que l’on avait fait atteindre artificiellement la maturité chez des animaux
dépourvus de CMH des classes I et II, et chez lesquels une sélection positive dans
le thymus ne pouvait avoir lieu.
L’alloréactivité représente donc la réactivité croisée des récepteurs de cellule  T
avec des complexes peptide étranger:CMH étranger (Fig. 5.21). L’interaction est,
cependant, influencée par le peptide aussi bien que par la molécule du CMH.
D’une part, des cellules T alloréactives interagissent fortement avec un complexe
peptide:CMH, mais non avec la même molécule du CMH étranger ayant lié un
peptide différent (voir Fig. 5.21, panneau central). De telles cellules T alloréactives

Peptide étranger : liaison Liaison dépendant Liaison indépendante


au CMH du soi du peptide du peptide

Cellule T Cellule T Cellule T


Fig. 5.21 Deux modes de réactivité croisée
qui pourraient expliquer l’alloréactivité.
Une cellule T spécifique d’une combinaison
peptide:CMH (panneau de gauche) pourrait
TCR TCR TCR réagir de manière croisée avec des peptides
présentées par d’autres molécules d’un CMH
étranger (allogénique). Deux possibilités
peuvent alors être envisagées. Le plus
souvent, c’est le peptide fixé aux molécules
allogéniques du CMH qui s’adapte bien au
CMH CMH CMH récepteur de la cellule T (TCR), permettant
de classe II de classe II de classe II une liaison même s’il n’y a pas une bonne
du soi du non soi du non soi adaptation entre le TCR et la molécule du
CMH (panneau du milieu). Alternativement,
mais moins souvent, la molécule allogénique
du CMH peut mieux s’adapter au récepteur
de la cellule T, créant une liaison solide
Cellule présentatrice d’antigène Cellule présentatrice d’antigène Cellule présentatrice d’antigène dépendant moins du peptide lié à la molécule
du CMH (panneau de droite).
206 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

pourraient être activées par des peptides liés à des molécules d’un CMH étranger
d’un tissu greffé même si ces peptides diffèrent de ceux qui se lient au CMH auto-
logue. D’autre part, des cellules T alloréactives indépendantes du peptide intera-
gissent avec des molécules de CMH étranger quelle que soit la nature du peptide
(voir Fig. 5.21, panneau de droite). En pratique, des réponses alloréactives contre
un organe greffé représentent probablement l’activité de nombreuses cellules  T
alloréactives de chaque type, et il est impossible de déterminer la part prise dans
la réaction par chaque type de reconnaissance.

5-15 De nombreuses cellules T répondent aux superantigènes.

Les superantigènes représentent une classe distincte d’antigènes qui provoquent


une réponse primaire des cellules T d’intensité comparable à celle d’une réponse
à un CMH allogénique. On a observé de telles réponses dans les réactions lym-
phocytaires mixtes en utilisant des souris identiques pour le CMH, mais généti-
quement différentes par ailleurs. Les antigènes provoquant cette réaction ont été
d’abord appelés antigènes de stimulation lymphocytaire mineure (Mls, Minor
lymphocyte stimulating), et l’on pouvait supposer qu’ils pourraient exercer des
fonctions similaires aux molécules du CMH elles-mêmes. Nous savons mainte-
nant que ce n’est pas le cas. Les antigènes Mls identifiés dans ces souches de souris
sont codés par des rétrovirus, comme le virus de la tumeur mammaire de la souris,
Superantigène
qui se sont intégrés de manière stable dans divers sites des chromosomes de sou-
Superantigène ris. Ils agissent comme des superantigènes parce qu’ils ont un mode particulier de
bactérien viral
par ex. SE, TSST-1 liaison à la fois au CMH et aux molécules réceptrices des cellules T qui leur permet
cellule présentatrice d’antigène cellule présentatrice d’antigène
de stimuler un très grand nombre de cellules T. Les superantigènes sont produits
par de nombreux pathogènes différents, dont des bactéries, des mycoplasmes et
des virus, et les réponses qu’ils provoquent sont plus favorables au pathogène qu’à
CMH de β α α β l’hôte.
classe II
Les superantigènes sont différents des autres antigènes protéiques, parce qu’ils
sont reconnus par les cellules T sans être clivés en peptides captés par les molécu-
les du CMH. En fait, la fragmentation d’un superantigène détruit son activité bio-
TCR
logique, qui nécessite que la protéine intacte puisse se fixer à la surface externe
α β α β
de la cellule sur une molécule du CMH de classe II qui a elle-même déjà fixé son
peptide. En plus de cette liaison, les superantigènes sont capables de se lier à la
région  Vβ de nombreux récepteurs des cellules  T (Fig.  5.22). Les superantigènes
cellule T cellule T
bactériens se lient principalement à la boucle CR2 du Vβ, et dans une moindre
mesure à la boucle CDR1 du même, et à une boucle additionnelle hypervariable
dénommée boucle hypervariable 4 ou HV4. La boucle HV4 est le site de liaison pré-
CMHα
dominant pour les superantigènes viraux, au moins pour les antigènes Mls codés
par les virus endogènes de la tumeur mammaire de la souris. Ainsi, la région V de
la chaîne α et le CDR3 de la chaîne β du récepteur de la cellule T ont peu d’effet
CMH sur la reconnaissance par le superantigène, qui est largement déterminée par les
β
séquences germinales V de la chaîne β. Chaque superantigène est spécifique pour
SE
un ou quelques segments des gènes Vβ, soit de 20 à 50 pour la souris et l’homme ;
un superantigène peut donc stimuler 2 à 20 % des cellules T.

peptide
Fig. 5.22 Les superantigènes se lient CMH de classe II et le superantigène de
directement aux récepteurs de la cellule T et l’entérotoxine staphylococcique (SE), produite
Vα aux molécules du CMH. Les superantigènes par superposition des structures séparées
peuvent se lier aux molécules du CMH de d’un complexe entérotoxine:CMH de classe II

classe II et aux récepteurs des cellules T, en et d’un complexe entérotoxine:récepteur de
interagissant avec le domaine Vβ du récepteur cellule T. Les deux molécules d’entérotoxines
de cellule T (TCR) loin des régions déterminant (SEC3 et SEB) sont montrées en turquoise
la complémentarité et avec les faces externes et en bleu liées à la chaîne α de classe II
de la molécule du CMH de classe II en dehors (en jaune) et à la chaîne β du récepteur de
du site de liaison au peptide (panneaux cellule T (domaine Vβ en gris et domaine Cβ
Cβ supérieurs). Le panneau inférieur montre en rose). Modèle moléculaire de H.M. Li,
une reconstruction de l’interaction entre le B.A. Fields et R.A. Mariuzza.
récepteur d’une cellule T, une molécule du
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 207

Ce mode de stimulation ne tient pas lieu de réponse adaptative primaire spécifi-


que d’un pathogène. En fait, il induit une production massive de cytokines par les
cellules T CD4, la population répondeuse prédominante des cellules T. Ces cyto-
kines ont deux effets sur l’hôte  : une toxicité systémique et la suppression de la
réponse immune adaptative. Ces deux effets contribuent à la pathogénicité micro-
bienne. Parmi les superantigènes microbiens, les entérotoxines staphylococci-
ques (SE, Staphylococcal Enterotoxins) causent une intoxication alimentaire, et la
toxine 1 du syndrome de choc toxique (TSST-1, Toxic Shock Syndrome Toxin-1)
est responsable du syndrome de choc toxique.
Le rôle des superantigènes viraux en pathologie humaine est moins évident. Les
superantigènes les mieux caractérisés restent ceux du virus de la tumeur mam-
maire de la souris, qui sont des antigènes endogènes communs chez la souris.

5-16 Le polymorphisme du CMH élargit la gamme d’antigènes


auxquels le système immunitaire peut répondre.

La plupart des gènes polymorphes codent des protéines différant seulement d’un
ou de quelques acides aminés, tandis que les différents variants alléliques des pro-
téines du CMH peuvent différer de 20 acides aminés. Le polymorphisme étendu
des protéines du CMH a probablement évolué pour contrer les mécanismes
d’échappement des pathogènes. Les pathogènes peuvent contourner la réponse
immune, soit en évitant d’être détectés, soit en supprimant la réaction qu’ils susci-
tent. La nécessité pour les antigènes des pathogènes d’être présentés par les molé-
cules du CMH fournit deux voies possibles d’évasion à la détection. L’une intervient
par des mutations des protéines modifiant toutes les séquences peptidiques capa- Syndrome de choc toxique
bles de se fixer aux molécules du CMH. Le virus Epstein-Barr fournit un exemple
de cette stratégie. Dans les régions du Sud-est de la Chine et en Papouasie-
Nouvelle-Guinée, dans des petites populations isolées, 60 % des individus portent
l’allèle HLA-A11. De nombreux isolats du virus Epstein-Barr obtenus à partir de
cette population ont des mutations dans un épitope peptidique dominant norma-
lement présenté par HLA-A11. Les peptides mutés ne se fixent plus à HLA-A11 et
ne peuvent pas être reconnus par des cellules restreintes au HLA-A11. Cette straté-
gie est beaucoup moins efficace en cas de grande diversité des molécules du CMH.
Aussi, ces différents locus codant des protéines de fonctions voisines pourraient
être apparus au cours de l’évolution comme une adaptation à cette stratégie des
pathogènes.
Dans de larges populations non consanguines, le polymorphisme à chaque locus
peut potentiellement doubler le nombre des différentes molécules du CMH expri-
mées par un individu, puisque la plupart sont hétérozygotes. Le polymorphisme
présente un avantage supplémentaire car les individus dans une population don-
née différeront par les combinaisons de molécules du CMH qu’elles expriment et
présenteront donc différentes gammes de peptides de chaque pathogène. Il est
donc improbable que tous les individus d’une population aient la même suscep-
tibilité à un pathogène donné, ce qui limite sa diffusion. L’exposition aux pathogè-
nes durant l’évolution peut sélectionner l’expression d’allèles particuliers du CMH
comme l’indique la forte association entre l’allèle HLA-B53 avec la résistance à une
forme potentiellement létale de paludisme ; cet allèle est très commun en Afrique
de l’Ouest, où la malaria est endémique, et rare ailleurs, où les formes mortelles
sont peu communes.
Des arguments similaires s’appliquent à une seconde stratégie utilisée par les
pathogènes pour éviter d’être reconnus. Ceux qui bloquent la présentation de
leurs peptides par les molécules du CMH peuvent éviter la réponse immune adap-
tative. Les adénovirus codent une protéine qui se lie aux molécules du CMH de
classe  I dans le réticulum endoplasmique et prévient leur transport à la surface
cellulaire, empêchant ainsi la reconnaissance des peptides viraux par les cellules T
cytotoxiques CD8. Cette protéine de liaison au CMH doit interagir avec une région
208 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

polymorphe des molécules du CMH de classe I, puisque certains variants alléli-


ques sont retenus dans le cytoplasme et d’autres pas. L’augmentation de la variété
des molécules du CMH exprimées réduit dès lors la probabilité qu’un pathogène
réussisse à bloquer la présentation par l’ensemble d’entre elles et qu’il puisse
échapper au système immunitaire.
Ces arguments soulèvent une question : s’il vaut mieux avoir trois locus du CMH
qu’un seul, pourquoi ne pas en avoir plus ? L’explication probable est que chaque
fois qu’une molécule différente du CMH est ajoutée au répertoire, les cellules T
pouvant reconnaître des peptides du soi doivent être éliminées de façon à main-
tenir la tolérance au soi. Il semble donc que le nombre de locus du CMH présents
chez l’homme et la souris soit optimal pour équilibrer les avantages de présen-
ter une gamme plus étendue de peptides étrangers par rapport aux désavantages
d’une perte plus grande de cellules T du répertoire.

5-17 Divers gènes du CMH sont impliqués dans des fonctions


immunitaires spécialisées.

En plus des gènes très polymorphes dits ‘classiques’ du CMH des classes I et II, de
nombreux gènes ‘non classiques’ sont situés dans le même locus (voir Fig. 5.13) ;
ils codent des molécules de type classe I qui sont relativement peu polymorphes
(voir Fig. 5.14) et dont plusieurs n’ont pas encore de fonction connue. Ils sont liés
à la région du CMH de classe I et leur nombre varie beaucoup entre les espèces et
même entre les membres d’une même espèce. Ces gènes ont été appelés gènes du
CMH de classe Ib ; comme les gènes du CMH de classe I, beaucoup, mais pas tous,
codent des molécules à la surface de la cellule associées à la β2-microglobuline.
Leur expression sur les cellules est variable, à la fois dans leur densité à la surface
et dans leur distribution tissulaire. La Fig. 5.23 décrit les caractéristiques de plu-
sieurs gènes du CMH de classe Ib
Une des molécules du CMH de classe  Ib de la souris, H2-M3, peut présenter des
peptides avec des acides aminés aminoterminaux N-formylés, ce qui est inté-
ressant car la plupart des bactéries commencent leur synthèse protéique avec la
N-formylméthionine. Les cellules infectées par des bactéries du cytosol peuvent être
tuées par des cellules T CD8 qui reconnaissent les peptides bactériens N-formylés fixés
à H2-M3. On ignore s’il existe un équivalent du CMH de classe Ib chez l’homme.
Deux autres gènes murins du CMH de classe Ib étroitement apparentés, T22 et T10,
sont exprimés par des lymphocytes activés et sont reconnus par une sous-popula-
tion de cellules T γ:δ. On ne connaît pas la fonction des protéines T22 et T10 ; on a
proposé que cette interaction permettrait la régulation de lymphocytes activés.
D’autres gènes situés dans le CMH codent des composants du complément (par
exemple, C2, C4 et le facteur B) et certaines cytokines, par exemple, le TNF-α
(Tumor Necrosis Factor-α) et la lymphotoxine (TNF-β), qui exercent des fonctions
immunitaires importantes. Ces gènes sont situés dans la région dite du « CMH de
classe III » (voir Fig. 5.13).
De nombreuses études ont mis en évidence des associations entre la susceptibilité
à certaines maladies et des allèles particuliers de gènes du CMH (voir Chapitre 14),
et nous commençons à comprendre comment le polymorphisme des gènes du
CMH classique des classes I et II peut conditionner la résistance ou la suscepti-
bilité à ces maladies. Pour la plupart des prédispositions à l’une ou l’autre affec-
tion ou pour certains caractères influencés par le CMH, on connaît ou suspecte
une relation avec le système immunitaire, mais ce n’est pas toujours vrai  ; plu-
sieurs gènes du CMH n’ont aucune relation connue avec la fonction immunitaire.
Par exemple, le gène de classe Ib M10 code une protéine qui est reconnue par des
récepteurs de phéromone dans l’organe voméronasal. M10 pourrait donc influen-
cer le choix du partenaire sexuel, un comportement lié au locus du CMH chez les
rongeurs.
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 209

Le gène de HLA-H, rebaptisé HFE (voir Fig. 5.23), se trouve à environ 3 × 106 pai-
res de base de HLA-A. La protéine correspondante est exprimée sur les cellules du
tractus intestinal et régule l’absorption de fer dans l’organisme, très probablement
par des interactions avec le récepteur de la transferrine qui réduisent son affinité
pour la transferrine chargée de fer. Les individus chez qui ce gène est défectueux
sont atteints d’une maladie liée au stockage de fer, l’hémochromatose héréditaire,
dans laquelle le fer s’accumule dans le foie et d’autres organes en quantité trop
élevée. Des souris déficiences en β2-microglobuline, et ne pouvant donc exprimer
aucune des molécules de classe I, ont aussi une surcharge en fer. Un autre gène du
CMH impliqué dans une fonction non immunitaire code l’enzyme 21-hydroxylase
dont la déficience cause l’hyperplasie congénitale des surrénales et, dans les cas
graves, le syndrome de perte de sel. Même dans les cas où un gène lié à une maladie
est clairement homologue de gènes du système immunitaire, comme c’est le cas
avec HFE, le mécanisme de la maladie peut être indépendant du système immu-
nitaire. Les associations de maladie au CMH doivent donc être interprétées avec
prudence à la lumière d’une compréhension détaillée de la structure génétique et
des fonctions de chacun des gènes concernés. Il reste encore beaucoup à appren-
dre à ce propos et sur l’impact de toute la variation génétique du CMH. Par exem-
ple, chez l’homme, le composant C4 du complément est produit en deux versions,
C4A et C4B, et le nombre de gènes de chaque type varie d’un individu à l’autre. On
ne comprend pas la signification adaptative de cette variabilité génétique.

5-18 Des molécules spécialisées du CMH de classe I agissent


comme ligands activateurs ou inhibiteurs des cellules NK.

Certains gènes de classe Ib, par exemple les membres de la famille des gènes MIC,
sont sous des contrôles différents des gènes classiques du CMH de classe I et sont
induits en réponse au stress cellulaire comme le choc thermique. Parmi les cinq
gènes MIC, seuls deux, MICA et MICB, sont exprimés et produisent des protéi-
nes (voir Fig. 5.23) dans les fibroblastes et dans les cellules épithéliales, particu-
lièrement dans la muqueuse intestinale, et jouent un rôle dans l’immunité innée
ou dans l’induction de réponses immunes lorsque les interférons ne sont pas pro-
duits. Les molécules MIC-A et MIC-B sont reconnues par le récepteur NKGD2 des
cellules NK, des cellules  T  γ:δ et de certaines cellules  T CD8 et peuvent activer
ces cellules pour qu’elles tuent les cibles exprimant MIC. Le récepteur de MIC est
composé de deux chaînes. NKG2D est un membre ‘activateur’ de la famille NKG2
des récepteurs des cellules NK ; son domaine cytoplasmique est dépourvu de la
séquence inhibitrice présente dans les autres membres de cette famille, qui agis-
sent comme récepteurs inhibiteurs (voir les Sections 2-31 et 2-32). NKG2D est cou-
plé à la protéine adaptatrice DAP10, qui transmet le signal à l’intérieur de la cellule
en interagissant avec la phosphatidylinositol 3-kinase.
Une petite famille de protéines humaines appelées ULBP (UL16-Binding Proteins)
ou protéines RAET1 (voir Fig. 5.23) est apparentée aux molécules du CMH de classe I
mais de manière assez éloignée ; les protéines homologues chez la souris sont appe-
lées Rae1 (Retinoic acid early inducible 1) et H60. Ces protéines lient également le
récepteur NKG2D, comme décrit dans la Section 2-32. Elles semblent être exprimées
dans des conditions de stress cellulaire, par exemple lorsque les cellules sont infec-
tées par des agents pathogènes ou sont transformées. En exprimant ULBP, des cellu-
les stressées ou infectées peuvent activer NKG2D sur les cellules NK, les cellules T γ:δ
CD8 et les cellules T α:β cytotoxiques CD8 et ainsi être reconnues et éliminées.
La molécule humaine HLA-E du CMH de classe Ib et son homologue murin Qa-1
(voir Fig. 5.23) jouent un rôle spécialisé dans la reconnaissance cellulaire par les
cellules NK. HLA-E et Qa-1 lient un assortiment très restreint de peptides non poly-
morphes, appelés Qdm (Qa-1 determinant modifier), qui sont dérivés des peptides
de tête d’autres molécules HLA de classe I. Ces complexes peptides:HLA-E peuvent
se lier au récepteur NKG2A, présent sur les cellules NK et associé à la molécule de
210 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Molécule de classe Ib Récepteurs ou protéines d’interaction

Association Poly- Récepteur Récepteur


Homme Souris Expression à la β2m morphisme Ligand Autre Fonction biologique
de cellule T NK

HLA-C Active les cellules T


Ubiquitaire Oui Élevé Peptide TCR KIRs
(classe 1a) Inhibe les cellules NK

fMet Active des CTL avec


H2-M3 Limitée Oui Bas TCR
peptide des peptides bactériens

T22 Régulation de
Splénocytes Oui Bas Aucun TCR γ:δ
T10 splénocytes activés

Peptides de
NKG2A Inhibition
HLA-E Qa-1 Ubiquitaire Oui Bas tête du CMH
NKG2C des cellules NK
(Qdm)

Codé Exprimé LILRB1


HLA-F Oui Bas Peptide ? Inconnue
dans largement LILRB2
le CMH
Interface Module l’interaction
HLA-G Oui Bas Peptide TCR LILRB1
fœtomaternelle fœto-maternelle

Tractus GI, Activation des


MIC-A
exprimé Non Modéré Aucun NKG2D cellules NK et CD8
MIC-B
largement par le stress

Épithélium Modulation potentielle


TL Oui Bas Aucun CD8α:α
de l’intestin grêle de l’activation des cellules T

Neurones Récepteur Détection


M10 Oui Bas Inconnue
voméronasaux voméronasal V2R de phéromone

MULT1
Ligand induit activateur
ULBPs H60, Limitée Non Bas Aucun NKG2D
de cellule NK
Rae1

Contrôle
MR1 MR1 Ubiquitaire Oui Aucun Inconnue LILRB2 de la réaction
inflammatoire

CD1a– Lipides Active les cellules T contre


CD1d Limitée Oui Aucun TCR α:β
Codé CD1e glycolipides des lipides bactériens
en dehors
du CMH
Mill1
Ubiquitaire Oui? Bas Inconnue Inconnue Inconnue
Mill2

Récepteur de
HFE HFE Foie et intestin Oui Bas Aucun Homéostasie du fer
la transferrine

Transfère l’IgG
Interface
FcRn FcRn Oui Bas Aucun Fc (IgG) maternelle au fœtus
fœtomaternelle
(immunité passive)

ZAG ZAG Liquide corporel Non Aucun Acide gras Homéostasie lipidique

Fig. 5.23 Les protéines du CMH de classe Ib et leurs fonctions. Les de certaines protéines du CMH de classe Ib n’ont pas de lien avec les
protéines du CMH de classe Ib sont codées par des gènes présents dans réponses immunitaires, mais beaucoup interviennent dans l’immunité
le locus CMH mais aussi dans d’autres chromosomes. Les fonctions innée en interagissant avec des récepteurs des cellules NK (voir texte).
Le complexe majeur d’histocompatibilité et ses fonctions 211

surface CD94 (voir la Section 2-32). NKG2A est un membre inhibiteur de la famille


NKG2, et lorsqu’il se lie à HLA-E, il inhibe l’activité cytotoxique des cellules NK.
Ainsi, une cellule qui exprime HLA-E ou Qa-1 n’est pas tuée par les cellules NK.
Deux autres molécules du CMH de classe Ib, HLA-F et HLA-G (voir Fig. 5.23), peu-
vent aussi inhiber la lyse cellulaire par les cellules NK. HLA-G est exprimé sur les
cellules placentaires d’origine fœtale qui migrent dans la paroi utérine. Ces cel-
lules n’expriment pas les molécules classiques du CMH de classe I et ne peuvent
pas être reconnues par les cellules T CD8, mais contrairement à d’autres cellules
dépourvues de telles protéines, elles ne sont pas tuées par les cellules NK. Cela
semble être dû au fait que HLA-G est reconnu par un autre récepteur inhibiteur
des cellules NK, LILRB1 (Leukocyte Immunoglobulin-Like Receptor subfamily B
member 1), également appelé ILT-2 ou LIR-1, qui empêche les cellules NK de tuer
les cellules placentaires. HLA-F est exprimé dans divers tissus, mais il n’est généra-
lement pas détecté à la surface de la cellule, sauf par exemple sur certaines lignées
de monocytes ou sur des cellules lymphoïdes transformées par un virus. On pense
que HLA-F interagit également avec LILRB1.

5-19 La famille CD1 des molécules de type CMH de classe I est codée


en dehors du CMH et présente des lipides microbiens
à des cellules T restreintes à CD1.

Certains gènes du type CMH de classe I se situent en dehors de la région du CMH.


Une petite famille de ces gènes, appelée CD1, est exprimée sur les cellules dendri-
tiques, les monocytes et certains thymocytes. Les humains ont cinq gènes CD1, de
CD1a à CD1e, tandis que les souris n’expriment que deux versions très homologues de
CD1d, à savoir CD1d1 et CD1d2. Les protéines CD1 peuvent présenter des antigènes
aux cellules T, mais elles se distinguent des molécules classiques du CMH de classe I
par deux particularités. CD1, bien que similaire aux molécules du CMH de classe I
dans l’organisation de ses sous-unités et son association avec la β2-microglobuline,
se comporte comme une molécule du CMH de classe II. Elle n’est pas retenue à l’in-
térieur du réticulum endoplasmique par association avec le complexe TAP, mais elle
est destinée aux vésicules où elle se lie à son ligand peptidique. La seconde caractéris-
tique inhabituelle est que, contrairement au CMH de classe I, les molécules CD1 ont
un canal hydrophobe spécialisé dans la liaison des chaînes alkyle hydrocarbonées, ce
qui confère aux molécules CD1 l’aptitude à lier et présenter des glycolipides.
Les molécules CD1 sont classées en un groupe 1, composé de CD1a, CD1b et
CD1c, et un groupe 2, ne contenant que CD1d ; CD1e est considérée comme inter-
médiaire. Les molécules du groupe 1 lient des antigènes microbiens constitués de
glycolipides, phospholipides et lipopeptides, par exemple des composants de la
membrane mycobactérienne comme l’acide mycolique, le glucose monomyco-
late, les phospho-inositol mannosides, et le lipoarabinomannan. On pense que les
molécules CD1 du groupe 2 lient principalement des antigènes lipidiques auto-
logues tels que des sphingolipides et des diacylglycérols. Des études de structure
de la molécule CD1 ont montré un profond sillon dans lequel les antigènes glyco-
lipidiques peuvent s’insérer. Les molécules du groupe 1 lient leurs antigènes par
ancrage des chaînes alkyle dans le sillon hydrophobe, qui oriente les divers grou-
pes glucidiques ou les autres parties hydrophiles de ces molécules qui dépassent
aux extrémités du sillon de liaison, leur permettant ainsi d’être reconnus par les
récepteurs des cellules T restreintes à CD1.
Alors que les cellules  T qui reconnaissent les antigènes présentés par le CMH
des classes I et II expriment respectivement les molécules CD4 et CD8, les cellu-
les T qui reconnaissent les lipides présentés par les molécules CD1 n’expriment ni
CD4 ni CD8. La plupart des cellules T qui reconnaissent des lipides présentés par
les molécules CD1 de groupe 1 ont un répertoire diversifié de récepteurs α:β ; en
revanche, les cellules T restreintes à CD1d sont moins diversifiées, de nombreuses
d’entre elles utilisant la même chaîne TCRα (Vα24-Jα18 chez l’homme).
212 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Il semble que les protéines CD1 ont évolué comme une lignée séparée de molécu-
les présentatrices d’antigène capables de présenter des lipides et des glycolipides
microbiens aux cellules T. Tout comme les peptides sont chargés sur des protéi-
nes du CMH classique à différents endroits de la cellule, les différentes protéines
CD1 sont transportées différemment à travers le réticulum endoplasmique et des
compartiments d’endocytose donnant accès à différents antigènes lipidiques. Le
transport est régulé par une séquence d’acides aminés à l’extrémité du domaine
cytoplasmique de la protéine CD1, qui contrôle l’interaction avec les complexes
de protéines adaptatrices (AP, Adaptator-Protein). CD1a est dépourvu de ce motif
de liaison et gagne la surface de la cellule en étant transféré uniquement par le
compartiment endocytaire précoce. CD1c et CD1d ont des motifs qui interagis-
sent avec l’adaptateur AP-2 et sont transportés à travers les endosomes précoces
et tardifs; CD1d est également orienté vers les lysosomes. CD1b et le CD1d murin
lient AP-2 et AP-3 et peuvent être transportés à travers les endosomes tardifs, les
lysosomes et MIIC. Les protéines CD1 peuvent donc lier les lipides livrés et apprê-
tés dans la voie d’endocytose, par exemple par l’internalisation des mycobacté-
ries ou l’ingestion des lipoarabinomannans par le récepteur du mannose (voir la
Section 2.6).

Résumé.

Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) est formé d’un assortiment de


locus génétiques codant de nombreuses protéines impliquées dans la présentation
d’antigène aux cellules T, notamment les glycoprotéines du CMH des classe I et II
(les molécules du CMH) qui présentent les peptides aux récepteurs de cellule T. La
particularité des molécules du CMH est leur grand polymorphisme, qui est essen-
tiel pour la reconnaissance des antigènes par les cellules T. Celles-ci reconnaissent
un peptide antigénique lié à un variant allélique d’une molécule du CMH, et ne
reconnaîtra pas le même peptide associé à d’autres molécules du CMH. Ce com-
portement des cellules T est appelé restriction au CMH. La plupart des allèles du
CMH diffèrent les uns des autres par de multiples substitutions d’acides aminés.
Ces différences se concentrent dans le site de liaison au peptide et dans les régions
adjacentes, qui entrent en contact direct avec le récepteur de la cellule T. Au moins
trois propriétés des molécules du CMH sont affectées par le polymorphisme du
CMH : la gamme des peptides fixés ; la conformation du peptide fixé et l’interac-
tion de la molécule du CMH avec le récepteur de la cellule T. Ainsi, la nature haute-
ment polymorphe du CMH a des conséquences fonctionnelles, et la sélection par
l’évolution de ce polymorphisme suggère qu’il est critique pour le rôle des molé-
cules du CMH dans la réponse immune. Des mécanismes génétiques puissants
créent la variabilité des allèles du CMH, et cette grande diversité est très probable-
ment survenue sous la pression sélective des agents infectieux.

Résumé du Chapitre 5.

Normalement, les récepteurs d’antigène des cellules  T reconnaissent des pepti-


des du soi liés aux molécules du CMH du soi. Au cours d’une infection, les récep-
teurs d’antigène sur les cellules T reconnaissent des complexes de peptides dérivés
d’un pathogène et liés à des molécules du CMH à la surface d’une cellule cible.
Il y a deux classes de molécules du CMH : les molécules du CMH de classe I, qui
lient de manière stable des peptides dérivés des protéines synthétisées et dégra-
dées dans le cytosol, et des molécules du CMH de classe II, qui lient de manière
stable des peptides dérivés de protéines dégradées dans des vésicules d’endocy-
tose. En plus de leur liaison par le récepteur de la cellule  T, les deux classes de
molécules du CMH sont reconnues par les deux molécules coréceptrices, CD8 et
CD4, qui caractérisent les deux sous-populations majeures des cellules T. Les cel-
lules T CD8 reconnaissent les complexes peptide:CMH de classe I et, après acti-
vation, tuent les cellules présentant des peptides des pathogènes cytosoliques
Résumé du Chapitre 5 213

comme les virus. Des antigènes exogènes, comme des antigènes viraux phagocy-
tés par des cellules dendritiques, peuvent être transférés à partir du système vési-
culaire dans le cytosol, un processus appelé présentation croisée aboutissant à la
présentation des peptides par des molécules du CMH de classe I. Cette voie est
importante pour l’activation initiale des cellules T CD8 par les cellules dendriti-
ques. Les cellules T CD4 reconnaissent les complexes peptide:CMH de classe II et
sont spécialisées dans l’activation d’autres cellules immunes effectrices, comme
les cellules B ou les macrophages, afin qu’elles agissent contre les antigènes étran-
gers ou les pathogènes qu’elles ont ingérés. Ainsi, les deux classes de molécules du
CMH transfèrent des peptides à partir de différents compartiments cellulaires vers
la surface de la cellule, où ils sont reconnus par divers types de cellules T, qui exer-
cent les fonctions effectrices appropriées.
Chaque classe de molécules du CMH comporte plusieurs gènes arrangés par grou-
pes à l’intérieur d’une plus grande région appelée complexe majeur d’histocom-
patibilité (CMH). Dans le CMH, les gènes des molécules du CMH sont étroitement
liés à des gènes impliqués dans la dégradation des protéines en peptides, la for-
mation du complexe entre un peptide et la molécule du CMH et le transport de
ces complexes à la surface cellulaire. Puisque les nombreux gènes différents pour
les molécules du CMH de classe I et de classe II sont hautement polymorphes et
sont exprimés de manière codominante, chaque individu exprime de nombreu-
ses molécules différentes du CMH de classe I et de classe II. Chaque molécule dif-
férente du CMH peut lier de manière stable une gamme de peptides différents, et
ainsi le répertoire du CMH de chaque individu peut reconnaître et lier de nombreux
peptides antigéniques différents. Du fait que le récepteur des cellules T interagit
avec un ligand combiné peptide:CMH, la reconnaissance par les cellules T est res-
treinte au CMH, de telle manière qu’une cellule T donnée est spécifique d’un pep-
tide particulier lié à une molécule particulière du CMH. Le locus du CMH contient
de nombreux gènes du CMH non classique, parmi lesquels beaucoup participent
aux réponses immunitaires en interagissant non seulement avec le récepteur de
cellule T mais aussi avec d’autres récepteurs comme NKG2D exprimé par les cellu-
les NK. Ces molécules du CMH de classe 1b peuvent lancer des signaux activateurs
ou inhibiteurs et participer à l’immunité innée et à l’immunorégulation.
214 Chapitre 5 : La présentation des antigènes aux lymphocytes T

Questions.

5.1 Les molécules du CMH de classe I et de classe II ont une structure et des fonctions
homologues, mais diffèrent par leurs voies d’assemblage et de transfert à la surface
cellulaire. (a) Décrivez comment ces différences d’assemblage et de transfert
s’intègrent aux différentes fonctions des molécules de classe I et de classe II.
(b) Comment ces fonctions dépendent-elles de la source d’où le MHC de classe I ou
de classe II reçoit les peptides ? (c) Étant donné que le processus de présentation
croisée et l’autophagie peuvent rediriger des antigènes provenant de diverses
sources pour un apprêtement par d’autres voies, comment ces processus modifient-
ils votre réponse à (b) ?

5.2 Des pathogènes viraux ont acquis divers mécanismes pour échapper à la réponse
immunitaire. (a) Décrivez les étapes au cours desquelles les virus peuvent empêcher
la reconnaissance des antigènes viraux par les cellules T CD8, et donnez un exemple
précis pour chacun. (b) Parmi les exemples d’échappement viral présentés dans ce
chapitre, la plupart ont trait à des antigènes présentés par le CMH de classe I.
Pourquoi pourrait-il y avoir plus d’exemples d’inhibition virale de la présentation
d’antigène par le CMH de classe I que par le CMH de classe II ? (c) Suggérer une raison
qui expliquerait pourquoi les grands virus à ADN pourraient utiliser ces mécanismes
plus que ne le font les petits virus à ARN.

5.3 «Le CMH est un opéron de présentation antigénique.» Dans quelle mesure cette
déclaration est-elle une description correcte du CMH, et quels facteurs pourraient
être responsables de cette organisation ?

5.4 Un grand nombre de protéines codées dans le CMH existent dans la population en de
multiples formes, ou variantes alléliques. (a) Quels sont les événements génétiques
qui donnent naissance à cette variation et quelles sont ses conséquences
fonctionnelles ? (b) Dans certains cas, on trouve des combinaisons particulières
d’allèles de différents gènes du CMH à une fréquence beaucoup plus élevée que la
chance ne le laissait prévoir. Quels sont les mécanismes qui pourraient expliquer ce
constat ?

5.5 Le rejet de tissus transplantés peut résulter de l’alloréactivité du répertoire des


lymphocytes T contre le CMH du greffon. (a) Décrivez le processus expliquant
l’alloréactivité. (b) Discuter la relation entre l’alloréactivité et la restriction au CMH
du répertoire des cellules T. (c) Comment le phénomène de la restriction au CMH
a-t-il été découvert ? (d) Quel est le rôle des peptides dans l’alloréactivité ?

5.6 De nombreux gènes à l’extérieur du locus du CMH codent des protéines qui ont
une structure et des fonctions semblables à des protéines du CMH de classe I. (a)
Décrivez les types de cellules qui reconnaissent les diverses protéines du CMH «non
classique» et leurs fonctions. (b) Décrivez les types de ligand(s), s’il y en a, qui sont
présentés par ces diverses protéines.
Références 215

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le développement
PARTIE III des répertoires
de récepteurs
des lymphocytes
matures

Chapitre 6 La reconnaissance des antigènes


par les récepteurs des cellules B et des cellules T.

Principes généraux de la transduction du signal.

Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation


lymphocytaire.

Autres récepteurs et voies de signalisation.

Chapitre 7 Le développement et la survie


des lymphocytes.

Développement des lymphocytes B.

Le développement des cellules T dans le thymus.

Sélection positive et négative des cellules T.

Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes


périphériques.

Les tumeurs lymphoïdes.


219

6
Signalisation
par les récepteurs
du système immunitaire

Des changements particuliers dans le milieu extracellulaire sont perçus par le sys-
tème immunitaire et entraînent son activation. Les cellules communiquent avec
leur environnement grâce à une grande variété de récepteurs de surface, qui recon-
naissent et lient des molécules présentes dans le milieu extracellulaire. Bien que
les récepteurs d’antigène des lymphocytes aient été historiquement les mieux étu-
diés, le mode opératoire d’une grande variété d’autres récepteurs des lymphocytes
et d’autres cellules du système immunitaire est aussi actuellement bien connu. Les
signaux intracellulaires générés par ces récepteurs et les processus par lesquels ils
modifient le comportement cellulaire constituent le sujet principal de ce chapitre.
Le défi auquel sont confrontées toutes les cellules qui répondent à des stimulus
extérieurs est de traduire ces interactions en changements dans le fonctionne-
ment cellulaire. Tous les signaux extracellulaires que nous allons considérer dans
ce chapitre sont reçus à la surface extérieure de la cellule et transmis par des récep-
teurs protéiques transmembranaires qui contribuent à convertir l’information
venant de l’extérieur de la cellule en un événement biochimique intracellulaire.
Une fois à l’intérieur de la cellule, le signal est transmis le long des voies de signa-
lisation intracellulaire qui consistent en divers modes d’interaction protéique.
Le signal est converti en diverses formes biochimiques selon un processus appelé
transduction du signal. Il se passe dans différents sites intracellulaires et est sou-
tenu et amplifié au fur et à mesure de sa progression vers sa destination. Pour les
voies de signalisation que nous allons considérer, la destination finale de la plu-
part des signaux est le noyau, et la réponse cellulaire principale est la modification
de l’expression génique. Les conséquences peuvent être : la synthèse de nouvel-
les protéines comme des cytokines, des chimiokines, des molécules d’adhérence
intercellulaire et d’autres protéines de surface cellulaire, ainsi que des événements
cellulaires comme la division, la différenciation et, dans certains cas, la mort.
Nous commencerons ce chapitre en considérant certains principes généraux de
signalisation intracellulaire. Nous décrirons ensuite les voies intervenant dans l’ac-
tivation d’un lymphocyte naïf lorsqu’il rencontre son antigène spécifique. En plus
des signaux qu’un lymphocyte reçoit par ses récepteurs d’antigène et ses corécep-
teurs, nous examinerons brièvement la signalisation costimulatrice nécessaire
pour activer les cellules T naïves et, dans la plupart des cas, les cellules B naïves.
Dans la dernière partie du chapitre, nous examinerons une sélection d’autres voies
de signalisation utilisées par les cellules du système immunitaire, entre autres cel-
les qui passent par les récepteurs de cytokine, les récepteurs de type Toll et les
récepteurs de mort menant à l’apoptose.
220 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Principes généraux de la transduction du signal.


Dans cette partie du chapitre, nous revoyons brièvement quelques principes
généraux concernant le mode d’action des récepteurs et la transduction du signal,
processus communs à de nombreuses voies que nous allons décrire. Nous com-
mençons par les récepteurs de surface cellulaire qui transmettent dans les cellules
les signaux extracellulaires.

6-1 Les récepteurs transmembranaires convertissent les signaux


extracellulaires en événements biochimiques intracellulaires.

Tous les récepteurs de surface cellulaire exerçant des fonctions de signalisation


sont des protéines transmembranaires ou bien font partie de complexes protéi-
ques reliant l’intérieur et l’extérieur de la cellule. Différentes classes de récepteurs
transfèrent des signaux extracellulaires de diverses manières ; un thème commun
à propos des récepteurs décrits dans ce chapitre est que l’interaction avec le ligand
conduit à la stimulation d’une activité enzymatique.
Les enzymes le plus fréquemment associées à l’activation de récepteurs sont des
protéine kinases. Ce vaste groupe d’enzymes catalyse la liaison covalente d’un
groupe phosphate à une protéine, un processus réversible appelé phosphoryla-
tion protéique. Les protéine kinases associées à un récepteur sont normalement
inactives, mais lorsqu’un ligand se lie à la partie extracellulaire du récepteur, elles
deviennent actives et transmettent le signal plus avant par phosphorylation et acti-
vation d’autres molécules de signalisation à l’intérieur de la cellule.
Chez les animaux, les protéine kinases phosphorylent des protéines sur trois aci-
des aminés  : tyrosine, sérine ou thréonine. La plupart des récepteurs liés à une
enzyme que nous examinons en détail dans ce chapitre activent des protéine tyro-
sine kinases. Les tyrosine kinases sont spécifiques des résidus tyrosine, tandis que
les sérine / thréonine kinases phosphorylent des résidus sérine et thréonine. En
général, la phosphorylation de la tyrosine est beaucoup plus rare que la phospho-
rylation de sérine / thréonine, et s’observe surtout dans les voies de signalisation.
Dans un grand groupe de récepteurs, l’activité kinase est exercée directement par la
partie cytoplasmique du récepteur (Fig.  6.1, panneaux supérieurs). De nombreux
facteurs de croissance ont des récepteurs tyrosine kinase de ce type ; par exemple Kit
et FLT3, qui sont exprimés sur les lymphocytes en développement (ils sont décrits
au Chapitre 7) appartiennent à cette catégorie. Le récepteur du facteur de croissance
transformant β (TGF-β, Transforming Growth Factor-β), une cytokine produite entre
autres par les cellules TH2 activées, est un récepteur sérine / thréonine kinase.
Une classe de récepteurs est encore plus importante pour le fonctionnement des
lymphocytes matures. Ces récepteurs n’exercent pas eux-mêmes d’activité enzy-
matique, mais leur la queue cytoplasmique est associée de manière non cova-
lente à une tyrosine kinase cytoplasmique. L’interaction du ligand avec le domaine
extracellulaire de ces récepteurs déclenche l’activation de l’enzyme associée, qui
assure la fonction de transduction de signal (Fig.  6.1, panneaux inférieurs). Les
récepteurs d’antigène et de nombreuses cytokines font partie de cette catégorie.
Ces deux classes de récepteurs sont activées lorsque l’interaction du ligand provoque
la dimérisation ou le regroupement des molécules individuelles des récepteurs, ce qui
rapproche les kinases. Ce regroupement active les enzymes, qui phosphorylent alors
les queues des récepteurs ou d’autres protéines associées aux récepteurs. Cet événe-
ment de phosphorylation est le premier signal intracellulaire généré par le ligand.
Le rôle des protéine kinases de signalisation dans la cellule ne se limite pas à l’activa-
tion des récepteurs ; elles interviennent à de nombreux stades différents dans les voies
de signalisation intracellulaire. Par exemple, elles agissent souvent au cours de l’étape
Principes généraux de la transduction du signal 221

Fig. 6.1 Le système immunitaire


Dans une classe de récepteurs, L’interaction avec le ligand dimérise Les kinases activées utilise deux types de récepteurs qui
le domaine kinase est une le récepteur, activant les kinases, phosphorylent transmettent des signaux par des
partie intrinsèque du récepteur qui se phosphorylent l’une l’autre des substrats en aval protéines kinases. Lorsqu’un ligand se
lie à la portion extracellulaire de ces deux
types de récepteurs, l’information se traduit
par une activité de protéine kinase du côté
cytoplasmique de la membrane. Dans une
classe de récepteurs (panneaux supérieurs),
le récepteur lui-même exerce l’activité
kinasique. L’interaction avec le ligand regroupe
les composants du récepteur, déclenche
l’activité catalytique et, en conséquence, la
phosphorylation des queues du récepteur
et d’autres substrats, qui transmettent le
signal plus avant. Dans la seconde classe
domaine de récepteurs (panneaux inférieurs), le
kinase récepteur lui-même est dépourvu d’activité
enzymatique. Des enzymes cytoplasmiques
sont associées soit de manière constitutive
à la portion cytoplasmique du récepteur, soit
Dans une autre classe de L’interaction avec le ligand dimérise leur association est induite par l’interaction
Les kinases activées
récepteurs, une kinase est le récepteur, activant les kinases du ligand avec la partie extracellulaire du
phosphorylent
associée de manière associées, qui se phosphorylent récepteur. La dimérisation ou le regroupement
des substrats en aval
non covalente au récepteur l’une l’autre des composants du récepteur active l’enzyme
associée. Dans tous les récepteurs de ces
types que nous rencontrerons dans ce
chapitre, l’enzyme est une tyrosine kinase.

kinase

finale dans la voie d’activation aboutissant à la réaction cellulaire. Les protéine kinases
sont fortement impliquées dans la signalisation cellulaire, car la phosphorylation et la
déphosphorylation (le retrait d’un groupe phosphate) sont les moyens de régulation de
l’activité de nombreuses enzymes, des facteurs de transcription et d’autres protéines.
La phosphorylation joue aussi un rôle important dans le fonctionnement de la voie de
signalisation en formant des sites de liaison pour d’autres protéines de signalisation.
Des groupes phosphate sont enlevés de protéines par une large classe d’enzymes
appelées protéine phosphatases (voir Fig.  6.8). Différentes classes de protéine
phosphatases enlèvent les phosphates des trois types de résidus phosphorylés,
tyrosine, sérine et thréonine. La déphosphorylation spécifique par des phosphata-
ses est un moyen important de régulation des voies de signalisation en ramenant
une protéine à son état original et en éteignant ainsi la signalisation.

6-2 La transduction intracellulaire du signal passe souvent


par de grands complexes multiprotéiques.

La transduction du signal par des récepteurs transmembranaires informe l’inté-


rieur de la cellule que le récepteur a rencontré un ligand. Il s’agit-là d’une première
étape dans un processus qui en comporte de multiples. Une cascade de signalisa-
tion intracellulaire est lancée et va diriger les diverses réponses biochimiques qui
caractérisent une réaction cellulaire spécifique. Les voies intracellulaires de signa-
lisation au-delà des récepteurs sont composées de séries de protéines qui intera-
gissent les unes avec les autres pour transmettre le signal. L’ensemble des activités
enzymatiques spécifiques exercées par un complexe multiprotéique détermine le
222 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.2 Les protéines de signalisation


interagissent les unes avec les autres Domaine
Trouvé dans Classe de ligand Exemple de ligand
et avec des molécules lipidiques de protéique
signalisation par des domaines modulaires
protéiques. Quelques-uns des domaines Lck, ZAP-70, Fyn, Src, Grb2,
protéiques les plus fréquemment utilisés par SH2 PLC-γ, STAT, Cbl, Btk, Itk, phospho-inositides pYXXZ
les protéines de signalisation du système SHIP, Vav, SAP, PI3K
immunitaire sont repris sur la liste avec
certaines protéines qui contiennent le domaine
Lck, Fyn, Src, Grb2, Btk,
en question et qui sont mentionnées dans SH3 proline PXXP
Itk, Tec, Fyb, Nck, GADS
ce chapitre ou ailleurs dans l’ouvrage, et la
classe générale du ligand avec lequel elles
interagissent. La colonne de droite donne PH Tec, PLC-γ, Akt, Btk, Itk, SOS phospho-inositides PIP3
des exemples particuliers de ces motifs
protéiques (code des acides aminés en
une seule lettre) ou, pour les domaines de PX P40phox, P47phox, PLD phospho-inositides PIP2
liaison à un phospho-inositide, le phospho-
inositide particulier qu’ils reconnaissent. bout protéique
PI3K, PI 3-kinase. Tous ces domaines sont PDZ CARMA1 IESDV, VETDV
C-terminal
utilisés dans de nombreuses autres voies de
signalisation non immunitaires.
caractère spécifique de la réponse. Certaines voies partagent quelques enzymes
communes, ce qui permet à différents systèmes de transduction du signal de se
constituer à partir d’un nombre relativement petit de modules communs.
L’assemblage de grands complexes de signalisation implique des interactions spé-
cifiques faisant intervenir divers domaines d’interaction protéique (Fig.  6.2).
Pour les voies que nous allons considérer dans ce chapitre, le mécanisme le plus
important sous-jacent à la formation des complexes de signalisation est la phos-
phorylation spécifique de résidus tyrosine. Les phosphotyrosines sont des sites de
liaison pour plusieurs domaines protéiques, le plus important d’entre eux dans
les voies que nous allons étudiées est le domaine SH2 (Src Homology 2 domain).
Les domaines SH2 se retrouvent dans une grande diversité de protéines de signa-
lisation intracellulaire, où elles sont associées à de nombreux types différents de
domaines enzymatiques ou exerçant d’autres fonctions. Les domaines SH2 se lient
aux phosphotyrosines de manière spécifique à certaines séquences, reconnaissant
la tyrosine phosphorylée (pY) et, typiquement, les trois acides aminés suivants
(pYXXZ, où X est n’importe quel acide aminé et Z un acide aminé spécifique).
Dans les voies partant des récepteurs associés à une tyrosine, des protéines échafau-
dage et des protéines adaptatrices servent à assembler les complexes multiprotéiques
de signalisation. Les échafaudages et les adaptateurs n’exercent pas d’activité enzyma-
tique ; leur fonction est de recruter d’autres protéines dans un complexe de signalisa-
tion afin qu’elles puissent interagir les unes avec les autres. Les protéines échafaudage
sont de grande taille et, comme leurs résidus tyrosine peuvent être phosphorylés en
de multiples sites, elles peuvent recruter de nombreuses protéines différentes (Fig. 6.3,
panneaux supérieurs). En déterminant quelles protéines sont recrutées, les échafau-
dages peuvent définir le caractère d’une réponse de signalisation particulière. Cette
fonction de phosphorylation des tyrosines en créant des sites de liaison peut expliquer
pourquoi elle est si fréquemment utilisée dans les voies de signalisation.
Les protéines adaptatrices sont de petite taille ne contenant habituellement que
deux à trois domaines dont la fonction est de relier deux protéines. La protéine
adaptatrice Grb2, par exemple, se lie à un résidu phosphotyrosine sur un récepteur
ou un échafaudage par un domaine SH2 et à une autre protéine de signalisation,
SOS, qui contient des motifs riches en proline, par ses domaines de liaison SH3
(Fig. 6.3, panneaux inférieurs). Ainsi, Grb2 fonctionne comme un adaptateur qui
relie la phosphorylation d’un récepteur à la phase suivante de signalisation.

6-3 L’activation de certains récepteurs génère de petites molécules


servant de messagers secondaires.

Après qu’un premier signal intracellulaire a été déclenché, l’information est trans-
mise aux cibles intracellulaires qui développeront la réponse cellulaire appropriée.
Principes généraux de la transduction du signal 223

Fig. 6.3 L’assemblage des complexes de


Une protéine kinase L’ échafaudage phosphorylé signalisation est assuré par des protéines
Échafaudage non phosphorylé activée phosphoryle recrute et lie des protéines
un échafaudage de signalisation échafaudage et adaptatrices. L’assemblage
des complexes de signalisation est une phase
importante de la transduction du signal. Ce
qui est souvent réalisé par l’intermédiaire
des protéines échafaudage et adaptatrices.
Les échafaudages servent à réunir de
nombreuses protéines différentes impliquées
dans la signalisation (panneaux supérieurs).
Ils contiennent en général de nombreux sites
potentiels de phosphorylation des tyrosines
qui, après phosphorylation, peuvent recruter
de nombreuses protéines différentes qui
contiennent des domaines SH2. L’assortiment
de protéines recrutées détermine la nature
de la réponse induite par la signalisation. Une
L’adaptateur Grb2 lie la protéine Les tyrosines d’un récepteur Grb2 lie la phosphotyrosine protéine adaptatrice intervient pour réunir deux
de signalisation SOS par activé sont phosphorylées par son domaine SH2 protéines différentes (panneaux inférieurs).
ses domaines SH3 et attache SOS au récepteur
Grb2, la protéine adaptatrice prise comme
exemple, contient deux domaines SH3 et un
domaine SH2. Avec les domaines SH3, elle
peut, par exemple, se lier à des sites riches
en proline de la molécule de signalisation
SOS (que nous rencontrerons de nouveau
plus loin dans ce chapitre). L’activation et la
phosphorylation des tyrosines d’un récepteur
créent un site de liaison pour le domaine SH2
de Grb2, aboutissant au recrutement de SOS
sur le récepteur activé.
SH2
Grb2
SH3 SH3

SOS

Dans de nombreux cas, la voie de signalisation implique l’activation d’enzymes


qui produisent de petites molécules servant de médiateurs biochimiques appe-
lés messagers secondaires (Fig. 6.4). Ces médiateurs peuvent diffuser dans toute
la cellule, permettant ainsi au signal d’activer diverses protéines cibles. Elles sont Fig. 6.4 Les voies de signalisation
aussi un moyen d’amplifier le signal initial, puisqu’une molécule d’enzyme acti- amplifient le signal initial. L’amplification du
vée peut produire des centaines de molécules de messagers secondaires. Ceux qui signal initial est un élément important de la
plupart des voies de transduction du signal.
sont générés par des récepteurs qui transmettent les signaux par des tyrosine kina- Un mode d’amplification est une cascade
ses comprennent les ions calciques (Ca2+) et divers lipides membranaires. Bien kinasique (panneau de gauche), dans laquelle
que ces derniers soient confinés aux membranes, ils peuvent se déplacer l’inté- des protéine kinases se phosphorylent
rieur de celles-ci. Un second messager qui se lie à sa protéine cible induit typique- successivement et s’activent l’une l’autre.
Dans cet exemple d’une cascade kinasique
ment un changement de conformation qui permet à la protéine d’être activée. souvent utilisée, l’activation de la kinase Raf
entraîne la phosphorylation et l’activation d’une
deuxième kinase, Mek, qui en phosphoryle
Le calcium diffuse rapidement encore une autre, Erk. Comme chaque kinase
La signalisation entraîne la
Amplification par des cascades dans toute la cellule et induit peut phosphoryler de nombreux substrats
libération d’un messager
de kinases des changements de différents, le signal est amplifié à chaque
secondaire, le calcium
conformation dans la calmoduline étape, ce qui aboutit à une amplification
énorme du signal initial. Une autre méthode
Raf calmoduline d’amplification du signal est la production de
messagers secondaires (panneaux de droite).
récepteur protéine Dans l’exemple repris ici, la signalisation
effectrice entraîne la libération d’une deuxième
messager, en l’occurrence, du calcium (Ca2+)
Mek Ca2+ à partir des réserves intracellulaires ou de
son influx à partir du milieu extracellulaire.
Le grand nombre d’ions Ca2+ peut activer
de nombreuses molécules de signalisation
en aval, comme la protéine liant le calcium,
la calmoduline. La liaison du calcium induit
Erk
un changement de conformation dans la
calmoduline, qui lui permet de lier et de réguler
diverses protéines effectrices.
224 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.5 De petites protéines G passent de


l’état inactif à l’état actif sous l’effet des
Au repos, de petites La signalisation active les facteurs GEF Avec le temps, la petite
protéines G sont (Guanine-nucleotide Exchange Factors) qui remplacent protéine G hydrolyse
facteurs d’échange du nucléotide guanine liées au GDP le GDP par le GTP dans les petites protéines G GTP en GDP
et de la liaison du GTP. Ras est une petite
protéine liant le GTP et dotée d’une activité
GEF
intrinsèque de GTPase. Au repos, Ras est lié
au GDP. Le signal venant du récepteur active
les facteurs d’échange du nucléotide guanine
(GEF, Guanine-nucleotide Exchange Factors),
qui peuvent se lier à des petites protéines G
comme Ras et déplacer le GDP, permettant
GDP
son remplacement par le GTP (panneaux du
milieu). La forme liée au GTP de Ras peut
alors se lier à un grand nombre d’effecteurs
en les recrutant à la membrane. Avec le
temps, l’activité GTPasique intrinsèque de 6-4 De petites protéines G agissent comme des commutateurs
Ras aboutira à l’hydrolyse du GTP en GDP. moléculaires dans de nombreuses voies de signalisation.
Les protéines activatrices de GTPase (GAP,
GTPase-Activating Proteins) peuvent accélérer
l’hydrolyse de GTP en GDP, arrêtant ainsi plus Une famille de protéines monomériques liant le GTP, appelées petites protéines
rapidement la signalisation. G ou petites GTPases, jouent un rôle essentiel dans plusieurs voies de signalisa-
tion qui partent de récepteurs associés à une tyrosine kinase. Les petites protéi-
nes G les plus importantes dans la signalisation lymphocytaire appartiennent à
la famille Ras, qui comprend Ras, Rac, Rho et Cdc42. Ras est impliquée dans de
nombreuses voies menant à la prolifération cellulaire. Les mutations qui bloquent
Ras en un état actif font partie des plus fréquentes impliquées dans la cancérisa-
tion. Rac, Rho et Cdc42 contrôlent des changements dans le cytosquelette d’actine
cellulaire. Cet aspect de la signalisation par le récepteur de cellule T sera abordé au
Chapitre 8 ; il est en effet crucial pour la fonction des cellules T effectrices.
Les petites protéines G existent en deux états selon qu’elles ont lié du GTP ou du
GDP. La forme liée au GDP est inactive, mais elle devient active quand GTP rem-
place GDP, une réaction dépendante de protéines appelées GEF (Guanine nucleo-
tide Exchange Factors ; Fig. 6.5). La liaison de GTP change la conformation dans
la protéine G ce qui lui permet de se lier à de nombreuses cibles différentes. La
liaison du GTP fonctionne donc comme un commutateur.
La forme combinée au GTP ne reste pas active en permanence ; elle est rapide-
ment convertie en une forme inactive liée au GDP par l’activité GTPasique intrin-
sèque de la protéine G, qui enlève un groupe phosphate du GTP lié. Cette réaction
est accélérée par des cofacteurs régulateurs appelés protéines activatrices de
GTPase (GAP, GTPase-activating proteins). Les protéines G sont donc habituelle-
ment présentes dans un état inactif en association avec le GDP et ne sont activées
que de manière transitoire en réponse à un signal venant du récepteur activé.
Les GEF jouent un rôle clé dans l’activation des protéines G et sont recrutés au site d’ac-
tivation du récepteur à la membrane cellulaire en se liant à des protéines adaptatri-
ces. Une fois recrutés, ils sont capables d’activer Ras ou d’autres petites protéines G, qui
sont, elles-mêmes, localisées à la surface interne de la membrane plasmique par des
acides gras attachés à la protéine G après sa traduction. Ainsi, les protéines G agissent
comme des commutateurs moléculaires ; ils s’allument lorsque le récepteur de surface
est activé et s’éteignent automatiquement. Chaque protéine G a ses propres GEF et GAP
spécifiques, ce qui contribue à conférer sa spécificité à la voie de signalisation.
Un autre type de protéine G comprend de plus grandes protéines hétérotriméri-
ques associées à une classe de récepteurs appelés récepteurs couplés aux protéi-
nes G. Il en sera question plus loin dans ce chapitre.

6-5 Les protéines de signalisation sont recrutées à la membrane


par divers mécanismes.

Une étape importante dans la signalisation par des récepteurs transmembranai-


res est le recrutement des protéines intracellulaires de signalisation à la mem-
brane plasmique. Comme nous l’avons vu, un mécanisme de recrutement peut
Principes généraux de la transduction du signal 225

Fig. 6.6 Des protéines de signalisation


Des protéines de signalisation sont recrutées à la membrane de plusieurs manières différentes peuvent être recrutées à la membrane de
diverse manières. Comme le récepteur activé
Liaison aux sites est habituellement localisé à la membrane
Reconnaissance de petites Liaison à des lipides plasmique, un aspect important de la
phosphorylés d’une protéine
protéines G activées membranaires signalisation intracellulaire est le recrutement
associée à la membrane
des protéines de signalisation à la membrane.
La phosphorylation des tyrosines des
protéines associées à la membrane, comme
le récepteur lui-même, recrutera des protéines
se liant aux phosphotyrosines (panneau de
gauche). De petites protéines G comme Ras
peuvent être associées à la membrane par des
ancres lipidiques, et lorsqu’elles sont activées,
elles sont capables de lier une large diversité
de protéines de signalisation (panneau du
Ras Ras
(inactive) (active) milieu). Des protéines de signalisation sont
aussi recrutées à la membrane en se liant à
des molécules lipidiques de signalisation qui
AKT ITK sont générées dans la membrane à la suite
de l’activation du récepteur. Dans cet exemple,
l’activation de l’enzyme modificateur de lipides,
la PI 3-kinase (PI3K) à la membrane entraîne
la production localisée du lipide membranaire
être la phosphorylation de tyrosines dans le récepteur lui-même (ou un échafau- PIP3 par phosphorylation de PIP2. Des
dage associé) et ensuite le recrutement au récepteur de protéines de signalisation protéines de signalisation, comme la kinase
Akt ou la kinase ITK, ont des domaines PH
contenant des domaines SH2 (Fig.  6.6). Un autre mécanisme est l’activation de ou PX (voir Fig. 6.2) qui lient PIP3. Ainsi, la
petites protéines G associées à la membrane, qui peuvent alors recruter des molé- production de lipides comme PIP3 recrute des
cules de signalisation à la membrane. molécules de signalisation à la membrane.

Un troisième mode de recrutement est la production locale de lipides membranaires


modifiés à la suite de l’activation du récepteur. Ces lipides sont produits par phospho-
rylation du phosphatidylinositol des phospholipides membranaires par des enzymes
appelées phosphatidylinositol kinases, qui sont activées par un signal venant du
récepteur. Le groupe de tête inositol du phosphatidylinositol est un anneau glucidi-
que qui peut être phosphorylé en une seule ou en plusieurs positions pour donner
une grande variété de dérivés. Ceux qui nous intéressent le plus sont le phosphati-
dylinositol 3,4-bisphosphate (PIP2) et le phosphatidylinositol 3,4,5-trisphosphate
(PIP3), qui est produit à partir de PIP2 par l’enzyme phosphatidylinositol 3-kinase
(PI 3-kinase) (voir Fig. 6.6). La PI 3-kinase et recrutée à la membrane par l’interaction
de son domaine SH2 avec la queue d’un récepteur dont les tyrosines sont phospho-
rylées. Les phospho-inositides membranaires sont produits rapidement après activa-
tion du récepteur et sont de courte vie, ce qui fait d’eux des molécules de signalisation
idéales. PIP3 est reconnu spécifiquement par des protéines contenant un domaine
d’homologie de la pleckstrine (PH, Pleckstrin Homology) ou un domaine  PX (voir
Fig. 6.2), et une de ses fonctions est de recruter de telles protéines à la membrane.

6-6 Les protéines de transduction du signal sont organisées


dans la membrane plasmique en structures appelées radeaux lipidiques.

Des observations récentes suggèrent que le recrutement des protéines de signali-


sation à la membrane plasmique peut aussi être régulée par sa composition lipidi-
que. Dans les cellules eucaryotes, différents types de lipides se répartissent dans la
membrane pour former des structures appelées microdomaines enrichis en glyco-
lipides (GEM, Glycolipid-Enriched Microdomains), domaines riches en glycolipides
insolubles dans les detergents (DIG, Detergent-Insoluble Glycolipid-rich domains),
ou plus simplement, radeaux lipidiques (Fig. 6.7). Ce sont des petites zones riches
en cholestérol dans la membrane cellulaire qui furent découvertes par leur résis-
tance à la solubilisation par des détergents non agressifs. Ces radeaux sont riches en
lipides particuliers, notamment des sphingolipides et du cholestérol, ce qui suggère
que leur ségrégation est basée sur les différences dans les propriétés biophysiques
des lipides, analogues à une séparation de phase. Dans la plupart des cellules, les
radeaux lipidiques peuvent constituer environ 25 à 50 % de la membrane plasmique
226 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.7 Les molécules de signalisation


sont associées à des régions Les radeaux membranaires sont des régions spécialisées de la membrane cellulaire, enrichies en
spécialisées de la membrane appelées lipides saturés et en cholestérol. Des protéines à ancre GPI et des protéines acylées comme les
kinases de la famille Src se trouvent dans les radeaux lipidiques
radeaux membranaires. Les membranes
cellulaires contiennent un mélange de phospholipide
protéine à ancre GPI
différents phospholipides contenant des saturé
chaînes d’acides gras saturés et insaturés
(panneau supérieur). Des différences sphingolipide glycolipide
physiques intrinsèques entre lipides et
protéines qui s’associent de préférence à
différents lipides causent la formation de
domaines membranaires spécialisés. Puisque
les phospholipides saturés peuvent se tasser
ensemble plus étroitement, des régions de
la membrane enrichies en phospholipides
saturés sont plus rigides que celles qui ont
cholestérol
des phospholipides plus insaturés. De telles phosphatidylinositol
régions contiennent aussi une proportion plus récepteur
élevée de cholestérol que dans le reste de la phospholipide
membrane, ce qui augmente encore la rigidité insaturé kinase de la famille Src
membranaire. Ces microdomaines spécialisés
de la membrane sont appelés « radeaux
membranaires » ou « radeaux lipidiques », en Les radeaux lipidiques sont des structures dynamiques qui peuvent changer de taille et en contenu protéique.
raison de leur composition spécialisée. Les Certaines protéines migrent dans les radeaux lipidiques lorsqu’elles sont oligomerisées par interaction avec leur ligand
radeaux lipidiques sont enrichis en d’autres
lipides saturés comme des sphingolipides
ligand
et des glycolipides, qui sont concentrés à
la face externe de la membrane. Le feuillet
interne de la bicouche de ces radeaux
lipidiques est enrichi en un phospholipide, le
phosphatidylinositol. Diverses protéines sont
associées aux radeaux lipidiques, comme
les protéines à ancre GPI et les protéines
intracellulaires qui comportent un groupe acyle
comme les kinases porteuses de palmitate
de la famille Src. D’autres protéines peuvent
migrer dans les radeaux. Des récepteurs qui
sont situés en dehors des radeaux lipidiques
peuvent migrer dans les radeaux dès que le
récepteur a été oligomérisé par interaction
avec son ligand (panneau inférieur).

totale. On pense qu’il s’agit de structures dynamiques qui peuvent changer de taille
et dont la composition protéique change constamment.
L’intérêt pour les radeaux lipidiques fut stimulé au début par la découverte qu’ils
étaient riches en certaines protéines de signalisation, ce qui suggère qu’ils seraient
des sites membranaires où les processus de signalisation se concentrent. Une possi-
bilité est que les récepteurs se déplacent dans les radeaux lipidiques pour faciliter leur
interaction avec d’importantes protéines de signalisation. De nombreuses protéi-
nes des radeaux ont des attaches lipidiques, ce qui suggère que leur enrichissement
dans les radeaux lipidiques est dû à leur association à ces lipides membranaires par-
ticuliers. Des protéines comme Thy-1, qui est liée à la membrane plasmique par du
glycosylphosphatidylinositol (GPI), se localisent de préférence dans les radeaux lipi-
diques, comme le font les protéines modifiées par des acides gras comme le palmi-
tate. Cependant, aucune de ces protéines n’est associée exclusivement aux radeaux,
puisqu’on les trouve aussi dans d’autres régions de la membrane.

6-7 La dégradation protéique joue un rôle important dans l’arrêt


des réactions de signalisation.

Les mécanismes qui éteignent la signalisation sont tout aussi importants que ceux
qui l’induisent. La signalisation est le plus souvent arrêtée par la dégradation de cer-
taines protéines cibles ou par la déphosphorylation des protéines de signalisation
par des protéine phosphatases (Fig. 6.8). Les protéines sont le plus souvent destinées
à la destruction par liaison covalente d’une molécule, ou plus, d’une petite protéine,
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 227

Fig. 6.8 La signalisation doit être éteinte


Déphosphorylation Dégradation dans un protéasome Dégradation dans les lysosomes aussi bien qu’allumée. L’incapacité d’arrêter
de substrats phosphorylés après ubiquitinylation après ubiquitinylation une voie de signalisation peut entraîner des
maladies graves comme l’auto-immunité ou
le cancer. Comme une proportion significative
des événements de signalisation dépend
de la phosphorylation de protéines, des
protéine phosphatases, comme SHP, jouent
Cbl un rôle important dans l’interruption des
voies de signalisation (panneau de gauche).
Un autre mécanisme fréquent pour arrêter
Cbl la signalisation est la dégradation protéique
régulée (panneaux du milieu et de droite).
ubiquitine
Des protéines phosphorylées recrutent des
lysosome
ubiquitine ligases, comme Cbl, qui ajoutent
la petite protéine ubiquitine aux protéines, les
destinant ainsi à la dégradation. Des protéines
cytoplasmiques sont dirigées par leur
ubiquitinylation dans les protéasomes qui les
SHP
dégradent (panneau du milieu). Les récepteurs
protéasome de membrane qui sont ubiquitinylés sont
internalisés et transportés dans les lysosomes
en vue de leur destruction (panneau de droite).

l’ubiquitine. Celle-ci s’attache aux résidus lysine sur les protéines cibles par des
enzymes appelées ubiquitine ligases, qui déterminent aussi la spécificité du subs-
trat de la réaction. Une ubiquitine ligase importante en immunologie est Cbl, qui
sélectionne ses cibles par son domaine SH2. Cbl peut ainsi lier des cibles spécifiques
dont les tyrosines sont phosphorylées, provoquant leur ubiquitinylation. Des protéi-
nes qui reconnaissent l’ubiquitine dirige les protéines ubiquitinylées dans les voies
de dégradation. Les protéines membranaires marquées par l’ubiquitine, comme des
récepteurs, sont dégradées dans les lysosomes. Le marquage par l’ubiquitine des
protéines cytosoliques les envoient dans les protéasomes (voir Fig. 6.8).

Résumé.

Les récepteurs de la surface cellulaire servent de ligne de front pour les interac-
tions de la cellule avec son environnement, détectant les événements extracellulai-
res et les convertissant en signaux biochimiques pour la cellule. Comme la plupart
des récepteurs sont situés sur la membrane plasmique, une phase critique dans la
transduction des signaux extracellulaires vers l’intérieur de la cellule est le recrute-
ment de protéines intracellulaires à la membrane ainsi que des changements dans
la composition de la membrane entourant le récepteur. Une fois à l’intérieur de la
cellule, le signal est transmis plus loin par des protéines intracellulaires, qui for-
ment souvent de grands complexes multiprotéiques, la composition particulière du
complexe déterminant le caractère de la réponse à la signalisation. La formation de
complexes de signalisation est assurée par une grande diversité de domaines d’in-
teraction entre protéines. Dans de nombreux cas, le signal est amplifié à l’intérieur
de la cellule par la production enzymatique de petites molécules servant d’inter-
médiaires appelées messagers secondaires. L’arrêt de la signalisation implique une
déphosphorylation protéique et une dégradation régulée de la protéine.

Signalisation par les récepteurs d’antigène


et activation lymphocytaire.
L’aptitude des cellules T et des cellules B à reconnaître et répondre à leur antigène
spécifique est une propriété fondamentale de l’immunité adaptative. Comme
décrit aux Chapitres 3 et 4, les récepteurs d’antigène de cellule B et de cellule T sont
constitués de chaînes liant l’antigène : les chaînes lourdes et légères des immu-
noglobulines dans le récepteur de cellule  B, et les chaînes TCRα et TCRβ dans
228 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

le récepteur de cellule  T. Ces chaînes variables ont une spécificité étroite pour
IgM liée à la membrane (mIgM)
l’antigène, mais aucune capacité intrinsèque de transmettre un signal. Dans le
complexe antigène–récepteur tout à fait fonctionnel, elles sont associées à des pro-
reconnaissance
téines accessoires invariantes qui déclenchent la signalisation lorsque les récep-
teurs lient l’antigène extracellulaire. L’assemblage à ces protéines accessoires est
aussi essentiel pour le transport du récepteur à la surface cellulaire. Dans cette
partie du chapitre, nous décrivons la structure des complexes antigène–récepteur
sur les cellules B et les cellules T et les voies de signalisation qui en proviennent.
chaîne légère
La liaison d’un antigène à un lymphocyte naïf n’est pas suffisante pour son activa-
chaîne lourde tion. Aussi, nous décrirons également la signalisation à partir des corécepteurs et
des récepteurs costimulateurs qui contribuent à l’activation d’un lymphocyte naïf.
Igβ Igα

6-8 Les chaînes variables des récepteurs d’antigène sont associées


à des chaînes accessoires invariantes qui exercent la fonction
de signalisation du récepteur.
ITAM
La portion liant l’antigène du récepteur des cellules B n’exerce lui-même aucune
signalisation fonction de signalisation. À la surface cellulaire, l’immunoglobuline liant l’an-
tigène est associée à des chaînes invariantes de protéines accessoires, appelées
Igα et Igβ, qui sont requises pour son transport à la surface et pour la fonction
Fig. 6.9 Le complexe du récepteur de signalisation du récepteur de cellule B. Le complexe protéique complètement
de cellule B est composé d’une
immunoglobuline de surface associée fonctionnel est souvent appelé complexe du récepteur de cellule B. L’Igα et l’Igβ
à deux protéines invariantes Igα et Igβ. s’associent aux chaînes lourdes d’immunoglobuline destinées à la membrane cel-
L’immunoglobuline reconnaît et lie l’antigène, lulaire et permet leur transport à la surface, assurant ainsi que seuls les complexes
mais ne peut elle-même générer un signal.
Elle est associée à Igα et Igβ, deux molécules
du récepteur de cellule B complètement assemblés sont présents sur la cellule. Igα
de signalisation non spécifiques de l’antigène. et Igβ sont des protéines monocaténaires composées d’un domaine aminotermi-
Chacune a dans sa séquence cytosolique nal de type immunoglobuline, connecté par un domaine transmembranaire à une
un motif ITAM unique (Immunoreceptor queue cytoplasmique. Elles forment un hétérodimère stabilisé par un pont disul-
Tyrosine-based Activation Motif ou motif
d’activation basé sur des tyrosines de
fure et associé de manière non covalente à chaque molécule d’immunoglobuline
l’immunorécepteur) représenté en jaune, qui de surface. On pense que le récepteur de cellule B complet est un complexe de six
permet la signalisation lorsque l’antigène se chaînes : deux chaînes légères identiques et deux chaînes lourdes identiques, une
lie au récepteur de cellule B. Igα et Igβ sont Igα et une Igβ (Fig. 6.9).
unies par des ponts disulfure et associées aux
chaînes lourdes par des liens dont on ignore Une copie d’un motif séquentiel conservé appelé ITAM (Immunoreceptor Tyrosine-
encore la nature.
based Activation Motif ou motif d’activation basé sur les tyrosines d’immunorécep-
teur) est présent dans chaque chaîne Igα et Igβ et est essentiel pour la capacité de
signalisation du récepteur. Ce motif est aussi présent dans les chaînes de signali-
sation du récepteur de cellule T et dans les chaînes de signalisation des récepteurs
de cellule NK décrits au Chapitre 2, ainsi que dans les récepteurs d’immunoglobu-
line (récepteurs de Fc) présents sur les mastocytes, les macrophages, les monocy-
tes, les neutrophiles et les cellules NK. Les ITAM contiennent des résidus tyrosine
qui sont phosphorylés par des kinases associées lorsque le récepteur interagit avec
son ligand, fournissant des sites pour le recrutement de protéines de signalisation,
comme décrit plus tôt dans le chapitre. Ils sont composés de deux motifs YXXL / I
séparés par environ six à neuf acides, où Y est un tyrosine, L un leucine, I une iso-
leucine, X représentant n’importe quel acide aminé. La séquence ITAM canonique
est …YXX[L / I]X6–9YXX[L / I]….
Dans les cellules, l’hétérodimère très variable TCRα:β (voir Chapitre 4) est aussi
insuffisant pour constituer un récepteur de surface complet. Lorsque des cellules
furent transfectées avec de l’ADNc codant des chaînes TCRα et TCRβ, les hétérodi-
mères formés furent dégradés et n’ont pas atteint la surface cellulaire. Ceci impli-
que que d’autres molécules soient requises pour que le récepteur de cellule T soit
exprimé à la surface cellulaire. Ce sont les chaînes protéiques CD3γ, CD3δ et CD3ε,
qui forment ensemble le complexe CD3, et la chaîne ζ, qui est présente comme un
homodimère uni par un pont disulfure. Les protéines CD3 ont un domaine extra-
cellulaire de type immunoglobuline, alors que la chaîne ζ se distingue en n’ayant
qu’un court domaine extracellulaire.
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 229

Fig. 6.10 Le complexe du récepteur récepteur de la surface cellulaire est aussi


de cellule T est composé de protéines associé à un homodimère ζ, qui transmet le TCR
reconnaissant l’antigène et de protéines signal à l’intérieur de la cellule quand l’antigène
invariantes de signalisation. L’hétérodimère est lié. Chaque chaîne CD3 a un ITAM reconnaissance
α:β du récepteur de la cellule T (TCR) reconnaît (segment jaune) tandis que chaque chaîne ζ
et fixe son ligand CMH:peptide, mais ne peut en a trois. Les régions transmembranaires de
transmettre un signal dans la cellule qui a fixé chaque chaîne ont des charges positives ou
l’antigène. Dans le complexe fonctionnel du négatives signalées sur le schéma. On pense
récepteur , les hétérodimères α:β sont associés que l’une des charges positives de la chaîne
CD3 CD3
à un complexe de quatre autres chaînes de α interagit avec deux charges négatives du
signalisation (deux ε, une δ, une γ), appelées dimère CD3 δ:ε, tandis que l’autre charge
collectivement CD3, qui sont nécessaires à positive interagit avec l’homodimère ζ. La α β
l’expression en surface des chaînes fixant charge positive de la chaîne β interagit avec les
l’antigène et pour la signalisation. Le complexe charges négatives dans le dimère CD3 γ:ε. ε δ γ ε

Bien que la stœchiométrie exacte du complexe du récepteur de cellule T ne soit pas


établie de manière définitive, on pense que la chaîne α du récepteur interagit avec un
dimère CD3δ:CD3ε et un dimère ζ tandis que la chaîne β du récepteur interagit avec
un dimère CD3γ:CD3 ε (Fig. 6.10). Ces interactions sont assurées par deux charges
positives dans la région transmembranaire de TCRα et une dans le domaine trans-
membranaire de TCRβ. Des charges négatives dans les domaines transmembranai- ITAMs
res de CD3 et de ζ interagissent avec les charges positives en α et β. L’assemblage de ζ ζ
CD3 avec l’hétérodimère α:β stabilise le dimère et permet que le complexe soit trans-
signalisation
porté à la membrane plasmique. Cela assure que tous les récepteurs de cellule T pré-
sents à la membrane plasmique soient assemblés correctement. Des observations
récentes suggèrent que la composition du complexe du récepteur de cellule T soit
dynamique et puisse changer après stimulation du récepteur par son ligand.
La signalisation à partir du complexe du récepteur de cellule T est due à la pré-
sence dans CD3ε, γ, δ et ζ de motifs ITAM comme ceux des Igα et Igβ. Les chaînes
CD3γ, δ et ε ont chacune un seul ITAM, tandis que chacune des deux chaînes ζ ont
trois copies. Le complexe du récepteur de cellule T totalise donc 10 ITAM.

6-9 Les lymphocytes sont extrêmement sensibles à leur antigène spécifique.

Afin de développer une réaction immunitaire efficace, les cellules T et les cellu-
les B doivent être capables de répondre à leur antigène spécifique même lorsqu’il
est présent en quantité extrêmement faible. Ce qui est particulièrement important
pour les cellules T, car les cellules présentatrices d’antigène exposent à leur surface
de nombreux complexes peptide:CMH différents provenant de protéines autolo-
gues et étrangères. Ainsi, le nombre de ces complexes spécifiques d’un récepteur
particulier de cellule T est probablement très faible. Une cellule T CD4 naïve peut
être activée lorsque environ 10 à 50 complexes sont présentés à la surface de la cel-
lule présentatrice d’antigène. Une cellule T cytotoxique CD8 effectrice est encore
plus sensible : son activité lytique peut apparemment être stimulée par 1 à 3 com-
plexes peptide:CMH sur sa cellule cible. Les cellules B sont activées lorsque envi-
ron about 20 récepteurs de cellule B sont engagés.
Les récepteurs d’antigène des lymphocytes sont associés à des tyrosine kinases et,
comme la Section 6-1 l’explique, la plupart des récepteurs de ce type sont activés
lorsqu’au moins deux protéines réceptrices se regroupent à la suite de l’interaction
avec le ligand. Dans le cas du récepteur des cellules B, la liaison d’un antigène mono-
valent à un seul complexe récepteur ne produira pas de signal. La signalisation n’est
déclenchée que lorsque au moins deux récepteurs sont pontés, ou interconnectés,
par un antigène polyvalent. Ceci fut démontré d’abord par des expériences utilisant
des anticorps spécifiques et des fragments d’anticorps comme ligands pour le récep-
teur (Fig. 6.11). Le regroupement des récepteurs de cellule B par leur interconnexion
active les tyrosine kinases associées et le déclenchement d’un signal intracellulaire.
On connaît moins bien comment la liaison de l’antigène stimule les cellules  T  ;
plusieurs mécanismes ont été proposés. Les expériences n’ont permis d’en écar-
ter aucun et tous pourraient intervenir en partie. Des anticorps qui se lient aux
230 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.11 Les cellules B sont activées par


pontage de leurs récepteurs d’antigène. Les fragments Fab des Les fragments F(ab')2 Les anticorps anti-F(ab')2
Comme le montre le panneau de gauche, anticorps se lient au BCR, interconnectent les BCR augmentent les interconnexions
les fragments Fab d’un anticorps anti- mais n’induisent pas de signal et peuvent induire un signal et l’intensité du signal
immunoglobuline peuvent se lier au récepteur,
anticorps de lapin anti-F(ab')2
mais ne peuvent pas les interconnecter ; ils
sont donc incapables d’activer les cellules B. Fab F(ab')2
Les fragments F(ab´)2 des mêmes anticorps
anti-immunoglobulines, qui ont deux sites
de liaison, peuvent créer un pont entre deux
récepteurs (panneau du milieu) et donc induire BCR
un signal, même faible. L’activation la plus
importante a lieu quand les récepteurs sont
reliés par addition tout d’abord des fragments
cellule B
F(ab´)2 et ensuite d’anticorps de lapin qui
créent des ponts entre les fragments F(ab´)2
liés (panneau de droite). Dans une situation
naturelle, des antigènes polyvalents peuvent récepteurs de cellule T et les interconnectent peuvent activer des cellules T in vitro,
interconnecter efficacement les récepteurs.
ce qui suggère que le regroupement des récepteurs pourrait être un mécanisme
d’activation des cellules  T. Cependant, puisque des peptides antigéniques sont
beaucoup moins nombreux que les autres peptides à la surface de la cellule pré-
sentatrice d’antigène, l’interconnexion des récepteurs par dimérisation du ligand
est improbable. Une suggestion est que le regroupement des récepteurs pourrait

Dans les cellules T au repos, les ITAM


ne sont pas phosphorylés

cellule présentatrice d’antigène

CMH
de classe II

TCR

Fig. 6.12 Mécanismes proposés pour


l’activation du récepteur de cellule T.
Comme la plupart des complexes
CMH:peptide présents sur la surface d’une
La liaison à l’antigène change la conformation Un complexe peptide : CMH antigénique et un
cellule présentatrice d’antigène (APC) ne des chaînes de signalisation, complexe peptide : CMH non antigénique forment
sont pas spécifiques d’un récepteur donné permettant à la signalisation de progresser un dimère, permettant à deux TCR de dimériser
de cellule T (TCR), il est improbable que
deux complexes peptide:CMH identiques
puissent ponter des récepteurs. On a suggéré
que la liaison d’un complexe:CMH à son
récepteur spécifique de cellule T induisait
un changement de conformation ou des
changements dans la composition du
complexe du récepteur de cellule T et que
ceci déclenchait la signalisation (panneau de
gauche en bas). Une autre hypothèse est que
le complexe peptide:CMH antigénique (pCMH)
s’associe à un autre complexe peptide:CMH
non antigénique à la surface d’une cellule
présentatrice d’antigène pour former un
‘pseudodimère’ qui pourrait interconnecter des
récepteurs de cellule T. Ce modèle requiert que
le second peptide ait une certaine affinité pour
le récepteur de cellule T.
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 231

ne pas être requis ; la liaison à l’antigène induirait des changements dans la confor-
Cellule T
mation du récepteur de cellule T ou dans la composition du complexe de signali-
sation, ce qui produirait le signal (Fig. 6.12).
p-SMAC
D’autres propositions font à nouveau intervenir le regroupement. Par exemple,
une deuxième hypothèse est que la signalisation est lancée par la dimérisation des c-SMAC
récepteurs de cellule  T lors de la reconnaissance, à la surface de la cellule pré-
sentatrice d’antigène, de «  pseudo-dimères  » composés d’un complexe peptide
antigénique:CMH et d’un complexe peptide du soi:CMH (voir Fig. 6.12).
Selon une troisième hypothèse, l’activation du récepteur dépend de la formation d’une
Cellule présentatrice d’antigène
synapse immunologique. Cette structure se forme autour du site de contact entre une
cellule T et sa cellule présentatrice d’antigène avec, en conséquence, une réorganisa-
tion des protéines membranaires de la cellule T (Fig. 6.13). Le récepteur de cellule T, le c-SMAC p-SMAC
corécepteur et les protéines de signalisation se concentrent au site de contact, tandis
que les protéines qui inhibent la signalisation, comme les tyrosine phosphatases, sont TCR
CD2
exclues. Dans certains cas, la surface de contact s’organise en deux zones : une zone CD4 LFA-1
centrale, appelée c-SMAC (central SupraMolecular Activation Complex) ou complexe CD8 ICAM-1
CD28 talin
d’activation supramoléculaire central, et une zone externe appelée p-SMAC (periphe-
PKC-θ
ral SupraMolecular activation complex) ou complexe d’activation supramoléculaire
périphérique. Le c-SMAC contient la plupart des protéines de signalisation importan-
tes pour l’activation des cellules T. Le p-SMAC se caractérise surtout par la présence de Fig. 6.13 Des protéines dans la zone de
contact entre la cellule T et la cellule
l’intégrine LFA-1 et d’une protéine du cytosquelette, la taline. La fonction de synapse présentatrice d’antigène forment une
immunologique fait l’objet actuellement de nombreuses recherches ; on pense qu’elle structure appelée synapse immunologique.
joue un rôle important dans la régulation de la signalisation. Comme nous le verrons Dans le centre de la zone de contact se
au Chapitre 8, elle est aussi impliquée dans la sécrétion dirigée des cytokines et des concentrent les récepteurs de cellule T,
les corécepteurs CD4 et CD8, le récepteur
cytotoxines par les cellules T effectrices en contact avec leur cellule cible. costimulateur CD28, la molécule d’adhérence
CD2 et la protéine de signalisation, la kinase
PKC-θ (voir la Section 6-16). Cette zone
6-10 La liaison de l’antigène entraîne la phosphorylation des séquences est désignée par le sigle c-SMAC (central
ITAM associées au récepteur d’antigène. SupraMolecular Activation Complex). En
dehors du c-SMAC, se trouve une zone
contenant l’intégrine LFA-1, la molécule
La phosphorylation des deux tyrosines dans les ITAM sert de premier signal intra- d’adhérence cellulaire ICAM-1 et la protéine
cellulaire annonçant que le lymphocyte a détecté son antigène spécifique. Comme du cytosquelette, la taline ; on désigne
cette zone par le sigle p-SMAC (peripheral
les voies de signalisation sont très semblables, nous allons d’abord nous concentrer
SupraMolecular Activation Complex).
sur les signaux transmis par les récepteurs de cellule T et suivre cette voie de signa-
lisation jusqu’au noyau. Nous nous intéresserons ensuite au récepteur de cellule B.
Dans la cellule T, deux protéine tyrosine kinases de la famille Src, Lck et Fyn, sont,
pense-t-on, responsables de la phosphorylation des ITAM dans le récepteur de cel-
lule T (Fig. 6.14). La plupart des molécules de Lck sont associées constitutivement
au domaine cytoplasmique des corécepteurs CD4 et CD8 (voir la Section 3-17), et
Fyn s’associe faiblement aux domaines cytoplasmiques des chaînes ζ et de CD3.
On ignore encore comment la reconnaissance de l’antigène rend Fyn et Lck capa-
bles de phosphoryler les ITAM, mais il est probable que cela demande un certain
regroupement des récepteurs (voir la Section 6-9).
La signalisation par le complexe du récepteur de cellule  T est optimale lorsque
les corécepteurs CD4 ou CD8 y sont associés. CD4 se lie aux molécules du CMH
de classe II et ainsi se rapproche du récepteur de cellule T qui reconnaît le ligand
peptide:CMH de classe II (voir la Section 3-17). De même, CD8 se lie aux molé-
cules du CMH de classe I et se rapproche du récepteur de cellule T restreint au
CMH de classe  I. L’association du récepteur de cellule  T au corécepteur appro-
prié contribue à la stimulation de la transduction du signal en amenant la tyrosine
kinase Lck associée au corécepteur au contact des ITAM et d’autres cibles asso-
ciées aux domaines cytoplasmiques du complexe du récepteur de cellule T (voir
Fig. 6.14). On pense que les corécepteurs stabilisent l’interaction de faible affinité
entre le récepteur de cellule T et la molécule du CMH.
L’activation des kinases de la famille Src est la première étape dans la voie de signa-
lisation qui transmet le signal à de multiples molécules différentes. Comme de
232 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

L’interaction du ligand avec le récepteur conduit


Dans la cellule T au repos, les ITAM ZAP-70 se lie aux ITAM phosphorylés de la chaîne 𝛇
à la phosphorylation des ITAM par Lck lorsque
ne sont pas phosphorylés et est phosphorylée et activée
le corécepteur s’attache au CMH

cellule présentatrice d’antigène

CD4
CMH
de classe II

TCR

ZAP-70 Fyn Lck

Cellule T

Fig. 6.14 Le regroupement des la chaîne ζ est phosphorylée et activée par Lck
corécepteurs avec le TCR peut amplifier (troisième panneau). La structure cristalline de
la phosphorylation du récepteur de CD4 suggère que lorsqu’un seul CD4 se lie à
cellule T. Lorsque le récepteur de cellule T un complexe peptide:CMH, la Lck associée au
et les corécepteurs sont groupés par liaison domaine cytoplasmique est trop éloignée pour
SH3 SH2 kinase aux complexes peptide:CMH à la surface phosphoryler le récepteur de cellule T lié à la
d’une cellule présentatrice d’antigène, le même molécule du CMH (notez que CD4 se
recrutement de la kinase Lck associée penche pour contacter une molécule du CMH).
au corécepteur et l’activation des kinases Ceci supporte l’idée que le regroupement
séquence associées au récepteur, comme Fyn, conduit du récepteur de cellule T et des molécules
intermédiaire à la phosphorylation des ITAM de CD3γ, δ et ε CD4 est nécessaire pour permettre à Lck
ainsi que de ceux de la chaîne ζ (premier de phosphoryler un récepteur de cellule T
et deuxième panneaux). La tyrosine kinase adjacent dans le groupe.
kinase ZAP- 70 en se liant aux ITAM phosphorylés de
SH3
nombreuses autres protéines de signalisation, les kinases de la famille Src sont
SH2
ancrées au feuillet interne de la membrane plasmique, ce qui facilite leur associa-
tion aux récepteurs. Les kinases Src sont adressées à la membrane par l’addition
post-traductionnelle de myristate ; certaines kinases Src sont modifiées en plus par
l’addition de palmitate, qui les adresse aux radeaux lipidiques (voir la Section 6-6).
+ un ligand de SH3 CD45
Les kinases de la famille Src ont un domaine SH3 et un domaine SH2 précédant
le domaine kinase, et des interactions intramoléculaires entre ces domaines et le
reste de la protéine les maintiennent inactives. Ces interactions dépendent de la
phosphorylation d’une tyrosine inhibitrice à l’extrémité carboxyterminale de la
protéine et de l’interaction des domaines SH3 avec un domaine de liaison entre
les domaines kinase et SH2 (Fig. 6.15). Une protéine tyrosine kinase appelée CSK
(C-terminal Src Kinase) phosphoryle la tyrosine inhibitrice. La déphosphorylation

Fig. 6.15 Schéma général de l’activation attache le domaine SH3 au lobe supérieur du


des kinases Src. Les kinases Src contiennent domaine kinase. La libération du domaine SH2
CSK
des domaines SH3 (en bleu) et SH2 (en ou du domaine SH3 peut activer l’activité
rouge) précédant le domaine kinase (en vert). kinase. La déphosphorylation de la tyrosine
À l’état inactif, le domaine kinase est attaché carboxylterminale par la phosphatase CD45
aux domaines SH2 et SH3, qui limitent la aboutit à la libération du domaine SH3 et
mobilité des deux lobes du domaine kinase. l’activation de la kinase. L’interaction d’un
Le domaine SH2 interagit avec une tyrosine ligand avec le SH3 libérerait le domaine SH3
phosphorylée à l’extrémité carboxyterminale de la kinase et entraînerait l’activation de la
du domaine kinase. Le domaine SH3 interagit kinase. La rephosphorylation de la tyrosine
avec une séquence proline (P) contenue dans carboxylterminale par la CSK (C-terminal Src
une séquence de liaison entre le domaine SH2 kinase) ou la perte du ligand de SH3 ramène la
et le domaine kinase (ligne colorée). Ceci kinase à un état inactif.
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 233

Fig. 6.16 Le recrutement et l’activation de


ZAP-70 activée Le complexe
GADS unit SLP-76 PLC-𝛄 est phosphorylée la phospholipase C-γ par LAT et SLP-76 est
phosphoryle GADS:SLP-76:LAT
et LAT et activée par Itk une étape cruciale dans l’activation des
LAT et SLP-76 recrute PLC-𝛄
cellules T. ZAP-70 phosphoryle et recrute
les protéines échafaudage LAT et SLP-76 au
complexe du récepteur activé. Un adaptateur,
GADS, maintient ensemble LAT et SLP-76
dont les tyrosines sont phosphorylées. La
phospholipase C-γ (PLC-γ) se lie aux sites
phosphorylés de LAT et SLP-76. L’activation
de PLC-γ requiert la phosphorylation par
Itk, une kinase de la famille Tec, qui est
recrutée à la membrane par la production
de PIP3, un produit de la PI 3-kinase activée
et par les interactions de Itk avec SLP-76
phosphorylée. Une fois phosphorylée par Itk,
la phospholipase C-γ est active.

PLC-γ

LAT

GADS
ZAP-70
SLP-76

de la tyrosine carboxyterminale ou l’interaction des domaines SH2 ou SH3 avec


des ligands libère la kinase de sa conformation inactive. L’activation est stimulée
en plus par phosphorylation de la kinase sur une tyrosine dans le domaine cataly-
tique. Dans les lymphocytes, la tyrosine phosphatase CD45, qui peut déphospho-
ryler les deux sites de phosphorylation de tyrosine, joue un rôle important dans le
maintien des kinases Src dans un état déphosphorylé partiellement actif.

6-11 Dans les cellules T, des ITAM complètement phosphorylés lient


la kinase ZAP-70 et permettent son activation.

Le motif YXXL / I phosphorylé est un site de liaison pour un domaine SH2 (voir Fig. 6.2)
et l’espacement précis des deux motifs dans un ITAM suggère qu’il s’agit d’un site
de liaison pour une protéine de signalisation pourvue de deux domaines SH2. Dans
les cellules T, c’est la tyrosine kinase ZAP-70 (ζ−chain-Associated Protein ou protéine
associée à la chaîne ζ) qui est responsable de la suite de la signalisation. ZAP-70 a
deux domaines SH2 qui se suivent et qui peuvent être engagés simultanément par
deux tyrosines phosphorylées de l’ITAM. L’affinité de la séquence YXXL phosphorylée
pour un seul domaine SH2 est faible ; la liaison par deux domaines SH2 à l’ ITAM dou-
blement phosphorylé est significativement plus forte et confère une spécificité à la
liaison de ZAP-70. Une fois recrutée au récepteur phosphorylé, ZAP-70 est phospho-
rylée et activée par la Src kinase, Lck, associée au corécepteur (voir Fig. 6.14).

6-12 ZAP-70 activée phosphoryle des protéines échafaudage qui exercent


en aval de nombreux effets de la signalisation du récepteur d’antigène.

Une fois activée, ZAP-70 phosphoryle les protéines échafaudage LAT (Linker of
Activated T cells ou connecteur des cellules T) et SLP-76. Celles-ci semblent fonc-
tionner de concert en étant unies par la protéine adaptatrice GADS. Cela paraît
important car l’activation des cellules T chez des souris dépourvues de GADS est
défectueuse. LAT est une protéine transmembranaire, ce qui facilite son interac-
tion avec ZAP-70 ; elle est modifiée après sa traduction par l’addition de palmitate,
qui favorise son interaction avec les radeaux lipidiques (voir la Section 6-6).
La phospholipase C-γ (PLC-γ) est une des molécules clé de signalisation recrutées
par la phosphorylation de LAT et de SLP-76 (Fig. 6.16). PLC-γ catalyse le clivage du
234 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.17 L’enzyme phospholipase C-γ RE. La déplétion calcique du RE stimule alors
La phospholipase C-𝛄 (PLC-𝛄 clive le
clive les phospholipides à inositol pour l’ouverture de canaux calciques appelés CRAC
phosphatidylinositol bisphosphate (PIP2)
en diacylglycérol (DAG) donner deux molécules de signalisation dans la membrane plasmique, ce qui permet
et inositol trisphosphate (IP3) importantes. Le phosphatidylinositol l’entrée du Ca2+ du milieu extracellulaire. Ainsi,
bisphosphate (PIP2) est un composant de le calcium entre dans le cytoplasme en deux
l’intérieur du feuillet interne de la membrane phases, la première à partir des réserves
Ca2+ plasmique. Lorsque la phospholipase C-γ intracellulaires et la seconde à partir de
DAG (PLC-γ) est activée, elle clive PIP2en deux l’espace extracellulaire. DAG lie et recrute des
parties, l’inositol trisphosphate (IP3), qui protéines de signalisation à la membrane, les
diffuse loin de la membrane dans le cytosol, plus importantes étant le GEF de Ras, appelé
et le diacylglycérol (DAG), qui reste dans RasGRP, et une sérine / thréonine kinase
IP3 la membrane. Ces deux molécules sont appelée protéine kinase C-θ (PKC-θ, Protein
PIP2 importantes pour la signalisation. L’IP3 se lie Kinase C-θ). Le recrutement de RasGRP à la
à un récepteur membranaire du réticulum membrane plasmique active Ras, et l’activation
endoplasmique (RE) et ouvre des canaux de PKC-θ aboutit à l’activation du facteur du
calciques, permettant aux ions calciques (Ca2+) facteur de transcription NFκB.
PLC-γ lumière d’entrer dans le cytosol à partir des réserves du
du réticulum
endoplasmique
Cytosol lipide membranaire PIP2 (voir la Section 6-5) pour donner deux produits, le mes-
sager secondaire l’inositol 1,4,5-trisphosphate (IP3) et le lipide membranaire, le
L’IP3 ouvre les canaux calciques permettant diacylglycérol (DAG) (Fig. 6.17). DAG reste confiné à la membrane, mais diffuse
l’entrée du Ca2+ à partir du RE. La déplétion dans le plan de la membrane. IP3 diffuse dans le cytosol et se lie à des récepteurs
calcique du RE stimule l’ouverture des canaux
CRAC de la membrane plasmique, ce qui
(les récepteurs d’IP3) sur le réticulum endoplasmique où il stimule la libération
permet l’entrée du calcium extracellulaire du calcium dans le cytosol. La déplétion des réserves de calcium dans le réticu-
Milieu lum endoplasmique conduit à l’ouverture de canaux calciques dans la membrane
extracellulaire plasmique, permettant au calcium extracellulaire d’entrer dans la cellule (voir
Fig. 6.17). Ces canaux, dont la composition moléculaire reste à établir, sont dési-
gnés par le sigle CRAC (Calcium Release-Activated Calcium channels). On a mon-
CRAC tré récemment que le produit du gène ORAI1, qui est muté dans quelques cas
d’immunodéficience combinée sévère, faisait partie du canal CRAC.
L’activation de la PLC-γ représente une étape importante. En effet après ce point,
la voie de signalisation antigénique se divise en trois branches distinctes, cha-
cune aboutissant à l’activation d’un facteur de transcription différent. Ces voies de
signalisation ne sont pas restreintes aux lymphocytes ; elles sont utilisées dans de
nombreux types cellulaires différents. Les voies de signalisation à partir du récep-
teur de cellule T sont résumées dans la Fig. 6.18. Les actions combinées du calcium
et de DAG activent ces trois voies de signalisation. L’importance de leurs actions
DAG reste dans la membrane et recrute est illustrée par l’observation suivante. Un traitement des cellules T avec de l’acé-
PKC-𝛉 et RasGRP à la membrane tate de phorbol myristate (un analogue de DAG) et de l’ionomycine (un agent for-
mateur de pores qui permet au calcium extracellulaire d’entrer dans la cellule)
reconstitue largement les effets de l’activation des cellules T. Il n’est pas surprenant
que l’activation de PLC-γ, une phase centrale dans la voie de signalisation antigé-
nique, soit soumise à une série complexe de contrôles. Nous allons d’abord décrire
RasGRP ceux-ci, puis nous reviendrons aux stades terminaux de ces voies de signalisation.
PKC-θ
6-13 La PLC-γ est activée par des tyrosine kinases Tec.
La PLC-γ est recrutée à la membrane par liaison aux échafaudages phosphorylés LAT et
SLP-76 (voir Fig. 6.16), mais cela n’active pas son activité catalytique. L’activation requiert
une phosphorylation par un membre de la famille Tec de tyrosine kinases cytoplasmi-
ques. Trois kinases Tec sont exprimées dans les cellules lymphoïdes : Tec, Itk et la tyro-
sine kinase de Bruton (Btk, Bruton’s tyrosine kinase). Itk est exprimée surtout dans les
lymphocytes T. Elle est recrutée au complexe de signalisation du récepteur, où elle est
phosphorylée et activée by Lck. Les kinases Tec contiennent des domaines PH, SH2 et
SH3 et sont recrutées à la membrane plasmique par leur domaine PH, qui interagit avec
PIP3 à la face interne de la membrane cellulaire (voir Fig. 6.16). PIP3 est produit par acti-
vation de la PI 3-kinase, mais on ignore encore comment le récepteur des cellules T
Immunodéficience combinée active la PI 3-kinase. Un activateur important de la PI 3-kinase dans ce contexte est le
sévère liée à l’X récepteur costimulateur CD28, dont il sera question plus loin. Itk est aussi recrutée, par
ses domaines SH2 et SH3, aux échafaudages phosphorylés. Ainsi, l’activation coordon-
née de la PI 3-kinase et de la phosphorylation des tyrosines de l’échafaudage est requise
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 235

pour le recrutement de Itk à la membrane plasmique, où elle peut être phosphorylée


par Lck. Une fois activées, les kinases Tec phosphorylent et activent PLC-γ.

6-14 L’activation de la petite protéine G Ras active une cascade MAP


kinase, aboutissant à la production du facteur de transcription AP-1.
DAG produit par PLC-γ diffuse dans la membrane plasmique, où il active diver-
ses protéines pouvant se lier à DAG. Les plus importantes pour la signalisation

CD4
Complexe TCR-CD3

Fyn Lck
ZAP-70

Fyn ou Lck phosphoryle des résidus tyrosine des


ITAM de CD3ε et ζ permettant à ZAP-70 de se lier

Lck active ZAP-70, qui phosphoryle à son tour LAT et SLP-76. SLP-76 lie
et active la phospholipase C-γ (PLC-γ)

PLC-γ clive le phosphatidylinositol bisphosphate (PIP2) pour donner le diacylglycérol (DAG) et l’inositol trisphosphate (IP3)

DAG active la protéine kinase C-θ IP3 augmente la concentration intracellulaire DAG active RasGRP, qui à son tour active
de Ca2+, activant une phosphatase, la calcineurine une cascade des MAP kinases

La protéine-kinase C-θ active La calcineurine active un facteur de transcription La cascade des kinases déclenchée par Ras
un facteur de transcription NFκB, NFAT (Nuclear Factor of Activated T cells) induit et active Fos, un composant du facteur
de transcription AP-1

Les facteurs de transcription NFκB, NFAT et AP-1 induisent la transcription de gènes spécifiques, menant à la prolifération et à la différentiation de la cellule

Fig. 6.18 Schéma simplifié des voies intracellulaires de signalisation activée par Lck. ZAP-70 activée phosphoryle les protéines adaptatrices
déclenchées par le complexe du récepteur de la cellule T et par LAT et SLP-76, ce qui conduit au recrutement de PLC-γ à la membrane
son corécepteur. Le complexe du récepteur de cellule T et son à sa phosphorylation et activation par les kinases Tec. PLC-γ activée
corécepteur (CD4 dans cet exemple) sont associés aux protéine kinases déclenche trois voies importantes de signalisation qui aboutissent à
de la famille Src, respectivement Fyn et Lck. On pense que la liaison l’activation des facteurs de transcription dans le noyau. Ensemble,
du complexe peptide:CMH par le récepteur de la cellule T et par son NFκB, NFAT et AP-1 induisent une transcription génique entraînant la
corécepteur regroupe CD4 et l’ensemble du récepteur antigénique. La différenciation, la prolifération et des actions effectrices des cellules T. Ce
phosphorylation des ITAM dans CD3ε, γ et δ ainsi que dans les chaînes ζ schéma est une version très simplifiée des voies de signalisation ; il ne
leur permet de se fixer à la tyrosine kinase cytosolique ZAP-70. Celle-ci montre que les évènements principaux.
recrutée au complexe du récepteur de cellule T est phosphorylée et
236 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Ras active une cascade La MAPK gagne le noyau, phosphoryle et


Les composants de la cascade des
Un GEF (RasGRP) active Ras de protéine kinases aboutissant active des facteurs de transcription, qui
MAP kinases activée par l’antigène
à l’activation de la MAP-kinase induisent une nouvelle expression génique

GEF MAPKKK Raf

petite Mek
protéine G
Erk
MAPKK

MAPK

facteur de transcription facteur de transcription facteur de transcription

Fig. 6.19 Les cascades des MAP kinases antigénique sont la protéine kinase C, une sérine / thréonine kinase, et la pro-
active des facteurs de transcription. Toutes
téine RasGRP, un facteur d’échange de GTP qui active spécifiquement la petite
les cascades de MAP kinases partagent les
mêmes caractéristiques générales. Elles protéine G, Ras (voir la Section 6-4). Nous examinerons d’abord la voie qui débute
sont déclenchées par une petite protéine G, par l’activation de RasGRP. Celle-ci active Ras, qui déclenche alors un système
qui passe d’un état inactif à un état actif relais de trois kinases souvent appelé cascade des MAP kinases ; il aboutit à l’ac-
suite à l’intervention d’un facteur d’échange
de nucléotide contenant la guanine (GEF,
tivation d’une sérine / thréonine kinase appelée MAP kinase (Mitogen-Activated
Guanine-nucleotide Exchange Factor). La Protein kinase ou kinase activée par des mitogènes) (Fig. 6.19). Ras activée lie et
petite protéine G active la première enzyme de active la première kinase du relais, et chaque kinase à son tour phosphoryle et
la cascade, une protéine kinase appelée MAP active la suivante. La première kinase (la MAP kinase kinase kinase ou MAPKKK)
kinase kinase kinase (MAPKKK). Comme son
nom l’indique, cette enzyme en phosphoryle
est une sérine / thréonine kinase ; dans la voie du récepteur d’antigène, elle est
une seconde, la MAP kinase kinase (MAPKK), appelée Raf. La kinase suivante dans le relais (MAP kinase kinase ou MAPKK)
qui à son tour phosphoryle et active la est une protéine kinase de spécificité double et appelée MEK ; elle phosphoryle
MAPK (premier panneau). Dans l’exemple à la fois une tyrosine et une thréonine dans la MAP kinase qu’elle active. La MAP
montré dans les trois panneaux de droite, le
GEF RasGRP active Ras, ce qui conduit à kinase particulière activée à la suite de ce relais dans les cellules B et les cellules T
l’activation successive des kinases Raf, Mek, est appelée Erk (Extracellular signal-related kinase ou kinase dépendante d’un
et Erk. L’activation de Erk par phosphorylation signal extracellulaire).
la libère du complexe, ce qui lui permet de
diffuser à l’intérieur de la cellule et d’entrer Activée par la voie de la PLC-γ, comme décrit plus haut, Ras peut l’être aussi
dans le noyau. La phosphorylation par Erk des par un autre facteur d’échange du GTP, SOS. Celui-ci est recruté par la protéine
facteurs de transcription aboutit à une nouvelle
transcription génique. adaptatrice Grb2 au complexe de signalisation entourant le récepteur antigéni-
que activé. Grb2 se lie à l’échafaudage phosphorylé LAT / SLP-76 dans les cellu-
les  T ou la protéine de connexion, BLNK, fonctionellement analogue dans les
cellules B.
Une des fonctions les plus importantes de l’activation de la Ras–MAP kinase est
l’activation de facteurs de transcription et l’expression génique. L’activation de
Erk favorise la formation du régulateur de transcription AP-1, qui est un hétéro-
dimère dont chaque composant monomérique appartient aux familles des fac-
teurs de transcription Fos et Jun (Fig. 6.20). Erk activée stimule la transcription
de Fos par la phosphorylation du facteur de transcription Elk-1, qui coopère avec
un autre facteur de transcription, le facteur de réponse sérique, pour induire la
transcription du gène fos. Le facteur de transcription Jun est présent de manière
constitutive dans le cytoplasme. L’activation de la protéine kinase JNK aboutit à
la phosphorylation de Jun et à sa translocation dans le noyau, où il se combine à
Fos pour former AP-1. On ignore comment JNK est activée par la signalisation des
cellules T.

6-15 The facteur de transcription NFAT est activé indirectement par le Ca2+.

Nous allons examiner maintenant les voies de signalisation déclenchées par l’aug-
mentation de concentration du Ca2+ libre dans le cytosol (voir la Section 6-12). Le
Ca2+ active indirectement un facteur de transcription appelé NFAT (Nuclear Factor
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 237

Fig. 6.20 Le facteur de transcription AP-1 est c-Fos, stimulant sa transcription. En même
formé par la voie de signalisation Ras / MAP temps, la phosphorylation d’une autre MAP L’activation de la MAP kinase Erk lui permet
kinase. La phosphorylation de la MAP kinase kinase, la Jun kinase (JNK), lui permet de
d’entrer dans le noyau où elle phosphoryle
le facteur de transcription Elk-1. Elk-1
Erk activée par la cascade de la Ras–MAP phosphoryler le facteur de transcription
stimule la transcription du gène FOS
kinase permet à Erk d’entrer dans le noyau, c-Jun, qui est présent constitutivement dans
où elle phosphoryle le facteur de transcription le cytoplasme. c-Jun phosphorylé entre alors
Elk-1, qui se lie à l’élément de réponse sérique dans le noyau, où il dimérise avec c-Fos pour
(SRE, Serum Response Element) dans le former AP-1.
promoteur du gène du facteur de transcription Erk Cytoplasme

of Activated T cells ou facteur nucléaire des cellules  T activées). Il s’agit d’une Elk-1
dénomination trompeuse car les facteurs de transcription NFAT sont exprimés de
manière ubiquitaire. NFAT est présent dans le cytoplasme de cellules au repos,
et en absence de signaux, il est maintenu là en raison de sa phosphorylation par
des sérine / thréonine kinases, entre autres la GSK3 (Glycogen Synthase Kinase 3) SRF
et la CK2 (Casein Kinase 2). La phosphorylation bloque la reconnaissance de la
Noyau SRE FOS
séquence de localisation nucléaire de NFAT, prévenant ainsi son entrée dans le
noyau (Fig. 6.21).
L’activation de la MAP kinase JNK lui permet
NFAT est libéré du cytosol par l’intervention d’une enzyme, la calcineurine, une de phosphoryler c-Jun, induisant sa
protéine sérine / thréonine phosphatase qui est activée par une augmentation du translocation dans le noyau où il peut
dimériser avec c-Fos pour former AP-1
Ca2+ libre intracellulaire qui accompagne l’activation lymphocytaire. La liaison de
Ca2+ à une protéine appelée calmoduline cause un changement de conformation
qui permet à la calmoduline de lier et d’activer une large diversité d’enzymes (voir
Fig. 6.21). Une d’elles est la calcineurine. La déphosphorylation de NFAT par la cal-
cineurine permet la reconnaissance de la séquence de localisation nucléaire, et c-Jun
JNK
NFAT entre dans le noyau (voir Fig.  6.18).
L’importance de NFAT dans l’activation des cellules  T est illustrée par les effets
d’inhibiteurs sélectifs de la calcineurine appelés ciclosporine A et FK506 (tacroli-
mus). En inhibant la calcineurine, ces agents empêchent la formation d’une NFAT c-Fos
actif. Les cellules T expriment peu la calcineurine, aussi sont-elle plus sensibles à AP-1
l’inhibition de cette voie que de nombreux autres types cellulaires. La ciclospo-
rine A et FK506 agissent donc comme des immunosuppresseurs puissants avec
des effets secondaires limités. Ces agents sont largement utilisés pour prévenir le
rejet des greffes. Il en sera question au Chapitre 14.

6-16 Le facteur de transcription NFκB est activé par la protéine kinase C.


Une greffe rénale pour des
La troisième voie de signalisation en aval partant de la PLC-γ entraîne, par les complications d’un diabète
actions combinées de DAG et de Ca2+, l’activation d’une isoforme spécifique insulinodépendant auto-immun
de la protéine kinase C, PKC-θ. Ensuite, le facteur de transcription NFκB pré-
sent dans le cytoplasme est libéré de son inhibiteur et peut gagner le noyau.

Fig. 6.21 Le facteur de transcription NFAT


La phosphorylation des résidus L’entrée du calcium active la sérine est régulé par signalisation calcique.
Déphosphorylé NFAT
de sérine et thréonine maintient phosphatase, la calcineurine,
entre dans le noyau et active NFAT est maintenu dans le cytoplasme par
NFAT dans le cytoplasme qui déphosphoryle NFAT,
la transcription génique phosphorylation de sérine et de thréonine. Le
des cellules non stimulées lui permettant de gagner le noyau
calcium entrant dans la cellule est lié par la
calmoduline, et le complexe Ca2+:calmoduline
se lie à la sérine / thréonine phosphatase,
la calcineurine, et l’active. La calcineurine
Ca2+ déphosphoryle alors NFAT, lui permettant
de gagner le noyau. Là, NFAT s’attache à un
élément du promoteur et active la transcription
de divers gènes.

calcineurin

NFAT calmodulin
238 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

I𝛋B est dégradé, libérant


DAG recrute PKC-𝛉 CARMA1 phosphorylé recrute Le complexe IKK activée phosphoryle I𝛋B NF𝛋B, qui migre dans
à la membrane où d’autres protéines Carma1/Bcl10/MALT1 active IKK le noyau et active
il phosphoryle CARMA1
la transcription génique

CARMA1 BcL 10
PKC-θ MALT 1

IKKγ (NEMO) IKKα


IKKβ
complexe
IKK actif

IκB
Cytoplasme
NFκB

Noyau

Fig. 6.22 L’activation du facteur de transcription NFκB par le échafaudage appelée CARMA1, qui lie d’autres protéines (Bcl10, MALT1)
récepteur d’antigène est assurée par la protéine kinase C. NFκB pour former un complexe associé à la membrane qui recrute et active la
est présent dans une cellule non stimulée sous forme d’un dimère sérine / thréonine kinase l’IκB kinase (IKK), un complexe IKKα:IKKβ:IKKγ
constitué de deux membres de la famille des facteurs de transcription (NEMO). IKK phosphoryle IκB, ce qui induit son ubiquitinylation et le
Rel, typiquement Relp65 et Relp50, lié à un troisième composant, destine à la dégradation dans le protéasome. Libéré de IκB, NFκB peut
l’inhibiteur de κB (IκB), qui maintient NFκB dans le cytoplasme. Au migrer dans le noyau où il stimule la transcription des gènes appropriés.
cours de la signalisation déclenchée par l’antigène, la production de Une déficience de NEMO qui empêche l’activation de NFκB cause une
diacylglycérol (DAG) entraîne le recrutement à la membrane et l’activation immunodéficience, parmi d’autres symptômes.
de la protéine kinase C (PKC-θ). Celle-ci phosphoryle une protéine

NFκB est le nom générique désignant un membre d’une famille de facteurs de


transcription homo- et hétérodimériques composés de protéines de la famille
Rel. Le NFκB le plus commun activé dans les lymphocytes est un hétérodi-
mère de Rel p50:p65. Le dimère est maintenu sous forme inactive dans le cyto-
Dysplasie ectodermique plasme par liaison à une protéine inhibitrice IκB (Inhibitor of κB) (Fig. 6.22).
hypohidrotique L’activation d’un complexe de sérine kinases, l’IκB kinase (IKK), entraîne la
et immunodéficience liées à l’X
phosphorylation, l’ubiquitinylation et la dégradation subséquente de IκB, et
ainsi la libération de NFκB, qui peut alors rejoindre le noyau . Notez que la
voie d’activation partant du récepteur d’antigène est tout à fait distincte de la
voie qui stimule la libération de NFκB en réponse à des stimulus inflamma-
toires, que nous étudierons plus loin dans ce chapitre  ; l’activation de NFκB
dans des cellules T dépourvues de PKC-θ est défectueuse lors d’une stimula-
tion du récepteur d’antigène, mais est normale lors d’une réponse à des stimu-
lus inflammatoires.
Dans les cellules T, une des fonctions principales du trio, AP-1, NFAT et NFκB,
est d’agir ensemble afin de stimuler l’expression de la cytokine IL-2, essentielle
au lancement de la prolifération et de la différenciation des cellules T en cel-
lules effectrices. Le promoteur du gène IL-2 contient de multiples éléments
régulateurs auxquels des facteurs de transcription doivent se lier pour induire
la transcription d’IL-2. Certains sont déjà liés à des facteurs de transcription,
comme Oct1, qui sont produits de manière constitutive dans les lymphocy-
tes, mais ceci n’est pas suffisant pour active le gène. Ce n’est que lorsque AP-1,
NFAT et NFkB se sont liés à leur tour que le gène est exprimé. Ainsi, le promo-
teur d’IL-2 intègre des signaux venant de différentes voies de signalisation afin
d’assurer que l’IL-2 ne soit produite que dans les circonstances appropriées
(Fig. 6.23).
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 239

Fig. 6.23 De multiples voies de signalisation


convergent au promoteur de l’IL-2. La
NFAT/AP-1 Oct1 NFκB AP-1 NFAT/AP-1 liaison simultanée de AP-1, NFAT et NFκB au
Gène de l’IL-2 promoteur de l’IL-2 intègre de multiples voies
de signalisation pour la seule production d’IL-2.
La MAP kinase active AP-1 ; le calcium active
NFAT ; la protéine kinase C active NFκB. Les
trois voies sont nécessaires à la stimulation de
la transcription de l’IL-2. NFAT et AP-1 doivent
300 bp
se lier à un type d’élément du promoteur. Oct1
est un facteur de transcription qui est requis
pour la transcription d’IL-2. Contrairement
6-17 La signalisation des récepteurs des cellules B et T repose aux autres facteurs de transcription, il est lié
constitutivement au promoteur et n’est dès lors
sur des principes communs, mais quelques éléments pas régulé par la signalisation du TCR.
sont propres aux cellules B.
Les signalisations à partir des récepteurs de cellule T et des récepteurs de cellu-
les B se ressemblent assez bien. Comme pour le récepteur de cellule T, les chaî-
nes spécifiques de l’antigène du récepteur de cellule B sont associées à des chaînes
de signalisation, Igα et Igβ, qui contiennent des ITAM, (voir Fig. 6.9). Dans les cel-
lules B, trois protéine tyrosine kinases de la famille Src, Fyn, Blk et Lyn, sont res-
ponsables, pense-t-on de la phosphorylation des ITAM (Fig.  6.24). Lorsque les
récepteurs sont au repos, ces kinases sont liées avec une faible affinité aux ITAM
non phosphorylés de Igα et Igβ. Après liaison des récepteurs à un antigène poly-
valent, qui les interconnecte, les kinases associées aux récepteurs sont activées et
phosphorylent les résidus tyrosine dans les ITAM. Au lieu de ZAP-70, les cellules B
expriment une tyrosine kinase étroitement apparentée, Syk, qui contient deux
domaines SH2 et est recrutée aux ITAM phosphorylés. Au contraire de ZAP‑70,
dont l’activation requiert une phosphorylation supplémentaire par Lck, Syk est
activée simplement par sa liaison au site phosphorylé. Phosphorylation des ITAM sur les queues du récepteur
de cellule B par des kinases de la famille Src
L’équivalent pour les cellules B des corécepteurs CD4 et CD8 est un complexe de pro-
téines de surface cellulaire  : CD19, CD21 et CD81, appelé corécepteur des cellu- antigène
les B (Fig. 6.25). Comme pour les cellules T, la signalisation dépendant de l’antigène
à partir du récepteur des cellules B est amplifiée si le corécepteur de cellule B inte-
ragit simultanément avec son ligand et s’unit au récepteur d’antigène. CD21 (appelé
aussi récepteur 2 du complément, CR2) est un récepteur du fragment C3d du complé-
ment. Ce qui signifie que des antigènes, comme des pathogènes bactériens, couverts
de C3d (voir Chapitre 2) peuvent interconnecter le récepteur de cellule B avec le com-
plexe CD21:CD19:CD81. Ceci induit la phosphorylation de la queue cytoplasmique de
CD19 par les tyrosine kinases associées au récepteur de cellule B, ce qui conduit alors
à la liaison des kinases de la famille Src, l’augmentation de la signalisation par le récep-
teur de cellule B lui-même, et le recrutement de la PI 3-kinase (voir la Section 6-5). La
PI 3-kinase déclenche une voie de signalisation supplémentaire à celle qui provient du
récepteur de cellule B (voir Fig. 6.25). Ainsi, le corécepteur de cellule B sert à renforcer Blk, Fyn, or Lyn
le résultat de la reconnaissance de l’antigène. Le rôle du troisième composant du com-
plexe du récepteur de cellule B, CD81 (TAPA-1), est encore inconnu. Syk lie les ITAM doublement
phosphorylés, ce qui l’active
Une fois activée, Syk phosphoryle la protéine échafaudage BLNK (aussi appelée
SLP-65). Comme LAT dans la cellule T, BLNK a de multiples sites de phosphoryla-
tion des tyrosines et recrute diverses protéines contenant des SH2, entre autres
des enzymes et des protéines adaptatrices, pour former plusieurs complexes de
Fig. 6.24 Des kinases de la famille Src phosphorylée. Après l’interaction avec le ligand
sont associées aux récepteurs d’antigène et le regroupement des récepteurs, elles
et phosphorylent les tyrosines des ITAM phosphorylent les tyrosines dans les ITAM
afin de créer des sites de liaison pour des queues cytoplasmiques des Igα et Igβ.
Syk et permettre l’activation de Syk par Ensuite, Syk s’attache aux ITAM phosphorylés
transphosphorylation. Les kinases de la de la chaîne Igβ. Comme il y a au moins
famille Src ancrées à la membrane, Fyn, Blk deux complexes de récepteurs dans chaque
et Lyn s’associent au récepteur d’antigène groupe, les molécules Syk se retrouvent très
des cellules B en s’attachant aux ITAM, proches l’une de l’autre et peuvent s’activer
soit (comme le montre la figure) par leur par transphosphorylation, ce qui permet à la
domaine aminoterminal ou en se liant par signalisation de progresser. Syk
leur domaine SH2 à une seule tyrosine
240 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

signalisation multiprotéiques distincts qui peuvent agir de concert. Comme dans


Complexe la cellule T, une protéine de signalisation importante est la phospholipase C-γ, qui
du corécepteur de cellule B
est activée avec l’aide de la Tec kinase spécifique des cellules B, Btk, et hydrolyse
CD21 (CR2) PIP2 pour former DAG et IP3. Comme nous l’avons décrit plus haut pour le récep-
teur de cellule T, la signalisation par le calcium et DAG conduit à l’activation en
aval de facteurs de transcription. La voie de signalisation du récepteur de cellule B
est résumée dans la Fig. 6.26. Une déficience en Btk (qui est codée par un gène
sur le chromosome X) empêche le développement et le fonctionnement des cellu-
CD19 les B, cause de la maladie appelée agammaglobulinémie liée à l’X.

CD81 6-18 D’autres récepteurs leucocytaires qui interviennent dans l’activation


(TAPA-1)
cellulaire contiennent des ITAM.
D’autres récepteurs du système immunitaire utilisent aussi des chaînes accessoi-
res contenant des ITAM pour la transduction des signaux d’activation (Fig. 6.27).
tyrosine kinase
de la famille Src PI3K Un exemple est FcγRIII (CD16)  ; c’est un récepteur pour les IgG qui déclenche
la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC, Antibody-Dependent
Cell-mediated Cytotoxicity) par les cellules NK, que nous étudierons au Chapitre 9.
La liaison de CD21 aux antigènes marqués CD16 présent également sur les macrophages et les neutrophiles facilite la capture
par C3d permet au corécepteur
de s’associer au récepteur d’antigène et la destruction des pathogènes couverts d’anticorps. FcγRIII est associé soit à une
chaîne ζ, la même que celle que l’on trouve dans le complexe du récepteur de cel-
La liaison du corécepteur permet aux lule T, ou à un second membre de la même famille protéique appelé chaîne Fcγ.
kinases associées au récepteur Celle-ci est aussi associée au récepteur I de Fcε (FcεRI, Fcε Receptor I) présent sur
de phosphoryler CD19 les mastocytes. Comme nous le verrons dans le Chapitre 13, ce récepteur lie les
anticorps IgE, dont le pontage par des allergènes déclenche la dégranulation des
CD19 phosphorylé lie des tyrosine kinases mastocytes. Enfin, de nombreux récepteurs activateurs des cellules NK sont asso-
de la famille Src (par ex. Lyn) et la PI 3-kinase ciés à DAP12, une autre protéine contenant des ITAM.
Plusieurs pathogènes viraux paraissent avoir acquis des récepteurs contenant des
La PI 3-kinase ouvre en aval ITAM de leur hôte. C’est le cas du virus d’Epstein-Barr (EBV), dont le gène LMP2A
des voies de signalisation
qui code une protéine membranaire dont la queue cytoplasmique contient un
ITAM. Cela permet à l’EBV de déclencher la prolifération des cellules B en utili-
sant les voies de signalisation de l’aval dont il était question dans les Sections 6-17
Fig. 6.25 La signalisation du récepteur et celles qui précédaient. Un autre virus qui exprime une protéine contenant des
d’antigène de cellule B est modulée par
un complexe corécepteur d’au moins ITAM est le virus herpès du sarcome de Kaposi (KSHV ou HHV8), qui cause une
trois molécules de surface, CD19, CD21 et transformation maligne et la prolifération des cellules qu’il infecte.
CD81. La liaison du fragment du complément
C3d à l’antigène permet à celui-ci de
s’attacher à la fois au récepteur de cellule B 6-19 La protéine de surface cellulaire CD28 est un récepteur costimulateur
et à la protéine de surface CD21 (récepteur
du complément 2, CR2), un composant
de cellule T naïve.
du complexe corécepteur de cellule B. Le
pontage et le regroupement du corécepteur La signalisation passant par le complexe du récepteur de cellule  T décrit dans
avec le récepteur d’antigène permettent la les sections précédentes ne suffit pas à l’activation d’une cellule T naïve. Comme
phosphorylation des résidus tyrosine dans on le soulignait dans le Chapitre 1, les cellules présentatrices d’antigènes capa-
le domaine cytoplasmique de CD19 par des
bles d’activer des cellules  T naïves portent à leur surface des molécules costi-
protéine kinases associées au récepteur
de cellule B. D’autres kinases de la famille mulatrices ou ligands costimulateurs. Celles-ci interagissent avec des récepteurs
Src peuvent se lier au CD19 phosphorylé de surface cellulaire, des récepteurs costimulateurs, sur la cellule T naïve afin
et augmenter ainsi la signalisation par le de transmettre un signal qui est requis en même temps que la stimulation par
récepteur de la cellule B. CD19 phosphorylé
peut aussi lier la PI 3-kinase.
l’antigène, pour activer les cellules T ; à ce propos, on parle souvent de ‘signal 2.’
Nous décrivons en détail les conséquences immunologiques de cette exigence au
Chapitre 8. Le mieux connu de ces récepteurs costimulateurs est CD28. Bien que
l’on connaisse plusieurs effets de la signalisation par CD28, on ignore encore la
nature précise du signal costimulateur et pourquoi il est requis pour l’activation
des cellules T.
CD28 est présent à la surface de toutes les cellules T naïves et lie les ligands costimu-
lateurs B7.1 (CD80) et B7.2 (CD86), qui sont exprimés surtout sur des cellules pré-
sentatrices d’antigènes spécialisées comme les cellules dendritiques (Fig. 6.28). Pour
être activé, le lymphocyte naïf doit interagir à la fois avec l’antigène et un ligand costi-
mulateur sur la même cellule présentatrice d’antigène. L’exigence de la signalisation
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 241

CD28 signifie ainsi que les cellules T naïves ne peuvent être activées que par des cel-
lules présentatrices d’antigène professionnelles et non par d’autres cellules qui vien-
draient à présenter l’antigène à leur surface. Puisque les ligands costimulateurs sont
induits sur les cellules présentatrices d’antigène par des infections (voir Chapitre 2),
cela contribue aussi à assurer que les cellules T ne soient activées qu’en réponse à
l’infection. On pense que la signalisation par CD28 aide l’activation des cellules T
dépendant de l’antigène surtout en favorisant leur prolifération, la production de
cytokines et la survie des cellules T. Tous ces effets sont assurés par des motifs de
signalisation présents dans le domaine cytoplasmique de CD28.
Après son interaction avec les molécules B7, les tyrosines d’un motif YXXM de
CD28, différent des ITAM, sont phosphorylées, ce qui lui permet de recruter et
d’activer la PI 3-kinase (voir Fig. 6.28, panneau de gauche). Ce qui induit la pro-
duction de PIP3, qui recrute la sérine / thréonine kinase Akt (appelée aussi pro-
téine kinase B) à la membrane par le domaine PH deAkt (Fig. 6.6). Akt est activée et
peut alors phosphoryler diverses protéines en aval. Un de ces effets est de favoriser

Fig. 6.26 Schéma simplifié des voies


IgM pontée par l’antigène intracellulaires de signalisation activées
par le pontage des récepteurs de
cellule B par un antigène. Le pontage
des immunoglobulines de surface active les
tyrosine kinases de la famille, Src Blk, Fyn
et Lyn, associées au récepteur. Les kinases
associées au récepteur phosphorylent les
ITAM dans le complexe du récepteur, qui lient
et activent la protéine kinase cytosolique Syk,
dont l’activation a été décrite dans la Fig. 6.24.
Syk phosphoryle alors d’autres cibles, incluant
la protéine adaptatrice BNLK, qui participe au
recrutement des kinases Tec, qui à leur tour
phosphorylent et activent la phospholipase C-γ.
PLC-γ clive le phospholipide membranaire PIP2
en IP3 et DAG, déclenchant ainsi deux des
Tyrosine kinases de la famille Src trois principales voies de signalisation vers le
(Blk, Fyn ou Lyn) noyau. IP3 libère le Ca2+ des sources extra- et
intracellulaires, et les enzymes dépendantes
du Ca2+ sont activées, tandis que DAG active
Syk
Le pontage des récepteurs active la protéine kinase C avec l’aide du Ca2+. La
les tyrosine kinases Blk, Fyn et Lyn troisième voie de signalisation est activée
par les facteurs d’échange de nucléotides
contenant la guanine (GEF, Guanine-
Les kinases activées phosphorylent les domaines nucleotide Exchange Factors) qui s’associent
cytoplasmiques du récepteur de cellule B au récepteur et activent de petites protéines de
La tyrosine kinase Syk
liaison au GTP comme Ras. Elles déclenchent
se lie à l’Igβ phosphorylée à leur tour des cascades de protéine kinases
et s’active
Les kinases activées phosphorylent CD19, BLNK, (cascades des MAP kinases) qui conduisent
la phospholipase C-γ (PLC-γ), GEF et les kinases Tec (par ex. Btk) à l’activation des MAP kinases. Celles-ci
passent alors dans le noyau et phosphorylent
des protéines qui régulent la transcription
PLC-γ clive le phosphatidylinositol bisphosphate (PIP2) génique. Ce schéma est une simplification
pour donner le diacylglycérol (DAG) et l’inositol trisphosphate (IP3) des événements qui se produisent durant
la signalisation ; il ne montre que les voies
principales.

DAG et Ca2+ activent Des petites protéines G IP3 augmente la concentration


la protéine kinase C activent les cascades de Ca2+ intracellulaire activant
des MAP Kinases une phosphatase, la calcineurine

La protéine kinase La cascade des kinases La calcineurine active un facteur


C active un facteur déclenchée par Ras induit de transcription, NFAT (Nuclear
de transcription, NFκB et active Fos, un composant Factor of Activated T cells)
du facteur de transcription AP-1

Les facteurs de transcription NFκB, NFAT et AP-1 induisent la transcription de gènes spécifiques,
conduisant à la prolifération et à la différenciation de la cellule
242 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

D’autres récepteurs que les récepteurs d’antigène


la survie cellulaire par inhibition de la voie de mort cellulaire, que nous décrivons
s’associent aussi à des chaînes contenant plus loin dans ce chapitre ; un autre effet est la stimulation du métabolisme cellu-
des ITAM qui transmettent des signaux d’activation laire par augmentation de l’utilisation du glucose.
Cellules NK
Macrophages Cellules NK Mastocytes CD28 activé amplifie aussi directement le signal du récepteur de cellule T. Il est phos-
Neutrophiles Basophiles phorylé sur un autre motif (YXN), qui recrute la protéine adaptatrice Grb2 (voir
FcγRII (CD32) NKG2C, D, E
Fig. 6.28, panneau du milieu). Cela signifie que CD28 peut potentiallement activer la
FcγRIII (CD16) (CD94) FcεRI voie de signalisation Ras–MAP kinase par le recrutement du facteur d’échange du GTP,
FcγRIV SOS (voir la Section 6-2), conduisant à l’activation de la MAP kinase, Erk. La queue
cytoplasmique de CD28 contient aussi un motif riche en proline (PXXP) qui lie les
domaines SH3 de la kinase Lck de la famille Src et de Itk de la famille Tec (voir Fig. 6.28,
panneau de droite). L’engagement du domaine SH3 de ces tyrosine kinases neutralise
l’influence inhibitrice du domaine sur leur activité catalytique (voir la Section 6-10).
γ or ζ DAP12 γ CD28 peut dès lors amplifier la signalisation du récepteur de cellule T en favorisant
l’activité enzymatique de Lck et d’Itk, et ainsi stimuler la production de l’IL-2.
Fig. 6.27 D’autres récepteurs qui
s’apparient avec des chaînes contenant
des ITAM peuvent transmettre des signaux
6-20 Des récepteurs inhibiteurs sur les lymphocytes contribuent à réguler
d’activation. Des cellules autres que les réponses immunitaires.
les cellules B et T ont des récepteurs qui
s’apparient avec des chaînes accessoires CD28 n’est qu’un membre d’une famille de récepteurs qui sont exprimés par
contenant des ITAM, qui sont aussi
phosphorylées quand le récepteur est ponté.
des lymphocytes et qui interagissent avec des ligands de la famille B7. Certains,
Ces récepteurs transmettent des signaux comme le récepteur ICOS décrit au Chapitre 8, agissent comme récepteurs acti-
d’activation. Le récepteur FcγIII (CD16) se vateurs, mais d’autres inhibent la signalisation du récepteur d’antigène et jouent
trouve sur les cellules NK, les macrophages un rôle important dans la régulation de la réponse immunitaire. Les récepteurs
et les neutrophiles. La fixation des IgG à
ce récepteur active la fonction tueuse des
inhibiteurs apparentés à CD28 exprimés par les cellules T comprennent CTLA-4
cellules NK, conduisant au processus de (CD152) et PD-1 (Programmed Death-1), tandis que l’atténuateur des lymphocy-
cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps tes T et B, BTLA, (B and T Lymphocyte Attenuator) est exprimé par les cellules T
(ADCC, Antibody-Dependent Cell-mediated et B. Parmi ceux-ci, CTLA-4 est incontestablement le plus important. Il est induit
Cytotoxicity). Les récepteurs activateurs des
cellules NK, comme NKG2C, NKG2D et sur les cellules T activées et joue un rôle crucial dans la régulation de leur signali-
NKG2E, s’associent aussi à des chaînes de sation. CTLA-4, à l’instar de CD28, interagit avec les ligands costimulateurs (B7.1
signalisation contenant des ITAM. Le récepteur et B7.2), mais son engagement inhibe la signalisation par le récepteur de cellule T
Fcε (FcεRI) se trouve sur les mastocytes et
au lieu de l’amplifier. L’importance de CTLA-4 dans la régulation des réponses des
sur les basophiles. Il lie les IgE avec une très
grande affinité. Quand l’antigène est capté cellules T est illustrée par le phénotype des souris déficientes en CTLA-4, qui meu-
par la suite par les IgE, le mastocyte activé rent jeunes en raison d’une prolifération incontrôlée des cellules T.
libère ses granules contenant des médiateurs
de l’inflammation. La chaîne γ associée aux La voie de signalisation inhibitrice induite par CTLA-4 est assurée par une
récepteurs de Fc et la chaîne DAP12, qui séquence d’acides aminés particulière appelée ITIM (Immunoreceptor Tyrosine-
s’associe aux récepteurs activateurs des based Inhibitory Motif ou motif inhibiteur basé sur les tyrosines des immunoré-
cellules NK, contiennent un ITAM par chaîne et
forment des homodimères. cepteurs) présente dans la queue cytoplasmique de la protéine. Dans ce motif, un
résidu hydrophobe de grande taille comme l’isoleucine ou la valine est le deuxième
résidu en amont d’une tyrosine qui est suivie par deux acides aminés et une leu-
cine pour donner la séquence peptidique …[I / V]XYXX[L / I]… (Fig. 6.29).
Lorsque la tyrosine est phosphorylée, un ITIM peut recruter l’une des deux phos-
phatases inhibitrices, appelées SHP (SH2-containing Phosphatase) et SHIP (SH2-
containing Inositol Phosphatase), par leurs domaines SH2. SHP est une protéine
tyrosine phosphatase qui enlève les groupes phosphate ajoutés par les tyrosine
kinases. SHIP est une inositol phosphatase qui enlève le phosphate de PIP3 pour
donner PIP2, et inverser ainsi le recrutement de protéines comme les kinases Tec
et Akt à la membrane cellulaire.
PD-1 est induit de manière transitoire sur les cellules T activées, les cellules B et les
cellules myéloïdes. Il interagit avec deux ligands, tous deux membres de la famille
B7 appelés PD-L1 (Programmed Death Ligand-1, B7-H1) et PD-L2 (Programmed
Death ligand-2, B7-DC). PD-L1 est exprimé constitutivement sur de nombreuses cel-
lules différentes, tandis que l’expression de PD-L2 est induite sur les cellules présen-
tatrices d’antigène au cours de l’inflammation. Comme PD-L1 lui-même est exprimé
de manière constitutive, la régulation de l’expression de PD-1 peut jouer un rôle cri-
tique dans le contrôle des réponses des cellules T. Par exemple, la signalisation par
une cytokine inflammatoire peut réprimer l’expression de PD-1, ce qui amplifie les
Signalisation par les récepteurs d’antigène et activation lymphocytaire 243

réponses des cellules  T. Des souris dépourvues de PD-1 développent progressive- Fig. 6.28 La protéine costimulatrice, CD28,
transmet différents signaux. Les ligands de
ment de l’autoimmunité, probablement en raison de leur incapacité de réguler l’ac-
CD28, B7.1 et B7.2, ne sont exprimés que sur
tivation des cellules T. Dans les infections chroniques, l’expression de PD-1 atténue des cellules présentatrices d’antigène (APC,
l’activité effectrice des cellules T ; ceci contribue à limiter les dommages potentiels Antigen-Presenting Cells) spécialisées comme
aux cellules saines, mais aux dépens de l’élimination du pathogène. PD-1 a deux ITIM les cellules dendritiques. La liaison de CD28
induit la phosphorylation de ses tyrosines,
cytoplasmiques qui sont phosphorylés après son interaction avec un ligand, et peut ce qui active la PI 3-kinase (PI3K) avec
recruter SHP et SHIP. BTLA est exprimé sur les cellules T et B activées. Comme PD-1 production subséquente de PIP3 et activation
et CTLA-4, BTLA transmet des signaux par les ITIM qui recrutent SHP. Cependant, de la protéine kinase Akt. Akt activée augmente
contrairement aux autres membres de la famille CD28, BTLA n’interagit pas avec les la survie de la cellule et régule à la hausse
son métabolisme. La tyrosine phosphorylée
ligands B7, mais lient un membre de la famille du récepteur du TNF (Tumor Necrosis peut aussi recruter l’adaptateur Grb2. Grb2
factor) appelé HVEM (Herpes Virus Entry Molecule ), qui est fortement exprimé sur les est lié à SOS, stimulant l’activation de Ras ou
cellules T au repos et sur les cellules dendritiques immatures. une autre molécule appelée Vav, un activateur
du cytosquelette d’actine. Finalement, des
D’autres récepteurs de structure différente, sur les cellules B et T, contiennent aussi motifs proline dans le domaine cytoplasmique
des ITIM et peuvent inhiber l’activation des cellules T lorsqu’ils interagissent avec peuvent se lier et stimuler l’activité de tyrosine
kinase de Lck et Itk.
leur ligand en même temps que l’activation du récepteur d’antigène. Un exemple

B7.1 et B7.2, les ligands de CD28,


sont exprimés sur des APC spécialisées

APC

B7

CD28

Cellule T

La liaison de CD28 induit la phosphorylation CD28 phosphorylé peut activer Ras Des résidus proline dans CD28 lient
de ses tyrosines, ce qui active la PI 3-kinase par le recrutement de Grb2 et activent Lck et Itk

Akt PIP3

RasGTP
PI3K
survie SOS Grb2 Lck or Itk
métabolisme
244 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Les cellules B et les cellules T expriment


est le récepteur FcγRIIB-1 sur les cellules B, qui lie la région Fc des IgG. Il est connu
des récepteurs qui contiennent des motifs inhibiteurs depuis longtemps que l’activation des cellules B naïves en réponse à l’antigène peut-
basés sur des tyrosines des immunorécepteurs être inhibée par des anticorps solubles IgG qui reconnaissent le même antigène
PIR-B FcγRIIB-1 CD22 CTLA-4, KIR2DL KIR3DL et donc connectent le récepteur de la cellule B avec ce récepteur de Fc. L’ITIM de
BTLA, FcγRIIB-1 recrute SHIP dans un complexe avec le récepteur de cellule B pour blo-
PD-1
quer les actions de la PI 3-kinase. Un autre récepteur inhibiteur sur les cellules B est
la protéine transmembranaire CD22 ; elle contient un ITIM qui interagit avec SHP.
Le motif ITIM est aussi important dans la signalisation par des récepteurs des cel-
lules  NK qui inhibent l’activité lytique de ces cellules (voir la Section 2-30). Ces
récepteurs inhibiteurs reconnaissent des molécules du CMH de classe I et trans-
mettent des signaux qui inhibent la libération des granules cytotoxiques lorsque les
cellules NK reconnaissent des cellules saines non infectées (voir la Section 2-31).
Ainsi, la signalisation par des récepteurs contenant des ITAM et des ITIMs peut
contrôler de manière précise l’intensité et la nature du signal final reçu par la cel-
lule. Dans certains cas, un récepteur contenant des ITIM peut bloquer complète-
ment la signalisation des récepteurs activateurs.

Résumé.

Les récepteurs d’antigène à la surface des lymphocytes sont des complexes multi-
protéiques dont les composants extracellulaires qui lient l’antigène interagissent
Fig. 6.29 Des récepteurs lymphocytaires avec des récepteurs accessoires qui sont responsables de la signalisation. Le trans-
de surface contiennent des motifs inhibant fert du signal par de nombreux récepteurs importants sur le plan immunologique
l’activation. De nombreux récepteurs
de transduction des signaux qui inhibent est assuré par un motif de signalisation contenant une tyrosine et appelé ITAM.
l’activation des lymphocytes ou des cellules NK L’ activation des récepteurs par un antigène induit la phosphorylation de l’ITAM par
contiennent des motifs appelés ITIM des kinases de la famille Src. L’ITAM phosphorylé recrute une autre tyrosine kinase,
(Immunoreceptor Tyrosine-based Inhibitory
ZAP-70, dans les cellules T et Syk dans les cellules B. L’ activation de ZAP-70 et de Syk
Motifs) dans leur queue cytoplasmique. Ils
s’attachent à diverses phosphatases qui, une conduit à la phosphorylation des échafaudages LAT et SLP-76 dans les cellules T et
fois activées, inhibent les signaux provenant BLNK dans les cellules B. La plus importante des protéines de signalisation recrutée
des récepteurs contenant des ITAM. et activée par ces échafaudages phosphorylés est la phospholipase C-γ, qui à l’état
activé produit l’inositol trisphosphate (IP3) et le diacylglycérol (DAG). IP3 joue un
rôle important en induisant des changements dans les concentrations intracellulai-
res de calcium, tandis que DAG est impliqué dans l’activation de la protéine kinase
C-θ et de la petite protéine G Ras. Ces voies aboutissent finalement à l’activation de
trois facteurs de transcription, AP-1, NFAT, et NFκB, qui ensemble induisent la trans-
cription de la cytokine IL-2, qui est essentielle à la prolifération et à la différenciation
du lymphocyte activé. Un important système de signalisation secondaire est fourni
par la famille CD28 des protéines costimulatrices, qui lient des membres de famille
de protéines B7. L’activation des membres de la famille CD28 est importante car elle
assure la stimulation des cellules  T par la cellule cible appropriée. Des membres
inhibiteurs de cette famille et d’autres familles de récepteurs contiennent des motifs
inhibiteurs appelés ITIM qui interviennent pour atténuer ou bloquer complètement
la signalisation des récepteurs activateurs. L’expression régulée des récepteurs acti-
vateurs et inhibiteurs et de leur ligand constitue un système de contrôle sophistiqué
de la réponse immunitaire que l’on commence seulement à comprendre.

Autres récepteurs et voies de signalisation.


L’étude des lymphocytes porte généralement sur leur aptitude à répondre à l’an-
tigène. Cependant, ils possèdent, ainsi que d’autres cellules du système immu-
nitaire, de nombreux autres récepteurs leur permettant d’être informés des
événements survenant à proximité ou à distance. Dans les sections suivantes, nous
examinerons la transduction du signal par quatre classes de récepteurs : les récep-
teurs de cytokine, les récepteurs de mort, les récepteurs de type Toll (TLR, Toll-Like
Receptors) et les récepteurs de chimiokine.
Autres récepteurs et voies de signalisation 245

6-21 Des cytokines activent typiquement des voies de signalisation rapide


qui aboutissent au noyau.

Un des mécanismes principaux par lesquels les cellules du système immunitaire


communiquent les unes avec les autres et avec les autres cellules du corps recourt
à une classe de petites protéines sécrétées appelées cytokines, dont certaines ont
été introduites dans le Chapitre 2. Elles sont habituellement sécrétées en réponse à
un stimulus extracellulaire, et elles peuvent agir sur les cellules qui les produisent,
sur d’autres cellules du voisinage immédiat ou sur des cellules éloignées après
avoir été transportées par le sang ou les fluides tissulaires. Les cytokines modifient
le comportement cellulaire de diverses manières et, comme nous le verrons dans
de prochains chapitres, elles jouent un rôle clé dans le contrôle de la croissance,
du développement, de la différenciation fonctionnelle et de l’activation des lym-
phocytes et d’autres leucocytes. Les cytokines sécrétées par des cellules T activées
effectrices et activées sont indispensables aux fonctions de ces cellules dans le sys-
tème immunitaire. Les cytokines produisent des réponses immédiates dans les
cellules qu’elles touchent, ce qui est lié aux modalités de leur signalisation. Leurs
récepteurs activent des voies de signalisation particulièrement rapides et directes
pour déclencher des changements rapides de l’expression génique dans le noyau.

6-22 Les récepteurs de cytokine forment des dimères ou des trimères


lorsqu’ils interagissent avec leur ligand.

Une vaste classe de récepteurs de structure apparentée, la famille des récepteurs de l’hé-
mopoïétine, sont des récepteurs qui sont associés à une tyrosine kinase et qui forment
des dimères lorsqu’ils interagissent avec leur cytokine. Comme dans le regroupement
des récepteurs d’antigène, cette dimérisation lance une signalisation intracellulaire à
partir de la tyrosine kinase associée aux domaines cytoplasmiques du récepteur. Dans
certains types de récepteurs de cytokine, le dimère est composé de deux sous-unités
identiques ; dans d’autres, les deux sous-unités sont différentes. Une caractéristique
importante de la signalisation des cytokines est la grande diversité des combinaisons
dans différents récepteurs. La grande diversité des récepteurs utilisés dans la signalisa-
tion des cytokines est décrite plus en détail au Chapitre 8 (voir Fig. 8.35).
La seconde classe de récepteurs de cytokine comprend les récepteurs des cytokines
de la famille du TNF. Ceux-ci ont une structure sans relation avec celle des récep-
teurs décrits ci-dessus, mais doivent aussi être regroupés pour être activés. Les cyto-
kines de cette famille, comme le TNF-α et la lymphotoxine, sont des trimères, et leur
liaison induit le regroupement de trois sous-unités réceptrices identiques. Certaines
cytokines de la famille du TNF ne sont pas sécrétées, mais sont des protéines trans-
membranaires ou des protéines qui restent associées à la surface cellulaire.

6-23 Des récepteurs de cytokine sont associés à la famille de tyrosine


kinases JAK, qui activent les facteurs de transcription STAT.

Les chaînes de signalisation de la famille des récepteurs de cytokine du type hémo-


poïétine sont associées de manière non covalente à des protéine tyrosine kinases de
la famille Janus kinase (JAK), appelées ainsi car elles ont deux domaines de type
kinase qui se suivent, ce qui fait penser aux deux faces de Janus, divinité de la tran-
sition dans la mythologie romaine. La famille JAK comporte quatre membres, Jak1,
Jak2, Jak3 et Tyk2. Puisque des souris déficientes pour un membre individuel de la
famille JAK montrent des phénotypes différents, chaque kinase doit exercer une
fonction distincte. Probablement, le recours à différentes combinaisons de JAK par
différents récepteurs de cytokine permet une diversité de réponses de signalisation.
La dimérisation ou le regroupement des chaînes de signalisation permet aux JAK
de se phosphoryler l’une l’autre, stimulant ainsi leur activité kinasique. Les JAK
activées phosphorylent alors, dans leur récepteur auquel elles sont associées, des
246 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

La liaison de cytokine dimérise le


Les récepteurs de cytokines Les facteurs de transcription (STAT) Les STAT phosphorylés forment
récepteur, réunissant les JAK
comprennent au moins deux chaînes, se lient aux récepteurs phosphorylés, des dimères qui gagnent le noyau
cytoplasmiques, qui s’activent
dont les domaines cytoplasmiques et sont à leur tour phosphorylés pour induire la transcription
réciproquement et phosphorylent
se fixent aux Janus kinases (JAK) par les JAK activées de nouveaux gènes
le récepteur

JAK STAT STAT


JAK

Fig. 6.30 Des récepteurs de cytokine résidus tyrosine spécifiques pour produire des sites de liaison pour les protéines
déclenchent un signal par une voie pourvues de domaines SH2 (Fig.  6.30). Certains sites de tyrosine phosphorylée
rapide appelée voie JAK-STAT. De
nombreuses cytokines agissent par des recrutent des facteurs de transcription latents contenant des SH2 appelés STAT
récepteurs associés aux Janus kinases (JAK) (Signal Transducers and Activators of Transcription).
cytoplasmiques. Le récepteur se compose d’au
moins deux chaînes, chacune associée à une On a identifié sept STAT (1–5, 6a et 6b). La spécificité d’un STAT particulier pour
JAK spécifique (premier panneau). L’interaction un récepteur particulier est déterminée par la capacité du domaine SH2 de STAT
avec le ligand et la dimérisation des chaînes de reconnaître une séquence distinctive autour de la phosphotyrosine du récep-
du récepteur réunissent les JAK, qui s’activent
en se phosphorylant l’une l’autre. Les JAK teur activé. Le recrutement d’un STAT au récepteur activé rapproche STAT d’une
activées phosphorylent alors des tyrosines JAK activée, qui peut alors le phosphoryler et changer ainsi sa conformation, ce qui
dans les queues des récepteurs (deuxième permet à STAT de se lier à un autre STAT et de former un dimère. Les STAT peuvent
panneau). Les membres de la famille
constituer des homodimères ou des hétérodimères. Les dimères STAT phosphorylés
protéique STAT (Signal Transducers and
Activators of Transcription ou transducteurs se détachent de leur récepteur et entrent dans le noyau où, en tant que facteurs de
de signal et activateurs de transcription) transcription, ils stimulent l’expression de gènes sélectifs. Parmi les gènes régulés
s’attachent aux récepteurs phosphorylés et par les STAT, on trouve ceux qui contribuent à la croissance et à la différenciation de
sont elles-mêmes phosphorylées par les JAK
(troisième panneau). En se phosphorylant,
sous-populations particulières de lymphocytes. Un exemple de transcription spéci-
les protéines STAT dimérisent par liaison fique dépendant des STAT est le développement des cellules TH1 par l’intervention
des résidus phosphotyrosine aux domaines de STAT4, alors que STAT6 est requis pour le développement des cellules TH2.
SH2 et gagnent rapidement le noyau
(dernier panneau), où elles lient et activent la Les STAT sont activés non seulement pas des récepteurs de cytokine mais aussi par
transcription de divers gènes importants pour quelques autres types de récepteurs exprimés par des cellules immunitaires. De
l’immunité adaptative.
plus, la transcription assurée par STAT n’est pas la seule voie que des récepteurs de
cytokine peuvent ouvrir. Des récepteurs de cytokine peuvent, par exemple, activer
la voie de la Ras–MAP kinase et la voie du phosphatidylinositol. On connaît relati-
vement peu le mode d’activation de ces voies par les récepteurs de cytokine, mais
il est possible que la capacité de cytokines étroitement apparentées d’induire des
réponses biologiques distinctes résulte de l’activation sélective de différentes com-
binaisons de multiples voies possibles de signalisation.

6-24 La signalisation par les cytokines est arrêtée par un mécanisme


de rétroaction négative.

Comme les cytokines exercent des effets si nombreux et si puissants, l’activation des
voies de signalisation par les cytokines doit être strictement contrôlée ; un défaut
de contrôle peut entraîner des effets pathologiques significatifs. Divers mécanis-
mes inhibiteurs spécifiques de cytokine assurent que les voies de signalisation des
Autres récepteurs et voies de signalisation 247

cytokines puissent être arrêtées efficacement. Comme la signalisation d’un récep-


teur de cytokine dépend de la phosphorylation de tyrosine, la déphosphorylation
du complexe du récepteur par une tyrosine phosphatase est un moyen important
de bloquer la transmission. Diverses tyrosine phosphatases ont été impliquées
dans la déphosphorylation des récepteurs de cytokine, des JAK et des STAT; elles
comprennent SHP, CD45 et la phosphatase des cellules T (TCPTP).
La signalisation par les cytokines peut aussi être arrêtée par une rétroaction néga-
tive qui implique des inhibiteurs spécifiques induits à la suite de l’activation par la
cytokine. Une classe d’inhibiteurs comprend les protéines SOCS, qui bloquent la
signalisation de diverses manières, entre autres en favorisant l’ubiquitinylation et la
dégradation subséquente des récepteurs, des JAK et des STAT. Une autre classe de
protéines inhibitrices comprend les protéines PIAS (Protein Inhibitors of Activated
STAT ou inhibiteurs protéiques de STAT activé) ; celles-ci favoriseraient également
la dégradation des récepteurs et d’autres composants de la voie d’activation.

6-25 Les récepteurs qui induisent l’apoptose activent des protéases


spécialisées intracellulaires appelées caspases.

La mort cellulaire programmée ou apoptose (voir la Section 1-14) est un proces-


sus normal qui est crucial pour le développement et le fonctionnement du système
immunitaire. En particulier, elle joue un rôle important dans l’arrêt de la réponse
immunitaire en éliminant les cellules qui ne sont plus nécessaires après le rejet d’une
infection. Elle intervient aussi au cours du développement lymphocytaire en écar-
tant les cellules qui échouent dans la production d’un récepteur d’antigène fonction-
nel (voir Chapitre 4) ou qui ont produit des récepteurs potentiellement autoréactifs,
comme nous le verrons au Chapitre  7. L’apoptose est un processus régulé qui est
induit par des signaux extracellulaires spécifiques (ou dans certains cas par manque
de signaux requis pour la survie) et qui progresse par une série d’événements cellu-
laires : la membrane plasmique forme des bulles, la distribution des lipides mem-
branaires change et l’ADN chromosomique est fragmenté par des enzymes.
Deux voies générales sont impliquées dans la signalisation de mort cellulaire.
L’une, appelée voie extrinsèque d’apoptose, débute par l’activation des récep-
teurs de mort par des ligands extracellulaires. L’interaction avec le ligand stimule
l’apoptose dans la cellule pourvue de ce récepteur. L’autre voie dite d’apoptose
intrinsèque ou mitochondriale déclenche l’apoptose en réponse à des stimulus
nocifs comprenant l’exposition aux rayons ultraviolets ou à la chimiothérapie, l’ab-
sence de nutriments ou le manque de facteurs de croissance nécessaires à la sur-
vie. Les deux voies ont en commun l’activation de protéases spécialisées appelées
cystéine protéases spécifiques de l’acide aspartique ou caspases.
Comme de nombreuses autres protéases, les caspases sont synthétisées sous forme
de procaspases inactives, dans lesquelles le domaine catalytique est inhibé par un
prodomaine adjacent. Les procaspases sont activées par d’autres caspases qui cli-
vent la protéine pour libérer le prodomaine inhibiteur. On distingue deux classes
de caspases impliquées dans la voie apoptotique : les caspases initiatrices lancent
le processus en clivant et en activant d’autres caspases, et les caspases effectrices
provoquent les changements cellulaires associés à l’apoptose. La caspase 8 est ini-
tiatrice pour la voie extrinsèque, alors que la voie intrinsèque utilise la caspase 9.
Les caspases 3, 6 et 7 sont effectrices dans les deux voies. Les caspases effectrices
clivent diverses protéines indispensables à l’intégrité cellulaire et activent des enzy-
mes qui conduisent à la mort de la cellule. Par exemple, elles clivent et dégradent
des protéines nucléaires, comme la lamine B, nécessaires à l’intégrité structurale
du noyau, et activent des endonucléases qui fragmentent l’ADN chromosomique.
Nous allons d’abord considérer la voie apoptotique qui part des récepteurs de mort
ces derniers étant impliqués dans de nombreuses fonctions du système immunitaire.
L’activation de la caspase 8 est l’étape critique dans cette voie apoptotique et débute
par le recrutement de cette procaspase initiatrice au récepteur de mort activé.
248 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Les récepteurs de mort sont membres de la grande famille des récepteurs de TNF,
mais se distinguent des autres récepteurs de cette famille par un domaine conservé
appelé domaine de mort (DD, Death Domain) dans la partie cytoplasmique du
récepteur. Parmi ces récepteurs de mort exprimés par les cellules du système immu-
nitaire, Fas (CD95) et TNFR-I sont les mieux connus. Fas et son ligand FasL sont
exprimés largement et pas seulement dans le système immunitaire. La mort cellu-
laire dépendant de Fas survient dans de nombreuses circonstances, entre autres la
protection des sites privilégiés immunologiquement (voir Chapitre 11) ainsi que la
régulation et l’arrêt de la réponse immunitaire (voir Chapitre 8). La Fig. 6.31 montre
la voie de signalisation résultant de la stimulation de Fas par FasL.
Cette voie apoptotique débute par la liaison du FasL à Fas, ce qui entraîne la tri-
mérisation du récepteur. Les domaines de mort se lient spécifiquement entre eux,
et, en se regroupant, les domaines de mort de Fas recrutent des protéines adap-
tatrices qui contiennent à la fois un domaine de mort et un domaine additionel
qui peut lier une procaspase (voir Fig.  6.31). Chaque type de récepteur recrute
un adapteur spécifique ; celui de Fas est appelé FADD (Fas-Associated via Death
Domain ou associé à Fas par un domaine de mort). En plus du domaine de mort,
FADD contient un domaine appelé domaine effecteur de mort (DED, Death
Effector Domain), qui permet à FADD de recruter la caspase initiatrice, procaspase
8, directement par des interactions avec un domaine similaire dans l’enzyme. La
forte concentration locale de caspase 8 autour des récepteurs lui permet de se cli-
ver elle-même et ainsi de s’autoactiver. Une fois activée, la caspase 8 est libérée du
Fig. 6.31 La liaison du ligand de Fas complexe du récepteur et peut activer les caspases effectrices en aval.
à Fas déclenche la voie extrinsèque
d’apoptose. Le récepteur de surface Fas Une voie similaire, mais distincte, est utilisée par TNFR-I lorsqu’il est stimulé par
contient un domaine dit de mort dans sa son ligand, le TNF-α. Dans certaines cellules, la signalisation par TNFR-I induit
queue cytoplasmique. L’interaction du ligand l’apoptose, alors que dans d’autres, elle conduit à l’expression des gènes de réac-
de Fas (FasL) avec Fas trimérise le récepteur
(premier panneau). La protéine adaptatrice tion inflammatoire. On ignore encore ce qui détermine le choix entre l’apoptose
FADD (appelée aussi MORT-1) contient ou l’activation de la transcription génique. Selon une hypothèse, les deux répon-
également un domaine de mort et peut se ses différentes seraient régulées par deux complexes distincts de signalisation qui
lier aux domaines de mort regroupés de Fas peuvent être assemblés par TNFR-I. Dans les deux cas, les récepteurs recrutent
(deuxième panneau). FADD contient aussi
un domaine dit effecteur de mort (DED, d’abord un adaptateur appelé TRADD, puis les voies divergent. Lorsque TRADD
Death Effector Domain) qui lui permet de lie FADD, la voie conduit à l’apoptose comme dans la Fig.  6.32. Dans d’autres
recruter la procaspase 8 (qui contient aussi conditions, TRADD recrute une sérine / thréonine kinase appelée RIP (Receptor-
un domaine DED) (troisième panneau).
Interacting Protein ou protéine d’interaction avec le récepteur) et un adaptateur
Regroupées les procaspases 8 s’activent elles-
mêmes et libèrent une caspase active dans le appelé TRAF-2 (TNF Receptor Associated Factor-2 ou facteur-2 associé au récepteur
cytoplasme (non montré). du TNF). Utilisant une voie qui n’est pas encore connue, RIP permet l’activation de

Le regroupement des domaines de mort (DD) Les domaines effecteurs de mort (DED)
Le ligand de Fas (FasL) se lie à Fas
dans les domaines cytoplasmiques de Fas permet de FADD recrutent la procaspase 8
et le trimérise
à Fas de recruter FADD par son domaine de mort par des DED similaires dans la procaspase

FasL

Fas
domaine
de mort
FADD domaine
effecteur procaspase 8
domaine de mort (DED)
de mort
Autres récepteurs et voies de signalisation 249

NFκB par IKK. TRAF-2 stimule une voie de signalisation passant par la MAP kinase La liaison du TNF
qui aboutit à l’activation de JNK (Jun kinase) et du facteur de transcription Jun, un trimérise le TNFR, lui
composant du complexe AP-1 (voir Fig. 6.20). permettant de se lier
à l’adaptateur TRADD

TNF
6-26 La voie intrinsèque de l’apoptose dépend de la libération
du cytochrome c des mitochondries.

L’apoptose par la voie intrinsèque est déclenchée lorsque la cellule est soumise à
un stress par exposition à des stimulus nocifs ou ne reçoit pas les signaux extra- TNFRI
cellulaires qui sont nécessaires à sa survie. L’étape critique est la libération, par les
mitochondries, du cytochrome c, qui déclenche l’activation des caspases. Une fois
dans le cytoplasme, le cytochrome c lie une protéine appelée Apaf-1 (Apoptotic
protease activating factor-1 ou le facteur 1 activateur d’apoptose) dont il induit DD
l’oligomérisation. L’ oligomère Apaf-1 recrute alors une caspase initiatrice, la pro-
caspase 9. L’agrégation de la caspase 9 permet son autoclivage, et lui permet de sti- DED
muler l’activation des caspases effectrices comme dans les voies du récepteur de
mort (Fig. 6.33). TRADD

La libération du cytochrome c est contrôlée par des interactions entre les mem-
bres des protéines de la famille Bcl-2. Les protéines de la famille Bcl-2 se défi-
nissent sur base de la présence de un ou plusieurs domaines d’homologie Bcl-2
Dans une voie qui Dans une voie qui
(BH, Bcl-2 homology) ; elles se répartissent en deux groupes : certains membres aboutit à la mort, induit une
favorisent l’apoptose alors que d’autres l’inhibent (Fig.  6.34). Certains membres TRADD recrute FADD, transcription génique,
proapoptotiques de la famille Bcl-2, comme Bax, Bak, et Bok (que l’on appelle les ce qui conduit à TRAD recrute RIP et
l’activation de la TRAF2
« exécuteurs »), s’attachent aux membranes mitochondriales et peuvent déclen- caspase 8
cher directement la libération du cytochrome c. On ignore comment ils y parvien-
nent, mais ils pourraient former des pores dans les membranes.
Les membres antiapoptotiques de la famille Bcl-2 sont induits par un stimulus qui
favorise la survie de la cellule. La protéine antiapoptotique la mieux connue est
Bcl-2 elle-même. Le gène Bcl-2 fut d’abord identifié comme un oncogène dans un
lymphome à cellules B, et son expression excessive dans les tumeurs rend les cel-
lules plus résistantes au stimulus apoptotique et favorise leur progression vers un
cancer invasif et difficile à maîtriser. D’autres membres inhibiteurs comprennent
Bcl-XL et Bcl-W. Les protéines antiapoptotiques fonctionnent en s’attachant à la
FADD RIP
membrane mitochondriale et bloquent la libération du cytochrome c. Le méca-
nisme précis de l’inhibition n’est pas connu, mais il pourrait s’agir d’un blocage TRAF2
direct de la fonction des membres proapoptotiques.
D’autres membres proapoptotiques de la famille Bcl-2 sont les protéines « senti- TRADD TRADD
nelles » qui sont activées par un stimulus apoptotique. Une fois activées, ces pro- procaspase 8 NFκB, Jun
téines, qui comprennent Bad, Bid et PUMA, peuvent agir en bloquant l’activité des
protéines antiapoptotiques ou en stimulant directement l’activité d’exécuteur des
Fig. 6.32 La signalisation par le récepteur
protéines proapoptotiques.
du TNF, TNFR-I. Comme Fas, TNFR-I
contient un domaine de mort (DD, Death
Domain) cytoplasmique, qui recrute
6-27 Les microbes et leurs produits activent NFκB par l’intermédiaire l’adapteur TRADD, qui lui aussi contient un
des récepteurs de type Toll. domaine de mort. TRADD peut assembler
deux complexes différents de signalisation.
Par une interaction DD–DD, TRADD peut
Les 10 récepteurs de type Toll (TLR, Toll-like Receptors) chez l’homme (11 chez recruter FADD, entraînant l’activation de la
la souris) forment une classe de récepteurs de reconnaissance de motifs. Leurs caspase 8 et l’apoptose (panneau inférieur
ligands et leurs rôles dans l’immunité innée sont décrits en détail au Chapitre 2. gauche ; voir aussi Fig. 6.31). Dans une
seconde voie, TRADD peut aussi recruter une
Les TLR sont des protéines avec un seul segment transmembranaire, un domaine sérine / thréonine kinase appelée RIP et une
extracellulaire contenant de multiples copies de motifs riches en leucine et un protéine adaptatrice appelée TRAF-2. RIP
domaine cytoplasmique appelé TIR (Toll-IL-1 Receptor). Le motif TIR est aussi pré- active IKK, aboutissant à l’activation de NFκB.
sent dans le récepteur de la cytokine IL-1, ce qui suggère que les TLR et le récep- TRAF-2 stimule la voie de signalisation JNK,
avec la phosphorylation subséquente de Jun.
teur de l’IL-1 utilisent des voies de signalisation semblables. On ignore comment une voie est choisie plutôt
que l’autre.
La signalisation par les TLR induit diverses réactions qui régulent la produc-
tion de cytokines inflammatoires, de facteurs chimotactiques et de produits
250 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.33 Dans la voie intrinsèque,


Dans une cellule normale, Quand l’apoptose est Le complexe
la libération du cytochrome c des
le cytochrome c n’est induite, la mitochondrie Apaf-1:cytochrome c active les
mitochondries induit la mort cellulaire
présent que dans les gonfle et fuit, libérant le procaspases 9 + 3, qui clivent
programmée. Dans des cellules normales, cytochrome c, qui se fixe à I-CAD, libérant CAD, qui migre
mitochondries
le cytochrome c est confiné dans les Apaf-1 dans le noyau et clive l’ADN
mitochondries (premier panneau). Cependant,
durant une stimulation de la voie intrinsèque,
les mitochondries gonflent, permettant au
cytochrome c de s’échapper dans le cytosol
(deuxième panneau). Là, il interagit avec cytochrome c
la protéine Apaf-1, formant un complexe
cytochrome c:Apaf-1 qui peut recruter
la procaspase 9. Le regroupement des Apaf-1
procaspases 9 les active, leur permettant
de cliver en aval des caspases, comme la
caspase 3, et d’aboutir ainsi à l’activation procaspase
d’enzymes comme I-CAD, qui peut cliver l’ADN
(troisième panneau).
CAD I-CAD

antimicrobiens (voir Chapitre 2). De nombreuses protéines différentes de signa-


lisation sont induites par l’activation des TLR, entre autres diverses MAP kinases
et la PI 3-kinase. La voie de signalisation la plus importante des TLR est l’acti-
vation de NFκB, cette voie étant déclenchée par le domaine  TIR. Il s’agit d’une
voie très conservée dans les organismes multicellulaires et qui représente une
voie très ancienne impliquée dans la défense contre les infections. Comme les
domaines de mort, les domaines TIR lient d’autres domaines TIR. L’interaction
d’un ligand avec un TLR induit un changement de conformation qui permet à
son domaine intracellulaire TIR de lier une protéine adaptatrice contenant aussi
un domaine TIR. On connaît cinq adapteurs TIR, dont le mieux connu est MyD88
(Myeloid Differentiation factor 88 ou facteur de différenciation myeloïde 88). De
nombreuses différences dans la signalisation entre les divers TLR peuvent être
attribuées à l’usage d’adapteurs distincts.
À titre d’exemple, nous allons décrire la voie de signalisation de TLR-4, le récepteur
du lipopolysaccharide (LPS) bactérien sur les macrophages, neutrophiles et cellu-
les dendritiques. Le LPS est capté d’abord par une protéine sérique, la LBP (LPS-
Binding Protein), qui lui permet de se lier à la protéine de surface cellulaire CD14
(Fig. 6.35). CD14 associé à son ligand interagit alors avec TLR-4, point de départ de
deux voies de signalisation dépendant ou non de MyD88. Dans la voie dépendant
de MyD88, l’adaptateur est recruté directement à la queue cytoplasmique de TLR-
4. MyD88 a un domaine TIR à une extrémité par lequel il s’attache au récepteur et
un domaine de mort à l’autre. Après sa liaison au récepteur, le domaine de mort
de MyD88 recrute et active une sérine / thréonine protéine kinase appelée IRAK
Stimulus apoptotiques
(IL1-Receptor Associated Kinase ou kinase associée au récepteur de l’IL-1), qui
contient aussi un domaine de mort. IRAK activée lie l’adapteur TRAF-6, qui active
une MAPKKK appelée TAK1, qui à son tour phosphoryle et active le complexe IKK.
Comme nous l’avons vu à la Section 6-16, NFκB libérée de son inhibiteur IκB par
Sentinelles
Bad, Bil, Bid, Bim, IKK peut alors gagner le noyau. En plus, TAK1 stimule aussi l’activation de JNK et
p53, PUMA, NOXA une autre classe de MAP kinases appelées la famille p38.

Fig. 6.34 Schéma général de la régulation cellules mammaliennes, l’apoptose dépend


de la voie intrinsèque par des protéines de des protéines exécutrices, Bax, Bak et Bok.
Exécuteurs Protecteurs la famille Bcl-2. Des stimulus apoptotiques Dans des cellules normales, ces protéines
Bax, Bak, Bok Bcl-2, Bcl-XL, Bcl-W extracellulaires activent un groupe de protéines sont empêchées d’agir par les protéines
proapoptotiques (sentinelles). Ces protéines protectrices, Bcl-2, Bcl-XL et Bcl-W. La
peuvent intervenir soit en bloquant la protection libération des protéines exécutrices activées
par des protéines protectrices de la survie, permet au cytochrome c d’entrer dans le
Mort soit en activant directement des protéines cytosol et la mort subséquente de la cellule,
proapoptotiques, dites exécutrices. Dans les comme la Fig. 6.33 le montre.
Autres récepteurs et voies de signalisation 251

TLR-4 peut aussi transmettre des signaux par une voie indépendante de MyD88
pour stimuler la production de la protéine antivirale, l’interféron (IFN)-β (voir la
Section 2-29). Comme le montre la Fig. 6.36, TLR4 peut recruter un autre adap-
teur contenant un domaine TIR, appelé TRIF. Comme MyD88, TRIF activé peut
se lier à TRAF-6 pour activer NFκB. Au contraire de MyD88, TRIF peut aussi se
lier à des kinases inhabituelles appelées IκKε et TBK1. Ces kinases activent des
facteurs de transcription appelés IRF (Interferon Regulatory Factors) qui stimu- Dysplasie ectodermique
lent la transcription de l’interféron (IFN)-β. Ainsi, l’adapteur TRIF permet la hypohidrotique
signalisation de TLR-4 menant à la production de l’IFN-β en plus de l’activation et immunodéficience liées à l’X
de NFκB.

6-28 Des peptides bactériens, des médiateurs des réactions


inflammatoires et des chimiokines se lient à des récepteurs
couplés aux protéines G.

Les cellules du système immunitaire inné sont capables de détecter la présence


d’une infection entre autres par interaction avec des peptides bactériens contenant
la N-formylméthionine, ou fMet, un acide aminé modifié propre aux prokaryotes.
Ce récepteur dit de fMLP reconnaît la séquence fMet-Leu-Phe, un tripeptide pour
lequel il est doté d’une forte affinité, bien que ses ligands ne se limitent pas à ce
Fig. 6.35 Les récepteurs de type Toll
tripeptide. Le récepteur de fMLP appartient à une famille, ancienne et largement (TLR) activent NFκB. Les récepteurs de
distribuée, de récepteurs contenant sept segments transmembranaires ; les mem- type Toll (TLR) activent NFκB par une voie
bres de cette famille les mieux caractérisés sont les photorécepteurs, rhodopsine qui diffère par ses stades précoces de ceux
provenant des récepteurs d’antigène. Les
et bactériorhodopsine. Dans le système immunitaire, les membres de cette famille
TLR transmettent le signal par un domaine
de récepteurs jouent plusieurs rôles essentiels ; les récepteurs des anaphylatoxi- de leur queue cytoplasmique appelé TIR, qui
nes (voir la Section 2-20) et des chimiokines (voir la Section 2-24) appartiennent recrute une famille de protéines adaptatrices
à cette famille. qui contiennent aussi un domaine TIR. Le
mieux étudié de ces adaptateurs est MyD88.
Tous les récepteurs de cette famille recourent au même mécanisme de signali- En plus de son domaine TIR, MyD88 contient
sation ; l’interaction avec le ligand active un membre d’une classe de protéines un domaine de mort (DD, Death Domain), par
lequel il active et recrute la sérine / thréonine
liant le GTP, appelées protéines G. Pour les distinguer de la famille des « peti- kinase IRAK. Lorsque celle-ci est activée,
tes » GTPases comme Ras, on les appelle parfois « protéines G hétérotrimériques elle recrute l’adaptateur TRAF-6, qui active
car chacune est composée de trois sous-unités : Gα, Gβ et Gγ. La sous-unité Gα TAK1, une MAPKKK. TAK1 active IKK, ce qui
entraîne la destruction de IκB et l’activation de
est semblable à la seule sous-unité des petites GTPases et fonctionne de la même
NFκB. TAK1 active aussi les MAP kinases JNK
manière, étant active lorsqu’elle contient du GTP et inactive lorsque le GTP est et p38. Composants de la voie de signalisation
remplacé par du GDP. Environ 20 protéines G hétérotrimériques différentes sont du récepteur de type Toll

TLR-4 lié au LPS s’attache MyD88 lie et active IRAK,


TRAF6 active une MAPKKK, TAK1 TAK1 active JNK et p38
à l’adaptateur MyD88 qui phosphoryle TRAF6

LBP

LPS TLR-4

cascade des
MAP kinases

domaine JNK p38


MyD88 TIR
domaine de mort
TAK1 active IKK, ce qui mène
TRAF6 IRAK à la dégradation de I𝛋B
NFκB
TAK1
IKK
IκB
252 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Fig. 6.36 Une signalisation indépendante à TRAF-6 et peut dès lors stimuler l’activation
L’association de TRIF L’association de TRIF de MyD88 à partir des TLR est assurée de NFκB. TRIF peut aussi activer deux
à TRAF-6 lui permet à des IKK appelées
par TRIF. TLR-4 peut aussi transmettre des sérine / thréonine kinases appelées IκKε et
d’activer NF𝛋B par I𝛋K𝛆 et TBK1 lui
permet de stimuler la signaux par une voie de signalisation dite TBK1. L’activation de ces kinases entraîne
IKK indépendante de MyD88. Dans cette voie, celle du facteur de transcription IRF (Interferon
production d’IFN-𝛃
TRIF, une protéine adaptatrice contenant un Regulatory Factor), qui stimule la transcription
domaine TIR, est recrutée au récepteur au du gène de l’interféron (IFN)-β.
lieu de MyD88. TRIF peut se lier directement
TRIF TRAF6
TRIF
connues, chacune interagissant avec différents récepteurs de surface et trans-
IκKε TBK1
mettant des signaux à différentes voies intracellulaires. Au repos, la protéine
IKK G est inactive, n’est pas associée au récepteur, et sa sous-unité α contient une
molécule de GDP. Lorsque le récepteur interagit avec son ligand, un change-
IRF-3 ment conformationnel du récepteur lui permet de se lier à la protéine G, ce qui
IκB entraîne le remplacement du GDP de la protéine G par le GTP. La protéine G se
p50 p65
dissocie alors en deux composants, la sous-unité α et le complexe des sous-uni-
NFκB tés β et γ ; chacun de ces composants peut interagir avec d’autres composants
cellulaires afin de transmettre et d’amplifier le signal. L’activité GTPasique intrin-
sèque de la sous-unité α entraîne l’hydrolyse du GTP en GDP, et permet ainsi
aux sous-unités α et βγ de se réassocier (Fig. 6.37). Puisque la cinétique d’hydro-
gène de l’IFN-β lyse intrinsèque du GTP par les sous-unités α est relativement lente, l’activité de
signalisation par les protéines G hétérotrimériques est régulée in vivo par une
famille de protéines activatrices de GTPase, dites RGS, qui accélèrent l’hydro-
lyse du GTP.
Les sous-unités des protéines G actives ont des cibles enzymatiques importantes :
l’adénylate cyclase, qui produit l’AMP cyclique comme messager secondaire ; la
phospholipase C, dont l’activation aboutit à la formation de l’IP3 et la libération
du Ca2+ ; des tyrosine kinases comme BTK et des régulateurs des protéines G de la
famille Ras. Ces messagers secondaires à leur tour activent diverses voies intracel-
lulaires qui modifient le métabolisme, la motilité, l’expression génique et la divi-
sion des cellules. Ainsi, l’activation des récepteurs couplés aux protéines G peut
aboutir à de multiples effets différents selon la nature précise du récepteur, des
protéines G qui interagissent avec lui et des diverses voies en aval qui sont activées
dans les différents types cellulaires.

Fig. 6.37 Les récepteurs à sept domaines transmembranaires le ligand se fixe au récepteur, celui-ci interagit avec le complexe de la
induisent une signalisation par couplage avec des protéines protéine G ce qui occasionne le remplacement du GDP par le GTP. Cela
hétérotrimériques liant le GTP. Les récepteurs à sept domaines déclenche la dissociation du complexe en deux parties, la sous-unité
transmembranaires, comme les récepteurs des chimiokines, induisent α et la sous-unité β / γ, les deux pouvant activer d’autres protéines à la
un signal par des protéines liant le GTP, appelées protéines G face interne de la membrane cellulaire. L’activation cesse quand l’activité
hétérotrimériques. À l’état inactif, la sous-unité α de la protéine G est GTPasique de la sous-unité α clive le GTP en GDP et permet aux sous-
liée au GDP et associée à deux autres sous-unités dites β et γ. Quand unités α et β / γ de se réassocier.

La signalisation par les récepteurs À l’état inactif, la protéine G est unie


de chimiokines est assurée par une La protéine G associée au GTP
au GDP. La liaison de la chimiokine à La sous-unité clive le GTP en GDP,
molécule de signalisation se dissocie en sous-unités 𝛂
son récepteur permet à la protéine G permettant aux sous-unités
intracellulaire appelée une protéine et 𝛃𝛄, qui peuvent activer
d’interagir avec le récepteur et au et 𝛃𝛄 de s’associer à nouveau
G hétérotrimérique d’autres protéines
GDP d’être remplacé par le GTP

chimiokine
récepteur de chimiokine

α β
γ
GDP GTP
protéine G hétérotrimérique
Autres récepteurs et voies de signalisation 253

Résumé.

De nombreux signaux différents conditionnent le comportement des lympho-


cytes, dont quelques-uns seulement sont transférés par le récepteur d’antigène.
Le développement des lymphocytes, leur activation et leur longévité sont clai-
rement influencés par le récepteur d’antigène, mais ces mécanismes sont aussi
régulés par d’autres signaux extracellulaires. Ces signaux sont transmis de diffé-
rentes façons. Une ancienne voie de signalisation, jouant un rôle dans la défense
de l’hôte, déclenche rapidement, à partir d’un récepteur à l’IL-1 ou de récep-
teurs de type Toll, la dégradation de la protéine inhibitrice IκB et la libération
du facteur de transcription NFκB, qui peut alors migrer dans le noyau et activer
la transcription de gènes particuliers, dont beaucoup sont impliqués dans l’im-
munité innée. La plupart des cytokines induisent une signalisation par une voie
qui relie les JAK kinases, associées au récepteur, aux protéines de transcription
STAT préformées qui, après phosphorylation, dimérisent par leurs domaines
SH2 et migrent dans le noyau. Les lymphocytes activés sont programmés pour
mourir quand leur récepteur Fas interagit avec son ligand. Il s’ensuit un signal
de mort qui active une cascade de protéases déclenchant l’apoptose. L’apoptose
des lymphocytes est inhibée par certains membres de la famille intracellu-
laire des Bcl-2 et favorisée par d’autres. Réaliser la description complète des
signaux propagés dans les lymphocytes quand ces cellules se développent, cir-
culent, répondent à l’antigène et meurent constitue un projet ambitieux mais
stimulant.

Résumé du Chapitre 6.

La signalisation par des récepteurs de surface cellulaire de nombreux types diffé-


rents est cruciale pour l’aptitude du système immunitaire à répondre de manière
appropriée aux pathogènes. L’importance de ces voies de signalisation est démon-
trée par les nombreuses maladies qui sont dues à une signalisation aberrante,
comme on l’observe dans des immunodéficiences ou dans des maladies auto-
immunes. Des caractéristiques communes aux nombreuses voies de signalisa-
tion sont, d’une part, la production de messagers secondaires comme le calcium
et les phospho-inositides et, d’autre part, l’activation des sérine / thréonine kinases
et des tyrosine kinases. Un concept important dans le déclenchement des voies de
signalisation par un récepteur protéique est le recrutement des protéines de signa-
lisation à la membrane plasmique et l’assemblage d’un complexe multiprotéique
de signalisation. Dans de nombreux cas, la transduction du signal aboutit à l’acti-
vation de facteurs de transcription qui conduisent, directement ou indirectement,
à la prolifération, à la différenciation et à la fonction effectrice des lymphocytes
activés. Un autre rôle de la transduction du signal est d’induire des modifications
du cytosquelette, importantes pour des fonctions cellulaires comme la migration
et les changements de forme.
Alors que nous commençons à comprendre les bases des réseaux formés par
les voies de signalisation, il importe de garder à l’esprit que nous ne compre-
nons pas encore pourquoi ces voies sont si complexes. Cette complexité pour-
rait expliquer des propriétés comme l’amplification, la robustesse, la diversité
et l’efficacité des réponses de signalisation. Un but important pour le futur sera
de comprendre comment le plan de chaque voie de signalisation contribue aux
qualités particulières et à la sensibilité nécessaires aux réponses spécifiques de
signalisation.
254 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

Questions.

6.1 Décrivez le rôle des phosphotyrosines dans la transduction du signal.

6.2 Décrivez les différents mécanismes servant au recrutement des molécules de


signalisation à la membrane plasmique.

6.3 Quels sont quelques-uns des avantages qu’offrent les complexes multiprotéiques
de signalisation pour la transduction du signal ?

6.4 Comment les protéines G sont-elle régulées ?

6.5 Décrivez comment la phospholipase C-γ est activée par la signalisation provenant du
récepteur de cellule T.

6.6 Décrivez trois voies différentes utilisées par les cellules du système immunitaire
pour activer NFκB.

6.7 Citez au moins trois différences entre les signalisations par les récepteurs des
cellules T et des cellules B.

6.8 Pourquoi, à votre avis, des membres de la famille de CD28 sont-ils des régulateurs
positifs et négatifs de l’activation des cellules T ?

6.9 Comparez les voies intrinsèque et extrinsèque de l’apoptose tout en soulignant les
différences.

6.10 Suggérez quelques raisons qui expliqueraient pourquoi les voies de signalisation sont
si compliquées.

Références générales. 6-3 L’activation de certains récepteurs génère de petites


molécules servant de messagers secondaires.
Alberts, B., Johnson, A., Lewis, J., Raff, M., Roberts, K. and Walter, P.: Molecular
Kresge, N., Simoni, R.D., and Hill, R.L.: Earl W. Sutherland’s discovery of cyclic
Biology of the Cell, 5th ed. New York: Garland Science, 2008.
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Gomperts, B., Kramer, I., Tatham, P.: Signal Transduction. San Diego: Elsevier, 2002.
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by tissue particles. J. Biol Chem. 1958, 232:1065–1076.
Références correspondant aux sections.
6-4 De petites protéines G agissent comme des commutateurs
moléculaires dans de nombreuses voies de signalisation.
6-1 Les récepteurs transmembranaires convertissent
les signaux extracellulaires en événements biochimiques Cantrell, D.A.: GTPases and T-cell activation. Immunol. Rev. 2003,
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6-5 Les protéines de signalisation sont recrutées
6-2 La transduction intracellulaire du signal passe souvent à la membrane par divers mécanismes.
par de grands complexes multiprotéiques.
Buday. L.: Membrane-targeting of signaling molecules by SH2 / SH3 domain-
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Autres récepteurs et voies de signalisation 255

Lemmon, M.A.: Phosphoinositide recognition domains. Traffic 2003, 6-11 Dans les cellules T, des ITAM complètement phosphorylés
4:201–213. lient la kinase ZAP-70 et permettent son activation.

6-6 Les protéines de transduction du signal sont organisées Chan, A.C., Dalton, M., Johnson, R., Kong, G.H., Wang, T., Thoma, R.,
dans la membrane plasmique en structures appelées and Kurosaki, T.: Activation of ZAP-70 kinase activity by phosphorylation of tyro-
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6-7 La dégradation protéique joue un rôle important dans l’arrêt 6-12 ZAP-70 activée phosphoryle des protéines échafaudage
des réactions de signalisation. qui exercent en aval de nombreux effets de la signalisation
du récepteur d’antigène.
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6-8 Les chaînes variables des récepteurs d’antigène
sont associées à des chaînes accessoires invariantes 6-13 La PLC-γ est activée par des tyrosine kinases Tec.
qui exercent la fonction de signalisation du récepteur. Berg, L.J., Finkelstein, L.D., Lucas, J.A., and Schwartzberg, P.L.: Tec family
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6-14 L’activation de la petite protéine G Ras active une cascade


6-9 Les lymphocytes sont extrêmement sensibles
MAP kinase, aboutissant à la production du facteur
à leur antigène spécifique.
de transcription AP-1.
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6-10 La liaison de l’antigène entraîne la phosphorylation des 6-16 Le facteur de transcription NFκB est activé par la protéine
séquences ITAM associées au récepteur d’antigène. kinase C.
Irving, B.A., and Weiss, A.: The cytoplasmic domain of the T cell receptor Matsumoto, R., Wang, D., Blonska, M., Li, H., Kobayashi, M., Pappu, B., Chen, Y.,
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256 Chapitre 6 : Signalisation par les récepteurs du système immunitaire

6-17 La signalisation des récepteurs des cellules B et T repose 6-23 Des récepteurs de cytokine sont associés à la famille de
sur des principes communs, mais quelques éléments tyrosine kinases JAK, qui activent les facteurs
sont propres aux cellules B. de transcription STAT.
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6-18 D’autres récepteurs leucocytaires qui interviennent Shuai, K., and Liu, B.: Regulation of JAK-STAT signalling in the immune sys-
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des protéases spécialisées intracellulaires appelées
6-19 La protéine de surface cellulaire CD28 est un récepteur caspases.
costimulateur de cellule T naïve.
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6-20 Des récepteurs inhibiteurs sur les lymphocytes contribuent 6-26 La voie intrinsèque de l’apoptose dépend de la libération
à réguler les réponses immunitaires. du cytochrome c des mitochondries.
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Ihle, J.N.: Cytokine receptor signalling. Nature 1995, 377:591–594.
257

Le développement et la survie
des lymphocytes 7
Comme les Chapitres 3 et 4 l’ont décrit, les récepteurs à l’antigène des lymphocytes B
et T possèdent des spécificités extrêmement diverses, ce qui permet à un individu de
répondre à la gamme étendue des pathogènes qu’il rencontrera au cours de sa vie. Ce
répertoire diversifié des récepteurs des cellules B et des cellules T est généré durant
leur développement à partir de leurs précurseurs respectifs. La lymphopoïèse, ou for-
mation de nouveaux lymphocytes, a lieu dans des tissus lymphoïdes spécialisés, les
tissus lymphoïdes centraux, la moelle osseuse pour les lymphocytes B et le thymus
pour les cellules T. Comme toutes les cellules hématopoïétiques, les précurseurs lym-
phocytaires proviennent de la moelle osseuse, mais tandis que le développement des
lymphocytes B s’y déroule presque complètement, les cellules T sont générées dans le
thymus à partir de cellules qui viennent de la moelle osseuse. Des cellules B trouvent
leur origine et se développent dans le foie fœtal et la rate néonatale. Certaines cellu-
les T qui forment des populations spécialisées dans l’épithélium intestinal peuvent
migrer comme précurseurs immatures à partir de la moelle osseuse pour se dévelop-
per dans des sites appelés « cryptoplaques » juste sous les cryptes épithéliales intesti-
nales. Ici, nous nous intéresserons surtout au développement des cellules B dérivées
de la moelle osseuse et des cellules T dérivées du thymus.
Chez le fœtus et le jeune, les tissus lymphoïdes centraux sont les sources d’un grand
nombre de nouveaux lymphocytes, qui migrent pour coloniser les tissus lymphoïdes
périphériques, c’est-à-dire les ganglions lymphatiques, la rate et les tissus lymphoï-
des des muqueuses. Chez les individus matures, le développement de nouvelles cel-
lules T dans le thymus ralentit, et le nombre de cellules T est maintenu par la longue
durée de vie individuelle des cellules T ainsi que par la division de cellules T matures
à l’extérieur des organes lymphoïdes centraux. De nouvelles cellules B, en revanche,
sont continuellement produites par la moelle osseuse, même chez les adultes.
Le chapitre 4 décrivait la structure des gènes du récepteur de l’antigène exprimés
par les cellules B et T, introduisait les mécanismes de contrôle des réarrangements
de l’ADN nécessaires pour assembler un récepteur d’antigène complet, et expli-
quait comment ces processus peuvent générer un répertoire des récepteurs de
l’antigène de grande diversité. Ce chapitre s’appuie sur cette base pour expliquer
comment les lymphocytes B et T se développent à partir d’un ancêtre commun à
travers une série d’étapes, et comment chacune de ces étapes teste le bon assem-
blage des récepteurs d’antigène.
Une fois qu’un récepteur de l’antigène a été formé, des tests rigoureux sont néces-
saires pour sélectionner les lymphocytes qui portent des récepteurs d’antigènes
utiles, c’est-à-dire des récepteurs d’antigènes capables de reconnaître les agents
258 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

pathogènes, mais qui ne réagissent pas contre les propres cellules de l’individu.
Étant donné l’incroyable diversité de récepteurs que le processus de réarrange-
ment peut générer, il est important que ces lymphocytes en voie de maturation
soient capables de reconnaître les antigènes étrangers et y répondre. En effet, une
personne ne peut exprimer au cours de sa vie qu’une petite fraction du répertoire
possible des récepteurs. Nous décrivons comment la spécificité et l’affinité du
récepteur pour des ligands du soi sont testées pour déterminer si les lymphocytes
immatures survivront et constitueront le répertoire mature, ou mourront.
La spécificité antigénique d’un lymphocyte donné est déterminée tôt au cours de
sa différenciation, quand les séquences d’ADN codant pour les régions variables
des immunoglobulines dans les cellules B, et des récepteurs T dans les cellules T,
sont assemblées à partir de segments de gènes, comme décrit dans le Chapitre 4. Ce
passage par un réarrangement génique explique que les premiers stades de déve-
loppement des cellules B et des cellules T suivent des lignes assez parallèles. Dans
les cellules B et T, cet aspect du développement est régulé de la même manière pour
qu’à la fois la diversité du répertoire de l’ensemble de la population des lympho-
cytes et la spécificité antigénique unique d’un lymphocyte donné soient assurées.
L’expression d’un récepteur d’antigène à la surface d’un lymphocyte marque un
grand tournant dans son développement, puisqu’il peut alors détecter les ligands
qui se lient à son récepteur. Dans la phase suivante du développement du lym-
phocyte, le récepteur est testé pour ses propriétés de reconnaissance antigénique
vis-à-vis des molécules présentes dans son environnement immédiat. La spécifi-
cité et l’affinité du récepteur pour ses ligands déterminent le destin du lymphocyte
immature : sélectionné, il survivra et se développera, sinon il mourra avant d’at-
teindre la maturité. En général, au cours de leur développement, les lymphocytes
dont les récepteurs interagissent faiblement avec les antigènes du soi ou les fixent
d’une façon particulière reçoivent un signal qui leur permet de survivre ; on parle
alors de sélection positive. Celle-ci est critique pour la différenciation des cellu-
les Tα:β, qui reconnaissent l’antigène sous forme de peptides fixés aux molécules
du CMH, ce qui garantit que les cellules T d’un individu seront aptes à répondre
aux peptides présentés par ses propres molécules du CMH.
À l’opposé, les lymphocytes dont les récepteurs se fixent fortement aux antigènes
du soi doivent être éliminés afin que ne surviennent pas des réactions auto-immu-
nes ; ce processus de sélection négative est une des voies par lesquelles le sys-
tème immunitaire est rendu tolérant au soi. En l’absence de toute stimulation des
récepteurs, la mort est le destin par défaut des lymphocytes en développement
et, comme nous le verrons, la grande majorité de ces lymphocytes meurent soit
avant d’émerger des organes lymphoïdes primaires, soit avant d’atteindre la matu-
rité dans les organes lymphoïdes périphériques.
Dans ce chapitre, nous décrirons les différentes étapes du développement des cel-
lules B et des cellules T chez la souris et chez l’homme à partir de la cellule souche
avant tout engagement jusqu’au lymphocyte mature spécialisé avec son récepteur
unique prêt à répondre à un antigène étranger. Les dernières étapes dans l’histoire
de la vie d’un lymphocyte mature, au cours desquelles une rencontre avec un anti-
gène étranger l’active pour qu’il devienne un lymphocyte effecteur ou mémoire,
sont décrites dans les Chapitres 8-10. Le présent chapitre est divisé en cinq parties.
Les deux premières décrivent respectivement le développement des cellules B et T.
Bien qu’il existe des similitudes dans ces deux processus, nous présentons les déve-
loppements des cellules B et T séparément dans la mesure où ils se déroulent dans
des compartiments lymphoïdes centraux séparés. Nous examinons ensuite les pro-
cessus de sélection positive et négative des cellules T dans le thymus. Puis, nous
décrirons le sort des lymphocytes nouvellement créés, lorsqu’ils quittent les orga-
nes lymphoïdes centraux et migrent vers les tissus lymphoïdes périphériques, où
leur maturation se poursuit. Les lymphocytes matures circulent continuellement
entre le sang et les tissus lymphoïdes périphériques (voir Chapitre 1) et, en l’absence
d’infection, leur nombre demeure relativement constant, en dépit de la production
continue de nouveaux lymphocytes. Nous présenterons les facteurs qui régissent
Développement des lymphocytes B 259

la survie des lymphocytes naïfs dans les organes lymphoïdes périphériques, et le


maintien de l’homéostasie lymphocytaire. Enfin, nous décrirons certaines tumeurs
lymphoïdes ; ce sont des cellules qui ont échappé aux contrôles normaux de la pro-
lifération cellulaire. Elles offrent de l’intérêt parce qu’elles illustrent des caractéristi-
ques des différents stades de développement des cellules B et des cellules T.

Développement des lymphocytes B. Fig. 7.1 Les cellules B se développent dans


la moelle osseuse et migrent dans les
organes lymphoïdes périphériques, où elles
peuvent être activées par des antigènes.
La Fig. 7.1 illustre les phases principales de la vie d’une cellule B, dont les stades de Dans la première phase de développement,
développement sont définis surtout par la progression de l’assemblage et de l’ex- les progéniteurs B réarrangent leurs gènes
pression des récepteurs d’antigène, ainsi que par l’apparition de marqueurs propres d’immunoglobulines. Cette phase est
aux différents types fonctionnels des cellules B et T. À chaque étape, le réarrange- indépendante de l’antigène, mais dépendante
des interactions avec les cellules stromales de
ment est suivi, et le mécanisme récurrent principal qui autorise la progression du la moelle (premiers panneaux). Elle se termine
développement est le succès du réarrangement génique conduisant à la production au stade de cellule B immature qui porte un
d’une chaîne protéique, qui sert alors de signal permettant à la cellule de passer au récepteur à l’antigène sous la forme d’une
IgM membranaire, et qui peut alors interagir
stade suivant. Nous verrons que, bien que la cellule B en développement dispose
avec des antigènes de son environnement.
de multiples options de réarrangements qui augmentent la probabilité d’expri- Les cellules B immatures qui, à ce stade, sont
mer un récepteur d’antigène fonctionnel, il existe des points de contrôle spécifi- fortement stimulées par l’antigène meurent
ques qui renforcent l’exigence que chaque cellule B n’exprime que des récepteurs ou sont inactivées dans un processus de
sélection négative, éliminant ainsi du répertoire
dotés d’une seule spécificité. Nous commencerons par examiner comment, dans la beaucoup de cellules B autoréactives
lignée B, les cellules reconnaissables le plus précocement se développent à partir (deuxièmes panneaux). Dans la troisième
de la cellule souche hématopoïétique pluripotente dans la moelle osseuse, et à quel phase de développement, les cellules B
point les lignées des cellules B et des cellules T se séparent. immatures survivantes arrivent en périphérie
et atteignent leur maturité en exprimant les IgD
en même temps que les IgM. Elles peuvent
alors être activées par la rencontre avec un
7-1 Les lymphocytes dérivent des cellules souches hématopoïétiques antigène étranger spécifique dans un organe
dans la moelle osseuse. lymphoïde secondaire (troisièmes panneaux).
Les cellules B activées prolifèrent, et se
différencient en plasmocytes secrétant des
Les cellules de la lignée lymphoïde, les cellules B, les cellules T et les cellules NK, anticorps et en cellules mémoire à longue vie
dérivent toutes de progéniteurs lymphoïdes communs, qui eux-mêmes dérivent de (quatrièmes panneaux).

Le précurseur des cellules B La cellule B immature fixée Les cellules B activées donnent
réarrange ses gènes à un antigène cellulaire du soi La cellule B mature fixée naissance à des plasmocytes
d’immunoglobulines est éliminée du répertoire à un antigène étranger est activée et à des cellules mémoire

plasmocyte

IgM

IgD
cellule mémoire
cellule stromale
de la moelle osseuse

Les cellules B migrent dans Sécrétion des anticorps


Génération des récepteurs Sélection négative et cellules mémoire dans la moelle
des cellules B dans la moelle osseuse dans la moelle osseuse les organes lymphoïdes périphériques osseuse et le tissu lymphoïde
260 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.2 Une cellule souche hématopoïétique naissance aux cellules NK et aux lymphocytes
Cellule
souche hématopoïétique (CSH) pluripotente génère toutes les T ou B, au long d’étapes successives de
cellules du système immunitaire. différenciation dans soit la moelle osseuse ou
Dans la moelle osseuse ou d’autres sites le thymus. Le progéniteur lymphoïde commun
hématopoïétiques, la cellule souche (PLC) est ainsi appelé parce qu’on pensait
pluripotente donne naissance à des cellules qu’il correspondait au stade qui génère à la
CSH dont le potentiel de différenciation est de plus fois les lignées des cellules B et des cellules T,
en plus un limité. Le progéniteur pluripotent mais même s’il peut donner naissance à des
(PPP), par exemple, a perdu ses propriétés de cellules T et cellules B en culture, il n’est pas
Progéniteur pluripotent cellule souche. La première branche conduit certain qu’il le fasse in vivo. Il y a peut-être
à des cellules avec le potentiel érythroïde et une souplesse considérable dans ces voies,
myéloïde d’une part (CFU-GEMM) et, d’autre en ce sens que, dans certaines circonstances,
part, au progéniteur lymphoïde précoce les cellules progénitrices peuvent changer
(PLP). Le premier donne naissance à tous les leur orientation. Par exemple, une cellule
PPP éléments cellulaires sanguins non lymphoïdes, progénitrice peut donner naissance à des
comprenant les monocytes et les granulocytes cellules B ou des macrophages ; cependant,
circulants ainsi que les macrophages et pour raison de simplicité, ces autres voies ne
les cellules dendritiques qui résident dans sont pas montrées. On pense que certaines
Progéniteur commun Progéniteur les tissus et dans les organes lymphoïdes cellules dendritiques proviendraient également
des granulocytes, lymphoïde secondaires (non montré). Le PLP peut donner de progéniteurs lymphoïdes.
mégacaryocytes précoce
et érythrocytes

cellules souches hématopoïétiques pluripotentes qui donnent naissance à toutes les


cellules sanguines (voir Fig. 1.3). Le développement à partir des cellules souches en
CFU-GEMM PLP
cellules engagées dans la voie des cellules B ou cellules T obéit à certains principes de
base de la différenciation cellulaire. Des propriétés essentielles pour la fonction de la
cellule mature sont acquises progressivement, avec la perte simultanée des proprié-
tés les plus caractéristiques de la cellule immature. Dans le cas du développement
Développement Progéniteur Précurseur des lymphocytes, des cellules s’engagent d’abord dans la lignée lymphoïde, distincte
en cellules sanguines lymphoïde précoce
matures commun de la lignée T de la myéloïde, puis soit dans les lignées de cellules B ou de cellules T (figure 7.2).
Le microenvironnement spécialisé de la moelle osseuse fournit des signaux pour
le développement des progéniteurs des lymphocytes à partir de cellules sou-
PLC PPT
ches hématopoïétiques et pour la différenciation subséquente des cellules B. Ces
signaux agissent sur les lymphocytes en développement pour allumer les princi-
paux gènes qui dirigent le programme de développement. Dans la moelle osseuse,
les signaux externes proviennent du réseau de cellules stromales spécialisées,
Cellule Cellule Thymocyte non lymphoïdes, qui font partie du tissu connectif et qui interagissent étroitement
pré-NK pré-B
avec les lymphocytes en développement. La contribution des cellules stromales
est double. Tout d’abord, elles établissent des contacts avec les lymphocytes en
développement par des interactions entre molécules d’adhérence intercellulaire.
Deuxièmement, elles produisent des cytokines et chimiokines solubles et mem-
branaires qui contrôlent la différenciation et la prolifération lymphocytaires.

Cellules NK Cellule B Cellule T


De nombreux facteurs sécrétés par la moelle osseuse jouent un rôle dans le dévelop-
pement de la cellule B (Fig. 7.3). Les cellules souches hématopoïétiques se différen-
cient d’abord en cellules progénitrices pluripotentes (CPP), qui peuvent produire
des cellules lymphoïdes et myéloïdes, mais qui ne sont plus des cellules souches
capables de se renouveler. Les progéniteurs pluripotents expriment à leur surface
un récepteur tyrosine kinase appelé FLT3 (initialement appelé STem-cell Kinase 1
(STK1) chez l’homme et Flt3  /  Flk2 chez la souris) qui se lie à son ligand membranaire
présent sur les cellules stromales. La signalisation par la voie de FLT3 est nécessaire
pour le stade de différenciation suivant, le progéniteur lymphoïde commun (PLC).
Cette étape est dite du progéniteur lymphoïde commun parce que, dans le passé, on
pensait qu’il était le stade qui donnait naissance à la fois aux lignées de cellules B et
de cellules T. Même si elles peuvent donner naissance, en culture, à des cellules T et
cellules B, on ignore encore si les progéniteurs lymphoïdes communs le font in vivo.
Un stade précurseur a été identifié, appelé progéniteur lymphoïde précoce (PLP) ;
il donne naissance aux précurseurs des cellules T qui migrent de la moelle osseuse
vers le thymus ainsi qu’au progéniteur lymphoïde commun (voir Fig. 7.2).
La différenciation lymphocytaire est accompagnée par l’expression du récepteur
de l’IL-7, qui est induite par le signal venant de FLT3 et par l’activité du facteur de
transcription PU.1. La cytokine IL-7, sécrétée par les cellules stromales, est essen-
tielle pour la croissance et la survie des cellules B en développement chez la souris
Développement des lymphocytes B 261

Cellule progénitrice Progéniteur


Cellule pro-B précoce Cellule pro-B tardive Cellule pré-B Cellule pré-B immature
pluripotente lymphoïde commun

Récepteur
de l’IL-7

FLT3
ligand de FLT3 CAM lgM
IL-7
CAM VLA-4 Kit
VCAM-1 SCF

CXCL12 cellule stromale


de moelle osseuse

Fig. 7.3 Les stades précoces du développement des cellules B stromales est requise pour le développement de la lignée des cellules B.
dépendent des cellules stromales de la moelle osseuse. L’interaction La chimiokine CXCL12 (SDF-1) intervient pour retenir les cellules
entre les progéniteurs des cellules B et les cellules stromales sont souches et les progéniteurs lymphoïdes auprès des cellules stromales
nécessaires au développement vers le stade de cellule B immature. Les appropriées dans la moelle osseuse. Les cellules progénitrices se
appellations, cellule pro-B et cellule pré-B, se réfèrent à des phases lient par l’intégrine VLA-4 à la molécule d’adhérence VCAM-1 sur les
définies du développement des cellules B, comme décrit dans la Fig. 7.6. cellules stromales et interagissent avec celles-ci par d’autres molécules
Les cellules progénitrices pluripotentes expriment le récepteur tyrosine d’adhérence cellulaires (CAM, Cell-Adhesion Molecule). L’adhérence
kinase FLT3, qui se fixe à son ligand sur les cellules stromales. La favorise la liaison du récepteur tyrosine kinase Kit (CD117) à la surface
signalisation par FLT3 est requise pour la différenciation au stade suivant, de la cellule pro-B au facteur de cellule souche (SCF, Stem Cell Factor)
le progéniteur lymphoïde commun. Le récepteur de l’interleukine-7 sur la cellule stromale, qui active la kinase et induit la prolifération des
(IL-7) est présent à partir de ce stade, et l’IL-7 produite par les cellules progéniteurs des cellules B.

(peut-être pas chez l’homme) et des cellules T chez la souris et chez l’homme. Un
autre agent essentiel est le facteur des cellules souches ou SCF (Stem Cell Factor),
une cytokine membranaire présente sur les cellules stromales et qui stimule la
croissance des cellules souches hématopoïétiques et des progéniteurs les plus
précoces de la lignée B. SCF interagit avec le récepteur tyrosine kinase Kit sur les
précurseurs (voir Fig.  7.3). La chimiokine CXCL12 (SDF-1, Stromal cell-Derived
Factor 1) est aussi essentielle pour les stades précoces du développement des cel-
lules B. Elle est produite constitutivement par les cellules stromales, et l’un de ses
rôles est peut être de retenir les précurseurs des cellules B dans le micro-environ-
nement de la moelle. La lymphopoïétine dérivée du stroma thymique ou TSLP
(Thymic Stroma-derived Lymphopoietin) ressemble à l’IL-7 et se lie à un récepteur
partageant la chaîne γ commune du récepteur de l’IL-7. La TSLP peut favoriser le
développement des cellules B dans le foie embryonnaire et, au moins durant la
période périnatale, dans la moelle osseuse de la souris.
Le progéniteur lymphoïde commun donne naissance à la cellule la plus précoce
de lignée B, la cellule pro-B (voir Fig.  7.3), dans laquelle le réarrangement des
gènes d’immunoglobulines commence. Le sort définitif de cellule  B est spécifié
par l’induction du facteur des cellules B précoces ou EBF (Early B-cell Factor) et
E2A, un facteur de transcription spécifique de la lignée B, présent sous deux for-
mes provenant d’un épissage alternatif et appelées E12 et E47, (Fig. 7.4). On pense
que le signal transmis par l’IL-7 favorise l’expression d’E2A, qui coopère avec le
facteur de transcription PU.1 pour induire l’expression de EBF. Ensemble, E2A et
EBF dirigent l’expression des protéines qui caractérisent la cellule pro-B.
En même temps que les cellules de la lignée B arrivent à maturité, elles se dépla-
cent à l’intérieur de la moelle, restant en contact avec les cellules stromales. Les
cellules souches sont concentrées dans une région appelée l’endoste, adjacente à
la surface interne de l’os. Les cellules de la lignée B en développement entrent en
contact avec les cellules stromales réticulaires dans les espaces trabéculaires et, au
cours de leur maturation, elles migrent vers le sinus central de la cavité médullaire.
Les phases finales du développement des cellules B immatures en cellules B matu-
res se déroulent dans les organes lymphoïdes périphériques comme la rate.
262 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Progéniteur pluripotent Progéniteur lymphoïde commun Cellule propre à la lignée B Cellule pro-B

BLNK
FLT3 IL-7R CD19 Igα

Pax-5
PU.1 Ikaros
PU.1 E2A PU.1 EBF

E2A EBF

Fig. 7.4 Les stades précoces du 7-2 Le développement des cellules B commence par le réarrangement
développement de la cellule B chez la
souris sont gérés par des réseaux de du locus de la chaîne lourde.
régulation génique faits de facteurs de
transcription et de récepteurs de facteur de La cellule B se développe en passant par les stades suivants : la cellule pro-B précoce,
croissance. Les facteurs de transcription PU.1
et Ikaros exprimés dans la cellule progénitrice la cellule pro-B tardive, la grande cellule pré-B, la petite cellule pré-B et la cellule B
pluripotente favorisent l’expression de FLT3, mature (Fig. 7.5). Un seul locus est réarrangé à la fois, selon une séquence fixe. Les cel-
qui interagit avec un ligand exprimé sur les lules B et les cellules T réarrangent d’abord le locus qui contient les segments géniques
cellules stromales de la moelle osseuse (voir D ; pour les lymphocytes B, il s’agit du locus de la chaîne lourde d’immunoglobuline
Fig. 7.3). La signalisation de FLT3 agit de
concert avec PU.1 pour induire l’expression (IgH). Comme indiqué dans la Fig. 7.5, l’expression fonctionnelle d’une chaîne lourde
du récepteur de l’IL-7. L’IL-7, sécrétée par permet la formation du récepteur de la cellule pré-B, qui est le signal pour la cellule
les cellules stromales, est nécessaire à la de passer au stade suivant, le réarrangement du gène d’une chaîne légère. Les facteurs
croissance et à la survie des cellules B en
de transcription E2A et EBF dans la cellule pro-B précoce induisent l’expression de plu-
développement, chez la souris ; elle induit E2A
dans le progéniteur lymphoïde commun. Avec sieurs protéines importantes qui permettent le réarrangement génique, entre autres les
PU.1 et E2A, l’IL-7 induit ensuite l’expression composantes RAG-1 et RAG-2 de la V(D)J recombinase (voir Chapitre 4). Ainsi, E2A et
de EBF, qui identifie clairement les cellules de EBF permettent le début de la recombination V(D)J au locus de la chaîne lourde et donc
la lignée B, puis Pax-5, qui dirige l’expression,
par les cellules pro-B, de protéines spécifiques
l’expression d’une chaîne lourde. En absence d’EBF ou d’E2A, même l’étape la plus pré-
de la cellule B comme CD19, le composant coce dans le développement de la cellule B, la jonction de D à JH, ne peut se faire.
du corécepteur des cellules B, la protéine
de signalisation Igα, et BLNK, une protéine Une autre protéine clé induite par E2A et EBF est le facteur de transcription Pax-
adaptatrice (voir chapitre 6). 5, une isoforme de la protéine activatrice spécifique des cellules B, BSAP (B-cell-
Specific Activator Protein). Parmi les cibles de Pax-5, on trouve le gène de CD19,
un composant du corécepteur de la cellule  B, et le gène de Igα, un élément de
signalisation du récepteur de la cellule pré-B et du récepteur de la cellule B (voir
la Section 6.8 ). En l’absence de Pax-5, les cellules pro-B ne parviennent pas à se
développer davantage, mais elles peuvent être orientées vers la lignée T et la lignée
myéloïde, ce qui indique que Pax-5 est requis pour l’engagement de la cellule pro-B
dans la lignée des cellules  B. Pax-5 induit également l’expression de la protéine
adaptatrice, BLNK (B-Linker protein), une molécule de signalisation nécessaire à
la poursuite du développement de la cellule pro-B et à la signalisation provenant
du récepteur d’antigène des cellules B matures (voir la Section 6.17). La Fig. 7.6
décrit l’expression temporelle de certaines protéines de surface, de récepteurs et
de facteurs de transcription nécessaires au développement de la cellule B.
Bien que le système de la V(D)J recombinase fonctionne dans les lignées de cellules B
et T et utilisent la même base d’enzymes, des réarrangements des gènes de récepteur
de cellules T ne se produisent pas dans la lignée de cellules B, ni des réarrangements
complets de gènes d’immunoglobulines ne se produisent dans les cellules T. Les évé-
nements ordonnés de réarrangement qui se produisent sont associés à une faible trans-
cription des segments géniques propres à chaque lignée et sur le point d’être joints.
Le réarrangement du locus de la chaîne lourde d’immunoglobuline commence
dans les cellules pro-B précoces avec la jonction de D et de JH (Fig.  7.7). Ce qui
Développement des lymphocytes B 263

Cellule souche Cellule pro-B précoce Cellule pro-B tardive Grande cellule pré-B Petite cellule pré-B Cellule B immature Cellule B mature

récepteur lgM lgD lgM


pré-B

Gènes Configuration Réarrangement Réarrangement VDJ VDJ VDJ VDJ


de chaîne H germinale D-J V-DJ réarrangé réarrangé réarrangé réarrangé

Gènes Configuration Configuration Configuration Configuration Réarrangement VJ réarrangé VJ réarrangé


de chaîne L germinale germinale germinale germinale V-J
Chaîne μ transitoirement
IgM IgD et IgM
à la surface participant
Chaîne µ exprimée synthétisées à partir
Ig de surface Absente Absente Absente au récepteur pré-B.
intracellulaire à la surface de transcrits épissés
Principalement
alternativement
intracellulaire

se produit généralement pour les deux allèles du locus de la chaîne lourde ; à ce Fig. 7.5 Le développement des
cellules de la lignée B passe par
moment, la cellule devient une cellule pro-B tardive. La plupart des jonctions D à
différents stades marqués par le
JH chez l’homme sont potentiellement utiles car la plupart des segments géniques réarrangement et l’expression des gènes
D humains peuvent être traduits dans les trois cadres de lecture sans rencontrer d’immunoglobulines. La cellule souche
de codon stop. Ainsi, il ne faut pas de mécanisme spécial pour distinguer les jonc- n’a pas encore commencé à réarranger ses
segments de gènes d’immunoglobulines
tions D à JH réussies, et à ce stade précoce, il n’est pas nécessaire d’assurer qu’un (Ig) ; ils sont dans la configuration germinale
seul allèle soit réarrangé. En effet, étant donné le risque probable d’échec aux sta- comme ils le sont dans toutes les cellules
des ultérieurs, commencer avec deux séquences D-J réussies est avantageux. non lymphoïdes. Le locus de chaîne
lourde (chaîne H) se réarrange d’abord. Le
Afin de produire une chaîne lourde complète, la cellule pro-B tardive procède à un réarrangement d’un segment de gène D avec
second réarrangement, la jonction d’un segment génique VH à une séquence DJH. Au un segment de gène JH se produit tôt dans les
cellules pro-B, aboutissant aux cellules pro-B
contraire du réarrangement de D à JH, le réarrangement VH à DJH a lieu d’abord sur
tardives, dans lesquelles le réarrangement
un seul chromosome. Un réarrangement réussi conduit à la production de chaînes VH avec DJH se produit. Un réarrangement
lourdes intactes, après quoi le réarrangement VH à DJH cesse et la cellule devient pré- correct VDJH conduit à l’expression d’une
B. Les cellules pro-B qui ne produisent pas une chaîne µ sont éliminées, et au moins chaîne lourde complète d’immunoglobuline
faisant partie du récepteur pré-B, qui se
45 % des cellules pro-B sont perdues à ce stade. Dans au moins deux cas sur trois, le trouve principalement dans le cytoplasme et
premier réarrangement VH à DJH est non productif, et le réarrangement a lieu alors dans une moindre mesure à la surface de la
sur l’autre chromosome, à nouveau avec un risque théorique d’échec de deux sur cellule. Ensuite, la cellule est stimulée pour
trois. Une estimation grossière de la chance de générer une cellule pré-B est donc de devenir une grande cellule pré-B, qui se divise
activement. Les grandes cellules pré-B cessent
55 % (1  /  3 + (2  /  3 × 1  /  3) = 0,55). La fréquence réelle est quelque peu inférieure car le alors de se diviser et deviennent de petites
répertoire des segments géniques V contient des pseudogènes qui peuvent partici- cellules pré-B quiescentes, à partir desquelles
per au réarrangement alors qu’ils ont des déficiences qui préviennent l’expression cesse l’expression des chaînes légères
d’une protéine fonctionnelle. Un réarrangement initial non productif ne signifie pas substitutives et apparaît la chaîne lourde µ
seule dans le cytoplasme. Quand les cellules
l’échec immédiat du développement de la cellule pro-B car il est possible pour la redeviennent petites, elles réexpriment les
plupart des locus de subir des réarrangements successifs sur le même chromosome, protéines RAG et commencent à réarranger
et si cela échoue, un réarrangement du locus sur l’autre chromosome sera tenté. les gènes de chaînes légères (chaîne L).
Quand elles ont assemblé correctement un
La diversité du répertoire des récepteurs d’antigène de la cellule  B est amplifiée gène de chaîne légère, elles deviennent
à ce stade par la désoxynucléotidyl transférase terminale (TdT). Cette enzyme des cellules B immatures qui expriment une
IgM complète à la membrane. Les cellules B
est exprimée par la cellule pro-B et ajoute des nucléotides en absence de matrice matures produisent une chaîne lourde δ en
d’ADN (N-nucléotides) à la jonction entre les segments géniques réarrangés (voir même temps qu’une chaîne lourde µ, par un
la Section 4-8). Chez les humains adultes, elle est exprimée dans les cellules pro-B mécanisme d’épissage alternatif, et expriment
en plus une IgD à la surface de la cellule.
durant le réarrangement du gène de la chaîne lourde, mais son expression décline
au stade de cellule pré-B durant le réarrangement du gène de la chaîne légère. Ce
qui explique pourquoi les N-nucléotides se trouvent dans les jonctions V-D et D-J
de presque tous les gènes de chaînes lourdes, mais seulement dans environ un
quart des jonctions de chaînes légères humaines. Les N-nucléotides sont rares dans
les jonctions V-J de la chaîne légère de la souris, ce qui indique que la TdT entre en
fonction un peu plus tôt au cours du développement des cellules B de souris. Au
cours du développement fœtal, lorsque le système immunitaire périphérique com-
mence à être fourni en lymphocytes T et B, la TdT n’est pas exprimée ou l’est peu.
264 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.6 Expression de protéines de


Cellule Cellule Grande Petite
surface, de récepteurs et de facteurs de Cellule Cellule B Cellule B
pro-B pro-B cellule cellule
transcription au cours du développement souche immature mature
précoce tardive pré-B pré-B
de la cellule B. Les stades de développement récepteur
de la cellule B correspondant à ceux qui sont pré-B
lgM lgM lgD
montrés dans la Fig. 7.5 sont repris en haut
de la figure. Le récepteur FLT3 est exprimé
sur les cellules souches hématopoïétiques et
sur le progéniteur lymphoïde commun. Les
Protéine Fonction
marqueurs de surface les plus précoces de prolifération
la lignée B sont CD19 et CD45R (B220 chez
la souris). Leur expression se poursuit tout FLT3 Signalisation
au long du développement de la cellule B.
Une cellule pro-B se distingue aussi par
Kit
l’expression de CD43 (un marqueur de fonction
inconnue), de Kit (CD117) et du récepteur à Récepteur Récepteur
l’IL-7. Une cellule pro-B tardive commence de l’IL7 de facteur
à exprimer CD24 (un marqueur de fonction de croissance
CD25
inconnue) et CD25, le récepteur de l’IL-2. Une (récepteur à l’IL-2)
cellule pré-B se distingue phénotypiquement
par l’expression de l’enzyme BP-1, tandis CD19
Transduction
que Kit et le récepteur de l’IL-7 ne sont
CD45R du signal
plus exprimés. Les activités des facteurs de
transcription dans le développement des (B220)
cellules B sont décrites dans le texte, sauf
CD43
celles du facteur de transcription, Oct-2, qui
Inconnue
se lie à l’octamère ATGCAAAT présent entre
autres dans le promoteur de la chaîne lourde. CD24

BP-1 Aminopeptidase

Ikaros

Oct-2
Facteurs
E2A & de transcription
EBF
Pax-5/
BSAP

7-3 Le récepteur de la cellule pré-B témoigne de la production réussie


d’une chaîne lourde complète et donne le signal de prolifération
aux cellules pro-B.
Le caractère imprécis de la recombinaison V(D)J est une lame à double tranchant.
Même si elle produit une plus grande diversité dans le répertoire des anticorps,
elle aboutit aussi à des remaniements infructueux. Les cellules pro-B doivent
donc vérifier qu’une chaîne lourde fonctionnelle a été produite. Ils le font en inté-
grant la chaîne lourde dans un récepteur qui peut signaler le succès de sa produc-
tion. Ce test, cependant, a lieu en l’absence de chaînes légères, dont le locus n’est
pas encore réarrangé. Au lieu de cela, les cellules pro-B produisent deux protéi-
nes invariantes « substitutives » qui ont une ressemblance structurelle avec une
chaîne légère et qui peuvent s’apparier avec la chaîne µ pour former le récepteur
de la cellule pré-B (pré-BCR) (voir Fig. 7.7). Le pré-BCR signale à la cellule pro-B
qu’un réarrangement productif a eu lieu.
Les chaînes substitutives sont codées par des gènes non réarrangés distincts des
locus du récepteur d’antigène, leur expression étant induite par les facteurs de trans-
cription E2A et EBF. L’une est appelée λ5 en raison de sa ressemblance étroite avec
le domaine C d’une chaîne légère ; l’autre, appelée VpréB, ressemble au domaine V
d’une chaîne légère, mais a une région supplémentaire à son extrémité aminotermi-
nale. D’autres protéines exprimées par la cellule pré-B sont également nécessaires
pour la formation d’un récepteur fonctionnel et sont essentielles au développe-
ment des cellules B. Les protéines invariantes Igα (CD79a) et Igβ (CD79b) sont deux
composants du complexe constituant le récepteur de la cellule pré-B et de la cel-
lule B. Igα et Igβ transmettent les signaux de ces récepteurs par interaction de leur
queue cytoplasmique avec des tyrosine kinases intracellulaires (voir la Section 6-8).
Développement des lymphocytes B 265

Fig. 7.7 Un gène d’immunoglobuline


Gènes Protéines Cellules réarrangé de façon productive est exprimé
immédiatement sous forme de protéine
par la cellule B en développement. Dans
Cellule pro-B précoce les cellules pro-B précoces, le réarrangement
des gènes de chaîne lourde n’est pas complet
et aucune protéine µ fonctionnelle n’est
VH DJH Cμ exprimée, bien que la transcription ait lieu
(flèche rouge). Aussitôt que les segments
géniques de chaîne lourde ont été réarrangés
Pas de protéine fonctionnelle exprimée de manière productive, les cellules expriment
VL JL CL les chaînes µ sous forme de complexes avec
deux autres chaînes, λ5 et VpréB, qui forment
ensemble une chaîne légère substitutive. Le
complexe semblable à une immunoglobuline
Réarrangement VH−DJH est appelé récepteur de la cellule pré-B
(deuxième panneau). Il est aussi associé
dans la cellule à deux autres chaînes de
protéines, Igα (CD79α) et Igβ (CD79β). Ces
Grande cellule pré-B chaînes associées signalent à la cellule B
d’arrêter le réarrangement des gènes de
récepteur pré-B chaînes lourdes et elles la conduisent, en
VDJH Cμ VH Cμ induisant sa prolifération, au stade de grande
cellule pré-B. La descendance des grandes
cellules pré-B arrête de se diviser et devient
de petites cellules pré-B, dans lesquelles les
VL JL CL
Igβ Igα réarrangements des gènes de chaînes légères
VpréB λ5 commencent. Les réarrangements corrects
chaîne légère substitutive des segments géniques de chaînes légères
aboutissent à la production d’une chaîne
Arrêt du réarrangement des gènes de chaîne lourde ; progression vers le réarrangement des gènes de chaîne légère légère qui se lie à la chaîne µ pour former une
molécule complète d’IgM, qui est exprimée
avec Igα et Igβ à la surface cellulaire, comme
il est montré dans le troisième panneau. La
Cellule B immature signalisation par ces molécules d’IgM de
surface déclenche, pense-t-on, l’arrêt du
IgM réarrangement des gènes de chaîne légère.
VDJH Cμ VH Cμ

VJL CL
Igβ Igα
VL CL

Arrêt du réarrangement des gènes de chaîne légère

Cellule B mature

Les protéines Igα et Igβ sont exprimées à partir du stade pro-B jusqu’à la mort de la
cellule ou sa différenciation terminale en plasmocyte sécréteur d’anticorps.
La formation du pré-BCR est un important point de contrôle dans le développement
des cellules B ; elle assure la transition entre les cellules pro-B et pré-B. Chez les souris
dépourvues de λ5 ou dont les gènes de chaîne lourde sont mutés et ne peuvent produire
le domaine transmembranaire, le pré-BCR ne peut être formé et le développement de
la cellule B est bloqué après le réarrangement du gène de la chaîne lourde. Le complexe
pré-BCR est exprimé transitoirement, peut-être parce que la production de l’ARNm de
λ5 s’arrête dès que le pré-BCR commence à se former. Le pré-BCR est exprimé en fai-
ble quantité à la surface des cellules pré-B, mais on ignore s’il interagit avec un ligand.
Quel que soit le mécanisme précis de l’activation de la signalisation passant par le pré-
BCR, l’expression du récepteur arrête le réarrangement du locus de la chaîne lourde et
induit la prolifération des cellules pro-B, ce qui aboutit à la transition vers la grande cel-
lule pré-B, qui commencera alors le réarrangement du locus de la chaîne légère.
La signalisation par le pré-BCR requiert la molécule de signalisation BLNK et impli-
que également la tyrosine kinase de Bruton (Btk, Bruton’s tyrosine kinase), une tyro-
sine kinase intracellulaire de la famille Tec (voir la Section 6-13). Chez l’homme et la
266 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

souris, une déficience de BLNK conduit à un blocage du développement de la cel-


lule B au stade pro-B. Chez l’homme, des mutations dans le gène Btk cause un défi-
cit immunitaireprofond touchant spécifiquement la lignée B, l’agammaglobulinémie
Agammaglobulinémie liée à l’X liée à l’X ou de Bruton (XLA, X-Linked Agammaglobulinemia), dans laquelle aucune
cellule B mature n’est produite. Chez l’homme, le blocage du développement des
cellules B causé par des mutations au locus XLA est presque total, interrompant la
transition de la cellule pré-B à la cellule B immature. Un déficit semblable, quoique
moins grave, appelé immunodéficience liée à l’X ou xid (X-linked immunodefi-
ciency) résulte de mutations dans le gène correspondant chez la souris.

7-4 La signalisation par le récepteur de la cellule pré-B inhibe


la poursuite du réarrangement du locus de la chaîne lourde
et impose une exclusion allélique.

Si les réarrangements des deux allèles de chaîne lourde réussissaient, une cellule B
pourrait produire deux récepteurs de spécificité antigénique différente. Pour évi-
ter cela, la signalisation par le pré-BCR impose une exclusion allélique, proces-
sus par lequel un seul des deux allèles d’un gène est exprimé dans une cellule
diploïde. L’exclusion allélique, qui s’applique à la fois au locus de la chaîne lourde
et aux locus des chaînes légères, a été découverte, il y a plus de 30 ans et a fourni un
des premiers arguments expérimentaux à l’appui de la théorie qu’un lymphocyte
ne peut exprimer qu’un seul type de récepteur d’antigène (Fig. 7.8).
La signalisation à partir du pré-BCR favorise l’exclusion allélique pour la chaîne
lourde de trois façons. Tout d’abord, elle réduit l’activité de la V(D)J recombinase
par la réduction directe de l’expression de RAG-1 et RAG-2. Deuxièmement, lors-
que la cellule pro-B entre en phase S (phase de synthèse d’ADN) du cycle cellu-
laire, RAG-2 est phosphorylé, ce qui en fait une cible pour la dégradation protéique.
Enfin, la signalisation du pré-BCR réduit l’accès de la recombinase au locus de la
chaîne lourde, mais les détails précis de ce processus ne sont pas connus. À un
stade ultérieur du développement de la cellule B, les protéines RAG seront de nou-
veau exprimées pour mener à bien le réarrangement du locus de la chaîne légère,
Igh a/a Igh b/b mais à ce point, le locus de la chaîne lourde ne fait plus l’objet d’un réarrange-
ment. En l’absence de signalisation du pré-BCR, l’exclusion allélique du locus de
la chaîne lourde ne se produit pas. Par exemple, chez des souris dépourvues de λ5,
chez qui le pré-BCR n’est pas formé et le signal d’arrêt du réarrangement de VH à
DJH n’est pas transmis, les réarrangements des gènes de la chaîne lourde s’effec-
tuent sur les deux chromosomes dans tous les précurseurs des cellules B, en sorte
qu’environ 10 % des cellules ont deux réarrangements VDJH productifs.

7-5 Les cellules pré-B réarrangent le locus des chaînes légères


et expriment des immunoglobulines de surface.

La transition du stade cellule pro-B au stade de grande cellule pré-B comporte


plusieurs cycles de division cellulaire, amplifiant de 30 à 60 fois la population de
Igh a/b

Fig. 7.8 Exclusion allélique dans chaque animal hétérozygote (Igha  /  b), qui porte l’allèle
cellule B. La plupart des espèces ont des a sur un de ses chromosomes et l’allèle b sur
polymorphismes génétiques des régions l’autre, les cellules B individuelles porteront
constantes de leurs gènes de chaînes lourdes soit une immunoglobuline de type a, soit
et légères ; ils sont appelés allotypes (voir une immunoglobuline de type b, mais pas
Appendice I, Section A-10). Chez les lapins, par les deux. Cette exclusion allélique reflète le
exemple, toutes les cellules B chez un individu réarrangement productif d’un seul des deux
homozygote pour l’allèle a du locus de chaîne allèles Igh parentaux. En effet, la production
lourde d’immunoglobuline (Igha  /  a) exprimeront d’une chaîne lourde d’immunoglobuline
une immunoglobuline de l’allotype a, tandis correctement réarrrangée forme un récepteur
que chez un individu homozygote pour l’allèle de cellule pré-B, qui transmet un signal qui
b (Ighb  /  b), toutes les cellules B produisent bloque le réarrangement d’autres gènes de
une immunoglobuline d’allotype b. Chez un chaîne lourde.
Développement des lymphocytes B 267

Fig. 7.9 Les réarrangements des gènes de


Des réarrangements répétés sont possibles aux locus des chaînes légères chaînes légères non productifs peuvent
être sauvés par des réarrangements
géniques ultérieurs. L’organisation des locus
Vκn Vκ2 Vκ1 Jκ1–5 Cκ de la chaîne légère chez la souris et chez
l’homme offre beaucoup d’opportunités pour
sauver les cellules pré-B qui font d’abord un
réarrangement déphasé de gènes de chaîne
légère. Le sauvetage de la chaîne légère est
Première recombinaison VJ illustré pour le locus humain κ. Si le premier
réarrangement est non productif, un segment
Vκn Vκ2 Vκ1 Jκ Jκ Jκ Jκ Cκ de gène Vκ en 5´ peut se recombiner avec
un segment de gène Jκ en 3´ pour éliminer
la jonction de déphasage et la remplacer. En
principe, cela peut se produire jusqu’à cinq
Jonction non productive fois sur chaque chromosome parce qu’il y
a cinq segments de gènes Jκ fonctionnels
Deuxième recombinaison VJ chez l’homme. Si tous les réarrangements
de gènes de chaîne κ ne produisent aucune
Vκn Vκ2 Jκ Jκ Cκ jonction productive de chaîne légère, les
réarrangements de gènes de chaîne légère λ
peuvent réussir (voir Fig. 7.11).

Jonction non productive

Troisième recombinaison VJ
Vκn Jκ Cκ

cellules pourvues de jonctions en phase, avant qu’elles ne deviennent de peti-


tes cellules pré-B. Une grande cellule pré-B avec un gène particulier réarrangé de
chaîne lourde donne donc naissance à de nombreuses petites cellules pré-B, qui
se mettent à exprimer de nouveau les protéines RAG ; c’est alors que le réarrange-
ment du locus de la chaîne légère commence. Chacune de ces cellules peut pro-
duire un gène de chaîne légère différent ; ainsi, une seule cellule pré-B génère une
descendance comportant de nombreuses spécificités antigéniques différentes, ce
qui contribue fortement à la diversité générale des récepteurs des cellules B.
Le réarrangement du locus des chaînes légères est soumis aussi à l’exclusion alléli-
que. Les réarrangements au locus des chaînes légères ne concernent généralement
qu’un seul allèle à la fois. Les locus de chaîne légère sont dépourvus de segments D
et le réarrangement se produit par jonction de J avec un V, et si un réarrangement
VJ ne parvient pas à produire une chaîne légère fonctionnelle, des réarrangements
répétés de segments géniques V et J non utilisés au même allèle peuvent se pro-
duire (Fig. 7.9 ). Plusieurs réarrangements productifs d’un gène de chaîne légère
peuvent donc être tentés sur un chromosome avant qu’un réarrangement sur le
deuxième chromosome ne commence. Cela accroît les chances de générer fina-
lement une chaîne légère intacte, d’autant plus qu’il existe deux locus de chaîne
légère. En conséquence, bon nombre de cellules qui atteignent le stade de cellule
pré-B réussissent à générer une descendance qui porte des molécules IgM fonc-
tionnelles et qui peut être classée comme cellules B immatures. La Figure 7.10
énumère certaines des protéines impliquées dans les recombinaisons V(D)J et
montre comment leur expression est régulée tout au long du développement de
la cellule  B. La Figure  7.11 résume les étapes du développement de la cellule  B
jusqu’au moment de l’assemblage d’une immunoglobuline de surface complète,
en indiquant les points auxquels des cellules  B en développement peuvent être
perdues à la suite d’un échec dans la production d’une jonction efficace.
En plus de l’exclusion allélique, les chaînes légères sont soumises à l’exclusion iso-
typique, c’est-à-dire l’expression d’un seul type de chaîne légère, κ ou λ, par une
cellule B individuelle. Chez la souris et les humains, le locus de la chaîne κ tend à
se réarranger avant le locus λ. En effet, on a constaté que des cellules de myélome
268 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.10 Expression des protéines


Cellule Cellule Grande Petite
cellulaires impliquées dans le Cellule Cellule B Cellule B
pro-B pro-B cellule cellule
réarrangement génique et la production souche immature mature
précoce tardive pré-B pré-B
des récepteurs des cellules pré-B et des récepteur
cellules B. La liste des protéines a été établie pré-B
lgM lgM lgD
sur base de l’importance de leur rôle dans le
déroulement du développement, surtout sur la
base des études chez la souris. La séquence
dans le temps du réarrangement génique
est également montrée. Leurs contributions Réarrangement
prolifération
individuelles au développement de la cellule B
sont décrites dans le texte. Des protéines de D–JH
signalisation et des facteurs de transcription
impliqués dans le développement précoce de
VH–DJH
la lignée B sont reprises dans la Fig. 7.6.

Vκ–Jκ

Vλ–Jλ

Protéine Fonction

RAG-1 Recombinase
spécifique
RAG-2 des lymphocytes

Addition
TdT de nucléotides N

λ5 Composants
des chaînes
légères
VpréB substitutives

Igα

Igβ
Transduction
du signal
CD45R

Btk

sécrétant des chaînes λ ont en général les gènes de leurs deux chaînes, k et λ, réarran-
gés, alors que, si le myélome sécrète des chaînes κ, seuls les gènes κ sont en général
réarrangés. Toutefois, cet ordre est parfois inversé, et le réarrangement du gène λ n’a
pas un besoin absolu du réarrangement préalable des gènes κ. La proportion de cel-
lules B matures exprimant κ par rapport à celles qui expriment λ varie d’un extrême
à l’autre selon les espèces. Chez la souris et les rats, elle est de 95 % ; chez l’homme,
elle est généralement de 65 %, et chez les chats, elle est de 5 %. Ces proportions cor-
rèlent fortement avec le nombre de segments géniques fonctionnels de Vκ et Vλ dans
le génome de l’espèce. Ils reflètent aussi la cinétique et l’efficacité des réarrangements
des segments géniques. Le rapport κ:λ de la population de lymphocytes matures est
utile pour les diagnostics cliniques, car un rapport κ:λ aberrant indique la prédo-
minance d’un clone et la présence d’un syndrome lymphoprolifératif, qui peut être
cancéreux.

7-6 Avant de quitter la moelle osseuse, les cellules B immatures


sont soumises au test d’autoréactivité.

Une fois qu’une chaîne légère réarrangée s’apparie à une chaîne µ, l’IgM peut être
exprimée à la surface de la cellule (sIgM) et la cellule pré-B devient une cellule B
immature. À ce stade, le récepteur d’antigène est d’abord soumis au test de tolé-
rance aux autoantigènes. La tolérance produite dans le répertoire des cellules B à
ce stade de développement est appelée tolérance centrale car elle se développe
dans un organe lymphoïde central, la moelle osseuse. Comme nous le verrons plus
Développement des lymphocytes B 269

Cellule pro-B précoce Cellule pro-B tardive Cellule pré-B Cellule B immature

Réarrangement du gène de chaîne H Réarrangement du gène de chaîne H Réarrangement du gène de chaîne L Arrêt du réarrangement

Réarrangements D-J Réarrangement V-DJ La cellule exprime 𝛍:𝛋


sur les deux chromosomes sur le premier chromosome
Réarrangement du gène κ
sur le premier chromosome
Réarrangement V-DJ IgM
sur le second chromosome
Réarrangement du gène κ
sur le second chromosome
Perte de la cellule

Réarrangement du gène λ La cellule exprime 𝛍:𝛌


sur le premier chromosome

Jonction productive Réarrangement du gène λ IgM


sur le second chromosome

Jonction non productive


Perte de la cellule

loin dans ce chapitre et au Chapitre 14, les cellules B autoréactives qui échappent Fig. 7.11 Étapes du réarrangement des
à ce test et atteignent la maturité peuvent encore être écartées du répertoire après gènes d’immunoglobulines au cours
desquelles les cellules B peuvent être
avoir quitté la moelle osseuse par un processus appelé tolérance périphérique. perdues. Le programme de développement
réarrange le locus de chaîne lourde (chaîne H)
Dans la moelle osseuse, le sort des cellules B immatures dépend de signaux émis et puis les locus de chaînes légères
par la sIgM en contact avec son environnement. La sIgM est associée à l’Igα et l’Igβ (chaînes L). Les cellules sont autorisées à
pour former le récepteur complet et fonctionnel de la cellule B (voir la Section 6-8). progresser vers le stade suivant quand un
C’est la signalisation par Igα qui donne le signal d’émigration des cellules B de la réarrangement productif a été réussi. Chaque
réarrangement a environ une chance sur trois
moelle osseuse et  /  ou de leur survie à la périphérie. En effet, les souris qui expri- d’être correct, mais si la première tentative
ment une molécule d’Igα avec un domaine cytoplasmique tronqué qui ne peut pas n’est pas productive, le développement est
transmettre de signal à l’intérieur de la cellule montrent une réduction de quatre suspendu et il y a possibilité d’une tentative
supplémentaire ou plus, ainsi par simple
fois du nombre de cellules B immatures dans la moelle et une réduction de cent
calcul, quatre sur neuf réarrangements
fois du nombre de cellules B périphériques. génèrent une chaîne lourde. Les possibilités
de réarrangements répétés sont plus grandes
Les cellules B immatures qui ne réagissent pas fortement à des autoantigènes par- pour les locus de chaînes légères (voir
viennent à la maturité. Elles quittent la moelle par les sinusoïdes qui rejoignent le Fig. 7.9), de façon à ce que peu de cellules
sinus central et sont transportées par le sang veineux dans la rate. Si, toutefois, le soient perdues entre les stades de cellules
nouveau récepteur exprimé rencontre, dans la moelle osseuse, un antigène qui inter- pré-B et B immatures par rapport au passage
du stade pro-B au stade pré-B.
connecte fortement, c’est-à-dire si la cellule B est fortement autoréactive, son déve-
loppement est arrêté et la cellule n’atteindra pas la maturité. Cela a été démontré par
des expériences dans lesquelles les récepteurs d’antigène sur des cellules B immatu-
res ont été expérimentalement stimulés in vivo par des anticorps anti-chaîne µ (voir
Appendice I, Section A-10) ; le résultat a été l’élimination des cellules B immatures.
Des expériences plus récentes utilisant des souris exprimant des transgènes de récep-
teurs de cellules B ont confirmé ces premières découvertes, mais ont aussi montré que
l’élimination immédiate n’était pas le seul destin possible après liaison à un antigène
du soi. Ainsi, quatre voies existent pour des cellules B immatures autoréactives, en
fonction de la nature des ligands auxquels elles sont capables de se lier (Fig. 7.12). Ces
destinées sont la mort cellulaire par apoptose, la production d’un nouveau récepteur
par révision (editing), l’induction d’un état permanent de non-réponse à l’antigène,
ou anergie, et l’ignorance immunologique. Une cellule ignorante se définit comme
une cellule qui a une affinité pour un antigène du soi, mais qui ne peut pas le détec-
ter, soit parce qu’il est séquestré, qu’il est en faible concentration ou n’est pas capable
d’agréger les récepteurs des cellules B. Puisque des cellules ignorantes peuvent être (et
le sont en fait) activées sous certaines conditions, comme l’inflammation ou lorsque
270 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.12 La liaison aux molécules du soi


dans la moelle osseuse peut conduire à Cellule B immature (moelle osseuse)
la mort ou à l’inactivation des cellules B
immatures. Premiers panneaux : quand les
Molécule Molécule Molécule du soi de faible affinité Pas de réaction
cellules B en développement expriment des du soi polyvalente du soi soluble incapable d’interconnexion contre le soi
récepteurs qui reconnaissent des ligands
multivalents, par exemple des molécules de
surface cellulaire autologues et ubiquitaires
comme celles du CMH, ces récepteurs
sont éliminés du répertoire. Les cellules B
subissent alors une révision (editing) de μ+ μ+ μ+
récepteur (voir Fig. 7.13), ce qui fait disparaître
la spécificité du récepteur autoréactif, ou les μ+
cellules elles-mêmes meurent par apoptose
IgM IgM IgM
ou mort cellulaire programmée (délétion IgM
clonale). Deuxièmes panneaux : les cellules B
immatures qui fixent des antigènes du soi
capables d’interconnecter les récepteurs B
Délétion clonale Migration à la périphérie Migration à la périphérie Migration à la périphérie
deviennent incapables de répondre à ou révision du récepteur
l’antigène (anergiques) et portent peu d’IgM de
surface. Elles migrent à la périphérie où elles
expriment des IgD tout en restant anergiques ;
si elles entrent en compétition avec d’autres
cellules B en périphérie, elles sont rapidement
perdues. Troisièmes panneaux : les cellules B μbas
μ+δ+ μ+δ+
immatures qui fixent des antigènes solubles δnormal
du soi avec une faible affinité ou qui fixent des
antigènes monovalents ne reçoivent aucun IgD IgD IgM IgD IgM
signal de cette interaction et se différencient
Cellule B mature
normalement pour exprimer à la fois des IgM Apoptose Cellule B anergique (clone ignorant) Cellule B mature
et des IgD à la surface cellulaire. De telles
cellules, potentiellement autoréactives, forment
ce que l’on appelle des clones ignorants car l’autoantigène atteint des concentrations anormalement élevées, elles ne devraient
leur ligand est présent mais incapable de les pas être considérées comme inertes, et elles diffèrent fondamentalement des cellules
activer. Quatrièmes panneaux : les cellules B
immatures qui ne rencontrent pas d’antigène non réactives qui ne pourraient jamais être activées par des autoantigènes.
se différencient normalement ; elles migrent de
la moelle osseuse vers les tissus lymphoïdes
La délétion clonale, ou l’élimination de cellules B d’une spécificité antigénique par-
périphériques où elles peuvent devenir des ticulière, semble prédominer quand l’antigène du soi qui interagit est polyvalent.
cellules B circulantes matures porteuses à la
fois d’IgM et d’IgD à leur surface. La rencontre avec un antigène polyvalent a été testée chez des souris transgéni-
ques pour les deux chaînes d’un anticorps spécifique des molécules de classe I du
CMH H-2Kb. Chez de telles souris, presque toutes les cellules B qui se développent
portent des immunoglobulines de membrane sIgM qui sont anti-CMH. Si la souris
transgénique n’exprime pas H-2Kb, les cellules B se développent en nombre normal,
portant toutes des récepteurs anti-H-2Kb codés par le transgène. Mais chez les sou-
ris exprimant à la fois H-2Kb et les anticorps transgéniques, le développement des
cellules B est bloqué. Les cellules pré-B et les cellules B immatures sont en nombre
normal, mais les cellules B exprimant les immunoglobulines anti-H-2Kb n’atteignent
jamais le stade qui leur permettrait de peupler la rate et les ganglions lymphatiques.
La plupart des cellules B immatures meurent dans la moelle osseuse par apoptose.
Cependant, la délétion clonale n’était pas la seule conséquence possible pour les
lymphocytes dotés de récepteurs autoréactifs. Il existe une période avant la mort cel-
lulaire où la cellule B autoréactive peut être sauvée en continuant à réarranger ses
gènes pour remplacer le récepteur autoréactif par un nouveau récepteur qui ne le
sera pas. Ce mécanisme de remplacement est appelé révision du récepteur (recep-
tor editing) (Fig. 7.13). Lorsqu’une cellule B immature exprime une chaîne légère et
produit une sIgM, les protéines RAG sont encore exprimées. Si le récepteur n’est pas
autoréactif, l’absence d’interconnexion des sIgM permet que le réarrangement géni-
que cesse ; la cellule B continue son développement, les protéines RAG disparaissant
finalement lorsque la cellule B atteint sa maturité complète dans la rate. Cependant,
pour un récepteur autoréactif, une forte interconnexion des sIgM par interaction avec
un antigène du soi suspend tout développement ultérieur, et les gènes RAG conti-
nuent à être exprimés. Le réarrangement des gènes de chaînes légères dès lors conti-
nue, comme décrit à la Fig. 7.9. Ces réarrangements secondaires peuvent sauver des
cellules B immatures autoréactives en éliminant le gène de la chaîne légère autoréac-
tive et en la remplaçant par une autre séquence. Si la chaîne légère exprimée par ce
Développement des lymphocytes B 271

Fig. 7.13 Le remplacement des chaînes chaîne légère. Cela conduit habituellement
légères par révision du récepteur peut à un nouveau réarrangement productif et à Liaison forte des IgM à un antigène du soi
sauver certaines cellules B autoréactives l’expression d’une nouvelle chaîne légère,
en changeant leur spécificité antigénique. qui se combine avec la même chaîne lourde
Quand une cellule B exprime des récepteurs pour former un nouveau récepteur (révision du
d’antigène qui sont fortement interconnectés récepteur, troisième panneau). Si ce nouveau
par des antigènes autologues multivalents récepteur n’est pas autoréactif, la cellule est
comme les molécules du CMH à la sauvée et continue son développement normal IgM
surface cellulaire (panneau du haut), son (panneau du bas à droite). Si la cellule reste
développement s’arrête. La cellule réduit autoréactive, elle peut être sauvée par un autre
l’expression des IgM de surface, mais ne cycle de réarrangement, mais si elle continue
suspend pas l’expression des gènes RAG à réagir fortement avec le soi, elle meurt par
(deuxième panneau). Cette synthèse continue apoptose et est éliminée du répertoire (délétion
des protéines RAG permet à la cellule de clonale ; panneau du bas à gauche). Arrêt du développement de la cellule B et persistance
poursuivre le réarrangement de ses gènes de de l’arrangement des chaînes légères : peu d’IgM de surface

nouveau réarrangement n’est pas autoréactive, la cellule B continue à se développer


normalement. Si le récepteur reste autoréactif, le réarrangement continue jusqu’à
ce qu’un récepteur non autoréactif soit produit ou que les segments géniques V et J
soient épuisés. Les cellules qui restent autoréactives subissent alors l’apoptose.
La révision de récepteur a été démontrée de manière définitive chez des souris
porteuses de transgènes codant des chaînes lourdes et légères d’autoanticorps et
placés dans les locus d’immunoglobulines par recombinaison homologue (voir
Appendice I, Section A-47 pour les détails de cette méthode). Le transgène imite
Un récepteur de nouvelle spécificité
un réarrangement génique primaire et est entouré des segments géniques endo- est maintenant exprimé
gènes non utilisés. Chez la souris qui exprime l’antigène reconnu par le récepteur
codé par le transgène, les cellules B matures qui émergent en périphérie ont utilisé
les segments géniques entourant le transgène pour des réarrangements qui rem-
placent le transgène de chaîne légère autoréactive par un gène non autoréactif.
On ignore si la révision de récepteur peut aussi concerner le locus de chaîne lourde.
Dans un locus réarrangé de chaîne lourde, les segments D ne sont pas disponibles.
Dès lors, un nouveau réarrangement ne peut simplement pas se dérouler selon
le mécanisme normal et remplacer celui qui préexistait. Pourtant, un processus Si le nouveau récepteur
Si le nouveau récepteur
de remplacement de VH peut utiliser des séquences intégrées servant de signal de n’est plus autoréactif,
est encore autoréactif,
recombinaison dans un événement de recombinaison qui déplace le segment de la cellule B migre
la cellule B subit
à la périphérie
gène V du réarrangement autoréactif et le remplace par un nouveau segment de l’apoptose
et vient à maturité
gène V. Ce type de réarrangement a été observé dans certaines tumeurs de cellu-
les B, mais on ne sait pas s’il peut se produire au cours du développement normal
des cellules B, en réponse à des signaux de récepteurs autoréactifs.
On pensait au début que la production réussie d’une chaîne légère et d’une chaîne
lourde causait presque instantanément l’arrêt des réarrangements du locus de chaîne
légère et que cela assurait les exclusions allélique et isotypique (voir Section 7-10).
La capacité insoupçonnée des cellules B autoréactives de continuer à réarranger
leurs gènes de chaînes légères, même après un réarrangement productif, a soulevé
des questions à propos de mécanisme supposé de l’exclusion allélique.
Sans aucun doute, la diminution des protéines RAG après un réarrangement
productif non autoréactif est cruciale pour le maintien de l’exclusion allélique,
puisqu’elle réduit la probabilité d’un réarrangement ultérieur. De plus, tout réar-
rangement productif ultérieur qui pourrait survenir ne prendra pas forcément en
défaut l’exclusion allélique ; s’il a lieu sur le même chromosome, il éliminera le réar-
rangement préexistant, tandis que s’il survient sur l’autre chromosome, il ne sera
productif que dans un cas sur trois. Donc, la diminution des protéines RAG pour-
rait être le principal, si pas le seul, mécanisme de l’exclusion allélique au locus de la
chaîne légère. En accord avec cette hypothèse, il apparaît que l’exclusion allélique
n’est pas absolue, puisque de rares cellules B expriment les deux chaînes légères.
Nous avons discuté jusqu’ici du destin des cellules B néoformées exposées à une inter-
connexion polyvalente de leurs sIgM. Les cellules B immatures qui rencontrent des
antigènes du soi auxquels elles se lient avec une force et une valence moindres, par
exemple des petites protéines solubles, répondent différemment. Dans cette situation,
272 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

les cellules B autoréactives tendent à être inactivées et à entrer dans un stade de non-
réponse, ou anergie, mais ne meurent pas immédiatement (voir Fig. 7.12). Les cellu-
les B anergiques ne peuvent pas être activées par leur antigène spécifique même avec
l’aide de cellules T spécifiques de l’antigène. Ce phénomène a été élucidé également
au moyen de souris transgéniques. Quand le lysozyme d’œuf de poule (HEL, Hen Egg
Lysozyme) est exprimé sous forme soluble par un transgène chez des souris également
transgéniques pour des anticorps anti-HEL de haute affinité, les cellules B spécifiques
de HEL se différencient, mais sont incapables de répondre à l’antigène. Les cellules
anergiques retiennent leurs IgM à l’intérieur de la cellule, très peu étant exprimées en
surface. De plus, elles montrent un blocage partiel de la transduction du signal et, en
dépit d’une densité normale de sIgD spécifiques de HEL, les cellules ne sont pas sti-
mulées par interconnexion de leurs récepteurs. Il semble que la transduction du signal
soit bloquée à une étape précédant la phosphorylation des chaînes Igα et Igβ, bien
que cette étape ne soit pas encore connue. Le défaut de signalisation pourrait impli-
quer l’incapacité des molécules du récepteur des cellules B tolérantes de rejoindre les
régions de la cellule dans lesquelles d’autres molécules importantes de signalisation
se localisent normalement ; elles ne peuvent alors transmettre un signal complet après
la fixation de l’antigène. Les cellules qui ont reçu un signal anergisant pourraient aussi
augmenter l’expression de molécules qui inhibent la signalisation.
La migration des cellules B anergiques dans les organes lymphoïdes périphériques
est aussi altérée et leur durée de vie ainsi que leur capacité à rivaliser avec les cel-
lules B immunocompétentes sont compromises. Dans les circonstances normales,
dans lesquelles les cellules B liant des antigènes solubles du soi sont en minorité,
les cellules B anergiques sont retenues dans les zones des cellules T des tissus lym-
phoïdes périphériques et sont exclues des follicules lymphoïdes. Les cellules B aner-
giques ne peuvent pas être activées par des cellules T, puisque toutes les cellules T
seront tolérantes aux antigènes solubles. De plus, elles meurent relativement tôt,
probablement parce qu’elles ne peuvent pas répondre aux signaux de survie prove-
nant des cellules T, ce qui assure ainsi que la population de cellules B périphériques
à longue durée de vie soit débarrassée des cellules potentiellement autoréactives.
Le quatrième destin possible des cellules B immatures autoréactives est qu’il ne
leur arrive rien ; elles restent dans un état d’ignorance immunologique des anti-
gènes du soi (voir Fig. 7.12). Il est clair que certaines cellules B, avec une affinité
faible mais réelle pour un antigène du soi, se différencient comme si elles n’étaient
pas autoréactives du tout. De telles cellules B ne répondent pas aux antigènes du
soi car ceux-ci interagissent si faiblement avec les récepteurs qu’un signal intra-
cellulaire faible, ou nul, est généré. Par ailleurs, certaines cellules B autoréactives
pourraient ne pas rencontrer leur antigène à ce stade parce qu’il n’est pas accessi-
ble dans la moelle osseuse ou dans la rate. La maturation de ces cellules B reflète
un équilibre du système immunitaire entre l’élimination de l’autoréactivité et la
possibilité de répondre aux agents pathogènes. Si l’élimination des cellules auto-
réactives était trop efficace, le répertoire des récepteurs deviendrait trop limité et
donc incapable de reconnaître une grande variété de pathogènes. Certaines mala-
dies auto-immunes peuvent apparaître au prix de cet équilibre, car il est très pro-
bable que des lymphocytes autoréactifs de faible affinité peuvent être activés et
causer des maladies dans certaines circonstances. Donc ces cellules pourraient
être définies comme des semences de maladies auto-immunes. Normalement,
cependant, ces cellules B ignorantes seront maintenues sous contrôle par un man-
que d’aide des cellules T, l’inaccessibilité continue de l’antigène du soi ou la tolé-
rance qui peut être induite dans les cellules  B matures, comme décrit plus loin
dans ce chapitre et au Chapitre 14, dans le contexte des maladies auto-immunes.

Résumé.
Jusqu’ici, nous avons suivi le développement de la cellule dans la moelle osseuse
B à partir des progéniteurs les plus précoces jusqu’à la cellule  B immature, prête
à gagner les tissus lymphoïdes périphériques. Le locus de la chaîne lourde est le
Le développement des cellules T dans le thymus 273

premier à être réarrangé et, si l’opération réussit, une chaîne lourde µ est produite ; Fig. 7.14 Les cellules T se développent dans
le thymus et migrent dans les organes
elle s’associe à des chaînes légères de substitution pour former le récepteur de la cel-
lymphoïdes périphériques, où ils sont
lule pré-B, premier poste de contrôle du développement des cellules B. La produc- activés par des antigènes étrangers. Les
tion du récepteur de la cellule pré-B signale la réussite du réarrangement du gène de précurseurs des cellules T migrent de la
la chaîne lourde et provoque l’arrêt du réarrangement, assurant ainsi l’exclusion allé- moelle osseuse vers le thymus où les gènes
du récepteur de la cellule T sont réarrangés
lique. Il déclenche aussi la prolifération des cellules pré-B, générant de nombreux (premiers panneaux) ; les récepteurs T α:β
descendants dans lesquels les réarrangements des chaînes légères peuvent être ten- compatibles avec les molécules du soi du
tés. Si le premier réarrangement du gène de la chaîne légère s’avère productif, une CMH transmettent un signal de survie en
immunoglobuline complète servant de récepteur de cellule B est formée, le réarran- interagissant avec l’épithélium thymique,
conduisant à la sélection positive des cellules
gement génique cesse de nouveau, et la cellule B poursuit son développement. Si qui les portent. Les récepteurs autoréactifs
le premier réarrangement du gène de la chaîne légère échoue, le réarrangement se transmettent un signal qui conduit à la
poursuit jusqu’à ce qu’il soit productif ou que toutes les régions J aient été utilisés. Si mort cellulaire et ils sont donc éliminés du
aucun réarrangement productif n’est réalisé, la cellule B en développement meurt. répertoire par un processus de sélection
négative (deuxièmes panneaux). Les cellules T
Dans la prochaine section, nous nous tournons vers le développement les cellules T survivantes arrivent à maturité et quittent
dans le thymus ; après cela, nous examinerons ensemble le comportement des cel- le thymus pour circuler en périphérie ; elles
lules B et T lorsqu’elles ont gagné les tissus lymphoïdes périphériques. quittent le sang continuellement pour migrer
dans les organes lymphoïdes périphériques
où elles pourront rencontrer leur antigène
étranger spécifique et être activées (troisièmes

Le développement des cellules T dans le thymus. panneaux). L’activation conduit à l’expansion


clonale et à la différenciation en cellules T
effectrices. Celles-ci sont attirées dans les
foyers infectieux, où elles peuvent tuer les
Les lymphocytes T se développent à partir de progéniteurs qui dérivent des cel- cellules infectées ou activer des macrophages
lules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse et migrent dans le thymus, (quatrièmes panneaux) ; d’autres sont attirées
où ils viennent à maturité (Fig. 7.14). C’est la raison pour laquelle ces lymphocy- dans les zones de cellules B, où elles peuvent
contribuer à la réponse humorale (non montré).
tes sont dits thymodépendants (T)  ; on les appelle lymphocytes T ou cellules  T.
Le développement des cellules  T ressemble à celui des cellules  B sur de nom-
breux points, entre autres, le réarrangement ordonné et par étapes des gènes des
récepteurs d’antigène, le test séquentiel de réussite du réarrangement génique et
la formation finale d’un récepteur d’antigène hétérodimérique complet. Le déve-
loppement des cellules  T dans le thymus comprend en plus certains processus
qui n’interviennent pas pour les cellules B, comme la génération de deux lignées

Les cellules T immatures qui


Les cellules T matures rencontrent
Le précurseur de la cellule T reconnaissent le CMH du soi reçoivent
les antigènes étrangers dans Les cellules T activées prolifèrent
réarrange ses gènes des signaux de survie. Ceux qui
les organes lymphoïdes périphériques et éliminent l’infection
de récepteur T dans le thymus interagissent fortement avec l’antigène
et sont activées
du soi sont éliminés du répertoire

active tue

Les progéniteurs des cellules T se Les cellules T matures migrent


Sélection positive Les cellules T activées migrent
développent dans la moelle osseuse dans les organes
et négative dans le thymus dans les foyers infectieux
et migrent vers le thymus lymphoïdes périphériques
274 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

de cellules T, la lignée γ:δ et la lignée α:β, qui expriment des gènes de récepteurs
d’antigène différents. Les cellules T en développement subissent également une
sélection qui dépend des interactions avec les cellules thymiques et qui façonne le
répertoire mature des cellules T afin d’assurer une restriction au CMH du soi ainsi
Fig. 7.15 Organisation cellulaire du thymus
qu’une tolérance du soi. Nous commençons par une vue d’ensemble des stades de
humain. Le thymus, situé sur la ligne médiane développement des thymocytes et des relations de ces étapes avec l’anatomie thy-
du corps, au-dessus du cœur, est formé de mique avant de décrire le réarrangement génique et les mécanismes de sélection.
nombreux lobules, chacun contenant des
régions bien délimitées, corticales (externes)
et médullaires (centrales). Comme il est 7-7 Les progéniteurs des cellules T proviennent de la moelle osseuse,
montré dans le schéma de gauche, le cortex
est constitué de thymocytes immatures
mais tous les événements importants se déroulent dans le thymus.
(en bleu foncé), de cellules épithéliales
corticales interconnectées (en bleu pâle), Le thymus est situé dans la partie supérieure et antérieure du thorax, juste au-des-
auxquelles les thymocytes corticaux sus du cœur. Il est constitué de nombreux lobules, chacun clairement différen-
immatures sont étroitement associés, et cié en une région corticale externe, le cortex thymique, et une région médullaire
des macrophages dispersés (en jaune),
interne (Fig. 7.15). Chez les jeunes, le thymus contient de nombreux précurseurs de
impliqués dans l’élimination des thymocytes
en apoptose. La médullaire est formée de cellules T en développement entourées d’un réseau de cellules épithéliales appelé
thymocytes matures (en bleu foncé), et de le stroma thymique, qui fournit un environnement unique analogue à celui qui
cellules épithéliales médullaires (en orange), est fourni par les cellules stromales de la moelle osseuse pour les cellules B.
avec des macrophages (en jaune) et des
cellules dendritiques (en jaune) originaires Dans la moelle osseuse, le développement des lymphocytes T commence à par-
de la moelle osseuse. Les corpuscules de tir d’un progéniteur lymphoïde qui donne également naissance aux lymphocytes B.
Hassal sont aussi probablement des sites de
destruction cellulaire. Les thymocytes dans Certains de ces progéniteurs quittent la moelle osseuse et migrent dans le thymus
la couche cellulaire corticale externe sont (voir Fig. 7.14). Dans le thymus, la cellule progénitrice reçoit un signal, venant très pro-
des cellules immatures qui prolifèrent, tandis bablement des cellules stromales, qui est transmis par un récepteur appelé Notch1,
que les thymocytes de la corticale profonde
afin d’allumer des gènes particuliers. La signalisation par Notch est utilisée largement
sont principalement des cellules T immatures
subissant une sélection thymique. Le cliché dans le développement animal pour déterminer la différenciation tissulaire ; dans
montre une coupe équivalente du thymus le développement lymphocytaire, le signal Notch engage le précurseur dans la voie
humain, coloré à l’hématoxyline-éosine. Le de la lignée des cellules T plutôt que dans la lignée des cellules B. Bien que tous les
cortex a une coloration foncée ; la médullaire
se colore faiblement. Le corpuscule de Hassal
détails ne soient pas encore connus, la signalisation Notch est requise tout au long du
forme un grand organite dans la médullaire. développement des cellules T et l’on pense qu’elle contribue au choix d’orientation de
Cliché de C.J. Howe. la lignée T vers les cellules T α:β ou T γ;δ et vers les cellules T CD4 ou CD8.
Les épithéliums thymiques apparaissent tôt au cours du développement embryon-
naire à partir de structures dérivées de l’endoderme appelées troisième poche
pharyngée et troisième arc branchial. L’ensemble de ces tissus épithéliaux forme
un thymus rudimentaire, dit ébauche thymique. Ce thymus embryonnaire est
thymus

poumon
cœur

capsule
cellule
trabécules épithéliale
corticale
Cortex épithélium
sous- thymocyte
capsulaire (originaire de la
moelle osseuse)
jonction
cortico-
médullaire cellule épithéliale
médullaire

cellule dendritique
Médullaire (originaire de la
corpuscule moelle osseuse)
de Hassal macrophage
(originaire de la
moelle osseuse)
Le développement des cellules T dans le thymus 275

alors colonisé par des cellules d’origine hématopoïétique qui donnent naissance à
de très nombreux thymocytes destinés à la lignée T et aux cellules dendritiques
intrathymiques. Les thymocytes ne sont pas seulement en transit dans le thymus ;
ils influencent l’arrangement des cellules épithéliales thymiques dont dépend leur
survie, induisant la formation d’une structure épithéliale réticulaire qui entoure
les thymocytes en développement (Fig. 7.16). Le thymus est aussi colonisé par de
nombreux macrophages, originaires également de la moelle osseuse.
L’architecture cellulaire du thymus humain est illustrée dans la Fig. 7.15. Les cellules
dérivées de la moelle osseuse se répartissent différemment entre le cortex et la médul-
laire du thymus ; le cortex ne contient que des thymocytes immatures et des macro-
phages dispersés, alors que la médullaire contient plus de thymocytes matures, avec
des cellules dendritiques et des macrophages. Tout cela reflète les différents événe-
ments de différenciation qui se produisent à l’intérieur de ces deux compartiments.
L’importance du thymus dans l’immunité a été révélée d’abord par des expériences
sur la souris, d’où proviennent la plupart de nos connaissances sur le développement Fig. 7.16 Les cellules épithéliales du thymus
forment un réseau autour des thymocytes
des cellules T dans le thymus. L’ablation chirurgicale du thymus (thymectomie) à la en développement. Dans cette photo de
naissance cause une immunodéficience, ce qui a focalisé l’intérêt sur cet organe à un microscopie électronique à balayage du
moment où la différence entre les lymphocytes B et T chez les mammifères n’était pas thymus, les thymocytes en développement (les
définie. Depuis, de multiples observations, entre autres les immunodéficiences de l’en- cellules sphériques) occupent les interstices
d’un réseau extensif de cellules épithéliales.
fant, illustrent l’importance du thymus dans le développement des cellules T. Dans le Cliché de W. van Ewijk.
syndrome de DiGeorge chez l’homme et dans le cas de la mutation nude chez la sou-
ris, le thymus ne se forme pas et les individus atteints produisent des lymphocytes B
mais peu de lymphocytes T. Le syndrome de DiGeorge est une combinaison de défec-
tuosités cardiaque, faciale, endocrine et immunitaire associées à des délétions dans le
chromosome 22q11, alors que la mutation nude est due à un défaut du gène de Whn,
un facteur de transcription requis pour la différenciation terminale des cellules épithé-
liales ; cette mutation est appelée nude parce qu’elle cause aussi une absence de poils.
Le rôle crucial du stroma thymique dans l’induction de la différenciation des précur-
seurs cellulaires de la moelle osseuse peut être démontré par des greffes de tissu entre
deux souris mutantes, chacune manquant de cellules T matures pour une raison diffé-
rente. Chez la souris nude, l’épithélium thymique ne se différencie pas, tandis que chez
la souris scid, les lymphocytes B et T ne se développent pas à cause d’un déficit dans le
réarrangement du gène du récepteur de la cellule T (voir Section 4-5). Des greffes réci-
proques de thymus et de moelle osseuse entre ces souris immunodéficientes montrent
que les précurseurs de la moelle osseuse des souris nude se développent normalement
dans le thymus des souris scid (Fig. 7.17). Donc, le défaut des souris nude vient des cel-
lules stromales du thymus. La transplantation d’un thymus de souris scid à une sou-
ris nude conduit au développement des cellules T. Cependant, la moelle osseuse d’une
souris scid ne peut pas générer de cellules T, même chez une souris normale.
Chez la souris, le thymus continue à se développer pendant 3 à 4 semaines après la
naissance, tandis que chez l’homme, il est totalement développé dès la naissance.
Le taux de production des cellules T par le thymus est maximal avant la puberté.
Après la puberté, l’involution du thymus commence et la production de nouvel-
les cellules T chez l’adulte diminue, même si elle peut continuer toute la vie. Chez
l’homme et la souris, l’élimination du thymus après la puberté ne s’accompagne
pas de perte notable de fonction des cellules T. Ainsi, il semble qu’une fois que le
répertoire des cellules T est établi, l’immunité peut être maintenue sans produc-
tion d’un nombre significatif de nouvelles cellules T ; la réserve des cellules T péri-
phériques se maintient en raison de la longue vie d’une population de cellules T et
par un certaine capacité de division de cellules T matures.

7-8 Les précurseurs des cellules T prolifèrent fortement dans le thymus,


mais la plupart meurent.
Les précurseurs des cellules T de la moelle osseuse qui arrivent dans le thymus pas-
sent près d’une semaine à s’y différencier avant d’entrer dans une phase intense de
276 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.17 Le thymus est indispensable à la


maturation des cellules T dérivées de la
moelle osseuse. Les souris avec la mutation
scid (en haut à gauche) ont un déficit de
maturation des lymphocytes, tandis que
les souris avec la mutation nude (en haut à
droite) ont un déficit de développement de
l’épithélium cortical du thymus. Les cellules T
ne se développent dans aucune des deux
lignées de souris. Cela peut-être démontré
par marquage des cellules spléniques au
moyen d’anticorps spécifiques de cellules T
matures et analyse en cytométrie de flux
(voir Appendice I, Section A-22) ; la ligne
bleue dans les graphiques du bas montre souris scid/scid souris nu/nu
cette absence de cellules T. Les cellules de
la moelle osseuse des souris nude peuvent cellules souches
restaurer la production des cellules T dans Déficit lymphocytaire de la moelle osseuse Déficit thymique
les souris scid (ligne rouge du graphique de
gauche), montrant que, dans l’environnement
adéquat, les cellules de la moelle osseuse des
souris nude sont intrinsèquement normales
et capables de produire des cellules T. Les ébauche thymique
greffe
cellules thymiques épithéliales des souris scid de thymus
peuvent induire la maturation des cellules T
de la souris nude (ligne rouge du graphique
de droite). Ce qui démontre que le thymus
fournit le microenvironnement essentiel pour le
développement des cellules T.
Les cellules greffées Les cellules normales
repeuplent le thymus normal repeuplent le thymus greffé

Analyse des cellules spléniques Analyse des cellules spléniques

Nombre Nombre
de cellules de cellules

avant avant
greffe greffe

après après
greffe greffe

Cellules non-T Cellules T Cellules non-T Cellules T

prolifération. Chez une souris adulte jeune, le thymus contient 108 à 2 × 108 thymo-
cytes. Environ 5.107 nouvelles cellules sont générées chaque jour ; seulement 106 à
2 × 106 (soit 2-4 %) de cellules T matures quitteront chaque jour le thymus. Malgré
la disparité entre le nombre de cellules T générées chaque jour dans le thymus et
le nombre qui le quitte, le thymus ne continue pas à croître en taille ou en nom-
bre. Ceci s’explique par le fait que 98 % des thymocytes qui se développent dans le
thymus y meurent aussi. Aucun dommage n’est visible, indiquant que leur mort se
produit par apoptose plutôt que par nécrose (voir Section 1-14).
Les changements de la membrane plasmique des cellules entrant en apoptose
entraînent rapidement leur phagocytose, et des corps apoptotiques, correspon-
dant à la chromatine condensée des cellules apoptotiques, se voient dans les
macrophages dans tout le cortex thymique (Fig. 7.18). Ce gaspillage de thymocytes
apparaît comme une partie cruciale du développement des cellules T, car il reflète
la sélection de chaque nouveau thymocyte sur base de sa capacité de reconnaître
les complexes peptide du soi:CMH du soi et de sa tolérance au soi.
Le développement des cellules T dans le thymus 277

Fig. 7.18 Les cellules T en développement le cortex, mais sont rares dans la médullaire.
qui subissent l’apoptose sont ingérées Le panneau b montre une coupe du cortex
par les macrophages du cortex thymique. thymique à plus fort grossissement avec des
Le panneau a montre une coupe du cortex cellules apoptotiques colorées en rouge et les
thymique et une partie de la médullaire dans macrophages en bleu. On peut voir les cellules
lesquelles les cellules ont été marquées pour apoptotiques à l’intérieur des macrophages.
l’apoptose avec un colorant rouge. Le cortex Grossissements : panneau a, × 45 ;
thymique est à droite dans le cliché. Les panneau b, × 164. Clichés de J. Sprent
cellules apoptotiques sont dispersées dans et C. Suhr.

7-9 Les stades successifs du développement des thymocytes se


caractérisent par des changements de molécules à la surface cellulaire.

Comme les lymphocytes B en développement, les thymocytes se différencient en pas- a b


sant par différentes phases marquées par le changement d’activité des gènes et l’ex-
pression du récepteur de la cellule T ainsi que par des changements d’expression des
protéines à la surface cellulaire, comme le complexe CD3 (voir la Section 6-8) et les
protéines coréceptrices CD4 et CD8 (voir la Section 3-17). Ces changements reflètent
l’état de maturation fonctionnelle de la cellule. Des combinaisons particulières des
protéines de surface cellulaire peuvent ainsi être utilisées comme marqueurs de dif-
férenciation des cellules T. Les principales étapes sont reprises dans la Fig. 7.19. Deux
lignées distinctes de cellules T, α:β et γ:δ, qui diffèrent par leur type de récepteur T, sont
produites tôt au cours du développement des cellules T. Plus tard, les cellules T α:β se
développent en deux sous-populations distinctes, les cellules T CD4 et CD8.
Quand les progéniteurs de la moelle osseuse entrent dans le thymus, elles n’expri-
ment presque aucun marqueur de surface caractéristique des cellules T matures, et
les gènes de leur récepteur ne sont pas réarrangés. Ces cellules donnent naissance à
une population majoritaire et minoritaire, respectivement les cellules T α:β et les cel-
lules T γ:δ. Ces progéniteurs lymphoïdes, s’ils sont injectés dans la circulation péri-
phérique, peuvent même donner naissance à des cellules B et NK. Les interactions Thymocytes double
négatifs CD3–4–8–
avec le stroma thymique déclenchent une phase initiale de différenciation de la
lignée T suivie par une prolifération cellulaire, et l’expression des premières molécu-
les de surface spécifiques des cellules T, par exemple CD2 et, chez la souris, Thy-1. À
la fin de cette phase, qui peut durer environ une semaine, les thymocytes portent des
marqueurs distinctifs de la lignée T, mais ils n’expriment aucun des trois marqueurs
de surface qui définissent les cellules T matures, le complexe récepteur T:CD3 et les
corécepteurs CD4 et CD8. À cause de l’absence de CD4 et de CD8, de telles cellules
sont appelées thymocytes « double négatifs » (voir Fig. 7.19).
Dans le thymus développé complètement, les cellules T immatures double négati- γ:δ+CD3+ Grands thymocytes actifs
CD4–8– « double positifs »
ves forment approximativement 60 % des thymocytes qui sont dépourvus de CD4 CD3+pTα:β+4+8+
et de CD8. Cet ensemble (environ 5 % des thymocytes totaux) comprend aussi deux
populations de cellules T plus matures qui appartiennent à des lignées minoritai-
Exportation vers
res. L’une d’entre elles, représentant environ 20 % des cellules double négatives la périphérie

Petits thymocytes
Fig. 7.19 Deux lignées distinctes de CD8 sont exprimés tous les deux par la même quiescents « double positifs »
thymocytes sont produites dans le cellule ; elles sont appelées thymocytes double CD3+α:β+4+8+
thymus. Les molécules de surface les plus positifs. Ces cellules grossissent et se divisent.
<5%
importantes pour l’identification des sous- Plus tard, elles deviennent de petites cellules
populations de thymocytes sont CD4, CD8, quiescentes double positives sur lesquelles
et les molécules du complexe du récepteur s’exprime en faible densité le récepteur de
(CD3 et les chaînes α et β du récepteur de la cellule T. La plupart des thymocytes meurent
cellule T). Les populations cellulaires les plus dans le thymus après être devenus des petites
précoces du thymus n’expriment aucun de ces cellules double positives. Les cellules dont
marqueurs. Elles sont appelées thymocytes les récepteurs peuvent interagir avec les CD4+8– CD4–8+
petits thymocytes
double négatifs, car ils n’expriment ni CD8, complexes moléculaires peptides du soi:CMH
quiescents « simple positifs »
ni CD4. Ces précurseurs donnent naissance du soi perdent l’expression soit de CD4, soit
aux deux lignées de cellules T, la population de CD8, et augmentent la densité d’expression
minoritaire des cellules T γ:δ (sans CD4, ni du récepteur de la cellule T. Ces thymocytes Exportation
CD8, même matures), et la lignée majoritaire devenus, après maturation, des lymphocytes
vers la périphérie
des cellules T α:β. Le développement des T CD4 ou CD8 simple positifs sont alors
cellules T α:β passe par des stades où CD4 et exportés du thymus.
278 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.20 Corrélation des stades de


Simple
développement des cellules T α:β avec le Double négative Double positive
positive
réarrangement des gènes du récepteur de
la cellule T et l’expression des protéines DN1 DN2 DN3 DN4
de la surface cellulaire. Les précurseurs
lymphoïdes sont stimulés pour proliférer prolifération
et devenir des thymocytes qui s’engagent pré-TCR CD4 CD8 TCR
dans la lignée T par des interactions avec
le stroma thymique. Ces cellules double
négatives (DN1) expriment CD44 et Kit, et
à un stade plus tardif (DN2), la chaîne α du
récepteur de l’IL-2, CD25. Après, les cellules Réarrangement CD44+ CD44+ CD44bas CD44–
CD25– CD25+ CD25+ CD25–
CD44+CD25+ commencent à réarranger leur
locus de chaîne β, devenant alors des cellules
CD44bas et Kitbas et deviennent des cellules
D–Jβ
DN3. Les cellules DN3 sont arrêtées au stade
CD44basCD25+ jusqu’à ce qu’elles réarrangent V–DJβ
correctement leur locus de chaîne β ; la
chaîne β en phase correcte s’apparie avec V–Jα
la chaîne substitutive pTα pour former le
récepteur des cellules pré-T (pré-TCR) et Molécule
est exprimée à la surface cellulaire, ce qui de surface Fonction
déclenche le cycle cellulaire. L’expression
en surface d’une petite quantité de pTα:β Kit Signalisation
associée à CD3 arrête le réarrangement
du gène de la chaîne β et déclenche une
Notch Signalisation
prolifération cellulaire rapide, qui cause
la perte de CD25. Les cellules sont alors Molécule
désignées par le sigle DN4. Finalement, elles CD44
d’adhérence
arrêtent de proliférer et expriment CD4 et CD8.
Récepteur
Les petites cellules double positives CD4+CD8+ CD25 de l’IL-2
commencent le réarrangement au locus de
la chaîne α. Les cellules expriment alors une Chaîne α
pTα substitutive
faible quantité du récepteur de la cellule T α:β
et du complexe CD3 associé, et elles sont CD3 Signalisation
prêtes à être sélectionnées. La plupart des
cellules meurent par défaut de sélection soit
positive ou par sélection négative, mais
CD4
Corécepteur CD4
certaines sont sélectionnées pour devenir des ou
cellules matures simple positives CD4 ou CD8, CD8 CD8
et finalement quitter le thymus. L’expression
de quelques autres protéines de surface
est décrite en relation avec les stades du dans le thymus, se compose de cellules qui ont réarrangé et expriment les gènes
développement des thymocytes. Les protéines codant le récepteur T γ:δ ; nous reviendrons à ces cellules dans la Section 7-12. La
retenues ici sont une sélection de celles que
l’on sait être associées au développement
seconde représentant aussi 20 % des cellules double négatives, comprend des cel-
précoce de la lignée T et ont été incluses car lules portant des récepteurs T α:β d’une diversité très limitée ; ces cellules expri-
leur importance dans le développement est ment aussi le récepteur NK1.1 communément trouvé sur les cellules NK, d’où leur
prouvée, essentiellement sur base d’études nom de cellules T NK. Les cellules T NK sont activées au cours de la réponse pré-
chez la souris. Leurs contributions individuelles
au développement des cellules T sont décrites
coce à de nombreuses infections ; elles diffèrent des lignées majoritaires de cel-
dans le texte. lules T α:β en reconnaissant les molécules CD1 plutôt que les molécules du CMH
de classe I ou de classe II (voir la Section 5-18). Elles ne sont pas montrées dans
la Fig. 7.19. Dans cette discussion et dans les suivantes, nous réserverons le terme
de thymocytes double négatifs aux thymocytes immatures qui n’expriment pas un
récepteur complet de cellule T. Ces cellules donnent naissance à la fois aux cellu-
les T α:β et γ:δ (voir Fig. 7.19). La plupart d’entre elles s’engagent dans la voie α:β.
La voie α:β est décrite dans la Fig. 7.20. Le stade double négatif peut-être subdivisé
en quatre en fonction de l’expression de la molécule d’adhérence CD44, de CD25
(la chaîne du récepteur de l’IL-2) et de Kit, qui est le récepteur SCF. Les thymocytes
double négatifs expriment d’abord Kit et CD44 mais pas CD25 ; dans ces cellules,
dites DN1, les gènes codant les deux chaînes du récepteur de la cellule T sont dans
la configuration germinale. Ensuite, les thymocytes passent au stade DN2 caracté-
risé par le début de l’expression de CD25 en surface; plus tard, au stade DN3, l’ex-
pression de CD44 et de Kit est réduite.
Le réarrangement du locus de la chaîne β du récepteur de la cellule T commence
dans les cellules DN2 par les segments Dβ et Jβ et continue dans les cellules DN3 avec
la jonction Vβ et DJ. Les cellules qui n’aboutissent pas à un réarrangement productif
Le développement des cellules T dans le thymus 279

du locus β restent au stade CD44basCD25+ et meurent rapidement, tandis que les cel-
lules qui réalisent des réarrangements géniques productifs d’une chaîne β perdent
à nouveau l’expression de CD25 et passent au stade DN4. La signification fonction-
nelle de l’expression transitoire de CD25 n’est pas claire ; les cellules T se développent
normalement chez les souris dont le gène de l’IL-2 a été inactivé (voir Appendice I,
Section  A-47). Par contre, Kit est essentiel au développement des thymocytes double
négatifs les plus précoces car les souris sans Kit ont un nombre très réduit de thymocy-
tes double négatifs. Le récepteur de l’IL-7 est aussi indispensable au développement
précoce des cellules T ; il reste bloqué chez les souris ou chez les hommes dépour-
vus de ce récepteur. Finalement, une signalisation continue par Notch est importante
pour le passage à ces différents stades du développement des cellules T.
Dans les thymocytes DN3, la chaîne β s’apparie avec une chaîne substitutive appe-
lée pTα (pré-T-cell α) , qui permet l’assemblage d’un récepteur de cellule pré-T
analogue en structure et fonction au récepteur des cellules pré-B. Le récepteur des
cellules pré-T est exprimé à la surface cellulaire sous forme d’un complexe avec les
molécules CD3, qui assurent la signalisation du complexe du récepteur des cel-
lules  T (voir la Section  6-8). L’assemblage du complexe du récepteur CD3:pré-T
conduit à la prolifération cellulaire, à l’arrêt de nouveaux réarrangements de gènes
de chaînes  β, et à l’expression de CD4 et CD8. Ces thymocytes double positifs
constituent la vaste majorité des thymocytes. Une fois que les grands thymocytes
double positifs cessent de proliférer et deviennent de petites cellules double posi-
tives, le locus de la chaîne α commence à se réarranger. Comme nous le verrons
plus loin dans ce chapitre, la structure du locus α (voir la Section 4-9) permet de
multiples tentatives successives de réarrangements, de telle manière qu’un réar-
rangement productif de la chaîne α soit obtenu au cours du développement de la
plupart des thymocytes. Donc, la plupart des cellules double positives produisent
un récepteur de cellule T α:β au cours de leur durée de vie relativement courte.
Les petits thymocytes double positifs expriment au début peu de récepteurs des
cellule T. La plupart de ces récepteurs ne peuvent pas reconnaître les complexes
moléculaires peptide du soi:CMH du soi ; ils ne pourront pas être sélectionnés posi-
tivement et mourront. Par contre, les thymocytes double positifs qui reconnais-
sent le complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent être sélectionnés de manière
positive avec maturation et expression du récepteur de cellule T en forte densité.
Parallèlement, ils cessent d’exprimer une des deux molécules coréceptrices, deve-
nant des thymocytes simple positifs, CD4 ou CD8. Les thymocytes subissent
aussi une sélection négative durant ou après le stade double positif, qui élimine
les cellules capables de répondre aux antigènes du soi. Approximativement 2 %
des cellules double positives survivent à cette double sélection et arrivent à matu-
rité comme cellules T simple positives qui sont graduellement exportées à partir
du thymus pour former un répertoire périphérique des cellules T. Chez la souris,
le temps entre l’entrée d’un progéniteur dans le thymus et l’exportation de sa des-
cendance arrivée à maturité est d’environ trois semaines.

7-10 Les thymocytes se situent en fonction de leur stade


de développement dans des zones différentes du thymus.

Le thymus se divise en deux régions principales, un cortex périphérique et une


médullaire centrale (voir Fig. 7.15). La plupart du développement des cellules T
prend place dans le cortex ; seuls des thymocytes matures simple positifs se trou-
vent dans la médullaire. Les progéniteurs provenant de la moelle osseuse entrent
à la jonction corticomédullaire et migrent vers le cortex périphérique (Fig. 7.21).
Dans la partie externe du cortex, dans la région sous-capsulaire du thymus, de
grands thymocytes immatures double négatifs prolifèrent vigoureusement  ; ces
cellules représenteraient les progéniteurs thymiques et leur descendance immé-
diate et donneraient naissance à toutes les autres populations de thymocytes. Plus
profondément dans le cortex, la plupart des thymocytes sont de petites cellules
280 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.21 Les thymocytes à différents stades


de développement se trouvent dans des
zones distinctes du thymus. Les précurseurs
les plus précoces des thymocytes entrent
dans le thymus à partir du courant sanguin DN3
à travers des veinules près de la jonction
Région
corticomédullaire. Des ligands qui interagissent
sous-capsulaire Thymocytes DN4
avec le récepteur Notch 1 sont exprimés double négatifs immatures
dans le thymus et agissent sur les cellules
immigrantes pour les orienter vers la lignée cellule
des cellules T. Alors qu’elles se différencient corticale
Cortex DN2
en passant par les différents stades précoces épithéliale
double négatifs (DN) décrits dans le texte, Thymocytes
elles traversent la jonction corticomédullaire Jonction double positifs immatures
et migrent vers le cortex périphérique. Les cortico-médullaire
cellules DN3 résident près de la région sous-
cellule
capsulaire. Lorsque le progéniteur devient un dendritique
thymocyte double positif, il retraverse le cortex.
Finalement, la médullaire ne contient plus que Thymocytes matures
des cellules T simple positives, qui quittent CD4+8– ou CD8+4–
alors le thymus. cellule épithéliale
Médullaire médullaire
DN1 veinule
macrophage

double positives. Le stroma cortical est composé de cellules épithéliales avec de


longues ramifications cytoplasmiques qui expriment des molécules du CMH de
classe I et de classe II à leur surface. Le cortex thymique montre une concentra-
tion très dense de thymocytes, et les ramifications des cellules épithéliales cortica-
les thymiques entrent en contact avec presque tous les thymocytes corticaux (voir
Fig. 7.16). Les contacts entre les molécules du CMH des cellules épithéliales corti-
cales thymiques et les récepteurs des cellules T en développement jouent un rôle
crucial dans la sélection positive, comme nous le verrons dans ce chapitre.
Après la sélection positive, les cellules T en développement migrent du cortex dans
la médullaire. Celle-ci contient relativement peu de thymocytes, et ceux qui sont pré-
sents sont surtout des cellules simple positives arrivées à maturité et prêtes à quit-
ter le thymus. La médullaire joue un rôle dans la sélection négative. Avant d’arriver à
maturité, les cellules T en développement doivent subir une sélection négative. Les
cellules présentatrices d’antigène dans cet environnement comprennent des cellules
dendritiques qui expriment des molécules costimulatrices ; ces cellules sont généra-
lement absentes du cortex. En plus, des cellules épithéliales médullaires spécialisées
présentent des antigènes périphériques pour l’induction de la tolérance au soi. Les
cellules épithéliales corticales et médullaires se développent à partir d’un progéni-
teur commun, qui exprime l’antigène de surface MTS24. La différenciation des deux
types d’épithélium est probablement critique pour la fonction correcte du thymus.

7-11 Les cellules T pourvues de récepteurs α:β ou γ:δ proviennent


d’un progéniteur commun.
Les cellules T portant des récepteurs γ:δ diffèrent des cellules T α:β par les types d’an-
tigènes qu’elles reconnaissent, par le profil d’expression des corécepteurs CD4 et CD8
et par leur distribution anatomique en périphérie. Les deux types de cellules T dif-
fèrent aussi dans leur fonction ; on connaît peu le rôle des cellules T γ:δ ainsi que les
ligands qu’elles reconnaissent (voir les Sections 2-34 et 3-19). Des locus génétiques
différents servent à la production de ces deux types de récepteurs de cellules T (voir
la Section 4-11). Le programme de développement des cellules T doit contrôler dans
quelle lignée un précurseur s’engage et doit aussi assurer qu’une cellule T mature
exprime les composants du récepteur propre à une seule lignée. Les réarrangements
de gènes trouvés dans les thymocytes et dans les cellules T matures α:β ou γ:δ sug-
gèrent que ces deux lignées cellulaires divergent à partir d’un précurseur commun
après que certains réarrangements de gènes se sont déjà produits (Fig. 7.22). Les cel-
lules T γ:δ matures peuvent contenir des gènes de chaînes β réarrangés, bien que
Le développement des cellules T dans le thymus 281

Fig. 7.22 Les signaux passant par le


Les cellules T double négatives réarrangent TCR γ:δ et le récepteur de cellule pré-T
simultanément leurs gènes de TCR 𝛄, 𝛅 et 𝛃 sont en compétition pour déterminer
le destin des thymocytes. Durant le
Cellule T DN développement des cellules T dans le
thymus, les thymocytes double négatifs (DN)
commencent par réarranger simultanément
les locus du récepteur des cellules T, γ, δ et β
(panneau du haut). Si un récepteur γ:δ est
formé avant qu’un réarrangement génique de
la chaîne β ne réussisse à former un récepteur
Vγ DγJγ Vβ DβJβ de cellule pré-T (panneaux de gauche), le
Vδ Jδ thymocyte reçoit, par le récepteur γ:δ, des
signaux qui bloquent le réarrangement du
gène de la chaîne β et engage la cellule
dans la lignée γ:δ. Cette cellule atteint alors
la maturation comme cellule T γ:δ et sort
Les signaux via le TCR 𝛄:𝛅 arrêtent Les signaux via le récepteur pré-T arrêtent du thymus dans la circulation périphérique
le réarrangement du gène de chaîne 𝛃 le réarrangement des gènes de la chaîne 𝛄 et 𝛅 (panneau du bas à gauche). Si une chaîne β
et engagent la cellule vers la lignée 𝛄:𝛅 et engagent la cellule vers la lignée 𝛂:𝛃 fonctionnelle est formée avant qu’un
récepteur γ:δ ne le soit, elle s’associe à
pré-TCR pTα pour constituer un récepteur de cellule
TCR γ:δ pré-T (panneaux de droite). Dans ce cas, le
pTα thymocyte en développement reçoit un signal
par le récepteur de cellule pré-T, arrête les
réarrangements des locus γ et δ et engage la
cellule dans la lignée α:β. Le thymocyte passe
du stade DN3 par le stade de prolifération
DN4 pour aboutir au stade double positif, au
Vγ DγJγ Vβ DβJβ Vγ DγJγ Vβ DβJβ cours duquel le locus du TCRα se réarrange ;
un récepteur de cellule T α:β est alors produit
Vδ Jδ Vδ Jδ (panneau du bas à droite). Le réarrangement
du locus de la chaîne α élimine les gènes δ,
Vα Jα prévenant ainsi la production d’un récepteur γ:δ
sur la même cellule.

Les cellules T 𝛄:𝛅 arrivent à maturité Les réarrangements des chaînes du locus
et migrent vers la périphérie du TCR éliminent le locus entier de
et créent le récepteur TCR 𝛂:𝛃 mature

TCR γ:δ TCR γ:δ TCR α:β TCR α:β

Vγ Dγ Jγ Vβ DβJβ
Vδ Jδ Vα Jα

80 % de ceux-ci soient non productifs, et les cellules T α:β matures contiennent sou-
vent des gènes réarrangés de chaînes γ, mais la plupart en décalage de phase.
Les locus β, γ et δ subissent des réarrangements presque simultanément dans les
thymocytes en développement. La décision d’un précurseur de s’engager dans la
lignée γ:δ ou α:β pourrait dépendre d’un réarrangement productif d’un gène γ et
d’un gène δ et donc de la formation d’un récepteur γ:δ fonctionnel avant qu’une
chaîne β fonctionnelle ne s’apparie à pTα pour générer le récepteur de la cellule
pré-T (β:pTα) (voir la Section 7-9). On pense que le récepteur de la cellule T γ:δ
transmet un signal plus puissant au précurseur de la cellule  T que celui prove-
nant du récepteur de la cellule pré-T et que ce signal plus fort conduit à l’engage-
ment γ:δ, tandis que la signalisation plus faible par le récepteur de la cellule pré-T
conduit à l’engagement α:β. Certaines observations suggèrent que la force de la
signalisation par Notch contribue également au choix de l’orientation cellulaire.
Dans la plupart des précurseurs, un gène de chaîne β est réarrangé avec succès
avant que les gènes des chaînes γ et δ ne le soient. La production d’un récepteur
282 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

de cellule pré-T arrête alors tout réarrangement génique ultérieur et induit la pro-
lifération du thymocyte, l’expression des gènes des corécepteurs et finalement le
réarrangement des gènes de la chaîne α. On sait que le récepteur β:pTα transmet
des signaux de manière constitutive par la tyrosine kinase Lck et semble ne pas
nécessiter de ligand sur le stroma thymique. Cette signalisation est cruciale pour
le développement ultérieur d’une cellule T α:β.
Il semble probable que les signaux passant par le récepteur de la cellule pré-T engage la
cellule dans la lignée α:β (voir Fig. 7.22). Une difficulté liée à ce modèle est d’expliquer le
fait que des cellules matures γ:δ peuvent avoir un locus de chaîne β réarrangé de manière
productive. Une explication possible serait de considérer que ces cellules étaient enga-
gées dans la voie γ:δ plutôt que α:β parce qu’elles avaient reçu un signal provenant d’un
récepteur γ:δ assemblé avant d’avoir assemblé un récepteur de cellule pré-T fonctionnel.
Cette hypothèse requiert que les modes de signalisation du récepteur de la cellule T γ:δ
et du récepteur de la cellule pré-T diffèrent, ce qui a été établi récemment.
Une fois que le locus de la chaîne α commence à se réarranger à la suite d’un signal
provenant du récepteur de la cellule pré-T, les segments géniques de la chaîne δ
situés dans le locus de la chaîne α sont éliminés sous forme d’anneaux extrachro-
mosomiques. Ce qui est un moyen supplémentaire d’éviter que les cellules enga-
gées dans la voie α:β ne produisent un récepteur γ:δ complet.

7-12 Les cellules T exprimant des régions V particulières des chaînes γ et δ


surviennent selon une séquence ordonnée tôt dans la vie.
Durant le développement de l’organisme, la génération des divers types de cellu-
les T, même les régions V particulières assemblées dans les cellules γ:δ, est contrô-
lée. Les premières cellules T à apparaître durant le développement embryonnaire
portent des récepteurs de cellules T γ:δ (Fig. 7.23). Chez la souris, où le développe-
ment du système immunitaire peut-être étudié en détail, les cellules T γ:δ apparais-
sent par vagues discontinues, avec des cellules T qui colonisent, à chaque poussée,
des sites différents de l’animal adulte.
La première vague de cellules  T  γ:δ peuple l’épiderme  ; les cellules  T s’insèrent
entre les kératinocytes et prennent une forme dendritique, qui leur a donné le nom
de cellules T dendritiques de l’épiderme (dETC, dendritic Epidermal T Cells). La
seconde vague se localise dans les épithéliums du tractus génital. Il est remarqua-
ble, étant donné le grand nombre de réarrangements théoriquement possibles, que
les récepteurs exprimés par ces vagues précoces de cellules T γ:δ soient essentiel-
lement invariants. Toutes les cellules d’une même poussée assemblent les mêmes
régions Vγ et Vδ, alors que chaque vague différente utilise une autre gamme de seg-
ments géniques V, D et J. Ainsi, certains segments de gènes V, D et J sont sélectionnés
pour se réarranger à un moment donné durant le développement embryonnaire ;
on ignore les raisons de cette sélection. Il n’y a pas de nucléotides N contribuant à
la diversité additionnelle des jonctions entre les segments géniques V, D et J. Ce qui
est lié à l’absence de l’enzyme TdT dans ces cellules fœtales.
Après ces vagues initiales, les cellules T sont produites continuellement, plutôt que
par poussées, et les cellules T α:β prédominent, représentant plus de 95 % des thy-
mocytes. Les cellules T γ:δ produites à ce stade diffèrent de celles des vagues pré-
coces. Elles possèdent un répertoire de leur récepteur beaucoup plus varié, pour
lequel de nombreux segments géniques V différents ont été utilisés, et les séquen-
ces du récepteur possèdent de nombreuses additions de nucléotides N. Beaucoup
de ces cellules T γ:δ, comme les cellules T α:β, se trouvent dans les tissus lymphoï-
des périphériques plutôt que dans les sites épithéliaux.
Les changements au cours du développement dans l’utilisation des segments
géniques V et dans l’addition de nucléotides  N dans les cellules  T γ:δ de sou-
ris sont parallèles à ceux qui surviennent dans les populations de cellules  B au
cours du développement fœtal, qui seront envisagés plus loin. Leur signification
Le développement des cellules T dans le thymus 283

fonctionnelle n’est pas claire, et tous ces changements dans le profil des récepteurs Fig. 7.23 Le réarrangement des gènes γ et δ
du récepteur de cellule T chez la souris se
exprimés par les cellules T γ:δ ne se produisent pas chez l’homme. Les dETC, par
déroule par vagues de cellules exprimant
exemple, ne semblent pas avoir leur contrepartie exacte chez l’homme, bien qu’il différents segments géniques Vγ et Vδ .
y ait des cellules T γ:δ dans les tractus génitaux et gastro-intestinaux humains. Les Dès la deuxième semaine de gestation, le
dETC de souris pourraient servir de sentinelles qui sont activées à la suite d’une locus Cγ1 est exprimé avec son gène V le
plus proche (Vγ5 ). Après quelques jours, les
lésion tissulaire ou de cellules régulatrices des processus inflammatoires. cellules portant Vγ5 diminuent (panneau du
haut) et sont remplacées par des cellules
exprimant le gène proximal suivant, Vγ6. ces
7-13 La synthèse réussie d’une chaîne β réarrangée permet la production deux chaînes γ réarrangées sont exprimées
d’un récepteur de cellule pré-T qui déclenche la prolifération cellulaire avec la même chaîne δ réarrangée, comme
le panneau du bas le montre, et il y a peu de
et bloque un réarrangement supplémentaire de gène de chaîne β. diversité jonctionnelle dans la chaîne Vγ ou Vδ.
En conséquence, la plupart des cellules T γ:δ
Nous revenons maintenant au développement des cellules T α:β. Le réarrangement produites lors de chacune de ces vagues
des locus des chaînes β et α suit une séquence qui est très parallèle de celle du réar- précoces ont la même spécificité, bien que
rangement des locus des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines durant l’antigène produit dans chacun de ces cas
n’est pas connu. Les cellules portant Vγ5
le développement des cellules B (voir les Sections 7-2 et 7-5). Comme la Fig. 7.24 le s’établissent sélectivement dans l’épiderme,
montre, les gènes des chaînes β se réarrangent d’abord, le segment génique Dβ rejoi- tandis que les cellules portant Vγ6 colonisent
gnant d’abord les segments géniques Jβ. Vient ensuite la jonction des segments Vβ et l’épithélium du tractus génital. Après la
DJβ. Si aucune chaîne β fonctionnelle ne peut être synthétisée à partir de ces réarran- naissance, la lignée des cellules T α:β devient
dominante et, bien que les cellules T γ:δ
gements, la cellule ne sera pas capable de produire un récepteur de la cellule pré-T soient encore produites, elles représentent
et mourra à moins qu’elle ne réussisse des réarrangements productifs à la fois aux des populations beaucoup plus hétérogènes,
portant des récepteurs avec beaucoup de
diversité jonctionnelle. Notez que les segments
Nombre géniques Vγ sont décrits sur base du système
de thymocytes α:β proposé par Tonegawa.
107

106 Vγ 1,2,4,7

Vγ 6
Vγ 5
105

104

103
15 16 17 18 19 1 2 3 4 5 6 7 8
Jours de gestation Naissance Âge (semaines)

Thymocytes 𝛄:𝛅

Vδ1 Dδ 2 Jδ 2 Cδ
Cellules souches chez le fœtus Les cellules T γ:δ
s’établissent
Jours 14-18 du développement Vγ 5 J γ 1 C γ1
dans l’épiderme

Cellules souches chez Vδ1 Dδ 2 Jδ 2 Cδ


le fœtus et le nouveau-né Les cellules T γ:δ
s’établissent
Jour 17 du développement Vγ 6 J γ 1 C γ1 dans l’épithélium génital
jusqu’au jour 1 après la
naissance (jour 22)

Vδ 2–7 Dδ1 Dδ 2 Jδ 2 Cδ
Certaines cellules T γ:δ
Cellules souches s’établissent dans l’épithélium
à partir du nouveau-né Vγ 1,2,4,7Jγ Cγ intestinal ; d’autres se trouvent
jusqu’à l’âge adulte dans les organes lymphoïdes
284 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

locus  γ et δ (voir la Section 7-12). Cependant, contrairement à ce qui se passe dans


les cellules B lors de réarrangements non productifs des gènes de chaîne lourde d’im-
munoglobuline, les thymocytes dont les réarrangements de la chaîne β sont non pro-
ductifs peuvent être sauvés par des réarrangements ultérieurs, qui sont possibles en
raison de la présence de deux groupes de segments de gènes Dβ et Jβ en amont des
deux gènes Cβ (voir Fig. 4.9). Pour cette raison, la probabilité d’une jonction produc-
tive VDJ au locus β est quelque peu plus élevée que les 55 % de chance d’un arrange-
ment productif des gènes de chaîne lourde d’immunoglobuline.

Processus Génome Cellule

V V D J C thymocyte CD4–CD8–
β en maturation
Configuration
germinale des gènes V V J C
α
Fig. 7.24 Stades du réarrangement génique
dans les cellules T α:β. Les schémas
montrent le déroulement des réarrangements δ
géniques avec l’indication du stade auquel
les événements prennent place et la nature
moléculaire du récepteur à la surface
cellulaire exprimée à chaque stade. Le locus thymocyte CD25+CD44bas
de la chaîne β se réarrange d’abord, dans V V DJ J C réarrangeant ses gènes
les thymocytes double négatifs CD4−CD8− β de chaîne β
exprimant CD25 et des taux faibles de Réarrangement Dβ-Jβ
CD44. Comme pour les gènes de chaînes (le réarrangement V V J C
lourdes d’immunoglobulines, les segments des chaînes γ α
géniques D et J se réarrangent avant que
et δ peut aussi
se produire)
les segments géniques V se réarrangent
avec DJ (deuxième et troisième panneaux). δ
Jusqu’à quatre tentatives de générer un
réarrangement productif au locus de chaîne β
sont possibles puisqu’il y a quatre segments
de gènes D et deux groupes de segments thymocyte CD25+CD44bas
de gènes J (non montré). Le gène réarrangé V DJ J C β+ cytoplasmique
correctement est exprimé d’abord à l’intérieur β
de la cellule, puis un peu à la surface cellulaire. Réarrangement Vβ-DJβ
Il s’associe avec pTα, une chaîne α de
en phase.
V V J C
substitution de 33kDa qui est équivalente à La protéine de chaîne β α β
est produite
λ5 dans le développement des cellules B, et
cet hétérodimère pTα:β forme un complexe
avec les chaînes CD3 (quatrième panneau) ; δ
l’expression du récepteur de la cellule pré-T
signale aux thymocytes en développement
d’arrêter le réarrangement du gène de la
chaîne β, et de procéder à plusieurs cycles de Expression à la surface CD4–CD8– CD4+CD8+
division. À la fin de cette poussée proliférative, V DJ J C pTα:β+CD3très bas en surface
de la chaîne β avec β
les molécules CD4 et CD8 sont exprimées, la la chaîne α substitutive.
cellule interrompt son cycle, et les segments
Le réarrangement β pTα β
géniques de la chaîne α peuvent alors se
s’arrête V V J C
réarranger. Le premier réarrangement génique la cellule prolifère α
de la chaîne α élimine tous les segments
géniques δ D, J et C sur ce chromosome, Induction de CD4/CD8
bien qu’ils soient retenus sous forme d’ADN la transcription δ
circulaire, prouvant que ce sont des cellules de α démarre CD4 CD8
qui ne se divisent pas (panneau du bas). C’est
ainsi que le gène de la chaîne δ est inactivé
de manière permanente Les réarrangements CD4+8+
au locus de la chaîne α peuvent se dérouler V DJ J C α:β CD3bas en surface
Réarrangement Vα-Jα β
sur plusieurs cycles en raison des nombreux
segments géniques Vα et Jα, si bien que des αβ
réarrangements productifs sont presque Expression à la surface V J J C
toujours réalisés. Quand une chaîne α de α:β :CD3 α
fonctionnelle est produite pour s’apparier
efficacement avec la chaîne β, le thymocyte Les évènements δ
CD3basCD4+CD8+ est prêt à subir la sélection
de sélection
commencent
pour sa capacité à reconnaître des peptides du CD3 CD4 CD8
soi associés aux molécules du CMH du soi.
Le développement des cellules T dans le thymus 285

Une fois qu’un réarrangement productif de chaîne β s’est produit, celle-ci est expri-
mée avec la chaîne partenaire invariante pTα et les molécules CD3 (voir Fig. 7.24), et
est transportée à la surface cellulaire. Le complexe β:pTα est un récepteur fonction-
nel de cellule pré-T analogue au complexe du récepteur µ:Vpré-B:λ5 de la cellule
pré-B au cours du développement de la lignée B (voir la Section 7-3). L’expression du
récepteur de la cellule pré-T au stade DN3 déclenche la phosphorylation et la dégra-
dation de RAG-2, stoppant le réarrangement des gènes de la chaîne β et assurant
ainsi l’exclusion allélique au locus β. Ce signal induit le stade DN4 au cours duquel les
cellules prolifèrent rapidement et expriment finalement les protéines coréceptrices
CD4 et CD8. Le récepteur de la cellule pré-T transmet ses signaux de manière consti-
tutive en passant par la protéine kinase cytoplasmique Lck, une tyrosine kinase de la
famille Src (voir Fig. 6.14) et qui ne paraît pas nécessiter de ligand épithélial thymi-
que. Lck s’associe ensuite aux protéines coréceptrices. Chez la souris génétiquement
déficiente en Lck, le développement des cellules T est arrêté avant le stade double
positif CD4 CD8 et aucun réarrangement du gène de chaîne α ne se produit.
Le rôle de la chaîne β dans l’arrêt du réarrangement de son locus est démontré par
les souris porteuses d’un transgène de chaîne β ; 100 % des cellules T de ces souris
expriment la chaîne β transgénique, ce qui montre que le réarrangement du locus
endogène de la chaîne β est supprimé. L’importance de pTα a été montré par la
réduction de plus de cent fois du nombre de cellules T α:β et par l’absence d’exclu-
sion allélique au locus β.
Durant la phase de prolifération des cellules DN4 déclenchée par l’expression du
récepteur de la cellule pré-T, les gènes RAG-1 et RAG-2 sont aussi réprimés. Donc
aucun réarrangement au locus de chaîne α ne se produit jusqu’à ce que la phase
proliférative se termine ; la transcription des gènes RAG-1 et RAG-2 reprend alors,
et le complexe fonctionnel RAG-1:RAG-2 s’accumule. Cela garantit que toute cel-
lule dans laquelle un gène de chaîne β a été correctement réarrangé puisse donner
naissance à beaucoup de thymocytes double positifs CD4 CD8 . Une fois que les
cellules arrêtent de se diviser, chacune d’elles peut indépendamment réarranger
ses gènes de chaînes α, de telle manière qu’une seule chaîne fonctionnelle β peut
s’associer à beaucoup de chaînes α différentes dans les cellules de la descendance.
Durant la période de réarrangement de gènes de chaînes α, les récepteurs des cel-
lules T α:β sont d’abord exprimés ; ensuite, la sélection par les complexes peptide
du soi:CMH du soi dans le thymus peut commencer.
Au cours de la progression des cellules T à partir du stade double négatif vers le stade
double positif et finalement le stade simple positif, on distingue des profils différents
de molécules impliquées dans le réarrangement, la signalisation, et aussi des facteurs
de transcription, ceux-ci contrôlant probablement aussi bien le sort du développement
que l’expression de gènes importants des cellules T comme ceux du récepteur T lui-
même ( Fig. 7.25). TdT, la protéine responsable de l’insertion de nucléotides N aux jonc-
tions des segments géniques dans les cellules T et B, s’exprime tout au long de la période
du développement pendant laquelle les thymocytes réarrangent les segments de gènes
de leurs récepteurs de cellules T ; les nucléotides N peuvent être trouvés aux jonctions
de tous les gènes α et β réarrangés. Lck, et ZAP-70, une autre tyrosine kinase, sont expri-
mées toutes deux depuis les stades précoces du développement des thymocytes. Outre
son rôle clé dans la signalisation à partir du récepteur des cellules pré-T, Lck est aussi
importante pour le développement des cellules T γ:δ. Par contre, des études d’animaux
knockout (voir Appendice I, Section A-47) montrent que ZAP-70, bien qu’exprimée à
partir du stade double négatif, joue un rôle plus tardif ; il favorise le développement des
thymocytes simple positifs à partir des thymocytes double positifs. Fyn, un kinase de la
famille Src et semblable à Lck, est exprimée à des taux croissants à partir du stade dou-
ble positif. Elle n’est pas indispensable au développement des thymocytes α:β tant que
Lck est présente, mais elle est requise pour le développement des cellules NKT.
Finalement, plusieurs facteurs de transcription guident le développement des
thymocytes d’un stade vers l’autre. Ikaros et GATA-3 sont exprimés dans les pro-
géniteurs précoces des cellules T, et si l’un des deux manque, le développement
286 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.25 Expression au cours du temps


de protéines cellulaires importantes dans Cellule Simple
Double négative Double positive
le développement précoce des cellules T.
souche positive
Leur expression est décrite en relation avec
les stades successifs de développement des DN1 DN2 DN3 DN4 CD8
TCR
thymocytes déterminés par la nature des
marqueurs de membrane. La sélection des
protéines reprises ici porte sur les facteurs
associés au développement précoce de la
lignée T. Elles ont été retenues en raison de CD44+ CD44+ CD44bas CD44– CD4
Protéine Fonction
leur rôle important dans cette maturation, CD25– CD25+ CD25+ CD25–
qui a été étudiée surtout chez la souris.
Certaines de ces protéines sont impliquées RAG-1 Recombinase
dans le réarrangement génique et dans spécifique des
la signalisation par les récepteurs ; leurs RAG-2 lymphocytes
contributions individuelles sont décrites dans
le texte. Plusieurs facteurs de transcription ont TdT Addition de
été identifiés ; ils guident le développement nucléotides N
de thymocytes d’un stade à l’autre en régulant Chaîne α
l’expression génique. Ikaros et GATA-3 sont pTα substitutive
exprimés dans les progéniteurs précoces
des cellules T ; l’absence de l’un des deux ZAP-70
perturbe en général le développement des
cellules T. Ces protéines jouent aussi un rôle CD3
dans les cellules T matures. En l’absence
du facteur-1 des cellules T, TCF1 (T-Cell Transduction
Lck du signal
Factor-1), les cellules T double négatives qui
réarrangent de façon productive les segments Fyn
géniques de la chaîne β ne prolifèrent pas en
réponse au signal venant du récepteur de la
cellule pré-T, empêchant ainsi la production CD2
efficace de thymocytes double positifs. LKLF
(Lung Kruppel-Like Factor) est tout d’abord Ikaros
exprimé au stade simple positif ; s’il est absent,
l’émigration des thymocytes dans les tissus GATA-3
lymphoïdes périphériques est défectueuse, en
partie en raison de leur incapacité d’exprimer TCF1 Facteur de
les récepteurs impliqués dans le trafic, comme transcription
le récepteur sphingo-1-phosphate (S1P), S1P1
LKLF
(voir Chapitre 8). Le facteur de transcription
Ets-1 (absent de cette figure) n’est pas
nécessaire au développement des cellules T, Th-Pok
mais les souris dépourvues de ce facteur ne
produisent pas de cellules NK.
de la cellule  T s’interrompt généralement  ; de plus ces molécules interviennent
dans le fonctionnement normal des cellules T matures. Par contre, Ets‑1, même
s’il s’exprime dans les progéniteurs précoces, ne joue pas de rôle essentiel dans
le développement des cellules T, bien que les souris sans Ets-1 ne produisent pas
de cellules NK. Le facteur 1 des cellules T ou TCF-1 (T-Cell-Factor-1) est d’abord
exprimé durant le stade double négatif, et en son absence, les cellules double
négatives dans lesquelles des réarrangements de chaînes β sont productifs ne pro-
lifèrent pas comme d’habitude en réponse à la signalisation du pré-TCR, ce qui
prévient la production de thymocytes double positifs. Ainsi, les facteurs de trans-
cription exprimés à différents stades du développement contrôlent le développe-
ment normal des thymocytes en régulant l’expression des gènes appropriés.

7-14 Les gènes de la chaîne α des cellules T subissent des réarrangements


successifs jusqu’à ce qu’une sélection positive ou la mort cellulaire
intervienne.

Les gènes de chaînes α du récepteur de la cellule T sont comparables à ceux des


chaînes légères κ et λ car ils n’ont pas de segments géniques D et ne sont réarrangés
qu’après l’expression de la chaîne partenaire du récepteur. Comme pour les gènes
de chaîne légère d’immunoglobuline, des tentatives répétées de réarrangement
sont possibles (Fig. 7.26). La présence de segments multiples de gènes Vα et d’en-
viron 60 segments géniques Jα répartis sur 80 kb d’ADN permet de nombreux réar-
rangements successifs entre les gènes Vα et Jα aux deux allèles de la chaîne α. Cela
Le développement des cellules T dans le thymus 287

Des réarrangements répétés peuvent sauver des jonctions non productives V𝛂J𝛂

Vα Jα Cα

Réarrangement initial non productif

Des réarrangements consécutifs shuntent les segments VJ non fonctionnels

De multiples cycles de réarrangement peuvent se produire pour générer une chaîne α fonctionnelle

signifie que les cellules  T sans réarrangement initial productif de gène α auront Fig. 7.26 De multiples événements de
réarrangement successifs peuvent sauver
beaucoup plus de chance d’être sauvées par un réarrangement ultérieur que les
la formation du gène de la chaîne α du
cellules B sans réarrangement productif de leur gène de chaîne légère. récepteur de la cellule T. La multiplicité
des segments de gènes V et J au locus de
Une différence importante entre cellules  B et T est que l’assemblage final d’une la chaîne α permet aux réarrangements
immunoglobuline conduit à l’arrêt du réarrangement génique et lance la suite de successifs de faire du « saute-mouton »
la différenciation de la cellule B, tandis que dans les cellules T le réarrangement des au-dessus des segments VJ préalablement
segments géniques Vα continuent à moins qu’un signal ne provienne d’un com- réarrangés, en éliminant tous les segments de
gènes intermédiaires. La voie de sauvetage
plexe peptide du soi:CMH du soi ne vienne sélectionner positivement le récepteur. de la chaîne α ressemble à celle des gènes
Cela signifie que de nombreuses cellules T ont des réarrangements en phase sur les de chaîne légère κ des immunoglobulines
deux chromosomes et peuvent ainsi produire deux types de chaînes α. C’est possi- (voir Section 7-5), mais le nombre possible
de réarrangements successifs est plus grand.
ble, parce que l’expression du récepteur de cellule T n’est pas suffisante pour arrêter
Le réarrangement des segments géniques
le réarrangement des gènes. Des réarrangements continus sur les deux chromoso- de chaîne α continue jusqu’à ce qu’un
mes permettent à de nombreuses chaînes α d’être produites successivement dans réarrangement productif conduise à une
chaque cellule T en développement et d’être testées quant à leur capacité de recon- sélection positive ou à la mort cellulaire.
naître, en partenariat avec la même chaîne  β, un complexe peptide du soi:CMH
du soi. Cette phase de réarrangement génique dure 3 à 4 jours chez la souris et ne
s’arrête que lorsqu’une sélection positive se produit à la suite de l’engagement du
récepteur, ou quand la cellule meurt. On peut prédire que si la fréquence de la sélec-
tion positive est suffisamment basse, environ une cellule T mature sur trois expri-
mera deux chaînes α réarrangées de manière productive à sa surface. Ainsi, au sens
strict, les gènes de chaîne α du récepteur T ne sont pas soumis à l’exclusion allélique.
Cependant, comme nous le verrons dans la prochaine partie de ce chapitre, seuls
les récepteurs des cellules T qui sont sélectionnés positivement pour la reconnais-
sance du complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent fonctionner dans les répon-
ses restreintes au CMH. La régulation du réarrangement des gènes de chaîne α par
la sélection positive assure donc que chaque cellule T n’aura qu’une seule spécificité
fonctionnelle, même si deux chaînes α différentes sont exprimées.
On pourrait s’attendre à ce que les cellules T dotées d’une double spécificité fonc-
tionnent de manière inappropriée si une cellule activée par un récepteur pouvait
agir sur des cellules cibles reconnues par le second récepteur. Cependant, un seul
des deux récepteurs est probablement capable de reconnaître le peptide présenté
par une molécule du CMH du soi. En effet, une fois que la cellule a été sélectionnée
288 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

positivement, le réarrangement du gène de la chaîne α cesse. Aussi, l’existence de


cellules avec deux gènes de chaîne  α réarrangés de manière productive et deux
chaînes α exprimées à la surface cellulaire ne contredit pas l’idée qu’une seule
spécificité fonctionnelle est exprimée par chaque cellule.

Résumé.

Le thymus offre un microenvironnement spécialisé et de structure organisée pour


la maturation des cellules  T. Les précurseurs de cellules  T migrent de la moelle
osseuse dans le thymus, où ils interagissent avec certains indicateurs comme des
ligands pour le récepteur Notch qui engage la cellule dans la lignée T. Les thymo-
cytes en développement ont le choix entre trois lignées : les cellules T γ:δ, les cellu-
les T NK et les cellules T α:β. Les cellules T α:β passent par une série de stades qui se
distinguent par l’expression différenciée de CD44 et CD25, des protéines du com-
plexe CD3:récepteur de cellule T et des corécepteurs CD4 et CD8. La maturation
des thymocytes aboutit à la mort de nombreuses cellules, ce qui reflète la sévérité
de la sélection des cellules T et l’élimination de celles dont les récepteurs ont une
spécificité inappropriée. La plupart des étapes dans le développement des cellu-
les T se déroulent dans le cortex thymique, alors que la médullaire contient prin-
cipalement des cellules T matures. Au cours de la différenciation des cellules T, les
gènes des récepteurs se réarrangent selon un programme défini similaire à celui
des cellules B, mais avec la complexité accrue que les progéniteurs des cellules T
doivent choisir entre plus d’une seule lignée, se développer soit en cellules T por-
teuses des récepteurs des cellules T γ:δ ou des récepteurs des cellules T α:β. Tôt au
début de l’ontogénie, les cellules T γ:δ prédominent par rapport aux cellules T α:β
et elles colonisent plusieurs tissus périphériques, entre autres la peau, l’épithélium
génital et l’intestin. Plus tard, plus de 90 % des thymocytes expriment les récep-
teurs des cellules T α:β. Dans les thymocytes en développement, les gènes γ, δ et
β se réarrangent quasi simultanément ; la signalisation par un récepteur γ:δ fonc-
tionnel engage le précurseur dans la lignée γ:δ et ces cellules arrêtent tout réarran-
gement génique supplémentaire ; elles n’expriment pas les corécepteurs CD4 et
CD8. La production d’un gène réarrangé et fonctionnel de chaîne β et la signalisa-
tion par le récepteur de la cellule pré-T engage le précurseur dans la lignée α:β.
Jusqu’à ce point, le développement des thymocytes était indépendant de l’anti-
gène. À partir de ce point, les décisions de développement dépendent de l’interac-
tion du récepteur de la cellule T α:β avec son ligand, le complexe peptide:CMH. Il
est évident que la liaison particulière du récepteur des cellules T avec le complexe
peptide du soi:CMH du soi dépendra de la spécificité du récepteur. Ainsi, la phase
suivante du réarrangement du gène de la chaîne α marque un changement impor-
tant dans les forces qui façonnent le destin de la cellule T.

Sélection positive et négative des cellules T.


Pour les précurseurs des cellules T qui se sont engagés, au stade DN3, dans la lignée
α:β, une phase de prolifération intense suit au cours de la phase de développement
DN4 dans la région sous-capsulaire. Ensuite, ces cellules se différencient d’abord en
cellules immatures CD8 simple positives (ISP, Immature Single Positive) puis en cel-
lules double positives (DP), qui expriment les corécepteurs CD4 et CD8 et faiblement
le récepteur des cellules T ; elles gagnent les régions les plus profondes du cortex thy-
mique. Ces cellules doublement positives ont une durée de vie d’environ 3 à 4 jours à
moins qu’elles ne soient sauvées par l’engagement de leurs récepteurs de cellule T. Le
sauvetage des cellules doublement positives de la mort programmée et leur matura-
tion en cellules simple positives CD4 ou CD8 est le processus dit de sélection positive.
Seulement 10-30 % des récepteurs cellulaires T générés par réarrangement génique
seront en mesure de reconnaître le complexe peptide du soi:CMH du soi et donc
Sélection positive et négative des cellules T 289

Fig. 7.27 La sélection positive se révèle


CMHaΧbF1 chez des souris avec une moelle osseuse
chimérique. Comme il est montré dans les
panneaux du haut, la moelle osseuse d’une
souris hybride F1 CMHa×b est transférée à
une souris receveuse d’un des deux types
parentaux (CMHa ou CMHb), irradiée à dose
létale. Quand ces souris chimériques sont
immunisées contre un antigène, celui-ci peut
Transfert de moelle osseuse être présenté par les cellules présentatrices
d’antigènes (APC) dérivées de la moelle
osseuse de CMHa×b en association à la
fois aux molécules de CMHa et de CMHb.
Les cellules T des souris F1 de CMHa×b
Receveur CMHa irradié Receveur CMHb irradié comprennent des cellules qui répondent à
l’antigène présenté par les APC des souris de
CMHa et des cellules qui répondent aux APC
irradié irradié
de souris de CMHb (non montré). Mais quand
les cellules T des animaux chimériques ont
été testées in vitro avec les APC portant des
molécules de CMHa ou de CMHb seulement,
elles répondent bien mieux à l’antigène
présenté par les molécules du CMH du type
Réponses des cellules T immunes de F1 aux antigènes présentés par les APC de CMHa ou de CMHb du receveur comme les panneaux du bas le
montrent. Ce qui indique que les cellules T ont
subi une sélection positive pour la restriction
au CMH dans le thymus du receveur.
APC CMHa APC CMHa

APC CMHb APC CMHb

Réponse cellulaire T Réponse cellulaire T

Les cellules T immunes répondent Les cellules T immunes répondent


à l’antigène présenté par les APC de CMHa à l’antigène présenté par les APC de CMHb

d’intervenir dans les réponses restreintes au CMH du soi aux antigènes étrangers (voir
Chapitre 4) ; ceux qui en sont capables sont sélectionnés et survivent dans le thymus.
Les cellules double positives sont aussi soumises à une sélection négative  ; les cel-
lules T dont les récepteurs reconnaissent des complexes peptide du soi:CMH du soi
meurent d’apoptose, ce qui élimine les cellules potentiellement auto-réactives. Dans
cette section, nous examinons les interactions entre les thymocytes double positifs en
développement et différents composants thymiques et nous examinons les mécanis-
mes par lesquels ces interactions façonnent le répertoire des cellules T matures.

7-15 Le type de CMH du stroma thymique sélectionne un répertoire


de cellules T matures qui peuvent reconnaître des antigènes
étrangers présentés par le même type de CMH.
La sélection positive a été démontrée par des expériences classiques utilisant
des souris dont la moelle osseuse a été complètement remplacée par celle de
souris génétiquement identiques sauf pour leur CMH. Ces souris sont appelées
des chimères de la moelle osseuse (voir Appendice  I, section A-43). On irra-
die d’abord l’animal receveur de façon à détruire ses lymphocytes et les progéni-
teurs de la moelle osseuse. Après transplantation, toutes les cellules dérivées de
la moelle osseuse auront le génotype du donneur. Elles comprendront tous les
lymphocytes ainsi que les cellules présentatrices d’antigènes avec lesquelles elles
interagissent. Le reste des tissus de l’animal, y compris les cellules stromales du
thymus, resteront, bien sûr, du génotype CMH du receveur.
Dans les expériences qui ont démontré la sélection positive (Fig. 7.27), les souris don-
neuses étaient des hybrides F1 dérivées de parents CMHa et CMHb, et donc de géno-
type CMHaxb. Les receveuses irradiées appartenaient à une des souches parentales,
soit de CMHa ou de CMHb. À cause de la restriction au CMH, chaque cellule T recon-
naît soit le CMHa ou le CMHb, mais pas les deux. Dans des circonstances normales,
290 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.28 Résumé des réponses de cellules T


lors d’une immunisation de souris dont la Réponses secondaires des cellules T à l’antigène
moelle osseuse est chimérique. Par transfert Donneur Souris présenté in vitro par les APC de type :
de moelle Receveur avec APC
de moelle osseuse, on a rendu des souris
osseuse de type :
chimériques différant par les combinaisons APC CMHa APC CMHb
variées des CMH du donneur et du receveur.
Ces souris ont été immunisées et leurs
cellules T isolées pour être testées in vitro CMHa×b CMHa CMHa×b Oui Non
afin que leur capacité de réponse secondaire
puisse être mesurée en en présence de CMHa×b CMHb CMHa×b Non Oui
cellules présentatrices d’antigènes (APC) de
CMHa et de CMHb. Comme les deux dernières
colonnes l’indiquent, les cellules T répondent CMHa CMHb MHCa Non Non
spécifiquement à l’antigène de manière bien
plus forte si les APC présentes chez l’hôte CMHa CMHb Non Oui
CMHa + CMHb
au moment de la sensibilisation partagent au +APC CMHb
moins une molécule du CMH avec le thymus
dans lequel les cellules T se développent. un nombre à peu près égal de cellules T de CMHaxb des souris hybrides F1 de CMHaxb
reconnaît les antigènes présentés par le CMHa ou le CMHb. Mais dans les chimères
de moelle osseuse, où les cellules T de génotype CMHaxb se développent dans un thy-
mus de génotype de CMHa, les cellules T reconnaissent principalement, si ce n’est pas
exclusivement, les antigènes présentés par des molécules du CMHa, même si les cel-
lules présentatrices d’antigènes exposent des antigènes liés à des molécules du CMHa
et du CMHb (Fig. 7.27). Ces expériences ont démontré que les molécules du CMH pré-
sentes dans un environnement dans lequel les cellules T se développent déterminent
la restriction au CMH du répertoire de récepteurs des cellules T matures.
Une autre expérience avec des greffes de tissu thymique a démontré que le stroma thy-
mique était responsable de la sélection positive. Pour cette expérience, les animaux
receveurs étaient des souris nude ou des souris thymectomisées de génotype CMHaxb
auxquelles étaient greffés des stromas thymiques de génotype CMHa. Ainsi, toutes
leurs cellules portaient des molécules de CMHa et de CMHb , sauf celles du stroma thy-
mique. Les cellules de la moelle osseuse de ces souris se sont différenciées en cellu-
les T qui reconnaissaient des antigènes présentés par les molécules de CMHa , mais
pas les antigènes présentés par les molécules de CMHb. Ce que les cellules T considè-
rent comme le CMH du soi est donc déterminé par les molécules du CMH exprimées
par les cellules du stroma thymique qu’elles rencontrent durant leur développement.
Ces résultats montrent également que le phénomène de restriction au CMH qui se
manifeste lors d’une immunisation de chimères de moelle osseuse pourrait se déve-
lopper dans le thymus, probablement par sélection des cellules T en développement.
Les souris chimériques utilisées dans la démonstration de la sélection positive sont
capables de réponses cellulaires normales aux antigènes étrangers. Par contre, les
chimères réalisées par greffe de moelle osseuse de CMHa à des animaux de CMHb sont
incapables de répondre normalement. C’est parce que les cellules T de ces animaux
ont été sélectionnées pour reconnaître des peptides présentés par des molécules de
CMHb , tandis que les cellules présentatrices d’antigènes qu’ils rencontrent en tant
que cellules T matures à la périphérie sont des cellules dérivées de la moelle osseuse
de CMHa . Les cellules T ne pourront donc pas reconnaître un antigène présenté par
des cellules présentatrices d’antigènes de leur propre génotype CMH, et les cellules T
ne peuvent être activées chez ces animaux que si des cellules présentatrices d’antigè-
nes de CMHb sont injectées en même temps que l’antigène. Donc, pour qu’une greffe
de moelle osseuse reconstitue une immunité cellulaire T, il doit y avoir au moins une
molécule du CMH en commun entre le donneur et le receveur (Fig. 7.28).

7-16 Seuls les thymocytes dont les récepteurs interagissent


avec un complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent survivre
et atteindre la maturité.

Les chimères de moelle osseuse et la greffe thymique ont fourni la preuve que les
molécules du CMH dans le thymus influencent le répertoire des cellules T restrein-
tes au CMH. Cependant, des souris porteuses de transgènes réarrangés de récepteurs
Sélection positive et négative des cellules T 291

de cellules T ont apporté la première démonstration concluante que l’interaction de


Récepteur transgénique restreint au CMHa
la cellule T avec un complexe peptide du soi:CMH du soi est nécessaire pour la survie
des cellules T immatures et leur maturation en cellules T CD4 ou CD8 naïves. Pour ces
expériences, les gènes réarrangés des chaînes α et β ont été clonés à partir de cellules T
monoclonales (voir Appendice I, Section A-24) dont l’origine, la spécificité antigénique Cellules T double positives
et la restriction au CMH étaient connues. Lorsque de tels gènes sont introduits dans le CD4+CD8+ immatures
génome de la souris, ces transgènes sont exprimés dès le début du développement des
thymocytes, ce qui inhibe le réarrangement des gènes endogènes du récepteur des Stroma
cellules T; celui de la chaîne β l’est complètement, alors que celui de la chaîne α ne l’est exprimant
le CMHa
que partiellement. La conséquence est que la plupart des thymocytes en développe-
ment expriment le récepteur des cellules T codé par les transgènes.
Par l’introduction d’un transgène de récepteur de cellule T spécifique d’un génotype
CMH connu, l’effet des molécules du CMH sur la maturation des thymocytes avec des
récepteurs de spécificité connue peut être étudié directement, sans la nécessité de la
vaccination et de l’analyse des fonctions effectrices. Ces études ont montré que des Les cellules T CD8+ simple positives viennent à maturité
thymocytes porteurs d’un récepteur de cellule T pouvaient se développer jusqu’au
stade double positif dans des thymus qui exprimaient des molécules du CMH diffé- Récepteur transgénique restreint au CMHa
rentes de celles dans lesquelles la cellule portant le récepteur de cellule T s’était déve-
loppé à l’origine. Toutefois, ces thymocytes transgéniques ne se développaient pas au
delà du stade double positif et ne devenaient des cellules T matures que si le thymus
exprimait la même molécule du CMH que celle sur laquelle le clone des cellules T Cellules T double positives
CD4+CD8+ immatures
avait été sélectionné à l’origine (Fig. 7.29). Ces expériences ont également montré le
sort des cellules T qui échouent lors de la sélection positive. Des gènes réarrangés de
récepteur d’une cellule T mature spécifique d’un peptide présenté par une molécule Stroma
particulière du CMH ont été introduits dans des souris dépourvues de cette molé- exprimant
le CMHb
cule du CMH, et le sort des thymocytes a été étudié par coloration avec des anticorps
spécifiques pour le récepteur transgénique. Des anticorps contre d’autres molécules
comme CD4 et CD8 ont été utilisés en même temps pour marquer les étapes de déve-
loppement de la cellule T. Il a été constaté que les cellules qui ne reconnaissent pas le
CMH de l’épithélium thymique ne progressent jamais plus loin que le stade double
positif et meurent dans le thymus 3 à 4 jours après leur dernière division. Aucune cellule T simple positive ne se forme

7-17 La sélection positive agit sur un répertoire de récepteurs de cellules T


Fig. 7.29 La sélection positive est
dotés d’une spécificité inhérente pour les molécules du CMH. démontrée par le développement des
cellules T exprimant des transgènes
La sélection positive agit sur un répertoire de récepteurs dont la spécificité est déter- réarrangés de récepteurs de cellules T.
Chez des souris transgéniques porteuses
minée par une combinaison de segments géniques germinaux et de régions jonction- des gènes réarrangés du récepteur de
nelles dont la diversité est créée de façon aléatoire lors des réarrangements géniques cellule T α:β, la maturation des cellules T
(voir la Section 4-8). Il semble, toutefois, que les récepteurs des cellules T reconnais- dépend de l’haplotype du CMH exprimé
dans le thymus. Si les souris transgéniques
sent plus volontiers des molécules du CMH avant même la sélection positive. Si la
expriment, dans leurs cellules stromales
spécificité de liaison du répertoire non sélectionné était complètement aléatoire, on thymiques, le même haplotype du CMH que
s’attendrait à ce qu’une très faible proportion de thymocytes reconnaisse une molé- celui de la souris à partir de laquelle les
cule du CMH. Toutefois, il semble que les boucles variables CDR1 et CDR2 des deux gènes réarrangés de la chaîne TCRα et de
la chaîne TCRβ ont été clonés (même CMHa
chaînes du récepteur de la cellule T, qui sont codées par des segments géniques V de chez les deux, panneau du haut), alors les
la lignée germinale (voir la Section 4-10) procurent au récepteur de la cellules T une cellules T exprimant le récepteur transgénique
spécificité intrinsèque pour les molécules du CMH. C’est ce qui ressort de la façon des cellules T se développent à partir du
dont ces deux régions entrent en contact avec des molécules du CMH dans les struc- stade double positif (vert pâle) en cellules T
matures (vert foncé), dans le cas présent
tures cristallines (voir la Section 3-16). Une spécificité inhérente pour les molécu- en cellules simple positives CD8+ matures.
les du CMH a également été démontrée par l’examen de cellules  T matures dont Si les transgènes du TCR restreint au CMHa
le répertoire de récepteurs n’est pas sélectionné. On peut générer de telles cellu- sont transmis dans un autre contexte CMH
les T dans des thymus fœtaux en culture qui n’expriment pas de molécules du CMH (CMHb, jaune) (panneau du bas), alors le
développement des cellules T transgéniques
de classe I ou II en remplaçant l’engagement du récepteur responsable de la sélec- exprimant le récepteur progresse jusqu’au
tion positive normale par la liaison d’anticorps anti-chaîne β et anti-CD4. Lorsque stade double positif, mais la maturation s’arrête
la réactivité de ces cellules T CD4 sélectionnées par les anticorps est testée, environ là. L’échec est dû à l’absence d’interaction
entre le récepteur transgénique des cellules T
5 % répondent à tout génotype de CMH de classe II et puisqu’ elles se développent,
avec des molécules du CMH sur le cortex
sans sélection par les molécules du CMH, cela doit refléter la spécificité inhérente thymique, et donc aucun signal de sélection
aux segments géniques V de la lignée germinale. Cette spécificité codée de manière positive n’est transmis.
292 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Récepteur transgénique reconnaissant germinale pour les molécules CMH devrait considérablement augmenter la propor-
le CMH de classe I tion de récepteurs qui peuvent être sélectionnés positivement chez tout individu.

7-18 La sélection positive coordonne l’expression de CD4 et CD8


Cellules T double positives
CD4+CD8+ immatures avec la spécificité du récepteur de la cellule T et les fonctions
effectrices potentielles de la cellule.
Au moment de la sélection positive, le thymocyte exprime à la fois les molécu-
les coréceptrices CD4 et CD8. À la fin du processus de sélection, les thymocytes
matures prêts à être exportés n’expriment qu’un de ces corécepteurs. Les thymo-
cytes matures prêts à gagner la périphérie cesseront d’exprimer un des deux coré-
cepteurs et appartiendront à l’une des trois catégories : les cellules T CD4 ou CD8
conventionnelles ou une sous-population de cellules  T régulatrices exprimant
CD4 et en abondance CD25. De plus, presque toutes les cellules  T matures qui
Seules les cellules T CD8+ se différencient
expriment CD4 ont des récepteurs qui reconnaissent des peptides liés aux molé-
cules du CMH de classe II et sont programmées pour devenir des cellules sécrétri-
Récepteur transgénique reconnaissant ces de cytokines. Au contraire, la plupart des cellules qui expriment CD8 ont des
le CMH de classe II
récepteurs qui reconnaissent des peptides liés aux molécules du CMH de classe I
et sont programmées pour devenir des cellules effectrices cytotoxiques. Donc, la
sélection positive détermine aussi le phénotype de surface et le potentiel fonction-
Cellules T double positives nel de la cellule T mature, sélectionnant le corécepteur approprié pour une recon-
CD4+CD8+ immatures
naissance efficace de l’antigène et le programme approprié pour une éventuelle
différenciation fonctionnelle de la cellule T lors d’une réponse immune.
Des expériences sur des souris porteuses de transgènes réarrangés du récepteur
de cellule T montrent clairement que c’est la spécificité du récepteur de la cellule T
pour les molécules du CMH du soi qui détermine la nature du corécepteur que la
cellule T mature exprimera. Si les transgènes de récepteur T codent un récepteur
spécifique d’un antigène présenté par les molécules du CMH du soi de classe I,
les cellules T matures qui expriment le récepteur transgénique sont des cellules T
Seules les cellules T CD4+ se différencient CD8. De même, chez les souris porteuses d’un transgène de récepteur reconnais-
sant un antigène associé aux molécules du CMH du soi de classe II, les cellules T
matures qui expriment le transgène sont des cellules T CD4 (Fig. 7.30).
Fig. 7.30 Les molécules du CMH qui
induisent la sélection positive déterminent L’importance des molécules du CMH au cours de la sélection est illustrée par la classe
la spécificité du corécepteur. Chez les souris des immunodéficiences humaines appelée syndromes des lymphocytes nus. Elles
transgéniques pour les récepteurs T restreints
au CMH de classe I (panneau du haut), les
sont causées par des mutations qui conduisent à l’absence de molécules du CMH sur
seules cellules T matures qui se développent les lymphocytes et les cellules épithéliales thymiques. Les gens qui manquent de molé-
ont le phénotype CD8 (rouge). Chez les souris cules du CMH de classe II ont des cellules T CD8 mais seulement quelques cellules T
transgéniques pour les récepteurs restreints CD4 très anormales. Un résultat similaire a été obtenu chez les souris où l’expression
au CMH de classe II (panneau du bas), toutes
les cellules T matures ont le phénotype CD4 du CMH de classe II a été abolie par interruption génique ciblée (voir Appendice I, sec-
(bleu). Dans les deux cas, on trouve des tion A-47). De la même façon, les souris et les hommes qui manquent de molécules du
nombres normaux de thymocytes immatures CMH de classe I sont dépourvus de cellules T CD8. Donc, les molécules du CMH de
et double positifs (pour moitié en rouge et classe II sont requises pour le développement des cellules T CD4, tandis que les molé-
bleu). La spécificité du récepteur de cellule T
détermine l’orientation du développement. De cules du CMH de classe I sont requises pour le développement des cellules T CD8.
ce fait, seules les cellules T équipées d’un
corécepteur capable de se lier à la même
Dans les cellules T matures, les fonctions coréceptrices de CD4 et de CD8 dépendent
molécule du CMH du soi que celle qui est de leur capacité respective de se fixer à des sites invariants des molécules de classe I et
reconnue par le récepteur de la cellule T de classe II (voir la Section 3-17). La liaison du corécepteur à une molécule du CMH
arrivent à maturité. est aussi requise pour une sélection positive normale, comme l’expérience décrite
dans la prochaine section le montre pour CD4. Ainsi, la sélection positive dépend
de la liaison à la fois du récepteur d’antigène et du corécepteur à une molécule du
CMH, et détermine la survie d’une cellule simple positive qui exprime le corécepteur
approprié. Cependant, le mécanisme exact par lequel l’engagement de la lignée est
Déficience en CMH de classe I coordonné avec la spécificité du récepteur reste à déterminer. À présent, tout se passe
et déficience en CMH de classe II comme si le thymocyte intégrait les signaux reçus à la fois du récepteur d’antigène
et du corécepteur pour déterminer son destin. Les signaux du corécepteur trans-
mis par Lck sont délivrés plus efficacement lorsque c’est CD4 qui est engagé comme
corécepteur, et ces signaux de Lck jouent un rôle important dans l’orientation CD4. Il
Sélection positive et négative des cellules T 293

Fig. 7.31 Les stades de la sélection positive exprimé interagit avec succès avec des
Une analyse détaillée des thymocytes montre
des cellules T α:β définis par analyse molécules du CMH présentes sur le stroma
plusieurs sous-populations distinctes qui
au FACS. Le diagramme représente un thymique pour induire une sélection positive,
diffèrent par le degré d’expression de CD4 et CD8.
résumé des résultats d’analyse au FACS la cellule commence par réduire l’expression
(voir l’Annexe I, Fig. A.25) des populations de à la fois de CD4 et de CD8, puis, par une
thymocytes à divers stades en relation avec nouvelle augmentation de l’expression de
la présence des corécepteurs CD4 et CD8. CD4, elle génère la population CD4+CD8bas.
Chaque cercle coloré représente une sous- Si la sélection est effectuée par une molécule
population de thymocytes à un stade différent du CMH de classe II, la signalisation dans les CD4
de développement. Les cellules double cellules T CD4+CD8bas est d’une durée plus
négatives (DN) qui ont réarrangé avec succès longue et la cellule s’engage dans la lignée
une chaîne β et qui expriment un récepteur CD4, avec maintien de CD4 et perte de CD8.
d’une cellule pré-T (pré-TCR) se mettent Si la sélection a été effectuée par une molécule CD8
à proliférer, puis se mettent à exprimer les du CMH de classe I, la signalisation dans les
corécepteurs CD4 et CD8. Le réarrangement cellules T CD4+CD8bas est de courte durée, ce
du locus de la chaîne α se produit dans ces qui conduit à l’engagement dans la lignée CD8, Des thymocytes CD4–CD8– (DN) donnent naissance
cellules, avec l’expression d’un récepteur de avec réexpression de CD8 et perte de CD4. au thymocytes CD4+CD8+ (DP) qui expriment le
cellule T à la surface cellulaire d’abord en Th-POK, T-helper-inducing POZ  /  Kruppellike TCR en faible densité et attendent une sélection positive
faible densité, puis en quantité intermédiaire. transcription factor ou facteur de transcription
Dans ces cellules, la signalisation dépend de type POZ  /  Kruppel inducteur de T auxiliaire.
du corécepteur. Si le récepteur des cellules T

CD4
semble qu’une cellule T qui a reçu un signal inducteur de sélection positive venant
du récepteur de la cellule T, régule d’abord à la baisse CD4 et CD8 après quoi elle réex-
prime CD4, quel que soit le CMH de classe I ou de classe II reconnu par le récepteur
(Fig. 7.31). Un modèle propose que l’intensité et la durée de la signalisation lors de CD8
la réexpression de CD4 déterminent l’orientation de la lignée. Lorsque la cellule est
sélectionnée par le CMH de classe II, la réexpression de CD4 fournit un signal plus Les signaux des TCR sélectionnés positivement
fort et plus soutenu, transmis en partie par Lck, ce qui conduirait à une différenciation réduisent d’abord l’expression de CD4 et CD8
dans la voie CD4 avec perte complète de CD8. Lorsque la cellule est sélectionnées par (cellules CD4basCD8bas). Ensuite, CD4 est
réexprimé, que le ligand inducteur soit le CMH
un CMH de classe I, la réexpression ne conduira pas à un signal supplémentaire via de classe I ou de classe II.
Lck ; ce signal plus faible à son tour détermine l’engagement dans la voie CD8, avec
perte subséquente de l’expression de CD4 et réexpression plus tard de CD8.
En général, les engagements dans une lignée cellulaire requièrent que différents
signaux soient générés afin d’activer des facteurs spécifiques de la lignée et susci- CD4
ter une divergence dans le programme de développement. Par exemple, le facteur
de transcription Th-POK (T-helper-inducing POZ  /  Kruppel-like) (voir Fig. 7.31) est
essentiel pour le développement de la lignée CD4 à partir des thymocytes double
CD8
positifs. En effet, une mutation de Th-POK survenue naturellement et entraînant
une perte de fonction redirige les thymocytes restreints au CMH de classe II dans
la lignée CD8. Bien que beaucoup reste à découvrir à propos de ce processus dans La division des thymocytes en deux lignées
CD4 ou CD8 survient au stade CD4+CD8bas,
le développement des thymocytes α:β, il est clair que les différents signaux qui sont lorsque l’expression transitoire de Th-POK
générés aboutissent à une divergence de programmation fonctionnelle. Ainsi, par conduit à l’engagement CD4, ou son absence
exemple, la capacité d’expression de gènes impliqués dans l’aptitude à tuer des conduit à l’engagement CD8.
cellules cibles se développe dans les cellules T CD8, mais non dans la plupart des
cellules T CD4, tandis que les cellules T CD4, et dans une moindre mesure les cel-
lules T CD8, acquièrent le potentiel d’exprimer divers gènes de cytokines.
La majorité des thymocytes double positifs qui subissent une sélection positive se déve- CD4
loppent en cellules T simple positives CD4 ou CD8. Cependant, le thymus génère une
population minoritaire de cellules T qui expriment CD4, mais pas CD8 et qui semblent
représenter une lignée distincte de cellules T qui régulent les actions des autres cellu- CD8
les T. Ces cellules expriment également en forte densité certaines protéines de surface
comme CD25 et CTLA-4 (voir la Section 6-20) et le facteur de transcription Forkhead, CD4+ simple positif
FoxP3, et sont appelées cellules T régulatrices naturelles. La base de la sélection et du CD4+ CD8bas
développement de cette sous-population de cellules T n’est pas encore connue. CD4bas CD8bas
CD4+CD8+ double positif (DP)
CD4–CD8– double négatif (DN)
7-19 Les cellules épithéliales du cortex thymique permettent la sélection CD4bas CD8+
CD8+ simple positif
positive des thymocytes en développement.
Les études de transplantation thymique décrites dans la Section 7-15 suggéraient
que les cellules stromales étaient importantes pour la sélection positive. Ces cellules
294 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Mutant avec un transgène de CMH Mutant avec un transgène


Expression normale Mutant négatif du CMH de classe II exprimé de CMH de classe II dont le produit
du CMH de classe II de classe II dans l’épithélium thymique ne peut interagir avec CD4

Les cellules CD4 et CD8 se différencient Seules les cellules T CD8 se différencient Les cellules CD4 et CD8 se différencient Seules les cellules T CD8 se différencient

Fig. 7.32 Les cellules corticales épithéliales forment des extensions cytoplasmiques qui permettent des contacts étroits avec les
thymiques sont impliquées dans la
cellules T double positives subissant la sélection positive (voir Fig. 7.16). On peut
sélection positive. Dans le thymus des
souris normales (premiers panneaux), voir le regroupement des récepteurs des cellules T avec les molécules du CMH aux
qui expriment les molécules du CMH de sites de contact. La démonstration directe que les cellules épithéliales corticales
classe II sur les cellules épithéliales du thymiques interviennent dans la sélection positive vient d’une manipulation ingé-
cortex thymique (en bleu) ainsi que sur les
cellules épithéliales médullaires (orange)
nieuse de souris dont les gènes du CMH de classe II ont été inactivés par interrup-
et sur les cellules dérivées de la moelle tion génique ciblée (Fig. 7.32). Les souris mutantes dépourvues de CMH de classe II
osseuse (jaune), les cellules T CD4 (bleu) et ne produisent normalement pas de cellules T CD4. Pour tester le rôle de l’épithé-
CD8 (rouge) se développent. Les thymocytes lium thymique dans la sélection positive, on a placé un gène du CMH de classe II
double positifs sont colorés pour moitié en
rouge et en bleu. Les deuxièmes panneaux
sous le contrôle d’un promoteur restreignant son expression aux cellules épithé-
représentent des souris mutantes incapables liales corticales thymiques, puis on l’a introduit comme transgène dans les souris
d’exprimer le CMH de classe II à la suite d’une mutantes. Les cellules T CD4 se sont alors développées. Une variante de cette expé-
inactivation génique ; chez ces souris, peu de rience montre que, de façon à promouvoir le développement des cellules T CD4, la
cellules T CD4 se développent, alors que les
cellules T CD8 se différencient normalement. molécule du CMH de classe II sur l’épithélium thymique doit être capable d’intera-
Chez les souris dépourvues de CMH de gir efficacement avec CD4. Donc, quand le transgène du CMH de classe II exprimé
classe II, mais dotées d’un transgène du dans le thymus contient une mutation qui l’empêche de se fixer à CD4, très peu
CMH de classe II construit de telle manière
de cellules T CD4 se développent. Des études équivalentes de l’interaction de CD8
qu’il ne soit exprimé que sur les cellules
épithéliales du cortex thymique (troisièmes avec des molécules du CMH de classe I montrent également que la liaison du coré-
panneaux), les cellules T CD4 se différencient cepteur est nécessaire pour une sélection positive normale des cellules CD8.
normalement. Par contre, si une molécule du
CMH de classe II avec un site de liaison à CD4 Le rôle crucial de l’épithélium cortical thymique dans la sélection positive sou-
défectif est exprimée (quatrièmes panneaux), lève la question de savoir si ces cellules ont des propriétés particulières liées à la
la sélection positive des cellules T CD4 ne présentation antigénique. On l’ignore encore, mais l’épithélium thymique pour-
s’effectue pas. Ce qui indique que les cellules
épithéliales corticales jouent un rôle critique rait différer des autres tissus par les protéases utilisées pour dégrader la chaîne
dans la sélection positive et que la molécule invariante (Ii) durant le passage des molécules du CMH de classe II vers la sur-
du CMH de classe II doit pouvoir interagir avec face cellulaire (voir la Section 5-8). La protéase cathepsine L domine dans l’épithé-
la protéine CD4.
lium cortical thymique, tandis que la cathepsine S semble être majoritaire dans les
autres tissus. En conséquence, le développement des cellules T CD4 est fortement
inhibé chez les souris dont le gène de la cathepsine L a été inactivé. Les cellules
épithéliales thymiques semblent porter, en forte densité, des molécules du CMH
de classe  II qui retiennent le peptide associé à la chaîne invariante (CLIP) (voir
Fig. 5.9). Si les cellules stromales thymiques sont indispensables, il se peut que ce
soit tout simplement parce qu’elles sont proches anatomiquement des thymocy-
tes en développement durant la phase de sélection positive, les macrophages et les
cellules dendritiques étant rares dans le cortex.

7-20 Les cellules T qui réagissent fortement avec des antigènes


ubiquitaires du soi sont éliminées dans le thymus.
Quand le récepteur  T d’une cellule  T mature naïve se lie à un complexe
peptide:CMH sur une cellule présentatrice d’antigène spécialisée dans un organe
Sélection positive et négative des cellules T 295

Fig. 7.33 Les cellules T spécifiques des


Transgène antigènes du soi sont éliminées dans le
thymus. Chez les souris transgéniques pour
un récepteur T qui reconnaît un antigène
peptidique connu lié au CMH du soi, toutes
les cellules T ont la même spécificité.
En l’absence de peptide, la plupart des
thymocytes se différencient et migrent vers la
périphérie. C’est ce que montre le panneau
thymus
du bas à gauche, où un thymus normal est
coloré par des anticorps qui identifient la
médullaire (en vert) et par la technique TUNEL
(voir Appendice I, Section A-32) qui révèle les
Thymus +
Thymus normal peptide spécifique cellules apoptotiques (en rouge). Si les souris
sont inoculées avec le peptide qui est reconnu
par le récepteur transgénique des cellules T,
une apoptose massive survient dans le
thymus, comme le montre le nombre accru de
cellules apoptotiques dans le panneau du bas
à droite. Clichés de A. Wack et D. Kioussis.

Quelques cellules apoptotiques dispersées Apoptose généralisée, nombreuses cellules apoptotiques

lymphoïde périphérique, la cellule T est activée, prolifère et produit des cellules T


effectrices. Par contre, dans le thymus, quand le récepteur T d’un thymocyte en
développement interagit de manière similaire avec un antigène sur des cellules
dérivées du stroma ou de la moelle osseuse, il meurt par apoptose. La réponse
des cellules T immatures à la stimulation antigénique est à la base de la sélection
négative. L’élimination de ces cellules T dans le thymus évite que leur activation ne
produise des effets délétères si, après maturation, elles venaient à rencontrer les
mêmes peptides.
La sélection négative a été démontrée par l’utilisation de peptides du soi naturels
ou introduits artificiellement. La sélection négative des thymocytes réagissant à un
peptide du soi artificiel fut démontrée chez des souris qui exprimaient un récep-
teur T transgénique spécifique d’un peptide d’ovalbumine lié à une molécule du
CMH de classe II. Quand le peptide de l’ovalbumine a été injecté à ces souris, la
plupart des thymocytes double positifs du cortex meurent par apoptose (Fig. 7.33).
La sélection négative envers un peptide du soi naturel fut observée chez des souris
pourvues du TCR transgénique produisant des récepteurs de cellules T spécifiques
de peptides du soi exprimés uniquement chez les mâles. Les thymocytes portant
ces récepteurs disparaissent au stade double positifs CD4 CD8 chez les souris
mâles et aucune cellule simple positive portant les récepteurs transgéniques n’ar-
rive à maturité. Par contre, chez les souris femelles, qui n’ont pas le peptide propre
aux souris mâles, les cellules  T transgéniques se différencient normalement. La
sélection négative aux peptides propres aux mâles a aussi été démontrée chez des
souris normales et se produit aussi par délétion des cellules T.
Le stade de développement durant lequel la sélection négative a lieu peut diffé-
rer selon les particularités du système expérimental et de l’antigène du soi. Par
exemple, des souris pourvues d’un transgène de TCR peuvent exprimer des récep-
teurs fonctionnels plus tôt au cours du développement que les souris normales et
avoir une très grande proportion de cellules Thymiques réactives à tout peptide
particulier. Ces caractéristiques peuvent causer une sélection négative plus pré-
coce chez les souris transgéniques que chez les souris normales. Un système un
peu plus physiologique d’étude de la sélection négative consiste en l’expression
transgénique de la seule chaîne β du récepteur des cellules T réagissant à un pep-
tide dérivé du cytochrome c de papillon nocturne. Chez ces souris transgéniques,
296 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

la chaîne β s’apparie avec des chaînes α endogènes, et la proportion des cellules T


Expression de AIRE dans un thymus normal
réactives envers le peptide est suffisante pour la détection au moyen des tétra-
mères peptide:CMH (voir Appendice I, Section A-28). Ces études indiquent que
la sélection négative peut survenir durant tous les stades de développement, et
qu’elle n’est pas nécessairement un processus séquentiel.
Ces expériences illustrent le principe que les complexes peptide du soi:CMH du soi
rencontrés dans le thymus éliminent les cellules T porteuses de récepteurs auto-
réactifs du répertoire des cellules T matures. Ce qui soulève la question : qu’en est-
il des réactions potentielles contre les nombreuses protéines propres aux tissus,
par exemple l’insuline, que l’on ne s’attend pas à être exprimée dans le thymus ?
En fait, on sait maintenant que des protéines propres à certains tissus sont expri-
mées par certaines cellules stromales de la médullaire thymique ; ainsi la sélec-
tion négative intrathymique pourrait s’appliquer même aux protéines propres à
des tissus non thymiques. L’expression de telles protéines dans la médullaire thy-
Expression de AIRE dans un thymus LT-𝛂–/–
mique est contrôlée par un gène appelé AIRE (AutoImmune REgulator) suivant
un mécanisme encore inconnu. AIRE est exprimé dans des cellules stromales de la
médullaire thymique (Fig. 7.34). Des mutations de AIRE sont responsables d’une
maladie auto-immune appelée APECED (Autoimmune Polyendocrinopathy–
Candidiasis–Ectodermal Dystrophy ou syndrome polyglandulaire auto-
immun de type I. Elle illustre l’importance de cette expression intrathymique des
protéines tissulaires pour la tolérance au soi. L’expression de AIRE dans la médul-
laire est induite par la lymphotoxine (LT) ; chez les souris déficientes en LT-α et en
son récepteur, l’expression de AIRE est réduite (voir Fig. 7.34). Chez ces souris, l’ex-
pression de l’insuline dans la médullaire thymique est moindre que chez les sou-
ris normales et la tolérance périphérique est altérée. Ainsi, la sélection négative
des cellules T en développement implique des interactions avec des autoantigè-
nes ubiquitaires et propres à certains tissus et peut se dérouler dans le cortex et
Fig. 7.34 AIRE est exprimé dans la la médullaire thymiques. On ignore si AIRE permet l’expression de toutes les pro-
médullaire du thymus et induit la synthèse téines du soi dans le thymus. Aussi, la sélection négative dans le thymus peut ne
de protéines produites normalement
dans les tissus périphériques. pas éliminer toutes les cellules T réactives envers des antigènes du soi qui appa-
L’expression de AIRE par des cellules de raissent exclusivement dans d’autres tissus ou sont exprimés à différents stades du
la médullaire thymique est régulée par développement. Il y a cependant plusieurs mécanismes opérant en périphérie qui
la lymphotoxine (LT)- α, qui interagit avec
peuvent empêcher les cellules T matures de répondre aux antigènes propres aux
le récepteur de la LT-β. Panneau du haut :
l’examen en immunofluorescence de la tissus ; ce qui sera traité au Chapitre 13, où nous considérons les réponses auto-
médullaire thymique d’une souris normale immunes et leur prévention.
met en évidence AIRE (en vert) ainsi que
MTS10 (en rouge), qui est un marqueur des
cellules épithéliales de la médullaire thymique. 7-21 Pour la sélection négative, ce sont les cellules présentatrices
Panneau du bas : l’expression de AIRE par les
cellules médullaires thymiques est réduite chez d’antigène provenant de la moelle osseuse qui sont les plus efficaces.
les souris LT-α−  /  −. Clichés de R.K Chin
et Y.-X. Fu. Comme décrit plus haut, la sélection négative s’effectue tout au long du dévelop-
pement des thymocytes, dans le cortex et la médullaire thymiques et paraît ainsi
dépendre de plusieurs types cellulaires différents. Cependant, il existerait une hié-
rarchie cellulaire dans l’efficacité de contribuer à la sélection négative. Les plus
efficaces sont les cellules dendritiques dérivées de la moelle osseuse et les macro-
Syndrome APECED ou syndrome phages. Ce sont des cellules présentatrices d’antigènes, dites professionnelles, qui
polyglandulaire auto-immun activent aussi les cellules  T matures dans les tissus lymphoïdes périphériques,
de type I comme nous le verrons au Chapitre 8. Les autoantigènes présentés par ces cellules
sont donc les cibles les plus importantes des réponses auto-immunes potentielles,
et les cellules T répondant à de tels peptides du soi doivent être éliminées dans le
thymus.
Des expériences sur des souris avec moelle osseuse chimérique ont clairement
montré le rôle des macrophages et des cellules dendritiques dans la sélection
négative. Dans ces expériences, une moelle osseuse de souris F1 CMHaxb est gref-
fée à une souris de type parental (CMHa dans la Fig. 7.35). Les cellules T de CMHaxb
se développant chez les animaux greffés sont donc exposées à l’épithélium thy-
mique des animaux de CMHa. Les cellules dendritiques dérivées de la moelle
Sélection positive et négative des cellules T 297

osseuse et les macrophages, cependant, exprimeront à la fois les molécules de


Transplantation de moelle osseuse
CMHa et de CMHb. Les souris chimériques pour la moelle osseuse toléreront des de souris F1 de CMHa×b au receveur CMHa
greffes de peau des animaux de CMHa ou de CMHb (voir Fig. 7.35), donc les cellu-
les T en développement ne sont autoréactives pour aucun des deux types d’anti- F1 CMHa×b CMHb
gènes du CMH. Les seules cellules qui peuvent présenter des complexes peptide
du soi:CMHb aux thymocytes et donc induire la tolérance au CMHb sont les cellu-
les dérivées de la moelle osseuse. Les cellules dendritiques et les macrophages ont
donc probablement un rôle crucial dans la sélection négative. moelle osseuse

De plus, les thymocytes eux-mêmes comme les cellules thymiques épithélia-


les peuvent éliminer des cellules autoréactives. De telles réactions doivent nor-
malement être secondaires par rapport au rôle dominant des cellules dérivées de
CMHa
la moelle osseuse dans la sélection négative. Chez les patients avec une greffe de
moelle osseuse de donneur non apparenté, où tous les macrophages du thymus et
les cellules dendritiques sont du type du donneur, la sélection négative assurée par Greffe de peau de la souris CMHb à la souris dont
les cellules thymiques épithéliales peut jouer un rôle important dans le maintien la moelle osseuse est chimérique (CMHa×b —CMHa)
de la tolérance aux propres antigènes du receveur.
F1 CMHa×b CMHb

7-22 La spécificité et  /  ou la force des signaux pour la sélection négative


ou positive doivent être différentes. greffe de peau

Nous avons expliqué que les cellules T, en interagissant avec des complexes peptide
du soi:CMH du soi exprimés sur les cellules stromales thymiques, passent succes-
sivement par une sélection positive, en vue de la restriction au CMH du soi, et par
une sélection négative. Mais, il reste une question sans réponse : comment cette chimère CMHa×bCMHa
interaction du récepteur de cellule T aboutit à deux destins opposés ? D’abord, il
faut plus de spécificités sélectionnées positivement que négativement, sinon tou- La souris chimérique (CMHa×b —CMHa)
tes les cellules sélectionnées positivement dans le cortex thymique seraient éli- tolère la greffe de peau CMHb
minées par sélection négative et aucune cellule  T ne serait produite (Fig.  7.36).
Deuxièmement, les conséquences des interactions qui conduisent à une sélection
positive ou négative doivent différer ; des cellules qui reconnaissent des complexes
peptide du soi:CMH du soi sur les cellules épithéliales corticales sont amenées à
poursuivre leur maturation tandis que celles dont les récepteurs pourraient confé-
rer une forte autoréactivité dangereuse doivent mourir.
Fig. 7.35 Des cellules dérivées de la moelle
Une hypothèse expliquant les différences entre sélection négative et posi- osseuse contribuent à la sélection négative
tive suppose que le résultat de la liaison des récepteurs des thymocytes au com- dans le thymus. Quand une moelle osseuse
F1 CMHa×b est injectée à une souris irradiée
plexe peptide:CMH dépend de l’intensité du signal provenant du récepteur et CMHa, les cellules T se différencient sur
du corécepteur, celle-ci dépendant de l’affinité du récepteur  T pour le complexe l’épithélium thymique exprimant seulement
peptide:CMH et de la densité de celui-ci sur les cellules épithéliales corticales thy- les molécules de CMHa. Néanmoins, les
miques. On pense qu’une faible signalisation sauverait les thymocytes de l’apop- souris chimériques sont tolérantes aux greffes
de peau exprimant les molécules de CMHb
tose, d’où leur sélection positive, tandis que les thymocytes soumis à une forte (pourvu que ces greffes ne présentent pas de
signalisation seraient condamnés à l’apoptose et donc sélectionnés négativement. peptides spécifiques de la peau qui diffèrent
Comme les complexes se fixent en général plutôt faiblement que fortement, il en entre la souche a et la souche b). Cela
résulterait que le répertoire, après la sélection positive, est plus étendu que celui qui implique que les cellules T dont les récepteurs
reconnaissent les antigènes du soi présentés
fait suite à la sélection négative. Une seconde hypothèse propose que la qualité du par le CMHb ont été éliminées dans le thymus.
signal transmis par le récepteur, et non simplement le nombre de récepteurs enga- Comme les cellules de la moelle osseuse
gés, distingue la sélection positive de la négative. Selon le modèle de l’intensité du transplantée F1 CMHa×b sont la seule source
de molécules de CMHb dans le thymus, des
signal, un complexe peptide:CMH spécifique pourrait entraîner une sélection posi- cellules dérivées de la moelle osseuse doivent
tive ou négative d’un récepteur particulier selon sa densité à la surface cellulaire. être capables d’induire une sélection négative.
Par contre, selon le modèle de la qualité du signal, la sélection ne serait pas affec-
tée par des changements dans la densité peptide:CMH. Des expériences n’ont pas
encore confirmé l’une de ces deux hypothèses. Cependant, des différences dans
l’activation de la signalisation distinguent la sélection positive et négative, et l’acti-
vation différenciée de la voie de la MAP kinase par le récepteur des cellules T (voir
Chapitre 6) a été considérée comme responsable des destins opposés liés à la sélec-
tion positive ou négative. Des observations suggèrent que la sélection positive est
la conséquence d’une activation faible mais soutenue de la protéine kinase ERK,
298 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.36 La spécificité ou l’affinité de la


sélection positive doivent différer de celles Les sélections positive et négative Les sélections positive et négative ont
de la sélection négative. Les cellules T ont la même spécificité ou avidité une spécificité ou une avidité différente
immatures sont sélectionnées positivement
de telle façon que seuls les thymocytes dont
les récepteurs peuvent se lier aux complexes
peptides:CMH sur l’épithélium thymique
se différencient, donnant naissance à une Thymocytes
population de thymocytes restreinte au CMH immatures
du soi. La sélection négative élimine les
thymocytes dont les récepteurs peuvent être
activés par des peptides du soi associés
aux molécules du CMH du soi, laissant une
population de thymocytes tolérants au soi.
Si la spécificité et l’avidité de la sélection
négative ou positive étaient identiques, toutes
les cellules qui survivent à la sélection positive
seraient éliminées durant la sélection négative. Sélection positive
Ce n’est que si la spécificité et l’avidité de la
sélection négative est différente de celle de
la sélection positive (panneaux de droite) que
les thymocytes pourront se différencier en
cellules T matures.

Sélection négative

Cellules T matures
périphériques

alors que la sélection négative est liée à une activation de ERK plus intense associée
à l’activation de protéine kinases apparentées, JNK et p38 (voir la Section 6-14).

Résumé.

Les étapes de développement des thymocytes jusqu’à l’expression du récepteur de


la cellule pré-T, y compris l’engagement dans la lignée α:β ou γ:δ sont toutes indé-
pendantes des interactions avec le complexe peptide:CMH. Avec le réarrangement
réussi des gènes d’une chaîne α et l’expression du récepteur de cellule T α:β, les thy-
mocytes poursuivent leur développement qui est déterminé par la nature de leur
TCR particulier réagissant avec des peptides du soi présentés par des molécules
du CMH sur le stroma thymique. Les thymocytes double positifs CD4 CD8 dont les
récepteurs interagissent avec les complexes peptide du soi:CMH du soi exprimés
sur les cellules épithéliales corticales thymiques sont sélectionnés positivement, et
deviennent des cellules matures simple positives CD4 ou CD8. Les cellules T qui
réagissent trop fortement avec des autoantigènes sont éliminées dans le thymus, un
processus assuré de manière la plus efficace par des cellules présentatrices d’anti-
gène provenant de la moelle osseuse. Les résultats de la sélection positive et néga-
tive est la génération d’un répertoire de cellules T matures qui est à la fois restreint
au CMH et tolérant au soi. Comment la reconnaissance des complexes peptide du
soi:CMH du soi par le récepteur de cellule  T peut-il avoir deux effets opposés, à
savoir une sélection positive ou négative ? Ce paradoxe reste inexpliqué. La solution
viendra de la compréhension des interactions ligand-récepteur, des mécanismes
de transduction du signal et de la physiologie de chaque étape du processus.
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 299

Survie et maturation des lymphocytes


dans les organes lymphoïdes périphériques.
Une fois que les lymphocytes ont quitté les tissus lymphoïdes centraux, ils sont transpor-
tés par le sang vers les organes lymphoïdes périphériques. Ceux-ci possèdent une archi-
tecture hautement organisée, avec des zones distinctes pour les cellules B et les cellules T ;
ce qui est déterminé par des interactions entre les lymphocytes et les autres types cellulai-
res constituant les organes lymphoïdes. La survie et la maturation des lymphocytes T
atteignant le tissu lymphoïde périphérique dépend d’interactions supplémentaires avec Asplénie congénitale
leurs propres ligands ainsi qu’avec des cellules voisines. Avant de considérer les facteurs
de survie des lymphocytes en périphérie, nous décrirons brièvement l’organisation et le
développement de ces tissus et les signaux qui guident les lymphocytes pour qu’ils s’y
localisent correctement. Normalement, un lymphocyte quittera le tissu lymphoïde péri-
phérique et recirculera dans le sang et la lymphe (voir Section 1-15), repassant continuel-
lement dans les tissus lymphoïdes, jusqu’à ce qu’il rencontre l’antigène ou qu’il meure.
Lorsqu’il rencontre son antigène, le lymphocyte s’arrête de circuler, se met à proliférer et à
se différencier, comme décrit aux Chapitres 8-10. Si un lymphocyte vient à mourir, sa
place est alors prise par un nouveau lymphocyte, ce qui permet un renouvellement du
répertoire des récepteurs et assure le maintien d’un nombre constant de lymphocytes.

7-23 Différentes sous-populations se trouvent dans des zones


particulières des tissus lymphoïdes périphériques.
Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, les divers organes lymphoïdes périphé-
riques sont organisés grosso modo selon un même schéma, avec des aires distinctes
pour les cellules B et T. Outre les lymphocytes, les organes lymphoïdes périphéri-
ques comprennent d’autres types de leucocytes, principalement des macrophages
et des cellules dendritiques, ainsi que des cellules stromales non leucocytaires. Le
tissu lymphoïde de la rate est constitué de la pulpe blanche, dont la structure géné-
rale est décrite dans la Fig. 1.19. Chaque aire de la pulpe blanche est délimitée par un
sinus marginal, une ramification vasculaire de l’artériole centrale. Le bord du sinus
marginal constitue la limite extérieure de la zone marginale de la pulpe blanche. Il
s’agit d’une région hautement organisée, mais dont la fonction reste peu comprise.
Elle contient peu de cellules T, mais est riche en macrophages et en cellules B, qui
forment une population unique, les cellules B de la zone marginale, qui ne circu-
lent pas. Les pathogènes qui atteignent le courant sanguin sont piégés efficacement
dans la zone marginale par les macrophages, et il se peut que les cellules B de la zone
marginale servent uniquement aux premières réactions contre ces pathogènes.
À l’intérieur de la pulpe blanche, les cellules B et T se répartissent dans des zones
bien distinctes. Les cellules T sont regroupées autour de l’artériole centrale, les aires
de cellules B ou follicules étant plus distants. Certains follicules contiennent des cen-
tres germinatifs, régions dans lesquelles les cellules B impliquées dans la réponse
immune prolifèrent et passent par une phase d’hypermutations somatiques (voir
Section 4-18). Dans les follicules avec centres germinatifs, les cellules au repos, qui
ne prennent pas part à la réponse immune, sont repoussées à la périphérie pour for-
mer la zone du manteau, qui entoure les lymphocytes en prolifération. Le dévelop-
pement des centres germinatifs qui fait suite à la stimulation antigénique sera décrit
en détail lorsque nous aborderons les réponses des cellules B au Chapitre 9.
Les cellules B et les cellules T ne sont pas seules dans leurs aires respectives. La zone
des cellules B contient un réseau de cellules dendritiques folliculaires (FDC), qui
sont principalement concentrées dans l’aire du follicule la plus distante de l’arté-
riole centrale. Les cellules folliculaires dendritiques ont de longs prolongements,
d’où leur nom, et sont en contact avec les cellules B. Elles diffèrent cependant des
cellules dendritiques que nous avons rencontrées précédemment (voir Section 1-3),
car ce ne sont pas des leucocytes et elles ne dérivent pas de précurseurs de la moelle
300 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

osseuse ; de plus, elles ne phagocytent pas et n’expriment pas de protéines du CMH


de classe II. Les cellules folliculaires dendritiques semblent être spécialisées dans
la capture des antigènes sous forme de complexes immuns, comprenant à la fois
des antigènes, des anticorps et du complément. Les complexes immuns ne sont pas
ingérés, mais restent intacts à la surface des cellules folliculaires dendritiques, où
l’antigène peut être reconnu par les cellules B. Les cellules folliculaires dendritiques
sont également importantes dans le développement des follicules de cellules B.
Les zones des cellules T contiennent un réseau de cellules dendritiques dérivées
de la moelle osseuse, quelquefois appelées cellules dendritiques interdigitées
du fait que leurs prolongements s’insinuent entre les cellules T. Il existe deux sous-
types de cellules dendritiques qui se distinguent par leurs protéines de surface.
L’une exprime la chaîne α de CD8 tandis que l’autre n’exprime pas CD8, mais bien
CD11b:CD18, une intégrine présente également sur les macrophages.
Comme dans la rate, les cellules T et les cellules B dans les ganglions lymphatiques
sont répartis dans des zones T et B distinctes (voir Fig. 1.18). Les follicules de cellu-
les B ont une structure et une composition similaires à ceux de la rate et sont loca-
lisés juste sous la capsule externe. Les zones des cellules T entourent les follicules
dans l’aire paracorticale. Contrairement à la rate, les ganglions lymphatiques ont des
connexions avec le système sanguin et le système lymphatique. La lymphe entre dans
l’espace sous-capsulaire, qui est aussi appelé sinus marginal, et apporte les antigè-
nes ainsi que les cellules dendritiques porteuses d’antigène à partir des tissus.
Les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses (MALT, Mucosa-Associated Lymphoid
Tissue) se trouvent sous ou dans les surfaces épithéliales qui constituent une barrière
physique contre les infections. Les plaques de Peyer font partie du MALT et leur struc-
ture est proche de celle des ganglions lymphatiques. Dispersées sous l’épithélium du
tube digestif, elles contiennent des follicules de cellules B et des zones de cellules T
(voir Fig. 1.20), et les cellules épithéliales qui les recouvrent sont dépourvues de la bor-
dure en brosse typique. Ces cellules M sont adaptées au transfert des antigènes et des
pathogènes de la lumière intestinale dans la plaque de Peyer (voir la Section 1-15). Les
plaques de Peyer et des tissus similaires présents dans les amygdales constituent des
sites spécialisés où les cellules B peuvent être mises à contribution pour produire des
IgA. Les cellules stromales du système MALT sécrètent la cytokine TGF-β, qui induit la
sécrétion d’IgA par des cellules B en culture. De plus, comme décrit à la Section 7-12,
pendant le développement fœtal, des vagues de cellules T γ:δ avec des gènes de réar-
rangement spécifiques γ et δ quittent le thymus et migrent vers ces barrières épithélia-
les. Le système immunitaire muqueux est décrit plus en détail au Chapitre 11.

7-24 Le développement et l’organisation des tissus lymphoïdes


périphériques sont contrôlés par des protéines de la famille
du facteur de nécrose tumorale.
Une fois que les lymphocytes entrent dans la rate ou dans un ganglon lymphati-
que, comment trouvent-ils leur chemin vers leurs zones respectives ? Comme la
prochaine section le décrit, ils sont dirigés surtout par leurs réponses aux chimio-
kines ; les cellules B et T ont différentes panoplies de récepteurs qui répondent aux
chimiokines sécrétées de manière distincte dans les zones T et B. Mais, ceci pose
la question de savoir comment ces zones se développent en premier lieu et com-
ment elles viennent à sécréter des chimiokines spécifiques.
De manière surprenante, les membres des familles du facteur de nécrose tumorale
(TNF, Tumor Necrosis Factor) et de son récepteur (TNFR, TNF Receptor), dont les acti-
vités étaient considérées comme restreintes à l’inflammation et à la mort cellulaire,
sont également essentielles pour le développement et le maintien de l’architecture
lymphoïde normale. Cela a été bien démontré par différents types de souris knockout
chez lesquelles le ligand ou le récepteur avait été inactivé (Fig. 7.37). Comme on peut
le voir, ces souris knockout ont des phénotypes compliqués. Ceci est dû en partie au
fait qu’un ligand unique de la famille des TNF peut se lier à de multiples récepteurs,
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 301

et, inversement, que de nombreux récepteurs peuvent lier plus d’un ligand. De plus,
il paraît évident qu’il existe un chevauchement de fonctions et une coopération entre
les ligands. Néanmoins, quelques conclusions générales peuvent être tirées.
Le développement des ganglions lymphatiques dépend de l’expression des lymphotoxi-
nes (LT) dans le tissu en développement. Les LT constituent un sous-groupe de protéines
de la famille du TNF. Divers types de ganglions lymphatiques dépendent de différentes
LT. LT-α3, un homotrimère soluble de la chaîne protéique LT-α, participe au développe-
ment des ganglions cervicaux et mésentériques et peut-être des ganglions lymphatiques
lombaires et sacrés. Tous ces ganglions lymphatiques drainent les muqueuses. LT-α3
exerce probablement ses effets par liaison au TNFR-I et probablement aussi via un autre
membre de la famille des TNFR appelé HVEM. LT-α2:β1, un hétérotrimère membranaire
comprenant la chaîne LT-α et la chaîne protéique distincte LT-β, se lie uniquement aux Fig. 7.37 L’architecture normale des
organes lymphoïdes secondaires requiert
récepteur LT-β, et participe au développement de tous les autres ganglions lymphati- des membres de la famille du TNF et de
ques. De plus, les plaques de Peyer ne se forment pas en l’absence de cet hétérodimère leurs récepteurs. Ces rôles ont été déduits
membranaire. Ces effets ne sont pas réversibles chez l’animal adulte, et il a été montré principalement d’études de souris knockout
que certaines périodes de développement sont critiques, durant lesquelles l’absence ou déficientes en un ou plusieurs membres
de la famille du TNF (ligand) et  /  ou en leurs
l’inhibition des membres de la famille LT empêchera de manière irrévocable le dévelop- récepteurs. Puisqu’un récepteur lie plus d’un
pement des ganglions lymphatiques et des plaques de Peyer. ligand, et que certains ligands se lient à plus
d’un récepteur, les rôles s’avèrent complexes,
Bien que la rate se développe chez toutes les souris déficientes en différents membres et ont été déterminés par analyse de différents
de la famille du TNF ou des TNFR, son architecture est très anormale chez beaucoup types de souris mutantes. À noter que les
de ces souris mutantes (voir Fig.  7.37). Une LT, (très probablement l’hétérotrimère récepteurs ont été nommés en fonction du
premier ligand qui a été découvert, même si
membranaire), est nécessaire à la séparation normale des zones B et T. Le TNF-α, en d’autres ligands ont été identifiés par la suite
se liant au TNFR-I, contribue également à l’organisation de la pulpe blanche. En effet, Ici, sont présentées les anomalies portant
lorsque les signaux TNF-α sont interrompus, les cellules B entourent les zones T en sur deux récepteurs majeurs, TNFR-I et le
formant un anneau plutôt qu’un follicule distinct. De plus, la zone marginale est mal récepteur de LT-β, ainsi que sur un récepteur
relativement nouveau, le médiateur d’entrée
définie lorsque le TNF-α ou son récepteur sont absents. Fait peut-être plus important, des virus herpétiques (HVEM, Herpes Virus
les cellules dendritiques folliculaires sont absentes chez les souris sans TNF-α ou sans Entry Mediator), qui pourrait également
TNFR-I. Ces souris, qui possèdent des ganglions lymphatiques et des plaques de Peyer intervenir dans l’organisation lymphoïde. Dans
certains cas, la perte de ligands se liant au
puisqu’elles expriment des LT, sont cependant dépourvues de cellules dendritiques
même récepteur génère des phénotypes
folliculaires. De la même manière, les souris qui ne peuvent pas former des signaux différents; c’est dû à la capacité de liaison
ou les transmettre par l’hétérotrimère membranaire LT α2:β1 sont également déficien- du ligand à un autre récepteur, comme c’est
tes en cellules dendritiques folliculaires normales dans la rate et dans chaque ganglion indiqué dans la figure. De plus, la chaîne
protéique LT-α entre dans la composition
lymphatique résiduel. Contrairement au développement des ganglions lymphatiques, de deux ligands différents, LT-α3 et LTα2:β1,
qui s’avère irréversible, la désorganisation de la structure lymphoïde est réversible chacun possédant son récepteur. De
quand on rétablit la présence du membre déficient de la famille du TNF. Les cellules B manière générale, la signalisation passant
sont probablement la source principale des LT membranaires, puisque les cellules B par le récepteur de LT-β intervient dans le
développement des ganglions lymphatiques
normales, lorsqu’elles sont transférées chez des souris déficientes en RAG (qui n’ont et des cellules dendritiques folliculaires et
pas de lymphocytes), font réapparaître des cellules dendritiques folliculaires et des fol- dans l’architecture normale de la rate, tandis
licules. Récemment, on a découvert un rôle semblable pour les cellules B dans le déve- que la signalisation passant par le récepteur
loppement des cellules M qui couvrent les plaques de Peyer. Dans ce cas, des signaux TNFR‑I est également requise pour les cellules
folliculaires dendritiques et l’architecture de
indépendants de LT-α semblent requis puisque les cellules B déficientes en LT-α peu- la rate main non pour le développement des
vent restaurer le développement des cellules M des plaques de Peyer. ganglions lymphatiques.

Effets observés chez les souris knockout (KO)

Ganglion lymphatique Ganglion Plaque de Peyer Cellules dendritiques


Récepteur Ligands Rate périphérique mésentérique folliculaires

TNFR-I Présents dans les souris KO en TNF-α


TNF-α Architecture Absents dans les souris KO en LT-α Présent Réduite Absente
LT-α3 désorganisée par manque de signaux LT-β

Présent dans les souris KO


TNF-α Désorganisée,
Récepteur Absent en LT- β Absent dans Absente Absente
LT-α2/β1 pas de zone marginale les souris KO
LT-β
LIGHT en récepteurs LT- β

LT-α3 Bien que LT-α et LIGHT puissent lier HVEM, on ne connaît pas le rôle de la signalisation de HVEM dans l’organogenèse.
HVEM
LIGHT
302 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Les cellules stromales Les cellules dendritiques Les cellules dendritiques Les cellules B sont attirées Les cellules B induisent les cellules
et les cellules des veinules expriment le récepteur de CCL21 sécrètent CCL18 et CCL19, d’abord dans le ganglion dendritiques folliculaires, qui à leur
à endothélium élevé (HEV) et migrent dans le ganglion en qui attirent les cellules T en formation par tour sécrètent la chimiokine CXCL13
sécrètent la chimiokine CCL21 formation par les lymphatiques vers le ganglion en formation les mêmes chimiokines pour attirer plus de cellules B

CCL18
HEV CCL19

CCL21
CCL21

CXCL13
cellule
stromale

cellule
dendritique

Fig. 7.38 L’organisation d’un organe 7-25 La localisation des lymphocytes dans des régions spécifiques
lymphoïde est dirigée par des chimiokines.
L’organisation cellulaire d’un organe lymphoïde des tissus lymphoïdes périphériques est assurée par des chimiokines.
est assurée par les cellules stromales et
les cellules vasculaires endothéliales, qui Les lymphocytes nouvellement formés pénètrent dans la rate par le sang, sortant d’abord
expriment la chimiokine CCL21 (premier
panneau). Les cellules dendritiques porteuses du sinus marginal, d’où ils migrent vers les aires appropriées de la pulpe blanche. Les
du récepteur CCR7 spécifique de CCL21 lymphocytes qui survivent après leur passage dans la rate la quittent par les sinus vei-
sont attirées vers le site de développement du neux de la pulpe rouge. Dans les ganglions lymphatiques, les lymphocytes entrent par
ganglion lymphatique (deuxième panneau). le sang à travers les parois de vaisseaux sanguins spécialisés, les veinules post-capil-
On ignore si, aux stades précoces du
développement ganglionnaire, des cellules laires à endothélium élevé (HEV, High Endothelial Venules), lesquelles sont localisées
dendritiques immatures entrent à partir du dans la zone de cellules T. Les cellules B naïves migrent à travers l’aire des cellules T
courant sanguin ou par les lymphatiques jusqu’au follicule où elles restent environ une journée, à moins qu’elles ne rencontrent
comme elles le font plus tard dans la vie. Une
leur antigène spécifique et s’activent. Les cellules B et T quittent en empruntant le lym-
fois dans le ganglion, les cellules dendritiques
sécrètent les chimiokines CCL18 (appelée phatique efférent, qui les ramène finalement dans le sang. La localisation précise des
aussi DC-CK1) et CCL19, pour lesquelles cellules B, des cellules T, des macrophages et des cellules dendritiques dans les tissus
les cellules T expriment des récepteurs. lymphoïdes périphériques, est contrôlée par des chimiokines, qui sont produites par
Ensemble, les chimiokines sécrétées par les
cellules stromales et les cellules dendritiques
des cellules stromales et des cellules dérivées de la moelle osseuse (Fig. 7.38).
attirent les cellules T dans le ganglion en
Les cellules B expriment de manière constitutive le récepteur de chimiokine CXCR5
formation (troisième panneau). La même
combinaison de chimiokines attire aussi les et sont attirées dans les follicules par le ligand de ce récepteur, la chimiokine CXCL13
cellules B dans le ganglion en formation (chimiokine des lymphocytes B ou BLC). La source la plus probable de CXCL13 est la
(quatrième panneau). Les cellules B sont aptes cellule dendritique folliculaire, peut-être en association avec d’autres cellules stromales
soit à induire la différenciation des cellules
dendritiques folliculaires non leucocytaires
folliculaires. Les cellules B à leur tour produisent les LT nécessaires au développement
(qui appartiennent à une lignée distincte des des cellules dendritiques folliculaires. Cette dépendance réciproque des cellules B et
cellules dendritiques dérivées de la moelle des  cellules dendritiques folliculaires illustre le réseau complexe d’interactions qui
osseuse), soit à diriger leur recrutement dans organise les tissus lymphoïdes secondaires. Les cellules T peuvent également expri-
le ganglion. Une fois présentes, les cellules
dendritiques folliculaires sécrètent une
mer le CXCR5 en moindre quantité mais suffisante pour expliquer peut-être comment
chimiokine, CXCL13, qui attire les cellules B. les cellules T sont capables d’entrer dans les follicules de cellules B, ce qu’elles font lors
La production de CXCL13 dirige l’organisation de leur activation, et participer ainsi à la formation des centres germinatifs.
en zones de cellules B (follicules) autour des
cellules dendritiques folliculaires et contribue Deux chimiokines, CCL19 (MIP-3β) et CCL21 (SLC, Secondary Lymphoid Chemokine)
au recrutement supplémentaire de cellules B expliquent la localisation des cellules T dans les zones T. Les deux se lient au récep-
du sang dans le ganglion lymphatique
(cinquième panneau).
teur CCR7 présent sur les cellules T. Les souris déficientes en CCR7 ne forment pas de
zones T normales et ont des réponses primaires fortement altérées. Les cellules stro-
males de la zone T splénique et les cellules épithéliales des HEV dans les ganglions
lymphatiques et les plaques de Peyer produisent CCL21. Une autre source de CCL19
et de CCL21 est la cellule dendritique interdigitée, qui prédomine dans les zones T.
En effet, les cellules dendritiques elles-mêmes expriment CCR7 et gagnent les zones
T, même chez les souris déficientes en RAG et donc sans lymphocytes. Ainsi, la zone T
pourrait s’organiser d’abord par l’attraction de cellules dendritiques et de cellules T
par CCL21 produit par les cellules stromales. Cette organisation serait ensuite renfor-
cée par CCL19 et CCL21 secrétées par les cellules dendritiques résidentes matures,
qui à leur tour attirent davantage de cellules T et de cellules dendritiques immatures.
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 303

Les cellules  B, particulièrement celles qui sont activées, expriment également


CCR7 mais en quantité moindre que ne le font les cellules T et les cellules den-
dritiques. Ceci pourrait expliquer leur voie de migration caractéristique, qui passe
d’abord par les zones  T (où elles peuvent s’attarder si elles sont activées) pour
gagner ensuite le follicule. Bien que l’organisation cellulaire des zones T et B des
ganglions lymphatiques et des plaques de Peyer aient été moins bien étudiée, il
semble probable qu’elle soit contrôlée par les mêmes chimiokines et récepteurs.

7-26 Des lymphocytes qui rencontrent des quantités suffisantes


d’autoantigènes pour la première fois en périphérie sont éliminés
ou inactivés.
Des lymphocytes autoréactifs ont été éliminés des populations de nouveaux lym-
phocytes dans les organes lymphoïdes centraux, mais cette purge n’est efficace que
pour les autoantigènes qui sont exprimés dans ces organes ou qui peuvent les attein-
dre. Les autoantigènes ne sont pas tous exprimés dans les organes lymphoïdes cen-
traux. Certains, comme la thyroglobuline produite par la thyroïde, sont propres à
certains tissus et  /  ou sont à ce point isolés qu’ils ne passent pas, ou en très faible
quantité, dans la circulation. Par conséquent, les lymphocytes autoréactifs récem-
ment émigrés qui rencontrent pour la première fois en périphérie des autoantigènes
doivent être éliminés ou inactivés. C’est ce que l’on appelle la tolérance périphérique.
Les lymphocytes qui rencontrent des autoantigènes de novo en périphérie peuvent
avoir trois destins, tout comme ceux qui reconnaissent ces antigènes dans les orga-
nes lymphoïdes centraux : élimination, anergie ou survie (appelée aussi ignorance).
Des cellules B matures qui rencontrent en périphérie un antigène fortement intercon-
nectant subiront la délétion clonale. Cela a été démontré élégamment par des études
de cellules B exprimant des immunoglobulines spécifiques de molécules du CMH de
classe I, H-2Kb. Ces cellules sont éliminées, même si, chez les animaux transgéniques,
l’expression de la molécule H-2Kb est limitée au foie par l’usage d’un promoteur du gène
spécifique du foie. Des lymphocytes B qui rencontrent en périphérie des antigènes forte-
ment interconnectants subissent directement l’apoptose, contrairement à leurs homolo-
gues de la moelle osseuse, qui tentent de nouveaux réarrangements de leurs récepteurs.
Cette différence de sort pourrait être due au fait que les cellules B en périphérie sont plus
matures et ne peuvent plus réarranger les locus de leurs chaînes légères.
Comme les cellules B immatures, des cellules B matures qui rencontrent et lient un
antigène soluble abondant deviennent anergiques. Cela a été démontré chez la sou-
ris par la mise du transgène HEL sous le contrôle d’un promoteur inductible, qui
peut être régulé par des changements dans le régime alimentaire. Il est donc possi-
ble d’induire la production de lysozyme à tout moment et, par conséquent, d’étudier
ses effets sur les cellules B spécifiques de HEL à différents stades de leur maturation.
Ces expériences ont montré que les cellules B, matures et immatures, étaient inacti-
vées quand elles sont exposées chroniquement à un antigène soluble.
La situation est similaire pour les cellules T. Encore une fois, notre compréhension du
sort des cellules T autoréactives en périphérie provient principalement de l’étude de
souris porteuses du transgène du récepteur de cellule T. Dans certains cas, les cellu-
les T réagissant contre des autoantigènes en périphérie sont éliminées, bien que cette
élimination puisse suivre une brève période d’activation et de division cellulaire. On
parle alors de mort cellulaire par activation. Dans d’autres cas, ces cellules peuvent
être rendues anergiques. Quand elles sont étudiées in vitro, ces cellules T anergiques
s’avèrent réfractaires aux signaux transmis par le récepteur de cellule T.
Si des lymphocytes matures qui rencontrent des autoantigènes meurent ou deviennent
anergiques, pourquoi un lymphocyte mature qui reconnaît un antigène dérivé d’un
agent pathogène ne subit-il pas le même sort ? La réponse est que l’infection déclenche
une inflammation qui induit la sécrétion de cytokines inflammatoires et l’expression de
molécules costimulatrices sur les cellules présentatrices d’antigène. En l’absence de ces
signaux, l’interaction des lymphocytes matures avec un antigène semble susciter un
304 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.39 Proposition d’un modèle de


dynamique des populations de cellules B Moelle osseuse
conventionnelles. Les cellules B sont
produites dans la moelle osseuse sous Répertoire ouvert des cellules B matures.
forme de cellules B immatures pourvues d’un Induction de tolérance
récepteur. Les cellules B les plus autoréactives
sont éliminées à ce stade. Les cellules B
migrent alors dans les tissus lymphoïdes
Sang et tissus lymphoïdes secondaires
secondaires. On estime que, chez la souris,
10 à 20 × 106 de cellules sont produites par la Induction d’une tolérance additionnelle. Cellules B
moelle osseuse et exportées chaque jour en immatures tolérantes au soi et cellules B
remplacement d’un nombre équivalent détruit rendues anergiques.
en périphérie. Il semble exister deux classes
de cellules B périphériques : les cellules B à
longue durée de vie et les cellules B à courte
durée de vie. Les cellules B à courte durée de Pas de sélection positive : les cellules B ne Sélection positive : les cellules B
vie sont par définition formées récemment. Le peuvent entrer dans les follicules lymphoïdes réussissent à entrer dans les follicules lymphoïdes
taux de renouvellement des cellules B à courte
durée de vie semble concerner surtout les
cellules B qui n’arrivent pas à entrer dans les Cellules B naïves, recirculantes, matures,
Les cellules B ont une demi-vie d’environ 3 jours
follicules. Dans certains cas, une anergie suite
de longue durée de vie (demi-vie de 3 à 8 semaines)
à la fixation d’un antigène soluble du soi peut
être en cause ; pour les cellules B immatures
restantes, l’entrée dans le follicule lymphoïde
Stimulation antigénique
impliquerait une forme de sélection positive. Cellules B mémoire, recirculantes, matures,
Ainsi, le reste des cellules B immatures à à durée de vie plus longue
durée de vie courte n’arrive pas à rejoindre le Expression d’IgG, IgA, ou IgE de haute affinité
groupe de cellules à durée de vie longue car
elles ne sont pas sélectionnées positivement.
Environ 90 % de l’ensemble des cellules B signal inducteur de tolérance, ou tolérogène, à partir du récepteur d’antigène. Ce fait a
périphériques sont des cellules B matures de été récemment démontré in vivo pour des cellules T. En l’absence d’infection et d’inflam-
durée de vie relativement longue qui semblent
avoir subi une sélection positive en périphérie.
mation, des cellules dendritiques au repos peuvent présenter des autoantigènes aux cel-
Ces cellules B matures naïves circulent à lules T, mais les conséquences de la reconnaissance d’un autoantigène par des cellules T
travers les tissus lymphoïdes périphériques naïves dans ces circonstances sont soit la mort cellulaire par activation ou l’anergie. Ainsi,
et ont une demi-vie de 6 à 8 semaines chez lorsque le système immunitaire inné n’est pas activé, les antigènes présentés par les cellu-
la souris. Les cellules B mémoire, qui ont été
activées précédemment par leur antigène et les dendritiques peuvent conduire à la tolérance des cellules T plutôt qu’à leur activation.
les cellules T, sont supposées avoir une vie
plus longue.
7-27 La plupart des cellules B immatures qui arrivent dans la rate ont
une vie courte, leur maturation et survie nécessitant des cytokines
et des signaux positifs transmis par le récepteur d’antigène.
Lorsque des cellules B sortent de la moelle osseuse pour gagner la périphérie, elles sont
encore fonctionnellement immatures, exprimant des niveaux élevés de sIgM mais peu
de sIgD. La plupart de ces cellules immatures ne survivront pas et ne deviendront donc
pas des cellules B matures, pauvres en sIgM mais riches en sIgD. La Fig. 7.39 montre
le sort possible de nouvelles cellules B qui arrivent en périphérie. La production jour-
nalière de nouvelles cellules B par la moelle osseuse est d’environ 5-10 % de la popu-
lation totale de lymphocytes B dans le pool périphérique à l’équilibre. La taille de ce
pool semble rester constante chez les animaux non immunisés, et ainsi l’apport de
nouvelles cellules B doit être compensé par la suppression d’un nombre égal de cellu-
les B périphériques. Toutefois, la majorité des cellules B périphériques ont une longue
durée de vie et seuls 1-2 % d’entre elles meurent chaque jour. La plupart des cellules B
qui meurent appartiennent à la population de cellules B immatures, qui ont une durée
de vie courte, plus de 50 % mourant tous les 3 jours. L’incapacité de la plupart des nou-
velles cellules B de survivre pendant plus de quelques jours en périphérie semble être
due à la concurrence entre les cellules B périphériques pour l’accès aux follicules dans
les tissus lymphoïdes périphériques. Si les nouvelles cellules B immatures n’entrent
pas dans un follicule, leur passage en périphérie est arrêté et elles meurent. Le nombre
limité de follicules lymphoïdes ne permet pas d’accueillir toutes les cellules B qui sont
générées chaque jour, d’où la compétition continue pour l’entrée dans les follicules.
Le follicule semble fournir les signaux nécessaires à la survie des cellules B trans-
mis en particulier par un membre de la famille du TNF, BAFF (B-cell Activating
Factor belonging to the TNF family), qui est sécrété par plusieurs types de cellules,
et qui se lie à son récepteur BAFF-R, exprimé par les cellules B. On a démontré que
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 305

Fig. 7.40 Comparaison des propriétés


Propriété Cellules B-1 Cellules B-2 Cellules B des cellules B-1 et des cellules B
conventionnelles de la zone marginale
conventionnelles (cellules B-2) et des
cellules B de la zone marginale. Les
Production initiale Fœtus Après la naissance Après la naissance cellules B-1 peuvent se développer dans
des sites inhabituels chez le fœtus, comme
Régions N l’omentum et le foie. Les cellules B-1
Peu Beaucoup Oui prédominent chez le jeune animal bien
dans les jonctions VDJ
qu’elles puissent être produites toute la vie.
Principalement produites durant la vie fœtale
Répertoire de régions V Restreint Diversifié Partiellement restreint et néonatale, leurs séquences de régions
variables réarrangées contiennent peu de
Cavités du corps Organes nucléotides N. Par contre, les cellules B
Localisation primaire (péritonéales, pleurales) Rate de la zone marginale s’accumulent après
lymphoïdes secondaires
la naissance et n’atteignent pas leur taux
Remplacement à partir maximal avant l’âge de 8 semaines. Les
Mode de renouvellement Autorenouvellement Longue durée de vie
de la moelle osseuse cellules B-1 viennent probablement d’un
groupe de lymphocytes qui s’autorenouvellent,
Production spontanée partiellement activés et sélectionnés par des
Forte Faible Faible
d’immunoglobuline antigènes ubiquitaires du soi ou étrangers. À
cause de cette sélection, et peut-être parce
Isotypes secrétés IgM >> IgG IgG > IgM IgM > IgG que les cellules sont produites tôt dans la vie,
les cellules B-1 ont un répertoire restreint de
régions variables et de spécificités de liaison à
Réponse aux
Oui Peut-être Oui l’antigène. Les cellules B de la zone marginale
antigènes glucidiques ont également un répertoire restreint qui peut
être sélectionné par une série d’antigènes
Réponse aux Peut-être Oui Oui semblables à ceux qui sélectionnent les
antigènes protéiques cellules B-1. Les cellules B-1 semblent être
la population majoritaire de certaines cavités
Nécessité de T auxiliaire Non Oui Parfois de l’organisme, très probablement parce
qu’elles y sont exposées aux antigènes qui
déclenchent leur prolifération. Les cellules B
Hypermutation somatique Faible ou nulle Importante ? de la zone marginale restent dans la zone
marginale de la rate et ne recirculeraient pas.
L’activation partielle des cellules B-1 induit la
Développement de la mémoire Faible ou nulle Oui ? sécrétion d’anticorps principalement IgM ; une
grande partie de l’IgM du sang provient des
cellules B-1. La diversité limitée du répertoire
des cellules B-1 et des cellules B de la
l’interaction BAFF- BAFF-R jouait un rôle important dans la survie folliculaire des zone marginale et leur propension à réagir
cellules B. En effet, des mutants dépourvus BAFF-R ont essentiellement des cellu- avec des antigènes glucidiques bactériens
les B immatures et peu de cellules B périphériques de longue durée de vie. communs suggère qu’elles exercent une
protection immunitaire plus primitive, moins
Les cellules B périphériques comprennent également des cellules B mémoire, qui se adaptative, que les cellules B conventionnelles
(cellules B-2). Dans ce sens, elles sont
différencient à partir de cellules B matures après leur première rencontre avec l’anti- comparables aux cellules T γ:δ.
gène, nous reviendrons aux cellules B mémoire au Chapitre 10. La compétition pour
l’entrée dans les follicules favorise les cellules B matures qui sont déjà établies dans
le pool périphérique et stable des cellules B de longue durée de vie. Les cellules B
matures ont subi des changements phénotypiques qui peuvent rendre leur accès
aux follicules plus facile, par exemple, ils expriment le récepteur de CXCR5 pour la
chimiokine CXCL13, qui est exprimée par les cellules dendritiques folliculaires (voir
Fig. 7.37). Ils expriment également davantage le composant du corécepteur de la cel- Immunodéficience commune
lule B, CR2 (CD21), qui amplifie la capacité de signalisation de la cellule B. et variable

Une signalisation continue par l’intermédiaire du récepteur de cellule B joue égale-


ment un rôle positif dans la maturation et la recirculation des cellules B périphéri-
ques. Une méthode habile d’inactivation du récepteur de cellule B dans les cellules B
matures par délétion génique conditionnelle a montré que l’expression continue
du récepteur de la cellule B est nécessaire pour la survie des cellules B. Des sou-
ris dépourvues de la tyrosine kinase Syk, qui est impliquée dans la signalisation du
récepteur de la cellule B (voir la Section 6-12), ne parviennent pas à développer des
cellules B matures même si elles ont des cellules B immatures. Ainsi, un signal trans-
mis par Syk est nécessaire pour la maturation finale des cellules B ou pour la survie
des cellules B matures. Bien que chaque récepteur de cellule B ait une spécificité
unique, une telle signalisation ne doit pas nécessairement dépendre des interac-
tions spécifiques de l’antigène ; le récepteur pourrait, par exemple, être responsa-
ble d’une signalisation « tonique », dans laquelle un signal faible mais important est
306 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

généré par l’assemblage du complexe du récepteur et déclenche en aval, de temps


en temps, une partie, ou la totalité, des événements de signalisation.

7-28 Les cellules B-1 et les cellules B de la zone marginale sont des sous-
types distincts de cellules B avec des spécificités antigéniques uniques.
La spécificité du récepteur est importante dans la formation des pools périphériques de
cellules B qui dérivent de cellules B immatures et qui atteignent la rate. Cela est particu-
lièrement visible dans le rôle du récepteur de cellule B et de l’antigène dans la sélection
de deux sous-populations de cellules B qui ne résident pas dans les follicules de cellu-
les  B : les cellules B-1 ou cellules B CD5+ et les cellules B de la zone marginale.
Les cellules B-1 forment une sous-population de cellules B qui comprend environ
5 % de l’ensemble des cellules B chez les souris et les humains, et constituent la popu-
lation principale chez les lapins. Les cellules B-1 expriment la protéine de surface
CD5, sont riches en sIgM mais pauvres en sIgD, et résident principalement dans le
liquide péritonéal et pleural. Ces cellules apparaissent d’abord pendant le dévelop-
pement fœtal (Fig. 7.40) et sont appelées cellules B-1 parce que leur développement
précède celui des cellules B classiques, dont le développement a été examiné jusqu’à
présent et qui sont appelées cellules B-2. Il est évident que la spécificité antigéni-
que affecte le sort des cellules B-1 et  /  ou de leurs précurseurs, certains autoantigènes
et antigènes de l’environnement rencontrés en périphérie entraînant l’expansion et
le maintien des cellules B-1. Certains de ces antigènes, comme la phosphocholine,
sont présents à la surface de bactéries qui colonisent l’intestin.
L’origine des cellules B-1 est encore controversée. On ne sait pas encore si elles se
développent sous forme d’une lignée distincte à partir d’un précurseur unique ou
acquièrent le phénotype de cellule B-1 à partir d’un précurseur, qui pourrait éga-
lement donner naissances aux cellules  B-2. Chez la souris, le foie fœtal produit
principalement des cellules B-1, alors que la moelle osseuse adulte génère princi-
palement des cellules B-2, ce qui a été interprété comme un argument en faveur du
caractère unique des précurseurs. Toutefois, d’autres arguments favorisent l’idée
que l’orientation B-1 ou B-2 est due à un processus de sélection, plutôt qu’à une
différence de lignée comme celle qui existe entre les lymphocytes T γ:δ et α:β.
Les cellules B de la zone marginale, appelées ainsi car elles résident dans le sinus
marginal de la pulpe blanche splénique, forment une autre sous-population unique
de cellules B. Elles semblent être des cellules B matures au repos, mais elles ont un
assortiment de protéines de surface qui diffère de celui de la population folliculaire
principale de cellules B. Par exemple, ils expriment des quantités moindres de CD23,
une lectine de type C, mais des quantités élevées de molécules CD1, une molécule
de type CMH de classe I (voir la Section 5-19), et deux récepteurs pour le fragment
C3 du complément, CR1 (CD35) et CR2 (CD21). Les cellules B de la zone marginale
ont des spécificités antigéniques limitées, biaisées en faveur d’antigènes communs
de l’environnement et des autoantigènes, et pourraient servir à réagir promptement
à des antigènes qui ont pénétré dans la circulation sanguine. Elles pourraient ne pas
avoir besoin de l’aide des cellules T pour être activées. Fonctionnellement et phéno-
typiquement, les cellules B de la zone marginale ressemblent à des cellules B-1; de
récentes expériences donnent à penser qu’elles sont sélectionnées positivement par
certains antigènes du soi, comme le sont les cellules B-1. Elles se distinguent, cepen-
dant, à la fois par leur localisation et par l’expression de protéines de surface, par
exemple, les cellules B de la zone marginale ont peu de CD5.
Les fonctions des cellules B-1 et des cellules B de la zone marginale commencent à être
connues. Leurs localisations suggèrent un rôle pour les cellules B-1 dans la défense
des cavités corporelles, et pour les cellules  B de la zone marginale dans la défense
contre les agents pathogènes qui pénètrent dans la circulation sanguine. Le réper-
toire limité des récepteurs dans les deux types de cellules semble les destiner à une
fonction au cours de la phase précoce et non adaptative d’une réponse immunitaire
(voir la Section 2-34). En effet, les segments géniques V qui sont utilisés pour coder les
Survie et maturation des lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques 307

récepteurs des cellules B-1 et de la zone marginale pourraient avoir évolué par sélec-
tion naturelle afin que ces cellules reconnaissent des antigènes bactériens communs,
leur permettant ainsi de contribuer aux phases très précoces de la réponse immu-
nitaire adaptative. En pratique, on constate que les cellules  B-1 contribuent peu à
la réponse immunitaire adaptative contre la plupart des antigènes protéiques, mais
contribuent fortement à certaines réponses humorales contre des antigènes glucidi-
ques. En outre, une grande proportion de l’IgM présente normalement dans le sang
des souris non immunisées provient des cellules  B-1. L’existence de ces anticorps
naturels, qui réagissent fréquemment de manière croisée et dont l’affinité pour les
antigènes microbiens et les autoantigènes est relativement faible, supporte l’opinion
que les cellules B-1 sont partiellement activées parce qu’elles sont destinées à s’autore-
nouveler au contact d’autoantigènes ubiquitaires et d’antigènes de l’environnement.

7-29 L’homéostasie des cellules T en périphérie est régulée


par des cytokines et des interactions avec le CMH du soi.
Quand les cellules T ont exprimé leurs récepteurs et corécepteurs et se sont dif-
férenciées dans le thymus pendant une semaine environ, elles migrent à la péri-
phérie. Contrairement aux cellules  B sortant de la moelle osseuse, seul un petit
nombre de cellules T est exporté du thymus, soit environ 1-2 × 106 par jour chez la
souris. En absence d’infection, la taille et la composition du pool périphérique de
cellules T naïves est régulé par des mécanismes qui le maintiennent à une taille
relativement constante et composé de divers récepteurs de cellules  T potentiel-
lement fonctionnels. De tels processus régulateurs son appelés homéostasie. Les
mécanismes en jeu font appel à des cytokines et à des signaux reçus par le récep-
teur de cellule T en réponse à son interaction avec des molécules du CMH du soi.
La nécessité de la cytokine IL-7 et des interactions avec les complexes peptide du
soi:CMH du soi pour la survie des cellules T en périphérie a été montrée expérimen-
talement. Si des cellules T sont transférées de leur environnement normal à des rece-
veurs dépourvus des molécules du CMH ou pourvus de molécules du CMH différentes
de celles qui avaient sélectionné les cellules T, les cellules T ne survivent pas longtemps.
Par contre si elles sont transférées à des receveurs qui possèdent les molécules adé-
quates du CMH, elles survivent. Des contacts avec les complexes appropriés peptides
du soi:CMH du soi lors de leur passage dans les organes lymphoïdes périphériques
conduisent des cellules T matures et naïves à subir de rares divisions cellulaires. Cette
faible augmentation du nombre des cellules T doit être contrebalancée par une perte
faible de cellules T, de telle façon que le nombre de cellules T reste à peu près constant.
Cette perte intéresse probablement les cellules filles des cellules naïves en division.
Où les cellules T CD4 et CD8 naïves et matures rencontrent-elles leurs ligands de
sélection positive en périphérie ? Les observations actuelles suggèrent qu’il s’agi-
rait des molécules du CMH du soi sur les cellules dendritiques des zones T dans les
tissus lymphoïdes périphériques. Ces cellules sont semblables aux cellules den-
dritiques qui migrent vers les ganglions lymphatiques à partir d’autres tissus, mais
ne peuvent fournir une costimulation suffisante pour induire l’activation com-
plète des cellules T. L’étude de la sélection positive périphérique en est encore à
ses débuts, et il faudra encore attendre avant que l’on obtienne une vue claire du
processus. Les cellules T mémoire font aussi partie du pool des cellules T périphé-
riques, et nous reviendrons à leur régulation au Chapitre 10.

Résumé.
L’organisation des tissus lymphoïdes périphériques est contrôlée par des protéines de
la famille du TNF et de leurs récepteurs (TNFR). L’interaction entre les cellules B expri-
mant des lymphotoxines et des cellules dendritiques folliculaires exprimant le récep-
teur TNFR-I génère les signaux nécessaires pour établir l’architecture normale de la
rate et des ganglions lymphatiques. Le recrutement des cellules B et T dans des aires
distinctes des tissus lymphoïdes repose sur l’attraction exercée par des chimiokines.
308 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Les lymphocytes B et T qui survivent à la sélection dans la moelle osseuse et le thymus


sont exportés vers les organes lymphoïdes périphériques. La plupart des nouveaux
lymphocytes B qui émigrent de la moelle osseuse meurent peu après leur arrivée en
périphérie, contribuant ainsi à maintenir le nombre de cellules B en circulation rela-
tivement constant. Un petit nombre des nouveaux lymphocytes B atteignent la matu-
rité et deviennent des cellules B naïves à longue durée de vie. Les cellules T quittent
le thymus alors qu’elles ont atteint leur pleine maturité et sont produites en plus petit
nombre que les cellules B. Le sort des lymphocytes matures en périphérie est encore
contrôlé par leurs récepteurs d’antigène. En l’absence de rencontre avec leur antigène
spécifique étranger, les lymphocytes naïfs ont besoin d’une signalisation tonique pas-
sant par leurs récepteurs d’antigène pour leur survie à long terme.
Les cellules T ont généralement une longue durée de vie et l’on pense qu’ils s’auto-
renouvellent lentement dans les tissus lymphoïdes périphériques, en étant entrete-
nus par des signaux provenant de l’IL-7 et de multiples contacts avec les complexes
peptide du soi:CMH du soi, qui peuvent être reconnus par le récepteur des cellu-
les T, mais qui ne déclenchent pas l’activation des cellules T. La preuve de l’impli-
cation des récepteurs dans la transmission des signaux de survie est plus évidente
pour les cellules T, mais ces signaux semblent également nécessaires pour les cel-
lules B-1 et les cellules B de la zone marginale. Dans ce cas, ils peuvent promouvoir
la différenciation, l’expansion et la survie et, très probablement, aussi pour les cel-
lules B-2, dont ils favorisent la survie sans expansion. Le follicule lymphoïde, par
lequel les cellules B doivent circuler pour survivre, semble leur fournir des signaux
de maturation et de survie. Quelques ligands qui sélectionnent les cellules B-1 et
les cellules  B de la zone marginale sont connus, mais en général, les ligands impli-
qués dans la sélection des cellules B ne le sont pas. Des sous-populations distinctes
minoritaires de lymphocytes, comme les cellules B-1, les cellules B de la zone mar-
ginale, les cellules T γ:δ, et des cellules T double négatives dotées de récepteurs α:β
de faible diversité, ont des histoires de développement et des propriétés fonction-
nelles différentes des cellules conventionnelles B-2 et T α:β ; elles sont probable-
ment régulées indépendamment de ces populations majoritaires de cellules B et T.

Les tumeurs lymphoïdes.


Des cellules B ou T individuelles peuvent subir une transformation néoplasique,
ce qui aboutit à une leucémie lorsque ce sont des cellules sanguines qui en sont le
point de départ ou à un lymphome lorsqu’il s’agit de cellules résidant dans les tis-
sus. Les caractéristiques des différentes tumeurs lymphoïdes reflètent le stade de
développement de la cellule d’où provient la tumeur. Toutes les tumeurs lymphoï-
des, sauf celles issues de précurseurs très précoces, se distinguent par des réarran-
gements géniques caractéristiques qui permettent leur classement dans la lignée
B ou T. Ces réarrangements sont souvent accompagnés de translocations chromo-
somiques, en général entre un locus générant un récepteur d’antigène et un proto-
oncogène. Les trois sections qui suivent présentent brièvement ces tumeurs et
décrivent certaines de leurs propriétés fondamentales.

7-30 Les tumeurs des cellules B occupent souvent le même site que leurs
homologues normaux.

Les tumeurs peuvent conserver de nombreuses caractéristiques du type cellu-


laire dont elles dérivent. Ceci est bien illustré par les tumeurs des cellules B. Des
tumeurs correspondant à presque tous les stades de développement de la cellule B
Myélome multiple
ont été trouvées chez l’homme, à partir des stades les plus précoces jusqu’au myé-
lome, la prolifération maligne des plasmocytes (Fig. 7.41). En outre, chaque type
de tumeur peut conserver ses propriétés caractéristiques d’écotaxie. Ainsi, dans
le lymphome folliculaire, des cellules tumorales qui ressemblent à des cellules
Les tumeurs lymphoïdes 309

Fig. 7.41 Les cellules B tumorales


Statut des représentent des proliférations clonales
Nom de la tumeur Équivalent cellulaire normal Localisation
gènes V d’Ig de cellules B à différents stades de
développement. Chaque type de cellule
tumorale a un équivalent normal de cellule B
Leucémie avec un comportement semblable et occupe
Progéniteur lymphoïde Non muté
lymphoblastique aiguë les mêmes sites. La tumeur appelée myélome
Moelle multiple est faite de cellules qui ressemblent
osseuse beaucoup aux plasmocytes dont elles dérivent,
et sang secrétant des immunoglobulines et localisées
récepteur
pré-B surtout dans la moelle osseuse. La plus
Leucémie à cellules pré-B Cellule pré-B Non muté énigmatique des tumeurs de cellules B est la
maladie d’Hodgkin, composée de deux types
cellulaires : une cellule lymphoïde et une
cellule d’apparence étrange, appelée cellule
Lymphome à cellules de Reed-Sternberg (RS). La cellule RS paraît
du manteau Cellule B naïve au repos Non muté dériver d’une cellule B de centre germinatif
exprimant moins d’immunoglobulines de
surface, probablement à la suite de mutation
somatique. La leucémie lymphoïde chronique
(LLC) dérivait, pensait-on, de la lignée B-1
Leucémie lymphoïde Cellule B mémoire Habituellement puisque celle-ci exprime CD5, mais selon des
chronique (LLC) ou activée non muté études récentes du profil d’expression génique
de la LLC, ces cellules ressemblent à des
cellules B mémoire ou activées. De nombreux
lymphomes et myélomes passent par une
Lymphome centro- Cellule B mémoire mature phase de prolifération moins agressive,
Muté,
folliculaire Blood
Périphérie variabilité et certaines proliférations lymphocytaires
Ressemble à une cellule B
Lymphome de Burkitt de centre germinatif intraclonale semblent rester bénignes.

Muté
Lymphome de Hodgkin Cellule B variabilité
de centre germinatif intraclonale +/–

Macroglobulinémie Muté, pas


Cellule B secrétant de l’IgM de variabilité
de Waldenström
intraclonale

Plasmocytes. Moelle Muté,


Myélome multiple pas de variabilité
Isotypes variés osseuse intraclonale

matures de centre germinatif ou à des cellules mémoire prolifèrent dans les follicu-
les des ganglions lymphatiques et de la rate, alors que dans le myélome multiple
(tumeur de la moelle osseuse) les plasmocytes néoplasiques, à l’instar de plasmo-
cytes normaux, occupent de nombreux sites la moelle osseuse. Ces similitudes font
qu’il est souvent possible d’utiliser des cellules tumorales, disponibles en grandes
quantités, pour l’étude des molécules de surface cellulaire et des voies de signalisa-
tion responsables de l’écotaxie lymphocytaire et d’autres fonctions cellulaires.
La nature clonale des tumeurs de la lignée B est clairement illustrée par les réar-
rangements identiques des gènes d’immunoglobulines dans les différentes cellu-
les du lymphome d’un patient particulier. Ceci est utile pour le diagnostic clinique,
car les cellules tumorales peuvent être détectées par des tests sensibles pour ces
réarrangements homogènes (Fig.  7.42). En effet, la présence de réarrangements
aux locus du récepteur de cellule  B indique l’origine cellulaire B d’une tumeur,
tout comme des remaniements aux locus du récepteur de cellule T indiquent une
origine cellulaire T. Cette approche s’est révélée utile pour le typage de la leucé-
mie lymphoblastique aiguë, une néoplasie commune de l’enfance. La plupart de
ces cas ont des réarrangements des locus de chaîne lourde, mais pas des locus de
chaîne légère, ce qui indique une origine à partir d’une cellule pré-B, observation
conforme au phénotype relativement indifférencié des cellules tumorales. Parfois,
des gènes de chaîne légère sont également réarrangés, ce qui suggère que la tumeur
pourrait s’être développée à partir de précurseurs un peu plus différenciés. Dans
310 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.42 Analyse clonale des tumeurs des


cellules B et T. L’analyse de l’ADN des cellules Normal Patient 1 Patient 2 P T1 T2
tumorales par empreinte de type Southern

traitement

traitement
permet la détection et le suivi des proliférations Germinal

Après
Avant
lymphoïdes malignes. Panneau de gauche : (non réarrangé)
analyse d’une tumeur de cellules B. Dans un
échantillon d’une personne normale (ligne gène Cβ1
kb
de gauche), les gènes d’immunoglobuline
sont dans une configuration germinale dans
les cellules non-B, donc la digestion de
leur ADN avec des enzymes de restriction
donne un seul fragment d’ADN qui peut être
révélé par une sonde de la région J des
chaînes lourdes d’immunoglobuline (JH).
Les cellules B normales présentes dans 10.0 Germinal
cet échantillon montrent beaucoup de
réarrangements de JH différents, produisant
un spectre de bandes dont chacune est si Germinal
(non réarrangé)
fine qu’elles sont indétectables. Par contre,
chez les patients avec des cellules B gène Cβ2
malignes (patient 1 et patient 2), où une
6.6
seule cellule a donné naissance aux cellules
tumorales de l’échantillon, deux bandes
supplémentaires sont mises en évidence par
la sonde JH. Ces bandes sont caractéristiques
de chaque tumeur de patient et résultent du quelques leucémies lymphoblastiques, ce sont des locus des récepteurs de cel-
réarrangement des deux allèles du gène JH lule T qui sont réarrangés ; la tumeur n’a donc pas une origine cellulaire B.
dans les cellules tumorales originelles.
L’intensité des bandes comparées avec celles De même, l’état des réarrangements géniques a permis d’identifier l’origine d’un type
des bandes germinales donne une indication tumoral appelé maladie de Hodgkin. La cellule étrange, caractéristique de la maladie
de l’abondance des cellules tumorales dans de Hodgkin, appelée cellule de Reed-Sternberg (RS), était considérée comme pro-
l’échantillon. Après le traitement antitumoral
(voir patient 1), on constate la diminution
venant des cellules T ou des cellules dendritiques. L’analyse d’ADN a montréque ces
de l’intensité des bandes spécifiques de la cellules ont réarrangé leurs gènes d’immunoglobulines. Ce qui a permis de les classer
tumeur. kb, kilobases. Panneau de droite : dans le groupe des tumeurs dérivées d’une cellule B. On ignore comment la cellule B
les événements uniques de réarrangement transformée change de morphologie pour devenir une cellule RS. Curieusement, dans
dans chaque cellule T peuvent être utilisés
de la même manière pour l’identification des la maladie d’Hodgkin, les cellules RS constituent quelquefois une population mino-
tumeurs T par empreinte Southern. La sonde ritaire, les cellules les plus nombreuses étant généralement des cellules T et B poly-
utilisée dans ce cas était spécifique des clonales qui peuvent réagir contre les cellules RS ou à un facteur soluble que celles-ci
régions constantes (Cβ1 et Cβ2) de la chaîne β
sécrètent. Une des raisons pour lesquelles l’origine des cellules RS n’avait pas été iden-
du récepteur T. L’ADN de placenta (P), un
tissu dans lequel les gènes du récepteur T tifiée est l’absence, dans presque tous les cas, d’immunoglobulines de surface. Nous
ne sont pas réarrangés, montre une bande savons maintenant que, dans de nombreux cas, cette perte est due à une mutation
importante pour chaque région. L’ADN du sang somatique qui inactive un des gènes de la région V des immunoglobulines.
périphérique de lymphocytes de deux patients
souffrant de tumeurs T (T1 et T2) donne des La détection de mutations somatiques dans les gènes d’immunoglobuline d’une
bandes additionnelles qui correspondent aux tumeur à cellules B fournit également des informations importantes sur son ori-
réarrangements spécifiques (fléchés) présents
dans de nombreuses cellules tumorales. gine. Des gènes V mutés suggèrent que la cellule d’origine est passée par les centres
Comme avec les cellules B, aucune bande germinatifs. Les leucémies à cellules pré-B et la plupart des leucémies lymphocy-
des gènes réarrangés dans les cellules T taires chroniques (LLC) n’ont pas de mutation. Par contre, les cellules des lym-
normales n’est visible sur les échantillons de
patients, car aucune de ces bandes n’est en
phomes folliculaires ou du lymphome de Burkitt expriment des gènes V mutés.
concentration suffisante pour être détectée Si les gènes V de différentes lignées de lymphome de Burkitt du même patient sont
par ce test. Panneau de gauche : clichés de séquencés, de petites variations (variations intraclonales) sont détectées ; l’hyper-
T.J. Vulliamy et L. Luzatto. Panneau de droite : mutation somatique peut en effet se poursuivre dans les cellules tumorales. Les cel-
cliché de T. Diss.
lules tumorales très différenciées comme celles du myélome multiple contiennent
des gènes mutés, mais ne présentent pas de variations intraclonales ; à ce stade de
différenciation, l’hypermutation somatique s’est arrêtée. Une certaine prudence est
nécessaire dans l’interprétation de la présence ou absence de mutation somatique
dans les gènes d’immunoglobuline ; il n’est pas certain que les mutations ne se pro-
duisent que dans les centres germinatifs ; de plus, les cellules mémoire peuvent être
passées par les centres germinatifs sans y avoir subi des mutations somatiques.
Grâce aux microréseaux d’ADN, on a pu comparer de manière détaillée les gènes qui sont
exprimés dans des cellules tumorales et dans des cellules normales (voir Appendice I,
section A-35). Cette approche donne un aperçu des relations entre tumeurs et tissus
normaux et permet une classification plus précise et de mieux comprendre la biologie
des cellules tumorales. Ce travail a confirmé les classifications antérieures basées sur la
Les tumeurs lymphoïdes 311

Fig. 7.43 Les cellules tumorales T


Marqueurs correspondent à des proliférations
Maladie Cellule membranaires Localisation
monoclonales de populations cellulaires
caractéristiques
normales. Chaque tumeur distincte de
cellules T a un équivalent normal, comme
pour les cellules B, et conserve beaucoup
Cellule souche CD34 Moelle
osseuse de propriétés des cellules à partir desquelles
elle se développe. Cependant, les cellules
tumorales T ne présentent pas les caractères
intermédiaires de différenciation. Certaines
Leucémie de ces tumeurs peuvent représenter des
lymphoblastique aiguë Progéniteur CD10
CD19 proliférations massives d’un type cellulaire
commune (LLAC) lymphoïde rare. Par exemple, la leucémie aiguë
CD20
lymphoblastique est dérivée d’un progéniteur
lymphoïde. Une tumeur apparentée aux
cellules T est également présentée. Les
Cellule thymique thymomes dérivent de cellules stromales ou
Thymome Cytokératines Thymus
stromale ou épithéliale épithéliales. Certains marqueurs de surface
cellulaire propres à chaque stade sont aussi
montrés. Par exemple, CD10, un antigène de
leucémie aigüe lymphoblastique ou CALLA
Leucémie (Common Acute Lymphoblastic Leukemia)
lymphoblastique aiguë Thymocyte CD1 sert de marqueur pour la leucémie aigüe
(LLA-T) lymphoblastique. Notez que les cellules
de leucémie lymphoïde chronique (LLC) à
cellules T expriment CD8, tandis que les autres
cellules T tumorales de la liste expriment CD4.
Syndrome de Sézary
Leucémie T de l’adulte La leucémie T de l’adulte est causée par le
Mycosis fongoïde virus HTLV-1.
Leucémie lymphoïde CD3/TCR Périphérie
Cellule T
chronique (LLC) CD4 ou CD8
Leucémie
prolymphocytaire T
(LPLT)

distribution histologique des cellules tumorales et a permis une nouvelle subdivision


des divers types tumoraux. Par exemple, un lymphome diffus non hodgkinien peut être
divisé en groupes qui ressemblent soit à des cellules B activées ou à des cellules B de
centre germinatif. Cela peut avoir une signification pronostique ; en effet les tumeurs
qui ressemblent à des cellules du centre germinatif répondent beaucoup mieux au trai-
tement. L’analyse de l’expression génique dans la LLC est particulièrement révélatrice.
Puisque ces tumeurs expriment CD5 et ne montrent généralement pas de mutations
somatiques, on a pensé pendant de nombreuses années qu’elles dérivaient des précur-
seurs des cellules B-1 (voir la Section 7-28). L’analyse de l’expression génique a mis en
évidence peu de ressemblance avec les cellules B CD5 normales. Elle a plutôt suggéré
une relation avec des cellules B au repos, peut-être des cellules B mémoire, ce qui s’ac-
corde avec le fait que l’on trouve des mutations somatiques dans certaines LLC. Dans les
LLC, avec ou sans mutations, ce sont presque toujours les mêmes gènes qui sont expri-
més, à l’exception d’un sous-groupe génique unique exprimé par des cellules mutées
de LLC, ce qui est probablement responsable de leur pronostic bénin.

7-31 Les tumeurs de cellules T aux stades intermédiaires


de leur développement sont rares.

Des tumeurs de la lignée T ont été identifiées, mais contrairement aux cancers des
cellules B, peu correspondent à des stades intermédiaires du développement des
cellules T chez l’homme. Au contraire, les tumeurs T comportent plutôt des cellules
différenciées ou, dans la leucémie aiguë lymphoblastique, de cellules dérivées des
progéniteurs lymphoïdes les plus précoces (Fig. 7.43). Une explication possible de
Lymphome des cellules T
la rareté des tumeurs T correspondant aux stades intermédiaires vient du fait que
les cellules T sont programmées pour mourir à moins qu’elles ne soient sauvées par
la sélection positive durant un intervalle de temps très étroit (voir la Section 7-14).
Les thymocytes pourraient tout simplement ne pas rester suffisamment longtemps
aux stades intermédiaires pour fournir l’occasion d’une transformation maligne.
312 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Ainsi, seules les cellules T qui sont transformées à des stades précoces de différen-
chromosome 8 chromosome 14
ciation ou après que leur maturation, deviennent cancéreuses.
Comme pour les cellules B, le comportement des tumeurs des cellules T matures
a fait progresser nos connaissances sur les différents aspects de la biologie des cel-
lules T, et vice-versa. Par exemple, les lymphomes T cutanés, qui infiltrent la peau
et proliférent lentement, sont des expansions clonales de cellules T CD4, qui, une
fois activées, migrent vers la peau. Enfin, une tumeur du stroma thymique, appelée
thymome, est fréquente dans certaines maladies auto-immunes. Sans que l’on ne
comprenne pourquoi, l’élimination de ces tumeurs améliore souvent la maladie.

gène
gène 7-32 Les lymphomes B comportent fréquemment des translocations
d’Ig
MYC chromosomiques qui joignent des locus d’immunoglobulines
à des gènes qui régulent la croissance cellulaire.
L’accumulation incontrôlée de cellules dérivées d’un seul clone, caractéristique la
plus évidente des tumeurs, est causée par des mutations qui libèrent la cellule fonda-
trice des contraintes normales de sa croissance ou qui empêchent son apoptose. Dans
les tumeurs de cellules B, la dérégulation des contrôles homéostatiques normaux est
souvent associée à un réarrangement aberrant des gènes d’immunoglobulines, dans
lequel un des locus d’immunoglobuline est joint à un gène d’un autre chromosome.
La fusion génétique avec un autre chromosome est appelée translocation et, dans des
cellules B tumorales, de telles translocations interrompent l’expression et la fonction de
gènes essentiels au contrôle de la croissance cellulaire. Les gènes qui causent le cancer
quand leur fonction ou leur expression est dérégulée sont appelés des oncogènes.
Les translocations donnent naissance à des anomalies chromosomiques visibles
au microscope lorsque les cellules sont en métaphase. On observe des transloca-
Translocation tions caractéristiques dans différentes tumeurs à cellules B ; elles reflètent l’impli-
cation d’un oncogène particulier dans chaque type de tumeur. Des translocations
Fig. 7.44 Des réarrangements caractéristiques impliquant les locus des récepteurs de cellule T s’observent aussi
chromosomiques spécifiques sont trouvés dans les tumeurs à cellules T. Les locus des immunoglobulines et des récepteurs
dans certaines tumeurs lymphoïdes. Si un de cellules  T sont des sites où des cassures de l’ADN double-brin se produisent
réarrangement chromosomique réunit un des
gènes d’immunoglobulines à un oncogène durant les réarrangements géniques, ainsi que lors de la commutation isotypique
cellulaire, il peut en résulter une expression et des hypermutations somatiques dans les cellules B. Il n’est donc pas surprenant
aberrante de l’oncogène sous le contrôle des que ces locus soient des sites prédisposés aux translocations.
séquences régulatrices des immunoglobulines.
De tels réarrangements chromosomiques L’analyse des anomalies chromosomiques a fourni de nombreux renseignements
sont fréquemment associés aux tumeurs sur la régulation de la croissance des cellules B et la perte de son contrôle dans les
de cellules B. Dans l’exemple montré, d’un
lymphome de Burkitt, la translocation de cellules tumorales. Dans les cellules du lymphome de Burkitt, l’oncogène MYC sur
l’oncogène MYC du chromosome 8 (panneau le chromosome 8 est recombiné avec un locus d’immunoglobuline par transloca-
du haut) vers le locus de chaîne lourde tion qui implique soit le chromosome 14 (chaîne lourde) (Fig. 7.44), le chromo-
d’immunoglobuline du chromosome 14 some 2 (chaîne légère κ) ou le chromosome 22 (chaîne légère λ). La protéine Myc
(panneau du bas) entraîne une expression
dérégulée de MYC et la prolifération est impliquée dans le contrôle du cycle cellulaire dans les cellules normales. La
non contrôlée de la cellule B. Le gène translocation dérégule l’expression de la protéine Myc, ce qui aboutit à une proli-
d’immunoglobuline sur le chromosome 14 fération accrue des cellules B, bien que d’autres mutations ailleurs dans le génome
normal est habituellement réarrangé de
soient requises avant qu’une tumeur B ne se développe.
manière productive et les tumeurs qui résultent
de telles translocations ont généralement un D’autres tumeurs des cellules B, particulièrement les lymphomes folliculaires, com-
phénotype de cellule B mature exprimant des
immunoglobulines. portent une translocation chromosomique des gènes d’immunoglobuline avec l’on-
cogène bcl-2, augmentant la production de la protéine Bcl-2, dont la fonction est de
prévenir l’apoptose des cellules B (voir la Section 6-26). Son expression anormale per-
met à certaines cellules B de survivre au-delà de leur durée de vie normale et ainsi de
s’accumuler. Pendant ce temps, d’autres changements génétiques peuvent conduire
à la transformation maligne. La preuve que le réarrangement de Bcl-2 et la surexpres-
sion qui en résulte favorisent le développement du lymphome vient des souris por-
teuses d’un transgène bcl-2 surexprimé de manière constitutive. Ces souris tendent à
développer des lymphomes à cellules B plus tard dans la vie. De manière similaire, le
gène bcl-6 est fréquemment réarrangé dans les lymphomes diffus à grandes cellules B
et l’on pense qu’il interviendrait dans la transformation de ces cellules.
Résumé du Chapitre 7 313

Résumé.
Très rarement, une cellule individuelle B ou T subit une mutation et se transforme
en leucémie ou lymphome. Différentes tumeurs lymphoïdes affichent des carac-
téristiques, par exemple les modes de croissance et les localisations tissulaires,
qui reflètent le stade cellulaire à partir duquel la tumeur s’est développée. La plu-
part des tumeurs lymphoïdes, sauf celles qui dérivent de cellules non engagées et
donc très précoces, montrent des réarrangements géniques caractéristiques qui
indiquent qu’elles proviennent d’un précurseur de la lignée B ou T. Ces réarran-
gements sont fréquemment accompagnés de translocations chromosomiques,
souvent entre un locus générant un récepteur d’antigène et un proto-oncogène
cellulaire, par exemple le locus d’immunoglobuline et l’oncogène MYC. L’analyse
détaillée de l’expression génique de ces tumeurs révèle leur origine et les gènes
principaux impliqués dans la transformation maligne. De telles études aident déjà
au diagnostic et il est probable qu’elles conduiront à des traitements spécifiques.

Résumé du Chapitre 7.
Dans ce chapitre, nous avons appris comment les lignées B et T se forment à partir
d’un progéniteur lymphoïde primitif. Les réarrangements somatiques des gènes qui
génèrent un répertoire hautement diversifié de récepteurs d’antigène, des immu-
noglobulines pour les cellules B et le récepteur T pour les cellules T, se produisent
pendant les stades précoces de développement des cellules B et T à partir d’un pro-
géniteur lymphoïde commun provenant de la moelle osseuse. Le développement
des cellules B chez les mammifères a lieu dans le foie fœtal, et après la naissance,
dans la moelle osseuse. Les cellules T sont aussi originaires de la moelle osseuse,
mais se développent surtout dans le thymus. Les mécanismes de recombinaison
somatique, entre autres l’intervention des protéines RAG, composants essentiels
de la recombinase V(D)J, sont en grande partie communs aux deux. Autre caracté-
ristique commune : tant dans la lignée B que T, le réarrangement génique se pro-
duit successivement à chaque locus, en commençant avec les locus contenant les
gènes D. La première étape du développement des cellules B est le réarrangement
du locus de la chaîne lourde d’immunoglobuline et, pour les cellules T la chaîne β.
Dans chaque cas, la cellule ne peut passer au stade suivant que si le réarrangement
est productif d’une séquence en phase qui peut être traduite en une protéine expri-
mée à la surface cellulaire : soit le récepteur de la cellule pré-B ou le récepteur de
la cellule pré-T. Les cellules qui ne génèrent pas de réarrangements productifs pour
les deux chaînes de récepteurs meurent par apoptose. Le développement des cellu-
les B est résumé dans la Fig. 7.45, et celui des cellules T α:β dans la Fig. 7.46.
Une fois que le récepteur d’antigène apparaît à la surface cellulaire, le lymphocyte
est soumis à deux tests. La sélection positive teste l’utilité potentielle du récepteur
d’antigène, tandis que la sélection négative débarrasse le répertoire lymphocytaire
des cellules autoréactives et le rend ainsi tolérant aux antigènes du soi. La sélection
positive est particulièrement importante pour les cellules  T, car elle garantit que
seules les cellules porteuses de récepteurs T reconnaissant l’antigène associé aux
molécules du CMH du soi continueront à se différencier. La sélection positive coor-
donne aussi le choix des corécepteurs. CD4 est exprimé par des cellules T pourvues
de récepteurs restreints au CMH de classe II, et CD8 par les cellules pourvues de
récepteurs restreints au CMH de classe I. Ce qui assure une utilisation optimale de
ces récepteurs en réponse aux pathogènes. Pour les cellules B, la sélection positive
semble se produire pendant la transition finale entre le stade immature et le stade
mature, qui a lieu dans les tissus lymphoïdes périphériques. La tolérance est impo-
sée à différents stades au cours du développement des cellules T et B et, de la même
manière, la sélection positive semble être un processus continu.
Les cellules B et T qui survivent après leur développement dans les organes lymphoïdes
centraux émigrent vers la périphérie, où ils occupent des sites particuliers. L’organisation
des organes lymphoïdes périphériques, comme la rate et les ganglions lymphatiques,
314 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

Fig. 7.45 Résumé du développement des


lignées de cellules B conventionnelles. Gènes Gènes Protéines Marqueurs
L’état des gènes d’immunoglobuline, Cellules B de chaînes de chaînes intra- de surface
l’expression de quelques protéines lourdes légères cellulaires
intracellulaires essentielles et de certaines
molécules de surface sont mises en parallèle
avec le développement des cellules B‑2.
Les gènes d’immunoglobuline subissent Cellule CD34
des changements supplémentaires durant souche Lignée germinale Lignée germinale CD45
la différenciation des cellules B induite par
AA4.1
l’antigène comme la commutation isotypique
et l’hypermutation somatique (voir Chapitre 4) ;
ils sont évidents dans les immunoglobulines
CD34
produites par les cellules mémoire et les RAG-1

INDÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE
CD45R
plasmocytes. Ces stades dépendant de Cellule D-J réarrangé RAG-2 AA4.1, IL-7R
l’antigène sont décrits plus en détail au pro-B Lignée germinale TdT CMH de classe II
Chapitre 9. précoce λ5, VpréB CD10, CD19
CD38

CD45R
AA4.1, IL-7R

MOELLE OSSEUSE
Cellule V-DJ TdT CMH de classe II
pro-B Lignée germinale λ5, VpréB CD10, CD19
réarrangé
tardive CD38, CD20
CD40

récepteur pré-B
CD45R
AA4.1, IL-7R
Grande V-DJ CMH de classe II
cellule Lignée germinale λ5, VpreB
pré-B-R
réarrangé
pré-B CD19, CD38
CD20, CD40

μ cytoplasmique CD45R
μ AA4.1
Petite Réarrangement VJ réarrangé RAG-1
cellule V-J CMH de classe II
RAG-2 CD19, CD38
pré-B
CD20, CD40

lgM CD45R
VDJ réarrangé
Chaîne μ AA4.1
Cellule VJ réarrangé CMH de classe II
B immature produite
sous forme IgM
membranaire CD19, CD20
CD40

lgD lgM VDJ réarrangé.


Chaîne μ produite CD45R
Cellule B sous forme CMH de classe II
IgM, IgD
DÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE

mature membranaire.
naïve L’épissage alternatif CD19, CD20
produit de CD21, CD40
l’ARNm µ+δ

lgM L’épissage
alternatif CD45R
Lympho- produit des Ig CMH de classe II
blaste CD19, CD20
chaînes μ CD21, CD40
PÉRIPHÉRIE

secrétées

lgG
Commutation CD45R
Cellule B isotypique Hypermutation CMH de classe II
vers Cγ, Cα, Cε. IgG, IgA
mémoire somatique CD19, CD20
Hypermutation
somatique CD21, CD40

lgG
DIFFÉRENCIATION

Plasmoblaste L’épissage
CD135
TERMINALE

et alternatiff VJ réarrangé
plasmocyte Ig Antigène-1
fournit des Ig
membranaires plasmocytaire
et sécrétées CD38
Résumé du Chapitre 7 315

Fig. 7.46 Résumé du développement des


Réarrangement Réarrangement Protéines Marqueurs cellules T humaines α:β. L’état des gènes du
Cellules T du gène du gène intracellulaires de surface récepteur T, l’expression de certaines protéines
de la chaîne 𝛃 de la chaîne 𝛂 intracellulaires essentielles et de certaines

MOELLE OSSEUSE
molécules de surface sont montrées au cours
des stades successifs du développement des
cellules T α:β. Notez que, comme les gènes
Cellule du TCR ne subissent pas de changements
souche Lignée germinale Lignée germinale CD34?
supplémentaires durant le développement
induit par l’antigène, seules les phases durant
lesquelles ils subissent des réarrangements
dans le thymus sont indiquées. Les
RAG-1 modifications des cellules CD4 et CD8
INDÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE

Thymocyte
double D-J réarrangé RAG-2 CD2 survenant après le contact avec l’antigène
négatif Lignée germinale TdT HSA sont décrites séparément et sont détaillées au
précoce Lck CD44haut Chapitre 8.
ZAP-70

Thymocyte RAG-1
RAG-2 CD25
double V-DJ réarrangé Lignée germinale CD44bas
négatif TdT
Lck HSA
tardif
ZAP-70

THYMUS
récepteur pré-T
Thymocyte PTα
double V-DJ réarrangé RAG-1 CD4
positif RAG-2 CD8
précoce HSA

récepteur T

Thymocyte CD69
double Lck CD4
positif ZAP-70 CD8
tardif HSA

CD4
DÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE

Cellule Lck CD62L


T CD4 ZAP-70 CD45RA
naïve LKLF CD5

Cellule CD4
T CD4 Lck CD45RO
mémoire ZAP-70 CD44
DIFFÉRENCIATION

CD4
TH17: IL-17
TERMINALE

Cellule CD45RO
T CD4 TH1: IFN-γ CD44haut
effectrice Fas
TH2: IL-4
PÉRIPHÉRIE

FasL (type 1)
DÉPENDANT DE L’ANTIGÈNE

Cellule CD8
T CD8 CD45RA
naïve

Cellule CD8
T CD8 CD45RO
mémoire CD44
DIFFÉRENCIATION

FasL
TERMINALE

Cellule IFN-γ
Fas
T CD8 granzyme CD8
effectrice perforine CD44haut
316 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

implique des interactions entre des cellules qui expriment des protéines de la famille du
TNF et du TNFR. La localisation des cellules T et B dans différentes zones de ces tissus
périphériques requiert l’expression de différents récepteurs de chimiokine et la sécré-
tion de chimiokines spécifiques par divers éléments du stroma. La maturation et la sur-
vie des lymphocytes T et B dans ces tissus périphériques dépendent encore d’autres
facteurs spécifiques. Les cellules B reçoivent des signaux de survie dans le follicule par
l’intermédiaire de BAFF. Les cellules T naïves requièrent les cytokines IL-7 et IL-15 pour
leur survie et leur prolifération homéostasique, ainsi que des signaux passant par le
récepteur de cellule T qui interagit avec les molécules du CMH du soi.
Occasionnellement, des cellules B et des cellules T subissent une transformation mali-
gne, et deviennent des tumeurs qui échappent au contrôle de leur croissance tout en
gardant la plupart des caractéristiques de la cellule parentale, y compris sa localisation
particulière. Ces tumeurs comportent fréquemment des translocations impliquant des
locus de récepteur d’antigène et d’autres gènes impliqués intimement dans la régula-
tion de la croissance du lymphocyte ou de son apoptose ; ces translocations ont fourni
ainsi des informations sur les gènes et les protéines qui régulent l’homéostasie lym-
phocytaire. En analysant l’expression génique, on comprend mieux les origines des
tumeurs lymphocytaires mais aussi celles de nombreux cancers non lymphoïdes.

Questions.

7.1 Le développement des cellules B dans la moelle osseuse partage de nombreuses


caractéristiques avec le développement des cellules T dans le thymus. (a) Quelles sont
les deux principaux objectifs de développement des lymphocytes ? (b) Décrivez les
étapes ordonnées du réarrangement du récepteur dans les cellules B et T, en dressant
des parallèles entre les deux types de cellules. (c) Quelle est la fonction du récepteur
de la cellule pré-B et du récepteur de la cellule pré-T ? (d) Pourquoi les cellules T se
développent-elles dans le thymus et les cellules B dans la moelle osseuse ?

7.2 Le développement des lymphocytes se distingue par d’énormes pertes de cellules


à plusieurs étapes. (a) Quelles sont les principales raisons de cette mort des
lymphocytes, qui ne progressent pas au-delà du stade de cellule pré-T ou de cellule
pré-B ? (b) Quelle est la principale raison pour laquelle les lymphocytes meurent après
avoir atteint le stade immature auquel ils expriment un TCR ou BCR ?

7.3 Décrivez le processus de sélection positive des cellules T dans le thymus. (a) Où
a-t-il lieu ? (b) Quelles sont les ligands ? (c) Quand (à quel stade) au cours du
développement des cellules T la sélection positive se produit-elle ? (d) Décrivez de
quelle façon le choix entre l’expression des corécepteurs CD4 ou CD8 se produit, et
identifiez tout régulateur connu de ce processus.

7.4 Les tissus lymphoïdes périphériques s’organisent par communication entre plusieurs
types de cellules et plusieurs types d’interactions de récepteurs. (a) Quelles sont
les familles de molécules qui sont essentielles pour une organisation adéquate des
tissus lymphoïdes périphériques ? (b) Quelles sont celles qui sont importantes pour
l’organisation des zones de cellules B ? (c) Quelles sont celles qui sont importantes
pour l’organisation de la zone des cellules T ?

7.5 Il existe trois principaux sous-populations de cellules B : folliculaires, de la zone


marginale et B-1. Comparez leur développement et leurs fonctions sur base d’au
moins cinq points différents.

7.6 Qu’est-ce que la présence ou l’absence d’hypermutations somatiques dans les


régions V des immunoglobulines des tumeurs de la lignée B nous dit à propos de
l’origine des cellules néoplasiques?
Références 317

Références générales. 7-3 Le récepteur de la cellule pré-B témoigne de la production


réussie d’une chaîne lourde complète et donne le signal
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7-13 La synthèse réussie d’une chaîne β réarrangée permet
7-9 Les stades successifs du développement des thymocytes la production d’un récepteur de cellule pré-T qui déclenche
se caractérisent par des changements de molécules la prolifération cellulaire et bloque un réarrangement
à la surface cellulaire. supplémentaire de gène de chaîne β.
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Références 319

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7-16 Seuls les thymocytes dont les récepteurs interagissent
avec un complexe peptide du soi:CMH du soi peuvent 7-21 Pour la sélection négative, ce sont les cellules
survivre et atteindre la maturité. présentatrices d’antigène provenant de la moelle osseuse
qui sont les plus efficaces.
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négative ou positive doivent être différentes.
7-17 La sélection positive agit sur un répertoire
de récepteurs de cellules T dotés d’une spécificité Alberola-Ila, J., Hogquist, K.A., Swan, K.A., Bevan, M.J., and Perlmutter, R.M.:
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320 Chapitre 7 : Le développement et la survie des lymphocytes

7-25 La localisation des lymphocytes dans des régions Martin, F., and Kearney, J.F.: Marginal-zone B cells. Nat. Rev. Immunol. 2002,
spécifiques des tissus lymphoïdes périphériques 2:323–335.
est assurée par des chimiokines.
7-29 L’homéostasie des cellules T en périphérie est régulée
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7-28 Les cellules B-1 et les cellules B de la zone marginale sont


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La réponse immunitaire
PARTIE IV
adaptative

Chapitre 8 L’immunité dépendant des cellules T.

L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices


d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques.

Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques


activées par un pathogène.

Les propriétés générales des cellules T effectrices


et de leurs cytokines.

La cytotoxicité des cellules T.

L’activation des macrophages par les cellules TH1.

Chapitre 9 Les réponses immunitaires humorales.

L’activation de la cellule B et la production d’anticorps.

La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines.

La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps


par l’intermédiaire des récepteurs de Fc.

Chapitre 10 La dynamique de l’immunité adaptative.

L’évolution de la réponse immunitaire à une infection.

La mémoire immunologique.

Chapitre 11 Le système immunitaire des muqueuses.

L’organisation du système immunitaire des muqueuses.

La réponse des muqueuses à une infection et la régulation


des réponses immunitaires dans ces tissus.
323

L’immunité dépendant
des cellules T 8
Une réponse immunitaire adaptative est induite lorsqu’une infection déborde les
mécanismes de défense innée. Le pathogène continue à se répliquer et les antigènes
s’accumulent. Ce qui, dans l’environnement cellulaire produit par l’immunité innée,
déclenche la réponse immunitaire adaptative. Certaines infections peuvent être maî-
trisées par la seule immunité innée (voir Chapitre  2) ; elles seront éliminées rapi-
dement et produiront peu de symptômes et peu de dommages. Mais la plupart des
pathogènes, presque par définition, peuvent déborder le système immunitaire inné,
l’immunité adaptative devenant alors essentielle. C’est ce qu’illustrent bien les syn-
dromes d’immunodéficience associés à un échec d’une composante spécifique de
la réponse immunitaire adaptative comme nous le verrons au Chapitre 12. Dans les
prochains chapitres, nous apprendrons comment la réponse immunitaire adaptative
impliquant des cellules T et B spécifiques de l’antigène est déclenchée et déployée.
Nous étudierons les réponses immunitaires dépendant des cellules  T dans le pré-
sent chapitre puis l’immunité humorale, c’est-à-dire la réponse à anticorps assurée
par les cellules B, dans le Chapitre 9. Dans le Chapitre 10, nous combinerons ce que
nous avons appris dans les Chapitres 8 et 9 afin de présenter une vue dynamique des
réponses immunitaires adaptatives aux pathogènes, en particulier une description
de l’une de ses plus importantes caractéristiques, la mémoire immunologique.
Une fois que les cellules T ont terminé leur développement dans le thymus, elles
entrent dans le courant sanguin. Lorsqu’elles atteignent un organe lymphoïde péri-
phérique, elles quittent le sang pour migrer à travers le tissu lymphoïde, retour-
nant par les lymphatiques dans le courant sanguin pour recirculer entre le sang
et le tissu lymphoïde périphérique. Les cellules T matures recirculantes qui n’ont
pas encore rencontré leur antigène spécifique sont appelées cellules  T naïves.
Pour participer à une réponse immunitaire adaptative, une cellule  T naïve doit
rencontrer son antigène spécifique, qui lui est présenté sous forme de complexe
peptide:CMH à la surface d’une cellule présentatrice d’antigène ; elle commence
alors à proliférer et à se différencier en cellules dotées de nouvelles fonctions qui
contribuent à l’élimination de l’antigène. Ces cellules T effectrices interviennent
très rapidement lorsque elles rencontrent leur antigène spécifique sur d’autres cel-
lules. Du fait qu’elles ne peuvent reconnaître que des antigènes peptidiques pré-
sentés par des molécules du CMH, toutes les cellules T effectrices agissent non pas
sur le pathogène lui-même mais sur d’autres cellules, dites cellules cibles.
Lors de la reconnaissance de l’antigène, les cellules T naïves se différencient en
plusieurs classes fonctionnelles de cellules T effectrices, spécialisées dans diverses
activités. Les cellules  T CD8 reconnaissent les peptides du pathogène présentés
par des molécules du CMH de classe I, et les cellules T CD8 naïves se différencient
toutes en cellules T cytotoxiques effectrices qui reconnaissent et tuent les cellu-
les infectées. Les cellules T CD4 ont un répertoire plus varié d’activités effectrices.
Après reconnaissance des peptides du pathogène présentés par des molécules du
324 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Cellules T Cellules T régulatrices


Cellules TH1 CD4 Cellules TH2 CD4 Cellules TH17 CD4
cytotoxiques CD8 CD4 (divers types)

Types de cellules T effectrices CTL TH1 TH2 TH17 Treg

Activent les macrophages Fournissent l’aide


Fonctions principales Tuent les cellules Intensifient Suppriment
infectés Fournissent l’aide aux cellules B pour la
dans la réponse immunitaire infectées l’intervention les réponses
aux cellules B pour la production d’anticorps,
adaptative par un virus des neutrophiles des cellules T
production d’anticorps spécialement les IgE

Microbes qui persistent


dans les vésicules des
Virus (par ex. influenza, Bactéries
macrophages (par ex. des
rage, vaccine) Parasites extracellulaires
Pathogènes visés mycobactéries, Listeria,
Certaines bactéries helminthiques (par ex. Salmonella
Leishmania donovani,
intracellulaires enterica)
Pneumocystis carinii)
Bactéries extracellulaires

Fig. 8.1 Les rôles des cellules T effectrices CMH de classe II, les cellules T CD4 naïves peuvent se différencier en différentes
dans les réponses immunitaires cellulaires sous-populations effectrices exerçant des fonctions immunologiques différentes.
et humorales. Les réponses immunitaires
cellulaires sont dirigées principalement Les sous-populations CD4 effectrices que l’on distingue actuellement sont les TH1,
contre des pathogènes intracellulaires : des TH2 et TH17, qui activent leurs cellules cibles. Il faut y ajouter plusieurs sous-popu-
cellules T CD8 cytotoxiques tuent les cellules lations de cellules  T régulatrices qui exercent une activité inhibitrice et limitent
infectées ou les macrophages activés par des
cellules TH1 CD4 détruisent les pathogènes
l’intensité de la réaction immunitaire (Fig. 8.1).
intracellulaires. Les cellules CD4 TH2 et TH1 L’activation des cellules T naïves en réponse à l’antigène, suivie de leur prolifération et
contribuent à l’immunité humorale en stimulant
la production d’anticorps par les cellules B et différenciation en cellules effectrices, constitue une réponse immunitaire cellulaire
en induisant la commutation de classe. Toutes primaire. Les cellules T effectrices diffèrent à de nombreux égards de leurs précur-
les classes d’anticorps contribuent à l’immunité seurs naïfs, et ces changements les équipent pour répondre rapidement et efficace-
humorale, qui est dirigée principalement
ment lorsque elles rencontrent leur antigène spécifique sur des cellules cibles. Dans
contre les pathogènes extracellulaires. Les
deux types d’immunité, cellulaire et humorale ce chapitre, nous décrirons les mécanismes spécialisés de la cytotoxicité par les cel-
interviennent dans de nombreuses infections. lules T et de l’activation des macrophages par des cellules T effectrices, ce qui consti-
Les cellules TH17 CD4 contribuent au tue les composantes principales de l’immunité cellulaire. L’autre fonction principale
recrutement des neutrophiles dans les foyers
infectieux au début de la réponse immunitaire
des cellules T effectrices est de fournir de l’aide aux cellules B pour déclencher la pro-
adaptative ; elles interviennent surtout contre duction d’anticorps. Nous ne ferons qu’aborder ce sujet dans ce chapitre car nous
les pathogènes extracellulaires. Les cellules T l’étudierons en détail au Chapitre  9. En même temps qu’elle fournit des cellules  T
régulatrices tendent à supprimer la réponse effectrices, la réponse primaire des cellules T génère aussi des cellules T mémoire,
immunitaire adaptative et jouent un rôle
important dans le contrôle des réponses
qui ont une longue durée de vie et qui répondent de manière accélérée à l’antigène,
immunitaires et dans la prévention de l’auto- ce qui assure une protection lors d’une nouvelle agression par le même pathogène.
immunité. Nous décrirons la mémoire immunologique des cellules T et B au Chapitre 10.
Dans ce chapitre, nous verrons comment les cellules T naïves sont amenées à pro-
liférer et à produire des cellules T effectrices la première fois qu’elles rencontrent
leur antigène spécifique. L’activation menant à l’expansion clonale d’une cellule T
naïve lors de sa rencontre initiale avec l’antigène est souvent appelée sensibilisa-
tion, pour la distinguer des réactions des cellules T effectrices envers leur antigène
sur les cellules cibles et des réponses des cellules T mémoire sensibilisées. Le lan-
cement de l’immunité adaptative est une histoire vraiment fascinante en immu-
nologie. Comme nous le verrons, l’activation des cellules  T naïves est contrôlée
par divers signaux : dans la nomenclature de feu Charles Janeway et utilisée dans
cet ouvrage, on parle de signal 1, signal 2 et signal 3. Une cellule  T naïve recon-
naît l’antigène sous la forme d’un complexe peptide:CMH à la surface d’une cel-
lule présentatrice d’antigène spécialisée, comme décrit au Chapitre 5. L’activation
spécifique par l’antigène du récepteur de cellule T déclenche le signal 1 ; l’interac-
tion des molécules costimulatrices sur la cellule présentatrice d’antigène avec des
ligands sur la cellule T correspond au signal 2 ; et les cytokines qui contrôlent la
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 325

différenciation en différents types de cellules effectrices constituent le signal 3. Tous


ces événements sont induits par des signaux beaucoup plus précoces qui provien-
nent de la détection initiale des pathogènes par le système immunitaire inné. Ces
signaux, que Janeway avait prédits puis identifiés, sont transmis aux cellules du sys-
tème immunitaire inné par des récepteurs comme ceux de type Toll (TLR, Toll-Like
Receptors), qui reconnaissent des motifs moléculaires associés aux pathogènes et
signalent donc la présence du non soi (voir Chapitre 2). Comme nous le verrons
dans ce chapitre, ces signaux sont essentiels pour activer les cellules présentatrices
d’antigène afin qu’elles soient capables à leur tour d’activer des cellules T naïves.
Les cellules présentatrices d’antigène de loin les plus importantes dans l’activation
des cellules T naïves sont les cellules dendritiques, qui sont spécialisées dans les
fonctions d’ingestion et de présentation de l’antigène. Dans le cadre d’une réponse
immunitaire innée, les cellules dendritiques tissulaires captent l’antigène dans les
sites d’infection et sont ainsi activées. Ceci induit leur migration dans le tissu lym-
phoïde local et leur maturation en cellules très efficaces dans la présentation d’an-
tigène aux cellules T naïves recirculantes. Dans la première partie de ce chapitre,
nous verrons comment les cellules T naïves et les cellules dendritiques se rencon-
trent dans les organes lymphoïdes périphériques, et comment les cellules dendri-
tiques sont activées et acquièrent le statut de cellule présentatrice d’antigène.

L’entrée des cellules T naïves et des cellules


présentatrices d’antigène dans les organes
lymphoïdes périphériques.
Les réponses immunitaires adaptatives sont déclenchées dans les organes lymphoï-
des périphériques, les ganglions lymphatiques, la rate et le tissu lymphoïde asso-
cié aux muqueuses comme les plaques de Peyer de l’intestin. Dès lors, pour qu’une
réponse immunitaire de cellule T soit induite en réponse à une infection, les rares
cellules T naïves spécifiques d’un antigène doivent rencontrer des cellules dendriti-
ques présentant ces antigènes dans un organe lymphoïde périphérique. Une infec-
tion pouvant survenir dans pratiquement n’importe quel site de l’organisme, les
antigènes du pathogène doivent donc être transportés dans les organes lymphoïdes
périphériques. Nous verrons dans cette partie du chapitre comment les cellules den-
dritiques captent l’antigène dans le foyer infectieux et migrent ensuite dans les orga-
nes lymphoïdes locaux où, devenues matures, elles peuvent présenter l’antigène aux
cellules T et les activer. Des antigènes libres, comme des bactéries et des particules
virales, migrent aussi par les lymphatiques et le sang dans les organes lymphoïdes,
où elles peuvent être captées et présentées par les cellules dendritiques. Comme
nous l’avons appris au Chapitre 1, les cellules T naïves recirculent continuellement
à travers les tissus lymphoïdes périphériques, inspectant les cellules présentatrices
d’antigène pour détecter d’éventuels antigènes étrangers. Nous examinerons d’abord
comment ce trafic cellulaire est organisé par des cytokines chimiotactiques (chimio-
kines) et des molécules d’adhérence, qui font sortir les cellules T naïves de la circula-
tion sanguine pour les transférer dans les organes lymphoïdes.

8-1 Les cellules T naïves migrent à travers les tissus lymphoïdes


périphériques afin de détecter des complexes peptide:CMH
à la surface des cellules dendritiques.
Des cellules T naïves passent du courant sanguin dans les ganglions lymphatiques,
la rate et le tissu lymphoïde associé aux muqueuses, puis reviennent dans le sang
(voir Fig. 1.17 pour la circulation générale dans un ganglion lymphatique). Cela per-
met aux cellules  T naïves d’entrer quotidiennement en contact avec des milliers
de cellules dendritiques dans les tissus lymphoïdes et de détecter les complexes
326 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Les cellules T entrent dans le cortex peptide:CMH à la surface des cellules dendritiques. Ainsi, chaque cellule T a une
du ganglion lymphatique à partir du sang grande probabilité de rencontrer un antigène dérivé d’un pathogène qui infecte
à hauteur des veinules à endothélium élevé (HEV) n’importe quel site de l’organisme (Fig.  8.2). Les cellules  T naïves qui ne rencon-
Lymphe
sinus cortical
trent pas leur antigène spécifique sortent du tissu lymphoïde par les lymphatiques
efférents, reviennent finalement dans le courant sanguin et continuent à recirculer.
Lorsqu’une cellule T naïve reconnaît son antigène spécifique à la surface d’une cel-
lule dendritique mature, elle cesse de migrer. Elle passe alors par une expansion
clonale, c’est-à-dire qu’elle prolifère pendant plusieurs jours et se différencie pour
donner un clone de cellules T effectrices de spécificité antigénique identique. À la
follicule
HEV fin de cette période, les cellules T effectrices peuvent sortir par les lymphatiques effé-
rents et rejoindre the courant sanguin, par lequel elles migrent dans le foyer infec-
cellule
dendritique tieux. La rate, qui n’a pas connexion avec le système lymphatique, n’a pas ce type de
recirculation ; toutes les cellules entrent dans la rate, et en sortent, par le sang.
L’efficacité avec laquelle les cellules T passent au crible chaque cellule présenta-
paracortex
trice d’antigène dans les ganglions lymphatiques est très élevée, comme le mon-
tre la capture rapide des cellules T spécifiques d’un antigène dans un seul ganglion
sinus lymphatique contenant l’antigène : toutes les cellules T spécifiques d’un antigène,
médullaire
chez un mouton, furent piégés dans un ganglion lymphatique dans les 48 heures
du dépôt de l’antigène (Fig. 8.3). Une telle efficacité est cruciale pour le déclenche-
ment d’une réponse immunitaire adaptative, puisqu’une seule cellule T naïve sur
cellule T
lymphatique artère veine 104–106 est probablement spécifique d’un antigène particulier, et l’immunité adap-
efférent tative dépend de l’activation et de l’expansion de ces rares cellules.

Les cellules T non activées par l’antigène présenté


par des cellules dendritiques sortent du ganglion 8-2 L’entrée des lymphocytes dans un tissu lymphoïde dépend
lymphatique par les sinus corticaux de chimiokines et de molécules d’adhérence.
follicule
HEV
La migration des cellules  T naïves dans les tissus lymphoïdes périphériques
dépend de leur liaison aux veinules à endothélium élevé (HEV, High Endothelial
Venules) par des interactions non spécifiques d’antigène. Ces interactions intercel-
lulaires dépendent de molécules d’adhérence cellulaire ; nous en avons rencontré
certaines au Chapitre 2, lorsque nous avons décrit le recrutement des neutrophiles
et des monocytes dans les foyers infectieux en cas de réponse immunitaire innée
sinus cortical (voir Fig. 2.12). Dans ce chapitre, nous prendrons surtout les ganglions lympha-
tiques et la rate comme exemples. La circulation et l’activation des lymphocytes
Les cellules T activées par l’antigène présenté dans les muqueuses obéissent à des principes similaires, mais diffèrent par cer-
par des cellules dendritiques se mettent tains détails ; il en sera question dans la Section 11-6.
à proliférer et ne sont plus capables de sortir
du ganglion lymphatique Les principales classes de molécules d’adhérence impliquées dans les interactions
lymphocytaires sont les sélectines, les intégrines, les membres de la superfamille
des immunoglobulines et certaines molécules de type mucine. L’entrée des lym-
phocytes dans les ganglions lymphatiques comprend les phases suivantes : roule-
ment initial des lymphocytes sur la surface endothéliale, activation des intégrines,

Fig. 8.2 Les cellules T naïves rencontrent par leur interaction avec des complexes
leur antigène au cours de leur recirculation peptide du soi:CMH du soi et avec l’IL-7 ; elles
à travers les organes lymphoïdes quittent alors le ganglion lymphatique par les
périphériques. Les cellules T naïves lymphatiques afin de rejoindre la circulation
recirculent à travers les organes lymphoïdes (deuxième panneau). Les cellules T colorées
Les cellules T activées se différencient
en cellules effectrices et sortent périphériques, comme les ganglions en bleu rencontrent leur antigène spécifique
du ganglion lymphatique lymphatiques montrés ici. Venant du sang à la surface de cellules dendritiques matures,
artériel, elles traversent l’endothélium deviennent incapables de sortir du ganglion
vasculaire spécialisé des veinules dites à et sont activées, ce qui les fait proliférer et se
endothélium élevé (HEV, High Endothelial différencier en cellules T effectrices (troisième
Venules). L’entrée dans le ganglion lymphatique panneau). Après plusieurs jours, ces cellules T
est régulée par des chimiokines qui dirigent effectrices spécifiques de l’antigène expriment
la migration des cellules T à travers la paroi à nouveau les récepteurs nécessaires à
des HEV et dans les zones paracorticales, leur sortie du ganglion, le quittent par les
où elles rencontrent des cellules dendritiques lymphatiques efférents et regagnent la
matures (panneau supérieur). Ces cellules T circulation en un nombre fortement accru
(en vert) ne rencontrent pas leur antigène (panneau inférieur).
spécifique ; elles reçoivent un signal de survie
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 327

adhérence ferme et traversée, ou diapédèse, à travers l’endothélium dans les zones Les cellules T spécifiques d’un antigène sont
paracorticales, dites zones des cellules  T ou zones T (Fig.  8.4). Ces phases sont retenues de manière transitoire dans
régulées par l’activité coordonnée des molécules d’adhérence et des chimiokines. le ganglion lymphatique où elles sont activées
La plupart des molécules d’adhérence exercent des fonctions très diverses dans les
réponses immunitaires, étant impliquées non seulement dans la migration lym- Nombre
de cellules Émigration
phocytaire mais aussi dans diverses interactions cellulaires : entre cellules T naïves spécifiques Rétention Activation des cellules T
et cellules présentatrices d’antigène, entre cellules T effectrices et leur cibles, entre d’antigène effectrices
dans la
cellules T et B, ainsi qu’entre divers types de leucocytes et les cellules endothéliales, lymphe
efférente
par ex. l’entrée des monocytes et neutrophiles dans des tissus infectés.
Les sélectines (Fig. 8.5) sont importantes pour guider des leucocytes dans des tis-
sus particuliers de manière spécifique, un processus appelé écotaxie leucocytaire.
La sélectine  L (CD62L) est exprimée sur les leucocytes, tandis que les sélecti-
nes P (CD62P) et E (CD62E) sont exprimées sur l’endothélium vasculaire (voir
Section 2-25). La sélectine L des cellules T naïves guide leur entrée, à partir du sang,
0 2 4 6 8
dans le tissu lymphoïde périphérique en induisant une faible adhérence à la paroi Temps après l’infection virale (jours)
des HEV ce qui entraîne le roulement des cellules T sur la surface endothéliale (voir
Fig. 8.4). Les sélectines P et E sont exprimées sur l’endothélium vasculaire dans les
foyers infectieux et servent à recruter des cellules effectrices dans le tissu infecté. Fig. 8.3 Rétention et activation de cellules T
Les sélectines sont des molécules de surface cellulaire avec une structure générale naïves spécifiques de l’antigène dans
un tissu lymphoïde. Les cellules T naïves
commune, se distinguant l’une de l’autre par la présence de différents domaines de qui entrent dans le ganglion lymphatique
type lectine dans leur portion extracellulaire (voir Fig. 2. 48). Les domaines lectine à partir du sang rencontrent des cellules
se lient à des groupes glucidiques particuliers, et chaque sélectine se lie à un glu- dendritiques présentatrices d’antigène dans
cide de surface cellulaire. La sélectine L se lie au motif glucidique, sialyl-Lewisx, de le cortex du ganglion lymphatique. Les
cellules T qui reconnaissent leur antigène
molécules de type mucine, appelées adressines vasculaires, exprimées à la surface spécifique se lient de manière stable aux
des cellules endothéliales vasculaires. Deux de ces adressines, CD34 et GlyCAM-1 cellules dendritiques et sont activées par
(voir Fig. 8.5), sont exprimées sur les veinules à endothélium élevé dans les gan- leurs récepteurs de cellule T, aboutissant
à la production de cellules T effectrices.
glions lymphatiques. Une troisième, MAdCAM-1 (voir Fig. 8.5), est exprimée sur les
Cinq jours après l’arrivée de l’antigène, les
endothéliums dans les muqueuses, et guide l’entrée des lymphocytes dans le tissu cellules T effectrices activées quittent le
lymphoïde des muqueuses comme les plaques de Peyer de l’intestin. ganglion lymphatique en grand nombre par
les lymphatiques efférents. La recirculation
L’interaction entre la sélectine L et les adressines vasculaires est responsable de la lymphocytaire et la reconnaissance sont si
localisation spécifique des cellules T naïves dans les organes lymphoïdes. À elle efficaces que toutes les cellules T naïves dans
seule, cependant, elle ne permet pas à la cellule de traverser la barrière endothé- la circulation périphérique spécifiques d’un
antigène particulier peuvent être retenues par
liale dans le tissu lymphoïde. Ceci requiert une interaction concertée entre inté- cet antigène dans un ganglion pendant 2 jours.
grines et chimiokines.

8-3 L’activation des intégrines par des chimiokines est responsable


de l’entrée des cellules T naïves dans les ganglions lymphatiques.

L’entrée des cellules  T naïves dans les ganglions lymphatiques et d’autres orga-
nes lymphoïdes périphériques requiert l’intervention de deux autres familles

Roulement Activation Adhérence Diapédèse Fig. 8.4 L’entrée des lymphocytes dans
un ganglion lymphatique à partir du
sang se déroule en plusieurs phases
impliquant l’intervention de molécules
d’adhérence, de chimiokines et de leurs
récepteurs. Les cellules T naïves sont
amenées à rouler sur la surface d’une veinule
à endothélium élevé (HEV) par les interactions
des sélectines exprimées par les cellules T
avec les adressines vasculaires des cellules
endothéliales. Les chimiokines présentes à la
surface des HEV activent des récepteurs sur
la cellule T, et le signal venant des chimiokines
augmente l’affinité des intégrines des cellules T
pour les molécules d’adhérence sur les HEV,
Sélectines Chimiokines Intégrines Chimiokines ce qui renforce l’adhérence. Ensuite, les
cellules T suivent les gradients de chimiokines
Sélectine L CCL21 LFA-1 CCL21, CXL12 et traversent la paroi des HEV pour gagner la
région paracorticale du ganglion lymphatique.
328 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.5 La sélectine L et les adressines


vasculaires de type mucine. La sélectine L Liaison des sélectines aux adressines vasculaires
est exprimée sur les cellules T naïves
et reconnaît des motifs glucidiques. Son
cellule T naïve cellule T naïve
interaction avec des groupes sialyl-Lewisx
sulfatés des adressines vasculaires CD34 et
GlyCAM-1 sur les HEV fait adhérer faiblement
le lymphocyte à l’endothélium. L’importance
relative de CD34 et de GlyCAM-1 dans sélectine L sulfated sialyl-Lewisx
l’interaction n’est pas connue. GlyCAM-1
est exprimée exclusivement sur les HEV,
mais n’a pas de région transmembranaire et
MAdCAM-1
l’on ignore comment elle est attachée à la
membrane ; CD34 est ancrée par un segment CD34 GlyCAM-1
transmembranaire et n’est exprimée sous
forme glycosylée adéquate que par les cellules
des HEV ; on la trouve toutefois sous d’autres ?
formes sur d’autres cellules endothéliales.
MAdCAM-1 est exprimée sur les endothéliums veinule à endothélium élevé endothélium des muqueuses
des muqueuses et guide les lymphocytes vers
le tissu lymphoïde associé aux muqueuses. Le
schéma représente une MAdCAM-1 de souris ;
la molécule contient un domaine de type IgA protéiques, les intégrines et la superfamille des immunoglobulines. Ces protéi-
proche de la membrane cellulaire ; l’adressine nes jouent aussi un rôle crucial dans les interactions subséquentes des lymphocy-
humaine MAdCAM-1 est dépourvue de ce tes avec les cellules présentatrices d’antigène et plus tard avec leurs cellules cibles.
domaine de type IgA ; elle contient un domaine
Les intégrines forment une grande famille de protéines de surface cellulaire impli-
allongé de type mucine.
quées dans l’adhérence entre cellules et entre des cellules et la matrice extracellu-
laire. Les intégrines se lient fermement à leur ligand après avoir reçu des signaux
qui induisent un changement de conformation. Par exemple, comme nous l’avons
vu au Chapitre 2, la signalisation par des chimiokines active des intégrines sur les
leucocytes afin qu’ils s’attachent fermement à la surface vasculaire en préparation à
leur migration dans les foyers inflammatoires. De même, des chimiokines qui sont
présentées à la surface luminale des HEV activent des intégrines exprimées sur les
cellules T naïves durant leur migration dans les organes lymphoïdes (voir Fig. 8.4).
Les intégrines ont été introduites au Chapitre 2 ; aussi, nous limiterons cette revue
à un rappel de leurs caractéristiques les plus importantes. Une molécule d’inté-
grine consiste en une grande chaîne α qui s’apparie de manière non covalente à
une chaîne β plus petite. Les intégrines se repartissent en sous-familles définies
largement sur base de leur chaîne  β commune. Nous nous intéresserons sur-
tout aux intégrines leucocytaires, qui ont une chaîne β2 commune associée à des
chaînes α distinctes (Fig. 8.6). Toutes les cellules T expriment l’intégrine β2, αL :β2
(CD11a:CD18), mieux connue sous le sigle LFA-1 (Leukocyte Functional Antigen-1).
Cette intégrine leucocytaire est aussi présente sur les macrophages et les neutro-
philes ; elle est impliquée dans leur recrutement dans les foyers infectieux (voir la
Section 2-25). LFA-1 joue un rôle semblable dans les cellules T naïves et effectrices
en permettant leur sortie du courant sanguin.
LFA-1 est aussi importante pour l’adhérence des cellules  T naïves et effectrices
à leur cellule cible. Néanmoins, les réponses des cellules T peuvent être norma-
les chez les individus déficients génétiquement en la chaîne β2 des intégrines, et
donc en toutes les intégrines β2, y compris LFA-1. L’explication se trouve proba-
blement dans le fait que les cellules T expriment aussi d’autres molécules d’adhé-
rence, entre autres CD2 un membre de la superfamille des immunoglobulines et
les intégrines β1, qui sont capables de compenser l’absence de LFA-1. L’expression
des intégrines β1 augmente significativement à un stade tardif de l’activation des
cellules T, d’où leur dénomination VLA (Very Late Activation antigens ou antigè-
nes très tardifs après activation) ; elles ont la mission importante de diriger les cel-
lules T effectrices dans les tissus enflammés.
De nombreuses molécules d’adhérence cellulaire sont membres de la superfamille
des immunoglobulines, qui comprend aussi les récepteurs d’antigène des cellules T
et B, les corécepteurs de cellule T, CD4 et CD8, le composant CD19 du corécepteur
de cellule B, et les domaines invariants des molécules du CMH. Au moins cinq molé-
cules d’adhérence de la superfamille des immunoglobulines sont particulièrement
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 329

Fig. 8.6 Les intégrines jouent un


Liaison des intégrines aux molécules d’adhérence rôle important dans l’adhérence des
lymphocytes T. Les intégrines sont des
sous-population protéines hétérodimériques contenant une
toutes les cellules T de cellules T naïves
cellules T effectrices activées chaîne β, qui définit la classe à laquelle
appartient l’intégrine, et une chaîne α, qui
définit les différentes intégrines au sein d’une
même classe. La chaîne α est plus grande
LFA-1 LPAM-1 VLA-4 que la chaîne β et contient des sites de
intégrine
β2 αL β7 α4 β1 α4 liaison pour des cations divalents qui peuvent
être importants pour la signalisation. LFA-1
(intégrine αL:β2) est exprimée sur tous les
leucocytes. Elle se lie aux ICAM et joue un
molécule ICAM-1 MAdCAM-1 VCAM-1 rôle important dans la migration cellulaire
d’adhérence et dans les interactions des cellules T avec
les cellules présentatrices d’antigène (APC,
Antigen-Presenting Cells) ou avec les cellules
cibles ; elle est exprimée en quantité plus
HEV ou APC endothélium des muqueuses endothélium activé élevée sur les cellules T effectrices que sur les
cellules T naïves. La molécule d’adhérence
lymphocytaire des plaques de Peyer
(LPAM-1, Lymphocyte Peyer’s patch Adhesion
importantes pour l’activation des cellules T (Fig. 8.7). Trois molécules d’adhérence Molecule-1 ou intégrine α4:β7) est exprimée
intercellulaire très semblables (ICAM, Intercellular Adhesion Molecule) : ICAM- par une sous-population de cellules T naïves
1, ICAM-2 et ICAM-3, toutes se lient à l’intégrine LFA-1 des cellules  T. ICAM-1 et et contribue à l’entrée des lymphocytes dans
les tissus lymphoïdes des muqueuses en
ICAM-2 sont exprimées sur les endothéliums ainsi que sur les cellules présentatrices
intervenant dans les interactions d’adhérence
d’antigène ; la liaison à ces molécules permet aux lymphocytes de migrer à travers avec l’adressine vasculaire MAdCAM-1. VLA-4
la paroi des vaisseaux sanguins. ICAM-3 n’est exprimée que sur les cellules T naï- (intégrine α4:β1) est exprimée fortement après
ves et l’on pense qu’elle joue aussi un rôle important dans l’adhérence des cellules T activation des cellules T. Elle se lie à VCAM-1
sur un endothélium activé et est importante pour
aux cellules présentatrices d’antigène, particulièrement les cellules dendritiques. En le recrutement des cellules T effectrices dans
plus de lier à LFA-1, ICAM-3 interagit avec une forte affinité avec une lectine appe- les foyers infectieux.
lée DC-SIGN que l’on trouve sur les cellules dendritiques. Les deux autres molécules
d’adhérence de la superfamille des immunoglobulines CD58 (appelé jadis LFA-3)
sur la cellule présentatrice d’antigène et CD2 sur la cellule T se lient l’une à l’autre et
cette interaction renforce celle d’ICAM-1 ou d’ICAM-2 avec LFA-1.
Comme dans la migration des phagocytes, les cellules T naïves sont attirées spécifi-
quement dans les ganglions lymphatiques par des chimiokines sécrétées par des
cellules dans le ganglion lymphatique. Les chimiokines se lient aux protéoglycans de
la matrice extracellulaire et à la paroi des veinules à endothélium élevé, formant un
gradient chimique, et sont reconnues par des récepteurs sur les cellules T naïves. Déficience d’adhérence leucocytaire
L’extravasation des cellules T naïves est déclenchée par la chimiokine CCL21 (SLC,
Secondary Lymphoid tissue Chemokine). Celle-ci est exprimée par les cellules de
l’endothélium élevé et les cellules stromales des tissus lymphoïdes, et se lie au récep-
teur de chimiokine CCR7 sur les cellules T naïves, stimulant l’activation de la sous-
unité Gαi de la protéine G intracellulaire associée au récepteur (voir la Section 6-28).
La signalisation intracellulaire résultante augmente rapidement l’affinité de la liaison
des intégrines par un mécanisme qui n’est pas encore bien compris.
L’entrée d’une cellule T naïve dans un ganglion lymphatique est décrit en détail
dans la Fig. 8.8. Le roulement initial à la surface de la veinule à endothélium élevé
dépend de la sélectine L. Le contact des cellules T naïves avec CCL21 dans la veinule
Fig. 8.7 Les molécules d’adhérence de
Nom Distribution tissulaire Ligand la superfamille des immunoglobulines
impliquées dans les interactions
Superfamille des CD2 (LFA-2) Cellules T CD58 (LFA-3) leucocytaires. Les molécules d’adhérence de
immunoglobulines Vaisseaux activés, la superfamille des immunoglobulines se lient
CD2 ICAM-1 (CD54) LFA-1, Mac-1 à des molécules d’adhérence de divers types,
lymphocytes, cellules
dendritiques entre autres à des intégrines (LFA-1 et VLA-4),
à d’autres membres de la superfamille des
Rôles divers ICAM-2 (CD102) Vaisseaux au repos LFA-1 immunoglobulines, comme CD2 et CD58
dans l’adhérence (LFA-3) qui se lient l’une à l’autre, et à des
cellulaire. ICAM-3 (CD50) Cellules T naïves DC-SIGN, LFA-1
lectines (DC-SIGN). Ces interactions jouent un
Ligands pour
Lymphocytes, cellules rôle dans la migration lymphocytaire, l’écotaxie
les intégrines LFA-3 (CD58) CD2
présentatrices d’antigène et les interactions entre cellules ; la plupart des
molécules reprises ici ont été introduites à la
VCAM-1 (CD106) Endothélium activé VLA-4
Fig. 2.47.
330 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Un lymphocyte circulant entre La liaison de la sélectine L LFA-1 est activée par des Le lymphocyte migre
LFA-1 activée se lie
dans une veinule à endothélium à GlyCAM-1 et CD34 chimiokines liées à la matrice dans le ganglion lymphatique
fermement à ICAM-1
élevé dans le ganglion lymphatique permet le roulement extracellulaire par diapédèse

LFA-1

sélectine L

GlyCAM-1 ICAM-1 CD34

CCL21

membrane basale
Ganglion lymphatique

Fig. 8.8 Les lymphocytes du sang entrent à endothélium élevé a pour conséquence l’activation de l’intégrine LFA-1 sur la
dans le tissu lymphoïde en traversant la
cellule T naïve, ce qui augmente son affinité pour ICAM-2 et ICAM-1. ICAM-2 est
paroi des veinules à endothélium élevé. La
première étape est la liaison de la sélectine L exprimé de manière constitutive sur toutes les cellules endothéliales, tandis qu’en
lymphocytaire aux glucides sulfatés absence d’inflammation, ICAM-1 n’est exprimée que sur les cellules de l’endothé-
(sialyl-Lewisx sulfaté) de GlyCAM-1 et de CD34 lium élevé des tissus lymphoïdes périphériques. La mobilité des intégrines dans
de l’HEV. Des chimiokines locales comme
CCL21 liées à la matrice de protéoglycan à
la membrane des cellules  T est aussi augmentée sous l’effet des chimiokines, la
la surface de l’HEV stimulent les récepteurs conséquence étant que les molécules d’intégrine migrent dans la zone de contact
des chimiokines sur la cellule T, ce qui intercellulaire. Ce qui renforce la liaison et arrête la cellule T sur la surface endo-
active LFA-1. Il en résulte une liaison plus théliale et lui permet ainsi d’entrer dans le tissu lymphoïde.
stable de la cellule T à ICAM-1 de la cellule
endothéliale, permettant la migration à travers La coopération entre les chimiokines et les molécules d’adhérence cellulaire ainsi que
l’endothélium. Comme dans le cas de la
l’architecture des organes lymphoïdes périphériques (voir Fig.  1.18–1.20) assure le
migration des neutrophiles (voir Fig. 2.49), des
métalloprotéases matricielles sur la surface contact de l’antigène étranger avec les récepteurs spécifiques de cellule T. Une fois que
du lymphocyte (non montré) lui permet de les cellules T naïves sont arrivées dans la zone des cellules T par les veinules à endo-
traverser la membrane basale. thélium élevé, CCR7 dirige leur migration vers la source de CCL21, c’est-à-dire les cel-
lules stromales des zones de cellules T. CCL19, une seconde chimiokine pour CCR7,
est produite également par les cellules stromales de la zone de cellules T et à un moin-
dre degré par les cellules dendritiques, concentrées dans les zones traversées par les
cellules T. Les cellules dendritiques matures produisent aussi la chimiokine CCL18
(DC-CK) qui attire les cellules T naïves. Une fois dans la zone des cellules T, les cellu-
les T naïves parcourent les surfaces des cellules dendritiques à la recherche de com-
plexes spécifiques peptide:CMH. Si elles trouvent leur antigène et s’y attachent, elles
restent piégées dans le ganglion lymphatique. Si elles ne sont pas activées par l’anti-
gène, les cellules T naïves quittent sans tarder le ganglion lymphatique (voir Fig. 8.2).
Les cellules  T sortent du ganglion lymphatique par les sinus corticaux, qui les
conduisent dans le sinus médullaire et de là dans le vaisseau lymphatique efférent.
La sortie des cellules T des organes lymphoïdes périphériques implique la molé-
cule lipidique, la sphingosine 1-phosphate (S1P). Celle-ci exerce des activités de
chimiotactisme et de signalisation similaires à celles des chimiokines, les récep-
teurs de S1P étant couplés aux protéines G ; la signalisation par S1P active Gα1. S1P
est produit par phosphorylation du lipide cellulaire, la sphingosine, et peut être
dégradée par des S1P lyases ou par des S1P phosphatases. Il semble exister un gra-
dient de concentration de S1P entre le tissu lymphoïde et la lymphe ou le sang, de
telle manière que les cellules T naïves exprimant un récepteur de S1P sont attirées
hors du tissu lymphoïde et ramenées dans la circulation.
Les cellules T activées par un antigène dans les organes lymphoïdes régulent à la baisse
l’expression des récepteurs de S1P pour plusieurs jours, et ainsi ne peuvent répondre au
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 331

gradient de S1P ; elles ne sortent donc pas durant cette période. Après plusieurs jours de
prolifération, les cellules T effectrices réexpriment les récepteurs de S1P et sont à nou-
veau à nouveau capables de migrer en réponse au gradient de S1P. La régulation de la
sortie des lymphocytes naïfs et effecteurs des organes lymphoïdes périphériques par
S1P est la base d’un nouvel agent immunosuppresseur, le FTY720, qui inhibe les répon-
ses immunitaires dans des modèles animaux de transplantation et d’auto-immunité en
empêchant les lymphocytes de retourner dans la circulation, ce qui entraîne rapide-
ment une lymphopénie. In vivo, FTY720 est phosphorylé et, en imitant S1P, agit comme
agoniste des récepteurs de S1P. FTY720 phosphorylé peut inhiber la sortie des lympho-
cytes en augmentant la formation de jonctions serrées sur les cellules endothéliales et
en fermant ainsi les points de sortie ou par activation chronique des récepteurs de S1P,
menant à l’inactivation et à la régulation à la baisse du récepteur.

8-4 Les réponses des cellules T sont induites dans les organes
lymphoïdes périphériques par des cellules dendritiques activées.
On a montré l’importance des organes lymphoïdes périphériques dans le lance-
ment des réponses immunitaires adaptatives par des expériences ingénieuses dans
lesquelles un lambeau cutané a été isolé de la paroi corporelle de manière telle qu’il
garde sa circulation sanguine mais pas de drainage lymphatique. Un antigène intro-
duit dans le lambeau n’a pas suscité de réponse de cellules T, ce qui indiquait que
les cellules T ne sont pas sensibilisées dans le tissu infecté lui-même. Les pathogè-
nes et leurs produits doivent dès lors être transportés dans les tissus lymphoïdes. Les
antigènes introduits directement dans le courant sanguin sont captés par les cellu-
les présentatrices d’antigène de la rate. Les pathogènes qui infectent d’autres sites,
par exemple une blessure cutanée, sont transportés dans la lymphe et piégés dans
les ganglions lymphatiques les plus proches du site d’infection (voir la Section 1-15).
Les pathogènes qui infectent les muqueuses sont transportés directement dans des
tissus lymphoïdes comme les amygdales ou les plaques de Peyer de l’intestin.
La réponse immunitaire innée contribue activement au transfert de l’antigène
d’un foyer infectieux dans le tissu lymphoïde le plus proche. L’immunité innée, en
déclenchant une réaction inflammatoire dans le foyer infectieux, augmente l’apport
de plasma sanguin dans les tissus infectés et amplifie ainsi le drainage du liquide
extracellulaire par la lymphe, qui emporte l’antigène libre et le transporte dans les
tissus lymphoïdes. Plus importante encore pour le lancement de la réponse adapta-
tive est l’induction de la maturation des cellules dendritiques tissulaires qui captent
les antigènes particulaires et solubles dans le foyer infectieux (Fig. 8.9). Les cellules
dendritiques immatures qui résident dans les tissus peuvent être activées par leurs
TLR, qui signalent la présence des pathogènes (voir Fig. 2.16), ou par des domma-
ges tissulaires ou encore par des cytokines produites durant la réaction inflamma-
toire. Les cellules dendritiques répondent à ces signaux en migrant dans le ganglion
lymphatique et en exprimant les molécules costimulatrices requises, en plus de
l’antigène, pour l’activation des cellules T naïves. Dans les tissus lymphoïdes, ces
cellules dendritiques matures présentent l’antigène aux lymphocytes T naïfs et acti-
vent toutes les cellule T spécifiques de l’antigène, qui se divisent alors et se transfor-
ment en cellules effectrices qui regagnent la circulation.
Les macrophages, que l’on trouve dans la plupart des tissus y compris les tissus
lymphoïdes, et les cellules B, concentrées surtout dans les tissus lymphoïdes, peu-
vent aussi être stimulés de manière similaire par les mêmes récepteurs non spécifi-
ques d’antigène et agir comme cellules présentatrices d’antigène en exprimant des
molécules costimulatrices. La Fig. 8.10 montre la distribution des cellules dendri-
tiques, des macrophages et des cellules B dans un ganglion lymphatique. Seuls ces
trois types cellulaires expriment les molécules costimulatrices spécialisées requi-
ses pour activer les cellules T naïves ; de plus, toutes n’expriment ces molécules que
lorsqu’elles sont activées dans le contexte d’une infection. Les cellules dendritiques,
qui peuvent capter, apprêter et présenter des antigènes de toute origine, sont pré-
sentes surtout dans les zones de cellules T, et entraînent l’expansion clonale initiale
332 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.9 Les cellules dendritiques


aux différents stades de maturation. Cellules dendritiques dans les tissus périphériques
Les panneaux de gauche montrent des
micrographies en fluorescence de cellules
dendritiques colorées en vert pour les
molécules du CMH de classe II et en
rouge pour une protéine lysosomiale.
Les panneaux de droite montrent des
clichés de microscopie électronique à
balayage d’une cellule dendritique. Les
cellules dendritiques immatures (panneaux
supérieurs) sont pourvues de prolongements
longs et nombreux, ou dendrites, d’où ces
cellules tirent leur nom. On distingue mal les
corps cellulaires dans le panneau de gauche,
mais les cellules contiennent de nombreuses
vésicules endocytaires dont la coloration
révèle la présence des molécules du CMH
de classe II et de la protéine lysosomiale
; lorsque les deux se superposent, la Cellules dendritiques dans la circulation lymphatique
fluorescence qui en résulte est jaune. Les
cellules immatures sont activées et quittent
les tissus pour migrer par les lymphatiques
dans les tissus lymphoïdes secondaires.
Durant cette migration, leur morphologie
change. Les cellules dendritiques arrêtent de
phagocyter des antigènes, et la coloration
de la protéine lysosomiale devient distincte
de celle des molécules du CMH de classe II
(panneau gauche au milieu). Maintenant, la
membrane de la cellule dendritique comporte
de nombreux replis (panneau de droite), ce
qui a donné à ces cellules le nom de cellules
« voilées ». Finalement, dans les ganglions
lymphatiques, elles atteignent leur maturité
et expriment en quantité abondante des
complexes peptide:CMH et des molécules Cellules dendritiques dans les tissus lymphoïdes
costimulatrices, ce qui leur permet de stimuler
efficacement des cellules T CD4 et CD8
naïves. Ces cellules ne phagocytent plus et la
coloration rouge des protéines lysosomiales
se distingue nettement de la coloration verte Cellule T
des molécules du CMH de classe II présentes
en forte densité sur les nombreux dendrites
(panneau inférieur à gauche). La morphologie
typique d’une cellule dendritique mature
est montrée à droite ; elle interagit avec des Cellule
cellules T. Micrographies en fluorescence de dendritique
I. Mellman, P. Pierre et S. Turley. Micrographies
électroniques à balayage de K. Dittmar.

et la différenciation des cellules T naïves en cellules effectrices. Les macrophages et


les cellules B se spécialisent dans l’apprêtement et la présentation des antigènes à
partir, respectivement, des pathogènes ingérés et des antigènes solubles, et intera-
gissent surtout avec des cellules T CD4 effectrices déjà sensibilisées.

8-5 On distingue deux classes de cellules dendritique différentes


sur le plan fonctionnel.
Les cellules dendritiques proviennent de deux types de progéniteurs, les myéloïdes et
les lymphoïdes, dans la moelle osseuse, d’où elles sortent pour migrer par le sang dans
divers tissus, et aussi directement dans les organes lymphoïdes périphériques. On dis-
tingue au moins deux grandes classes de cellules dendritiques. Les cellules dendriti-
ques conventionnelles (cDC) sont qualifiées de la sorte car elles semblent participer
le plus directement dans la présentation des antigènes et l’activation des cellules T naï-
ves. Une lignée distincte, les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC), produit en
abondance les interférons, particulièrement en réponse aux infections virales, mais ne
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 333

Fig. 8.10 Les cellules présentatrices collectée avant de passer dans le sang par
d’antigène sont distribuées de manière les lymphatiques efférents. Les cellules B sont Cellules dendritiques
différente dans le ganglion lymphatique. présentes essentiellement dans les follicules. (cellules réticulaires interdigitées)
Les cellules dendritiques sont localisées On pense que les trois types de cellules
dans toute la zone des cellules T du cortex présentatrices d’antigène sont spécialisées
antigène
du ganglion lymphatique. Les macrophages dans la présentation de différents types de
viral
sont présents dans tout le ganglion, mais se pathogènes ou fragments de pathogènes, les
retrouvent surtout dans le sinus marginal, où cellules dendritiques matures étant de loin
la lymphe afférente aboutit avant de traverser les activateurs des cellules T naïves les plus
le tissu lymphoïde, ainsi que dans les cordons puissants. virus
médullaires, où la lymphe efférente est infectant la
cellule dendritique

semblent pas jouer un rôle important dans l’activation des cellules T naïves (Fig. 8.11).
Dans la suite de cet ouvrage, lorsqu’il sera question de cellules dendritiques, il s’agira Macrophages
de CD conventionnelles ; si ce n’était pas le cas, ce sera signalé.
bactérie
Les cellules dendritiques peuvent être identifiées par les molécules de surface qu’el-
les expriment de manière spécifique. Les cellules dendritiques, les macrophages et
les monocytes expriment différentes chaînes α d’intégrine et ainsi exposent des inté-
grines β2 distinctes à leur surface. L’intégrine leucocytaire prédominant sur les cellu-
les dendritiques conventionnelles est aX:β2, appelée aussi CD11c:CD18 ou récepteur
4 du complément (CR4). Cette intégrine est un récepteur du produit de clivage du
facteur du complément C3, iC3b, du fibrinogène et de ICAM-1. Chez la souris, les
cellules dendritiques porteuses de CD11c peuvent encore être subdivisées en trois Cellules B
sous-populations exprimant CD4, ou l’homodimère CD8α ou aucun des deux. On
toxine microbienne
ignore encore si les différences d’expression de ces marqueurs sont fonctionnelle-
ment significatives, mais ces sous-populations de cellules dendritiques riches en
CD11c peuvent différer dans la production de cytokines comme l’IL-12, ce qui pour-
rait avoir des effets sur la réponse immunitaire adaptative subséquente, comme
nous le verrons. Au contraire, les monocytes et les macrophages expriment des taux
bas de CD11c, et expriment surtout l’intégrine αM:β2, aussi appelées CD11b:CD18 ou
Mac-1. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes n’expriment pas non plus beau-
coup de CD11c, et ont été identifiées sur base de marqueurs spécifiques, comme
BDCA-2 (Blood Dendritic Cell Antigen 2, antigène 2 de cellules dendritiques du sang,
une lectine de type C) chez l’homme, ou Siglec-H (Sialic-acid binding immunoglo-
bulin-like lectin H, lectine H de type immunoglobuline liant l’acide sialique) chez la
souris, les deux pouvant intervenir dans la reconnaissance des pathogènes.
Fig. 8.11 Les cellules dendritiques
On trouve des cellules dendritiques sous la plupart des épithéliums de surface, et dans conventionnelles et plasmacytoïdes
jouent des rôles différents dans la réponse
la plupart des organes solides comme le cœur et les reins. Dans ces sites, elles ont un immunitaire. Les cellules dendritiques
phénotype immature associé à des taux bas de protéines du CMH et de molécules cos- conventionnelles matures (panneau de
timulatrices B7 (voir la Section 2-10) ; elles ne sont donc pas encore équipées pour sti- gauche) interviennent surtout dans l’activation
muler les cellules T naïves. Les cellules dendritiques immatures partagent aussi avec des cellules T naïves. Il existe plusieurs
sous-populations de cellules dendritiques
des cellules apparentées, les macrophages, la capacité de reconnaître et d’ingérer des conventionnelles ; toutes apprêtent les
pathogènes par des récepteurs qui reconnaissent les motifs moléculaires associés aux antigènes efficacement, et lorsqu’elles sont
pathogènes, et elles sont très actives dans la capture des antigènes par phagocytose matures, elles expriment des protéines
au moyen de récepteurs comme la lectine DEC 205. D’autres antigènes extracellulai- du CMH et des molécules costimulatrices
qui sensibilisent les cellules T naïves. Les
res sont prélevés de manière non spécifique par le processus de macropinocytose, au protéines de surface cellulaire exprimées par
cours duquel de grands volumes du liquide environnant sont ingérés. la cellule dendritique mature sont décrites
dans le texte. Les cellules dendritiques
immatures expriment relativement peu des
Cellule dendritique conventionnelle Cellule dendritique plasmacytoïde molécules de surface cellulaire montrées ici,
mais sont porteuses de nombreux récepteurs
CCR7 CMH de de surface qui reconnaissent des molécules
DC-SIGN classe II
CMH de BDCA-2
des pathogènes, entre autres la plupart des
classe II ICAM-2 CXCR3 récepteurs de type Toll (TLR). Les cellules
B7.1 dendritiques plasmacytoïdes (panneau de
CMH de
classe I TLR-7 droite) servent de sentinelles surtout pour
détecter les infections virales et sécrètent de
LFA-1 grandes quantités d’interférons de classe I.
Cette catégorie de cellules dendritiques est
CD58 IFN-β
moins efficace pour la sensibilisation des
CCL18 cellules T naïves, mais elles expriment les
ICAM-1 IFN-α
TLR-9 récepteurs intracellulaires TLR-7 et TLR-9, qui
B7.2
détectent les infections virales.
334 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Voies d’apprêtement et de présentation de l’antigène par les cellules dendritiques

Phagocytose Présentation croisée Transfert à partir d’une cellule


dépendant Macropinocytose Infection virale après ingestion par phagocytose dendritique entrante à une
de récepteur ou macropinocytose cellule dendritique résidente

Type de pathogène présenté Bactéries Bactéries extracellulaires, Virus Virus Virus


extracellulaires antigènes solubles,
particules virales

Molécules du CMH concernées CMH classe II CMH classe II CMH classe I CMH classe I CMH classe I

Type de cellule T naïve activée Cellules T CD4 Cellules T CD4 Cellules T CD8 Cellules T CD8 Cellules T CD8

Fig. 8.12 Les différentes voies par 8-6 Les cellules dendritiques apprêtent des antigènes provenant
lesquelles les cellules dendritiques
peuvent capter, apprêter et présenter d’une grande variété de pathogènes.
des antigènes protéiques. La capture des
antigènes par le système endocytaire, soit par Leurs divers mécanismes de prélèvement des substances extracellulaires rend les
phagocytose dépendant d’un récepteur ou par
macropinocytose, est considérée comme la cellules dendritiques aptes à présenter des antigènes provenant pratiquement de
voie principale pour le transfert des peptides tout type de pathogène (Fig. 8.12). La première voie d’ingestion passe par les récep-
aux molécules du CMH de classe II en vue teurs de phagocytose comme le récepteur de mannose et DEC 205. Ces récepteurs
de leur présentation aux cellules T CD4 (les reconnaissent une grande variété de bactéries et de virus. Les antigènes captés de
deux premiers panneaux). On pense que la
production des antigènes dans le cytosol, par cette façon empruntent la voie endocytaire où ils peuvent être apprêtés et présen-
exemple lors d’une infection virale, est la voie tés sur des molécules du CMH de classe II (voir Chapitre 5) pour être reconnus par
principale pour le transfert des peptides aux des cellules T CD4. Certains microbes ont acquis des moyens d’échapper à cette
molécules du CMH de classe I en vue de leur
reconnaissance par les récepteurs de phagocytose (voir Chapitre 2), mais les cellu-
présentation aux cellules T CD8 (troisième
panneau). Cependant, des antigènes les dendritiques tissulaires peuvent capter par macropinocytose ces pathogènes,
exogènes entrés par la voie endocytaire qui rejoignent de cette manière la voie endocytaire (voir Fig. 8.12).
peuvent être transférés dans le cytosol
pour être finalement pris en charge par les Une deuxième voie est l’entrée directe dans le cytosol, par exemple lors d’une infec-
molécules du CMH de classe I et présentés tion virale. Les cellules dendritiques sont particulièrement importantes pour la
aux cellules T CD8, un processus appelé
stimulation des réponses des cellules T aux virus, qui n’induisent pas d’activité cos-
présentation croisée (quatrième panneau).
Finalement, les antigènes semblent être timulatrice dans d’autres types de cellule présentatrice d’antigènes. Les cellules den-
transmis d’une cellule dendritique à une autre dritiques sont susceptibles d’être infectées par un très grand nombre de virus, qui
pour être présentés aux cellules T CD8, bien entrent dans la cellule par liaison à des protéines de la surface cellulaire qui servent
que les détails de cette voie soient encore mal
connus (cinquième panneau ).
récepteurs d’entrée pour le virus. De tels virus entrent dans le cytoplasme de la cellule
dendritique et synthétisent leurs protéines en recourant au système de synthèse pro-
téique de la cellule dendritique, aboutissant à l’apprêtement des protéines virales par
les protéasomes et à la présentation en surface de peptides viraux liés aux molécules
du CMH de classe I, comme dans tout autre type de cellule infectée par un virus (voir
Chapitre 5). Ceci rend les cellules dendritiques capables de présenter l’antigène et
d’activer des cellules T CD8 naïves, dont les récepteurs reconnaissent l’antigène pré-
senté sur les molécules du CMH de classe I. les cellules T CD8 effectrices sont cyto-
toxiques ; elles peuvent reconnaître et tuer les cellules infectées par un virus.
La capture de particules virales extracellulaires par phagocytose ou macropino-
cytose dans la voie endocytaire peut aussi aboutir à la présentation de peptides
viraux sur les molécules du CMH de classe  I, un processus appelé présentation
croisée. Ceci est dû à un apprêtement antigénique par une voie alternative à la
voie endocytaire habituelle, comme décrit dans la Section 5-4. Par cette voie, les
virus incapables d’infecter des cellules dendritiques peuvent encore stimuler des
réponses antivirales efficaces par des cellules T CD8. Ainsi, toute infection virale
peut conduire à la génération de cellules T CD8 effectrices cytotoxiques. De plus,
des peptides viraux présentés sur les molécules du CMH de classe II de la cellule
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 335

Les cellules de Langerhans quittent


Capture d’antigène par des cellules de la peau et entrent
Langerhans dans la peau dans le système lymphatique

Des cellules dendritiques matures


entrent dans le ganglion lymphatique Les cellules dendritiques
provenant d’un tissu infecté et peuvent porteuses de B7 stimulent
transférer certains antigènes des cellules T naïves
aux cellules dendritiques résidentes
cellule de Langerhans mature

transfert d’antigène

cellule dendritique résidente

dendritique activeront des cellules T CD4 naïves, qui conduiront à la production Fig. 8.13 Les cellules de Langerhans
captent les antigènes dans la peau,
de cellules T CD4 effectrices qui stimulent la production d’anticorps antiviraux par
migrent dans les organes lymphoïdes
les cellules B et de cytokines qui amplifient la réponse immunitaire. périphériques et présentent les antigènes
étrangers aux cellules T. Les cellules de
Dans certains cas, une telle infection par herpès simplex ou le virus influenza, les Langerhans (en jaune) sont des cellules
cellules dendritiques qui migrent dans les ganglions lymphatiques à partir des tis- dendritiques immatures. Elles ingèrent
sus périphériques peuvent ne pas être les mêmes cellules qui présentent finalement les antigènes de diverses manières, mais
l’antigène aux cellules T naïves. Dans l’infection par herpès simplex, par exemple, n’exercent pas d’activité costimulatrice
(premier panneau). Lors d’une infection, elles
les cellules dendritiques immatures qui résident dans la peau, appelées cellules de captent les antigènes localement et migrent
Langerhans, capturent l’antigène dans la peau et le transportent dans les ganglions ensuite dans les ganglions lymphatiques
lymphatiques de drainage (Fig. 8.13). Certains antigène sont transférés dans une (deuxième panneau). Là, elles se différencient
en cellules dendritiques qui ne peuvent plus
sous-population de cellules dendritiques porteuses de CD8 résidant dans le gan-
capter l’antigène, mais exercent une activité
glion lymphatique, qui semblent être les cellules dendritiques dominantes respon- de costimulation. Maintenant, elles peuvent
sables de la sensibilisation des cellules  T CD8 naïves pour le développement en sensibiliser les cellules T naïves CD8 ou
cellules T cytotoxiques antivirales dans cette maladie. Ceci signifie que les antigè- CD4. Lors de certaines infections virales, par
exemple par le virus herpès simplex, certaines
nes des virus qui infectent et tuent rapidement les cellules dendritiques peuvent cellules dendritiques provenant du foyer
encore être présentés par des cellules dendritiques infectées qui captent l’antigène infectieux semblent capables de transférer des
par présentation croisée et ont été activées par leurs TLR et par des chimiokines. antigènes aux cellules dendritiques résidentes
(en orange) dans les ganglions lymphatiques
Les cellules de Langerhans sont des cellules dendritiques typiques convention- (troisième panneau) en vue de la présentation
nelles immatures. Elles phagocytent activement et contiennent de grands granu- des antigènes par le CMH de classe I aux
cellules T CD8 naïves (quatrième panneau).
les appelés granules de Birbeck, qui constituent un compartiment endosomique de
recyclage qui est formé là où la langerine, une lectine transmembranaire spécifique
du mannose, s’accumule. Lors d’une infection cutanée, les cellules de Langerhans
capteront les antigènes des pathogène par l’une ou l’autre des voies mentionnées
plus haut. La rencontre avec des pathogènes déclenche aussi leur migration dans
les ganglions lymphatiques régionaux (voir Fig. 8.13). Là, elles perdent rapidement
la capacité de capter les antigènes, mais augmentent brièvement la synthèse des
molécules du CMH. En arrivant dans le ganglion lymphatique, elles expriment aussi
les molécules costimulatrices B7 et un grand nombre de molécules d’adhérence, qui
les rendent capables d’interagir avec des cellules T spécifiques d’antigène. De cette
manière, les cellules de Langerhans captent les antigènes des pathogènes envahis-
seurs et se différencient en cellules dendritiques matures qui sont particulièrement
aptes à la présentation de ces antigènes et l’activation des cellules T naïves.
336 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

On pense que les cellules dendritiques présentent des antigènes de champignons et de


parasites aussi bien que de virus et de bactéries. Par exemple, des cellules dendritiques
immatures qui résident dans la rate sont particulièrement aptes à détecter des antigè-
nes d’agents infectieux, comme les parasites du paludisme, qui sont présents dans le
sang, et induisent une forte immunité cellulaire T contre ces agents après avoir reçu
des stimulus du pathogène qui les ont fait atteindre leur maturité. Les cellules dendri-
tiques présentent aussi des alloantigènes dérivés d’organes transplantés, déclenchant
ainsi le rejet du greffon (voir Chapitre 14), et présentent des antigènes protéiques de
l’environnement en induisant ainsi la sensibilisation qui aboutit aux allergies (voir
Chapitre 13). En principe, tout antigène étranger est immunogène s’il est ingéré et pré-
senté par une cellule dendritique activée. La physiologie normale des cellules dendri-
tiques est de migrer, ce qui est amplifié par des stimulus, comme la transplantation,
qui activent les parois des lymphatiques ; c’est pourquoi les cellules dendritiques sont
si puissantes dans la stimulation des réactions contre les tissus transplantés.
Des cellules dendritiques immatures
dans les tissus périphériques rencontrent
des pathogènes et sont activés par les PAMP 8-7 En stimulant les TLR des cellules dendritiques immatures,
CCR1 les pathogènes déclenchent leur migration dans les organes
CCR6 lymphoïdes et amplifient l’apprêtement des antigènes.
CCR2
Nous allons maintenant examiner de manière plus détaillée les étapes de la matu-
TLR
ration de la cellule dendritique. En collaborant selon des mécanismes qui ne sont
CCR5 PAMP
pas encore parfaitement compris, la signalisation par les TLR et les signaux reçus des
DEC 205 chimiokines convertissent la cellule dendritique immature résidant dans les tissus
périphériques en cellules dendritiques matures migrant dans les tissus lymphoïdes.
Lorsqu’une infection survient, les cellules dendritiques reconnaissent des molécules
La signalisation par les TLR induit CCR7 et amplifie
l’apprêtement des antigènes dérivés du pathogène du pathogène comme le lipopolysaccharide (LPS) bactérien ou des résidus mannose
au moyen de récepteurs comme les TLR et DEC 205, ce qui déclenche leur activation
CCR7 (Fig. 8.14, panneau supérieur). Ces signaux jouent un rôle crucial en déclenchant la
réponse immunitaire adaptative. Les multiples membres de la famille des TLR sont
exprimés sur les cellules dendritiques tissulaires et l’on pense qu’ils sont impliqués
dans la détection et la signalisation de la présence de diverses classes de pathogènes
(voir Fig. 2.16). Chez l’homme, les cellules dendritiques conventionnelles expriment
tous les TLR connus sauf TLR-9, qui est, toutefois, exprimé par les cellules dendri-
Lymphatiques tiques plasmacytoïdes avec TLR-1 et TLR-7, et d’autres TLR à un moindre degré.
D’autres récepteurs qui peuvent lier des pathogènes, comme les récepteurs du com-
CCR7 dirige la migration dans les tissus plément ou des récepteurs de phagocytose comme le récepteur du mannose, peu-
lymphoïdes et augmente l’expression des molécules vent contribuer à l’activation des cellules dendritiques ainsi qu’à la phagocytose.
costimulatrices et des molécules du CMH

CCR7 peptide: Fig. 8.14 Les cellules dendritiques supérieur). La signalisation par les TLR permet
CMH conventionnelles arrivent à maturité en aux cellules dendritiques de commencer leur
passant par deux stades distincts pour maturation, qui implique l’induction du récepteur
devenir de puissantes cellules présentatrices de chimiokine CCR7. La signalisation par
d’antigène dans les tissus lymphoïdes les TLR augmente aussi l’apprêtement des
B7 périphériques. Les cellules dendritiques antigènes phagocytés (deuxième panneau).
immatures provenant de progéniteurs de la Les cellules dendritiques exprimant CCR7
DC-SIGN moelle osseuse empruntent la voie sanguine sont sensibles à CCL19 et CCL21, qui les
pour gagner et coloniser la plupart de tissus, dirigent dans les tissus lymphoïdes de drainage.
Ganglion lymphatique certaines entrant directement dans les tissus CCL19 et CCL21 fournissent des signaux de
lymphoïdes périphériques. L’entrée dans un maturation supplémentaires qui augmentent la
tissu particulier est basée sur les récepteurs densité des molécules costimulatrices B7 et des
Une cellule dendritique mature dans la zone
de chimiokine particuliers qu’elles expriment : molécules du CMH. Elles expriment aussi en
des cellules T sensibilise des cellules T naïves
CCR1, CCR2, CCR5, CCR6, CXCR1 et CXCR2 grande quantité la molécule d’adhérence propre
CCL18 (pour raison de simplicité, tous ne sont pas aux cellules dendritiques, DC-SIGN (troisième
ICAM-1 CD58 montrés). Les cellules dendritiques immatures panneau). Dans le ganglion lymphatique
tissulaires phagocytent activement par des de drainage, les cellules dendritiques
récepteurs comme DEC 205 et montrent une conventionnelles matures sont devenues des
activité macropinocytaire intense, mais elles activateurs puissants des cellules T naïves
ICAM-1
n’expriment pas de molécules costimulatrices. mais ne phagocytent plus. Elles expriment B7.1,
Elles sont porteuses de la plupart des B7.2 et d’abondantes molécules du CMH de
différent récepteurs de type Toll (TLR) (voir le classe I et de classe II, ainsi que des molécules
texte). Dans les foyers infectieux, les cellules d’adhérence en grande densité : ICAM-1,
CD28 B7 ICAM-2 dendritiques immatures sont exposées aux ICAM-2, LFA-1, DC-SIGN, et CD58 (panneau
pathogènes, qui activent les TLR (panneau inférieur).
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 337

La signalisation par les TLR aboutit à des modifications significatives dans les
récepteurs de chimiokines exprimés par les cellules dendritiques, ce qui facilite
leur entrée dans les tissus lymphoïdes périphériques (Fig 8.14, deuxième pan-
neau). Ce changement dans le comportement de la cellule dendritique est sou-
vent appelé « droit d’exercer » (licensing), puisque les cellules sont engagées dans
le programme de différenciation qui les rendra capables d’activer les cellules T. La
signalisation par les TLR induit l’expression du récepteur CCR7, qui rend les cel-
lules dendritiques activées sensibles à la chimiokine CCL21 produite par les tissus
lymphoïdes, et déclenche leur migration par les lymphatiques dans les tissus lym-
phoïdes locaux. Tandis que les cellules T doivent traverser la paroi des veinules à
endothélium élevé pour quitter la circulation sanguine et atteindre les zones de
cellules T, les cellules dendritiques, qui entrent par les lymphatiques afférents, peu-
vent migrer directement dans les zones de cellules T à partir du sinus marginal.
Des protéines dérivées de pathogènes phagocytés par une cellule dendritique
immature sont apprêtées dans le compartiment endocytaire en vue de la pré-
sentation de leurs peptides par des molécules du CMH de classe II (voir Fig 8.14,
deuxième panneau). On a constaté récemment que l’efficacité de l’apprêtement
antigénique dans ce compartiment endocytaire était fortement renforcée par des
signaux provenant des TLR. La démonstration est venue d’expériences dans les-
quelles on suivait la formation des complexes peptide:CMH au cours de la pha-
gocytose de particules contenant des antigènes protéiques spécifiques et / ou des
ligands de TLR. Les phagosomes dans lesquels les protéines antigéniques étaient
associées, sur les particules, à des ligands de TLR comme le LPS bactérien, for-
maient de nombreux complexes peptide:CMH spécifiques, tandis qu’en absence
de ligand de TLR ces complexes étaient rares ou absents. Ce mécanisme lie donc
la signalisation par les TLR dans un phagosome à l’apprêtement antigénique et au
chargement des peptides sur le CMH dans le même phagosome, ce qui permet-
trait aux cellules dendritiques de distinguer les diverses sources d’antigène, cel-
les qui représentent le soi et celles qui représentent le non soi. Ce mécanisme livre
de préférence des peptides dérivés de pathogènes dans les pools de complexes
peptide:CMH qui sont transportés à la surface de la cellule dendritique, où ils sont
présentés aux cellules T naïves qui subissent en même temps une costimulation.
En plus de l’induction de la migration dans les tissus lymphoïdes, on pense que la
signalisation déclenchée par CCL21 et CCR7 contribue aux changements liés à la
maturation des cellules dendritiques activées ; lorsqu’elles arrivent dans la zone
des cellules T des organes lymphoïdes, elles ont acquis un phénotype complète-
ment différent (Fig 8.14, troisième panneau). Au cours de leur maturation dans
les tissus lymphoïdes, les cellules dendritiques perdent leur capacité d’ingérer des
antigènes par phagocytose ou macropinocytose. Elles expriment alors des molécu-
les du CMH de classe I et de classe II en abondance et de manière prolongée ce qui
leur permet de présenter des peptides antigéniques apprêtés. Tout aussi impor-
tante est l’expression entre temps de nombreuses molécules B7 costimulatrices
à leur surface. Deux glycoprotéines transmembranaires de structure apparentée
et appelées B7.1 (CD80) et B7.2 (CD86) transmettent des signaux de costimula-
tion en interagissant avec des récepteurs des cellules T naïves. Les cellules dendri-
tiques matures expriment aussi des taux élevés de molécules d’adhérence, entre
autres DC-SIGN, et elles sécrètent la chimiokine CCL18, qui attire spécifiquement
les cellules T naïves. Ensemble, ces propriétés rendent la cellule dendritique capa-
ble de stimuler fortement les cellules T naïves (Fig 8.14, panneau inférieur).
Malgré la présentation amplifiée des antigènes dérivés de pathogène, les cellules
dendritiques matures présentent aussi certains peptides autologues, ce qui pourrait
rendre difficile le maintien de la tolérance envers le soi. Le répertoire des récepteurs
de cellule T a, cependant, été formé dans le thymus avec élimination des récepteurs
qui reconnaissent les peptides autologues présentés par des cellules dendritiques
(voir Chapitre 7) ; les réponses des cellules T contre des antigènes ubiquitaires du
soi sont donc évitées. De plus, les cellules dendritiques tissulaires atteignant la fin de
leur vie dans les tissus sans avoir été activées par une infection migrent aussi par les
338 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

lymphatiques jusqu’au tissu lymphoïde local. Elles transportent des complexes du soi
peptide:CMH à leur surface, dérivés de la dégradation de leurs propres protéines et
des protéines tissulaires présentes dans le liquide extracellulaire. Mais, puisque ces
cellules n’expriment pas les molécules costimulatrices appropriées, elles ne sont pas
à même d’activer les cellules T naïves comme le font les cellules dendritiques matu-
res. Bien qu’il reste des points à éclaircir, on pense que la présentation des peptides
du soi par de telles cellules dendritiques immatures, ou « sans droit d’exercer » (unli-
censed), rendent plutôt les cellules T naïves incapables de répondre à ces antigènes.
On pense que la dégradation intracellulaire des pathogènes fournit des composants
non peptidiques, capables d’activer des cellules dendritiques. Par exemple, l’ADN
bactérien ou viral contenant des motifs dinucléotidiques CpG non méthylés active
rapidement des cellules dendritiques plasmacytoïdes, probablement à la suite de la
reconnaissance de l’ADN par TLR-9, présent dans des vésicules intracellulaires (voir
Fig. 2.17). L’exposition à l’ADN bactérien active les voies de signalisation de NFκB
et de la MAP kinase (Mitogen-Activated Protein kinase, protéine kinase activée par
les mitogènes) (voir Fig. 6.35), entraînant la production de cytokines comme l’IL‑6,
l’IL-12, l’IL-18 et les interférons (IFN)-α et IFN-γ par la cellule dendritique. À leur
tour, ces cytokines agissent sur les cellules dendritiques elles-mêmes et amplifient
l’expression des molécules costimulatrices. Les protéines de choc thermique sont
d’autres constituants internes bactériens capables d’activer la fonction de présenta-
tion d’antigène des cellules dendritiques. On pense que certains virus sont reconnus
par des TLR à l’intérieur de la cellule dendritique comme conséquence de la pro-
duction d’ARN bicaténaire au cours de leur réplication. Comme nous l’avons vu à la
Section 2-29, une infection virale induit aussi la production d’IFN-α et d’IFN-β par
tous les types de cellules infectées ; ces deux interférons peuvent en plus activer les
cellules dendritiques pour augmenter l’expression des molécules costimulatrices.
On pense que l’induction d’une activité costimulatrice dans la cellule présentatrice
d’antigène par des constituants microbiens communs permet au système immunitaire
de distinguer les antigènes d’origine infectieuse des antigènes protéiques inoffensifs,
y compris les protéines du soi. De nombreuses protéines étrangères ne suscitent pas
de réponse immunitaire lorsqu’elles sont injectées seules, probablement parce qu’el-
les sont incapables d’induire une activité costimulatrice dans les cellules présentatri-
ces d’antigène. Cependant, lorsque de tels antigènes protéiques sont mélangés à des
bactéries, ils deviennent immunogènes, car les bactéries induisent l’activité costimu-
latrice indispensable dans les cellules qui ont ingéré la protéine. Les bactéries utilisées
de cette façon sont appelées adjuvants (voir Appendice I, Section A-4). Nous verrons
au Chapitre 14 comment des protéines du soi mélangées à des adjuvants bactériens
peuvent induire des maladies auto-immunes, ce qui illustre l’importance cruciale de
la régulation de l’activité costimulatrice dans la distinction du soi et du non soi.

8-8 Les cellules dendritiques plasmacytoïdes détectent des infections


virales et produisent en abondance des interférons de type I
et des cytokines pro-inflammatoires.
Les cellules dendritiques conventionnelles décrites dans les sections précéden-
tes interviennent avant tout pour activer les cellules T naïves. La lignée des cel-
lules dendritiques plasmacytoïdes jouent un rôle adjoint important en adaptant
la réponse immunitaire, particulièrement contre les virus. Ces cellules dendriti-
ques expriment CXCR3, un récepteur des chimiokines CXCL9, CXCL10 et CXCL11,
qui sont induites dans le tissu lymphoïde par la cytokine IFN-γ. Les cellules den-
dritiques plasmacytoïdes migrent du sang dans les ganglions lymphatiques dans
lesquels se déroule une réaction inflammatoire contre un pathogène. Les cellu-
les dendritiques plasmacytoïdes humaines furent identifiées comme une popula-
tion de cellules sanguines rares productrices en abondance d’interférons de type I
(IFN-α et IFN-β) en réponse à des virus. De telles cellules, aussi appelées cellules
productrices d’interféron (CPI), sont dépourvues de protéines pouvant servir de
marqueurs de surface qui auraient permis leur identification comme c’est le cas
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 339

pour les cellules T, les cellules B, les monocytes ou les cellules NK, mais elles expri-
ment les molécules du CMH de classe II, ce qui suggère une origine lymphoïde.
Finalement, des marqueurs spécifiques furent identifiés, comme BDCA-2 et
Siglec-H (voir la Section 8-5), qui distinguent respectivement les cellules dendriti-
ques plasmacytoïdes humaines et de souris des autres populations leucocytaires.
Les cellules dendritiques plasmacytoïdes expriment une sous-population de TLR,
particulièrement TLR-7 et TLR-9. Ces TLR sont localisés dans le compartiment
endosomique et sont sensibles à l’ARN monocaténaire viral et aux résidus CpG
non méthylés présents dans le génome de nombreux virus à ADN. La nécessité de
TLR-9 pour la détection des infections causées par des virus à ADN a été démon-
trée, par exemple, par l’incapacité des cellules dendritiques plasmacytoïdes défi-
cientes en TLR-9 de produire des interférons de type I en réponse au virus herpès
simplex. On pense que certains des marqueurs spécifiques de ces cellules, comme
Siglec-H, interviennent dans la capture et la livraison du virus ou d’autres patho-
gènes aux TLR intracellulaires. De plus, les cellules dendritiques plasmacytoïdes
humaines et de souris peuvent produire la cytokine pro-inflammatoire l’IL-12,
bien que la quantité soit moindre que celle qui est produite par les cellules dendri-
tiques conventionnelles. Comme nous l’avons vu à la Section 2-29, les interférons
de type I déclenchent une réponse antivirale rapide dans les cellules somatiques
non infectées ; ces interférons ont aussi comme effet de promouvoir le dévelop-
pement de la cellule dendritique et sa maturation à partir des monocytes du sang.
Les cellules dendritiques plasmacytoïdes expriment peu de CMH de classe II et de
molécules costimulatrices à leur surface et apprêtent les antigènes moins efficace-
ment que les cellules dendritiques conventionnelles. Pour ces raisons, les cellules
dendritiques plasmacytoïdes ne sont pas aussi efficaces dans la stimulation de la
prolifération des cellules T naïves spécifiques d’antigène et l’on pense qu’elles ne
sont pas importantes pour le déclenchement direct des réponses cellulaires T.
Elles peuvent, cependant, agir comme des cellules auxiliaires pour la présentation
d’antigène par les cellules dendritiques conventionnelles. Une interaction entre cel-
lules dendritiques conventionnelles et plasmacytoïdes a été révélée par des étu-
des chez des souris infectées par la bactérie intracellulaire Listeria monocytogenes.
Normalement, cette bactérie ou un ligand synthétique de TLR-9 contenant du CpG
stimule dans les cellules dendritiques conventionnelles une production, brusque et
de courte durée, de la cytokine IL-15, suivie de la production soutenue d’IL-12. L’IL-12
produite par les cellules dendritiques conventionnelles est importante, comme nous
le verrons plus tard, dans l’orientation des cellules T CD4 vers un type particulier de
réponse efficace contre ces bactéries. Lorsque l’IL-15 ou les cellules dendritiques plas-
macytoïdes furent éliminées expérimentalement, la production de l’IL-12 par les cel-
lules dendritiques conventionnelles a diminué, et les souris sont devenues sensibles
à Listeria. Il semble que l’IL-15 produite à la suite de la stimulation des TLR agit selon
une boucle autocrine et induit l’expression de la protéine transmembranaire CD40 sur
les cellules dendritiques conventionnelles. En même temps, la signalisation par TLR-9
induit l’expression de la protéine transmembranaire, le ligand de CD40 (CD40L ou
CD154) dans la cellule dendritique plasmacytoïde. Ceci rend les cellules dendritiques
plasmacytoïdes capables de déclencher la signalisation de CD40 dans les cellules den-
dritiques conventionnelles, ce qui a comme effet de soutenir leur production d’IL-12.

8-9 Des pathogènes rendent les macrophages, destinés à l’élimination


des déchets, capables de présenter des antigènes étrangers
aux cellules T naïves.
Les deux autres types cellulaires qui peuvent servir de cellules présentatrices d’an-
tigène aux cellules  T naïves sont les macrophages et les cellules  B. Comme nous
l’avons appris au Chapitre 2, des micro-organismes qui entrent dans le corps beau-
coup sont ingérés et détruits par les phagocytes, qui assurent une première ligne de
défense innée, non spécifique de l’antigène. Cependant, les pathogènes ont déve-
loppé de nombreux mécanismes pour éviter l’élimination par l’immunité innée.
340 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

L’un d’entre eux est de résister aux propriétés lytiques des phagocytes. Les macropha-
ges qui ont capté et ingéré des micro-organismes, mais n’ont pas réussi à les détruire,
contribuent à la réponse immunitaire adaptative en agissant comme cellule pré-
sentatrice d’antigène. Comme nous le verrons plus tard dans ce chapitre, la réponse
immunitaire adaptative est à son tour capable d’amplifier les capacités microbicides
et phagocytaires de ces cellules qui deviennent alors capables de tuer le pathogène.
Les macrophages peuvent résider dans les tissus, mais on les trouve aussi dans les
organes lymphoïdes (voir Fig. 8.10). Ils sont présents dans de nombreuses zones des
ganglions lymphatiques, spécialement dans le sinus marginal, par où la lymphe affé-
rente entre dans le tissu lymphoïde, et dans les cordons médullaire, où la lymphe effé-
rente est collectée avant de s’écouler dans le sang (voir Fig. 1.18). Leur rôle principal
est d’ingérer des microbes et des antigènes particulaires et les empêcher ainsi d’en-
trer dans le sang. Bien que les macrophages apprêtent les microbes ingérés et pré-
sentent les antigènes peptidiques à leur surface en conjonction avec des molécules
costimulatrices, on pense que leur principale fonction dans les tissus lymphoïdes est
d’éliminer non seulement les pathogènes mais aussi les lymphocytes apoptotiques.
Les macrophages au repos ont peu ou pas de molécules du CMH de classe II à leur
surface et n’expriment pas B7. L’expression des molécules du CMH de classe II et de
B7 est induite par l’ingestion des micro-organismes et la reconnaissance de leurs
motifs moléculaires étrangers. Les macrophages, comme les cellules dendritiques
tissulaires, ont divers récepteurs qui reconnaissent des composants de la surface
microbienne, le récepteur du mannose, le récepteur éboueur, les récepteurs du
complément et plusieurs TLR (voir Chapitre  2). Ces récepteurs sont impliqués
dans l’ingestion des micro-organismes par phagocytose et dans la signalisation
menant à la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, qui recrutent et activent
plus de phagocytes. Les récepteurs de phagocytose fonctionnent comme ceux des
cellules dendritiques tissulaires et permettent ainsi au macrophage de fonction-
ner comme cellule présentatrice d’antigène. Une fois liés, les micro-organismes
sont ingérés et dégradés dans les phagosomes et les phagolysosomes, fournissant
les peptides qui seront présentés par des molécules du CMH de classe II. En même
temps, les récepteurs qui reconnaissent ces micro-organismes transmettent un
signal qui conduit à l’expression des molécules du CMH de classe II et de B7.
Les macrophages éliminent continuellement les cellules mortes ou mourantes,
qui sont riches en autoantigènes. Aussi, il est particulièrement important qu’el-
les n’activent pas les cellules T en absence d’infection. Les cellules de Kupffer des
sinusoïdes hépatiques et les macrophages de la pulpe rouge splénique, en parti-
culier, éliminent du sang quotidiennement un grand nombre de cellules mouran-
tes. Les cellules de Kupffer expriment peu de CMH de classe II et pas de TLR-4, le
récepteur qui signale la présence du LPS bactérien. Ainsi, bien qu’ils génèrent de
grandes quantités de peptides du soi dans leurs endosomes, ces macrophages ne
sont probablement pas en mesure de susciter une réponse auto-immune.
À présent, il y a très peu d’observations qui suggèrent que les macrophages puis-
sent déclencher une réponse immunitaire des cellules T. Il est probable que leur
expression de molécules costimulatrices est plus importante pour l’amplification
des réponses primaires ou secondaires déjà lancées par les cellules dendritiques.
On peut croire qu’il s’agit là d’une intervention importante pour les cellules T effec-
trices ou mémoire qui rejoignent le foyer infectieux.

8-10 Les cellules B présentent de manière très efficace les antigènes


qu’elles ont captés par leurs immunoglobulines de surface.
Les macrophages ne peuvent capter les antigènes solubles de manière efficace. Les
cellules B, par contre, sont particulièrement bien adaptées pour lier spécifiquement
des molécules solubles par leurs immunoglobulines de surface et internaliser ainsi
les molécules liées par endocytose dépendant de récepteurs. Si l’antigène contient
un composant protéique, la cellule B apprêtera la protéine internalisée en fragments
L’entrée des cellules T naïves et des cellules présentatrices d’antigène dans les organes lymphoïdes périphériques 341

Fig. 8.15 Les cellules B peuvent utiliser


Antigène spécifique internalisé Fragments de l’antigène leurs immunoglobulines de surface
Une cellule B capte
efficacement par endocytose spécifique présenté pour présenter très efficacement un
son antigène spécifique
dépendant d’un récepteur en forte densité
antigène spécifique aux cellules T. Les
immunoglobulines de surface permettent
aux cellules B de lier et d’ingérer l’antigène
spécifique très efficacement, spécialement si
l’antigène est une protéine soluble, comme la
plupart des toxines le sont. L’antigène ingéré
est apprêté dans des vésicules intracellulaires
où il se fixe aux molécules du CMH de
classe II. Ces vésicules sont transportées
à la surface cellulaire où les complexes
peptide étranger:CMH de classe II peuvent
Cellule B être reconnus par les cellules T. Lorsqu’un
antigène protéique n’est pas reconnu
spécifiquement par le récepteur de la cellule B,
peptidiques et les présentera ensuite sous forme de complexes peptide:CMH de son internalisation est inefficace et la densité
classe II. Ce mécanisme de capture de l’antigène est extrêmement efficace, en concen- de fragments présentés à la surface de la
trant l’antigène spécifique dans la voie endocytaire. Les cellules B expriment aussi de cellule B est très faible (non montré).
manière constitutive des taux élevés de molécules du CMH de classe II ; ainsi, d’im-
portantes quantités de complexes spécifiques peptide:CMH de classe II apparaissent
à la surface de la cellule B (Fig. 8.15). Cette voie de présentation antigénique permet
aux cellules B d’être prises comme cibles par des cellules T CD4 spécifiques de l’anti-
gène, qui orientent leur différenciation, comme nous le verrons au Chapitre 9.
Les cellules B n’expriment pas de manière constitutive de molécules costimulatrices,
mais comme les cellules dendritiques et les macrophages, lorsqu’elles sont stimulées
par divers constituants microbiens, elles se mettent à produire les molécules B7. En
fait, B7.1 fut d’abord identifié comme une protéine des cellules B activées par le LPS, et
B7.2 est exprimé de manière prédominante par les cellules B in vivo. Ces observations
ont permis d’expliquer pourquoi il est nécessaire d’associer des adjuvants bactériens
pour susciter une réponse immunitaire contre des protéines solubles comme l’oval-
bumine, le lysozyme du blanc d’œuf de poule et le cytochrome c, qui peuvent requé-
rir des cellules B comme cellules présentatrices d’antigène. La nécessité d’une activité
costimulatrice induite permet d’expliquer pourquoi, bien que les cellules B présen-
tent efficacement les protéines solubles, il est improbable qu’elles puissent induire une
réponse immunitaire contre des protéines solubles du soi en absence d’infection.
Bien que nos connaissances du système immunitaire en général et des réponses des
cellules T en particulier aient été acquises par l’étude des réponses immunitaires à des
immunogènes protéiques solubles présentés par des cellules B, on ignore encore l’im-
portance du rôle des cellules B dans la sensibilisation des cellules T naïves lors des
réponses immunitaires naturelles. Les antigènes protéiques solubles ne sont pas abon-
dants durant les infections ; la plupart des antigènes naturels, comme les bactéries et
les virus, sont des particules, et les toxines bactériennes solubles agissent par liaison à
la surface cellulaire et sont donc présentes à très faible concentration. Certains immu-
nogènes naturels pénètrent dans l’organisme sous forme soluble ; citons par exem-
ple les toxines d’insectes, les anticoagulants injectés par les insectes suceurs de sang,
les venins de serpent et de nombreux allergènes. Cependant, les cellules dendritiques
tissulaires pourraient aussi être responsables de l’activation des cellules T naïves qui
reconnaissent ces antigènes, puisqu’elles peuvent les ingérer par macropinocytose.
Bien que les cellules dendritiques tissulaires ne puissent pas concentrer ces antigènes
de manière aussi spécifique que les cellules B, elles ont plus de chance que les quel-
ques rares cellules B spécifiques de l’antigène de rencontrer une cellule T naïve avec la
spécificité antigénique appropriée. Les chances de rencontre d’une cellule B avec une
cellule T capable de reconnaître les antigènes peptidiques présentés sont nettement
plus élevées lorsqu’une cellule T naïve a été retenue dans le tissu lymphoïde après
avoir trouvé son antigène à la surface d’une cellule dendritique.
La Fig. 8.16 compare les trois types de cellules présentatrices d’antigène. Pour cha-
cun de ces types cellulaires, l’expression de l’activité costimulatrice est contrôlée
de façon à susciter des réponses contre les pathogènes tout en évitant une immu-
nisation contre les autoantigènes.
342 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.16 Les propriétés des différentes


cellules présentatrices d’antigène. Les Cellules dendritiques Macrophages Cellules B
cellules dendritiques, les macrophages
et les cellules B sont les principaux types
cellulaires impliqués dans la présentation des
antigènes étrangers aux cellules T naïves.
Ces cellules diffèrent par leur mécanisme
de capture de l’antigène, par leur taux
d’expression des molécules du CMH de
classe II, par l’expression des molécules de
costimulation, par le type d’antigène qu’elles
présentent efficacement, par leur distribution
dans le corps ainsi que par leurs molécules
d’adhérence de surface (non présenté ici). Macropinocytose et
Capture Récepteur spécifique
phagocytose +++ par les Phagocytose
cellules dentritiques = c. dentritiques
de l’antigène d’antigène (Ig)
c. dendritiques tissulaires +++
++++
Infection virale

Faible sur les


Inductible par des bactéries Constitutive
Expression c. dendritiques tissulaires
et des cytokines Augmente lors de l’activation
du CMH Élevée sur les c. dendritiques
– à +++ +++ à ++++
dans les tissus lymphoïdes

Constitutive par les


Costimulation c. dendritiques matures, Inductible Inductible
non phagocytaires – à +++ – à +++
++++

Peptides Antigènes particulaires Antigènes solubles


Antigènes
Antigènes viraux Pathogènes intracellulaires Toxines
présentés
Allergènes et extracellulaires Virus

Tissu lymphoïde
Partout Tissu lymphoïde
Localisation Tissu conjonctif
dans le corps Sang périphérique
Cavités corporelles

Résumé.
Une réponse immunitaire adaptative est déclenchée lorsque des cellules  T naïves
entrent en contact, dans les organes lymphoïdes périphériques, avec des cellules pré-
sentatrices d’antigène matures et activées. Pour que les rares cellules T spécifiques
de l’antigène assurent une surveillance efficace et détectent les tout aussi rares cellu-
les présentatrices d’antigène, les cellules T repassent continuellement par les organes
lymphoïdes et peuvent ainsi détecter les antigènes apportés par les cellules présen-
tatrices d’antigène provenant des divers sites d’infection. La migration des cellules T
naïves dans les organes lymphoïdes est guidée par le récepteur de chimiokine CCR7,
qui lie la chimiokine CCL21 produite par les cellules stromales dans les zones de cellu-
les T des organes lymphoïdes périphériques. La sélectine L exprimée par les cellules T
naïves permet leur roulement sur les surfaces spécialisées des veinules à endothé-
lium élevé, et le contact avec CCL21 induit un changement de configuration de l’in-
tégrine LFA-1 exprimée par les cellules T augmentant ainsi son affinité pour ICAM-1
exprimée par l’endothélium des veinules. Ceci induit une forte adhérence, la diapé-
dèse et la migration des cellules T dans la zone dite T dépendante où les cellules T
naïves rencontrent les cellules dendritiques présentatrices d’antigène. C’est là que se
trouvent également les deux populations principales de cellules dendritiques, les cel-
lules dendritiques conventionnelles porteuses de CD11c et les cellules dendritiques
plasmacytoïdes. Les cellules dendritiques conventionnelles surveillent continuelle-
ment les tissus périphériques pour détecter d’éventuels pathogènes et sont responsa-
bles de l’activation des lymphocytes naïfs. Un contact avec des pathogènes transmet
des signaux aux cellules dendritiques par les TLR et d’autres récepteurs qui accélèrent
l’apprêtement antigénique et la production de complexes peptide étranger:CMH du
soi. La signalisation par les TLR induit aussi l’expression, par les cellules dendritiques,
de CCR7 qui dirige leur migration dans les zones de cellules T des organes lymphoï-
des périphériques où elles rencontrent des cellules T naïves et les activent.
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 343

D’autres types cellulaires peuvent présenter un antigène aux cellules T naïves, bien
que les cellules dendritiques soient les activateurs les plus puissants des cellules T
naïves ; on pense qu’elles déclenchent la plupart des réponses des cellules T aux
micro-organismes pathogènes. Les macrophages ingèrent efficacement les antigè-
nes particulaires comme les bactéries ; stimulés par des agents infectieux, ils expri-
ment les molécules du CMH de classe II et acquièrent une activité costimulatrice.
La capacité unique des cellules B de lier et d’internaliser des antigènes protéiques
solubles par leurs récepteurs et de présenter les peptides apprêtés sous forme de
complexes peptide:CMH peut être importante pour l’activation des cellules T qui
fournissent alors aux cellules B l’aide spécifique de l’antigène. Dans les trois types
de cellules présentatrices d’antigène, l’expression de molécules costimulatrices est
activée en réponse à des signaux provenant des récepteurs qui interviennent aussi
dans immunité innée pour signaler la présence d’agents infectieux.

Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules


dendritiques activées par un pathogène.
Les réponses des cellules  T sont induites lorsqu’une cellule  T CD4 ou CD8 mature
et naïve rencontre une cellule présentatrice d’antigène activée présentant le ligand
peptide:CMH approprié. Nous avons décrit le trafic des cellules T naïves et des cellu-
les dendritiques dans les zones spécifiques des organes lymphoïdes périphériques où
elles peuvent se rencontrer dans les zones de cellules T. Nous allons décrire maintenant
la formation des cellules T effectrices à partir des cellules T naïves. L’activation et la dif-
férenciation des cellules T naïves, souvent appelées sensibilisation, diffèrent des répon-
ses plus tardives des cellules T effectrices à l’antigène des cellules cibles, et des réponses
des cellules T mémoire lors de rencontres subséquentes avec le même antigène. La
sensibilisation des cellules T CD8 naïves génère des cellules T cytotoxiques capables de
tuer directement les cellules infectées par un pathogène. Les cellules T CD4 se dévelop- cellule T
ICAM-3
pent en une série d’effecteurs différents selon la nature des signaux qu’elles reçoivent CD2 LFA-1 LFA-1
durant leur sensibilisation. L’activité des cellules T CD4 effectrices peut comprendre la
cytotoxicité, mais plus fréquemment elle implique la sécrétion d’une batterie de cytoki-
nes qui orientent la cellule T concernée vers un type particulier de réponse.

8-11 Des molécules d’adhérence cellulaire assurent l’interaction initiale ICAM-2


CD58
des cellules T naïves avec les cellules présentatrices d’antigène.
DC-SIGN
ICAM-1 (CD209)
Au cours de leur migration à travers la région corticale du ganglion lymphatique, les
cellules T naïves se lient de manière transitoire à chaque cellule présentatrice d’an- cellule présentatrice d’antigène (APC)
tigène qu’elles rencontrent. Les cellules dendritiques matures se lient aux cellules T
naïves très efficacement par des interactions entre LFA-1, ICAM-3 et CD2 sur la cel-
Fig. 8.17 Les molécules de surface de la
lule T et ICAM-1, ICAM-2, DC-SIGN et CD58 sur la cellule dendritique (Fig. 8.17). La superfamille des immunoglobulines sont
liaison d’ICAM-3 à DC-SIGN est propre à l’interaction entre cellules dendritiques importantes pour les interactions entre les
et cellules T, tandis que les autres molécules d’adhérence contribuent de manière lymphocytes et les cellules présentatrices
synergique à la liaison des lymphocytes aux trois types de cellules présentatrices d’antigène. Lors de la première rencontre
entre les cellules T et les cellules présentatrices
d’antigène. Peut-être en raison de cette synergie, le rôle respectif de chaque molé- d’antigène, CD2, qui se fixe à CD58 (LFA-3)
cule d’adhérence est difficile à préciser. Chez les patients déficients en LFA-1, les sur la cellule présentatrice d’antigène, agit
cellules T répondent normalement et il semble que ce soit également le cas chez en synergie avec LFA-1, qui se fixe à ICAM-1
et ICAM-2. Une autre interaction semble être
les souris dépourvues de CD2. Il est probable qu’une redondance existe entre les restreinte au contact entre cellules T naïves et
molécules qui assurent l’adhérence des cellules afin que les réponses immunitai- cellules dendritiques ; il s’agit de l’interaction
res restent possibles même en absence de l’une de ces molécules ; une telle redon- entre ICAM-3 de la cellule T naïve et une
dance moléculaire a été observée dans d’autres processus biologiques complexes. molécule des cellules dendritiques appelée
DC-SIGN (CD209), une lectine de type C
La liaison transitoire des cellules T naïves à la cellule présentatrice d’antigène est propre aux cellules dendritiques qui se fixe
à ICAM-3 avec une forte affinité. LFA-1 est
cruciale pour laisser le temps aux cellules T de cribler un grand nombre de molé-
l’intégrine hétérodimérique CD11a:CD18,
cules du CMH sur chaque cellule présentatrice d’antigène pour repérer la présence αL / β2. ICAM-1, -2 et -3 sont aussi appelées
d’un peptide spécifique. Dans les rares cas où une cellule T naïve reconnaît un ligand respectivement CD54, CD102 et CD50.
344 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.18 Les interactions transitoires entre


les cellules T et les cellules présentatrices Les cellules T se lient d’abord La liaison subséquente Un changement de conformation
d’antigène sont stabilisées par la à l’APC par des interactions du récepteur de cellule T de LFA-1 augmente l’affinité et
reconnaissance de l’antigène. Lorsqu’une de faible affinité LFA-1:ICAM-1 transmet un signal à LFA-1 prolonge le contact entre les cellules
cellule T se fixe à son ligand spécifique
sur la cellule présentatrice d’antigène, la cellule T
signalisation intracellulaire du récepteur de CD4 TCR LFA-1
la cellule T (TCR) induit un changement de
conformation de LFA-1 qui permet sa fixation
avec une haute affinité aux molécules ICAM
sur la cellule présentatrice d’antigène. La
cellule représentée est une cellule T CD4.

CMH
de classe II ICAM-1

cellule présentatrice d’antigène (APC)

peptide:CMH, la signalisation par le récepteur de cellule T induit un changement


de conformation dans LFA-1 qui augmente fortement son affinité pour ICAM-1 et
ICAM-2. Ce changement de conformation est le même que celui qui est induit par
les signaux transmis par les récepteurs de chimiokines durant la migration des cel-
lules T naïves dans un organe lymphoïde périphérique (voir la Section 8-2). Le chan-
gement dans LFA-1 stabilise l’association entre la cellule T spécifique de l’antigène
et la cellule présentatrice d’antigène (Fig. 8.18). L’association peut persister plusieurs
jours, durant lesquels la cellule T naïve prolifère et les cellules filles, qui adhérent
aussi à la cellule présentatrice d’antigène, se différencient en cellules T effectrices.
La plupart des rencontres des cellules T avec des cellules présentatrices d’antigène
n’aboutissent pas à la reconnaissance d’un antigène. Dans ce cas, la cellule  T doit
pouvoir se détacher de la cellule présentatrice d’antigène de manière à continuer
sa migration dans le ganglion lymphatique et quitter finalement par le lymphatique
efférent pour rejoindre la circulation sanguine. La dissociation, comme la formation
d’une liaison stable, pourrait aussi requérir un échange de signaux entre la cellule T et
les cellules présentatrices d’antigène, mais on dispose de peu de données à ce sujet.

8-12 Les cellules présentatrices d’antigène émettent trois types de signaux


qui stimulent l’expansion clonale et la différenciation des cellules T naïves.

La sensibilisation des cellules T naïves est contrôlée par plusieurs signaux. Comme
nous le disions dans l’introduction de ce chapitre, nous avons adopté une termino-
logie qui divise ces signaux en trois types : signal 1, signal 2 et signal 3. Le signal 1
comprend ceux qui sont spécifiques de l’antigène et qui proviennent de l’inte-
raction d’un complexe spécifique peptide:CMH avec le récepteur de cellule T. La
liaison du récepteur de la cellule T à son antigène peptidique est nécessaire à l’acti-
vation d’une cellule T naïve, mais même si le corécepteur CD4 ou CD8 est impliqué
dans l’interaction, cela ne suffit pas à stimuler la prolifération et la différenciation
de la cellule T en cellules T effectrices. L’expansion clonale spécifique de l’antigène
d’une cellule T naïve fait appel à au moins deux autres types de signaux, qui sont
en général émis par la même cellule présentatrice d’antigène. Ces signaux addi-
tionnels ont été divisés en signaux costimulateurs qui sont impliqués surtout dans
la promotion, ou l’inhibition, de la survie et l’expansion des cellules T (signal 2), et
ceux qui sont surtout impliqués dans l’orientation de la différenciation des cellu-
les T en différentes sous-populations de cellules T effectrices (signal 3) (Fig. 8.19).
Les molécules les mieux caractérisées dans la transmission du signal 2 sont les molé-
cules B7 (voir la Section 8-6). Ces membres homodimériques de la superfamille des
immunoglobulines se trouvent exclusivement à la surface de cellules, comme les cel-
lules dendritiques, qui stimulent la prolifération des cellules T naïves. Leur rôle dans
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 345

Fig. 8.19 Trois types de signaux sont présentatrice d’antigène et transmet le signal 2,
impliqués dans l’activation des cellules T dont l’effet est une augmentation de la survie Les APC transmettent trois types de signaux
naïves par les cellules présentatrices et la prolifération de la cellule T qui a reçu le aux cellules T naïves
d’antigène. L’interaction du complexe peptide signal 1. ICOS et des membres de la famille
APC
étranger:CMH du soi avec le récepteur des récepteurs du TNF peuvent aussi fournir
de cellule T et, dans cet exemple, avec le des signaux costimulateurs. Pour les cellules T
corécepteur CD4, transmet un signal (flèche 1) CD4 en particulier, différentes voies de
à la cellule T spécifique de l’antigène. différenciation produisent des sous-populations cytokines
CMH de B7.1
L’activation efficace des cellules T naïves de cellules T effectrices qui exercent différentes IL-6
classe II B7.2
IL-12
requiert un second signal (flèche 2), le signal fonctions selon la nature du troisième signal TGF-β
costimulateur, qui doit être transmis par la (flèche 3) transmis par la cellule présentatrice
même cellule présentatrice d’antigène (APC). d’antigène. Des cytokines sont fréquemment, TCR CD28
Dans cet exemple, CD28 sur la cellule T mais pas exclusivement, impliquées dans
rencontre les molécules B7 sur la cellule l’orientation de cette différenciation.
CD4

la costimulation a été démontré par la transfection de gènes codant des molécules B7 1 2 3


dans des fibroblastes qui exprimaient un ligand de cellule T. Ces fibroblastes se sont
avérés capables de stimuler l’expansion clonale des cellules T naïves. Le récepteur cellule T
des molécules B7 sur la cellule T est CD28, un autre membre de la superfamille des
immunoglobulines. La liaison de CD28 par les molécules B7 ou par un anticorps anti-
CD28 est nécessaire pour l’expansion clonale optimale des cellules T naïves, tandis Activation
que des anticorps anti-B7, qui inhibent la liaison des molécules B7 à CD28, inhibent Survie
la réponse des cellules T. Bien que l’on ait rapporté que d’autres molécules exerçaient
une activité costimulatrice sur les cellules T naïves, jusqu’à présent, seule l’interven- Différenciation
tion des molécules B7 en tant qu’agents costimulateurs pour les cellules T naïves au
cours des réponses immunitaires normales a été définitivement démontrée.

8-13 La costimulation par CD28 des cellules T activées induit l’expression


du facteur de croissance des cellules T, l’interleukine-2,
et son récepteur de forte affinité.

Les cellules  T naïves peuvent vivre pendant de nombreuses années, se divisant


rarement et subissant tout aussi rarement l’apoptose. Ces petites cellules quies-
centes ont une chromatine condensée et peu de cytoplasme  ; elles synthétisent
peu d’ARN ou de protéine. Lors de l’activation, le cycle cellulaire reprend et les
divisions répétées produisent un grand nombre de cellules filles qui se différen-
cient en cellules T effectrices. La prolifération et la différenciation sont dirigées par Cellule T naïve Cellule T activée
l’interleukin-2 (IL-2), qui est produite par la cellule T activée elle-même.
La rencontre initiale avec l’antigène spécifique en présence d’un signal costimulateur affinité modérée forte affinité
déclenche l’entrée de la cellule T en phase G1 du cycle cellulaire ; en même temps, IL-2 IL-2
elle induit la synthèse d’IL-2 ainsi que la chaîne α (CD25) du récepteur de l’IL-2. Le récepteur
γ β γ β α
récepteur de l’IL-2 comporte trois chaînes : α, β et γ (Fig. 8.20). Les cellules T au repos de l’IL-2
n’expriment que les chaînes β et γ, qui constituent un récepteur d’affinité modérée.
Les cellules T au repos ne peuvent donc répondre qu’à de très fortes concentrations
d’IL-2. L’association de la chaîne  α à l’hétérodimère β:γ forme un récepteur doté
d’une affinité beaucoup plus forte, ce qui permet à la cellule de répondre à de très
faibles concentrations d’IL-2. La liaison de l’IL-2 au récepteur de haute affinité per-
met alors au cycle cellulaire de s’achever (Fig. 8.21). Les cellules T activées de cette
façon peuvent se diviser deux ou trois fois par jour pendant plusieurs jours, permet-
Fig. 8.20 Le récepteur de haute affinité pour
tant à une seule cellule de donner naissance à un clone de milliers de cellules qui l’IL-2 est composé de trois chaînes qui sont
portent toutes le même récepteur d’antigène. L’IL-2 est un facteur de survie pour ces exprimées uniquement sur les cellules T
cellules, et si l’on prive d’IL-2 des cellules T activées, elles meurent ; l’IL-2 favorise activées. Sur les cellules T au repos, les
chaînes β et γ sont exprimées de manière
aussi la différenciation des cellules T activées en cellules T effectrices. constitutive. Elles fixent l’IL-2 avec une affinité
modérée. L’activation des cellules T induit la
La reconnaissance de l’antigène par le récepteur de cellule T induit la synthèse ou
synthèse de la chaîne α et la formation du
l’activation des facteurs de transcription NFAT, AP-1 et NFκB (voir Chapitre 6), qui se récepteur hétérotrimérique de haute affinité.
lient à la région promotrice du gène de l’IL-2 et sont indispensables à sa transcrip- Les chaînes β et γ ont une séquence en acides
tion. La costimulation passant par CD28 contribue à la production d’IL-2 au moins aminés similaire à celle des récepteurs de
l’hormone de croissance et de la prolactine,
de deux façons. D’abord, des signaux de CD28 liés aux molécules B7 augmentent la ces deux récepteurs contrôlent aussi la
production de AP-1 et de NFκB, ce qui amplifie d’environ trois fois la transcription de croissance cellulaire et la différenciation.
346 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.21 Les cellules T activées sécrètent récepteur de haute affinité de l’IL-2. L’IL-2 se
Les cellules T au repos expriment de l’IL-2 et répondent à l’IL-2. L’activation des fixe à son récepteur de haute affinité, induisant
un récepteur d’IL-2 d’affinité modérée cellules T naïves associée à une costimulation ainsi par autocrinie la prolifération cellulaire.
ne contenant que les chaînes 𝛃 et 𝛄
induit la sécrétion d’IL-2 et l’expression du

récepteur d’IL-2 l’ARNm de l’IL-2. On pense que le second effet de la signalisation par CD28 consiste
d’affinité modérée
cellule T en la stabilisation de l’ARNm de l’IL-2, ce qui augmente la production de la protéine
IL-2 de 20 à 30 fois. Ces deux effets conjugués augmentent une centaine de fois la
production de l’IL-2. Les ARNm des cytokines ont une demi-vie très brève en rai-
IL-2
son de l’instabilité de leur séquence dans leur région 3’ non traduite. L’instabilité de
IL-2Rα l’ARN évite que la production et la libération de la cytokine ne se prolongent, ce qui
permet un contrôle serré de l’activité de la cytokine. Lorsqu’une cellule T reconnaît
un antigène spécifique en absence de costimulation par CD28, la production d’IL-2
Les cellules T activées expriment un récepteur est faible et la cellule T ne prolifère pas. Ainsi, la fonction la plus importante du signal
d’IL-2 de forte affinité contenant les chaînes 𝛂,
𝛃 et 𝛄 et sécrètent de l’IL-2 costimulateur est de favoriser la synthèse de l’IL-2.
Des médicaments utilisés communément pour supprimer des réponses immunitai-
res indésirables comme le rejet de greffe agissent en bloquant l’activité de l’IL-2, qui
est essentielle pour le lancement des réponses immunitaires adaptatives. Les agents
immunosuppresseurs comme la ciclosporine A et FK506 (tacrolimus ou fujimycine)
inhibent la production d’IL-2 en interrompant la signalisation passant par le récepteur
de cellule T, tandis que la rapamycine (sirolimus) inhibe la signalisation passant par le
récepteur d’IL-2. La ciclosporine A et la rapamycine inhibent de manière synergique
les réponses immunitaires en empêchant l’expansion clonale des cellules T dépendant
de l’IL-2. Le mode d’action de ces médicaments sera décrit en détail au Chapitre 15.

8-14 Le signal 2 peut être modifié par des voies costimulatrices


La liaison de l’IL-2 à son récepteur déclenche supplémentaires.
l’entrée de la cellule T en cycle cellulaire
Une fois qu’une cellule  T naïve est activée, elle exprime, outre CD28, plusieurs
protéines qui soutiennent ou modifient les signaux costimulateurs qui assurent
l’expansion clonale et la différenciation. Ces autres protéines costimulatrices
appartiennent en général à la famille des récepteurs CD28 ou aux familles du fac-
teur de nécrose tumorale (TNF) et de ses récepteurs.
Les protéines apparentées à CD28 sont induites sur les cellules T activées et modi-
fient le signal costimulateur au cours du développement de la réponse des cellu-
les T. L’une est appelée ICOS (Inducible CO-Stimulator, costimulateur inductible),
son ligand, LICOS (LIgand of ICOS, ou B7h), est apparenté à B7.1 et B7.2. Il est
produit sur les cellules dendritiques activées, les monocytes et les cellules B, mais
sa contribution aux réponses immunitaires n’a pas encore été clairement définie.
L’IL-2 induit la prolifération des cellules T Bien qu’ICOS, comme CD28, stimule la prolifération des cellules T, il n’induit pas
la production d’IL-2, mais semble réguler l’expression d’autres cytokines produi-
tes par les sous-populations de cellules T CD4.
Une autre protéine apparentée à CD28 est CTLA-4 (CD152), un récepteur de plus
pour les molécules B7. CTLA-4 est très semblable à CD28 par sa séquence, et les
deux protéines sont codées par des gènes étroitement associés. Cependant, CTLA-4
se lie aux molécules B7 environ 20 fois plus avidement que ne le fait CD28 et trans-
met un signal inhibiteur aux cellules T activées (Fig. 8.22). Ce qui rend les cellules
filles activées moins sensibles à la stimulation par la cellule présentatrice d’antigène
et limite la production de l’interleukine-2 (IL-2), la cytokine principale qui fait proli-
férer les cellules T. Ainsi, la liaison de CTLA-4 aux molécules B7 est essentielle pour
limiter la réponse proliférative des cellules T activées par l’antigène et par B7. Ce qui
fut confirmé par les souris rendues déficiences en CTLA-4 ; ces souris ont développé
un syndrome fatal caractérisé par une surpopulation massive de lymphocytes.
Des molécules de la famille du TNF peuvent aussi transmettre des signaux costimula-
teurs. CD27 est une protéine de la famille des récepteurs du TNF exprimée de manière
constitutive sur les cellules T naïves. CD27 lie CD70 sur les cellules dendritiques et
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 347

transmet un signal costimulateur puissant aux cellules T tôt au cours du processus


CTLA-4 lie B7 plus avidement que ne le fait
d’activation. La molécule CD40 de la famille des récepteurs du TNF est présente sur CD28 et transmet des signaux inhibiteurs
les cellules dendritiques (voir la Section 8-8) et se lie au ligand de CD40 exprimé sur aux cellules T activées
les cellules T et lance une signalisation bidirectionnelle qui transmet des signaux acti-
vateurs à la cellule T mais fait aussi exprimer les molécules B7 par la cellule présen- cellule présentatrice d’antigène
tatrice d’antigène, stimulant ainsi davantage la prolifération des cellules T. Le rôle de
la paire CD40–ligand de CD40 dans le soutien au développement d’une réponse des
cellules T est démontré par les souris déficientes en ligand de CD40 ; lorsque ces sou-
ris sont immunisées, l’expansion clonale des cellules T est interrompue à un stade B7.1 CMH
précoce. La molécule 4-1BB (CD137) de la cellule T et sont ligand 4-1BBL, qui est B7.2 de classe II
exprimé sur les cellules dendritiques activées, les macrophages et les cellules B for-
ment une autre paire de costimulateurs de la famille du TNF. Comme pour CD40 et TCR CD4

son ligand, l’effet de cette interaction est bidirectionnel, la cellule T et la cellule présen- CD28 CTLA-4
tatrice d’antigène recevant, toutes deux, des signaux activateurs; ce type d’interaction
est parfois appelé le dialogue de la cellule T avec la cellule présentatrice d’antigène.

8-15 La reconnaissance de l’antigène en absence de costimulation


cellule T activée
entraîne une inactivation fonctionnelle ou une délétion clonale
des cellules T périphériques.
Fig. 8.22 CTLA-4 est un récepteur inhibiteur
pour les molécules B7. Les cellules T naïves
Comme nous l’avons vu à la Section 7-20, des protéines autologues ubiquitaires sont expriment CD28, qui transmet un signal
présentées par des cellules présentatrices d’antigène dans le thymus et induisent la costimulateur en se liant aux molécules B7
délétion clonale des cellules T réagissant contre elles. Cependant, de nombreuses (voir Fig. 8.19), assurant ainsi la survie et
l’expansion des cellules T qui rencontrent leur
protéines exercent des fonctions spécialisées et ne sont produites que par les cellu-
antigène spécifique présenté par une cellule
les de certains tissus. Ainsi, des peptides de protéines propres à certains tissus peu- présentatrice d’antigène porteuse de B7. Une
vent ne pas être présentés par les molécules du CMH des cellules thymiques, et des fois activées, les cellules T expriment CTLA-4
cellules T spécifiques ont peu de chance d’être éliminées dans le thymus. Un facteur (CD152) en grande quantité. CTLA-4 a une
affinité plus forte que CD28 pour les molécules
important permettant d’éviter des réponses auto-immunitaires contre ces protéines B7 et se lie donc à la plupart d’entre elles, ce
tissulaires est l’absence d’activité costimulatrice des cellules de ces tissus. Puisque qui sert à réguler la phase proliférative de la
le gène de l’IL-2 est régulé par des signaux provenant à la fois du récepteur de cel- réponse.
lule T et de la voie de CD28, une activation efficace des cellules T naïves requiert
la transmission simultanée des signaux provenant de l’antigène et de la costimula-
tion. Les cellules T naïves qui reconnaissent des peptides du soi sur des cellules tis-
sulaires dépourvues de molécules costimulatrices ne sont pas activées ; au lieu de
cela, on pense qu’elles entrent dans un état d’anergie (Fig. 8.23). Une cellule T aner-
gique est réfractaire à l’activation par l’antigène spécifique même lorsque l’antigène
lui est présenté ensuite par une cellule présentatrice d’antigène exprimant des molé-
cules costimulatrices, et ceci constitue un mécanisme de maintien de la tolérance
au soi. Cette nécessité d’une stimulation simultanée par l’antigène spécifique et des

Signal costimulateur seul Signal spécifique seul

APC cellule tissulaire

Fig. 8.23 La tolérance des cellules T aux


antigènes exprimés par les cellules du soi
costimulateur CMH est le résultat d’une reconnaissance de
de classe II l’antigène en absence de costimulation.
Une cellule présentatrice d’antigène (APC)
ne pourra activer ou inactiver une cellule T
que si l’antigène reconnu par la cellule T est
récepteur CD4 exprimé à la surface de l’APC même si l’APC
de cellule T exprime les molécules de costimulation et peut
transmettre le signal 2 (panneau de gauche).
Lorsqu’une cellule T reconnaît l’antigène en
cellule T cellule T absence de molécules de costimulation, elle
reçoit le signal 1 et est inactivée (panneau
de droite). Ceci permet aux antigènes du soi
Pas d’effet sur la cellule T Inactive la cellule T (anergie) exprimés par les tissus d’induire la tolérance
dans la population périphérique des cellules T.
348 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.24 La nécessité de deux signaux, l’un


spécifique de l’antigène et l’autre servant CelluleT naïve stimulée par une cellule La celluleT reconnaît le même antigène Une cellule T activée tue
de costimulateur, est cruciale pour prévenir dendritique infectée par un virus sur une cellule épithéliale infectée les cellules épithéliales infectées
les réponses auto-immunitaires. Dans les
panneaux supérieurs, une cellule T reconnaît
un peptide viral à la surface d’une cellule CD CD
dendritique (CD) présentatrice d’antigène ;
activée, elle prolifère et se différencie en cellule
effectrice capable d’éliminer toute cellule
infectée par un virus. Par contre, les cellules T
naïves qui reconnaissent un antigène sur
cellule T
des cellules qui ne peuvent fournir une
costimulation deviennent anergiques, comme
lorsqu’une cellule T reconnaît un autoantigène tue
exprimé par une cellule épithéliale non infectée
(panneaux du bas). Cette cellule T ne devient
pas effectrice et ne peut même pas être
activée lors d’une rencontre ultérieure avec
une cellule dendritique présentant le même
antigène.
Une cellule T naïve reconnaît un Le signal spécifique de l’antigène La cellule T ne peut répondre à
autoantigène sur la cellule épithéliale induit l’anergie s’il est seul l’autoantigène sur la cellule dendritique

DC

cellule T

signaux costimulateurs est donc essentielle pour éviter des réponses auto-immunes
destructrices (Fig. 8.24). Sans elle, la tolérance au soi pourrait être rompue si des cel-
lules T naïves autoréactives reconnaissaient des autoantigènes sur les cellules tis-
sulaires et pouvaient être costimulées ensuite séparément par interaction avec une
cellule présentatrice d’antigène, soit localement ou dans un site distant.
Le mécanisme moléculaire de l’anergie des cellules T n’est pas encore complètement
élucidé. Le changement le plus important est l’absence de production de l’IL-2 par
les cellules T anergiques, qui ne peuvent donc proliférer ni se différencier en cellules
effectrices lors de la rencontre avec leur antigène. L’anergie n’a été démontrée formel-
lement qu’in vitro, mais certaines observations suggèrent que l’anergie se développe-
rait in vivo vis-à-vis de divers antigènes, et l’on considère en général qu’il s’agit d’un
des mécanismes de la tolérance périphérique (voir la Section 7-26). Certaines cel-
lules T semblent persister dans un état anergique in vivo, et bien que la délétion de
cellules T potentiellement autoréactives paraisse un moyen simple de maintenir la
tolérance au soi, la rétention de cellules T anergiques spécifiques d’antigènes tissu-
laires est moins facile à comprendre. Il semblerait plus efficace d’éliminer de telles
cellules ; en effet, la liaison du récepteur de cellules T périphériques en absence de
costimulateurs peut conduire à la mort cellulaire programmée au lieu de l’anergie.
Une explication possible pour la rétention de cellules anergiques est qu’elles jouent un
rôle partiel dans la prévention des réponses par des cellules T naïves, non anergiques
contre des antigènes étrangers qui imitent des complexes peptide du soi:CMH du soi.
Les cellules T anergiques pourraient reconnaître et se lier à de tels complexes sur une
cellule présentatrice d’antigène sans répondre, et ainsi pourrait entrer en compéti-
tion avec les cellules T naïves de même spécificité et potentiellement autoréactives.
De cette façon, les cellules T anergiques préviendraient une activation accidentelle
des cellules T autoréactives par des agents infectieux, contribuant ainsi activement à
la tolérance. Une autre explication possible est que les cellules anergiques sont en fait
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 349

Les cellules T effectrices tuent


Stimulation d’une cellule T naïve Prolifération de la cellule T
les cellules infectées par un virus

APC

récepteur
CMH de classe I B7 IL-2 de l’IL-2
récepteur
de cellule T CD28 tue

cellule T

RECONNAISSANCE PROLIFÉRATION DIFFÉRENCIATION FONCTION EFFECTRICE

des cellules T régulatrices, car elles présentent certaines similitudes. Toutes deux ne Fig. 8.25 Les cellules T effectrices peuvent
répondre à leur cellule cible sans signal
prolifèrent pas ou ne produisent pas d’IL-2 in vitro en réponse à une stimulation par
de costimulation. Une cellule T naïve qui
leur antigène spécifique. S’il se confirmait que les populations de cellules T anergi- reconnaît l’antigène à la surface de la cellule
ques et régulatrices se confondent in vivo, alors l’anergie serait un moyen de mainte- présentatrice d’antigène et qui reçoit les
nir activement la tolérance aux antigènes du soi. deux signaux nécessaires à son activation
(flèches 1 et 2, panneau de gauche) est
activée et, à la fois, sécrète l’IL-2 et répond
à l’IL-2. L’IL-2 induit l’expansion clonale des
8-16 Les cellules T qui prolifèrent et se différencient deviennent effectrices cellules T suivie par leur différenciation en
et ne requièrent plus de costimulation pour agir. cellules T effectrices. Une fois que les cellules
se sont différenciées en cellules T effectrices,
chaque rencontre avec l’antigène spécifique
Au cours de la phase tardive de prolifération induite par l’IL-2, après 4–5 jours de induit le déclenchement de leurs fonctions
croissance rapide, les cellules T activées se différencient en cellules T effectrices effectrices sans signaux de costimulation.
qui synthétisent toutes les molécules requises pour leurs fonctions spécialisées en Ainsi, comme illustré ici, une cellule T
tant que cellules T auxiliaires ou cytotoxiques. De plus, toutes les classes de cellu- cytotoxique peut tuer les cellules infectées
par un virus qui expriment uniquement le
les T effectrices ont subi des changements qui les distinguent des cellules T naïves, complexe peptide:CMH sans aucun signal de
l’un des plus importants étant la condition requise pour leur activation : une fois costimulation (panneau de droite).
qu’une cellule T est devenue effectrice, la rencontre avec son antigène spécifique
déclenche une attaque immunitaire sans besoin de costimulation (Fig. 8.25).
Ceci s’applique à toutes les classes de cellules  T effectrices. Son importance est
particulièrement facile à comprendre pour les cellules  T CD8 cytotoxiques, qui
doivent être capables d’agir sur toute cellule infectée par un virus, que la cellule
infectée exprime ou non des molécules costimulatrices. Cependant, il est aussi
important pour la fonction effectrice de cellules CD4, car les cellules T CD4 effec-
trices doivent être capables d’activer les cellules B et les macrophages qui ont capté
un antigène même si ces cellules n’expriment pas de molécules costimulatrices.
Des changements sont aussi constatés dans les molécules d’adhérence cellu-
laire et dans les récepteurs exprimés par les cellules T effectrices. Elles expriment
davantage LFA-1 et CD2 que les cellules T naïves, mais elles perdent la sélectine L
et dès lors cessent de recirculer à travers les ganglions lymphatiques. Par ailleurs,
elles expriment l’intégrine VLA-4, qui leur permet de se lier à l’endothélium vas-
culaire portant la molécule d’adhérence VCAM-1, qui est exprimée dans les foyers
inflammatoires. Les cellules T ont ainsi accès aux foyers infectieux et peuvent alors
déployer leur batterie de protéines effectrices. La Fig.  8.26 résume ces change-
ments qui surviennent à la surface de la cellule T.

8-17 Les cellules T se différencient en plusieurs sous-populations


effectrices fonctionnellement différentes.

Avant d’expliquer comment les cellules T se différencient, nous allons introduire briè-
vement les différentes sous-populations des cellules T effectrices et leurs fonctions
générales dans les réponses immunitaires. Les cellules  T naïves se répartissent en
350 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.26 L’activation des cellules T modifie


l’expression de plusieurs molécules de Molécules de la surface cellulaire
surface cellulaire. L’exemple décrit ici est
celui d’une cellule T CD4. Les cellules T
naïves au repos expriment la sélectine L, par
laquelle elles peuvent accéder aux ganglions
lymphatiques, avec en densité relativement
faible d’autres molécules d’adhérence comme
CD2 et LFA-1. Lors de l’activation, l’expression
de la sélectine L cesse et l’intégrine LFA-1
est produite en plus grande quantité et se lie Cellule T Récepteur
Sélectine L VLA-4 LFA-1 CD2 CD4 CD44 CD45RA CD45RO S1PR
avec plus d’affinité à ses ligands, ICAM-1 et CD4 de cellule T
ICAM-2. Une intégrine nouvellement exprimée,
appelée VLA-4, qui intervient comme récepteur Au repos + – + + + + + + – +
d’écotaxie pour l’endothélium vasculaire dans
les foyers inflammatoires, assure que les
cellules T activées puissent entrer dans les Activée – + ++ ++ + + ++ – + –
tissus périphériques dans les sites où elles
rencontreront probablement l’agent infectieux.
Les cellules T activées ont aussi une densité deux grands groupes, l’un étant porteur du corécepteur CD8, et l’autre du corécepteur
plus forte des molécules d’adhérence CD2 CD4. Toutes les cellules T CD8 se différencient en cellules T CD8 cytotoxiques, appe-
et CD44, augmentant l’avidité de l’interaction
avec des cellules cibles potentielles. L’isoforme
lées parfois lymphocytes T cytotoxiques ou CTL (Cytotoxic T Cells), qui tuent leurs
de CD45 exprimée change, à la suite de cellules cibles (Fig. 8.27). Elles sont importantes pour la défense contre les pathogè-
l’épissage alternatif du transcrit de l’ARN du nes intracellulaires, particulièrement les virus. Les cellules infectées par un virus pré-
gène de CD45, avec comme conséquence que sentent des fragments des protéines virales sous forme de complexes peptide:CMH
les cellules T activées expriment l’isoforme
CD45RO, qui s’associe au récepteur de
de classe I et ceux-ci sont reconnus par les cellules T CD8 cytotoxiques.
cellule T et à CD4. Ce changement rend la
cellule T plus sensible à la stimulation et peut
Les cellules T CD4, au contraire, se différencient en plusieurs cellules T effectrices
ainsi répondre à une plus faible concentration différentes exerçant diverses fonctions. Les principales sous-populations fonction-
du complexe peptide:CMH. Finalement, nelles des cellules T CD4 effectrices identifiées jusqu’à présent sont les TH1, les TH2,
le récepteur de sphingosine 1-phosphate les TH17 et les cellules T régulatrices. Ces sous-populations, particulièrement les TH1,
(S1PR) est exprimé par les cellules T naïves
au repos, ce qui permet la sortie des cellules
les TH2 et les TH17 sont définies sur base des différentes cytokines qu’elles sécrètent.
non activées. La régulation à la baisse de Les premières de ces sous-populations à être distinguées furent les cellules TH1 et TH2
S1PR durant plusieurs jours après l’activation (voir Fig. 8.27). Les cellules TH1 ont une double fonction. L’une est de contrôler les
empêche la sortie de la cellule T pendant la bactéries qui peuvent établir des infections intravésiculaires dans les macrophages,
période de prolifération et de différenciation.
Après plusieurs jours, il est exprimé à comme les mycobactéries qui causent la tuberculose et la lèpre. Les macrophages
nouveau, permettant aux cellules effectrices de captent ces bactéries par le processus habituel, mais elles échappent aux mécanis-
sortir du tissu lymphoïde. mes de lyse décrits au Chapitre 2. Si une cellule TH1 reconnaît des antigènes bacté-
riens présentés à la surface d’un macrophage infecté, elle interagira avec la cellule
infectée pour l’activer davantage, stimulant l’activité microbicide du macrophage afin
de le rendre capable de tuer les bactéries intracellulaires. Le second rôle des cellu-
les TH1 est de stimuler la production d’anticorps contre les pathogènes extracellulai-
res en transmettant des signaux costimulateurs aux lymphocytes B naïfs activés par
l’antigène. Les cellules TH1 induisent également une commutation de classe dans les
cellules B activées et leur font produire des isotypes particuliers d’anticorps.
Les cellules TH2 exercent une fonction similaire ; elles activent des cellules B naï-
ves et induisent une commutation de classe. Les cellules TH2 sont requises en par-
ticulier pour la production de la classe d’anticorps IgE, dont le rôle principal est
de lutter contre les infections parasitaires, comme nous le verrons au Chapitre 9.
L’IgE est aussi l’anticorps responsable des allergies, ce qui offre un intérêt médical
supplémentaire à la différenciation TH2, comme nous le verrons au Chapitre 13.
En raison de leurs rôles de fournisseurs d’aide à la production d’anticorps, les cel-
lules TH1 et TH2 sont souvent appelées cellules T auxiliaires (voir la Section 1-4).
Nous décrirons les fonctions des cellules TH1 comme activatrices des macropha-
ges plus loin dans ce chapitre ; les fonctions auxiliaires des cellules TH1 et TH2 pour
la production d’anticorps seront décrites au Chapitre 9. Une sous-population de
cellules T CD4 effectrices décrites beaucoup plus récemment est constituée par les
cellules TH17. Elles sont induites tôt au cours de la réponse immunitaire adaptati-
ves aux bactéries extracellulaires et semblent être impliquées dans la stimulation
des neutrophiles qui contribuent à l’élimination de telles bactéries (voir Fig. 8.27).
Toutes les cellules  T effectrices décrites ci-dessus sont impliquées dans l’activa-
tion de leurs cellules cibles afin que celles-ci contribuent à éliminer le pathogène
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 351

de l’organisme. D’autres cellules T CD4 trouvées en périphérie exercent une fonc-


tion différente. Ce sont les cellules T régulatrices, dont la fonction est de supprimer
les réponses des cellules T plutôt que de les activer. Elles sont impliquées dans le
contrôle de la réponse immunitaire et dans la prévention des réponses auto-immu-
nes. On distingue actuellement deux groupes principaux de cellules T régulatrices.
Une sous-population est orientée vers un destin régulateur alors que ces cellules
se trouvent encore dans le thymus ; on les appelle cellules T régulatrices naturel-
les (Treg). D’autres sous-populations de cellules T CD4 régulatrices avec différents
phénotype s ont été décrites plus récemment et l’on pense qu’elles se différencient
en périphérie à partir de cellules T CD4 naïves sous l’influence de conditions envi-
ronnementales particulières. On les appelle cellules T régulatrices adaptatives.

Fig. 8.27 Les cellules T CD8 cytotoxiques et les cellules T CD4 la souris). Les cellules TH2 par contre produisent des cytokines qui
effectrices, TH1, TH2 et TH17 sont spécialisées dans l’affrontement induisent la différenciation des cellules B et la production d’autres classes
contre les différentes classes de pathogènes. Les cellules T CD8 d’immunoglobulines, spécialement l’IgE ; elles favorisent la réponse
cytotoxiques (panneau de gauche) tuent les cellules cibles dont les des cellules B en activant la prolifération des cellules B naïves et leur
molécules du CMH de classe I présentent à la surface cellulaire un production d’IgM. Les différents types d’immunoglobulines constituent
fragment peptidique provenant de pathogènes cytosoliques, le plus les molécules effectrices de la réponse immunitaire humorale. Les
souvent des virus. Les cellules TH1 (deuxième panneau) et TH2 (troisième cellules TH17 (quatrième panneau) ont été reconnues récemment comme
panneau) expriment toutes deux le corécepteur CD4 et reconnaissent des formant une sous-population de cellules T CD4 effectrices. Elles suscitent
fragments d’antigènes dégradés à l’intérieur de vésicules cytoplasmiques la production, par les épithéliums et les cellules stromales, de chimiokines
et présentés à la surface par des molécules du CMH de classe II. Les qui recrutent les neutrophiles dans les foyers infectieux tôt au cours
cellules TH1 produisent des cytokines qui activent les macrophages, de la réponse immunitaire adaptive. Une sous-population de cellules T
les rendant aptes à détruire les micro-organismes intracellulaires effectrices comprend les cellules T régulatrices (panneau de droite), une
plus efficacement. Elles peuvent aussi activer la production par les classe hétérogène de cellules qui suppriment l’activité des cellules T et
cellules B d’anticorps fortement opsonisants appartement à certaines qui préviennent le développement de l’auto-immunité durant les réponses
sous-classes d’IgG : IgG1 et IgG3 chez l’homme, IgG2a et IgG2b chez immunitaires.

Cellules T CD8 :
Cellules T CD4 : peptide + CMH de classe II
peptide + CMH de classe I

Cellules T cytotoxiques (tuent) Cellules TH1 Cellules TH1 et TH2 Cellules TH17 Cellules Treg

CTL TH1 TH2 TH17 Treg

tuent activent activent


activent inhibent

toxine fibroblastes, cellule dendritique


cellule infectée bactérienne cellules épithéliales immature
par un virus cellule B
bactéries spécifique d’antigène
intracellulaires
macrophage

CTL TH1 TH 2 TH17 Treg

T
anticorps CD4
antitoxine

cellule apoptotique bactéries intracellulaires mortes plasmocyte neutrophiles


352 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Une APC stimule une cellule T CD4 effectrice,


8-18 Les cellules T CD8 peuvent être activées de différentes manières
qui à son tour active l’APC pour devenir des cellules effectrices cytotoxiques.

cellule T cellule T Après ce bref survol des cellules T effectrices et de leur fonctions, nous allons voir
CD4 CD8 maintenant comment elles dérivent des cellules T naïves. Les cellules T CD8 naï-
activation
ves se différencient en cellules cytotoxiques et, peut-être parce que les actions
TCR
effectrices de ces cellules sont si destructrices, les cellules T CD8 naïves requiè-
CD4 rent plus de costimulation pour devenir des cellules effectrices que les cellules T
CD28 CD4 naïves. Cette exigence peut être rencontrée de deux façons. La plus simple est
une activation par des cellules dendritiques matures, qui exercent une forte acti-
B7 CD8
CMH II CMH I vité costimulatrice. Ces cellules peuvent stimuler directement les cellules T CD8 et
leur faire synthétiser l’IL-2 qui dirige leur propre prolifération et différenciation, et
cellule présentatrice d’antigène
cette propriété a été exploitée pour stimuler des réponses des cellules T cytotoxi-
ques contre des tumeurs, comme nous le verrons dans le Chapitre 15.
Une APC activée exprime CD40 et 4-IBBL,
qui costimulent les cellules T CD8 naïves Une telle sensibilisation directe des cellules CD8 par une cellule présentatrice d’an-
tigène infectée par un virus peut avoir lieu dans certaines situations, mais dans la
majorité des infections virales il semble que l’activation des cellules T CD8 requiert
une aide supplémentaire. Celle-ci est fournie par des cellules T CD4 effectrices qui
IL-2 IL-2 reconnaissent des antigènes apparentés à la surface de la même cellule présenta-
trice d’antigène (Fig. 8.28). On pense que les actions des cellules T CD4 sont néces-
saires pour compenser une costimulation insuffisante des cellules T CD8 naïves
4-IBB par la cellule présentatrice d’antigène infectée par un virus ; le recrutement d’une
CD40L cellule T CD4 effectrice active la cellule présentatrice d’antigène qui exerce alors
CD40 4-IBBL une activité costimulatrice plus forte. Les cellules dendritiques sont porteuses de
CD40 (voir la Section 8-8), qui en se liant à son ligand sur la cellule T CD4 induit
l’expression de B7 sur la cellule dendritique et lui permet ainsi de costimuler direc-
Fig. 8.28 La réponse de la plupart des tement la cellule T CD8 naïve. La contribution des cellules CD4 peut aussi venir de
cellules T CD8 nécessitent la contribution la production d’IL-2, qui favorise la différenciation de la cellule T CD8.
de cellules T CD4. Les cellules T CD8 qui
reconnaissent l’antigène sur des cellules
exprimant peu de molécules de costimulation 8-19 Diverses formes du signal 3 induisent la différenciation des cellules T
ne peuvent être activées qu’en présence
de cellules T CD4 fixées à la même cellule CD4 naïves dans des voies effectrices distinctes.
présentatrice d’antigène (APC). La cellule T
CD4 effectrice, en reconnaissant l’antigène sur La différenciation des cellules T CD4 est plus diversifiée que celle des cellules T
la cellule présentatrice d’antigène, fait exprimer CD8. Alors que ces dernières semblent adopter un phénotype cytotoxique uni-
par celle-ci un taux plus élevé de molécules de
costimulation. Les cellules T CD4 produisent
forme, les cellules T CD4 peuvent se différencier en divers types de sous-popula-
de l’IL-2 en abondance et contribuent ainsi à la tions effectrices qui orientent d’autres cellules vers des destinées distinctes. Le sort
prolifération des cellules T CD8. La cellule T CD8 de la descendance des cellules T CD4 naïves est décidé en grande partie durant la
ainsi activée peut alors produire sa propre IL-2. sensibilisation initiale ; il dépend des signaux provenant de l’environnement local,
particulièrement en fonction de la sensibilisation de la cellule présentatrice d’anti-
gène. C’est l’ensemble de ces signaux que nous appelons le signal 3. Actuellement,
on sait que les cellules T CD4 naïves se différencient dans au moins quatre sous-
populations effectrices, les TH1, les TH2, les TH17 et les cellules T régulatrices adap-
tatives  ; ces dernières pourraient constituer une sous-population hétérogène,
agissant par la sécrétion de diverses cytokines inhibitrices (Fig. 8.29).
La différenciation des sous-populations TH1 et TH2 est la mieux connue et nous
aborderons ce sujet en premier lieu. Ces sous-populations se distinguent princi-
palement par leur production de cytokines spécifiques, comme l’IFN-γ et l’IL-2 par
les cellules TH1, et l’IL-4 et l’IL-5 par les cellules TH2. On trouve souvent que l’une
ou l’autre de ces deux sous-populations prédomine dans les réponses immuni-
taires qui deviennent chroniques, comme dans l’auto-immunité ou les allergies.
Dans la plupart des réponses aiguës à une infection, il est probable que tant les cel-
lules TH1 que les cellules TH2 interviennent dans le développement d’une réponse
effective. On dispose de pas mal d’informations sur le mécanisme par lequel ces
deux sous-populations sont générées. La décision de se différencier en cellules TH1
ou TH2 est prise tôt au cours de la réponse immunitaire, et un déterminant impor-
tant de la voie de différenciation est le mélange de cytokines produites par les cel-
lules du système immunitaire inné en réponse aux pathogènes.
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 353

Fig. 8.29 La nature du signal 3 détermine


Signal 3 transmis par la cellule présentatrice d’antigène le type de fonction effectrice particulière
que la cellule T CD4 naïve exercera.
TGF-β IL-12 Les cellules T CD4 naïves répondent aux
TGF-β IL-4 IL-10 complexes spécifiques peptide:CMH de
IL-6 IFN-γ
classe II et aux molécules costimulatrices
en produisant de l’IL-2 et en proliférant.
Les cellules présentatrices d’antigène,
FoxP3 RORγT T-bet GATA-3 ? principalement les cellules dendritiques,
produisent diverses cytokines ou expriment
des protéines de surface qui transmettent
le signal 3 afin d’induire le développement
des cellules T CD4 en types distincts de
TGF-β, IL-10 IL-6, IL-17 IL-2, IFN-γ IL-4, IL-5 IL-10, TGF-β cellules effectrices. La nature particulière du
signal 3 dépend de l’environnement, comme
Cellules Treg Cellules TH17 Cellules TH1 Cellules TH2 Cellules TR1/TH3 l’exposition à divers pathogènes. Lorsque les
pathogènes sont absents, une abondance
relative de TGF-β et l’absence d’IL-6, d’IFN-γ
et d’IL-12 favorise le développement de
Dans le cas du développement des TH1, le signal 3 comprend les cytokines IFN-γ cellules Treg adaptatives exprimant FoxP3. Au
et IL-12, qui favorisent la différenciation des cellules  T CD4 en TH1 lorsqu’elles début d’une infection, l’IL-6 produite par des
sont présentes à un stade précoce de l’activation des cellules T. Comme décrit à la cellules dendritiques, associée au TGF-β, induit
Section 6-23, de nombreuses cytokines importantes, entre autres l’IFN-γ et l’IL-12, des cellules TH17 qui expriment le facteur de
transcription ROR-γT et qui sont amplifiées
stimulent la voie de signalisation intracellulaire JAK–STAT, qui aboutit à l’activation par l’IL-23. Plus tard, les cellules dendritiques
de gènes spécifiques. Les différents membres des familles de protéines JAK (JAnus et d’autres cellules présentatrices d’antigène
tyrosine Kinases) et STAT (Signal Transducing Activators of Transcription), lorsqu’ils produisent des cytokines qui favorisent soit les
sont activés, peuvent avoir des effets variés. La différenciation vers la fonction TH1 TH1 (IFN-γ et IL-12) ou les TH2 (IL-4 et ligands
de Notch) et suppriment le développement
est favorisée par l’activation de STAT1 dans les cellules T naïves stimulées par l’anti- des TH17. Les cellules TH1 et TH2 expriment
gène et l’IFN-γ. En cas d’infection, l’IFN-γ est produit au départ par des cellules du respectivement les facteurs de transcription
système immunitaire inné, comme les cellules NK, les cellules dendritiques et les T-bet et GATA-3. D’autres sous-populations
macrophages, le gène de IFN-γ étant éteint dans les cellules T CD4 naïves. régulatrices adaptatives (TR1 et TH3) requièrent
la signalisation provenant de l’IL-10 durant la
STAT1 à son tour induit l’expression d’un autre facteur de transcription, T-bet, qui différenciation des cellules T CD4. Pour chaque
sous-population effectrice, la figure ne reprend
allume le gène de l’IFN-γ dans les cellules T et induit aussi l’expression de la sous-unité que quelques cytokines caractéristiques.
de signalisation du récepteur de l’IL-12. Ces cellules T vont alors devenir des cellu-
les TH1. La cytokine IL-12, produite à nouveau par des cellules du système immuni-
taire inné comme les cellules dendritiques, peuvent alors agir par ce récepteur, par
une voie de signalisation qui active STAT4, afin de promouvoir l’expansion et la diffé-
renciation des cellules TH1. Ces cellules effectrices TH1 vont produire en abondance
de l’IFN-γ lorsqu’elles reconnaîtront un antigène sur une cellule cible, renforçant ainsi
le signal de différenciation de cellules TH1. Ainsi, la reconnaissance d’un type parti-
culier de pathogène par le système immunitaire inné lance une réaction en chaîne
qui connecte la réponse innée à la réponse immunitaire adaptative ; par exemple, des
infections bactériennes stimulent la production d’IL-12 par les cellules dendritiques et
les macrophages, ce qui favorise l’émergence de cellules TH1 effectrices. Celles-ci favo-
risent des fonctions effectrices comme l’activation des macrophages nécessaire à l’éli-
mination des infections causées par exemple par des mycobactéries et Listeria ainsi
que l’aide nécessaire à la production d’anticorps contre les bactéries extracellulaires.
Le développement TH2 est favorisé par un signal 3 différent, en ce cas, l’IL-4 (voir
Fig. 8.29). Cette cytokine est la plus puissante inductrice du développement TH2 à
partir des cellules T CD4 naïves. Si celles-ci entrent en contact avec l’IL-4 alors qu’el-
les sont activées par un antigène, le signal de l’IL-4 active STAT6, qui stimule l’expres-
sion du facteur de transcription GATA-3 dans la cellule T. GATA-3 est un activateur
puissant des gènes de plusieurs cytokines produites de manière caractéristique par
les cellules TH2, qui comprennent l’IL-4, qui induit ainsi sa propre expression. De
cette manière, GATA-3 induit et maintient la différenciation TH2. On ignore encore
s’il existe une seule source distincte d’IL-4 qui au départ déclenche la réponse TH2.
Des observations récentes on suggéré que certaines protéines sécrétées par des cel-
lules dendritiques activées peuvent mener à l’activation des gènes IL-4 et GATA-3
dans les cellules T, déclenchant ainsi une cascade de rétroaction positive ou de dif-
férenciation des cellules  TH2 à la suite d’une sécrétion continue d’IL-4. On pense
que ces signaux des cellules dendritiques sont des ligands du récepteur Notch sur
les cellules T (il en a été question au Chapitre 7 en relation avec son rôle dans le
354 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

développement des cellules  T dans le thymus). Bien que nos connaissances à ce


sujet restent incomplètes, il semble que les ligands de Notch puissent être produits
par des cellules dendritiques sous certaines conditions, et que la signalisation venant
de Notch augmente la transcription du gène de l’IL-4 dans les cellules T in vitro.
Les cellules TH1 et TH2 ont été analysées en détail car on a trouvé des conditions qui
leur permettent d’être générées en abondance et maintenues in vitro. D’autres sous-
populations fonctionnelles de cellules CD4 ont été reconnues récemment, mais leurs
propriétés et les conditions dans lesquelles elles se différencient sont encore peu
connues. Les cellules CD4 TH17 se distinguent par leur aptitude à produire la cytokine
IL-17 mais pas d’IFN-γ ni d’IL-4, et elles ont été reconnues récemment en tant que
lignée effectrice distincte (voir Fig. 8.29). Les cellules T CD4 naïves forment la lignée
TH17 lorsque l’IL-6 et le TGF-β (Transforming Growth Factor-β, facteur de croissance
transformant-β) sont présents alors que l’IL-4 et l’IL-12 sont absents ; elles expriment
le récepteur de la cytokine IL-23 plutôt que le récepteur de l’IL-12 exprimé par les cel-
lules TH1. On pense que l’orientation TH17 est sous le contrôle du facteur de trans-
cription RORγT, qui est induit dans ces conditions et qui entraîne l’expression du
récepteur de l’IL-23. L’IL-23 semble nécessaire à l’expansion et au développement de
l’activité effectrice TH17 comme l’IL-12 est requise pour les réponses TH1.
Les autres sous-populations effectrices de cellules  T qui peuvent se différencier
à partir des cellules T CD4 naïves sont les cellules T régulatrices adaptatives (voir
Fig. 8.29). Elles produisent les cytokines IL-10 et TGF-β qui inhibent les réponses
des cellules T. Ces cytokines inhibitrices donnent à ces cellules une activité régu-
latrice, qui est importante dans le maintien de la tolérance au soi durant de fortes
réactions immunitaires à des pathogènes.
Les conséquences du développement de ces diverses sous-populations CD4 sont
profondes : la production sélective de cellules TH1 conduit à l’immunité cellulaire
et à la production de classes d’anticorps opsonisants (surtout IgG), tandis que la
production des cellules TH2 assure de manière prédominante l’immunité humo-
rale, en favorisant la production d’IgM, d’IgA et d’IgE. Les cellules TH17 semblent
tirer leur importance du recrutement des neutrophiles qui contrôlent les stades
précoces d’une infection, alors que les sous-populations de cellules T régulatrices
atténuent l’inflammation et maintiennent la tolérance.
Les diverses sous-populations de cellules T peuvent avoir un impact important sur
l’évolution d’une infection Un exemple frappant est celui de la lèpre, une maladie cau-
sée par Mycobacterium leprae. Comme M. tuberculosis, M. leprae croît dans les vésicu-
les des macrophages. Pour que la défense immunitaire soit efficace, il faut que les
macrophages soient activés par les cellules  TH1. Chez les patients atteints de lèpre
tuberculoïde, dans laquelle des cellules TH1 sont principalement induites, on trouve
peu de bactéries vivantes, la production d’anticorps est faible, et, bien que la peau et les
nerfs périphériques soient endommagés par les réactions inflammatoires associées à
l’activation des macrophages, la maladie progresse lentement et, habituellement, le
patient survit. Cependant, lorsque ce sont les cellules  TH2 qui sont principalement
Lèpre lépromateuse induites, la réponse est essentiellement humorale, et les anticorps produits ne peuvent
atteindre les bactéries intracellulaires ; les patients développent alors la lèpre lépro-
mateuse, au cours de laquelle M. leprae se multiplie rapidement dans les macropha-
ges, ce qui entraîne de graves lésions tissulaires qui aboutissent à la mort.

8-20 Les cellules T CD4 régulatrices sont impliquées dans le contrôle


des réponses immunitaires adaptatives.
Les cellules T régulatrices trouvées en périphérie forment un groupe hétérogène
de cellules dont les origines diffèrent. Une sous-population devient régulatrice
durant son développement dans le thymus (voir la Section 7-18) ; ce sont les cellu-
les T régulatrices naturelles (Treg naturelles). Elles sont porteuses de CD4 et expri-
ment la chaîne α du récepteur de l’IL-2 (CD25) et, en forte densité, le récepteur de
la sélectine L, CD62L, et représentent environ 10–15 % des cellules T CD4 dans la
Sensibilisation des cellules T naïves par des cellules dendritiques activées par un pathogène 355

circulation humaine. Les Treg naturelles expriment le facteur de transcription


FoxP3, qui interfère avec l’interaction entre AP-1 et NFAT au niveau du promoteur
de l’IL-2, empêchant la transcription du gène de l’IL-2 (voir la Section 8-13). Les
Treg naturelles sont potentiellement autoréactives ; elles expriment le récepteur de
cellule T α:β conventionnel et semblent avoir été sélectionnées dans le thymus par
une liaison de forte affinité aux molécules du CMH contenant des peptides du soi.
On ignore si elles sont activées pour exercer leur fonction régulatrice en périphérie
au contact des mêmes ligands du soi qui les ont sélectionnées dans le thymus ou
d’autres antigènes autologues ou étrangers. Une fois activées, elles peuvent exer-
cer leurs effets par contact, bien que certaines observations suggèrent que leur
fonction tienne aussi à la sécrétion des cytokines IL-10 et TGF-β, qui inhibent la
prolifération des cellules T (voir Fig. 8.29). L’IL-10 peut également modifier la dif-
férenciation des cellules dendritiques, en inhibant leur sécrétion d’IL-12 et les
empêchant ainsi de promouvoir l’activation des cellules T et la différenciation TH1.
Une déficience fonctionnelle des Treg naturelles est responsable de plusieurs syn-
dromes auto-immuns décrits de manière plus détaillée au Chapitre 14. En plus de Syndrome IPEX (Immune
leur capacité de prévenir les maladies auto-immunes, les Treg naturelles suppri- dysregulation, Polyendocrinopathy,
ment in vitro la prolifération des cellules T induite par l’antigène spécifique et la Enteropathy, X-linked syndrome)
prolifération des cellules T en réponse à des cellules allogéniques.
Les cellules T régulatrices adaptatives, au contraire, se développent en périphérie
à partir de cellules T CD4 naïves non encore engagées dans une lignée particulière
(voir Fig. 8.29). Il s’agit d’un groupe hétérogène qui comprend plusieurs sous-popu-
lations de cellules T qui diffèrent par leur phénotype, leurs propriétés et les condi-
tions qui favorisent leur différenciation. L’une d’entre elles, appelées TH3, appartient
au système immunitaire des muqueuses (voir la Section  11-13). Les cellules  TH3
produisent l’IL-4, l’IL-10 et le TGF-β ; elles sont distinctes des cellules TH2 par leur
production de TGF-β. Elles prédominent dans les muqueuses et sont activées par
la présentation d’antigène dans ces tissus. Leur fonction serait de supprimer ou de
contrôler les réponses immunitaires dans les muqueuses, qui forment des barrières
contre un environnement chargé de germes. Une déficience en ces cellules est liée à
une maladie auto-immune de l’intestin et à une maladie inflammatoire intestinale.
L’administration orale de grandes quantités d’un autoantigène à des animaux peut
avoir comme conséquence une absence de réponse à ces antigènes lorsqu’ils sont
administrés par d’autres voies et peut prévenir une maladie auto-immune. C’est ce
que l’on appelle la tolérance orale (voir la Section 11-13). Son induction conduit à
l’expansion des cellules TH3, qui pourraient jouer un rôle dans ce mécanisme.
Une autre sous-population de cellules T régulatrices adaptatives est appelée TR1.
Les cellules TR1 ont été produites in vitro et sont probablement présentes in vivo.
Elles peuvent être cultivées in vitro en présence d’une forte concentration d’IL-10,
et leur développement est aussi favorisé par l’IFN-α. Elles sécrètent la cytokine inhi-
bitrice, le TGF-β mais pas l’IL-4, ce qui permet de les distinguer des cellules TH3.
L’origine naturelle des cellules  TR1 n’est pas connue. Les cellules dendritiques
immatures présentatrices d’antigène en absence de stimulus inflammatoire pour-
raient être à l’origine de l’IFN-α et de l’IL-10 qui induisent leur développement.
Plus récemment, une autre population de cellules T régulatrices adaptatives a été
décrite dans laquelle l’expression de FoxP3 est induite dans les cellules T naïves CD4
en périphérie dans un environnement où le TGF-β prédomine, plutôt que l’IFN-γ,
l’IL-12 ou l’IL-4. Ces cellules T régulatrices adaptatives CD4 peuvent produire du
TGF-β et exercer une suppression directe par d’autres mécanismes. La relation
entre ces cellules et les cellules  TH3 et TR1 n’est pas encore connue. L’IL-10 sup-
prime les réponses des cellules T directement en réduisant la production d’IL-2, du
TNF-α et d’IL-5 par les cellules T et indirectement en inhibant la présentation d’an-
tigène par diminution de l’expression du CMH et des molécules costimulatrices par
les cellules présentatrices d’antigène. Le TGF-β bloque de manière similaire la pro-
duction de cytokine par la cellule T, la division cellulaire et l’aptitude à tuer. Tous les
effets de l’IL-10 et du TGF-β ne sont pas immunosuppresseurs : l’IL-10 peut allon-
ger la survie des cellules B, favoriser leur maturation en plasmocytes et amplifier
356 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

l’activité des cellules T CD8. Néanmoins, l’effet dominant in vivo de l’IL-10 et du


TGF-β est immunosuppresseur, comme le montre le fait que des souris dépourvues
de l’une de ces cytokines sont prédisposées aux maladies auto-immunes.

Résumé.

La première étape cruciale dans l’immunité adaptative est l’activation ou la sen-


sibilisation des cellules T naïves spécifiques de l’antigène par une cellule présen-
tatrice d’antigène dans les tissus et organes lymphoïdes, à travers lesquels elles
passent continuellement. La caractéristique la plus distinctive de la cellule présen-
tatrice d’antigène est l’expression à la surface cellulaire de molécules costimulatri-
ces, dont les molécules B7 sont les plus importantes dans les réponses naturelles à
une infection. Les cellules T naïves ne répondront à un antigène que lorsque la cel-
lule présentatrice d’antigène présente un antigène spécifique au récepteur de cel-
lule T et une molécule B7 à CD28, le récepteur de B7 sur la cellule T.
L’activation des cellules T naïves conduit à leur prolifération et à la différenciation
de leur descendance en cellules T effectrices. La prolifération et la différenciation
dépendent de la production de cytokines, en particulier de l’IL-2, qui se lie à un
récepteur de forte affinité sur la cellule T activée. Les cellules T dont les récepteurs
d’antigène sont liés en absence de signaux costimulateurs ne produisent pas d’IL-2
et deviennent anergiques ou meurent. Cette double exigence de liaison du récep-
teur et de la costimulation par la même cellule présentatrice d’antigène contribue
à empêcher que les cellules T naïves ne répondent à des autoantigènes sur les cel-
lules tissulaires, qui sont incapables d’activité costimulatrice.
Les cellules T stimulées par l’antigène prolifèrent et deviennent des cellules T effec-
trices, l’événement critique dans la plupart des réponses immunitaires adaptatives.
Diverses formes de signal 3 contribuent au type de cellule T effectrice qui se déve-
loppe en réponse à une infection. La nature du signal 3 est influencée par la nature
de la réponse du système immunitaire inné lorsqu’il reconnaît le pathogène. Une
fois qu’un clone de cellules T est devenu effecteur, les cellules filles peuvent agir
sur toute cellule cible qui présente l’antigène à sa surface. Les cellules T effectri-
ces exercent diverses fonctions. Les cellules T CD8 cytotoxiques reconnaissent les
cellules infectées par un virus et les tuent. Les cellules TH1 effectrices activent les
macrophages, et ensemble elles assurent l’immunité cellulaire. Les cellules TH2 et
TH1 coordonnent l’activation des cellules B en vue de la production des différen-
tes classes d’anticorps, orientant ainsi la réponse immunitaire humorale. Les cel-
lules TH17 amplifient la réaction inflammatoire aiguë à une infection en recrutant
des neutrophiles dans le foyer infectieux. Les sous-populations de cellules T CD4
régulatrices freinent la réponse immunitaire en produisant des cytokines inhibitri-
ces, épargnant aux tissus voisins des dommages collatéraux.

Les propriétés générales des cellules T effectrices


et de leurs cytokines.
Toutes les fonctions effectrices des cellules T impliquent l’interaction d’une cel-
lule  T effectrice avec une cellule cible présentant l’antigène spécifique. Les pro-
téines effectrices libérées par les cellules T sont concentrées sur la cible par des
mécanismes qui sont activés par la reconnaissance de l’antigène. Le mécanisme
de concentration est commun à tous les types des cellules T effectrices, tandis que
leurs actions effectrices dépendent d’un réseau de protéines membranaires et
sécrétées qu’elles expriment ou libèrent lors de la liaison de leurs récepteurs d’an-
tigène. Les différents types de cellules T effectrices sont spécialisées dans la lutte
contre différents types de pathogènes, et les molécules effectrices qu’elles produi-
sent entraînent des effets distincts et appropriés sur la cellule cible.
Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs cytokines 357

8-21 L’interaction des cellules T effectrices avec leurs cellules cibles


commence par l’intervention non spécifique de molécules
d’adhérence cellulaire.

Une fois qu’une cellule T effectrice a terminé sa différenciation dans un tissu lym-
phoïde, elle doit trouver des cellules cibles qui présentent le complexe peptide:CMH
adéquat. Certaines cellules  TH2 rencontrent les cellules  B leur servant de cibles
sans quitter le tissu lymphoïde, comme nous le verrons au Chapitre 9. Cependant, L’interaction initiale de la cellule CD8 avec sa cible
la plupart des cellules T effectrices émigrent de leur site d’activation dans le tissu dépend de molécules d’adhérence non spécifiques
lymphoïde et rejoignent la circulation sanguine par le canal thoracique. En raison
des changements à la surface cellulaire survenus durant la différenciation, elles
peuvent migrer dans les tissus, particulièrement dans les foyers infectieux. Elles
sont guidées dans ces sites par des changements dans les molécules d’adhérence
exprimées sur l’endothélium des vaisseaux sanguins locaux comme conséquence LFA-1
de l’infection, et par des facteurs chimiotactiques locaux. ICAM

La liaison initiale d’une cellule T effectrice à sa cible, comme celle d’une cellule T
naïve à une cellule présentatrice d’antigène, est une interaction non spécifique de
l’antigène assurée par LFA-1 et CD2. La densité de LFA-1 et de CD2 est deux à qua-
tre fois plus élevée sur les cellules T effectrices que sur les cellules T naïves ; aussi,
les cellules T effectrices peuvent se lier efficacement aux cellules cibles pourvues de
Interaction non spécifique de l’antigène :
moins d’ICAM et de CD58 à leur surface que ne le sont les cellules présentatrices les cellules se séparent
d’antigène. Cette interaction est transitoire à moins que la reconnaissance de l’an-
tigène sur la cellule cible par le récepteur de cellule T ne déclenche une augmenta-
tion de l’affinité du LFA-1 des cellules T pour son ligand. La cellule T se lie alors plus
fermement à sa cible et reste liée suffisamment longtemps pour libérer ses molécu-
les effectrices. Les cellules T CD4 effectrices qui activent des macrophages ou font
sécréter des anticorps par les cellules B, doivent rester en contact avec leur cible
durant une période relativement longue. Par contre, on constate au microscope
que les cellules T cytotoxiques s’attachent et se détachent de cibles successives de
manière assez rapide au fur et à mesure de leur activité lytique (Fig. 8.30). En tuant
la cible, ou par certains changements locaux dans la cellule  T, la cellule  T effec-
trice se détache et attaque une autre cible. On ignore encore comment les cellules T
CD4 effectrices se détachent des cibles non porteuses d’antigène. Il semblerait que
la liaison de CD4 aux molécules du CMH de classe II en absence d’interaction du Reconnaissance spécifique de l’antigène : appariement
stable et libération focalisée des molécules effectrices
récepteur de cellule T fournisse un signal qui détache la cellule.

8-22 La liaison du complexe du récepteur de cellule T oriente la libération


des molécules effectrices en les concentrant sur la cellule cible.
Lorsque les récepteurs de cellule T et leurs corécepteurs se lient aux complexes
peptide:CMH du soi ou aux complexes peptide du soi:CMH du soi, ils se regrou-
pent au site de contact intercellulaire, formant ce que l’on appelle le complexe
supramoléculaire d’adhérence (SMAC, SupraMolecular Adhesion Complex) ou
synapse immunologique, que d’autres molécules de surface cellulaire peuvent
rejoindre. Par exemple, la liaison ferme de LFA-1 à ICAM-1 induite par l’engage-
ment du récepteur de cellule T crée un joint moléculaire qui entoure le récepteur Mort de la cible et libération de la cellule T CD8
de cellule T et son corécepteur (Fig. 8.31).

Fig. 8.30 Les interactions des cellules T porte pas d’antigène spécifique, la cellule T
avec leurs cibles impliquent des molécules se détache (deuxième panneau) et peut
d’adhérence non spécifiques. La première rechercher d’autres cibles potentielles jusqu’à
interaction principale s’établit entre LFA-1 ce qu’elle trouve son antigène spécifique
sur la cellule T (illustré ici par une cellule T (troisième panneau). Le signal transmis par
CD8 cytotoxique) et ICAM-1 et ICAM-2 sur le récepteur de la cellule T augmente la force
la cellule cible (panneau supérieur). Cette des interactions d’adhérence, ce qui prolonge
liaison permet à la cellule T de rester en le contact entre les deux cellules et stimule
contact avec la cellule cible et de rechercher la libération de molécules effectrices par la
à sa surface la présence de complexes cellule T. Finalement, la cellule T se détache
CMH:peptide spécifiques. Si la cellule cible ne (panneau inférieur).
358 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.31 La zone de contact entre complexe d’adhérence supramoléculaire


Anneau extérieur (rouge) Cercle intérieur (vert) une cellule T effectrice T et la cellule (SMAC, Supramolecular Adhesion Complex),
pSMAC cSMAC
cible ou partenaire forme une synapse qui est organisée en deux régions distinctes :
immunologique. Microphotographie confocale le SMAC externe, ou périphérique (pSMAC),
TCR, CD4, CD28
LFA-1:ICAM-1 en fluorescence de la zone de contact entre indiqué par l’anneau rouge ; et le SMAC
CMH:peptide
une cellule T et une cellule B (vue à travers interne, ou central (cSMAC), en vert brillant.
une des cellules). Les protéines dans la Le cSMAC contient le récepteur de cellule T
zone de contact entre la cellule T et la cellule (TCR), CD4, CD8, CD28 et CD2. Le pSMAC
présentatrice d’antigène forment une structure contient l’intégrine LFA-1 et la protéine du
appelée la synapse immunologique, dite aussi cytosquelette, la taline. Cliché de A. Kupfer.

Le regroupement des récepteurs de cellule T réoriente le cytosquelette qui pola-


rise la cellule effectrice de telle manière que la libération des molécules effectrices
soit concentrée dans le site de contact avec la cellule cible. La Fig. 8.32 illustre ce
processus pour une cellule T cytotoxique. Un intermédiaire important dans l’effet
sur le cytosquelette des cellules T est la protéine du syndrome de Wiskott-Aldrich
(WASP, Wiskott-Aldrich Syndrome Protein), dont une déficience est responsable de
l’incapacité des cellules T d’être polarisées, parmi d’autres effets, et cause le syn-
drome d’immunodéficience d’où la protéine tire son nom (voir la Section 12-15).
WASP est activée par la signalisation du récepteur de cellule T en passant par plu-
Syndrome de Wiskott-Aldrich sieurs voies, par exemple, par une protéine adaptatrice appelée Nck ou par les
petites protéines de liaison au GTP, Cdc42 et Rac1, qui sont activées par une pro-
téine adaptatrice, Vav. La polarisation commence avec la réorganisation locale du
cytosquelette de l’actine corticale au site de contact, ce qui conduit à la réorienta-
tion, d’une part, du centre d’organisation des microtubules (MTOC, MicroTubule-
Organizing Center ), le centre à partir duquel le cytosquelette des microtubules est
produit, et d’autre part, de l’appareil de Golgi (AG), par lequel transitent la plupart
des protéines destinées à la sécrétion. Dans la cellule T cytotoxique, la réorienta-
tion du cytosquelette concentre l’exocytose des granules cytotoxiques préformés
au site de contact avec sa cellule cible. La polarisation d’une cellule T concentre
aussi la sécrétion des molécules effectrices solubles dont la synthèse est induite de
novo par l’engagement du récepteur de cellule  T. Par exemple, la cytokine IL-4
sécrétée, qui est la principale molécule effectrice des cellules TH2, est confinée et
concentrée au site de contact avec la cellule cible (voir Fig. 9.6).
Ainsi, le récepteur de cellule T spécifique de l’antigène contrôle la transmission des
signaux effecteurs de trois manières : il induit une liaison ferme des cellules effectrices
à leur cellule cible pour créer ainsi un espace étroit dans lequel des molécules effec-
trices peuvent être concentrées ; il focalise leur libération dans le site de contact en
réorientant l’appareil sécrétoire de la cellule effectrice ; et il déclenche leur synthèse
et / ou leur libération. Tous ces mécanismes contribuent à diriger l’action des molécu-
les effectrices sur la cellule porteuse de l’antigène spécifique. L’activité effectrice des
cellules T est ainsi très sélective et concentrée sur les cellules cibles appropriées, alors
que les molécules effectrices elles-mêmes sont non spécifiques d’antigène.

8-23 Les fonctions effectrices des cellules T dépendent des diverses


molécules effectrices qu’elles produisent.

Les molécules effectrices produites par des cellules T effectrices se répartissent en


deux vastes catégories : d’une part, les cytotoxines, qui sont stockées dans des gra-
nules cytotoxiques spécialisés et libérés par les cellules  T CD8 cytotoxiques (voir
Fig. 8.32), et d’autre part, les cytokines et les protéines apparentées associées à la
membrane, qui sont synthétisées de novo par toutes les cellules T effectrices. Les
cytotoxines sont les principales molécules effectrices des cellules T cytotoxiques et
seront décrites dans la Section 8-28. Leur libération doit être strictement contrôlée
car elles agissent de manière non spécifique : elles peuvent pénétrer dans la bicou-
che lipidique et déclencher l’apoptose de n’importe quelle cellule. Par contre, les
Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs cytokines 359

Fig. 8.32 La polarisation des cellules T au


Collision et adhérence non spécifique cours de la reconnaissance spécifique de
l’antigène permet aux molécules effectrices
cellule T cytotoxique cellule cible d’agir sur la cellule cible portant l’antigène.
L’exemple illustré ici est celui d’une cellule T
AG CD8 cytotoxique. Les cellules T cytotoxiques
contiennent des lysosomes spécialisés,
appelés granules cytotoxiques (en rouge dans
les panneaux de gauche), qui contiennent des
protéines cytotoxiques. La liaison initiale à la
cellule cible par les molécules d’adhérence
MTOC a n’a aucun effet sur la localisation des
granules lytiques, alors que celle du récepteur
d’antigène induit la polarisation de la cellule T.
La reconnaissance spécifique redistribue les composants La réorganisation de l’actine du cytosquelette
du cytosquelette et du cytoplasme de la cellule T
cortical au site de contact induit l’alignement
du centre organisateur des microtubules
(MTOC) qui, à son tour, aligne l’appareil de
sécrétion, dont l’appareil de Golgi (AG), vers
la cellule cible. Les protéines concentrées
dans les granules cytotoxiques provenant
du Golgi sont ainsi dirigées vers la cellule
cible. La micrographie du panneau a montre
b une cellule T cytotoxique libre et isolée. Les
microtubules du cytosquelette sont marqués
en vert et les granules lytiques en rouge. Notez
Libération des granules dans le site de contact cellulaire la dispersion des granules lytiques dans la
cellule T. Le panneau b montre une cellule T
cytotoxique fixée à une cellule cible (plus
grande). Les granules lytiques sont maintenant
regroupés au site de contact avec la cellule T.
La micrographie électronique du panneau c
montre la libération des granules par une
cellule T cytotoxique. Panneaux a et b, clichés
de G. Griffiths. Panneau c, cliché de E. Podack.

cellules T CD4 effectrices agissent surtout par la production de cytokines et de protéi-


nes associées à la membrane, et leurs actions sont restreintes aux cellules porteuses
de molécules du CMH de classe II et exprimant des récepteurs pour ces protéines.
La Fig. 8.33 reprend les principales molécules effectrices des cellules T. Les cytokines
forment un groupe diversifié de protéines ; nous allons les passer en revue brièvement
avant de décrire les cytokines des cellules T et leurs activités. Les cytokines solubles et
les molécules associées à la membrane agissent souvent de manière combinée.

8-24 Les cytokines peuvent agir localement ou à distance.

Les cytokines sont de petites protéines solubles sécrétées par une cellule qui peu-
vent modifier le comportement ou les propriétés de la cellule elle-même ou d’une
autre cellule. Elles sont produites par de nombreuses cellules autres que celles
du système immunitaire. Nous avons déjà décrit au Chapitre 2 les cytokines libé-
rées par les cellules phagocytaires, lorsqu’il était question des réactions inflam-
matoires qui sont importantes dans l’immunité innée. Ici nous nous intéresserons
surtout aux cytokines qui assurent les fonctions effectrices des cellules T. Les cyto-
kines produites par les lymphocytes sont souvent appelées lymphokines, mais
cette nomenclature est trompeuse car certaines lymphokines sont aussi sécrétées
par des cellules non lymphoïdes ; nous utiliserons dès lors le terme générique de
« cytokines » pour les désigner toutes. La plupart des cytokines produites par des
cellules T sont désignées par le terme interleukine (IL) suivi d’un chiffre : nous
en avons déjà rencontré plusieurs dans ce chapitre. La Fig. 8.34 reprend les cyto-
kines produites par les cellules T, et une liste plus complète des cytokines d’intérêt
immunologique est disponible dans l’Appendice III. La plupart des cytokines exer-
cent une multitude d’effets biologiques différents lorsque elles sont étudiées à forte
360 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Cellules T CD8 : Cellules T CD4 :


peptide + CMH de classe I peptide + CMH de classe II

Cellules T cytotoxiques (tuent) Cellules TH1 Cellules TH2 Cellules TH17 Cellules Treg

Molécules Molécules
Molécules Recrutement
effectrices effectrices Cytokines
effectrices Autres Autres Autres des Autres Autres
activatrices des activatrices suppressives
cytotoxiques neutrophiles
macrophages des cellules B
IL-3
Perforine IFN-γ IL-3
IL-4 GM-CSF
Granzymes IFN-γ GM-CSF LT-α IL-17A
IL-5 IL-10 TNF IL-10
Granulysine LT-α TNF-α CXCL2 (GROβ) IL-17F GM-CSF
IL-13 TGF-β CXCL1 (GROα) TGF-β
Ligand de Fas TNF-α ligand de CD40 IL-6
ligand de CD40 CCL11 (éotaxine)
ligand de Fas
CCL17 (TARC)

Fig. 8.33 Les sous-populations de concentration dans des tests biologiques in vitro, mais l’inactivation (knockout) de
cellules T effectrices produisent des gènes de cytokine et de récepteur de cytokine chez les souris (voir Appendice I,
molécules effectrices différentes. Les
cellules T CD8 sont essentiellement des Section A-47) a contribué à clarifier leurs rôles physiologiques.
cellules T tueuses qui reconnaissent des
complexes peptide:CMH de classe I. Elles
La principale cytokine libérée par les cellules T CD8 effectrices est l’IFN-γ, qui peut
libèrent la perforine (qui contribue au transfert bloquer la réplication virale ou même conduire à l’élimination du virus des cel-
des granzymes dans la cellule cible), les lules infectées sans les tuer. Les différences d’activités des sous-populations CD4
granzymes (des proprotéases qui, après effectrices reposent essentiellement par la batterie de cytokines produites. Les
activation dans la cellule, induisent l’apoptose)
et souvent la cytokine IFN-γ. Elles sont aussi contenus de ces mélanges diffèrent, mais peuvent se chevaucher partiellement.
porteuses d’une molécule membranaire Les cellules TH17 sécrètent l’IL-17, l’IL-6, le TNF et la chimiokine CXCL1, toutes
effectrice, le ligand de Fas (CD178). Lorsqu’il contribuant au recrutement des neutrophiles dans les foyers infectieux au début
se lie à Fas sur la cellule cible, celle-ci
de la réponse immunitaire adaptative. Les cellules  TH1 sécrètent l’IFN-γ, princi-
meurt par apoptose. Les diverses sous-
populations fonctionnelles des cellules T CD4 pale cytokine activatrice des macrophages, et la LT-α (aussi appelées lympho-
reconnaissent les complexes peptide:CMH de toxine ou TNF−β), qui activent les macrophages, inhibent les cellules  B, et sont
classe II. Les cellules TH1 sont spécialisées directement cytotoxiques envers certaines cellules. Les cellules TH2 sécrètent les
dans l’activation des macrophages qui sont
infectés ou qui ont ingéré des pathogènes ;
IL-4, IL-5, IL-9, IL-13 et portent le ligand de CD40 à leur surface ; tous ces agents
elles sécrètent l’IFN-γ ainsi que d’autres activent les cellules  B  ; elles produisent aussi l’IL-10, qui inhibe l’activation des
molécules effectrices et peuvent exprimer des macrophages. Au cours des stades précoces de l’activation, à la condition que des
molécules membranaires comme le ligand signaux costimulateurs soient transmis, les cellules T CD4 produisent l’IL-2 et, en
de CD40 et / ou le ligand de Fas. Le ligand de
CD40 induit l’activation de la cellule cible, alors
très petite quantité l’IL-4 et l’IFN-γ.
que le ligand de Fas induit l’apoptose des
Nous avons déjà expliqué à la Section  8-22 comment la liaison du récepteur de
cellules porteuses de Fas. Ainsi, la molécule
exprimée influence fortement la fonction TH1. cellule T dirige la libération polarisée de ces cytokines afin qu’elles soient concen-
Les cellules TH2 sont spécialisées dans la trées au site de contact avec la cellule cible. De plus, la plupart des cytokines
promotion des réponses immunitaires contre solubles exercent des actions locales qui ont un effet synergique avec ceux des
les parasites et favorisent aussi les réactions
allergiques. Elles contribuent à l’activation
molécules effectrices liées à la membrane. Les effets de toutes ces molécules sont
des cellules B et sécrètent les facteurs de dès lors combinatoires. Par ailleurs, les effecteurs liés à la membrane ne peuvent
croissance des cellules B, l’IL-4, l’IL-5, l’IL-9 se lier qu’aux récepteurs de la cellule interlocutrice, ce qui contribue à focaliser
et l’IL-13. La principale molécule effectrice les effets des cytokines sur la cellule cible. Les effets de certaines cytokines sont
membranaire exprimée par les cellules TH2
est le ligand de CD40 qui, en se liant à CD40 encore davantage confinés aux cellules cibles par la stricte régulation de leur syn-
sur la cellule B, induit sa prolifération et la thèse : celle des IL-2, IL-4 et IFN-γ est contrôlée par l’instabilité de l’ARNm (voir la
commutation isotypique (voir Chapitre 9). Section 8-13), de telle manière que leur sécrétion par les cellules T ne continue pas
Les cellules TH17 produisent des membres après la fin de l’interaction avec la cellule cible.
de la famille de l’IL-17 et l’IL-6, et contribuent
à l’inflammation aiguë en recrutant les Certaines cytokines exercent leurs effets à plus grande distance. L’IL-3 et le GM-CSF
neutrophiles dans le foyer infectieux. Les
cellules Treg, dont il existe plusieurs types,
(voir Fig. 8.34) sont libérés par les cellules TH1 et TH2 et agissent sur les cellules de
produisent des cytokines inhibitrices comme la moelle osseuse pour stimuler la production des macrophages et des granulocy-
l’IL-10 et le TGF-β et exercent des actions tes, qui sont des cellules effectrices non spécifiques, importantes tant pour l’im-
inhibitrices par des mécanismes inconnus munité humorale que cellulaire. L’IL-3 et le GM-CSF stimulent aussi la production
dépendant de contact cellulaire.
de cellules dendritiques à partir de précurseurs de la moelle osseuse. Les principa-
les cellules T activées dans les réactions allergiques sont de type TH2, et l’IL-5 qu’el-
les produisent peut augmenter la production des éosinophiles, qui contribuent à
la phase tardive d’une réaction allergique (voir la Chapitre 13). Le caractère local
ou plus distant des effets exercés par une cytokine donnée est probablement le
reflet de la quantité libérée, du degré de concentration des cytokines libérées sur
la cellule cible et de la stabilité de la cytokine in vivo.
Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs cytokines 361

Effets sur Effet


Cellule T
Cytokine de l’inactivation
productrice Cellules Autres cellules
Cellules B Cellules T Macrophages du gène
hématopoïétiques somatiques

Naïves, TH1, Stimule la croissance Stimule Réponses


Interleukine-2 (IL-2) certaines et la synthèse Croissance – la croissance – des cellules T ↓
cellules CD8 de la chaîne J des cellules NK IBD

Différenciation Inhibe Activation, Antiviral Sensibilité aux


Interféron-γ (IFN-γ) TH1, CTL synthèse d’IgG2a la croissance CMH de classe I ↑ Active CMH de classe I ↑ mycobactéries
(souris) des cellules TH2 et de classe II les cellules NK et classe II et à certains virus

Tue Absence
Active,
Lymphotoxine TH1, Active les fibroblastes de ganglions
Inhibe Tue induit la production
(LT, TNF-β) certains CTL les neutrophiles et les cellules lymphatiques
de NO
tumorales Rate déstructurée

Activation,
croissance, induction Croissance, Inhibe
Interleukine-4 (IL-4) TH2 l’activation Croissance des – Pas de TH2
d’IgG1, d’IgE, survie mastocytes ↑
CMH de classe II ↑ des macrophages

Souris : Croissance
TH2 – – – Diminution
Interleukine-5 (IL-5) différenciation et différenciation
de l’éosinophilie
Synthèse d’IgA des éosinophiles ↑

TH2 (certains TH1 Inhibe la libération Costimule


Interleukine-10 (IL-10) CMH de classe II ↑ Inhibe TH1 la croissance – IBD
chez l’homme), Treg de cytokines des mastocytes

Facteur de croissance
TH1, TH2, pour les cellules
Interleukin-3 (IL-3) – – – progénitrices des cellules – –
certains CTL hématopoïétiques
(multi-CSF)

Active, Active Septicémie


TH1, certains TH2, – – –
Facteur de nécrose induit la l’endothélium à bactéries
certains CTL
tumorale-α (TNF-α) production de NO microvasculaire Gram-négatives

Production des
Facteur stimulant
Activation granulocytes
les colonies
TH1, certains TH2, Inhibe Différenciation et macrophages – –
de granulocytes Différenciation
certains CTL la croissance ? des cellules (myélopoïèse)
et de macrophages
dendritiques et des cellules
(GM-CSF)
dendritiques ↑

TGF-β Cellules T Inhibe la croissance Inhibe Inhibe/stimule


Inhibe Active Mort à
(Transforming CD4 (Treg) Facteur de la croissance, la croissance
l’activation les neutrophiles ~10 semaines
Growth Factor-β ) commutation vers IgA favorise la survie cellulaire

Stimule la sécrétion
Cellules T Stimule de chimiokines
Interleukine-17 (IL-17) CD4 (TH17) – – – le recrutement par les fibroblastes –
macrophages des neutrophiles et les cellules
épithéliales

8-25 Les cytokines et leurs récepteurs se répartissent en familles


de protéines de structure apparentée. Fig. 8.34 Nomenclature et fonctions des
cytokines produites par les cellules T et
bien caractérisées. Chaque cytokine exerce
Les cytokines peuvent être regroupées par leur structure en différentes familles des activités multiples sur différents types
et leurs récepteurs peuvent l’être de même (Fig. 8.35). Nous avons rencontré des cellulaires. Les activités principales sont
membres de certaines de ces familles au Chapitre 2 et avons donné une vue d’en- surlignées en rouge. Le mélange de cytokines
sécrétées par un type cellulaire donné produit
semble des chimiokines (voir la Section 2-24). Nous allons maintenant concentrer de nombreux effets par ce qui est appelé un
notre attention sur les hématopoïétines, la famille du TNF et l’IFN-γ en raison de « réseau de cytokines ». ↑ : augmentation ;
leurs rôles importants dans les fonctions effectrices des cellules T. Les membres de ↓ : diminution ; CTL : lymphocyte T
la famille du TNF sont des trimères, dont la plupart sont de type membranaire et cytotoxique ; NK : cellule NK ; CSF : facteur
stimulant les colonies ; IBD (Inflammatory
dont les propriétés se distinguent ainsi de celles des autres cytokines. Néanmoins, Bowel Disease) : maladie inflammatoire de
elles partagent certaines propriétés importantes avec les cytokines solubles des l’intestin ; NO : oxyde nitrique.
362 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

Fig. 8.35 Les récepteurs des cytokines


appartiennent à des familles protéiques,
Récepteurs
chacune avec des sous-unités de structure Récepteurs de l’érythropoïétine et de l’hormone de croissance
homodimériques
distincte. De nombreuses cytokines
transmettent des signaux par des membres
de la superfamille des récepteurs de
βc
l’hématopoïétine, nom provenant du premier Les récepteurs de l’IL-3, IL-5 et GM-CSF partagent
membre de cette famille à être décrit, le Récepteurs une chaîne commune, CD131 ou βc (chaîne β commune)
récepteur de l’érythropoïétine. La superfamille hétérodimériques
des récepteurs de l’hématopoïétine avec une chaîne
comprend des récepteurs homodimériques commune γc Les récepteurs de l’IL-2, IL-4, IL-7, IL-9 et IL-15 partagent
et hétérodimériques, qui sont subdivisés en
une chaîne commune, CD132 ou γc (chaîne γ commune).
Le récepteur d’IL-2 a aussi une troisième chaîne,
familles sur base de la séquence protéique et une sous-unité de forte affinité l’IL-2Rα (CD25)
la structure de la sous-unité. Des exemples de
cette superfamille sont donnés dans les trois Récepteurs
premières rangées. Dans ces récepteurs, une hétérodimériques Récepteurs de l’IL-13, IFN-α, IFN-β, IFN-γ, IL-10
chaîne assure souvent la spécificité envers le (pas de chaîne
ligand alors que les chaînes β ou γ assurent commune)
la transduction du signal. Le récepteur de
la cytokine IL-6 des macrophages (voir Famille Récepteurs du facteur de nécrose tumorale (TNF) I et II
Chapitre 2) appartient aussi à la superfamille des récepteurs CD40, Fas (Apo1, CD95), CD30, CD27, récepteur du facteur
des récepteurs de l’hématopoïétine, mais du TNF de croissance des nerfs
transmet les signaux par une chaîne
accessoire différente de βc ou γc. Les
Famille
récepteurs des interférons et des cytokines
de type interféron sont hétérodimériques et des récepteurs CCR1–10, CXCR1–5, XCR1, CX3CR1
constituent une autre famille, plus petite, de de chimiokines
récepteurs de cytokine. Les autres familles
de récepteurs de cytokine sont la famille des
récepteurs du TNF (Tumor Necrosis Factor) cellules  T, puisqu’elles sont aussi synthétisées de novo lorsque l’antigène est
ou TNFR et la famille des récepteurs des reconnu par les cellules T et affectent le comportement de la cellule cible.
chimiokines, qui appartient elle-même à la
grande superfamille des récepteurs couplés De nombreuses cytokines solubles produites par les cellules T effectrices appartien-
aux protéines G. Chaque membre d’une famille nent à la famille des hématopoïétines. Ces cytokines et leurs récepteurs peuvent être
est un variant avec une spécificité distincte
imposant une fonction particulière à la cellule classés en sous-familles sur base de similitudes fonctionnelles et de lien génétique.
qui l’exprime. Pour la famille du TNFR, les Par exemple, les IL-3, IL-4, IL-5, IL-13 et GM-CSF sont apparentés par leur struc-
ligands fonctionnent sous forme de trimères ture, leurs gènes étant étroitement liés, toutes étant les cytokines principales produi-
et peuvent être associés à la membrane plutôt
tes par les cellules TH2. De plus, elles se lient à une famille de récepteurs étroitement
qu’être sécrétés. Vous rencontrerez tout au
long de ce livre les pictogrammes qui ont servi apparentés. Les récepteurs des IL-3, IL-5 et GM-CSF partagent une chaîne β com-
ici à la représentation de ces récepteurs. Parmi mune. Un autre sous-groupe de récepteurs de cytokine est défini par leur usage de la
les récepteurs repris dans cette figure, certains chaîne γ du récepteur de IL-2. Cette chaîne est partagée par les récepteurs des cytoki-
ont déjà été mentionnés, certains seront
traités dans les chapitres suivants et certains
nes IL-2, IL-4, IL-7, IL-9 et IL-15 ; elle est appelée chaîne γ commune (γc). Apparenté
sont des exemples importants pour d’autres de manière plus éloignée, le récepteur de l’IFN-γ est un membre d’une petite famille
systèmes biologiques. de récepteurs de cytokine partageant certaines similitudes avec les membres de la
famille des récepteurs des hématopoïétines. Cette famille comprend aussi le récep-
teur de l’IFN-α et de l’IFN-β, et les récepteurs de l’IL-10 et de l’IL-13.
De façon générale, les relations structurales, fonctionnelles et génétiques entre les cytoki-
nes et leur récepteurs suggèrent qu’elles se sont diversifiées en parallèle durant l’évolution
de fonctions effectrices de plus en plus spécialisées. Ces effets fonctionnels spécifiques
dépendent des événements de la signalisation intracellulaire qui sont déclenchés par la
liaison de cytokines à leurs récepteurs spécifiques. Les signaux des récepteurs des héma-
topoïétines et des interférons passent tous par la voie JAK–STAT et activent différentes
combinaisons de STAT avec des effets différents, comme décrit à la Section 8-19.

8-26 Les cytokines de la famille du TNF sont des protéines trimériques


habituellement associées à la surface cellulaire.

Le TNF-α est produit par des cellules T sous forme soluble ou associée à la membrane,
les deux formes étant constituées de trois chaînes protéiques identiques (homotri-
mère ; voir Fig. 2.44). La lymphotoxine-α (LT-α), appelée jadis TNF−β, peut être sécré-
tée comme un homotrimère, mais est habituellement liée à la surface cellulaire en
formant des hétérotrimères avec un troisième membre de cette famille, associé aussi à
la membrane et appelé LT-β. Les récepteurs de ces molécules, TNFR-I et TNFR-II, for-
ment des homotrimères lorsque ils se lient au TNF-α ou à la LT. La structure trimérique
Les propriétés générales des cellules T effectrices et de leurs cytokines 363

est caractéristique de tous les membres de la famille du TNF, et la trimérisation de leurs


récepteurs induite par le ligand semble être critique pour la signalisation.
La plupart des cellules T effectrices expriment des membres de la famille protéi-
que du TNF comme molécules de surface cellulaire. Les plus importants pour la
fonction effectrice des cellules T sont le TNF-α, la LT-α, le ligand de Fas (CD178) et
le ligand de CD40, ces deux derniers étant toujours associés à la surface cellulaire.
Toutes ces protéines se lient à des récepteurs qui sont membres de la famille des
TNFR ; le TNFR-I et le TNFR-II peuvent interagir chacune avec soit le TNF-α ou
LT-α, tandis que le ligand de Fas et le ligand de CD40 se lient respectivement aux
protéines transmembranaires Fas (CD95) et CD40 sur les cellules cibles. Fas Syndrome lymphoprolifératif
contient un domaine de « mort » dans sa queue cytoplasmique et la liaison de Fas auto-immun
par son ligand induit la mort par apoptose de la cellule porteuse de Fas (voir
Fig.  6.29). D’autres membres de la famille des TNFR, entre autres TNFR-I, sont
aussi associés à des domaines de mort et peuvent donc induire l’apoptose. Ainsi, le
TNF-α et la LT-α peuvent induire l’apoptose par liaison au TNFR-I.
Le ligand de CD40 est particulièrement important pour la fonction effectrice des cellu-
les T CD4 ; il est induit sur les cellules TH1 et TH2, et transmet des signaux activateurs aux
cellules B et aux macrophages par CD40. La queue cytoplasmique de CD40 est dépour-
vue de domaine de mort ; mais elle paraît liée en en aval à des protéines appelées TRAF
(TNF-Receptor-Associated Factors, facteurs associés au récepteur du TNF). CD40 est Immunodéficience hyper IgM
impliqué dans l’activation des cellules B et des macrophages ; la liaison de CD40 sur les liée à l’X
cellules B favorise la croissance et la commutation isotypique, tandis que la liaison de
CD40 sur les macrophages les fait sécréter du TNF-α et devenir réceptifs à des concen-
trations d’IFN-γ beaucoup plus faibles. Un déficit d’expression du ligand de CD40 est
associé à une immunodéficience, comme nous l’apprendrons aux Chapitres 9 et 14.

Résumé.
Les interactions entre cellules  T effectrices et leurs cibles commencent par une
adhérence intercellulaire transitoire non spécifique de l’antigène. Les fonc-
tions effectrices des cellules  T ne sont stimulées que lorsque des complexes
peptide:CMH à la surface de la cellule cible sont reconnus par le récepteur de la
cellule T effectrice. Cette reconnaissance déclenche une adhérence plus ferme de
la cellule T effectrice aux cellules cibles porteuses de l’antigène et la libération de
ses molécules effectrices directement sur la cellule cible, ce qui entraîne l’activa-
tion ou la mort de la cible. Les conséquences immunologiques de la reconnais-
sance de l’antigène par une cellule effectrice T sont déterminées largement par
la batterie de molécules effectrices qu’elle produit lors de la liaison spécifique à
la cellule cible. Les cellules T CD8 cytotoxiques concentrent des cytotoxines pré-
formées dans des granules spécialisés cytotoxiques dont la libération est focali-
sée étroitement sur le site of contact avec la cellule cible infectée, ce qui la tue
en évitant la destruction des cellules voisines non infectées. Des cytokines et des
membres de la famille du TNF, des protéines effectrices associées à la membrane,
sont synthétisées de novo par la plupart des cellules T effectrices. Les cellules TH1
expriment des protéines effectrices qui activent les macrophages, et les cytokines
responsables de la commutation de classe de certains anticorps. Les cellules TH2
expriment des protéines effectrices activatrices des cellules B ; elles sécrètent des
cytokines qui induisent la commutation de classe des anticorps impliqués dans les
réponses antiparasitaires et de type allergique. Les cellules TH17 sécrètent l’IL-17,
qui recrute dans le foyer infectieux des cellules d’inflammation aiguë comme les
neutrophiles. Des molécules effectrices associées à la membrane peuvent trans-
mettre des signaux uniquement à la cellule cible porteuse du récepteur approprié,
tandis que les cytokines solubles peuvent agir sur des récepteurs exprimés sur des
cellules cibles locales ou sur des cellules hématopoïétiques à distance. Les actions
des cytokines et des molécules effectrices associées à la membrane passant par
leurs récepteurs spécifiques, ainsi que les effets de la libération de cytotoxines par
les cellules CD8, représentent la plupart des fonctions effectrices des cellules T.
364 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

La cytotoxicité des cellules T.


Tous les virus, et certains bactéries, se multiplient dans le cytoplasme des cellules infec-
tées ; en effet, un virus est un parasite très complexe dépourvu de système de bio-
synthèse ou de métabolisme propre ; en conséquence, il ne peut se répliquer qu’à
l’intérieur de cellules. Bien que sensibles aux anticorps avant leur entrée dans les cellu-
les, une fois à l’intérieur, ces pathogènes deviennent inaccessibles aux anticorps et ne
peuvent être éliminés que par la destruction ou la modification des cellules infectées
dont ils dépendent. Ce rôle dans la défense est largement rempli par les cellules T CD8
Fig. 8.36 Les cellules T cytotoxiques CD8
cytotoxiques, bien que les cellules T CD4 puissent aussi acquérir des capacités cytotoxi-
peuvent induire l’apoptose des cellules ques. Le rôle crucial de cellules T cytotoxiques en limitant de telles infections est illustré
cibles. La reconnaissance spécifique des par la sensibilité accrue des animaux privés artificiellement de cellules T, ou des souris
complexes CMH:peptide sur la cellule cible et des patients déficients en molécules du CMH de classe I, qui présentent les antigènes
(panneaux supérieurs) par une cellule T CD8
cytotoxique (CTL, Cytotoxic T Lymphocyte) aux cellules T CD8. L’élimination des cellules infectées sans destruction des tissus sains
induit la mort par apoptose de la cellule requiert une grande précision dans l’orientation de la puissante activité cytotoxique.
cible. Les cellules T cytotoxiques peuvent
être recyclées pour tuer de multiples cibles.
Chaque destruction suit une série d’étapes 8-27 Les cellules T cytotoxiques peuvent induire la mort programmée
qui comprend la liaison du récepteur et
la libération des protéines cytotoxiques des cellules cibles.
concentrées dans les granules lytiques. Le
processus de l’apoptose est décrit dans Les cellules peuvent mourir de diverses façons. Des dommages physiques ou chimi-
les micrographies (panneaux inférieurs), ques, comme la privation d’oxygène qui survient dans le muscle cardiaque au cours
où le panneau a montre une cellule saine
avec un noyau normal. Très tôt au cours de
d’un infarctus ou des lésions membranaires causées par des anticorps et le complé-
l’apoptose (panneau b), la chromatine se ment, conduisent à la désintégration cellulaire ou nécrose. Le tissu nécrotique est ingéré
condense (rouge). Bien que la cellule rejette et dégradé par les cellules phagocytaires, qui finalement éliminent le tissu endommagé
des vésicules, l’intégrité de la membrane et permettent la guérison de la lésion. L’autre forme de mort est dite programmée ; elle
cellulaire est maintenue contrairement à la
cellule nécrotique dans la partie haute du
peut être due à l’apoptose ou à l’autophagie. L’apoptose est une réponse cellulaire nor-
même champs. Dans les stades tardifs de male qui est cruciale dans le remodelage tissulaire qui survient durant le développe-
l’apoptose (panneau c), le noyau de la cellule ment et la métamorphose chez tous les animaux multicellulaires. Comme nous l’avons
(cellule du centre) est très condensé, les vu au Chapitre 7, la plupart des thymocytes meurent par apoptose s’ils échouent à la
mitochondries ne sont plus visibles, la cellule
a perdu la majorité de son cytoplasme et de sa sélection positive. Les changements observés au début de l’apoptose sont des défor-
membrane lors de l’ouverture des vésicules. mations du noyau et de la cellule entière, suivies de la fragmentation de l’ADN. La cel-
Clichés (× 3500) de R. Windsor et E. Hirst. lule se détruit elle-même à partir de l’intérieur, s’atrophiant en perdant des vésicules

Un CTL reconnaît une cellule Le CTL programme la mort de la cible,


Le CTL migre vers une nouvelle cible La cellule cible meurt par apoptose
infectée par un virus et s’y attache induisant la fragmentation de l’ADN

a b c
La cytotoxicité des cellules T 365

membranaires, et se dégradant pour ne laisser que quelques vestiges. Une caractéris-


tique de l’apoptose est la fragmentation de ADN nucléaire en fragments de 200 paires
de bases par activation de nucléases qui clivent l’ADN entre les nucléosomes. Comme
nous l’avons décrit au Chapitre 5, l’autophagie est le processus de dégradation de pro-
téines et d’organites sénescents ou anormaux. Au cours de la mort cellulaire program-
mée autophagique, de grandes vacuoles dégradent les organites cellulaires avant la
condensation et la destruction du noyau qui sont caractéristiques de l’apoptose.
Les cellules T cytotoxiques tuent leurs cibles en induisant leur apoptose (Fig. 8.36).
Lorsque des cellules T cytotoxiques sont mélangées avec des cellules cibles et mises
rapidement à leur contact par centrifugation, elles peuvent induire la mort des cel-
lules cibles en 5 minutes, le processus pouvant toutefois prendre plusieurs heures
avant de devenir évident. La rapidité de cette réponse reflète la libération de molécu-
les effectrices préformées, qui activent une voie apoptotique dans la cellule cible.
Un mécanisme d’induction de l’apoptose qui ne dépend pas des granules cytotoxi-
ques implique des membres de la famille du TNF, particulièrement Fas et Fas ligand.
Au contraire de la destruction cellulaire des tissus infectés, ce mécanisme est utilisé
surtout pour réguler le nombre de lymphocytes. Les lymphocytes activés expriment à
la fois Fas et son ligand ; les cellules T activées cytotoxiques peuvent donc tuer d’autres
lymphocytes par l’activation des caspases, ce qui induit l’apoptose des lymphocytes
cibles. Ainsi, les interactions Fas–ligand de Fas sont importantes pour mettre fin à la
prolifération lymphocytaire après l’élimination du pathogène qui avait déclenché la
réponse immunitaire. A l’instar des cellules T cytotoxiques, les cellules TH1 et certai-
nes cellules TH2 sont capables de tuer des cellules par cette voie. L’importance de Fas
dans le maintien de l’homéostasie lymphocytaire est illustrée par les effets des muta-
tions dans les gènes codant Fas et le ligand de Fas. Les souris et les patients porteurs
d’une forme mutée de Fas développent une maladie proliférative associée à une grave
auto-immunité, décrite de manière plus détaillée à la Section 14-19. Une mutation du
gène codant le ligand de Fas dans une autre souche de souris produit un phénotype
quasi identique. Ces phénotypes représentent les exemples les mieux caractérisés
d’une auto-immunité généralisée causée par un défaut dans un gène unique.
En plus de la mort de la cellule cible, le mécanisme apoptotique peut aussi agir
directement sur les pathogènes cytosoliques. Par exemple, les nucléases qui sont
activées au cours de l’ apoptose afin de détruire l’ADN cellulaire peuvent aussi
dégrader l’ADN viral, ce qui empêche l’assemblage des virions et ainsi la libéra-
tion de virus infectieux, qui autrement pourraient infecter les cellules voisines.
D’autres enzymes activées au cours de l’apoptose peuvent détruire des pathogè-
nes cytosoliques non viraux. L’apoptose est dès lors préférable à la nécrose comme
moyen de tuer des cellules infectées ; dans les cellules mourant par nécrose, des
pathogènes intacts sont libérés de la cellule morte et peuvent continuer à infecter
des cellules saines ou parasiter les macrophages qui les ont ingérés.
Protéines dans
les granules des Actions sur les cellules
8-28 Les granules des cellules T CD8 cytotoxiques contiennent cellules T cibles
des protéines effectrices qui déclenchent l’apoptose. cytotoxiques

Aide le transfert du contenu


Le principal mécanisme d’action d’une cellule  T cytotoxique est la libération, Perforine des granules dans le
dépendant du calcium, de granules cytotoxiques lors de la reconnaissance de cytoplasme de la cellule cible
l’antigène à la surface de la cellule cible. Les granules cytotoxiques sont des lyso-
somes modifiés qui contiennent au moins trois classes distinctes de protéines Sérine protéases, qui
déclenchent l’apoptose
effectrices cytotoxiques exprimées spécifiquement dans les cellules  T cytotoxi- Granzymes
après leur arrivée dans le
ques (Fig. 8.37). De telles protéines sont concentrées dans les granules cytotoxi- cytoplasme de la cellule cible
ques sous forme active, mais les conditions dans les granules les empêchent de
fonctionner avant leur libération. Une de ces protéines cytotoxiques, appelée per- Granulysine
Activité antimicrobienne
forine, intervient dans le transfert du contenu des granules cytotoxiques à travers et inductrice d’apoptose
la membrane de la cellule cible. L’importance de la perforine dans la cytotoxicité
est bien illustrée chez les souris dont le gène de la perforine a été inactivé (knoc- Fig. 8.37 Protéines effectrices cytotoxiques
ked out). Leur capacité de développer une réponse cellulaire T cytotoxique est libérées par les cellules T cytotoxiques.
366 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

nettement diminuée contre de nombreux virus, mais pas tous. Une autre classe
de protéines cytotoxiques comprend une famille de sérine protéases, appelées
granzymes, qui sont au nombre de 5 chez l’homme et 10 chez la souris. La troi-
sième protéine cytotoxique, la granulysine, qui est exprimée chez l’homme, mais
pas chez la souris, exerce une activité antimicrobienne à forte concentration et est
capable d’induire l’apoptose des cellules cibles. Les granules qui contiennent la
perforine, les granzymes et la granulysine sont visibles dans les cellules CD8 effec-
trices cytotoxiques infiltrant un tissu infecté.
Tant la perforine que les granzymes sont nécessaires pour une lyse cellulaire effi-
cace. Leur rôle respectif a été étudié dans des expériences basées sur les similitudes
entre les granules cytotoxiques des cellules T CD8 et les granules des mastocytes plus
faciles à étudier. La libération des granules mastocytaires survient lors de l’intercon-
nexion des récepteurs de surface cellulaire de l’IgE, comme la libération des granules
cytotoxiques des cellules T survient après l’agrégation des récepteurs de cellule T à la
synapse immunologique. On pense que le mécanisme de signalisation pour la libéra-
tion des granules serait le même, ou du moins similaire dans les deux cas, car tant le
récepteur d’IgE que le récepteur de cellule T ont des motifs ITAM dans leur domaine
cytoplasmique, et leur interconnexion conduit à la phosphorylation des tyrosines
La liaison du TCR au complexe peptide:CMH des ITAM (voir le Chapitre  6). Lorsqu’une lignée mastocytaire est transfectée avec
cause la libération polarisée de la perforine et des gènes de perforine ou de granzyme, les produits des gènes sont concentrés dans
des granzymes complexés à la serglycine les granules des mastocytes, et lorsque la cellule est activée, ces granules sont libé-
rés. Si la transfection est limitée au gène de la perforine, les mastocytes peuvent tuer
cellule T cytotoxique
d’autres cellules, mais un grand nombre de cellules transfectées est nécessaire car la
lyse est très peu efficace. Les mastocytes transfectés avec le seul gène du granzyme B
sont incapables de tuer d’autres cellules. Cependant, lorsque des mastocytes expri-
granule mant la perforine sont également transfectés avec le gène du granzyme B, les cellules
TCR serglycine granzyme cytotoxique ou leurs granules purifiés deviennent aussi efficaces pour tuer la cible que les granu-
CMH perforine
les des cellules cytotoxiques. On a pensé que la perforine agissait en formant un pore
dans la membrane plasmique de la cellule cible, par lequel les granzymes entreraient.
cellule infectée par un virus
Cependant, il semble que la perforine et les granzymes forment des complexes mul-
timériques avec le protéoglycan, la serglycine, qui est le principal protéoglycan des
Les granzymes sont transférés dans le cytosol de la granules cytotoxiques et agit comme un échafaudage (Fig 8.38). Le granzyme B ne
cellule infectée et agissent sur BID et la procaspase-3 diffuse pas simplement à partir de l’espace extracellulaire à travers un pore de per-
forine comme on le pensait ; en fait, il est transféré sous la forme de complexes mul-
timériques dans le cytosol sans formation apparente d’un pore dans la membrane
plasmique, un mécanisme plus semblable à l’entrée d’un virus. Bien que le méca-
BAX
nisme exact ne soit pas encore connu, la perforine paraît agir comme le translocateur
BAD de ces complexes et assurer ainsi la libération du granzyme lié dans le cytosol.
BID procaspase-3
Les granzymes déclenchent l’apoptose de la cellule cible par activation des caspa-
ses. Le granzyme B clive et active la caspase-3, une cystéine protéase qui coupe après
BID tronqué (tBID) disloque la membrane
externe mitochondriale, et la caspase-3 les résidus d’acide aspartique (d’où le nom de caspase). La caspase-3 déclenche une
activée clive ICAD, libérant la DNase activée cascade protéolytique de caspases qui finalement active la CAD (Caspase-Activated
par les caspases (CAD) Deoxyribonuclease, désoxyribonucléase activée par les caspases) en clivant une pro-
téine inhibitrice (ICAD) qui se lie à CAD et l’inactive. On pense que cette nucléase
cytochrome c

tBID CAD Fig. 8.38 La perforine, les granzymes et sans formation apparente de pores. Après
caspase-3 la serglycine sont libérées des granules leur introduction, les granzymes agissent sur
cytotoxiques, les granzymes étant des cibles intracellulaires spécifiques comme
transférés dans le cytosol des cellules les protéines BID et la procaspase-3. Soit
cibles pour induire l’apoptose. Lorsque directement ou indirectement, les granzymes
La libération du cytochrome c dans le une cellule T CD8 cytotoxique reconnaît causent le clivage de BID en BID tronqué (tBID,
cytosol induit l’apoptose et CAD induit son antigène sur une cellule infectée par truncated BID) et le clivage de la procaspase-3
la fragmentation de l’ADN un virus, elle libère le contenu de ses en une caspase active (deuxième panneau).
granules cytotoxiques de manière polarisée. tBID agit sur les mitochondries pour libérer le
La perforine et les granzymes, couplés au cytochrome dans le cytosol, et la caspase-3
ICAD clivé protéoglycan, serglycine, sont livrés sous forme activée agit sur ICAD pour libérer la DNase
de complexes sur la membrane de la cellule activée par les caspases (CAD, Caspase-
ADN cible (panneau supérieur). Par un mécanisme Activated DNase) (troisième panneau). Le
inconnu, la perforine dirige l’entrée du contenu cytochrome c dans le cytosol induit l’apoptose
des granules dans le cytosol de la cellule cible et CAD fragmente l’ADN (panneau inférieur).
La cytotoxicité des cellules T 367

est bien l’enzyme qui dégrade l’ADN (voir Fig. 8.38). Le granzyme B active d’autres
voies menant à la mort cellulaire. Une cible importante est la protéine BID (for BH3-
Interacting Domain death agonist protein). Lorsque BID est clivée, soit directement
par le granzyme B ou indirectement par la caspase-3 activée, la membrane mito-
chondriale externe est altérée, ce qui libère des molécules pro-apoptotiques comme
le cytochrome c à partir de l’espace intermembranaire mitochondrial. On pense que
d’autres granzymes induisent l’apoptose en ciblant différents composants cellulai-
res. Les cellules mortes de manière programmée sont rapidement ingérées par les
cellules phagocytaires, qui reconnaissent un changement dans la membrane cel-
lulaire : la phosphatidylsérine, qui n’est présente normalement que dans le feuillet
interne de la membrane, remplace la phosphatidylcholine comme phospholipide Temps = 0
prédominant dans le feuillet externe. La cellule ingérée est détruite et complètement
digérée par le phagocyte sans induction de protéines costimulatrices., L’apoptose est
donc un processus immunologique « tranquille », c’est-à-dire que les cellules apop-
totiques n’induisent normalement pas de réponse immunitaire.

8-29 Les cellules T cytotoxiques sont sélectives et se comportent comme


des tueurs en série des cibles exprimant un antigène spécifique.
Lorsque des cellules T cytotoxiques sont exposées à un mélange en quantités éga-
les de deux cellules, l’une porteuse d’un antigène spécifique et l’autre pas, elles ne
tuent que les cellules porteuses de l’antigène spécifique. Les cellules « innocen-
tes » de voisinage et les cellules T cytotoxiques elles-mêmes ne sont pas tuées. Les Après 1 minute
cellules T cytotoxiques ne sont probablement pas tuées du fait que la libération
des molécules effectrices cytotoxique est fortement polarisée. Comme la Fig. 8.32
le montre, les cellules T cytotoxiques orientent leur appareil de Golgi et le centre
organisateur des microtubules afin de focaliser la sécrétion sur le point de contact
avec la cellule cible. La Fig. 8.39 montre le mouvement des granules vers le point
de contact. Les cellules T cytotoxiques attachées à plusieurs cellules cibles diffé-
rentes réorientent leur appareil sécrétoire vers chaque cellule à leur tour et les tue
une à une, ce qui suggère fortement que the mécanisme par lequel les médiateurs
cytotoxiques sont libérés ne permet d’attaquer qu’à un seul point de contact à
un moment donné. L’action étroitement focalisée des cellules T CD8 cytotoxiques
leur permet de ne tuer que les cellules infectées sans causer des dommages tissu-
laires étendus (Fig. 8.40), ce qui est d’une importance cruciale pour les tissus qui
Après 4 minutes
ne peuvent se régénérer, comme les neurones du système nerveux central, ou très
peu, comme les îlots pancréatiques.
Les cellules T cytotoxiques peuvent tuer leurs cibles rapidement car les protéines
cytotoxiques sont concentrées sous forme inactive dans l’environnement particulier
des granules. Les protéines cytotoxiques sont synthétisées et chargées dans les gra-
nules durant la première rencontre d’une cellule T cytotoxique naïve avec son anti-
gène spécifique. L’engagement de cellule T induit de même la synthèse de novo de la
perforine et des granzymes dans les cellules T CD8 effectrices de telle manière que la
charge en granules cytotoxiques soit complète, permettant ainsi à une seule cellule T
CD8 de tuer successivement une série de cibles.

Fig. 8.39 Les molécules effectrices sont cellule T, marqués avec un colorant fluorescent Après 40 minutes
libérées à partir des granules des cellules T rouge, sont loin du point de contact. Après
de manière très polarisée. Les granules des une minute (deuxième panneau), les granules
cellules T cytotoxiques peuvent être marqués se sont déplacés en direction de la cellule
par des colorants fluorescents qui les rendent cible, un déplacement qui se termine dans le
visibles en microscopie ; leurs mouvements troisième panneau, après 4 minutes. Après
pouvant alors être suivis par prise de vues 40 minutes (dernier panneau), le contenu
accélérée. Ici, nous pouvons voir une série des granules a été libéré dans l’espace entre
d’images prises lors l’interaction entre une la cellule T et la cellule cible qui commence
cellule T cytotoxique et une cellule cible qui va à mourir par apoptose (noter le noyau
être tuée. Au temps 0 (panneau du haut), la fragmenté). La cellule T s’est alors séparée
cellule T (en haut à droite) vient juste d’entrer de la cellule cible et peut reconnaître et tuer
en contact avec la cellule cible (en dessous en d’autres cibles. Clichés de G. Griffiths.
diagonale). À cette étape, les granules de la
368 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

La cellule T reconnaît la cellule infectée


8-30 Les cellules T cytotoxiques agissent aussi en libérant des cytokines.
L’induction de l’apoptose des cellules cibles est le moyen principal par lequel les cel-
lules T CD8 cytotoxiques éliminent une infection. Cependant, la plupart des cellu-
les T CD8 cytotoxiques libèrent aussi des cytokines, l’IFN-γ, le TNF-α et la LT-α, qui
contribuent à la défense de plusieurs manières. L’IFN-γ inhibe directement la répli-
cation virale et induit une expression accrue des molécules du CMH de classe I et
d’autres protéines impliquées dans le chargement des peptides par les molécules
du CMH de classe I venant d’être synthétisées dans les cellules infectées, ce qui aug-
mente la chance que les cellules infectées soient reconnues comme cellules cibles
de l’attaque cytotoxique. L’IFN-γ active aussi les macrophages et les recrute dans les
foyers infectieux comme cellules effectrices et comme cellules présentatrices d’anti-
gène. Le TNF-α et la LT-α peuvent agir en synergie avec l’IFN-γ dans l’activation des
macrophages et dans la lyse de certaines cellules cibles par leur interaction avec le
La cellule infectée est programmée pour mourir
TNFR-I, qui induit l’apoptose (voir la Section 8-26). Ainsi, les cellules T CD8 cytotoxi-
ques effectrices agissent de diverses manières pour limiter la dispersion des patho-
gènes cytosoliques. L’importance relative de chacun de ces mécanismes est en train
d’être déterminée rapidement par inactivation génique (knockout) chez la souris.

Résumé.

Les cellules T CD8 cytotoxiques effectrices sont essentielles pour la défense contre les
pathogènes qui vivent dans le cytosol ; le plus souvent il s’agit de virus. Les cellules T
cytotoxiques peuvent tuer toute cellule qui contient de tels pathogènes en reconnais-
sant des peptides étrangers qui sont transportés à la surface cellulaire liés aux molécu-
les du CMH de classe I. Les cellules T CD8 cytotoxiques exercent leur fonction lytique en
libérant trois types de protéines cytotoxiques préformées : les granzymes, qui semblent
capables d’induire l’apoptose de tout type de cellule cible, la perforine, qui intervient
Les cellules voisines non infectées ne sont pas tuées dans le transfert des granzymes dans la cellule cible et la granulysine. Ces propriétés
permettent à une cellule T cytotoxique d’attaquer et de détruire pratiquement toute cel-
lule infectée par un pathogène cytosolique. Le ligand de Fas associé à la membrane,
exprimé par les cellules T CD8 et certaines cellules T CD4, peut aussi induire l’apop-
tose par liaison à Fas sur certaines cellules cibles, mais cette voie est probablement plus
importante pour l’élimination des lymphocytes activés et porteurs de Fas à la fin d’une
infection, ce qui contribue à l’homéostasie lymphocytaire. Les cellules T CD8 cytotoxi-
ques produisent aussi l’IFN-γ, qui inhibe la réplication virale et est un inducteur impor-
tant de l’expression des molécule du CMH class I et de l’activation des macrophages.
Les cellules T cytotoxiques tuent les cibles infectées avec une grande précision, épar-
gnant les cellules normales adjacentes. Cette précision est cruciale pour minimiser les
dommages tissulaires tout en permettant l’éradication des cellules infectées.

Fig. 8.40 Les cellules T cytotoxiques tuent


les cellules cibles portant l’antigène
spécifique tout en épargnant les cellules L’activation des macrophages par les cellules TH1.
voisines non infectées. Dans un tissu, toutes
les cellules sont sensibles à la lyse par les
protéines cytotoxiques des cellules T CD8 Certains micro-organismes, comme les mycobactéries, sont des pathogènes intra-
effectrices, mais seules les cellules infectées
sont détruites. La reconnaissance spécifique
cellulaires qui croissent surtout dans les phagosomes des macrophages, à l’abri des
par le récepteur de la cellule T permet anticorps et des cellules T cytotoxiques. Ces microbes survivent dans cet environ-
d’identifier les cellules cibles qui doivent être nement hostile des phagocytes en inhibant la fusion des lysosomes avec les pha-
tuées. La libération polarisée des granules gosomes dans lesquels ils se multiplient, ou en empêchant l’acidification requise
cytotoxiques (non montré) permet d’épargner
les cellules voisines. pour activer les protéases lysosomiales dans ces vésicules. De tels micro-organis-
mes peuvent être éliminés lorsque le macrophage est activé par une cellule TH1. Les
cellules TH1 agissent en synthétisant des protéines associées à la membrane et une
batterie de cytokines solubles dont les actions locales et à distance coordonnent la
réponse immunitaire à ces pathogènes intracellulaires. Les cellules TH1 effectrices
activent aussi les macrophages afin de tuer les pathogènes qu’ils viennent d’ingé-
rer, et peuvent activer les cellules B et leur faire sécréter une série limitée mais très
efficace d’isotypes d’immunoglobulines comme décrit au Chapitre 9.
L’activation des macrophages par les cellules TH1 369

8-31 Les cellules TH1 jouent un rôle primordial dans l’activation Macrophage


Cellule TH1
des macrophages. infecté

CD40
Plusieurs pathogènes importants vivent à l’intérieur des macrophages, tandis que
de nombreux autres sont ingérés par des macrophages dans le milieu extracel-
lulaire. Souvent, le macrophage est capable de détruire de tels pathogènes sans TH1
nécessiter d’être activé par des cellules T, comme nous l’avons vu au Chapitre 2.
Toutefois, dans plusieurs infections importantes sur le plan clinique, les pathogè-
nes infectent chroniquement le macrophage rendu impuissant ; dans ce cas, les
cellules T CD4 sont nécessaires pour fournir des signaux activateurs additionnels
qui rendent le macrophage capable de détruire le pathogène. Cette stimulation
Activation d’un macrophage par une cellule T
des mécanismes antimicrobiens dans les macrophages est appelée activation des
macrophages ; elle est la principale action effectrice des cellules TH1. Parmi les
pathogènes extracellulaires qui sont tués lorsque les macrophages sont activés, on ligand de CD40
trouve Pneumocystis carinii ; cet agent fongique opportuniste est une cause fré- CD40
quente de décès chez les malades atteints de SIDA en raison de leur déficience en
cellules T CD4. L’activation des macrophages peut être mesurée par leur aptitude
à endommager un large spectre de microbes ainsi que certaines cellules tumora-
les. Les effets des macrophages sur les cibles extracellulaires s’étendent aux cellu-
les des tissus sains, ce qui signifie que les macrophages doivent normalement être TNFR-I
récepteur
maintenus dans un état inactif. IFN-γ
d’IFN-γ

Les macrophages requièrent deux signaux d’activation. Un de ceux-ci provient de


l’IFN-γ, l’autre pouvant être fourni de diverses manières et pouvant sensibiliser le Fig. 8.41 Les cellules TH1 activent les
macrophages qui deviennent fortement
macrophage afin qu’il réponde à l’IFN-γ. Les cellules TH1 effectrices peuvent trans- microbicides. Lorsqu’une cellule TH1 effectrice
mettre les deux signaux. L’IFN-γ est la cytokine plus caractéristique produite par les spécifique pour un peptide bactérien entre
cellules  TH1 en interagissant avec leurs cellules cibles spécifiques, et le ligand de en contact avec un macrophage infecté, la
CD40 exprimé par la cellule TH1 transmet le signal sensibilisant en interagissant avec cellule T sécrète un facteur activateur des
macrophages, l’IFN-γ, et exprime le ligand
CD40 sur le macrophage (Fig. 8.41). Les cellules T CD8 constituent aussi une source de CD40. Ces protéines nouvellement
importante d’IFN-γ et peuvent activer la présentation par les macrophages d’antigè- synthétisées par la cellule TH1 activent le
nes dérivés des protéines cytosoliques ; les souris dépourvues de molécules du CMH macrophage.
de classe I, et donc de cellules T CD8, sont nettement plus sensibles à certaines infec-
tions parasitaires. Les macrophages peuvent aussi être rendus plus sensibles à l’IFN-γ
par de très petites quantités de LPS bactérien, et cette dernière voie peut être parti-
culièrement importante lorsque l’IFN-γ provient avant tout de cellules T CD8. Il est
aussi possible que le TNF-α, ou la LT-α, associé à la membrane puisse se substituer au
ligand de CD40 dans l’activation des macrophages. Ces molécules associées aux cel-
lules stimulent apparemment la sécrétion de TNF-α par le macrophage, et des anti-
corps contre le TNF-α peuvent inhiber l’activation des macrophages. Les cellules TH2 Déficience en récepteur
de l’interféron-γ
sont des activateurs inefficaces des macrophages car elles produisent de l’IL-10, une
cytokine qui peut désactiver les macrophages, et par ailleurs elles ne produisent pas
d’IFN-γ. Cependant, elles expriment le ligand de CD40 et peuvent transmettre le signal
dépendant du contact requis pour inciter les macrophages à répondre à l’IFN-γ.
Dans les minutes qui suivent la reconnaissance d’un antigène spécifique par les cel-
lules T CD8 cytotoxiques, une exocytose dirigée de perforine et de granzymes préfor-
més fait mourir par apoptose les cellules cibles. Au contraire, lorsque des cellules TH1
rencontrent un antigène spécifique, elles doivent induire de novo la transcription
des cytokines effectrices et des molécules de la surface cellulaire par lesquelles elles
agissent. Cette induction commence dans la première heure de contact et requiert
des heures pour être complète, plutôt que des minutes, ainsi les cellules TH1 doivent
adhérer à leurs cellules cibles beaucoup plus longtemps que les cellules T cytotoxi-
ques. Les cytokines nouvellement synthétisées sont alors transmises directement
par les microvésicules de la voie sécrétoire constitutive dans le site de contact entre
la membrane de la cellule T et le macrophage. On pense que le ligand de CD40 nou-
vellement synthétisé est aussi exprimé de manière polarisée. Cela signifie que, bien
que tous les macrophages aient des récepteurs d’IFN-γ, le macrophage présentant
effectivement l’antigène à la cellule TH1 est beaucoup plus probablement appelé à
être activé par lui que les macrophages voisins non infectés.
370 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

8-32 L’activation des macrophages par les cellules TH1 favorise


Macrophage activé
la lyse microbienne et doit être strictement régulée afin d’éviter
CMH
CD40 les dommages tissulaires.
de classe I NO
O2–
Les cellules TH1 activent les macrophages infectés par contact cellulaire et par la sécré-
récepteur
tion focalisée d’IFN-γ. Ceci génère une série de réponses biochimiques qui convertis-
CMH du TNF sent le macrophage en une cellule effectrice antimicrobienne puissante (Fig. 8.42).
de classe II
Activés, les macrophages fusionnent leurs lysosomes plus efficacement avec les
phagosomes, exposant ainsi les microbes intracellulaires ou récemment ingérés à
molécules TNF-α diverses enzymes microbicides lysosomiales. Après activation, les macrophages pro-
B7
duisent aussi des radicaux de l’oxygène et de l’oxyde nitrique (NO), les deux étant de
puissants agents antimicrobiens ; ils synthétisent également des peptides antimicro-
Fig. 8.42 Les macrophages activés biens et des protéases qui sont libérés afin d’attaquer des parasites extracellulaires.
subissent des changements qui augmentent
fortement leur efficacité microbicide et Des changements additionnels dans le macrophage activé amplifient la réponse
amplifie la réponse immunitaire. Les immunitaire. Le nombre de molécules B7, CD40, du CMH de classe II et des récep-
macrophages activés expriment davantage teurs de TNF augmente à la surface du macrophage, rendant la cellule plus efficace
CD40 et le récepteur au TNF et sécrètent du
TNF-α. Ce stimulus autocrine agit en synergie
pour la présentation de l’antigène aux cellules T naïves, et plus sensible au ligand de
avec l’IFN-γ produit par les cellules TH1 de CD40 et au TNF-α. Le TNF-α produit par le macrophage activé peut agir en syner-
manière à augmenter l’activité antimicrobienne gie avec l’IFN-γ produit par les cellules TH1 au cours de l’activation des macrophages,
du macrophage en particulier en induisant particulièrement pour l’induction du métabolite réactif de l’azote, le NO, qui est doté
la production d’oxyde nitrique (NO) et du
superoxyde (O2– ). L’expression de la molécule
d’une large activité antimicrobienne. Le NO est produit par l’enzyme inductible, la NO
B7 par le macrophage est aussi augmentée en synthase (iNOS), et les souris dont le gène de iNOS a été inactivé (knocked out) sont
réponse à la fixation de CD40 sur le ligand de très sensibles aux infections par plusieurs pathogènes intracellulaires. Les macropha-
CD40 de la cellule T. Parallèlement, l’expression ges activés sécrètent aussi l’IL-12, qui dirige la différenciation des cellules T CD4 naïves
des molécules de CMH de classe II augmente
permettant une activation des cellules T CD4 activées en cellules TH1 effectrices (voir la Section 8-19). Ces molécules et de nombreu-
au repos. ses autres de surface ou sécrétées par les macrophages activés contribuent aux actions
effectrices des macrophages dans les réponses cellulaires ; les cytokines sécrétées par
les macrophages sont aussi importantes pour les réponses immunitaires humorales et
pour recruter d’autres cellules immunitaires dans les foyers infectieux.
Puisque les macrophages activés tuent les pathogènes de manière extrêmement effi-
cace, on peut se demander pourquoi les macrophages ne sont pas simplement
maintenus dans un état d’activation constante. En plus du fait que les macrophages
consomment des quantités énormes d’énergie pour maintenir l’état activé, l’activation
des macrophages in vivo est habituellement associée à une destruction tissulaire loca-
lisée qui résulte apparemment de la libération des radicaux de l’oxygène, du NO et des
protéases, qui sont toxiques pour les cellules comme pour les pathogènes. La libéra-
tion de médiateurs toxiques par les macrophages activés est importante pour la défense
car elle leur permet d’attaquer les grands pathogènes extracellulaires qu’ils ne peuvent
ingérer, comme les vers parasites. Cependant, ceci ne s’obtient qu’au prix de dommages
tissulaires. Une régulation stricte de l’activité des macrophages par les cellules TH1 per-
met ainsi le déploiement spécifique et efficace de ces puissants moyens de défense tout
en minimisant les dommages tissulaires locaux et la consommation d’énergie.
Les cellules  T activées effectrices sont la source principale de l’IFN-γ qui active les
macrophages  ; ainsi le contrôle de l’activation des macrophages est étroitement lié
au contrôle de la synthèse d’IFN-γ dans la cellule T. Ce qui semble être obtenu par la
régulation de la demi-vie de l’ARNm codant l’IFN-γ. L’ARNm de l’IFN-γ, comme ceux
qui codent certaines autres cytokines, comme l’IL-2, contient une séquence insta-
ble (AUUUA)n dans leur région 3´ non traduite, ce qui réduit grandement sa demi-vie
et limite la période de production de la cytokine. L’ activation de la cellule T semble
induire la synthèse d’une nouvelle protéine qui facilite la dégradation de l’ARNm de la
cytokine ; le traitement des cellules T effectrices activées par un inhibiteur de la syn-
thèse protéique comme la cycloheximide augmente grandement la quantité d’ARNm
de la cytokine. La destruction rapide de l’ARNm de la cytokine, associée au transfert
focalisé d’IFN-γ au point de contact entre la cellule TH1 activée et son macrophage
cible, limite ainsi l’action de la cellule T effectrice sur le macrophage infecté. De plus,
l’activation des macrophages est inhibée remarquablement par des cytokines comme
L’activation des macrophages par les cellules TH1 371

le TGF-β et l’IL-10. Plusieurs de ces cytokines inhibitrices sont produites par des cellu-
les CD4 TH2 ; ainsi, l’induction de cellules TH2 est importante pour limiter l’activation
des macrophages.

8-33 Les cellules TH1 coordonnent la réponse aux pathogènes intracellulaires.


L’activation des macrophages par les cellules TH1 exprimant le ligand de CD40 et sécré- Fig. 8.43 La réponse immunitaire aux
tant l’IFN-γ est essentiel pour les réponses aux pathogènes qui prolifèrent dans les bactéries intracellulaires est coordonnée
par les cellules TH1 activées. L’activation
vésicules des macrophages. Chez les souris dont le gène de l’IFN-γ ou du ligand de des cellules TH1 par les macrophages infectés
CD40 a été inactivé, la production des agents antimicrobiens par les macrophages est est contrôlée par des cytokines qui à la
perturbée, et les animaux succombent à des doses sublétales de mycobactéries ou de fois activent le macrophage et coordonnent
leishmanies. L’activation des macrophages est aussi cruciale dans le contrôle du virus la réponse immunitaire aux pathogènes
intracellulaires. L’IFN-γ et le ligand de
de la vaccine. Les souris sans récepteur de TNF sont plus sensibles à ces pathogènes. CD40 agissent en synergie pour activer
Cependant, bien que l’IFN-γ et le ligand de CD40 soient probablement les molécules le macrophage, lui permettant de tuer les
effectrices les plus importantes synthétisées par les cellule TH1, la réponse immuni- pathogènes qu’il a captés. Les macrophages
taire aux pathogènes qui prolifèrent dans les vésicules des macrophages est complexe, chroniquement infectés perdent leur capacité
de tuer les bactéries intracellulaires. Le
et d’autres cytokines sécrétées par les cellules TH1 peuvent aussi être cruciales dans ligand de Fas et la LT-α produits par les
la coordination de ces réponses (Fig.  8.43). Par exemple, les macrophages qui sont cellules TH1 peuvent tuer ces macrophages,
infectés de manière chronique par des bactéries intracellulaires peuvent perdre leur libérant ainsi les bactéries intracellulaires,
qui vont être captées et tuées par des
aptitude à devenir activés, et de telles cellules peuvent former un réservoir d’agents macrophages frais. De cette manière, l’IFN-γ
infectieux à l’abri des attaques immunitaires. Les cellules TH1 activées peuvent aussi et la LT-β agissent en synergie pour éliminer
exprimer le ligand de Fas et tuer ainsi une série limitée de cellules cibles qui expriment les bactéries intracellulaires. L’IL-2 produit
Fas, y compris les macrophages, ce qui permet la destruction de ces cellules infectées. par les cellules TH1 induit la prolifération des
cellules T et potentialise la libération des
Des bactéries intravésiculaires, comme certaines mycobactéries et Listeria mono- autres cytokines. L’IL-3 et le GM-CSF stimulent
la production de nouveaux macrophages
cytogenes, peuvent s’échapper des vésicules cellulaires et entrer dans le cytoplasme,
en agissant sur les cellules souches
où elles ne sont pas sensibles à l’activation des macrophages. Leur présence peut, hématopoïétiques dans la moelle osseuse. Les
cependant, être détectée par les cellules T CD8 cytotoxiques, qui peuvent les libé- nouveaux macrophages sont recrutés dans
rer en tuant la cellule. Les pathogènes libérés lorsque les macrophages sont tués le foyer infectieux par l’intervention du TNF-α
et de la LT-β, ainsi que d’autres cytokines,
soit par des cellules TH1 ou par des cellules T CD8 cytotoxiques peuvent être cap- sur l’endothélium vasculaire, qui adresse des
tés par des macrophages qui viennent d’être recrutés et qui sont donc encore capa- signaux aux macrophages afin qu’ils quittent
bles d’être activés et d’exercer une activité antimicrobienne. la circulation et entrent dans les tissus. Une
chimiokine (CXCL2) agissant spécifiquement
Une autre fonction très importante des cellules TH1 est le recrutement des cellules sur les macrophages transmet un signal aux
phagocytaires dans les foyers infectieux. Les cellules TH1 recrutent les macropha- macrophages pour qu’ils migrent dans le foyer
infectieux et s’y accumulent. Par conséquent,
ges par deux mécanismes. Premièrement, elles sécrètent les facteurs hémato-
la cellule TH1 coordonne une réponse des
poïétiques, l’IL-3 et le GM-CSF, qui stimulent la production de nouvelles cellules macrophages très efficace pour détruire les
phagocytaires dans la moelle osseuse. Deuxièmement, le TNF-α et la LT-α, sécrétés agents infectieux intracellulaires.

Cellule TH1 activée

IFN-𝛄 et ligand de CD40 Ligand de Fas ou LT-𝛂 IL-2 IL-3 + GM-CSF TNF-𝛂 + LT-𝛃 CXCL2

diapédèse

lumière chimiotaxie
d’un vaisseau
sanguin
foyer infectieux

Tue les cellules infectées


Induit la prolifération Active l’endothélium
de manière chronique,
Stimule l’activité lytique des cellules T, Induit la différenciation et induit ainsi l’adhérence Cause l’accumulation
libérant les bactéries
du macrophage sur augmentant des macrophages du macrophage et sa sortie des macrophages
qui seront détruites
les bactéries ingérées le nombre de dans la moelle osseuse du vaisseau sanguin dans le foyer infectieux
par de nouveaux
cellules effectrices dans le foyer infectieux
macrophages
372 Chapitre 8 : L’immunité dépendant des cellules T

par les cellules TH1 dans les foyers infectieux, changent les propriétés des cellu-
Élimination partielle de M. tuberculosis vivant les endothéliales, ce qui favorise l’adhérence des phagocytes à ces surfaces. Des
chimiokines comme CXCL2, qui est produite par les cellules  TH1 au cours de la
réaction inflammatoire, servent à diriger la migration des monocytes à travers l’en-
dothélium vasculaire dans le tissu infecté (voir la Section 2-24).
Lorsque des microbes résistent aux effets microbicides des macrophages activés,
TH1
une infection chronique avec inflammation se développe. Souvent, celle-ci prend un
aspect caractéristique, consistant en une zone centrale de macrophages entourée de
lymphocytes activés. Cette structure pathologique est appelées granulome (Fig. 8.44).
IFN
Des cellules géantes faites de macrophages fusionnés peuvent se former dans le cen-
tre de ces granulomes. Un granulome sert à enfermer les pathogènes qui résistent à
la destruction. Des cellules TH2 semblent contribuer à la constitution de granulomes
Granulome avec les cellules TH1, peut-être en régulant leur activité et en prévenant l’extension
des dommages tissulaires. En cas de tuberculose, les cellules du centre des grands
granulomes meurent, probablement à la suite d’un manque d’oxygène et des effets
mycobactéries
cytotoxiques des macrophages activés. Comme ce tissu mort ressemble à du fromage
(caseum en latin), on qualifie cette nécrose de caséeuse. Ainsi, l’activation des cel-
cellule
géante lules TH1 peut avoir des conséquences pathologiques sérieuses. Cependant, si elles
multinucléée n’étaient pas activées, les conséquences seraient encore plus graves car elles entraî-
cellule neraient la mort par infection généralisée, ce que l’on observe fréquemment chez les
épithélioïde
patients atteints de SIDA et d’une infection mycobactérienne concomitante.
cellules T

Résumé.
Les cellules T CD4 qui peuvent activer les macrophages jouent un rôle critique dans
les défenses contre ces pathogènes intracellulaires et extracellulaires qui résistent à
la lyse après avoir été ingérés par des macrophages. Les macrophages sont activés
par des protéines membranaires des cellules TH1 activées et par l’IFN-γ, une cyto-
kine puissante activatrice des macrophages et sécrétée par des cellules T activées.
Une fois activé, le macrophage peut tuer les bactéries intracellulaires ou ingérées.
Les macrophages activés peuvent aussi causer des dommages tissulaires locaux, et
ceci explique pourquoi leur activité est strictement régulée par des cellules T spé-
cifiques d’antigène. Les cellules TH1 produisent une série de cytokines, de chimio-
Fig. 8.44 Les granulomes se forment kines et de molécules de surface qui non seulement activent les macrophages
lorsqu’un pathogène intracellulaire ou ses infectés mais aussi tuent les macrophages sénescents infectés chroniquement, sti-
constituants ne peuvent pas être totalement mulent la production de nouveaux macrophages dans la moelle osseuse et recru-
éliminés. Lorsque les mycobactéries (en
rouge) résistent aux effets de l’activation des
tent des macrophages dans les foyers infectieux. Ainsi, les cellules TH1 contrôlent et
macrophages, une réponse inflammatoire coordonnent les moyens de défense contre certains pathogènes intracellulaires. Il
localisée caractéristique, appelée granulome, est probable que l’absence de ces fonctions explique la prépondérance des infec-
se développe. Cette formation est composée tions à pathogènes intracellulaires chez les patients adultes atteints de SIDA.
d’un noyau central de macrophages infectés.
Cette région peut contenir des cellules géantes
multinucléées, qui sont des macrophages Résumé du Chapitre 8.
fusionnés, entourées de grands macrophages
souvent appelés cellules épithélioïdes,
Une réponse immunitaire adaptative est induite lorsque des cellules T naïves rencon-
mais dans les granulomes causés par
des mycobactéries, le centre devient trent un antigène spécifique à la surface d’une cellule présentatrice d’antigène qui
habituellement nécrotique. Les mycobactéries exprime aussi les molécules costimulatrices B7.1 et B7.2. On pense que, dans la plu-
peuvent persister dans les cellules des part des cas, ces premières rencontres avec l’antigène se font avec une sous-popula-
granulomes. Le noyau central est entouré
de cellules T, dont la majorité sont CD4. Les
tion de cellules dendritiques conventionnelles porteuses de CD11c qui ont rencontré
mécanismes exacts par lesquels cet équilibre des pathogènes en périphérie et ont été activées par l’intermédiaire des récepteurs du
est obtenu et par lesquels il est rompu sont système immunitaire inné, ont capté l’antigène dans un foyer infectieux et ont migré
encore inconnus. Les granulomes, comme dans le tissu lymphoïde local. La cellule dendritique arrivée à maturité soit devient
cela est représenté dans le panneau du bas,
peuvent aussi se former dans les poumons un activateur direct et puissant des cellules T naïves, ou peut transférer l’antigène aux
et ailleurs au cours d’une maladie appelée cellules dendritiques des organes lymphoïdes périphériques pour une présentation
sarcoïdose, qui pourrait être causée par une croisée à des cellules T CD8 naïves. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes contri-
infection mycobactérienne occulte. Cliché de buent à des réactions rapides contre les virus par la production des interférons de
J. Orrell.
type I. Une fois activées par leur rencontre avec une cellule dendritique présentatrice
d’antigène, les cellules T produisent de l’IL-2, qui entraîne leur prolifération leur diffé-
renciation en plusieurs types de cellules T effectrices. Toutes les fonctions effectrices
Résumé du Chapitre 8 373

des cellules  T impliquent des interactions intercellulaires. Lorsque des cellules  T


effectrices reconnaissent un antigène spécifique sur des cellules cibles, elles libèrent
des médiateurs qui agissent directement sur la cellule cible et modifient ainsi son
comportement. Le déclenchement de l’activité des cellules T effectrices par des com-
plexes peptide:CMH est indépendant de la costimulation, si bien que toute cellule
infectée peut être activée ou détruite par une cellule T effectrice. Des cellules T CD8
cytotoxiques tuent des cellules cibles infectées par des pathogènes cytosoliques, éli-
minant ainsi les sites de réplication du pathogène. Les cellules T CD4 peuvent devenir
des effecteurs spécialisés qui favorisent des réactions inflammatoires (TH1), humora-
les et allergiques (TH2) ou aiguës (TH17) envers les pathogènes. Les cellules TH1 CD4
activent les macrophages afin qu’ils tuent les parasites intracellulaires. Les cellules T
CD4 sont aussi essentielles pour stimuler la sécrétion d’anticorps par les cellules B,
qui assurent les réponses immunitaires humorales contre les pathogènes extracellu-
laires. Les cellules TH17 amplifient l’intervention des neutrophiles contre les pathogè-
nes extracellulaires. Ainsi, les cellules T effectrices contrôlent pratiquement tous les
mécanismes effecteurs connus des réponses immunitaires adaptatives. De plus, des
sous-populations de cellules T CD4 régulatrices sont produites qui contribuent au
contrôle et limitent les réponses immunitaires en supprimant l’activité des cellules T.

Questions.
8.1 Les cellules dendritiques migrent dans les tissus afin de détecter un pathogène
éventuel. (a) À quelle lignée cellulaire appartiennent les cellules dendritiques, et
quels autres types de cellules cette lignée comporte-t-elle ? (b) Décrivez comment
les cellules dendritiques détectent une infection dans les tissus périphériques et
induisent une réponse immunitaire dans les ganglions lymphatiques ou les tissus
lymphoïdes secondaires. (c) Quels mécanismes empêchent les cellules dendritiques
d’induire des réponses immunitaires contre des antigènes du soi ?

8.2 L’activation d’une cellule T naïve requiert une interaction avec une cellule présentatrice
d’antigène, par exemple une cellule dendritique. (a) Quelles sont les molécules sur les
cellules T impliquées dans ce processus, et avec quoi interagissent-elles sur la cellule
présentatrice d’antigène ? (b) Quelles sont les conséquences que vous attendriez si
ces molécules étaient déficientes chez un individu ? (c) Quelle perspective offrent ces
molécules pour le développement d’agents anti-inflammatoires ou immunosuppresseurs ?

8.3 Dans certaines expériences de physique particulaire, la détection en coïncidence - la


mesure simultanée du même événement par deux détecteurs séparés - est utilisée
pour distinguer des événements réels de fluctuations liées à des artéfacts dans
le système de détection. Comment les conditions requises pour l’activation des
cellules T suivent-elles le même principe (a) dans la reconnaissance des pathogènes,
ou (b) dans la prévention des réactions auto-immunes ?

8.4 Considérez l’affirmation « Les fonctions effectrices des cellules T sont assurées
surtout par des produits sécrétés. » (a) Jusqu’à quel point cette affirmation est-
elle exacte pour les cellules CD4 et pour les cellules T CD8 ? (b) Décrivez les rôles des
molécules effectrices liées à la membrane des cellules T dans la réponse immunitaire.

8.5 Les cellules T CD4 acquièrent plusieurs phénotypes distincts, qui ont été considérés
comme appartenant à des lignées séparées. (a) Décrivez les sous-populations
CD4 connues et corrélez leurs fonctions immunologiques avec leurs mécanismes
effecteurs spécifiques. (b) Quelles propriétés de ces sous-populations sont en
accord ou en désaccord avec la notion qu’elles représentent des lignées distinctes
de cellules ? (c) Décrivez le rôle des cellules présentatrices d’antigène et des
pathogènes dans le développement de chaque sous-population. (d) Discutez
comment des cellules présentatrices d’antigène et des sous-populations de
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379

Les réponses immunitaires


humorales 9

De nombreuses bactéries responsables de maladies infectieuses chez l’homme


se multiplient dans les espaces extracellulaires de l’organisme et la majorité des
pathogènes intracellulaires se répandent d’une cellule à l’autre en passant par
les liquides extracellulaires. Les espaces extracellulaires sont protégés par la
réponse immunitaire humorale, au cours de laquelle les anticorps produits par
les cellules  B entraînent la destruction des micro-organismes extracellulaires et
préviennent ainsi l’extension des infections intracellulaires. L’activation des cel-
lules B naïves et leur différenciation en plasmocytes, qui sécrètent des anticorps
(Fig. 9.1), et en cellules B mémoire est induite par l’antigène et nécessite générale-
ment la présence de cellules T auxiliaires. Dans ce chapitre, nous utilisons le terme
général de cellule T auxiliaire pour désigner toute cellule T CD4 effectrice, soit TH1
ou TH2, qui peut activer une cellule B (voir Chapitre 8).
Les anticorps contribuent à l’immunité de trois manières principales (voir Fig. 9.1).
La première est appelée neutralisation. Pour pénétrer dans les cellules, les virus et
les bactéries intracellulaires se lient à des molécules spécifiques de la surface de la
cellule cible. Les anticorps qui s’attachent aux pathogènes peuvent empêcher cette
liaison ; on dit alors qu’ils neutralisent le pathogène. La neutralisation par les anti-
corps est aussi très importante pour empêcher l’entrée des toxines bactériennes
dans la cellule. Deuxièmement, les anticorps protègent aussi contre les bactéries
qui se multiplient à l’extérieur des cellules en favorisant la capture du pathogène
par les phagocytes. Recouvrir la surface d’un pathogène pour en faciliter la phago-
cytose est appelé opsonisation. Les anticorps attachés au pathogène sont recon-
nus par des cellules phagocytaires au moyen de récepteurs dits de Fc qui se lient
à la région constante des anticorps (région C). Troisièmement, les anticorps liés
à la surface du pathogène peuvent également activer le système du complément,
comme décrit au Chapitre 2. L’activation du complément est déclenchée par la
fixation de certains de ses composants à la surface du pathogène, qui est ainsi
opsonisé. En effet, ces protéines du complément sont reconnues par des récep-
teurs spécifiques portés par les phagocytes. D’autres composants du complément
attirent les cellules phagocytaires sur le site de l’infection. Quant aux composants
impliqués dans la phase terminale de l’activation du complément, ils peuvent lyser
certains micro-organismes en formant des pores dans leur membrane. Le type de
mécanismes effecteurs utilisés pour une réponse particulière est défini par l’iso-
type ou la classe des anticorps produits (voir Chapitre 4).
380 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Fig. 9.1 La réponse humorale immunitaire


est assurée par les molécules d’anticorps Activation d’une cellule B par un antigène
sécrétées par les plasmocytes. L’antigène et une cellule T auxiliaire
qui se fixe au récepteur de la cellule B
la stimule tout en étant ingéré et apprêté
en peptides qui vont activer les cellules T
auxiliaires armées. Les signaux provenant
de l’antigène et de la cellule T auxiliaire
déclenchent la prolifération et la différenciation
des cellules B en plasmocytes sécréteurs cellule T
cellule B auxiliaire
d’anticorps spécifiques (deux panneaux
supérieurs). Ces anticorps vont protéger
l’hôte des infections en utilisant trois moyens cytokines
différents. Ils peuvent inhiber l’effet toxique
ou la capacité infectieuse des pathogènes
en s’attachant à eux ; on parle alors de Sécrétion d’anticorps par des plasmocytes
neutralisation (panneau inférieur gauche). En
recouvrant le pathogène, ils permettent aux
cellules accessoires qui reconnaissent les
parties Fc des anticorps d’ingérer et de tuer
les pathogènes selon un mécanisme appelé
opsonisation (panneau inférieur au milieu). Les
anticorps peuvent aussi déclencher l’activation
du système du complément. Les protéines du
complément peuvent augmenter fortement
l’opsonisation, ou tuer directement certaines
cellules bactériennes (panneau inférieur droit).

Neutralisation Opsonisation Activation du complément

complément

Les anticorps activent le complément,


Les anticorps empêchent Les anticorps favorisent
qui augmente l’opsonisation
l’adhérence bactérienne la phagocytose
et lyse certaines bactéries

Dans la première partie de ce chapitre, nous décrirons les interactions entre les
cellules B naïves et les cellules T auxiliaires qui conduisent à l’activation des cellu-
les B et à la production des anticorps. Certains antigènes microbiens importants
peuvent induire la production d’anticorps sans l’aide des cellules T, et nous exa-
minerons aussi ce mode de réponse. La plupart des réponses à anticorps passent
par un processus appelé maturation d’affinité au cours duquel des anticorps de
plus grande affinité pour leur cible antigénique sont produits par hypermutation
somatique des gènes de la région variable (région V) des anticorps. Le mécanisme
moléculaire de l’hypermutation somatique a été décrit au Chapitre  4  ; ici nous
examinerons ses conséquences immunologiques. Nous réexaminerons aussi la
commutation de classe (voir Chapitre 4), qui produit des anticorps de différentes
classes fonctionnelles et confère une diversité fonctionnelle à la réponse humo-
rale. La maturation d’affinité et la commutation de classe ne surviennent que dans
les cellules B et requièrent l’aide des cellules T.
Dans le reste du chapitre, nous discuterons en détail des mécanismes effecteurs par
lesquels les anticorps contiennent et éliminent les infections. Comme les répon-
ses des cellules  T, la réponse immunitaire humorale s’accompagne de mémoire
immunologique, ce qui sera décrit au Chapitre 10.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 381

L’activation de la cellule B et la production d’anticorps.


L’immunoglobuline de surface qui constitue le récepteur d’antigène de la cellule B
(BCR, B-Cell antigen Receptor) peut se lier à une grande variété de structures chimi-
ques. Dans le contexte d’une infection naturelle, il se lie à des protéines natives, des
glycoprotéines et des polysaccharides, ainsi qu’à des particules virales entières et
à des bactéries, en reconnaissant des épitopes à leur surface. Elle joue deux rôles
dans l’activation de la cellule B. Tout d’abord, comme les récepteurs antigéniques
des cellules T, elle transmet un signal à l’intérieur de la cellule lorsqu’elle reconnaît
l’antigène (voir Chapitre 6). Ensuite, le récepteur d’antigène de la cellule B transmet
l’antigène dans des sites intracellulaires où il est dégradé avant de revenir à la surface
de la cellule B sous forme de peptides associés aux molécules du CMH de classe II
(voir Chapitre 5). Les complexes peptide:CMH de classe II sont reconnus par les cel-
lules T auxiliaires spécifiques de l’antigène et qui se sont différenciées en réponse
au même pathogène, comme décrit au Chapitre 8. Les cellules T effectrices produi-
sent des cytokines qui font proliférer la cellule B, et sa descendance se différencie en
cellules sécrétrices d’anticorps et en cellules B mémoire. Certains antigènes micro-
biens peuvent activer directement les cellules  B en l’absence de cellule T auxiliaire.
La capacité des cellules B à répondre directement à ce type d’antigène permet une
réponse rapide à de nombreux pathogènes importants. Cependant, l’augmentation
de l’affinité des anticorps pour l’antigène et la commutation de classes d’immuno-
globulines dépend de l’interaction des cellules B stimulées par l’antigène avec des
cellules T auxiliaires et d’autres cellules dans les organes lymphoïdes périphériques.
Les anticorps induits par les antigènes microbiens seuls sont moins diversifiés et
exercent une fonction moins versatile que les anticorps induits en présence de cel-
lules T auxiliaires.
Antigène thymodépendant

9-1 La réponse immunitaire humorale est déclenchée lorsque


les cellules B qui ont lié l’antigène reçoivent un signal des cellules T
auxiliaires ou par certains antigènes microbiens seuls.

Une règle générale dans l’immunité adaptative veut que les lymphocytes naïfs spéci- 1
fiques de l’antigène soient difficiles à activer par l’antigène seul. Comme nous l’avons
vu au Chapitre 8, la sensibilisation des cellules T naïves requiert un signal costimula- cellule B
teur provenant des cellules présentatrices d’antigène professionnelles ; les cellules B
naïves requièrent aussi des signaux accessoires qui peuvent venir soit d’une cellule T
auxiliaire ou, dans certains cas, directement de constituants microbiens. cellule T
auxiliaire
Les réponses à anticorps aux antigènes protéiques requièrent l’aide d’une cellule T
spécifique de l’antigène. Ces antigènes sont incapables d’induire des réponses à anti-
corps chez des animaux ou chez l’homme dépourvus de cellules T ; ils sont dès lors CD40L
(CD154)
appelés antigènes thymodépendants ou antigènes TD. Pour recevoir l’aide de la cel- CD40
lule T, la cellule B doit présenter l’antigène à sa surface sous une forme qu’une cel- cytokines
2
lule T peut reconnaître. Ceci survient lorsque l’antigène capté par l’immunoglobuline
de surface sur la cellule B est internalisé et ramené à la surface cellulaire sous forme de

Antigène thymo-indépendant
Fig. 9.2 Un second signal est requis pour (panneau du centre). L’interaction entre le
l’activation des cellules B par des antigènes CD40 ligand (CD40L, appelé aussi CD154) de
thymodépendants ou thymo-indépendants. la cellule T et le CD40 de la cellule B contribue
Le premier signal (indiqué par le chiffre 1) en grande partie à ce second signal. Pour les
indispensable à l’activation de la cellule B antigènes thymo-indépendants, le second
est fourni par son récepteur d’antigène signal peut être fourni par l’antigène lui-même
(panneau supérieur). Pour les antigènes (panneau inférieur) soit par liaison directe
1
thymodépendants, le second signal est fourni d’une partie de l’antigène à un récepteur
par une cellule T auxiliaire qui reconnaît du système immunitaire inné (pourpre), ou 2
des fragments de l’antigène sous forme de simplement par une interconnexion étendue
peptides fixés aux molécules du CMH de de l’IgM membranaire par un antigène
classe II exprimées à la surface de la cellule B polymérique (non montré).
382 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

peptides liés aux molécules du CMH de classe II. Les cellules T auxiliaires qui recon-
naissent le complexe peptide:CMH transmettent alors les signaux activateurs à la
cellule B (Fig. 9.2, deux panneaux supérieurs). Ainsi, la liaison des antigènes protéi-
ques aux cellules B fournit un signal spécifique à la cellule B par interconnexion des
récepteurs d’antigène et permet à la cellule B d’obtenir l’aide d’une cellule T spécifi-
que de l’antigène. Lorsqu’une cellule T auxiliaire activée reconnaît et lie un complexe
peptide:CMH de classe II à la surface d’une cellule B, il induit sa prolifération et sa
différenciation en plasmocytes producteurs d’anticorps (Fig.  9.3). Cependant, pour
qu’une cellule B soit amenée à produire des anticorps contre les protéines d’un patho-
gène, elle doit recevoir l’aide de la cellule T ; les cellules T CD4 spécifiques des peptides
de ce pathogène doivent donc être activés afin de jouer leur rôle de cellules T auxiliai-
res. Pour cela, il faut que les cellules T naïves interagissent avec des cellules dendriti-
ques présentant les peptides appropriés, comme nous l’avons vu au Chapitre 8.
Bien que les cellules  T auxiliaires armées spécifiques d’un peptide soient indis-
pensables pour les réponses des cellules B aux antigènes protéiques, de nombreux
composants microbiens, comme les polysaccharides bactériens, peuvent induire la
production d’anticorps en absence de cellules T auxiliaires. Ces antigènes micro-
biens sont dits thymo-indépendants ou antigènes TI car ils induisent des répon-
ses anticorps chez des individus qui n’ont pas de lymphocytes T. Le second signal
indispensable pour activer la production d’anticorps dirigés contre les antigènes TI
est fourni soit directement par reconnaissance d’un constituant bactérien commun
(voir Fig. 9.2, panneau inférieur) soit par une interconnexion étendue des récep-
teurs de cellule B, ce qui arrive lorsqu’une cellule B se fixe à des épitopes répétitifs
de la bactérie. Les réponses à anticorps thymo-indépendantes fournissent une cer-
taine protection contre les bactéries extracellulaires ; nous y reviendrons plus tard.

9-2 Les réponses des cellules B à un antigène sont amplifiées


par l’intervention du corécepteur de cellule B.
La capacité de répondre d’une cellule B à un antigène est fortement amplifiée par la
signalisation venant du complexe corécepteur de cellule B, comme nous l’avons
vu à la Section 6-17. Le complexe corécepteur est composé de trois protéines : CD19,
CD21 et CD81. CD21 (aussi appelé récepteur du complément 2, CR2) est un récep-
teur des fragments du complément, C3d et C3dg (voir la Section 2-19). Lorsque le
complément est activé, soit par la voie innée ou par des anticorps liés à un antigène
comme une bactérie, les composants du complément activé sont déposés sur l’anti-
gène lui-même. Lorsque le récepteur des cellules B se lie à l’antigène dans un tel com-
plexe, CD21 peut se lier au complément, rapprocher ainsi le récepteur de cellule B et

Fig. 9.3 Les cellules T auxiliaires armées stimulent la production des cytokines activatrices de la cellule B, IL-4, IL-5 et IL-6, qui vont
et la différenciation des cellules B ayant lié l’antigène. L’interaction activer la prolifération et la différenciation des cellules B en plasmocytes
spécifique entre une cellule B ayant reconnu l’antigène et une cellule T sécréteurs d’anticorps. Par ailleurs, une cellule B activée peut devenir une
auxiliaire armée conduit à l’expression de la molécule activatrice de la cellule mémoire.
cellule B, CD40 ligand (CD40L) sur la cellule T auxiliaire et la sécrétion

La reconnaissance de l’antigène induit


Différenciation en cellules mémoire quiescentes
l’expression de molécules effectrices Prolifération des cellules B
et en plasmocytes sécréteurs d’anticorps
par la cellule T, qui active the cellule B

CD40L
(CD154)

CD40 TH2

B
IL-4 IL-6
IL-5

cellule mémoire plasmocyte


L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 383

le corécepteur et transmettre des signaux par CD19 qui active une voie de signalisa-
tion de la PI3-kinase et costimule la réponse de la cellule B (voir la Section 6-17). On
pense que les voies de signalisation activées par CD21 augmentent le signal intra-
cellulaire qui conduit directement à la différenciation et la production d’anticorps,
induisent des molécules costimulatrices sur la cellule B, la rendant plus efficace à
susciter l’aide de la cellule T, et augmentent la capture de l’antigène par le récepteur
spécifique. Lequel de ces effets joue le rôle le plus important dans l’augmentation de
la capacité de réponse des cellules B n’est pas encore connu.
La présence du corécepteur des cellules B amplifie puissamment les réponses à anti-
corps, car les complexes que les anticorps forment avec l’antigène et C3dg produisent
un antigène plus puissant, conduisant à une activation plus efficace des cellules B et de La cellule B reconnaît le virus en se liant
la production d’anticorps. L’effet d’une liaison simultanée du récepteur de cellule B et à sa protéine de surface
du corécepteur est démontré de manière spectaculaire lorsque des souris sont immu-
nisées avec du lysozyme du blanc d’œuf de poule couplé à trois molécules de C3dg.
Épitope
Dans ce cas, la dose du lysozyme modifié pouvait induire des anticorps en absence
d’adjuvant à une dose 1 / 10 000 de celle nécessaire avec le lysozyme non modifié.

Cellule B
9-3 Les cellules T auxiliaires activent les cellules B qui reconnaissent
le même antigène.

Une cellule B ne peut être activée que par des cellules T auxiliaires qui répondent au La particule virale est ingérée et dégradée
même antigène ; ce qui est appelé reconnaissance combinée. Bien que l’épitope
reconnu par la cellule T auxiliaire doive être lié à celui qui est reconnu par la cellule B,
les deux cellules ne doivent pas reconnaître des épitopes identiques. En effet, nous
avons vu au Chapitre 5 que les cellules T peuvent reconnaître des peptides internes
qui sont différents des épitopes de surface de la même protéine reconnus par les cel-
lules B. Pour les antigènes naturels plus complexes, comme les virus et les bactéries,
qui sont composés de multiples protéines et sont porteurs d’épitopes protéiques et
glucidiques, la cellule T et la cellule B peuvent même reconnaître des protéines dif-
férentes. Cependant, il est crucial que le peptide reconnu par la cellule T soit associé
physiquement à l’antigène reconnu par la cellule B pour qu’elle puisse produire le
peptide approprié après ingestion de l’antigène capté par ses récepteurs.
Par exemple, lorsqu’elle reconnaît un épitope d’une protéine de la capside virale,
une cellule B peut ingérer la particule virale complète. Après son ingestion, la par-
Des peptides provenant de protéines internes
ticule est dégradée et des peptides issus des protéines virales internes aussi bien du virus sont présentés à la cellule T,
que des protéines de la capside peuvent être présentés à la surface cellulaire par qui active la cellule B
les molécules du CMH de classe II. Les cellules T auxiliaires, qui ont été préala-
blement sensibilisées au cours d’une infection par des cellules dendritiques pré- Cellule T
CD40L auxiliaire
sentant ces peptides internes, peuvent alors activer la synthèse par la cellule  B (CD154)
d’anticorps qui reconnaissent les protéines de la capside (Fig. 9.4).
CD40
L’activation spécifique de la cellule  B par une cellule  T sensibilisée par le même
antigène (cognate T cell ou cellule T partenaire) dépend de la capacité de la cel-
lule B spécifique de l’antigène de concentrer le peptide approprié sur ses molécules cytokines
du CMH de classe II. Les cellules B qui ont lié un antigène particulier sont près de
10 000 fois plus efficaces dans la présentation d’un fragment peptidique de cet anti-
gène sur les molécules du CMH de classe II que les cellules B qui n’ont pas lié l’anti-
La cellule B activée produit des anticorps
gène. Donc, seules les cellules B dont les récepteurs ont lié un antigène qui contient contre les protéines de la surface virale
des peptides reconnus par les cellules T auxiliaires seront aidées par celles-ci.

Fig. 9.4 Les cellules B et les cellules T dont les protéines internes, retournent alors à
auxiliaires ne peuvent interagir que si elles la surface de la cellule B liés aux molécules
reconnaissent des épitopes sur le même du CMH de classe II (voir Chapitre 5). Ces
complexe moléculaire. Un épitope porté complexes sont reconnus par les cellules T
par une protéine de la surface du virus est auxiliaires, qui contribuent alors à l’activation
reconnu par l’immunoglobuline de surface de la de la cellule B et ainsi à la production
cellule B. Le virus est alors ingéré et dégradé. d’anticorps dirigés contre les protéines de
Les peptides dérivés des protéines virales, surface du virus.
384 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Fig. 9.5 Les antigènes protéiques liés aux surface en association avec les molécules du
La cellule B reconnaît un épitope d’un polysaccharide antigènes polysaccharidiques permettent CMH de classe II. Les cellules T auxiliaires
bactérien lié à l’anatoxine tétanique aux cellules T d’aider les cellules B produites contre la toxine tétanique en
spécifiques des polysaccharides. Le vaccin réponse à la vaccination reconnaissent
contre Haemophilus influenzae de type B l’association peptide:CMH à la surface de la
est un conjugué entre le polysaccharide cellule B et activent la production d’anticorps
bactérien et la toxine tétanique. La cellule B antipolysaccharide par la cellule B. Ces
reconnaît et lie le polysaccharide. Le complexe anticorps peuvent protéger contre une infection
Cellule B est alors ingéré et dégradé, des peptides à H. influenzae de type b.
dérivés de la toxine étant exprimés à la

La nécessité d’une reconnaissance combinée a d’importantes conséquences pour


L’antigène est ingéré et apprêté la régulation et la manipulation de la réponse immunitaire humorale. Elle permet
entre autres d’assurer la tolérance au soi, car cela signifie qu’une réponse auto-
immune ne surviendra que si une cellule T autoréactive et une cellule B autoréac-
tive sont présentes en même temps. Nous reviendrons sur ce sujet au Chapitre 14.
La reconnaissance combinée trouve une application importante pour la fabrica-
tion des vaccins, comme ceux qui sont utilisés pour immuniser les enfants contre
Haemophilus influenzae type  b. Cette bactérie pathogène peut infecter le revête-
ment du cerveau, appelé méninges, causant ainsi une méningite. La protection
immunitaire contre ce pathogène est induite par des anticorps contre sa capsule
polysaccharidique. Bien que les adultes développent des réponses thymo-indépen-
dantes très efficaces contre ces antigènes polysaccharidiques, le système immuni-
taire immature des jeunes enfants ne peut y répondre que très faiblement. Pour
produire un vaccin efficace chez les jeunes enfants, le polysaccharide est lié chimi-
Les peptides de la partie protéique
quement à la toxine tétanique, une protéine étrangère contre laquelle les jeunes
sont présentés à la cellule T enfants sont généralement vaccinés avec succès (voir Chapitre 15). Les cellules B
qui se lient au composant polysaccharidique du vaccin peuvent être activées par les
Cellule T cellules T auxiliaires spécifiques des peptides de la toxine associée (Fig. 9.5).
CD40L auxiliaire
(CD154) La reconnaissance combinée a été découverte lors de travaux sur la production
CD40
d’anticorps dirigés contre les haptènes (voir Appendice I, Section A-1). Les haptè-
nes sont des petits groupes chimiques qui ne peuvent pas induire seuls des répon-
ses anticorps car ils ne peuvent pas établir de pont entre les récepteurs des cellules B
et ne peuvent pas induire l’activité auxiliaire des cellules T. Lorsqu’ils sont couplés à
cytokines des protéines porteuses, ils deviennent immunogènes. Les nombreux groupements
hapténiques portés par la protéine sont alors capables d’interconnecter les récep-
teurs de la cellule B. De plus, les réponses T sont rendues possibles car les cellules
La cellule B activée produit des anticorps sont activées par les peptides provenant de la protéine porteuse. Le couplage acci-
contre l’antigène polysaccharidique dentel d’un haptène à une protéine explique par exemple les réactions allergiques
de la surface bactérienne
contre la pénicilline qui surviennent chez de nombreuses personnes. La pénicilline
se lie à des protéines de l’hôte et forme ainsi un complexe haptène-protéine qui sti-
mule la production d’anticorps, comme nous le verrons dans le Chapitre 13.

9-4 Des peptides antigéniques liés à des molécules du CMH de classe II


sur les cellules B stimulent la production par les cellules T auxiliaires
de molécules membranaires et sécrétées qui peuvent activer
une cellule B.

La reconnaissance des complexes peptide:CMH de classe  II sur les cellules  B


déclenche la synthèse par les cellules T auxiliaires de molécules effectrices sécré-
tées et d’autres restant liées à la membrane qui activent de manière synergique la
cellule B. Une molécule effectrice particulièrement importante de la cellule T est
un membre de la famille du TNF, le ligand de CD40, qui lie CD40 sur les cellules
B. CD40 est un membre de la famille des récepteurs du TNF (voir la Section 8-26) ;
il est impliqué dans l’activation de phases importantes des réponses des cel-
lules B, comme la prolifération, la commutation de classe des immunoglobuli-
nes et l’hypermutation somatique. La liaison de CD40 par le ligand de CD40, qui
fait entrer la cellule B en cycle de division, est essentielle pour que les cellules B
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 385

Fig. 9.6 Lors de la rencontre de la cellule T


La cellule T auxiliaire adhère à la cellule B et Reconnaissance spécifique auxiliaire avec la cellule B qui a reconnu
commence à synthétiser l’IL-4 et le ligand de CD40 entre cellule T et cellule B l’antigène, la cellule T se polarise, sécrète
l’IL-4 et d’autres cytokines et exprime sur
Appareil de Golgi LFA-1 CD40L CD40 ICAM-1 sa membrane un membre de la famille du
TNF, le ligand de CD40 au point de contact
intercellulaire. Lors de la reconnaissance
spécifique de l’antigène par la cellule B, la
TH B
cellule T auxiliaire exprime le ligand de CD40
MTOC (CD40L) qui se lie à CD40 sur la cellule B.
Taline, protéine Comme le montre le panneau supérieur,
du cytosquelette la jonction serrée formée entre les cellules
lors de la fixation de l’antigène semble
être scellée par un anneau de molécules
La cellule T auxiliaire réoriente son cytosquelette Coloration pour la taline d’adhérence, où LFA-1 portée par la cellule T
et son appareil sécrétoire vers la cellule B interagit avec ICAM-1 portée par la cellule B.
Le cytosquelette se polarise, comme le
montre la mobilisation de la protéine du
cytosquelette, la taline (marquée en rouge
dans le panneau du centre à droite), au point
de contact intercellulaire, en direction duquel
le cytosquelette réoriente également l’appareil
sécréteur (appareil de Golgi). Comme nous
pouvons le voir dans les panneaux du bas, les
cytokines sont libérées au point de contact.
Le panneau du bas à droite montre l’IL-4 (en
vert) confinée dans l’espace entre la cellule B
L’IL-4 est libérée et confinée dans l’espace Coloration pour l’IL-4 et la cellule T auxiliaire. MTOC : Microtubule-
entre la cellule B et la cellule T Organizing Center ou centre d’organisation des
microtubules. Clichés de A. Kupfer.

TH B

IL-4

puissent répondre aux antigènes thymodépendants. Il induit aussi une expression


accrue des molécules costimulatrices par la cellule B, particulièrement celles de
la famille B7. Cela fournit d’importants signaux qui soutiennent la croissance et la
différenciation de la cellule T, augmentant ainsi l’interaction mutuelle entre cel-
lule T et cellule B.
Lorsqu’elles sont exposées in vitro à un mélange de ligand de CD40 synthétisé arti-
ficiellement et d’interleukine 4 (IL-4), les cellules B se mettent à proliférer. L’IL-4
est produite par les cellules TH2 lorsqu’elles reconnaissent leur ligand spécifique
à la surface de la cellule B. L’IL-4 et le ligand de CD40 semblent agir en synergie
dans l’induction de l’expansion clonale qui précède in vivo la production d’anti-
corps. L’IL-4 est sécrétée de manière polarisée par la cellule TH2 et est concentrée
au site de contact avec la cellule B (Fig. 9.6) de manière à ce que la cytokine agisse
sélectivement sur la cellule B spécifique de l’antigène. La prolifération des cellu-
les B est dès lors le résultat d’une combinaison des signaux venant du récepteur
de cellule  B, de la liaison de CD40 et de l’IL-4 et d’autres signaux provenant du
contact direct avec la cellule T. Certaines molécules impliquées dans ces signaux
de contact viennent d’être découvertes. Ce sont d’autres membres des familles
du TNF et des récepteurs du TNF ; ils comprennent la paire CD30 et son ligand
(aussi appelé CD153), ainsi que 4-1BB (CD137) sur les cellules T et son ligand sur
la cellule B, ainsi que des homologues de B7 et CD28, comprenant respectivement
B7-RP et ICOS. La cytokine soluble BAFF (voir la Section 7-27) de la famille du TNF
est sécrétée par les cellules dendritiques et les macrophages ; elle agit comme fac-
teur de survie pour les cellules B en voie de différenciation. Après plusieurs cycles
de prolifération, les cellules B peuvent se différencier en plasmocytes sécréteurs
d’anticorps. Deux autres cytokines, IL-5 et IL-6, sécrétées toutes deux par les cellu-
les T auxiliaires, contribuent à l’activation de la cellule B aux stades tardifs.
386 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

9-5 Les cellules B qui ont lié un antigène par leur récepteur spécifique sont
piégées dans les zones de cellules T des tissus lymphoïdes secondaires.

Une des questions les plus déconcertantes à propos de la réponse anticorps est : com-
ment une cellule B spécifique d’un antigène peut elle rencontrer une cellule T auxiliaire
avec la spécificité antigénique appropriée. Cette question se pose car la proportion
des lymphocytes naïfs spécifiques d’un antigène donné est très faible ; elle est estimée
entre 1 pour 10.000 et 1 pour 1.000.000. Aussi, la chance qu’un lymphocyte T et un lym-
phocyte B, qui reconnaissent le même antigène, se rencontrent doit être de 1 pour 108
à 1 pour 1012. Une difficulté supplémentaire est la localisation distincte des cellules T et
des cellules B dans les tissus lymphoïdes périphériques, respectivement, les zones de
cellules T et les follicules lymphoïdes primaires, (voir Figs. 1.18–1.20). Lorsque les cel-
lules B naïves circulantes migrent dans ces tissus par les veinules à endothélium élevé,
Fig. 9.7 Les cellules B liant un antigène elles entrent dans les zones des cellules T, et habituellement traversent rapidement la
rencontrent les cellules T à la limite entre zone pour gagner le follicule primaire. Comme lors de l’activation de la cellule T naïve,
les zones des cellules T et des cellules B la réponse à la question posée au début du paragraphe semble se trouver dans le pié-
dans les tissus lymphoïdes secondaires. Le
schéma montre l’activation des cellules B dans
geage spécifique de l’antigène des cellules B circulantes.
la rate. À leur entrée dans la rate à partir du Nous avons vu au Chapitre 8 comment les cellules T naïves recirculantes sont pié-
sang par le sinus marginal (non montré), les
cellules T naïves et les cellules B s’établissent gées très efficacement dans la zone des cellules  T des tissus lymphoïdes secon-
dans différentes régions, comme décrit daires par la reconnaissance de leur antigène peptidique présenté par les cellules
au Chapitre 7. Si les cellules T rencontrent dendritiques, et comment elles y acquièrent le statut de cellules T auxiliaires. Des
leur antigène à la surface d’une cellule
présentatrice d’antigène, comme une cellule
expériences ingénieuses sur des souris transgéniques porteuses de gènes réarran-
dendritique, dans la zone des cellules T, elles gés d’immunoglobulines montrent que les cellules B qui ont lié un antigène dans
sont activées, certaines se différenciant en le sang ou dans les fluides extracellulaires sont piégées à la limite entre les zones
cellules T auxiliaires (panneau de gauche). Si des cellules T et des cellules B des tissus lymphoïdes périphériques par un méca-
les cellules B spécifiques du même antigène le
rencontrent, soit dans le sang ou des liquides
nisme similaire (Fig.  9.7). Une rencontre avec l’antigène signale à une cellule  B
tissulaires soit localisé à la surface de cellules naïve d’activer les molécules d’adhérence qu’elle porte à sa surface de la même
dendritiques dans les tissus lymphoïdes, elles manière que lors de l’activation qui survient lorsqu’une cellule  T naïve rencon-
sont arrêtées dans la zone des cellules T, tre son antigène (voir Fig. 8.18). Ainsi, une fois qu’elles ont lié un antigène, les cel-
à la limite avec la zone B, où elles peuvent
rencontrer les cellules T auxiliaires activées lules B migrantes sont arrêtées par l’activation de molécules d’adhérence comme
spécifiques du même antigène. Cette LFA-1 et l’engagement de récepteurs de chimiokines comme CCR7, un récepteur
interaction déclenche la prolifération des de CCL19 et de CCL21. Les cellules B naïves circulantes peuvent rencontrer et lier
cellules B (panneau central). Dans la rate, les les antigènes d’un pathogène dans le courant sanguin ou comme antigènes libres
lymphocytes activés migrent alors à la limite de
la zone des cellules T et de la pulpe rouge, où apportés dans le tissu lymphoïde par la lymphe. Les cellules dendritiques peuvent
ils continuent à proliférer et où les cellules B aussi présenter des antigènes aux cellules B. Des cellules dendritiques peuvent lier
se différencient en plasmoblastes, formant ce passivement certains antigènes soit directement ou sous la forme de complexes
que l’on appelle un foyer primaire (panneau de
droite ). Dans les ganglions lymphatiques, le
antigène:anticorps. De ce fait, elles agissent comme des filtres dans les tissus lym-
foyer primaire se développe dans les cordons phoïdes et concentrent les antigènes venant d’un foyer infectieux, si bien qu’elles
médullaires (voir Fig. 9.9). augmentent les chances pour une cellule B de rencontrer son antigène.

Les cellules B et T liant l’antigène migrent


Les cellules B liant l’antigène sont piégées Les cellules B liant l’antigène interagissent avec à la limite entre la zone T et la pulpe rouge,
dans la zone des cellules T de la rate des cellules T auxiliaires et commencent à se diviser où les cellules B prolifèrent pour former
un foyer primaire et former des plasmoblastes

foyer
Pulpe rouge primaire
cellules T spécifiques
d’antigène plasmoblastes

cellule
dendritique
cellules B spécifiques
d’antigène artériole centrale

zone
des cellules B zone des cellules T
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 387

Le piégeage des cellules B porteuses d’antigène à la limite des zones de cellules T fournit
une solution élégante au problème de la rencontre des cellules B avec les cellules T auxi-
liaires appropriées. Les cellules B qui sont déjà dans un follicule lymphoïde lorsqu’elles
rencontrent un antigène migrent très probablement aussi à la limite entre les zones T et
B. Ainsi, les cellules B qui ont lié un antigène sont piégées de manière sélective dans le
site qui maximise leurs chances de rencontrer la cellule T auxiliaire qui peut les activer.
Les cellules B stimulées par un antigène mais qui ne réussissent pas à interagir avec les
cellules T spécifiques du même antigène meurent dans les 24 heures.
Après leur rencontre initiale, les cellules B et les cellules T partenaires migrent de la
limite entre les zones T et B pour continuer leur prolifération et différenciation. Dans
la rate, elles migrent au bord de la zone T et de la pulpe rouge. Là, elles établissent un
foyer primaire d’expansion clonale (voir Fig. 9.7). Dans les ganglions lymphatiques,
le foyer primaire est localisé dans les cordons médullaires, où la lymphe est drainée
hors du ganglion. Les foyers primaires apparaissent environ 5 jours après une infec-
tion ou une immunisation avec un antigène jamais rencontré auparavant, ce qui cor-
respond bien avec le temps requis pour la différenciation des cellules T auxiliaires.

9-6 Les plasmocytes sécréteurs d’anticorps se différencient à partir


des cellules B activées.

Les cellules T et les cellules B prolifèrent dans le foyer primaire durant plusieurs
jours, et ceci constitue la première phase de la réponse immunitaire humorale pri-
maire. Certaines de ces cellules B en prolifération se différencient en plasmoblas-
tes synthétisant des anticorps dans le foyer primaire. D’autres peuvent migrer dans
le follicule lymphoïde et poursuivre là leur différenciation avant de devenir des
plasmocytes, comme nous le décrirons plus loin. Les plasmoblastes sont des cel-
lules qui ont commencé à sécréter des anticorps, mais qui sont encore en train de
se diviser et expriment encore de nombreuses caractéristiques des cellules B acti-
vées qui permettent leur interaction avec les cellules T. Après quelques jours, les
plasmoblastes arrêtent de se diviser et soit meurent ou se différencient en plas-
mocytes. La différenciation d’une cellule  B en un plasmocyte est accompagnée
de nombreux changements morphologiques qui reflètent son engagement dans
la production de grandes quantités d’anticorps sécrétés. Certains plasmocytes Fig. 9.8 Les plasmocytes sécrètent
des anticorps en abondance mais ne
restent dans les organes lymphoïdes, où ils survivent peu, tandis que la majorité
peuvent plus répondre à l’antigène ou aux
migre dans la moelle osseuse où la production des anticorps se poursuit. cellules T auxiliaires. Les cellules B naïves
au repos sont pourvues d’immunoglobulines
Les propriétés des cellules B quiescentes, des plasmoblastes et des plasmocytes sont membranaires (généralement IgM ou IgD)
comparées dans la Fig. 9.8. Les plasmoblastes et les plasmocytes ont un cytoplasme et de molécules du CMH de classe II. Leurs
segments géniques V n’ont pas subi de
mutation somatique. Elles peuvent capter
Propriété un antigène et le présenter aux cellules T
auxiliaires, qui vont induire la prolifération et
la commutation de classe des cellules B. Elles
Intrinsèque Inductible subissent aussi le phénomène de mutation
somatique. Les cellules B ne sécrètent pas
CMH de Sécrétion des quantités significatives d’anticorps. Les
Lignée Hypermutation Commutation
Ig de surface classe II abondante Croissance plasmoblastes ont un phénotype intermédiaire.
cellulaire B somatique de classe
de surface d’Ig Ils sécrètent des anticorps, mais ils gardent
des immunoglobulines de surface et des
molécules du CMH de classe II et peuvent
Élevée Oui Non Oui Oui Oui ainsi continuer à capter et présenter un
antigène aux cellules T. Les plasmocytes
Cellule B au repos
sont des cellules B à l’étape ultime de leur
différenciation, qui sécrètent des anticorps. Ils
ne peuvent plus interagir avec les cellules T
Élevée Oui Oui Oui Inconnu Oui auxiliaires car ils expriment un taux très faible
Plasmoblaste
d’immunoglobuline membranaire et sont
dépourvus de molécules du CMH de classe II.
Ils sont déjà passés par la commutation de
classe et les mutations somatiques. Les
Basse Non Oui Non Non Non plasmocytes ont perdu leur capacité de
Plasmocyte changer d’isotype ou de subir une mutation
somatique.
388 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

abondant dominé par les couches multiples du réticulum endoplasmique rugueux


(voir Fig. 1.23). Le noyau a un aspect caractéristique ; la chromatine étant conden-
sée en périphérie ; un appareil de Golgi perinucléaire important est visible, et les
citernes du réticulum endoplasmique sont riches en immunoglobulines, qui dans
un plasmocyte représentent 10–20 % de toutes les protéines synthétisées. Bien que
les plasmoblastes expriment encore des molécules B7 costimulatrices et des molé-
cules du CMH de classe II, les plasmocytes ne le font plus. Aussi, les plasmocytes ne
peuvent plus présenter d’antigène aux cellules T auxiliaires, bien que ces cellules T
peuvent encore fournir d’importants signaux pour la différenciation et la survie des
plasmocytes, comme l’IL-6 et le ligand de CD40. Les plasmoblastes expriment l’im-
Les cellules B naïves gagnent le ganglion munoglobuline de surface, qui n’est exprimée par les plasmocytes qu’en très faible
lymphatique par le courant sanguin
et le quittent par la lymphe efférente densité. Néanmoins, ces taux bas d’immunoglobuline de surface peuvent être phy-
siologiquement importants, puisque de récentes observations suggèrent que la sur-
follicule vie des plasmocytes peut être déterminée en partie par leur aptitude à lier encore
lymphoïde
primaire cordons l’antigène. Les plasmocytes ont une durée de vie très variable. Certains survivent
follicule médullaires de quelques jours à quelques semaines après leur différenciation finale, tandis que
lymphoïde
secondaire cellule B d’autres vivent longtemps et assurent la persistance des réponses à anticorps.
veinule à
endothélium vaisseaux
sanguins
élevé 9-7 La seconde phase d’une réponse immunitaire primaire des cellules B
centre
germinatif
vaisseau survient lorsque les cellules B activées migrent dans les follicules
lymphatique
zone des cellules T
efférent et prolifèrent pour former des centres germinatifs.
Certaines cellules B et T qui ont proliféré tôt au cours de la réponse immunitaire
Les cellules B qui rencontrent l’antigène à la limite prennent une voie détournée avant de devenir des plasmocytes. Accompagnées de
entre les zones des cellules T et B sont activées.
Elles forment des foyers primaires dans les cordons leurs cellules T partenaires, elles migrent dans les follicules lymphoïdes primai-
médullaires. Certains cellules migrent alors dans res (Fig. 9.9), où elles continuent à proliférer jusqu’à former un centre germinatif
le follicule primaire, formant un centre germinatif (Fig. 9.10). Les follicules primaires sont présents dans les ganglions lymphatiques
non stimulés en absence d’infection et contiennent des cellules B au repos, empri-
HEV sonnées dans un réseau dense d’expansions provenant d’un type cellulaire par-
ticulier, les cellules dendritiques folliculaires (FDC, Follicular Dendritic Cell).
Celles-ci attirent à la fois les cellules B naïves et les cellules B activées dans les folli-
cules en sécrétant la chimiokine CXCL13, qui est reconnue par le récepteur CXCR5
sur les cellules B (voir la Section 7-25).
On ignore si les cellules qui ensemencent un centre germinatif correspondent aux cel-
lules activées initialement à la limite des zones T et B ou des cellules qui se développent
plus dans les foyers primaires, ou à partir des deux sources. Les centres germinatifs sont
composés surtout de cellules B en prolifération, mais les cellules T spécifiques de l’an-
Les plasmocytes migrent dans les cordons médullaires
ou quittent via the les lymphatiques efférents tigène représentent environ 10 % des lymphocytes du centre germinatif et fournissent
l’aide indispensable aux cellules B. Le centre germinatif est essentiellement un îlot de
cellules en division qui s’installent au milieu d’une mer de cellules B au repos dans
les follicules primaires. Les cellules B qui prolifèrent dans le centre germinatif dépla-
cent les cellules B au repos vers la périphérie du follicule, formant la zone du man-
teau de cellules au repos autour du centre. Un follicule contenant un centre germinatif

Fig. 9.9 Les cellules B activées forment primaire dans les cordons médullaires,
les centres germinatifs dans les follicules tandis que d’autres migrent pour former un
lymphoïdes. Ces schémas montrent centre germinatif dans un follicule primaire.
l’activation des cellules B dans un ganglion Les centres germinatifs sont des sites de
lymphatique. Panneau supérieur : les cellules B prolifération rapide et de différenciation des
Les plasmocytes migrent dans la moelle osseuse naïves circulantes entrent dans les ganglions cellules B. Les follicules dans lesquels un
lymphatiques à partir du sang à hauteur des centre germinatif s’est formé sont appelés
veinules à endothélium élevé ; si elles ne follicules secondaires. Dans le centre
rencontrent pas l’antigène, elles quittent par germinatif, les cellules B commencent leur
le vaisseau lymphatique efférent. Deuxième différenciation soit en plasmocytes sécréteurs
panneau : si des cellules B spécifiques d’anticorps ou en cellules B mémoire. Troisième
rencontrent à la fois leur antigène et des et quatrième panneaux : les plasmocytes
cellules T auxiliaires activées spécifiques du quittent le centre germinatif et migrent dans
même antigène, elles deviennent activées. les cordons médullaires ou quittent tout à fait
Certains cellules B activées à la limite entre le ganglion lymphatique par les lymphatiques
les zones de cellules T et B forment un foyer efférents et migrent dans la moelle osseuse.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 389

est appelé follicule secondaire (voir Fig. 9-9). Le centre germinatif grandit au fur et à
mesure que la réponse immunitaire progresse, et ensuite rétrécit et finalement dispa-
raît lorsque l’infection est éliminée. Les centres germinatifs sont présents durant envi-
ron 3–4 semaines après le premier contact avec l’antigène.
Les événements précoces dans le foyer primaire aboutissent à une sécrétion rapide
d’anticorps spécifiques qui assurent une protection immédiate à l’individu infecté.
Par ailleurs, la réponse du centre germinatif est plus tardive mais plus efficace, ce qui Fig. 9.10 Les centres germinatifs sont
lui permet d’intervenir lorsque l’infection par le pathogène est devenue chronique formés lorsque les cellules B activées
ou lorsque l’hôte est réinfecté. À cette fin, la cellule B subit dans le centre germina- entrent dans les follicules lymphoïdes. Le
centre germinatif est un microenvironnement
tif d’importants remaniements. Ces modifications comprennent l’hypermutation spécialisé dans lequel ont lieu la prolifération
somatique (voir Chapitre 4) qui porte sur les régions V des cellules B, la maturation des cellules B, l’hypermutation somatique et la
d’affinité, processus de sélection des cellules B avec l’affinité la plus forte pour l’an- sélection de la force de liaison à l’antigène. Les
centroblastes densément empaquetés forment
tigène, et la commutation de classe (voir Sections 9-4 et 4-16), qui permet aux cel-
la « zone sombre » du centre germinatif,
lules  B sélectionnées d’exercer diverses fonctions effectrices par l’intermédiaire comme on le voit dans la partie inférieure
d’anticorps de différents isotypes. Les cellules B sélectionnées se différencient soit en de la micrographie du panneau central qui
cellules B mémoire, dont la fonction sera décrite au Chapitre 10, soit en plasmocytes montre au fort grossissement une coupe à
travers un centre germinatif d’une amygdale
qui commenceront à sécréter des anticorps de haute affinité et d’une classe particu- humaine. La micrographie à droite montre
lière acquise durant la dernière partie de la réponse immunitaire primaire. au faible grossissement un centre germinatif
d’amygdale ; les cellules B se trouvent dans
Le centre germinatif est un site intense de prolifération cellulaire, où les cellules B se la zone sombre, la zone claire et la zone
divisent toutes les 6 à 8 heures. Initialement, ces cellules B qui prolifèrent rapidement du manteau. Les cellules en prolifération
expriment nettement moins d’immunoglobulines de surface, particulièrement les sont colorées en vert pour Ki67, un antigène
exprimé dans les noyaux des cellules en
IgD. Ces cellules B sont appelées des centroblastes. Au cours du temps, certaines de division, révélant les centroblastes dans la
ces cellules réduisent le rythme de leur division et réexpriment un taux élevé d’immu- zone sombre. Le réseau dense de cellules
noglobulines de surface. On les appelle des centrocytes. Les centroblastes prolifèrent dendritiques folliculaires, colorées en rouge,
dans la zone sombre du centre germinatif (voir Fig. 9.10), appelée ainsi car les cellules occupent surtout la zone claire. Les cellules
de la zone claire prolifèrent également, mais
en prolifération sont densément empaquetées. Au cours du développement, les cel- de manière moins intense dans la plupart des
lules B colonisent la zone claire du centre germinatif, une zone du follicule qui est plus centres germinatifs. Les petites cellules B
riche en cellules folliculaires dendritiques mais plus pauvre en cellules. Auparavant, recirculantes occupent la zone du manteau
on pensait que seuls les centroblastes de la zone sombre proliféraient, alors que les à la périphérie du follicule de cellules B. De
grandes masses de cellules T CD4, colorées
centrocytes de la zone claire ne se divisaient pas. C’est le cas dans les centres germi- en bleu, peuvent être observées dans les
natifs chroniques que l’on trouve dans les amygdales enflammées, après leur excision zones de cellules T, qui séparent les follicules.
chirurgicale. Cependant, dans les centres germinatifs nouvellement formés de la sou- Les cellules T sont aussi en nombre significatif
dans la zone claire du centre germinatif ; la
ris, il apparaît clairement que la prolifération peut avoir lieu aussi bien dans la zone
coloration de CD4 dans la zone sombre est
claire que dans la zone sombre et que les cellules qui prolifèrent dans la zone som- associée surtout à des phagocytes porteurs de
bre expriment un taux faible d’immunoglobulines de surface. À l’origine, les cellules CD4. Clichés de I. MacLennan.

Centre germinatif coloré pour montrer les cellules T,


Micrographie optique d’un centre germinatif
Représentation schématique d’un centre germinatif les cellules dendritiques folliculaires
(fort grossissement)
et les cellules B en prolifération

zone du zoneT-cell
des cellules
zone T
manteau
centrocytes
cellules
zone dendritiques
claire folliculaires zone du manteau
mantle zone

centroblastes

zone zone
light claire
zone
sombre cellules T
auxiliaires

Zone des Zone des


cellules B cellules T zone
darksombre
zone
390 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

folliculaires dendritiques sont plus nombreuses dans la zone claire. Elles semblent
ensuite réagir à la formation du centre germinatif et s’étendent alors dans le reste du
centre germinatif au fur et à mesure qu’il se développe. Un centre germinatif mature,
quinze jours après le début de l’immunisation, ressemble à une zone claire avec peu
de caractéristiques de la zone sombre. Cet aperçu de l’évolution du centre germinatif
permet d’expliquer comment sont sélectionnées les cellules B avec une forte affinité
pour l’antigène, comme nous allons le décrire.

9-8 Les cellules B du centre germinatif sont soumises à un processus


d’hypermutation somatique de leur région V, et les cellules B mutées
dont l’affinité pour l’antigène est augmentée sont sélectionnées.

Ce que nous connaissons à propos du mécanisme moléculaire de l’hypermutation


somatique a été décrit dans les Sections 4-17 et 4-18. Il s’agit d’un mécanisme secon-
daire diversifiant encore davantage les anticorps. Nous allons décrire à présent les
signaux qui déclenchent l’hypermutation et ses conséquences biologiques sur les
cellules B. Les mutations somatiques sont normalement limitées aux cellules B qui
prolifèrent dans les centres germinatifs. Des études in vitro ont montré que les cel-
lules  B peuvent subir des mutations somatiques à l’extérieur du centre germinatif
lorsque les récepteurs de ces cellules B sont interconnectés et qu’elles reçoivent des
signaux auxiliaires comme les cytokines et une stimulation par le ligand de CD40 des
cellules T activées. En fait, chez les souris dépourvues de centre germinatif à cause
d’une mutation dans le gène de la lymphotoxine α (voir Section 7-30), on observe une
hypermutation dans leurs cellules B. Cependant, on ignore où le processus a lieu.
Contrairement aux autres mécanismes de diversification des immunoglobulines
(voir les Sections 4-1 à 4-6), qui produisent des cellules B avec des récepteurs radi-
calement différents, l’hypermutation somatique peut créer une série de clones
apparentés de cellules  B qui diffèrent faiblement dans leur spécificité et affinité
pour l’antigène. La raison en est que le processus induit des mutations ponctuel-
les qui ne changent qu’un seul acide aminé. Les gènes de la région V des immu-
noglobulines accumulent des mutations à une fréquence d’environ une paire de
base pour 103 à chaque division cellulaire. Le taux de mutation de l’ADN des autres
cellules somatiques est beaucoup plus bas : environ une paire de base pour 1010 à
chaque division cellulaire. Ces mutations touchent aussi l’ADN qui flanque le gène
V réarrangé, mais en général ne s’étend pas aux exons de la région C. Ainsi, des
mutations ponctuelles au hasard sont d’une manière ou d’une autre dirigées vers
les gènes V réarrangés dans une cellule B. Comme chaque gène des régions V de
la chaîne lourde et de la chaîne légère est codé par environ 360 paires de base et
qu’environ trois mutations sur quatre induisent un changement d’acide aminé, le
récepteur d’une cellule B sur deux subit une mutation à chaque division.
Les mutations ponctuelles s’accumulent par étapes au fur et à mesure que les des-
cendants d’une cellule B individuelle (clones de cellules B) prolifèrent dans le cen-
tre germinatif. Les mutations peuvent affecter la capacité de la cellule B de se lier à
l’antigène et ainsi affecter le sort de la cellule B dans le centre germinatif (Fig. 9.11).
La plupart des mutations ont un effet négatif sur la capacité des récepteurs des cel-
lules B de s’attacher à l’antigène d’origine. Certaines mutations changent des rési-
dus essentiels au repliement correct de l’immunoglobuline ou modifient les régions
qui déterminent la complémentarité de telle manière que la liaison à l’antigène est
réduite ou impossible. Ces mutations sont fatales pour les cellules qui les subissent ;
elles sont éliminées par apoptose soit parce qu’elles ne peuvent plus synthétiser le
récepteur soit parce qu’elles ne peuvent plus entrer en compétition avec les cellules
sœurs qui fixent fortement l’antigène. Les mutations délétères sont fréquentes. En
effet, les centres germinatifs sont remplis de cellules B apoptotiques, qui sont rapi-
dement capturées par les macrophages, qui deviennent des macrophages à corps
tingibles ; leur cytoplasme contient des débris nucléaires dont la coloration sombre
représente une caractéristique histologique des centres germinatifs.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 391

Fig. 9.11 Les cellules B activées passent


Cellule B activée par des cycles de mutation et de sélection
des mutants de plus forte affinité dans le
centre germinatif, avec en conséquence
des plasmocytes sécréteurs d’anticorps
de forte affinité et des cellules B mémoire
également de haute affinité. Les cellules B
Cellule T sont d’abord activées à l’extérieur des
B
auxiliaire follicules par l’action combinée de l’antigène
et des cellules T (panneau supérieur). Elles
cytokines migrent alors dans les centres germinatifs
(non montré), où les événements suivants se
déroulent. L’hypermutation somatique peut
entraîner des remplacements d’acides aminés
dans les régions V des immunoglobulines
Hypermutation somatique des régions V qui vont affecter le sort des cellules B. Les
des immunoglobulines de cellules B mutations qui aboutissent à la production
en prolifération rapide dans un centre germinatif d’un récepteur antigénique de cellule B (BCR)
d’affinité plus faible (panneaux de gauche)
ne permettent pas une activation efficace de
la cellule B, car la possibilité de pontage des
Cellule B d’un centre germinatif avec des Cellule B d’un centre germinatif avec des BCR et de présentation de l’antigène par la
immunoglobulines de surface mutées de faible affinité immunoglobulines de surface mutées et de forte affinité cellule B à la cellule T est réduite. Ces cellules
vont mourir par apoptose. Ainsi, les cellules
de faible affinité seront éliminées du centre
interconnexion des BCR germinatif. La majorité des mutations ayant un
effet soit négatif soit neutre (non montré), le
CD40L
centre germinatif est un site de mort massive
B CD40 (CD154) autant que de prolifération des cellules B.
Cependant, certaines mutations augmentent
B Cellule T la capacité du récepteur de la cellule B de lier
Cellule T auxiliaire
auxiliaire l’antigène, ce qui augmente les chances de la
cellule B d’interagir avec les cellules T, donc de
proliférer et de survivre (panneaux de droite).
Les cellules survivantes subissent des cycles
répétés de mutation et de sélection durant
lesquelles les cellules B se différencient soit
Les récepteurs de cellule B ne peuvent être L’aide de la cellule T et l’interconnexion des en cellules B mémoire soit en plasmocytes
interconnectés et la cellule B ne peut présenter récepteurs de cellules B soutiennent la prolifération (panneaux de droite en bas) et quittent ensuite
l’antigène à la cellule T et la maturation des cellules B le centre germinatif. Les signaux qui contrôlent
l’orientation de cette différenciation restent
inconnus.

La cellule B meurt par apoptose Cellule B mémoire Plasmocyte

IgG

Plus rarement, les mutations parviennent à augmenter l’affinité du récepteur de la cel-


lule B pour l’antigène. Les cellules qui ont subi ce type de mutation sont sélectionnées
et se multiplient. On ignore si cette multiplication est due à une inhibition de la mort
cellulaire et / ou à une augmentation de la division cellulaire. Dans les deux cas, il est
clair que la sélection conduit à une augmentation de l’affinité. Après chaque cycle de
mutations, la cellule B exprime un nouveau récepteur et ce nouveau récepteur déter-
mine le sort favorable ou défavorable de cette cellule. Si le nouveau récepteur est favo-
rable à la cellule, celle-ci entre dans un nouveau cycle de divisions et de mutations, et
le mécanisme d’expression et de sélection du récepteur reprend son cours. L’affinité
et la spécificité des récepteurs des cellules B sélectionnées sont continuellement affi-
nées au cours du processus, qui se déroule dans le centre germinatif et est appelé
maturation d’affinité. Les centroblastes et les centrocytes peuvent toutes deux pro-
liférer et exprimer des immunoglobulines. Ceci permet de comprendre comment la
mutation et la sélection positive peuvent avoir lieu simultanément dans tout le centre
germinatif sans aller-retour entre la zone sombre et la zone claire. L’étude de la répar-
tition des mutations somatiques dans les régions V des cellules B qui ont survécu à
392 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

leur traversée du centre germinatif (voir Section 4-18) a permis d’apporter des preu-
ves de ces mécanismes de sélection positive et négative. L’existence d’une sélection
négative est mise en évidence par l’absence relative de changements d’acides ami-
nés dans les parties dites du cadre (framework) de l’immunoglobuline, ce qui indi-
que que les cellules qui ont subi une mutation dans un des nombreux acides aminés
indispensables à un repliement correct de la région V de l’immunoglobuline ont été
éliminées. La sélection négative est un processus important du centre germinatif qui
permet l’élimination d’environ une cellule sur deux. Si la sélection négative n’était pas
aussi importante, les cellules B, qui se divisent trois à quatre fois par jour dans chaque
centre germinatif, auraient rapidement un nombre tellement important de descen-
dants que tout l’organisme serait envahi. En effet, un seul centre germinatif peut pro-
duire plus d’un milliard de cellules en 10 jours. Avec la sélection négative, un centre
germinatif n’est constitué que de quelques milliers de cellules au maximum.
Par ailleurs, la preuve de l’existence d’une sélection positive est l’accumulation de
nombreux changements d’acides aminés dans les régions déterminant la complé-
mentarité (voir Fig. 4.25). La conséquence de ces cycles de prolifération, mutation
et sélection qui se produisent dans le centre germinatif est une augmentation, au
cours du temps, de l’affinité moyenne de la population de cellules B répondant à
l’antigène. Ce processus explique très largement la maturation d’affinité observée
lors de la réponse humorale. Le processus de la sélection est assez strict. Bien que
50 à 100 cellules B peuvent ensemencer un centre germinatif, la majorité n’a pas
de descendant et, lorsque le centre germinatif atteint sa taille maximale, il ne com-
prend que des descendants d’une ou de quelques rares cellules B.

9-9 La commutation de classe au cours des réponses à anticorps


thymodépendantes requiert l’expression du ligand de CD40
par la cellule T auxiliaire et est orientée par des cytokines.

Les anticorps sont intéressants non seulement pour la diversité de leurs sites de fixa-
tion de l’antigène, mais aussi pour leur rôle différent comme molécule effectrice. La
spécificité d’une réponse anticorps est déterminée par le site de fixation antigénique
constitué de deux domaines variables V, VH et VL. Cependant, l’activité effectrice de
ces anticorps est déterminée par l’isotype de la région C de la chaîne lourde (voir la
Section 3-1). Un domaine V d’une chaîne lourde peut s’associer à une région C d’iso-
type différent par le processus de commutation de classe (voir Section 4-20), qui a
lieu après que les cellules B ont été activées dans les zones de cellules T des organes
lymphoïdes et peut continuer dans les foyers primaires et dans une certaine propor-
tion de cellules du centre germinatif. Nous verrons plus loin dans ce chapitre com-
ment les anticorps de chaque isotype contribuent à l’élimination des pathogènes.
Les réarrangements de l’ADN, qui contribuent à la commutation de classe et confè-
rent cette diversité fonctionnelle à la réponse immunitaire humorale, sont contrôlés
par les cytokines, surtout par celles qui sont libérées par les cellules T CD4.
Toutes les cellules B naïves expriment des IgM et des IgD de surface, et l’IgM est le pre-
mier anticorps sécrété (voir la Section 4-15), mais elle représente moins de 10 % des
immunoglobulines plasmatiques, parmi lesquelles l’isotype prédominant est l’IgG.
La plupart des anticorps du plasma sont donc produits par des cellules B qui ont subi
la commutation de classe. En tout temps, la production d’anticorps IgD est très faible.
Les premiers stades de la réponse anticorps sont donc dominés par les anticorps IgM.
Par la suite, les IgG et les IgA prédominent, en association avec les IgE, qui constituent
une partie faible mais biologiquement importante de la réponse. La prédominance
des IgG est due en partie à une durée de vie relativement longue (voir Fig. 4.16).
Des interactions productives entre cellules B et cellules T auxiliaires sont essentielles
Immunodéficience hyper IgM pour que survienne la commutation de classe. Ce qui est démontré par les patients
liée à l’X atteints d’une déficience génétique du ligand de CD40, qui est requis pour ces inte-
ractions. La commutation de classe est fortement réduite chez ces personnes, qui ont
des taux anormalement élevés d’IgM plasmatique. C’est pourquoi, cette maladie est
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 393

Fig. 9.12 La commutation de classe est


VDJ μ δ γ3 γ1 γ2b γ2a ε α précédée par l’activation transcriptionnelle
s s s s s s s des gènes de région C de chaîne lourde.
Cellule B
naïve Les cellules B naïves au repos transcrivent
lentement les gènes des isotypes de chaîne
lourde μ et δ qui donnent l’IgM et l’IgD de
surface. Le lipopolysaccharide bactérien (LPS),
qui peut activer les cellules B indépendamment
Cellule B s d’un antigène, induit la sécrétion d’IgM.
naïve En présence d’IL-4, cependant, Cγ1 et Cε
+ LPS sont transcrits lentement, annonçant la
commutation vers la production d’IgG1 et
d’IgE. Les transcrits commencent avant
l’extrémité 5´ de la région où la commutation
a lieu, et ne code pas de protéine. De même,
γ1 ε le TGF-β induit les transcrits de Cγ2b et Cα et
Cellule B s dirige la commutation vers l’IgG2b et l’IgA.
naïve On ignore ce qui détermine lequel des deux
+ LPS gènes C de chaîne lourde dont la transcription
+ IL-4 est activée subira la commutation. Les flèches
rouges indiquent la transcription. La figure
montre une commutation de classe chez la
γ2b α souris.
Cellule B s
naïve
+ LPS
+ TGF-β

appelée syndrome hyper IgM. Malgré l’absence du ligand de CD40, ces gens produi-
sent des anticorps IgM en réponse aux antigènes thymodépendants, ce qui indique
que, lors d’une réponse des cellules B, les interactions CD40L–CD40 sont surtout
importantes en soutenant une réponse immunitaire comprenant la commutation de
classe. D’autres déficiences qui interfèrent avec la commutation de classe, comme
une déficience de CD40, ou de l’enzyme AID (Activation-Induced cytidine Deaminase),
qui est essentielle pour le processus de recombinaison de la commutation de classe,
aboutissent également à certaines formes du syndrome d’hyper IgM et sont décrites
au Chapitre 12. L’IgM dans les syndromes hyper IgM peut être induite en grande par-
tie par des antigènes thymo-indépendants de pathogènes qui infectent chronique-
ment ces patients, qui souffrent d’une immunodéficience humorale grave.
Le mécanisme de la commutation de classe, et les régions de commutation entre les-
quelles la recombinaison survient pour transférer la région V réarrangée au front de
différentes régions C, sont décrites en détail dans la Section 4-20. La sélection d’une
région C comme cible pour le processus de recombinaison n’est pas aléatoire, mais
est régulée par des cytokines produites par des cellules T auxiliaires et d’autres cellu-
les durant la réponse immunitaire. Nos connaissances sur la régulation de la commu-
tation isotypique par les cellules T auxiliaires proviennent surtout d’expériences dans
lesquelles les cellules B sont exposées in vitro à divers stimulus non spécifiques, (LPS),
comme le lipopolysaccharide bactérien (LPS) et des cytokines purifiées (Fig. 9.12). Ces
expériences montrent que certaines cytokines induisent préférentiellement la commu-
tation de classe vers certains isotypes. Chez la souris, l’IL-4 oriente la commutation vers
l’IgG1 (Cγ1) et l’IgE (Cε), alors que le TGF-β (Transforming Growth Factor-β) la dirige
vers l’IgG2b (Cγ2b) et l’IgA (Cα). Les cellules TH2 produisent ces deux cytokines ainsi que
l’IL-5, qui favorise la sécrétion d’IgA par les cellules qui ont déjà subi une commuta-
tion de classe. Bien que les cellules TH1 soient de faibles activatrices des réponses anti-
corps, elles participent à la commutation de classe en libérant de l’interféron (IFN)-γ,
qui oriente la commutation vers l’IgG2a et l’IgG3. La Fig. 9.13 résume les rôles des cyto-
kines dans l’orientation des cellules B vers des isotypes particuliers. Un tel mécanisme
dirigé est soutenu par l’observation que les cellules B individuelles subissent fréquem-
ment une commutation vers le même gène C sur les deux chromosomes, même si la
chaîne lourde de l’anticorps n’est exprimée qu’à partir de l’un des chromosomes.
Les cytokines induisent la commutation en partie en stimulant la formation de
transcrits d’ARNm à partir des sites de recombinaison de commutation présents
394 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Fig. 9.13 Différentes cytokines induisent la


commutation vers des classes d’anticorps Rôle des cytokines dans la régulation de l’expression des classes d’anticorps
distinctes. Des cytokines individuelles
induisent (en violet) ou inhibent (en rouge) la
production de certaines classes d’anticorps. Cytokines IgM IgG3 IgG1 IgG2b IgG2a IgE IgA
La plupart des effets inhibiteurs sont
probablement dus à l’orientation vers une
classe différente. Ces donnés proviennent IL-4 Inhibe Inhibe Induit Inhibe Induit
d’expériences sur des cellules de souris.
Augmente
IL-5 la production

IFN-γ Inhibe Induit Inhibe Induit Inhibe

TGF-β Inhibe Inhibe Induit Induit

en 5´ de chaque gène C de chaîne lourde (voir Fig. 9.12). Par exemple, lorsque les
cellules B sont exposées à l’IL-4, on peut détecter la transcription à partir d’un site
en amont des régions de commutation de Cγ1 et de Cε un jour ou deux avant que la
commutation ne survienne. De manière intéressante, chacune des cytokines qui
induisent la commutation semblent induire la transcription à partir des régions
de commutation de deux gènes C de différentes chaînes lourdes, mais la recom-
binaison spécifique ne survient que dans l’un ou l’autre de ces gènes. Ainsi, les
cellules T auxiliaires régulent la production d’anticorps par les cellules B et aussi
l’isotype de chaîne lourde qui détermine la fonction effectrice de ces anticorps.

9-10 La liaison du récepteur de la cellule B, de CD40 et un contact direct


avec la cellule T sont indispensables à la survie des cellules B
du centre germinatif.

Les cellules B du centre germinatif sont prédisposées à une mort précoce et, pour
survivre, elles doivent recevoir des signaux spécifiques. À l’origine, il a été décou-
vert qu’in vitro les cellules B du centre germinatif pouvaient survivre suite au pon-
tage de leurs récepteurs associé à une liaison de leur CD40 membranaire. In vivo,
ces signaux sont transmis respectivement par l’antigène et par la cellule  T. Des
signaux supplémentaires sont aussi requis pour la survie ; ils sont fournis par un
contact direct avec les cellules T. La nature de ces signaux est encore obscure, mais

C3b

FcR CR3
Fig. 9.14 Les complexes immuns se lient
à la surface des cellules folliculaires
dendritiques. Des antigènes radiomarqués
se localisent et restent dans les follicules
lymphoïdes des ganglions lymphatiques de
drainage (voir la microphotographie optique et
le schéma en dessous qui montre un centre
germinatif dans le ganglion lymphatique).
L’antigène radiomarqué a été injecté trois
jours avant ; sa localisation dans le centre
germinatif se marque sous forme d’une antigène
zone noire. L’antigène est présent dans des radiomarqué
complexes antigène:anticorps:complément lié aux
liés aux récepteurs de Fc ou aux récepteurs cellules
du complément à la surface des cellules dendritiques
dendritiques folliculaires comme le montrent folliculaires
les schémas du panneau de droite et de
l’insert où l’on voit des complexes immuns liés
aux récepteurs de Fc et CR3. Ces complexes centre germinatif
ne sont pas ingérés. L’antigène peut persister Ganglion lymphatique
longtemps sous cette forme. Cliché de J. Tew.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 395

ils pourraient comprendre ICOS et B7-RP (voir la Section 9-4) et d’autres mem-


bres des familles du TNF et de son récepteur. La source de l’antigène dans le cen-
tre germinatif a été le sujet de nombreuses controverses. L’antigène peut être capté
et conservé sous forme de complexes immuns sur les cellules folliculaires dendri-
tiques pour de longues périodes de temps (Fig. 9.14 et 9.15). Par conséquent, on
a supposé que c’était l’antigène qui maintenait la prolifération des cellules B du
centre germinatif. Bien que cela semble vrai dans certaines circonstances, on dis-
pose actuellement de preuves que l’antigène porté par les cellules dendritiques
folliculaires n’est pas indispensable au maintien d’une réponse normale du cen-
tre germinatif. En effet, le rôle du dépôt d’antigène sur ces cellules est inconnu. On
pense qu’il pourrait soutenir les plasmocytes à longue durée de vie. D’où viennent
alors les antigènes qui soutiennent le centre germinatif ? Dans des circonstances
normales, il est probable que les pathogènes vivants transportés dans les tissus
lymphoïdes où ils se multiplient continuent à libérer des antigènes jusqu’à leur
élimination par la réponse immunitaire, après quoi le centre germinatif régresse.
Les immunisations contre des antigènes protéiques sont pratiquées généralement
dans des conditions qui permettent une libération lente de l’antigène, ce qui imite
en quelque sorte l’immunisation contre les pathogènes vivants. En effet, il est diffi-
cile de stimuler la formation d’un centre germinatif lors d’une immunisation sans
pathogène capable de se répliquer ou sans une libération antigénique persistante
en présence d’adjuvant (voir Appendice I, Section A-4).
On ignore encore comment les divers signaux qui maintiennent le centre germi- Fig. 9.15 Les complexes immuns liés aux
natif exercent leurs effets sur les cellules B. Les signaux combinés provenant du cellules folliculaires dendritiques forment
récepteur de la cellule B et de CD40 augmenteraient la production d’une protéine des « iccosomes » qui sont libérés et
peuvent être capturés par les cellules B des
appelée Bcl-XL, un membre de la famille de Bcl-2, qui favorise la survie des cellu-
centres germinatifs. Les cellules dendritiques
les B. Il reste sans doute à découvrir de nombreux autres signaux qui favorisent la folliculaires ont un corps cellulaire proéminent
différenciation des cellules B. et de nombreuses expansions en forme de
dendrites. Les complexes immuns fixés aux
récepteurs du complément et aux récepteurs
9-11 Les cellules B des centres germinatifs qui ont survécu de Fc à la surface des cellules dendritiques
folliculaires se regroupent, formant des billes
se différencient soit en plasmocytes soit en cellules mémoire. le long des dendrites. Une forme intermédiaire
des cellules dendritiques folliculaires est visible
Le but de la réaction dans le centre germinatif est d’amplifier la dernière partie de la dans le panneau de gauche où l’on voit à la
fois des dendrites filiformes et d’autres en
réponse immunitaire primaire. Des cellules B du centre germinatif se différencient train de se couvrir de billes. Ces billes sont
tout d’abord en plasmoblastes ; à ce stade elles subissent l’hypermutation soma- libérées de la cellule sous forme d’iccosomes
tique et certaines aussi peuvent subir la commutation de classe. Des cellules  B (immune complexes-coated bodies) qui
peuvent se lier à la cellule B (panneau du
se différencient aussi en plasmocytes sous le contrôle de la protéine régulatrice,
centre) et être captés par ces cellules dans
BLIMP-1 (B-Lymphocyte-Induced Maturation Protein 1). Il s’agit d’un répresseur de le centre germinatif (panneau de droite).
transcription dans les cellules B qui éteint les gènes requis pour la prolifération de Dans les panneaux du centre et de droite,
cellules B dans le centre germinatif, pour la commutation de classe et la maturation les iccosomes sont constitués de complexes
immuns contenant la peroxydase du radis noir,
d’affinité. Certaines cellules B dans lesquelles BLIMP-1 est induite deviennent alors dense aux électrons et qui apparaît donc en
des plasmocytes  ; elles cessent de proliférer, augmentent la synthèse et la sécré- noir en microscopie électronique. Clichés de
tion d’immunoglobulines et changent les propriétés de la surface cellulaire. Cela A.K. Szakal.
396 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

implique la régulation à la baisse du récepteur de chimiokine CXCR5, qui reconnaît


CXCL13 (voir la Section 9-7) et la régulation à la hausse de CXCR4 et des intégrines
α4:β1 ; les plasmocytes peuvent alors quitter le centre germinatif et gagner les tissus
périphériques. Certains plasmocytes des centres germinatifs des ganglions lym-
phatiques ou de la rate migrent dans la moelle osseuse, où une sous-population vit
durant une longue période, tandis que d’autres migrent vers la pulpe rouge spléni-
que. Les cellules B qui ont été activées dans les centres germinatifs des muqueuses,
et dont la production d’anticorps a commuté vers l’IgA, restent dans les muqueu-
ses. Les plasmocytes obtiennent, des cellules stromales, des signaux qui sont essen-
tiels pour leur survie et ils peuvent vivre très longtemps. Ces plasmocytes à longue
durée de vie sont une source prolongée d’anticorps de forte affinité.
D’autres cellules du centre germinatif se différencient en cellules  B mémoire.
Ces descendants de cellules qui ont été stimulées par l’antigène et qui ont proli-
féré dans le centre germinatif sont capables de vivre longtemps. Ils se divisent très
lentement, s’ils le font réellement. Ils expriment des immunoglobulines de sur-
face, mais ne sécrètent pas d’anticorps ou ne le font que faiblement. Leurs précur-
seurs ayant déjà participé à une réaction dans le centre germinatif, les cellules B
mémoire ont donc hérité des changements génétiques subis par les cellules des
centres germinatifs, dont les mutations somatiques et les réarrangements respon-
sables de la commutation de classe. On est encore en train de chercher quels sont
les signaux qui contrôlent le choix de la voie de différenciation prise par une cel-
lule B, et ce qui détermine qu’elle continue à se diviser au lieu de se différencier.
Nous décrivons les cellules B mémoire au Chapitre 10.

9-12 Les réponses des cellules B à des antigènes bactériens


intrinsèquement capables d’activer des cellules B
ne requièrent pas l’aide de cellule T.
Les réponses anticorps à la plupart des antigènes protéiques dépendent de l’aide des
cellules T auxiliaires. Néanmoins, les hommes et les souris déficients en cellules T
produisent des anticorps contre de nombreux antigènes bactériens. Cette capacité
est liée aux propriétés spéciales de certains polysaccharides bactériens, de protéines
polymériques et de lipopolysaccharides qui sont capables de stimuler les cellules B
naïves en absence de cellules T spécifiques de peptides. Ces antigènes sont appelés
antigènes thymo-indépendants (antigènes TI), car ils peuvent induire une forte
réponse humorale chez des individus athymiques. Ces produits bactériens non pro-
téiques ne peuvent pas induire une réponse T classique bien qu’ils induisent la pro-
duction d’anticorps chez les individus normaux. Bien que les réponses aux antigènes
TI puissent survenir chez les souris dépourvues de toutes cellules T et de cellules
NK, si de telles cellules sont activées au cours d’une réponse immunitaire physiolo-
gique (par exemple par d’autres antigènes protéiques ou par le système immunitaire
inné), elles peuvent affecter la réponse immunitaire TI. En particulier, des cytoki-
nes sécrétées par les cellules T, les cellules T NK ou les cellules NK peuvent détermi-
ner l’isotype de l’anticorps sécrété. Les cellules T NK (voir la Section 7-9) intriguent
particulièrement car elles pourraient influencer la réponse TI à des antigènes non
protéiques puisque le récepteur d’antigène de ces cellules reconnaissent certains
polysaccharides liés à des molécules non conventionnelles du CMH de classe I ou à
des molécules de type classe I comme CD1 (voir la Section 5-19).
Les antigènes TI appartiennent à deux classes qui activent les cellules B par deux méca-
nismes différents. Les antigènes TI-1 possèdent une activité intrinsèque qui leur permet
d’induire directement la division des cellules B. À haute concentration, ces molécules
induisent la prolifération et la différenciation de la majorité des cellules B quelle que
soit leur spécificité antigénique. On parle d’activation polyclonale (Fig. 9.16, les deux
panneaux supérieurs). Les antigènes TI-1 sont souvent appelés mitogènes des cellu-
les B, un mitogène étant une substance qui induit l’entrée en mitose des cellules. Le
LPS est un exemple de mitogène B et d’antigène TI-1. Il se fixe à la protéine liant le LPS
et à CD14 (voir Chapitre 2), qui s’associe alors aux récepteurs TLR-4 sur les cellules B.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 397

Le LPS active les cellules B à des doses au moins 100 fois supérieures à celles qui per-
Forte concentration d’antigène TI-1
mettent l’activation des cellules dendritiques. Aussi, lorsqu’une cellule B est exposée à
des antigènes TI à des concentrations 103 à 105 fois inférieures à celles qui sont utilisées
en vue d’une activation polyclonale, seules les cellules B dont les récepteurs sont spéci-
fiques des molécules TI-1 sont activées. À ces faibles concentrations, la quantité indis-
pensable à l’activation de la cellule B ne peut être concentrée à la surface de la cellule B
que par une fixation spécifique (Fig. 9.16, panneaux du bas).
De la même manière qu’avec tous les antigènes provenant de pathogènes, les
concentrations d’antigènes TI-1 in vivo sont faibles au cours des premiers stades
de l’infection. Par conséquent, seules les cellules B spécifiques de l’antigène peu-
vent être activées et peuvent alors produire des anticorps spécifiques de l’anti-
gène TI-1. Ce type de réponse a un rôle important dans la défense contre plusieurs
pathogènes extracellulaires. En effet, il intervient avant les réponses thymodépen- Activation polyclonale des cellules B ;
réponse à anticorps non spécifique
dantes, car celles-ci n’ont pas besoin de l’activation et de l’expansion clonale des
cellules T auxiliaires. Cependant, les antigènes TI-1 ne peuvent pas induire la com-
mutation de classe, la maturation d’affinité et l’apparition de cellules B mémoire. Faible concentration d’antigène TI-1
Tous ces processus nécessitent l’aide des cellules T auxiliaires spécifiques.

9-13 Les réponses des cellules B aux polysaccharides bactériens n’ont


pas besoin de l’aide des cellules T auxiliaires spécifiques de peptide.
Les antigènes TI-1 peuvent activer à la fois les cellules B immatures et les cellu-
les B matures, les antigènes TI-2 ne peuvent activer que les cellules B matures. Les
cellules B immatures, comme nous l’avons vu à la Section 7-6, sont inactivées par
les épitopes répétitifs. Cela permet d’expliquer pourquoi les enfants en bas âge ne
font pas d’anticorps contre les antigènes polysaccharidiques. En effet, la majorité
de leurs cellules  B sont immatures. Les réponses à de nombreux antigènes TI-2 Réponse anticorps spécifique de l’antigène TI-1
proviennent des cellules B-1 (aussi appelées cellules B CD5), une sous-population
composée de cellules B autoréplicatives et par une sous-population de cellules B
de la zone marginale qui se caractérisent par leur sédentarité et leur localisation à Fig. 9.16 Les antigènes thymo-
la limite de la pulpe blanche splénique (voir la Section 7-28). Les cellules B-1 appa- indépendants de type 1 (antigènes TI-1)
sont, à haute concentration, des activateurs
raissent très tôt au cours du développement, mais les jeunes enfants ne répondent polyclonaux des cellules B, alors qu’à faible
pas de manière efficace contre les antigènes polysaccharidiques avant l’âge de 5 concentration, ils induisent une réponse
ans. Par contre, les cellules B de la zone marginale sont très rares à la naissance anticorps spécifique de l’antigène. À haute
concentration, le signal transmis par la partie
et s’accumulent avec l’âge. Par conséquent, elles peuvent être responsables de la des antigènes TI-1 activant les cellules B
majorité des réponses TI-2 physiologiques, qui augmentent aussi avec l’âge. est suffisant pour induire la prolifération
des cellules B et la sécrétion d’anticorps en
Les antigènes TI-2 agissent probablement en interconnectant simultanément un absence d’antigène spécifique fixé à leurs
nombre critique de récepteurs des cellules  B matures spécifiques de l’antigène immunoglobulines membranaires. Dans ce
(Fig. 9.17, panneaux de gauche). Certaines observations indiquent que des cellu- cas, toutes les cellules B répondent (panneaux
supérieurs). À faible concentration, seules les
les dendritiques et des macrophages fournissent des signaux costimulateurs pour
cellules B spécifiques de l’antigène TI-1 lient
l’activation initiale des cellules B par les antigènes TI-2, signaux qui sont nécessai- suffisamment d’antigène pour être activées.
res à la survie des cellules B spécifiques de l’antigène et à leur différenciation en Dans ce cas, la réponse à anticorps est
plasmoblastes sécréteurs d’IgM. L’un des ces signaux costimulateurs est la cyto- spécifique des épitopes de l’antigène TI-1
(panneaux inférieurs).
kine BAFF de la famille du TNF, qui est sécrétée par la cellule dendritique et inte-
ragit avec le récepteur TACI sur la cellule B.
Une interconnexion excessive des récepteurs peut rendre les cellules  B matures
insensibles à l’activation ou anergiques, comme c’est le cas pour les B immatures.
Par conséquent, la densité en épitopes paraît critique pour l’activation des cellu-
les B par les antigènes TI-2. Si la densité est trop faible, le pontage est insuffisant
pour activer la cellule ; si la densité est trop forte, la cellule B devient anergique.
La réaction des cellules B aux antigènes TI-2 constitue une réponse rapide et spé-
cifique à une classe importante de pathogènes. De nombreuses bactéries extracel-
lulaires pathogènes communes sont recouvertes d’une capsule polysaccharidique
qui leur permettent de résister à la capture par les macrophages. Ces bactéries non
seulement échappent à la destruction par les phagocytes, mais ne peuvent pas
activer les réponses des cellules T par présentation de peptides bactériens par les
398 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Fig. 9.17 L’activation de la cellule B par


les antigènes thymo-indépendants de Les antigènes TI-2 seuls peuvent Les cellules dendritiques activées libèrent une cytokine,
type 2 (antigènes TI-2) est induite, ou stimuler la production d’anticorps IgM BAFF, qui augmente la production d’anticorps contre
par les cellules B les TI-2 antigènes et induit une commutation de classe
fortement amplifiée, par les cytokines.
De multiples interconnexions des récepteurs
de cellule B par des antigènes TI-2 peuvent
conduire à la production d’IgM (panneaux de B
gauche). Cependant, il existe des preuves 2
que les cellules T auxiliaires puissent amplifier BAFF
1
fortement ces réponses et induire une
commutation de classe (panneaux de droite).
On ignore où ces cytokines sont produites, une
possibilité étant que les cellules dendritiques,
B
capables de lier l’antigène par les récepteurs
du système immunitaire inné puissent le
présenter aux cellules B et sécrètent une
cytokine soluble de la famille du TNF appelée
BAFF, qui peut activer la commutation de
classe dans la cellule B.

lgM
lgM

lgM
lgG

macrophages. Les anticorps produits rapidement en réponse à cette capsule poly-


saccharidique sans l’aide de cellules T spécifiques peuvent se fixer sur les bactéries
Immunodéficience commune permettant leur capture et leur destruction par les phagocytes.
et variable
Les réponses thymo-indépendantes, peuvent non seulement produire des IgM
mais peuvent aussi commuter vers d’autres classes d’anticorps, comme les IgG3
chez la souris. Ce qui est probablement le résultat de l’aide provenant de cellules
dendritiques (Fig. 9.17, panneaux de droite), qui sécrètent des cytokines comme
BAFF et fournissent des signaux de contact membranaire aux plasmoblastes qui
prolifèrent à proximité en réponse aux antigènes TI.
Les antigènes TI-2 induisent la production d’IgM et d’IgG et semblent contribuer de
manière importante à la réponse humorale au cours de nombreuses infections bac-
tériennes. Nous avons déjà mentionné l’importance des anticorps dirigés contre la
Syndrome de Wiskott-Aldrich
capsule polysaccharidique d’Haemophilus influenzae de type b, un antigène TI-2,
dans l’immunité protectrice contre cette bactérie. De plus l’étude des patients atteints
d’une immunodéficience appelée syndrome de Wiskott-Aldrich, décrit plus en détail
à la Section 12-15, permet de montrer l’importance des réponses TI-2. Ces patients
peuvent répondre, certes faiblement, aux antigènes protéiques, mais ne fabriquent
pas d’anticorps contre les antigènes polysaccharidiques. Ils sont très sensibles à l’in-
fection par les bactéries avec capsule. Par conséquent, les réponses TI, qui n’ont pas
besoin de l’aide des cellules T spécifiques, contribuent de manière importante à la
réponse immunitaire humorale aux antigènes non protéiques. La Fig. 9.18 résume
les caractéristiques des réponses anticorps aux antigènes TI-1 et TI-2.
L’activation de la cellule B et la production d’anticorps 399

Fig. 9.18 Propriétés des différentes classes


Antigène TD Antigène TI-1 Antigène TI-2 d’antigène qui induisent des réponses
anticorps.

Réponse à anticorps
Oui Oui Non
chez les nourrissons

Production d’anticorps
chez les individus Non Oui Oui
athymiques
Réponse à anticorps
en absence de toutes Non Oui Non
cellules T

Sensibilise les cellules T Oui Non Non

Activation polyclonale Non Non


Oui
des cellules B

Nécessité d’épitopes
répétitifs Non Non Oui

Exemples d’antigènes Toxine diphtérique Lipopolysaccharide Polysaccharide


Hémagglutinine virale bactérien pneumococcique
Tuberculine Brucella abortus Flagelline polymérisée
(protéines de de Salmonella
Mycobacterium Dextran
tuberculosis) Haptène associé au
ficoll (polysaccharose)

Résumé.
L’activation des cellules B par de nombreux antigènes nécessitent à la fois la recon-
naissance de l’antigène par l’immunoglobuline de surface de la cellule  B — le
récepteur de cellule  B — et l’interaction de la cellule  B avec les cellules  T auxi-
liaires spécifiques de l’antigène. Les cellules T auxiliaires reconnaissent des frag-
ments peptidiques provenant de l’antigène ingéré par la cellule B et présenté par
les cellules B sous forme de complexes peptide:CMH de classe II. Les cellules T
auxiliaires activent la cellule B par fixation de CD40 ligand de la cellule T au CD40
de la cellule B, par interaction d’autres paires de ligands des familles du TNF et de
ses récepteurs et par libération de cytokines. Les cellules B activées transmettent
aussi des signaux aux cellules T, par exemple par des molécules de la famille B7,
qui favorisent l’activation continue de la cellule T. L’interaction initiale survient à la
limite entre les zones de cellules T et B des tissus lymphoïdes secondaires, où à la
fois les cellules T auxiliaires et les cellules B, toutes deux spécifiques de l’antigène,
sont piégées suite à leur liaison à l’antigène. Les autres interactions entre cellules T
et cellules B surviennent après migration des cellules dans un des follicules consti-
tuant la zone B et après formation d’un centre germinatif. Les cellules T auxiliaires
induisent une phase de prolifération vigoureuse des cellules B et contrôlent la dif-
férenciation des descendants des cellules B naïves qui proviennent de l’expansion
clonale et qui deviennent soit des plasmocytes sécréteurs d’anticorps soit des cel-
lules B mémoire. Au cours de la différenciation des cellules B activées, l’isotype de
l’anticorps peut changer en réponse aux cytokines libérées par les cellules T auxi-
liaires et les propriétés de fixation à l’antigène de l’anticorps peuvent changer par
hypermutation somatique des gènes des régions V. L’hypermutation somatique et
la sélection des anticorps de haute affinité se produisent dans les centres germi-
natifs. Les cellules T auxiliaires contrôlent ces processus en activant sélectivement
les cellules qui ont maintenu leur spécificité pour l’antigène et en induisant la pro-
lifération et la différenciation en plasmocytes et en cellules B mémoire. Certains
antigènes non protéiques stimulent les cellules B en absence de reconnaissance
combinée par des cellules T auxiliaires spécifiques. Ces antigènes thymo-indépen-
dants n’induisent qu’une commutation de classe limitée et n’induisent pas de cel-
lules B mémoire. Cependant, les réponses à ces antigènes jouent un rôle important
400 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

dans la protection de l’hôte contre les pathogènes dont les antigènes de surface ne
peuvent pas induire de réponses des cellules T spécifiques d’un peptide.

La distribution et les fonctions des classes


d’immunoglobulines.
Les pathogènes extracellulaires pouvant se répandre dans la totalité de l’orga-
nisme, les anticorps doivent être répartis aussi largement pour pouvoir les com-
battre. La majorité des classes d’anticorps est redistribuée dans tout l’organisme,
à partir de leur site de synthèse, par diffusion. Cependant, des mécanismes spé-
cialisés de transport permettent de transférer des anticorps dans les muqueuses,
comme celles des poumons et de l’intestin. La répartition des anticorps est déter-
minée par l’isotype de leurs chaînes lourdes, ce qui peut limiter leur diffusion ou
leur permettre d’être liés par des transporteurs spécifiques qui les feront traverser
les épithéliums. Dans cette partie du chapitre, nous décrirons les mécanismes par
lesquels les anticorps des différents isotypes sont dirigés vers les différents com-
partiments de l’organisme, où leurs propriétés effectrices sont appropriées et nous
décrirons les fonctions protectrices des anticorps après leur liaison aux pathogè-
nes. Dans la dernière partie du chapitre, nous examinerons quelle sont les cellules
et les molécules effectrices mobilisées par les différents isotypes.

9-14 Les diverses classes d’anticorps se distinguent par leur distribution


dans l’organisme, par leurs effets biologiques et leurs fonctions.
Les pathogènes pénètrent généralement dans l’organisme et forment des foyers
infectieux en traversant la peau lésée ou les barrières épithéliales comme cel-
les qui tapissent les voies respiratoire, digestive et urogénitale. Plus rarement, les
micro-organismes peuvent pénétrer directement dans le sang suite à des piqûres
d’insectes, l’usage d’aiguilles hypodermiques ou suite à des blessures. Les surfa-
ces muqueuses, les tissus et le sang sont protégés de ce type d’infections par les
anticorps. Ils servent à neutraliser le pathogène et à l’éliminer, prévenant ainsi
la formation d’un foyer infectieux. Selon leur isotype, les anticorps exercent une
fonction adaptée aux différents compartiments de l’organisme. Une région V don-
née s’associant à différentes régions C au cours de la commutation de classe (voir
la Section 4-20), les descendants d’une cellule B peuvent donc produire des anti-
corps, tous spécifiques du même antigène, qui ont des fonctions protectrices
appropriées à chaque compartiment de l’organisme.
Les premiers anticorps produits au cours d’une réponse immunitaire humorale
sont de nature IgM, car cette classe peut être produite sans commutation de classe
(voir Fig. 4.18). Les anticorps IgM sont produits avant que les cellules B n’aient subi
l’hypermutation somatique, et n’ont par conséquent qu’une faible affinité pour
l’antigène. Cependant, les molécules d’IgM sont des pentamères avec 10 sites de
fixation antigénique qui peuvent reconnaître simultanément des antigènes multi-
valents comme les polysaccharides des capsules bactériennes. Cette forme penta-
mérique compense la faible affinité des IgM monomériques. La fixation à plusieurs
sites de l’antigène confère aux IgM un très forte avidité. Les pentamères étant de
grosses molécules, les IgM se retrouvent surtout dans le sang et, dans une moindre
mesure, dans la lymphe. La structure pentamérique des IgM les rend très efficaces
pour activer le système du complément, comme nous le verrons dans la dernière
partie du chapitre. Les infections sanguines auraient des conséquences très graves
si elles n’étaient pas rapidement contrôlées. La production rapide des IgM et leur
efficacité dans l’activation du complément sont des éléments importants pour le
contrôle de ce type d’infection. Des anticorps IgM sont encore produits après les
mutations somatiques, au cours des réponses secondaires ainsi que par la suite.
Cependant ce sont les anticorps d’autres isotypes qui dominent les phases tardives
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines 401

de la réponse anticorps. L’IgM est aussi produite par des cellules B-1 présentes
dans les cavités péritonéale et pleurale. Ces cellules sont activées naturellement
et sécrètent des anticorps contre des pathogènes de l’environnement, fournissant
ainsi dans ces cavités corporelles un répertoire préformé d’anticorps IgM qui peu-
vent reconnaître des pathogènes envahisseurs (voir Sections 2-34 et 7-28).
Les anticorps d’autres isotypes — IgG, IgA et IgE — ont une taille plus faible et dif-
fusent rapidement du sang vers les tissus. Les IgA peuvent former des dimères,
comme nous l’avons vu au Chapitre  4, alors que les IgG et les IgE sont toujours
monomériques. L’affinité des sites de fixation antigénique est un élément crucial
pour l’efficacité de ces anticorps. La majorité des cellules  B qui produisent des
anticorps avec ces isotypes ont subi une sélection dans les centres germinatifs et
ont donc une affinité élevée. Les IgG représentent l’isotype le plus abondant dans
le sang et dans les fluides extracellulaires, alors que les IgA sont retrouvées dans
les sécrétions, surtout dans le mucus des voies intestinale et respiratoire. Les IgG
peuvent favoriser la capture des pathogènes par les phagocytes (opsoniser) et acti-
ver le système du complément. Les IgA sont des opsonines peu efficaces, et n’ac-
tivent le complément que faiblement. Cette différence n’est pas surprenante. Les
IgG agissent essentiellement dans les tissus où les molécules et les cellules effec-
trices sont présentes, alors que les IgA interviennent par leur activité neutralisante
au niveau des surfaces épithéliales, qui sont normalement dépourvues de com-
plément et de phagocytes. L’IgA est aussi produite par des plasmocytes qui se dif-
férencient à partir de cellules  B qui ont commuté de classe dans des ganglions
lymphatiques et dans la rate ; elle intervient alors comme un anticorps neutra-
lisant dans les espaces extracellulaires et dans the sang. Cette IgA est monomé-
rique et c’est la sous-classe IgA1 qui prédomine ; le rapport IgA1 vs. IgA2 dans le
sang est de 10:1. Les anticorps IgA produits par les plasmocytes de l’intestin sont
dimériques et surtout de la sous-classe IgA2 ; le rapport IgA2 vs. IgA1 dans l’intes-
tin est de 3:2.
Enfin, les IgE ne sont présentes qu’à des taux faibles dans le sang et les fluides
extracellulaires, mais elles se fixent fortement aux récepteurs présents sur les mas-
tocytes. On trouve ces cellules sous la peau et les muqueuses ainsi que le long des

Activité fonctionnelle IgM IgD IgG1 IgG2 IgG3 IgG4 IgA IgE

Neutralisation + – ++ ++ ++ ++ ++ –

Opsonisation + – +++ * ++ + + –

Sensibilisation à la lyse
par les cellules NK – – ++ – ++ – – –

Sensibilisation – – + – + – – +++
des mastocytes

Active le système +
du complément
+++ – ++ + +++ – –

Distribution IgM IgD IgG1 IgG2 IgG3 IgG4 IgA IgE Fig. 9.19 Chaque classe d’immunoglobulines
humaines exerce des fonctions particulières
Transport à travers et a une distribution unique. Les fonctions
les épithéliums + – – – – – +++ –
(dimère) effectrices principales de chaque isotype (+++)
sont marquées en rouge foncé, les fonctions
Transport à travers
le placenta – – +++ + ++ +/– – – les moins importantes (++) en rose foncé et
les fonctions mineures (+) en rose pâle. La
répartition est notée de la même manière avec
Diffusion dans les sites
extravasculaires +/– – +++ +++ +++ +++ ++ + les taux moyens d’anticorps dans le sérum
(monomère)
inscrit dans la ligne du bas. *Les IgG2 peuvent
se comporter en opsonine en présence d’un
Taux sérique moyen 1,5 0,04 9 3 1 0,5 2,1 3 × 10–5 récepteur de Fc d’un allotype particulier présent
(mg ml–1)
chez 50 % de la population blanche.
402 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

vaisseaux sanguins dans le tissu conjonctif. La liaison de l’antigène aux IgE induit
la libération par les mastocytes de puissants médiateurs chimiques qui indui-
sent des réactions, comme la toux, l’éternuement et les vomissements, suscepti-
bles d’expulser les agents infectieux. Nous en rediscuterons lors de la description
des récepteurs qui lient les régions C des immunoglobulines et déclenchent leurs
fonctions effectrices. La Fig. 9.19 résume la distribution et les principales fonctions
des anticorps des différentes classes.

9-15 Les protéines de transport qui se lient à la partie Fc des anticorps


permettent à certains isotypes de traverser les barrières épithéliales.

Dans le système immunitaire des muqueuses, Les plasmocytes qui sécrètent


l’IgA se retrouvent surtout dans la lamina propria, qui est située en dessous de
la membrane basale de nombreuses surfaces épithéliales. De là, les anticorps de
classe   IgA peuvent être transportés à travers l’épithélium à sa surface externe,
par exemple dans la lumière de l’intestin ou des bronches (Fig.  9.20). Les anti-
corps de type IgA synthétisés dans la lamina propria sont sécrétés sous forme de
dimères associés à une seule chaîne J (voir Fig. 4.20). Cette forme polymérique
de l’IgA se lie spécifiquement au récepteur poly-Ig, qui est exprimé sur les surfa-
ces basolatérales des cellules épithéliales. Lorsque le récepteur poly-Ig reconnaît
une molécule dimérique d’IgA, le complexe est endocyté et transporté dans des
vésicules à travers le cytoplasme de la cellule épithéliale vers la lumière. Ce méca-
nisme est appelé transcytose. L’IgM se lie aussi au récepteur poly-Ig et peut être
sécrété dans l’intestin par le même mécanisme. En atteignant la surface luminale
de l’entérocyte, l’anticorps est libéré dans les sécrétions par clivage protéolytique
du domaine extracellulaire du récepteur poly-Ig. Le domaine extracellulaire du
récepteur poly-Ig est appelé composante sécrétoire (fréquemment désignée par
le sigle SC) et reste associé à l’anticorps (ce qui est montré plus en détail dans la
Fig. 11.13). La composante sécrétoire est liée à la partie de la région Fc de l’IgA qui
contient le site de liaison au récepteur I de Fcα. C’est pourquoi l’IgA sécrétoire ne
se lie pas à ce récepteur. La composante sécrétoire joue plusieurs rôles physiolo-
giques. Elle se lie aux mucines du mucus, servant de ’colle’ unissant IgA sécrétée
à la couche de mucus sur la surface luminale of l’épithélium intestinal, où l’anti-
corps lie et neutralise les pathogènes intestinaux et leurs toxines (voir Fig. 9.20).
La composante sécrétoire protège aussi l’anticorps du clivage par les enzymes
intestinales.
Certaines molécules d’IgA dimérique diffusent de la lamina propria dans les
espaces extracellulaires, passent dans la circulation sanguine avant d’être excré-
tées dans l’intestin par la bile (cette voie est décrite de manière plus détaillée à la

Fig. 9.20 La classe principale des anticorps


L’IgA polymérique est transportée
présents dans la lumière intestinale L’IgA polymérique s’attache
dans la lumière intestinale L’IgA intestinale neutralise
est l’IgA sécrétoire dimérique. Elle est à la couche de mucus couvrant
à travers les cellules épithéliales les pathogènes et leurs toxines
synthétisée par les plasmocytes de la lamina l’épithélium intestinal
de la base des cryptes
propria et transportée dans la lumière
intestinale à travers les cellules épithéliales toxine bactérienne
de la base des cryptes. L’IgA dimérique se lie
à la couche de mucus couvrant l’épithélium
intestinal et sert de barrière spécifique des
antigènes protégeant des pathogènes et des
toxines de la lumière intestinale.
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines 403

Section 11-8). Il n’est donc pas surprenant que les patients avec une jaunisse obs-
tructive, une maladie au cours de laquelle la bile n’est pas excrétée, voient aug-
menter leur taux d’IgA dimérique dans le plasma.
Les principaux sites de synthèse et de sécrétion d’IgA sont l’intestin, l’épithélium
respiratoire, les seins au cours de la lactation et différentes autres glandes exocri-
nes comme les glandes salivaires et lacrymales. On pense que le premier rôle des
IgA est de protéger les surfaces épithéliales contre les agents infectieux, de la même
manière que les IgG protègent les espaces extracellulaires des tissus internes. Les
IgA empêchent la fixation des bactéries et des toxines aux cellules épithéliales ainsi
que l’absorption de substances étrangères. Elles constituent une première ligne de
défense contre une grande variété de pathogènes. On pense aussi que les IgA jouent
un rôle additionnel dans l’intestin, celui de réguler la flore intestinale.
Les nouveau-nés sont très vulnérables à l’infection car ils n’ont jamais été expo-
sés aux microbes de l’environnement avant leur naissance. Les anticorps IgA
sont sécrétés dans le lait maternel et ensuite transférés dans l’intestin de l’en-
fant nouveau-né où ils fournissent une protection contre les bactéries rencon-
trées, jusqu’à ce que l’enfant synthétise ses propres anticorps protecteurs. L’IgA
n’est pas le seul anticorps protecteur de la mère à être transmis au bébé. Les IgG
maternelles sont transférées à travers le placenta dans le sang du fœtus au cours
de la vie intra-utérine. Les bébés humains ont à la naissance un taux d’IgG plas-
matique aussi élevé que celui de leur mère et avec le même profil de spécifici-
tés antigéniques. Le transport sélectif des IgG de la mère vers le fœtus se fait
grâce à une protéine de transport des IgG du placenta, FcRn, qui appartient à
la famille des molécules du CMH de classe I. Malgré ces similitudes, le FcRn ne
fixe pas les IgG de la même manière que la molécule de CMH I fixe le peptide.
En effet, sa cavité à peptide n’est pas accessible. Le récepteur reconnaît la par-
tie Fc des molécules d’IgG (Fig. 9.21). Deux molécules de FcRn se fixent à une
molécule d’IgG et la transportent à travers le placenta. Chez certains rongeurs,
le FcRn peut aussi transporter les IgG dans la circulation du nouveau-né à par-
tir de la lumière de l’intestin. Les IgG maternelles sont ingérées par l’animal nou-
veau-né à partir du lait maternel et du colostrum, le fluide riche en protéines qui
est sécrété par la glande mammaire juste après la naissance. Dans ce cas, le FcRn
transporte les IgG de la lumière intestinale du nouveau-né dans le sang et les

Fig. 9.21 Le récepteur de FcRn se fixe à la


partie Fc des IgG. Une molécule de FcRn
(en bleu et vert) est liée à une chaîne de la
partie Fc de l’IgG (en rouge) à l’interface des
domaines Cγ2 et Cγ3, avec la région Cγ2
au sommet. La β2-microglobuline, qui est un
composant du FcRn, est en vert. La structure
en bleu foncé attachée à la portion de Fc de
l’IgG est une chaîne glucidique. Dans l’espèce
humaine, le FcRn transporte les molécules
d’IgG à travers le placenta et, chez le rat et
la souris, à travers l’intestin. Il joue aussi un
rôle dans le maintien des taux d’IgG chez
l’adulte. Bien qu’une seule molécule de FcRn
fixée à la partie Fc soit montrée sur la figure,
on pense qu’il faut deux molécules de FcRn
pour capturer une molécule d’IgG. Cliché de
P. Björkman.
404 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

tissus. De manière intéressante, on retrouve aussi le FcRn chez les adultes dans
l’intestin, le foie et les cellules endothéliales. Sa fonction chez l’adulte est la régu-
lation des taux d’IgG dans le plasma. Il assure cette fonction en se liant aux anti-
corps, en induisant leur endocytose et en les recyclant dans le sang, évitant ainsi
leur excrétion.
Grâce à ces systèmes de transport spécialisés, les mammifères reçoivent dès leur
naissance des anticorps contre les pathogènes communs de l’environnement.
Ensuite, leur système immunitaire venant à maturité, ils fabriquent leurs propres
anticorps de différents isotypes qui se répartissent dans les différentes parties de
l’organisme (Fig. 9.22). Ainsi, tout au cours de la vie, la commutation de classe et la
répartition des anticorps de différents isotypes dans l’organisme assurent une pro-
tection efficace contre l’infection des espaces extracellulaires.

9-16 Les anticorps IgG et IgA de haute affinité peuvent neutraliser


les toxines bactériennes.

De nombreuses bactéries causent des maladies en sécrétant des protéines appe-


lées toxines, qui endommagent les cellules ou perturbent leur fonctionnement
(Fig. 9.23). Pour exercer un effet, une toxine doit interagir spécifiquement avec
une molécule agissant comme récepteur à la surface de la cellule cible. Dans
IgG IgM IgA IgE de nombreuses toxines, le domaine se liant au récepteur est constitué par une
dimérique
chaîne polypeptidique, alors que la toxicité est exercée par une seconde chaîne.
Les anticorps qui se fixent au site de liaison de la toxine peuvent empêcher la
Fig. 9.22 Les classes d’immunoglobulines
sont distribuées sélectivement dans
l’organisme. L’IgG et l’IgM prédominent
dans le plasma, alors que l’IgG et l’IgA Maladie Organisme Toxine Effets in vivo
monomérique sont les anticorps principaux
des fluides extracellulaires de l’organisme.
L’IgA dimérique prédomine dans les sécrétions Clostridium Toxine Bloque l’effet inhibiteur des neurones, ce qui
Tétanos conduit à une contraction musculaire permanente
épithéliales, entre autres le lait maternel. Le tetani tétanique
fœtus reçoit l’IgG de sa mère par transport
à travers le placenta. L’IgE est surtout Corynebacterium Toxine Inhibe la synthèse protéique, ce qui conduit
Diphtérie diphteriae à des lésions épithéliales et à une myocardite
associée aux mastocytes sous les épithéliums diphtérique
(essentiellement ceux des tractus respiratoire
et gastro-intestinal ainsi que de la peau). Gangrène Clostridium Toxine Active une phospholipase, ce qui induit la mort
Le cerveau est généralement dépourvu gazeuse perfringens clostridienne cellulaire
d’immunoglobulines.
Active l’adénylate cyclase, augmente l’AMPc dans les
Vibrio Toxine
Choléra cellules, induisant des modifications dans l’épithélium
cholerae cholérique intestinal avec perte d’eau et d’électrolytes

Bacillus Complexe toxique Augmente la perméabilité vasculaire, ce qui induit de


Charbon l’œdème, des hémorragies et un collapsus vasculaire
anthracis de l’anthrax
Syndrome de choc toxique
Clostridium Toxine Bloque la libération de l’acétylcholine,
Botulisme ce qui induit un paralysie
botulinum botulique

Toxine La ribosylation de l’ADP des protéines G induit


pertussique une lymphoprolifération
Coqueluche Bordetella
pertussis
Cytotoxine Inhibe les cils et induit une perte
Fig. 9.23 Les toxines bactériennes sont trachéale de cellules épithéliales
responsables de nombreuses maladies
communes. Ces toxines sont toutes des Toxine Vasodilatation induisant l’éruption cutanée
exotoxines – des protéines sécrétées par les Scarlatine Streptococcus érythrogénique de la scarlatine
bactéries. Des anticorps IgA et IgG de haute pyogenes
affinité protègent contre ces toxines. Les Leucocidine Tuent les phagocytes, ce qui permet la survie
bactéries possèdent aussi des endotoxines
Streptolysines des bactéries
non sécrétées, comme le lipopolysaccharide,
qui sont libérées lors de la mort des bactéries. Intoxication Staphylococcus Entérotoxine Agit sur les neurones intestinaux et induit ainsi des
Les endotoxines sont importantes dans alimentaire aureus staphylococcique vomissements. Puissant mitogène T (superantigène SE)
l’activité pathogène des bactéries. Dans leur
cas, la réponse de l’hôte est plus complexe Syndrome de Staphylococcus Toxine du Induit de l’hypotension et une desquamation cutanée.
car le système immunitaire inné possède des syndrome de
choc toxique aureus choc toxique Puissant mitogène T (superantigène TSST-1)
récepteurs pour ces toxines (voir Chapitre 2).
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines 405

Dissociation de la toxine
La toxine se lie Endocytose des complexes L’anticorps protège la cellule
pour libérer la chaîne active
aux récepteurs cellulaires toxine:récepteur en bloquant la fixation de la toxine
qui empoisonne la cellule

fixation de la toxine à la cellule et par conséquent protéger la cellule de l’attaque Fig. 9.24 La neutralisation des toxines par
des anticorps IgG protège les cellules des
de la toxine (Fig. 9.24). Les anticorps qui agissent en neutralisant les toxines sont
effets toxiques. De nombreuses bactéries
appelés anticorps neutralisants. (ainsi que les insectes et les serpents
venimeux) causent des dommages en libérant
La majorité des toxines sont actives à des concentrations nanomolaires. Une seule des protéines toxiques (voir Fig. 9.23). Ces
molécule de toxine diphtérique peut tuer une cellule. Pour neutraliser les toxines, toxines sont généralement composées de
les anticorps doivent être capables de diffuser dans les tissus et de se fixer rapide- plusieurs parties distinctes. L’une se lie à un
ment à la toxine avec une haute affinité. La capacité des anticorps de type IgG à récepteur cellulaire qui permet l’ingestion de
la molécule. L’autre partie de la toxine pénètre
diffuser facilement à travers le fluide extracellulaire et leur haute affinité en font alors dans le cytoplasme et empoisonne la
les principaux anticorps neutralisant les toxines dans les tissus. Les anticorps de cellule. Les anticorps qui inhibent la liaison de
classe IgA neutralisent les toxines au niveau des muqueuses. la toxine peuvent empêcher, ou neutraliser,
ses effets.
Les toxines diphtérique et tétanique sont deux toxines bactériennes pour lesquel-
les les fonctions respectives de liaison au récepteur et de toxicité sont exercées
par des chaînes protéiques différentes. Il est possible d’immuniser les individus,
en général les jeunes enfants, avec des toxines modifiées, la chaîne toxique ayant
été dénaturée. Ces toxines modifiées, appelées anatoxines, ont perdu leur acti-
vité toxique mais ont gardé leur site de fixation au récepteur. Par conséquent, une
immunisation avec une anatoxine induit la production d’anticorps neutralisants
qui protègent contre la toxine native.
Certains venins d’insectes et d’animaux sont si toxiques qu’une seule exposition
peut causer de graves dommages cellulaires ou la mort et la réponse immunitaire
adaptative est trop lente pour être protectrice. L’exposition à ces venins étant rare,
on n’a pas préparé de vaccin préventif à usage humain. On produit des anticorps
neutralisants en immunisant d’autres espèces, comme le cheval, avec des venins
d’insectes et de serpents et on obtient ainsi des sérums antivenins qui peuvent ser-
vir à la protection des humains. Cette protection par transfert d’anticorps est appe-
lée immunisation passive (voir Appendice I, Section A-37).

9-17 Les anticorps de type IgG et IgA de haute affinité peuvent inhiber


l’infectivité des virus.

Les virus animaux infectent les cellules en se fixant à des récepteurs membranaires
particuliers, souvent une protéine spécifique du type cellulaire. C’est ce récepteur
qui détermine quelle cellule peut être infectée. Par exemple, l’hémagglutinine
du virus de l’influenza se fixe aux résidus d’acide sialique terminaux des groupe-
ments glucidiques des glycoprotéines présentes à la surface des cellules épithélia-
les du tractus respiratoire. L’hémagglutinine tire son nom du fait qu’elle reconnaît
les résidus d’acide sialique des globules rouges de poulet et agglutine ces globules
rouges. Les anticorps dirigés contre l’hémagglutinine peuvent empêcher l’infec-
tion par le virus de l’influenza. Ces anticorps sont appelés anticorps neutralisant
le virus et, comme pour la neutralisation des toxines, sont essentiellement des IgA
et des IgG de forte affinité.
406 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Endocytose du virus L’acidification de l’endosome après L’anticorps bloque la liaison du virus


Le virus se lie à des récepteurs l’endocytose induit la fusion du virus
par un récepteur au récepteur et peut aussi bloquer
de surface cellulaire avec la cellule et l’entrée de l’ADN viral le mécanisme de fusion

Fig. 9.25 L’infection virale des cellules De nombreux anticorps qui neutralisent les virus le font directement en blo-
peut être bloquée par des anticorps
quant la fixation du virus aux récepteurs de surface (Fig. 9.25). Cependant, dans
neutralisants. Pour se multiplier, un virus
doit introduire ses gènes dans la cellule. certains cas, les virus peuvent être neutralisés lorsqu’une seule molécule d’anti-
La première phase de cette entrée est corps est fixée à la particule virale alors que sa surface comporte de nombreuses
généralement la liaison du virus à un récepteur protéines de liaison aux récepteurs cellulaires. Dans ce cas, les anticorps doi-
de la surface cellulaire. L’entrée des virus
enveloppés dans le cytoplasme, comme
vent induire des modifications du virus qui altèrent sa structure. Ils empêchent
le montre la figure, nécessite la fusion de ainsi son interaction avec son récepteur ou interfèrent dans la fusion de la mem-
l’enveloppe virale et de la membrane cellulaire. brane virale avec la surface cellulaire après la liaison du virus à son récepteur de
Pour certains virus, la fusion a lieu à la surface surface.
de la cellule (non montré). Pour d’autres,
la fusion ne peut se produire que dans
l’environnement plus acide des endosomes,
comme on le voit sur la figure. Les virus 9-18 Les anticorps peuvent bloquer l’adhérence des bactéries aux cellules.
non enveloppés peuvent aussi se lier à des
récepteurs membranaires, ils entrent dans le De nombreuses bactéries ont des molécules de surface appelées adhésines qui
cytoplasme en détruisant les endosomes. Les
permettent leur fixation à la surface des cellules. Cette adhérence est indispen-
anticorps liés à la surface virale neutralisent le
virus, inhibant à la fois sa fixation à la cellule et sable à la pathogénie des bactéries. Elles vont soit entrer dans la cellule comme
dès lors son l’entrée dans la cellule. le font certains pathogènes de l’espèce des salmonelles soit rester attachées à la
surface cellulaire sous forme de pathogènes extracellulaires (Fig. 9.26). Neisseria
gonorrhoeae, l’agent responsable d’une maladie sexuellement transmissible, la
gonorrhée, possède une protéine membranaire appelée piline qui permet à la bac-
térie de se lier aux cellules épithéliales des voies urinaires et génitales et qui lui
est indispensable pour sa propagation infectieuse. Les anticorps dirigés contre la
piline peuvent inhiber l’adhérence et empêcher l’infection.
Les anticorps de type IgA sécrétés dans les surfaces muqueuses du tractus intesti-
nal, respiratoire ou génital sont très efficaces dans la prévention des infections en
inhibant l’adhérence des bactéries, de virus ou d’autres pathogènes aux cellules
épithéliales de ces muqueuses. L’adhérence des bactéries aux cellules dans les tis-
sus peut aussi contribuer à leur activité pathogène, et les anticorps de classe IgG
dirigés contre les adhésines peuvent protéger les tissus comme les anticorps de
classe IgA le font dans les muqueuses.

9-19 Les complexes antigène-anticorps activent la voie classique


du complément en se liant à C1q.

Les anticorps protègent contre les infections en utilisant une autre voie ; ils peu-
vent activer la cascade des protéines du complément. Nous avons décrit ces pro-
téines dans le Chapitre 2. Nous avons vu qu’elles pouvaient aussi être activées par
les pathogènes en absence d’anticorps et qu’elles participaient ainsi à la réponse
immunitaire innée. L’activation du complément consiste en une succession de cli-
vages protéolytiques de composants plasmatiques, qui deviennent ainsi capables
à leur tour d’exercer une activité protéolytique ou de se fixer de manière covalente
au pathogène. Toutes les voies d’activation du complément connues convergent
La distribution et les fonctions des classes d’immunoglobulines 407

pour aboutir au même ensemble de fonctions effectrices. La surface du patho-


Des bactéries colonisent la surface cellulaire
gène ou le complexe immun est recouvert de fragments liés de manière covalente par leurs adhésines
(essentiellement C3b) qui agissent comme des opsonines permettant la capture
et la destruction par les phagocytes. Entre-temps, des peptides exerçant une acti-
vité inflammatoire et chimiotactique sont libérés (essentiellement C5a) ; ils recru-
tent les phagocytes dans le foyer infectieux. De plus, les composants terminaux
du système du complément forment le complexe d’attaque membranaire qui peut
détruire certaines bactéries.
Les anticorps activent le complément par une voie dite classique car elle a été la
première découverte. Les détails concernant cette voie d’activation du complé-
ment ainsi que les deux autres voies ont été donnés au Chapitre 2. Nous décrirons
ici comment les anticorps peuvent activer la voie classique après leur fixation au
Certaines bactéries phagocytées se multiplient
pathogène ou après la formation des complexes immuns. dans des vésicules internes
Le premier composant de la voie classique d’activation du complément est C1, qui
est un complexe de trois protéines appelées C1q, C1r et C1s. Deux molécules de
C1r et de C1s sont associées à une molécule de C1q (voir Fig. 2.27). L’activation du
complément commence lorsque les anticorps attachés à la surface d’un patho-
gène se fixent à C1q. C1q peut être reconnu par les anticorps de type IgM ou IgG,
mais aucun de ces isotypes ne peut activer le complément en solution car ils n’ont
pas la structure indispensable à la fixation de C1q. La cascade n’est déclenchée
que lorsque les anticorps sont fixés par plusieurs sites à la surface cellulaire, nor-
malement celle du pathogène.
C1q a six têtes globulaires reliées par une tige composée de longs domaines fila-
Des anticorps contre les adhésines bloquent
menteux qui ressemblent aux molécules de collagène. Le complexe C1q a été com- la colonisation et l’entrée des bactéries
paré à un bouquet de six tulipes unies par leur tige. Chaque tête globulaire peut
se fixer à un domaine Fc, la fixation de deux (ou plus) têtes globulaires activant
la molécule C1q. Dans le plasma, les IgM pentamériques ont une conformation
plane qui ne lie pas à C1q (Fig. 9.27, panneau de gauche). Sa fixation à la surface
du pathogène déforme le pentamère d’IgM, qui ressemble alors à une agrafe (voir
Fig. 9.27, panneau de droite). Cette distorsion expose les sites de fixation aux têtes
du C1q. C1q peut se lier avec une faible affinité à certaines sous-classes d’IgG en
solution. Cependant, l’énergie indispensable à l’activation de C1q n’est obtenue
que si une molécule de C1q peut se fixer à au moins deux molécules IgG séparées
les unes des autres de 30 à 40 nm suite à la fixation de l’antigène. Pour cette activa-
tion, il faut donc de nombreuses molécules d’IgG fixées à un seul pathogène. C’est Fig. 9.26 Les anticorps peuvent empêcher
pour cette raison que les IgM sont beaucoup plus efficaces pour activer le com- l’adhérence des bactéries à la surface
cellulaire. De nombreuses infections
plément que les IgG. La liaison de C1q à une seule molécule d’IgM ou à deux (ou bactériennes nécessitent une interaction
plus) molécules d’IgG (Fig.  9.28) induit l’activation de l’activité enzymatique de entre les bactéries et des récepteurs de la
C1r, conduisant à l’activation de la cascade du complément. Ce mécanisme qui surface cellulaire. Ceci est particulièrement vrai
pour les infections des surfaces muqueuses.
transforme la fixation de l’anticorps en cascade d’activation du complément peut
Le mécanisme d’attachement utilise des
aussi être activé par la fixation directe de C1q à la surface du pathogène, comme interactions moléculaires très spécifiques
nous l’avons appris au Chapitre 2. entre des adhésines bactériennes et des
récepteurs des cellules. Les anticorps contre
les adhésines bactériennes peuvent bloquer
Conformation « plane » de l’IgM Conformation en « agrafe » de l’IgM ce type d’infections.

Fig. 9.27 Les deux conformations de l’IgM.


Le panneau de gauche montre la conformation
plane de l’IgM soluble. Le panneau de droite
montre la conformation en agrafe de l’IgM
attachée à un flagelle bactérien. Cliché
(× 760 000) de K.H. Roux.
408 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Fig. 9.28 La voie classique de l’activation Les molécules d’IgM pentamériques se fixent
du complément commence par la liaison de Les molécules d’IgG lient des antigènes
aux antigènes de la surface bactérienne
C1q à un anticorps attaché à une surface de la surface bactérienne
et adoptent une conformation en agrafe
comme celle d’une bactérie. Dans les
panneaux de gauche, une molécule d’IgM, Forme plane
d’IgM
dans la conformation en agrafe, attachée à
plusieurs épitopes identiques à la surface
d’un pathogène permet à la tête globulaire Forme en
du C1q de se lier à ses parties Fc à la agrafe d’IgM
surface du pathogène. Dans les panneaux de
droite, plusieurs molécules d’IgG fixées à la
surface d’un pathogène permettent la fixation
d’une seule molécule C1q à au moins deux
parties Fc. Dans les deux cas, la fixation de
C1q active le C1r, qui lui est associé. C1r
devient alors une enzyme active qui va cliver
le proenzyme C1s, générant ainsi une serine
protéase qui déclenche la voie classique du C1q se fixe à une molécule d’IgM liée à l’antigène C1q se fixe à au moins deux molécules d’IgG
complément (voir Chapitre 2).

La fixation de C1q aux Ig active C1r, qui clive et active la sérine protéase C1s

9-20 Les récepteurs du complément sont importants pour éliminer


les complexes immuns de la circulation.

De nombreux petits antigènes solubles forment des complexes antigène:anticorps


appelés complexes immuns qui ne contiennent pas assez de molécules d’IgG pour
se fixer aux récepteurs de Fcγ. Nous allons en discuter dans la dernière partie de ce
chapitre. Ces antigènes sont des toxines recouvertes d’anticorps neutralisants et des
débris de micro-organismes morts. On trouve ce type de complexes immuns après la
plupart des infections. Ils sont éliminés de la circulation grâce au complément. Les
complexes immuns solubles contrôlent leur propre élimination en activant le com-
plément, là aussi par liaison à C1q, conduisant à la fixation covalente des compo-
sés C4b et C3b activés au complexe. Ce complexe est alors éliminé de la circulation
grâce à la liaison de C4b et de C3b au récepteur 1 du complément (CR1) à la surface
des érythrocytes. Les érythrocytes transportent alors les complexes d’antigène, d’an-
ticorps et de complément vers le foie et la rate. Dans ces organes, les macrophages
qui portent CR1 et les récepteurs de Fc décrochent les complexes de la surface des
érythrocytes sans détruire la cellule et les dégradent (Fig. 9.29). Même de gros agré-
gats de particules antigéniques et d’anticorps peuvent être solubilisés par activation
de la voie classique du complément et la liaison subséquente de C3b aux agrégats ;
ceux-ci peuvent alors être éliminés par liaison du complément à ses récepteurs.
Les complexes immuns qui ne sont pas éliminés tendent à se déposer sur les mem-
branes basales des petits vaisseaux sanguins, particulièrement ceux des glomérules
rénaux où le sang est filtré pour former l’urine. Les complexes immuns qui traver-
Lupus érythémateux disséminé sent la membrane basale du glomérule se lient au récepteur CR1 du complément
sur les podocytes rénaux, les cellules sous-jacentes à la membrane basale. La signi-
fication fonctionnelle de ces récepteurs dans les reins est inconnue. Cependant, ils
jouent un rôle important dans la pathologie de certaines maladies auto-immunes.
Dans le lupus érythémateux disséminé, une maladie auto-immune que nous décri-
rons au Chapitre 14, des taux excessifs de complexes immuns circulants induisent des
dépôts très importants d’antigènes, d’anticorps et de compléments sur les podocytes
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc 409

Fig. 9.29 Le CR1 des hématies participe à CR1 des hématies, qui les transportent dans
l’élimination des complexes immuns de la le foie ou la rate, où ils sont éliminés par les De petits complexes antigène:anticorps
circulation sanguine. Le CR1 de la surface macrophages qui expriment des récepteurs se forment dans la circulation
des hématies joue un rôle important dans à la fois pour la région Fc et pour certains
l’élimination des complexes immuns de la composants du complément.
circulation. Les complexes immuns se fixent au

causant des dégâts dans les glomérules. L’insuffisance rénale est le principal danger
au cours de cette maladie. Les complexes immuns peuvent aussi intervenir dans la
pathologie de patients déficients en certains composants précoces du complément.
Ces patients n’éliminent pas efficacement les complexes immuns et subissent eux
aussi, de la même manière, des dommages tissulaires essentiellement rénaux.

L’activation du complément conduit


Résumé. au dépôt de nombreuses molécules de C3b
sur les complexes immuns
La réponse anticorps dépendante des cellules T commence par la sécrétion d’IgM
et progresse rapidement pour produire tous les isotypes d’anticorps. Chaque iso- C3b
type se caractérise par sa localisation dans l’organisme et sa fonction particulière.
Les anticorps IgM se retrouvent surtout dans le sang. De structure pentamérique,
ils sont capables d’activer efficacement le complément après liaison à l’antigène et
de compenser la faible affinité d’un site de liaison à l’antigène typique de l’IgM.
Convertase
Les anticorps de type  IgG ont généralement une affinité plus importante. On les de C3
retrouve dans le sang et les liquides extracellulaires où ils peuvent neutraliser les
toxines, les virus et les bactéries, faciliter la phagocytose ou opsoniser ces pathogè-
nes et activer le système du complément. Les anticorps de type IgA sont synthétisés
sous forme de monomères, qui se distribuent dans le sang et les liquides extracellu- Le C3b fixé au complexe se lie au récepteur CR1
à la surface des érythrocytes
laires, ou sous forme de dimères par les plasmocytes de la lamina propria de diver-
ses muqueuses. Les IgA dimériques sont transportées sélectivement à travers les
épithéliums vers des sites, comme la lumière de l’intestin, où ils vont neutraliser les
toxines et les virus et bloquer l’entrée des bactéries à travers l’épithélium intestinal.
La plupart des anticorps IgE sont fixés à la surface des mastocytes que l’on retrouve
essentiellement près de la surface du corps. La liaison de l’antigène à ces IgE induit CR1
les réactions locales de défense. Les anticorps peuvent protéger contre des pathogè-
nes extracellulaires et leurs produits toxiques de plusieurs manières. La plus simple
est une interaction directe avec les pathogènes ou leurs produits, par exemple en se
liant aux sites actifs des toxines et en les neutralisant ou en bloquant leur capacité
de se lier aux cellules par des récepteurs spécifiques. Lorsque les anticorps d’un iso-
type approprié se lient aux antigènes, ils peuvent activer la voie classique du com-
plément menant à l’élimination du pathogène par différents mécanismes décrits au
Chapitre 2. Les complexes immuns solubles composés d’antigènes et d’anticorps Dans la rate et le foie, les cellules
peuvent aussi fixer le complément et sont éliminés de la circulation par l’intermé- phagocytaires éliminent les complexes immuns
de la surface érythrocytaire
diaire de récepteurs du complément sur les globules rouges.

La destruction des pathogènes recouverts


d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc.
La capacité des anticorps de haute affinité de neutraliser les toxines, les virus et les FcR
bactéries peut protéger contre les infections, mais cela ne résout pas le problème
de l’élimination des pathogènes et de leurs produits. De plus, de nombreux patho-
gènes ne peuvent pas être neutralisés par les anticorps et doivent être détruits par
d’autres moyens. De nombreux anticorps spécifiques d’un pathogène ne se fixent
pas sur un site neutralisant à la surface du pathogène. Par conséquent, ils ont besoin
d’être liés à d’autres mécanismes effecteurs pour jouer leur rôle dans la défense de
l’organisme. Nous avons déjà vu comment la fixation de l’anticorps à l’antigène peut
activer le complément. Un autre mécanisme important de défense est l’activation
de plusieurs cellules effectrices accessoires qui portent des récepteurs appelés
410 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

récepteurs de Fc car ils sont spécifiques de la partie Fc des anticorps d’un isotype
particulier. Ces récepteurs facilitent la phagocytose des micro-organismes neutrali-
sés et des pathogènes extracellulaires par les macrophages, les cellules dendritiques
et les neutrophiles. D’autres cellules non phagocytaires, les cellules NK, les éosino-
philes, les basophiles et les mastocytes (voir Fig. 1.4), après activation, libèrent des
médiateurs préformés lorsque leurs récepteurs de Fc sont engagés. Ces mécanis-
mes maximisent l’efficacité de tous les anticorps quel que soit l’endroit où ils se lient.
Les cellules accessoires sont activées lorsque leurs récepteurs de Fc sont agrégés par
plusieurs régions Fc d’anticorps recouvrant un pathogène. Elles peuvent aussi être
activées par des médiateurs solubles, dont les composants de la cascade du complé-
ment, qui peut elle aussi être activée par des anticorps comme nous l’avons vu.

9-21 Les récepteurs de Fc des cellules accessoires sont des récepteurs


Fig. 9.30 Des cellules accessoires
différentes expriment des récepteurs de signalisation spécifiques des immunoglobulines de différent classes.
distincts pour les régions Fc de différentes
classes d’immunoglobulines. On reprend ici Les récepteurs de Fc constituent une famille de molécules de surface pouvant
la structure en sous-unités, les propriétés de
liaison de ces récepteurs et les types cellulaires
reconnaître les parties Fc des immunoglobulines. Chaque membre de la famille
qui les expriment. D’un type cellulaire à reconnaît les immunoglobulines d’un seul isotype ou de quelques isotypes très
l’autre, le nombre de chaînes composant le proches les uns des autres par un domaine particulier de reconnaissance situé sur
récepteur peut varier. Par exemple, FcγRIII la chaîne α du récepteur de Fc. Les récepteurs de Fc sont eux-mêmes des membres
sur les neutrophiles est une molécule
pourvue d’une ancre membranaire de type
de la superfamille des immunoglobulines. Les différents types cellulaires portent
glycosylphosphatidylinositol et sans chaîne γ, différents assortiments de récepteurs de Fc et l’isotype des anticorps détermine
alors que, sur les cellules NK, la molécule est ainsi quels types de cellules seront engagés dans une réponse donnée. La Fig. 9.30
transmembranaire et associée à une chaîne γ. reprend les différents récepteurs de Fc, les cellules qui les expriment ainsi que les
Le récepteur de FcγRII-B1 diffère du FcγRII-B2
par la présence d’un exon supplémentaire dans isotypes qu’ils reconnaissent.
la région intracellulaire. Cet exon empêche
l’internalisation du récepteur de FcγRII-B1
La plupart des récepteurs de Fc fonctionnent au sein de complexes de plusieurs
après le pontage. Les constantes d’affinité sont sous-unités. Seule la chaîne  α est indispensable pour la reconnaissance spécifi-
celles des récepteurs humains. que. Les autres chaînes permettent le transport à la surface cellulaire et la trans-
*Seuls certains allotypes de FcγRII-A se duction du signal après liaison à une région  Fc. Certains récepteurs de Fcγ, le
lient à IgG2. † Dans ces cas, l’expression
du récepteur de Fc est inductible et non
récepteur I de Fcα et le récepteur de forte affinité de l’IgE utilise une chaîne γ pour
constitutive. ‡ Dans les éosinophiles, la masse la signalisation ; la chaîne γ, qui est étroitement apparentée à la chaîne ζ du com-
moléculaire de CD89α est de 70-100 kDa. plexe du récepteur de cellule T, s’associe de manière non covalente à la chaîne α

Fc𝛄RI Fc𝛄RII-A Fc𝛄RII-B2 Fc𝛄RII-B1 Fc𝛄RIII Fc𝛂RI Fc𝛂/𝛍R


Récepteur Fc𝛆RI
(CD64) (CD32) (CD32) (CD32) (CD16) (CD89)

Structure α 72 kDa α 40 kDa α 50–70 kDa α 45 kDa α 55–75 kDa

α 70 kDa
or β 33 kDa
γ γ or ζ γ 9 kDa γ 9 kDa

Domaine ITIM
de type γ ITIM

Liaison IgG1 IgG1 IgG1 IgG1 IgG1 IgE IgA1, IgA2 IgA, IgM
108 M –1 2 × 106 M-1 2 × 106 M-1 2 × 106 M-1 5 × 105 M-1 1010 M–1 107 M–1 3 × 109 M-1
Ordre d’affinité 1) IgG1=IgG3 1) IgG1 1) IgG1=IgG3 1) IgG1=IgG3 1) IgM
2) IgG4 2) IgG3=IgG2* 2) IgG4 2) IgG4 IgG1=IgG3 IgA1=IgA2 2) IgA
3) IgG2 3) IgG4 3) IgG2 3) IgG2

Type cellulaire Macrophages Macrophages Macrophages Cellules B Cellules NK Mastocytes Macrophages Macrophages
Neutrophiles† Neutrophiles Neutrophiles Mastocytes Éosinophiles Éosinophiles† Éosinophiles‡ Cellules B
Éosinophiles† Éosinophiles Éosinophiles Neutrophiles Basophiles Neutrophiles
Cellules Plaquettes Mastocytes
dendritiques Cellules
de Langerhans
Effet de la liaison Capture Capture Capture Pas de capture Induction Sécrétion Capture Capture
Stimulation Libération Inhibition Inhibition de la cytotoxicité de granules Induction
Activation de la des granules de la stimulation de la stimulation (cellules NK) de la cytotoxicité
bouffée respiratoire (éosinophiles)
Induction
de la cytotoxicité
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc 411

de liaison au Fc. Le récepteur humain FcγRII-A ne comporte qu’une seule chaîne


Les immunoglobulines libres n’interconnectent
dans laquelle le domaine cytoplasmique de la chaîne  α assure la fonction de la pas de récepteurs de Fc
chaîne γ. FcγRII-B1 et FcγRII-B2 sont aussi des récepteurs monomériques, ils fonc-
tionnent comme des récepteurs inhibiteurs car ils contiennent un domaine ITIM Bactérie
qui lie l’inositol 5´-phosphatase SHIP (voir Section 6-20). La fonction principale
des récepteurs de Fc est l’activation des cellules accessoires afin qu’elles attaquent
les pathogènes. Cependant, ils peuvent aussi jouer un rôle dans d’autres voies de la
réponse immunitaire. Par exemple, le récepteur FcγRII-B inhibe la stimulation des Récepteurs de Fc
cellules B, des mastocytes, des macrophages et des neutrophiles en ajustant leur
seuil d’activation par les complexes immuns. Les récepteurs de Fc exprimés par les
cellules dendritiques leur permettent d’ingérer les complexes antigène:anticorps macrophage
et de présenter les peptides antigéniques aux cellules T.
Pas d’activation du macrophage,
pas de destruction de la bactérie
9-22 Les récepteurs de Fc des phagocytes sont activés par des anticorps
couvrant des pathogènes et permettent à ces cellules de les phagocyter L’agrégation des immunoglobulines
à la surface bactérienne permet le pontage
et de détruire ces pathogènes. des récepteurs de Fc

Les phagocytes sont activés par les anticorps de type IgG, surtout IgG1 et IgG3, qui
se lient à la surface du phagocyte aux récepteurs de Fc qui leur sont spécifiques (voir
Fig. 9.30). L’activation des phagocytes pouvant déclencher une réaction inflamma-
toire et ainsi causer des lésions tissulaires, il est essentiel que les récepteurs de Fc
des phagocytes distinguent les anticorps liés à un pathogène et les anticorps libres,
qui sont beaucoup plus nombreux. Cette distinction est possible car les anticorps
s’agrègent ou polymérisent lorsqu’ils se lient à des antigènes polymériques ou à des
particules antigéniques multivalentes comme les virus ou les bactéries. Les récep-
teurs de Fc à la surface d’une cellule accessoire se fixent aux particules recouvertes Activation du macrophage conduisant
d’anticorps avec une avidité plus importante qu’ils ne se fixent aux immunoglo- à la phagocytose et à la destruction de la bactérie
bulines monomériques. C’est le principal mécanisme par lequel les anticorps fixés
sont différenciés des immunoglobulines libres (Fig. 9.31). Grâce à ce mécanisme, Fig. 9.31 La distinction entre anticorps liés
les récepteurs de Fc permettent aux cellules accessoires de détecter les pathogènes et anticorps libres repose sur leur degré
d’agrégation. Les immunoglobulines libres se
par l’intermédiaire des molécules d’anticorps qui les recouvrent. Par conséquent, lient aux récepteurs de Fc avec une affinité très
les anticorps spécifiques associés aux récepteurs de Fc donnent aux cellules acces- faible mais sont incapables d’interconnecter
soires, qui n’ont pas de spécificité intrinsèque, la capacité d’identifier et d’éliminer les récepteurs de Fc. Les immunoglobulines
des espaces extracellulaires les pathogènes et leurs produits. fixées aux antigènes se lient aux récepteurs
de Fc avec une grande avidité. En effet,
Les cellules accessoires les plus importantes pour les réponses immunitaires plusieurs molécules d’anticorps attachées à
la même surface lient plusieurs récepteurs de
humorales sont les cellules phagocytaires des lignées monocytaires et myélocy-
Fc des cellules accessoires. Le pontage de ce
taires, essentiellement les macrophages et les neutrophiles (voir le Chapitre  2). récepteur de Fc envoie un signal d’activation
De nombreuses bactéries sont directement reconnues, ingérées et détruites par à la cellule qui le porte. Avec les récepteurs de
les phagocytes. Ces bactéries ne sont pas pathogènes chez les individus normaux. Fc qui contiennent des ITIM, la conséquence
est une inhibition.
Cependant, les bactéries pathogènes sont souvent recouvertes par des capsu-
les polysaccharidiques qui leur permettent de résister à l’ingestion par les pha-
gocytes. Ces bactéries ne deviennent sensibles à la phagocytose que lorsqu’elles
sont recouvertes d’anticorps et de complément qui vont utiliser les récepteurs de
Fcγ, Fcα et CR1 de la cellules phagocytaire pour induire la capture des bactéries
(Fig. 9.32). La phagocytose induite par les récepteurs du complément est impor-
tante surtout au début de la réponse immunitaire, avant que la commutation de
classe n’ait eu le temps de se produire. Les capsules polysaccharidiques apparte-
nant à la classe TI-2 des antigènes indépendants du thymus (voir Section 9-11), et
elles induisent la production précoce d’anticorps IgM, qui activent très efficace-
ment le système du complément. Les IgM liées aux capsules des bactéries peuvent
donc induire leur opsonisation par le complément et permettre ainsi l’ingestion
et la destruction par des phagocytes porteurs des récepteurs du complément.
Récemment, une récepteur de Fc pour l’IgM a été découvert, ce qui suggère que
l’IgM peut promouvoir la phagocytose directement in vivo.
L’ingestion, comme la destruction des micro-organismes, est très fortement aug-
mentée par les interactions entre les molécules recouvrant le micro-organisme
412 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

La bactérie est couverte Lorsque C3b se lie à CR1 Les membranes du macrophage Les lysosomes fusionnent avec
de complément et l’anticorps au récepteur de Fc, fusionnent, créant une vésicule fermée les vésicules, libérant des enzymes
et d’anticorps IgG les bactéries sont phagocytées par une membrane, le phagosome qui dégradent les bactéries

bactérie

C3b
récepteurs
de Fc

CR1
macrophage
lysosome

Fig. 9.32 Les récepteurs de Fc et du opsonisé et leurs récepteurs à la surface du phagocyte. Par exemple, lorsqu’un
complément des phagocytes induisent la pathogène recouvert d’anticorps se fixe aux récepteurs de Fc à la surface d’un pha-
capture et la dégradation des bactéries
couvertes d’anticorps. De nombreuses gocyte, la surface cellulaire s’étend autour de la surface de la particule grâce aux
bactéries résistent à la phagocytose par liaisons successives des récepteurs de Fcγ aux parties Fc des anticorps fixés à la
les macrophages et les neutrophiles. Les surface du pathogène. Ce processus actif est induit par la stimulation des récep-
anticorps fixés à ces bactéries permettent teurs de Fcγ. L’endocytose conduit à l’emprisonnement de la particule dans une
qu’elles soient ingérées et dégradées grâce
à l’interaction entre les domaines Fc des vésicule cytoplasmique acide appelée phagosome. Le phagosome va alors fusion-
anticorps recouvrant la surface bactérienne ner avec un ou plusieurs lysosomes pour former un phagolysosome qui permet la
avec les récepteurs de Fc de la surface des libération des enzymes lysosomiques à l’intérieur du phagosome où elles détrui-
phagocytes. La liaison de l’anticorps induit
sent la bactérie (voir Fig. 9.32). Le mécanisme de destruction de la bactérie dans le
aussi l’activation du système du complément
et la fixation des composants du complément phagolysosome est décrit en détail dans la Section 2-4.
à la surface bactérienne. Ceux-ci peuvent
interagir avec les récepteurs du complément Certaines particules sont trop grosses, par exemple les vers parasites, pour être
(par exemple CR1) sur le phagocyte. Les ingérées par le phagocyte. Dans ce cas, le phagocyte se fixe à la surface du parasite
récepteurs de Fc et les récepteurs du recouvert d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fcγ, Fcα ou Fcε, et les
complément agissent en synergie pour
lysosomes fusionnent avec la surface membranaire ainsi liée. Cette réaction permet
induire la phagocytose. En effet, les bactéries
recouvertes d’anticorps de type IgG et de de libérer le contenu des lysosomes à la surface du parasite, lui causant des dom-
complément sont plus facilement ingérées que mages dans l’espace extracellulaire. Les phagocytes principalement utilisés pour
celles qui ne sont recouvertes que d’anticorps la destruction des bactéries sont les macrophages et les neutrophiles, alors que les
IgG. La liaison des récepteurs de Fc et du
complément envoie un signal au phagocyte
gros parasites comme les helminthes sont généralement attaqués par les éosinophi-
pour augmenter l’activité phagocytaire, les (Fig. 9.33). Par conséquent, les récepteurs de Fcγ et Fcα peuvent induire l’inter-
fusionner les lysosomes et les phagosomes et nalisation de particules externes par phagocytose ou l’externalisation des vésicules
amplifier l’activité bactéricide. internes par exocytose. Le pontage des IgE fixées aux récepteurs de haute affinité
FcεRI induit généralement l’exocytose. Nous verrons dans les trois paragraphes sui-
vant que les cellules NK ou les mastocytes peuvent aussi libérer des médiateurs
stockés dans les vésicules lorsque leurs récepteurs de Fc sont agrégés.

9-23 Les récepteurs de Fc activent la destruction des cibles recouvertes


d’anticorps par les cellules NK.
Les cellules infectées sont généralement détruites par les cellules T activées par des
peptides étrangers fixés aux molécules du CMH de surface. Cependant, les cellules
infectées par un virus peuvent aussi signaler la présence d’une infection intracellu-
laire en exprimant à leurs surfaces des protéines virales qui peuvent être reconnues
par des anticorps. Les cellules recouvertes par ce type d’anticorps peuvent alors être
tuées par une cellule lymphoïde non T non B qualifiée de tueuse naturelle (cellule
NK, Natural Killer) que nous avons déjà rencontrée dans le Chapitre 2. Les cellu-
les NK sont de grandes cellules lymphoïdes avec des granules intracellulaires appa-
rents. Elles constituent une petite fraction des cellules lymphoïdes périphériques
du sang. Elles ne portent pas de récepteur spécifique antigénique connu, mais elles
peuvent reconnaître et tuer un nombre limité de cellules anormales. On les a tout
d’abord découvertes pour leur capacité de tuer certaines cellules tumorales, mais
on sait maintenant qu’elles jouent un rôle important dans l’immunité innée.
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc 413

La destruction des cellules cibles couvertes d’anticorps par les cellules NK est appe-
lée cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC, Antibody-Dependent
Cell-mediated Cytotoxicity). Elle est induite lorsqu’un anticorps lié à la surface
d’une cellule interagit avec les récepteurs de Fc de la cellule NK (Fig. 9.34). Les cel-
lules NK expriment le récepteur FcγRIII (CD16), qui reconnaît les sous-classes IgG1
et IgG3 et induit l’attaque cytotoxique par la cellule NK de la cible recouverte d’an-
ticorps. Le mécanisme d’attaque est similaire à celui qu’utilisent les cellules  T
cytotoxiques, qui recourent à la libération de granules cytoplasmiques contenant
la perforine et les granzymes (voir Section 8-28). L’importance de l’ADCC dans la
défense contre les infections bactériennes et virales n’est pas encore bien établie.
Cependant, l’ADCC constitue un autre mécanisme par lequel les anticorps, en se Fig. 9.33 Éosinophiles attaquant une larve
liant aux récepteurs de Fc, peuvent induire une attaque spécifique de l’antigène par de schistosome en présence de sérum
une cellule effectrice dépourvue elle-même de spécificité antigénique. provenant d’un patient infecté. Les grands
parasites, comme les vers, ne peuvent pas
être ingérés par les phagocytes. Cependant,
lorsque le ver est couvert d’anticorps, surtout
9-24 Les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles activés lient d’IgE, les éosinophiles peuvent l’attaquer grâce
les anticorps de type IgE par l’intermédiaire du récepteur de Fcε à la liaison de leur récepteur de haute affinité
FcεRI. Des attaques du même type peuvent
de forte affinité. être déclenchées vis-à-vis de différentes cibles
de grande taille par d’autres cellules portant
Lorsque les pathogènes traversent les barrières épithéliales et établissent un foyer des récepteurs de Fc. Ces cellules libèrent
infectieux, l’hôte doit mobiliser ses défenses et les diriger vers le site de développement les composants toxiques de leurs granules
directement sur la cible, un mécanisme appelé
du pathogène. Un des mécanismes qui permet cette mobilisation est l’activation d’un exocytose. Cliché de A. Butterworth.
type particulier de cellules, le mastocyte. Ce sont de grandes cellules contenant des
granules cytoplasmiques particuliers contenant divers médiateurs chimiques, dont
l’histamine, qui vont très rapidement rendre les vaisseaux sanguins plus perméables.
Les mastocytes ont une apparence très particulière après leur coloration par le bleu de
toluidine, ce qui permet de les identifier facilement dans les tissus (voir Fig. 1.4). On les
retrouve en grand nombre dans les tissus conjonctifs vascularisés juste en dessous des
surfaces épithéliales de l’organisme comme les muqueuses des tractus gastro-intesti-
nal et respiratoire ou le derme sous l’épithélium cutané.
Les mastocytes ont des récepteurs spécifiques des IgE (FcεRI) et des IgG (FcγRIII).
Ils libèrent leurs granules et sécrètent des médiateurs lipidiques inflammatoires et
Fig. 9.34 Les cellules NK peuvent tuer des
des cytokines lors de leur activation par la liaison d’anticorps à leurs récepteurs de cellules cibles couvertes d’anticorps par
Fc. Nous avons vu auparavant que la majorité des récepteurs de Fc ne se lient aux le mécanisme de cytotoxicité cellulaire
régions Fc des anticorps que si ceux-ci sont liés à leur antigène. Au contraire, les dépendant des anticorps (ADCC). Les
récepteurs de FcεRI reconnaissent les IgE monomériques avec une très haute affi- cellules NK (voir Chapitre 2) sont des cellules
lymphoïdes non T non B avec de grands
nité de l’ordre de 1010 M−1. Par conséquent, les taux faibles d’IgE circulantes chez granules et qui portent le récepteur FcγRIII
les individus normaux sont suffisants pour permettre qu’une fraction importante (CD16) à leur surface. Lorsque ces cellules
de ces IgE soit fixée aux récepteurs FcεRI des mastocytes tissulaires et aux baso- rencontrent une cellule recouverte d’anticorps
philes circulants. Les éosinophiles peuvent aussi exprimer des récepteurs de Fc. de type IgG, elles tuent rapidement la cellule
cible. L’importance de l’ADCC dans la défense
Cependant, ils n’expriment le récepteurs de FcεRI qu’après avoir été activés et de l’hôte ainsi que dans les lésions tissulaires
recrutés dans un foyer inflammatoire. est encore controversée.

Le pontage des récepteurs de Fc


L’anticorps se lie à l’antigène Les récepteurs de Fc des cellules NK
transmet un signal à la cellule NK La cellule cible meurt par apoptose
à la surface des cellules cibles reconnaissent les anticorps liés
pour qu’elle tue la cellule cible

FcγRIII
(CD16)

Cellule NK Cellule NK
activée

tue

Cellule cible
414 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

Fig. 9.35 Le pontage des IgE à la surface


des mastocytes conduit à une libération Mastocyte au repos Mastocyte activé
rapide de médiateurs inflammatoires.
Les mastocytes sont de grandes cellules
présentes dans le tissu conjonctif que
l’on peut reconnaître à leurs granules
de sécrétion contenant de nombreux
médiateurs inflammatoires. Elles lient les IgE
monomériques de manière stable par leurs
récepteurs I de Fcε de très haute affinité.
Le pontage par l’antigène des IgE liées aux
récepteur déclenche une dégranulation rapide,
libérant des médiateurs inflammatoires dans le
tissu avoisinant. Ces médiateurs causent une
inflammation locale, qui recrute des cellules
et des protéines requises pour la défense
dans les foyers infectieux. Ces cellules sont
aussi activées durant les réactions allergiques
lorsque l’allergène se lient aux IgE sur les
mastocytes. Cliché de A. M. Dvorak.

Anticorps IgE
Récepteur I de Fcε

Les mastocytes au repos possèdent Un antigène polyvalent peut


des granules contenant de l’histamine interconnecter les anticorps IgE liés, libérant
et d’autres médiateurs inflammatoires ainsi le contenu des granules

Les mastocytes sont généralement associés de manière stable aux IgE, mais la fixa-
tion d’un antigène monomérique aux IgE ne permet pas de les activer. Les mastocy-
tes ne sont activés que lorsque les IgE sont pontées par des antigènes multivalents.
Ce pontage active la libération par les mastocytes du contenu de leurs granules en
quelques secondes (Fig. 9.35), la synthèse et la libération de médiateurs lipidiques
comme la prostaglandine D2 et le leucotriène C4 et enfin la sécrétion de cytoki-
nes comme le TNF-α permettant le développement d’une réponse inflammatoire
locale. La dégranulation permet la libération de l’histamine stockée dans les gra-
nules. Elle induit une augmentation locale du flux sanguin et de la perméabilité
vasculaire, ce qui induit rapidement une accumulation dans les tissus avoisinants
de liquide et de protéines sanguines comme les anticorps. Peu après, on observe
un afflux de cellules sanguines comme les leucocytes polynucléaires suivis par les
macrophages, les éosinophiles et les lymphocytes effecteurs. Cet apport peut durer
de quelques minutes à quelques heures et induire une réaction inflammatoire au
site d’infection. Les mastocytes font donc partie de la ligne de défense contre les
pathogènes qui pénètrent dans l’organisme par les barrières épithéliales.

9-25 L’activation par les IgE des cellules accessoires joue un rôle
important dans la lutte contre les infections parasitaires.
On pense que les mastocytes exercent au moins trois fonctions importantes dans
la défense de l’organisme. Tout d’abord, leur localisation proche de la surface de
l’organisme leur permet de recruter des éléments effecteurs spécifiques ou non
spécifiques sur les sites où les agents infectieux sont les plus susceptibles de péné-
trer dans le milieu intérieur. Ensuite, ils augmentent l’afflux de la lymphe depuis les
sites de dépôts des antigènes jusqu’aux ganglions lymphatiques, où les lymphocy-
tes naïfs seront activés. Enfin, leur capacité d’induire une contraction des muscles
La destruction des pathogènes recouverts d’anticorps par l’intermédiaire des récepteurs de Fc 415

lisses contribue à l’expulsion physique des pathogènes des poumons ou de l’intes-


tin. Les mastocytes répondent rapidement à la liaison de l’antigène par les IgE dont
ils sont porteurs, et leur activation permet le recrutement et l’activation des baso-
philes et des éosinophiles qui contribuent à leur tour à la réponse induite par les
IgE. De nombreuses observations indiquent que ces réponses induites par les IgE
sont cruciales pour la défense contre les infections parasitaires.
Le rôle des mastocytes dans l’élimination des parasites est fortement suggéré par l’ac-
cumulation de mastocytes dans l’intestin, appelée mastocytose, qui accompagne une
infection par les helminthes ainsi que par des observations chez les souris mutantes
W / WV qui sont déficientes en mastocytes suite à une mutation du gène c-kit. Ces sou-
ris mutantes ne peuvent pas éliminer les nématodes intestinaux Trichinella spiralis et
de l’espèce Strongyloides. L’élimination de Stronglyloides est encore plus difficile chez
les souris W / WV qui n’ont pas d’IL-3 et qui, en plus de leur déficience en mastocytes,
ont une déficience en basophiles. Les mastocytes et les basophiles semblent donc jouer
un rôle dans la défense contre les parasites de type helminthe. Une autre observation
illustre l’importance des anticorps IgE et des éosinophiles dans la protection contre les
parasites ; l’infection par certaines classes de parasites, essentiellement les helminthes,
est associée à la production d’anticorps IgE, et la présence d’un nombre anormalement
important d’éosinophiles (éosinophilie) dans le sang et les tissus. De plus, des expérien-
ces chez la souris ont montré que la destruction des éosinophiles par des antisérums
polyclonaux anti-éosinophiles augmente la sévérité de l’infection par le parasite hel-
minthe, Schistosoma mansoni. Les éosinophiles semblent être directement responsa-
bles de la destruction des helminthes. L’observation de tissus infectés met en évidence
la présence d’éosinophiles ayant dégranulé fixés aux helminthes. Des expériences in
vitro ont montré que les éosinophiles pouvaient tuer Schistosoma mansoni en présence
d’anticorps IgE, d’IgG ou d’IgA antischistosomes spécifiques (voir Fig. 9.31).
Le rôle des IgE, des mastocytes, des basophiles et des éosinophiles a également
été mis en évidence dans la protection contre les tiques Ixodes, suceuses de sang.
Au site cutané de la piqûre, on constate que les mastocytes ont dégranulé et que
les basophiles et les éosinophiles qui s’y sont accumulés ont également dégranulé,
ce qui indique une activation récente. La résistance à la piqûre se développe après
la première exposition, suggérant un mécanisme immunologique spécifique. Les
souris déficientes en mastocytes ne développent pas ce type de résistance aux
tiques et, chez les cobayes, l’élimination des basophiles ou des éosinophiles par
des anticorps polyclonaux spécifiques réduit la résistance aux piqûres de tiques.
Enfin, des expériences récentes ont montré que la résistance aux tiques chez la
souris est assurée par des anticorps IgE spécifiques.
Ainsi, de nombreuses études cliniques et expériences montrent le rôle du système de
fixation d’IgE sur le récepteur de haute affinité FcεRI dans la résistance aux pathogènes
qui pénètrent à travers les épithéliums. Nous verrons au Chapitre 13 que ce système est
responsable de plusieurs des symptômes des maladies allergiques comme l’asthme, le
rhume des foins et la réaction potentiellement mortelle appelée choc anaphylactique.

Résumé.
Les pathogènes couverts d’anticorps sont reconnus par des cellules accessoires effec-
trices par l’intermédiaire de récepteurs de Fc qui lient les régions constantes (par-
ties  Fc) des anticorps couvrant le pathogène. La liaison active la cellule et déclenche
la destruction du pathogène, soit par phagocytose, libération de granules ou les
deux. Les récepteurs de Fc appartiennent à une famille de protéines, dont chacune
reconnaît les immunoglobulines d’un isotype particulier. Les récepteurs de Fc des
macrophages et des neutrophiles reconnaissent les régions constantes des anticorps
de type IgG ou IgA fixés aux pathogènes et induisent l’ingestion et la destruction des
bactéries recouvertes d’IgG et d’IgA. La liaison du récepteur de Fc peut aussi induire
la production d’agents microbicides dans les vésicules intracellulaires du phagocyte.
Les éosinophiles sont importants pour l’élimination des parasites trop grands pour
être ingérés. Ils portent des récepteurs de Fc spécifiques de la région constante des
416 Chapitre 9 : Les réponses immunitaires humorales

IgG ainsi que des récepteurs de haute affinité pour les IgE. L’agrégation de ces récep-
teurs induit la libération de substances toxiques à la surface du parasite. Les cellu-
les NK, les mastocytes tissulaires et les basophiles sanguins peuvent aussi libérer le
contenu de leurs granules lorsque leurs récepteurs de Fc sont engagés. Le récepteur
de haute affinité pour les IgE est exprimé de manière constitutive sur les mastocytes
et les basophiles et est induit sur les éosinophiles activés. Il est différent des autres
récepteurs de Fc car il peut lier des anticorps monomériques libres, ce qui permet
une réponse immédiate aux pathogènes là où ils ont pénétré dans les tissus. Lorsque
les IgE fixées à la surface d’un mastocyte sont agrégées suite à la liaison de l’antigène,
elles déclenchent la libération de l’histamine et de nombreux autres médiateurs qui
augmentent le flux sanguin dans le foyer infectieux, ce qui permet le recrutement
des anticorps et des cellules effectrices dans ce site. Les mastocytes sont présents en
dessous des surfaces épithéliales de la peau et des tractus respiratoire et digestif, et
l’activation par des substances inoffensives est responsable de nombreux symptô-
mes des réactions allergiques aiguës, comme nous le décrirons dans le Chapitre 13.

Résumé du Chapitre 9.
La réponse immunitaire humorale aux infections implique la production d’anti-
corps par les plasmocytes provenant des lymphocytes B, la fixation de ces anti-
corps sur le pathogène et l’élimination du pathogène par les cellules phagocytaires
et les molécules du système immunitaire humoral. En général, la production d’an-
ticorps nécessite l’aide des cellules  T auxiliaires spécifiques d’un peptide cor-
respondant à une partie de l’antigène reconnu par la cellule  B. Celle-ci va alors
proliférer et se différencier tout d’abord à la limite entre les deux zones T et B des
tissus lymphoïdes secondaires, ensuite à la limite entre la zone T et la pulpe rouge,
et finalement dans le centre germinatif, où l’hypermutation somatique aboutit à la
diversification des récepteurs. Les cellules B qui fixent l’antigène le plus avidement
sont sélectionnées pour se différencier grâce à un contact continu avec l’antigène
et une présentation des peptides dérivés de l’antigène aux cellules  T auxiliaires
du centre germinatif. Ces événements permettent l’augmentation de l’affinité des
anticorps tout au long de la réponse immunitaire, surtout lors d’une exposition
répétée au même antigène. Les cellules  T auxiliaires peuvent aussi contrôler la
commutation de classe, permettant la production d’anticorps de différents isoty-
pes, qui se répartissent alors dans les différents compartiments de l’organisme.
Les anticorps IgM sont produits très tôt au cours de la réponse, et jouent un rôle majeur
dans la protection contre les infections de la circulation sanguine, alors que les isoty-
pes plus matures comme les IgG diffusent dans les tissus. Certains pathogènes qui ont
à la fois des déterminants antigéniques hautement répétitifs et expriment des mitogè-
nes qui peuvent activer les cellules B peuvent induire la production d’IgM et de quel-
ques IgG indépendamment de l’aide des cellules  T. Ce type d’antigènes est appelé
antigènes TI et les anticorps induits par ces antigènes peuvent fournir une réponse
immunitaire efficace et précoce contre les bactéries. Les IgA polymériques sont pro-
duites dans la lamina propria et transportées à travers les surfaces épithéliales, alors
que les IgE sont fabriquées en petites quantités et se fixent à la surface des mastocy-
tes. Les anticorps qui se fixent avec une haute affinité à des sites critiques des toxi-
nes, des virus ou des bactéries peuvent les neutraliser. Cependant, les pathogènes et
leurs produits sont détruits et éliminés de l’organisme essentiellement grâce à la cap-
ture par les phagocytes et à la dégradation à l’intérieur de ces cellules. Les anticorps
qui couvrent les pathogènes, se fixent aux récepteurs de Fc sur les phagocytes qui peu-
vent alors ingérer et détruire les pathogènes. La liaison des régions C des anticorps aux
récepteurs de Fc des autres cellules induit l’exocytose des médiateurs stockés dans les
granules. Ceci est particulièrement important au cours des infections parasitaires où
les mastocytes exprimant FcεRI et les éosinophiles activés vont libérer des médiateurs
inflammatoires directement à la surface du parasite suite à la fixation de l’antigène sur
les IgE. Les anticorps peuvent aussi déclencher la destruction des pathogènes en acti-
vant le système du complément. Des éléments du complément peuvent opsoniser les
pathogènes, induire ainsi leur capture par les phagocytes, recruter les phagocytes dans
Références 417

le foyer infectieux et détruire le pathogène en formant des pores dans sa membrane.


Les récepteurs du complément et les récepteurs de Fc peuvent agir en synergie dans la
capture et la destruction des pathogènes et des complexes immuns. Par conséquent,
la réponse immunitaire humorale permet de viser le pathogène infectieux au moyen
des anticorps spécifiques. Cependant, les fonctions effectrices de ces anticorps sont
déterminées par leur isotype, qui détermine sa classe, et sont les mêmes pour tous les
pathogènes couverts par des anticorps de cette classe particulière.

Questions.

9.1 Décrivez les conditions requises pour l’activation des cellules B naïves par un
antigène thymodépendant.

9.2 Comparez, en soulignant leurs différences, les cellules B matures, les plasmoblastes
et les plasmocytes quant à leur prolifération, leur sécrétion d’anticorps, leur durée
de vie et leur localisation corporelle.

9.3 Comparez, en soulignant leurs différences, les propriétés et fonctions des anticorps
des classes IgM et IgG.

9.4 Comparez, en soulignant leurs différences, les réponses des cellules B aux deux types
d’antigènes thymo-indépendants.

9.5 Quelle classe d’anticorps active surtout les mastocytes ? Comme le fait-elle
et quelles sont les conséquences ? Contre quel type de pathogène cette classe
d’anticorps est-elle surtout dirigée ? De quelle réaction indésirable cette classe
d’anticorps est-elle responsable ?

9.6 Décrivez deux voies différentes par lesquelles des anticorps autres que des IgM
pourraient être produits contre un antigène polysaccharidique.

9.7 Décrivez le processus responsable de la maturation d’affinité de la réponse à


anticorps. Où la maturation d’affinité se déroule-t-elle surtout ?

9.8 Comment les anticorps interagissent-ils avec le système du complément pour


débarrasser l’organisme des pathogènes ?

9.9 Quelle classe d’anticorps maternels vous attendez-vous à trouver chez le


nouveau-né nourri au sein et comment ces anticorps arrivent-ils là ?

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421

La dynamique de l’immunité
adaptative 10

Tout au long de ce livre, nous avons examiné les mécanismes individuels par les-
quels les réponses immunitaires innées et adaptatives protègent l’individu des
micro-organismes. Dans ce chapitre, nous allons étudier comment les cellules
et les molécules du système immunitaire fonctionnent en un système de défense
intégré pour éliminer ou contrôler les agents infectieux et comment le système
immunitaire adaptatif fournit une protection immunitaire à long terme. C’est le
premier parmi plusieurs chapitres qui étudiera le fonctionnement du système
dans son ensemble chez un individu en bonne santé ou malade. Le prochain cha-
pitre décrit le rôle et les spécialisations du système immunitaire des muqueuses,
qui forme la ligne de front de la défense contre la plupart des pathogènes. Dans
les chapitres suivants, nous examinerons l’apparition d’anomalies dans la défense
immunitaire et l’apparition de réponses immunitaires indésirables. Nous verrons
également comment la réponse immunitaire peut être manipulée pour le béné-
fice de l’individu.
Au Chapitre 2, nous avons vu comment l’immunité innée entre en jeu au cours
des premières phases de l’infection. Cependant, les pathogènes ont développé
des stratégies qui leur permettent, au moins à certaines occasions, d’échapper aux
mécanismes de défense immunitaire innée et d’établir un foyer infectieux à par-
tir duquel ils peuvent s’étendre. Dans ces circonstances, la réponse immunitaire
innée prépare la scène pour l’induction de la réponse immunitaire adaptative.
Dans la réponse immunitaire primaire, qui se développe contre un pathogène
rencontré pour la première fois, plusieurs jours sont requis pour l’expansion clo-
nale et la différenciation des lymphocytes naïfs en cellules T effectrices et cellu-
les B sécrétrices d’anticorps, comme décrit aux Chapitres 8 et 9. Dans la plupart
des cas, ces cellules et anticorps réussiront à éliminer le pathogène (Fig. 10.1).
Durant cette période, une mémoire immunologique spécifique s’établit. Celle-ci
induit plus rapidement des anticorps spécifiques de l’antigène et des cellules  T
effectrices lors des rencontres ultérieures avec le même pathogène, assurant ainsi
une protection de longue durée, souvent, pour toute la vie. La mémoire immu-
nologique est décrite dans la dernière partie du chapitre. Les réponses de type
mémoire diffèrent sur plusieurs points des réponses primaires. Nous discutons
les raisons de ces différences et ainsi de ce qui connu quant au maintien de la
mémoire immunologique.
422 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Fig. 10.1 L’évolution d’une infection aiguë


typique qui guérit à la suite d’une réaction
immunitaire adaptative. 1. Le nombre 1. 2. 3. 4.
d’agents infectieux augmente à cause de Début Induction Réponse Mémoire
de l’infection d’une réponse immunitaire adaptative immuno-
la réplication du pathogène. 2. Lorsqu’il adaptative logique
dépasse le seuil d’antigène nécessaire au
développement d’une réponse adaptative, la
Nombre de
réponse commence. Le pathogène continue à micro-organismes
proliférer, retardé seulement par les réponses
du système immunitaire inné. À ce stade,
l’induction de la mémoire immunologique
débute également. 3. Après 4-7 jours, les
cellules et les molécules effectrices de la
réponse adaptative commencent à éliminer
l’infection. 4. Lorsque l’infection est éliminée et
Quantité
que la dose d’antigène tombe en dessous du seuil
seuil de réponse, la réponse s’arrête mais les d’antigène
anticorps, les cellules effectrices résiduelles et nécessaire
la mémoire immunologique fournissent dans à l’activation
de la réponse
la plupart des cas une protection de longue
immunitaire
durée contre la réinfection. adaptative

Durée de l’infection
Entrée du Pathogène
micro-organisme éliminé

L’évolution de la réponse immunitaire à une infection.


La réponse immunitaire est un processus dynamique  ; tant sa nature que son
intensité changent au cours du temps. Elle débute par les réactions relativement
non spécifiques de l’immunité innée et se focalise ensuite sur le pathogène et
devient plus puissante avec le développement rapide de la réponse immunitaire
adaptative. Dans cette partie du chapitre, nous décrivons comment les différentes
phases d’une réponse immunitaire sont organisées dans l’espace et le temps, com-
ment la réponse se développe en intensité et en précision, comment des change-
ments dans des molécules spécialisées de la surface cellulaire et les chimiokines
guident les lymphocytes effecteurs dans le site approprié et comment ces cellules
sont régulées durant les différentes phases.
La réaction immunitaire innée est une condition requise pour qu’une réponse
immunitaire adaptative primaire puisse se développer, puisque les molécu-
les costimulatrices induites sur les cellules du système immunitaire inné durant
leur interaction avec les micro-organismes sont essentielles pour l’activation des
lymphocytes spécifiques de l’antigène (voir Chapitre 8). Les cellules du système
immunitaire inné fournissent d’autres signaux importants sous forme de cytokines
sécrétées qui influencent les caractéristiques de la réponse adaptative et l’adap-
tent au type de pathogène rencontré. À cette fin, des cellules de différents sites doi-
vent coordonner l’activation spécifique des cellules T naïves et des cellules B, et la
migration des cellules dans des zones précises des tissus lymphoïdes est donc cri-
tique pour la coordination des réponses adaptatives.

10-1 L’évolution d’une infection peut être divisée en plusieurs phases.

Le processus infectieux peut être divisé en différentes phases (voir Fig.  2.6)  ; au
Chapitre 2, nous avons examiné en détail les réactions de l’immunité innée. Ici,
nous considérons à nouveau les diverses phases d’une infection mais en intégrant
la réponse immunitaire adaptative dans l’ensemble du tableau.
Au premier stade de l’infection par un pathogène, un nouvel hôte est exposé aux
particules infectieuses soit provenant d’un individu infecté ou présentes dans l’en-
vironnement. Le nombre, la voie d’entrée, le mode de transmission et la stabilité
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 423

de l’agent infectieux à l’extérieur de l’hôte déterminent son infectivité. Certains


pathogènes, comme l’anthrax, sont disséminés par des spores qui sont très résis-
tantes à la chaleur et à l’humidité alors que d’autres, comme le virus de l’immuno-
déficience humaine (VIH), ne sont disséminés que par des échanges de liquides
corporels ou de tissus, car ils ne peuvent survivre à l’extérieur de l’organisme.
Le premier contact survient en général à la surface d’un épithélium, qui peut être
la peau ou une muqueuse des tractus respiratoire, gastro-intestinal ou urogénital.
Comme la plupart des pathogènes entrent dans l’organisme par les muqueuses, les
réponses immunitaires qui se développent dans ce compartiment particulier du
système immunitaire ont une grande importance et sont considérées en détail au
Chapitre 11. Le germe, après avoir établi le contact, forme un foyer infectieux, qui
ne se développe que si le pathogène peut adhérer à la surface épithéliale, la colo-
niser ou la traverser pour se répliquer alors dans les tissus (Fig. 10.2, deux premiers
panneaux). Des blessures ou des morsures d’insectes et de tiques qui rompent la
barrière épidermique permettent à certains pathogènes de traverser la peau. De
nombreux micro-organismes sont repoussés ou mis en échec à ce stade par l’im-
munité innée grâce à divers récepteurs codés par des gènes de lignée germinale et
capables de distinguer les surfaces microbiennes des cellules de l’hôte, ou les cel-
lules infectées des cellules normales (voir Chapitre 2). Ces réponses ne sont pas
aussi efficaces que les réponses immunitaires adaptatives, qui sont plus puissan-
tes grâce à leur spécificité antigénique et qui visent donc le pathogène avec préci-
sion. Cependant, elles peuvent prévenir l’installation d’une infection ou, si elles ne
l’empêchent pas, elles peuvent éviter la propagation du pathogène dans le courant Fig. 10.2 Les infections et les réponses
sanguin pendant le développement de la réponse immunitaire adaptative. qu’elles suscitent peuvent être divisées
en plusieurs stades. Ils sont illustrés ici pour
C’est seulement lorsqu’un micro-organisme a réussi à établir un foyer infectieux un micro-organisme infectieux (en rouge) qui
que la maladie se manifeste. À part une infection primaire pulmonaire, qui peut pénètre par une blessure dans un épithélium.
causer une maladie menaçant la vie, un agent pathogène ne cause en général que Le micro-organisme doit tout d’abord adhérer
aux cellules épithéliales puis les traverser. Une
peu de dommages à moins qu’il ne se dissémine à partir de son foyer d’origine ou réponse locale non adaptative permet d’aider
ne sécrète des toxines qui peuvent diffuser dans tout l’organisme. Les pathogè- à contenir l’infection et assure le transfert
nes extracellulaires se répandent à partir du foyer infectieux par les vaisseaux lym- d’antigènes dans les ganglions lymphatiques
locaux, entraînant une immunité adaptative
phatiques ou la circulation sanguine. Généralement, la dissémination sanguine
et l’élimination de l’infection. Le rôle des
ne survient qu’après que le système lymphatique ait été débordé par le dévelop- cellules T γ:δ n’est pas encore certain, comme
pement des agents infectieux. Les pathogènes intracellulaires obligatoires doivent indiqué par le point d’interrogation.

Infection locale, Infection locale des tissus


Dispersion lymphatique Immunité adaptative
traversée de l’épithélium

macrophage cellule
dendritique tissulaire

Protection contre l’infection

Induction de la guérison de la plaie Activation du complément


Des protéines et des peptides L’agent infectieux est éliminé
Des cellules dendritiques migrent dans Pathogènes piégés et phagocytés
antimicrobiens, des phagocytes par des anticorps spécifiques,
les ganglions lymphatiques dans un tissu lymphoïde
et le complément détruisent par des cellules T qui activent
Intervention des phagocytes L’immunité adaptative est induite
les micro-organismes des macrophages
Activation des cellules NK par des cellules dendritiques immigrantes
Activation des cellules T γ:δ ? et par des cellules T cytotoxiques.
Production de cytokines et chimiokines
424 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

passer de cellule à cellule. Ils le font soit par transmission directe d’une cellule à
une autre, soit par libération dans le liquide extracellulaire et réinfection de cel-
lules adjacentes ou lointaines. Par contre, de nombreux organismes responsables
d’intoxication alimentaire induisent des pathologies sans dissémination tissulaire.
Ils forment un foyer infectieux à la surface épithéliale intestinale. Ils ne causent pas
de pathologie directe, mais sécrètent des toxines qui déclenchent des lésions in
situ ou systémiques si elles réussissent à traverser la barrière intestinale et gagner
la circulation.
La majorité des agents infectieux présente un certain degré de spécificité pour
leur victime, provoquant des maladies uniquement chez une espèce ou quelques
espèces de la même famille. On ne connaît pas les mécanismes qui déterminent
cette spécificité de chaque agent pathogène, mais la fixation à une molécule de
surface particulière est un des facteurs critiques. Pour que le pathogène puisse se
répliquer, d’autres interactions avec les cellules sont nécessaires, ce qui limite le
nombre d’hôtes potentiels. Les recherches sur les mécanismes moléculaires res-
ponsables de cette spécificité s’écartent des thèmes de ce livre ; elles relèvent de la
discipline dite de pathogénie microbienne.
L’immunité adaptative est déclenchée lorsque une infection échappe ou déborde
les mécanismes de défense innée et qu’une quantité critique d’antigène est atteinte
(voir la Fig. 10.1). Les réponses immunitaires adaptatives commencent alors dans
le tissu lymphoïde local, en réponse aux antigènes présentés par des cellules den-
dritiques activées au cours de la réaction immunitaire innée (Fig. 10.2, deuxième
et troisième panneaux). Les cellules T effectrices et les cellules B productrices d’an-
ticorps spécifiques de l’antigène sont produites par expansion clonale et différen-
ciation pendant plusieurs jours comme décrit plus en détail aux Chapitres  8  et  9.
Entre temps, les réactions de l’immunité innée, comme les réponses de phase
aiguë et la production d’interféron (voir Sections 2-28 et 2-29), continuent à fonc-
tionner. Les cellules T spécifiques de l’antigène puis les anticorps sont alors libé-
rés dans le sang et recrutés dans le foyer infectieux (Fig. 10.2, quatrième panneau).
La guérison implique l’élimination des particules infectieuses extracellulaires par
les anticorps et l’élimination des résidus intracellulaires de l’infection par les cel-
Souris (humains) sans immunité lules T effectrices.
innée (PMN–, MAC–)
Après de nombreux types d’infection, il reste peu ou pas de pathologie résiduelle
Nombre de micro-organismes

Souris et humains scid, lorsque la réponse adaptative primaire a été efficace. Cependant, dans certains
RAG–
(PMN+, MAC+, T/B–)
cas, l’infection ou la réponse contre l’infection induit des dommages tissulaires
significatifs. Dans d’autres cas, comme pour l’infection à cytomégalovirus ou à
Mycobacterium tuberculosis, le pathogène est contenu, mais n’est pas éliminé et
peut persister sous forme latente. Si, par la suite, la réponse immunitaire adapta-
tive diminue, comme au cours du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA),
ces pathogènes se manifestent à nouveau, causant des infections systémiques
virulentes. Dans la première partie du Chapitre 12, nous étudierons les stratégies
Souris et
humains normaux utilisées par certains pathogènes pour échapper à l’immunité adaptative ou pour
la tromper, aboutissant ainsi à une infection chronique. En plus d’éliminer l’agent
Durée de l’infection infectieux, une réponse immunitaire adaptative efficace doit empêcher la réin-
fection. Pour certains agents infectieux, cette protection est totale alors que pour
Fig. 10.3 Le déroulement de l’infection chez d’autres, elle est réduite ou atténuée lors d’une nouvelle exposition au pathogène.
les souris normales ou immunodéficientes
et chez l’homme. La courbe rouge montre
On ignore combien d’infections guérissent par la seule intervention des mécanis-
la croissance rapide des micro-organismes mes de l’immunité innée, car de telles infections sont éliminées tôt et produisent
en absence d’immunité innée, lorsque les entre temps peu de symptômes ou de pathologie. Des déficiences dans les défen-
macrophages (MAC) et les polynucléaires ses non adaptatives survenant naturellement sont rares, aussi il difficile d’étudier
(PMN) sont absents. La courbe verte montre
l’évolution de l’infection chez des souris et des leurs conséquences. L’immunité innée semble, cependant, être essentielle pour
patients qui possèdent une immunité innée une protection efficace de l’hôte, comme le montre la progression des infections
mais n’ont pas de lymphocytes T et B et donc chez les souris dépourvues de composants de l’immunité innée mais qui ont un
pas d’immunité adaptative. La courbe jaune
système immunitaire adaptatif intact (Fig. 10.3). L’immunité adaptative est aussi
montre le cours normal de l’infection chez
des souris ou des patients avec un système essentielle, comme le montrent les syndromes d’immunodéficience associés à des
immunitaire normal. déficience en divers composants de la réponse immunitaire adaptative.
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 425

10-2 Les réponses non spécifiques de l’immunité innée sont nécessaires


au déclenchement d’une réponse immunitaire adaptative.
La formation d’un foyer infectieux dans les tissus et la réponse du système immuni-
taire inné induisent des changements dans l’environnement immédiat. Beaucoup
de ces changements ont été décrits dans des chapitres antérieurs, mais nous les
rappellerons brièvement ici afin de fournir un cadre cohérent à l’induction de
l’immunité adaptative.
Lors d’une infection bactérienne, le premier événement est généralement une réaction
inflammatoire. Cette inflammation est d’abord le résultat de l’activation des macro-
phages résidents par des composés bactériens comme le lipopolysaccharide, qui agit
par l’intermédiaire des récepteurs de type Toll (TLR, Toll-Like Receptors) des macro-
phages. Les cytokines et les chimiokines sécrétées par les macrophages activés, sur-
tout le TNF-α (Tumor Necrosis Factor-α), induisent de nombreux changements dans
les cellules endothéliales des capillaires sanguins voisins, un mécanisme appelé acti-
vation des cellules endothéliales. L’inflammation résulte aussi de l’activation du com-
plément, qui aboutit à la libération des anaphylatoxines C3a et C5a, qui sont capables
d’activer l’endothélium vasculaire. Lors d’une infection primaire, le complément est
activé surtout par les voies alternative et de la MBL (voir Fig. 2.25). L’endothélium vas-
culaire libère à sa surface les corps de Weibel-Palade et leur contenu, la sélectine P,
une molécule d’adhérence (voir la Section 2-25). L’activation induit aussi la transcrip-
tion et la traduction de l’ARN codant la sélectine E, qui apparaît alors à la surface de
la cellule endothéliale. Ces deux sélectines permettent aux leucocytes, entre autres
les neutrophiles et les monocytes, d’adhérer aux cellules endothéliales puis de rouler
à leur surface. Les cytokines induisent aussi l’expression par les cellules endothélia-
les de la molécule ICAM-1, qui se lie aux molécules d’adhérence, comme LFA-1, des
neutrophiles et monocytes. Cette liaison renforce l’interaction entre les leucocytes et
les cellules endothéliales et facilite la pénétration en grand nombre des neutrophi-
les et des monocytes dans le tissu infecté pour former un foyer inflammatoire (voir
Fig. 2.49). Alors que, dans les tissus, les monocytes se différencient en macrophages
qui à leur tour sont activés, de plus en plus de cellules inflammatoires sont attirées
dans le tissu infecté. Ainsi, la réaction inflammatoire est entretenue et renforcée. De
manière imagée, on peut dire que la réponse inflammatoire place un fanion sur les
cellules endothéliales pour indiquer la présence d’une infection, mais jusqu’ici, la
réponse est restée non spécifique pour les antigènes du pathogène.
Le second événement crucial de l’infection est l’activation de cellules présenta-
trices d’antigène spécialisées, les cellules dendritiques résidant dans la plupart
des tissus comme décrit dans les Sections 8-4 to 8-6. Ces cellules captent l’anti-
gène dans les tissus infectés et, comme les macrophages, elles sont activées par
des récepteurs de l’immunité innée qui répondent à des composés microbiens
communs, comme les TLR (Section 2-7) et les protéines NOD (Section 2-9). Les
cellules dendritiques activées intensifient leur synthèse de molécules de CMH de
classe II et, plus important, commencent à exprimer à leur surface les molécules
de costimulation, CD80 et CD86. Comme décrit au Chapitre  8, ces cellules pré-
sentatrices d’antigène quittent le foyer infectieux par les lymphatiques, avec leur
chargement en antigène, pour gagner les organes lymphoïdes secondaires, dans
lesquels elles peuvent induire la réponse immunitaire adaptative. Elles pénè-
trent en grand nombre dans les ganglions lymphatiques de drainage ou dans les
autres tissus lymphoïdes avoisinants, attirées par les chimiokines CCL19, CCL20 et
CCL21, qui sont produites par le stroma des ganglions lymphatiques et les cellules
endothéliales des veinules à endothélium élevé.
Lors de leur arrivée dans les tissus lymphoïdes, les cellules dendritiques semblent
avoir atteint leur destination finale. Elles peuvent mourir dans ces tissus, mais avant
cela leur rôle est d’activer les lymphocytes T naïfs spécifiques de l’antigène. Les lym-
phocytes naïfs traversent continuellement les ganglions lymphatiques, dans les-
quels ils entrent en traversant la paroi des veinules à endothélium élevé (voir la
Fig. 8.8). Ces cellules T naïves, qui peuvent reconnaître l’antigène à la surface des
426 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

cellules dendritiques, sont activées pour se diviser puis se différencier en cellules


effectrices qui retournent dans la circulation. Là où une infection se développe, les
modifications induites par l’inflammation dans les veinules adjacentes permettent
à ces cellules effectrices de quitter le vaisseau sanguin et de migrer dans le foyer
infectieux. Ainsi la libération locale des cytokines et des chimiokines dans le site de
l’infection a des conséquences d’une portée considérable. En plus du recrutement
des neutrophiles et des macrophages, qui ne sont pas spécifiques de l’antigène, les
changements induits dans la paroi des vaisseaux sanguins permettent aux lympho-
cytes T effecteurs fraîchement activés d’entrer dans les tissus infectés.

10-3 Des cytokines produites au cours de la phase la plus précoce


d’une infection influencent la différenciation des cellules T CD4
vers la sous-population TH17.

La différenciation des cellules T CD4 naïves en classes distinctes de cellules T CD4


effectrices, TH17, TH1, TH2 ou des sous-populations régulatrices (voir Chapitre 8),
survient durant la progression d’une infection, et dépend des effets de l’infection
sur la cellule présentatrice d’antigènes. Les conditions créées par les cellules den-
dritiques durant le contact initial des cellules  T avec leur antigène a un impact
sur l’orientation d’une réponse immunitaire adaptative, déterminant les quan-
tités relatives des différents types de cellules  T produites. À leur tour, les sous-
populations de cellules  T influencent le niveau d’activation des macrophages,
l’importance du recrutement des neutrophiles ou des éosinophiles dans le foyer
infectieux, et quelles classes d’anticorps vont prédominer.
Depuis peu, on commence à mieux comprendre les mécanismes cellulaires et
transcriptionnels qui contrôlent cette décision dans l’orientation des cellules  T
CD4 et dont il a été question au Chapitre 8. Il est clair que les cytokines présentes
durant la phase initiale de l’activation des cellules T CD4 influencent grandement
leur différenciation subséquente.
La première sous-population de cellules T effectrices à être générée en réponse à une
infection est en général les TH17. En rencontrant un pathogène, la réponse la plus
précoce des cellules dendritiques est de synthétiser l’IL-6 avec le TGF-β. En absence
d’IL-4, d’IFN-γ ou d’IL-12, ces deux cytokines orientent les cellules T CD4 naïves vers
le statut TH17, et non TH1 ou TH2 (Fig. 10.4, panneaux de droite). Les cellules TH17
quittent le ganglion lymphatique et migrent dans les foyers infectieux distants. Là,
elles rencontrent les antigènes du pathogène et, sous l’effet de la stimulation, syn-
thétisent et libèrent des cytokines, qui comprennent divers membres de la famille
IL-17 comme l’IL-17A et l’IL-17E (aussi appelée IL-25). Le récepteur de l’IL-17 est
exprimé de manière ubiquitaire sur des cellules comme les fibroblastes, les cellules
épithéliales et les kératinocytes. Sous l’effet de l’IL-17, ces cellules sécrètent diverses
cytokines, y compris l’IL-6, les chimiokines CXCL8 et CXCL2 et des facteurs héma-
topoïétiques comme le facteur stimulant la formation de colonies de granulocytes
(G-CSF, Granulocyte Colony-Stimulating Factor) et le facteur stimulant la formation
de colonies de granulocytes et de macrophages (GM-CSF, Granulocyte-Macrophage
Colony-Stimulating Factor). Les chimiokines peuvent recruter directement les neu-
trophiles, tandis que le G-CSF et le GM-CSF agissent sur la moelle osseuse pour aug-
menter les productions de neutrophiles et de macrophages. Ces cytokines peuvent
aussi modifier la différenciation des monocytes locaux en macrophages, mais ceci
n’a pas été confirmé expérimentalement dans le contexte des cellules TH17.
Ainsi, une action importante de l’IL-17 dans le foyer infectieux est d’induire la sécré-
tion par les cellules locales de cytokines et chimiokines qui attirent les neutrophiles.
Les cellules TH17 produisent aussi l’IL-22, une cytokine apparentée à l’IL-10. L’IL‑22
coopère avec l’IL-17 dans l’induction de l’expression de peptides antimicrobiens,
comme les défensines β, par les kératinocytes de l’épiderme. De cette manière, la pré-
sence de cellules TH17 spécifiques du pathogène sert d’amplificateur efficace d’une
réaction inflammatoire aiguë enclenchée par le système immunitaire inné dans le
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 427

site d’une infection débutante. Les cellules T CD4 qui acquièrent le phénotype TH17 En absence Au début
ne sont pas les seules cellules qui produisent de l’IL-17 en réponse aux infections. On d’infection, les cellules d’une infection, les
a montré que les cellules T CD8 produisaient également en abondance l’IL-17. dendritiques produisent cellules dendritiques
surtout du TGF-𝛃 expriment des taux
Des cytokines ont aussi une influence en prévenant les réponses inopportunes du et peu d’IL-6 élevés d’IL-6
système immunitaire envers des antigènes du soi ou envers les micro-organismes pathogènes
commensaux occupant normalement notre organisme. Même en absence d’in- cellule
dendritique
fection, les cellules dendritiques captent des antigènes du soi et de l’environne-
ment et finalement les transportent dans les tissus lymphoïdes secondaires, où
elles peuvent rencontrer des cellules T naïves spécifiques de l’antigène. Des méca- TGF-β élevé TGF-β élevé
nismes régulateurs empêchent des réactions potentiellement nocives du système IL-6, IL-23 basses IL-6, IL-23 élevées
immunitaire. Les signaux pro-inflammatoires habituels ne sont pas présents et les cellule cellule
cellules dendritiques ne sont pas activées ; au contraire, elles semblent générer T CD4 T CD4
naïve naïve
activement une tolérance aux antigènes que les cellules T rencontrent (Fig. 10.4,
panneaux de gauche). Ces cellules dendritiques produisent la cytokine TGF-β, et
non les autres cytokines qui peuvent affecter la différenciation des cellules T CD4. Dans ces conditions,
Le TGF-β à lui seul inhibe la prolifération et la différenciation des cellules TH17, TH1 Des cellules T CD4
les cellules T CD4
naïves répondent
et TH2, et lorsqu’une cellule T CD4 naïve rencontre son complexe peptide:CMH activées expriment
en exprimant ROR𝛄t
FoxP3 et acquièrent
spécifique en présence de TGF-β, il acquiert le phénotype d’une cellule T régula- un phénotype
et deviennent
trice, c’est-à-dire capable d’inhiber l’activation des autres cellules T. Les cellules T des cellules TH17
régulateur
régulatrices induites de cette façon en dehors des organes lymphoïdes centraux
sont appelées cellules régulatrices adaptatives et certaines expriment le facteur FoxP3+ Treg RORγt+
de transcription FoxP3 (voir la Section 8-20). Les cellules régulatrices, en théorie,
ne devraient pas être spécifiques des antigènes du pathogène, qu’elles n’ont pas
encore rencontrés, mais devraient être plutôt spécifiques d’antigènes du soi ou de TH17
peptides de micro-organismes commensaux. D’autres cellules T CD4 régulatrices inhibe
exprimant FoxP3 acquièrent leur phénotype régulateur dans le thymus ; elles sont
en général appelées cellules T régulatrices naturelles (voir la Section 7-18).
TH1 T H2
Les voies réciproques du développement des cellules TH17 et des cellules T régula-
trices semblent être basées sur un système ancien sur le plan de l’évolution de l’ac-
tivation et de l’inactivation, car des protéines similaires au TGF-β et à l’IL-17 sont Fig. 10.4 Au début d’une infection, la
différenciation des cellules T CD4 naïves
présentes chez les invertébrés qui ont un système immunitaire intestinal primitif. passe d’un programme de régulateur à
Ceci suggère que la dichotomie entre les cellules TH17 et les cellules T régulatrices celui de TH17. L’équilibre entre la production
est liée largement au maintien d’un équilibre lymphocytaire dans les tissus exposés du TGF-β et de l’IL-6 intervient pour induire
à un grand nombre de pathogènes potentiels, comme les muqueuses intestinale et soit le facteur de transcription FoxP3, qui est
caractéristique des cellules T régulatrices,
pulmonaire, où une réponse rapide à l’infection est critique. Par exemple, les cel- ou RORγt (un membre « orphelin » de la
lules T productrices d’IL-17 jouent un rôle important chez les souris qui résistent famille des récepteurs nucléaires), qui est
aux infections pulmonaires par des bactéries Gram-négatives comme Klebsiella caractéristique des cellules TH17. En absence
d’infection, la production de TGF-β par les
pneumoniae. Les souris sans récepteur d’IL-17 sont significativement plus suscep-
cellules dendritiques domine, alors que
tibles à l’infection pulmonaire par ce pathogène que des souris normales, et elles la production d’IL-6 est basse. Dans ces
montrent une production diminuée de G-CSF et de CXCL2 avec un recrutement conditions, les cellules T qui rencontrent
médiocre des neutrophiles dans les poumons infectés. Les cellules TH17 augmen- leur antigène se mettent à exprimer FoxP3
et acquièrent un phénotype essentiellement
tent aussi la résistance au nématode intestinal Nippostrongylus brasiliensis. Cet régulateur, tandis que celles qui ne rencontrent
effet semble être dû à l’induction ou au recrutement par l’IL-17E d’une population pas d’antigène restent naïves. Au début de
de leucocytes non T non B, peut-être similaires aux basophiles, qui sécrètent les l’infection, les cellules dendritiques produisent
cytokines TH2, IL-4, IL-5 et IL-13. Ces cytokines, particulièrement l’IL-13, amélio- rapidement de l’IL-6, avant la production d’autres
cytokines comme l’IL-12 ; dans ces conditions,
rent la résistance à N. brasiliensis, par exemple, en induisant son expulsion de l’in- les cellules T naïves commencent à exprimer
testin et en augmentant la production de mucus (voir Chapitre 11). RORγt et deviennent des cellules TH17. Les
cytokines produites par cette sous-population
de cellules T, l’IL-17 et l’IL-17F, agissent sur
10-4 Les cytokines produites durant les stades plus tardifs d’une infection des cellules, par exemple un épithélium, et
leur font sécréter des chimiokines qui attirent
orientent la différenciation des cellules T CD4 vers un statut TH1 ou TH2. des cellules inflammatoires comme les
neutrophiles.
Les cellules TH1 et TH2 furent les premières sous-populations effectrices CD4 à être
identifiées et analysées ; cependant, comme nous venons de le voir, elles ne sont
pas les premières à être générées en réponse aux pathogènes. Les réponses nette-
ment polarisées TH1 ou TH2 se développent durant des infections prolongées ou
chroniques, lorsque l’élimination complète du pathogène requiert les activités
effectrices spécialisées de ces sous-populations de cellules T. Avec la progression
428 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

de la réponse immunitaire, la production de TGF-β et d’IL-6 par les cellules den-


dritiques semble décliner et les cytokines qui induisent l’orientation des cellules T
naïves soit en TH1 ou TH2 prédominent.
Les réponses TH1 tendent à être induites par des pathogènes comme les virus, des
bactéries et des protozoaires qui peuvent survivre à l’intérieur des vésicules intracel-
lulaires des macrophages. Dans le cas des virus, la réponse TH1 contribue en général
à l’activation des cellules T CD8 cytotoxiques qui reconnaissent les cellules infectées
par un virus et les détruisent (voir Chapitre 8). Les cellules TH1 peuvent aussi induire
la production de certaines sous-classes d’anticorps IgG, qui peuvent neutraliser les
particules virales dans le sang et le liquide extracellulaire. Dans le cas des mycobac-
téries, et des protozoaires comme Leishmania et Toxoplasma, le rôle des cellules TH1
est d’activer les macrophages à un degré tel qu’ils puissent détruire l’envahisseur.
Des expériences in vitro ont montré que les cellules T CD4 naïves stimulées au début
en présence d’IL-12 et d’IFN-γ tendaient à se développer en cellules TH1 (Fig. 10.5,
panneaux de gauche). En effet, ces cytokines induisent ou activent les facteurs de
transcription menant au développement des TH1 et, par ailleurs, l’IFN-γ inhibe la pro-
lifération des cellules TH2 (voir Chapitre 8). Les cellules NK et les cellules CD8 sont
aussi activées en réponse à des infections virales et d’autres pathogènes intracellu-
laires, (voir Chapitres 2 et 8), les deux produisant l’IFN-γ en abondance. Les cellules
dendritiques et les macrophages produisent l’IL-12. Ainsi, les réponses des cellules T
CD4 dans ces infections tendent finalement à être dominées par les cellules TH1.
Les signaux qui stimulent la libération d’IL-12 par les cellules dendritiques com-
prennent les chimiokines CCL3, CCL4, et CCL5. Elles sont produites par de
nombreux types cellulaires activés, entre autres les macrophages, les cellules den-
dritiques elles-mêmes et les cellules endothéliales. Ces chimiokines se lient aux
récepteurs CCR5 et CCR1 sur les cellules dendritiques, favorisant la production
d’IL-12, et attirent les cellules TH1, qui portent aussi ces récepteurs. La production
d’IL-12 par les cellules dendritiques est aussi stimulée par l’IFN-γ et la prostaglan-
dine E2 produite dans les foyers inflammatoires, ou par la liaison d’un TLR à la sur-
face d’une cellule dendritique par un ligand bactérien comme le LPS.

Des virus et certaines bactéries induisent


la sécrétion d’IL-12 par des cellules dendritiques D’autres pathogènes (par ex. des vers)
qui peuvent susciter la production peuvent induire la synthèse et la sécrétion
d’IFN-𝛄 par des cellules NK d’IL-4 par des cellules T NK
Fig. 10.5 La différenciation des cellules T
CD4+ naïves en différentes sous-classes
IL-12
de cellules T effectrices est influencée par
des cytokines induites par le pathogène.
Panneaux de gauche : de nombreux cellule cellule
pathogènes, surtout les virus et les bactéries NK NK
intracellulaires, activent la production
d’IL-12 par les cellules dendritiques et d’IFN-γ
par les cellules NK. Ces cytokines induisent
la prolifération et la différenciation des
IL-4
cellules T CD4 en cellules TH1. Les cellules NK cellule dendritique IFN-γ
sous l’effet de certains stimulus et adjuvants
migrent dans les ganglions lymphatiques, où
elles peuvent promouvoir les réponses TH1. Des cellules T CD4 naïves, activées Des cellules T CD4 naïves activées en présence
Panneaux de droite : l’IL-4, qui peut être en présence d’IL-12 et d’IFN-𝛄, sont destinées d’IL-4 sont destinées à se différencier
produite par diverses cellules en réponse à à se différencier en cellules TH1 en cellules TH2
des vers parasites ou à d’autres pathogènes,
agit sur les cellules T CD4 en prolifération
pour induire leur différenciation en cellules TH2.
Une cellule T NK est présentée ici comme
source d’IL-4, mais ces cellules ne sont pas
la seule source d’IL-4 qui peut promouvoir les TH1 T H2
réponses TH2 (voir texte). Les mécanismes
par lesquels ces cytokines induisent la
différenciation sélective des cellules T CD4
est décrite à la Section 8-19 et dans la
Fig. 8.29. L’induction sélective de facteurs de
transcription induits par la liaison de cytokines
à leurs récepteurs oriente vers ces deux IL-2 TNF-β IL-4 IL-5
IFN-γ IL-13
destins différents.
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 429

L’importance des TLR dans l’induction de la production d’IL-12 par les cellules
dendritiques a été montrée chez les souris déficientes en une protéine adaptatrice
MyD88, un composant d’une voie de signalisation intracellulaire activée par la sti-
mulation de certains TLR (voir la Section 6-27). Les souris déficientes en MyD88
ne survivent pas à une infection par T. gondii, qui normalement suscite une forte
réponse TH1. Les cellules dendritiques et d’autres cellules des souris dépourvues
de MyD88 ne peuvent produire l’IL-12 en réponse aux antigènes du parasite, et les
animaux ne peuvent développer une réponse TH1 (Fig. 10.6).
L’orientation TH2 induite par un pathogène est moins bien comprise, et fait l’ob-
jet de recherches intensives. Beaucoup de ce que nous connaissons à propos du
contrôle exercé par l’immunité innée sur la réponse immunitaire adaptative est
basé sur des pathogènes qui entraînent des réponses TH1. Ces pathogènes activent
la production de cytokines comme l’IFN-γ et l’IL-12 par les voies de signalisation
des TLR. Pour les réponses TH2, les mécanismes liant l’immunité innée à l’induc-
tion des réponses adaptatives TH2 sont moins évidents et quelque peu controver-
sés. Les cellules T CD4 naïves activées en présence d’IL-4, spécialement lorsque
l’IL-6 est aussi présente, tendent à se différencier en cellules TH2 (voir Fig.  10.5,
panneaux de droite). Certains pathogènes, comme les helminthes et d’autres para-
sites extracellulaires, induisent systématiquement le développement de réponses
TH2, et le font d’une manière qui requiert la signalisation IL-4 et les voies de déve-
loppement des TH2 décrites au Chapitre 8. On ignore encore comment ces patho-
gènes sont détectés par le système immunitaire et stimulent la transmission de
signaux inducteurs de TH2. Une possibilité serait que de tels pathogènes ne pour-
raient induire la production d’IL-12 et d’IFN-γ, les petites quantités d’IL-4 produites
par certaines cellules devenant alors le facteur dominant dans l’environnement.
Fig. 10.6 Une infection peut déclencher
La source d’IL-4 qui déclenche la réponse TH2 primaire n’a pas non plus été identi- la polarisation TH1 par les voies de
signalisation passant par des récepteurs
fiée. Une fois différenciées, les cellules effectrices TH2 elles-mêmes sont une source de type Toll. La protéine adaptatrice MyD88
d’IL-4, qui amplifie le développement de cellules TH2 (voir la Section 8-19), mais est un composant clé de la signalisation à
cette cytokine peut être produite par d’autres cellules en plus des cellules T conven- partir du récepteur de type Toll. Le protozoaire
tionnelles, par exemple par les cellules T NK (voir la Section 2-34) ; de telles sources parasite Toxoplasma gondii a été inoculé par
voie intrapéritonéale à des souris normales
pourraient contribuer au développement initial des TH2 (voir Fig. 10.5). Les mas- et des souris déficientes en MyD88 (panneau
tocytes sont aussi de puissants producteurs d’IL-4 après stimulation et peuvent de gauche). Cinq jours après l’infection, chez
migrer dans les organes lymphoïdes périphériques, ce qui en fait des sources pré- les souris dépourvues de MyD88, le taux
coces potentielles d’IL-4. D’autres observations indiquent que certains ligands de plasmatique d’IL-12 était fortement réduit en
comparaison de celui des souris normales
TLR pourraient susciter des signaux dans les cellules dendritiques qui les condui- (panneau du milieu). De plus, les cellules
sent à produire des cytokines favorisant le développement TH2 plutôt que TH1. Les dendritiques de la rate de ces animaux ne
cellules dendritiques produisent plus d’IL-10 et moins d’IL-12 lorsqu’elles sont sti- produisaient pas d’IL-12 lorsqu’elles étaient
stimulées par des antigènes de T. gondii. Les
mulées par certains ligands de TLR-2, entre autres des lipoprotéines et des pep-
souris déficientes en MyD88 étaient aussi
tidoglycans bactériens, ainsi que le zymosan, un polysaccharide de la paroi des incapables de produire une réponse IFN-γ
levures, plutôt que par d’autre ligands des TLR. Ces ligands pourraient dès lors significative (panneau du milieu) ainsi qu’une
favoriser le développement TH2. Finalement, des observations récentes suggèrent réponse TH1 à l’infection, et sont mortes
environ 2 semaines après l’infection (panneau
que les cellules dendritiques peuvent produire des ligands pour le récepteur pro- de droite). Au contraire, les souris normales ont
téique Notch sur les cellules T, et que la signalisation Notch augmente la produc- produit une forte réponse IL-12, IFN-γ et TH1,
tion d’IL-4 par des cellules T naïves, favorisant à nouveau le développement TH2. ont contrôlé l’infection et ont survécu.

Toxoplasma gondii a été inoculé par voie


intrapéritonéale à des souris normales Taux plasmatiques d’IL-12 et d’interféron-𝛄 Les souris déficientes en MyD88
ou déficientes en MyD88 5 jours après l’infection n’ont pu contrôler l’infection et sont mortes
Taux plasmatique d’IFN-γ
Taux plasmatique d’IL-12

100
Pourcentage de survie

souris normale T. gondii

souris MyD88–/– type MyD88–/– type MyD88–/– 0 10 20 30


sauvage sauvage Jours après l’infection
430 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

10-5 Les différentes sous-populations de cellules T CD4 peuvent réguler


la différenciation de chacune des autres.

Les diverses sous-populations de cellules T CD4, les Treg, TH17, TH1 et TH2, exercent
chacune des fonctions très différentes. Les cellules Treg maintiennent la tolérance et
limitent l’immunopathologie, tandis que les cellules  TH17 amplifient l’inflamma-
tion aiguë dans les sites de l’infection débutante. Les cellules TH1 sont cruciales pour
l’immunité cellulaire basée sur les phagocytes, et fournissent aussi une aide à la pro-
Fig. 10.7 Chaque sous-population de
cellules T CD4 produit des cytokines
duction d’anticorps. Les cellules TH2 sont associées à une réponse productrice de
qui peuvent réguler négativement le taux élevés d’anticorps neutralisants (IgG et IgA), ou d’IgE avec activation des masto-
développement de l’activité effectrice cytes. Ce type de réponse contribue à l’immunité contre les parasites en augmentant
des autres sous-populations. En la production de mucus par les épithéliums, ce qui crée une barrière à la colonisa-
absence d’infection, dans des conditions
homéostatiques, le TGF-β produit par
tion, et en favorisant leur expulsion du corps.
des cellules Treg peut inhiber l’activation Nous avons déjà vu comment les cellules TH17 sont induites par la présence simul-
des cellules T naïves, prévenant ainsi le
développement d’une réponse TH17, TH1 ou TH2 tanée de l’IL-6 et du TGF-β au début de l’infection (voir la Section 10-3). Cependant,
(panneaux supérieurs). Durant une infection, lorsque l’IFN-γ (produit typiquement par les cellules  TH1) ou l’IL-4 (produit typi-
les cellules TH17 sont les premières à émerger quement par les cellules TH2) sont également présents, le TGF-β et l’IL-6 ne peu-
en réponse à l’IL-6 produite par des cellules vent générer efficacement les cellules TH17, car il semble que les signaux transmis
dendritiques. Pendant que la réponse TH17
par l’IFN-γ et l’IL-4 dominent sur ceux produits par le TGF-β et l’IL-6, et favorisent
se développe, les cellules T régulatrices sont
régulées à la baisse et la quantité de TGF-β le développement soit TH1 ou TH2. Aussi, lorsque les cellules TH1 ou TH2 émergent
dans l’environnement diminue. Une fois que les et commencent à produire leurs cytokines, la réponse précoce TH17 est inhibée
cellules TH1 ou TH2 émergent, leurs cytokines (Fig. 10.7).
inhibent le développement des TH17 (panneau
central inférieur) et inhibent réciproquement Il existe aussi une régulation croisée entre les cellules TH1 et TH2. L’IL-10, qui est
leur activité. Les cellules TH2 produisent de produite par les cellules  TH2, peut inhiber le développement des cellules  TH1
l’IL-10, qui peut agir sur les macrophages et en supprimant la production de l’IL-12 par les cellules dendritiques, tandis que
inhiber ainsi leur activation par les TH1 peut-
être en bloquant la synthèse d’IL-12 par les
l’IFN-γ, un produit des cellules TH1, peut empêcher la production des cellules TH2
macrophages, et le TGF-β, qui agit directement (voir Fig. 10.7). Si une sous-population particulière de cellules T CD4 est activée
sur les cellules TH1 pour inhiber leur croissance d’abord ou préférentiellement, elle peut donc supprimer le développement de
(panneaux de gauche). Les cellules TH1 l’autre sous-population. L’effet global est que certaines réponses, spécialement les
produisent l’IFN-γ, qui bloque la croissance des réponses chroniques, sont finalement dominées par une réponse soit TH2 ou TH1,
cellules TH2 (panneaux de droite). Ces effets
permettent à une sous-population de dominer et une fois qu’une sous-population prend le dessus, il est souvent difficile de com-
en supprimant la croissance des cellules de muter cette réponse en une autre. Toutefois, dans de nombreuses infections, la
l’autre sous-population. réponse peut être mixte, à la fois TH1 et TH2.

Les cellules TH2 activées sécrètent Les cellules Treg suppriment l’activation Les cellules TH1
du TGF-𝛃 et de l’IL-10 et le développement des cellules T naïves sécrètent de l’IFN-𝛄

TH2 Treg TH1

IL-10 TGF-β TGF-β IFN-γ IFN-γ

L’IL-10 et le TGF-𝛃 inhibent l’activation L’IL-4 ou l’IFN-𝛄 peuvent inhiber L’IFN-𝛄 inhibe la prolifération
et la croissance de cellules TH1 le développement des cellules TH17 des cellules TH2

IL-10
TGF-β IFN-γ
IL-4 IFN-γ

TH17
T H1 TH 2

RORγt
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 431

Les cellules T NK, une classe de lymphocytes de type inné, pourraient aussi réguler
l’équilibre entre les cellules TH1 et TH2 en favorisant l’orientation TH2 (voir Fig. 10.5).
De nombreuses cellules T NK expriment CD4, mais certaines sont dépourvues de
CD4 et CD8 (voir la Section 7-9). Ces cellules expriment le marqueur de surface cel-
lulaire NK1.1 normalement associé aux cellules NK, mais ont un récepteur α:β de cel-
lule T, qui utilise une chaîne α restreinte presqu’invariante composée de Vα14–Jα28
chez les souris et des segments géniques équivalents, Vα24–Jα18, chez l’homme (voir
la Section 5-19). Le développement des cellules T NK dans le thymus dépend non
pas de l’expression des molécules du CMH de classe I ou de classe II mais bien des
molécules du CMH de classe IB appelées protéines CD1 (voir la Section 5-19), qui
sont exprimées dans le thymus et se lient à des lipides du soi.
L’expression de protéines CD1 dans des tissus en dehors du thymus peut être induite
par une infection, et elles peuvent présenter des lipides microbiens aux cellules T.
Au moins certaines cellules T NK reconnaissent des antigènes glycolipidiques spé- Des souris BALB/c sont infectées
cifiques présentés par CD1d. Lorsqu’elles sont activées, les cellules T NK sécrètent par Leishmania major, avec ou sans traitement
de grandes quantités d’IL-4 et d’IFN-γ et peuvent constituer une source initiale de par un anticorps qui bloque l’IL-4
cytokines qui polarisent la réponse des cellules T, particulièrement dans la direction
Leishmania
des cellules TH2. Les cellules T NK ne sont pas les seules cellules T qui reconnaissent major
les antigènes présentés par les molécules CD1. CD1b présente un lipide bactérien,
l’acide mycolique aux cellules T α:β, et d’autres molécules CD1 sont reconnues par souris
les cellules T γ:δ. BALB/c
Les lymphocytes tueurs de l’immunité innée, les cellules NK, peuvent contribuer
au développement TH1 (voir Fig. 10.5). Normalement, on ne trouve pas de cellules anticorps Leishmania
anti-IL-4 major
NK dans les ganglions lymphatiques, mais l’injection à des souris de certains adju-
vants, ou de cellules dendritiques matures, peut induire leur recrutement dans les souris
ganglions lymphatiques par l’expression sur la cellule NK du récepteur de chimio- BALB/c
kine CXCR3. Comme les cellules NK produisent abondamment de l’IFN-γ, mais peu
d’IL-4, elles peuvent intervenir dans les ganglions lymphatiques durant les infec- Les souris BALB/c non traitées développent
tions et favoriser le développement des cellules TH1. une réponse TH2, ne guérissent pas et meurent.
Les souris traitées par l’anticorps anti-IL-4
Les interactions entre cytokines dans la différenciation des cellules T CD4 et bien sûr développent une réponse TH1 et rejettent le parasite
dans l’ensemble de la réponse immunitaire jouent un rôle majeur dans les maladies
humaines, comme l’indiquent les études qui montrent que l’assortiment de cyto- Pourcentage
de survie
kines présentes peut varier entre différentes maladies et entre individus avec une souris traitées par l’anticorps anti-IL-4
maladie donnée et entre des individus infectés mais asymptomatiques. Les effets 100

des cytokines sur la différenciation des cellules T CD4 in vivo sont difficiles à étu-
dier chez l’homme. Aussi, les liens entre l’action des cytokines et la maladie ont été
explorés surtout dans des modèles murins, qui rendent l’étude des réponses polari-
sées plus facile.
Par exemple, les souris BALB / c sont génétiquement sensibles à l’infection par le pro- souris non traitées
tozoaire parasite Leishmania major, qui requiert une réponse TH1 pour être éliminé.
Lorsqu’elles sont infectées expérimentalement, leurs cellules T CD4 ne peuvent se 0
0 20 40 60 80
différencier en cellules effectrices TH1 ; la réponse est de type TH2. L’incapacité de sti- Jours après l’infection
muler l’activité inhibitrice des macrophages sur la croissance de Leshmania rend ces
souris très sensibles à la maladie. Au contraire, les souris C57BL / 6 répondent en pro-
duisant des cellules TH1, qui les protègent en stimulant l’activité lytique des macro- Fig. 10.8 Le développement des sous-
phages sur L. major. Cette différence génétique dans la réponse immunitaire semble populations CD4 peut être réorienté par
résulter d’une population de cellules mémoire spécifiques d’antigènes intestinaux l’apport de cytokines qui interviennent aux
premiers stades de l’infection. L’élimination
qui réagissent de manière croisée avec un antigène, LACK (Leishmania Analog of
d’une infection par le protozoaire parasite
the receptors of activated C Kinase), exprimé par le parasite. Pour des raisons incon- intracellulaire Leishmania major requiert une
nues, ces cellules mémoire produisent de l’IL-4 chez les souris BALB / c mais pas réponse TH1, car l’IFN-γ est nécessaire à
chez les souris C57BL / 6. Chez les souris BALB / c, l’IL-4 sécrétée par ces cellules l’activation des macrophages qui assurent la
durant l’infection par Leishmania oriente les nouvelles cellules T CD4 spécifiques protection. Les souris BALB / c sont sensibles
à L. major parce leur réponse au pathogène
de Leishmania vers le statut TH2, ce qui entraîne la mort par incapacité d’éliminer le est de type TH2. En effet, elles produisent de
pathogène. L’activation préférentielle des cellules TH2 par rapport aux cellules TH1 l’IL-4 au début de l’infection, ce qui oriente
chez les souris BALB / c peut être inversée si l’IL-4 est bloquée pendant les premiers les cellules T naïves vers la lignée TH2 (voir le
jours de l’infection par l’injection d’anticorps anti-IL-4, mais ce traitement est ineffi- texte). L’administration d’un anticorps anti-IL-4
cace après environ une semaine d’infection, ce qui démontre l’importance cruciale à des souris BALB / c au début de l’infection
inhibe l’IL-4 et prévient la dérive des cellules T
de l’exposition précoce aux cytokines pour le choix des orientations par les cellules T naïves vers la lignée TH2, et ces souris
naïves (Fig. 10.8). développent alors une réponse TH1 protectrice.
432 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Il est parfois possible de changer l’équilibre entre cellules TH1 et TH2 par l’adminis-
tration de cytokines appropriées. L’IL-2 et l’IFN-γ ont été utilisées pour stimuler
Cellule T naïve l’immunité cellulaire dans des maladies comme la lèpre lépromateuse, ce qui peut
causer à la fois une résolution locale de la lésion et un changement systémique dans
les réponses des cellules T.
Les cellules T CD8 sont aussi capables de réguler la réponse immunitaire en produi-
CD45RA sant des cytokines. Les cellules T CD8 effectrices peuvent, en plus de leur fonction
cytotoxique habituelle, répondre à l’antigène en sécrétant des cytokines caractéristi-
ques des cellules TH1 ou des cellules TH2. Ces cellules T CD8, appelées TC1 ou TC2 par
analogie aux sous-populations TH, semblent être responsables du développement de
sélectine L
la lèpre sous forme lépromateuse plutôt que tuberculoïde. Comme nous l’avons vu
au Chapitre 8, la lèpre lépromateuse est due à une prédominance de la réponse TH2,
CD34 qui ne peut éliminer les bactéries. Les patients atteints de la forme tuberculoïde, la
moins destructrice de la lèpre, produisent des cellules TC1, dont les cytokines indui-
sent les cellules TH1 et activent les macrophages pour qu’ils éliminent les bacilles
de la lèpre. Les patients atteints de la lèpre lépromateuse ont des cellules T CD8 qui
suppriment la réponse TH1 en produisant de l’IL-10 et du TGF-β. L’expression de ces
HEV du ganglion lymphatique
cytokines pourrait expliquer l’inhibition des cellules T CD4 par les cellules T CD8,
qui a été observée dans diverses situations.
Cellule T effectrice
Une autre facteur qui influence la différenciation des cellules T CD4 en sous-popu-
lations effectrices distinctes est la quantité et la séquence du peptide antigénique
qui suscite la réponse. De grandes quantités de peptides, qui sont présentés en forte
densité à la surface de la cellule présentatrice d’antigènes, ou des peptides qui inte-
CD45RO ragissent fortement avec le récepteur de cellule T, tendent à stimuler des réponses
TH1, tandis qu’une faible densité du peptide ou des peptides qui se lient faiblement
tend à induire des réponses TH2. Ces effets ne semblent pas dus à des différences
dans la signalisation passant par le récepteur de cellule  T, mais dépendraient de
LFA-1 VLA-4
changements dans l’équilibre général des cytokines différentes produites par les cel-
lules impliquées dans l’activation des cellules T naïves.
ICAM-1 VCAM-1
De telles différences pourraient être importantes dans certaines circonstances. Par
exemple, l’allergie est causée par la production d’anticorps IgE, ce qui requiert des
taux élevés d’IL-4, mais ne survient pas en présence d’IFN-γ, un inhibiteur puis-
sant de la commutation dirigée par l’IL-4 vers la classe IgE. Les antigènes qui indui-
Endothélium vasculaire périphérique activé sent une allergie dépendant de l’IgE atteignent l’organisme en général en très faibles
doses et suscitent une réponse TH2 productrice d’IL-4 et non d’IFN-γ. Il faut aussi
relever le fait que les allergènes ne suscitent aucune des réponses immunitaires
Fig. 10.9 Les cellules T effectrices changent innées connues, qui en général produisent des cytokines qui tendent à biaiser la
de molécules de surface afin de pouvoir différenciation des cellules T CD4 vers les cellules TH1. Finalement, les allergènes
migrer dans les foyers infectieux. Les
cellules T naïves migrent dans les ganglions
arrivent chez l’homme à dose très faible à travers une muqueuse fine, comme celle
lymphatiques grâce à la liaison de la des poumons. Quelque chose à propos de cette voie de sensibilisation permet l’in-
sélectine L aux glucides sulfatés de différentes duction de réponses TH2 même contre des générateurs puissants de réponses TH1
protéines comme CD34 et GlyCAM-1 des comme L. major.
veinules à endothélium élevé (HEV, panneau
supérieur). Lorsqu’elles rencontrent leur
antigène et se différencient en cellules T
effectrices, celles-ci cessent d’exprimer la
10-6 Les cellules T effectrices sont guidées dans les foyers infectieux
sélectine L, quittent le ganglion lymphatique par des chimiokines et des molécules d’adhérence nouvellement
après 4 ou 5 jours et commencent à exprimer exprimées.
l’intégrine VLA-4 ainsi qu’une densité plus
forte de LFA-1. Celles-ci se fixent à VCAM-1
et ICAM-1 de l’endothélium vasculaire L’activation complète des cellules T naïves prend 4-5 jours et s’accompagne de chan-
périphérique dans les sites d’inflammation gements marqués dans l’écotaxie de ces cellules. Les cellules T CD8 effectrices doi-
(panneau inférieur). En acquérant le statut vent quitter le tissu lymphoïde périphérique dans lequel elles ont été activées, pour
d’effecteur, les cellules T modifient aussi aller attaquer et détruire les cellules infectées. Les cellules  T CD4 effectrices de
l’épissage de l’ARNm codant la molécule
membranaire CD45. L’isoforme CD45RO type TH1 peuvent aussi quitter les tissus lymphoïdes pour activer les macrophages
exprimée par les cellules T effectrices perd dans le foyer infectieux. La plupart des cellules T effectrices cessent de produire la
un, ou plusieurs, des exons qui codent le sélectine L, qui permettait leur localisation dans les ganglions lymphatiques, tan-
domaine extracellulaire de l’isoforme CD45RA dis que l’expression d’autres molécules d’adhérence augmente (Fig. 10.9). Un chan-
exprimée par les cellules T naïves et, d’une
gement important est l’augmentation marquée de l’expression de l’intégrine α4:β1,
façon ou d’une autre, augmente la sensibilité
des cellules T effectrices pour leur antigène aussi appelée VLA-4. Cette molécule se lie à la molécule d’adhérence VCAM-1, un
spécifique. membre de la superfamille des immunoglobulines, dont l’expression est induite à
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 433

la surface des cellules endothéliales activées et permet l’extravasation des cellules T


effectrices. Par conséquent, si la réponse immunitaire innée a déjà activé l’endothé-
lium sur le site de l’infection, comme cela est décrit dans la Section 10-2, les cellu-
les T effectrices vont être rapidement recrutées.
Au début de la réponse immunitaire, seule une faible proportion des cellules T effec-
trices qui pénètrent dans le tissus infecté est spécifique du pathogène car toute cel-
lule T effectrice, quelle que soit sa spécificité, est aussi capable d’y entrer. Cependant,
la spécificité de la réaction sera maintenue puisque seules les cellules T effectrices
qui reconnaissent les antigènes du pathogène vont exercer leur fonction de destruc-
tion des cellules infectées ou d’activation spécifique des macrophages contenant le
pathogène. Lors du pic d’une réponse immunitaire adaptative, après plusieurs jours
d’expansion clonale et de différenciation, la plupart des cellules T recrutées sera spé-
cifique du pathogène infectieux.
Toutes les infections n’induisent pas les réponses immunitaires innées qui activent
les cellules endothéliales locales. Dans ce cas, le mécanisme par lequel les cellu-
les T effectrices sont guidées vers le site d’infection n’est pas clair. Cependant, les
cellules T activées semblent pouvoir pénétrer en très faible nombre dans tous les tis-
sus, peut-être par l’intermédiaire d’interactions adhésives comme la fixation de la
sélectine E des cellules endothéliales à son ligand PSGL-1 (P-Selectin Glycoprotein
Ligand-1), qui est exprimé par les cellules T activées, qui pourraient alors rencontrer
leurs antigènes en absence de réaction inflammatoire préalable.
Une ou quelques cellules T effectrices spécifiques rencontrant leur antigène dans
un tissu peuvent ainsi déclencher ou amplifier une forte réaction inflammatoire
locale, qui recrute beaucoup plus de lymphocytes effecteurs et de cellules inflam-
matoires non spécifiques dans le site. Les cellules T effectrices qui reconnaissent
les antigènes du pathogène dans les tissus produisent des cytokines, comme le
TNF-α, qui activent l’expression par les cellules endothéliales de la sélectine E, de
VCAM-1, d’ICAM-1 et de chimiokines comme CCL5 (voir Fig. 2.46). Ces molécu-
les activent alors les molécules d’adhérence sur les cellules T effectrices. VCAM-1
et ICAM-1, sur les cellules endothéliales, lient respectivement VLA-4 et LFA-1 des
cellules T effectrices, recrutant ainsi davantage de ces cellules dans les tissus qui
contiennent l’antigène. En même temps, les monocytes et les granulocytes sont
recrutés sur ces sites en se liant à la sélectine E. Le TNF-α et l’IFN-γ libérés par les
cellules T activées agissent en synergie pour modifier la forme des cellules endo-
théliales. Ces changements augmentent le flux sanguin, la perméabilité vasculaire
et l’émigration des leucocytes, des fluides et des protéines dans le foyer infectieux.
Ainsi aux derniers stades d’une infection, les effets protecteurs des macrophages
sécrétant le TNF-α et d’autres cytokines pro-inflammatoires dans le foyer infectieux
(voir la Section 2-24) sont renforcés par l’intervention des cellules T effectrices.
Par contre, les cellules T effectrices qui pénètrent dans les tissus sans reconnaître
leur antigène disparaissent rapidement. Elles peuvent soit passer des tissus dans la
lymphe et retourner dans la circulation sanguine soit mourir par apoptose. Les cel-
lules T de la lymphe afférente qui draine les tissus sont en majorité des cellules T
effectrices ou des cellules T mémoire qui sont caractérisées par l’expression de l’iso-
forme CD45RO de la molécule membranaire CD45 et par l’absence d’expression
de la sélectine L. Les cellules T effectrices et mémoire ont un phénotype similaire,
comme nous le verrons plus loin, et semblent toutes deux programmées pour traver-
ser les sites potentiels d’infection. Ce mode de migration permet aux cellules T effec-
trices d’éliminer les agents infectieux mais aussi de contribuer, grâce aux cellules
mémoire, à la protection de l’hôte contre une réinfection par le même pathogène.
L’expression de molécules d’adhérence particulières peut orienter les différentes
sous-populations de cellules T effectrices vers les sites spécifiques. Comme nous le Défaut d’adhérence des leucocytes
verrons au Chapitre 11, le système immunitaire périphérique est compartimenté, de
telle manière que différentes populations de lymphocytes migrent à travers diffé-
rents compartiments lymphoïdes et, après activation, à travers les différents tissus
qu’ils surveillent. Le processus dépend de l’expression sélective de molécules d’ad-
hérence qui se lient sélectivement à des adressines propres aux tissus. Dans ce
434 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Fig. 10.10 Les cellules T qui se localisent


dans la peau utilisent des combinaisons Les lymphocytes migrant dans la peau se Les kératinocytes expriment la chimiokine
particulières d’intégrines et de chimiokines lient à la sélectine E et à la chimiokine CCL27, qui se lie à CCR10 sur la cellule T
pour migrer spécifiquement dans la peau. CCL17 de l’endothélium vasculaire effectrice migrant dans la peau
Panneau de gauche : un lymphocyte migrant kératinocyte
dans la peau se lie à l’endothélium d’un Épiderme
vaisseau sanguin cutané par des interactions
entre l’antigène lymphocytaire cutané (CLA,
Cutaneous Lymphocyte Antigen) et la CCL27
sélectine L exprimée de manière constitutive CCR10
sur les cellules endothéliales. L’adhérence Derme
est renforcée par une interaction entre le
récepteur lymphocytaire de chimiokine CCR4 CCL17
et la chimiokine endothéliale CCL17. Panneau sélectine E CCR4
de droite : une fois sorti de l’endothélium, CLA
le lymphocyte T effecteur s’attache à
la chimiokine CCL27 présente sur les Vaisseau
sanguin
kératinocytes de l’épiderme par le récepteur
lymphocytaire CCR10. CCR4

contexte, les molécules d’adhérence sont souvent appelées récepteurs d’écotaxie


(homing). L’expression de molécules particulières d’adhérence peut diriger différen-
tes sous-populations de cellules T effectrices dans des sites particuliers. Par exem-
ple, certaines cellules  T activées se localisent spécifiquement dans la peau. Leur
activation induit l’expression d’une molécule d’adhérence appelée antigène lym-
phocytaire cutané ou CLA (Cutaneous Lymphocyte Antigen) (Fig.  10.10). Il s’agit
L’IL-12 et l’IL-23 partagent la sous-unité p40 d’une isoforme glycosylée de PSGL-1 qui se lie à la sélectine E de l’endothélium vas-
et leurs récepteurs partagent la sous-unité IL-12R𝛃1 culaire cutané. Les lymphocytes T exprimant CLA produisent aussi le récepteur de
chimiokine CCR4. Celui-ci lie la chimiokine CCL17 (TARC), qui est présente en den-
IL-12 IL-23 sité élevée sur l’endothélium des vaisseaux sanguins cutanés. L’interaction de CLA
p35 p40 p40 p19 avec la sélectine E cause le roulement de la cellule T sur la paroi vasculaire, et le
signal transmis par CCL17 est, pense-t-on, responsable de l’arrêt des lymphocytes et
de leur adhérence à la paroi, probablement en augmentant l’affinité des intégrines,
comme décrit pour l’action de CCL21 sur les cellules T naïves (voir la Section 8-3). En
plus de CCR4, les cellules  T se localisant dans la peau portent le récepteur de la
chimiokine CCR10 (GPR-2), qui lie la chimiokine CCL27 (CTACK) exprimée par, les
cellules épithéliales cutanées ou kératinocytes.
IL-12Rβ2 IL-12Rβ1 IL-12Rβ1 IL-23R

10-7 Les cellules T effectrices différenciées ne constituent


STAT4 STAT1 pas une population statique mais elles continuent à répondre
STAT3 aux signaux pendant qu’elles exercent leurs fonctions effectrices.
STAT5
L’engagement des cellules T CD4 dans des lignées distinctes de cellules effectrices
TH1 TH17 commence dans les tissus lymphoïdes périphériques, par exemple dans les gan-
glions lymphatiques, comme décrit dans les Sections 10-3 et 10-4. Cependant, les
activités effectrices de ces cellules une fois qu’elles entrent dans les foyers infectieux
Fig. 10.11 L’IL-12 et L’IL-23 partagent ne sont pas déterminées uniquement par les signaux reçus dans les tissus lymphoï-
une sous-unité et un composant de leur des. Des observations suggèrent que l’expansion et les activités effectrices des cel-
récepteur. Les cytokines dimériques l’IL-12
et l’IL-23 partagent la sous-unité p40, et les
lules CD4 différenciées, en particulier des cellules  TH17 et TH1, continuent à être
récepteurs d’IL-12 et d’IL-23 ont la sous-unité régulées.
IL-12Rβ1 en commun. La signalisation de
l’IL-12 active les activateurs de transcription Comme noté plus tôt, l’engagement des cellules T naïves dans la voie TH17 est déclen-
STAT1, STAT3 et STAT4, l’augmentation de ché par le TGF-β et l’IL-6, alors que l’engagement dans la voie TH1 est déclenché par
la production d’IFN-γ qu’elle induit passant l’IFN-γ. Ces conditions initiales ne sont cependant pas suffisantes pour générer des
par STAT4. L’IL-23 active plusieurs autres réponses TH17 ou TH1 complètes ou efficaces. Chaque sous-population de cellule T
STAT, mais n’active que faiblement STAT4.
requiert une stimulation par une cytokine supplémentaire, l’IL-23 dans le cas des
Les deux cytokines augmentent l’activité et
la prolifération de sous-populations CD4 qui cellules TH17 et l’IL-12 dans le cas des cellules TH1. L’IL-23 et l’IL-12 ont une structure
expriment les récepteurs correspondants ; étroitement apparentée ; chacune est un hétérodimère et elles partagent une sous-
les cellules TH1 expriment l’IL-12R, et les unité. L’IL-23 est composée d’une sous-unité p40 et d’une sous-unité p19, tandis
cellules TH17 expriment l’IL-23R. Les souris que l’IL-12 est faite de la sous-unité p40 et d’une sous-unité p35 qui lui est propre.
dépourvues de p40 n’expriment aucune de
ces deux cytokines et manifestent des signes
Les cellules TH17 expriment un récepteur pour l’IL-23, tandis que les cellules TH1
d’immunodéficience par activité insuffisante expriment un récepteur pour l’IL-12. Les récepteurs de l’IL-12 et de l’IL-23 sont aussi
des TH1 et TH17. apparentés, partageant une sous-unité commune (Fig. 10.11).
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 435

L’IL-23 et l’IL-12 amplifient respectivement les activités des cellules  TH17 et TH1.
Comme beaucoup d’autres cytokines, elles agissent par la voie de signalisation
intracellulaire, JAK–STAT (voir Fig. 6.30). La signalisation par l’IL-23 active les fac-
teurs de transcriptions STAT1, STAT3 et STAT5, mais n’active STAT4 que très faible-
ment. Au contraire, l’IL-12 active STAT1 et STAT3 et active fortement STAT4. L’IL-23
n’oriente pas les cellules T naïves CD4 vers le statut TH17, mais stimule leur expan-
sion. De nombreuses réponses in vivo qui dépendent de l’IL-17 sont diminuées en
cas d’absence d’IL-23. Par exemple, des souris déficientes en la sous-unité p19 pro-
pre à l’IL-23 montre une production diminuée de l’IL-17A et de IL-17F dans les pou-
mons après infection par Klebsiella pneumoniae. Des cellules TH1 de souris guéries
d’une infection par L. major sont transférées
Les souris dépourvues de la sous-unité p40, commune à l’IL-12 et à l’IL-23, sont chez des souris déficientes en RAG2
déficientes en IL-23 et IL-12. Ce fait a causé une certaine confusion avant qu’on ne ou p40 auxquelles on inocule L. major
réalise le rôle particulier de l’IL-23 dans l’activité des TH17. Par exemple, on pensait cellules TH1
que l’inflammation du cerveau dans l’encéphalomyélite auto-immune expérimen- Leishmania
tale (EAE) chez les souris était due à l’IFN-γ et aux cellules TH1. Cette interprétation major
était basée sur une étude de souris déficientes en p40 ne montrant pas d’inflam-
mation cérébrale dans l’EAE. Cependant, les souris déficientes en p35 ne produi-
sent pas d’IL-12, mais produisent bien l’IL-23 et sont susceptibles à l’EAE. Il fallait en souris RAG–/–
conclure que l’inflammation du cerveau dans l’EAE est largement la conséquence
TH1 cells
de l’activité de l’IL-17 et des cellules TH17.
Leishmania
L’IL-12 régule l’activité effectrice des cellules  TH1 dans les foyers infectieux, mais major
d’autres cytokines, comme l’IL-18, peuvent aussi être impliquées. Les études de
deux pathogènes différents ont montré que la différenciation initiale des cellu-
souris p40–/–
les TH1 n’est pas suffisante pour une protection efficace, et que des signaux continus
sont requis. Des souris déficientes en p40 résistent à l’infection initiale par T. gondii
tant que l’administration d’IL-12 continue. Lorsque l’IL-12 est administrée durant Les cellules TH1 protègent les souris déficientes
les deux premières semaines de l’infection, les souris déficientes en p40 survivent à en RAG2, mais chez les souris sans la sous-unité
l’infection initiale, mais il s’établit une infection latente chronique caractérisée par p40 de l’IL-12 le parasite se multiplie progressivement
des kystes contenant le pathogène. Si l’on suspend alors l’administration d’IL-12,
les kystes latents se réactivent progressivement et les animaux meurent d’encépha- Taille de la
lésion (mm)
lite toxoplasmique. La production d’IFN-γ par les cellules T spécifiques du patho-
gène diminuait en absence d’IL-12, mais pouvait être restaurée par l’administration 6
d’IL-12. De même, le transfert adoptif de cellules TH1 différenciées de souris gué-
ries d’une infection par L. major protège des souris déficientes en RAG et infectées
par L. major, mais ne peuvent protéger des souris déficientes en p40 (Fig. 10.12). 3
L’ensemble de ces expériences suggèrent que des cellules TH1 continuent à répondre
aux signaux durant une infection, et qu’une production continue d’IL-12 est néces-
saire au maintien de l’efficacité des cellules TH1 différenciées, du moins, contre cer-
tains pathogènes. 0
0 2 4 6 8
Semaines après l’infection

10-8 Les réponses primaires des cellules T CD8 aux pathogènes peuvent
avoir lieu en absence d’aide CD4. Fig. 10.12 L’IL-12 est requise de manière
continue pour résister aux pathogènes par
De nombreuses réponses des cellules T CD8 requièrent une aide des cellules T CD4 une réponse TH1. Les souris guéries d’une
(voir la Section 8-18). C’est typiquement le cas lorsque l’antigène reconnu par les infection par Leishmania major et qui ont produit
cellules  T CD8 provient d’un agent qui ne cause pas d’inflammation lors de l’in- des cellules TH1 spécifiques du pathogène ont
procuré des cellules T qui furent transférées
fection initiale. Dans de telles circonstances, l’aide des cellules  T CD4 est requise à des souris déficientes en RAG2, qui sont
pour activer les cellules dendritiques et les rendre capables de stimuler une réponse dépourvues de cellules T et cellules B et ne
CD8 complète de cellules T ; la cellule présentatrice d’antigène reçoit ainsi le « droit peuvent contrôler l’infection par L. major mais
d’exercer » (licensing) (voir la Section 8-7). Ce droit implique l’induction de molécu- peuvent produire de l’IL-12, ou chez des souris
les costimulatrices comme B7, CD40 et 4-1BBL sur la cellule dendritique, qui peut ne produisant pas p40 et donc pas d’IL-12.
Lors d’une infection des souris déficientes en
alors transmettre des signaux qui activent complètement les cellules T CD8 naïves RAG2, les lésions ne se sont pas développées
(voir Fig. 8.28). L’attribution de ce droit impose l’exigence d’une double reconnais- en raison de l’immunité conférée par le transfert
sance de l’antigène par le système immunitaire à la fois celle des cellules T CD4 et adoptif des cellules TH1. Cependant, malgré
des CD8, ce qui constitue une sauvegarde utile contre l’auto-immunité. Cette recon- le fait que les cellules transférées étaient déjà
différenciées en cellules TH1, elles n’ont pas
naissance double s’observe également dans la coopération entre cellules T et cellu-
conféré de résistance aux souris déficientes en
les B pour la production des anticorps (voir Chapitre 9). Cependant, un tel soutien p40 chez lesquelles une source continue d’IL-12
n’est pas nécessaire pour toutes les réponses des cellules T CD8. n’était pas présente.
436 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Fig. 10.13 De puissantes cellules


présentatrices d’antigène peuvent activer Des cellules dendritiques exprimant B7 en forte Les cytokines IL-12 et IL-18 produites par des
directement les cellules T CD8 naïves par densité comme conséquence d’une infection cellules dendritiques peuvent induire la production
peuvent activer des cellules T CD8 naïves d’IFN-𝛄 par des cellules T CD8 voisines
leur récepteur de cellule T ou par l’action
de cytokines. Panneaux de gauche : des
cellules T CD8 naïves qui rencontrent des cellule T CD8 naïve
complexes peptide:CMH de classe I à la
cellule
surface de cellules dendritiques exprimant T CD8
des molécules costimulatrices en forte
densité en raison d’un environnement IFN-γ
IL-12
inflammatoire produit par certains pathogènes
(panneau supérieur gauche) sont activées et
CD28
prolifèrent pour se différencier finalement en
cellules T CD8 cytotoxiques (panneau inférieur IL-18
B7
gauche). Panneaux de droite : des cellules
dendritiques activées produisent aussi les
cytokines IL-12 et IL-18, dont l’effet combiné cellule
sur les cellules T CD8 induit rapidement la dendritique activée cellule dendritique activée
production d’IFN-γ (panneau supérieur droit).
Cette cytokine stimule la destruction des
bactéries intracellulaires par les macrophages
et induit des réponses antivirales dans d’autres
cellules (panneau inférieur droit). Des cellules CD8 effectrices spécifiques du L’IFN-𝛄 produit par les cellules T CD8 voisines peuvent
pathogène prolifèrent et deviennent cytotoxiques augmenter la résistance générale des macrophages
et d’autres cellules aux bactéries et aux virus

CTL IFN-γ

CTL

Certains agents infectieux, comme la bactérie intracellulaire Gram-positive, Listeria


monocytogenes, et la bactérie Gram-négative, Burkholderia pseudomallei, déclen-
chent une inflammation suffisante pour rendre les cellules dendritiques capables
d’exercer pleinement leur fonction et d’induire ainsi les réponses primaires des cel-
lules T CD8 sans l’aide des cellules T CD4. Ces pathogènes transmettent plusieurs
signaux immunostimulateurs, sous forme par exemple de ligands pour les TLR, et
activent de la sorte directement les cellules présentatrices d’antigène, qui expriment
alors les molécules costimulatrices B7 et CD40. Aussi, les cellules dendritiques plei-
nement activées, en présentant les antigènes de Listeria ou de Burkholderia, peuvent
activer les cellules T CD8 naïves spécifiques de l’antigène sans le soutien des cellu-
les T CD4, et peuvent induire leur expansion clonale (Fig. 10.13). Les cellules den-
dritiques activées sécrètent aussi des cytokines comme l’IL-12 et l’IL-18, qui agissent
sur les cellules T CD8 naïves par un effet de voisinage et leur font produire l’IFN-γ,
qui à son tour induit d’autres effets protecteurs (voir Fig. 10.13).
Les réponses primaires des cellules T CD8 contre L. monocytogenes ont été suivies
chez des souris déficientes en molécules du CMH de classe II et donc dépourvues
de cellules T CD4 (voir la Section 7-18). Les cellules T CD8 spécifiques d’un anti-
gène particulier du pathogène furent comptées à l’aide de tétramères du CMH (voir
Appendice I, Section A-28). Au jour 7 après l’infection, les souris normales et les sou-
ris sans cellules T CD4 ont montré une expansion équivalente et la même capacité
cytotoxique des cellules T CD8 spécifiques du pathogène. Les souris déficientes en
cellules T CD4 ont éliminé L. monocytogenes aussi efficacement que les souris nor-
males. Ces expériences montrent clairement que des réponses protectrices peuvent
être induites par des cellules T CD8 spécifiques du pathogène en absence de sou-
tien des cellules T CD4. Cependant, comme nous le verrons plus tard, la nature de
la réponse CD8 mémoire est différente et diminuée si l’aide des cellules T CD4 n’est
pas disponible.
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 437

Une seconde voie d’activation des cellules T CD8 indépendante de l’aide des cellu-
les T est aussi indépendante de l’antigène. Des cellules T CD8 naïves non spécifi-
ques de l’antigène peuvent être activées par l’IL-12 et l’IL-18 très tôt au cours d’une
infection par un effet de voisinage, et produire des cytokines comme l’IFN-γ qui
contribuent à la progression de la réponse immunitaire (voir Fig. 10.13). Des sou-
ris infectées par L. monocytogenes ou B. pseudomallei répondent rapidement par
une forte production d’IFN-γ, essentielle à leur survie. La source de cet IFN-γ sem-
ble être à la fois les cellules NK de l’immunité innée et des cellules T CD8 naïves,
qui commencent à le sécréter dans les premières heures après l’infection. On consi-
dère que cette réaction est trop précoce pour qu’une expansion significative des cel-
lules T CD8 spécifiques du pathogène puisse l’expliquer ; les cellules spécifiques de
l’antigène sont trop peu nombreuses pour intervenir de cette manière et, à ce stade,
les cellules TH1 pouvant soutenir l’activation des cellules T CD8 n’ont pas encore eu
le temps de se différencier. La production d’IFN-γ par les cellules NK et les T CD8 à
ce stade précoce peut être bloquée expérimentalement par des anticorps anti-IL-12
et anti-IL-18, ce qui suggère la responsabilité de ces cytokines. La source de l’IL-12 et
de l’IL-18 n’a pas été identifiée dans cette expérience, mais on sait que ces cytokines
sont produites par des macrophages et des cellules dendritiques en réponse à une
activation par les TLR. Ces expériences indiquent que les cellules T CD8 naïves peu-
vent contribuer de manière non spécifique à une sorte de défense innée, ne requé-
rant pas de cellules T CD4, en réponse à des signaux précoces d’infection.

10-9 Les réponses à anticorps se développent dans les tissus lymphoïdes


sous la direction des cellules T auxiliaires CD4.

La migration hors des tissus lymphoïdes est importante pour les actions effectri-
ces des cellules T CD8 cytotoxiques spécifiques d’antigène, des cellules TH17 et TH1.
Cependant, une autre fonction effectrice importantes des cellules T auxiliaires CD4+,
tant TH1 que TH2, dépend de leurs interactions avec les cellules B et ces interactions
se produisent dans les tissus lymphoïdes eux-mêmes. Les cellules B spécifiques d’un
antigène protéique ne peuvent pas proliférer, former des centres germinatifs ou se
différencier en plasmocytes avant de rencontrer une cellule T auxiliaire spécifique
d’un des peptides dérivés de cet antigène. Les réponses immunitaires humorales
aux antigènes protéiques ne peuvent donc se développer qu’avec l’aide des cellu-
les T auxiliaires spécifiques de l’antigène.
Une des questions les plus intéressantes en immunologie est de savoir comment
deux lymphocytes spécifiques du même antigène, la cellule B naïve ayant reconnu
l’antigène et la cellule  T auxiliaire effectrice, se rencontrent pour déclencher une
réponse anticorps dépendante des cellules T. Comme nous l’avons appris dans le
Chapitre 9, la réponse semble être le trajet suivi par les cellules B au cours de leur
migration à travers les tissus lymphoïdes et la présence des cellules T auxiliaires sur
cette voie (Fig. 10.14). Si les cellules B qui ont reconnu leur antigène spécifique dans
la zone T des organes lymphoïdes périphériques reçoivent des signaux spécifiques
provenant des cellules T auxiliaires, elles prolifèrent dans les zones T (voir Fig. 10.14,
deuxième panneau). En absence de signaux provenant des cellules T, ces cellules B
stimulées par l’antigène meurent dans les 24 heures de leur arrivée dans la zone des
cellules T. Les cellules B qui n’entrent pas en contact avec leur antigène entrent dans
les follicules lymphoïdes et finalement continuent à recirculer entre la lymphe, le
sang et les tissus lymphoïdes périphériques.
Environ 5 jours après l’immunisation primaire, des foyers primaires de cellules B
en prolifération apparaissent dans les zones de cellules T. Ce délai correspond au
temps nécessaire à la différenciation des cellules T. Certaines des cellules B activées
dans ce foyer primaire peuvent migrer dans les cordons médullaires du ganglion
lymphatique ou dans les parties de la pulpe rouge de la rate proches des zones de
cellules T. Là, elles se différencient en plasmocytes et produisent des anticorps spé-
cifiques durant quelques jours (voir Fig. 10.14, troisième panneau). D’autres cel-
lules B vont migrer dans un follicule (voir Fig. 10.14, quatrième panneau), où elles
continuent à proliférer et forment un centre germinatif dans lequel elles passent
par l’hypermutation somatique et la maturation d’affinité, c’est-à-dire la production
438 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Les cellules B recirculantes entrent Les cellules B spécifiques de Les cellules B en prolifération forment Plusieurs cellules B migrent dans un
dans les organes lymphoïdes par l’antigène, piégées à la limite un foyer primaire ; quelques cellules follicule proche, forment un centre
les veinules à endothélium élevé et entre la zone T et le follicule, B migrent dans les cordons germinatif où certaines prolifèrent rapidement
migrent dans le follicule primaire sont stimulées et prolifèrent médullaires et sécrètent des anticorps et subissent des mutations somatiques
cordon
médullaire
HEV

cellule B
foyer
cellule T primaire
follicule
primaire

cellule
dendritique
FDC

Fig. 10.14 Les tissus lymphoïde périphériques fournissent un spécifiques de la même protéine étrangère sont capable d’interagir au
environnement où les cellules B naïves spécifiques de l’antigène cours de la migration des cellules B à travers la zone des cellules T.
interagissent avec des cellules T auxiliaires spécifiques du même Troisième panneau : l’interaction avec les cellules T stimule la prolifération
antigène. Premier panneau : des cellules T spécifiques d’une protéine des cellules B spécifiques de l’antigène et la formation d’un foyer
étrangère (cellules bleues) activées par des cellules dendritiques primaire aboutissant à une certaine commutation isotypique. Certaines
présentatrices d’antigène acquièrent le statut de cellules T auxiliaires des cellules B activées migrent dans les cordons médullaires, où elles
dans la zone des cellules T. Quelques-unes des cellules B naïves entrant se divisent, se différencient en plasmocytes et sécrètent des anticorps
par les HEV exprimeront des récepteurs spécifiques pour la même pendant quelques jours. Quatrième panneau : d’autres cellules B activées
protéine étrangère (cellules jaunes), mais la plupart ne le feront pas migrent dans des follicules lymphoïdes primaires, où elles prolifèrent
(cellules brunes). Deuxième panneau : les cellules B qui n’établissent rapidement pour former un centre germinatif avec l’aide des cellules T
pas de contact avec leur antigène dans la zone des cellules T la auxiliaires spécifiques de l’antigène (en bleu). Le centre germinatif
traversent directement et entrent dans les follicules lymphoïdes, à est le site de l’hypermutation somatique et de sélection des cellules B
partir desquels elle poursuivront leur recirculation à travers les tissus de forte affinité (maturation d’affinité ) (voir Chapitre 9). L’antigène (en
lymphoïdes périphériques. Les rares cellules B naïves spécifiques de rouge) qui est piégé sous la forme de complexes immuns (complexes
l’antigène captent la protéine étrangère par leurs récepteurs d’antigène antigène:anticorps:complément) à la surface des cellules dendritiques
de cellule B et présentent ses peptides sur les protéines du CMH aux folliculaires (FDC, Follicular Dendritic Cells) peut être impliqué dans la
cellules T spécifiques de l’antigène. Ainsi, les cellules B et les cellules T stimulation des cellules B durant la maturation d’affinité.

de cellules B avec des récepteurs de plus grande affinité pour l’antigène (voir les
Sections 4-18 et 9-8).
L’antigène est retenu pour une très longue période sous forme de complexes
antigène:anticorps à la surface des cellules dendritiques folliculaires locales. Les
complexes, qui sont couverts de fragments C3, sont retenus sur la cellule par les
récepteurs des fragments du complément (CR1, CR2 et CR3) ainsi que par les récep-
teurs de Fc non phagocytaires (voir Fig. 9.14). L’antigène peut rester sous cette forme
dans les follicules lymphoïdes durant une très longue période, mais pourquoi cet
antigène est-il retenu dans le centre germinatif ? Il semblerait qu’il ne soit pas abso-
lument nécessaire pour la stimulation des cellules B dans le centre germinatif (voir
la Section 9-10), mais il pourrait réguler la réponse anticorps à long terme.
La prolifération, l’hypermutation somatique et la sélection des cellules  B de plus
forte affinité dans les centres germinatifs durant la réponse anticorps primaire ont été
décrites dans le Chapitre 9. Les molécules d’adhérence et les chimiokines qui contrô-
lent le comportement migratoire des cellules  B jouent probablement un rôle très
important dans ces processus, mais l’on connaît encore peu de choses à leur propos.
La paire chimiokine:récepteur CXCL13 / CXCR5, qui contrôle la migration des cellu-
les B dans le follicule, semble être importante surtout pour la localisation des cel-
lules B dans le centre germinatif. Un autre récepteur de chimiokine, CCR7, qui est
fortement exprimé sur les cellules T et faiblement sur les cellules B, pourrait interve-
nir en dirigeant temporairement les cellules B à l’interface avec la zone des cellules T.
Les ligands de CCR7 sont CCL19 et CCL21, qui sont abondants dans la zone des cellu-
les T et pourraient attirer les cellules B qui ont une expression accrue de CCR7.
L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 439

10-10 Les réponses à anticorps se prolongent dans les cordons médullaires


et dans la moelle osseuse.

Les cellules  B activées dans les foyers primaires migrent dans les follicules adja-
cents ou vers des sites de prolifération extrafolliculaires avoisinants. À cet endroit,
les cellules B se multiplient de manière exponentielle pendant 2 à 3 jours et pas-
sent par six ou sept divisions cellulaires avant que leurs descendants ne quittent le
cycle cellulaire pour se différencier in situ en plasmocytes producteurs d’anticorps
(Fig. 10.15, panneau supérieur). La plupart de ces plasmocytes ont une durée de vie
de 2 à 3 jours, après lesquels ils subissent l’apoptose. Parmi les plasmocytes de ces
sites extrafolliculaires, environ 10 % vivent plus longtemps. Leur origine et leur des-
tin sont encore inconnus. Les cellules  B qui migrent dans les follicules primaires
pour former les centres germinatifs subissent la commutation de classe et la matu-
ration d’affinité avant de devenir des cellules mémoire ou de quitter le centre germi-
natif pour devenir des cellules productrices d’anticorps et dotées d’une durée de vie
relativement longue (voir les Sections 9-7 à 9-9).
Ces cellules  B quittent les centres germinatifs sous forme de plasmoblastes (pré-
plasmocytes). Les plasmoblastes qui prennent naissance dans les follicules des pla-
ques de Peyer et des ganglions mésentériques migrent par la lymphe dans le sang et
gagnent la lamina propria de l’intestin ainsi que d’autres surfaces épithéliales. Ceux
qui prennent naissance dans les ganglions lymphatiques et les follicules spléniques
migrent dans la moelle osseuse (Fig. 10.15, panneau inférieur). Dans ces sites éloi- Fig. 10.15 Les plasmocytes sont répartis
gnés, les plasmoblastes se différencient en plasmocytes qui ont une durée de vie dans les cordons médullaires et la moelle
osseuse. Dans ces sites, ils sécrètent à taux
de plusieurs mois ou de plusieurs années. Ce sont sans doute ces cellules qui four- élevés des anticorps directement dans le sang
nissent les anticorps qui peuvent rester dans le sang durant plusieurs années après pour qu’ils soient distribués dans le reste de
la réponse immunitaire initiale. On ignore encore si cette réserve de plasmocytes l’organisme. Dans la micrographie du haut,
est reconstituée par une différenciation continue mais rare des cellules mémoire. les plasmocytes du cordon médullaire du
ganglion lymphatique sont marqués en vert
L’étude des réponses aux antigènes non réplicatifs a montré que les centres germi-
(avec des anti-IgA marqués à la fluorescéine)
natifs ne se maintiennent que 3 à 4 semaines après l’exposition initiale à l’antigène. s’ils sécrètent des IgA et en rouge (avec
Cependant, un petit nombre de cellules B continue à proliférer dans les follicules des anti-IgG marqués à la rhodamine) s’ils
pendant plusieurs mois. Ils pourraient être les précurseurs des plasmocytes spécifi- sécrètent des IgG. Les plasmocytes dans ces
ques de l’antigène présents dans les muqueuses et dans la moelle osseuse au cours sites extrafolliculaires ont une durée de vie
courte (2-4 jours). Les sinus lymphatiques
des mois et des années suivantes. sont soulignés par une coloration granuleuse
verte spécifique des IgA. Dans la micrographie
du bas, des plasmocytes à longue durée de
10-11 Les mécanismes effecteurs utilisés pour éliminer une infection varient vie (de 3 semaines à 3 mois ou plus) dans
selon l’agent en cause. la moelle osseuse sont révélés par des
anticorps spécifiques des chaînes légères
(marquage à la fluorescéine d’un anti-λ et à
La plupart des infections mobilisent tant l’immunité cellulaire que l’immunité la rhodamine d’un anti-κ). Les plasmocytes
humorale, et fréquemment les deux contribuent à l’élimination ou au contrôle du sécrétant des immunoglobulines contenant
pathogène ainsi qu’à l’établissement d’une immunité protectrice, comme le mon- des chaînes légères λ apparaissent en jaune
tre la Fig.  10.16, bien que l’importance relative des différents mécanismes effec- sur cette micrographie. Celles qui sécrètent
des immunoglobulines contenant des chaînes
teurs et des classes d’anticorps impliqués varie selon le pathogène en cause. Comme légères κ sont colorées en rouge. Clichés de
nous l’avons appris au Chapitre 8, les cellules T cytotoxiques sont importantes pour P. Brandtzaeg.
détruire une cellule infectée par un virus, et dans certaines maladies virales, elles
forment la classe prédominante de lymphocytes présents dans le sang durant une
infection primaire. Néanmoins, il ne faut pas oublier le rôle des anticorps dans l’éli-
mination du virus et dans la prévention de son installation à demeure. Le virus Ébola,
qui cause une fièvre hémorragique est l’un des plus mortels connus, mais certains
patients survivent et même certaines personnes infectées restent asymptomatiques.
Dans les deux cas, une réponse antivirale IgG, forte et précoce, paraît être responsa-
ble de la survie. Les anticorps semblent éliminer le virus du courant sanguin et don-
ner au patient le temps d’activer ses cellules T cytotoxiques. Au contraire, la réponse
humorale ne se développe pas au cours des infections fatales, le virus continue à se
répliquer et, malgré une certaine activation des cellules T, la maladie progresse.
Les cellules T cytotoxiques sont aussi requises pour la destruction des cellules infec-
tées par certaines bactéries pathogènes intracellulaires, comme Rickettsia, l’agent
du typhus. Par contre, les mycobactéries, qui vivent à l’intérieur de vésicules dans
les macrophages, sous tenues sous contrôle par des cellules  TH1, qui activent les
440 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

macrophages infectés et les rendent aptes à tuer les bactéries. Les anticorps sont les
réactifs immunitaires principaux qui éliminent les infections primaires causées par les
bactéries extracellulaires communes comme Staphylococcus aureus et Streptococcus
pneumoniae. Les anticorps IgM et IgG produits contre des composants de la surface
bactérienne opsonisent les bactéries et facilitent ainsi leur phagocytose.
La liste de la Figure 10.16 reprend divers pathogènes et les mécanismes immunitai-
res impliqués lors d’une première infection ainsi que dans l’immunité protectrice,
c’est à dire lors d’une réinfection. Le but des vaccins est de susciter une immunité
protectrice ; pour y parvenir, il faut induire une réponse immunitaire adaptative qui
est à la fois spécifique de l’antigène et qui mobilise les éléments fonctionnels appro-
Fig. 10.16 Différents mécanismes effecteurs priés pour combattre le pathogène en cause. Les micro-organismes étant porteurs
sont utilisés pour éliminer des infections d’épitopes multiples reconnus par les cellules B et les cellules T, induisent diverse
primaires par différents pathogènes et réponses à anticorps ou cellules T, toutes n’étant pas d’égale efficacité dans la lutte
pour protéger contre une réinfection. Les contre l’infection. L’immunité protectrice comporte d’une part les réactifs immu-
mécanismes de défense utilisés pour éliminer
une infection primaire sont indiqués par un
nitaires comme les anticorps ou les cellules T effectrices induits par l’infection ini-
triangle rouge. La couleur jaune indique qu’ils tiale ou la vaccination et, d’autre part, la mémoire immunologique de longue durée
interviennent dans l’immunité protectrice. Les (Fig. 10.17), dont il sera question dans la dernière partie de ce chapitre.
surfaces plus pâles indiquent les mécanismes
moins bien établis. Il est clair que les Le type d’anticorps ou de cellule T effectrice qui offre une protection dépend de la
pathogènes d’une même classe Induisent stratégie d’infection et du style de vie du pathogène. Ainsi, lorsque des anticorps
le même type de réponse immunitaire opsonisants comme les IgG1 sont présents (voir la Section 9-14), l’opsonisation et
protectrice, ce qui reflète les similitudes
la phagocytose des pathogènes extracellulaires seront plus efficaces. Si des IgE spé-
de leur mode de vie. Les réponses CD4
indiquées dans ce diagramme se réfèrent cifiques sont présentes, alors les mastocytes qui seront activés par les pathogènes
seulement à celles qui sont impliquées déclencheront rapidement une réaction inflammatoire par la libération d’histamine
dans l’activation des macrophages. De plus, et de leucotriènes. Dans de nombreux cas, l’immunité protectrice la plus efficace
dans pratiquement toutes les maladies, les est assurée par des anticorps neutralisants qui peuvent empêcher les pathogènes
réponses des cellules T CD4 auxiliaires seront
impliquées dans la stimulation de la production
d’établir une infection, et la plupart des vaccins contre les infections virales aiguës
d’anticorps, la commutation de classe et la de l’enfance protègent surtout en induisant des anticorps protecteurs. Par exemple,
production de cellules mémoire. une immunité efficace contre le virus de la polio nécessite la présence d’anticorps

Immunité humorale Immunité cellulaire


Agent infectieux Maladie
Cellules T CD4 Cellules T
IgM IgG IgE IgA
(macrophages) tueuses CD8

Herpès zoster Varicelle

Virus d’Epstein–Barr Mononucléose


Virus
Virus de la grippe Grippe

Virus polio Poliomyélite

Bactéries Rickettsia prowazekii Typhus


intra-
cellulaires Mycobactéries Tuberculose, lèpre

Staphylococcus aureus Furoncles

Streptococcus pneumoniae Pneumonie


Bactéries
extra- Neisseria meningitidis Méningite
cellulaires
Corynebacterium diphtheriae Diphtérie

Vibrio cholerae Choléra

Champignons Candida albicans Candidose

Plasmodium spp. Paludisme


Protozoaires
Trypanosoma spp. Trypanosomiase

Vers Schistosome Schistosomiase


L’évolution de la réponse immunitaire à une infection 441

Fig. 10.17 L’immunité protectrice est


assurée par des réactifs immunitaires
Réponse immunitaire initiale Immunité protectrice Mémoire immunologique préformés et la mémoire immunologique.
La première fois qu’un pathogène particulier
Anticorps et est rencontré, des anticorps et des cellules T
cellules T effectrices effectrices spécifiques du pathogène sont
produits. Après guérison de l’infection, leurs
quantités diminuent graduellement. Une
réinfection précoce par le même pathogène
est rapidement éliminée par ces réactifs
immunitaires préformés. Les symptômes sont
7 14 21 28 35 42 1 2 3 4 faibles, mais les taux de réactifs immunitaires
augmentent temporairement (pic en bleu
Première Réinfection
Temps (jours) Réinfection
(années)
clair). Une réinfection survenant des années
infection inapparente bénigne ou plus tard conduit à une augmentation
inapparente
rapide des anticorps et des cellules T
effectrices spécifiques du pathogène comme
conséquence de la mémoire immunologique,
et les symptômes de l’infection sont alors
préexistants (voir la Fig. 10.16), car le virus infecte rapidement les neurones moteurs bénins ou inapparents.
et les détruit sauf s’il est immédiatement neutralisé par les anticorps et ainsi blo-
qué avant sa dissémination dans l’organisme. Les IgA spécifiques présents dans les
muqueuses peuvent aussi neutraliser le virus de la polio avant son entrée dans les
tissus. Ainsi, l’immunité protectrice peut impliquer des mécanismes effecteurs (les
IgA dans ce cas) qui ne participent pas à l’élimination de la première infection.
Lorsqu’une réponse immunitaire adaptative primaire réussit à stopper une infec-
tion, elle élimine souvent l’agent en cause par les mécanismes effecteurs décrits aux
Chapitres 8 et 9. Cependant, comme il en sera question dans le Chapitre 12, de nom-
breux pathogènes échappent à une élimination complète et persistent durant toute
la vie de l’hôte. Le virus de l’herpès zoster, qui cause la varicelle lors de l’infection
primaire, reste latent pendant des années sans causer de maladie, mais, plus tard en
cas de stress, il peut se réactiver et causer un zona.

10-12 La guérison d’une infection s’accompagne de la mort de la plupart


des cellules effectrices et de la production de cellules mémoire.

Lorsqu’une infection est efficacement repoussée par le système immunitaire adap-


tatif, deux événements peuvent se produire. L’intervention des cellules effectrices
élimine le stimulus spécifique qui les a mobilisées à l’origine. Ensuite, en absence de
stimulus, les cellules effectrices disparaissent par apoptose ; d’où l’expression ’mort
par négligence’. Les cellules mourantes sont rapidement éliminées par les phago-
cytes et d’autres cellules, qui reconnaissent la phosphatidylsérine des lipides mem-
branaires. Ce lipide est situé normalement à la surface interne de la membrane
plasmique, mais dans les cellules apoptotiques, il est transféré à la surface externe
où il peut être reconnu par des récepteurs spécifiques de nombreuses cellules. Une
infection se termine donc avec la disparition du pathogène mais aussi avec la perte
de la plupart des cellules effectrices spécifiques du pathogène.
Cependant, certaines des cellules effectrices survivent et constituent ainsi les bases
des réponses mémoire T et B. Elles sont très importantes dans le fonctionnement du
système immunitaire adaptatif. Les cellules T mémoire sont conservées pratique-
ment pour toujours. Cependant, on ne connaît pas encore bien les mécanismes qui
contrôlent la décision d’induire l’apoptose dans la majorité des cellules effectrices
et de n’en conserver que quelque unes. Il semblerait que ce mécanisme soit lié aux
cytokines produites par l’environnement ou par les cellules T elles-mêmes et dans
l’affinité des récepteurs de cellule T pour leur antigène.

Résumé.

La réponse immunitaire adaptative est indispensable à la protection efficace de


l’hôte contre les micro-organismes pathogènes. La réponse du système immuni-
taire inné joue un rôle auxiliaire dans l’initiation de la réponse immunitaire adap-
tative. En effet, les interactions de ce système avec les pathogènes conduisent à la
442 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

transformation des cellules dendritiques en cellules présentatrices d’antigène et la


production de cytokines qui orientent la cellule T CD4 vers un type de réponse adé-
quat. L’antigène provenant du pathogène est transporté vers les organes lymphoï-
des locaux par les cellules dendritiques et présenté aux cellules T naïves spécifiques
qui circulent continuellement à travers les organes lymphoïdes. C’est à la surface
des cellules dendritiques chargées en antigène que la cellule T est activée et se dif-
férencie en cellule  T effectrice. Celle-ci soit quitte l’organe lymphoïde pour jouer
son rôle dans l’immunité cellulaire dans le foyer infectieux, soit reste dans l’organe
lymphoïde pour participer à l’immunité humorale en activant les cellules B qui ont
reconnu l’antigène. Des types distincts de réponses CD4 se produisent aux différents
stades de l’infection et contre différent types de pathogènes. Durant les stades ini-
tiaux de l’infection, des cytokines produites par les cellules dendritiques activées
induisent les réponses TH17, qui contribuent fortement à l’inflammation aiguë des
foyers infectieux. Dans les infections de caractère plus chronique, d’autres cytokines
orientent les réponses vers les types TH1 ou TH2, et les cytokines de ces cellules com-
mencent à inhiber la différenciation TH17. Les cellules T CD8 jouent un rôle impor-
tant dans l’immunité protectrice, surtout en protégeant l’hôte contre les infections
virales et les infections intracellulaires par Listeria et d’autres pathogènes capables
de pénétrer dans le cytoplasme des cellules. Les réponses primaires des cellules T
CD8 envers les pathogènes requièrent habituellement l’aide des cellules T CD4, mais
peuvent se développer contre certains pathogènes sans aucune aide. Des réponses
indépendantes des CD4 peuvent conduire soit à la génération et à l’expansion des
cellules T cytotoxiques spécifiques d’antigène ou à l’activation non spécifique des
cellules T CD8 naïves menant à la sécrétion d’IFN-γ, qui à son tour contribue à la
protection. Idéalement, la réponse immunitaire adaptative permet d’éliminer les
agents infectieux et fournit à l’hôte une immunité protectrice contre une nouvelle
infection par le même pathogène.

La mémoire immunologique.
Après avoir vu comment une réponse immunitaire primaire appropriée se déve-
loppe, nous nous tournons à présent vers le développement de l’immunité protec-
trice à long terme. La conséquence la plus importante de la réponse immunitaire
adaptative est peut-être la mise en place d’un état de mémoire immunologique, qui
est la capacité du système immunitaire de répondre plus rapidement et plus effi-
cacement aux pathogènes avec lesquels il est déjà entré en contact et de les empê-
cher de causer à nouveau la maladie. Les réponses immunitaires mémoire, que
l’on qualifie de secondaires, tertiaires, etc, selon le nombre de rencontres avec l’an-
tigène, diffèrent qualitativement des réponses primaires. Ce qui est particulièrement
évident dans la réponse humorale, dont les caractéristiques au cours des réponses
secondaires diffèrent de celles de la réponse primaire au même antigène. Les répon-
ses T mémoire peuvent aussi être différenciées qualitativement des réponses naïves
et des cellules T effectrices. Le but principal de cette partie de chapitre sera l’étude
des caractéristiques des réponses mémoire, mais nous discuterons aussi des ébau-
ches d’explication des mécanismes par lesquels la mémoire immunologique se
maintient après l’exposition à l’antigène.

10-13 La mémoire immunologique persiste longtemps après l’infection


ou la vaccination.

Dans les pays développés, la plupart des enfants sont actuellement vaccinés contre le
virus de la rougeole. Avant la généralisation de la vaccination, la plupart des enfants
étaient naturellement exposés au virus et développaient une forme aiguë, déplai-
sante et potentiellement dangereuse de la maladie. Que ce soit après vaccination
ou infection, les enfants exposés aux virus développent une protection à long terme
contre la rougeole, pouvant durer toute la vie chez la plupart des gens. Ce phéno-
mène existe pour de nombreuses autres maladies infectieuses aiguës : cet état de
protection est une conséquence de la mémoire immunologique.
La mémoire immunologique 443

Les bases de la mémoire immunologique ont été très difficiles à étudier expérimen-
talement. Bien que le phénomène ait été observé par les Grecs anciens et ait été
exploité en routine dans des programmes de vaccination depuis environ 200 ans,
ce n’est que maintenant que l’on comprend que la mémoire reflète l’existence d’une
petite population de cellules mémoire spécialisées qui s’est formée durant la réponse
immunitaire adaptative et qui peut persister indépendamment de la présence conti-
nue de l’antigène inducteur. Ce mécanisme de maintien de la mémoire est conforme
à l’observation que seuls les individus qui ont été exposés eux-mêmes à un agent
infectieux donné sont immunisés et que la mémoire est indépendante d’expositions
répétées à l’infection suite à des contacts avec d’autres individus infectés. Ce qui a été
établi par des observations de populations insulaires isolées dans lesquelles un virus
comme celui de la rougeole peut causer une épidémie infectant toutes les personnes
vivant dans l’île puis disparaître pendant de nombreuses années. Réintroduit plus
tard dans l’île, le virus n’a pas touché la population d’origine, mais a causé la maladie
chez les personnes nées après la première épidémie.
Dans un étude récente, on a essayé de déterminer la durée de la mémoire immuno-
logique en testant les réponses chez des gens qui avaient été immunisés contre la
vaccine, le virus servant à vacciner contre la variole. Cette maladie ayant été éradi-
quée en 1978, on présume que leur réponses représentent bien la mémoire immu-
nologique, et ne sont pas dues à une restimulation de temps à autre par le virus de la
variole. L’étude a trouvé de fortes réponses mémoire des cellules T CD4 et CD8 spé-
cifiques de la vaccine jusqu’à 75 ans après l’immunisation originale ; en se basant
sur l’intensité de ces réponses, on estime que la réponse mémoire a une demi-vie de
l’ordre de 8 à 15 ans. La demi-vie représente le temps nécessaire pour que l’intensité
d’une réponse diminue de 50 %. Les titres des anticorps antiviraux sont restés sta-
bles, sans diminution notable.
Ces observations montrent que la mémoire immunologique n’a pas besoin d’être
maintenue par des contacts répétés avec le virus. Il est bien plus probable que la
mémoire est assurée par des lymphocytes spécifiques de longue durée de vie, induits
lors du premier contact et qui persistent jusqu’à une seconde confrontation avec le
pathogène. Bien que la plupart des cellules mémoire soient au repos, des études
minutieuses ont montré qu’un faible pourcentage se divisaient à certains moments.
On ignore ce qui stimule ces rares divisions des cellules T, mais il est probable que
des cytokines soient impliquées ; elles seraient produites soit de manière constitu-
tive ou durant des réponses immunitaires dirigées contre d’autres antigènes non
apparentés. Le nombre de cellules mémoire pour un antigène donné est strictement
régulé et reste pratiquement constant durant la phase de mémoire, ce qui suppose
qu’il existe un mécanisme qui maintient un équilibre entre la prolifération cellulaire
et la mort cellulaire.
La mémoire immunologique peut être mesurée expérimentalement de différentes
manières, entre autres par des transferts adoptifs (voir Appendice I, Section A-42) de
lymphocytes provenant d’animaux immunisés. Pour ces études, on a choisi des anti-
gènes simples, incapables de se répliquer. Dans ces expériences, l’évaluation repose
sur la capacité de répondre spécifiquement transmise d’un animal immunisé (’sen-
sibilisé’) à un receveur non immunisé, testé par une immunisation subséquente
avec l’antigène. Les animaux qui ont reçu des cellules mémoire répondent plus rapi-
dement et de manière plus robuste à la stimulation antigénique que les contrôles qui
n’ont pas reçu de cellules, ou qui ont reçu des cellules de donneurs non immunisés.
Des expériences semblables ont montré que lorsqu’un animal est immunisé pour la
première fois avec un antigène protéique, les cellules T auxiliaires mémoire contre
cet antigène apparaissent abruptement et atteignent leur nombre maximum après
environ 5 jours. Les cellules B mémoire spécifiques de l’antigène apparaissent quel-
ques jours plus tard. En effet, l’activation des cellules  B ne peut pas commencer
avant que les cellules T auxiliaires armées ne soient disponibles. Les cellules B peu-
vent alors entrer dans une phase de prolifération et de sélection dans le tissu lym-
phoïde. Environ un mois après l’immunisation, les cellules B mémoire atteignent un
nombre maximum, qui est maintenu avec peu de changement durant le reste de la
vie de l’animal. Il est important de reconnaître que la mémoire fonctionnelles sus-
citée dans ces expériences peut être due aux précurseurs de cellules mémoire aussi
444 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

bien qu’aux cellules mémoire elles-mêmes. Ces précurseurs sont probablement des
cellules  T et B activées, dont certains descendants se différencieront plus tard en
cellules mémoire. Ainsi, les précurseurs de mémoire peuvent apparaître peu après
l’immunisation, même si les lymphocytes quiescents de type mémoire peuvent ne
pas encore s’être développés.
Dans les prochaines sections, nous allons étudier plus en détail les modifications
que subissent les lymphocytes après leur sensibilisation à l’antigène et qui condui-
sent au développement de lymphocytes mémoire quiescents, et nous décrirons les
mécanismes qui pourraient expliquer ces changements.

10-14 Les réponses des cellules B mémoire diffèrent de celles des cellules B
naïves sur plusieurs points.

On peut étudier in vitro la mémoire immunologique des cellules B en isolant des


cellules B de souris immunisées et en les restimulant avec l’antigène en présence de
cellules T auxiliaires spécifiques du même antigène. La réponse observée sera due à
des cellules B mémoire. La comparaison avec une réponse primaire des cellules B,
celles-ci étant isolées de souris non immunisées et stimulées avec le même antigène,
montre clairement que la réponse des cellules B mémoire diffère quantitativement
et qualitativement de celle des cellules B naïves (Fig. 10.18). La proportion de cellu-
les B qui répondent à l’antigène augmente jusqu’à 100 fois après leur sensibilisation
initiale au cours de la réponse immunitaire primaire et les anticorps produits ont
une affinité moyenne plus élevée que ceux des lymphocytes B non sensibilisés, ce
qui est une conséquence du processus de la maturation d’affinité. Ainsi l’expansion
clonale et la différenciation clonale contribuent à la mémoire des cellules B.
Une réponse humorale primaire est caractérisée par la production initiale et rapide
d’IgM, accompagnée d’une réponse IgG, due à la commutation de classe, qui sur-
vient un peu plus tard (Fig. 10.19). La réponse secondaire est caractérisée dans les
premiers jours par la production de quantités relativement faibles d’anticorps IgM
et de quantités beaucoup plus élevées d’anticorps IgG et d’un peu d’IgA et d’IgE. Au
début de la réponse secondaire, ces anticorps proviennent des cellules B mémoire
générées au cours de la réponse primaire et dont la commutation de classe leur fait
produire des isotypes plus matures ; elles expriment des IgG, IgA ou IgE à leur sur-
face, ainsi qu’un peu plus de molécules du CMH de classe II et de B7.1 que ne le font
les cellules B naïves.
Fig. 10.18 Les réponses humorales L’affinité moyenne des anticorps IgG augmente au cours de la réponse primaire et
secondaires à partir des cellules B
mémoire diffèrent des réponses primaires. continue à augmenter durant les réponses secondaires et suivantes (voir Fig. 10.19).
Ces réponses peuvent être étudiées et L’affinité plus élevée des cellules B mémoire pour l’antigène et la densité plus forte
comparées à partir de cellules B de souris des molécules du CMH de classe II à leur surface facilitent la capture de l’antigène
immunisées ou non, et en les stimulant en et sa présentation, ce qui, avec une expression accrue de molécules costimulatrices,
culture en présence de cellules T effectrices
permet aux cellules B mémoire d’induire leurs interactions cruciales avec les cel-
spécifiques de l’antigène. Généralement, la
réponse primaire est constituée d’anticorps lules T auxiliaires à des doses plus faibles d’antigène que le font les cellules B naï-
produits par des plasmocytes provenant ves. En conséquence, la différenciation des cellules B et la production d’anticorps
d’une population très variée de précurseurs B
spécifiques de différents épitopes de l’antigène
et dotés de récepteurs avec des affinités très
différentes pour l’antigène. Ces anticorps ont Source de cellules B
une affinité relativement faible et présentent
peu de mutations somatiques. La réponse Donneur non immunisé Donneur immunisé
secondaire dépend d’une population plus Réponse primaire Réponse secondaire
restreinte de cellules B de haute affinité qui
ont cependant subi une expansion clonale Proportion de cellules B
1:104 – 1:105 1:102 – 1:103
significative. Ces récepteurs et ces anticorps spécifiques de l’antigène
sont de forte affinité pour l’antigène et montrent
de nombreuses mutations somatiques. Après Isotype des anticorps produits IgM > IgG IgG, IgA
une première sensibilisation, l’augmentation
du nombre de cellules B activables est
relativement limitée : 10 à 100 fois. C’est la Affinité des anticorps Faible Forte
qualité de la réponse qui est radicalement
modifiée en ce sens que les précurseurs
induisent une réponse beaucoup plus intense Hypermutation somatique Faible Forte
et plus efficace.
La mémoire immunologique 445

commencent plus tôt après la stimulation antigénique que lors de la réponse pri-
maire. La réponse secondaire est caractérisée par une génération de plasmocytes Concentration des anticorps
plus vigoureuse et plus précoce que lors de la réponse primaire, ce qui explique la 10,000

production abondante et presque immédiate d’IgG (voir Fig. 10.19).

Concentration (μg ml-1)


1000
IgG
Les différences entre les réponses humorales primaires et secondaires sont beau- 100
coup plus nettes dans les cas où la réponse primaire consiste en la production d’anti- 10
corps étroitement apparentés et qui ont subi peu ou pas d’hypermutation somatique.
Ceci s’observe dans des souches de souris consanguines en réponse à certains hap- 1

tènes qui sont reconnus par un nombre limité de cellules B naïves. Les anticorps IgM
0.1
produits sont codés par les mêmes gènes VH et VL chez tous les animaux de cette sou-
0.01
che, ce qui suggère que ces régions variables ont été sélectionnées au cours de l’évo-
lution pour reconnaître des déterminants des pathogènes communs avec certains
Affinité des anticorps
haptènes. L’uniformité de ces réponses primaires facilite l’observation des modifi- 1010
cations dans les molécules d’anticorps produites au cours des réponses secondaires
109
aux mêmes antigènes. Ces différences comprennent non seulement de nombreuses
mutations somatiques dans les anticorps contenant les régions variables dominan-

Affinité (M–1)
108
tes mais aussi un apport d’anticorps contenant des segments de gènes VH et VL non IgG
107
détectés lors de la réponse primaire. On pense que ces cellules dérivent de cellules B
qui n’étaient pas décelables au cours de la réponse primaire parce qu’activées en fai- 106

ble proportion, mais qui se sont différenciées en cellules B mémoire. 105 IgM
104
1 2 3 4 5 6 7 8
10-15 À la suite d’immunisations répétées, l’affinité des anticorps augmente
en raison de l’hypermutation somatique et de la sélection par l’antigène 1o 2o 3o
dans les centres germinatifs.
immunisation
Au cours des réponses immunitaires secondaires et subséquentes, tous les anticorps Temps après l’immunisation (semaines)
qui persistent d’une réponse antérieure sont immédiatement disponibles pour se
lier au pathogène nouvellement introduit. Ces anticorps destinent les antigènes aux Fig. 10.19 L’affinité ainsi que la quantité
phagocytes en vue de leur dégradation et élimination (voir la Section 9-22) et s’ils d’anticorps augmentent après des
sont en quantité suffisante pour écarter ou inactiver complètement le pathogène, il immunisations répétées. Le panneau
est possible qu’aucune réponse immunitaire secondaire ne suive. Si l’antigène per- supérieur montre une augmentation du taux
d’anticorps au cours du temps après une
siste, une réponse secondaire des cellules  B débute dans les organes lymphoïdes immunisation primaire (1°), suivie d’une
périphériques. Les anticorps restant de la réponse primaire, et ceux produits tôt au immunisation secondaire (2°) et tertiaire (3°). Le
cours de la réponse secondaire, jouent un rôle important en assurant l’augmenta- panneau inférieur montre une augmentation de
tion considérable de l’affinité des anticorps qui survient durant la réponse secon- l’affinité de ces anticorps (maturation d’affinité ).
daire (voir Fig. 10.19). En effet, seules les cellules B mémoire dont les récepteurs se L’augmentation de l’affinité est nettement visible
pour les anticorps IgG (ainsi que pour les IgA et
lient à l’antigène avec une avidité suffisante pour entrer en compétition avec les anti- les IgE, ce qui n’est pas montré) qui proviennent
corps préexistants capteront l’antigène libre, l’apprêteront et le présenteront à leur de cellules B matures après la commutation de
surface et seront donc à même de recevoir l’aide des cellules T. classe et l’hypermutation somatique qui aboutit
à la production d’anticorps de forte affinité.
Comme une réponse immunitaire primaire, une réponse secondaire des cellules B La coloration bleue représente l’IgM seule ;
commence par la prolifération des cellules B et des cellules T à l’interface entre les la jaune, l’IgG ; la verte, la présence d’IgG et
zones des cellules T et des cellules B. Les cellules T mémoire peuvent entrer dans d’IgM. Bien qu’une certaine maturation d’affinité
puisse survenir au cours de la réponse primaire,
les tissus non lymphoïdes en raison des changements dans les molécules de la sur- elle se produit surtout dans les réponses
face cellulaire qui modifient la migration et l’écotaxie (voir la Section  10-6), mais plus tardives après des injections répétées
on pense que les cellules  B mémoire continuent à recirculer à travers les mêmes d’antigène. Notez l’échelle logarithmique des
compartiments lymphoïdes secondaires comme les cellules  B naïves, principale- graphiques ; autrement, ils ne pourraient
ment les follicules de la rate, les ganglions lymphatiques et les plaques de Peyer de la représenter l’augmentation de la concentration
des anticorps IgG spécifiques ; elle est de
muqueuse intestinale. Certaines cellules B mémoire peuvent aussi se retrouver dans l’ordre d’un million de fois le taux initial.
les zones marginales de la rate (voir Fig. 1.19), bien que l’on ignore si celles-ci repré-
sentent une sous-population distincte de cellules B mémoire.
Les cellules  B mémoire qui ont capté un antigène présentent des complexes
peptide:CMH de classe  II aux cellules  T auxiliaires effectrices et partenaires qui
entourent et infiltrent les centres germinatifs. Des contacts entre la cellule B présen-
tatrice d’antigène et des cellules T auxiliaires conduit à un échange de signaux acti-
vateurs et à la prolifération rapide des cellules B et des cellules T auxiliaires activées
spécifiquement par l’antigène. Comme les cellules B mémoire de plus forte affinité
entrent en compétion de manière plus efficace pour l’antigène, seules ces cellules B
sont stimulées efficacement au cours de la réponse secondaire immunitaire. Les
446 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Fig. 10.20 Le mécanisme de la maturation peuvent continuer à capter l’antigène et à


Réponse primaire ; KA = 106 M–1 d’affinité lors d’une réponse humorale. Au interagir efficacement avec les cellules T
début de la réponse primaire, les cellules B auxiliaires. Ces cellules B sélectionnées
porteuses de récepteurs dotés d’affinité prolifèrent, se différencient et les anticorps
(KA) très variée, la plupart de faible affinité, qu’elles produisent prédominent alors durant la
captent l’antigène, le présentent aux cellules T réponse secondaire (panneau du milieu). Ces
auxiliaires et sont activées de manière à anticorps de forte affinité entrent à leur tour
produire des anticorps d’affinité variée et en compétition pour l’antigène, ce qui conduit
relativement faible (panneau supérieur). à la sélection de cellules B porteuses d’un
Ces anticorps vont alors éliminer l’antigène récepteur d’affinité encore plus élevée pour la
de telle manière que seules les cellules B réponse tertiaire (panneau inférieur).
Réponse secondaire ; KA = 107 M–1 pourvues de récepteurs de plus forte affinité

cellules B réactivées qui ne se sont pas encore différenciées en plasmocytes migrent


dans le follicule et deviennent des cellules B de centre germinatif. Là, elles entrent
dans un second cycle de prolifération somatique, durant lequel l’ADN codant les
domaines V des immunoglobulines subit l’hypermutation somatique, avant la dif-
férenciation en plasmocytes sécréteurs d’anticorps (voir la Section 9-8). L’affinité des
anticorps produits augmente progressivement et rapidement, puisque les cellules B
avec des récepteurs de la plus forte affinité produits par hypermutation somatique
Réponse tertiaire ; KA = 108 M–1 se lient à l’antigène avec le plus d’efficacité et seront sélectionnés pour proliférer par
leurs interactions avec les cellules T auxiliaires spécifiques de l’antigène dans le cen-
tre germinatif (Fig. 10.20).

10-16 Les cellules T mémoire sont en proportion plus élevée que les cellules T
naïves spécifiques du même antigène et ont des exigences différentes
en signaux d’activation et en protéines membranaires qui les distinguent
des cellules T effectrices.

Puisque les récepteurs de cellule  T ne subissent pas de commutation de classe ni


d’hypermutation somatique, il n’est pas facile d’identifier une cellule T mémoire de
manière certaine comme c’est le cas pour les cellules B mémoire. Après immunisa-
tion, le nombre de cellules T qui réagissent contre un antigène donné augmente forte-
ment suite à la production des cellules T effectrices, puis il retombe pour se maintenir
à un niveau de 100 à 1000 fois supérieur à la proportion initiale durant le reste de la
vie de l’animal ou de la personne (Fig. 10.21). Ces cellules persistantes sont appelées
cellules T mémoire. Ce sont des cellules à longue durée de vie qui se caractérisent
par un assortiment de protéines de surface cellulaire, par des réponses particuliè-
100
res aux stimulus et l’expression de gènes de survie. De façon générale, les protéines
de surface sont semblables à celles des cellules effectrices, mais on observe toutefois
quelques différences (Fig. 10.22). Dans le cas des cellules B, la différence entre les cel-
Cellules T spécifiques du CMV (× 106/l)

80 lules effectrices et les cellules mémoire est évidente. Les cellules B mémoire peuvent
être reconnues, car les cellules B effectrices sont des plasmocytes différenciés qui ont
déjà été activés pour produire des anticorps jusqu’à leur mort.
60
Une difficulté majeure dans les expériences visant à montrer l’existence des cellules T
mémoire est la longue durée de la plupart des tests servant à mesurer la fonction des
40
cellules T effectrices ; ils prennent plusieurs jours et, pendant ce temps, les cellules T
mémoire peuvent reprendre le statut de cellules T effectrices. Ces tests ne peuvent
20
donc pas faire la différence entre les cellules effectrices préexistantes et les cellules T
mémoire puisque les cellules mémoire peuvent acquérir une activité effectrice durant
la période du test. Ce problème ne touche pas les cellules T cytotoxiques, car une cel-
0 lule T cytotoxique effectrice peut induire la lyse d’une cellule cible en 5 minutes, alors
6 que les cellules T CD8 mémoire doivent être réactivées pour devenir cytotoxiques.
(log10 génomes/ml)

Ainsi, leur activité cytotoxiques apparaîtra plus tard que celles des cellules effectrices
Charge virale

5
4
3 Fig. 10.21 Génération de cellules T mémoire bas mais soutenu de cellules T mémoire.
après une infection virale. Après une Le panneau supérieur montre le nombre de
2
infection, dans ce cas une réactivation du cellules T (orange) ; le panneau inférieur
0 50 100 150
cytomégalovirus (CMV) latent, le nombre montre le cours de l’infection virale (bleu), suivi
Temps (jours) de cellules T spécifiques de l’antigène viral sur base de la quantité d’ADN viral dans le
augmente fortement puis chute à un niveau sang. Données de G. Aubert.
La mémoire immunologique 447

Fig. 10.22 L’expression de nombreuse


Protéine Naïve Effectrice Mémoire Commentaires protéines change lorsque les cellules T
naïves deviennent des cellules T mémoire.
CD44 + +++ +++ Molécule d’adhérence cellulaire Les protéines qui sont exprimées de manière
différente dans les cellules T naïves, les
cellules T effectrices et les cellules T mémoire
Module la signalisation à partir comprennent les molécules d’adhérence,
CD45RO + +++ +++
du récepteur de cellule T qui dirigent les interactions avec les cellules
présentatrices d’antigène et les cellules
Module la signalisation à partir endothéliales ; les récepteurs de chimiokine,
CD45RA +++ + +++
du récepteur de cellule T
qui conditionnent la migration dans les tissus
Certaines lymphoïdes et les foyers inflammatoires ; les
Récepteur d’écotaxie dans le ganglion
CD62L +++ – protéines et les récepteurs qui favorisent la
+++ lymphatique
survie des cellules mémoire ; les protéines qui
Certaines Récepteur de chimiokine pour la sont impliquées dans des fonctions effectrices,
CCR7 +++ +/– comme le granzyme B. Certains changements
+++ localisation dans le ganglion lymphatique
augmentent aussi la sensibilité de la cellule
mémoire à la stimulation antigénique. De
CD69 – +++ – Antigène d’activation précoce nombreux changements qui surviennent dans
la cellule T mémoire sont aussi constatés dans
Bcl-2 ++ +/– +++ Favorise la survie cellulaire les cellules effectrices, mais certains, comme
l’expression de protéines de surface cellulaire,
CD25 et CD69, sont spécifiques des cellules T
Interféron-γ Cytokine effectrice ; ARNm présent effectrices ; d’autres, comme l’expression du
– +++ +++
et protéine produite lors de l’activation facteur de survie Bcl-2, sont restreintes aux
cellules T mémoire à longue durée de vie.
Granzyme B – +++ +/– Molécule effectrice dans la lyse cellulaire Cette liste représente un tableau général qui
s’applique aussi bien aux cellules T CD4 que
CD8 chez la souris et l’homme, mais certains
FasL – +++ + Molécule effectrice dans la lyse cellulaire détails qui peuvent différer entre ces sous-
populations de cellules ont été omis pour
raison de simplicité.
CD122 +/– ++ ++ Partie du récepteur de l’IL-15 et de l’IL-2

CD25 – ++ – Partie du récepteur de l’IL-2

CD127 ++ – +++ Partie du récepteur de l’IL-7

Ly6C + +++ +++ Protéine avec ancre GPI

Récepteur de la chimiokine CXCL12 ;


CXCR4 + + ++
contrôle la migration tissulaire

Certaines Récepteur des chimiokines CCL3


CCR5 +/– ++
+++ et CCL4 ; migration tissulaire

préexistantes, bien qu’elles puissent être activées sans synthèse d’ADN comme l’ont
montré les études effectuées en présence d’inhibiteurs de mitose.
Récemment, il a été possible de suivre des clones particuliers de cellules T CD8 spéci-
fiques de l’antigène en les marquant avec des complexes tétramériques peptide:CMH
(voir Appendice I, Section A-28). On a trouvé que le nombre de cellules T CD8 spé-
cifiques augmente fortement au cours d’une infection puis diminue d’environ 100
fois. Néanmoins, le nombre final de ces cellules est nettement supérieur à celui qui
précédait l’infection. Ces cellules continuent à exprimer des marqueurs caractéristi-
ques des cellules activées, comme CD44, mais n’expriment plus d’autres marqueurs
d’activation comme CD69. De plus, elles expriment plus de Bcl-2, une protéine qui
favorise la survie cellulaire et qui pourrait être responsable de la longue demi-vie des
cellules CD8 mémoire.
La sous-unité du récepteur de l’IL-7 (IL-7Rα ou CD127) peut être un bon marqueur
des cellules  T activées qui deviendront des cellules mémoire de longue durée de
vie (voir Fig. 10.22). Les cellules T naïves expriment l’IL-7Rα, mais cette molécule
est rapidement perdue lors de l’activation et n’est pas exprimée par la plupart des
cellules T effectrices. Par exemple, durant le pic de la réponse effectrice contre le
virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV, Lymphocytic ChorioMeningitis
Virus) chez les souris, environ 7  jours après l’infection, une petite population
448 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

d’approximativement 5 % des cellules  T CD8 effectrices expriment des taux éle-
vés d’IL-7Rα. Un transfert adoptif de ces cellules pouvait fournir des cellules T CD8
mémoire fonctionnelles à des souris non infectées , alors que les cellules T effectrices
exprimant des taux bas d’IL-7Rα en étaient incapables (Fig. 10.23). Cette expérience
suggère que le présence précoce, ou la réexpression, d’IL-7Rα identifie les cellules T
CD8 effectrices qui génèrent les cellules T mémoire, bien qu’il ne soit pas encore
connu si ce processus est régulé et comment il le serait. Les cellules T mémoire sont
plus sensibles à la restimulation par l’antigène que ne le sont les cellules T naïves, et
produisent plus rapidement et plus vigoureusement des cytokines comme l’IFN-γ
en réponse à une telle stimulation.
Pour les réponses des cellules T CD4, l’étude directe de la mémoire a été plus dif-
ficile en partie parce que ces réponses sont plus faibles que celles des cellules  T
CD8 et aussi parce que, jusqu’il y a peu, on ne disposait pas, pour les complexes
peptide:CMH de classe  II, de réactifs similaires aux tétramères peptide:CMH de
classe I. Néanmoins, le transfert et la sensibilisation des cellules T naïves porteu-
ses de transgènes du récepteur de cellule T, qui procure aux cellules une spécificité
connue envers un complexe peptide:CMH, a rendu possible la mise en évidence
des cellules  T CD4 mémoire. Elles apparaissent comme une population de cellu-
les à longue durée de vie qui partagent certaines caractéristiques de surface des cel-
lules T activées effectrices, mais s’en distinguent par le fait qu’elles requièrent une
restimulation additionnelle avant d’agir sur des cellules cibles. Des changements
de trois protéines de surface cellulaire, la sélectine  L, CD44 et CD45, présentes
sur les cellules  T CD4, que l’on suppose à mémoire, après exposition à l’antigène
sont particulièrement significatifs. La sélectine L est perdue sur la plupart des cel-
lules T CD4 mémoire, tandis que les taux de CD44 sont augmentés sur toutes les
Fig. 10.23 L’expression du récepteur de cellules T mémoire ; ces changements contribuent à diriger la migration des cellu-
l’IL-7 (IL-7R) indique quelles cellules T
CD8 effectrices peuvent susciter de fortes
les T mémoire du sang dans les tissus plutôt que directement dans les tissus lym-
réponses mémoire. Des souris exprimant phoïdes. Les changements de l’isoforme de CD45 à la suite d’un épissage alternatif
le transgène du récepteur de cellule T des exons qui codent le domaine extracellulaire de CD45, donnent des isoformes,
(TCR) spécifique d’un antigène du virus de comme CD45RO, qui sont plus petites et plus facilement associées au récepteur de
la chorioméningite lymphocytaire (LCMV, cellule T, ce qui facilite la reconnaissance de l’antigène (voir Fig. 10.22). Ces change-
Lymphocytic ChorioMeningitis Virus) ont
été infectées et des cellules effectrices ont
ments sont caractéristiques des cellules qui ont été activées pour devenir des cellu-
été collectées au jour 11. Des cellules T les T effectrices, quoique certaines des cellules sur lesquelles ces changements sont
CD8 effectrices exprimant IL-7R en forte survenus ont de nombreuses caractéristiques de cellules T CD4 au repos, suggérant
densité (IL-7Rhaut, bleu) furent séparées et qu’elles représentent des cellules T CD4 mémoire. Ce n’est qu’après une réexposi-
transférées dans un groupe de souris naïves,
tion à l’antigène sur une cellule présentatrice d’antigène qu’elles reprennent le statut
des cellules T effectrices CD8 exprimant
peu d’IL-7R (IL7Rbas, vert) étant transférées de cellule T effectrice et acquièrent toutes les caractéristiques de cellules TH2 ou TH1,
dans un autre groupe. Trois semaines après sécrétant respectivement l’IL-4 et l’IL-5, ou l’IFN-γ.
le transfert, les souris furent infectées par
une bactérie manipulée pour qu’elle exprime Il semble dès lors raisonnable de reconnaître à ces cellules le statut de cellules T CD4
l’antigène viral original, et les cellules T mémoire et de supposer que les cellules T CD4 naïves peuvent se différencier soit en
répondeuses transférées (détectées par cellules T effectrices ou en cellules T mémoire, qui plus tard peuvent être activées et
leur expression du TCR transgénique) prendre le statut d’effecteur. Comme pour les cellules T CD8 mémoire, ce domaine
furent comptées à divers moments après
l’inoculation. Seules les cellules transférées
bénéficie à présent de grands progrès techniques comme la coloration directe des
riches en IL-7R ont généré une forte expansion cellules  T CD4 avec des tétramères peptide:CMH de classe  II (voir Appendice I,
de cellules T CD8 après restimulation. Section A-28). Cette technique permet non seulement d’identifier les cellules T CD4

Des souris infectées par le LCMV génèrent une réponse CD8 Seul le transfert de cellules T CD8 riches en IL-7R à des souris naïves
primaire ; certaines cellules effectrices expriment IL-7R à induit une forte expansion des cellules CD8 spécifiques
en densité élevée, alors que d’autres ne le font pas de l’antigène après restimulation

Stimulation
Nombre de cellules T CD8

Transfert
spécifiques de l’antigène

antigénique
Cellules
LCMV IL-7Rhaut

Cellules Stimulation
IL-7Rbas antigénique
Souris avec un TCR transgénique Transfert 0
CD8 0 7 14
Jours après le transfert
Souris naïves
La mémoire immunologique 449

Fig. 10.24 Les cellules T naïves et les en cellules effectrices de vie relativement
Pour survivre, les cellules T naïves requièrent
cellules T mémoire ont des exigences brève, mais certaines deviennent des cellules T les cytokines IL-15 et IL-7 et un contact avec
différentes pour leur survie. Pour leur survie mémoire à longue durée de vie, qui ont besoin les complexes peptide du soi:CMH du soi
en périphérie, les cellules T naïves requièrent d’être soutenues par des cytokines mais ne
une stimulation périodique par les cytokines requièrent pas de contact avec des complexes
IL-7 and IL-15 et par des antigènes du soi peptide du soi:CMH du soi pour survivre. cytokines
présentés par des molécules du CMH. Lors de Cependant, un contact avec des antigènes du
sa sensibilisation par son antigène spécifique, soi paraît nécessaire pour que les cellules T TCR
une cellule T naïve se divise et se différencie. mémoire continuent à proliférer et maintiennent peptide du soi
La plupart de ses descendants se différencient ainsi leur nombre dans le pool mémoire.
APC

spécifiques de l’antigène mais aussi, combinée à la coloration de cytokines intracel- Une cellule T naïve rencontre un antigène
lulaires (voir Appendice I, Section A-27), de déterminer s’il s’agit de cellules TH1 ou
TH2. Ces améliorations dans l’identification et le phénotypage des cellules  T CD4
augmenteront rapidement nos connaissances de ces cellules restées jusqu’à présent
mystérieuses et pourraient fournir des informations comparatives intéressantes sur
les cellules T CD4 naïves, mémoire et effectrices.
Les mécanismes homéostatiques déterminant la survie des cellules T mémoire dif- APC
fèrent de ceux qui concernent les cellules T naïves. Les cellules T mémoire se divi-
sent plus fréquemment que les cellules T naïves, et leur expansion est contrôlée par
un équilibre entre la prolifération et la mort cellulaire. Comme pour les cellules naï-
ves, la survie des cellules T mémoire requiert une stimulation par les cytokines IL-7 La plupart Certains cellules activées
des cellules T et/ou effectrices
et IL-15. L’IL-7 est nécessaire pour la survie des cellules T mémoire CD4 et CD8, mais deviennent des cellules
activées deviennent mémoire à longue
en plus, l’IL-15 est critique pour la survie à long terme et la prolifération des cellu- des cellules effectrices durée de vie
les T CD8 mémoire dans des conditions normales. Pour les cellules T CD4 mémoire,
le rôle de l’IL-15 est encore controversé.
En plus d’une stimulation par des cytokines, les cellules  T naïves requièrent un
contact avec des complexes peptide du soi:CMH du soi pour leur survie à long
terme en périphérie (voir la Section 7-29), mais il semble que les cellules T mémoire
cellule cible
n’auraient pas cette exigence. On a, cependant, trouvé que les cellules T mémoire
survivant après leur transfert chez des receveurs dépourvus de CMH avaient certai-
nes déficiences dans les fonctions typiques des cellules T mémoire, indiquant que De nombreuses cellules Les cytokines IL-7
effectrices ont une vie and IL-15 sont
la stimulation par des complexes peptide du soi:CMH du soi peut être requise pour brève et meurent requises pour la survie
une prolifération continue et une fonction optimale (Fig. 10.24). par apoptose

10-17 Les cellules T mémoire sont hétérogènes et comprennent


des sous-populations centrales ou effectrices.

On a découvert récemment que les cellules T CD4 et CD8 peuvent se différencier


en deux types de cellules mémoire avec des caractéristiques d’activation différentes
(Fig. 10.25). Le premier est constitué par les cellules mémoire effectrices, appelées
Les cellules T mémoire ont besoin de contact
ainsi car elles peuvent rapidement se différencier en cellules T effectrices et sécréter avec des complexes peptide du soi:CMH du
de grandes quantités d’IFN-γ, d’IL-4 et d’IL-5 tôt après leur restimulation. Ces cellu- soi pour continuer à proliférer
les n’expriment pas le récepteur de chimiokines CCR7, mais expriment un taux élevé
d’intégrines β1 et β2 ainsi que des récepteurs pour les chimiokines inflammatoires.
Ce profil suggère que ces cellules mémoire effectrices ont des propriétés qui leur
permettent d’entrer rapidement dans les tissus enflammés. L’autre type est consti- TCR
tué par les cellules mémoire centrales. Elles expriment CCR7 et peuvent donc cir-
APC
culer facilement dans les zones T des tissus lymphoïdes secondaires comme le font
les cellules T naïves. Ces cellules mémoire centrales sont très sensibles au pontage
de leur récepteur T et expriment rapidement le ligand de CD40 en réponse à ce pon-
tage. Cependant, il leur faut longtemps pour se différencier en cellules effectrices ;
elles ne peuvent donc pas sécréter de cytokines comme le font les cellules mémoire
effectrices après leur restimulation.
La distinction entre cellules mémoire centrales et cellules mémoire effectrices a
été faite tant chez l’homme que chez la souris. Cependant, cette distinction géné-
rale n’implique pas que chaque sous-population soit uniforme. Parmi les cellules
mémoire centrales exprimant CCR7, on trouve des différences importantes dans
l’expression d’autres marqueurs, particulièrement des récepteurs pour d’autres
450 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Fig. 10.25 Les cellules T se différencient


Une cellule T naïve
en sous-populations mémoire centrales et voit l’antigène
mémoire effectrices qui se distinguent par
l’expression du récepteur de chimiokine
CCR7. Des cellules mémoire quiescentes
T
ayant la protéine de surface caractéristique
CD45RO peuvent provenir de cellules
CCR7 CD45RA
effectrices activées (moitié droite du dessin)
ou directement à partir de cellules T naïves
activées (moitié gauche du dessin). Deux
types de cellules T mémoire quiescentes
peuvent dériver d’une réponse primaire des cellule dendritique
cellules T. Les cellules mémoire centrales
expriment CCR7 et restent dans les tissus
lymphoïdes périphériques après restimulation.
L’autre type de cellules mémoire, les cellules Des cellules T effectrices se
Des cellules mémoire peuvent
mémoire effectrices, deviennent rapidement différencient, sécrètent
provenir directement
des cellules T effectrices après restimulation et des cytokines et expriment
de cellules T naïves activées
sécrètent abondamment l’IFN-γ, l’IL-4 et l’IL-5. des récepteurs de cytokine
Elles n’expriment pas le récepteur CCR7, mais IL-4
IL-7Rα FasL
expriment des récepteurs (CCR3 et CCR5) de
chimiokines inflammatoires.
IL-2

CD45RO perforine

Les cellules mémoire Les cellules mémoire Certaines cellules La plupart des cellules
centrales expriment effectrices sont dépourvues effectrices peuvent effectrices meurent
CCR7 et restent dans de CCR7 et migrent devenir des cellules après quelques jours
le tissu lymphoïde dans les tissus mémoire quiescentes
CCR5

CCR7 CCR3
CD45RO CD45RO

chimiokines. Par exemple, parmi les cellules mémoire centrales exprimant CCR7,
on trouve une sous-population de cellules qui expriment CXCR5, un récepteur
de CXCL13, un chimiokine produite dans les follicules de cellules  B. Ces cellules
mémoire centrales porteuses de CXCR5 ont été appelées cellules auxiliaires folli-
culaires ; elles produisent de l’IL-2 et procurent de l’aide aux cellules B.
Lors d’une stimulation par un antigène, les cellules mémoire centrales perdent rapi-
dement l’expression de CCR7 et se différencient en cellules mémoire effectrices.
Les cellules mémoire effectrices sont aussi hétérogènes quant à leurs récepteurs de
chimiokines, et ont été classées selon des récepteurs de chimiokines typiques des
TH1, comme CCR5, et des TH2, comme CCR4. Les cellules mémoire centrales ne
sont pas encore destinées à une lignée effectrice particulière et même les cellules
mémoire effectrices ne sont pas complètement destinées à une lignée TH1 ou TH2,
bien qu’il y ait une certaine corrélation entre le sort final de cellules TH1 ou TH2 et
les récepteurs de chimiokines exprimés. Une stimulation supplémentaire par l’an-
tigène semble diriger la différenciation des cellules mémoire effectrices graduelle-
ment dans les lignées de cellules T effectrices distinctes.

10-18 L’aide des cellule T CD4 est requise pour les cellules T CD8 mémoire
et implique la signalisation par CD40 et l’IL-2.

Nous avons décrit plus tôt comment les réponses primaires des cellules  T CD8
contre Listeria monocytogenes peuvent survenir chez des souris déficientes en cel-
lules T CD4. Après 7 jours d’infection, les souris normales et les souris dépourvues
de cellules T CD4 montrent une expansion et une activité équivalentes des cellu-
les  T CD8 effectrices spécifiques du pathogène (voir la Section 10-8). Cependant,
La mémoire immunologique 451

elles ne sont pas également capables de générer des cellules T CD8 mémoire. Les
souris sans cellules  T CD4 en raison d’une déficience en CMH de classe  II déve-
loppaient des réponses secondaires beaucoup plus faibles, caractérisées par une
expansion beaucoup moindre des cellules T CD8 mémoire spécifiques du patho-
gène. Dans cette expérience, Listeria contenait le gène de la protéine ovalbumine,
et ce fut la réponse à cette protéine qui fut mesurée comme marqueur des cellules T
CD8 mémoire (Fig. 10.26). Les cellules T CD4 chez ces souris sont absentes durant la
réponse primaire et lors de toute restimulation ; aussi, les cellules T CD4 pourraient
être requises soit pour la programmation initiale des cellules T CD8 durant leur acti-
vation primaire en vue du développement de la mémoire, soit pour fournir de l’aide
uniquement durant la réponse mémoire secondaire.
Ce problème fut résolu par la constatation que les cellules T CD8 mémoire qui se
développaient sans l’aide de CD4 étaient beaucoup moins aptes à proliférer même
après avoir été transféré dans des souris normales. Ceci indique que c’est la program-
mation de leur destinée de cellules mémoire qui est déficiente et pas simplement un
manque d’aide des cellules T CD4 au moment des réponses secondaires. La néces-
sité de l’aide de CD4 dans la génération des CD8 mémoire a aussi été démontrée par
des expériences dans lesquelles les cellules T CD4 ont été éliminées par adminis-
tration d’anticorps ou chez des souris dont le gène de CD4 était déficient. Ces expé-
riences indiquent que l’aide des cellule T CD4 est nécessaire pour programmer les
cellules T CD8 naïves et ainsi les rendre aptes à générer des cellules mémoire capa-
bles d’une forte expansion lors d’une réponse immunitaire secondaire.
Le mécanisme expliquant cet effet des cellules T CD4 est pas encore compris entiè-
rement, mais il implique probablement au moins deux types de signaux transmis Fig. 10.26 Les cellules T CD4 sont requises
à la cellule T CD8, ceux reçus par CD40 et ceux reçus par le récepteur de l’IL-2. Les pour le développement de cellules T
cellules T CD8 qui n’expriment pas CD40 sont incapables de générer des cellules T mémoire CD8 fonctionnelles. Des souris
mémoire. Bien que de nombreuses cellules pourraient exprimer le ligand de CD40 qui n’expriment pas de molécules du CMH
de classe II (CMH II– / –) ne développent pas
nécessaire à la stimulation de CD40, il est très probable que les cellules T CD4 consti-
de cellules T CD4. Des souris normales et
tuent la source de ce signal. des souris CMH II– / – furent infectées par
Listeria monocytogenes exprimant l’antigène
La nécessité de la signalisation par l’IL-2 dans la programmation de la mémoire CD8
modèle, l’ovalbumine (LM-OVA). Après 7 jours,
fut découverte par l’utilisation de cellules T CD8 avec une déficience génétique de la les cellules T CD8 spécifiques de OVA ont
sous-unité IL-2Rα, qui étaient donc incapable de répondre à l’IL-2. Puisque la signa- peu être comptées au moyen de tétramères
lisation par l’IL-2Rα est requise pour le développement des cellules Treg, des souris du CMH contenant un peptide de OVA
dépourvues de IL-2Rα développent une affection lymphoproliférative. Cependant, qui pouvaient donc se lier aux récepteurs
des cellule T spécifiques. Après 7 jours
celle-ci ne se développe pas chez les souris qui ont une moelle osseuse chimérique d’infection, les souris sans cellules T CD4
contenant des cellules normales et des cellules déficientes en IL-2Rα ; ces chimères avaient le même nombre de cellules T CD8
peuvent servir à l’étude du comportement des cellules déficientes en IL-2Rα. Lorsque spécifiques de OVA que les souris normales.
ces souris chimériques furent infectées par le virus de la chorioméningite lymphocy- Après avoir laissé les souris se rétablir
taire (LCMV), ce sont précisément les cellules T sans IL-2Rα dont les réponses CD8 pendant 60 jours, période durant laquelle
des cellules T mémoire ont eu le temps de
mémoire s’avérèrent défectueuses. se développer, on a réinoculé le LM-OVA aux
souris. Le groupe sans cellules T CD4 n’a
Les cellules T CD4 paraissent aussi fournir une aide nécessaire au maintien du nom- montré aucune expansion des cellules CD8
bre de cellules T CD8 mémoire, et le mécanisme semble distinct de l’effet sur la pro- mémoire spécifiques de OVA, alors qu’elle était
grammation des cellules  T CD8 naïves destinées à devenir des cellules mémoire. prononcée dans le groupe contrôle.

Des souris normales et des souris sans Après 7 jours d’infection, les deux groupes Après 70 jours, les souris ont été réinfectées.
cellules T CD4 ont été infectées par une bactérie (LM) de souris ont développé un nombre semblable Cette fois, seules les souris normales ont développé
exprimant l’antigène ovalbumine (OVA) de cellules T CD8 spécifiques de OVA des cellules mémoire spécifiques de OVA
Cellules T CD8 spécifiques de OVA

Cellules T CD8 spécifiques de OVA

LM-OVA

normales LM-OVA

CMH de classe II–/– Normales CMH de classe II–/– Normales CMH de classe II–/–
452 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

Lorsque des cellules T CD8 mémoire sont transférées chez des souris immunologi-
quement naïves, la présence ou l’absence de cellules T CD4 chez le receveur influence
le maintien des cellules CD8 mémoire. Le transfert de cellules CD8 mémoire chez
des souris déficientes en cellules T CD4 est suivie d’une diminution graduelle du
nombre de cellules mémoire en comparaison des suites d’un transfert similaire à
des souris normales. De plus, les cellules CD8 effectrices transférées à des souris
sans cellules T CD4 montraient un affaiblissement relatif de leurs fonctions effec-
trices. Ces expériences montrent que les cellules T CD4 activés durant une réponse
immunitaire ont un impact significatif sur la quantité et la qualité de la réponse des
cellules T CD8, même si elles ne sont pas nécessaires à l’activation initiale des cellu-
les T CD8. Les cellules T CD4 aident à programmer les cellules T CD8 naïves à être
capables de générer des cellules T mémoire, aident le développement d’une activité
effectrice efficace et aident à maintenir le nombre de cellules T mémoire.

10-19 Chez les individus immunisés, les réponses secondaires


et subséquentes sont attribuables surtout aux lymphocytes mémoire.

Au cours du déroulement normal d’une infection, un pathogène prolifère et atteint


le niveau seuil d’induction de la réponse immunitaire adaptative ; il stimule alors la
production d’anticorps et de cellules T effectrices qui l’éliminent. Ensuite, la plupart
des cellules T effectrices meurent et le titre d’anticorps décline graduellement parce
que les antigènes qui ont induit la réponse ne sont plus présents en quantité suffi-
sante pour la maintenir. Nous pouvons penser que ce mécanisme correspond à un
rétrocontrôle de la réponse. Cependant, les cellules T et B mémoire restent présentes
et se maintiennent dans un état permettant de réagir à une infection suivante avec
le même pathogène.
Les anticorps et les lymphocytes mémoire restant chez un individu immunisé peu-
vent aussi empêcher l’activation des cellules T et B naïves par le même antigène. On
peut le montrer par un transfert passif d’anticorps et de cellules T mémoire à des
receveurs naïfs. Lorsque les receveurs sont immunisés envers le même antigène, les
lymphocytes naïfs ne répondent pas à cet antigène mais répondent normalement à
d’autres antigènes.
On a mis en pratique ce phénomène pour éviter que les mères Rh− ne développent une
réponse immunitaire contre leur fœtus Rh+, ce qui peut causer une maladie hémolyti-
que chez le nouveau-né (voir Appendice I, Section A-11). Si l’on injecte des anticorps
anti-Rh à la mère avant qu’elle ne soit exposée aux globules rouges Rh+ de son enfant,
la réponse immunitaire de la mère est inhibée. Le mécanisme de cette inhibition
semble impliquer l’élimination et la destruction par les anticorps des globules rouges
du bébé, empêchant ainsi l’induction d’une réponse immunitaire par les cellules T et
B naïves. La réponse des cellules B mémoire n’est pas inhibée par les anticorps. Il faut
donc identifier les mères Rh− présentant un risque et les traiter avant qu’une réponse
n’ait pu se produire. En raison de leur forte affinité pour l’antigène et des modifica-
tions dans les conditions requises pour la signalisation venant des récepteurs des cel-
lules B, les cellules B mémoire sont beaucoup plus sensibles aux petites quantités
d’antigène qui n’aurait pas été efficacement éliminé par les anticorps anti-Rh injectés.
Cette sensibilité est due à l’affinité élevée de leurs récepteurs et à leurs exigences dif-
férentes en signaux d’activation. Cette capacité des cellules B mémoire à produire des
anticorps même en présence d’anticorps préexistants permet aux réponses humora-
les secondaires de se produire chez des individus déjà immunisés.
La présence de cellules T mémoire spécifiques de l’antigène prévient aussi l’activa-
tion des cellules T naïves dirigées contre le même antigène, comme le montre la sup-
pression de l’activation des cellules T naïves après le transfert adoptif de cellules T
de souris immunisées à des souris syngéniques naïves. Ceci a été très clairement
démontré pour les cellules T cytotoxiques. Il est possible, qu’une fois réactivées, les
cellules T CD8 mémoire développent leur activité cytotoxique de manière si rapide
qu’elles tuent les cellules présentatrices d’antigène professionnelles, comme les cel-
lules dendritiques, avant qu’elles ne puissent activer les cellules T CD8 naïves.
La mémoire immunologique 453

Ces mécanismes peuvent aussi expliquer le phénomène du péché antigénique ori-


ginel. Ce terme a été inventé pour décrire la tendance des individus à fabriquer des
anticorps uniquement contre les épitopes exprimés par le premier variant du virus
de la grippe auquel ils ont été exposés, et ceci même après d’autres infections avec
des variants qui portent d’autres épitopes très immunogènes (Fig. 10.27). Les anti-
corps dirigés contre le virus originel auront tendance à inhiber les réponses des cel-
lules B naïves spécifiques du nouvel épitope. Ce phénomène est bénéfique à l’hôte
car il utilise ainsi uniquement les cellules B qui répondent le plus rapidement et le
plus efficacement aux virus. Il n’est interrompu que si la personne est exposée à un
virus de la grippe qui ne possède aucun épitope commun avec celui du virus origi-
nel. Dans ce cas, il n’existe pas d’anticorps pouvant se fixer aux virus et les cellules B
naïves peuvent répondre.

Résumé.

L’immunité protectrice contre la réinfection est l’une des conséquences les plus
importantes de l’immunité adaptative. L’immunité protectrice dépend non seu-
lement d’anticorps préformés et de cellules T effectrices mais aussi, et de manière
essentielle, du développement d’une population de lymphocytes responsable
d’une mémoire immunologique à long terme. La capacité de ces cellules à répon-
dre rapidement à une stimulation par le même antigène peut être transférée à des
receveurs naïfs par des cellules T et des cellules B provenant de donneurs immuni-
sés. Les modifications précises qui permettent de distinguer les lymphocytes naïfs, Fig. 10.27 Lorsque des individus qui ont été
effecteurs ou mémoire commencent à être connues et comprennent la régulation infectés par un variant du virus de la grippe
sont infectés par un deuxième ou troisième
de l’expression des récepteurs des cytokines comme l’IL-7, qui contribue au main- variant, ils produisent des anticorps
tien de ces cellules, et la régulation des récepteurs de chimiokine comme CCR7, uniquement contre les épitopes qui étaient
qui permet de distinguer des sous-populations fonctionnelles de cellules mémoire. présents dans le premier virus. Un enfant de
Les progrès dans les réactifs spécifiques des récepteurs, comme les tétramères du deux ans infecté pour la première fois par le
virus de la grippe produit des anticorps contre
CMH, ont permis de clarifier les contributions relatives de l’expansion clonale et tous les épitopes (panneau de gauche). À l’âge
de la différenciation dans le phénotype mémoire. Les cellules B mémoire peuvent de 5 ans, le même enfant exposé à un variant
aussi être distinguées des cellules B naïves par des modifications dans les gènes du virus de la grippe répond préférentiellement
de leurs immunoglobulines suite à la commutation de classe et aux mutations aux épitopes communs avec le virus originel
et développe une réponse plus faible que la
somatiques. Les réponses immunitaires secondaires et les réponses suivantes sont normale aux nouveaux épitopes (panneau
caractérisées par des anticorps présentant une affinité de plus en plus importante du milieu). Même à 20 ans, cette tendance
pour l’antigène. On commence à comprendre l’interaction complexe entre les cel- à répondre préférentiellement aux épitopes
partagés avec le virus originel et à répondre
lules T CD4 et CD8 dans la régulation de la mémoire. Bien que les cellules T CD8
faiblement aux nouveaux épitopes existe
peuvent générer des réponses primaires efficaces sans l’aide des cellules T CD4, encore (panneau de droite). Ce phénomène
on réalise que des cellules T CD4 jouent un rôle essentiel dans la régulation de la est appelé « péché antigénique originel ».

L’individu de 2 ans infecté par le virus de la Le même individu à 5 ans infecté par un Le même individu à 20 ans infecté par un
grippe produit des anticorps contre tous les variant de virus de la grippe produit des autre variant du virus de la grippe produit des
épitopes présents sur le virus anticorps dirigés uniquement contre les anticorps dirigés contre les épitopes communs
épitopes communs avec le virus d’origine avec le virus d’origine mais pas contre ceux
communs avec le variant rencontré à 5 ans

1000 1000 1000


Pourcentage de la réponse

Pourcentage de la réponse

Pourcentage de la réponse
normale

normale

normale

100 100 100

10 10 10
A B C D A B C D E F A B C D E F G
Réponse à l’épitope Réponse à l’épitope Réponse à l’épitope
454 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

mémoire des cellules T CD8. Ce sujet est important pour que de nouveaux vaccins
puissent être développés, par exemple, contre des virus comme le VIH.

Résumé du Chapitre 10.

Les vertébrés résistent aux micro-organismes pathogènes de différentes maniè-


res. Les défenses immunitaires innées agissent immédiatement et peuvent réus-
sir à repousser l’infection. Si elles échouent, elles sont suivies par l’induction d’une
série de réponses précoces qui contribuent à contenir l’infection jusqu’au dévelop-
pement de l’immunité adaptative. Ces deux premières phases de la réponse immu-
nitaire reposent sur la détection de la présence d’une infection par les récepteurs
non clonotypiques du système immunitaire inné. Ces récepteurs sont repris dans
la Fig. 10.28 et décrits en détail dans le Chapitre 2. Des sous-populations de cellu-
les T et B, considérées comme des intermédiaires entre l’immunité innée et l’im-
munité adaptative, comprennent les cellules T NK, qui peuvent orienter la réponse
des cellules T CD4 vers le phénotype TH1 ou TH2, et les cellules NK, qui peuvent être
recrutées dans les ganglions lymphatiques et sécrètent l’IFN-γ et favorisent ainsi une
réponse  TH1. La troisième phase d’une réponse immunitaire est la réponse adap-
tative (voir Fig. 10.28), qui se développe dans les tissus lymphoïdes périphériques
concernés par le foyer infectieux ; elle prend plusieurs jours pour se développer, puis-
que les lymphocytes T et B doivent rencontrer leur antigène spécifique, proliférer et
se différencier en cellules effectrices. Les réponses des cellules B dépendant des cel-
lules T ne peuvent pas commencer avant que des cellules T spécifiques de l’anti-
gène n’aient eu l’occasion de proliférer et de se différencier. Une fois qu’une réponse
immunitaire adaptative s’est développée, les anticorps et cellules T effectrices sont
dispersés dans l’organisme par la circulation et sont recrutés dans les tissus infectés.
Généralement, l’infection est ainsi contrôlée et le pathogène est éliminé ou contenu.
Les mécanismes effecteurs terminaux qui permettent d’éliminer l’infection dépen-
dent du type d’agents infectieux et dans la plupart des cas sont les mêmes que ceux
qui sont utilisés dans les phases précoces de la réponse immunitaire. Seuls les méca-
nismes de reconnaissances sont différents et sont plus sélectifs (voir Fig. 10.28).

Fig. 10.28 Composants impliqués dans les


trois phases de la réponse immunitaire Phases de la réponse immunitaire
contre différentes classes de micro-
organismes. Les mécanismes de l’immunité
Immédiate (0–4 heures) Précoce (4–96 heures) Tardive (96-100 heures)
innée qui interviennent au cours des deux
premières phases de la réponse immunitaire
ont été décrits dans le Chapitre 2, alors que Non spécifique Non spécifique + spécifique Spécifique
la réponse des cellules B indépendante du Innée Inductible Inductible
thymus a été présentée au Chapitre 9. Les Pas de mémoire Pas de mémoire Mémoire
phases précoces contribuent à l’induction Pas de cellules T spécifiques Pas de cellules T spécifiques Cellules T spécifiques
de l’immunité adaptative et influencent les
caractéristiques fonctionnelles des cellules T Fonctions Peau, épithéliums Inflammation locale Anticorps IgA dans
effectrices spécifiques de l’antigène et des de barrière (C5a) les sécrétions
anticorps qui entrent en jeu dans les phases TNF-α local Anticorps de type IgE
tardives de la réponse. On observe des sur les mastocytes
similitudes frappantes entre les mécanismes Inflammation locale
effecteurs utilisés lors de chaque phase de la
réponse. Les différences essentielles se situent Réponse Phagocytes Lectine liant le mannan Anticorps IgG et cellules
dans les structures de reconnaissance. aux pathogènes Activation de la voie Protéine C-réactive porteuses de
extracellulaires alternative et de la voie Anticorps des cellules B récepteurs de Fc
des lectines T-indépendantes Anticorps IgG, IgM +
du complément Complément voie classique
du complément

Réponse Macrophages Activation des Activation


aux bactéries macrophages par les des macrophages
intracellulaires cellules NK activées par l’IFN-γ
IL-1, IL-6, TNF-α, IL-12 des cellules T

Réponse aux Cellules NK IFN-α et IFN-β Cellules T cytotoxiques


cellules infectées Cellules NK activées IFN-γ
par un virus par l’IL-12
Résumé du Chapitre 10 455

Une réponse immunitaire adaptative efficace conduit à un état de protection immu-


nitaire. Cet état est dû à la présence de cellules effectrices et de molécules produites
au cours de la réponse initiale et à la mémoire immunologique. La mémoire immu-
nologique se traduit par une capacité accrue de répondre aux pathogènes déjà ren-
contrés et éliminés avec succès. C’est une propriété des lymphocytes T et B mémoire
qui peuvent transférer la mémoire immunitaire à des receveurs naïfs. Le mécanisme
précis de la mémoire immunologique, qui est sans doute la caractéristique la plus
importante de l’immunité adaptative, semble être lié à la présence de certaines cyto-
kines et à des interactions homéostatiques avec des complexes CMH du soi:peptide
du soi. La vaccination, c’est-à-dire l’induction artificielle d’une immunité protec-
trice basée sur la mémoire immunologique, est une des réussites les plus marquan-
tes de l’immunologie dans le domaine médical. La compréhension du processus est
en train de rattraper son succès pratique. Cependant, comme nous le verrons dans le
Chapitre 12, certains pathogènes n’induisent pas d’immunité protectrice capable de
les éliminer complètement. Aussi, nous devrons chercher à en connaître les raisons
avant de pouvoir préparer des vaccins efficaces contre ces pathogènes.

Questions.

10.1 La communication est cruciale dans toute grande entreprise. (a) Comme le corps
est-il averti d’une invasion microbienne, et (b) comment assure-t-il que les réponses
atteignent le site infecté ?

10.2 Le système immunitaire répond à des classes particulières de pathogènes de


différentes manières. Quelles propriétés des virus et des bactéries sont-elles
utilisées pour activer les réponses TH1 à leur opposer, et quelles sont les cellules qui
fournissent l’information à propos du type de pathogène présent ?

10.3 Les cellules T différenciées requièrent des signaux continus pour maintenir leur
fonction. (a) Quels sont les signaux dont les cellules TH1 ont besoin ? (b) Quels
avantages pourrait avoir cette nécessité de signaux continus ? Quels désavantages ?

10.4 Les différentes sous-populations de cellules T effectrices régulent réciproquement


leur développement. Quel avantage pourrait avoir le fait que les cytokines produites
par les cellules TH1 ou TH2 inhibent la différenciation des cellules TH17 ?

10.5 On pourrait s’interroger sur l’utilité de la mémoire immunologique. Les invertébrés s’en
passent bien. Après tout, si vous survivez à une infection une fois, vous devriez être
capable d’y survivre à nouveau et, si vous échouez à survivre à la première infection, la
mémoire est alors inutile. (a) Quels sont les avantages de la mémoire immunologique
qui s’opposent à cet argument ? Quelles sont les caractéristiques des pathogènes
qui ont favorisé le développement de la mémoire immunologique au cours de
l’évolution ? (b) Les réponses immunitaires innées ne suscitent pas de mémoire.
Quelles propriétés des réponses immunitaires adaptatives donnent à la mémoire
immunologique qu’elles développent une plus grande valeur ? Comment ces propriétés
pourraient-elles constituer un désavantage ?

10.6 Les réponses de type mémoire diffèrent des réponses immunitaires primaires par
plusieurs caractéristiques importantes. Citez trois différences et décrivez les
mécanisme(s) sous-jacents impliqués dans chaque cas.

10.7 (a) Discutez les rôles relatifs des signaux des cytokines et des signaux reçus par
le récepteur de cellule T dans la survie et la fonction des cellules T mémoire. (b)
Comparez, tout en soulignant les contrastes, leurs exigences ainsi que les réponses
à de tels signaux avec celles des cellules T naïves.
456 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

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458 Chapitre 10 : La dynamique de l’immunité adaptative

10-16 Les cellules T mémoire sont en proportion plus élevée 10-18 L’aide des cellule T CD4 est requise pour les cellules T CD8
que les cellules T naïves spécifiques du même antigène mémoire et implique la signalisation par CD40 et l’IL-2.
et ont des exigences différentes en signaux d’activation
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et subséquentes sont attribuables surtout aux lymphocytes
10-17 Les cellules T mémoire sont hétérogènes et comprennent mémoire.
des sous-populations centrales ou effectrices.
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459

Le système immunitaire
des muqueuses 11
Le système immunitaire comporte une série de compartiments anatomiques,
chacun étant spécialement adapté à répondre aux antigènes rencontrés dans un
ensemble tissulaire particulier. Dans les chapitres précédents, nous avons exa-
miné surtout les réponses immunitaires adaptatives qui débutent dans les gan-
glions lymphatiques et la rate  ; elles sont dirigées contre des antigènes qui ont
pénétré dans les tissus ou se sont répandus dans le sang. Ce sont les réponses
immunitaires les plus étudiées par les immunologistes, puisqu’elles sont suscitées
par injection de l’antigène. Il existe, cependant, un autre compartiment du sys-
tème immunitaire adaptatif qui est même de plus grande taille ; il est situé près des
surfaces par lesquelles la plupart des pathogènes peuvent pénétrer. Il s’agit du sys-
tème immunitaire des muqueuses, objet de ce chapitre.

L’organisation du système immunitaire des muqueuses.


Les surfaces épithéliales du corps sont exposées à de grandes quantités d’antigè-
nes dont elles ne sont séparées que par une mince couche de cellules, l’épithé-
lium. Ces tissus sont essentiels à la vie et requièrent donc une protection continue
et efficace contre l’invasion, ce qui est en partie réalisé par l’épithélium lui-même
en constituant une barrière physique ; cependant, celle-ci peut être franchie assez
facilement, ce qui signifie que les mécanismes plus sophistiqués des systèmes
immunitaires inné et adaptatif jouent aussi un rôle crucial. Ce sont les fonctions
du système immunitaire des muqueuses. Les défenses innées des muqueuses ont
été décrites au Chapitre 2, alors que ce chapitre sera centré sur le système immu-
nitaire adaptatif des muqueuses.

11-1 Le système immunitaire des muqueuses protège les surfaces internes


du corps.

Le système immunitaire des muqueuses comprend le tractus gastro-intestinal,


les voies respiratoires supérieures et inférieures et le tractus urogénital. Il com-
prend aussi les glandes exocrines associées à ces organes, comme le pancréas,
les conjonctives et les glandes lacrymales, les glandes salivaires et mammaires
(Fig. 11.1). Les muqueuses représentent une vaste zone à protéger. L’intestin grêle
humain, par exemple, a une surface de presque 400 m2, 200 fois celle de la peau.
En raison de leurs fonctions physiologiques, que ce soit dans les échanges gazeux
(les poumons), l’absorption de nourriture (l’intestin), les activités sensorielles
(yeux, nez, bouche et gorge) et la reproduction (utérus et vagin), les muqueuses
ne sont que des barrières fragiles et perméables. L’importance vitale de ces tis-
sus signifie que des mécanismes locaux de défense sont indispensables afin de les
protéger de toute invasion. De même, leur faiblesse et leur perméabilité consti-
tuent une vulnérabilité évidente face aux infections  ; il n’est donc pas surpre-
nant que la vaste majorité des agents infectieux envahissent le corps humain par
460 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Muqueuses et glandes exocrines du corps humain

glande lacrymale conjonctive


sinus
glande salivaire cavité orale
trachée tractus
respiratoire

poumons
tractus œsophage
glande mammaire
gastro-intestinal

estomac
rein

intestin

utérus
tractus
vessie
urogénital
vagin

Fig. 11.1 Le système immunitaire des les muqueuses (Fig. 11.2). Les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires
muqueuses. Les tissus du système
aiguës, la tuberculose pulmonaire, la rougeole, la coqueluche et les infestations
immunitaire des muqueuses sont les organes
lymphoïdes associés à l’intestin, aux voies par les vers continuent à tuer dans le monde entier, particulièrement les enfants en
respiratoires et au tractus urogénital, ainsi bas âge dans les pays en développement. Il faut y ajouter le virus de l’immunodé-
qu’à la cavité orale, au pharynx et aux ficience humaine (VIH), un pathogène dont la voie d’entrée naturelle est en géné-
glandes associées à ces tissus, comme les
glandes salivaires et les glandes lacrymales.
ral une muqueuse, ce qui est souvent oublié.
Les glandes mammaires font aussi partie du Un second point important à garder à l’esprit lorsque l’on considère l’immunobio-
système immunitaire des muqueuses.
logie des muqueuses est le fait qu’elles sont aussi les portes d’entrée d’une vaste
assortiment d’antigènes étrangers non pathogènes. C’est particulièrement évident
pour l’intestin, qui est exposé à d’énormes quantités de protéines alimentaires,
environ 10 à 15 kg par an par personne. En même temps, le gros intestin est colonisé
normalement par au moins 1 000 espèces de micro-organismes qui vivent en sym-
biose avec leur hôte et sont qualifiés de commensaux. Ce sont surtout des bacté-
ries, dont le nombre dans le côlon avoisine 1012 organismes par millilitre, ce qui fait
d’elles les cellules les plus nombreuses du corps. Dans des circonstances normales,
elles ne font aucun tort et sont bénéfiques à leur hôte de diverses manières.
Comme les protéines alimentaires et les bactéries commensales contiennent de
nombreux antigènes étrangers, ils peuvent être reconnus par le système immuni-
taire adaptatif. Cependant, générer des réponses immunitaires protectrices contre
ces agents inoffensifs serait inapproprié et inutile. En effet, on pense actuellement
que des réactions immunitaires aberrantes causent certaines maladies relative-
ment communes, entre autres la maladie cœliaque (une réaction anormale à la
protéine du gluten de blé) et des maladies inflammatoires intestinales comme la
maladie de Crohn (une réaction aux bactéries commensales). Comme nous le ver-
rons, le système immunitaire de la muqueuse intestinale a développé les moyens
de distinguer les pathogènes nocifs des antigènes alimentaires et de la flore intes-
tinale naturelle. D’autres muqueuses, comme le tractus respiratoire, sont confron-
tées à la même difficulté. L’immunité protectrice contre des pathogènes est
essentielle, mais, comme dans l’intestin, de nombreux antigènes entrant dans le
tractus respiratoire proviennent d’organismes commensaux, de pollens et d’autres
substances inoffensives de l’environnement.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 461

Fig. 11.2 Les infections des muqueuses


Décès annuels dans le monde causés par des infections des muqueuses sont un des plus graves problèmes de
santé à l’échelle mondiale. La plupart des
pathogènes qui causent la mort d’un grand
0 1 million 2 millions 3 millions 4 millions nombre de gens infectent les muqueuses ou
entrent dans l’organisme à travers elles. Les
Infections respiratoires aiguës (4 millions) infections respiratoires sont causées par de
nombreuses bactéries (comme Streptococcus
Maladies diarrhéiques (1,8 million) pneumoniae, Haemophilus influenzae, causes
de pneumonie, et Bordetella pertussis,
agent de la coqueluche) et virus (influenza
Tuberculose (1,5 million)
et virus respiratoire syncytial). Les maladies
diarrhéiques sont causées par des bactéries
VIH (2,9 millions) (comme la bactérie du choléra, Cholera
vibrio) et des virus (comme les rotavirus).
Rougeole (600 000) La bactérie Mycobacterium tuberculosis,
qui cause la tuberculose, entre aussi par le
tractus respiratoire. La rougeole se manifeste
Hépatite B (103 000*)
comme une maladie systémique, mais elle
entre par voie orale ou respiratoire. Le virus
Coqueluche (294 000) de l’immunodéficience humaine (VIH), cause
du SIDA, entre par la muqueuse du tractus
Nématodes et ankylostomes (12 000) urogénital ou est sécrété avec le lait maternel
et passe ainsi de la mère à l’enfant. Le virus
de l’hépatite B se transmet aussi par voie
sexuelle. Finalement, les vers parasites
colonisant l’intestin causent des maladies
11-2 Le système immunitaire des muqueuses pourrait être le système débilitantes chroniques pouvant être fatales.
immunitaire originel des vertébrés. La plupart des décès, spécialement ceux
causés par des maladies respiratoires et
diarrhéiques aiguës, surviennent chez des
Traditionnellement, on considérait le système immunitaire des muqueuses comme enfants de moins de 5 ans dans les pays en
un compartiment secondaire et relativement mineur, ce qui est une erreur évidente voie de développement et l’on ne dispose pas
lorsque l’on tient compte de la taille et de la fonction de ce système. Conséquence encore de vaccins efficaces contre beaucoup
de ces pathogènes. *Ne comprennent pas les
du rôle physiologique critique et de l’étendue des surfaces exposées aux antigè-
décès par cancer du foie à la suite de cirrhose
nes, le système immunitaire des muqueuses forme la plus grande partie des tissus résultant d’infection chronique. Mortalité
immunitaires ; il contient près des trois quarts de tous les lymphocytes et produit estimée pour 2002 dans le rapport 2004 de
la plupart des immunoglobulines chez les individus sains. Comparé aux ganglions l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
lymphatiques et à la rate (que dans ce chapitre nous appellerons le système immu-
nitaire systémique), le système immunitaire des muqueuses montre de nombreu-
ses caractéristiques uniques et inhabituelles ; elles sont reprises dans la Fig. 11.3.
Le système immunitaire des muqueuses pourrait avoir été la première partie du
système immunitaire adaptatif des vertébrés à s’être développée. L’intestin était
le premier organe différencié chez les animaux à requérir un moyen de défense

Caractéristiques distinctives du système immunitaire des muqueuses

Caractéristiques anatomiques Interactions étroites entre les épithéliums des muqueuses et les tissu lymphoïdes

Des compartiments distincts de tissu lymphoïde diffus et des structures plus organisées
comme les plaques de Peyer, des follicules lymphoïdes isolés et les amygdales

Mécanismes spécialisés de capture d’antigène, par ex. les cellules M


dans les plaques de Peyer, les végétations adénoïdes et les amygdales Fig. 11.3 Caractéristiques distinctives du
système immunitaire des muqueuses.
Le système immunitaire des muqueuses
Mécanismes effecteurs Les cellules T activées/mémoire prédominent même en absence d’infection est plus vaste, rencontre une plus grande
variété d’antigènes et cela beaucoup plus
Présence de cellules T effectrices/régulatrices ‘naturelles’ activées fréquemment que le reste du système
de manière non spécifique immunitaire, appelé dans ce chapitre système
immunitaire systémique. Ces différences
Environnement Une inhibition active des réponses immunitaires (par ex. envers les aliments concernent certains caractères anatomiques,
immunorégulateur et d’autres antigènes inoffensifs de l’environnement) prédomine des mécanismes spécialisés pour la capture
d’antigène et des réponses inhabituelles
effectrices et régulatrices conçues afin d’éviter
Macrophages inhibiteurs et cellules dendritiques inductrices de tolérance des réactions immunitaires indésirables aux
aliments et à d’autres antigènes inoffensifs.
462 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

contre les invasions, et les tissus lymphoïdes organisés se sont d’abord dévelop-
pés, chez les vertébrés, dans l’intestin des poissons cartilagineux primitifs. Deux
importants organes lymphoïdes centraux, le thymus et la bourse de Fabricius des
oiseaux, dérivent de l’intestin embryonnaire. C’est pourquoi, on a proposé que le
système immunitaire des muqueuses représentait le système immunitaire originel
des vertébrés et que la rate et les ganglions lymphatiques étaient des organes spé-
cialisés apparus plus tard.

11-3 Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est localisé


dans des compartiments anatomiques intestinaux bien définis.

Le système immunitaire des muqueuses fonctionne selon des principes immuno-


logiques et sur base de caractères anatomiques assez semblables quelle que soit
la muqueuse considérée ; dans ce chapitre, nous avons choisi l’intestin comme
exemple. On trouve des lymphocytes et d’autres cellules du système immuni-
taire, comme des macrophages et des cellules dendritiques, dans tout le tractus
intestinal, aussi bien dans des tissus organisés que dispersés dans l’épithélium
de la muqueuse ainsi que dans la couche sous-jacente de tissu conjonctif appe-
lée lamina propria. Les tissus lymphoïdes organisés intestinaux sont appelés tis-
Fig. 11.4 Tissus lymphoïdes et populations sus lymphoïdes associés à l’intestin ou GALT (Gut-Associated Lymphoid Tissues)
lymphocytaires associés à l’intestin. La (Fig. 11.4). Ils ont la structure anatomique en compartiments typique des organes
muqueuse de l’intestin grêle comporte des
extensions digitiformes (villosités) couvertes lymphoïdes périphériques, et c’est là que les réponses immunitaires débutent. Les
d’une fine couche de cellules épithéliales cellules distribuées tout au long de l’épithélium et de la lamina propria compren-
(rouge) qui sont responsables de la digestion nent des cellules effectrices de la réponse immunitaire locale.
de la nourriture et de l’absorption des
nutriments. Ces cellules épithéliales sont Les tissus lymphoïdes organisés du GALT comprennent les plaques de Peyer et
remplacées continuellement par de nouvelles les follicules lymphoïdes solitaires de l’intestin, l’appendice, les amygdales et les
cellules qui dérivent de cellules souches
présentes dans les cryptes. La couche de
végétations adénoïdes de la gorge ainsi que les ganglions lymphatiques mésenté-
tissu sous-jacente à l’épithélium est appelée riques. Les amygdales palatines, les végétations adénoïdes et les amygdales lin-
lamina propria, et sera colorée en jaune pâle guales sont faites de grands agrégats de tissu lymphoïde secondaire couvert d’un
tout au long de ce chapitre. Les lymphocytes
sont répartis dans divers compartiments
intestinaux distincts, les tissus lymphoïdes Les lymphocytes intestinaux se trouvent dans des tissus organisés où des réponses immunitaires
organisés comme les plaques de Peyer sont induites, mais sont aussi dispersés dans tout l’intestin, où ils exercent des fonctions effectrices
et les follicules lymphoïdes isolés formant
ce que l’on appelle les tissus lymphoïdes
Cellules lymphoïdes dispersées Tissus lymphoïdes organisés
associés à l’intestin (GALT, Gut-Associated
Lymphoid Tissues). Ces tissus sont situés
dans la paroi même de l’intestin, séparés
du contenu de la lumière intestinale par la Lumière intestinale
simple couche épithéliale. Les ganglions
lymphatiques de drainage de l’intestin sont lymphocyte de lamina propria
les ganglions lymphatiques mésentériques épithélium
(voir Fig. 11.11), qui sont connectés aux
plaques de Peyer et à la muqueuse intestinale lymphocyte intra-épithélial
par des vaisseaux lymphatiques afférents
et sont les ganglions lymphatiques les plus
volumineux de l’organisme. Ensemble, ces
tissus organisés sont les sites de présentation
antigénique aux cellules T et aux cellules B Plaque de Peyer
et sont responsables de la phase inductrice
des réponses immunitaires. Les plaques
de Peyer et les ganglions lymphatiques follicule
mésentériques contiennent des zones lamina propria crypte lymphoïde isolé
distinctes de cellules T (bleu) et des follicules
de cellules B (jaune) alors que les follicules
isolés contiennent surtout des cellules B. De
nombreux lymphocytes sont dispersés dans la
muqueuse en dehors des tissus lymphoïdes
organisés ; ce sont des cellules effectrices, soit
des cellules T effectrices ou des plasmocytes
sécréteurs d’anticorps. Les lymphocytes
effecteurs sont présents dans l’épithélium lymphatique afférent
et dans la lamina propria. Les lymphatiques
drainent aussi la lamina propria vers les vers le ganglion lymphatique mésentérique
ganglions lymphatiques mésentériques.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 463

Fig. 11.5 Un anneau d’organes lymphoïdes


Les amygdales et les végétations adénoïdes forment appelé l’anneau de Waldeyer entoure
un anneau de tissus lymphoïdes, l’anneau de Waldeyer, l’entrée des tractus digestif et respiratoire.
à l’entrée des tractus digestif et respiratoire Les végétations adénoïdes sont situées
de chaque côté à la base du nez, alors
que les amygdales palatines se situent de
chaque côté à l’arrière de la cavité buccale.
Les amygdales linguales sont des organes
lymphoïdes distincts à la base de la langue.
végétations La micrographie montre une coupe à travers
adénoïdes une amygdale humaine enflammée. En
amygdale absence d’inflammation, les amygdales et
palatine les végétations adénoïdes comprennent
normalement des zones de tissu organisé
amygdale avec des zones de cellules B et de cellules T,
linguale
couvertes par une couche d’épithélium
squameux (au sommet du cliché). La surface
comporte de profondes crevasses (cryptes)
langue qui augmentent la surface mais qui peuvent
devenir facilement des foyers infectieux.
Coloration à l’éosine et à l’hématoxyline.
Agrandissement × 100.

épithélium squameux et forment l’anneau de Waldeyer, à l’arrière de la bouche et


à l’entrée de l’intestin et des voies aériennes (Fig. 11.5). Chez les enfants, en raison
d’infections récurrentes, elles sont souvent hypertrophiées et l’on avait l’habitude
jadis de les réséquer chirurgicalement. Une diminution de la réponse IgA au vac-
cin oral antipolio a été observée chez les individus dont les amygdales et les végé-
tations adénoïdes avaient été enlevées.
Certains organes lymphoïdes secondaires du GALT se trouvent dans la paroi intes-
tinale ; ce sont les plaques de Peyer de l’intestin grêle, l’appendice (autre cible fré-
quente du bistouri chirurgical) et les follicules lymphoïdes isolés du gros intestin.
Les plaques de Peyer jouent un rôle important dans le déclenchement des répon-
ses immunitaires dans l’intestin. Elles ont une morphologie particulière  ; ce sont
des agrégats de cellules lymphoïdes formant un dôme qui déborde dans la lumière

Fig. 11.6 Une plaque de Peyer et son épithélium de surface Panneau b : la micrographie électronique à balayage de l’épithélium
spécialisé. Panneau a : les plaques de Peyer sont des tissus lymphoïdes associé aux follicules d’une plaque de Peyer de souris montrée en
organisés dans la couche sous-muqueuse de la paroi intestinale. encadré dans (a) révèle les cellules M (microfold ou microplis), qui sont
Chacune comprend de nombreux follicules très actifs de cellules B avec dépourvues de microvillosités et de la couche de mucus qui couvre
centres germinatifs (CG), ainsi que des zones T dépendantes interposées les cellules épithéliales normales. Chaque cellule M apparait comme
(ZTD) et une couche entre l’épithélium de surface et les follicules appelé une zone enfoncée à la surface épithéliale. Panneau c : vue à un fort
dôme sous-épithélial, qui est riche en cellules dendritiques, cellules T grossissement de la zone encadrée en (b) ; elle montre la surface ridée
et cellules B (voir le schéma d’une plaque de Peyer à la Fig. 1.20). caractéristique d’une cellule M. Les cellules M servent de portes d’entrée
L’épithélium de surface est appelé épithélium associé aux follicules ; il à de nombreux pathogènes et à d’autres particules. (a) Coloration à
est composé d’une seule couche de cellules épithéliales cylindriques. l’éosine et hématoxyline. Grossissement × 100. (b) × 5 000. (c) × 23,000.

Les plaques de Peyer sont couvertes par une couche épithéliale contenant des cellules spécialisées appelées cellules M, qui ont une membrane ridée caractéristique

villosité dôme

cellule M

ZTD CG

a b c
464 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

intestinale (Fig. 11.6). Chaque plaque de Peyer comprend un grand nombre de fol-


licules de cellules B avec des centres germinatifs ainsi que de plus petites zones de
cellules T entre les follicules et immédiatement en dessous. Le dôme sous-épithélial
est riche en cellules dendritiques, cellules T et cellules B. Un épithélium, dit associé
aux follicules, couvre les tissus lymphoïdes et les sépare de la lumière intestinale. Il
contient des cellules épithéliales intestinales conventionnelles, appelées entérocy-
tes et un nombre moindre de cellules épithéliales spécialisées appelées cellules M
(Microfold), qui ont une surface luminale plissée au lieu des microvillosités des enté-
rocytes. Au contraire de ceux-ci, les cellules M ne sécrètent pas d’enzymes digestives
ou de mucus et sont dépourvues de l’épais glycocalyx de surface. Elles peuvent ainsi
servir facilement de porte d’entrée pour les micro-organismes et les particules, qui
entrent ainsi dans la plaque de Peyer à partir de la lumière intestinale. L’épithélium
associé aux follicules contient aussi des lymphocytes et des cellules dendritiques.
En plus des Plaques de Peyer, visibles à l’œil nu, de nombreux follicules lymphoïdes
isolés peuvent être détectés au microscope dans l’intestin grêle et le côlon. Comme
les plaques de Peyer, ils comprennent un épithélium contenant des cellules M cou-
vrant le tissu lymphoïde organisé, mais ils contiennent surtout des cellules B et ne
se développent qu’après la naissance, alors que les plaques de Peyer sont présentes
dans l’intestin fœtal. Des follicules isolés semblables se trouvent dans la paroi du
tractus respiratoire supérieur et dans la muqueuse nasale; ce sont respectivement les
tissus lymphoïdes bronchiques ou BALT (Bronchus-Associated Lymphoid Tissues)
et le tissu lymphoïde nasal ou NALT (Nasal-Associated Lymphoid Tissue). Parfois,
on désigne l’ensemble des tissus lymphoïdes semblables associés aux muqueuses
par le sigle MALT (Mucosa-Associated Lymphoid Tissues). Les plaques de Peyer et
les follicules lymphoïdes isolés sont connectés par des lymphatiques aux ganglions
lymphatiques mésentériques, situés dans le tissu conjonctif qui attache l’intestin
à la paroi postérieure de l’abdomen. Ce sont les ganglions lymphatiques les plus
volumineux de tout le corps, et ils jouent un rôle crucial dans le déclenchement et
l’orientation des réponses immunitaires aux antigènes intestinaux.
Les réactions immunitaires qui se développent lorsqu’un antigène est reconnu
dans un des tissus du GALT sont tout à fait différentes de celles qui surviennent
dans les ganglions lymphatiques ou la rate lorsque un antigène est injecté dans la
peau, un muscle ou le courant sanguin. En effet, le microenvironnement du GALT
a un contenu caractéristique en cellules lymphoïdes, hormones et autres facteurs
immunomodulateurs. Durant le développement fœtal, les ganglions lymphati-
ques mésentériques et les plaques de Peyer se différencient indépendamment du
système immunitaire systémique avec intervention de chimiokines spécifiques et
de récepteurs de la famille du facteur de nécrose tumorale (TNF, Tumor Necrosis
Factor) (Fig. 11.7 ; voir aussi la Section 7-24). Le GALT se distingue donc des orga-
nes lymphoïdes systémiques tôt au cours de la vie, et ces différences sont indépen-
dantes de l’exposition à un antigène.

11-4 L’intestin capte les antigènes par des voies et mécanismes


particuliers.

Afin de stimuler le système immunitaire des muqueuses, les antigènes présents


sur les muqueuses doivent franchir la barrière épithéliale. Les plaques de Peyer
sont spécialisées dans la capture des antigènes du contenu intestinal. Les cellu-
les  M dans l’épithélium associé aux follicules captent de manière continue des
molécules et particules de la lumière intestinale par endocytose ou phagocytose
(Fig.  11.8). Ces substances sont transportées dans des vésicules à travers la cel-
lule  jusque sa membrane basale, où elles sont libérées dans l’espace extracellu-
laire ; ce processus est appelé transcytose. Puisque les cellules M sont beaucoup
plus accessibles que les entérocytes, certains pathogènes choisissent les cellu-
les  M pour accéder à l’espace sous-épithélial, bien qu’ils se retrouvent ainsi au
cœur même du système immunitaire adaptatif intestinal.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 465

Contrôle du développement du GALT comparé à celui des tissus lymphoïdes systémiques

Protéines requises pour le développement du tissu

Tissu TNFR1 LT-𝛂 LT-𝛃 LT𝛃R TRANCE IL-7R 𝛃7 L-sel CXCR5 NK𝛋B2

Plaque de Peyer + + + + – + +/– – +/– +


Ganglion
lymphatique – + – + + – – +/– – –
mésentérique
Ganglion
lymphatique +/– + +/– + + – – + – +/–
systémique

Fig. 11.7 Le développement fœtal des tissus lymphoïdes intestinaux pour le ganglion lymphatique mésentérique en développement et qu’il
est contrôlé par un assortiment particulier de cytokines. Des peut être remplacé par LIGHT, une autre molécule de la famille du
expériences sur souris knockout montrent que les ganglions lymphatiques TNF, qui peut aussi se lier au récepteur de LT-β. Le développement des
mésentériques and les plaques de Peyer diffèrent les uns des autres, et plaques de Peyer est absolument dépendant de la présence des sous-
des ganglions lymphatiques des autres parties du corps, par les signaux unités de LT-α et de LT-β, qui sont produites par les cellules inductrices de
requis pour leur développement au cours de la vie fœtale et néonatale tissu lymphoïde en réponse à l’IL-7 provenant des cellules stromales. Les
précoce. Le développement de toutes ces tissus lymphoïdes requiert un cellules inductrices de tissu lymphoïde sont aussi recrutées uniquement
échange de signaux entre cellules inductrices de tissu lymphoïde et les dans les plaques de Peyer via leurs récepteurs CXCR5, et le récepteur
cellules stromales locales. Des signaux venant des cellules stromales du TNF, TNFR-I, est aussi impliqué dans le développement des plaques
font exprimer, par les cellules inductrices de tissu lymphoïde, les sous- de Peyer mais non de celui des autres tissus montrés ici. En ce qui
unités des lymphotoxines (LT)-α et -β. Ces sous-unités peuvent former concerne les signaux des LT, les exigences des ganglions lymphatiques
des homotrimères (LT-α3) ou hétérotrimères (LT-α1:β2) ; LT-α1:β2 agit sur périphériques ressemblent davantage à celles des ganglions
les cellules stromales locales via le récepteur de LT-β, et ce récepteur lymphatiques mésentériques. Les différences dans les exigences des
est nécessaire au développement de tous les tissus lymphoïdes sous-unités de LT et de leurs récepteurs reflètent probablement de
considérés ici, comme l’est la production de la sous-unité de la LT-α. subtiles différences dans les voies de signalisation utilisées dans les
La stimulation des cellules stromales via le récepteur de LT-β conduit à différents sites. Les molécules d’adhérence sont aussi impliquées dans
l’expression de molécules d’adhérence comme VCAM-1 et la production le développement des tissus lymphoïdes. Les plaques de Peyer se
de chimiokines comme CCL19, CCL21 et CXCL13, qui toutes recrutent développent normalement en absence de sélectine L mais dépendent
des lymphocytes dans l’organe en développement, ainsi que davantage partiellement de l’intégrine α4:β7 et sont entièrement absentes si ce deux
de cellules inductrices de tissu lymphoïde. Les ganglions lymphatiques protéines sont absentes. Les ganglions lymphatiques mésentériques
mésentériques sont les premiers tissus lymphoïdes à se développer requièrent aussi soit la sélectine L ou l’intégrine α4:β7 , mais se
chez le fœtus. Les cellules inductrices de tissu lymphoïde dans ces sites développent normalement en absence of l’une des deux. Les ganglions
produisent la LT-α1:β2 en réponse à la cytokine TRANCE de la famille du lymphatiques systémiques ne requièrent que la sélectine L pour leur
TNF produite par les cellules stromales, mais des expériences sur des développement.
souris knockout montrent que la sous-unité de LT-β n’est pas essentielle

La membrane basale d’une cellule M comporte de nombreux replis, formant une


poche où se logent des lymphocytes et des cellules dendritiques. Celles-ci pren-
nent en charge les substances libérées des cellules M et les apprêtent en vue de
leur présentation aux lymphocytes T. Ces cellules dendritiques sont dans une
position particulièrement favorable pour recueillir les antigènes intestinaux ; elles
sont recrutées dans cette région par des chimiokines qui sont sécrétées de manière
constitutive par les cellules épithéliales. Les chimiokines comprennent CCL20
(MIP-3α) et CCL9 (MIP-1γ), qui se lient respectivement aux récepteurs CCR6 et
CCR1 de la cellule dendritique (voir la liste de chimiokines et de leurs récepteurs
dans l’Appendice IV). Les cellules dendritiques chargées d’antigène migrent alors
de la région du dôme dans les zones de cellules T des plaques de Peyer, où elles
rencontrent des cellules T naïves spécifiques d’antigène ; elles peuvent aussi migrer
par les lymphatiques de drainage dans les ganglions mésentériques, où elles ren-
contreront aussi des cellules  T naïves. Les cellules dendritiques des plaques de
Peyer ont la capacité de doter les cellules T qu’elles activent de propriétés de tro-
pisme intestinal préférentiel, un processus dont il sera question plus tard.
Les cellules dendritiques sont aussi abondantes dans la paroi de l’intestin, sur-
tout dans la lamina propria (Fig. 11.9). Certaines de ces cellules peuvent s’intro-
duire dans l’épithélium, ou envoyer des extensions à travers la couche épithéliale
sans altérer son intégrité. La mobilité de la cellule dendritique est augmentée en
réponse à une infection bactérienne locale, et l’on peut voir ces cellules en train
de capter des bactéries à partir de la lumière avant de retourner avec elles dans la
466 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

L’antigène est transporté à travers L’antigène est lié


Les cellules M captent l’antigène
les cellules M dans des vésicules par des cellules dendritiques,
par endocytose et phagocytose
et libéré à la surface basale qui activent les cellules T

Cellule M

Fig. 11.8 Capture et transport des antigènes lamina propria. Ce comportement permet aux cellules dendritiques des muqueu-
par les cellules M. Comme le montrent
ses de prélever des antigènes à travers une barrière épithéliale intacte sans inter-
les trois premiers panneaux, les cellules M
dans l’épithélium associé aux follicules des vention des cellules M. Après avoir capté des antigènes de la lumière intestinale, les
plaques de Peyer ont une membrane basale cellules dendritiques de la lamina propria les transportent dans les zones de cel-
qui forme des « poches » dans le feuillet lules T des ganglions lymphatiques mésentériques par les lymphatiques afférents
épithélial, permettant un contact étroit avec
les lymphocytes et les autres cellules. Ceci
qui drainent la paroi intestinale. Des populations semblables de cellules dendriti-
favorise le transport local des antigènes qui ques qui captent des antigènes locaux et migrent dans les ganglions lymphatiques
ont été captés par les cellules M et livrés aux de drainage se trouvent dans les poumons et d’autres surfaces muqueuses.
cellules dendritiques pour la présentation
antigénique. La micrographie d’une partie
d’une plaque de Peyer à droite montre des 11-5 Le système immunitaire des muqueuses contient de nombreux
cellules épithéliales (bleu foncé) dont certaines
sont les cellules M qui forment des poches lymphocytes effecteurs même en absence de maladie.
dans lesquelles les cellules T (rouge) et les
cellules B (vert) s’accumulent. Les cellules ont En plus des organes lymphoïdes organisés, une muqueuse contient un nombre
été colorées par des anticorps fluorescents
spécifiques de chaque type cellulaire. énorme de lymphocytes et d’autres leucocytes dispersés à travers tout le tissu. La
plupart de ces lymphocytes ont l’apparence de cellules qui ont été activées par un
antigène, et ils comprennent les cellules T effectrices et les plasmocytes du sys-
tème immunitaire des muqueuses. Dans l’intestin, on trouve des cellules effec-
trices dans deux compartiments principaux : l’épithélium et la lamina propria
(Fig. 11.10). Ces tissus sont tout à fait distincts en termes immunologiques, bien
qu’ils ne soient séparés que par une fine couche de membrane basale. L’épithélium
contient surtout des lymphocytes, qui sont en vaste majorité des cellules T CD8. La
lamina propria est beaucoup plus hétérogène ; elle comprend de grands nombres

Fig. 11.9 Capture des antigènes de l’intestin


Les cellules dendritiques peuvent envoyer des processus à travers
par des cellules dendritiques de la lamina
le feuillet épithélial pour capter un antigène de la lumière intestinale
propria. Les cellules dendritiques envoient
des extensions entre les cellules épithéliales
sans affecter son intégrité. Ces prolongements
cellulaires peuvent capter un antigène, par
exemple des bactéries, dans la lumière
intestinale. La micrographie montre des cellules
dendritiques (colorées en vert par un marqueur
fluorescent de la molécule CD11c) dans la
lamina propria d’une villosité de l’intestin grêle
de souris. L’épithélium n’est pas coloré, mais
sa surface luminale (extérieure) est indiquée
par une ligne blanche. Le processus émis par
la cellule dendritique s’est inséré entre deux
cellules épithéliales et sa pointe est présente
dans la lumière intestinale. Grossissement
× 200. Micrographie de Niess,  J.H., et al. :
Science. 2005,
307 : 254-258.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 467

Le système immunitaire des muqueuses


comporte deux compartiments distincts, Les cellules immunitaires de la lamina propria Les cellules immunitaires du feuillet épithélial
l’épithélium et la lamina propria

cellule T
CD8 CCR9
intégrine
αE:β7

intégrine
α4:β7
cellule T CCR9
CD4
CD

macrophage

mastocyte

IgA
cellule dendritique

plasmocyte

de cellules T CD4 et CD8, ainsi que des plasmocytes, des macrophages, des cel- Fig. 11.10 La lamina propria et l’épithélium
lules dendritiques et de rares éosinophiles et mastocytes. Les neutrophiles sont de la muqueuse intestinale sont des
compartiments lymphoïdes distincts.
rares dans l’intestin normal, bien que leur nombre augmente rapidement durant La lamina propria contient un mélange
une maladie inflammatoire ou une infection. Le nombre total de lymphocytes hétérogène de plasmocytes producteurs
dans l’épithélium et la lamina propria excède probablement celui de la plupart des d’IgA, de lymphocytes dotés d’un phénotype
« mémoire » (voir Chapitre 10), de cellules T
autres parties du corps. CD4 et CD8 effectrices conventionnelles, de
La muqueuse intestinale normale montre dès lors de nombreuses caractéristi- cellules dendritiques (CD), de macrophages
et de mastocytes. Les cellules T de la
ques d’une réaction inflammatoire chronique, à savoir la présence de nombreux lamina propria de l’intestin grêle expriment
lymphocytes effecteurs et d’autres leucocytes dans les tissus. Il s’agit d’une consé- l’intégrine α4:β7 et le récepteur de
quence des réponses locales permanentes à une myriade d’antigènes inoffensifs chimiokine CCR9, qui les attirent dans le tissu
à partir du courant sanguin. Des lymphocytes
qui bombardent les muqueuses en déclenchant rarement une maladie. On en
intra-épithéliaux expriment CCR9 et
conclut que de puissants mécanismes régulateurs évitent que ces réactions loca- l’intégrine αE:β7 , qui se lie à la cadhérine E sur
les ne deviennent excessives. les cellules épithéliales. Elles sont surtout des
cellules T CD8, dont certaines expriment la
forme α:β conventionnelle de CD8 et d’autres
11-6 La circulation des lymphocytes dans le système immunitaire l’homodimère CD8α:α. Les cellules T CD4
prédominent dans la lamina propria, tandis
des muqueuses est contrôlée par des molécules d’adhérence que les cellules T CD8 prédominent dans
propres au tissu et par des récepteurs de chimiokine. l’épithélium.

L’arrivée des lymphocytes effecteurs dans la muqueuse est l’aboutissement d’une


série d’événements durant lesquels le tropisme des lymphocytes change avec leur
activation. La vie des lymphocytes des muqueuses commence avec l’émergence
des cellules T naïves du thymus et des cellules B de la moelle osseuse. À ce stade,
les lymphocytes naïfs circulant dans le courant sanguin ne sont pas encore orientés
vers le compartiment du système immunitaire où ils aboutiront. Les lymphocytes
naïfs entrent dans les plaques de Peyer et les ganglions lymphatiques mésentéri-
ques par les veinules à endothélium élevé (Fig. 11.11). Comme dans les autres orga-
nes lymphoïdes périphériques, l’entrée est contrôlée par les chimiokines CCL21 et
CCL19, qui sont libérées des tissus lymphoïdes périphériques et se lient au récep-
teur CCR7 des lymphocytes naïfs. Si ceux-ci ne rencontrent pas leur antigène, ils
quittent l’organe lymphoïde par les lymphatiques efférents et rejoignent le courant
sanguin. S’ils rencontrent un antigène dans le GALT, les lymphocytes sont activés
468 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Les cellules T entrent dans les plaques Les cellules T dans la plaque de Peyer Les cellules T activées transitent Des cellules T activées exprimant
de Peyer à partir des vaisseaux rencontrent un antigène transporté par les ganglions lymphatiques l’intégrine 𝛂4:𝛃7 et CCR9 migrent
mésentériques avant de rejoindre dans la lamina propria et l’épithélium
sanguins, dirigées par les récepteurs à travers les cellules M et sont activées le canal thoracique et de retourner
d’écotaxie CCR7 et la sélectine L par des cellules dendritiques dans l’intestin par le courant sanguin intestinal de l’intestin grêle

CCR9

intégrine
A4:B7

CCR7

HEV
sélectine L ganglions
lymphatiques
mésentériques

Fig. 11.11 Sensibilisation des cellules T et cessent d’exprimer CCR7 et la sélectine L. Ce qui signifie qu’ils perdent leur ten-
naïves and redistribution des cellules T
dance à se localiser dans les organes lymphoïdes périphériques, et dès qu’ils les
effectrices dans le système immunitaire
intestinal. Des cellules T naïves sont ont quittés ils sont incapables d’y revenir par les veinules à endothélium élevé.
porteuses du récepteur de chimiokine CCR7
et de la sélectine L, ce qui permet leur entrée Les lymphocytes effecteurs des muqueuses quittent les organes lymphoïdes où
dans les plaques de Peyer par les veinules à ils ont été activés et retournent dans les muqueuses. Les lymphocytes activés
endothélium élevé (HEV). Dans la zone des dans les plaques de Peyer quittent par les lymphatiques, passent par les ganglions
cellules T, elles rencontrent un antigène qui lymphatiques mésentériques et aboutissent finalement dans le canal thoraci-
a été transporté dans le tissu lymphoïde par
les cellules M et est présenté par des cellules que. De là, ils parcourent tout l’organisme par le courant sanguin (voir Fig. 11.11)
dendritiques locales. Durant l’activation, et rejoignent les muqueuses de manière sélective par les petits vaisseaux san-
et sous le contrôle sélectif des cellules guins de la lamina propria. Les cellules B spécifiques d’antigène sont sensibili-
dendritiques intestinales, les cellules T perdent
sées comme cellules B productrices d’IgM dans la plaque de Peyer, subissent là
la sélectine L et acquièrent le récepteur de
chimiokine CCR9 et l’intégrine α4:β7. Après une commutation de classe et entrent dans la lamina propria comme plasmocy-
activation, mais avant leur différenciation tes sécréteurs d’IgA.
complète, les cellules T sensibilisées sortent
des plaques de Peyer par les lymphatiques Le tropisme intestinal spécifique est en partie déterminé par l’expression de l’inté-
de drainage, transitent par le ganglion grine α4:β7 sur les lymphocytes. Celle-ci se lie à l’adressine vasculaire des muqueu-
lymphatique mésentérique avant de rejoindre
ses MAdCAM-1 des cellules endothéliales bordant les vaisseaux sanguins de la
le canal thoracique, d’où elles passent
dans le courant sanguin qui ramène les paroi intestinale (Fig.  11.12). Les lymphocytes sensibilisés dans l’intestin y sont
cellules T activées dans la paroi intestinale. ramenés aussi sous l’effet de chimiokines particulières produites par l’épithé-
Les cellules T porteuses de CCR9 et de α4:β7 lium intestinal. CCL25 (TECK), exprimée par l’épithélium de l’intestin grêle, est
y sont attirées spécifiquement, ce qui leur
permet d’échapper au courant sanguin et
un ligand pour le récepteur de chimiokine, CCR9, exprimé sur les cellules T et cel-
d’entrer dans la lamina propria de la villosité. lules  B à tropisme intestinal. Même dans l’ensemble du tractus digestif, il sem-
ble y avoir une spécialisation régionale dans l’expression de chimiokines. Le côlon
et les glandes salivaires expriment CCL28 (MEC, Mucosal Epithelial Chemokine),
qui interagit avec le récepteur CCR10 des lymphocytes à tropisme intestinal et qui
attire les lymphoblastes B producteurs d’IgA.
Seuls les lymphocytes qui ont d’abord rencontré un antigène dans un organe lym-
phoïde secondaire associé à l’intestin sont amenés à exprimer des récepteurs et
des intégrines permettant l’écotaxie intestinale. Cette capacité inductrice est une
caractéristique des cellules dendritiques du GALT, liée en partie à leur contenu en
acide rétinoïque, qui provient de la transformation enzymatique de la vitamine
A par la rétinal déshydrogénase. Ces cellules dendritiques induisent l’expression
sélective de l’intégrine α4:β7 et de CCR9 lors de la présentation d’un antigène et
de l’activation des cellules T naïves, alors que les cellules dendritiques de tissus
autres que les muqueuses, par exemple la peau, font exprimer par les lympho-
cytes T activés l’intégrine α4:β1, l’antigène lymphocytaire cutané (CLA, Cutaneous
Lymphocyte Antigen) et le récepteur de chimiokine CCR4, qui confèrent à ces cel-
lules un tropisme cutané (voir la Section 10-6). Ces conséquences de la spécifi-
cité tissulaire lors de la sensibilisation lymphocytaire dans le GALT expliquent
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 469

Fig. 11.12 Contrôle moléculaire du tropisme


Des cellules T effectrices à tropisme intestinal Les cellules épithéliales de l’intestin expriment
des chimiokines spécifiques intestinal spécifique des lymphocytes.
se lient à MAdCAM-1 sur l’endothélium Panneau de gauche : des lymphocytes T et B
des cellules T à tropisme intestinal
sensibilisés par un antigène dans les tissus
endothélium lymphoïdes associés à l’intestin arrivent
comme lymphocytes effecteurs dans le
Vaisseau courant sanguin irrigant la paroi intestinale
CCR10 CCL28
sanguin (voir Fig. 11.11). Les lymphocytes expriment
l’intégrine α4:β7 , qui se lie spécifiquement
à MAdCAM-1 exprimée sélectivement sur
CCR9
l’endothélium des vaisseaux sanguins
α4:β7 αE:β7 dans les muqueuses. Ceci fournit le signal
d’adhérence nécessaire à l’émigration des
sélectine L MAdCAM-1 cadhérine E
cellules dans la lamina propria. Panneau de
droite : s’ils ont été sensibilisés dans l’intestin
Lamina CCL25
Côlon grêle, les lymphocytes effecteurs expriment
propria aussi le récepteur de chimiokine CCR9, qui
leur permet de répondre à CCL25 (cercles
verts) produit par les cellules épithéliales de
Intestin l’intestin grêle ; ce qui amplifie le recrutement
épithélium grêle sélectif. Des lymphocytes effecteurs qui ont
été sensibilisés dans le côlon n’expriment
pas CCR9 mais bien CCR10. Celui-ci peut
répondre à CCL28 (cercles bleus) produit par
pourquoi la vaccination contre des infections intestinales requiert une immuni- les cellules épithéliales du côlon pour remplir
sation par voie muqueuse, puisque d’autres voies par exemple sous-cutanée ou une fonction similaire. Les lymphocytes qui
entreront dans le feuillet épithélial arrêtent
intramusculaire, ne font pas intervenir de cellules dendritiques dotées des pro- d’exprimer l’intégrine α4:β7 et expriment à
priétés inductrices adéquates. la place l’intégrine αE:β7 , dont le récepteur
est la cadhérine E des cellules épithéliales.
Ces interactions peuvent aider à garder les
11-7 La sensibilisation des lymphocytes dans une muqueuse peut induire lymphocytes dans l’épithélium une fois qu’ils y
sont entrés.
une immunité protectrice dans d’autres muqueuses.

La protéine MAdCAM-1 n’est pas restreinte aux vaisseaux sanguins de l’intes-


tin ; elle est également présente sur les vaisseaux d’autres muqueuses. En consé-
quence, les lymphocytes sensibilisés, par exemple, dans le GALT peuvent circuler
comme cellules effectrices dans les tractus respiratoire et urogénital ainsi que
dans les glandes mammaires en activité. Ainsi, le système immunitaire des
muqueuses forme un compartiment uni, appelé système immunitaire commun
aux muqueuses ; il est distinct des autres parties du système immunitaire et l’on
doit en tenir compte pour le développement des vaccins. En effet, on peut choi-
sir, pour la voie vaccinale, une muqueuse différente de celle que l’on veut protéger
contre une infection. Ce qui a été illustré par de nombreux modèles expérimen-
taux, le plus intéressant étant la possibilité d’induire, par immunisation nasale,
des réponses immunitaires dans le tractus urogénital contre le VIH. De plus, l’in-
duction de la production d’anticorps IgA dans le lait lors d’une infection ou d’une
vaccination par voie intestinale constitue un moyen important de générer une
immunité protectrice transmissible aux nourrissons par transfert passif des anti-
corps du lait.

11-8 L’IgA sécrétoire est la classe d’anticorps associée au système


immunitaire des muqueuses.

L’IgA est la classe dominante du système immunitaire muqueux  ; elle est pro-
duite localement par les plasmocytes présents dans la paroi muqueuse. Cette
classe d’anticorps existe chez l’homme sous deux formes isotypiques, IgA1 et IgA2.
L’expression de l’IgA est différente selon les deux principaux compartiments dans
lesquels on la trouve, le sang et les sécrétions muqueuses. Dans le sang, l’IgA est
sous forme monomérique ; elle est produite dans la moelle osseuse par des plas-
mocytes dérivés des cellules B qui ont été activées dans les ganglions lymphati-
ques, le rapport entre IgA1 et IgA2 étant de 10:1. Dans les muqueuses, l’IgA est
produite presque entièrement sous forme d’un dimère stabilisé par une chaîne J et
le rapport entre IgA1 et IgA2 est d’environ 3:2.
470 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Les cellules B naïves servant de précurseurs aux plasmocytes sécréteurs d’IgA sont
activées dans les plaques de Peyer et les ganglions lymphatiques mésentériques. La
commutation de classe des lymphocytes B naïfs vers la production d’IgA survient
sous le contrôle de la cytokine TGF-β (Transforming Growth Factor-β) dans les tissus
lymphoïdes organisés du GALT, qui recourent aux mêmes mécanismes moléculaires
que ceux des ganglions lymphatiques et de la rate (les mécanismes moléculaires de la
commutation de classe sont décrits en détail au Chapitre 4 et les conséquences géné-
rales de la commutation de classe ou des réponses immunitaires dans le Chapitre 9).
Environ 5 grammes d’IgA sont produits chaque jour dans les muqueuses humaines,
ce qui excède considérablement la production de toute autre classe d’immunoglobu-
line dans le corps. Plusieurs pathogènes intestinaux communs possèdent des enzy-
mes protéolytiques qui peuvent digérer l’IgA1 ; l’IgA2 est beaucoup plus résistante à la
digestion. La plus grande proportion de plasmocytes sécréteurs d’IgA2 dans la lamina
propria de l’intestin pourrait donc être la conséquence d’une pression sélective exer-
cée par les pathogènes contre les individus produisant peu d’IgA2 dans l’intestin.
Après activation et différenciation des cellules B, les lymphoblastes expriment l’in-
tégrine d’écotaxie muqueuse α4:β7 ainsi que les récepteurs de chimiokines CCR9
et CCR10. Les plasmocytes sécréteurs d’IgA se localisent dans les muqueuses par
les mécanismes que nous avons décrits à la Section 11-6. Une fois dans la lamina
propria, les plasmocytes synthétisent et sécrètent des dimères d’IgA contenant la
chaîne J dans l’espace sous-épithélial (Fig. 11.13). Pour atteindre ses cibles antigé-
niques dans la lumière intestinale, l’IgA doit être transportée à travers l’épithélium.
Ce sont les cellules épithéliales immatures situées à la base des cryptes intestinales
qui s’en chargent. Elles expriment le récepteur des immunoglobulines polymé-
riques (le récepteur poly-Ig) à leur surface basolatérale. Ce récepteur a une forte
affinité pour les immunoglobulines polymériques contenant la chaîne  J comme
l’IgA dimérique, et transporte les anticorps par transcytose à la surface luminale
de l’épithélium, où elle est libérée par clivage protéolytique du domaine extracel-
lulaire du récepteur  poly-Ig. Une partie du récepteur clivé reste associée à l’IgA
et est appelée composant sécrétoire (fréquemment désigné par le sigle SC pour
Secretory Component). L’anticorps resultant est alors appelé IgA sécrétoire.

Fig. 11.13 La transcytose des anticorps IgA


à travers les épithéliums est assurée par le
Liaison de l’IgA au récepteur Transcytose vers la face Libération de l’IgA
à la face basolatérale de Endocytose apicale de la cellule dimérique à la face apicale
récepteur poly-Ig, une protéine de transport
la cellule épithéliale épithéliale de la cellule épithéliale
spécialisée. La plupart des anticorps IgA sont
synthétisés par des plasmocytes présents juste dimère IgA
sous la membrane basale des épithéliums de + composant sécrétoire
l’intestin et des voies respiratoires ainsi que des Lumière
jonction serrée
glandes lacrymales, salivaires et mammaires. couche de mucus
L’IgA dimérique liée à une chaîne J diffuse
à travers la membrane basale et se lie au
récepteur poly-Ig à la surface basolatérale
des cellules épithéliales. Le complexe est cellule épithéliale
alors transporté dans une vésicule à travers la
cellule jusqu’à la surface apicale (transcytose),
où le récepteur de poly-Ig est clivé. La partie
extracellulaire qui interagit avec l’IgA reste
attachée à l’anticorps et constitue ce que
l’on appelle le composant sécrétoire, dont
la copule glucidique se lie aux mucines, récepteur
maintenant ainsi l’IgA à la surface épithéliale. poly-Ig
Le fragment résiduel du récepteur poly-Ig, non
fonctionnel, est dégradé. L’IgA est transportée
de cette façon à travers les épithéliums dans la
lumière de plusieurs organes en contact avec
l’environnement externe. chaîne J

Lamina propria
IgA

cellule sécrétrice d’IgA


L’organisation du système immunitaire des muqueuses 471

Fig. 11.14 La voie hépatobiliaire de l’IgA


Dans les sinusoïdes hépatiques, L’IgA est drainée dans la bile sécrétoire. Dans certaines espèces, le
L’IgA est transportée les hépatocytes expriment passant des canalicules au transport direct de l’IgA dimérique à travers
par la veine porte dans le foie le récepteur poly-Ig, et cholédoque et de là dans l’épithélium intestinal est complété par une
transportent l’IgA le duodénum sécrétion passant par le foie. L’IgA dimérique
produite en excès dans la paroi intestinale
canicule passe dans la veine porte, qui draine le sang
biliaire de la lamina propria vers le foie. Les vaisseaux
hépatiques (sinusoïdes) sont bordés par
des cellules exprimant le récepteur poly-Ig,
qui transporte l’IgA dimérique à travers la
paroi vasculaire dans les canalicules biliaires
adjacents ; ceux-ci rejoignent le cholédoque,
qui se vide dans la partie supérieure de
l’intestin grêle, livrant ainsi sa charge d’IgA
sécrétoire.
veine porte
Foie hépatique
canal
biliaire

Chez certains animaux, l’IgA est sécrétée dans l’intestin par une seconde voie, la
voie hépatobiliaire (Fig. 11.14). Dans ce cas, les anticorps IgA dimériques qui ne
se lient pas au récepteur poly-Ig des cellules épithéliales sont emportés dans les
veines portes de la lamina propria, qui drainent le sang de l’intestin vers le foie.
Dans cet organe, les petites veines (sinusoïdes) sont bordées par des hépatocy-
tes qui expriment le récepteur poly-Ig à leur surface basale, permettant la transcy-
tose de l’IgA dans les canaux biliaires adjacents. De cette manière, l’IgA sécrétoire
peut être déversée directement dans la partie supérieure de l’intestin grêle par la
voie biliaire principale. De plus, les anticorps IgA qui ont lié des antigènes dans la
lumière peuvent être ramenés dans la paroi intestinale par les cellules épithéliales
et éliminés du corps par la voie hépatobiliaire. Bien que très efficace chez le rats, le
lapin et le poulet, cette voie ne semble pas avoir d’importance chez l’homme, dont
les hépatocytes n’expriment pas le récepteur poly-Ig.
L’IgA sécrétée dans la lumière intestinale se lie, par des motifs glucidiques du com-
posant sécrétoire, à la couche de mucus couvrant la surface épithéliale. Sa réten-
tion près de la surface épithéliale signifie qu’elle peut empêcher ainsi l’adhérence
des micro-organismes, et neutraliser leurs toxines et enzymes (Fig. 11.15). En plus
de cett activité dans la lumière intestinale, on a trouvé que l’IgA à l’intérieur des
cellules épithéliales neutralisait le lipopolysaccharide bactérien ayant pénétré
dans les cellules épithéliales. La capacité de l’IgA sécrétoire d’activer la voie classi-
que du complément et d’agir comme opsonine est faible ; elle ne peut donc induire
d’inflammation. Sa fonction principale est de limiter l’accès des pathogènes aux
muqueuses, sans risquer de causer des dommages inflammatoires à ces tissus
fragiles. L’IgA intestinale joue aussi un rôle important dans la relation symbioti-
que entre un individu et ses bactéries commensales intestinales en contribuant
à confiner ces organismes dans la lumière intestinale. Le répertoire IgA dans l’in-
testin comprend des anticorps spécifiques d’antigènes exprimés par les bactéries
commensales ; on ne trouve pas ces anticorps spécifiques dans le sérum sauf dans
des circonstances pathologiques lorsque des bactéries commensales ont envahi le
courant sanguin.
Chez les souris, une proportion significative des anticorps IgA intestinaux est pro-
duite par des lymphocytes de la sous-population B-1 (voir la Section  7-28). Les
cellules B-1, qui proviennent de précurseurs de cellules B de la cavité péritonéale,
présentent un répertoire restreint d’immunoglobulines et produisent des anti-
corps contre certains antigènes sans l’aide de cellules T. Cependant, cette source
d’IgA ne paraît pas exister chez l’homme, chez qui toutes les réponses à IgA sécré-
toire impliquent une hypermutation somatique et semblent dépendre des cellu-
les  T. Néanmoins, son existence chez la souris pourrait s’inscrire dans l’histoire
évolutive des réponses humorales spécifiques.
472 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Fig. 11.15 L’IgA sécrétoire exerce plusieurs L’IgA sécrétée sur la surface
fonctions sur les surfaces épithéliales. L’IgA est capable de se lier aux L’IgA peut exporter des toxines et
intestinale peut se lier à des antigènes internalisés dans les des pathogènes à partir de la lamina
Premier panneau : l’IgA est adsorbée par la pathogènes et des toxines et les
neutraliser endosomes et de les neutraliser propria tandis qu’elle est sécrétée
couche de mucus couvrant l’épithélium, où
elle peut neutraliser des pathogènes et leurs toxine
toxines, empêcher leur accès aux tissus et
inhiber leurs fonctions. Deuxième panneau : un couche de mucus
antigène internalisé par la cellule épithéliale
peut rencontrer et être neutralisé par l’IgA
dans les endosomes. Troisième panneau : cellule épithéliale
des toxines ou des pathogènes qui ont atteint
la lamina propria rencontrent l’IgA dimérique
spécifique du pathogène dans la lamina
propria, et les complexes formés sont excrétés
dans la lumière à travers la cellule épithéliale
comme l’IgA est sécrétée par l’intermédiaire du
récepteur de poly-Ig.

toxine
Lamina propria

11-9 Une déficience en IgA est assez fréquente chez l’homme


mais peut être compensée par l’IgM sécrétoire.
Une déficience sélective dans la production d’IgA est l’immunodéficience primaire
la plus fréquente chez l’homme ; sa fréquence est de 1 sur 500 à 1 sur 700 dans les
populations caucasiennes ; elle est un peu plus faible dans les autres groupes ethni-
ques. Une plus grande incidence de maladies atopiques et auto-immunes a été rap-
portée chez les gens déficients en IgA, mais la plupart des individus sont normaux et
ne sont pas plus souvent atteints d’infections des muqueuses, à moins qu’ils n’aient
aussi une déficience dans la production d’IgG2. Ceci reflète probablement la capa-
cité de l’IgM de remplacer l’IgA comme anticorps prédominant dans les sécrétions.
En effet, on trouve un nombre accru de plasmocytes producteurs d’IgM dans la
muqueuse intestinale des patients déficients en IgA. Puisque l’IgM est un polymère
pourvu d’une chaîne J, elle est liée efficacement par le récepteur poly-Ig et est trans-
portée à travers les cellules épithéliales dans la lumière comme IgM sécrétoire. Ce
mécanisme de sauvegarde est observé chez les souris dont la production d’IgA a été
inactivée (knockout) ; elles ont un phénotype normal, mais celles qui sont dépour-
vues du récepteur poly-Ig sont sensibles aux infections des muqueuses.

11-10 Le système immunitaire des muqueuses contient des lymphocytes T


inhabituels.
Les lymphocytes T abondent dans les muqueuses non seulement dans les tissus
organisés du MALT mais aussi sous forme dispersée dans toute la muqueuse. Dans
l’intestin, des cellules  T sont dispersées dans deux compartiments distincts, la
lamina propria et l’épithélium (voir Fig. 11.4). Dans la lamina propria, la proportion
de cellules T CD4:CD8 est de 3:1 ou plus ; elle est similaire à celle que l’on trouve
dans les tissus lymphoïdes systémiques. La plupart de ces cellules ont des mar-
queurs associés aux effecteurs qui ont déjà été en contact avec un antigène ou aux
cellules T mémoire, par exemple CD45RO chez l’homme (voir la Section 10-16).
Elle expriment aussi les marqueurs d’écotaxie intestinale CCR9 et l’intégrine α4:β7
ainsi que des récepteurs de chimiokines pro-inflammatoires comme CCL5
(RANTES). Les cellules T de la lamina propria prolifèrent faiblement lorsqu’elles
sont stimulées par des mitogènes ou un antigène, mais elles sécrètent de grandes
quantités de cytokines comme l’interféron (IFN)-γ, l’interleukine  (IL)-5 et IL-10,
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 473

Les lymphocytes dits intra À plus fort grossissement,


Les lymphocytes intra-épithéliaux
épithéliaux (LIE) sont insérés on peut voir les LIE insérés entre
sont des cellules T CD8
dans l’épithélium bordant l’intestin les cellules épithéliales

CE

LIE
MB

LIE

CE
MB
LIE
LP

CE

même dans l’intestin normal et en absence d’inflammation. Dans des affections Fig. 11.16 Lymphocytes intra-épithéliaux.
L’épithélium de l’intestin grêle contient une
comme la maladie cœliaque et les maladies inflammatoires intestinales, les cellu-
vaste population de lymphocytes dits intra-
les T CD4 de la lamina propria sont clairement les principales cellules T effectrices épithéliaux (LIE) (panneau de gauche).
responsables des dommages tissulaires locaux, mais leur fonction dans l’intestin La micrographie du centre est celle d’une
normal est incertaine. Elles peuvent aider à la production d’IgA par les plasmo- coupe d’intestin grêle humain dans lequel les
cellules T CD8 ont été colorées en brun par un
cytes locaux, ou elles peuvent être des cellules T régulatrices impliquées dans la anticorps monoclonal marqué à la peroxidase.
prévention des réactions d’hypersensibilité aux protéines alimentaires et aux bac- La plupart des lymphocytes dans l’épithélium
téries commensales, comme décrit plus loin dans ce chapitre. Les cellules T CD8 sont des cellules T CD8. Grossissement × 400.
activées sont aussi présentes dans la lamina propria et sont capables de produire La micrographie électronique à droite montre
que les LIE sont situés entre les cellules
des cytokines et d’exercer une activité cytotoxique durant une réponse immuni- épithéliales (CE) sur la membrane basale (MB)
taire protectrice contre des pathogènes et au cours d’une inflammation. séparant la lamina propria (LP) de l’épithélium.
On voit un LIE situé dans l’épithélium après
Les lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) sont tout à fait différents (Fig. 11.16). On avoir traversé la membrane basale et avoir
dénombre 10 à 15 lymphocytes pour 100 cellules épithéliales dans l’intestin grêle laissé une trainée de cytoplasme dans son
normal, ce qui signifie qu’il s’agit d’une des plus grandes populations lympho- sillage. Grossissement × 8 000.
cytaires de l’organisme. Plus de 90 % des lymphocytes intra-épithéliaux sont des
cellules T, et environ 80 % de ceux-ci sont porteurs de CD8, ce qui contraste com-
plètement avec les lymphocytes de la lamina propria. Cependant, comme dans la
lamina propria, la plupart des lymphocytes intra-épithéliaux paraissent avoir été
activés, et sont pourvus de granules contenant de la perforine et des granzymes,
comme le sont les cellules T effectrices cytotoxiques. La plupart de ces lymphocy-
tes recourent à un nombre relativement étroit de segments géniques V(D)J pour la
synthèse de leurs récepteurs de cellule T, ce qui indique qu’ils peuvent s’être mul-
tipliés localement en réponse à un faible nombre d’antigènes. Les lymphocytes
intra-épithéliaux de l’intestin grêle expriment le récepteur de chimiokine CCR9,
mais ont l’intégrine αE:β7 à leur surface au lieu de l’intégrine α4:β7 présente sur les
autres cellules T à tropisme intestinal. Le récepteur de l’intégrine αE:β7 est la cadhé-
rine E de la surface des cellules épithéliales, cette interaction pouvant contribuer
au maintien de ces lymphocytes dans l’épithélium (voir Fig. 11.12).
L’origine et les fonctions des lymphocytes intra-épithéliaux sont controversées.
Chez les jeunes animaux et chez les adultes de certaines espèces, on trouve un nom-
bre anormalement élevé de cellules T γ:δ dans l’épithélium intestinal. Cependant,
chez les souris adultes normales et chez l’homme, les cellules T γ:δ sont en nombre
474 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Fig. 11.17 Fonctions des lymphocytes


intra-épithéliaux. On distingue deux types Un LIE activé tue une cellule
Un virus infecte La cellule infectée présente
épithéliale infectée
principaux de lymphocytes intra-épithéliaux une cellule épithéliale un peptide viral au LIE CD8
par les voies perforine/
(LIE). Comme le montrent les panneaux de la muqueuse par le CMH de classe I
granzymes et dépendant de Fas
supérieurs, un type (LIE de type a) est
constitué par des cellules T CD8 cytotoxiques
conventionnelles qui reconnaissent des
peptides dérivés de virus ou d’autres
pathogènes intracellulaires liés aux molécules
du CMH de classe I classique sur les cellules
épithéliales infectées. Le LIE activé reconnait granzyme
les complexes peptide:CMH spécifiques
par son récepteur α:β de cellule T avec
l’hétérodimère CD8α:β comme corécepteur.
Le LIE libère la perforine et des granzymes,
qui tuent la cellule infectée. L’apoptose des Fas
cellules épithéliales peut aussi être induite
par l’interaction du ligand de Fas de la
cellule T avec Fas sur la cellule épithéliale.
Dans les panneaux inférieurs, des cellules perforine
épithéliales qui ont été soumises à un stress ligand
de Fas
à la suite d’une infection ou de l’altération
de leur développement, ou encore par un
peptide toxique de la protéine α-gliadine (un Des cellules épithéliales qui
composant du gluten), régulent à la hausse NKG2D sur les LIE les activent Les LIE activés tuent
subissent un stress à la suite en se liant à MIC-A,B.
l’expression des molécules du CMH de d’une infection, d’une lésion ou la cellule stressée par la voie
classe I non classique, MIC-A et MIC-B, et de l’effet de peptides toxiques Les homodimères CD8𝛂:𝛂 perforine/granzymes
produisent de l’IL-15. Des LIE voisins sont expriment MIC-A et MIC-B se lient aussi à TL
activés par l’IL-15 et reconnaissent MIC-A
et MIC-B par le récepteur NKG2D (voir la peptide de la gliadine
Section 2-32) ; ils sont appelés LIE de type b.
Ils tuent aussi les cellules épithéliales en
libérant la perforine et des granzymes. Ces
LIE sont porteurs de l’homodimère CD8α:α,
et cette protéine peut aussi contribuer à la
reconnaissance de cellules infectées par
liaison directe à la molécule TL du CMH de
classe I non classique, codée dans la région T
du CMH, qui est présente sur les cellules
épithéliales.
TL

MIC-A,B
CD8α:α
NKG2D CD8α:α

similaire dans l’épithélium et dans le courant sanguin. Chez la souris, environ 50 %
des lymphocytes intra-épithéliaux expriment la forme homodimérique inhabi-
tuelle α:α de CD8, et l’on peut répartir les cellules T en deux groupes selon la forme
de CD8 exprimée. Le type a est constitué de cellules T conventionnelles porteuses
du récepteur de cellule T α:β et de l’hétérodimère CD8α:β. Elles dérivent des cellu-
les T CD8 naïves activées dans les plaques de Peyer, comme décrit plus haut, et fonc-
tionnent comme des cellules T conventionnelles cytotoxiques restreintes au CMH
de classe I, tuant par exemple les cellules infectées par un virus, (Fig. 11.17, pan-
neaux supérieurs). Elles sécrètent aussi des cytokines effectrices comme l’IFN-γ.
La seconde classe de lymphocytes intra-épithéliaux, le type b, comprend des cel-
lules T exprimant l’homodimère α CD8 (CD8 α:α) et leurs récepteurs de cellule T
sont soit α:β ou γ:δ. Cependant, les récepteurs des cellules T α:β dans ce groupe ne
se lient pas aux ligands conventionnels peptide:CMH, mais bien à divers autres
ligands, entre autres des molécules du CMH de classe  Ib (voir Sections 5-17 et
5-18). Contrairement aux cellules  T intra-épithéliales de type  a, de nombreuses
cellules T de type b ne subissent pas de sélection conventionnelle positive et néga-
tive dans le thymus (voir Chapitre 7) et expriment des récepteurs de cellule T appa-
remment autoréactifs. Cependant, l’absence de la protéine CD8 α:β signifie que ces
cellules T ont une faible affinité pour les complexes peptide:CMH conventionnels
et ne peuvent donc agir comme cellules effectrices autoréactives.
L’organisation du système immunitaire des muqueuses 475

Jusqu’à récemment, on croyait que les lymphocytes intra-épithéliaux de type  b


s’étaient différenciés en dehors du thymus, le processus s’étant déroulé entière-
ment dans l’intestin peut-être dans les agrégats lymphoïdes appelés cryptoplaques
(cryptopatches), qui se trouvent dans la paroi intestinale. Cependant, un travail plus
récent suggère que les cryptoplaques pourraient être simplement les sites où les cel-
lules inductrices de tissu lymphoïde (voir la Section 7-24) s’accumulent. En réponse
à une stimulation antigénique postnatale, celles-ci donnent naissance aux follicules
lymphoïdes isolés riches en petites cellules B (voir la Section 11-3). Il semble à pré-
sent que tous les lymphocytes intra-épithéliaux, y compris ceux de type b, requiè-
rent le thymus pour leur différenciation, bien que ceux qui expriment l’homodimère
CD8α puissent échapper à la sélection négative conventionnelle par des antigènes
du soi en raison de leur faible affinité pour les molécules du CMH du soi. Au lieu
de cela, l’expression de l’homodimère CD8α permettrait un processus dit de sélec-
tion agoniste, dans lequel des cellules T double négatives tardives / double positives
précoces seraient sélectionnées positivement dans le thymus par des ligands d’affi-
nité relativement forte, de manière assez semblable au processus qui interviendrait
dans la sélection des Treg CD4 CD25 et des cellules T NK (voir le Chapitre 7). Les pré-
curseurs des lymphocytes intra-épithéliaux quitteraient alors le thymus avant d’être
complètement différenciés et atteindraient leur maturité dans l’intestin, ce qui pour-
rait requérir une sélection positive additionnelle sur des molécules du CMH non
classique exprimé par l’épithélium. Dans certaines souches de souris, une des molé-
cules intervenant dans la sélection intestinale est l’antigène de la leucémie thymique
(TL, Thymus Leukemia), qui est une molécule du CMH de classe I non classique qui
ne présente pas de peptide antigénique. TL est exprimé par les cellules épithéliales
intestinales et se lie à l’homodimère CD8α directement et avec forte affinité.
En plus de la sélection agoniste, les lymphocytes intra-épithéliaux de type b partagent
plusieurs autres propriétés des cellules du système immunitaire inné, entre autres une
activité cytotoxique constitutive et la production de cytokines pro-inflammatoires et
de chimiokines ainsi que des récepteurs pour ces molécules. Tous les lymphocytes
intra-épithéliaux expriment en densité élevée le récepteur activateur des cellules NK,
NKG2D, une lectine de type C (voir Sections 2-31 et 2-32). Celui-ci se lie aux deux
molécules de type CMH, MIC-A et MIC-B, qui sont exprimées sur les cellules épithé-
liales intestinales en réponse à une lésion ou un stress cellulaire. Les cellules agres-
sées peuvent alors être reconnues et tuées par les lymphocytes intra-épithéliaux. Ces
lymphocytes peuvent ainsi être considérés en termes d’évolution comme se situant
à l’interface entre immunités innée et adaptative. Leur rôle dans l’intestin pourrait
être la reconnaissance rapide et l’élimination des cellules épithéliales qui présentent
un phénotype anormal à la suite d’un stress ou d’une infection (Fig. 11.17, panneaux
inférieurs). Il y a également des raisons de croire que les lymphocytes intra-épithé-
liaux sont importants pour le contrôle de la réparation subséquente de la muqueuse,
une fonction associée surtout à la sous-population γ:δ de ces cellules T, qui jouent un
rôle similaire dans les cicatrisations cutanées. Ces fonctions des lymphocytes intra-
épithéliaux peuvent aussi être impliquées dans certaines maladies. Par exemple, l’ac-
tivité cytotoxique dépendant de MIC-A de ces cellules T est amplifiée dans la maladie
cœliaque, qui s’accompagne de dommages épithéliaux et d’un nombre accru de lym-
phocytes intra-épithéliaux. Cette activation est assurée par l’IL-15, qui est libérée par
des cellules épithéliales en réponse à certains composants du gluten.

Résumé.
Les muqueuses comme celles de l’intestin et du tractus respiratoire sont exposées
continuellement à d’énormes quantités d’antigènes différents, qui peuvent être dan-
gereux lorsqu’ils proviennent de pathogènes ou inoffensifs comme le sont les ali-
ments ou les organismes commensaux. Les réponses immunitaires à cette charge
antigénique sont contrôlées par un compartiment distinct du système immuni-
taire, le système immunitaire des muqueuses, qui est le plus vaste de tout l’orga-
nisme et se distingue par de nombreuses caractériques qui lui sont propres. Parmi
celles-ci, on trouve des voies et des processus particuliers pour le prélèvement et
476 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

la présentation des antigènes, qui se font entre autres à hauteur des cellules M qui
transportent les antigènes à travers l’épithélium des plaques de Peyer. On trouve
aussi des populations inhabituelles de cellules dendritiques qui donnent aux cellu-
les T qu’elles activent un tropisme intestinal. Les lymphocytes sensibilisés dans le
tissu lymphoïde associé aux muqueuses acquièrent des récepteurs d’écotaxie spé-
cifique leur permettant de revenir préférentiellement dans les muqueuses comme
cellules effectrices. L’exposition à un antigène en dehors du système immunitaire
des muqueuses ne peut reproduire ces effets. Les tissus lymphoïdes associés aux
muqueuses génèrent aussi des réponses effectrices différentes de celles des autres
parties du corps, entre autres des formes uniques de réaction immunitaire innée.
Les réponses immunitaires adaptatives dans les muqueuses sont caractérisées par
la production d’IgA dimérique sécrétoire, et par la présence de populations distinc-
tes de cellules T effectrices dont les propriétés fonctionnelles et phénotypiques sont
fortement influencées par leur localisation anatomique.

La réponse des muqueuses à une infection


et la régulation des réponses immunitaires
dans ces tissus.
Le rôle principal de la réponse immunitaire des muqueuses est la défense contre
des agents infectieux, qui peuvent comprendre toutes les formes de micro-orga-
nismes allant des virus aux parasites multicellulaires. Ce qui signifie que l’hôte
doit être capable de générer un large spectre de réponses immunitaires adaptées
à la lutte contre ces divers pathogènes. Par ailleurs, il n’est pas surprenant que de
nombreux germes aient acquis au cours de l’évolution des moyens d’échapper aux
réactions de l’hôte. Pour être capable d’assurer des réponses adéquates aux patho-
gènes, le système immunitaire des muqueuses doit pouvoir les distinguer des anti-
gènes inoffensifs envers lesquels il ne peut réagir comme il le fait contre les germes
agressifs. Un rôle majeur de ce compartiment du système immunitaire est d’as-
surer l’équilibre entre ces exigences opposées, les mécanismes impliqués consti-
tuant le centre d’intérêt des sections qui suivent.

11-11 Les pathogènes entériques causent une réaction inflammatoire locale


et le développement d’une immunité protectrice.

Malgré les divers mécanismes de l’immunité innée intestinale et une rude compé-
tition avec la flore locale, l’intestin est le site le plus fréquemment infecté par des
pathogènes, que ce soient des virus, des bactéries entériques comme Salmonella
et Shigella, des protozoaires comme Entamoeba histolytica ou des helminthes
parasites comme les ténias et les oxyures (Fig. 11.18). Ces pathogènes causent des
maladies de diverses manières, mais certains caractères communs à ces infections
nous permettent de comprendre comment ils stimulent une réponse immunitaire
efficace. Dans l’intestin, comme d’ailleurs dans le reste du corps, une phase essen-
tielle est l’activation du système immunitaire inné.
Les mécanismes innés éliminent la plupart des infections intestinales rapidement
et sans que celles-ci ne s’étendent de manière significative au-delà de l’intestin.
L’activation locale des cellules inflammatoires par les récepteurs de motifs micro-
biens comme les récepteurs de type Toll (TLR, Toll-Like Receptors) est importante
dans ce processus, mais les cellules épithéliales intestinales elles-mêmes contri-
buent aussi significativement et ne sont pas de simples victimes passives de l’in-
fection. Les cellules épithéliales n’expriment pas de TLR ou CD14 (une partie
essentielle du complexe TLR-4 qui détecte les lipopolysaccharides bactériens) à
leur surface apicale et sont ainsi probablement incapables de détecter les bacté-
ries présentes dans la lumière intestinale. Par contre, elles sont porteuses de TLR-5
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 477

à leur surface basale, ce qui leur permet de reconnaître la flagelline (la protéine qui
compose le flagelle bactérien) sur les bactéries qui ont réussi à traverser la barrière
épithéliale. Des souris mutantes dépourvues de ce récepteur sont plus sensibles
à une infection par Salmonella. Les cellules épithéliales comportent également,
dans des vacuoles intracellulaires, des TLR qui peuvent détecter des pathogènes
et leurs produits internalisés par endocytose (Fig. 11.19).
Les cellules épithéliales ont également des senseurs intracellulaires qui peu-
vent réagir aux micro-organismes ou à leurs produits entrés dans le cytoplasme
(voir Fig.  11.19). Ces senseurs comprennent les protéines NOD1 et NOD2
(Nucleotide-binding Oligomerization Domain), qui sont apparentées aux TLR
(voir la Section  2-9). Ces protéines sont aussi appelées respectivement CARD4
et CARD15 car elles contiennent un domaine de recrutement des caspases

Fig. 11.18 Pathogènes intestinaux et


Intestinal Pathogènes intestinaux et maladie humaineand human disease maladies infectieuses chez l’homme. De
nombreuses espèces de bactéries, de virus
Bactéries et de parasites peuvent causer des maladies
intestinales humaines.

Salmonella typhi Fièvre typhoïde


Salmonella paratyphi Fièvre entérique (paratyphoïde)
Salmonella enteritidis Enpoisonnement alimentaire
Vibrio cholerae Choléra
Shigella dysenteriae, flexneri, sonnei Dysenterie
E. coli entéropathogène (EPEC) Gastro-entérite, infection systémique
E. coli entérohémolytique (EHEC) Gastro-entérite, infection systémique
E. coli entérotoxigène (ETEC) Gastro-enterite, « diarrhée des voyageurs »
E. coli entéroadhérent (EAEC) Gastro-entérite, infection systémique
Yersinia enterocolitica Gastroentérite, infection systémique
Clostridium difficile Entérocolite nécrosante
Campylobacter jejuni Gastro-entérite
Staphylococcus aureus Gastro-entérite
Bacillus cereus Gastro-entérite
Clostridium perfringens Gastro-entérite
Helicobacter pylori Gastrite, ulcère peptique, cancer gastrique
Mycobacterium tuberculosis TB intestinale
Listeria monocytogenes Infection d’origine alimentaire

Virus

Rotavirus Gastro-entérite
Virus de type Norwalk Maladie des vomissements hivernaux
Astrovirus Maladie des vomissements hivernaux
Adenovirus Maladie des vomissements hivernaux

Parasites

Protozoaires

Giardia lamblia Gastro-entérite


Blastocystis hominis Gastro-entérite (spéc. en cas d’immunodéficience)
Toxoplasma gondii Gastro-entérite, maladie systémique (spéc. en cas d’immunodéficience)
Cryptosporidium parvum Gastro-entérite (spéc. en cas d’immunodéficience)
Entamoeba histolytica Dysenterie amibienne + abcès hépatiques
Espèces de Microsporidium Maladie diarrhéique

Helminthes

Ascaris lumbricoides Infection à vers ronds de l’intestin grêle


Necator americanus Infection à ankylostomes de l’intestin grêle
Espèces de Strongyloides Infection à vers ronds de l’intestin grêle
Espèces de Enterobius Infection à oxyures du côlon
Trichinella spiralis Trichinose
Trichuris trichiura Infection à trichocéphales du côlon
Espèces de Taenia Infections à vers plats
Espèces de Schistosoma Schistosomiase : entérite, infection de la veine mésentérique
478 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Fig. 11.19 Les cellules épithéliales jouent comme CXCL8, CXCL1 (GROa), CCL1 et
Des bactéries Des bactéries ou leurs
endocytées sont un rôle critique dans la défense innée CCL2, qui attirent des neutrophiles et des
produits entrant
reconnues par des TLR contre les pathogènes. Les récepteurs macrophages ; (2) CCL20 et des β-défensines,
directement dans le
présents dans des cytosol sont reconnus de type Toll (TLR ) sont présents dans des qui en plus de leurs propriétés microbicides,
vésicules intracellulaires par NOD1 et NOD2 vésicules intracellulaires ou à la surface attirent les cellules dendritiques immatures ;
basolatérale des cellules épithéliales ; ils (3) les cytokines, IL-1 et IL-6, qui activent les
reconnaissent différents composants des macrophages et d’autres composants de la
pathogènes. Les récepteurs de reconnaissance réaction inflammatoire aiguë. Les cellules
de motifs NOD1 et NOD2 se trouvent dans épithéliales expriment aussi MIC-A et MIC-B
le cytoplasme et reconnaissent des peptides et d’autres molécules du CMH non classique
de la paroi bactérienne. Les TLR et les NOD liées au stress, qui peuvent être reconnues par
activent la voie de NFκB, ce qui déclenche la les cellules du système immunitaire inné. IκB,
production par les cellules épithéliales d’agents inhibiteur de NFκB.
TLR
pro-inflammatoires : (1) des chimiokines
NOD

(Caspase-Recruitment Domain). NOD1 reconnaît un muramyl tripeptide conte-


nant l’acide diaminopimélique qui n’est présent que dans la paroi des bacté-
IκB ries Gram-négatives ; NOD2 reconnaît un muramyl dipeptide, un constituant
NFκB des peptidoglycans de la plupart des bactéries. Les cellules épithéliales déficien-
tes en NOD2 sont moins résistantes aux infections par des bactéries intracellulai-
res. L’oligomérisation de NOD1 ou de NOD2, qui survient lors de l’interaction avec
un ligand, leur permet de lier et d’activer la protéine kinase RICK (aussi appelée
Rip2 et CARDIAK) par l’intermédiaire du domaine de recrutement des caspases de
cette protéine. Ce qui aboutit à l’activation de la voie de NFκB dans les cellules épi-
théliales avec libération de cytokines, chimiokines et défensines antimicrobiennes
(voir la Section 2-3). La voie de NFκB est décrite en détail à la Fig. 6.21. D’autres
produits des cellules épithéliales comprennent la chimiokine CXCL8 (IL‑8), qui
attire fortement les neutrophiles, et les chimiokines CCL2, CCL3, CCL4 et CCL5,
qui attirent les monocytes, les éosinophiles et les cellules T. Les cellules épithé-
liales infectées augmentent aussi leur production de CCL20, qui attire des cellu-
IL-1 CXCL8 CXCL1 IL-6
TLR-5 les dendritiques immatures par leur récepteur CCR6. De cette manière, le début
CCL1 CCL2 CCL20 défensines
d’une infection déclenche un afflux de cellules inflammatoires et de lymphocy-
tes dans la muqueuse à partir du courant sanguin, ce qui contribue à l’induction
d’une réponse immunitaire spécifique aux antigènes de l’agent infectieux.
Une lésion ou un stress des entérocytes bordant l’intestin stimule l’expression de
molécules du CMH non classique, comme MIC-A et MIC-B (voir Fig. 11.17). Ces
protéines peuvent être reconnues par le récepteur NKG2D des lymphocytes cyto-
Les TLR, NOD1 et NOD2 activent NF𝛋B,
toxiques locaux, qui sont alors amenées à tuer les cellules épithéliales infectées, ce
induisant l’expression par la cellule qui favorise la réparation et la guérison de la muqueuse endommagée.
épithéliale de cytokines inflammatoires, de
chimiokines et d’autres médiateurs. Ceux-ci à
leur tour activent les neutrophiles, 11-12 La conséquence d’une infection par des pathogènes intestinaux
macrophages et cellules dendritiques
est déterminée par des interactions complexes entre le micro-
organisme et la réponse immunitaire.

De nombreux pathogènes entériques exploitent les mécanismes de capture antigé-


nique des cellules M et l’inflammation dans leurs stratégie d’invasion. Les poliovirus,
les réovirus et certains rétrovirus traversent les cellules M par transcytose, et déclen-
chent une infection à distance de l’intestin après avoir gagné l’espace sous-épithélial.
Le VIH pourrait utiliser une voie similaire dans le tissu lymphoïde de la muqueuse
rectale, où il rencontre et infecte des cellules dendritiques. Un grand nombre de
pathogènes bactériens entériques importants parviennent aussi à entrer dans l’or-
ganisme par les cellules M. Ils comprennent Salmonella typhi, l’agent de la typhoïde,
Salmonella typhimurium, cause principale des intoxications alimentaires bactérien-
nes, Shigella, responsable de la dysenterie, et Yersinia pestis, germe de la peste. Après
leur entrée dans la cellule M, ces bactéries produisent des facteurs qui réorganisent le
cytosquelette de la cellule M d’une manière qui favorise leur transcytose.
Les cellules M ne sont pas les seules portes d’entrée dans la muqueuse. Certaines
bactéries intestinales comme Clostridium difficile ou Vibrio cholerae sécrètent des
quantités élevées de protéines toxiques, leur permettant de déclencher une maladie
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 479

Fig. 11.20 Salmonella typhimurium, un agent


Les salmonelles entrent dans Les salmonelles envahissent Les salmonelles sont captées
importante d’empoisonnement alimentaire,
les cellules M et les tuent ; elles la surface luminale des par les cellules dendritiques
infectent alors les macrophages qui sondent le contenu peut pénétrer dans l’épithélium intestinal par
cellules épithéliales trois voies. Dans la première voie (panneau
et les cellules épithéliales de la lumière intestinale
de gauche), S. typhimurium adhère aux
cellules M, y pénètre, puis les tue en induisant
Lumière intestinale
leur apoptose. Entrée dans l’épithélium, la
bactérie infecte les macrophages et les cellules
épithéliales. Les cellules épithéliales expriment
TLR-5 sur leur membrane basale ; celui-ci
lie la flagelline, qui compose le flagelle de la
salmonelle, déclenchant ainsi une réaction
inflammatoire par la voie de NFκB. Les
salmonelles peuvent aussi envahir les cellules
cellule M épithéliales directement par adhérence de
leurs fimbriae (filaments distribués sur toute la
surface de la bactérie) à la surface épithéliale
TLR-5
(panneau du milieu). Dans la troisième voie
d’entrée, des cellules dendritiques captent les
bactéries dans la lumière intestinale par les
dendrites insérés entre les cellules épithéliales
(panneau de droite ).

sans la nécessité d’envahir l’épithélium. D’autres bactéries, comme les colibacilles


entéropathogènes et entérohémolytiques, disposent de moyens spécialisés de s’at-
tacher aux cellules épithéliales et de les envahir, leur permettant de causer des
lésions intestinales et de produire des toxines dangereuses à partir de leur localisa-
tion intracellulaire. Des virus comme les rotavirus envahissent aussi les entérocytes
directement. La Fig. 11.20 montre certains des mécanismes d’entrée utilisés par des
salmonelles et la Fig. 11.21 ceux auxquels les shigelles recourent.
Une fois qu’elles ont atteint l’espace sous-épithélial, les bactéries pathogènes et
les virus sont capables de causer une infection plus diffuse de diverses manières.
Paradoxalement, une réaction inflammatoire est une aide supplémentaire, et sou-
vent essentielle, à ce processus invasif. Les bactéries qui ont traversé les cellules M
par transcytose sont libres d’interagir avec les TLR des cellules inflammatoires,
comme les macrophages, et de la surface basale des cellules épithéliales adjacen-
tes. De plus, après avoir été ingérés par des phagocytes, beaucoup de ces germes

Fig. 11.21 Shigella flexneri, un agent de la dysenterie bactérienne, qui forme alors des oligomères ; NOD1 oligomérisée se lie la protéine
infecte les cellules épithéliales intestinales et déclenchent kinase RICK, qui active la voie de NFκB, entrainant ainsi la transcription
l’activation de la voie de NFκB. Shigella flexneri se lie aux cellules M des gènes de chimiokines et de cytokines (troisième panneau). Les
et passe ensuite sous l’épithélium intestinal (premier panneau). Les cellules épithéliales activées libèrent la chimiokine CXCL8 (IL-8), qui
bactéries infectent les cellules épithéliales intestinales à partir de leur recrute les neutrophiles (quatrième panneau). IκK, IκB kinase ; IκB,
surface basale et sont libérées dans le cytoplasme (deuxième panneau). inhibiteur de NFκB.
Le lipopolysaccharide (LPS) sur les shigelles se lie à la protéine NOD1,

Les shigelles pénètrent dans Les shigelles envahissent la surface Le LPS des shigelles se lie et
basale des cellules épithéliales et se L’épithélium activé sécrète CXCL8,
l’épithélium intestinal oligomèrise NOD1, activant la voie
propagent dans d’autres cellules épithéliales qui recrute des neutrophiles
par les cellules M de NF𝛋B

cellule M NOD1 RICK

IκB
IκK

NFκB

CXCL8
480 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

induisent leur apoptose par la voie des caspases. Tout ceci stimule la production
d’une cascade de médiateurs inflammatoires de la réponse immunitaire innée,
parmi lesquels l’IL-1β et le TNF-α, qui relâchent fortement les jonctions serrées
unissant les cellules épithéliales. Ce qui lève la barrière normale prévenant l’inva-
sion bactérienne, permettant aux micro-organismes d’inonder le tissu intestinal à
partir de la lumière et d’étendre l’infection.
Malgré cette aide apparente à l’envahisseur, il convient de se rappeler que le rôle
principal des médiateurs et des cellules de la réponse immunitaire innée est de
contribuer au déclenchement de la réponse immunitaire adaptative, qui finale-
ment éliminera le germe. Ces effets protecteurs sont en grande partie liés à l’acti-
vité des cytokines IL-12 et IL-18 produites par les macrophages infectés. Ceux-ci
entraînent la production d’IFN-γ par des cellules T spécifiques d’antigène, ce qui
à son tour amplifie l’aptitude des macrophages à tuer les bactéries ingérées. Ainsi,
la réponse immunitaire innée aux bactéries entériques a, semble-t-il, des effets
opposés. Elle orchestre une série de puissants mécanismes effecteurs visant à éli-
miner l’infection, mais ceux-ci sont exploités par le germe envahisseur. Le fait que
la réponse immunitaire protectrice sorte gagnante dans la plupart des cas témoi-
gne de l’efficacité et de la souplesse du système immunitaire des muqueuses.
L’interaction entre hôte et pathogène est encore compliquée par l’aptitude de
nombreux microbes entériques de moduler la réponse inflammatoire. Par exem-
ple, Yersinia produisent les protéines Yop, qui peuvent à la fois inhiber la réaction
inflammatoire et bloquer la phagocytose ainsi que la lyse intracellulaire des micro-
bes par les phagocytes. Salmonella typhi crée son propre abri à l’intérieur des pha-
gosomes en modifiant la membrane des phagosomes et en empêchant la fonction
des mécanismes lytiques. Shigella, au contraire, réside dans le cytoplasme des cel-
lules épithéliales où elle adapte le cytosquelette d’actine, créant un équipement
moléculaire qui lui permet d’être transférée directement dans d’autres cellules sans
être exposée au système immunitaire. Tous ces micro-organismes facilitent aussi
leur dispersion en induisant l’apoptose des cellules phagocytaires, ce qui prive la
réaction inflammatoire d’une arme importante. Les molécules immunomodula-
trices produites par ces bactéries sont fréquemment essentielles pour leur apti-
tude à causer une maladie, ce qui souligne leur rôle vital dans le cycle bactérien.

11-13 Le système immunitaire des muqueuses confronté à un grand


nombre d’antigènes étrangers différents doit maintenir un équilibre
entre immunité protectrice et homéostasie.

La plupart des antigènes rencontrés par le système immunitaire intestinal normal


ne sont pas dérivés des pathogènes mais proviennent de la nourriture et des bac-
téries commensales. Celles-ci sont non seulement inoffensives mais sont en fait
très utiles à leur hôte. Des antigènes de ce type n’induisent normalement pas de
réponse immunitaire, bien qu’à l’instar de tout autre antigène étranger il n’existe
pas de tolérance centrale à leur égard puisqu’ils n’étaient pas présents dans le thy-
mus durant le développement lymphocytaire (voir Chapitre 7). Le système immu-
nitaire des muqueuses a développé des moyens sophistiqués pour distinguer
pathogènes et antigènes inoffensifs.
Contrairement à la croyance populaire, des protéines alimentaires ne sont pas digé-
rées complètement dans l’intestin ; des quantités significatives sont absorbées dans
le corps sous une forme immunologiquement active. La réponse par défaut à l’ad-
ministration orale d’un antigène protéique est le développement d’un état de non
réponse spécifique périphérique appelé tolérance orale. Celle-ci peut être démon-
trée dans des modèles animaux par administration orale d’une protéine étran-
gère comme l’ovalbumine (Fig. 11.22). Lorsque les animaux traités de la sorte sont
immunisés contre l’antigène par une autre voie non muqueuse, par une injection
sous-cutanée ou intraveineuse, la réponse immunitaire à laquelle on s’attendrait
est atténuée ou absente. Cette suppression des réponses immunitaires systémiques
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 481

Fig. 11.22 La sensibilisation immunitaire et une inflammation. Dans le cas des protéines
la tolérance orale sont des conséquences alimentaires, il n’y a pas de production locale Immunité Tolérance
différentes de l’exposition intestinale d’anticorps IgA et pas de réponse humorale protectrice orale
à un antigène. Panneau supérieur : le primaire systémique et les cellules T effectrices
système immunitaire intestinal génère une ne sont pas activées. Comme le montrent les Protéines alimentaires,
Bactéries invasives,
Antigène bactéries
immunité protectrice contre des antigènes panneaux inférieurs, la tolérance orale peut virus, toxines
commensales
qui constituent une menace, comme des être induite par administration orale d’une
organismes pathogènes et leurs produits. protéine comme l’ovalbumine à une souris IgA intestinale Quelques Ac IgA
Production locaux Ac sériques
Les anticorps IgA sont produits localement, normale. Tout d’abord, les souris reçoivent Ac spécifiques présents
d’Ig absents ou en faible
des IgG et IgA sériques sont produites et les l’ovalbumine par voie orale ou une protéine dans le sérum
quantité
cellules T effectrices appropriées sont activées différente servant de contrôle. Sept jours
dans l’intestin et ailleurs. Lorsque l’antigène plus tard, les souris sous immunisées contre Cellules T effectrices Pas de réponse
est rencontré à nouveau, des cellules mémoire l’ovalbumine par injection sous-cutanée en Réponse
et mémoire locales par des cellules T
des cellules T
efficaces assurent rapidement une protection. présence d’un adjuvant ; 2 semaines plus et systémiques effectrices locales
Des antigènes inoffensifs comme des protéines tard, on mesure les réponses immunitaires
alimentaires ou des antigènes de bactéries systémiques comme les anticorps sériques et Réponse lors
Réponse
d’une nouvelle Réponse faible
commensales induisent un phénomène appelé la fonction des cellules T. Les souris qui ont amplifiée
exposition ou nulle
tolérance orale. Ils ne déclenchent pas les reçu l’ovalbumine par voie orale développent (mémoire)
à l’antigène
signaux de danger nécessaires à l’activation une réponse immunitaire systémique spécifique
des cellules présentatrices d’antigènes locales, de l’ovalbumine plus faible que celle des souris
Les souris reçoivent de l’ovalbumine
ou n’envahissent pas suffisamment pour causer qui ont reçu la protéine contrôle. ou une protéine contrôle

est de longue durée et est spécifique de l’antigène, les réponses à d’autres antigènes
n’étant pas affectées. Une suppression similaire des réponses immunitaires subsé-
quentes est observée après l’administration de protéines inertes dans le tractus res-
piratoire, ce qui a donné naissance au concept de tolérance des muqueuses, qui
serait la réponse habituelle à de tels antigènes administrés sur une muqueuse.
Au jour 7, on injecte aux souris l’ovalbumine
Tous les types de réponse immunitaire périphérique sont sensibles à la tolérance avec un adjuvant pour stimuler efficacement
la réponse immunitaire
orale. Toutefois, les réponses effectrices dépendant des cellules T et la production
d’IgE tendent à être plus inhibées que les réponses à anticorps sériques IgG. Ainsi,
les réponses immunitaires systémiques les plus sensibles à la tolérance orale sont
celles qui sont habituellement associées à une inflammation tissulaire. Les répon-
ses immunitaires dans les muqueuses sont aussi atténuées, ce qui signifie que le
phénomène s’étend à la fois aux tissus locaux et périphériques. Une rupture de la
tolérance orale surviendrait dans la maladie cœliaque. Chez les individus généti- Souris traitées
quement prédisposés et souffrant de cette affection, des cellules T CD4 productrices
d’IFN-γ et dirigées contre la protéine du gluten de blé déclenchent une inflamma- Ovalbumine Contrôle
tion destructrice de la partie haute de l’intestin grêle (voir la Section 13-15).
Réponse – +++
Les mécanismes de la tolérance orale aux antigènes protéiques ne sont que partiel- à l’ovalbumine
lement connus, mais ils consistent probablement en anergie ou délétion des cellu-
les T spécifiques d’antigène et en génération de divers types de cellules T régulatrices,
que l’on trouve dans les plaques de Peyer et les ganglions lymphatiques mésentéri-
ques. Elles peuvent revenir dans la lamina propria, mais aussi influencer les réponses
ailleurs dans l’organisme. Nous avons vu au Chapitre 8 que les cellules T régulatrices
peuvent agir de diverses façons, mais les cellules T régulatrices CD4 productrices de
TGF-β (Transforming Growth Factor-β) paraissent jouer un rôle déterminant dans la
tolérance orale. On les appelle parfois cellules TH3 (voir la Section 8-20). Le TGF-β
exerce non seulement des activités immunosuppressives, mais stimule aussi la pro-
duction d’IgA par des cellules B. Ensemble, ces propriétés pourraient contribuer à pré-
venir une immunité active contre les protéines alimentaires en favorisant la tolérance
des cellules T effectrices spécifiques de ces antigènes et la production d’anticorps IgA
non inflammatoires. L’IL-10 produite par des cellules T régulatrices serait aussi impli-
quée dans la tolérance orale ; elle joue un rôle important dans une tolérance équiva-
lente qui survient envers certains antigènes introduits par voie respiratoire.
En plus de son rôle physiologique dans la prévention des réponses immunitaires
inappropriées aux antigènes alimentaires, la tolérance des muqueuse s’est révé-
lée utile comme moyen de prévenir des maladies inflammatoires dans des modè-
les animaux. On a constaté que l’administration orale ou intranasale d’antigènes
appropriés était efficace dans la prévention, et même le traitement, du diabète
de type 1, de l’arthrite expérimentale, de l’encéphalomyélite et d’autres maladies
auto-immunes chez les animaux. Jusqu’à présent, des essais cliniques basés sur
482 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

la tolérance muqueuse pour traiter des maladies équivalentes chez l’homme ont
rencontré moins de succès, mais cela reste un moyen séduisant d’induire une tolé-
rance spécifique en clinique.
Les bactéries commensales ne déclenchent pas non plus de réponse immunitaire
primaire systémique, mais il n’y a pas de tolérance active envers ces antigènes dans
Maladie cœliaque
le système lymphoïde systémique ; ils semblent plutôt être ignorés. Cependant, ils
stimulent la production locale d’anticorps IgA dans l’intestin et il y a une suppres-
sion active des réponses des cellules T effectrices locales. Lorsque des cellules T
effectrices se mettent à réagir contre des protéines alimentaires ou des bactéries
commensales, des affections comme la maladie cœliaque et la maladie de Crohn
(voir les Sections 13-15 et 13-21) peuvent se développer.

11-14 L’intestin normal contient de grandes quantités de bactéries


mais ne s’immunise pas contre elles.

Chacun de nous abrite dans son intestin plus de 1000 espèces de bactéries com-
mensales, présentes surtout dans le côlon et la partie basse de l’iléon. Bien que leur
ensemble pèse environ 1 kg, la plupart du temps nous vivons avec notre flore bacté-
rienne intestinale une relation symbiotique pacifique. Elle représente, néanmoins,
une menace potentielle, comme on le constate lorsque l’épithélium intestinal
endommagé permet à un grand nombre de bactéries commensales d’entrer dans
la muqueuse. Un tel accident survient lorsque la circulation sanguine de l’intestin
est compromise à la suite d’un traumatisme, d’une infection, d’une maladie vascu-
laire ou d’un choc toxique (voir Fig. 9.23). Dans ces circonstances, des bactéries nor-
malement inoffensives comme des colibacilles non pathogènes peuvent traverser la
muqueuse, envahir the courant sanguin et causer une infection systémique fatale.
La flore intestinale normale contribue de manière essentielle à notre santé ; elle par-
ticipe au métabolisme de composants alimentaires comme la cellulose, dégrade des
toxines et produit des cofacteurs indispensables comme la vitamine K1 et des acides
gras à chaîne courte. Par un effet direct sur les cellules épithéliales, les bactéries com-
mensales entretiennent le fonctionnement normal de la barrière épithéliale. Elles se
révèlent également très utiles en empêchant les bactéries pathogènes de coloniser
et d’envahir l’intestin. Elles y parviennent en partie par compétition pour l’espace et
les nutriments, mais elles peuvent aussi inhiber directement les voies de signalisa-
tion pro-inflammatoire que les pathogènes stimulent dans les cellules épithéliales et
qui sont nécessaires à l’invasion. Le rôle protecteur de la flore commensale est bien
illustré par les effets nocifs des antibiotiques à large spectre. Ces antibiotiques peu-
vent tuer un grand nombre de bactéries commensales intestinales, créant ainsi une
niche écologique pour des bactéries qui ne seraient pas capables autrement d’en-
trer en compétition avec succès avec la flore normale. Un exemple de bactérie qui
prolifère dans l’intestin soumis à un antibiotique et qui peut causer une infection
grave est Clostridium difficile ; elle produit deux toxines, qui peuvent causer de gra-
ves diarrhées hémorragiques associées à des lésions de la muqueuse (Fig. 11.23).
L’interaction des bactéries commensales avec des TLR est aussi importante dans
la protection contre l’inflammation intestinale. En effet, les souris dépourvues de
TLR-2, de TLR-9 ou de la protéine adaptatrice MyD88 impliquée dans la signalisa-
tion par les TLR sont beaucoup plus sensibles à l’induction de maladies inflamma-
toires intestinales. Cet effet protecteur des TLR paraît être dû à une résistance accrue
des cellules épithéliales aux dommages induits par l’inflammation.
Les bactéries commensales et leurs produits sont reconnus par le système immu-
nitaire adaptatif, comme le montre bien l’étude des animaux axéniques ou gno-
tobiotiques. Les axéniques sont dépourvus de toute flore intestinale, alors que les
gnotobiotiques sont des axéniques volontairement contaminés par un ou plusieurs
micro-organismes connus. Ces animaux montrent une réduction nette de la taille
de tous les organes lymphoïdes périphériques, des taux bas d’immunoglobulines
sériques et une diminution des réactions immunitaires de tout type. Les sécrétions
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 483

Des neutrophiles et des Fig. 11.23 Infection par Clostridium difficile.


Le côlon est colonisé Clostridium difficile profite Un traitement aux antibiotiques cause la
Des antibiotiques globules rouges passent
par un grand du site laissé vide and dans l’intestin entre
tuent de nombreuses mort massive des bactéries commensales
nombre de bactéries produit des toxines qui les cellules épithéliales
bactéries commensales qui colonisent normalement le côlon, ce qui
commensales endommagent la muqueuse endommagées permet aux bactéries pathogènes de proliférer
et d’occuper une niche écologique réservée
Lumière intestinale
C. difficile normalement aux bactéries commensales.
Clostridium difficile est une exemple de
pathogène producteur de toxines qui peuvent
causer une diarrhée hémorragique grave chez
des patients sous antibiothérapie.

intestinales des animaux normaux contiennent des quantités élevées d’IgA sécré-
toire dirigée contre les bactéries commensales. De plus, les individus normaux ont
des cellules T qui peuvent reconnaître des bactéries commensales, bien que ces
antigènes, à l’instar des protéines alimentaires, ne génèrent habituellement pas
de cellules T effectrices. Des bactéries commensales pourraient induire un état de
non réponse immunitaire systémique similaire à la tolérance orale envers les anti-
gènes protéiques, mais cela reste à prouver. Au contraire des pathogènes, les bac-
téries commensales ne disposent pas des facteurs de virulence nécessaires à leur
pénétration dans l’épithélium et ne peuvent se disséminer dans tout l’organisme.
Dès lors, le système immunitaire systémique semble ignorer leur présence, malgré
le fait qu’elles soient clairement reconnaissables par des lymphocytes du GALT.
Cette compartimentalisation semble exister du fait que le seul moyen d’entrer dans
le corps pour les bactéries commensales intestinales est d’être captées par les cel-
lules M des plaques de Peyer et d’être transférées ensuite dans les cellules dendriti-
ques locales, dont la migration s’arrête aux ganglions lymphatiques mésentériques.
Des cellules dendritiques chargées de bactéries commensales peuvent activer direc-
tement des cellules B naïves ; celles-ci se mettent à exprimer l’IgA et à migrer dans
la lamina propria comme plasmocytes sécréteurs d’IgA. En présence de bactéries
commensales, les cellules épithéliales et mésenchymateuses intestinales produi-
sent de manière constitutive des facteurs, comme le TGF-β, la TSLP (Thymic Stromal
LymphoPoietin) et la prostaglandine E2 (PGE2), qui tendent à maintenir les cellules
dendritiques locales dans un état quiescent avec des taux bas de molécules costi-
mulatrices. Lorsque de telles cellules présentent des antigènes aux cellules T CD4
naïves dans les ganglions lymphatiques mésentériques, des cellules T naïves se dif-
férencient en cellules T régulatrices (Treg) ou anti-inflammatoires, plutôt qu’en cel-
lules TH1 et TH2 effectrices induites par un pathogène (Fig. 11.24). Dès lors, les effets
combinés de la présence de bactéries commensales sont, d’une part, la production
locale d’anticorps IgA, qui empêchent l’adhérence à l’épithélium et l’entrée des bac-
téries commensales, et d’autre part l’inhibition des cellules T effectrices pro-inflam-
matoires. Ainsi, la capture localisée de bactéries commensales par des cellules
dendritiques du GALT aboutit à des réponses qui sont anatomiquement comparti-
mentalisées et qui évitent l’activation de cellules effectrices inflammatoires.
En plus des processus qui régulent activement les réponses immunitaires loca-
les aux bactéries commensales de manière spécifique de l’antigène, des facteurs
non spécifiques contribuent aussi à maintenir les relations symbiotiques locales
484 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Fig. 11.24 Les cellules dendritiques des


En présence de bactéries commensales, la Des micro-organismes invasifs pénètrent
muqueuses régulent l’induction de la
production de PGE2, TGF-𝛃 et TSLP inhibe la dans l’épithélium et activent des cellules
tolérance et de l’immunité dans l’intestin. maturation des cellules dendritiques dendritiques
Dans des conditions normale (panneaux
de gauche), des cellules dendritiques sont
présentes sous l’épithélium et peuvent Muqueuse Muqueuse
acquérir des antigènes alimentaires ou
des micro-organismes commensaux. Elles
transfèrent ces antigènes dans le ganglion
lymphatique mésentérique de drainage,
où elles les présentent aux cellules T CD4
naïves. Il y a, cependant, une production
constitutive par les cellules épithéliales et les
cellules mésenchymateuses de molécules
comme le TGF-β, la TSLP (Thymic Stromal
LymphoPoietin) et la prostaglandine E2 (PGE2)
qui maintiennent les cellules dendritiques
locales dans un état quiescent avec une
densité faible de molécules costimulatrices.
En conséquence, lorsqu’elles présentent
l’antigène à des cellules T CD4 naïves, des cellule dendritique
cellules T régulatrices ou anti-inflammatoires des muqueuses
TSLP
sont induites. Celles-ci retournent alors dans
la paroi intestinale et maintiennent la tolérance
aux antigènes inoffensifs. Une invasion cellule dendritique
par des pathogènes ou un afflux massif de TGF-β des muqueuses
PGE2
bactéries commensales (panneaux de droite)
débordent ces mécanismes homéostatiques,
ce qui aboutit à une activation complète des
cellules dendritiques locales qui expriment des Ganglion lymphatique mésentérique Ganglion lymphatique mésentérique
molécules costimulatrices et des cytokines pro-
inflammatoires comme l’IL-12. La présentation
de l’antigène aux cellules T CD4 naïves dans
le ganglion lymphatique mésentérique par ces
cellules dendritiques cause la différenciation
en cellules effectrices TH1 et TH2, aboutissant à
B7/CD28
une réponse immunitaire complète.

IL-10 IL-12 CD40


CD40L
récepteur
de l’IL-12

Des cellules dendritiques immatures émettent des Les cellules dendritiques activées expriment des
signaux costimulateurs faibles et induisent la ligands costimulateurs puissants et induisent la
différenciation des cellules T CD4 en cellules différenciation des cellules T CD4 en cellules
régulatrices TH3 ou Treg effectrices TH1 et TH2

(voir Fig. 11.15). L’incapacité des bactéries commensales de pénétrer dans un épi-


thélium intact ainsi que l’absence de TLR et de CD14 à la surface luminale des
cellules épithéliales signifie que ces bactéries, au contraire des pathogènes, ne
peuvent induire l’inflammation qui relâche les liens entre cellules épithéliales.
Des bactéries commensales inhibent aussi les réponses pro-inflammatoires
dépendant de la voie de signalisation de NFκB activée dans les cellules épithélia-
les par des bactéries pathogènes. Elles y parviennent soit en empêchant la dégra-
dation de la protéine inhibitrice IκB, qui maintient NFκB sous forme inactive dans
un complexe cytoplasmique, ou en favorisant la sortie de NFκB du noyau par l’in-
termédiaire du PPARγ (Peroxisome Proliferator Activated Receptor-γ) (Fig. 11.25).
Si des bactéries commensales traversent l’épithélium en petit nombre, leur man-
que de facteurs de virulence signifie qu’elles ne peuvent pas résister, au contraire des
pathogènes, à la capture et à la lyse par les cellules phagocytaires et sont donc rapide-
ment détruites. En conséquence, elles peuvent rester associées à la surface muqueuse
sans l’envahir ni provoquer d’inflammation ni de réponse immunitaire adaptative
conséquente. En parallèle, l’absence de tolérance du système immunitaire systémi-
que envers ces bactéries signifie qu’une immunité protectrice pourra être générée
contre elles, si elles réussissaient à franchir une barrière intestinale endommagée.
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 485

Certaines bactéries commensales Certaines bactéries commensales


La reconnaissance du pathogène par IKK phosphoryle I𝛋B, le destinant à la bloquent la transcription génique par peuvent bloquer la dégradation de I𝛋B
des TLR déclenche une cascade de dégradation. NF𝛋B gagne le noyau activation de PPAR𝛄, qui écarte NF𝛋B phosphorylé, évitant ainsi la
signaux qui active IKK pour activer la transcription génique du noyau translocation de NF𝛋B dans le noyau

TLR-5

IKK

IκB PPARγ
IκB dégradée

NFκB

11-15 Des réponses immunitaires complètes contre des bactéries Fig. 11.25 Des bactéries commensales
peuvent prévenir les réactions
commensales causent une maladie intestinale. inflammatoires dans l’intestin. Le facteur
de transcription pro-inflammatoire NFκB
Actuellement, il est généralement admis que des cellules T potentiellement agressi- est activé dans les cellules épithéliales par
l’interaction de TLR avec des pathogènes
ves dirigées contre des bactéries commensales sont toujours présentes chez les ani- (deux premiers panneaux). On a trouvé que
maux normaux, mais sont habituellement gardées sous contrôle par une régulation des bactéries commensales inhibaient cette
active. Si ces mécanismes régulateurs échouent, des réactions immunitaires incon- voie et empêchaient ainsi l’inflammation.
trôlées à la flore commensale déclenchent une maladie intestinale inflammatoire Elles y parviennent, d’une part, en activant
comme la maladie de Crohn (voir la Section 13-21). Ce qui est illustré par des modè- le récepteur nucléaire PPARγ, ce qui exporte
NFκB du noyau (troisième panneau) et, d’autre
les animaux dont les mécanismes immunorégulateurs impliquant l’IL-10 et le TGF-β part, en bloquant la dégradation de l’inhibiteur
sont déficients, ou lors d’une rupture de la barrière épithéliale ayant permis l’entrée IκB, ce qui retient NFκB dans le cytoplasme
de nombreuses bactéries commensales. Dans ces conditions, des réponses immuni- (quatrième panneau).
taires systémiques sont générées contre des antigènes, par exemple la flagelline, des
bactéries commensales. De fortes réactions inflammatoires des cellules T sont aussi
déclenchées dans la muqueuse, entraînant des lésions intestinales graves. Ce sont
typiquement des réponses TH1, qui impliquent la production d’IFN-γ et de TNF-α et
qui sont induites par l’IL-12 ou l’IL-23 (voir Fig. 11.24, panneaux de droite). Dans tous
ces cas, les affections sont entièrement dépendantes de la présence de bactéries com-
mensales, puisqu’elles ne surviennent pas chez les animaux axéniques ou traités par
antibiotiques. On ignore si toutes les espèces commensales peuvent provoquer l’in-
flammation ou si seules certaines espèces en sont capables.
Environ 30 % des patients atteints de maladie de Crohn sont porteurs d’une muta-
tion non fonctionnelle du gène NOD2, ce qui indique le rôle probable d’une réponse
anormale aux bactéries commensales dans la maladie.

11-16 Des helminthes intestinaux provoquent de fortes réponses


immunitaires de type TH2.

Les intestins de pratiquement tous les animaux et humains, sauf ceux qui vivent
dans les pays développés, sont colonisés par un grand nombre d’helminthes para-
sites (Fig. 11.26). Bien que beaucoup de ceux-ci puissent être rapidement éliminés
par des réactions immunitaires efficaces, ils peuvent causer des maladies chro-
niques débilitantes chez les humains et les animaux. Dans ces circonstances, le
parasite persiste pour de longues périodes et résiste apparemment aux efforts
de l’hôte cherchant à l’expulser. Quant à la maladie, elle résulte de la compéti-
tion pour les nutriments ou des lésions causées aux cellules épithéliales ou aux
486 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Fig. 11.26 Infection intestinale par des


helminthes. Panneau a : le trichocéphale Le trichocéphale Trichuris trichiura s’enfouit dans
L’infection à trichocéphale stimule la
l’épithélium du côlon, laissant sa partie postérieure
Trichuris trichiura est un parasite helminthique production intestinale de mucus
libre dans la lumière
qui vit en partie enfoui dans l’épithélium. Cette
micrographie électronique à balayage du
côlon d’une souris montre la tête du parasite
enfoncée dans une cellule épithéliale, sa
partie postérieure étant libre dans la lumière.
Panneau b : une coupe des cryptes du côlon
d’une souris infectée par T. trichiura montre une
production massive de mucus par les cellules
caliciformes épithéliales intestinales. Le mucus
apparaît comme des gouttelettes dans des
vésicules des cellules caliciformes et se colore
en bleu foncé par le réactif à l’acide periodique
de Schiff. Grossissement × 400.

a b

vaisseaux sanguins. De plus, la réponse immunitaire elle-même contre ces parasi-


tes peut produire de nombreux dégâts tissulaires.
La nature exacte de l’interaction hôte–pathogène au cours des infections par les
helminthes dépend beaucoup du type de parasite impliqué. Certains restent dans
la lumière, tandis que d’autres envahissent et colonisent les cellules épithéliales ;
d’autres ne se limitent pas à l’intestin, leur cycle vital se déroulant en partie dans
d’autres tissus comme le foie, les poumons ou les muscles ; certains occupent uni-
quement l’intestin grêle alors que d’autres parasitent le côlon. Dans pratiquement
tous les cas, la réponse immunitaire protectrice dominante est générée par des
cellules TH2, tandis qu’une réponse TH1 n’élimine pas le pathogène et tend à pro-
duire une réaction inflammatoire qui endommage la muqueuse (Fig. 11.27). Une
réponse TH2 est polarisée par des produits du parasite agissant sur les cellules den-
dritiques présentant les antigènes de l’helminthe. Ceci peut entraîner directement
des réponses TH2 (par des mécanismes inconnus) et / ou empêcher la production
d’IL-12 et la génération de cellules  TH1. Bien que le rôle exact de chaque com-
posant de la réponse varie selon le parasite, la sécrétion des cytokines IL-3, IL-4,
IL-5, IL-9 et IL-13 par les cellules TH2 aboutit à la production de taux élevés d’an-
ticorps IgE avec recrutement de mastocytes et d’éosinophiles dans la paroi intes-
tinale. L’IL-4 et IL-13 stimulent la commutation des cellules B vers la production
d’IgE ; l’IL-13 exerce aussi un effet direct sur les cellules caliciformes, qui produi-
sent alors davantage de mucus ; elle augmente la contractilité des cellules mus-
culaires lisses intestinales ainsi que la migration et le taux de renouvellement des
cellules épithéliales. L’IL-5 recrute et active les éosinophiles, qui peuvent avoir des
effets toxiques directs sur les pathogènes en libérant des molécules cytotoxiques
comme la MBP (Major Basic Protein). Les éosinophiles portent des récepteurs de
Fc pour les IgG et peuvent exercer une cytotoxicité cellulaire dépendant des anti-
corps (ADCC, Antibody-Dependent Cell-mediated Cytotoxicity) contre des parasi-
tes couverts d’IgG (voir Fig. 9.33).
L’IL-3 et l’IL-9 recrutent et activent une population spécialisée de mastocytes, appe-
lés mastocytes des muqueuses, qui sont armés par l’IgE produite par les cellules B
ayant commuté de classe (voir la Section  9-24). Ces mastocytes diffèrent de leurs
homologues présents dans d’autres tissus en n’ayant qu’un petit nombre de récep-
teurs d’IgE et en ne produisant que très peu d’histamine. Lorsque antigène est capté
par l’IgE liée aux récepteurs, les mastocytes des muqueuses produisent de grandes
quantités d’autres médiateurs inflammatoires, comme des prostaglandines, des leu-
cotriènes et plusieurs protéases, entre autres MMCP-1 (Mucosal Mast Cell Protease).
Celle-ci peut remodeler la muqueuse intestinale en digérant la membrane basale
entre l’épithélium et la lamina propria et peut aussi exercer des effets directs sur les
parasites. Ensemble, les médiateurs dérivés des mastocytes augmentent la perméabi-
lité vasculaire, recrutent des leucocytes, amplifient la motilité intestinale et stimulent
la production de mucus par les cellules caliciformes ; tout cela contribue à créer un
microenvironnement hostile au parasite. Les mastocytes produisent aussi de grandes
quantités de TNF-α, qui peuvent aider à tuer les parasites et les cellules épithéliales
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 487

infectées. Le TNF-α est, cependant, aussi une cause importante d’inflammation et Fig. 11.27 Réponses protectrices et
des lésions intestinales qui surviennent lors de telles infections. pathologiques aux helminthes intestinaux.
La plupart des helminthes intestinaux
Un composant additionnel important de la réaction aux vers parasites est un taux de peuvent induire des réponses immunitaires
protectrices et pathologiques par des
renouvellement accéléré des cellules épithéliales (voir Fig. 11.27, premier panneau).
cellules T  CD4. Les réponses TH2 tendent à
Ce processus contribue à l’élimination des parasites qui sont attachés à l’épithélium créer un environnement hostile au parasite
et réduit la surface disponible pour la colonisation. Il survient en partie car les cellules (voir the texte pour les détails), aboutissant à
épithéliales des cryptes perçoivent la perte des cellules endommagées dans la couche une expulsion et à une immunité protectrice.
de surface et se divisent plus rapidement dans un effort de réparation des lésions. Un Cependant, si la cellule présentatrice
d’antigène produit de l’IL-12 au contact des
renouvellement accru des cellules épithéliales est aussi un effet direct et spécifique antigènes du pathogène, la réponse des
de l’IL-13 produite par les cellules T, les cellules NK et les cellules T NK en présence cellules T CD4 est polarisée de manière
de l’infection. Bien que cela rende la vie difficile pour le parasite, ce renouvellement prédominante vers des cellules effectrices TH1,
épithélial accéléré compromet aussi la fonction intestinale car les cellules épithélia- qui n’éliminent pas le pathogène. Les stimulus
les nouvellement produites sont immatures et ont des activités absorbantes et diges- qui induisent la production d’IL-12 dans ces
circonstances sont encore inconnues. Si la
tives déficientes. La réaction immunitaire dans les infestations intestinales par des réponse TH1 n’est pas équilibrée par une
helminthes doit ménager des intérêts contradictoires. En effet, les processus les plus réponse protectrice TH2, la réponse TH1 conduit
efficaces de la réaction immunitaire protectrice sont probablement aussi les plus sus- à une infection persistante et à une pathologie
ceptibles de produire des effets délétères dans l’environnement local. chronique intestinale. Il est probable que
les deux réponses soient présentes dans la
plupart des situations et qu’il existe un spectre
continu entre les deux.
Des cellules T CD4 naïves
sont activées durant une
infection helminthique et
peuvent se différencier en
cellulesTH1 ouTH2 effectrices

Fonctions effectrices des cellules TH2 Fonctions effectrices des cellules TH1

Des cellules TH2 produisent Des cellules TH2 recrutent Des cellules TH1
de l’IL-13 qui induit la L’IL-5 produite par des Des cellules TH2 les mastocytes par l’IL-3 Des cellules TH1
stimulent la production
réparation de l’épithélium cellules TH2 recrute et stimulent la production et l’IL-9. L’IgE spécifique activent
d’IgG2a par
et la sécrétion de mucus active des éosinophiles d’IgE par des cellules B arme les mastocytes des macrophages
contre les helminthes des cellules B

renouvelle-
IL-13 ment

↑ IL-5 IL-4 IL-9 IL-3 IFNγ

mucus

cellule IgE IgG2a


caliciforme

Le renouvellement et le Des éosinophiles L’IgE arme des Des mastocytes produisent Des produits des Anticorps fixant le
mouvement accélérés produisent la MBP qui mastocytes et peut des médiateurs comme macrophages activés complément
favorisent la desquamation tue des parasites ; ils intervenir par ADCC l’histamine, le TNF-α et causent des dommages
des cellules épithéliales sont également capables la MMCP, ce qui aboutit et un remodelage
parasitées. Le mucus prévient d’ADCC guidée par des au recrutement de tissulaires
l’adhérence et facilite Ig spécifiques cellules inflammatoires et
l’élimination du parasite du parasite remodèle la muqueuse

EFFETS PROTECTEURS DOMMAGES TISSULAIRES


488 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

Certains helminthes intestinaux sont des agents d’infection chronique qui se sont
adaptés tard au cours de l’évolution  ; ils ont acquis des moyens sophistiqués pour
résister aux réactions immunitaires pendant de longues périodes. Ils modulent la réac-
tion immunitaire de plusieurs façons, entre autres par la production de médiateurs
qui atténuent la réponse inflammatoire innée et par l’expression de récepteurs leurres
détournant les cytokines inflammatoires et les chimiokines. De plus, plusieurs molé-
cules sécrétées par des helminthes modifient la différenciation des cellules T, favori-
sant souvent la génération des cellules T régulatrices productrices d’IL-10 au dépens
des cellules effectrices. La conséquence est une régulation à la baisse de la produc-
tion d’IL-12 par les cellules dendritiques à la suite d’interférences dans la signalisation
venant des TLR ou de la stimulation de la production de cytokines inhibitrices comme
l’IL-10 et le TGF-β. L’effet global de ces processus est de contrebalancer la production
et le potentiel inflammatoire de cytokines comme l’IFN-γ et le TNF-α. Les cellules T
régulatrices tenteront de moduler à la fois les réponses TH1 et TH2, produisant un état
d’infection persistante en absence de dommage grave pour l’hôte.
Ces processus immunologiques opposés opèrent simultanément dans de nom-
breuses infestations parasitaires, assez bien comme nous l’avons vu dans les réac-
tions aux bactéries commensales mais de manière plus intense. La conséquence
peut être un aspect fortement enflammé de l’intestin, mais celui-ci continue à
exercer des fonctions physiologiques malgré une charge importante en parasites
multicellulaires vivants.

11-17 D’autres parasites eucaryotes suscitent une immunité protectrice


mais aussi des affections intestinales.

Le système immunitaire intestinal doit lutter contre divers parasites eucaryotes uni-
cellulaires, surtout des protozoaires comme Giardia lamblia, Cryptosporidium par-
vum et Toxoplasma gondii. Giardia lamblia est un micro-organisme répandu non
invasif qui se transmet par de l’eau contaminée et qui est une cause importante
d’inflammation intestinale. Une immunité protectrice contre G. lamblia est liée à
la production locale d’anticorps et à l’infiltration de la muqueuse par des cellules T
effectrices, y compris des lymphocytes intra-épithéliaux, mais cette immunité peut
se révéler inefficace avec en conséquence le développement d’une maladie chroni-
que. Cryptosporidium parvum et T. gondii sont des agents opportunistes qui infec-
tent le plus souvent des gens souffrant d’immunodéficience comme le SIDA. Ce
sont des pathogènes intracellulaires dont l’élimination requiert à la fois des cellu-
les CD4 TH1 et des cellules T CD8. Une infection chronique entraîne une pathologie
sérieuse due à une production excessive d’IFN-γ par des cellules T et de TNF-α par
des macrophages.

11-18 Des cellules dendritiques dans les muqueuses favorisent l’induction


de tolérance dans les conditions physiologiques et entretiennent
une inflammation dite physiologique.

Nous avons vu dans les sections précédentes comment le système immunitaire dans
l’intestin normal et d’autres muqueuses est orienté de manière à éviter de réagir à la
plupart des antigènes rencontrés. Mais les antigènes sont tout de même reconnus,
et des réponses immunitaires protectrices puissantes doivent être, et sont générées,
contre des pathogènes lorsque c’est nécessaire. Comment ces besoins apparemment
contradictoires peuvent-ils être rencontrés sans compromettre la santé de l’hôte ? La
réponse serait fournie par les interactions entre les cellules dendritiques locales et des
facteurs du microenvironnement des muqueuses (voir Fig. 11.24). Des cellules den-
dritiques sont continuellement en train de surveiller la surface de la muqueuse ; elles
prélèvent des antigènes et les transfèrent dans les zones de cellules T du GALT. Ce
passage des cellules dendritiques dans et hors de la muqueuse est constitutif, et ne
dépend pas de la présence de pathogènes ou d’autres stimulus inflammatoires.
Des expériences récentes montrent que des cellules dendritiques dans les plaques
de Peyer et la lamina propria produisent de l’IL-10 plutôt que des cytokines pro-
La réponse des muqueuses à une infection et la régulation des réponses immunitaires dans ces tissus 489

inflammatoires comme l’IL-12, et dans des conditions normales, la conséquence


habituelle de la présentation des antigènes aux cellules T par ces cellules dendriti-
ques est l’induction de tolérance et / ou de réponse locale à IgA. Comme nous l’avons
vu, ce comportement quiescent des cellules dendritiques n’est pas simplement une
réponse par défaut à un manque de signaux pro-inflammatoires mais semble être
activement maintenu par des facteurs de l’environnement local, entre autres la libéra-
tion de TSLP et de TGF-β par les cellules épithéliales, ainsi que de médiateurs comme
le PGE2 par les cellules stromales. En conséquence, les cellules dendritiques qui ont
capté un antigène de la lumière intestinale peuvent encore migrer dans le ganglion
lymphatique mésentérique de drainage mais, lorsqu’elles y parviennent, elles sont
dépourvues des molécules costimulatrices nécessaires à l’activation des cellules  T
naïves (voir Fig. 11.24). Les cellules dendritiques intestinales de cette sorte peuvent
produire des médiateurs, comme l’IL-10, qui favorisent directement le développe-
ment des cellules T régulatrices. De plus, elles gardent l’aptitude d’induire des molé-
cules d’écotaxie intestinale sur les cellules T, assurant ainsi que toute conséquence
fonctionnelle sera restreinte à la muqueuse.
Heureusement pour la santé, cet microenvironnement inhibiteur prédominant peut
être modifié par la présence de pathogènes invasifs ou d’adjuvants, permettant aux
cellules dendritiques d’être complètement activées et d’induire une immunité si
cela s’avérait nécessaire (voir Fig.  11.24). La capacité des cellules dendritiques des
muqueuses de changer leur comportement rapidement et avec une grande sensi-
bilité reflète probablement le fait que, même en absence d’infection manifeste, les
composants tant inflammatoires que régulateurs de la réponse immunitaire opèrent
probablement de manière simultanée dans la muqueuse. L’expression inflammation
physiologique est utilisée pour décrire l’apparence de l’intestin normal, qui contient
un grand nombre de lymphocytes et d’autres cellules associées à une inflamma-
tion chronique mais généralement absentes des autres organes non atteints par une
maladie. Cette « inflammation » est due surtout à la présence de bactéries commen-
sales et, dans une moindre mesure, aux antigènes alimentaires ; elle est essentielle
au fonctionnement normal de l’intestin et du système immunitaire des muqueuses.
Il est probable qu’elle permet aussi que les cellules dendritiques restent en perma-
nence en état d’alerte, prêtes à répondre de manière appropriée à tout changement
dans l’environnement local.
Tout en protégeant contre les infections, ces interactions régulatrices pourraient
avoir influencé plus largement l’évolution de l’intestin et du système immunitaire,
en étant un des facteurs à la base de l’hypothèse de l’hygiène (voir la Section 13-4).
Selon cette idée, le système immunitaire humain a évolué en étant confronté à une
infestation continue par des helminthes intestinaux, dont les produits immuno-
modulateurs ont contribué à conditionner la polarisation des réponses aux autres
antigènes étrangers. Avec la propreté croissante de l’environnement humain, notre
système immunitaire n’est plus exposé à cette influence durant la période critique du
début de la vie, ce qui permet aux réactions d’hypersensibilité de toutes sortes de se
développer sans contrôle contre des autoantigènes et des substances inoffensives de
l’environnement.

Résumé.

Le système immunitaire des muqueuses doit distinguer les antigènes potentielle-


ment pathogènes de ceux qui sont inoffensifs, en développant de puissantes répon-
ses effectrices contre les pathogènes tout en restant sans réaction envers les aliments
et la flore commensale. Des micro-organismes pathogènes comme les bactéries
entériques recourent à diverses stratégies d’invasion, souvent en exploitant les sys-
tèmes de capture antigénique et les mécanismes inflammatoires ainsi que diffé-
rent éléments qui modulent la réponse immunitaire. La forte réaction immunitaire
qu’ils provoquent aboutit normalement à l’élimination de l’infection. Au contraire,
les protéines alimentaires induisent une forme active de tolérance immunologique,
qui peut dépendre de cellules T régulatrices productrices d’IL-10 et / ou de TGF-β. La
reconnaissance immunitaire des bactéries commensales est tout à fait restreinte au
système immunitaire des muqueuses, car elles sont présentées aux cellules T par des
490 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

cellules dendritiques qui migrent de la paroi intestinale pour gagner le ganglion lym-
phatique mésentérique de drainage. Ceci assure l’ignorance systémique mais aussi
une tolérance active des muqueuses et la production locale d’anticorps IgA qui limi-
tent la colonisation par les micro-organismes. Puisque les bactéries commensales
exercent de nombreux effets bénéfiques pour l’hôte, ces processus immunorégula-
teurs sont importants en permettant aux bactéries de coexister pacifiquement avec
le système immunitaire.
Les helminthes intestinaux constituent une autre source d’antigènes intestinaux et
sont des causes fréquentes d’infection chronique, en partie parce qu’ils produisent
divers facteurs qui peuvent tempérer les réactions immunitaires. La réponse pro-
tectrice dominante contre les helminthes dépend des TH2, avec participation des
mastocytes et des éosinophiles et la production de TNF-α. Une telle réponse peut
endommager l’intestin ; aussi, le système immunitaire doit maintenir un équilibre
entre immunité protectrice et immunopathologie. L’absence de facteurs immuno-
modulateurs provenant des helminthes pourrait contribuer à augmenter l’incidence
de maladies allergiques et inflammatoires dans les pays développés.
Le facteur principal décidant du développement d’une immunité protectrice ou
d’une tolérance immunitaire dans la muqueuse intestinale est l’état d’activation des
cellules dendritiques locales. L’état par défaut consiste en cellules dendritiques quies-
centes qui n’expriment que partiellement leurs molécules costimulatrices, mais peu-
vent présenter un antigène aux cellules T ; elles orientent ainsi les cellules T vers une
différenciation en cellules T régulatrices à tropisme intestinal. Néanmoins, les cel-
lules dendritiques peuvent encore répondre complètement à des organismes et aux
signaux inflammatoires lorsque cela devient nécessaire et permettre alors aux cellu-
les T de devenir effectrices. Lorsque les processus normaux de régulation sont pertur-
bés, une maladie inflammatoire peut survenir. Une conséquence de cette opposition
entre les différents types de réponses immunitaires est l’aspect d’inflammation phy-
siologique que prend l’intestin normal et qui contribue au maintien de son bon fonc-
tionnement et de celui du système immunitaire.

Résumé du Chapitre 11.

Le système immunitaire des muqueuses est une structure vaste et complexe dont
notre santé dépend, non seulement parce qu’elle protège des organes vitaux mais
aussi parce qu’elle contribue à la régulation de tout le système immunitaire et joue
ainsi un rôle préventif. Les organes lymphoïdes périphériques, sur lesquels la plupart
des immunologistes concentrent leur attention, pourraient être une spécialisation
récente d’un système qui a évolué dans les muqueuses. Celles-ci sont très vulnérables
aux infections et sont pourvues d’un réseau complexe de mécanismes immunitai-
res innés et adaptatifs. Le système immunitaire adaptatif du tissu lymphoïde asso-
cié aux muqueuses diffère du reste du système lymphoïde périphérique sur plusieurs
points : la juxtaposition de la muqueuse et du tissu lymphoïde ; un tissu lymphoïde
diffus ainsi que des organes lymphoïdes plus organisés ; des mécanismes spéciali-
sés de capture des antigènes ; une prédominance des lymphocytes activés / mémoire
même en absence d’infection ; la production d’IgA sécrétoire polymérique comme
isotype d’anticorps prédominant ; la régulation à la baisse des réponses immunitai-
res à des antigènes inoffensifs comme les antigènes alimentaires et les micro-organis-
mes commensaux. Aucune réponse immunitaire systémique ne peut être détectée
normalement contre ces antigènes. Au contraire, des micro-organismes pathogènes
induisent de fortes réponses protectrices. Le facteur déterminant dans la décision
entre tolérance et développement de puissantes réponses immunitaires adaptati-
ves est le contexte dans lequel l’antigène est présenté aux lymphocytes T dans le sys-
tème immunitaire des muqueuses. En absence d’inflammation, la présentation d’un
antigène aux cellules T par des cellules présentatrices d’antigène survient en absence
de costimulation, ce qui tend à induire la différenciation de cellules T régulatrices.
Par contre, des micro-organismes pathogènes traversant la muqueuse induisent une
réaction inflammatoire qui stimule la maturation des cellules présentatrices d’an-
tigène et leur expression de molécules costimulatrices, ce qui favorise une réponse
protectrice assurée par les cellules T.
Références 491

Questions.

11.1 Décrivez les processus qui permettent à une cellule T CD4 spécifique d’être
sensibilisée à un antigène dans l’intestin et discutez comment les cellules T
effectrices résultantes peuvent retourner dans la muqueuse intestinale.

11.2 Décrivez comment les anticorps IgA accèdent à la lumière intestinale et comment
ces anticorps peuvent contribuer à la protection contre les infections.

11.3 Quelles sont les populations de lymphocytes T que líon trouve dans la muqueuse
intestinale et quels rôles jouent-ils dans les défenses immunitaires ?

11.4 Comparez, en soulignant les différences, les réponses immunitaires intestinales aux
bactéries commensales et aux bactéries pathogènes, en indiquant les conséquences
immunologiques de ces différents effets.

11.5 Nous sommes exposés à de grandes quantités díantigènes étrangers provenant de


la nourriture que nous ingérons. (a) Pourquoi ne développons-nous pas de réactions
immunitaires efficaces contre ces antigènes alimentaires ? (b) Comment le système
immunitaire distingue-t-il les antigènes alimentaires des antigènes potentiellement
nocifs ?

11.6 Décrivez comment différents mécanismes de la réaction immunitaire peuvent aboutir


soit à une immunité protectrice ou à des dommages tissulaires durant une infection
par un ver intestinal.

Hooper, L.V., and Gordon, J.I.: Commensal host-bacterial relationships in


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492 Chapitre 11 : Le système immunitaire des muqueuses

11-3 Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est localisé 11-5 Le système immunitaire des muqueuses contient
dans des compartiments anatomiques intestinaux de nombreux lymphocytes effecteurs même
bien définis. en absence de maladie.

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le systÈme immunitaire
PARTIE V chez l'individu sain
et malade

Chapitre 12 Les échecs des mécanismes de protection.

Évasion et subversion des défenses immunitaires.

Les immunodéficiences.

Le syndrome d’immunodéficience acquise.

Chapitre 13  Allergie et hypersensibilité.

Sensibilisation et production de l’IgE.

Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques.

Les hypersensibilités.

Chapitre 14  Auto-immunité et transplantation.

Le développement et la rupture de la tolérance au soi.

Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes.

Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité.

Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon.

Chapitre 15  Manipulation de la réponse immunitaire.

La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables.

Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs.

Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection.


497

Les échecs des mécanismes


de protection 12

Lors du déroulement normal d’une infection, les agents en cause induisent une
réaction immunitaire innée responsable des symptômes. Les antigènes étrangers
de l’agent infectieux, avec l’aide de signaux provenant de la réponse immunitaire
innée, induisent une réponse immunitaire adaptative qui élimine l’infection et
induit un état de protection immunitaire. Cependant, cette série d’évènements ne
se produit pas toujours. Dans ce chapitre, nous allons étudier trois circonstances
au cours desquelles la défense de l’hôte contre les infections est prise en défaut :
le pathogène lui-même évite ou perturbe la réponse immunitaire  ; des défauts
génétiques altèrent les mécanismes de défense ; dans le syndrome d’immunodéfi-
cience acquise (SIDA), une susceptibilité généralisée aux infections se développe
suite à l’incapacité de l’hôte de contrôler et d’éliminer le virus de l’immunodéfi-
cience humaine (VIH).
La propagation du pathogène dépend de sa capacité de se répliquer dans l’orga-
nisme et de s’étendre à d’autres individus. Les pathogènes communs doivent donc
se développer sans activer trop vigoureusement la réponse immunitaire et inver-
sement ne doivent pas tuer leur victime trop rapidement. Les pathogènes les plus
efficaces se maintiennent soit parce qu’ils n’induisent pas de réponse immunitaire
soit parce qu’ils parviennent à y échapper. Pendant les millions d’années d’évolu-
tion parallèle avec leurs hôtes, les pathogènes ont développé différentes stratégies
pour éviter la destruction par le système immunitaire, stratégies qui seront exami-
nées dans la première partie de ce chapitre.
Dans la seconde partie de ce chapitre, nous nous tournerons vers les immuno-
déficiences, aux cours desquelles les défenses de l’hôte sont inefficaces. Dans la
majorité de ces maladies, un gène déficient est responsable de l’absence de un ou
plusieurs éléments du système immunitaire, conduisant à une sensibilité accrue
à l’infection par une classe particulière de pathogène. On connaît des immuno-
déficiences liées à des défauts dans le développement des lymphocytes T et des
lymphocytes B, dans la fonction des phagocytes et dans la cascade du complé-
ment. Enfin, nous verrons comment l’infection chronique des cellules du système
immunitaire par le virus de l’immunodéficience humaine, VIH, conduit au syn-
drome d’immunodéficience acquise, SIDA. L’analyse de toutes ces maladies a
contribué de manière importante à la compréhension des mécanismes de défense
de l’hôte et, à long terme, pourra aider au développement de nouvelles méthodes
de contrôle et de prévention des maladies infectieuses, dont le SIDA.
498 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Évasion et subversion des défenses immunitaires.


De la même manière que les vertébrés ont développé de nombreux mécanismes
de défense contre les pathogènes, ceux-ci ont élaboré des stratégies pour éviter
ces défenses, par exemple résister à la phagocytose, éviter la reconnaissance par
le système immunitaire adaptatif et même supprimer activement des réponses
immunitaires. Nous commençons par examiner comment certains pathogènes
parviennent à garder une avance sur la réponse immunitaire adaptative.

12-1 Des variations antigéniques permettent aux pathogènes d’échapper


au système immunitaire.

Une des stratégies utilisées par les agents infectieux pour échapper à la surveillance
immunitaire consiste à modifier leurs antigènes. Ce mécanisme est particulière-
ment important pour les pathogènes extracellulaires, contre lesquels le système de
défense principal est la production d’anticorps contre leurs structures de surface
(voir Chapitre 9). La variation antigénique peut se produire de trois manières dif-
férentes. Tout d’abord, de nombreux agents infectieux existent sous différents types
antigéniques. Par exemple, il existe 84 types connus de Streptococcus pneumoniae,
une cause importante de pneumonie bactérienne. Chaque type diffère des autres
par la structure de leur capsule polysaccharidique. Les différents types sont iden-
tifiés par des tests sérologiques, d’où leur nom de sérotypes. L’infection avec un
sérotype peut induire une immunité spécifique de ce type. Cette réponse protège
contre une réinfection par ce type mais pas contre une infection par un autre séro-
type. Pour le système immunitaire adaptatif, chaque sérotype de S. pneumoniae
représente donc un organisme différent. En conclusion, le même pathogène peut
donc induire la maladie plusieurs fois chez le même individu (Fig. 12.1).
Le second mécanisme, beaucoup plus dynamique, de variation antigénique
est typique du virus de la grippe. À tout moment, un type particulier de virus est

Fig. 12.1 La défense contre Streptococcus


pneumoniae est spécifique du sérotype. Streptococcus pneumoniae
Les différentes souches de S. pneumoniae
possèdent des capsules polysaccharidiques
qui diffèrent sur le plan antigénique. La capsule
empêche la phagocytose des bactéries
avant qu’elles n’aient été opsonisées par des
anticorps spécifiques et par le complément,
ce qui permet alors leur destruction par les
phagocytes. Les anticorps dirigés contre un Il existe de nombreux types de S. pneumoniae qui diffèrent
type de S. pneumoniae ne réagissent pas avec par les polysaccharides de leur capsule
les autres types. Un individu immun contre
un type n’est donc pas protégé contre une Une infection ultérieure
infection ultérieure par un autre type. Il doit Individu infecté par un type différent
générer une nouvelle réponse immunitaire La réponse Une nouvelle réponse
par un type de de S. pneumoniae n’est pas élimine l’infection
S. pneumoniae guérit l’infection
chaque fois qu’il est infecté par un type affectée par la réponse
différent de S. pneumoniae. au premier type
Évasion et subversion des défenses immunitaires 499

responsable de la majorité des infections à travers le monde. La population humaine


va progressivement développer une immunité protectrice contre ce type de virus,
principalement grâce à des anticorps neutralisants dirigés contre la protéine de sur-
face principale du virus de la grippe, l’hémagglutinine. Le virus étant éliminé rapi-
dement, sa survie dépend de l’existence d’un large pool d’individus non protégés
parmi lesquels il peut se répandre rapidement. Le virus aurait donc été en danger
d’être chassé de ses hôtes potentiels s’il n’avait pas évolué de manière à développer
deux stratégies différentes pour changer son type antigénique (Fig. 12.2).
La première de ces stratégies, la dérive antigénique, est due à des mutations
ponctuelles dans le gène codant l’hémagglutinine et de la seconde protéine de
surface, la neuraminidase. Tous les deux ou trois ans, un nouveau variant se déve-
loppe avec des mutations qui lui permettent d’échapper à la neutralisation par les
anticorps présents dans la population. D’autres mutations affectent les épitopes
reconnus par les cellules T et, en particulier, les cellules T CD8 cytotoxiques, de
telle manière que les cellules infectées par le virus mutant échappent à la destruc-
tion. Les individus qui ont été auparavant infectés par l’ancien variant du virus
et ont développé une réponse immunitaire contre lui sont sensibles au nouveau
variant. Ce nouveau variant induit une épidémie relativement modérée car il reste
encore dans la population un certain degré de protection immunitaire due à une
réaction croisée avec les anticorps et les cellules  T produits contre le précédent
variant du virus (voir Fig. 10.27). Une épidémie résultant d’une dérive antigénique
est habituellement relativement bénigne.
L’autre type de changement antigénique du virus influenza est appelé substitu-
tion antigénique ; il est dû à des modifications importantes de l’hémagglutinine
virale. La substitution antigénique cause de graves pandémies globales entraî-
nant une mortalité considérable, car la nouvelle hémagglutinine est n’est recon-
nue que faiblement ou pas du tout par les anticorps et les cellules T dirigées contre

Fig. 12.2 Deux types de variations


Dérive antigénique Substitution antigénique permettent une infection répétée par le
virus de la grippe de type A. Les anticorps
Des anticorps neutralisants dirigés contre Une substitution antigénique survient lorsque neutralisants qui assurent une immunité
l’hémagglutinine bloquent la liaison des segments d’ARN sont échangés entre des protectrice sont dirigés contre l’hémagglutinine
aux cellules souches virales dans un hôte secondaire de surface du virus (H), qui est impliquée
dans la fixation du virus et sa pénétration
dans les cellules. La dérive antigénique
(panneaux de gauche) est liée à des
mutations ponctuelles qui modifient les sites
antigéniques de l’hémagglutinine auxquels
se fixent les anticorps protecteurs. À la suite
de ce processus, le nouveau virus peut se
H H développer chez un hôte qui a été immunisé
contre une autre souche de virus. Cependant,
les cellules T et certains anticorps peuvent
encore reconnaître les épitopes qui n’ont
pas été altérés ; les nouveaux variants ne
causent donc qu’une maladie bénigne chez
les individus déjà infectés. Le changement
antigénique (panneaux de droite) est un
événement rare impliquant la recombinaison
Des mutations modifient des épitopes de Pas d’immunité croisée protectrice contre les de l’ARN segmenté des génomes de deux
l’hémagglutinine de telle manière que les virus exprimant une nouvelle hémagglutinine virus influenza différents, probablement
anticorps neutralisants ne peuvent plus se lier chez un oiseau ou un porc. Ce changement
antigénique correspond à d’importantes
modifications de l’hémagglutinine. On
comprend donc que les cellules T et les
anticorps produits à la suite des infections
précédentes aient perdu toute efficacité. Les
souches ainsi modifiées causent des infections
sévères qui se propagent rapidement, causant
des pandémies de grippe qui surviennent
tous les 10 à 50 ans. Chaque génome viral
comprend huit molécules d’ARN mais,
par simplification, trois seulement sont
représentés.
500 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

le variant précédent. La substitution antigénique est due à un réassortiment, chez


un animal, du génome segmenté du virus influenza humain et de virus influenza
d’animaux ; chez l’animal incriminé, le gène de l’hémagglutinine du virus animal
remplace le gène de l’hémagglutinine du virus humain.
Le troisième mécanisme de variation antigénique met en jeu des réarrangements
programmés de l’ADN du pathogène. L’exemple le plus marquant de ce mécanisme
est celui des trypanosomes africains, où des modifications des principaux antigè-
nes de surface se produisent plusieurs fois chez le même sujet infecté. Les trypa-
nosomes sont des protozoaires transmis par des insectes. Ils se répliquent dans les
espaces extracellulaires des tissus de l’organisme et induisent la trypanosomiase ou
maladie du sommeil. Le trypanosome est recouvert d’un seul type de glycoprotéine,
appelée VSG (Variant-Specific Glycoprotein), qui induit une puissante réponse à
anticorps qui élimine rapidement la plupart des parasites. Le génome du trypano-
some possède environ 1000 gènes VSG, chacun codant une protéine avec des pro-
priétés antigéniques distinctes. Un gène VSG est exprimé en étant placé dans un
site d’expression active du génome parasitaire. Un seul gène VSG est exprimé à la
fois, et il peut être changé suite à un réarrangement génique qui place un nouveau
gène VSG dans le site d’expression (Fig. 12.3). Ainsi, en utilisant un réarrangement
génique pour remplacer la protéine VSG produite, les trypanosomes ont toujours
un pas d’avance sur le système immunitaire capable de produire de nombreux anti-
corps différents par réarrangement génique. Les quelques trypanosomes porteurs
des glycoprotéines de surface ainsi modifiées peuvent donc échapper aux anticorps
Il existe plusieurs gènes VSG inactifs mais un
seul site d’expression produits par le sujet infecté. Ces variants se multiplient et la maladie se développe à
nouveau (voir Fig. 12.3, panneau inférieur). Des anticorps sont alors produits contre
Site la nouvelle protéine VSG et le cycle complet se répète. Ces cycles chroniques d’éli-
a b c f d’expression
mination des antigènes aboutissent à des lésions par dépôts de complexes immuns,
× 1000
à de l’inflammation et finalement à des lésions neurologiques entraînant un coma,
VSGa d’où le nom de maladie du sommeil. Ces cycles d’invasion rendent ces infections
très difficiles à combattre par le système immunitaire, et constituent un problème
Les gènes inactifs sont copiés dans le sanitaire majeur an Afrique. Le paludisme est une autre maladie grave induite par
site d’expression par conversion génique
un protozoaire parasite qui modifie ses antigènes pour échapper à une élimination
par le système immunitaire.
Les variations antigéniques peuvent aussi se produire chez les bactéries : les réar-
× 1000
VSG c rangements de l’ADN permettent d’expliquer le succès de deux bactéries pathogè-
nes importantes : Salmonella typhimurium, une cause importante d’intoxication
alimentaire et Neisseria gonorrhoeae, qui cause la gonorrhée, une importante
De nombreux cycles de conversion génique
peuvent survenir, permettant au trypanosome maladie sexuellement transmissible et un problème de santé publique de plus en
de remplacer le gène VSG qu’il exprime plus sérieux aux États-Unis. S. typhimurium alterne deux versions de sa protéine
de surface, la flagelline. L’inversion d’un segment d’ADN qui contient le promoteur
d’un des gènes de la flagelline suspend l’expression de ce gène et permet l’expres-
sion d’un second gène de la flagelline, qui code une protéine antigéniquement
× 1000
VSGf distincte. N. gonorrhoeae possède plusieurs antigènes variables, le plus important
étant la piline, qui est responsable de l’adhérence de la bactérie à une muqueuse.
Comme les VSG du trypanosome africain, il y a plus d’un variant génique de piline
Évolution clinique de la trypanosomiase dont un seul est actif à un temps donné. De temps en temps, un gène de piline

anti-VSGa anti-VSGc anti-VSGf


Fig. 12.3 La variation antigénique génique. Un gène inactif, qui n’est pas situé
Nombre de parasites

chez les trypanosomes leur permet dans le télomère, est copié et transporté dans
Taux d’anticorps

type a type c type f d’échapper à la surveillance immunitaire. le site d’expression télomérique où il devient
VSGa VSGc VSG
f
La surface du trypanosome est recouverte actif. La première fois qu’un individu est infecté,
de la glycoprotéine  VSG (Variant Specific des anticorps sont produits contre la VSG
Glycoprotein). Chaque trypanosome possède exprimée par la population de trypanosomes.
environ 1000 gènes codant différentes Un petit nombre de trypanosomes échange
VSG, mais seul le gène situé dans un site spontanément leur gène VSG contre un
d’expression particulier situé dans le télomère nouveau gène. Pendant que les anticorps
à un bout du chromosome est actif. Plusieurs éliminent le variant précédent, le nouveau
Temps (semaines) mécanismes génétiques de changement variant n’est pas affecté et peut se développer
Infection du gène VSG ont été observés, mais le et relancer la séquence des événements.
mécanisme le plus courant est la conversion
Évasion et subversion des défenses immunitaires 501

remplace le gène actif sous le contrôle du promoteur de la piline. Tous ces méca-
nismes de variation antigénique aident le pathogène à échapper à une réponse
immunitaire par ailleurs spécifique et efficace.

12-2 Certains virus persistent in vivo en cessant de se répliquer


jusqu’à ce que l’immunité décline.

Généralement, les virus trahissent leur présence car, après avoir pénétré dans la
cellule, ils lui font synthétiser des protéines virales dont des fragments seront pré-
sentés en association aux molécules du CMH à la surface de la cellule infectée, où
ils seront reconnus par les lymphocytes T. Pour se répliquer, un virus doit produire
des protéines, si bien que les virus qui se répliquent rapidement et provoquent une
maladie aiguë sont facilement détectés par les cellules T qui peuvent alors contrô-
ler l’infection. Cependant, certains virus entrent dans un état de latence, au cours
duquel le virus ne se réplique pas. Dans cet état, le virus ne cause pas de maladie,
mais du fait de l’absence de peptides viraux, le virus ne peut pas être détecté ni éli-
miné. Des infections latentes de ce type peuvent être réactivées, provoquant ainsi
une maladie récurrente.
Infection primaire
Un exemple est le virus herpès simplex (HSV), responsable des boutons de fièvre,
qui infecte les épithéliums et se propage dans les neurones sensoriels qui innervent
le site infecté. Une réponse immunitaire efficace contrôle l’infection épithéliale,
mais le virus persiste en état de latence dans les neurones sensoriels. Les facteurs
comme la lumière du soleil, une infection bactérienne ou des changements hor- ganglion
trigéminal
monaux peuvent réactiver le virus, qui migre alors le long de l’axone du neurone
sensoriel et infecte à nouveau le tissu épithélial (Fig. 12.4). À cet endroit, la réponse
immunitaire est activée et contrôle l’infection locale en tuant les cellules épithélia-
les, ce qui provoque une nouvelle plaie. Ce cycle peut se répéter plusieurs fois.
Les neurones sensoriels restent infectés pour deux raisons. Tout d’abord, le virus

Récurrence de l’infection
est quiescent dans le nerf si bien que, peu de protéines virales sont produites et
donc peu de peptides viraux sont présentés par le CMH de classe I. De plus, les
neurones n’expriment que peu de molécules du CMH de classe I, rendant très dif-
ficile la tâche des cellules T CD8 chargées de la reconnaissance et de la destruc-
Phase de latence
tion des neurones infectés. Cette faible expression du CMH de classe I peut être
bénéfique, car elle réduit le risque que les neurones, qui se régénèrent lentement
voire pas du tout, ne soient attaqués par les cellules T cytotoxiques. Cependant,
cela rend les neurones très vulnérables aux infections persistantes. Les virus her-
pès entrent souvent en latence : l’herpès zoster (varicelle, zona), cause la varicelle,
mais il reste latent dans un ou plusieurs ganglions de racine dorsale après la fin de
la maladie aiguë et peut être réactivé à la suite d’un stress ou d’une immunosup-
pression. Il migre alors le long du nerf et réinfecte la peau et déclenche le zona, qui
consiste en la réapparition des éruptions classiques de la varicelle dans la partie
de la peau innervée par la racine dorsale infectée. La réactivation du virus herpès
simplex est fréquente, alors que le virus herpès zoster n’est généralement réactivé
qu’une fois au cours de la vie d’un individu immunocompétent.
Le virus d’Epstein-Barr (EBV), encore un virus herpès, entre en phase de latence
dans les cellules B après l’infection primaire, qui souvent n’est pas diagnostiquée.
Chez une minorité d’individus, la première infection aiguë des cellules B est plus Fig. 12.4 Persistance et réactivation de
l’infection par le virus herpès simplex. La
sérieuse, et induit une maladie appelée mononucléose infectieuse (ou fièvre glan-
première infection de la peau est éliminée
dulaire). L’EBV infecte les cellules B en se fixant sur CR2 (CD21), un élément du par une réponse immunitaire efficace, mais
corécepteur de la cellule B, ainsi qu’aux molécules du CMH de classe II. L’infection une infection résiduelle persiste dans les
primaire induit la prolifération de la majorité des cellules infectées qui produisent neurones sensoriels comme ceux des ganglions
trigéminaux dont les axones innervent les lèvres.
des virus, qui à leur tour font proliférer des cellules  T spécifiques de l’antigène, Lorsque le virus est réactivé, généralement par
menant ainsi à un excès de leucocytes mononucléaires dans le sang, d’où le nom un stress environnemental et / ou par altération
de la maladie. Les virus sont libérés des cellules B, qu’ils tuent au cours du proces- du statut immunitaire, la peau innervée par le
sus, et se retrouvent dans la salive. L’infection est finalement contrôlée par des cel- nerf est réinfectée par le virus et un nouveau
bouton de fièvre apparaît. Ce processus peut se
lules T CD8 cytotoxiques spécifiques du virus, qui tuent les cellules B infectées en répéter de nombreuses fois.
502 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

prolifération. Cependant, une partie des cellules  B restent infectées de manière


latente, et l’EBV se maintient à l’état quiescent dans ces cellules.
Ces deux formes d’infection sont accompagnées par des profils d’expression tout
à fait différents des gènes viraux. L’EBV a un grand génome ADN codant plus de
70 protéines. Beaucoup de celles-ci sont requises pour la réplication virale et sont
Mononucléose infectieuse exprimées par le virus en voie de réplication, fournissant ainsi des peptides viraux
par lesquels les cellules infectées peuvent être reconnues. Au cours d’une infection
latente, au contraire, le virus survit dans les cellules B sans se répliquer et un assor-
timent très restreint de protéines virales est exprimé. L’une de celles-ci est EBNA-1
(Epstein–Barr Nuclear Antigen 1), qui est nécessaire à la stabilité du génome viral.
EBNA-1 interagit avec le protéasome (voir Section 5-3) pour empêcher sa propre
dégradation en peptides qui activeraient une réponse des cellules T.
En prélevant les cellules B d’un individu qui, apparemment, s’est débarrassé de l’EBV
et en les mettant en culture, on peut isoler les cellules B infectées par le virus latent.
En absence de cellules T, les cellules B infectées qui ont conservé le génome de l’EBV
se transforment en lignées de cellules  B à croissance continue. In vivo, les cellu-
les B infectées se transforment occasionnellement en cellules malignes, induisant le
développement de lymphomes B appelés lymphomes de Burkitt (voir Section 7-30).
Dans ce lymphome, l’expression des transporteurs de peptides, TAP-1 et TAP-2 est
diminuée (voir Section 5-6) ; les cellules sont ainsi incapables d’apprêter les anti-
gènes endogènes en vue de leur présentation par les molécules de HLA de classe I
(le CMH de classe I humain). Cette déficience explique pourquoi certaines tumeurs
échappent à l’attaque par les cellules T CD8 cytotoxiques. Les patients atteints de
déficience des cellules T ont un risque accru de développer un lymphome associé à
l’EBV probablement à cause de ce défaut dans la surveillance immunitaire.

12-3 Certains pathogènes résistent à la destruction par les mécanismes


immunitaires ou exploitent ceux-ci à leur avantage.

Certains pathogènes induisent une réponse immunitaire normale, mais ont déve-
loppé des mécanismes particuliers pour résister à son action. Par exemple, cer-
taines bactéries qui sont captées par les macrophages ont développé des moyens
pour empêcher leur destruction par ces phagocytes et utilisent ceux-ci comme
hôtes primaires. Par exemple, Mycobacterium tuberculosis est capté par les macro-
phages, mais inhibe la fusion du phagosome avec le lysosome, se protégeant ainsi
des effets bactéricides du contenu des lysosomes.
D’autres micro-organismes, comme Listeria monocytogenes, s’échappent du pha-
gosome dans le cytoplasme du macrophage, où ils se multiplient. Les bactéries se
propagent alors aux cellules adjacentes sans quitter la cellule pour l’environne-
ment extracellulaire. Elles y parviennent en détournant une protéine du cytosque-
lette, l’actine, qui s’assemble en filaments à l’arrière de la bactérie et la propulse
dans des projections vacuolaires dans le cytoplasme de cellules adjacentes. Les
vacuoles sont alors lysées par les Listeria, libérant des bactéries directement dans
le cytoplasme de la cellule adjacente. De cette manière, les bactéries évitent d’être
attaquées par les anticorps, mais les cellules infectées restent des cibles pour les
cellules T cytotoxiques. Le protozoaire parasite, Toxoplasma gondii, peut lui fabri-
quer ses propres vésicules qui l’isolent du reste de la cellule, car elles ne peuvent
fusionner avec aucune vésicule cellulaire. Ce mécanisme permettrait à T. gon-
dii d’empêcher que des peptides provenant de ses protéines ne s’associent à des
molécules du CMH.
Treponema pallidum, un spirochète bactérien agent de la syphilis, peut échapper
aux anticorps et s’établir dans les tissus de manière persistante et très dommagea-
ble. On pense qu’il évite d’être reconnu par les anticorps en se couvrant de protéines
de l’hôte jusqu’à ce qu’il envahisse des tissus comme le système nerveux central,
où il est moins accessible aux anticorps. Un autre spirochète, Borrelia burgdorferi,
Évasion et subversion des défenses immunitaires 503

Fig. 12.5 Mécanismes de subversion du


Stratégie virale Mécanisme spécifique Résultat Exemples de virus système immunitaire par les virus des
familles herpès et pox.
Bloque les fonctions
Récepteur de Fc codé Herpès simplex
effectrices des anticorps
par le virus Cytomégalovirus
liés aux cellules infectées

Bloque les voies


Inhibition de l’immunité Récepteur du complément
effectrices Herpès simplex
humorale codé par le virus
du complément

Inhibe l’activation Protéine de contrôle


du complément par du complément codée Vaccine
la cellule infectée par le virus

Homologue de récepteur Sensibilise les cellules


de chimiokine codé par le infectées aux effets de la
Cytomégalovirus
virus, par ex. le récepteur chimiokine β, avantage
de la chimiokine β inconnu pour le virus

Récepteur soluble de
cytokines codé par le virus, Bloque l’effet
par ex. homologue des cytokines Vaccine
du récepteur de l’IL-I, du en inhibant leur Virus de la myxomatose
récepteur du TNF ou interaction avec les du lapin
Inhibition récepteurs de l’hôte
de la réponse du récepteur de l’IFN-γ
inflammatoire
Inhibition virale
Bloque l’adhérence
de l’expression des
des lymphocytes Virus d’Epstein-Barr
molécules d’adhérence
aux cellules infectées
par ex. LFA-3 et ICAM-1

Évite l’activation Inhibe les réponses


de NFκB par de petites inflammatoires induites
Vaccine
séquences qui imitent par l’IL-1 ou par les
les TLR bactéries pathogènes

Empêche la reconnaissance
Inhibition de l’expression Herpès simplex
des cellules infectées par
Blocage du CMH de classe I Cytomégalovirus
les cellules T cytotoxiques
de l’apprêtement
et de la présentation Bloque l’association
antigénique Inhibe le transport
du peptide Herpès simplex
du peptide par TAP
au CMH de classe I

Inhibe les lymphocytes TH1.


Immunosuppression Homologue de l’IL-I0
Réduit la production Virus d’Epstein-Barr
de l’hôte codé par le virus
d’IFN-γ

transmis par les tiques, est la cause de la maladie de Lyme, conséquence d’une
infection chronique par cette bactérie. Certaines souches de B. burgdorferi évitent
la lyse par le complément en se couvrant du facteur H, une protéine qui inhibe ce
système de défense (voir Section 2-17) et qui se lie à des récepteurs protéiques de
la membrane externe de la bactérie.
Enfin, de nombreux virus débordent diverses parties du système immunitaire.
Leurs mécanismes comprennent la capture de gènes cellulaires codant des cyto-
kines ou des récepteurs de cytokines, la synthèse de molécules régulatrices du
complément, l’inhibition de la synthèse ou de l’assemblage du CMH de classe  I
(comme dans les infections à EBV) ou la production de protéines leurres qui
imitent les domaines TIR, qui font partie de la voie de signalisation des récep-
teurs  TLR / IL-1 (voir Fig. 6.34). Le cytomégalovirus humain produit une protéine
appelée UL18, qui est homologue à une molécule HLA de classe I. Par l’interaction
d’UL18 avec la protéine LIR-1, un récepteur inhibiteur des cellules NK, on pense
que le virus déclenche un signal inhibiteur de la réponse immunitaire innée (voir
la Section 2-31).
La subversion des réponses immunitaires est un des domaines en expansion la
plus rapide dans l’étude des relations hôte-pathogènes. La Fig. 12.5 présente des
exemples de stratégies utilisées par les virus de la famille herpès et pox.
504 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

12-4 Une immunosuppression ou une réponse immunitaire inappropriée


peuvent contribuer à la persistance de la maladie.

De nombreux pathogènes suppriment les réponses immunitaires en général. Par


exemple, les staphylocoques produisent des toxines, qui comme les entérotoxi-
Syndrome de choc toxique nes staphylococciques ou la toxine-1 du syndrome de choc toxique, peuvent
agir comme superantigènes. Ces protéines s’attachent aux récepteurs de l’antigène
d’un grand nombre de cellules T (voir la Section 5-15) et stimulent leur production
de cytokines responsables d’une grave maladie inflammatoire, le choc toxique.
Les cellules T stimulées prolifèrent puis entrent rapidement en apoptose, ce qui
aboutit à une immunosuppression généralisée associée à la délétion de certaines
familles de cellules T périphériques.
Bacillus anthracis, cause de la maladie du charbon, supprime aussi les répon-
ses immunitaires par la libération d’une toxine. Cette maladie est contractée par
inhalation, par contact ou par ingestion des endospores de B. anthracis et s’avère
souvent fatale si les endospores se disséminent dans tout le corps. B. anthracis
produit une toxine dite létale, qui est un complexe de deux protéines, le facteur
létal et l’antigène protecteur. Le rôle principal de l’antigène protecteur est d’entraî-
ner le facteur létal dans le cytosol. Le facteur létal est une métalloprotéase dotée
d’une spécificité unique pour les kinases de la MAP kinase, composants de nom-
breuses voies de signalisation intracellulaire ; il induit l’apoptose des macrophages
infectés et une maturation anormale des cellules dendritiques. Ce qui perturbe les
voies immunitaires effectrices qui auraient pu retarder la croissance bactérienne.
De nombreux autres pathogènes causent une immunosuppression modérée ou
transitoire au cours de l’infection aiguë. On ne comprend pas bien les mécanis-
mes en cause, alors que ces déficiences peuvent avoir des conséquences impor-
tantes car elles rendent souvent l’hôte sensible à des infections secondaires par
des micro-organismes communs de l’environnement. Une autre immunosuppres-
sion importante sur le plan clinique peut être due à un traumatisme violent, à des
brûlures et parfois à une intervention chirurgicale. Une infection généralisée est
souvent responsable de la mort des patients gravement brûlés. On ne comprend
que partiellement les mécanismes de cette immunosuppression.
Le virus de la rougeole peut entraîner une immunosuppression durant un temps
relativement long après l’infection, ce qui est une complication assez grave chez
les enfants malnutris ou dénutris. Malgré la diffusion d’un vaccin efficace, la rou-
geole est encore responsable de 10 % de la mortalité globale des enfants de moins
de 5 ans et reste la huitième cause de mortalité dans le monde. La malnutrition est le
plus souvent en cause, la mort étant due généralement à une infection bactérienne
secondaire, surtout une pneumonie. L’immunosuppression qui faite suite à une rou-
geole et qui peut durer plusieurs mois est associée à une diminution de la fonction
des cellules T et B. L’infection des cellules dendritiques par le virus de la rougeole est
un mécanisme important de l’immunosuppression. Les cellules dendritiques infec-
tées sont responsables de l’absence de réponse des lymphocytes T par des méca-
nismes qui ne sont pas encore élucidés. Il semble cependant que ce soit la cause
immédiate de l’immunosuppression induite par le virus de la rougeole.
Le virus à ARN de l’hépatite C (VHC) infecte le foie et cause une hépatite aiguë et
chronique, une cirrhose hépatique et, dans certains cas, un carcinome hépatocellu-
laire. Les réponses immunitaires jouent probablement un rôle important dans l’éli-
mination de l’infection à VHC, mais dans plus de 70 % des cas, celle-ci devient
chronique. Bien que le VHC infecte surtout le foie durant la phase précoce d’une
infection primaire, le virus subvertit la réponse immunitaire adaptative en interfé-
rant avec l’activation et la maturation des cellules dendritiques. Il en résulte une acti-
vation inadéquate des cellules T CD4, qui ne peuvent se différencier en cellules TH1.
On pense que ce serait à cause de cela que l’infection devient chronique, très proba-
blement en raison de l’absence d’aide des cellules T CD4 nécessaire à l’activation des
cellules  T cytotoxiques CD8 naïves. Certaines observations indiquent que la
Évasion et subversion des défenses immunitaires 505

diminution d’antigène viral qui survient après un traitement antiviral améliore l’aide
fournie par les cellules  T CD4 et permet la restauration de la cytotoxicité et de la
fonction mémoire des cellules T CD8. Le retard de maturation des cellules dendriti-
ques causé par le VHC agirait en synergie avec une autre propriété du virus qui l’aide Lèpre lépromateuse
à échapper à une réponse immunitaire. L’ARN polymérase que le virus utilise pour
répliquer son génome est incapable de corriger d’éventuelles erreurs, d’où un taux
élevé de mutations virales et donc de fréquents changements d’antigénicité,
La lèpre, dont il a été question à la Section 8-19, est un exemple plus complexe d’im-
munosuppression par une infection. Dans la lèpre lépromateuse, l’immunité cel-
lulaire est profondément déprimée, les cellules infectées par la bactérie sont très
Fig. 12.6 Les réponses des cellules T et
L’infection par Mycobacterium leprae peut causer différentes formes cliniques de lèpre des macrophages à Mycobacterium leprae
diffèrent nettement dans les deux formes
On distingue deux formes, la lèpre tuberculoïde et la lèpre lépromateuse, de lèpre. L’infection par M. leprae, qui apparaît
mais aussi plusieurs formes intermédiaires sous forme de petits points rouge sombre
sur les clichés, peut causer deux formes très
différentes de maladie. Au cours de la lèpre
Lèpre tuberculoïde Lèpre lépromateuse tuberculoïde (gauche), la prolifération du
micro-organisme est bien contrôlée par les
cellules TH1, qui activent les macrophages
infectés. Les lésions tuberculoïdes contiennent
des granulomes et sont enflammées, mais
l’inflammation est locale et n’induit que
des effets locaux, comme des lésions des
nerfs périphériques. Au cours de la lèpre
lépromateuse (droite), l’infection est largement
disséminée et le bacille se développe sans
contrôle exercé par les macrophages. Lors
des phases tardives de la maladie, des
lésions importantes des tissus conjonctifs
et du système nerveux périphérique sont
observées. Entre ces deux extrêmes, il existe
plusieurs formes intermédiaires de la maladie.
Le panneau inférieur montre des empreintes
northern qui révèlent que les deux formes de
la maladie diffèrent fortement par les cytokines
produites, comme le montre l’analyse de
l’ARN isolé à partir des lésions de quatre
Bactéries peu nombreuses ou indétectables Prolifération bactérienne importante dans les macrophages patients atteints de lèpre lépromateuse et de
quatre patients atteints de lèpre tuberculoïde.
Faible infectiosité Forte infectiosité Les cytokines produites typiquement par les
cellules TH2 (IL-4, IL-5 et IL-10) dominent dans
Granulomes et inflammation locale. Infection disséminée. la forme lépromateuse, alors que les cytokines
Lésions des nerfs périphériques Os, cartilages, lésions diffuses des nerfs produites par les cellules TH1 (IL-2, IFN-γ et
TNF-β) dominent dans la forme tuberculoïde. Il
Taux sériques d’immunoglobulines normaux Hypergammaglobulinémie semble donc que les cellules TH1 prédominent
au cours de la lèpre tuberculoïde et les
Réponse normale des cellules T. Réponse des cellules T faible ou absente. cellules TH2 au cours de la lèpre lépromateuse.
Réponse spécifique aux antigènes de M. leprae Pas de réponse aux antigènes de M. leprae On pense que l’IFN-γ active les macrophages
et augmente ainsi la destruction de M. leprae,
Cytokines dans les lésions lépreuses alors que l’IL-4 inhibe l’activité microbicide
des macrophages. Clichés de G. Kaplan ;
empreintes northern de R.L. Moldin.
Cytokines TH1 Cytokines TH2

Tuberculoïde Lépromateuse Tuberculoïde Lépromateuse

IL-2 IL-4

IFN-γ IL-5

TNF-β IL-10
506 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

nombreuses et les réponses de l’immunité cellulaire contre beaucoup d’autres anti-


gènes sont supprimées (Fig. 12.6). Ceci conduit à un état appelé anergie, qui dans
ce contexte signifie spécifiquement absence d’hypersensibilité de type retardé à
une grande série d’antigènes sans parenté avec M. leprae (voir la Section 7-6 pour
une définition plus générale de l’anergie en usage dans d’autres contextes). Dans la
lèpre tuberculoïde, par contre, l’immunité cellulaire est puissante ; les macrophages
activés contrôlent l’infection mais ne l’éradiquent pas. Les lésions de la lèpre tuber-
culoïde sont causées par la réaction inflammatoire localisée et continue aux myco-
bactéries persistantes.

12-5 Les réponses immunitaires peuvent être directement impliquées


dans la pathogénie.
La lèpre tuberculoïde est justement un exemple d’infection au cours de laquelle la
pathologie est essentiellement due à la réponse immunitaire, d’où le terme immu-
nopathologie. Ce qui se vérifie à des degrés divers dans la plupart des infections.
Par exemple, la fièvre qui accompagne une infection bactérienne est due à des
cytokines libérées par les macrophages. Un autre exemple médicalement impor-
tant est la bronchiolite causée par le virus respiratoire syncytial (VRS). La bron-
chiolite causée par le VRS est la cause majeure d’admission à l’hôpital des jeunes
enfants dans le monde occidental, avec près de 90 000 admissions et 4 500 morts
chaque année aux États-Unis. La première indication que la réponse immunitaire
au virus pouvait jouer un rôle dans la pathogénie de cette maladie a été fournie
par l’observation que les jeunes enfants vaccinés avec une préparation du virus
tué précipité dans l’alun souffraient d’une maladie plus grave que les enfants non
vaccinés. La raison en est que le vaccin n’induit pas d’anticorps neutralisants mais
induit des cellules effectrices TH2. Lors de l’infection, les cellules  TH2 libèrent
les interleukine IL-3, IL-4 et IL-5, responsables des spasmes bronchiques, d’une
hypersécrétion de mucus et d’une éosinophilie tissulaire. Les souris infectées par
le VRS peuvent développer un syndrome qui ressemble à la maladie humaine.
Un autre exemple de réponse immunitaire nocive est la réaction aux œufs du schis-
tosome. Les schistosomes pondent des œufs dans la veine porte hépatique, parmi
lesquels certains atteignent l’intestin et sont libérés dans les fèces, disséminant ainsi
l’infection ; d’autres restent dans la circulation portale hépatique du foie, où ils indui-
sent une réponse immunitaire puissante menant à une inflammation chronique, à
une fibrose hépatique suivie finalement d’insuffisance hépatique. Ce processus est le
reflet d’une activation excessive des cellules TH1 ; celle-ci peut être contrôlée par les
cellules TH2, l’IL-4 et les cellules T CD8, qui peuvent également produire de l’IL-4.

12-6 Des cellules T régulatrices peuvent affecter l’évolution de la maladie


infectieuse.
Certains pathogènes évitent la réponse immunitaire en interagissant avec des cel-
lules  T régulatrices, qui ont été décrites à la Section  8-19. Les cellules  T régula-
trices naturelles CD4 CD25 (Treg) se développent dans le thymus et migrent en
périphérie où elles contribuent à maintenir la tolérance, comme nous le décri-
vons au Chapitre 14, et l’on pense qu’elles contrôlent les réponses immunitaires
en supprimant la prolifération des lymphocytes qui reconnaissent des autoantigè-
nes. D’autres cellules T régulatrices CD4 se différencient à partir de cellules T CD4
naïves en périphérie. L’interaction entre les cellules T régulatrices et les pathogè-
nes peut générer soit une réponse protectrice en faveur de l’hôte, ou si cela conduit
à la suppression de la réponse immunitaire, peut agir comme un mécanisme
d’évasion pour le pathogène. Des exemples comprennent les infections chroni-
ques comme celles par le VHC et, peut-être, le VIH. Des patients infectés par le
VHC ont un plus grand nombre de Treg naturels recirculants que les individus nor-
maux, et la déplétion in vitro des cellules Treg amplifie les réponses des lymphocy-
tes cytotoxiques contre le virus. Au cours des infections par le parasite protozoaire
Les immunodéficiences 507

Leishmania major, des cellules Treg s’accumulent dans le derme, où elles rendent


les cellules T effectrices incapables d’éliminer les pathogènes de ce site.
Par contre, des études chez l’homme et la souris ont montré que l’inflammation
qui survient durant des infections oculaires par le virus herpès simplex (VHS) est
limitée par la présence de cellules Treg. Si l’on réduit le nombre de ces cellules chez
la souris avant l’infection, on constate que la maladie est plus grave, même si les
doses de virus inoculé sont plus petites. Les cellules Treg atténuent également l’in-
flammation dans la maladie pulmonaire qui survient chez les souris immunodéfi-
cientes infectées par Pneumocystis carinii, un champignon responsable d’infection
opportuniste fréquente chez les patients immunodéficients.

Résumé.
Les agents infectieux peuvent déclencher des maladies récurrentes et persistantes
en évitant les mécanismes normaux de défense de l’hôte ou en les perturbant afin
de promouvoir leur propre réplication. Les germes recourent à différentes stratégies
pour échapper à la réponse immunitaire ou pour la perturber. La variation antigéni-
que, la latence, la résistance aux mécanismes effecteurs immunitaires et l’inhibition
de la réponse immunitaire sont responsables d’infections persistantes ou médicale-
ment importantes. Dans certains cas, la réponse immunitaire représente une partie
du problème. Certains pathogènes utilisent l’activation immunitaire pour dissémi-
ner l’infection ; d’autres pathogènes ne causeraient pas de maladie en absence de
réponse immunitaire. Chacun de ces mécanismes nous apprend quelque chose à
propos de la nature de la réponse immunitaire et de ses faiblesses, et chacun requiert
une approche médicale différente pour prévenir ou traiter l’infection.

Les immunodéficiences.
Les immunodéficiences se manifestent lorsqu’un ou plusieurs éléments du sys-
tème immunitaire sont défectueux. Elles peuvent être primaires ou secondaires.
Les formes primaires sont dues à des mutations dans un des nombreux gènes qui
sont impliqués dans les réponses immunitaires ou leur contrôle. Les manifesta-
tions cliniques des immunodéficiences primaires sont très variées  ; elles com-
prennent souvent des infections récurrentes non contrôlées chez des enfants très
jeunes, mais l’allergie, une prolifération lymphocytaire anormale et l’auto-immu-
nité peuvent aussi survenir. En revanche, les immunodéficiences secondaires sont
des conséquences d’autres maladies ou sont dues à des facteurs environnemen-
taux comme la malnutrition ou des interventions médicales.
En examinant les infections qui accompagnent une immunodéficience héréditaire
ou acquise particulière, on peut comprendre quels éléments du système immu-
nitaire sont importants pour la réponse à des agents infectieux particuliers. Les
immunodéficiences héréditaires peuvent aussi révéler quelles sont les interac-
tions entre les différents types cellulaires qui contribuent à la réponse immunitaire
et au développement des lymphocytes T et B. Enfin, ces maladies héréditaires peu-
vent nous conduire aux gènes déficients, nous révélant souvent de nouvelles infor-
mations concernant les bases moléculaires des mécanismes immunitaires et nous
fournissant ainsi les informations nécessaires pour le diagnostic, le conseil généti-
que et finalement la possibilité de thérapie génique.

12-7 Des antécédents d’infections répétées suggèrent un diagnostic


d’immunodéficience.
Les patients atteints d’immunodéficience sont généralement détectés clinique-
ment suite à une série d’infections récurrentes. Le type d’infection est un signe
qui permet de définir quel mécanisme du système immunitaire est déficient. Des
508 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

infections récurrentes par des bactéries pyogènes, qui forment du pus, suggèrent
des défauts dans la fonction des anticorps, du complément ou des phagocytes, ce
qui illustre le rôle de ces composantes du système immunitaire dans la défense
de l’hôte contre ces infections. À l’opposé, des antécédents d’infections fongiques
cutanées, comme la candidose cutanée, ou des infections virales répétées, suggè-
rent l’existence d’un défaut dans les défenses assurées par les lymphocytes T.

12-8 Les immunodéficiences héréditaires sont causées par des gènes


récessifs défectueux.

Avant l’arrivée des antibiotiques, la plupart des individus atteints de déficits immu-
nitaires héréditaires mourraient dans la petite enfance à cause de leur sensibilité
à certaines classes de pathogènes (Fig. 11.9). Ces maladies n’étaient pas faciles à
identifier car de nombreux enfants normaux mourraient aussi d’infections. La plu-
part des défauts génétiques responsables des immunodéficiences héréditaires sont
récessifs et, pour cette raison, beaucoup sont causées par des mutations de gènes
du chromosome X. Comme les garçons n’ont qu’un seul chromosome X, tous ceux
qui ont hérité d’un chromosome X portant un gène défectueux développeront la
maladie. Au contraire, les filles porteuses d’un chromosome X défectif sont habi-
tuellement en bonne santé car leur système immunitaire se développe à partir de
cellules souches qui sont sélectionnées naturellement à partir de celles dans les-
quelles l’inactivation de X a porté sur le chromosome X porteur du gène muté. On
a décrit des immunodéficiences qui affectent les diverses étapes du développe-
ment des lymphocytes T et B ainsi que des défauts dans les molécules membra-
naires indispensables à la fonction de ces cellules. Des déficiences touchant les
cellules phagocytaires, le complément, des cytokines, des récepteurs de cytokines
et des molécules qui interviennent dans les réponses effectrices surviennent éga-
lement. La Fig.  12.7 reprend des exemples d’immunodéficiences. Aucune n’est
très fréquente ; la déficience sélective en IgA étant la plus fréquente. Certaines sont
extrêmement rares. Quelques-unes de ces maladies sont décrites dans des sec-
tions ultérieures.
L’utilisation de techniques d’inactivation génique (knockout) chez la souris (voir
Appendice I, Section A-47) a permis d’établir de nombreuses immunodéficien-
ces, ce qui a augmenté rapidement nos connaissances quant à la contribution de
protéines individuelles à la fonction immunitaire normale. Néanmoins, les immu-
nodéficiences humaines restent la meilleure source d’informations sur les voies
normales de défense contre les maladies infectieuses humaines. Par exemple, un
déficit en anticorps, dans le système du complément ou dans les fonctions de pha-
gocytose augmente le risque d’infection par certaines bactéries pyogènes, ce qui
montre que la voie normale de défense de l’hôte contre ce type de bactéries est la
liaison des anticorps avec fixation du complément, qui permet aux cellules pha-
gocytaires de capter et de tuer les bactéries opsonisées. La rupture de tout lien de
cette chaîne d’événements cause un état d’immunodéficience semblable.
Les immunodéficience nous informent également sur les redondances des méca-
nismes de défense contre les maladies infectieuses. Les deux premières person-
nes chez qui ont été découvertes des déficiences héréditaires du complément
étaient des immunologistes en bonne santé. On en a tiré deux leçons. La première
est que les mécanismes de protection immunitaire contre l’infection sont multi-
ples. Par exemple, il est bien établi que les déficiences du complément augmen-
tent la sensibilité aux bactéries pyogènes, mais toutes les personnes atteintes de
déficience du complément ne souffrent pas d’infections récurrentes. La seconde
leçon concerne une erreur d’interprétation. Lorsqu’on observe un fait inhabituel
chez un malade, on est tenté d’y voir la cause de l’affection. Personne, cependant,
n’affirmera qu’une déficience génétique dans le système du complément éveille
la vocation d’immunologiste. Les déficiences dans le complément ont été décou-
vertes chez des immunologistes parce qu’ils ont utilisé leur propre sang dans leurs
Les immunodéficiences 509

Fig. 12.7 Les syndromes humains


Nom du syndrome d’immunodéficience. Le défaut génétique
Défaut spécifique Déficit immunitaire Sensibilité
d’immunodéficience spécifique, la conséquence pour le système
immunitaire et les sensibilités aux différentes
Immunodéficience infections sont regroupés pour quelques-uns
Voir Fig. 12.14 Générale des syndromes d’immunodéficience humaine
combinée sévère
communs ou rares. Les syndromes qui
Syndrome de Digeorge Aplasie thymique Nombres variables de entraînent une immunodéficience combinée
Générale
cellules T et de cellules B sévère sont repris dans la liste de la Fig. 12.14.
AID, Activation-Induced cytidine Deaminase ;
Déficit en Inflammation chronique ATM, protéine mutée de l’ataxie-télangiectasie ;
Mutations dans TAP Pas de cellules T CD8 EBV, virus d’Epstein–Barr ; IKKγ, sous-unité γ
CMH de classe I de l’intestin et de la peau
de la kinase IKK ; TAP, transporteurs associés
à l’apprêtement antigénique ; WASP, protéine
Déficit en Pas de molécules du syndrome de Wiskott–Aldrich.
Pas de cellules T CD4 Générale
CMH de classe II du CMH de classe II

Anticorps anti-
Syndrome Lié à l’X ; gène polysaccharides défectifs, Bactéries extracellulaires
de Wiskott-Aldrich de WASP défectif activation déficiente encapsulées
des cellules T et
dysfonctionnement des Treg

Agammaglobulinémie Perte de la tyrosine Bactéries extracellulaires,


kinase Btk Pas de cellules B Voir les divers cas
liés à l’X virus

Déficience en AID Pas de commutation


Déficience en ligand de CD40 isotypique et/ou Bactéries extracellulaires
Syndrome hyper IgM Pneumocystis carinii
Déficience de CD40 pas d’hypermutation
Déficience en NEMO (IKK) somatique Cryptosporidium parvum

Immunodéficience Déficience en ICOS, Production d’IgA


commune et variable Bactéries extracellulaires
autre cause inconnue et d’IgG défective

Déficience en IgA Inconnue ; liaison au CMH Pas de synthèse d’IgA Infections respiratoires

Déficiences Nombreuses Perte de fonction Bactéries et champignons


des phagocytes causes différentes phagocytaire extracellulaires

Déficiences Nombreuses Perte de composants Bactéries extracellulaires,


du complément causes différentes spécifiques du complément spécialement Neisseria spp.

Syndrome
Incapacité de contrôler la Tumeurs des cellules B
lymphoprolifératif SAP (SH2D1A) muté
prolifération des cellules B liées à l’EBV
lié à l’X

Mutation d’un domaine Infections


Ataxie-télangiectasie Moins de cellules T
kinase de l’ATM respiratoires

ADN hélicase Moins de cellules T Infections


Syndrome de Bloom respiratoires
déficiente Taux d’anticorps réduit

expériences. Si une mesure est faite uniquement dans un groupe très précis de
patients ayant une maladie précise, il est inévitable que les résultats anormaux ne
seront observés que chez ces patients. C’est une erreur d’interprétation, et cela
nous montre l’importance d’étudier des contrôles appropriés.

12-9 La conséquence principale d’une diminution des anticorps


est l’incapacité d’éliminer les bactéries extracellulaires.

Les bactéries pyogènes ont des capsules polysaccharidiques qui ne sont pas direc-
tement reconnues par les récepteurs des macrophages et des neutrophiles qui sti-
mulent la phagocytose. Ils échappent ainsi à l’élimination immédiate par la
réponse immunitaire innée et sont donc des pathogènes extracellulaires virulents.
Les individus normaux peuvent éliminer les infections par ce type de bactéries
510 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

grâce aux anticorps et au complément qui opsonisent les bactéries, permettant


ainsi aux phagocytes de les capturer et de les détruire. L’effet principal des défi-
Agammaglobulinémie liée à l’X ciences dans la production des anticorps est donc une anomalie dans le contrôle
de l’infection de ce type de bactéries. De plus, la sensibilité à certaines infections
virales, surtout celles qui sont causées par les entérovirus, est aussi augmentée car
les anticorps jouent un rôle important dans la neutralisation des virus qui pénè-
trent dans l’organisme par l’intestin.
On doit à Ogden C. Bruton la première description en 1952 d’une immunodéfi-
cience. Il s’agissait d’une incapacité de produire des anticorps chez un jeune garçon.
Cette anomalie est transmise par le chromosome X et se caractérise par l’absence
d’immunoglobuline dans le sérum d’où son nom d’agammaglobulinémie liée à X
(XLA) ou maladie de Bruton. L’absence d’anticorps peut être constatée à l’immu-
noélectrophorèse (Fig.  12.8). Depuis, de nombreuses maladies liées à la produc-
Fig. 12.8 L’immunoélectrophorèse tion d’anticorps ont été décrites. La plupart d’entre elles sont les conséquences de
révèle l’absence de plusieurs isotypes défauts dans le développement ou l’activation des lymphocytes B. Les nourrissons
d’immunoglobulines dans le sérum d’un atteints de ces maladies souffrent en général d’infections récurrentes par des bacté-
patient atteint d’agammaglobulinémie liée à
ries pyogènes comme Streptococcus pneumoniae et d’infections chroniques par les
X (XLA). Les échantillons de sérum provenant
d’un contrôle normal et d’un patient atteint virus des hépatites B et C, le virus de la poliomyélite et le virus ECHO.
d’infections bactériennes récurrentes dues
à une absence d’anticorps, se manifestant Le gène défectueux chez les patients atteints de XLA code une tyrosine-kinase, la
par l’absence d’immunoglobulines, sont Btk ou tyrosine kinase de Bruton, qui est membre de la famille des kinases Tec (voir
séparés par électrophorèse sur une lame Section 6-13). Cette protéine est exprimée par les neutrophiles et les cellules B, bien
recouverte d’agarose. Un antisérum, produit que seules les cellules B soient anormales chez ces patients, où la maturation des cel-
contre un sérum humain normal et contenant
des anticorps contre les différentes protéines lules B s’arrête au stade pré-B. Il est probable que Btk soit requis pour coupler le récep-
sériques, est déposé dans un sillon central. teur des cellules pré-B aux événements nucléaires qui mènent à la prolifération et à la
Chaque anticorps forme un arc de précipitation différenciation des cellules pré-B (voir la Section 7-9). Chez les patients déficients en
avec la protéine qu’il reconnaît. La position
Btk, certaines cellules B viennent à maturité malgré la déficience, ce qui suggère que
de chaque arc est déterminée par la mobilité
électrophorétique des protéines sériques. des signaux transmis par la famille des kinases Tec ne sont pas absolument requis.
Les immunoglobulines migrent dans la région
des gammaglobulines du gel. L’absence Le gène responsable de XLA étant situé sur le chromosome X, on peut identifier les
d’immunoglobuline chez un patient atteint femmes porteuses en analysant l’inactivation du chromosome X dans leurs cellu-
d’agammaglobulinémie liée au X est évidente les B. Au cours du développement, les cellules des femmes inactivent au hasard un
sur le panneau du bas, où plusieurs arcs
de leurs deux chromosomes X. Le produit d’un gène btk normal étant indispensa-
sont absents du sérum du patient (partie
supérieure). Ils correspondent à l’IgM, l’IgA ble au développement normal des cellules B, seules les cellules B dont l’allèle nor-
et plusieurs sous-classes d’IgG reconnues mal de btk est actif se différencient donc en cellules B matures. Par conséquent, chez
dans le sérum normal (partie inférieure) les femmes porteuses d’un gène btk muté, toutes les cellules B possèdent le chromo-
par les anticorps de l’antisérum dirigé
contre les protéines sériques humaines. Le
some X normal comme chromosome actif. Par contre, le chromosome X actif dans
panneau inférieur provient de la collection du les cellules T et les macrophages des porteurs est un mélange de chromosome X nor-
C.A  Janeway Sr, décédé. mal et de chromosome X avec le gène btk muté. Ce fait a permis l’identification des

Un antisérum de lapin antihumain est ajouté


Les échantillons de sérum sont déposés Les composants du sérum sont séparés
dans le sillon central et diffuse dans la plaque
dans une plaque d’immunoélectrophorèse par électrophorèse
formant des arcs de précipitation

Albumine Globulines
Sérum de patient souffrant d’infection récurrente
α β γ

+ _

Sérum d’individu normal

IgA IgM IgG


Les immunodéficiences 511

Fig. 12.9 Le produit du gène btk est


Cellule pro-B Cellule pré-B Cellule B immature important pour le développement de
la cellule B. Dans l’agammaglobulinémie
liée à X (XLA), une tyrosine-kinase de
lgM la famille Tec, appelée Btk, codée par le
chromosome X, est défectueuse. Chez les
individus normaux, le développement des
μ:λ5 :VpréB X cellules B passe par un stade au cours
btk+ Y duquel le récepteur pré-B, composé de
X
Homme Y μ:γ5 :V préB (voir la Section 7-3), envoie un
μ
normal signal par Btk qui permet à la cellule B de
X poursuivre son développement. Chez les
Y garçons atteints de XLA, la transduction de
signal étant bloquée malgré l’expression
normale du prérécepteur de la cellule B, le
Cellule stromale
de moelle osseuse développement de la cellule B s’arrête. Chez
les femelles de mammifères, y compris les
humains, un des deux chromosomes X est
inactivé de manière permanente très tôt au
cours du développement de chaque cellule.
btk–
Arrêt L’inactivation du chromosome se produisant au
Homme
X X du développement hasard, la moitié des cellules pré-B chez les
atteint
Y Y des cellules B femmes porteuses doit donc avoir inactivé le
chromosome avec l’allèle sauvage de btk. Ceci
signifie que ces cellules B n’expriment que le
gène btk défectueux et ne peuvent donc pas
X défectueux inactivé se développer. Si bien que toutes les cellules B
matures de ces femmes ont nécessairement
le chromosome X non défectueux actif. Ceci
X X X contraste avec les autres types cellulaires
X X X qui n’ont le chromosome X non défectueux
actif que dans la moitié de leurs cellules. Une
inactivation sélective (non au hasard) des
Femme chromosomes X dans une lignée cellulaire
porteuse
X normal inactivé particulière est une indication que le produit
du gène porté par le chromosome X est
Arrêt indispensable au développement des cellules
du développement de cette lignée. Il est aussi possible, dans
X X
X X des cellules B certains cas, d’identifier la phase à laquelle le
produit du gène est nécessaire, par détection
du moment précis où le biais dans l’inactivation
du chromosome se développe. En utilisant
ce type d’analyse, on a identifié les porteurs
femmes porteuses de XLA avant même que la nature de btk ne soit connue. Cette d’anomalies liées à l’X, comme celle du XLA,
avant de connaître la nature du gène mutant.
inactivation du chromosome X ne se produisant pas au hasard uniquement dans les
cellules B, on en conclut que le gène btk est indispensable au développement nor-
mal des cellules B et pas à celui d’autres types cellulaires. Elle démontre aussi que
Btk agit à l’intérieur des cellules B plutôt que dans les cellules stromales ou dans
d’autres cellules indispensables au développement des cellules B (Fig. 12.9).
Le déficit immunitaire humoral le plus commun est une déficience transitoire
de la production des immunoglobulines qui se manifeste entre les 6-12 pre-
miers mois de la vie. Un enfant nouveau-né a un taux d’anticorps comparable à
celui de sa mère grâce au transport transplacentaire des IgG maternelles (voir la
Section 9-15). Les IgG étant catabolisées, le niveau d’anticorps diminue graduelle-
ment jusqu’à ce que l’enfant commence à produire une quantité suffisante de ses
propres IgG à l’âge d’environ 6 mois (Fig. 12.10). Ainsi, le taux d’IgG est relative-
ment bas entre 3 mois et 1 an lorsque les réponses à anticorps IgG du nourrisson
sont faibles, ce qui peut conduire à une période de sensibilité accrue aux infec-
tions. Ceci est particulièrement vrai chez les bébés prématurés dont les taux ini-
tiaux d’IgG maternelles sont faibles et qui n’atteignent la compétence immunitaire
que plus tard après la naissance.
Les personnes atteintes de déficits purs en cellules B sont capables de résister à
de nombreux pathogènes. Cependant, une défense efficace contre une sous-
population de bactéries pyogènes extracellulaires, dont les staphylocoques et les
streptocoques, nécessite une opsonisation de ces bactéries par des anticorps spé-
cifiques. Chez les personnes déficientes en cellules B, ces infections peuvent être
512 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Fig. 12.10 Les immunoglobulines des


nouveau-nés atteignent des taux bas à % du taux
6 mois environ. Les nouveau-nés ont un taux d’immunoglobulines taux faible
sériques de l’adulte transitoire
élevé d’IgG, qui est transportée activement à d’IgE
transfert IgM
travers le placenta à partir de la mère durant la 100 d’IgG
grossesse. Après la naissance, la production maternelle
d’IgM commence presque immédiatement, IgG
alors que la production d’IgG ne commence
pas avant 6 mois, durant lesquels le taux d’IgG
diminue car les immunoglobulines maternelles
sont catabolisées. Le taux d’IgG reste bas de
3 mois à un an, avec dès lors une sensibilité IgA
accrue aux infections. 0
conception –6 –3 naissance 3 6 9 1 2 3 4 5 adulte

mois années

supprimées par des antibiotiques et par des perfusions mensuelles d’immuno-


globulines humaines extraites d’un grand pool de donneurs. Comme ces mélan-
ges d’immunoglobulines contiennent des anticorps dirigés contre de nombreux
pathogènes, ils assurent une bonne protection contre les infections.

12-10 Certaines déficiences en anticorps peuvent être dues


à des dysfonctionnements des cellules B ou T.

Chez les patients atteints du syndrome hyper IgM lié à l’X, les cellules  T et B
se développent normalement. Bien que leur taux sérique d’IgM soit élevé, leurs
réponses IgM contre les antigènes dépendants des cellules  T sont faibles, et ils
ne produisent qu’en faible quantité les isotypes autres que les IgM et les IgD. Ces
caractéristiques les rendent très sensibles à l’infection par les pathogènes extracel-
lulaires. Cinq causes du syndrome hyper IgM ont été reconnues, ce qui a contribué
à élucider les mécanismes impliqués dans les recombinaisons liées à la commuta-
tion de classe et à l’hypermutation somatique des cellules B.
La forme la plus commune du syndrome hyper IgM est le syndrome hyper IgM lié
à l’X, qui est causé par des mutations dans le gène codant le ligand de CD40
Immunodéficience hyper IgM (CD154), qui se trouve dans le chromosome X. Le ligand de CD40, qui est exprimé
liée à l’X normalement par les cellules  T activées, leur permet d’interagir avec la pro-
téine  CD40 sur les cellules B et de les activer (voir la Section 9-4). En cas de défi-
cience en ligand de CD40, les cellules B ne reçoivent aucun stimulus par leur CD40,
mais elles sont elles-mêmes normales. Comme nous l’avons vu au Chapitre 4, l’in-
teraction du ligand de CD40 avec CD40 est aussi essentiel pour l’induction de la
commutation de classe et la formation des centres germinatifs (Fig. 12.11).
Un syndrome très semblable a été identifié chez des patients avec des mutations
Dysplasie ectodermique
hypohidrotique dans deux autres gènes. Comme on pouvait s’y attendre, un de ceux-ci est celui qui
et immunodéficience liées à l’X code CD40 sur le chromosome 20, mutations qui ont été trouvées chez plusieurs
patients avec une forme récessive du syndrome hyper IgM. Un gène muté différent
a été trouvé chez des patients avec une affection rare du développement appelée
dysplasie ectodermique hypohidrotique avec immunodéficience, caractérisée
par l’absence de glandes sudoripares, cheveux secs et clairsemés, absence par-
tielle ou totale de dentition et syndrome hyper IgM. Dans cette maladie, appe-
lée aussi déficience de NEMO, des mutations touchent le gène codant la protéine
NEMO (appelée aussi IKKγ, une sous-unité de la kinase IKK), qui est un compo-
sant essentiel de la voie de signalisation intracellulaire menant à l’activation du
facteur de transcription NFκB (voir Fig. 6.22).
Ce groupe de syndromes hyper IgM montre que des mutations à ces différentes
places dans la voie activée par le ligand de CD40 sur les cellules  T en se liant à
CD40 sur les cellules B aboutissent toutes à un syndrome similaire d’immunodéfi-
cience. Ces patients se protègent moins bien contre divers micro-organismes, sur-
tout les bactéries pyogènes et les mycobactéries.
Les immunodéficiences 513

Ils souffrent aussi de défauts de l’immunité cellulaire. Ils sont sensibles aux infec-
Ganglion lymphatique d’un patient atteint
tions par Pneumocystis carinii, qui est normalement détruit par les macrophages. du syndrome hyper IgM (pas de centre germinatif)
On pense que cette sensibilité particulière est due, au moins en partie, à l’incapa-
cité des cellules T de fournir un signal d’activation aux macrophages infectés par
l’intermédiaire de la molécules CD40 portée par ces cellules (voir Section 8-29).
Une anomalie de l’activation des cellules  T peut aussi contribuer à la profonde
immunodéficience observée chez ces patients. En effet, des études chez des souris
déficientes en CD40 ligand ont montré des anomalies dans l’expansion des cellu-
les T spécifiques de l’antigène en réponse à une immunisation primaire.
Un autre type de syndrome hyper IgM est un défaut intrinsèque des cellules B causé
par des mutations du gène codant la cytidine désaminase induite par activation
(AID, Activation-Induced cytidine Deaminase ; voir la Section 4-17). Il est associé à
Ganglion lymphatique normal
une forme moins grave d’immunodéficience que les autres formes du syndrome. avec des centres germinatifs
Les patients atteints de déficience de AID sont plus sensibles que les sujets nor-
maux à de graves infections bactériennes, mais pas aux infections opportunistes
comme P. carinii. Dans les cellules B chez ces patients, la commutation des isoty-
pes d’anticorps est impossible et l’hypermutation somatique est fortement réduite.
La conséquence est une accumulation de cellules B immatures dans des centres
germinatifs anormaux, ce qui cause, une hypertrophie des ganglions lymphatiques
et de la rate. AID n’est exprimée que dans les cellules  B dans lesquelles la com-
mutation de classe ou l’hypermutation a été déclenchée, ce qui démontre son rôle
unique dans les deux processus. Le degré moindre d’immunodéficience associé au
syndrome hyper IgM dû à la déficience de AID en comparaison avec celle associée
à une déficience soit du ligand de CD40, de CD40 ou de NEMO s’explique par le fait
Fig. 12.11 Les patients atteints du
que la déficience de AID ne cause qu’un affaiblissement des réponses à anticorps, syndrome hyper IgM lié à l’X ne peuvent
alors que les déficiences des autres protéines sont associées à des défauts dans le pas activer complètement leurs cellules B.
fonctionnement des cellules B et T. Une autre cause de syndrome hyper IgM a été Les tissus lymphoïdes des patients atteints
du syndrome hyper IgM sont dépourvus
identifiée récemment chez un petit nombre de patients ; chez eux, l’hypermutation de centres germinatifs (panneau du haut)
somatique est normale et AID fonctionne normalement, mais la commutation iso- contrairement aux ganglions lymphatiques
typique est défectueuse. Il reste à découvrir l’anomalie génétique en cause. normaux (panneau du bas). L’activation des
cellules B par les cellules T est indispensable
L’immunodéficience commune et variable (CVID, Common Variable à la commutation de classe et à la formation
ImmunoDeficiency) est un quatrième exemple de déficit intéressant surtout les des centres germinatifs, où les cellules B
prolifèrent activement. Cliché de R. Geha
anticorps. Dans ce syndrome, la production de la plupart des immunoglobulines, et A. Perez-Atayde.
IgM, IgG, et IgA est affectée. Certains cas de CVID sont familiaux. Dans cette affec-
tion, le fonctionnement tant des cellules T que des B est altérée et les symptômes
diffèrent d’un malade à l’autre. Les patients sont sensibles à des infections récur-
rentes et ont des taux d’immunoglobulines sériques réduits et des réponses à anti-
corps anormales. Des maladies auto-immunes et gastro-intestinales ont aussi été Déficience de AID
rapportées chez certains patients avec CVID. Les enfants atteints de cette maladie (Activation-Induced cytidine
sont plus sensibles aux infections de l’oreille moyenne (otite moyenne), et peuvent Deaminase)
développer des infections articulaires, osseuses, cutanées et parotidiennes.
L’affection n’est pas aussi grave que certaines des autres immunodéficiences, et la
plupart des patients ne sont en général pas diagnostiqués avant l’âge adulte. Un
pourcentage significatif de cas de CVID et une plus petite proportion de cas de
simple déficience en IgA sont associés à une déficience génétique de la protéine
transmembranaire appelée TACI (TNF-like receptor transmembrane Activator and Immunodéficience commune
CAML Interactor). C’est le récepteur de la cytokine BAFF, qui est sécrétée par les et variable
cellules dendritiques et qui fournit des signaux costimulateurs et de survie pour
l’activation des cellules B et la commutation de classe (voir Section 9-13).
Une autre défaut génétique qui a été lié à une petit pourcentage de patients atteints
de CVID est une déficience de la molécule costimulatrice ICOS. Comme décrit
dans la Section 8-14, ICOS est une molécule costimulatrice inductible qui est régu-
lée à la hausse sur les cellules T lorsqu’elles sont activées. Les effets de la déficience
en ICOS ont confirmé son rôle essentiel dans l’aide des cellules T lors des derniè-
res phases de différenciation des cellules B, y compris la commutation de classe et
la formation des cellules mémoire.
514 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

12-11 Des déficiences en composants du complément altèrent la fonction


immunitaire humorale.
Comme attendu, le spectre des infections associées aux déficiences du complément
est superposable à celui que l’on trouve chez les patients déficients dans la produc-
tion des anticorps (Fig. 12.12). Des défauts dans l’activation de C3, ou dans C3 lui-
même, sont associés à une grande variété d’infections pyogènes, y compris
S.  pneumoniae, ce qui montre le rôle d’opsonine de C3 dans la phagocytose des bac-
Déficience en composant C8 téries (Fig. 11.14). À l’opposé, des anomalies dans les composants du complexe d’at-
du complément taque membranaire (C5-C9) ont des effets plus limités et induisent uniquement une
sensibilité aux bactéries du genre Neisseria. Cette observation indique que la défense
de l’hôte contre ces bactéries capables de survivre à l’intérieur de la cellule est assu-
rée par le complexe d’attaque membranaire, qui les lyse à l’extérieur des cellules. Des
études précises effectuées sur une population importante au Japon, où l’infection
endémique par N. meningitidis est rare, ont montré que chaque année le risque
qu’une personne normale soit infectée par cet organisme est de 1 / 2 000 000. Ce ris-
que passe à 1 / 200 chez une personne atteinte d’un déficit héréditaire touchant une
des protéines du complexe d’attaque membranaire, une augmentation du risque de
10 000 fois par rapport à une personne ayant une activité du complément normal. Les
éléments précoces de la voie classique du complément sont très importants pour
l’élimination des complexes immuns et des cellules apoptotiques, ce qui peut provo-
quer des pathologies importantes dans les maladies auto-immunes comme le lupus
érythémateux disséminé. Cet aspect des déficits héréditaires du complément sera
discuté au Chapitre 14.
Une autre série de maladies provient d’anomalies dans les protéines de contrôle du
complément. Les personnes déficientes en facteur DAF (Decay-Accelerating Factor)
et CD59, qui protègent les surface cellulaires du soi de l’activation du complément,
Œdème angioneurotique détruisent leurs propres globules rouges. Ce qui aboutit à l’hémoglobinurie nocturne
paroxystique que nous avons décrite à la Section 2-22. Une conséquence plus impor-
tante de la perte d’une protéine de régulation est observée chez les patients atteints
de déficit de l’inhibiteur de C1, qui cause l’œdème angioneurotique héréditaire. En
plus de l’inhibition des sérine protéases C1r et C1s et donc de la régulation de l’acti-
vation de la voie classique du complément, l’inhibiteur de C1 inhibe deux sérine pro-
téases qui participent au système d’activation par contact de la coagulation sanguine,
le facteur XIIa (facteur de Hageman activé) et la kallikréine. Un déficit en inhibiteur

Fig. 12.12 Les déficiences en composants


du complément sont associées à une VOIE CLASSIQUE VOIE DES LECTINES VOIE ALTERNATIVE
sensibilité à certaines infections et à une
accumulation de complexes immuns. Des MBL Un déficit en MBL Un déficit prédispose
déficiences touchant C3 et des éléments C1 Un déficit est MASP1 prédispose à aux infections par des
C2 responsable de maladie Facteur D bactéries pyogènes et
précoces de la voie alternative sont MASP2 des infections Facteur P Neisseria spp. mais pas
responsables d’une sensibilité plus grande C4 à complexes immuns C2 bactériennes surtout à une maladie
à des pathogènes extracellulaires, surtout à C4 durant l’enfance à complexes immuns
des bactéries pyogènes. Les déficiences en
composants précoces de la voie classique
affectent surtout l’élimination des complexes
immuns et des cellules apoptotiques, ce
qui prédispose aux maladies à complexes C3 convertase
immuns. Un déficit de MBL, la lectine liant le
mannose et molécule de reconnaissance de la
voie des lectines, est associé à des infections Dépôt de C3b
bactériennes, surtout chez les jeunes enfants.
Des déficits de composant du complexe
Un déficit prédispose aux infections
d’attaque membranaire sont associés
C3 par des bactéries pyogènes et Neisseria spp.
uniquement à une sensibilité plus grande Parfois, maladie à complexes immuns
aux espèces du genre Neisseria, agents
responsables de méningite et de gonorrhée,
ce qui implique que le mécanisme effecteur
Composants du complexe d’attaque membranaire
est surtout important dans la lutte contre ces
micro-organismes. C5
C6 Un déficit prédispose
C7 aux infections uniquement
C8 par Neisseria spp.
C9
Les immunodéficiences 515

de C1 perturbe la régulation des voies d’activation de la coagulation sanguine et du


complément, ce qui conduit à la production excessive de médiateurs vasodilatateurs
qui induisent une accumulation de liquide dans les tissus (œdème), éventuellement
un gonflement de l’épiglotte, cause possible de suffocation. Les médiateurs impliqués
sont la bradykinine, produite par le clivage du kininogène de haut poids moléculaire
par la kallikréine, et la kinine C2b, produite par l’activité de C1s sur C2.
Des déficiences en lectine liant le mannose (MBL, Mannose-Binding Lectin), qui
active le complément dans l’immunité innée (voir Section 2-12), sont relativement
communes (5 % de la population). Une déficience en MBL peut prédisposer à des
infections bactériennes plus fréquentes durant la petite enfance.

12-12 Des défauts des cellules phagocytaires permettent des infections


bactériennes étendues.

Une diminution du nombre des phagocytes ou une altération de leur fonction peut
constituer une immunodéficience grave ; en effet, une absence totale de neutrophi-
les est incompatible avec la survie dans un environnement normal. On distingue trois
types d’immunodéficiences liées aux phagocytes et causées par des gènes codant des
protéines qui contrôlent respectivement la production des phagocytes, leurs interac-
tions et leur activité lytique sur les micro-organismes. Nous les décrirons tour à tour.
Des déficiences héréditaires dans la production des neutrophiles (neutropénies) sont
classées soit comme neutropénies congénitales sévères ou comme neutropénies
cycliques. Dans la neutropénie congénitale sévère, qui peut être transmise comme
un caractère dominant ou récessif, le nombre de neutrophiles reste de manière per-
sistante à moins de 0,2 × 109 par litre de sang, la norme étant de 3–5,5 × 109 / litre), et la
survie des patients dépend de la réussite d’une greffe de moelle. La neutropénie cycli-
que est une maladie héréditaire dominante au cours de laquelle le nombre de neu-
trophiles proche de la norme se met à chuter très bas au cours d’un cycle d’environ
21 jours. D’autres cellules dérivées de la moelle osseuse, les monocytes, plaquettes,
lymphocytes et réticulocytes, passent par des fluctuations numériques plus faibles
avec la même périodicité.
De manière surprenante, des mutations de l’élastase des neutrophiles humains
(ELA2) sont responsables de la neutropénie cyclique, mais aussi d’une proportion
significative de neutropénie congénitale sévère dominante. À la suite de ces muta-
tions, les élastases fonctionnent moins bien, ce qui aboutit à la production de pro-
téines intracellulaires toxiques qui bloquent la maturation des neutrophiles. Des
mutations hétérozygotes de l’oncogène GFI1, qui code un répresseur de transcrip-
tion, ont été détectées chez trois patients neutropéniques. Cette trouvaille découle de
l’observation inattendue que les souris dépourvues de la protéine Gfi1 sont neutro-
péniques. Une analyse plus poussée a révélé qu’une mutation de Gfi1 chez la sou-
ris affecte l’expression d’Ela2, fournissant un lien entre ces deux gènes dans une voie
commune de différenciation des cellules myéloïdes. Comment l’élastase mutée déter-
mine un cycle durant 21 jours pour la neutropénie et les effets sur les autres types cel-
lulaires de la moelle osseuse reste un mystère.
Une neutropénie intermittente est aussi caractéristique de patients atteints du syn-
drome de Shwachman–Diamond, un autre exemple rare d’une immunodéficience
autosomique récessive. Ce syndrome est caractérisé par des anomalies du squelette,
une insuffisance du pancréas exocrine et un dysfonctionnement de la moelle osseuse.
Une mutation dans le gène appelé SBDS a été identifié dans 89 % d’individus non appa-
rentés et atteints du syndrome de Shwachman–Diamond. SBDS est un membre d’une
famille génique qui comprend des gènes impliqués dans l’apprêtement de l’ARN, ce qui
suggère que le syndrome pourrait être dû à dysfonctionnement dans le métabolisme
de l’ARN essentiel pour l’hématopoïèse, la chondrogenèse (formation du cartilage) et le
développement du pancréas exocrine.
Des défauts dans le recrutement des cellules phagocytaires dans les sites extravascu-
laires d’infection peuvent causer de graves immunodéficiences. Les leucocytes attei-
gnent les sites d’infection en émigrant depuis les vaisseaux sanguins par un processus
bien contrôlé (voir Fig. 2.49). Au cours d’une première phase, les leucocytes adhèrent
516 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

et roulent sur la surface endothéliale par interaction d’un ligand tétrasaccharidique


fucosylé, le sialyl-Lewisx avec la E-sélectine et la P-sélectine endothéliales. Au cours
de la seconde phase, les leucocytes adhèrent fortement à l’endothélium grâce à la
fixation des intégrines β2 comme CD11b / CD18 (Mac-1 / CR3) à leurs récepteurs sur
les cellules endothéliales. La troisième, et dernière, phase est la migration des leuco-
cytes à travers l’endothélium le long d’un gradient de molécules chimiotactiques pro-
venant du site de la lésion tissulaire.
Des déficiences de ces molécules impliquées dans chacune de ces phases peuvent
empêcher les neutrophiles et les macrophages d’atteindre les foyers infectieux où ils
doivent ingérer et détruire les bactéries. Une diminution dans l’adhérence de roule-
ment a été décrite chez des patients déficients en sialyl-Lewisx due à une déficience
supposée d’un transporteur de GDP-fucose impliqué dans la fucosylation au cours
de la biosynthèse du sialyl-Lewisx. De même, des déficits dans la chaîne commune
Déficience d’adhérence leucocytaire CD18 des intégrines β2 des leucocytes ont été identifiés. Ils empêchent la migration
des leucocytes sur les sites d’infection en inhibant l’adhérence forte des leucocytes.
C’est le syndrome de déficience d’adhérence leucocytaire. Une troisième anomalie
génétique qui empêche la migration des neutrophiles a été identifiée dans le
gène  Rac2. La protéine Rac2 est un membre de la famille Rho des GTPases qui régu-
lent l’activation des neutrophiles et la fonction du cytosquelette. Toutes ces déficien-
ces prédisposent à des infections qui sont résistantes au traitement antibiotique et
qui persistent malgré une réponse immunitaire adaptative cellulaire et humorale
apparemment efficace. Une neutropénie acquise associée à une chimiothérapie, une
tumeur ou une anémie aplasique est aussi associée à un spectre semblable d’infec-
tions graves par des bactéries pyogènes.
Le syndrome WHIM (Warts, Hypogammaglobulinemia, Infections, and Myelokathexis
ou verrues, hypogammaglobulinémie, infections et myélocathexie) est une neutropé-
nie rare qui a été récemment associée à une mutation hétérozygote dans le gène codant
le récepteur de chimiokine CXCR4. L’expression en surface de ce récepteur paraît nor-
male ; la mutation affecterait son extrémité cytoplasmique. CXCR4 est le récepteur de
CXCL12 et est exprimé par les cellules myéloïdes, les cellules B et les cellules T naïves
Maladie granulomateuse chronique ainsi que les neurones. Bien que le nombre de cellules B circulantes et le taux d’immu-
noglobulines soient diminués, les personnes atteintes sont capables de produire des
anticorps en quantité presque normale lors d’une vaccination, mais elles sont prédis-
posées aux infections par le virus du papillome, comme le montre le grand nombre de
verrues cutanées et du col utérin qu’ils développent.
La plupart des autres défauts connus des cellules phagocytaires affaiblissent leur acti-
vité de lyse des bactéries intracellulaires ou d’ingestion des bactéries extracellulai-
res (Fig.  12.13). Les patients atteints de la maladie granulomateuse chronique sont
très sensibles aux infections bactériennes et fongiques et forment des granulomes en
Fig. 12.13 Des déficiences des cellules
raison de leur incapacité de tuer des bactéries ingérées (voir Fig. 8.44). Le défaut dans
phagocytaires sont associées à des ce cas concerne la production des dérivés réactifs de l’oxygène (DRO) comme l’anion
infections bactériennes persistantes. superoxyde (voir Section 2-4). La découverte du défaut moléculaire dans cette maladie
Des déficiences touchant les intégrines donne du poids à l’idée que ces molécules tuent directement les bactéries ; cette notion
des leucocytes qui comprennent la sous-
a depuis été contestée par l’observation que la génération des DRO ne suffit pas à tuer les
unité β2 (CD18) ou des défauts dans le
ligand des sélectines, sialyl-Lewisx, inhibent
l’adhérence des cellules phagocytaires et leur
migration dans les sites d’infection (déficience Type de déficience/nom du syndrome Infections associées ou autres maladies
d’adhérence leucocytaire). La bouffée
respiratoire est inhibée au cours de la maladie
Déficience d’adhérence leucocytaire Infections étendues par des bactéries pyogènes
granulomateuse chronique, la déficience en
glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD)
et la déficience en myéloperoxydase. Dans Maladie granulomateuse chronique Infections intracellulaires et extracellulaires, granulomes
la maladie granulomateuse chronique, les
infections persistent car l’activation des
macrophages est déficiente, ce qui aboutit Déficit en G6PD Bouffée respiratoire déficiente, infections chroniques
à une stimulation chronique des cellules T
CD4 et ainsi à des granulomes. La fusion des
vésicules dans les phagocytes est défectueuse Déficit en myéloperoxydase Lyse intracellulaire faible, infection chronique
au cours du syndrome de Chediak-Higashi.
Ces maladies montrent le rôle critique des
phagocytes dans l’élimination et la destruction Syndrome de Chediak-Higashi Infections intracellulaires et extracellulaires, granulomes
des bactéries pathogènes.
Les immunodéficiences 517

micro-organismes cibles. On pense à présent que les DRO déclenchent un afflux


d’ions K+ dans la vacuole de phagocytose, élevant son pH à une valeur optimale pour
l’activité des peptides et protéines microbicides, qui sont les agents responsables de la
lyse des micro-organismes.
Plusieurs déficiences génétiques différentes, affectant n’importe laquelle des quatre pro-
téines constituant la NADPH oxydase exprimée dans les neutrophiles et les monocytes
(voir la Section 2-4), peut causer une maladie granulomateuse chronique. Les patients
atteints font des infections bactériennes chroniques qui, dans certains cas, aboutissent
à la formation de granulomes. Des déficiences de la glucose-6-phosphate déshydrogé-
nase et de la myéloperoxydase peuvent aussi affaiblir la lyse intracellulaire et conduire à
une maladie moins sévère mais du même type. Enfin, le syndrome Chediak-Higashi,
un syndrome complexe caractérisé par un albinisme partiel, des anomalies de la fonc-
tion plaquettaire et une immunodéficience grave est associé à un défaut dans le gène
codant une protéine qui est impliquée dans la formation et le transfert des vésicules
intracellulaires, ce qui altère le processus de fusion des lysosomes avec les phagosomes.
Les phagocytes de ces patients possèdent de grands granules, mais sont incapables de
lyse intracellulaire. Cette déficience affecte aussi la voie sécrétoire entraînant des consé-
quences qui sont décrites à la Section 12-19.

12-13 Des anomalies dans la différenciation des cellules T sont responsables


d’immunodéficiences combinées sévères.

Bien que les patients avec des déficiences des cellules B peuvent résister à de nombreux
pathogènes, ceux qui souffrent d’anomalies dans le développement des cellules T sont
sensibles à un large spectre d’agents infectieux, ce qui démontre le rôle central des cellu-
les T dans les réponses immunitaires adaptatives dirigées pratiquement contre tous les
antigènes. Puisque chez ces patients la production d’anticorps dépendant des cellules T
et les réponses immunitaires cellulaires sont impossibles, ils ne peuvent pas développer
de mémoire immunologique ; on dit qu’ils souffrent d’immunodéficience combinée
sévère (SCID, Severe Combined ImmunoDeficiency).
Plusieurs défauts génétiques peuvent conduire au phénotype  SCID. Une caracté-
ristique commune à tous les enfants atteints de SCID est un arrêt intrinsèque de la
différenciation des cellules T, souvent associé à une différenciation défectueuse des
cellules B et, dans certains types génétiques, à des déficiences des cellules NK. Les
enfants atteints souffrent d’infections opportunistes graves par des adénovirus, le
virus d’Epstein–Barr, Candida albicans et P. carinii, et ils meurent en général au cours
de leur première année de vie à moins qu’ils ne reçoivent des anticorps et une greffe
de moelle. La Figure 12.14 énumère les causes principales de SCID.
Le SCID associé à l’X (XSCID, X-linked SCID) est la forme la plus fréquente ; elle est
parfois appelée « bubble boy disease » ou « maladie de l’enfant-bulle ». Cette expres-
sion dérive de l’histoire d’un garçon atteint de XSCID qui a vécu dans une bulle pro-
tectrice pendant plus de 10 ans avant de mourir après l’échec d’une greffe de moelle.
Les patients atteints de XSCID ont une mutation du gène qui code la chaine gamma
commune (γc) du récepteur de l’IL-2 (IL-2R). Plusieurs récepteurs de cytokines, IL-2,
IL-4, IL-7, IL-9, IL-15 et IL-21, partagent γc et sont donc défectueux dans ce type de Immunodéficience combinée sévère
SCID. Conséquence de ce défaut génétique, les cellules T et NK ne peuvent se déve- liée à l’X
lopper normalement, tandis que le nombre de cellules B, mais pas leur fonction, est
normal. Un type de SCID que l’on ne peut distinguer sur les plans clinique et immu-
nologique et associé à une mutation qui inactive une des protéines de la voie de signa-
lisation partant de γc et d’autres récepteurs de cytokine, la kinase Jak3 (voir la
Section 6-23). Cette mutation cause le développement de cellules T et NK anormales,
mais le développement des cellules B n’est pas affecté.
D’autres immunodéficiences chez l’homme et la souris ont révélé certains rôles des
cytokines et de leurs récepteurs dans le développement des cellules T et des cellu-
les  NK. Par exemple, on a décrit le cas d’un enfant avec SCID qui n’avait pas de cellu-
les NK ni de cellules T normales, mais qui avait des gènes normaux de γc et de la kinase
Jak3. Il est apparu qu’il avait un déficit de la chaîne β, βc, partagée par les récepteurs
de l’IL-2 et de l’IL-15. Cet enfant unique et les souris avec des mutations affectant le
518 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Fig. 12.14 Syndromes d’immunodéficience


combinée sévère. Le tableau reprend Maladie Gène défectueux Mécanisme affecté Phénotype
les causes connues d’immunodéficience
combinée sévère (SCID) chez l’homme
Humain Souris
et la souris ainsi que les gènes défectifs,
les processus cellulaires affectés et les
phénotypes des cellules T, B et NK. ADA, XSCID Chaîne γ du Signal de cytokine T–B+NK– T–B–NK–
adénosine désaminase.
récepteur de l’IL-2

JAK3 Signal de cytokine T–B+NK– T–B–NK–

Récepteur de l’IL-7 Signal de cytokine T–B+NK+ T–B–NK+

Déficience de RAG Recombinaison


Syndrome de Omenn RAG1 T–B–NK+ T–B–NK+
du récepteur d’antigène

Recombinaison
RAG2 T–B–NK+ T–B–NK+
du récepteur d’antigène

Recombinaison
Artemis T–B–NK+ T–B–NK+
du récepteur d’antigène

Déficience de ADA ADA Métabolisme T–B–NK– T–B–NK–

gène de la chaîne β ont permis de définir un rôle clé pour l’IL-15 comme facteur de
croissance pour le développement des cellules NK, ainsi qu’un rôle pour l’IL-15 dans
la maturation et le trafic des cellules T. Des souris dont le gènes de l’IL-15 ou celui de
la chaîne α de son récepteur a été muté n’ont pas de cellules NK et un développement
relativement normal des cellules T, mais elles montrent une réduction du tropisme
des cellules T pour les tissus lymphoïdes périphériques et une réduction du nombre
de cellules T CD8.
Les sujets avec une déficience de la chaîne α du récepteur de l’IL-7 n’ont pas de cel-
lules T, mais un nombre normal de cellules NK, ce qui montre que la signalisation
par l’IL-7 est essentielle pour le développement des cellules T, mais pas pour celui
des cellules NK. Chez l’homme et les souris dont les cellules T montrent une produc-
tion défectueuse de IL-2 après stimulation des récepteurs, le développement des cel-
lules T lui-même est normal. Les effets plus limités de déficit individuel de cytokine
contrastent avec les déficiences globales dans le développement des cellules T et NK
chez les patients atteints de XSCID.
Comme dans toutes les déficiences graves de cellules T, les patients avec XSCID ne
développent pas de réponse à anticorps effective contre la plupart des antigènes,
bien que leurs cellules B semblent normales. Puisque le gène se trouve sur le chro-
mosome X, on peut déterminer si l’absence de la fonction des cellules B n’est qu’une
conséquence de l’absence d’aide des cellules  T par l’examen de l’inactivation du
chromosome X dans les cellules B de porteurs non affectés (voir la Section 12-9). La
plupart des lymphocytes B naïfs porteurs d’IgM, mais pas tous, de femmes porteu-
ses de XSCID ont inactivé le chromosome X défectueux plutôt que le normal, ce qui
montre que le développement des cellules B est affecté mais qu’il n’est pas entière-
ment dépendant de la chaîne γc. Les cellules B mémoire matures qui sont passées
par la commutation de classe ont inactivé le chromosome X défectueux presque sans
exception. Cela pourrait refléter le fait que la chaîne γc fait partie des récepteurs de
l’IL-4 et de l’IL-21. Ainsi, les cellules B dépourvues de cette chaîne auront des récep-
teurs d’IL-4 et d’IL-21 défectueux et ne proliféreront pas lors de réponse anticorps
dépendant des cellules T (voir la Section 9-4).
Un second type de SCID hérité de manière autosomique est dû à un déficit en adé-
Déficience en adénosine nosine désaminase (ADA) ou à un déficit en phosphorylase des nucléotides puri-
désaminase
ques (PNP). Des anomalies dans ces enzymes affectent la dégradation des purines et
conduisent à une accumulation des métabolites nucléotidiques, qui sont particuliè-
rement toxiques pour les cellules T en développement. Les cellules B sont aussi gra-
vement affectées chez ces patients, plus dans l’ADA que dans la PNP.
Les immunodéficiences 519

12-14 Des défauts dans le réarrangement génique du récepteur d’antigène


aboutit au SCID.

Une troisième série de déficiences menant au SCID sont celles qui induisent des
échecs de réarrangement de l’ADN au cours du développement des lymphocytes.
Par exemple, des défauts dans les gènes RAG-1 et RAG-2 entraînent l’arrêt du déve-
loppement des lymphocytes à cause de l’impossibilité de réarrangement génique
du récepteur d’antigène. On observe alors une absence complète de cellules T et
de cellules B chez les souris dont les gènes RAG ont été rendus déficients et chez
les malades souffrant d’une forme héréditaire autosomique de SCID suite à l’ab-
sence d’une protéine RAG fonctionnelle. D’autres enfants avec des mutations soit
dans le gène RAG-1 soit dans le gène RAG-2 peuvent malgré tout synthétiser une
petite quantité de protéine RAG fonctionnelle, permettant un faible activité de
recombinaison V(D)J. Ils souffrent d’une maladie différente mais tout aussi grave
appelée syndrome d’Omenn, au cours de laquelle l’augmentation de la sensibilité
aux multiples infections opportunistes s’accompagne de caractéristiques clini- Syndrome d’Omenn
ques très proches de la maladie du greffon contre l’hôte (voir la Section 14-35) avec
des éruptions, une éosinophilie, des diarrhées et une hypertrophie des ganglions
lymphatiques. Un nombre normal ou élevé de cellules T, toutes étant activées, est
observé chez ces malheureux enfants. Une explication possible de ce phénotype
est qu’une faible activité RAG permet la recombinaison d’un nombre limité de
récepteurs T. Cependant, on n’observe pas de cellules B ; il est possible que les cel-
lules B ont un besoin plus important d’activité RAG. Les cellules T produites par
ces patients ont des récepteurs dont le répertoire est anormalement restreint aussi
bien dans le thymus qu’à la périphérie, où ils ont été activés et ont subi l’expansion
clonale. Les manifestations cliniques suggèrent fortement que ces cellules T péri-
phériques sont autoréactives et sont responsables des symptômes de maladie du
greffon contre l’hôte.
Un autre groupe de patients présentant une maladie SCID autosomique ont un
phénotype qui ressemble à celui d’une souche mutante de souris appelée scid.
Les souris scid sont anormalement sensibles aux radiations ionisantes en plus du
syndrome SCID. Elles produisent peu de cellules T et B matures, car le réarran-
gement de l’ADN des lymphocytes en développement est anormal. On observe
peu d’associations VJ ou VDJ et la plupart d’entre elles sont anormales. Le déficit
responsable de ce phénotype concerne la protéine-kinase dépendante de l’ADN
(DNA-PKCS, DNA-dependent Protein Kinase), qui est impliquée dans le réarran-
gement génique des récepteurs d’antigène (voir la Section  4-5). Une mutation
différente chez certaines personnes atteintes d’un SCID autosomique touche la
protéine Artemis, qui agit dans la même voie que DNA-PKCS. Le rôle normal du
complexe Artemis:DNA-PKCS est d’ouvrir les structures en épingle à cheveux afin
de permettre la formation des jonctions VDJ, ce qui complète le processus de
recombinaison VDJ.
D’autres défauts de la réparation et des recombinaisons de l’ADN sont associés à
un ensemble d’immunodéficiences, à une augmentation de la sensibilité aux effets
néfastes des radiations ionisantes et au développement de cancers. Un exemple
est le syndrome de Bloom, une maladie due à des mutations d’une enzyme qui
déroule l’ADN bicaténaire, l’ADN hélicase. Un autre exemple est l’ataxie-télan-
giectasie (AT), dans laquelle une protéine appelée ATM (Ataxia Telangiectasia-
Mutated) est défectueuse. Elle contient un domaine kinase qui semble impliqué
dans la signalisation intracellulaire en réponse aux lésions de l’ADN. L’ADN ligase
IV, qui joint l’ADN lors de la recombinaison V(D)J (voir la Section 4-5), manque dans
un petit groupe de patients atteints d’un syndrome semblable à l’ataxie-télangiecta-
sie, dans lequel la recombinaison V(D)J et la commutation de classe sont altérées.
L’ADN ligase IV est un composant de la voie générale de jonction des extrémités
non homologues pour la réparation de l’ADN ; elle joint l’ADN clivé dans divers pro-
cessus de réparation. Une réparation défectueuse des bris d’ADN cause aussi une
susceptibilité accrue au cancer des tissus lymphoïdes et d’autres tissus.
520 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

12-15 Des défauts dans la signalisation à partir des récepteurs d’antigène


des cellules T peuvent causer une immunodéficience grave.

On a décrit plusieurs anomalies génétiques interférant avec la signalisation passant


par les récepteurs des cellules T et ainsi avec l’activation des cellules T nécessaire à
une réponse immunitaire adaptative. Les patients produisant peu de chaînes  CD3γ
ont aussi une activation défectueuse des cellules T. Les patients produisant des taux
faibles d’une chaîne CD3ε mutée présentent également une déficience d’activation
des cellules T. Bien qu’ils ne puissent être classés strictement dans la catégorie  SCID,
les patients qui synthétisent une forme anormale de la tyrosine kinase cytosoli-
que, ZAP-70, qui transmet les signaux provenant du récepteur de cellule T (voit la
Section 6-11), ont été décrits. Leurs cellules T CD4 quittent le thymus en nombre nor-
mal, alors que les cellules T CD8 sont absentes. Cependant, les cellules T CD4 matu-
res ne répondent pas aux stimulus qui activent les cellules par leurs récepteurs si bien
que ces patients sont très immunodéficients. Un autre défaut de signalisation lym-
phocytaire qui aboutit à une immunodéficience grave est causé par des mutations
de la tyrosine phosphatase CD45. L’homme et la souris avec une déficience de CD45
montrent une réduction marquée dans le nombre de cellules T périphériques et une
maturation anormale des cellules B.
Le syndrome de Wiskott-Aldrich (WAS, Wiskott-Aldrich Syndrome) a fourni un nou-
vel éclairage sur la signalisation et la formation de la synapse immunitaire entre
diverses cellules T au sein du système immunitaire. La maladie touche aussi les pla-
quettes et à tout d’abord été décrite comme une maladie de la coagulation, mais elle
est aussi associée à une immunodéficience causée par une fonction défectueuse des
cellules T entraînant une réduction du nombre de cellules T, une cytotoxicité défec-
tueuse des cellules NK et des réponses anticorps insuffisantes contre les bactéries
Syndrome de Wiskott-Aldrich encapsulées. WAS est lié à un gène défectueux sur le chromosome X ; il code la pro-
téine appelée WASP (WAS Protein). Cette protéine est exprimée dans toutes les lignées
de cellules hématopoïétiques et semble être un important régulateur du développe-
ment lymphocytaire et plaquettaire en interagissant avec le cytosquelette d’actine,
qui joue un rôle essentiel dans la formation de la synapse immunitaire et la polarisa-
tion des cellules T effectrices (voir la Section 8-22). On a suggéré récemment que la
fonction suppressive des cellules  Treg naturelles requérait l’intervention de WASP.
Cette protéine intervient dans la transduction de signaux au cytosquelette cellulaire
car elle active le complexe Arp2 / 3, qui est nécessaire au lancement de la polymérisa-
tion de l’actine. Chez les patients atteints de WAS, et chez les souris où le gène de
WASP a été inactivé, les cellules T ne répondent pas normalement aux mitogènes ou
au pontage des récepteurs de cellule T. On connaît plusieurs voies de signalisation
venant du récepteur de cellule T et menant à l’activation de WASP. Une voie implique
la protéine échafaudage SLP-76, qui sert de site de liaison pour la protéine adapta-
trice, Nck, qui à son tour se lie à WASP. De petites protéine liant le GTP peuvent aussi
activer WASP, en particulier Cdc42 et Rac1, qui peuvent elles-mêmes être activées par
le récepteur de cellule T dont la signalisation passe par la protéine adaptatrice Vav.

12-16 Des défauts génétiques dans la fonction thymique qui bloquent


le développement des cellules T sont responsables
d’immunodéficiences graves.

Un trouble du développement thymique, associé à un phénotype SCID et à une


alopécie, est connu depuis de nombreuses années chez la souris  ; la souche
mutante est appelée nude (voir la Section 7.7). Ce syndrome a été retrouvé chez
quelques enfants. Chez la souris et chez l’homme, l’affection est liée à des muta-
tions dans un gène appelé FOXN1 (également connu sous le nom de WHN), qui
est sur le chromosome 17 humain et qui code un facteur de transcription exprimé
sélectivement dans la peau et le thymus. FOXN1 est nécessaire à la différencia-
tion de l’épithélium du thymus et à la formation d’un thymus fonctionnel. Chez
les patients avec une mutation de FOXN1, la déficience de la fonction thymique
empêche le développement des cellules T dépendant du thymus. Dans de nom-
breux cas, le développement des cellules B est normal chez les individus porteurs
Les immunodéficiences 521

de la mutation, mais la réponse à presque tous les agents pathogènes est profon-
dément altérée en raison de l’absence de cellules T.
Le syndrome de DiGeorge est une autre maladie dans laquelle l’épithélium thymi-
que ne se développe pas normalement, d’où un syndrome SCID. L’anomalie généti-
que à la base de cette affection complexe touchant le développement est une délétion
dans une copie du chromosome 22. La délétion varie entre 1,5 et 5 mégabases, la plus
petite délétion responsable du syndrome contenant environ 24 gènes. Le gène rele-
vant dans cet intervalle est TBX1, qui code un facteur de transcription, T-box 1. Le syn-
drome de diGeorge est causé par la délétion d’une seule copie de ce gène. En absence
de leur environnement, les cellules T ne peuvent pas atteindre leur maturité; la pro-
duction d’anticorps dépendante des cellules T, comme l’immunité cellulaire, est donc
déficiente. Les patients atteints de ce syndrome ont des taux normaux d’immunoglo-
bulines sériques, mais une absence ou un développement incomplet du thymus et des
parathyroïdes, avec des degrés variables d’immunodéficience des cellules T.
L’expression défectueuse des molécules du CMH peut mener à une immunodéfi-
cience grave en raison des effets sur la sélection positive des cellules T dans le thy-
mus. Les individus atteints du syndrome des lymphocytes nus n’expriment aucune
molécule du CMH de classe II sur leurs cellules. Puisque le thymus est dépourvu de
molécules du CMH de classe II, les cellules T CD4 ne peuvent être sélectionnées posi-
tivement et peu d’entre elles se développent. Les cellules présentatrices d’antigène
chez ces individus manquent également de molécules du CMH de classe II ; aussi, les
quelques cellules T CD4 qui se développent ne peuvent être stimulées par un anti-
gène. L’expression du CMH de classe I est normale et les cellules T CD8 se dévelop-
pent normalement. Cependant, ces patients souffrent d’immunodéficience grave,
ce qui illustre le rôle central des cellules T CD4 dans l’immunité adaptative à la plu-
part des pathogènes. Le syndrome n’est pas causé par une mutation dans les gènes
du CMH eux-mêmes, mais par des mutations dans un des divers gènes codant pour
des protéines de régulation génique indispensables à l’activation de transcription des
promoteurs du CMH de classe II. Des déficiences dans quatre gènes complémen-
taires (groupes A, B, C et D) ont été identifiées chez les patients qui n’expriment pas
de molécules du CMH de classe II, ce qui suggère qu’au moins quatre gènes diffé-
rents sont requis pour l’expression normale de ces protéines. Les gènes correspon-
dant à chaque groupe complémentaire ont été identifiés : le transactivateur du CMH
de classe II ou CIITA (MHC Class II TransActivator) est le gène muté dans le groupe
A. Les gènes mutés dans les groupes B, C et D sont appelés respectivement RFXANK,
RFX5 et RFXAP. Ces trois derniers codent trois protéines, qui appartiennent à un fac-
teur polymérique, RFX, impliqué dans le contrôle de la transcription. Il se fixe à une
séquence d’ADN, appelée boîte X, présente dans la région promotrice de tous les
gènes du CMH de classe II.
Une immunodéficience plus limitée, associée à des infections bactériennes respira-
toires chroniques et à des ulcérations de la peau avec vasculite, a été observée chez un
petit nombre de patients qui n’ont presque pas de molécules du CMH de classe I à la
surface de leurs cellules. Les individus atteints de cette déficience en CMH de classe I
présentent un taux normal d’ARNm codant les molécules du CMH de classe I et une
production normale des protéines de classe I. Cependant, très peu de ces protéines
atteignent la surface cellulaire. Cette anomalie ressemble à celle que l’on observe
dans les cellules dont TAP est muté, décrite à la Section 5-2, et des mutations des
gènes TAP1 ou TAP2, qui codent les sous-unités du transporteur de peptide, ont été
trouvées chez des patients avec déficience du CMH de classe I. Comme dans la défi- Déficience en CMH de classe I
cience du CMH de classe II, l’absence d’expression des molécules du CMH de classe I
à la surface cellulaire des cellules épithéliales thymiques est responsable d’une
absence de cellules T CD8 exprimant le récepteur T α:β, mais ces patients possèdent
des cellules T CD8 γ:δ. Il est plutôt surprenant que ces patients ne soient pas plus sen-
sibles aux infections virales, alors que l’on connaît le rôle central de la présentation
par les molécules du CMH de classe I et des cellules T CD8 α:β dans le contrôle des
infections virales. Cependant, on a constaté que certains peptides parvenaient à
rejoindre le CMH de classe I par des voies indépendantes de TAP. Le phénotype clini-
que des patients déficients pour TAP1 et TAP2 indique que ces voies seraient suffisan-
tes pour permettre le contrôle des infections virales.
522 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

12-17 Les voies normales de protection contre les bactéries intracellulaires


ont été mises en évidence par l’étude des déficits génétiques touchant
l’IFN-γ, l’IL-12 ou leurs récepteurs respectifs.
On a identifié un petit nombre de familles dont certains membres souffrent d’attaques
persistantes et même fatales par des pathogènes intracellulaires, surtout des myco-
bactéries et des salmonelles. Ces patients sont typiquement infectés par des sou-
ches de mycobactéries ubiquitaires, non tuberculeuses, de l’environnement comme
Mycobacterium avium. Ils peuvent aussi développer une infection après une vac-
cination avec Mycobacterium bovis, le bacille de Calmette et Guérin utilisé comme
vaccin vivant contre Mycobacterium tuberculosis. Les bases moléculaires de la sensi-
bilité à ces infections sont diverses mutations qui abolissent la fonction de n’importe
laquelle des protéines suivantes : la cytokine IL-12, le récepteur de l’IL-12 ou le récep-
teur de l’interféron (IFN)-γ et sa voie de signalisation. Des mutations ont été trouvées
dans la sous-unité p40 de l’IL-12, dans la chaîne β1 du récepteur de l’IL-12 et dans les
deux sous-unités, R1 ou R2, du récepteur de l’IFN-γ. La sous-unité p40 est commune à
l’IL-12 et à l’IL-23 ; aussi, une déficience en p40 peut causer l’absence de ces deux
cytokines. Une mutation de STAT1, une protéine de la voie de signalisation activée
après stimulation du récepteur de l’IFN-γ, est aussi associée, chez l’homme, à une
susceptibilité accrue aux infections mycobactériennes. Des sensibilités aux infec-
tions par les bactéries intracellulaires du même type sont observées chez des sou-
ris dont les mêmes gènes ont été mutés ou chez des souris dont le gène du TNF-α ou
celui du récepteur p55 du TNF est déficient. Tous ces gènes doivent donc jouer un
rôle important dans les mécanismes normaux de la protection contre ces bactéries
intracellulaires. Pourquoi la tuberculose elle-même n’est pas observée plus souvent
chez les patients avec ces déficiences, alors que M. tuberculosis est plus virulent que
M. avium et M. bovis, reste sans réponse.
Les mycobactéries et les salmonelles pénètrent dans les cellules dendritiques et les
macrophages, où elles peuvent se reproduire et se multiplier. Au même moment, elles
induisent une réponse immunitaire en plusieurs étapes, qui finalement contrôle l’in-
fection avec l’aide des cellules T CD4. Tout d’abord, les lipoprotéines et les peptido-
glycans de la surface bactérienne se lient à des récepteurs portés par les macrophages
et les cellules dendritiques et pénètrent dans les cellules. Ces récepteurs compren-
nent les récepteurs de type Toll (TLR) (voir la Section 2-7), particulièrement TLR-2,
et le récepteur du mannose. Leur pontage induit la production, à l’intérieur des cel-
lules, d’oxyde nitrique (NO), qui est toxique pour les bactéries. La signalisation par
les TLR peut aussi induire la libération d’IL-12 qui, à son tour, stimule la production
d’IFN-γ par les cellules NK au cours de la phase précoce de la réponse immunitaire.
L’IL-12 stimule aussi la libération d’IFN-γ et de TNF-α par les cellules T CD4 spécifi-
ques de l’antigène. Ces cytokines activent et recrutent plus de macrophages dans le
foyer infectieux, et induisent ainsi la formation de granulomes (voir la Section 8-33).
Le rôle central de l’IFN-γ dans l’activation de la lyse bactérienne intracellulaire par les
macrophages est illustré par l’incapacité de contrôler ces infections chez les patients
génétiquement déficients dans une des deux sous-unités de son récepteur. En l’ab-
sence d’expression du récepteur de l’IFN-γ, la formation des granulomes est très
réduite, montrant le rôle de ce récepteur dans leur développement. Au contraire, si
une mutation est associée à la présence d’une quantité faible de récepteur, les granu-
lomes se forment mais les macrophages à l’intérieur du granulome ne sont pas suffi-
samment activés pour contrôler la division et la dissémination des mycobactéries. Il
est important de se rappeler que cette cascade de cytokines se produit lors d’interac-
tions entre les cellules T CD4 spécifiques de l’antigène et les macrophages et cellules
dendritiques abritant les bactéries intracellulaires. La liaison du récepteur de la cel-
lule T et la costimulation du phagocyte, par exemple par l’interaction CD40 et CD40
ligand, envoient des signaux qui contribuent à activer les phagocytes infectés afin
qu’ils tuent les bactéries intracellulaires.
Des infections par des mycobactéries inhabituelles ont été rapportées chez plusieurs
Dysplasie ectodermique patients atteints d’une déficience de NEMO (voir la Section 12-10). Ceci mène à une
hypohidrotique activation défectueuse de NFκB et ainsi à une altération de nombreuses réponses cel-
et immunodéficience liées à l’X lulaires, entre autres celles aux ligands des TLR et au TNF-α, qui stimulent cette voie
Les immunodéficiences 523

de signalisation. La conclusion à tirer de ces maladies est que les voies contrôlée par
les TLR et NFκB semblent importantes dans les réponses immunitaires contre une
collection de pathogènes non apparentés, tandis que la voie IL-12 / IL-23 / IFN-γ est
spécialement importante pour l’immunité contre les mycobactéries et les salmonel-
les mais non contre d’autres pathogènes.

12-18 Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X est associé à des infections


mortelles par le virus d’Epstein-Barr et au développement
de lymphomes.

Le virus d’Epstein-Barr que nous avons rencontré plus tôt dans ce chapitre (voir la
Section 12-2) peut transformer les cellules B et est utilisé au laboratoire pour immor-
taliser les cellules B. Cette transformation n’a normalement pas lieu in vivo car l’infec-
tion par EBV est contrôlée et maintenue dans un état de latence par les cellules  T
cytotoxiques spécifiques des antigènes d’EBV exprimés par les cellules  B. En cas
d’une immunodéficience T, ce mécanisme de contrôle est faillible, et des lympho- Syndrome lymphoprolifératif
mes  B potentiellement mortels peuvent se développer. Une circonstance au cours de lié à l’X
laquelle cela peut survenir est une immunodéficience rare, le syndrome lympho-
prolifératif lié à l’X, qui est la conséquence de mutations dans un gène appelé
SH2D1A pour SH2-Domain containing gene 1A. Ce gène code une protéine appelée
SAP (un acronyme pour SLAM-Associated Protein, SLAM étant lui-même un acro-
nyme pour Signaling Lymphocyte Activation Molecule ou molécule de signalisation
activatrice des lymphocytes). Les garçons atteints de cette déficience sont victimes
d’une infection incontrôlée par EBV durant leur enfance et, dans certains cas, de lym-
phome. Dans ces conditions, l’infection par EBV est habituellement mortelle et asso-
ciée à une nécrose hépatique. SAP doit donc jouer un rôle vital et non redondant dans
le contrôle normal de l’infection par EBV.
La fonction de SAP n’est que partiellement comprise. Le domaine SH2 de la protéine
interagit avec les queues cytoplasmiques de deux récepteurs transmembranaires,
SLAM et 2B4, structurellement homologues, et avec la molécule d’adhérence de la cel-
lule T, CD2. SLAM est exprimée sur les cellules T activées alors que 2B4 est exprimée
sur les cellules T, les cellules B et les cellules NK. Une fonction de SAP est de recruter
la tyrosine kinase FynT auprès de ces récepteurs, ce qui active une cascade de signa-
lisation intracellulaire qui inhibe la production d’IFN-γ après l’engagement du récep-
teur de cellule T sans affecter la production d’IL-2. En l’absence de SAP, les cellules T
produisent des quantités accrues d’IFN-γ et cela pourrait privilégier une réponse de
type TH1. Les garçons atteints du syndrome lymphoprolifératif lié à l’X produisent net-
tement plus d’IFN-γ que des sujets normaux lors d’une infection primaire par l’EBV.
Deux hypothèses peuvent expliquer la pathogénie de l’infection fatale par EBV chez
les enfants avec des anomalies de SAP. Tout d’abord, les cellules T ne détruiraient pas
les cellules B exprimant des antigènes de EBV en train de se multiplier et permettent
ainsi le développement d’une infection non contrôlée. La seconde hypothèse est une
activation incontrôlée des cellules T par les cellules B présentant des peptides d’EBV,
ce qui aboutir à des lésions inflammatoires graves par des mécanismes décrits dans
la section suivante. Certains cas de lymphomes chez les jeunes enfants sont asso-
ciés à des mutations dans le gène SH2D1A en absence de preuves d’une infection
par EBV. Cette observation suggère que SH2D1A puisse être un gène suppresseur de
tumeur en plus de son rôle dans le contrôle du virus qui peut aussi induire la forma-
tion de tumeur. En raison du fait que l’EBV persiste dans des cellules B mémoire (voir
Section 12-2), une déplétion des cellules B a été utilisée avec succès pour traiter des
patients infectés gravement par l’EBV.

12-19 Des anomalies génétiques dans la voie de sécrétion cytotoxique


des lymphocytes causent une lymphoprolifération incontrôlée
et des réponses inflammatoires aux infections virales.

Un petit groupe d’immunodéficiences héréditaires affectent également la pigmenta-


tion de la peau, causant l’albinisme. Le lien entre ces deux phénotypes, apparemment
524 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

sans lien est un défaut dans la sécrétion régulée des lysosomes. De nombreux types
de cellules dérivées de la moelle osseuse, y compris les lymphocytes, granulocytes,
les mastocytes et les cellules, ont en commun la propriété de la sécrétion régulée
des lysosomes. En réponse à des stimulus, ils exportent (exocytose) des lysosomes
sécrétoires qui contiennent des groupes protéiques. Parmi les autres types de cellu-
les dotées de cette activité de sécrétion régulée des lysosomes, on trouve les méla-
nocytes, les cellules pigmentaires de la peau. Le contenu des lysosomes sécrétoires
diffèrent selon le type de cellule. Dans les mélanocytes, la mélanine est le compo-
sant principal, tandis que dans les cellules T cytotoxiques, les lysosomes sécrétoires
contiennent les protéines cytolytiques perforine, granulysines et granzymes (voir la
Section 8-28). Bien que le contenu des granules diffère entre les types cellulaires, les
mécanismes fondamentaux de leur sécrétion sont semblables, ce qui explique pour-
quoi des perturbations héréditaires dans la sécrétion régulée des lysosomes peuvent
causer simultanément l’albinisme et une immunodéficience.
Nous avons appris dans la Section 12-18 que le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X
est associé à une inflammation incontrôlée en réponse à une infection par l’EBV. À
cet égard, il ressemble fortement à un groupe de maladies qui causent un syndrome
connu sous le nom de syndrome hémophagocytaire dans lequel il existe une expan-
sion non contrôlée des lymphocytes CD8 cytotoxiques, associée à l’activation des
macrophages. Les manifestations cliniques de la maladie sont dues à une réaction
inflammatoire provoquée par une augmentation de la libération de cytokines pro-
inflammatoires telles que l’IFN-γ, TNF, IL-6, IL-10 et M-CSF (Macrophage Colony-
Stimulating Factor). Ces médiateurs sont sécrétées par les lymphocytes T activés et
les macrophages qui infiltrent tous les tissus, ce qui provoque une nécrose tissulaire
et la défaillance de divers organes. Les macrophages activés phagocytent des cellu-
les sanguines, entre autres des érythrocytes et des leucocytes, ce qui donne son nom
au syndrome. Certains de ces syndromes hémophagocytaires sont hérités, et peuvent
être classés en deux catégories selon la nature du gène défectueux. Dans la première,
les effets de la mutation se limitent à des lymphocytes et autres cellules du système
immunitaire parce que la protéine mutante est présente dans les granules des cellu-
les NK et des lymphocytes cytotoxiques. Dans le deuxième type, l’anomalie génétique
perturbe la voie de sécrétion régulée des lysosomes et touche tous les types de cellu-
les qui utilisent cette voie ; dans ces cas, l’albinisme peut s’ajouter au syndrome.
Une maladie particulièrement pénible nommée lymphohistiocytose hémopha-
gocytaire familiale (LHF) est causée par une déficience héréditaire de la protéine
cytotoxique perforine. Il s’agit d’un trouble propre aux lymphocytes, dans lequel des
cellules T CD8 polyclonales s’accumulent dans les tissus lymphoïdes et d’autres orga-
nes en association avec des macrophages activés hémophagocytaires. L’inflammation
progressive est mortelle si elle n’est pas contrôlés par des immunosuppresseurs. Chez
la souris déficiente en perforine, aucun défaut n’est observé, mais quand les souris
sont infectées par le virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCV), ou d’autres
virus, une maladie qui ressemble à la LHF humaine se développe, due à une réponse
non contrôlée des cellules T spécifiques du virus. Ce syndrome rare montre claire-
ment le rôle de lymphocytes CD8 dans la limitation des réponses immunitaires des
cellules T, par exemple en réponse à une infection virale, par des mécanismes cyto-
toxiques tributaires de la perforine. Lorsque ce mécanisme échoue, des cellules  T
activées incontrôlées tuent leur hôte. La perforine est également critique pour la cyto-
toxicité des cellules NK, également altérée dans la LHF.
Des exemples de maladies héréditaires qui affectent la sécrétion régulée des lysoso-
mes sont le syndrome de Chediak-Higashi, causée par des mutations dans une pro-
téine, CHS1, qui régule le trafic lysosomial, et le syndrome de Griscelli, causé par des
mutations dans une petite GTPase, RAB27A, qui contrôle la circulation des vésicules
à l’intérieur des cellules. Deux autres types de syndrome de Griscelli ont été identifiés,
dans lesquels les patients n’ont que des modifications pigmentaires sans déficience
immunitaire. Dans le syndrome de Chediak-Higashi, des lysosomes géants anormaux
s’accumulent dans les mélanocytes, les neutrophiles, les lymphocytes, les éosinophi-
les et les plaquettes. Les cheveux ont typiquement une couleur argentée, la vision est
faible en raison des anomalies des cellules pigmentaires de la rétine et la dysfonction
plaquettaire favorise les saignements. Les enfants atteints de ce syndrome souffrent
Les immunodéficiences 525

d’infections graves récurrentes en raison d’une défaillance des cellules T, des polynu-
cléaires neutrophiles et des cellules NK. Après quelques années, une lymphohistiocy-
tose hémophagocytaire menant à la mort en absence de traitement. Les antibiotiques
sont nécessaires pour traiter et prévenir les infections, l’immunosuppression étant
nécessaire pour faire face à l’inflammation non contrôlée ; seule la greffe de moelle
osseuse offre un réel espoir aux patients atteints de la maladie de Chediak-Higashi.

12-20 Des déficiences génétiques peuvent être corrigées par une greffe
de moelle osseuse ou par thérapie génique.

Il est souvent possible de corriger des défauts du développement lymphocytaire


qui conduisent au phénotype SCID ou d’autres phénotypes d’immunodéficience
en remplaçant l’élément défectueux par une greffe de moelle osseuse. La difficulté
majeure de ce type de thérapie est le polymorphisme du CMH. Pour être utile, le
greffon doit partager certains allèles du CMH avec l’hôte. Comme nous l’avons
appris dans la Section 7-15, les allèles du CMH exprimés par l’épithélium thymi- Maladie du greffon contre l’hôte
que déterminent quelles sont les cellules T qui peuvent être sélectionnées positi-
vement. Lorsque des cellules de la moelle osseuse sont utilisées pour rétablir la
fonction immunitaire d’individus avec un thymus normal, les cellules T et les cel-
lules présentatrices de l’antigène proviennent toutes deux de la greffe. Par consé-
quent, à moins que la greffe ne partage quelques allèles du CMH avec le receveur,
les cellules  T qui sont sélectionnées par contact avec l’épithélium thymique de
l’hôte ne peuvent pas être activées par les cellules présentatrices de l’antigène pro- Greffe de moelle osseuse
venant de la greffe (Fig.  12.15). Un autre danger est lié à l’activité des cellules  T Un allèle de CMH est commun
post-thymiques matures de la moelle osseuse du donneur ; elles peuvent recon-
naître le receveur comme étranger et l’attaquer, c’est la maladie du greffon contre macrophage APC
l’hôte (GVHD pour Graft-Versus-Host Disease) (Fig. 12.16, panneau du haut). On
peut prévenir cette maladie en éliminant les cellules  T matures de la moelle
osseuse du donneur. Les receveurs de moelle osseuse sont généralement irradiés
de manière à détruire leurs lymphocytes. Ceci permet de faire de la place pour les
cellules de la greffe et limite les risques de maladie de l’hôte contre le greffon
(HVGD pour Host-Versus-Graft Disease) (Fig.  12.16, troisième panneau).
Cependant, chez les patients atteints de SCID, la réponse de l’hôte contre la moelle a×b b
MHC Cellules T MHC
osseuse transplantée ne peut survenir puisque qu’il est immunodéficient.
Maintenant que les gènes responsables des anomalies ont été identifiés, une nouvelle Les cellules du donneur sont sélectionnées
stratégie pour corriger les déficits immuns héréditaires peut être tentée. Elle consiste sur base de leur reconnaissance
à prélever un échantillon de moelle osseuse du patient, à insérer, au moyen d’une du CMHb dans le thymus du receveur
vecteur dérivé d’un rétrovirus, une copie normale du gène défectueux dans les cellu-
les puis de réinjecter celles-ci au patient. Cette forme de traitement, appelé thérapie
génique somatique devrait corriger l’anomalie génétique. De plus, chez les immu-
nodéficients, on peut réinjecter la moelle osseuse sans aucune irradiation servant à
inhiber la fonction de la moelle osseuse du receveur. De cette manière, on a traité avec
succès des patients atteints de SCID lié à l’X ou de déficiences en ADA. Cependant,
comme la plupart des lymphocytes se divisent, le nouveau gène est progressivement
dilué et le traitement doit être répété régulièrement.
Malheureusement, ce succès a été suivi par un sérieux revers  : deux des neuf
enfants dont l’immunodéficience avait été corrigée par cette thérapie génique
Les cellules T restreintes au CMHb peuvent
Fig. 12.15 Lors d’une greffe de moelle épithéliales qui portent CMH et négativement
b être activées par les APC CMHa×b et peuvent
osseuse, le donneur et le receveur doivent par les cellules épithéliales stromales du reconnaître les cellules CMHb infectées
partager quelques molécules du CMH receveur ainsi qu’à la jonction corticomédullaire
pour restaurer la fonction immunitaire. Le lors de la rencontre avec les cellules dendritiques
schéma représente une greffe allogénique provenant à la fois de la moelle osseuse du
de moelle osseuse, les cellules médullaires donneur et des cellules dendritiques résiduelles
du donneur partageant avec le receveur des du receveur. Les cellules sélectionnées
molécules du CMH. Les molécules communes négativement meurent par apoptose. Les cellules
sont désignées par la lettre « b » et colorées en présentatrices de l’antigène de la périphérie
bleu, les molécules du donneur non partagées peuvent activer les cellules T qui reconnaissent
sont désignées par « a » et sont en jaune. Les les molécules CMHb. Les cellules T activées
lymphocytes du donneur sont sélectionnés peuvent alors reconnaître les cellules infectées
positivement sur les cellules thymiques portant le CMHb.
526 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

ont développé une tumeur des cellules T. Le vecteur rétroviral avait été, en effet,
Les cellules T matures de la greffe reconnaissent
les cellules de l’hôte comme étrangères intégré à proximité d’un promoteur du proto-oncogène appelé LMO2, un gène
qui régule l’hématopoïèse.

Tue 12-21 Des immunodéficiences secondaires prédisposent à des infections


graves pouvant être fatales.
T

Les immunodéficiences primaires nous ont beaucoup appris sur la biologie de cer-
taines protéines du système immunitaire. Heureusement, ces conditions sont rares.
En revanche, les immunodéficiences secondaires sont très fréquentes en pratique
médicale quotidienne. La malnutrition touche de nombreuses populations dans le
monde, et l’une des caractéristiques majeures de la malnutrition est une immuno-
Maladie du greffon contre l’hôte (GVDH)
Maladie immunitaire systémique
déficience secondaire, qui affecte en particulier l’immunité de type cellulaire, la mort
au cours des famines est souvent causée par une infection. La rougeole, qui provoque
Pas de réponse immunitaire de la greffe dont elle-même une immunosuppression (voir la Section 12-4), est une cause importante
les cellules T ont été éliminées de décès chez les enfants souffrant de malnutrition. Dans les pays développés, la rou-
Les cellules souches prolifèrent et reconstituent geole est une maladie désagréable, mais les complications majeures sont rares. En
le système immunitaire de l’hôte revanche, la rougeole en cas de sous-alimentation a une forte mortalité. La tubercu-
lose est une autre complication grave de la malnutrition. Chez la souris, une carence
en protéines cause une immunodéficience en altérant la fonction des cellules pré-
B sentatrices d’antigène, mais chez l’homme, il n’est pas clair comment la malnutrition
cellule affecte spécifiquement la réponse immunitaire. Des liens entre les systèmes endo-
souche crinien et immunitaire pourraient fournir une explication. Les adipocytes (cellules
T graisseuses) produisent l’hormone leptine, dont les taux sont directement liés à la
quantité de graisse du corps ; or, les taux de leptine chutent en cas de famine. Tant
chez l’homme que chez la souris, un déficit génétique en leptine atténue les répon-
ses des cellules T et, chez la souris, le thymus s’atrophie. Ces anomalies peuvent être
Greffe réussie
corrigées par l’administration de leptine aux souris dénutries ou qui ont hérité d’une
déficience en leptine.
Les immunodéficiences secondaires sont également associées à des tumeurs
Les cellules T matures de l’hôte reconnaissent hématopoïétiques, comme la leucémie et des lymphomes. Selon le type, la leu-
les cellules de la greffe comme étrangères
cémie peut être associée à un excès de neutrophiles (neutrophilie) ou un défi-
cit (neutropénie). Dans les deux cas, le dysfonctionnement des polynucléaires
tue
neutrophiles augmente la sensibilité aux infections bactériennes et fongiques,
T
cellule comme décrit à la Section  12-12. La destruction ou l’invasion des tissus lym-
souche phoïdes périphériques par un lymphome ou des métastases d’autres cancers
peut favoriser les infections opportunistes. L’ablation chirurgicale de la rate ou
la suppression de la fonction splénique par certaines maladies prédispose à une
infection généralisée par S. pneumoniae, ce qui illustre le rôle des cellules pha-
Réponse de l’hôte contre la greffe. Rejet de la greffe gocytaires mononuclées spléniques dans l’élimination de ce pathogène. Les
patients sans fonction splénique devraient être vaccinés contre les pneumoco-
ques et on leur recommande souvent de prendre, à titre prophylactique, des
Fig. 12.16 La greffe de moelle osseuse
peut être utilisée pour corriger les antibiotiques tout au long de leur vie.
immunodéficiences causées par
des anomalies de la maturation des
Malheureusement, une complication majeure des médicaments cytotoxiques
lymphocytes malgré deux problèmes utilisés pour traiter le cancer est l’immunosuppression et une susceptibilité
potentiels. Premièrement, les cellules T accrue aux infections. Ces médicaments tuent toutes les cellules en division,
matures présentes dans la moelle osseuse et les cellules de la moelle osseuse et des systèmes lymphoïdes en sont les
peuvent attaquer les cellules de l’hôte principales victimes. L’infection est donc l’un des principaux effets secondai-
en reconnaissant les antigènes du CMH,
induisant ainsi la maladie du greffon contre
res de la chimiothérapie cytotoxique. C’est également le cas lorsque ce type
l’hôte (panneau du haut). Une élimination de médicaments est utilisé en vue d’une immunosuppression. Un autre effet
des cellules T de la moelle osseuse du secondaire de l’intervention médicale est le risque accru d’infection dans les
donneur prévient cette complication (panneau dispositifs médicaux implantés, tels que les cathéters, les valves cardiaques arti-
du centre). Deuxièmement, les cellules T ficielles et des articulations artificielles. Ce sont des sites favorables au dévelop-
immunocompétentes du receveur peuvent
attaquer les cellules souches de la moelle
pement d’infections qui résistent aux antibiotiques. Ces matériaux implantés
osseuse (panneau du bas). Ce mécanisme sont dépourvus des mécanismes de défense innée des tissus normaux, d’où la
induit un rejet de la greffe par les mécanismes croissance facile des bactéries et des champignons. Les cathéters utilisés pour
classiques de rejet (voir Chapitre 13). la dialyse péritonéale ou l’injection de médicaments et de liquides dans la cir-
culation peuvent aussi faciliter la transmission des bactéries en leur permettant
de contourner l’obstacle de la peau
Le syndrome d’immunodéficience acquise 527

Résumé.
Des déficiences génétiques peuvent toucher presque toutes les molécules impli-
quées dans la réponse immunitaire. Le développement de ces immunodéficien-
ces caractéristiques, bien que rares, apportent de nombreuses informations sur
le développement et le fonctionnement du système immunitaire humain normal.
Les immunodéficiences héréditaires montrent le rôle central de la réponse immu-
nitaire adaptative et particulièrement des cellules  T sans lesquelles l’immunité
cellulaire et l’immunité humorale ne peuvent pas se développer. Elles fournissent
des informations sur les rôles séparés des lymphocytes B dans l’immunité humo-
rale et des lymphocytes T dans l’immunité cellulaire, l’importance des phagocy-
tes et du complément dans l’immunité humorale et innée, ainsi que les fonctions
spécifiques de plusieurs molécules de surface et de signalisation dans la réponse
immunitaire adaptative. Il existe aussi plusieurs désordres immunitaires héréditai-
res dont les causes sont encore inconnues. L’étude de ces maladies nous appren-
dra indubitablement encore plus de choses sur la réponse immunitaire normale
et son contrôle. Les déficiences acquises du système immunitaire, dites secondai-
res, sont beaucoup plus fréquentes que les immunodéficiences primaires hérédi-
taires. La dénutrition est une cause importante d’immunodéficience et de mort à
l’échelle mondiale. Dans la section qui suit, nous allons nous pencher sur la pan-
démie du syndrome d’immunodéficience acquise causée par le virus VIH.

Le syndrome d’immunodéficience acquise.


Le cas le plus extrême de suppression immunitaire causée par un pathogène est le
syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) due à une infection par le virus
de l’immunodéficience humaine (VIH). Cette infection conduit à une perte pro-
gressive de la compétence immunitaire, laissant le champ libre aux organismes Syndrome d’immunodéficience
qui ne sont normalement pas pathogènes. Un échantillon de sérum prélevé en acquise (SIDA)
1959 à Kinshasa (République démocratique du Congo) constitue le cas le plus
ancien que l’on ait pu documenter d’infection par le VIH chez l’homme. Cependant,
ce n’est qu’en 1981 que les premiers cas de SIDA ont été officiellement rapportés.
La maladie est caractérisée par une sensibilité à l’infection par des pathogènes
opportunistes ou par le développement d’une forme agressive du sarcome de
Kaposi ou d’un lymphome B. Tous ces symptômes sont associés à une diminution
importante du nombre de cellules T CD4.
Comme le syndrome semblait se propager par contact avec les liquides de l’orga-
nisme, on a supposé qu’il était causé par un nouveau virus. En 1983, l’agent res-
ponsable du SIDA, le VIH a été isolé et identifié. On sait maintenant qu’il existe
au moins deux types de VIH, VIH-1 et VIH-2, qui sont étroitement apparentés. Le
VIH-2 est endémique en Afrique de l’Ouest et se propage actuellement en Inde.
Cependant, la majorité des cas de SIDA par le monde est causée par le virus le
plus virulent, le VIH-1. Les deux virus semblent s’être propagés à l’homme à par-
tir d’autres espèces de primates. L’étude des différentes séquences nucléotidi-
ques suggère fortement que le VIH-1 est passé du chimpanzé, Pan troglodytes, à
l’homme en au moins trois occasions indépendantes et que le VIH-2 provient du
macaque charbonneux, Cercocebus atys.
Le VIH-1 montre une variabilité génétique marquée et l’on distingue, sur base de la
séquence nucléotidique, trois grands groupes : M (Main, principal), O (Outlier, aber-
rant) et N (non M, non O). Ils ne sont apparentés les uns aux autres que d’assez loin,
et l’on soupçonne qu’ils sont passés à l’homme lors de transmissions indépendantes
à partir de chimpanzés. Le groupe M est la principale cause du SIDA dans le monde ;
il est diversifié génétiquement en sous-types, parfois appelés clades, qui sont dési-
gnés par les lettres de A à K ; dans différentes parties du monde, divers sous-types
prédominent. L’analyse phylogénétique a permis d’établir que les différents sous-
types du groupe M descendaient d’un parent commun, et il est plus que probable
528 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

qu’ils ont évolué chez l’homme après la transmission du virus à partir d’un chim-
panzé, porteur du virus de l’immunodéficience simienne (SIVcpz), qui est apparenté
au VIH. Il a été estimé que l’ancêtre commun du groupe M pourrait remonter aussi
loin que 1915-1941. Dans ce cas, cela signifierait que le VIH-1 a infecté l’homme en
Afrique centrale depuis bien plus longtemps qu’on ne l’avait pensé.
L’infection par le VIH ne provoque pas immédiatement le SIDA et les questions de
savoir comment il y conduit et si tous les patients évolueront vers la maladie décla-
rée restent controversées. Néanmoins, on dispose d’arguments de plus en plus
nombreux qui mettent clairement en cause la croissance du virus dans les cellu-
les T CD4 et la réponse immunitaire contre lui. Ces deux éléments constitueraient
le mécanisme central menant au SIDA. L’infection par le VIH est une pandémie
à l’échelle mondiale. Bien que la compréhension de la pathogénie et de l’épidé-
miologie de la maladie avance à grands pas, le nombre de personnes infectées à
travers le monde continue à croître à une vitesse alarmante, présageant la mort
de nombreuses personnes dans les années à venir. L’Organisation Mondiale de la
Santé estime que plus de 25 millions de personnes sont mortes du SIDA depuis
le début de l’épidémie et qu’il y a actuellement environ 44 millions d’individus
porteurs du VIH (Fig.  12.17), la plupart d’entre eux vivant en Afrique sub-saha-
rienne où environ 7,4 % des jeunes adultes sont infectés. Dans certains pays de
cette région, comme le Zimbabwe ou le Botswana, plus de 25 % des adultes sont
infectés. Des épidémies d’infection par le VIH et le SIDA s’étendent en Chine et en
Inde, où des enquêtes dans plusieurs états ont montré une prévalence de 1-2 % de
l’infection à VIH chez les femmes enceintes. L’incidence de l’infection à VIH aug-
mente plus rapidement en Europe de l’Est et en Asie centrale que dans le reste du
monde. Environ un tiers des personnes infectées par le VIH ont entre 15 et 24 ans,
et la plupart ignorent qu’ils sont porteurs du virus.

12-22 Au bout d’un certain temps, la plupart des infections par le VIH
aboutissent au SIDA.
Fig. 12.17 L’infection par le VIH s’étend à
tous les continents. Le nombre de personnes De nombreux virus provoquent une infection aiguë mais limitée induisant ainsi
infectées par le VIH est très important et
ne fait qu’augmenter. À l’échelle mondiale,
une immunité protectrice de longue durée. D’autres, comme le virus de l’her-
en 2006, on dénombrait environ 40 millions pès, s’établissent de manière latente et ne peuvent être éliminés par la réponse
d’individus infectés par le VIH, dont 5 millions immunitaire adaptative, qui cependant maintient l’infection sous contrôle (voir
de nouveaux cas et plus de 3 millions de morts Section 12-2). L’infection par VIH semble, rarement ou même jamais, conduire à
du SIDA. Les chiffres représentent les nombres
estimés d’enfants et d’adultes vivant avec le une réponse immunitaire qui pourrait empêcher la réplication du virus. L’infection
VIH / SIDA à la fin de 2006 selon l’estimation de initiale aiguë semble être contrôlée par le système immunitaire, mais le VIH conti-
l’Organisation mondiale de la Santé. nue à se répliquer et à infecter de nouvelles cellules.

Europe de l’Est
et Asie centrale
1,7 million/270.000/84.000
Europe de l’Ouest
Amérique du Nord 740.000/22.000/12.000
1,4 million/43.000/18.000
Asie de l’Est
750.000/100.000/43.000
Afrique du Nord
Caraïbes et Moyen-Orient
250.000/27.000/19.000 460.000/68.000/36.000

Asie du Sud
Amérique latine et du Sud-Est
1,7 million/140.000/65.000 7,8 millions/860.000/590.000

Océanie
81.000/7 100/4 000

Nombre total de cas en 2006


Afrique sub-saharienne Nouveaux cas en 2006
24,7 millions/2,8 millions/2,6 millions Décès en 2006
Le syndrome d’immunodéficience acquise 529

L’infection initiale par VIH se produit généralement après le transfert de fluides de


l’organisme d’une personne infectée à une personne non infectée. Les modes de
transmission les plus courants sont les relations sexuelles, les aiguilles contami-
nées utilisées pour l’injection intraveineuse de drogue et l’utilisation thérapeuti-
que du sang infecté ou de ses composants. Ce dernier mode de transmission a été
fortement réduit dans les pays développés, où la présence de VIH dans les com-
posés sanguins est recherchée en routine. Une voie importante est la transmission
du virus d’une mère infectée à son bébé à la naissance ou par le lait maternel. Le
taux de transmission d’une mère infectée à son enfant va de 11 % à 60 % selon l’im-
portance de la charge virale et la fréquence de l’alimentation au sein maternel. Les
médicaments antiviraux comme la zidovudine (AZT) ou la névirapine administrés
durant la grossesse réduisent de manière significative la quantité de virus transmis
au nouveau-né, diminuant ainsi le risque de transmission.
Le virus colonise surtout les cellules exprimant CD4, qui sert de récepteur pour le
virus en association avec un corécepteur, habituellement les récepteurs de chimio-
kine CCR5 ou CXCR4. Comme virus libre, il est présent dans le sang, le liquide
séminal, les sécrétions vaginales ou le lait maternel. Les muqueuses gastro-intes-
tinale et génitale sont les sites d’infection primaire les plus fréquents. Le virus se
multiplie activement et se répand dans le compartiment lymphoïde des muqueu-
ses et ensuite dans les autres organes lymphoïdes périphériques.
La phase aiguë est caractérisée cliniquement par un syndrome grippal dans 80 %
des cas, avec une abondance de virus dans le sang (virémie) et une diminution
marquée du nombre de cellules T CD4 circulantes. À ce stade, le diagnostic habi-
tuellement échappe à moins que la suspicion ne soit très élevée. Cette virémie
aiguë est associée, chez presque tous les patients, à l’activation des cellules T CD8,
qui tuent les cellules infectées par le VIH, et par la suite à la production d’anticorps,
ou séroconversion. La réponse des cellules T cytotoxiques semble être importante
dans le contrôle de la virémie, qui passe par un pic, puis décline, en même temps
qu’un rebond du nombre des cellules T CD4 jusqu’à environ 800 cellules par µl (la
valeur normale est d’environ 1200 cellules par µl).
Les symptômes aigus de la virémie disparaissent généralement 3-4 mois après
l’infection. La quantité de virus persistant dans le plasma à ce stade de l’infec-
tion est généralement le meilleur indicateur de la progression de la maladie.
Fig. 12.18 La plupart des patients infectés
Presque toutes les personnes qui sont infectées par le VIH finiront par dévelop- par le VIH aboutissent au SIDA après
per le SIDA, après une période de calme apparent de la maladie, dite période quelques années. L’incidence du SIDA
asymptomatique ou de latence clinique (Fig.  12.18). Cette période est cepen- augmente progressivement avec la durée
de l’infection. Les hommes qui ont des
dant loin d’être silencieuse car la réplication du virus persiste et la fonction et le rapports sexuels avec des hommes (HSH)
nombre de cellules T CD4 de ces patients diminuent progressivement jusqu’à ce et les hémophiles sont deux des groupes
qu’ils n’aient finalement plus que très peu de cellules T CD4. À ce moment, qui les plus à risque en occident ; les HSH sont
peut survenir n’importe quand entre 6 mois et 20  ans ou plus après la primo- exposés au virus transmis sexuellement, et
les hémophiles sont infectés à partir de sang
humain utilisé pour remplacer le facteur VIII
100 de coagulation. En Afrique, la propagation se
Pourcentage fait surtout par rapports hétérosexuels. Les
de personnes hémophiles sont désormais protégés par le
sans SIDA Hémophiles VIH– test des produits sanguins et par l’utilisation
80
de facteur VIII recombinant. Ni les HSH, ni
les hémophiles non infectés par le VIH ne
60 montrent de signe de SIDA. La majorité des
hémophiles a contracté le VIH par du sang
contaminé et c’est à partir de cette population
40 Hémophiles VIH+ que l’on a mis en évidence la progression de
nés après 1943 la maladie vers le SIDA. L’âge de la personne
Hémophiles VIH+ semble avoir un rôle important dans la vitesse
20 de progression de l’évolution du VIH. Plus de
nés avant 1943
80 % des sujets de plus de 40 ans au moment
de l’infection évoluent vers le sida en plus de
0 13 ans, en comparaison avec environ 50 %
2 4 6 8 10 12 14 16
de ceux de moins de 40 ans sur un laps de
Temps après infection (années) temps comparable. Quelques individus, bien
Infection par VIH qu’infectés par le VIH, ne semblent pas évoluer
vers le sida.
530 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Fig. 12.19 évolution typique d’une infection


par le VIH non traitée. Les premières
semaines sont caractérisées par une maladie Infection Séroconversion Mort
virale aiguë de type grippal, parfois appelée Destruction des cellules T CD4
maladie de la séroconversion, caractérisée
par un titre viral sanguin élevé. Une réponse Cellules T
immunitaire adaptative alors se développe, CD4/μl
elle va contrôler la maladie aiguë et restaurer 1000 PBL CD4+
le taux de cellules T CD4 (PBL CD4+) mais
n’élimine pas le virus. La fréquence des
infections opportunistes augmente au fur
et à mesure que le nombre de cellules T 500
CD4 diminue ; elles apparaissent quand ce
nombre descend en dessous de 500 cellules 200
par µl–1. La maladie arrive alors dans la 0
phase symptomatique. Lorsque le nombre 2-6 semaines en moyenne 10 ans
de cellules T CD4 descend en dessous de
Maladie
200 cellules par µl–1, on dit que le patient Phase asymptomatique
Phase
pseudogrippale SIDA
est atteint du SIDA. Notez que le nombre symptomatique
(50-80 % des cas)
de cellules T CD4 est exprimé pour des
raisons cliniques en cellules par microlitre
(cellules / µl–1) plutôt qu’en cellules par millilitre
(cellules / ml–1), l’unité utilisée dans ce livre. infection, la période de latence clinique prend fin et les infections opportunistes
commencent à apparaître.
Trois mécanismes principaux expliquent la perte des cellules T CD4 au cours de l’in-
fection par le VIH. Tout d’abord, elle est le résultat de la cytotoxicité directe exercée
par le virus sur les cellules infectées. En deuxième lieu, celles-ci ont une susceptibi-
lité accrue à l’apoptose. Troisièmement, elles sont lysées par les lymphocytes CD8
cytotoxiques qui reconnaissent les peptides viraux. En outre, la régénération de nou-
velles cellules T est défectueuse chez les personnes infectées, ce qui suggère que des
progéniteurs des cellules T CD4 sont infectés et détruits dans le thymus ; ce qui pour-
rait expliquer également la rapide progression de la maladie chez les nourrissons.
La Fig. 12.19 montre l’évolution typique d’une infection par le VIH. Toutefois, il est
devenu de plus en plus évident que l’évolution de la maladie peut varier considéra-
blement. Ainsi, bien que la plupart des personnes infectées par le VIH finissent par
développer le SIDA pour mourir finalement d’infections opportunistes ou de cancer,
ce n’est pas vrai pour tous les individus. Chez un petit nombre de personnes séroposi-
tives, produisant des anticorps contre de nombreuses protéines du VIH, la maladie ne
semble pas s’aggraver ; le nombre de cellules T CD4 et d’autres tests de compétence
immunitaire restent stables. Ces sujets ont une virémie anormalement basse et font
l’objet d’études approfondies qui visent à découvrir le mécanisme qui leur permet de
contrôler leur infection par le VIH. Un deuxième groupe est constitué de personnes
séronégatives qui ont été fortement exposées au VIH, mais qui restent indemnes et
sans virus détectable. Certaines d’entre elles ont des lymphocytes cytotoxiques et des
lymphocytes TH1 dirigés contre les cellules infectées, ce qui confirme qu’ils ont été
exposés au VIH ou, éventuellement, à des antigènes non infectieux du VIH. On ignore
si cette réponse immunitaire explique l’absence d’infection, mais elle suscite un inté-
rêt considérable dans le cadre de la conception et du développement de vaccins.

12-23 Le VIH est un rétrovirus qui infecte les cellules T CD4, les cellules
dendritiques et les macrophages.
Le VIH est un rétrovirus enveloppé dont la structure est présentée dans la Fig. 11.22.
Chaque particule virale ou virion contient deux copies d’ARN génomique  ; de
nombreuses copies d’enzymes essentielles requises pour les phases initiales de
l’infection de la réplication du génome, avant que de nouvelles protéines virales
ne soient produites. Le génome viral est transcrit en ADN dans la cellule infec-
tée par la transcriptase inverse, et l’ADN est intégré dans les chromosomes de la
cellule hôte par l’intégrase virale. Les ARN transcrits produits à partir de l’ADN
viral intégré dans le chromosome servent à la fois d’ARNm pour la synthèse des
protéines virales et plus tard d’ARN génomique dans de nouvelles particules vira-
les. Celles-ci s’échappent de la cellule en bourgeonnant à partir de la membrane
Le syndrome d’immunodéficience acquise 531

plasmique, chacune étant enveloppée d’une membrane. Le VIH appartient à un


groupe de rétrovirus appelé lentivirus, du latin lentus qui signifie lent. En effet, ces
virus causent une maladie à évolution graduelle. Ils persistent et continuent à se
répliquer pendant plusieurs années avant d’induire une maladie déclarée.
La capacité du VIH à pénétrer dans des types précis de cellules, appelée tropisme
cellulaire du virus, est déterminée par l’expression de récepteurs spécifiques pour le
virus à la surface de ces cellules. Le VIH pénètre dans les cellules par un complexe de
deux glycoprotéines virales, gp120 et gp41 associées de manière non covalente dans
l’enveloppe virale. La gp120 de ce complexe glycoprotéique se lie avec forte affinité à
la molécule de surface, CD4. Cette glycoprotéine oriente donc le virus vers les cellu-
les T CD4 ainsi que vers les cellules dendritiques et les macrophages qui expriment
aussi CD4. Pour pouvoir fusionner avec la membrane et pénétrer dans la cellule,
gp120 doit aussi se fixer à un corécepteur sur la membrane plasmique de la cellule
hôte. Plusieurs récepteurs de chimiokines peuvent servir de corécepteurs au VIH. Les
principaux sont CCR5, présent surtout sur les cellules dendritiques, les macropha- gp120env
ges et les cellules T CD4, et CXCR4 exprimé par les cellules T activées. Après liaison membrane gp41
de gp120 au récepteur et au corécepteur, gp41 induit la fusion de l’enveloppe virale lipidique
Nucléocapside p17gag
avec la membrane plasmique de la cellule, permettant ainsi au génome viral et aux
protéines virales qui lui sont associées de pénétrer dans le cytoplasme. Ce processus
de fusion a fourni une cible thérapeutique. Des analogues peptidiques du peptide Intégrase
carboxyterminal de gp41 inhibent la fusion de l’enveloppe virale et de la membrane (p32) ARN
génomique
plasmique ; l’administration de l’un de ces peptides, appelé T-20, à des patients infec- Protéase
(p10)
tés par le VIH a causé une réduction approximative de 20 fois des taux plasmatiques
d’ARN viral.
Transcriptase inverse
Le VIH mute rapidement au cours de sa réplication dans les cellules. Ce qui donne (p64)
protéines
de nombreux variants au cours d’une seule infection ainsi que dans la population de la matrice
CMH
globale. Différents variants infectent différents types cellulaires et le type cellulaire Enveloppe
qu’ils infectent est largement déterminé par le récepteur de chimiokines qu’ils uti-
lisent comme corécepteur. Les variants associés aux infections primaires utilisent Fig. 12.20 Le virus de l’immunodéficience
comme corécepteur CCR5, qui reconnaît les chimiokines de type CC comme CCL3, humaine (VIH). Le virus représenté est
CCL4 et CCL5, et n’ont pas besoin d’une densité élevée de CD4 à la surface des cel- VIH-1, l’agent principal du SIDA. La
lules qu’ils infectent. Les variants de VIH qui utilisent CCR5 infectent les cellules transcriptase inverse, l’intégrase et la protéase
virale sont empaquetées dans le virion et sont
dendritiques, les macrophages et les cellules T in vivo. Ils sont décrits habituelle- représentées schématiquement en un seul
ment comme virus « R5 », ce qui reflète la nature du récepteur de chimiokine qu’ils exemplaire dans la capside virale. En réalité,
utilisent. Par ailleurs, les virus « X4 » infectent surtout les cellules T CD4 et utilisent plusieurs exemplaires de chaque enzyme
CXCR4 (le récepteur de la chimiokine CXCL12 comme corécepteur). sont présentes dans chaque virion. Certaines
protéines structurales du virus ont été omises
Les isolats R5 du VIH seraient surtout transmis par contact sexuel, car ils repré- par simplicité. Cliché de H. Gelderblom.
sentent le phénotype viral dominant chez les individus nouvellement infectés. Le
virus dissémine à partir des cellules dendritiques et macrophages infectés. Il existe
des preuves du rôle important des tissus lymphoïdes muqueux dans ce méca-
nisme. Les muqueuses, qui sont continuellement exposées aux antigènes étran-
gers, fournissent un milieu à haute activité immunitaire dans lequel la réplication
de VIH se produit rapidement. L’infection se produit à travers deux types d’épithé-
lium. La muqueuse du vagin, du pénis, du col de l’utérus et de l’anus est couverte
par un épithélium squameux stratifié, c’est-à-dire composé de plusieurs couches
de cellules. Un deuxième type d’épithélium, composé d’une seule couche de cel-
lules, constitue la muqueuse rectale et endocervicale.
Un mécanisme complexe semble transférer le VIH, qui serait capté par les cellu-
les dendritiques dans l’épithélium squameux, vers les cellules T CD4 dans le tissu
lymphoïde. Des études in vitro ont montré que le VIH s’attache aux cellules den-
dritiques dérivées des monocytes par la fixation de la gp120 virale à des lecti-
nes de type C comme la langerine (CD207), le récepteur du mannose (CD206) et
DC-SIGN. Une partie des virus attachés est rapidement captée dans des vacuoles,
où le VIH demeure pendant des jours dans un état infectieux. De cette façon, le
virus est protégé pendant le passage des cellules dendritiques dans des tissus lym-
phoïdes et reste stable jusqu’à ce qu’il rencontre un lymphocyte T CD4 sensible
(Fig. 12.21). L’existence de ce mécanisme de transport confirme l’idée que le VIH
532 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Fig. 12.21 L’infection commence par les Les cellules dendritiques qui ont
cellules dendritiques qui transportent le VIH Des cellules dendritiques
Le VIH est internalisé migré dans les ganglions
des muqueuses dans le tissu lymphoïde. intraépithéliales lient le VIH lymphatiques transfèrent le VIH
dans les endosomes précoces
Le VIH adhère à la surface des cellules en utilisant DC-SIGN aux cellules T CD4
dendritiques intraépithéliales par fixation de la
gp120 virale à DC-SIGN (panneau de gauche).
Il accède aux cellules dendritiques là où les
muqueuses sont lésées ou éventuellement aux
cellules dendritiques qui insèrent des dendrites
entre les cellules épithéliales afin de sonder
le milieu extérieur. Les cellules dendritiques
internalisent le VIH dans les endosomes
précoces légèrement acides et migrent vers
le tissu lymphoïde (panneau central). Le VIH
revient à la surface cellulaire, et quand les
cellules dendritiques rencontrent des cellules T
CD4 dans le tissu lymphoïde secondaire, le VIH
est transmis à la cellule T (panneau de droite).

peut infecter les cellules CD4, soit directement ou par l’intermédiaire de la synapse
immunologique formée entre les cellules dendritiques et des cellules T CD4.
La couche unique de cellules épithéliales constituant la muqueuse rectale et
endocervicale exprime CCR5 et une autre molécule liant le VIH, un glycosphin-
golipide, le galactosyl céramide, et on a montré que les variants R5 du VIH, et non
X4, étaient ainsi transférés de manière sélective par cette monocouche épithéliale,
permettant ainsi au VIH d’infecter les cellules T CD4 et les cellules dendritiques de
la sous-muqueuse. L’infection des cellules T CD4 par CCR5 se produit tôt au cours
de l’infection et continue dans les cellules T CD4 activées, ce qui représente la pro-
duction principale tout au long de l’infection. Vers la fin de l’infection, dans envi-
ron 50 % des cas, le virus acquiert le phénotype de type X4, qui infecte les cellules T
par l’intermédiaire du corécepteur CXCR4, ce qui est suivi par un déclin rapide du
nombre de cellules T CD4 et par la progression vers le SIDA.

12-24 La vitesse de progression de la maladie peut varier selon le terrain


génétique.

La vitesse de progression de l’infection vers le SIDA peut dépendre de la génétique de


la personne infectée. Une variation génétique dans les HLA est un des facteurs : les
allèles HLA-B57 et HLA-B27 sont associés à un meilleur pronostic, et HLA-B35 à une
progression plus rapide de la maladie. L’homozygotie des molécules HLA de classe I
(HLA-A, HLA-B et HLA-C) est associée à une progression plus rapide, probablement
parce que la réponse des cellules T à l’infection est moins diversifiée. Certains poly-
morphismes des récepteurs KIR (Killer cell Immunoglobulin-like Receptor) des cel-
lules NK (voir la Section 2-31), en particulier le récepteur KIR-3DS1 en association
avec certains allèles de HLA-B, retardent la progression vers le SIDA.
Le cas le plus clair de variation génétique modifiant l’évolution de l’infection par
le VIH est un allèle mutant de CCR5 qui, chez les homozygotes, bloque efficace-
ment l’infection par le VIH-1, et chez les hétérozygotes, ralentit la progression du
SIDA. Ce point est examiné plus en détail dans la section suivante. Les mutations
qui affectent la production de cytokines telles que l’IL-10 et l’IFN-γ ont également
été impliquées dans la limitation de la progression du VIH. Les gènes qui influen-
cent la progression vers le SIDA sont énumérés dans la Fig. 12.22.

12-25 Un déficience génétique du corécepteur CCR5 confère une résistance


à l’infection par le VIH in vivo.

Des preuves de l’importance des récepteurs des chimiokines dans l’infection par
le VIH ont été apportées par des études sur un petit groupe d’individus exposés
Le syndrome d’immunodéficience acquise 533

à un risque important d’infection mais restant toujours séronégatifs. En culture, Fig. 12.22 gènes qui influencent la
progression du SIDA chez l’homme. E, effet
des lymphocytes et macrophages provenant de ces personnes étaient relative-
qui intervient tôt dans la progression vers le
ment résistants à l’infection par un VIH et secrétaient des quantités importan- sida ; L, qui intervient à la fin de la progression
tes de CCL3, CCL4 et CCL5 en réponse à l’inoculation du VIH. La résistance du sida ; ?, mécanisme d’action plausible sans
de ces rares individus à l’infection par le VIH s’explique par le fait qu’ils sont preuve directe. Reproduit avec la permission
de Macmillan Publishers Ltd: Nat. Genet.
homozygotes pour un allèle non fonctionnel de CCR5 ; il est appelé ∆32 car la S.J  O’Brien, G.W. Nelson, 36: 565-574, © 2004.

Gènes qui influencent la progression vers le sida

Gène Allèle Mode Effet Mécanisme d'action

Entrée du VIH

Récessif Empêche l'infection Knockout de l’expression de CCR5

Δ32 Empêche les lymphomes (L)


CCR5 Dominant Rend CCR5 moins disponible
Retarde le SIDA

P1 Récessif Accélère le SIDA (E) Augmentation de l’expression de CCR5

CCR2 I64 Dominant Retarde le SIDA Interagit avec et réduit CXCR4

CCL5 In1.1c Dominant Accélère le SIDA Diminue l’expression de CCL5

CXCL12 3´A Récessif Retarde le SIDA (L) Empêche la transition CCR5-CXCR4 (?)

CXCR6 E3K Dominant Accélère la pneumonie par P. carinii (L) Altère l’activations des cellules T (?)

CCL2-CCL7-CCL11 H7 Dominant Amplifie l'infection Stimule la réponse immunitaire (?)

Cytokine anti-VIH

Limite l'infection
IL10 5´A Dominant Diminue l’expression de l’IL-10
Accélère le SIDA

IFN-G –179T Dominant Accélère le SIDA (E)

Immunité acquise, de type cellulaire

Diminue l'ampleur de la reconnaissance


A, B, C Homozygote Accélère le SIDA épitopique par les HLA de classe I

B*27
HLA Retarde le SIDA Contribue à empêcher le VIH-1 de s’échapper
B*57 Codominant

B*35-Px Accélère le SIDA Dévie l’élimination du VIH-1 par les cellules T CD8

Immunité acquise, innée

KIR3DS1 3DS1 Épistatique envers HLA-Bw4 Retarde le SIDA Élimine les cellules HLA–, VIH+ (?)
534 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

mutation consiste en une délétion de 32 paires de base dans la région codante,


ce qui modifie le cadre de lecture et donne une protéine tronquée. La fréquence
de cet allèle muté dans la population caucasienne est élevée ; elle est de 0,09,
c’est-à-dire qu’environ 10 % de cette population sont porteurs hétérozygotes de
l’allèle et qu’environ 1 % est homozygote). L’allèle muté n’a pas été trouvé chez
les Japonais ou les noirs de l’Afrique occidentale ou centrale. Un déficit hétéro-
zygote en CCR5 pourrait offrir une certaine protection contre la transmission
sexuelle de l’infection à VIH et une modeste réduction de la vitesse de progres-
sion de la maladie. En plus du polymorphisme de structure, on a trouvé des varia-
tions dans la région du promoteur de gène CCR5 à la fois chez des Américains
caucasiens et africains. Diverses variantes du promoteur ont été associées à une
vitesse de progression variable de la maladie.
Ces résultats confirment de manière irréfutable que CCR5 est le corécepteur le
plus important des macrophages et des lymphocytes T utilisé par le VIH pour éta-
blir une primo-infection in vivo, et offre la perspective que celle-ci puisse être blo-
quée par des antagonistes du récepteur  CCR5. En effet, on dispose de premiers
résultats montrant que des inhibiteurs de faible poids moléculaire de ce récepteur
bloquent l’infection des macrophages par le VIH in vitro. Ces inhibiteurs pour-
raient être les précurseurs de médicaments qui seraient pris par voie orale pour
prévenir l’infection. Ces médicaments sont très peu susceptibles de fournir une
protection complète, car un très petit nombre de personnes qui sont homozygo-
tes pour l’allèle non fonctionnel du CCR5 sont infectées par le VIH. Ces personnes
semblent avoir été infectées par les souches X4 du virus.

12-26 L’ARN du VIH est transcrit par la transcriptase inverse virale en ADN
qui s’intègre dans le génome de la cellule.

Une fois que le virus est entré dans la cellule, il se réplique de la même manière
que les autres rétrovirus. Une des protéines présentes dans la particule virale est
la transcriptase inverse virale, qui transcrit l’ARN viral en ADN complémentaire
(ADNc). L’ADNc viral est alors intégré dans le génome de la cellule par l’intégrase
virale qui est, elle aussi, entrée dans la cellule avec l’ARN viral. La copie d’ADNc
intégrée dans le chromosome est appelée provirus. La Fig.  12.23 décrit le cycle
infectieux du virus après intégration du provirus. Dans les cellules T CD4 activées,
la réplication virale est induite par la transcription du provirus comme nous le ver-
rons dans la prochaine section. Cependant, le VIH peut, comme d’autres rétrovi-
rus, établir une infection latente au cours de laquelle le provirus reste quiescent ;
ce qui semble se produire dans les cellules T CD4 mémoire et dans les macropha-
ges au repos. On pense que ces cellules constituent un réservoir important de virus
infectieux.
Le génome du VIH est constitué de neufs gènes entourés de longues répétitions
terminales (LTR, Long Terminal Repeat), qui sont indispensables à l’intégration du
provirus dans l’ADN de la cellule hôte et qui contiennent des sites de fixation pour
des protéines de régulation génique qui contrôlent l’expression des gènes viraux.
Comme les autres rétrovirus, le VIH possède trois gènes principaux  : gag, pol et
env. Le gène gag code les protéines de structure de la particule virale, pol les enzy-
mes impliquées dans la réplication et l’intégration virale et env les glycoprotéines
de l’enveloppe virale. Les ARNm de gag et pol sont traduits en polyprotéines, de
longues chaînes polypeptidiques qui sont clivées par la protéase virale (codée par
pol) en différentes protéines fonctionnelles. Le produit du gène env, gp160, doit être
clivé par une protéase de la cellule hôte en gp120 et gp41, qui s’assemblent sous
forme de trimères dans l’enveloppe virale. La Fig. 12.24 montre que le VIH pos-
sède six autres petits gènes codant des protéines qui jouent un rôle dans la réplica-
tion du virus et son caractère infectieux. Deux d’entre elles, Tat et Rev, exercent des
fonctions régulatrices essentielles à la réplication virale. Les quatre autres, Nef, Vif,
Vpr et Vpu, sont nécessaires pour que la production virale soit efficace in vivo.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 535

L’enveloppe virale fusionne


La transcriptase inverse copie
La particule virale se fixe à CD4 avec la membrane plasmique L’ADNc viral pénètre
l’ARN du génome viral
et à son corécepteur sur la cellule T permettant l’entrée du génome dans le noyau et est intégré
en ARNc double brin
viral dans la cellule dans l’ADN de la cellule

gp120
ARN du
génome viral
gp41

ADNc viral
transcriptase CD4
inverse

corécepteur Provirus

membrane
plasmique Cytoplasme Noyau ADN chromosomique

Les ARN transcrits subissent Tat amplifie la transcription de l’ARN Les protéines tardives Gag, Pol
L’activation de la cellule T induit de multiples épissages, viral. Rev augmente le transport et Env sont traduites et assemblées
une transcription lente du provirus ce qui permet la traduction des ARN n’ayant subi aucun ou un en particules virales qui
des gènes précoces tat et rev seul épissage dans le cytoplasme bourgeonnent de la cellule

Tat
Rev

gp160
Pol
Gag

NFκ B

Fig. 12.23 Le cycle de vie du VIH. Rangée du haut : le virus se lie à au LTR proviral et lancent la transcription du génome du VIH. Les
CD4 par gp120, qui est modifiée par la liaison à CD4 de telle manière premiers transcrits viraux sont apprêtés, ce qui fournit plusieurs
qu’elle peut alors se lier à un récepteur de chimiokine qui agit comme ARNm codant les protéines régulatrices, Tat et Rev. Tat améliore la
corécepteur permettant l’entrée du virus. Cette liaison libère gp41, ce transcription du provirus et en se liant aux ARN transcrits, elle les
qui permet la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane cellulaire stabilise dans une forme qui peut être traduite. Rev se lie aux ARN
et la libération de la capside virale dans le cytoplasme. Une fois dans transcrits et les transporte dans le cytosol. Avec l’augmentation du taux
le cytoplasme, la capside libère l’ARN génomique, qui est transcrit en de Rev, des transcrits moins apprêtés et n’ayant pas subi d’épissage
ADNc double brin par la transcriptase inverse virale. L’ADNc double sont transportés en dehors du noyau. Les transcrits n’ayant subi aucun
brin migre dans le noyau en association avec l’intégrase virale et la ou un seul épissage codent les protéines de structure du virus, et les
protéine vpr et est intégré dans le génome de la cellule, et devient transcrits non apprêtés, qui constituent aussi les nouveaux génomes
un provirus. Rangée du bas : l’activation des cellules T CD4 induit viraux, sont empaquetés avec ces protéines pour former un grand
l’expression des facteurs de transcription NFκB et NFAT, qui se lient nombre de nouvelles particules virales.
536 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Fig. 12.24 L’organisation génomique du VIH.


Comme tous les rétrovirus, VIH-1 possède un
génome ARN flanqué de longues séquences vpr rev
tat rev nef
terminales répétées (LTR) impliquées dans
l’intégration virale et dans la régulation de la gag vif tat vpu
transcription du génome viral. Le génome a
pol env
trois cadres de lecture, et plusieurs gènes
du virus se superposent dans les différents LTR LTR
cadres de lecture. Cette organisation permet
au virus de coder plusieurs protéines à partir
d’un génome de petite taille. Les trois protéines Gène Produit du gène/fonction
principales — Gag, Pol et Env — sont
synthétisées par tous les rétrovirus infectieux. gag Antigène spécifique de groupe Protéines de la capside et de la matrice
Les fonctions de ces différents gènes et leurs
produits sont représentés. Les produits des
pol Polymérase Transcriptase inverse, protéase et intégrase
gènes gag, pol et env sont présents dans la
particule virale mature en même temps que Glycoprotéines transmembranaires. gp120 se lie
l’ARN viral. Les ARNm codant les protéines Tat, env Enveloppe à CD4 et CCR5; gp41 est indispensable
Rev et Nef sont produits par épissage des à la fusion du virus et à son internalisation
transcrits viraux, selon leur répartition dans le
génome viral. Dans le cas de Nef, seul un exon tat Transactivateur Régulateur positif de la transcription
(en jaune) est traduit.
Permet l’exportation des transcrits non épissés
rev Régulateur de l’expression virale et partiellement épissés depuis le noyau

vif Infectiosité virale Affecte l’infectiosité de la particule

vpr Protéine virale R Transport de l’ADN vers le noyau. Augmente


la production de virions. Arrête le cycle cellulaire
Induit la dégradation intracellulaire de CD4 et facilite
vpu Protéine virale U la libération du virus de la membrane plasmique
Amplifie la réplication virale in vivo et in vitro.
nef Facteur de régulation négative Diminue l’expression de CD4 et du CMH des classes I et II

12-27 Le VIH ne se réplique que dans les cellules T activées.


La production de particules virales infectieuses à partir d’un provirus VIH dans des
cellules T CD4 est stimulée par l’activation des cellules T et des facteurs de trans-
cription cellulaire NFκB et NFAT, qui se lient au LTR viral, déclenchant ainsi la trans-
cription de l’ARN viral par l’ARN polymérase II cellulaire. Ce transcrit subit différents
types d’épissage afin de produire les ARNm codant les protéines virales. Les protéi-
nes Gag et Gag-Pol sont traduites à partir de l’ARNm non apprêté ; Vif, Vpr, Vpu et
Env le sont à partir d’un ARNm n’ayant subi qu’un seul épissage ; Tat, Rev et Nef
sont traduites après plusieurs épissages de l’ARNm. Tat amplifie fortement la trans-
cription de l’ARN viral à partir du provirus par le complexe de l’ARN polymérase II.
Il se lie à la région d’activation de la transcription (TAR Transcriptional Activation
Region) dans la LTR en 5´ et forme un complexe avec la cycline T1 cellulaire et son
partenaire, la CDK9 (Cyclin-Dependent Kinase 9), qui phosphoryle l’ARN polymé-
rase et stimule son activité d’élongation de l’ARN. L’expression du complexe de la
cycline T1-CDK9 est beaucoup plus forte dans les cellules T activées que dans cel-
les qui sont quiescentes. Ceci peut expliquer, avec l’expression accrue de NFκB et
de NFAT dans les cellules T activées, la capacité du VIH de rester dormant dans les
cellules T au repos et de se répliquer dans les cellules T activées (Fig. 12.25).
Les cellules eucaryotes possèdent des mécanismes qui empêchent l’exportation
depuis le noyau des transcrits qui ne sont pas entièrement apprêtés. Ces mécanis-
mes peuvent poser des problèmes aux rétrovirus dont le développement dépend de
l’exportation d’ARNm ayant subi un nombre variable d’épissages : aucun, un seul ou
plusieurs, de manière à traduire l’assortiment complet des protéines virales. La pro-
téine virale Rev fournit la solution à ce problème. L’exportation depuis le noyau et
la traduction des trois protéines du VIH codées par les transcrits ayant subi un épis-
sage complet, Tat, Nef et Rev, sont assurées de suite après l’infection virale par les
processus cellulaires classiques d’exportation des ARNm. La protéine Rev pénètre
Fig. 12.25 Le VIH se réplique dans des alors dans le noyau et se lie à une séquence particulière de l’ARN viral, l’élément de
cellules T CD4 activées. Un virion complet réponse à Rev (RRE, Rev Response Element). En présence de Rev, l’ARN est exporté
est clairement visible à droite. Cliché de du noyau avant d’être apprêté, de telle manière que les protéines de structure et
H.  Gelderblom.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 537

l’ARN génomique puissent être produits. Rev se lie aussi à une protéine de trans-
port cellulaire, la protéine Crm1, qui permet l’utilisation des voies cellulaires pour
exporter les ARNm viraux dans le cytoplasme à travers les pores nucléaires.
Lorsque le provirus vient d’être activé, Rev est peu abondant, les transcrits sont
dont transférés lentement du noyau dans le cytoplasme, laissant ainsi le temps aux
multiples événements d’épissage de se produire. Ces différents épissages s’accom-
pagnent de la production des protéines Tat et Rev. Tat augmente alors la production
des transcrits viraux. Par la suite, lorsque le taux de Rev a augmenté, les transcrits
sont transférés rapidement depuis le noyau sans qu’ils aient subi un épissage ou
malgré qu’ils n’en aient subi qu’un seul. La traduction de ces transcrits aboutit alors
à la synthèse des composants de l’enveloppe et de la capside virale ainsi que de la
transcriptase inverse, de l’intégrase et de la protéase virale. Tous les éléments sont
alors réunis pour la production d’une nouvelle particule virale. Les transcrits com-
plets non apprêtés, qui sont transportés depuis le noyau plus tard au cours du cycle
infectieux permettent la traduction de gag et pol et seront empaquetés avec les pro-
téines pour constituer les ARN génomiques des nouvelles particules virales.
Le succès de la réplication du virus dépend aussi des protéines Nef, Vif, vpr, et vpu.
Vif (Viral infectivity factor, facteur d’infectivité virale) est une protéine liant l’ARN qui
s’accumule dans le cytoplasme et sur la membrane plasmique des cellules infectées.
Vif intervient pour surmonter un mécanisme cellulaire naturel de défense contre les
rétrovirus. Les cellules expriment une cytidine désaminase, APOBEC, qui peut être
intégrée aux virions. Cette enzyme, qui appartient à la même famille de protéines que
AID (Activation Induced Cytidine Deaminase, cytidine désaminase induite par activa-
tion) (voir la Section 12-10), catalyse la conversion de la désoxycytidine en désoxyu-
ridine dans le premier brin de l’ADNc viral transcrit à partir de l’ARN, le rendant ainsi
incapable de coder les protéines virales. Vif induit le transfert d’APOBEC dans les pro-
téasomes, où il est dégradé. L’expression de Nef (Negative regulation factor, facteur de
régulation négative) au début du cycle viral induit l’activation des lymphocytes T et
favorise ainsi la persistance de l’infection par le VIH. Nef inhibe l’expression des molé-
cules du CMH de classe I sur les cellules infectées, les rendant ainsi moins suscepti-
bles d’être tuées par des cellules T cytotoxiques. Elle inhibe également la présentation
des peptides restreinte au CMH II aux cellules T CD4, inhibant ainsi la production
d’une réponse immunitaire antivirale. La fonction de Vpr (Viral protein R) n’est pas
entièrement comprise, mais elle exerce des activités qui améliorent la production et
la dissémination du virus. Vpu (Viral protein U) est unique au VIH-1 et des variantes
de SIV ; elle est nécessaire à la maturation des virions et à leur libération.

12-28 Le tissu lymphoïde est le réservoir principal du VIH.

La charge en VIH et son taux de renouvellement sont généralement mesurés par l’ARN
des virions présents dans le sang ; cependant, c’est le tissu lymphoïde qui constitue
le réservoir important du VIH infectieux, où il infecte les cellules T CD4, les mono-
cytes, les macrophages et les cellules dendritiques. Le VIH est également piégé sous
forme de complexes immuns à la surface des cellules dendritiques folliculaires du
centre germinatif. Ces cellules ne sont pas elles-mêmes infectées, mais constituent
une réserve de virions infectieux. Plusieurs autres réservoirs potentiels pour le VIH-1
peuvent contribuer à sa persistance à long terme ; ce sont des cellules infectées du
système nerveux central, du système gastro-intestinal et du tractus génital masculin.
Au cours d’études sur des patients traités, on a estimé que plus de 95 % des virus
détectables dans le plasma dérivent de cellules T CD4 infectées qui ont une demi-
vie très courte, d’environ 2 jours (voir Fig. 12.27). Les cellules T CD4 productrices
de virus se trouvent dans les zones des cellules T du tissu lymphoïde, et l’on pense
qu’elles succombent à l’infection, lorsqu’elles sont activées en cas de réponse
immunitaire. Lorsque des cellules  T CD4 mémoire infectées de manière latente
sont réactivées par leur antigène, elles se mettent également à produire des virus,
qui peuvent se propager à d’autres cellules T CD4 activées. Malheureusement, les
cellules T CD4 mémoire infectées de manière latente ont une très longue demi‑vie,
538 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

en moyenne de 44 mois environ. Cela signifie que les médicaments peuvent ne


jamais être en mesure d’éliminer une infection par le VIH et doivent donc être
administrés tout au long de la vie. En plus de cellules qui sont infectées de manière
productive ou latente, une autre vaste population cellulaire est infectée par des
provirus défectifs, qui ne produisent pas de virus infectieux.
Le VIH semble pouvoir être hébergé dans les macrophages et les cellules dendri-
tiques et s’y répliquer sans les tuer  ; on soupçonne qu’il s’agit là d’un réservoir
infectieux important, qui servirait aussi de moyen de propagation virale à d’autres
tissus, comme le cerveau. Bien que la fonction des macrophages comme cellules
présentatrices d’antigènes ne semble pas être compromise par une infection par le
VIH, on pense que le virus provoque des anomalies dans la sécrétion des cytoki-
nes, ce qui pourrait expliquer la cachexie qui se développe fréquemment chez les
malades atteints de SIDA vers la fin de leur maladie.

12-29 Une réponse immunitaire contrôle mais n’élimine pas le VIH.

L’infection par le VIH induit une réponse immunitaire adaptative qui permet de
contenir le virus, mais qui ne peut que très rarement, voire même jamais, éliminer
le virus. Le déroulement de la réponse immunitaire adaptative contre le VIH est
résumé dans la Fig. 12.26 en même temps que la quantité de virus infectieux dans
le plasma. La phase aiguë initiale qui se déroule pendant que la réponse immuni-
taire adaptative se développe est suivie par une phase chronique, semi-stable qui
se termine finalement par le SIDA. On pense actuellement que la cytopathogéni-
cité virale est très importante au début de l’infection et qu’elle entraîne une déplé-
tion marquée des lymphocytes T CD4, en particulier dans les muqueuses. Après la
phase aiguë, on assiste à un début de récupération, mais les effets combinés des
lymphocytes cytotoxiques dirigés contre les cellules infectées par le VIH, de l’ac-
tivation immunitaire (directe et indirecte), de la cytopathogénicité et de l’insuf-
fisance de régénération des cellules T aboutissent à un état chronique, au cours
duquel l’immunodéficience se développe. Dans cette section, nous considérons
tour à tour les rôles des cellules T cytotoxiques CD8, des cellules T CD4, des anti-
corps et des facteurs solubles dans les réponses immunitaires à l’infection à VIH
qui finalement ne parviennent pas à contenir l’infection.
Des études des cellules du sang périphérique de personnes infectées révèlent que
des cellules T cytotoxiques spécifiques de peptides viraux peuvent tuer des cellu-
les infectées in vitro. In vivo, on peut voir les cellules T cytotoxiques envahir les sites
de réplication du VIH, et elles pourraient, en théorie, être responsables de la mort
de nombreuses cellules infectées productives avant que tout virus infectieux ne soit
libéré, maintenant ainsi la charge virale à un niveau quasi stable caractéristique de
la période asymptomatique. La preuve de l’importance clinique du contrôle exercé
par les cellules  T CD8 cytotoxiques sur les cellules infectées par le VIH provient
d’études montrant la relation entre le nombre et l’activité des cellules T CD8 et la
Fig. 12.26 La réponse immunitaire au VIH.
Le virus infectieux est présent en quantité
relativement faible dans le sang périphérique
des individus infectés durant la longue phase
Réponse immunitaire au VIH
asymptomatique au cours de laquelle le
virus continue à se répliquer dans les tissus Anticorps contre Env du VIH
lymphoïdes. Pendant cette période, le nombre
de cellules T CD4 diminue graduellement
bien que les taux d’anticorps et de cellules T CTL spécifiques du VIH
cytotoxiques dirigés contre le virus restent
élevés. Deux types de réponses à anticorps Anticorps contre p24 du VIH
sont illustrées dans la figure, une contre la
protéine d’enveloppe (Env) du VIH et une
autre contre la protéine de capside p24. Virus infectieux dans le plasma
Finalement, le taux d’anticorps et le nombre
de cellules T cytotoxiques spécifiques du VIH
(CTL) diminuent aussi et la charge de VIH
4 – 8 semaines 2 – 12 ans 2 – 3 ans 0 – 1 an
infectieux augmente rapidement dans le sang
périphérique.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 539

charge virale. Une corrélation inverse a été constatée entre le nombre de cellules T
CD8 porteuses d’un récepteur spécifique d’un peptide du VIH restreint à la molé-
cule HLA-A2 et la quantité d’ARN viral dans le plasma. De même, chez des patients
avec un nombre élevé de cellules T CD8 spécifiques du VIH, on a constaté une pro-
gression plus lente de la maladie que chez ceux qui en avaient moins. Une expéri-
mentation chez des macaques infectés par le SIV a fourni une preuve directe que les
cellules T CD8 cytotoxiques contrôlent in vivo les cellules infectées par le rétrovirus.
L’administration d’anticorps monoclonaux éliminant les cellules T CD8 à des ani-
maux infectés a été suivie par une forte augmentation de la charge virale.
Divers facteurs produits par les cellules CD4, CD8 et NK jouent un rôle important
dans l’immunité antivirale. Une activité suppressive non cytotoxique des cellules
CD8 sur le VIH-1 a été observée. Des cellules mononucléées du sang périphérique
(PMBC) de personnes séropositives asymptomatiques ne permettaient pas la répli-
cation du VIH-1 in vitro, alors que la déplétion des cellules T CD8, mais pas d’autres
cellules (par exemple, des cellules NK), dans ces PMBC a entraîné une augmentation
de la réplication virale. On sait maintenant que l’inhibition est due à des protéines
sécrétées. Des chimiokines, comme CCL5, CCL3 et CCl4, sont libérées dans le site de
l’infection et empêchent la propagation du virus sans tuer la cellule ; elles entrent en
compétition avec les souches R5 du VIH-1 pour le corécepteur CCR5, alors que des
facteurs encore inconnus entrent en compétition avec les souches R4 pour la liaison
à CXCR4. Des cytokines come l’IFN-α et l’IFN-γ peuvent également être impliquées
dans le contrôle de la propagation du virus, mais on ignore leur mode d’action.
En plus d’être une cible majeure pour l’infection par le VIH, trois éléments de preuve
montrent que les cellules T CD4 jouent également un rôle important dans les réac-
tions contre les cellules infectées par le VIH. Premièrement, une corrélation inverse
est observée entre l’intensité de la prolifération des cellules T CD4 au contact d’an-
tigènes du VIH et la charge virale. Deuxièmement, certains patients qui n’évoluent
pas ver le SIDA longtemps après l’infection par le VIH ont montré de fortes répon-
ses prolifératives de leurs cellules T CD4. Troisièmement, un traitement précoce au
cours de la phase aiguë avec des médicaments antirétroviraux a été associé à une
reprise des réponses prolifératives des CD4 aux antigènes du VIH. Si cette thérapie
antirétrovirale était arrêtée, les réponses CD4 chez certaines de ces personnes ont
été associées à la réduction de la virémie. Toutefois, l’infection persiste chez tous les
patients et il est probable que le contrôle immunologique de l’infection finira par
échouer. Si les réponses des cellules T CD4 sont essentielles au contrôle de l’infection
par le VIH, le fait que le VIH a un tropisme pour ces cellules et les tue explique pour-
quoi, à long terme, la réponse immunitaire est incapable de contrôler l’infection.
Des anticorps dirigés contre les antigènes viraux, gp120 et gp41, de l’enveloppe
sont produits en réponse à l’infection, mais, à l’instar des cellules T, ne parviennent
pas à éliminer l’infection. Les anticorps réagissent bien in vitro avec des antigènes
purifiés et avec des fragments du virus, mais ne se lient que faiblement à l’enve-
loppe des virions intacts ou aux cellules infectées. Ce qui suggère que la conforma-
tion native de ces antigènes, qui sont fortement glycosylés, n’est pas accessible aux
anticorps produits naturellement. Il est prouvé que les anticorps ne peuvent pas
modifier de manière significative une maladie établie, mais l’administration pas-
sive d’anticorps anti-VIH à des animaux les protègent d’une infection par le VIH
à partir d’une muqueuse, ce qui fait espérer qu’un vaccin capable d’empêcher de
nouvelles infections pourrait être mis au point.
Les mutations qui touchent le VIH lors de sa réplication permettent aux variants du
virus d’échapper à la reconnaissance par les anticorps et les cellules T cytotoxiques
et contribuent ainsi à l’échec du système immunitaire incapable de contenir l’in-
fection à long terme. Une réponse immunitaire est souvent dominée par des cel-
lules  T spécifiques d’épitopes particuliers, les épitopes immunodominants. Or,
on a trouvé des mutations dans des peptides immunodominants du VIH présen-
tés par des molécules du CMH de classe I. Dans d’autres cas, des peptides mutés
produits par le virus semblent agir comme antagonistes dans la réponse T contre
les épitopes sauvages, permettant la survie des virus sauvages et des virus mutants.
540 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

La présence de peptides mutants agissant comme antagonistes a aussi été démon-


Infections trée lors d’infections par le virus de l’hépatite B. Ce type de peptides mutants pour-
rait contribuer à la persistance d’autres infections virales.
Parasites Toxoplasma spp.
Cryptosporidium spp. Un développement intéressant dans l’étude de l’immunité anti-VIH est l’identifica-
Leishmania spp. tion d’un certain nombre de protéines cellulaires qui peuvent cibler la réplication du
Microsporidium spp. VIH. L’enzyme APOBEC (voir la Section 12-27) provoque des mutations dans l’ADN
du VIH nouvellement formé, détruisant ainsi ses capacités de coder et de se répli-
Bactéries Mycobacterium tuberculosis quer. APOBEC est active dans les cellules T CD4 au repos, mais est dégradée dans
intracellulaires Mycobacterium avium
intracellulare les cellules T CD4 infectées, ce qui offre une explication de plus à la résistance à l’in-
Salmonella spp. fection des cellules  T CD4 au repos. L’activité antirétrovirale puissante d’APOBEC
a suscité un intérêt considérable dans la recherche de petites molécules capables
Champignons Pneumocystis carinii d’empêcher sa dégradation induite par le virus. Une autre protéine cytoplasmique,
Cryptococcus neoformans TRIM 5α, limite des infections par le VIH-1 chez des singes rhésus, probablement en
Candida spp. ciblant la capside virale et en empêchant qu’elle ne s’ouvre et libère l’ARN viral.
Histoplasma capsulatum
Coccidioides immitis
12-30 La perte de la fonction immunitaire causée par l’infection à VIH
Virus Herpès simplex prédispose aux infections opportunistes et aboutit finalement à la mort.
Cytomégalovirus
Herpès zoster
Lorsque le nombre de cellules T CD4 décline au-dessous d’un niveau critique, l’im-
munité cellulaire est perdue, et des infections par divers microbes opportunistes sur-
Tumeurs viennent (Fig. 12.27). Typiquement, la perte de résistance s’accompagne au début
d’infections par l’espèce orale de Candida qui cause le muguet (candidose orale) et
Sarcome de Kaposi – (HHV8) par l’agent de la tuberculose humaine, M. tuberculosis. Plus tard, les patients souf-
Lymphome non hodgkinien, entre
autres le lymphome de Burkitt EBV positif frent de zona, suite à l’activation du virus herpès zoster latent, de lymphomes des
Lymphome primaire du cerveau cellules B causés par l’EBV et de sarcome de Kaposi, une tumeur des cellules endo-
théliales qui représente probablement une réaction à la fois aux cytokines produi-
tes au cours de l’infection et à un virus herpès, HHV-8, qui a été identifié dans ces
Fig. 12.27 Divers pathogènes opportunistes
et cancers peuvent tuer les patients
lésions. La pneumonie causée par le champignon P. carinii est fréquente ; elle était
atteints du SIDA. Les infections sont la cause souvent mortelle avant l’introduction des traitements antifongiques. Une co-infec-
principale de mort au cours du SIDA, les tion par le virus de l’hépatite C est fréquente et associée à une progression rapide
infections respiratoires à Pneumocystis carinii de l’hépatite. Dans les dernières stades du sida, les infections à cytomégalovirus ou
et aux mycobactéries étant les plus courantes.
La destruction de la plupart de ces pathogènes
M. avium prédominent. Il faut noter que tous les patients atteints de SIDA n’attra-
nécessite l’activation des macrophages par les pent pas toutes ces infections ou tumeurs, et il existe d’autres tumeurs et infections
cellules T CD4 ou des cellules T cytotoxiques. moins communes, mais de fréquence significative. La Fig. 12.27 énumère les infec-
Les pathogènes opportunistes sont présents tions opportunistes et les tumeurs les plus fréquentes, dont la plupart sont norma-
dans l’environnement normal, mais ne causent
de maladies graves que dans chez les sujets
lement contrôlées par l’immunité cellulaire T CD4, qui disparaît avec la chute du
immunodéprimés, comme les patients atteints nombre des cellules T CD4 tendant vers zéro (voir Fig. 12.19).
du SIDA ou de cancer. Les malades atteints
du SIDA sont aussi sensibles à des cancers
rares comme le sarcome de Kaposi (associé 12-31 Les médicaments qui bloquent la réplication du VIH diminuent
au virus herpès 8 humain, HHV8) et des rapidement la virémie et augmentent le nombre de cellules T CD4.
lymphomes, ce qui suggère que la surveillance
immunitaire des virus de type herpès par Des études avec de puissants médicaments qui bloquent complètement le cycle
les cellules T empêchent normalement le
développement de ce type de tumeurs (voir le de réplication du VIH indiquent que le virus se reproduit rapidement, à toutes les
Chapitre 15). phases de l’infection, y compris la phase asymptomatique. Deux protéines virales,
en particulier, sont la cible de médicaments visant à arrêter la réplication virale. Il
s’agit de la transcriptase inverse virale, nécessaire à la synthèse des provirus, et de
la protéase virale, qui clive les polyprotéines virales afin de produire les protéines
du virion et enzymes virales. La transcriptase inverse est inhibée par des analo-
gues nucléosidiques comme la zidovudine (AZT), qui a été le premier médicament
anti-VIH à obtenir une licence aux États-Unis. Les inhibiteurs de la transcriptase
inverse et de la protéase empêchent que l’infection ne s’étende aux cellules intac-
tes. Les cellules qui sont déjà infectées peuvent continuer à produire des virions ;
en effet, une fois que le provirus est établi, la transcriptase inverse n’est pas néces-
saire à la production de nouvelles particules virales, alors que la protéase virale agit
à un stade de maturation très tardif du virus, et l’inhibition de la protéase n’empê-
che pas le virus d’être libéré. Toutefois, dans les deux cas, les virions libérés ne sont
pas infectieux et les cycles d’infection et de réplication sont interrompus.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 541

L’introduction du traitement combinant des inhibiteurs de la protéase virale et

Thérapie avec des antirétroviraux (% de jours-patient*)


les analogues nucléosidiques, appelé traitement antirétroviral hautement actif
40 100
(HAART, Highly Active AntiRetroviral Therapy), a réduit de façon spectaculaire la Décès

Décès en pourcentage du nombre par année


90
mortalité et la morbidité chez les patients à un stade avancé de l’infection par le
80
VIH aux États-Unis entre 1995 et 1997 (Fig. 12.28). Chez de nombreux patients trai- 30
tés par HAART, la virémie chute de manière spectaculaire, maintenant finalement 70

les niveaux d’ARN du VIH près de la limite de détection (50 copies / ml de plasma) 60

pendant une longue période (Fig. 12.29). 20 50

40
La thérapie HAART est également accompagnée d’une augmentation lente mais
30
régulière du nombre des cellules T CD4, bien que d’autres compartiments du sys- 10
20
tème immunitaire restent compromis. Même si HAART est efficace pour traiter Utilisation d’une
thérapie combinée 10
l’infection par le VIH, cette thérapie ne peut vider les réservoirs viraux constitués
0 0
au début de l’infection. L’arrêt de HAART est suivi d’un rebond rapide de la multi- 1994 1995 1996 1997
plication du virus, ce qui implique que les patients doivent suivre leur traitement
indéfiniment. Enfin, en raison des graves effets secondaires et du coût, l’HAART
n’est pas abordable pour la plupart des pays.

Nombre d’infections opportunistes pour 100 personnes-années


Complexe M. avium
20 Cytomégalovirus
On ne voit pas comment les particules virales sont éliminées si rapidement de Pneumonie à P. carinii
la circulation après le début de la thérapie HAART. Il semble très probable qu’el-
les soient opsonisées par des anticorps spécifiques et par le complément, ensuite 15
éliminées par des cellules phagocytaires. Des particules de VIH opsonisées peu-
vent aussi être piégées à la surface des cellules dendritiques folliculaires dans les
10

5
Phase 1 Phase 2 Phase 3
t 1 = 2 jours t 1 = 2 jours t 1 = très longue
/2 /2 /2
Molécules 106 0
d’ARN viral 1994 1995 1996 1997
par ml 105
de plasma
104

103 Fig. 12.28 La morbidité et la mortalité de


l’infection par le VIH à un stade avancé ont
102 diminué aux États-Unis en parallèle avec
l’introduction de la thérapie combinée de
limite de détection médicaments antirétroviraux. Le graphique
10
supérieur montre le nombre de décès par
trimestre en pourcentage des décès annuels.
1
Le graphique inférieur montre la baisse
des infections opportunistes causées par
10–1 le cytomégalovirus, Pneumocystis carinii
et Mycobacterium avium pendant la même
10–2 période. Graphiques établis sur les données
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 de F. Palella. *Les jours-patient correspondent
au nombre total de jours durant lesquels le
Mois de traitement
traitement a été administré aux différents
patients.

Fig. 12.29 Diminution de la charge virale du taux de virus dans le plasma au cours de
sanguine au cours du traitement. La cette phase est de plus de 95 %. La seconde
production de nouvelles particules virales phase dure environ 6 mois avec une demi-vie
de VIH peut être inhibée pendant longtemps de 2 semaines. Au cours de cette phase, le virus
par association d’inhibiteurs de protéase et est libéré par les macrophages infectés et les
d’inhibiteurs de la transcriptase inverse du cellules T CD4 au repos. Celles-ci sont infectées
virus. Après le début de ce type de traitement, de manière latente, mais après stimulation, elles
la production virale est réduite puisque ces se divisent et propagent ainsi l’infection. On
cellules meurent et le virus ne peut infecter pense qu’il existe une troisième phase de durée
d’autres cellules. La demi-vie de la réduction de inconnue due à la réactivation du provirus intégré
la virémie se produit en trois phases. La première dans les cellules T mémoire et dans d’autres
phase a une demi-vie de 2 jours et dure environ réservoirs d’infection. Ces réservoirs de cellules
2 semaines au cours desquelles la production infectées de manière latente peuvent persister
de virus diminue car les lymphocytes qui étaient plusieurs années. L’évaluation de cette phase de
infectés au début du traitement meurent. Le virus diminution du virus est impossible car la virémie
libéré est rapidement éliminé de la circulation où est trop basse pour être détectée. Données de
sa demi-vie (t1 / 2) est de 6 heures. La diminution G. M. Shaw.
542 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

follicules lymphoïdes, qui sont connus pour leur capacité de capter des complexes
antigène:anticorps et les retenir durant une période prolongée.
L’autre question soulevée par l’étude des traitements est l’effet de la réplication du
VIH sur la dynamique des populations de cellules T CD4. La baisse de la virémie
plasmatique est accompagnée d’une augmentation régulière des cellules T CD4
dans le sang : d’où proviennent ces nouvelles cellules T CD4 qui apparaissent dès
le début du traitement ? Trois mécanismes entrent en jeu pour l’augmentation du
nombre de cellules T CD4. Le premier est une redistribution des cellules T CD4
mémoire qui passent des tissus lymphoïdes dans la circulation alors que la répli-
cation virale est sous contrôle ; ceci survient au cours des semaines qui suivent le
début du traitement. Le deuxième est l’atténuation de l’intensité anormale de l’ac-
tivation immunitaire puisque l’infection par le VIH est contrôlée, associée à une
diminution de l’activité lytique des lymphocytes T cytotoxiques sur les cellules T
CD4 infectées. Le troisième est beaucoup plus lent et consiste en l’émergence de
nouvelles cellules  T naïves du thymus. Bien que le thymus s’atrophie avec l’âge,
la preuve que ces cellules arrivées tardivement sont en effet d’origine thymique
est fournie par l’observation qu’elles contiennent des cercles d’excision des récep-
teurs de cellule T (TREC, T-cell Receptor Excision Circle) (voir la Section 4-9).
Puisque les réservoirs de virus latents sont la principale cause d’échec dans l’éradi-
cation du virus par les médicaments, on a cherché des moyens de vider ces réser-
voirs. Une stratégie consiste en l’administration de cytokines comme l’IL-2, l’IL-6
et le TNF-α, qui favorisent la transcription et la réplication virale dans les cellules
hébergeant le virus latent, ce qui faciliterait les actions de HAART. L’IL-2 est l’une
des rares cytokines activatrices des cellules T qui a été testée dans le traitement du
Fig. 12.30 Cibles thérapeutiques SIDA pour stimuler le système immunitaire épuisé. Bien qu’il n’ait pas diminuer la
potentielles d’interférence dans le cycle quantité d’ARN du VIH-1, le traitement à l’IL-2 a induit une augmentation d’environ
de vie du VIH. En principe, des médicaments
pourraient attaquer le VIH à de multiples points six fois du nombre de cellules T CD4 lorsqu’elle a été administrée avec une théra-
de son cycle de vie : l’entrée du virus, l’action pie antirétrovirale. L’augmentation concernait essentiellement les cellules T naïves
de la transcriptase inverse, l’insertion de plutôt que les cellules T mémoire. L’effet bénéfique de l’IL-2 reste à prouver, notam-
l’ADN viral dans l’ADN cellulaire par l’intégrase ment si l’on tient compte des effets secondaires : symptômes grippaux, congestion
virale, le clivage de polyprotéines virales par
la protéase virale, ainsi que l’assemblage et des sinus, hypotension artérielle et toxicité hépatique. La Fig. 12.30 décrit les phases
le bourgeonnement des virions infectieux. du cycle de vie du VIH considérées comme cibles thérapeutiques.
Pour le moment, seuls les médicaments
qui inhibent la transcriptase inverse et la
protéase ont été élaborés. On dispose de 12-32 Le VIH accumule de nombreuses mutations tout au long du déroulement
huit inhibiteurs analogues nucléosidiques et
de trois inhibiteurs non nucléosidiques de d’une infection et le traitement est suivi par l’apparition de variants
la transcriptase inverse, ainsi que de sept du virus qui résistent aux médicaments.
inhibiteurs de protéase. Une thérapie combinée
utilisant différents types de drogues est plus
efficace que l’utilisation d’un seul médicament. La réplication rapide du VIH aboutissant à la production de 109 à 1010 virions cha-
que jour, couplée à un taux de mutation de l’ordre de 3 × 10− 5 par nucléotide et par

Entrée
du virus
Inhibition de la transcriptase
inverse. Des analogues
nucléosidiques et non
nucléosidiques interrompent
la transcription de l’ARN
viral en ADNc viral.

Intégration Inhibiteurs Assemblage


de l’ADN viral de protéases du virus
Le syndrome d’immunodéficience acquise 543

cycle de réplication conduit à la production de plusieurs variants de VIH chez un


Molécules 106
même patient au cours d’une seule journée. Ce taux élevé de mutations provient d’ARN viral
de la propension aux erreurs de la réplication virale. La transcriptase inverse est par ml
dépourvue du système de vérification associé aux ADN polymérases cellulaires si de plasma 105
bien que la copie de l’ARN génomique des rétrovirus en ADN est relativement peu
fidèle. Il en est de même pour la transcription de l’ADN proviral en ARN par l’ARN 104
polymérase II. Un virus qui se réplique rapidement en utilisant ces deux étapes
tout au long de l’infection peut donc accumuler de nombreuses mutations. Ainsi, 103
de nombreux variants du VIH, parfois appelés des quasi-espèces, se retrouvent
0 4 8 12
chez un même individu. Cette grande variabilité décrite d’abord pour VIH, semble Temps (semaines)
être commune à tous les lentivirus. Lymphocytes 500
CD4
À cause de cette grande variabilité, le VIH devient rapidement résistant aux médi- par ml 400
caments antiviraux. Lorsqu’un médicament est administré, des variants du virus 300
porteurs de mutations qui rendent le virus résistant à ce médicament apparaissent
et se multiplient jusqu’à rétablir le niveau précédent de la virémie plasmatique. La 200
résistance à certains inhibiteurs de protéase apparaît en quelques jours (Fig. 12.31). 100
De même, la résistance à certains inhibiteurs de la transcriptase inverse, se déve-
loppe rapidement. En revanche, la résistance à l’analogue nucléosidique, la zido- 0
0 4 8 12
vudine, ne se développe qu’après plusieurs mois. En effet, il faut trois ou quatre
Temps (semaines)
mutations de la transcriptase inverse virale pour développer la résistance. À cause
Proportion 100
de cette apparition relativement rapide d’une résistance à toutes les médicaments de mutants
anti-VIH connus, le succès du traitement médicamenteux dépend d’une thérapie dans
combinée (voir la Section 12-31). Il est aussi important de traiter les patients tôt au le plasma
(%)
début de l’infection, car on réduit ainsi les chances qu’un variant accumule toutes 50
les mutations lui permettant de résister à l’ensemble des médicaments.

12-33 La vaccination contre le VIH est une option séduisante, 0


0 4 8 12
mais elle se heurte à de nombreuses difficultés. Temps (semaines)

Un vaccin sûr et efficace pour prévenir l’infection par le VIH et le SIDA est le but
ultime, mais la route qui y conduit est semée d’obstacles qui n’ont jamais été ren- Fig. 12.31 Le VIH devient rapidement
contrés lors du développement de vaccins contre d’autres maladies. Le principal est résistant aux inhibiteurs de protéase.
L’administration d’un seul inhibiteur de
la nature de l’infection elle-même, caractérisée par un virus dont la prolifération est protéase à un patient séropositif induit une
extrêmement rapide et qui cause une infection soutenue malgré de fortes réponses à diminution rapide du taux plasmatique
anticorps et des cellules cytotoxiques. En plus des vaccins prophylactiques destinés d’ARN viral avec une demi-vie d’environ
à prévenir l’infection initiale, on a envisagé le développement de vaccins qui, admi- 2 jours (panneau du haut). Cette diminution
s’accompagne d’une augmentation du nombre
nistrés à des patients déjà infectés, pourraient stimuler des réponses immunitaires de cellules T CD4 dans le sang (panneau
et empêcher ainsi la progression vers le sida. Cependant, ce développement d’une du centre). Dans les jours qui suivent le
vaccination thérapeutique chez des sujets déjà infectés se révèle extrêmement diffi- début du traitement, des mutants résistants
au médicament peuvent être détectés dans
cile. Comme nous l’avons vu dans la section précédente, le VIH évolue chez chaque
le plasma (panneau du bas) et dans les
patient par la prolifération sélective de virus mutants qui échappent à la reconnais- lymphocytes du sang. Après 4 semaines de
sance par les anticorps et les cellules T cytotoxiques. La capacité du virus à persister traitement, les taux d’ARN viral et le nombre de
à l’état latent comme provirus dont la transcription est silencieuse et qui reste invisi- cellules T CD4 sont revenus à leur niveau de
départ, et le VIH plasmatique est représenté à
ble pour le système immunitaire pourrait également empêcher, même chez une per- 100 % par le virus mutant résistant à la drogue.
sonne immunisée, l’élimination de l’infection, une fois celle-ci établie.
L’espoir d’une vaccination prophylactique est évidemment plus grand. Mais, même
ici, l’absence d’effet de la réponse immunitaire normale et l’ampleur de la diversité
de séquence entre les souches de VIH dans l’ensemble de la population est un défi
de taille. Les patients infectés par une souche du virus ne semblent pas résister à des
souches étroitement liées, écartant la possibilité d’un vaccin universel. Par exem-
ple, un patient infecté par le VIH-1 clade AE a été traité avec succès pendant 28 mois,
mais 3 mois après la cessation de traitement il a contracté une infection avec un
clade B du VIH-1 à la suite de rapports sexuels au Brésil, où ce clade est endémi-
que. Des cas de surinfection, où deux souches infectent simultanément la même cel-
lule, ont également été décrits. Une des difficultés importantes est notre incertitude
quant à la forme que l’immunité protectrice contre le VIH devrait prendre. On ne sait
pas si les anticorps, les réponses des cellules T CD4 ou CD8 cytotoxiques, ou les trois,
544 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

sont nécessaires pour assurer une immunité protectrice, et quels seraient les épito-
pes qui pourraient constituer des cibles pour une immunité protectrice.
Cependant, dans cette ambiance pessimiste, il reste encore une lueur d’espoir qu’un
vaccin efficace puisse être développé. Des groupes de personnes qui ont été expo-
sées si souvent au VIH qu’elles auraient dû être infectées, mais qui n’ont pas déve-
loppé la maladie offrent un intérêt particulier. Dans certains cas, cette résistance
est due à une déficience dans le récepteur des chimiokines utilisé comme corécep-
teur pour l’entrée du VIH (voir la Section 12-25). Cependant, cette mutation dans
le récepteur des chimiokines n’existe pas en Afrique, où pourtant des personnes
résistantes ont été identifiées. Quelques prostituées gambiennes et kenyanes, expo-
sées chaque mois pendant plus de 5 ans à plusieurs partenaires masculins infectés,
n’ont pas d’anticorps spécifiques, mais présentent une réponse T cytotoxique contre
divers épitopes peptidiques du VIH. Ces femmes semblent s’être immunisées natu-
rellement contre le VIH. Le suivi d’un certain nombre d’entre elles a montré qu’en-
viron 10 % attrapaient plus tard une infection à VIH. Paradoxalement, l’infection
à VIH est survenue plus souvent chez les femmes qui avaient réduit leurs activités
sexuelles et ainsi leur exposition régulière au virus. Une explication possible serait
que l’absence d’exposition répétée aux antigènes du VIH conduit à une perte de
réponse des cellules T cytotoxiques, rendant ces femmes sensibles à l’infection.
On a essayé diverses stratégies dans le but de développer des vaccins contre le VIH.
De nombreux vaccins efficaces contre d’autres maladies virales consistent en une
souche vivante atténuée du virus, ce qui suscite une réponse immunitaire, mais ne
cause pas la maladie (voir la Section 15-23). Il est très difficile de mettre au point un
vaccin vivant atténué contre le VIH, en particulier à cause du risque de recombi-
naison entre les souches vaccinales et les virus de type sauvage, ce qui reconstitue-
rait une souche virulence. Une autre approche est l’utilisation de la vaccination par
ADN, une technique décrite dans la Section 15-27. La vaccination à ADN contre le
VIH suivie d’un rappel par un virus recombinant de la vaccine, contenant des anti-
gènes du VIH, a été expérimentée sur des primates. Elle a réussi à prévenir l’infec-
tion par l’injection intrarectale du virus 7 mois après le vaccin de rappel. Cependant,
chaque succès dans le développement de la vaccination contre le VIH a connu des
revers. Des singes rhésus ont reçu un vaccin à ADN anti-SIV avec de l’IL-2 sous
forme de protéine de fusion, puis ont été exposés à un virus hybride pathogène SIV-
VIH. Six mois après l’infection, l’un des singes a développé une maladie semblable
à un sida qui était due à l’émergence d’un virus porteur d’une mutation ponctuelle
dans un épitope immunodominant de Gag reconnu par des cellules T cytotoxiques.
Il s’agit d’une bel exemple, quoique décourageant, de la capacité du VIH d’échapper
au contrôle immunitaire sous la pression d’une réponse des cellules T cytotoxiques.
Des vaccins sous forme de sous-unités, qui induisent uniquement une immunité
contre quelques protéines du virus, ont été testés. Un vaccin de ce type a été conçu
à partir de la protéine de l’enveloppe gp120 et a été testé sur le chimpanzé. Ce vac-
cin était spécifique de la souche particulière de virus utilisée pour fabriquer le vac-
cin et s’est avéré inefficace dans la protection contre une infection naturelle. Les
vaccins sous-unitaires sont aussi moins efficaces dans l’induction d’une réponse T
cytotoxique prolongée. Malgré les résultats obtenus chez le chimpanzé, un vaccin
basé sur un protéine gp120 recombinante a été testé sur des volontaires humains
non infectés. Un petit nombre de volontaires ont contracté plus tard l’infection,
dont l’évolution n’a pas été modifiée par la vaccination préalable.
Enfin, il existe des difficultés d’ordre éthique dans le développement d’un vaccin.
Il apparaît peu éthique de lancer un essai de vaccination sans essayer en même
temps de réduire l’exposition des populations vaccinées au virus. Or, on ne peut
tester l’efficacité du vaccin que sur une population exposée suffisamment au virus
pour que l’on puisse constater si la vaccination protège ou non contre l’infection.
Ceci implique que les premiers essais de vaccination doivent être effectués dans
des pays où l’incidence de l’infection est très élevée et où les mesures de santé
publique n’ont pas réussi à réduire la propagation du VIH.
Le syndrome d’immunodéficience acquise 545

12-34 Par la prévention et l’éducation, on peut contrôler la propagation


du VIH et du SIDA.

La seule manière connue pour se protéger contre l’infection par le VIH est d’éviter
le contact avec les liquides de l’organisme comme le sperme, le sang, les dérivés
sanguins ou le lait des personnes infectées. En effet, il a été démontré à plusieurs
reprises que cette précaution, très simple dans les pays développés, suffit à empê-
cher l’infection, puisque le personnel de santé réussit à soigner des patients atteints
du SIDA pendant longtemps sans devenir séropositifs et sans présenter de signes
d’infection.
Cependant, pour que cette stratégie fonctionne, il faut pouvoir tester les popula-
tions à risque périodiquement pour que les patients puissent prendre les mesu-
res nécessaires pour empêcher la transmission du virus. Ce processus nécessite
une stricte confidentialité et une confiance mutuelle. Une barrière à ce contrôle
du VIH est la répugnance des individus à contrôler s’ils sont ou pas infectés, sur-
tout parce que la conséquence d’un test positif pour le VIH représente souvent une
mise à l’écart de la société. La conséquence est que des personnes infectées peu-
vent involontairement contaminer de nombreuses autres personnes. En revanche,
le succès des thérapies combinées (voir la Section 12-31) peuvent inciter les per-
sonnes potentiellement infectées à se soumettre aux tests diagnostiques afin de
profiter des bénéfices du traitement précoce. La responsabilisation est essentielle
à la prévention contre le VIH et une loi garantissant les droits des personnes infec-
tées encouragerait les attitudes responsables. Les droits des personnes infectées
sont protégés dans quelques pays. Le problème est encore plus important dans les
pays les moins développés, où les précautions élémentaires de santé sont très dif-
ficiles à faire respecter.

Résumé.

L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est responsable du


syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA). Cette épidémie mondiale se
développe à un rythme alarmant, surtout par contact hétérosexuel dans les pays
les moins développés. Le VIH est un rétrovirus enveloppé qui se réplique dans les
cellules du système immunitaire. L’entrée du virus nécessite la présence de CD4
et d’un récepteur de chimiokines particulier. Le cycle viral dépend de facteurs de
transcription présents dans les cellules T activées. L’infection par le VIH entraîne
une diminution du nombre de cellules T CD4 et une virémie aiguë qui va rapide-
ment diminuer après le développement d’une réponse T cytotoxique. Cependant,
l’infection par le VIH n’est pas éliminée par cette réponse immunitaire. Les cellu-
les non infectées sont activées et meurent ensuite, ce qui est une caractéristique
distinguant l’infection par le VIH des infections naturelles non pathogènes des pri-
mates africains avec divers SIV. Le VIH établit un état d’infection persistant durant
lequel le virus se réplique continuellement dans des cellules nouvellement infec-
tées. Le traitement actuel consiste en une association d’inhibiteurs de protéase
virale et d’analogues de nucléosides qui inhibent la transcriptase inverse ; il induit
une diminution rapide de la virémie et une augmentation lente du nombre de cel-
lules T CD4. L’effet principal de l’infection par le VIH est la destruction des cellu-
les T CD4, qui est due à un effet cytopathique direct du virus et à la destruction
par les cellules T CD8 cytotoxiques. Lorsque le nombre de cellules T CD4 s’effon-
dre, l’organisme devient progressivement sensible aux infections opportunistes.
Finalement, la plupart des individus infectés par le VIH développent le SIDA et
meurent. Cependant, une faible minorité de patients (3-7 %) reste en bonne santé
pendant plusieurs années sans aucun effet néfaste apparent de l’infection. Nous
espérons pouvoir comprendre grâce à ces individus comment contrôler l’infection
par le VIH. L’existence de ces personnes et d’autres individus naturellement immu-
nisés contre l’infection permet d’espérer que l’on réussira à développer des vaccins
efficaces contre le VIH.
546 Chapitre 12 : Les échecs des mécanismes de protection

Résumé du Chapitre 12.

Alors que la majorité des infections induisent une immunité protectrice, les patho-
gènes les plus efficaces ont développé des moyens d’échapper à une réponse
immunitaire efficace et peuvent déclencher des maladies sérieuses et persistantes.
De plus, certains individus souffrent de déficits immunitaires touchant différents
éléments du système immunitaire, les rendant très sensibles à certaines classes
de pathogènes infectieux. Les infections persistantes et les immunodéficiences
illustrent l’importance de l’immunité innée et adaptative dans la défense effi-
cace de l’hôte contre les infections et constituent un défi pour les futures recher-
ches immunologiques. Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) associe
les caractéristiques des agents infectieux persistants et la capacité de créer une
immunodéficience chez les humains, une combinaison généralement létale pour
le patient. Pour lutter efficacement contre de nouveaux pathogènes comme le VIH,
il faut développer notre compréhension des propriétés fondamentales du système
immunitaire et de son rôle dans la lutte contre l’infection.

Questions.

12.1 Donnez la liste des différents mécanismes par lesquels les virus peuvent échapper
au système immunitaire. Lequel de ceux-ci aboutit à une infection chronique, et
pourquoi ?

12.2 Décrivez les facteurs qui permettent au virus de l’herpès de maintenir une
infection latente et comment survient la réactivation qui permet au virus de
contaminer quelqu’un d’autre.

12.3 De ce que vous avez appris dans d’autres chapitres sur l’infection par Leishmania
(par exemple, dans les chapitres 8 et 10), décrivez comment l’accumulation des
cellules Treg dans le derme est susceptible d’interférer dans l’élimination de l’agent
pathogène à partir de ce site.

12.4 On pense que le virus de l’hépatite C interfère avec l’activation et la maturation


des cellules dendritiques. (a) Comment cela permettra-t-il au virus d’établir une
infection chronique ? (b) Comment le VHC pourrait-il se soustraire à la réponse
immunitaire ?

12.5 Discutez de l’importance générale d’une réponse équilibrée, plutôt que d’une
réponse polarisée, des cellules T CD4 et des cytokine à une infection. Illustrez
votre réponse en mentionnant un agent pathogène dont il a été question. Dans
quelle maladie une réponse polarisée est-elle plus bénéfique, et pourquoi ?

12.6 Citez les causes d’immunodéficience touchant les lymphocytes T. Pourquoi celles-ci
affectent-elles généralement les réponses immunitaires plus gravement que les
déficiences ne touchant que les cellules B ?

12.7 Qu’est-ce que les personnes atteintes d’une immunodéficience héritée ou acquise
nous apprennent sur le mécanisme de protection contre la tuberculose ?

12.8 Comment l’infection par le VIH cause le SIDA ?

12.9 Pourquoi est-il difficile de faire un vaccin contre le VIH ?

12.10 Pourquoi l’infection par le VIH ne peut-elle être guérie par des médicaments ?
Références 547

Références générales. 12-2 Certains virus persistent in vivo en cessant de se répliquer


jusqu’à ce que l’immunité décline.
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555

Allergie et hypersensibilité
13

Le système immunitaire adaptatif est indispensable pour défendre un indi-


vidu contre les infections  ; il est essentiel pour garder celui-ci en bonne santé.
Malheureusement, les réponses immunitaires adaptatives sont parfois suscitées
par des antigènes sans relation avec un agent infectieux et peuvent alors occasion-
ner des maladies graves. Cela survient lorsque des réactions immunitaires noci-
ves, appelées en général réactions d’hypersensibilité, se développent face à des
antigènes inoffensifs de l’environnement comme le pollen, la nourriture et des
médicaments.
Coombs et Gell ont classé les réactions d’hypersensibilité en quatre types (Fig. 13.1).
L’allergie, le type le plus commun, est souvent assimilée aux réactions d’hyper-
sensibilité de type I, qui sont des réactions immédiates dépendant des anticorps
IgE, mais plusieurs maladies allergiques dont il sera question ont des caractéris-
tiques d’autres types d’hypersensibilité, en particulier les réactions d’hypersensi-
bilité de type IV, qui dépendent des cellules T. Dans la majorité des allergies, par
exemple à la nourriture, au pollen ou à la poussière de maison, les réactions se
produisent parce que l’individu s’est sensibilisé à un antigène inoffensif en pro-
duisant des anticorps IgE contre cet allergène. Une exposition subséquente à l’al-
lergène déclenche l’activation de cellules liant l’IgE, entre autres les mastocytes
et les basophiles, dans les tissus exposés, ce qui conduit à une série de réactions
caractéristiques, les réactions allergiques. Celles-ci peuvent, toutefois, être indé-
pendantes des IgE ; les lymphocytes T jouent un rôle prédominant dans la derma-
tite allergique de contact.
556 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

Type I Type II Type III Type IV

Facteur immunitaire IgE IgG IgG Cellules TH1 Cellules TH2 CTL
en cause

Antigène Antigène associé Récepteur Antigène Antigène Antigène Antigène


Antigène soluble à la cellule de surface soluble soluble soluble cellulaire
ou à la matrice cellulaire

Complément, Production d’IgE,


Mécanisme Activation Les anticorps Complément, Activation
cellules FcR+ activation Cytotoxicité
effecteur des mastocytes altèrent phagocytes des macrophages
(phagocytes, des éosinophiles,
la signalisation
cellules NK) mastocytose

complexe immun
plaquettes
vaisseau
sanguin
+ TH1 TH2
complément IFN-γ
+ IL-4 CTL
complément IL-5 éotaxine
Ag

chimiokines, cytotoxines, médiateurs


cytokines, cytotoxines de l’inflammation

Exemple Rhinite allergique, Allergie à certains Urticaire chronique Dermatite de contact, Asthme chronique,
Maladie sérique,
de réaction asthme, anaphylaxie médicaments (anticorps réaction rhinite allergique Rejet de greffe
réaction d’Arthus
d’hypersensibilité systémique (e.g. pénicilline) anti-FcεRIα) tuberculinique chronique

Fig. 13.1 Les réactions d’hypersensibilité sont dues à des réactions suscitées par les complexes immuns. Une catégorie spéciale
mécanismes immunologiques entraînant des lésions tissulaires. On de réponses de type II fait intervenir des anticorps IgG contre des
distingue en général quatre types de réactions d’hypersensibilités. Les récepteurs de surface cellulaire. Ces anticorps perturbent les fonctions
types I, II et III dépendent des anticorps et se distinguent par la nature normales du récepteur, soit en l’activant d’une manière incontrôlable
des antigènes reconnus ainsi que par les différentes classes d’anticorps ou en bloquant son fonctionnement. Les réactions d’hypersensibilité
impliqués. Les réponses de type I sont induites par les IgE, qui de type IV sont induites par les cellules T et peuvent être réparties en
provoquent l’activation des mastocytes, alors que ce sont les IgG qui sont trois groupes. Dans le premier groupe, les lésions tissulaires sont liées
en cause dans les types II et III. Selon la sous-classe d’IgG et la nature à l’activation des macrophages par les cellules TH1 et à la réaction
de l’antigène impliqué, les mécanismes effecteurs du complément et des inflammatoire qui s’ensuit. Dans le second groupe, elles sont dues à une
phagocytes seront activés à différents degrés. Les réponses de type II réaction inflammatoire dépendant des cellules TH2 et dans laquelle les
sont dirigées contre des antigènes de la surface cellulaire et de la matrice éosinophiles jouent un rôle prédominant. Dans le troisième groupe, les
extracellulaire alors que les réponses de type III sont dirigées contre lésions sont causées directement par les cellules T cytotoxiques (CTL).
des antigènes solubles, les lésions tissulaires étant causées par les

Le rôle biologique des IgE dans l’immunité protectrice est la défense, en particu-
lier, contre les vers parasites, très répandus dans les pays sous-développés. Dans
les pays industrialisés, les réponses à IgE sont le plus souvent dirigées contre
des antigènes inoffensifs, ces allergies étant une cause importante de maladie
(Fig. 13.2). Près de la moitié des populations de l’Amérique du Nord et de l’Europe
souffre d’allergie à un ou plusieurs antigènes communs de l’environnement. Bien
que mettant rarement la vie en danger, l’allergie cause beaucoup d’inconfort et de
perte de temps à l’école et au travail. La physiopathologie des réactions dépendan-
tes de l’IgE est nettement mieux connue que le rôle physiologique normal des IgE,
probablement parce que la prévalence de l’allergie dans les sociétés industriali-
sées a doublé dans les 10 à 15 dernières années.
Dans ce chapitre, nous examinons d’abord les mécanismes qui favorisent la sen-
sibilisation d’un individu à un allergène par la production d’IgE. Nous décrivons
ensuite la réaction allergique elle-même, c’est-à-dire les conséquences patho-
logiques de l’interaction entre les allergènes et les IgE liées au récepteur de Fcε
de haute affinité des mastocytes et des basophiles. Nous terminerons par l’étude
des causes et des conséquences des autres types de réactions d’hypersensibilité
immunologique.
Sensibilisation et production de l’IgE 557

Fig. 13.2 Les réactions à IgE envers des


Réactions allergiques à IgE antigènes extrinsèques. Toutes les réponses
à IgE impliquent la dégranulation des
Syndrome Allergènes communs Voie d’entrée Réponse mastocytes, mais les symptômes ressentis par
les patients peuvent être très différents selon
que l’allergène est injecté, inhalé ou ingéré et
Œdème
Intraveineuse (soit selon la dose d’allergène.
Médicaments Augmentation de la
Anaphylaxie directement soit après
Sérum perméabilité vasculaire
systémique absorption orale
Venins Œdème laryngé
et passage
Aliments, Collapsus circulatoire
dans le sang)
par ex. cacahuètes Mort

Urticaire aiguë Poils d’animaux Augmentation locale


Transcutanée
(papule et rougeur) Piqûres d’insecte du flux sanguin et de la
Systémique
Test d’allergie perméabilité vasculaire

Rhinite allergique Pollens (ambroisie, Œdème de la muqueuse


saisonnière arbres, graminées) Inhalation nasale
(rhume des foins) Fèces d’acariens Éternuement

Allergie alimentaire Constriction bronchique


Poils de chat Production accrue de mucus
Asthme Inhalation Inflammation des
Pollens
Fèces d’acariens voies respiratoires

Noix
Mollusques et crustacés
Vomissement
Cacahuètes
Diarrhée
Lait
Allergie alimentaire Orale Prurit (démangeaisons)
Œufs
Urticaire
Poissons
Anaphylaxie (rarement)
Soya
Blé

Sensibilisation et production de l’IgE.


L’IgE est produite par des plasmocytes situés soit dans les ganglions lymphatiques Caractéristiques qui, dans les allergènes inhalés,
qui drainent le site de pénétration de l’antigène soit dans les sites de réaction aller- peuvent favoriser la sensibilisation des
gique, où des centres germinatifs peuvent se former. L’IgE diffère des autres isotypes cellules TH2 qui déterminent les réponses à IgE
d’anticorps par sa localisation principale dans les tissus, où elle est fixée à la surface Protéine, souvent Seules les protéines
des mastocytes par le récepteur de haute affinité à l’IgE, FcεRI (voir Section 9-22). avec chaînes induisent des réponses
latérales glucidiques des cellules T
La fixation de l’antigène aux IgE interconnecte les récepteurs FcεRI, ce qui cause la
libération, par les mastocytes, de médiateurs chimiques responsables de la réaction Activité Les allergènes sont
d’hypersensibilité de type I. Les basophiles expriment aussi le FcεRI et, par consé- enzymatique souvent des protéases
quent, peuvent fixer des IgE à leur surface et ainsi prendre part aux réactions d’hy-
Favorise l’activation
persensibilité de type I. Mais, comment une réponse humorale initiale peut-elle être Faible dose des cellules T CD4
essentiellement de type IgE ? Cette question est encore à l’étude. Dans cette partie du productrices d’IL-4
chapitre, nous verrons où en sont les connaissances actuelles sur ce processus. L’allergène peut diffuser
Poids
moléculaire bas hors de la particule
dans le mucus
13-1 Les allergènes traversent souvent les muqueuses en faible quantité,
L’allergène peut être
une voie qui favorise la production d’IgE. Très soluble facilement élué
de la particule
Certains antigènes et certaines voies de présentation de l’antigène au système L’allergène peut survivre
immunitaire favorisent la production d’IgE, qui est induite par les cellules  TH2 Stable
dans la particule desséchée
CD4 (voir Section 9-9). Chez l’homme, de nombreuses allergies sont causées par
un nombre restreint de petites protéines inhalées, qui déclenchent la production Contient des
Indispensable à la
peptides qui se lient
d’IgE de manière reproductible chez les individus prédisposés. Nous inhalons de sensibilisation des cellules T
au CMH de classe II
nombreuses protéines qui ne provoquent pas la production d’IgE  ; ce qui sou-
lève la question du caractère inhabituel des protéines allergéniques. La réponse Fig. 13.3 Propriétés des allergènes inhalés.
est encore incomplète, mais certains principes généraux se dégagent (Fig. 13.3). Les caractéristiques des allergènes inhalés
La plupart des allergènes sont relativement petits, très solubles et portés par des sont décrites dans ce tableau.
558 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

particules desséchées comme les grains de pollen ou les particules fécales des aca-
riens. Lors du contact de ces molécules avec, par exemple, les épithéliums respi-
ratoires, l’allergène soluble libéré de la particule diffuse dans les muqueuses. C’est
à très faible dose que ce type d’antigène est présenté au système immunitaire. On
estime qu’une personne n’est jamais exposée au cours d’une année à plus de 1 µg
de l’allergène du pollen d’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia). Pourtant, ces doses
minuscules d’allergènes stimulent, chez certaines personnes, des cellules TH2 et la
production d’anticorps IgE capables de susciter des réactions non seulement irri-
tantes mais parfois mortelles. Il est important de noter que seules certaines des
personnes exposées à ces substances produisent des IgE spécifiques.
Il semble donc que la présentation de l’antigène à travers les muqueuses et à très
faible dose est particulièrement efficace pour induire des réponses IgE dépendan-
tes des cellules TH2. La production d’IgE nécessite des cellules TH2 productrices
d’interleukine-4 (IL-4) et d’IL-13. Elle est inhibée par des cellules TH1 qui produi-
sent l’interféron-γ (IFN-γ) (voir Fig.  9.13). La présentation de l’antigène à faible
dose favoriserait l’activation des cellules TH2 plutôt que celles des cellules TH1 (voir
Section 10-5), et de nombreux allergènes communs sont présentés aux muqueu-
ses respiratoires par inhalation de faibles doses. Dans les muqueuses respiratoires,
ces allergènes rencontrent des cellules dendritiques qui captent les antigènes pro-
téiques et les apprêtent très efficacement. Dans certaines circonstances, des mas-
tocytes et des éosinophiles peuvent aussi présenter un antigène aux cellules T et
Fig. 13.4 L’activité enzymatique de certains
allergènes leur permet de traverser promouvoir leur différenciation en cellules TH2.
les barrières épithéliales. Des cellules
épithéliales unies par des jonctions serrées
constituent une barrière protectrice des 13-2 Les enzymes induisent souvent des allergies.
voies aériennes. Les particules fécales
des acariens de la poussière domestique,
D.pteronyssimus, contiennent une enzyme
Plusieurs observations suggèrent que les IgE sont importantes dans la défense de
protéolytique, Der p 1, qui est un allergène. l’hôte contre les parasites (voir Section  11-16). De nombreux parasites pénètrent
Cette enzyme clive l’occludine, une protéine dans l’organisme en sécrétant des enzymes protéolytiques qui détruisent les tissus
qui entre dans la constitution des jonctions conjonctifs et permettent aux parasites d’avoir accès aux tissus de l’hôte. On pense
serrées, et détruit ainsi la fonction de barrière
de l’épithélium. Les antigènes fécaux peuvent que ces enzymes interviendraient dans l’induction d’une réponse de type  TH2.
alors traverser la barrière épithéliale et être Cette idée trouve un certain appui dans la constatation que beaucoup d’allergènes
captés par les cellules dendritiques des tissus sont des enzymes. L’allergène principal, Der p1, des particules fécales des acariens
sous-épithéliaux. Der p 1 est ingérée par les (Dermatophagoides pteronyssimus) présent dans la poussière et responsable de l’al-
cellules dendritiques ; celles-ci sont activées et
migrent dans les ganglions lymphatiques (non lergie de 20 % de la population nord-américaine est une protéase à cystéine homo-
présenté). Là, elles se comportent comme des logue de la papaïne. Cette enzyme coupe l’occludine, un constituant protéique des
cellules présentatrices d’antigène, induisant jonctions serrées intercellulaires. Ce qui pourrait expliquer le caractère allergisant
la production de cellules TH2 et d’IgE, toutes
d’autres enzymes. En détruisant l’intégrité des jonctions serrées entre les cellules épi-
deux spécifiques de Der p 1. L’allergène peut
alors se fixer directement sur les IgE liées aux théliales, Der p 1 pourrait avoir anormalement accès aux cellules présentatrices d’an-
mastocytes et activer ces cellules. tigène sous-épithéliales, aux mastocytes tissulaires et aux éosinophiles (Fig. 13.4).

Les jonctions serrées scellent entre Der p 1 est captée par des cellules L’IgE spécifique de Der p 1 se lie
L’enzyme Der p 1 clive l’occludine au mastocyte ; Der p 1 déclenche
elles les cellules épithéliales dendritiques pour la présentation de
dans la jonction serrée la dégranulation du mastocyte
des voies respiratoires l’antigène et la sensibilisation des TH2

Voie respiratoire Der p 1

jonction
serrée

cellule dendritique mastocyte présentation de l’antigène dégranulation


Sensibilisation et production de l’IgE 559

La tendance des protéases à induire la production d’IgE est illustrée par la maladie
de Netherton (Fig. 13.5), qui se caractérise par un taux élevé d’IgE et des allergies
multiples. Le défaut responsable de cette maladie est l’absence d’un inhibiteur de
protéase appelé SPINK5, qui inhiberait les protéases libérées par des bactéries
comme Staphylococcus aureus. Cette observation soulève la possibilité que les
inhibiteurs de protéase entrent un jour dans l’arsenal thérapeutique de certains Asthme allergique
troubles allergiques. La papaïne, une protéase à cystéine présente dans les papayes
et utilisée pour attendrir la viande, cause des allergies chez les travailleurs qui
extraient l’enzyme. On parle alors d’allergie professionnelle. Cependant, tous les
allergènes ne sont pas des enzymes. Par exemple, deux allergènes identifiés dans
les vers de type filaires sont des inhibiteurs d’enzymes. Plusieurs allergènes protéi-
ques d’origine végétale ont été identifiés et séquencés, mais leur fonction reste
encore inconnue. En conclusion, il ne semble pas y avoir d’association systémati-
que entre activité enzymatique et allergénicité.
Connaître l’identité de protéines allergéniques peut être important pour la santé
publique et avoir un impact économique, comme l’illustre ce récit édifiant. Il y
a quelques années, le gène d’une protéine des noix du Brésil qui code une pro-
téine riche en cystéine et en méthionine a été transféré par génie génétique dans
les fèves de soja destinées à l’alimentation animale. L’objectif était d’améliorer la
valeur nutritive des graines de soja, qui sont intrinsèquement pauvres en ces aci-
des aminés soufrés. Cette expérience a mené à la découverte que la protéine, l’al-
bumine 2S, était le principal allergène des noix du Brésil. L’injection des extraits
de fèves de soja génétiquement modifié dans l’épiderme a déclenché une réac-
tion allergique cutanée chez les personnes allergiques aux noix du Brésil. Comme
on ne pouvait garantir que les graines de soja modifiées pourraient être tenues à
l’écart de la chaîne alimentaire humaine, si elles étaient produites à grande échelle,
le développement de cet aliment génétiquement modifié a été abandonné.

13-3 La commutation de classe vers l’IgE dans les lymphocytes B


est favorisée par des signaux spécifiques.

Deux groupes principaux de signaux conduisent la réponse immunitaire à la pro-


duction de l’IgE. Le premier favorise la différenciation des cellules T naïves en TH2.
Épiderme
Le second est lié à l’action des cytokines et des molécules costimulatrices des cel-
lules TH2 ; elles stimulent, dans les cellules B, la commutation de classe vers les
anticorps IgE.
Le sort des cellules  T CD4 naïves qui répondent à un peptide présenté par une
cellule dendritique est déterminé par les cytokines auxquelles elles sont exposées
avant et pendant la réponse ainsi que par les propriétés intrinsèques de l’antigène, Derme
la dose de l’antigène et la voie de présentation. La présence d’IL-4, d’IL-5, d’IL-9 et
d’IL-13 favorise le développement des cellules TH2, alors que la présence d’IFN-γ
Fig. 13.5 Le syndrome de Netherton
et d’IL-12 (et des cytokines apparentées IL-23 et IL-27) favorise le développement illustre l’association des protéases au
des cellules TH1 (voir Section 8-19). Les systèmes immunitaires de défense contre développement de hauts taux d’IgE et
les parasites multicellulaires se trouvent surtout dans les sites d’entrée des parasi- à l’allergie. Cet homme de 26 ans atteint
tes, c’est-à-dire sous la peau et dans les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses du syndrome de Netherton, causé par une
déficience en SPINK5, un inhibiteur de
respiratoire et intestinale. Les cellules des systèmes immunitaires inné et adapta- protéases, avait une érythrodermie persistante,
tif dans ces sites sont spécialisées dans la sécrétion de cytokines qui induisent les des infections récurrentes de la peau et
réponses TH2. Les cellules dendritiques captant l’antigène dans ces tissus migrent d’autres tissus et de nombreuses allergies
alimentaires associées à des taux sériques
dans les ganglions lymphatiques de la région, où elles interagissent avec les cellu-
élevés d’IgE. Le cliché du haut montre la
les T CD4 naïves dont elles induisent la différenciation en cellules TH2, qui sécrè- partie supérieure du thorax couverte de larges
tent l’IL-4, l’IL-5, l’IL-9 et l’IL-13, maintenant ainsi un environnement dans lequel plaques érythémateuses, squameuses et
l’orientation TH2 est favorisée. érosives. Dans une coupe de peau du même
patient (panneau du bas), on note l’hyperplasie
Des observations montrent que le mélange de cytokines et de chimiokines dans épidermique de type psoriasique et la
présence de neutrophiles dans l’épiderme.
l’environnement polarise les cellules dendritiques et les cellules  T vers une dif-
Dans le derme, un infiltrat périvasculaire
férenciation TH2. Par exemple, sous l’effet des chimiokines CCL2, CCL7 et contenant des cellules mononucléaires et des
CCL13, les monocytes activés arrêtent leur production d’IL-12, ce qui favorise les neutrophiles est visible.
560 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

réponses  TH2. En général, cependant, il semble qu’une interaction entre des cel-
lules dendritiques présentatrices d’antigène et des cellules  T naïves en absence
de stimulus inflammatoires induits par une infection bactérienne ou virale tend à
polariser la différenciation des cellules T vers les cellules TH2. Par contre, si l’anti-
gène est rencontré par des cellules dendritiques dans le contexte de signaux pro-
inflammatoires, les cellules dendritiques se mettent alors à produire des cytokines
de polarisation TH1 comme l’IL-12, l’IL-23 et l’IL-27.
Les cytokines et les chimiokines produites par les cellules TH2 amplifient la réponse
TH2 et stimulent la commutation isotypique des cellules B vers l’isotype IgE. Comme
nous l’avons vu au Chapitre  9, l’IL-4 ou l’IL-13 fournissent le premier signal qui
commute les cellules B vers la production d’IgE. Les cytokines IL-4 et IL-13 activent
les tyrosine kinases JAK1 et JAK3 de la famille des Janus kinases (voir Section 6-23),
ce qui conduit à la phosphorylation de STAT-6, un régulateur de transcription des
lymphocytes T et B. Les souris déficientes en IL-4, IL-13 ou STAT-6 sont incapables
de réponse TH2 et de commutation isotypique IgE, ce qui démontre le rôle clé de ces
voies de signalisation. Le second signal est la costimulation fournie par l’interaction
entre le ligand de CD40 à la surface de la cellule T et CD40 des cellules B. Cette inte-
raction est indispensable à la commutation de classe vers tous les isotypes. En effet,
les patients atteints du syndrome hyper-IgM lié à l’X, chez qui le ligand de CD40 est
déficient, ne produisent ni IgG, ni IgA, ni IgE. (voir Section 12-10).
La réponse IgE, lorsqu’elle a été déclenchée, peut être amplifiée par les mastocy-
tes et les basophiles, qui peuvent aussi induire la production d’IgE (Fig. 13.6). Ces
cellules expriment FcεRI et, lorsqu’elles sont activées suite au pontage par l’anti-
gène des IgE fixées à leurs récepteurs FcεRI, elles expriment le ligand de CD40 à
leur surface et sécrètent l’IL-4. Elles peuvent donc, comme les TH2, induire la com-
mutation de classe des cellules B vers l’isotype IgE. Ces granulocytes peuvent inte-
ragir avec les cellules B dans le site de la réaction allergique, où l’on a observé que
les cellules B pouvaient former des centres germinatifs au sein du foyer inflamma-
toire. Un objectif thérapeutique est de bloquer ce processus d’amplification qui
permet aux réactions allergiques de se perpétuer.

13-4 Des facteurs génétiques et environnementaux contribuent


au développement de l’allergie dépendante de l’IgE.

Près de 40 % de la population occidentale ont tendance à développer des réponses


IgE contre une grande diversité d’allergènes de l’environnement. Cet état, appelé
atopie, à forte prédisposition familiale, semble être sous l’influence de plusieurs
locus génétiques. Les individus atopiques ont des taux d’IgE circulante et un nom-
bre d’éosinophiles supérieurs à ceux des individus normaux. Ils font plus de mala-
dies allergiques comme le rhume des foins ou l’asthme. L’environnement et la
diversité génétique compteraient chacun pour environ 50 % du risque de maladies
allergiques comme l’asthme. Des examens génomiques étendus ont mis en évi-
dence plusieurs gènes distincts prédisposant à des maladies allergiques comme la

Fig. 13.6 La fixation de l’antigène aux


L’IgE sécrétée par les plasmocytes se lie Les mastocytes activés fournissent des signaux
IgE liées aux mastocytes induit une
à un récepteur de Fc de haute affinité, Fc𝛆RI, membranaires et sécrétés aux cellules B
augmentation de la production des IgE. sur les mastocytes afin de stimuler la production d’IgE
Les IgE sécrétées par les plasmocytes se
fixent aux récepteurs de haute affinité des
mastocytes (illustrés ici) et des basophiles.
Panneau de droite : lors du pontage des
IgE
IgE par l’antigène, ces cellules expriment le
CD40L et sécrètent l’IL-4, qui va se fixer aux
récepteurs de l’IL-4 (IL-4-R) des cellules B CD40
activées, induisant la commutation de classe CD40L
des cellules B et une production accrue d’IgE.
Ces interactions se produisent in vivo au site IL-4R
FcεRI
de l’inflammation induite par l’allergène, par
exemple dans le tissu lymphoïde associé aux IL-4
bronches.
Sensibilisation et production de l’IgE 561

dermatite atopique et l’asthme, mais il y a peu de chevauchement entre les deux, ce


qui suggère que la prédisposition génétique est quelque peu différente (Fig. 13.7). Asthme allergique

Un gène candidat de susceptibilité à l’asthme et à la dermatite atopique, sur le chro-


mosome 11q12-13, code la sous-unité β du récepteur de haute affinité pour l’IgE
(FcεRI). Une autre région génomique associée à l’asthme, 5q31-33, contient au
moins quatre types de gènes candidats qui pourraient être responsables d’une sus-
ceptibilité accrue. Un premier groupe de gènes liés étroitement code des cytokines
qui induisent les réponses TH2, c’est-à-dire qu’ils augmentent à la fois la commuta-
tion de classe vers les IgE, la survie des éosinophiles et la prolifération des mastocy- Dermatite atopique
tes. Ce groupe comprend les gènes de l’IL-3, de l’IL-4, de l’IL-5, de l’IL-9 et de l’IL-13
ainsi que celui du facteur stimulant les colonies des granulocytes et des macropha-
ges (GM-CSF, Granulocyte-Macrophage Colony-Stimulating Factor). Il faut égale-
ment signaler une variation génétique dans la région promotrice du gène de l’IL-4
qui est associée à une augmentation du taux d’IgE chez les individus atopiques.
Dans un système expérimental, le promoteur muté augmente l’expression d’un
gène rapporteur et pourrait ainsi faire produire plus d’IL-4 in vivo. L’atopie a aussi
été associée à une mutation gain de fonction de la sous-unité α du récepteur de
l’IL-4, ce qui amplifie la signalisation après liaison de la cytokine au récepteur.
Un second groupe de gènes dans cette région du chromosome 5 est la famille TIM
(T cell, Immunoglobulin domain and Mucin domain) qui code des protéines de
surface dans les cellules T. Chez la souris, la protéine Tim-3 est exprimée spéci-
fiquement sur les cellules TH1 et régule négativement les réponses TH1, alors que
Tim-2 (et dans une moindre mesure TIM-1) est de préférence exprimée dans les
cellules TH2, et les régule négativement. Les souches de souris qui portent diffé-
rentes variantes des gènes TIM diffèrent tant par leur sensibilité à l’inflammation

Fig. 13.7 Locus de susceptibilité à l’asthme, à la dermatite atopique à l’asthme et à la dermatite atopique, ce qui suggère que des facteurs
et à d’autres affections immunitaires identifiés par analyse du génétiques spécifiques soient impliqués dans les deux. On observe un
génome. Seuls les locus avec des liens étroits sont indiqués. Un groupe certain chevauchement entre les gènes de susceptibilité à l’asthme et aux
de gènes de susceptibilité à ces maladies se trouve dans le CMH sur maladies auto-immunes, et entre les gènes des maladies inflammatoires
le chromosome 6p21 et dans plusieurs autres régions génomiques. Il cutanées, le psoriasis et la dermatite atopique. Adapté de Cookson, W.:
existe en fait peu de chevauchement entre les gènes de susceptibilité Nat. Rev Immunol. 2004, 4:978-988.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 X Y

Asthme Dermatite atopique Psoriasis Maladies auto-immunes


562 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

allergique des voies respiratoires que dans la production de l’IL-4 et IL-13 par les
cellules T. Des variations héréditaires dans les gènes TIM humains ont été corré-
lées avec une hyperréactivité des voies respiratoires, une maladie dans laquelle un
irritant non spécifique cause une contraction des muscles lisses bronchiques simi-
laire à celle qui est observée dans l’asthme. Le troisième gène candidat de suscepti-
bilité dans cette partie du génome code p40, l’une des deux sous-unités de l’IL-12.
Cette cytokine favorise les réponses TH1, et l’on a trouvé qu’une variation généti-
que dans l’expression de p40, qui pourrait réduire la production d’IL-12, était asso-
ciée à un asthme plus sévère. Un quatrième gène candidat de susceptibilité dans
cette région est celui qui code le récepteur β-adrénergique. Une variation dans ce
récepteur pourrait être associée à une altération dans la capacité du muscle lisse
de répondre aux ligands endogènes et pharmacologiques.
Cette complexité illustre une difficulté commune à l’identification des bases
génétiques de maladies complexes. Des régions relativement petites du génome,
identifiées comme contenant des gènes de susceptibilité accrue pour une mala-
die, peuvent contenir de nombreux bons candidats à en juger par leurs activités
physiologiques connues. Identifier le gène, ou les gènes, peut requérir des étu-
des de plusieurs vastes populations de patients et de contrôles. Pour le chromo-
some  5q31‑33, par exemple, il est encore trop tôt pour évaluer l’importance de
chacun des différents polymorphismes dans la génétique complexe de l’atopie.
Un second type de variations héréditaires dans les réponses IgE est lié à la région
du CMH de classe II et affecte les réponses spécifiques aux allergènes plutôt que
la susceptibilité générale à l’atopie. La production d’IgE en réponse à un allergène
particulier est associée à certains allèles HLA de classe II. Ceci implique que cer-
taines combinaisons peptide-CMH peuvent favoriser une forte réponse TH2. Par
exemple, les réponses IgE à plusieurs allergènes du pollen d’ambroisie sont asso-
ciées à des haplotypes contenant l’allèle DRB1*1501 du CMH de classe II. En consé-
quence, certaines personnes sont prédisposées aux réponses TH2 et aux réponses
spécifiques à certains allergènes. Cependant, les allergies aux médicaments cou-
rants comme la pénicilline ne paraissent pas être associées au CMH de classe II ou
à l’état atopique ou non du patient.
Il y a probablement aussi des gènes qui affectent seulement certains aspects par-
ticuliers de la maladie allergique. Dans l’asthme par exemple, on a constaté que
différents gènes avaient une influence sur au moins trois manifestations de la mala-
die, la production d’IgE, la réponse inflammatoire et les réponses cliniques à des
traitements particuliers. Le polymorphisme du gène sur le chromosome 20 codant
ADAM33, une métalloprotéase exprimée par les cellules musculaires lisses des
bronches et les fibroblastes pulmonaires, a été associée à l’asthme et à l’hyperréac-
tivité bronchique. C’est probablement un exemple de variation génétique dans la
réponse inflammatoire pulmonaire et dans les changements anatomiques patho-
logiques qui surviennent dans les voies respiratoires (remodelage des voies aérien-
nes) aboutissant à une susceptibilité accrue à l’asthme. La Fig. 13.8 reprend certains
des polymorphismes génétiques les mieux caractérisés de gènes candidats associés
à l’asthme, ainsi que les voies possibles par lesquelles ces variations génétiques peu-
vent affecter le type de maladie qui se développe et sa réponse aux médicaments.
La prévalence de l’allergie atopique, et de l’asthme en particulier, augmente dans
les régions économiquement développées. Cette observation s’explique surtout
par des facteurs environnementaux. Les quatre principaux facteurs seraient une
exposition à des maladies infectieuses dans la prime enfance, la pollution, le taux
d’allergènes et la nourriture. La pollution a été mise en cause dans l’augmentation
de l’incidence de maladies cardiopulmonaires non allergiques comme la bron-
chite chronique, mais une association avec l’allergie est plus difficile à démon-
trer. Il y a cependant de plus en plus d’observations d’interactions entre allergènes
et pollution, particulièrement chez les individus prédisposés génétiquement.
Les particules émises par les moteurs diesels sont particulièrement suspectées ;
elles augmentent la production d’IgE de 20 à 50 fois lorsqu’elles sont combinées
Sensibilisation et production de l’IgE 563

Fig. 13.8 Gènes candidats de


Gène Nature du polymorphisme Mécanisme possible de l’association susceptibilité à l’asthme. *Ils peuvent
aussi affecter la réponse au traitement
par des bronchodilatateurs comme les
IL-4 Variant du promoteur Variation dans l’expression de l’IL-4 agonistes β2-adrénergiques. †Des patients
porteurs d’allèles associés à une production
Chaîne α du récepteur Signalisation accrue en réponse à l’IL-4 enzymatique réduite ne montrent pas de
Variant structural
de l’IL-4 réponse favorable à un médicament inhibiteur
de la 5-lipoxygénase. C’est un exemple de
Chaîne β du récepteur Variation résultant de la liaison l’effet pharmacogénétique, c’est-à-dire qu’une
Variant structural variation génétique affecte la réponse à la
de haute affinité de l’IgE de l’antigène à l’IgE
médication.

Présentation accrue de peptides dérivés


Gènes du CMH de classe II Variants structuraux
d’allergènes particuliers

Microsatellites servant Reconnaissance accrue par les cellules T


Locus α du récepteur
de marqueurs de certains peptides dérivés d’allergènes
des cellules T

Variation dans le remodelage


ADAM33 Variants structuraux
des voies respiratoires

Récepteur β2-adrénergique Variants structuraux Hyperréactivité bronchique*

Variation dans la production


5-Lipoxygénase Variant du promoteur
des leucotriènes†

Variants de structure
Famille génique TIM Régulation de l’équilibre TH1/TH2
et du promoteur

à l’allergène, avec une commutation parallèle de la production de cytokines TH2.


Des substances chimiques oxydantes seraient générées et les individus qui seraient
moins aptes à y faire face pourraient courir un risque accru de maladie allergique.
Les gènes qui pourraient être impliqués dans cette susceptibilité sont GSTP1 et
GSTM, des membres de la superfamille de la glutathion-S-transférase. En effet, des
gens porteurs d’allèles particuliers de ces gènes montraient une hyperréactivité
des voies respiratoires lorsqu’ils étaient exposés à l’allergène. Des facteurs géné-
tiques peuvent donc expliquer pourquoi l’observation épidémiologique d’une
association entre pollution et allergie reste au mieux modérée, puisqu’elle ne s’ap-
plique qu’aux individus génétiquement sensibles.
Une diminution de l’exposition aux pathogènes comme cause possible de l’aug-
mentation de l’allergie a aussi beaucoup retenu l’attention depuis que l’idée a été
lancée en 1989. Il s’agit de « l’hypothèse de l’hygiène » (Fig. 13.9). Selon cette expli-
cation, les environnements moins hygiéniques, en particulier les environnements
qui prédisposent aux infections dans la petite enfance, contribuent à la protection
contre l’atopie et l’asthme. Cela implique que, durant la petite enfance, les répon-
ses TH2 dominent par défaut les réponses TH1, alors que les cytokines sécrétées
à la suite d’infections précoces reprogramment le système immunitaire vers des
réponses de prédominance TH1.
On dispose de nombreux arguments à l’appui de cette hypothèse, mais également
de quelques observations qui sont difficilement conciliables. En faveur, il semble
bien que les nouveaux-nés ont surtout des réponses TH2. Chez eux, les cellules den-
dritiques produisent moins d’IL-12 et les cellules T produisent moins d’IFN-γ que
chez les enfants plus âgés et les adultes. Il a été également montré que l’exposition
aux infections durant l’enfance, à l’exception de certaines infections respiratoires
que nous considérons ci-dessous, contribue à la prévention de la maladie allergi-
que atopique. Les jeunes enfants avec au moins trois frères et sœurs plus âgés, et
les enfants de moins de 6 mois qui sont exposés à d’autres enfants dans les garde-
ries, ont des infections plus fréquentes, ce qui semble les protéger contre l’atopie
et l’asthme. En outre, une colonisation intestinale précoce par des bactéries com-
mensales comme les lactobacilles et les bifidobactéries, ou bien des infections par
564 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

des agents pathogènes tels que Toxoplasma gondii (qui stimule une réponse TH1)
Susceptibilité
Environnement ou Helicobacter pylori est associée à une diminution de la prévalence des mala-
génétique
dies allergiques.
Une histoire d’infection rougeoleuse, d’hépatite virale A ou d’un test cutané positif
à la tuberculine (suggérant une exposition antérieure et une réponse immunitaire
à Mycobacterium tuberculosis), semble également avoir une association négative
avec l’atopie. L’homologue humain de la protéine murine Tim-1, qui pourrait être
importante dans la détermination de l’hyperréactivité des voies respiratoires et de
la production d’IL-4 et d’IL-13 par les cellules T, est le récepteur cellulaire de virus
de l’hépatite A. L’infection des cellules T par le virus de l’hépatite A pourrait donc
influencer directement leur différenciation et la production de cytokines, limitant
le développement des réponses TH2.
Contrairement à ces associations négatives entre les infections de l’enfance et le
développement de l’atopie et de l’asthme, il est prouvé que les enfants qui ont eu
des attaques de bronchiolite due au virus respiratoire syncytial (VRS) sont plus
Pas
Forte Hygiène Faible sujets au développement de l’asthme. Cet effet du VRS dépend de l’âge auquel la
d’hygiène
première infection est survenue. Une infection néonatale de souris par le VRS a
été suivie par une baisse de la réponse IFN-γ par rapport aux souris infectées à 4
Atopique Non atopique
ou 8 semaines. Quand les souris ont été réinoculées à l’âge de 12 semaines avec
Conjonctivite Virus de l’hépatite A
le VRS, les animaux qui avaient été infectés à la naissance souffraient plus d’in-
Rhinite Tuberculose primaire flammation pulmonaire que les animaux infectés à 4 ou 8 semaines (Fig. 13.10).
Eczéma Rougeole De même, les enfants hospitalisés avec une infection à VRS ont un rapport biaisé
Asthme Colonisation intestinale
précoce par les dans leur production de cytokines, moins d’IFN-γ et plus d’IL-4, la cytokine qui
bactéries commensales induit des réponses TH2. Tous ces résultats suggèrent que l’infection qui évoque
une réponse immunitaire TH1 tôt dans la vie pourrait réduire le risque de répon-
ses  TH2 plus tard dans la vie, et vice versa.
Fig. 13.9 Les gènes, l’environnement et
les maladies allergiques atopiques. Des Le plus grand argument contre la théorie de l’hygiène est la forte corrélation néga-
facteurs environnementaux et héréditaires
tive entre l’infestation par des helminthes (par ex. les ankylostomes et schistoso-
sont des déterminants importants du risque
de maladie allergique atopique. La Fig. 13.8 mes) et le développement de l’allergie. Une étude au Venezuela a montré que les
reprend certains gènes connus qui influent enfants traités durant une période prolongée par des agents antihelminthiques
sur le développement de l’asthme. Le postulat ont un risque plus élevé d’atopie par rapport aux enfants non traités et fortement
de « l’hypothèse de l’hygiène » est que
l’exposition à certains agents infectieux dans
parasités. Or, comme nous l’avons vu, les helminthiases sont des moteurs puis-
l’enfance oriente le système immunitaire sants de réponses TH2. Il est difficile de concilier cela avec l’idée que la polarisation
vers des réponses de type TH1 et à la non- de cellules T vers des réponses TH1 est un mécanisme général par lequel l’infection
atopie. En revanche, les enfants avec une protège contre l’atopie.
susceptibilité génétique à l’atopie et qui
vivent dans un environnement où ils sont Ces observations ont conduit à une modification de l’hypothèse de l’hygiène. On
peu exposés aux maladies infectieuses ont
parle maintenant de l’hypothèse de contre-régulation. Selon celle-ci, tous les
tendance à recourir aux cellules TH2, qui
prédominent naturellement dans la période types d’infection pourraient protéger contre le développement de l’atopie en indui-
néonatale. Ce sont ces enfants qui sont sant la production de cytokines comme l’IL-10 et le TGF-β (Transforming Growth
prédisposés à une maladie allergique atopique. Factor-β), qui régulent à la baisse les deux réponses TH1 et TH2 (voir la Section 8-19).
Dans les environnements hygiéniques, les enfants souffrent moins d’infections,
ce qui entraînerait une réduction de la production de ces cytokines. Ni les voies
moléculaires induites par l’exposition microbienne ni les réponses inductrices de
tolérance ne sont identifiées, mais il existe divers produits microbiens dotés d’un
potentiel immunorégulateur. Par exemple, l’exposition des cellules dendritiques
à divers ligands des récepteurs de type  Toll (TLR, Toll-Like Receptor), comme le
lipopolysaccharide bactérien (le ligand de TLR-4), l’ADN riche en CpG (le ligand
de TLR-9) ou des médiateurs pro-inflammatoires comme l’IFN-γ peuvent stimuler
la production d’indoleamine 2,3-dioxygénase (IDO), une enzyme qui dégrade le
tryptophane, un acide aminé essentiel. Les cellules dendritiques exprimant l’IDO
peuvent supprimer l’inflammation dépendant des TH2 et promouvoir la différen-
ciation des cellules  T régulatrices, assurant ainsi une protection immédiate et à
long terme contre l’allergie. Des facteurs génétiques peuvent également avoir une
incidence sur ce type de régulation puisque l’on a trouvé que la fonction des cel-
lules T régulatrices était altérée chez les nouveau-nés prédisposés génétiquement
à l’allergie.
Sensibilisation et production de l’IgE 565

Le VRS est inoculé par voie

Pourcentage du poids d’origine


Production d’IFN-γ (taux relatif)
10 Réinfection des souris 100
nasale à des souriceaux Éosinophiles ++
adultes par le VRS
nouveaux-nés (moins de 7 jours)
Neutrophiles ++
1 90
IFN-γ +

0,1 80 IL-4 ++

0 7 14 21 0 7
Jours après l’infection Jours après l’infection

Le VRS est inoculé par voie

Pourcentage du poids d’origine


Production d’IFN-γ (taux relatif) 10 100
nasale à des souris âgées Éosinophiles –
de 4-8 semaines
Neutrophiles +
1 90
IFN-γ ++

0,1 80 IL-4 +

0 7 14 21 0 7
Jours après l’infection Jours après l’infection

13-5 Les cellules T régulatrices peuvent contrôler les réponses allergiques. Fig. 13.10 Réponse de souris à la
réinfection par le virus respiratoire
syncytial (VRS) en fonction de l’âge de
Les cellules mononucléaires du sang périphérique (PBMC, Peripheral Blood la primo-infection. Des souris répondent à
Mononuclear Cells) de personnes atopiques ont tendance à sécréter des cytoki- l’infection par le VRS de manière différente
nes TH2 après stimulation non spécifique des cellule T par l’intermédiaire de leur en fonction de l’âge de la primo-infection. Les
graphiques de gauche montrent la production
récepteur, tandis que les PBMC des personnes non atopiques ne le font pas. Cela d’IFN-γ soit après infection néonatale
a conduit à la suggestion que des mécanismes de régulation jouent un rôle impor- (panneau supérieur) ou une infection à l’âge
tant dans la prévention des réponses IgE aux allergènes. Les cellules T régulatri- de 4 ou 8 semaines (panneau inférieur). Les
ces, en particulier, font l’objet d’une attention considérable dans tous les types de souris infectées à la naissance ne parviennent
pas à produire l’IFN-γ. Les panneaux de droite
maladie d’origine immunologique. Tous les types de cellules T régulatrices (voir montrent les conséquences de la réinfection
Section  8-17) peuvent intervenir dans la modulation de l’allergie. Les cellules  T avec le VRS de deux cohortes de souris
régulatrices naturelles (Treg CD4 CD25) d’individus atopiques répriment moins adultes. Les souris qui ont été infectées la
bien la production de cytokines TH2 par rapport à celles des sujets non atopi- première fois à la naissance montrent, lors
de la réinfection, une perte de poids et une
ques, et ce défaut est encore plus prononcé au cours de la saison des pollens. Des réaction inflammatoire grave avec infiltration
preuves supplémentaires ont été fournies par les souris dépourvues du facteur de pulmonaire par des éosinophiles et des
transcription FoxP3, le commutateur principal de la production des cellules Treg neutrophiles, accompagnée de la production
CD4 CD25 ; elles développent des symptômes d’allergie, entre autres de l’éosino- de la cytokines TH2, l’IL-4. En revanche, les
souris qui ont été infectées la première fois
philie, une augmentation de l’IgE et une inflammation allergique des voies respi- à 4 ou 8 semaines ne maigrissent pas, n’ont
ratoires, ce qui suggère que l’absence de cellules T régulatrices serait en cause. Ce qu’une infiltration modérée de neutrophiles et
syndrome pourrait être partiellement corrigé par une déficience concomitante en produisent la cytokine TH1, l’IFN-γ.
STAT6, qui indépendamment prévient le développement de la réponse TH2 (voir
Section 13-3).
Les cellules T régulatrices peuvent aussi être induites par l’IDO sécrétée par divers
types cellulaires (voir la section 13-4). Les cellules dendritiques sécrètent de l’IDO
lorsque leurs récepteurs TLR-9 sont stimulés par des ligands comme de l’ADN
riche en séquences CpG non méthylées. On a montré que la sécrétion d’IDO par
des cellules pulmonaires résidentes stimulées de cette façon améliorait l’asthme
expérimental chez la souris.

Résumé.

Les réactions allergiques sont dues à la production d’anticorps IgE spécifiques


d’antigènes courants et inoffensifs. Les allergènes sont de petits antigènes qui pro-
voquent une réponse humorale de type  IgE. Ce type d’antigènes pénètre géné-
ralement dans l’organisme à très faible dose en diffusant à travers les surfaces
muqueuses ; il induit ainsi une réponse de type TH2. La différenciation des cellu-
les T naïves spécifiques de l’allergène en cellules TH2 est favorisée par des cytoki-
nes comme l’IL-4 et l’IL-13. Les cellules TH2 spécifiques de l’allergène productrices
566 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

d’IL-4 et d’IL-13 induisent la production d’IgE par les cellules B spécifiques de l’al-
lergène. Les IgE spécifiques produites en réponse à un allergène se fixent sur les
récepteurs de haute affinité pour les IgE ; ils sont présents sur les mastocytes, les
basophiles et les éosinophiles activés. La production d’IgE peut être amplifiée par
ces cellules car, lors de leur activation, elles produisent de l’IL-4 et le ligand de CD40.
La tendance à surproduire des IgE est due à des facteurs génétiques et environne-
mentaux. Lorsque des IgE sont produites en réponse à un allergène, une nouvelle
rencontre avec celui-ci déclenche une réponse allergique. L’immunorégulation est
critique dans le contrôle de la maladie allergique ; elle fait appel à divers mécanis-
mes, entre autres les cellules T régulatrices. Nous décrirons les mécanismes et la
pathologie des réponses allergiques dans la partie suivante de ce chapitre.

Les mécanismes effecteurs des réactions


allergiques.
C’est le pontage par l’allergène des IgE préformées fixées au récepteur de haute
affinité FcεRI sur les mastocytes qui déclenche les réactions allergiques. Les mas-
tocytes bordent les surfaces de l’organisme où, en cas d’infection locale, ils alertent
le système immunitaire. Une fois activés, ils déclenchent des réactions inflamma-
toires en sécrétant des médiateurs chimiques stockés dans leurs granules et en
produisant ensuite des prostaglandines, des leucotriènes et des cytokines. En cas
d’allergie, ils provoquent des réactions très déplaisantes contre des antigènes inof-
fensifs, non associés à des pathogènes infectieux qu’il faudrait éliminer. Les consé-
quences de l’activation des mastocytes par les IgE sont variables suivant la dose
d’antigène et sa voie de pénétration. Les symptômes vont du rhume des foins suite
à l’inhalation du pollen jusqu’au collapsus circulatoire mortel de l’anaphylaxie sys-
témique (Fig. 13.11). La réaction allergique immédiate causée par la dégranulation
des mastocytes est suivie par une inflammation plus soutenue, appelée phase de
réponse tardive. Cette réponse tardive implique le recrutement d’autres cellules
effectrices, dont les lymphocytes TH2, les éosinophiles et les basophiles, qui contri-
buent de manière significative à la pathogénie de la réponse allergique.

Fig. 13.11 L’activation des mastocytes a des


effets différents suivant les tissus. Activation des mastocytes
et libération des granules

Tractus gastro-intestinal Voies respiratoires Vaisseaux sanguins

Sécrétion liquidienne accrue, Réduction du diamètre, Flux sanguin accru,


péristaltisme accru sécrétion accrue de mucus perméabilité accrue

Congestion et blocage Fluide tissulaire accru


des voies respiratoires augmentant le flux de lymphe
Expulsion du contenu (sifflements, toux, mucosités) vers les ganglions lymphatiques,
gastro-intestinal infiltration plus dense des tissus
(diarrhée, vomissement) Gonflement et sécrétion par des cellules et des protéines,
de mucus réponse accrue des effecteurs
dans les voies nasales dans les tissus
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 567

13-6 La majorité de l’IgE est fixée aux cellules et les mécanismes


effecteurs qu’elle déclenche diffèrent de ceux qui sont mobilisés
par des anticorps d’un autre isotype.
Les anticorps stimulent les cellules effectrices, comme les mastocytes, en se liant à
des récepteurs spécifiques pour leurs régions constantes Fc. La plupart des anticorps
ne se lient aux récepteurs de Fc que si leurs régions variables ont lié leur antigène spé-
cifique, formant ainsi un complexe immun antigène-anticorps. L’IgE est une excep-
tion, car elle est captée par les récepteurs Fcε de haute affinité en l’absence d’antigène
lié. Cela signifie que, contrairement à d’autres anticorps, qui se trouvent principale-
ment dans les fluides corporels, l’IgE se trouve surtout dans les tissus, où elle est liée
aux mastocytes porteurs de ce récepteur ainsi que sur les basophiles circulants et les
éosinophiles activés. L’interaction de l’antigène spécifique avec les anticorps IgE liés
aux cellules déclenche l’activation de celles-ci aux sites d’entrée de l’antigène dans
les tissus et la libération de médiateurs inflammatoires lipidiques, de cytokines et de
chimiokines dans les sites de réactions dépendantes de l’IgE. Ces médiateurs recru-
tent des éosinophiles et des basophiles qui amplifient la réponse d’hypersensibilité
de type I. Ils recrutent également d’autres cellules effectrices, y compris des lympho-
cytes T, qui peuvent susciter une réaction d’hypersensibilité de type IV.
Il existe deux types de récepteurs de Fc pour les IgE. Le premier de ces récepteurs,
FcεRI, est un récepteur de haute affinité de la superfamille des immunoglobulines ;
il fixe les IgE aux mastocytes, basophiles et éosinophiles activés (voir Section 9-24).
Lorsque les IgE liées aux cellules sont pontées par l’antigène, le FcεRI transmet un
signal activateur. Des taux importants d’IgE, comme ceux des patients atteints d’al-
lergie ou d’infections parasitaires, peuvent induire une augmentation importante
des FcεRI à la surface des mastocytes. Ce mécanisme augmente la sensibilité de ces
cellules à l’activation par une faible concentration d’antigène et accroît ainsi forte-
ment la libération dépendante de l’IgE des médiateurs chimiques et des cytokines.
Le second récepteur pour les IgE, FcεRII, habituellement appelé CD23, est une lec-
tine de type C ; il a donc une structure très différente de celle du FcεRI. Il recon-
naît les IgE avec une faible affinité. CD23 est présent sur plusieurs types cellulaires
différents, dont les cellules B, les cellules T activées, les monocytes, les éosinophi-
les, les plaquettes, les cellules folliculaires dendritiques et certaines cellules épi-
théliales thymiques. On pensait que ce récepteur jouait un rôle important dans
la régulation des taux d’IgE. Cependant, les souris dont le gène CD23 a été inac-
tivé continuent à développer des réponses IgE polyclonales normales. Cependant,
CD23 semble être impliqué dans l’augmentation des taux d’anticorps IgE dans cer-
taines situations. On sait que les réponses à un antigène spécifique sont plus fortes
lorsque ce même antigène est présent sous forme de complexes avec les IgE. Or,
cette amplification ne survient pas chez les souris déficientes en CD23. On inter-
prète cette observation comme une indication que CD23 sur les cellules présenta-
trices d’antigène joue un rôle dans la capture de l’antigène lié à l’IgE.

13-7 Les mastocytes sont distribués dans les tissus et sont à la base
des réactions allergiques.
Ehrlich a découvert les mastocytes dans le mésentère du lapin et les a appelé Mastzellen
(« cellules engraissées »). Comme les basophiles, les mastocytes contiennent des gra-
nules riches en protéoglycans acides fixant les colorants basiques. Les mastocytes
proviennent de cellules souches hématopoïétiques, mais viennent à maturité locale-
ment et résident souvent près des surfaces exposées aux pathogènes et aux allergènes.
Les principaux facteurs nécessaires à la croissance et au développement des mas-
tocytes comprennent le facteur de cellule souche (SCF, Stem Cell Factor) (ligand du
récepteur tyrosine kinase Kit), l’IL-3 et des cytokines associées aux TH2 comme l’IL-4
et l’IL-9. Les souris avec une déficience de Kit sont dépourvues de mastocytes diffé-
renciés, et, même si elles produisent des IgE, on ne peut susciter chez elles une réac-
tion inflammatoire dépendante de l’IgE. Cela montre que ces réponses dépendent
568 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

presque exclusivement des mastocytes. En activant la phosphatidylinositol 3-kinase


(PI 3-kinase) dans les mastocytes, le récepteur Kit peut provoquer la dégranulation de
ces cellules. L’inactivation pharmacologique de l’isoforme p110δ de la PI 3-kinase pro-
tège les souris contre des réactions allergiques. p110δ est donc une cible potentielle
dans le traitement des allergies et dans d’autres pathologies liées aux mastocytes.
Les mastocytes expriment de manière constitutive le FcεRI à leur surface et sont
activés lorsque les antigènes interconnectent les IgE fixées à ces récepteurs (voir
Fig. 9.35). Différents degrés de stimulation suscitent des réponses variées ; par exem-
ple, si peu de récepteurs sont stimulés en raison d’un taux faible d’allergène, le signal
transmis est puissant et suscite une inflammation allergique. Par contre, des concen-
trations élevées d’antigène peuvent induire des cytokines régulatrices comme
l’IL-10. Ainsi, les mastocytes adaptent leurs réponses aux signaux qu’ils reçoivent.
La dégranulation se produit en quelques secondes, libérant une grande diversité de
médiateurs inflammatoires préformés (Fig. 13.10). Parmi ceux-ci, on trouve l’his-
tamine, une amine vasoactive de courte durée de vie qui induit une augmentation
immédiate du flux sanguin local et de la perméabilité vasculaire, et des enzymes
comme les chymases, les tryptases et les sérine estérases mastocytaires. Ces enzy-
mes peuvent à leur tour activer des métalloprotéases de la matrice, qui détruisent
les protéines de la matrice tissulaire et endommagent les tissus. Une grande quan-
tité de facteur nécrosant les tumeurs (TNF-α, Tumor Necrosis Factor-α) est libé-
rée par les mastocytes après activation. Une partie provient de réserves contenues
dans les granules des mastocytes ; une autre partie étant synthétisée par les mas-
tocytes activés. Le TNF-α active les cellules endothéliales en induisant une aug-
mentation de l’expression des molécules d’adhérence, ce qui provoque un afflux
de leucocytes inflammatoires et de lymphocytes dans les tissus (voir Chapitre 2).
Lors de l’activation, les mastocytes synthétisent et libèrent des chimiokines, des
médiateurs lipidiques comme les leucotriènes et le facteur activant les plaquet-
tes (PAF, Platelet-Activating Factor) ainsi que d’autres cytokines comme l’IL-4 et
l’IL-13 qui entretiennent la réponse TH2. Ces médiateurs participent aux répon-
ses inflammatoires aiguës et chroniques. Les médiateurs lipidiques, en particulier,

Fig. 13.12 Molécules libérées par les


mastocytes lors de leur activation. Les Classe de produit Exemples Effets biologiques
mastocytes produisent une grande diversité de
protéines actives biologiquement et d’autres Tryptase, chymase,
médiateurs chimiques. Les enzymes et les cathepsine G, Remodelage de la matrice de tissu conjonctif
médiateurs toxiques repris dans les deux Enzyme
carboxypeptidase
premières colonnes sont préformés et sont
libérés à partir des granules. Les cytokines, les
Toxicité antiparasitaire
chimiokines et les médiateurs lipidiques sont Histamine, héparine Augmentation de la perméabilité vasculaire
Médiateur toxique
synthétisés après activation. Contraction des muscles lisses

IL-4, IL-13 Stimulation de la réponse des cellules TH2

IL-3, IL-5, GM-CSF Augmentation de la production


Cytokine et de l’activation des éosinophiles

TNF-α (une partie est Favorise l’inflammation, stimule la production


préformée et stockée des cytokines par de nombreux types cellulaires,
dans des granules) active les endothéliums

Chimiokine Attire les monocytes, les macrophages


CCL3
et les neutrophiles

Contraction des muscles lisses


Prostaglandines D2, E2
Augmentation de la perméabilité vasculaire
Leucotriènes B4, C4 Augmentation de la sécrétion de mucus
Médiateur lipidique
Attire les leucocytes
Facteur activateur
Amplifie la production des médiateurs lipidiques
des plaquettes (PAF)
Active les neutrophiles, les éosinophiles et les plaquettes
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 569

déclenchent rapidement une contraction des muscles lisses, une augmentation de


la perméabilité vasculaire et une sécrétion de mucus. Ils induisent aussi l’afflux
et l’activation des leucocytes qui contribuent à la réponse tardive. Les médiateurs
lipidiques proviennent de phospholipides membranaires clivés de manière à libé-
rer l’acide arachidonique. Ce précurseur est modifié selon deux voies différentes
pour fournir les prostaglandines, les thromboxanes et les leucotriènes. La princi-
pale prostaglandine produite par les mastocytes est la D2; elle recrute toutes les
cellules pourvues de son récepteur (PTGDR), c’est-à-dire les cellules TH2, les éosi-
nophiles et les basophiles. La prostaglandine D2 joue un rôle critique dans le déve-
loppement des maladies allergiques comme l’asthme, et certains polymorphismes
du PTGDR sont liés à une prédisposition à l’asthme. Les leucotriènes, surtout B4 et
C4, interviennent de manière importante en soutenant les réactions inflammatoi-
res dans les tissus. De nombreux médicaments anti-inflammatoires sont des inhi-
biteurs du métabolisme de l’acide arachidonique. L’aspirine, par exemple, bloque
la production des prostaglandines en inhibant la cyclo-oxygénase.
L’activation des mastocytes par les IgE déclenche donc une puissante cascade
inflammatoire qui est amplifiée par le recrutement des éosinophiles, des basophi-
les, des lymphocytes TH2, des cellules B et des cellules dendritiques. Cette réac-
tion est physiologiquement importante dans les mécanismes de défense contre
les infections parasitaires (voir Section 9-25). Cependant, au cours de l’allergie, les
réactions inflammatoires aiguës et chroniques induites par l’activation des masto-
cytes ont d’importantes conséquences pathologiques, comme on l’observe dans
les réactions allergiques aux antigènes de l’environnement. De plus en plus, on
considère que les mastocytes sont non seulement les moteurs de réactions pro-
inflammatoires, mais qu’ils peuvent contribuer aussi à l’immunorégulation. De
fortes concentrations d’allergène, aboutissant à une forte occupation des récep-
teurs d’IgE, ont des effets immunorégulateurs plutôt qu’inflammatoires. Les mas-
tocytes peuvent aussi participer aux réactions auto-immunes.

13-8 Les éosinophiles sont soumis normalement à un contrôle strict


qui prévient des réactions nocives.
Les éosinophiles sont des granulocytes qui prennent naissance dans la moelle
osseuse. On les appelle ainsi car leurs granules, qui contiennent des protéines
basiques riches en arginine, sont colorés en orange par l’éosine, un colorant acide.
Dans les conditions normales, on trouve très peu de ces cellules dans la circula-
tion. La majorité des éosinophiles se retrouvent dans les tissus, surtout dans les
tissus conjonctifs situés sous les épithéliums respiratoires, intestinaux et urogé-
nitaux, ce qui suggère un rôle probable de ces cellules dans la défense contre les
agents infectieux. Les éosinophiles exercent deux types de fonctions effectrices.
Tout d’abord, lors de l’activation, leurs granules libèrent des protéines toxiques
et des radicaux libres, qui tuent les micro-organismes et les parasites, mais peu-
vent aussi causer des dommages importants aux cours des réactions allergiques.
Ensuite, l’activation induit la synthèse de médiateurs chimiques comme les pros-
taglandines, les leucotriènes et des cytokines, qui amplifient la réponse inflam-
matoire en activant les cellules épithéliales et en recrutant d’autres éosinophiles
et d’autres leucocytes (Fig. 13.13). Les éosinophiles sécrètent également plusieurs
protéines impliquées dans le remodelage des voies aériennes.
L’activation et la dégranulation des éosinophiles sont très régulées car une activa-
tion inappropriée de ces cellules serait nocive. Le premier contrôle s’exerce au cours
de la production des éosinophiles dans la moelle osseuse. Cette production est fai-
ble en absence d’infection ou d’une autre stimulation immunitaire. Lorsque les cel-
lules TH2 sont activées, des cytokines, comme l’IL-5, sont libérées ; elles augmentent
la production des éosinophiles dans la moelle osseuse et leur libération dans la cir-
culation. Des animaux transgéniques, qui surexpriment l’IL-5, ont un nombre élevé
d’éosinophiles (éosinophilie) dans la circulation mais pas dans les tissus. Ces résul-
tats montrent que la migration des éosinophiles de la circulation vers les tissus est
570 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

Fig. 13.13 Les éosinophiles sécrètent une


série de protéines très toxiques, présentes Classe de produit Exemples Effets biologiques
dans les granules, ainsi que d’autres
médiateurs inflammatoires.
Toxique par catalyse de l’halogénation
Peroxydase des éosinophiles
Déclenche la libération d’histamine par les mastocytes

Enzyme Collagénase des éosinophiles Remodelage de la matrice du tissu conjonctif

Métalloprotéase-9 de la matrice Dégradation des protéines de la matrice

Toxique pour les parasites et les cellules de mammifères


Protéine basique majeure
Déclenche la libération d’histamine par les mastocytes

Protéine toxique Protéine cationique Toxique pour les parasites


des éosinophiles Neurotoxine

Neurotoxine dérivée
Neurotoxine
des éosinophiles

Amplifie la production des éosinophiles


IL-3, IL-5, GM-CSF par la moelle osseuse
Active les éosinophiles
Cytokine
TGF-α, TGF-β Prolifération épithéliale
Formation de myofibroblastes

Chimiokine CXCL8 (IL-8) Favorise l’afflux de leucocytes

Cause la contraction des muscles lisses


Leucotriènes C4, D4, E4 Augmente la perméabilité vasculaire
Augmente la sécrétion de mucus
Médiateur lipidique
Attire les leucocytes
Facteur activateur
Amplifie la production des médiateurs lipidiques
des plaquettes
Active les neutrophiles, les éosinophiles et les plaquettes

contrôlée séparément par d’autres médiateurs. Dans ce cas, les molécules respon-
sables sont des chimiokines de type CC (voir Section 2-20). Elles sont responsables
du chimiotactisme de plusieurs types de leucocytes, mais trois d’entre elles sont par-
ticulièrement importantes pour attirer et activer les éosinophiles  ; on les appelle
éotaxines : CCL11 (éotaxine 1), CCL24 (éotaxine 2) et CCL26 (éotaxine 3).
Le récepteur des éotaxines sur les éosinophiles, CCR3, est très peu discriminant ; il lie
aussi bien d’autres chimiokines de type CC, entre autres CCL7, CCL13 et CCL5, qui
attirent et activent également les éosinophiles. Des chimiokines identiques ou similai-
res stimulent aussi les mastocytes et les basophiles. Par exemple, les éotaxines attirent
les basophiles et déclenchent leur dégranulation, alors que CCL2, qui se lie à CCR2,
active les mastocytes en absence ou en présence de l’antigène. CCL2 active aussi la
différenciation des cellules T naïves en cellules TH2. Les cellules TH2 expriment aussi
CCR3 ; elles vont donc migrer sous le contrôle des éotaxines. Il est étonnant que ces
interactions entre les différentes chimiokines et leurs récepteurs montrent un tel che-
vauchement et une telle redondance ; nous ne comprenons pas la signification de
cette complexité. Ces observations montrent que les familles de chimiokines, comme
celles des cytokines, peuvent coordonner certains types de réponse immunitaire.
Un troisième type de contrôle régule l’activation des éosinophiles. Dans leur état
non activé, les éosinophiles n’expriment pas le récepteur de haute affinité des IgE
et le seuil d’activation qui permet la libération du contenu des granules est élevé.
Après activation par les chimiokines et les cytokines, le seuil chute, le FcεRI est
exprimé et le nombre de récepteurs de Fcγ et de récepteurs du complément aug-
mente à la surface cellulaire. L’éosinophile est maintenant prêt à exercer son acti-
vité effectrice, par exemple dégranuler à la suite du pontage par l’antigène des IgE
fixées aux récepteurs FcεRI à la surface des éosinophiles.
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 571

13-9 Les éosinophiles et les basophiles induisent une inflammation


et des lésions tissulaires au cours des réactions allergiques.

Les cellules qui allaient être reconnues plus tard comme étant des éosinophiles ont
été observées dès le 19ème siècle dans la première description pathologique de
l’état de mal asthmatique mortel, mais le rôle précis de ces cellules dans les maladies
allergiques n’est toujours pas éclairci. Dans une réaction allergique, la dégranulation
des mastocytes et l’activation des cellules TH2 causent l’accumulation des éosinophi- Fig. 13.14 Les réactions allergiques
les en grand nombre et leur activation. Les éosinophiles peuvent aussi présenter des comprennent une phase immédiate et
antigènes aux cellules T et sécrètent des cytokines TH2. Les éosinophiles semblent une phase tardive. Panneau de gauche :
la réaction à un antigène inhalé peut être
favoriser l’apoptose des cellules TH1, et l’expansion des cellules TH2 qu’on leur attri- décomposée en réponses immédiate et tardive
bue est peut-être due en partie à une réduction relative du nombre de cellules TH1. L’intensité de la réaction asthmatique associée
La présence continue des éosinophiles est caractéristique de l’inflammation allergi- à un rétrécissement des voies aériennes par
que chronique, et l’on pense qu’ils contribuent fortement aux lésions tissulaires. contraction des muscles lisses bronchiques
peut être mesurée par la diminution du
Les basophiles sont aussi présents dans le site de la réaction inflammatoire, et les fac- VEMS (volume expiratoire maximal en une
seconde). La réaction immédiate atteint un
teurs de croissance des basophiles sont très semblables à ceux des éosinophiles ; ils pic quelques minutes après l’inhalation de
comprennent l’IL-3, l’IL-5 et le GM-CSF. Il existe un contrôle réciproque de la matu- l’antigène puis disparaît. Six à huit heures
ration de la population des cellules souches en basophiles ou éosinophiles. Par exem- après inhalation de l’antigène, une réponse
ple, le TGF-β en présence d’IL-3 inhibe la différenciation des éosinophiles et induit de phase tardive survient ; elle se traduit
aussi par une diminution du VEMS. Les
celle des basophiles. Les basophiles sont généralement présents en faible nombre médiateurs libérés par les mastocytes et
dans la circulation et semble jouer un rôle identique à celui des éosinophiles dans la rapidement métabolisés comme l’histamine
défense contre les pathogènes. Comme les éosinophiles, on les retrouve dans les sites et les médiateurs lipidiques déclenchent la
de réaction allergique. Les basophiles expriment FcεRI à leur surface et, après activa- réaction immédiate par leur action directe sur
les vaisseaux sanguins et les muscles lisses,
tion par des cytokines ou par l’antigène, ils libèrent de l’histamine et l’IL-4 à partir des alors que la réaction de phase tardive est liée
granules basophiles, d’où ils tirent leur nom ; ils produisent aussi l’IL-4 et l’IL-13. à un afflux de leucocytes inflammatoires attirés
par les chimiokines et par d’autres médiateurs
Les éosinophiles, les mastocytes et les basophiles peuvent interagir entre eux. La libérés par les mastocytes pendant et après
dégranulation des éosinophiles libère la protéine basique majeure, qui, à son la réponse immédiate. Panneau de droite :
tour, induit la dégranulation des mastocytes et des basophiles. Cet effet est aug- une réaction allergique du type gonflement et
rougeur se développe en une ou deux minutes
menté par toutes les cytokines qui affectent la croissance, la différenciation et l’ac- après une injection épidermique d’antigène et
tivation des éosinophiles et des basophiles, comme l’IL-3, l’IL-5 et le GM-CSF. se prolonge jusqu’à 30 minutes. La réaction
œdémateuse plus diffuse caractéristique de
la phase tardive apparaît approximativement
13-10 Une réaction allergique comprend une réponse immédiate 6 heures plus tard et peut persister pendant
quelques heures. La photographie montre à
et une réponse tardive. gauche une papule érythémateuse typique
de réaction immédiate, 15 minutes après
La réponse inflammatoire qui suit l’activation des mastocytes par les IgE comprend l’injection intradermique d’un allergène, un
extrait de pollen de graminée. À droite, le
une réaction immédiate, qui commence dans la seconde, et une réaction tardive, gonflement plus diffus correspond à une
qui prend de 8 à 12 heures pour se développer. On peut distinguer cliniquement ces réaction tardive survenue 6 heures après
deux phases (Fig. 13.14). La réaction immédiate est due à l’activité de l’histamine, l’injection. Cliché de S.R. Durham.

Immédiate Phase tardive


VEMS
(litres/s) 400

Stimulation
300 antigénique

Immédiate Phase tardive


200

100

0
0 30 60 6 8 10 12 Temps
minutes heures
572 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

des prostanglandines et d’autres médiateurs préformés ou rapidement synthéti-


sés. Ces médiateurs induisent une augmentation rapide de la perméabilité vas-
culaire et la contraction des muscles lisses. La réaction tardive, qui survient chez
environ 50 % des patients qui ont eu une réaction immédiate, est induite par la
synthèse et la libération de prostaglandines, de leucotriènes, de chimiokines et de
cytokines comme l’IL-5 et l’IL-13 provenant des mastocytes activés et des basophi-
les (voir Fig. 13.12). Ces médiateurs recrutent dans le foyer inflammatoire d’autres
leucocytes comme les éosinophiles et les lymphocytes TH2. Les réactions tardives
sont associées à une seconde phase de contraction des muscles lisses due aux cel-
lules T, avec un œdème continu et un remodelage tissulaire comme l’hypertrophie
des muscles lisses (une augmentation de taille due à la croissance cellulaire) et
une hyperplasie (une augmentation du nombre de cellules).
La réaction tardive et sa suite à long terme, l’inflammation allergique chronique,
qui est essentiellement une réaction d’hypersensibilité de type IV (voir Fig. 13.1),
Asthme allergique est à la base d’une maladie à long terme plus grave comme l’asthme chronique. La
phase chronique de l’asthme est caractérisée par la présence de cytokines aussi
bien TH1 (comme l’IFN-γ) que TH2, bien que ces dernières semblent prédominer.

13-11 Les manifestations cliniques des réactions allergiques varient selon


le site d’activation des mastocytes.

Lorsqu’un allergène déclenche une réaction allergique, les effets nocifs survien-
nent au site de la dégranulation des mastocytes. Au cours de la réponse immé-
diate, les médiateurs libérés ont une durée de vie courte et leur action potentielle
sur les vaisseaux sanguins et les muscles lisses est confinée à proximité des mas-
tocytes activés. Les effets les plus importants de la réponse tardive sont aussi limi-
tés au site initial de l’activation par l’allergène et l’anatomie particulière de ce site
peut déterminer la facilité avec laquelle l’inflammation peut être résorbée. Le syn-
drome clinique d’une réaction allergique dépend donc de trois variables : la quan-
tité d’IgE spécifique de l’allergène, la voie d’introduction de l’allergène et la dose
d’allergène (Fig. 13.15).
Si l’allergène est introduit directement dans le sang ou s’il est rapidement absorbé
par l’intestin, les mastocytes des tissus conjonctifs associés aux vaisseaux san-
guins peuvent être activés. Ce qui induit un syndrome très dangereux, l’anaphy-
laxie systémique. L’activation des mastocytes disséminés dans l’organisme a
plusieurs effets qui peuvent être mortels : l’augmentation généralisée de la per-
Anaphylaxie systémique aiguë méabilité vasculaire conduit à une diminution rapide de la pression sanguine ; la
contraction des voies aériennes cause des difficultés respiratoires et le gonfle-
ment de l’épiglotte peut aboutir à l’asphyxie. Ce syndrome, qui peut être mortel,
est appelé choc anaphylactique. Il se produit lorsqu’un médicament est admi-
nistré à une personne qui possède des IgE dirigées contre ce médicament ou
après une piqûre d’insecte chez les individus allergiques aux venins d’insecte.
Certains aliments, par exemple les cacahuètes ou les noix du brésil, peuvent
aussi induire une anaphylaxie systémique chez les individus sensibilisés. Ce syn-
drome est rapidement mortel, mais peut être contrôlé par une injection immé-
diate d’adrénaline, qui relaxe les muscles lisses et inhibe les effets cardiovasculaires
de l’anaphylaxie.
La réaction allergique aux médicaments la plus courante est l’allergie à la péni-
cilline et à ses dérivés. L’administration par injection de pénicilline chez des
personnes ayant des anticorps IgE anti-pénicilline induit une réaction anaphy-
lactique qui peut aller jusqu’à la mort. Il faut être très prudent lors de l’adminis-
tration d’un médicament à des patients ayant des antécédents allergiques contre
ce médicament ou un médicament de la même famille. La pénicilline se com-
porte comme un haptène (voir Appendice I, Section A-1). C’est une petite molé-
cule, qui possède un cycle β-lactame crucial pour son activité antibactérienne.
Ce cycle réagit avec des groupes amines des protéines de l’hôte pour former des
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 573

complexes covalents. Lorsque la pénicilline est ingérée ou injectée, elle forme


des complexes avec les protéines du soi. Les peptides du soi modifiés par la péni-
cilline peuvent induire une réponse TH2 chez certains individus. Ces cellules TH2
peuvent activer la production d’IgE par les cellules B qui reconnaissent la péni-
cilline. La pénicilline agit donc à la fois comme antigène pour les cellules B et, en
modifiant des peptides du soi, elle produit des antigènes pour la cellule T. Lors
d’une injection intraveineuse de pénicilline chez les individus allergiques, les
protéines modifiées par la pénicilline peuvent ponter les IgE sur les mastocytes
et causer l’anaphylaxie.

Fig. 13.15 La dose et la voie d’administration des allergènes que les mastocytes des tissus conjonctifs locaux et n’induisant dès
déterminent le type de réaction allergique dépendante des IgE. lors qu’une réaction inflammatoire locale. Les allergènes inhalés qui
Les mastocytes ont deux localisations principales. Ils sont soit associés pénètrent à travers l’épithélium activent essentiellement les mastocytes
aux tissus conjonctifs vascularisés, ce sont les mastocytes des tissus muqueux et déclenchent la contraction des muscles lisses des voies
conjonctifs, soit situés dans les couches sous-muqueuses des tractus aériennes inférieures, cette bronchoconstriction entraînant des difficultés
intestinaux et respiratoires, ce sont les mastocytes muqueux. Chez expiratoires. L’activation des mastocytes muqueux irrite l’épithélium
un allergique, tous les mastocytes sont chargés d’IgE dirigées contre et augmente la sécrétion locale de mucus. De la même manière,
les allergènes spécifiques. La réponse à un antigène dépend donc l’allergène ingéré pénètre à travers l’épithélium intestinal, déclenche des
du type de mastocytes activés. Les allergènes dans la circulation vomissements par contraction des muscles lisses intestinaux et de la
activent les mastocytes des tissus conjonctifs à différents endroits de diarrhée causée par une sortie de fluide à travers l’épithélium intestinal.
l’organisme, induisant ainsi une libération systémique d’histamine et Les allergènes alimentaires peuvent aussi être disséminés par le sang et
d’autres médiateurs. L’administration sous-cutanée de l’allergène n’active provoquer une urticaire lorsqu’ils atteignent la peau.

Mastocytes du tissu conjonctif Mastocytes des muqueuses

Voie d’entrée de l’allergène

Intraveineuse : forte dose Sous-cutanée : faible dose Inhalation : faible dose Ingestion

mastocytes couverts d’IgE

capillaire sanguin muscle lisse bronchique muscle lisse intestinal

Activation des mastocytes

tractus respiratoire épithélium intestinal

Rhinite allergique (voie respiratoire La contraction des muscles lisses


La libération générale d’histamine supérieure) causée par une production intestinaux provoque des vomissements.
La libération locale d’histamine
déclenche une anaphylaxie systémique déclenche une réaction accrue de mucus et une irritation nasale. L’afflux de liquide dans l’intestin cause de
papulo-érythémateuse Asthme (voie respiratoire inférieure) dû la diarrhée. L’antigène diffuse dans les vaisseaux
à la contraction des muscles lisses bronchiques sanguins et est disséminé largement
et à la sécrétion accrue de mucus causant de l’urticaire ou une anaphylaxie
574 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

13-12 L’inhalation de l’allergène induit le développement de rhinite


et d’asthme.

L’inhalation est la voie d’entrée des allergènes la plus commune. De nombreuses


personnes ont des allergies modérées à des allergènes aériens ; ils ont le nez qui
coule et se plaignent d’éternuements à répétition. C’est la rhinite allergique. Elle
est due à l’activation des mastocytes de la muqueuse nasale par des allergènes
comme les pollens, dont les protéines solubles diffusent à travers l’épithélium. La
rhinite allergique est caractérisée par des chatouillements, des éternuements, un
Asthme allergique œdème local qui obstrue les cavités nasales, un écoulement, caractérisé par sa
richesse en éosinophiles, et une irritation nasale due à l’histamine libérée. On
observe une réaction similaire aux allergènes aériens qui se déposent dans la
conjonctive oculaire, c’est la conjonctivite allergique. Les rhinites et les conjonc-
tivites allergiques sont généralement causées par des allergènes présents unique-
ment à certaines saisons. Par exemple, le rhume des foins est causé par certains
pollens de graminées et d’arbres. Au cours de l’été et de l’automne, les symptômes
sont déclenchés par le pollen de mauvaises herbes comme l’ambroisie ou par des
spores de champignons comme Alternaria. Des allergènes pérennes comme les
poils de chat et les acariens des poussières de maison peuvent être la cause d’in-
confort pendant toute l’année.
L’asthme allergique est un syndrome plus grave, qui est déclenché par l’activation
des mastocytes muqueux des voies aériennes profondes (Fig. 13.16). Il se manifeste
par une contraction bronchique et une sécrétion importante de fluide et de mucus
Fig. 13.16 La réponse aiguë au cours de dans les secondes qui suivent le contact avec l’allergène. Ces réactions rendent la
l’asthme allergique induit dans les voies respiration difficile en retenant l’air inhalé dans les poumons. Les patients atteints
respiratoires une inflammation chronique d’asthme allergique doivent être suivis régulièrement car les crises d’asthme peu-
dépendant des cellules TH2. Chez les
individus sensibilisés, le pontage des IgE à
vent être mortelles. Les allergènes qui causent la rhinite et la conjonctivite allergi-
la surface des mastocytes par un allergène ques sont également impliqués dans l’asthme. Par exemple, le blocage respiratoire
inhalé déclenche la sécrétion des médiateurs à l’occasion de crises asthmatiques graves survenues en été ou en automne a été
inflammatoires, qui augmentent la perméabilité attribué à l’inhalation de spores d’Alternaria. Une caractéristique importante de
vasculaire et qui stimulent la contraction
des muscles lisses bronchiques ainsi que l’asthme est une inflammation chronique des voies aériennes, avec présence per-
la sécrétion de mucus. On observe un afflux manente de lymphocytes TH2, d’éosinophiles, de neutrophiles et d’autres leucocy-
de cellules inflammatoires depuis le sang, tes (Fig. 13.17). Ces cellules sont à la base du remodelage des voies respiratoires,
dont des éosinophiles et des cellules TH2.
un épaississement de leurs parois dû à l’hyperplasie et l’hypertrophie de la couche
Les cellules TH2 et les mastocytes sécrètent
des cytokines qui augmentent l’activation musculaire lisse et des glandes muqueuses, suivi finalement du développement de
des éosinophiles et leur dégranulation, ce fibrose. Ce remodelage aboutit à un rétrécissement permanent des voies aérien-
qui entraîne des lésions tissulaires et l’apport nes accompagné d’une augmentation de la sécrétion de mucus, et est responsable
de nouvelles cellules inflammatoires. La
conséquence est une inflammation chronique
de la plupart de manifestations cliniques de l’asthme. Chez les asthmatiques chro-
qui peut endommager les voies aériennes de niques, une hyperréactivité des voies respiratoires à des stimulus non immunolo-
manière irréversible. giques se développent souvent.

Réponses aiguës Réponse chronique

Des médiateurs inflammatoires causent une augmentation Réponse chronique causée par des cytokines
de la sécrétion de mucus et une contraction des muscles Recrutement de cellules de la circulation et des produits libérés par des éosinophiles
lisses entraînant l’obstruction des voies respiratoires
voie protéines des granules
cytokines des éosinophiles
respiratoire

TH2

TH2

vaisseau
sanguin
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 575

L’action directe des cytokines TH2 comme l’IL-9 et IL-13 sur les cellules épithélia-
les des voies aériennes peuvent jouer un rôle dominant dans l’une des principales
caractéristiques de la maladie, l’induction de la métaplasie des cellules caliciformes,
qui est l’augmentation de la différenciation des cellules épithéliales en cellules cali-
ciformes, et l’augmentation consécutive de la sécrétion de mucus. Les cellules épi-
théliales pulmonaires peuvent aussi produire le récepteur de chimiokine, CCR3, et
au moins deux des ligands de ce récepteur, CCL5 et CCL11. Ces chimiokines ampli-
fient la réponse TH2 en attirant plus de cellules TH2 et d’éosinophiles dans les pou-
mons affectés. Les effets directs des cytokines TH2 et des chimiokines sur les cellules a
musculaires lisses des voies respiratoires et les fibroblastes pulmonaires causent
l’apoptose des cellules épithéliales et le remodelage des voies aériennes, induits en
partie par la production de TGF-β, qui a de nombreux effets sur l’épithélium, allant
de l’induction de l’apoptose à la stimulation de la prolifération cellulaire.
Une maladie ressemblant à l’asthme de l’homme apparaît chez les souris dépour-
vues du facteur de transcription T-bet, nécessaire à la différenciation TH1 (voir la
Section 8-19). Leurs réponses cellulaires TH2 seraient ainsi favorisées. Une inflam-
mation des voies aériennes impliquant des éosinophiles et des lymphocytes se
développe chez ces souris, qui ont des taux plus élevés de cytokines TH2, IL-4, IL-5
et IL-13 (Fig. 13.18). Elles ont également une hyperréactivité non spécifique des b
voies respiratoires à des stimulus non immunologiques comme on l’observe dans
l’asthme chez l’homme. Ces changements se produisent en l’absence de tout sti- Fig. 13.17 Inflammation chronique des voies
mulus inflammatoire exogène et montrent que, dans des circonstances extrêmes, aériennes chez un patient asthmatique. Le
un déséquilibre génétique favorisant les réponses TH2 peut provoquer des affec- panneau a montre une coupe bronchique d’un
tions allergiques. L’implication des éosinophiles dans l’asthme semble quelque patient mort d’une crise d’asthme. On observe
une obturation presque complète des voies
peu différente chez l’homme et chez la souris. Chez les patients asthmatiques, le aériennes par un bouchon de mucus. Dans le
nombre d’éosinophiles est directement associé à la gravité de l’asthme. Chez la panneau b, une vue rapprochée montre une
souris déficiente en éosinophiles, la seule observation constante concernant la lésion de l’épithélium bronchique associée à
un infiltrat inflammatoire dense qui comprend
physiopathologie de l’asthme est une réduction de remodelage des voies aérien-
des éosinophiles, des neutrophiles et des
nes sans atténuation de l’hyperréactivité des voies respiratoires. lymphocytes. Clichés de T. Krausz.

T-bet+/+ T-bet–/–

Biopsie pulmonaire normale Inflammation pulmonaire


avec lymphocytes et éosinophiles

Remodelage bronchique Fig. 13.18 Des souris dépourvues du


Bronche normale
avec dépôt de collagène facteur de transcription T-bet développent
de l’asthme et des réponses cellulaires
de type TH2. T-bet se lie au promoteur du
gène qui code l’IL-2 ; il est présent dans les
cellules TH1 mais absent dans les TH2. Des
souris dont le gène de T-bet a été inactivé
(T-bet- / -) développent spontanément un
phénotype de type asthmatique. Panneaux
de gauche : poumon et bronchioles de souris
normale. Panneaux de droite : les souris
déficientes en T-bet montrent une inflammation
pulmonaire, avec des lymphocytes et des
éosinophiles autour d’une bronchiole et des
vaisseaux sanguins (en haut) et le remodelage
avec augmentation du collagène autour d’une
bronchiole (en bas). Clichés de L. Glimcher.
576 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

Bien que l’asthme allergique soit d’abord causé par une réponse à un allergène,
l’inflammation chronique qui s’ensuit semble se perpétuer même sans exposition
à l’allergène. Les voies respiratoires deviennent hyperréactives et des agents autres
que l’antigène peuvent déclencher des crises d’asthme. Les asthmatiques réagis-
sent de manière excessive à des produits chimiques de l’environnement comme la
fumée de cigarettes et le dioxyde de soufre. Des infections des voies respiratoires
d’origine virale ou, dans une moindre mesure, bactérienne, peuvent aussi aggraver
la maladie en induisant une réponse locale de prédominance TH2.

13-13 Les allergies cutanées se manifestent sous forme d’urticaire


ou d’eczéma chronique.
Une même dichotomie entre réponses immédiate et tardive s’observe pour les
réponses allergiques cutanées. La peau est une barrière imperméable à la majorité
des allergènes. Cependant, elle peut être franchie par une petite quantité d’allergène
lors d’une injection, par exemple, suite à une piqûre d’insecte. L’entrée de l’aller-
gène dans l’épiderme et le derme induit une réaction allergique locale. L’activation
des mastocytes cutanés induit immédiatement une augmentation locale de la per-
méabilité vasculaire avec sortie de liquide et œdème. L’activation des mastocytes sti-
mule également les terminaisons nerveuses locales, qui libèrent alors, par réflexe
nerveux, des produits chimiques qui provoquent une vasodilatation des vaisseaux
avoisinants ; elle est responsable de la rougeur de la peau environnante. La lésion
cutanée qui en résulte est appelée réaction érythémato-papuleuse. Environ 8 heu-
res plus tard, il apparaît chez certains individus une réponse œdémateuse plus éten-
due et plus soutenue. Cette réponse est la conséquence d’une réaction tardive (voir
Fig. 13.14). La forme disséminée de la réaction érythémato-papuleuse, appelée urti-
caire, apparaît quelquefois lorsqu’un allergène ingéré pénètre dans la circulation
sanguine et atteint la peau. L’histamine libérée par les mastocytes cutanés activés
par l’allergène provoque des gonflements étendus, rougeâtres et qui démangent.
Les allergologues utilisent la réponse immédiate pour tester l’allergie en injectant
dans l’épiderme de faibles doses des allergènes potentiels. Bien que la réaction qui
suit cette stimulation antigénique reste en général très localisée, il existe un fai-
ble risque de déclencher une anaphylaxie systémique. Un autre procédé standard
pour détecter l’allergie consiste à mesurer le taux d’anticorps IgE spécifiques pour
un allergène particulier en test ELISA sandwich (voir Appendice I, Section A-6).
Les urticaires aiguës sont généralement causées par des allergènes, mais les cau-
ses de l’urticaire chronique au cours duquel les symptômes persistent pendant
longtemps sont encore mal connues. Dans plus d’un tiers des cas, il semble que
l’urticaire chronique soit une maladie auto-immune causée par des autoanticorps
dirigés contre la chaîne α du FcεRI. C’est un exemple de réaction d’hypersensibi-
lité de type II (voir Fig. 13.1) au cours de laquelle un autoanticorps dirigé contre
un récepteur cellulaire induit une activation cellulaire. Dans ce cas, cette réaction
induit la dégranulation des mastocytes et ainsi une urticaire.
Une réponse inflammatoire plus importante peut se développer dans la peau, sou-
vent chez les enfants atopiques. Ils développent une éruption cutanée persistante
appelée eczéma ou dermatite atopique, causée par une inflammation chronique
avec remodelage et fibrose qui ressemblent à ce qui est observé dans les parois bron-
Dermatite atopique chiques des patients asthmatiques. Bien que l’allergie soit souvent considérée dans
le contexte d’un phénotype TH2, dans la maladie humaine (à l’opposé des modèles
murins), des cytokines TH1 et TH2 peuvent contribuer à l’immunopathogénie. La
dermatite atopique en est un excellent exemple. Chez environ un tiers des patients,
l’augmentation de l’IgE sérique est minime et des cellules TH1 prédominent dans les
lésions de dermatite atopique des patients chez qui la maladie persiste.
Les réponses immunitaires innées dues à l’activation de TLR par des produits micro-
biens peuvent aggraver la dermatite atopique. L’activation de ces récepteurs habi-
tuellement lance une réponse cellulaire TH1 en stimulant la production d’IL-12 et
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 577

KCASP1Tg Génotypes Dermatite IgE Mastocytes

Type sauvage — contrôle contrôle


Coloration
à l’hématoxyline-
éosine KCASP1Tg +++ +++ +++

Stat6–/–KCASP1Tg +++ ND +

Coloration IL-18–/–KCASP1Tg — + contrôle


au bleu
de toluidine
KIL-18Tg +++* +++ +++

Après la naissance 4 semaines 16 semaines *Début retardé

d’IL-18. Ces cytokines sont surproduites chez des souris mutantes qui surexpriment Fig. 13.19 Une déficience en IL-18 prévient
l’enzyme caspase-1 spécifiquement dans les kératinocytes (souris KCASP1Tg). Ces le développement de la dermatite atopique
chez des souris prédisposées. Les
souris naissent en bonne santé, mais développent des modifications cutanées similai- souris KCASP1Tg surexpriment l’enzyme
res à la dermatite atopique humaine et commencent à se gratter fréquemment à par- caspase-1 dans leurs kératinocytes et
tir de 8-10 semaines après la naissance. À ce moment-là aussi, les taux sériques d’IgE développent une maladie similaire à la
et d’IgG s’élèvent progressivement. La surexpression de la caspase-1 entraîne une aug- dermatite atopique humaine. Panneau de
gauche : dans des coupes de peau colorées
mentation de l’apoptose des kératinocytes, mais aussi l’augmentation des taux d’IL-1 à l’hématoxyline-éosine (HE) (rangée du
et IL-18, parce que la caspase-1 est nécessaire pour activer ces cytokines. Avec la crois- haut), les lésions sont caractérisées par
sance des souris, les lésions cutanées s’étendent et la maladie s’aggrave. Les souris sont, de l’hyperkératose et un infiltrat dense de
toutefois, totalement protégées du développement de la maladie quand elles sont ren- leucocytes et lymphocytes. Après coloration
par le bleu de toluidine (rangée du bas), on
dues déficientes en IL-18 et ne développent donc pas une forte réponse TH1. Elles ne observe une accumulation de mastocytes.
sont pas protégées lorsqu’elles sont rendues déficientes en STAT6, ce qui conduit à une Les cellules colorées en pourpre foncé sont
absence de réponse cellulaire TH2 (Fig. 13.19). Ce type d’allergie a été classé comme des mastocytes (indiqués par des flèches) ; ils
sont beaucoup plus nombreux dans la lésion
allergie de type inné, contrairement à l’allergie classique dépendant des TH2.
à 16 semaines qu’à 4 semaines. Panneau de
Les réponses TH2 sont, toutefois, importantes dans la dermatite atopique naturelle droite : chez les souris KCASP1Tg déficientes
en STAT6, l’IgE sérique est sous le seuil de
et peuvent conduire indirectement à l’aggravation de la maladie en rendant l’in- détection, mais les lésions cutanées sont
dividu plus vulnérable à certaines infections. Par exemple, les individus atteints similaires, tandis que les souris KCASP1Tg
de dermatite atopique sont plus sensibles à l’inflammation cutanée après la vac- déficientes en IL-18 n’ont pas de dermatite.
Ce qui suggère que les cytokines TH2 ne
cination avec le virus de la vaccine. L’augmentation de la sensibilité résulte de la
sont pas importantes dans ce modèle. Les
propagation du virus de la vaccine en raison de l’action des cytokines TH2, IL-4 et souris KIL-18Tg, qui surexpriment l’IL-18
IL-13. La réponse TH2 inhibe également la production du peptide antimicrobien, mature dans leurs kératinocytes, montrent les
la cathélicidine, qui est normalement induite à la suite de la stimulation de TLR-3. mêmes symptômes que les souris KCASP1Tg,
mais la maladie commence plus tard.
Ainsi, on pourrait envisager un cercle vicieux : une infection déclenche la derma- KCASP1Tg, souris Keratinocyte-specific
tite atopique, qui entraîne une susceptibilité accrue aux infection. CASPase-1-TransGenic ; KIL-18Tg, souris
Keratinocyte-specific mature IL-18-transgenic ;
ND, non détectable. Clichés de Tsutsui, H., et
13-14 Les allergies alimentaires provoquent des réactions systémiques al.: Immunol. Rev. 2004, 202: 115–138.
ainsi que des symptômes limités à l’intestin.
Les véritables allergies alimentaires touchent environ 1-4 % des populations amé-
ricaine et européenne. Elles ne doivent pas être confondues avec les intolérances
alimentaires et les aversions, qui sont répandues et souvent appelées à tort « aller-
gies  » par le malade. Environ un quart des véritables allergies alimentaires aux
États-Unis et en Europe est représenté par l’allergie aux arachides, dont l’incidence
augmente ; elle a triplé au cours des 5 dernières années. L’allergie alimentaire cause
environ 30 000 réactions anaphylactiques chaque année aux États-Unis, dont 200
décès. Il s’agit là d’un problème sérieux de santé publique, en particulier à l’école,
où les enfants peuvent être exposés involontairement aux arachides, qui sont pré-
sentes dans de nombreux aliments. La Fig. 13.20 illustre les facteurs de risque qui
favorisent le développement de l’allergie alimentaire.
578 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

L’une des caractéristiques des allergènes alimentaires est un degré élevé de résis-
Facteurs de risque pour le développement
de l’allergie alimentaire tance à la digestion par la pepsine de l’estomac. Ils arrivent donc intacts à la sur-
face de la muqueuse de l’intestin grêle. Lorsque l’allergène est ingéré, deux types de
Immaturité du système immunitaire réactions allergiques peuvent survenir. L’activation des mastocytes de muqueuse
associé aux muqueuses
associés au tractus gastro-intestinal déclenche un exsudat à travers l’épithélium
et la contraction des muscles lisses, ce qui provoque de la diarrhée et des vomis-
Introduction prématurée d’aliments solides
sements. Pour des raisons qui ne sont pas pleinement comprises, les mastocytes
Augmentation héréditaire de la perméabilité des tissus conjonctifs dans le derme et les tissus sous-cutanés peuvent aussi être
des muqueuses activés après ingestion de l’allergène, probablement parce qu’après l’absorption de
celui-ci dans la circulation sanguine, il parvient à la peau et déclenche l’urticaire.
Déficience en IgA ou production retardée de l’IgA Il s’agit là d’une réaction fréquente lorsque la pénicilline est donnée oralement à
un patient qui a déjà des anticorps IgE spécifiques de la pénicilline. L’ingestion
Stimulation inappropriée du système immunitaire d’allergènes alimentaires peut également conduire au développement de l’asthme
intestinal par la flore commensale et à l’anaphylaxie généralisée avec collapsus cardiovasculaire. Certains aliments,
surtout les arachides, les noix, les crustacés et mollusques, sont particulièrement
Orientation génétique vers la production de associés à ce type de réponse au risque létal. L’allergie alimentaire peut dépendre
cytokines TH2
de l’IgE, comme l’asthme ou l’anaphylaxie systémique, ou en être indépendante
comme l’illustre bien l’exemple de la maladie cœliaque.
Polymorphismes des gènes de cytokines TH2 ou
des récepteurs de l’IgE
13-15 La maladie cœliaque est un modèle d’immunopathologie spécifique
Système nerveux entérique défectueux d’un antigène.
Altérations immunitaires (par ex. taux La maladie cœliaque est une maladie chronique de la partie supérieure de l’intes-
bas de TGF-β)
tin grêle ; elle est causée par une réponse immunitaire dirigée contre le gluten, un
complexe de protéines présentes dans le blé, l’avoine et l’orge. L’élimination du glu-
Infections gastro-intestinales
ten de l’alimentation normale restaure la fonction intestinale, mais ce régime doit
être poursuivi tout au long de la vie. La pathologie de la maladie cœliaque est carac-
Fig. 13.20 Facteurs de risque pour le térisée par la perte des villosités étroites et en forme de doigt de la muqueuse intes-
développement de l’allergie alimentaire. tinale (atrophie des villosités), avec augmentation de la taille des sites dans lesquels
les cellules épithéliales se renouvellent (hyperplasie des cryptes ) (Fig. 13.21). Ces
modifications pathologiques aboutissent à la perte des cellules épithéliales matu-
res qui couvrent les villosités et qui normalement absorbent et digèrent la nour-
riture. Cela s’accompagne d’une inflammation grave de la paroi intestinale, avec
augmentation du nombre de cellules T, des macrophages et des plasmocytes dans
la lamina propria, ainsi qu’une augmentation du nombre de lymphocytes dans la
couche épithéliale. Le gluten semble être la seule des protéines alimentaires qui
provoque une inflammation intestinale de cette façon, une propriété qui reflète la
capacité du gluten de stimuler à la fois l’immunité innée et spécifique chez les per-
sonnes génétiquement sensibles.
La maladie cœliaque montre une très forte prédisposition génétique, plus de 95 %
des patients exprimant l’allèle du CMH de classe II, HLA-DQ2, et la concordance
Maladie cœliaque entre jumeaux monozygotes est de 80 % (c’est-à-dire que si un jumeau est atteint
de la maladie,la probabilité que l’autre jumeau l’attrape est de 80 %), alors que la
concordance n’est que de 10 % entre jumeaux dizygotes. Néanmoins, la plupart
des individus exprimant HLA-DQ2 ne développent pas la maladie cœliaque en
dépit de la présence quasi universelle de gluten dans l’alimentation occidentale.
Ainsi, d’autres facteurs génétiques doivent apporter d’importantes contributions à
la susceptibilité.
La plupart des éléments de preuve indiquent que la maladie cœliaque nécessite
une sensibilisation aberrante de cellules T CD4 productrices d’IFN-γ par des pep-
tides antigéniques présents dans l’α-gliadine, une des principales protéines du
gluten. Il est généralement admis qu’un nombre limité de peptides suffit à pro-
voquer une réponse immunitaire aboutissant à la maladie cœliaque. Cela est pro-
bablement dû à la structure inhabituelle du sillon liant le peptide de la molécule
HLA-DQ2. L’étape clé dans la reconnaissance immunitaire de l’α-gliadine est la
désamidation de ses peptides par la transglutaminase tissulaire (TGT), qui conver-
tit certains résidus de glutamine en acide glutamique chargé négativement. Seuls
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 579

Fig. 13.21 Les caractéristiques


Jéjunum normal Jéjunum cœliaque pathologiques de la maladie cœliaque.
à gauche : la muqueuse de l’intestin grêle
normal comporte de nombreux replis en forme
de doigt. Ces villosités constituent une vaste
surface d’absorption des éléments nutritifs. À
droite: la réponse immunitaire locale contre
l’α-gliadine, une protéine alimentaire, a
détruit les villosités. En parallèle, l’activité
mitotique est prolongée et amplifiée dans
les cryptes sous-jacentes où de nouvelles
cellules épithéliales sont produites.
L’infiltrat inflammatoire dans la muqueuse
intestinale est important avec un nombre
accru de lymphocytes dans l’épithélium
une accumulation de cellules T CD4, de
plasmocytes et de macrophages dans la
couche plus profonde, la lamina propria.
Puisque les villosités contiennent toutes les
cellules épithéliales matures qui digèrent et
absorbent les denrées alimentaires, leur perte
est cause de diarrhée et de malabsorption
grave.

les peptides contenant des résidus de charge négative dans certaines positions
Fig. 13.22 Base moléculaire de la
peuvent se lier fortement à l’HLA-DQ2, et donc la réaction de transamination favo- reconnaissance immune du gluten dans
rise la formation des complexes peptides-HLA-DQ2, qui peuvent activer des cel- la maladie cœliaque. Après la digestion
lules T CD4 spécifiques de l’antigène (Fig. 13.22). Plusieurs épitopes peptidiques du gluten par les enzymes digestives de
l’intestin, la désamidation des épitopes
peuvent être générés à partir de la gliadine. Les cellules T CD4 spécifiques de la par la transglutaminase tissulaire aboutit à
gliadine et activées s’accumulent dans la lamina propria et produisent de l’IFN-γ , leur liaison aux molécules HLA-DQ et à la
une cytokine qui entraîne l’inflammation intestinale. sensibilisation du système immunitaire.

Des peptides produits naturellement Une enzyme, la transglutaminase Les cellules T activées peuvent tuer
Le peptide lié active
à partir du gluten ne se lient (tTG) rend les peptides capables les cellules épithéliales de la muqueuse
les cellules T CD4 spécifiques
pas aux molécules de se lier aux molécules du CMH en liant Fas. Elles sécrètent également
du gluten
du CMH de classe II de classe II l’IFN-𝛄, qui active les cellules épithéliales

tTG

Fas

FasL IFN-γ
580 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

La maladie cœliaque est entièrement tributaire de la présence d’un antigène étranger


cellule T spécifique
du gluten
(gluten) et n’est pas associée à une réponse immunitaire contre des antigènes dans le
complexe tissu, l’épithélium intestinal, qui est endommagé au cours de la réponse immunitaire.
gluten-tTG
CD4+ Elle n’est donc pas considérée comme une maladie auto-immune. Néanmoins, on
trouve des autoanticorps contre la transglutaminase tissulaire chez tous les patients
atteints de la maladie cœliaque. La présence d’anticorps sériques IgA contre cette
cellule B
enzyme sert de test sensible et spécifique de la maladie. Fait intéressant, aucune cel-
aide de la cellule T
lule T spécifique de la TGT n’a été découverte et on a proposé que des cellules T réa-
gissant au gluten fournissent l’aide aux cellules B sensibilisées à la transglutaminase
anticorps anti-tTG tissulaire. À l’appui de cette hypothèse, le gluten peut se complexer à l’enzyme et, par
conséquent, pourrait être capté par des cellules B anti-TGT (Fig. 13.23). Il n’y a pas de
Fig. 13.23 Une hypothèse pour expliquer preuve que ces autoanticorps contribuent à des lésions tissulaires.
la production d’anticorps contre la
transglutaminase (tTG) en absence de Des réponses chroniques à cellules  T contre des protéines alimentaires sont
cellules T spécifiques pour la tTG chez normalement empêchées par le développement de la tolérance orale (voir la
les patients cœliaques. Les cellules B qui Section  11-13). On ignore pourquoi celle-ci ne fonctionne pas chez les patients
reconnaissent la tTG endocytent les complexes
glutent-tTG et présentent les peptides de
atteints de la maladie. Les propriétés de la molécule HLA-DQ2 fournissent une
gluten aux cellules T spécifiques du gluten. Les explication partielle, mais il doit y avoir des facteurs supplémentaires, parce que
cellules T stimulées peuvent maintenant fournir la plupart des individus porteurs de l’HLA-DQ2 ne développent pas la maladie
l’aide à ces cellules B, qui sécrètent alors des cœliaque et le taux élevé de concordance entre jumeaux monozygotes indiquent
autoanticorps contre la tTG.
que d’autres facteurs génétiques interviennent. Des polymorphismes dans le gène
de CTLA-4 ou dans d’autres gènes immunorégulateurs peuvent être associés à la
susceptibilité. Il pourrait aussi y avoir des différences dans le mode de digestion
intestinale de la gliadine, aboutissant à une exposition de la protéine en quantités
différentes à la désamidation et à la présentation aux cellules T.
La protéine du gluten semble également avoir plusieurs propriétés qui contribuent
à la pathogénie. Ainsi que sa relative résistance à la digestion, il est manifeste que
certains peptides dérivés de la gliadine stimulent le système immunitaire inné en
Les lymphocytes
Des peptides de gluten intraépithéliaux (IEL) induisant la libération d’IL-15 par les cellules épithéliales de l’intestin. Ce processus
activent les cellules expriment NKG2D, est non spécifique et fait intervenir des peptides qui ne peuvent pas être liés par la
épithéliales de la qui se lie à MIC.
muqueuse et leur molécule HLA-DQ2 ou être reconnus par les cellules T CD4. La libération de l’IL-15
Ainsi activés ils
font exprimer tuent les cellules conduit à l’activation des cellules dendritiques dans la lamina propria, ainsi qu’à la
les molécules MIC épithéliales régulation à la hausse de l’expression de MIC-A par les cellules épithéliales. Les cel-
lules T CD8 dans l’épithélium de la muqueuse peuvent être activées par le biais de
leurs récepteurs NKG2D, qui reconnaissent MIC-A, et ils peuvent tuer les cellules
épithéliales exprimant MIC-A par l’intermédiaire de ces mêmes récepteurs  NKG2D
(Fig. 13.24). Le déclenchement de ces réponses immunitaires innées par l’α-gliadine
peut occasionner directement des dommages intestinaux, mais également induire
certains événements de costimulation nécessaires à une réponse spécifique des cel-
lules T CD4 à d’autres parties de la molécule de l’α-gliadine. La capacité du gluten
de stimuler aussi bien des réponses immunitaires innées et adaptatives peut donc
expliquer sa capacité unique de provoquer la maladie cœliaque.

13-16 Les allergies peuvent être traitées par inhibition de la production


Cellule T CD8
MIC
(IEL) des IgE ou des voies effectrices activées par le pontage des IgE
NKG2D à la surface cellulaire.
Les médicaments actuels de l’allergie soit traitent uniquement les symptômes,
Fig. 13.24 L’activation des cellules T
cytotoxiques par le système immunitaire
comme les antihistaminiques le font, ou sont des immunosuppresseurs généraux,
inné dans la maladie cœliaque. Des comme les corticostéroïdes utilisés pour le traitement à long terme de l’asthme et
peptides de gluten peuvent induire l’expression d’autres maladies allergiques chroniques. Ils sont essentiellement palliatifs, plu-
des molécules MIC-A et MIC-B du CMH tôt que curatifs, et souvent doivent être pris durant toute la vie et, par conséquent,
de classe 1b sur les cellules épithéliales.
Les lymphocytes intraépithéliaux (IEL), suscitent un large spectre d’effets secondaires, qui seront décrits au Chapitre 15.
dont beaucoup sont des cellules T CD8 Les réactions anaphylactiques sont traitées par l’adrénaline, qui stimule le réta-
cytotoxiques, reconnaissent ces protéines par blissement des jonctions serrées de l’endothélium, induit la relaxation des mus-
le récepteur NKBG2D, qui active les IEL et cles lisses des bronches et stimule le cœur. Des bronchodilatateurs inhalés, qui
les amène ainsi à tuer les cellules porteuses
de MIC, ce qui aboutit à la destruction de agissent sur les récepteurs β-adrénergiques et relaxent ainsi les muscles contractés
l’épithélium intestinal. sont aussi utilisés pour lutter contre les crises d’asthme. Des antihistaminiques qui
Les mécanismes effecteurs des réactions allergiques 581

bloquent le récepteur de l’histamine H1 réduisent l’urticaire consécutive à la libé-


ration d’histamine par les mastocytes et les basophiles. Les récepteurs H1 impli-
qués sont ceux des vaisseaux sanguins et sont responsables de l’augmentation de la
perméabilité vasculaire et ceux des fibres nerveuses non myélinisées sont respon-
sables des démangeaisons. Au cours des allergies chroniques, il est important de
traiter et de prévenir les lésions tissulaires causées par l’inflammation chronique.
Les corticostéroïdes en application locale ou systémique (voir Section 15-1) sont
utilisés pour inhiber l’inflammation chronique observée dans l’asthme, la rhinite
et l’eczéma. Cependant, ce dont on a réellement besoin est un moyen de réguler de
manière spécifique la réponse des cellules T à l’antigène peptidique allergénique.
Certaines tentatives thérapeutiques ou préventives récentes visant précisément cet
objectif sont reprises dans la Fig. 13.25. Classiquement, les cliniciens utilisent deux
traitements : la désensibilisation ou immunothérapie spécifique de l’allergène
et l’inhibition des voies effectrices. La base de ce traitement semble être l’induc-
tion de cellules T régulatrices sécrétrices d’IL-10 et / ou de TGF-β, qui inhibent la
réponse de type IgE (voir la Section 13-3). Les apiculteurs exposés à de multiples
piqûres d’abeille sont souvent protégés naturellement des réactions allergiques gra-
ves comme l’anaphylaxie par des cellules T sécrétrices d’IL-10. De même, l’immu-
nothérapie spécifique de la sensibilité au venin d’insectes et aux allergènes aériens
induit l’accroissement de la production d’IL-10 et, dans certains cas, du TGF-β,
ainsi que la production d’isotypes d’IgG, en particulier l’IgG4, un isotype promu
sélectivement par l’IL-10. Les patients sont désensibilisés par injection de doses
croissantes de l’allergène, en commençant par de très petites quantités et en respec-
tant un rythme d’injections qui atténuent progressivement la réponse de type IgE.
L’immunothérapie par injections d’allergène semble en fait réguler à la baisse à
la fois les hypersensibilités dépendant des cellules TH1 et TH2, ce à quoi l’on s’at-
tendrait en cas d’induction de cellules Treg. Des données récentes montrent que la
désensibilisation est également associée à une réduction, au cours de la phase tar-
dive, du nombre de cellules inflammatoires dans le site de la réaction allergique. La
désensibilisation n’est pas sans risque ; une complication potentielle est l’induction
de réactions allergiques dépendantes de l’IgE. Par ailleurs, elle n’est pas toujours
couronnée de succès, par exemple dans le traitement des réactions graves contre
les allergènes alimentaires comme dans le cas de l’allergie à l’arachide.
Fig. 13.25 Stratégies appliquées dans
Phase visée Mécanisme du traitement Approche spécifique le traitement de l’allergie. Cette figure
résume les méthodes potentielles d’inhibition
des réactions allergiques. En routine
Injection d’un antigène spécifique
clinique, deux traitements sont appliqués
ou de peptides
régulièrement. Le premier consiste à injecter
Administration de cytokines, l’antigène spécifique selon un protocole de
Activation des TH2 Induction de cellules T par ex. IFN-γ, IL-10, IL-12, TGF-β désensibilisation sensé restaurer la tolérance
régulatrices Utilisation d’adjuvants comme à l’allergène, peut-être par l’induction de
les oligonucléotides CpG pour cellules T régulatrices. Dans le second type
stimuler une réponse TH1 de traitement, on recourt à des inhibiteurs
spécifiques qui bloquent la synthèse ou les
effets des médiateurs inflammatoires produits
Activation de la production Blocage de la costimulation Inhibition du CD40L
Inhibition des cytokines TH2 par les mastocytes.
d’IgE par les cellules B Inhibition de l’IL4 ou de l’IL-13

Inhibition des effets de la Blocage du récepteur de l’IgE


Activation des mastocytes liaison de l’IgE au mastocyte

Inhibition des effets des médiateurs Antihistaminiques


sur des récepteurs spécifiques
Action des médiateurs
Inhibition de la synthèse Inhibiteurs de la lipooxygénase
des médiateurs spécifiques

Blocage des récepteurs de


Inflammation dépendant cytokines et de chimiokines Inhibition de l’IL-5
des éosinophiles qui assurent le recrutement Blocage de CCR3
et l’activation des éosinophiles
582 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

Une approche alternative, encore expérimentale, à la désensibilisation est la vac-


cination avec des peptides provenant des allergènes courants. Ce protocole induit
l’anergie des cellules  T (voir Section  8-15), qui est associée à des changements
multiples du phénotype des cellules T, entre autres la production de l’IL-10 et une
régulation à la hausse de la protéine de surface CD5. Les réponses de type IgE ne
sont pas induites par les peptides car les IgE, contrairement aux cellules T, ne peu-
vent reconnaître que l’antigène intact. Ce type d’approche se heurte à une diffi-
culté, les réponses individuelles aux peptides sont restreintes à certains allèles du
CMH de classe II. Ceci implique que des patients avec des molécules de CMH de
classe II différentes répondent à des peptides dérivés de l’allergène différents. Une
solution possible serait le recours à des peptides qui contiendraient des motifs
multiples et se chevauchant leur permettant de se lier aux divers allèles du CMH.
Une autre stratégie de vaccination donne des résultats prometteurs dans des
modèles expérimentaux d’allergie. Elle utilise, pour la désensibilisation, des oligo-
désoxynucléotides riches en CpG non méthylés (CpG) comme adjuvants. Ces oli-
gonucléotides miment des séquences de l’ADN bactérien appelé motifs CpG. Ils
induisent une forte réponse TH1, probablement par stimulation du TLR-9 dans les
cellules dendritiques (voir Section  8-7). Les mécanismes d’action des adjuvants
sont discutés dans l’Appendice I, Section A-4.
Les voies de signalisation responsables de l’augmentation de la réponse IgE au cours
de la maladie allergique sont aussi des cibles potentielles de la thérapie. Des inhibi-
teurs de la production d’IL-4, d’IL-5 et d’IL-13 devraient diminuer les réponses de
type IgE, mais la redondance entre certaines activités de ces cytokines rend en pra-
tique cette approche difficile. Une autre moyen de manipuler la réponse consiste
en l’administration de cytokines qui induisent des réponses de type  TH1. L’IFN-γ,
l’IFN-α et l’IL-12 peuvent faire diminuer in vitro la synthèse d’IgE induite par l’IL-4
et l’on a montré que L’IFN-γ et l’IFN-α pouvaient réduire la synthèse d’IgE in vivo.
L’administration d’IL-12 à des patients atteints d’asthme allergique modéré a été sui-
vie d’une diminution du nombre d’éosinophiles dans le sang et les expectorations,
mais n’a eu aucun effet sur les réponses immédiate ou tardive à l’allergène inhalé. Le
traitement à l’IL-12 s’est accompagné de graves symptômes grippaux chez la plupart
des patients, ce qui limitera probablement sa valeur thérapeutique potentielle.
Une autre cible thérapeutique pourrait être le récepteur de haute affinité pour
l’IgE. Un agent capable d’inhiber par compétition la liaison de l’IgE à son récep-
teur empêcherait l’activation des mastocytes, des basophiles et des éosinophiles.
Un anticorps monoclonal anti-IgE d’origine murine mais humanisé, l’omalizumab,
a fait l’objet d’essais cliniques. Il s’attache à la partie de l’IgE qui se lie au récepteur
de haute affinité. Puisque l’IgE est présente dans le plasma en faible concentra-
tion, on a pu administrer l’omalizumab en grand excès molaire, ce qui a entraîné
une chute du taux d’IgE de plus de 95 % ainsi qu’une diminution de la densité des
récepteurs de haute affinité à la surface des basophiles et des mastocytes. Cet anti-
corps a bloqué à la fois les réponses immédiate et tardive à un allergène inhalé
expérimentalement. Les patients atteints d’asthme et de rhinite allergique qui ont
reçu l’omalizumab au cours des essais cliniques avaient moins d’exacerbations
que les patients du groupe placebo, et ont pu réduire leur usage de corticostéroï-
des. L’efficacité de cet agent, qui lui a permis d’être enregistré pour le traitement de
l’asthme, démontre clairement l’importance de l’IgE dans les maladies allergiques
atopiques. Dans une nouvelle tentative thérapeutique pour les personnes allergi-
ques aux poils de chat, c’est le récepteur inhibiteur FcγRIIb qui est visé. En utilisant
une protéine de fusion chimérique composée du fragment Fcγ humain et de l’al-
lergène de chat Fel d 1, on a réussi à bloquer la réaction cutanée dans un modèle
de souris allergique au chat et à inhiber la libération de médiateurs inflammatoires
par les basophiles. Cette inhibition est spécifique de l’allergène.
Une autre forme de traitement serait de bloquer le recrutement des éosinophi-
les dans les sites de l’inflammation allergique  ; le récepteur  CCR3 de l’éotaxine
serait une cible potentielle. En bloquant l’activité de l’IL-5, on pourrait aussi atté-
nuer la production d’éosinophiles dans la moelle osseuse et leur passage dans la
Les hypersensibilités 583

circulation. Des études des effets d’un traitement à base d’anti-IL-5 n’ont pas donné
de résultats encourageants ; l’anti-IL-5 a réduit le nombre d’éosinophiles dans le
sang et les expectorations, mais n’a pas modifié les réponses immédiate et tardive
à des allergènes inhalés ni l’hyperréactivité des voies respiratoires à l’histamine.

Résumé.

La réponse allergique aux antigènes inoffensifs est un des aspects physiopathologi-


ques de la réponse immunitaire dont le rôle physiologique est la protection contre
les parasites de type helminthes. Cette réponse est induite par la fixation de l’anti-
gène sur les IgE fixées aux récepteurs de haute affinité FcεRI des mastocytes. Les
mastocytes sont placés stratégiquement sous les surfaces muqueuses et dans les tis-
sus conjonctifs. Le pontage des IgE par l’antigène à la surface des mastocytes induit
la libération de grande quantité de médiateurs inflammatoires. L’inflammation qui
en résulte comprend des événements précoces, causés par des médiateurs à durée
de vie courte comme l’histamine, et des événements tardifs qui dépendent des leu-
cotriènes, des cytokines et des chimiokines qui recrutent et activent les éosinophiles
et les basophiles. La phase tardive de cette réaction peut évoluer vers une inflam-
mation chronique caractérisée par la présence de cellules T effectrices et d’éosino-
philes, ce qui est clairement observé dans l’asthme chronique allergique.

Les hypersensibilités.
Cette partie du chapitre traite des réponses immunologiques faisant intervenir
des anticorps IgG ou des cellules T spécifiques responsables de réactions nocives
d’hypersensibilité. Bien que ces effecteurs de la réponse immunitaire participent
normalement à l’immunité protectrice contre les infections, ils réagissent parfois
avec des antigènes non infectieux et occasionnent des réactions aiguës ou chroni-
ques d’hypersensibilité. Bien que les mécanismes de déclenchement des diverses
formes d’hypersensibilité soient différents, la pathologie est due en majeure par-
tie aux mêmes mécanismes effecteurs immunologiques. Nous considérons égale-
ment ici une nouvelle forme d’hypersensibilité, dans laquelle certaines variantes
des gènes de régulation des réponses inflammatoires causent le déclenchement
intempestif de l’inflammation, pouvant entraîner une maladie grave.

13-17 Chez des individus sensibles, des antigènes inoffensifs peuvent


déclencher des réactions d’hypersensibilité de type II en se fixant
à des cellules sanguines circulantes.

La destruction des globules rouges (anémie hémolytique) et des plaquettes (throm-


bopénie) par les anticorps est un effet secondaire assez rare de certains médicaments
comme la pénicilline ou la céphalosporine. Ces effets secondaires sont des exemples
de réactions d’hypersensibilité de type II, au cours desquelles le médicament se fixe
à la surface des cellules et sert de cible à des anticorps IgG spécifiques qui causent la
destruction de la cellule (voir Fig. 13.1). Les anticorps dirigés contre le médicament
ne sont produits que par une minorité d’individus. On ignore pourquoi ces individus
produisent ces anticorps. Les cellules couvertes de ces anticorps sont éliminées de la
circulation, surtout par des macrophages spléniques porteurs de récepteurs de Fcγ.

13-18 Une maladie systémique induite par la formation de complexes


immuns peut survenir après l’administration de grandes quantités
d’antigènes faiblement catabolisés.

Les réactions d’hypersensibilités de type  III peuvent être déclenchées par


des antigènes solubles (voir Fig.  13.1). La pathologie est causée par le dépôt,
584 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

dans certains tissus, d’agrégats d’antigènes et d’anticorps appelés comple-


Maladie sérique xes immuns. Des complexes immuns sont formés au cours de toutes les réac-
tions anticorps, mais le risque qu’ils représentent dépend de leur taille, de leur
quantité ainsi que de l’affinité et de l’isotype des anticorps. Les agrégats les plus
grands fixent le complément et sont éliminés de la circulation par le système
des phagocytes mononucléaires. Les petits complexes, qui sont formés lorsque
l’antigène est en excès, ont tendance à se déposer sur la paroi des vaisseaux, où
ils peuvent se lier aux récepteurs de Fc des leucocytes, activer ceux-ci et causer
ainsi des lésions tissulaires.
Une réaction locale d’hypersensibilité de type  III appelée réaction d’Arthus
(Fig. 13.26) peut être induite dans la peau des individus sensibilisés, c’est-à-dire
qui possèdent des IgG dirigées contre un antigène particulier. Lorsque celui-
ci est injecté dans la peau, les IgG circulantes qui ont diffusé dans ces tissus
forment localement des complexes immuns. Ceux-ci se fixent aux récepteurs
de Fc, comme le FcγRIII sur les mastocytes et d’autres leucocytes, déclenchant
ainsi une réaction inflammatoire locale avec augmentation de la perméabilité
vasculaire qui permet au liquide et aux cellules, surtout les granulocytes, d’infil-
trer la peau. Les complexes immuns peuvent aussi activer le complément, libé-
rant du C5a qui participe à la réaction inflammatoire en se fixant au récepteur
Fig. 13.26 Le dépôt de complexes immuns
dans les tissus induit une réponse du C5a des leucocytes (voir Section  2-5). Cette fixation induit l’activation des
inflammatoire locale connue sous le leucocytes et leur recrutement par chimiotactisme dans le site d’inflammation.
terme de réaction d’Arthus (réaction On a montré que C5a et le FcγRIII étaient nécessaires à l’induction expérimen-
d’hypersensibilité de type III). Chez les
individus qui ont déjà produit des IgG contre
tale de la réaction d’Arthus par les macrophages dans les parois alvéolaires pul-
un antigène donné, ce même antigène injecté monaires, et ils sont probablement impliqués dans la même réaction induite
dans la peau forme des complexes immuns par les mastocytes dans la peau et les membranes articulaires (synoviales).
avec les anticorps IgG qui ont diffusé en
dehors des capillaires. Les doses d’antigène Une réaction d’hypersensibilité de type III systémique, appelée maladie séri-
étant faibles, les complexes immuns se
forment uniquement dans le site d’injection,
que, peut être induite par l’injection de grandes quantités d’antigène étranger
où ils activent les mastocytes portant les faiblement catabolisé. Cette maladie tient son nom de son développement fré-
récepteurs Fcγ (FcγRIII). Un composant quent après administration d’antisérum de cheval. Avant l’apparition des anti-
du complément, C5a, paraît important en
biotiques, les antisérums provenant de l’immunisation de chevaux étaient
préparant les mastocytes à répondre aux
complexes immuns. Suite à l’activation des souvent utilisés pour soigner la pneumonie à pneumocoques. Les anticorps
mastocytes, les cellules inflammatoires anti-pneumocoques du sérum de cheval aidaient les patients à éliminer l’infec-
envahissent le site et la perméabilité vasculaire
tion. De la même manière, les sérums antivenimeux (sérum provenant de che-
ainsi que le flux sanguin augmentent. Les
plaquettes s’accumulent dans les vaisseaux vaux immunisés avec du venin de serpent) sont encore utilisés aujourd’hui pour
locaux et entraînent leur occlusion. fournir des anticorps neutralisants aux personnes mordues par des serpents

Les complexes immuns formés


Antigène injecté localement chez localement activent le complément. L’activation des Fc𝛄RIII Inflammation locale, sortie accrue
un individu produisant C5a se lie au mastocyte et le prépare sur les mastocytes induit de liquide et de protéines,
des anticorps IgG à répondre aux complexes immuns leur dégranulation phagocytose et occlusion vasculaire

C5a

1 – 2 heures
Les hypersensibilités 585

venimeux. L’utilisation thérapeutique accrue d’anticorps monoclonaux (par


complexes
exemple, les anti-TNF-α dans l’arthrite rhumatoïde) a occasionné une maladie antigène-anticorps
anticorps contre

Taux plasmatique
sérique chez une petite minorité de patients. les protéines
protéines sériques sériques étrangères
étrangères
La maladie sérique apparaît 7 à 10 jours après l’injection de sérum de cheval,
un intervalle qui correspond au temps nécessaire pour le développement d’une
réponse immunitaire primaire et pour la commutation de classe d’IgM vers IgG
des anticorps dirigés contre les antigènes du sérum de cheval. Les manifesta-
tions cliniques de la maladie sérique sont des frissons, de la fièvre, des éruptions Temps
(jours)
cutanées, une arthrite et quelquefois une glomérulonéphrite (inflammation injection de Fièvre, vasculite,
sérum étranger arthrite, néphrite
des glomérules rénaux). L’urticaire est une des caractéristiques prédominan-
tes, montrant le rôle de l’histamine provenant de la dégranulation des mastocy-
tes. Dans ce cas, la dégranulation des mastocytes est induite par le pontage des Fig. 13.27 La maladie sérique est un
exemple classique de syndrome transitoire
récepteurs FcγRIII cellulaires par des complexes immuns contenant des IgG. lié aux complexes immuns. L’injection d’une
ou plusieurs protéines étrangères entraîne
La Fig. 13.27 résume le déroulement de la maladie sérique. Le début de la mala- la production d’anticorps, qui forment des
die coïncide avec la production d’anticorps dirigés contre les protéines abon- complexes immuns avec ces protéines
dantes du sérum étranger, les anticorps formant des complexes immuns avec circulantes. Les complexes se déposent dans
de petits vaisseaux et activent le complément
leur antigène partout dans l’organisme. Ces complexes immuns fixent le com- et des phagocytes, ce qui induit de la fièvre et
plément et activent les leucocytes en se fixant à leurs récepteurs de Fc et à leurs des symptômes de vasculite et d’arthrite. Tous
récepteurs du complément, ce qui entraîne des lésions tissulaires étendues. La ces effets sont transitoires et disparaissent
avec l’élimination de la protéine étrangère.
formation des complexes immuns permet l’élimination des antigènes étrangers.
La maladie sérique est donc généralement une maladie limitée dans le temps.
Après une seconde dose d’antigène, la maladie sérique suit la cinétique typique
d’une réponse secondaire et la maladie débute après un ou deux jours.
Le même type de réaction pathologique est observée dans deux autres situa-
tions où l’antigène persiste. C’est d’abord le cas lorsque les anticorps ne par-
viennent pas à éliminer certains agents infectieux, par exemple lors d’une
endocardite bactérienne subaiguë ou lors d’une hépatite virale chronique. Dans
ces affections, les bactéries et les virus qui se multiplient fournissent sans cesse
de nouveaux antigènes en présence d’une production persistante d’anticorps
incapables d’éliminer le micro-organisme. Il en résulte une maladie à comple-
xes immuns caractérisée par des lésions des capillaires sanguins dans de nom-
breux tissus et organes, dont la peau, les reins et les nerfs.
Certains allergènes inhalés induisent la production d’IgG plutôt que la pro-
duction d’IgE, peut-être parce que leur concentration dans l’air inhalé est rela-
tivement élevée. Lorsqu’une personne est exposée à des doses élevées de ce
type d’antigène, des complexes immuns se forment dans les parois alvéolaires
pulmonaires. Il s’ensuit une accumulation de fluide, de protéines et de cellu-
les dans la paroi alvéolaire aboutissant à une réduction des échanges gazeux et
de la fonction pulmonaire. Certains métiers prédisposent à ce type d’affection.
C’est le cas des agriculteurs qui sont exposés de manière répétée à la poussière
du foin et aux spores de moisissures. La maladie qui en résulte est dite du pou-
mon de fermier. Si l’exposition à l’antigène se poursuit, les parois alvéolaires
peuvent être endommagées de manière irréversible.

13-19 Les réactions d’hypersensibilité de type retardé sont induites


par les cellules TH1 et les cellules T cytotoxiques CD8+.

Contrairement aux réactions d’hypersensibilité immédiate, qui sont induites


par les anticorps, les réactions d’hypersensibilité retardée ou réactions d’hy-
persensibilité de type  IV sont induites par des cellules  T effectrices spécifi-
ques de l’antigène. Cette réaction se produit presque exactement comme une
réponse à un pathogène infectieux, décrite dans le Chapitre  8. Les causes et
les conséquences de certains syndromes caractérisés par une hypersensibilité
586 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

Fig. 13.28 Hypersensibilités de type IV.


Ces réactions qui dépendent des cellules T Les réactions d’hypersensibilité de type IV dépendent de cellules T effectrices spécifiques de l’antigène
demandent un certain temps pour se
développer. On peut les grouper en
Syndrome Antigène Conséquence
trois syndromes suivant la voie d’entrée
de l’antigène dans l’organisme. Dans
l’hypersensibilité de type retardé, l’antigène est Gonflement cutané local
Protéines
injecté dans la peau ; dans l’hypersensibilité Hypersensibilité Érythème
Venin d’insecte
de contact, il est absorbé dans la peau ; dans de type retardé Induration
Protéines mycobactériennes
les entéropathies au gluten, il est absorbé par Infiltrat cellulaire
(tuberculine, lépromine)
l’intestin. DNFB, dinitrofluorobenzène. Dermatite

Haptènes Réaction épidermique locale


Pentadécacatéchol (sumac vénéneux) Érythème
Hypersensibilité DNFB
de contact Infiltrat cellulaire
Petits ions métalliques Vésicules
Nickel Abcès intraépidermiques
Chromate

Intolérance au gluten Atrophie des villosités


(maladie cœliaque) Gliadine de l’intestin grêle
Malabsorption

de type IV sont résumées dans la Fig. 13.28. On peut transférer expérimentale-


ment chez l’animal ce type de réponse par des cellules T purifiées ou des clones
de cellules T. L’inflammation constatée dans certaines des maladies allergiques
décrites au début de ce chapitre est en fait due en grande partie à l’hypersensi-
bilité de type retardé.
La réaction typique d’hypersensibilité retardée est celle qui est induite par le
test tuberculinique (voir Appendice I, Section A-38). Il permet de contrôler si
une personne a été infectée par M. tuberculosis. Une petite quantité de tubercu-
line, un mélange complexe de peptides et de glucides provenant de M. tubercu-
losis – est injectée dans le derme. Chez les individus qui ont été infectés par le
pathogène ou qui ont été vaccinés au moyen du BCG, une forme atténuée de M.
tuberculosis, une réaction inflammatoire locale induite par les cellules T se déve-
loppe en 24-72 heures. La réponse est induite par les cellules TH1 qui viennent
infiltrer le site d’injection, reconnaissent les complexes CMH de classe II / pep-
tide présentés par les cellules présentatrices d’antigène et libèrent des cytokines
inflammatoires, comme l’IFN-γ et le TNF-β. Celles-ci stimulent l’expression des
molécules d’adhérence sur l’endothélium et augmentent la perméabilité des
vaisseaux du site, permettant au plasma et aux cellules accessoires de pénétrer

Fig. 13.29 Les étapes de la réaction


d’hypersensibilité retardée. La première L’antigène injecté dans le Une cellule effectrice TH1 Le recrutement des phagocytes
phase comprend la capture, l’apprêtement et
tissu sous-cutané est apprêté reconnaît l’antigène et libère et l’afflux de plasma dans le
localement par les cellules des cytokines, qui agissent site d’injection de l’antigène
la présentation de l’antigène par les cellules
présentatrices d’antigène sur l’endothélium vasculaire causent une lésion visible
présentatrices d’antigène. Au cours de la
seconde phase, les cellules TH1 qui ont été
activées lors d’une première exposition à
l’antigène migrent dans le site de l’injection, où
elles sont activées. Ces cellules spécifiques
étant rares et l’inflammation sur le site étant
trop faible pour attirer d’autres cellules,
l’arrivée d’une cellule avec la spécificité
correcte peut prendre plusieurs heures. Ces
cellules libèrent des médiateurs qui activent
les cellules endothéliales locales, recrutent des
cellules inflammatoires, essentiellement des
macrophages, et causent une accumulation de
fluide et de protéines. À ce moment, la lésion
devient apparente.

24 – 72 heures
Les hypersensibilités 587

Fig. 13.30 L’hypersensibilité retardée


L’antigène est apprêté par des macrophages (type IV) dépend des chimiokines et
tissulaires et stimule les cellules TH1 cytokines libérées par les cellules TH1
stimulées par l’antigène. L’antigène dans
les tissus locaux est apprêté par les cellules
présentatrices d’antigène et présenté par
les molécules du CMH de classe II. Les
cellules TH1, qui reconnaissent l’antigène
localement au site d’injection, libèrent des
chimiokines et des cytokines qui recrutent
les macrophages là où l’antigène s’est
déposé. La présentation de l’antigène par les
macrophages récemment recrutés amplifie la
réponse. Les cellules T peuvent aussi affecter
TH1
les vaisseaux sanguins locaux par la libération
de TNF-α et de TNF-β et stimuler la production
de macrophages par libération d’IL-3 et de
GM-CSF. Enfin, les cellules TH1 activent les
chimiokines cytokines cytotoxines macrophages par libération d’IFN-γ et de
TNF-α et, en exprimant le ligand de Fas à leur
surface, ils tuent des macrophages et d’autres
cellules sensibles.

Chimiokines IFN-γ TNF-α et TNF-β lL-3/GM-CSF

Induit l’expression de Induisent une destruction


Recrutent molécules d’adhérence tissulaire locale Stimulent la production
les macrophages vasculaire Augmentent l’expression de monocytes par les
au site de dépôt Active les macrophages, des molécules cellules souches
de l’antigène qui libèrent des d’adhérence sur les de la moelle osseuse
médiateurs inflammatoires vaisseaux sanguins locaux

dans le site et de former ainsi une papule bien visible (Fig. 13.29). Chacune de
ces phases dure plusieurs heures, c’est pourquoi la réponse complète ne se
manifeste que 24-72  heures après l’injection. Les cytokines produites par les
cellules TH1 activées et leurs actions sont reprises dans la Fig. 13.30.
Des réactions très semblables sont observées dans plusieurs formes d’hyper-
sensibilité cutanée. Elles sont induites par des cellules T CD4+ ou des cellules T
CD8+ selon la voie par laquelle l’antigène a été apprêté. Les antigènes en cause
sont de petites molécules très réactives qui peuvent traverser la peau. En provo-
quant des démangeaisons et ainsi des lésions de grattage, elles facilitent ce pas-
sage. Ces molécules chimiques réagissent alors avec des protéines du soi et
forment un conjugué protéine-haptène dont l’apprêtement peut aboutir à des
complexes haptène-peptide qui se fixent aux molécules de CMH et sont alors
reconnus par les cellules T comme antigènes étrangers. Une réponse d’hyper-
sensibilité cutanée comprend deux phases, la sensibilisation et le déclenche-
ment. Au cours de la première, les cellules de Langerhans captent et apprêtent
l’antigène, puis migrent vers les ganglions lymphatiques locaux où elles activent
les cellules  T (voir Fig.  8.13) et induisent ainsi la production de cellules  T
mémoire qui gagnent le point d’entrée de l’haptène dans le derme. La phase de
déclenchement survient à la suite de contacts ultérieurs avec la même molécule
chimique ; l’antigène est présenté, dans le derme, aux cellules T mémoire , qui
libèrent alors des cytokines, comme l’IFN-γ et l’IL-17. Ce qui stimule la sécré- Dermatite de contact due au sumac
tion par les kératinocytes épidermiques de cytokines comme l’IL-1, l’IL-6, le vénéneux
TNF-α et le GM-CSF, la chimiokine CXCL8 et les chimiokines induites par l’in-
terféron CXCL11 (IP-9), CXCL10 (IP-10) et CXCL9 (MIG ; monokine induite par
l’IFN-γ). Ces cytokines et ces chimiokines aggravent l’inflammation en attirant
dans la lésion encore plus de cellules T ainsi que des monocytes, qui se trans-
forment localement en macrophages (Fig. 13.31). Puisque c’est par contact de la
peau avec les agents chimiques en cause que les lésions cutanées surviennent,
la réaction est appelée hypersensibilité de contact.
588 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

L’agent sensibilisant pénètre dans Les cellules de Langerhans Les kératinocytes activés Les produits des kératinocytes
la peau et se lie à des protéines présentent les peptides du soi sécrètent des cytokines et des cellules TH1 activent les
du soi, qui sont captées par les porteurs de l’agent sensibilisant comme l’IL-1 et le TNF-𝛂 ainsi macrophages, qui sécrètent
cellules de Langerhans aux cellules TH1, qui sécrètent que des chimiokines comme des médiateurs inflammatoires
l’IFN-𝛄 et d’autres cytokines CXCL8, CXCL11 et CXCL9

TNF-α CXCL8 IL-1 CXCL11 CXCL9 IL-1


TH1 IFN-γ
TNF-α

TH1 NO

Fig. 13.31 Induction d’une réaction d’hypersensibilité de contact par haptènes aux cellules TH1 effectrices (qui ont déjà été activées dans les
un agent sensibilisant. L’agent sensibilisant est une petite molécule très ganglions lymphatiques et sont revenues dans la peau). Elles sécrètent
réactive qui pénètre facilement dans la peau. En se fixant de manière des cytokines comme l’IFN-γ qui stimulent la sécrétion de cytokines et de
covalente à de nombreuses protéines endogènes, elle se comporte chimiokines par les kératinocytes. Ces molécules vont alors attirer des
comme un haptène. Les conjugués sont captés et apprêtés par les monocytes et induire leur maturation en macrophages tissulaires activés,
cellules de Langerhans, qui sont les principales cellules présentatrices responsables des lésions inflammatoires décrites dans la Fig. 13.32.
d’antigène dans la peau. Ces cellules présentent les peptides portant les NO, oxyde nitrique.

Certaines protéines d’insectes peuvent aussi induire une réaction d’hyper-


sensibilité retardée bien que la phase précoce de la réaction de l’hôte à une
piqûre d’insecte soit souvent induite par les IgE ou due aux effets directs du
venin injecté. On observe aussi de fortes réactions d’hypersensibilité retardée à
des cations divalents comme le nickel. Ils peuvent altérer la conformation des
molécules du CMH de classe II ou la fixation du peptide et susciter ainsi une
réponse de cellules T. Enfin, bien que cette section ait été consacrée surtout au
rôle des cellules  T dans l’induction des réactions d’hypersensibilité retardée,
on doit signaler que des anticorps et le complément seraient également impli-
qués. Chez les souris déficientes en cellules B, en anticorps ou en complément,
on n’observe pas de réaction d’hypersensibilité de contact. En particulier, les
anticorps IgM (produits en partie par les cellules B1), qui activent la cascade du
complément facilitent le début de ces réactions.

13-20 Des mutations dans les molécules régulatrices de l’inflammation


peuvent être à l’origine d’hypersensibilités aboutissant
aux « maladies auto-inflammatoires ».

Nous avons vu tout au long de cet ouvrage que la défense de l’hôte contre l’infection
dépend de la mobilisation par le système immunitaire de mécanismes effecteurs qui
limitent la propagation de l’infection et tuent l’agent infectieux. Dans ce chapitre,
nous avons vu comment des réponses inappropriées à des stimulus immunologi-
ques non infectieux peuvent provoquer des maladies aussi diverses que l’asthme et
l’hypersensibilité au nickel. Il existe un équilibre très délicat entre une réponse trop
faible de l’hôte à des stimulus infectieux, ce qui permet la propagation incontrôlée
de l’infection, et une réponse excessive, tuant non seulement l’agent infectieux mais
peut-être aussi l’hôte. Dans un petit nombre de maladies des mutations des gènes qui
contrôlent la vie, la mort et les activités des cellules inflammatoires sont associées à
de graves maladies inflammatoires. Ces syndromes sont la conséquence d’une inca-
Fig. 13.32 Vésicules cutanées sur la main
d’un patient atteint de dermatite de contact pacité à limiter les dommages causés par l’inflammation et la réponse immunitaire
au sumac vénéneux. Cliché de R. Geha. à l’infection et sont appelés maladies auto-inflammatoires (Fig. 13.33).
Les hypersensibilités 589

Le nom de fièvre méditerranéenne familiale (FMF) décrit bien les trois carac-
téristiques de cette grave maladie inflammatoire, héritée de manière autosomi-
que récessive. La pathogénie de la FMF était restée mystérieuse jusqu’à ce que
l’on découvre que des mutations du gène codant la protéine pyrine, appelée
ainsi du fait de son association à la fièvre, étaient en cause. Ce gène a également
été découvert par un deuxième groupe de chercheurs à peu près au même Syndromes héréditaires de fièvre
moment et nommé marenostrine, d’après le nom latin, mare nostrum, de la mer périodique
Méditerranée. Le terme pyrine est resté et a été étendu à la désignation d’un
domaine dans cette protéine qui est le prototype des domaines « pyrine » trou-
vés dans certaines protéines impliquées dans l’apoptose.
Une maladie avec des manifestations cliniques similaires est la fièvre hibernienne
familiale (FHF), également connue sous le nom de syndrome périodique associé
au récepteur du TNF (TRAPS, TNF-Receptor Associated Periodic Syndrome). Bien
que de transmission autosomique dominante, la maladie fut considérée comme
étant une variante de la FMF introduite en Irlande par les marins de l’Armada espa-
gnole, jusqu’à ce que la génétique ait montré qu’elle était causée par des mutations
dans un gène totalement différent, celui qui code le récepteur TNFR-1 (un récepteur
de TNF-α). Les patients ont des niveaux bas de TNFR-1, ce qui conduit à l’augmen-
tation des taux de TNF-α dans la circulation, car il n’est pas capté par les récepteurs.
La maladie répond à un blocage thérapeutique par des agents anti-TNF tels que
l’étanercept, récepteur soluble du TNF mis au point fortuitement pour traiter les
patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (voir la Section 15-8). Les deux affec-
tions, FHF et FMF, sont caractérisées par des épisodes de fortes poussées inflamma-
toires associées à de la fièvre, une réponse de phase aiguë, d’importants malaises et,
dans la FMF, des complications de pleurésie et de péritonite, inflammation respec-
tive de la plèvre et du péritoine. Des mutations dans le gène codant la protéine-1
liant CD2 (CD2BP1, CD2-Binding Protein-1), une protéine qui interagit avec la
pyrine, sont associées à un autre syndrome auto-inflammatoire héréditaire, auto-
somique dominant, le syndrome PAPA (Pyogenic sterile Arthritis, Pyoderma gangre-
nosum, Acne) ou arthrite purulente stérile — pyoderma gangrenosum — acné. Ces Fig. 13.33 Les maladies auto-
mutations amplifient l’interaction entre la pyrine et la CD2BP1. inflammatoires

Maladie Signes cliniques Hérédité Gène muté Protéine


(abréviation commune) (autre nom)

Fièvre méditerranéenne familiale Fièvre périodique, sérosite (inflammation de la plèvre


(FMF) et/ou du péritoine), arthrite, réponse de phase aiguë Autosomique récessive MEFV Pyrine (marénostrine)

Syndrome périodique associé au


récepteur du TNF (TRAPS) Récepteur de 55 kDa
(appelée aussi fièvre hibernienne Autosomique dominante TNFRSF1A
du TNF-α (TNFR-I)
familiale) Fièvre périodique, myalgie, éruption cutanée, réponse de
phase aiguë
Arthrite pyogène, pyoderma
gangrenosum et acné (PAPA) Autosomique dominante PTSTPIP Protéine 1 liant CD2

Syndrome de Muckle-Wells Fièvre périodique, urticaire, douleurs articulaires,


conjonctivite, surdité progressive
CIAS1 Cryopyrine
Syndrome auto-inflammatoire
familial au froid (FCAS) (urticaire Fièvre périodique induite par le froid, urticaire, Autosomique dominante
familiale au froid) douleurs articulaires, conjonctivite

Syndrome articulaire, cutané,


neurologique, infantile, chronique Fièvre récurrente débutant à la naissance, urticaire, arthropathie
chronique, dysmorphie faciale, troubles neurologiques CIAS1 Cryopyrine
(CINCA)

Syndrome hyper-IgD (HIDS) Fièvre périodique, taux d’IgD élevé, lymphadénopathie Autosomique récessive MVK Mévalonate synthase

Syndrome de Blau Inflammation granulomateuse cutanée, oculaire et articulaire Autosomique dominante


NOD2 (CARD15) NOD2 (CARD15)
Maladie de Crohn Maladie intestinale inflammatoire granulomateuse, parfois
Caractère complexe
avec granulomes oculaires, cutanés et articulaires
590 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

On ignore encore comment les mutations de la pyrine causent la FMF, mais le


domaine pyrine se trouve dans les protéines qui participent à des voies conduisant
à l’activation des caspases impliquées dans la protéolyse et l’activation des cytokines
inflammatoires pro-1β et pro-IL-18 et dans l’apoptose. Il n’est pas difficile d’imagi-
ner comment l’activité non régulée de cytokines et une apoptose défectueuse peu-
vent aboutir à un contrôle insuffisant de l’inflammation. Chez la souris, l’absence de
pyrine provoque une sensibilité accrue au lipopolysaccharide et une apoptose défec-
tueuse des macrophages. Une protéine apparentée, nommée cryopyrine, codée par
le gène CIAS1, est mutée dans les maladies inflammatoires épisodiques appelées
syndrome de Muckle-Wells et syndrome auto-inflammatoire familial au froid ou
FCAS (Familial Cold Auto-inflammatory Syndrome). Ces syndromes autosomiques
dominants se caractérisent par des épisodes de fièvre, déclenchés par l’exposition
au froid dans le cas de FCAS, ainsi que des poussées d’urticaire, des douleurs arti-
culaires et une conjonctivite. Des mutations de CIAS1 sont également associées au
syndrome auto-inflammatoire, CINCA (chronique, infantile, neurologique, cutané,
articulaire), au cours duquel de brefs épisodes de fièvre récurrente sont fréquents,
bien que ces sont les symptômes graves arthropathiques, neurologiques et dermato-
logiques qui prédominent. La pyrine et la cryopyrine sont exprimées essentiellement
dans les leucocytes et dans des cellules qui agissent comme obstacles aux agents
pathogènes, comme les cellules épithéliales de l’intestin. Les stimulus qui modulent
la pyrine et les molécules apparentées proviennent des cytokines inflammatoires et
du lipopolysaccharide. Le mécanisme qui sous-tend ces maladies n’est compris que
partiellement, mais on pense qu’il s’agit d’un défaut dans la régulation de NFκB et
dans la production de l’IL-1. En effet, le syndrome de Muckle-Wells répond de façon
spectaculaire à l’anakinra, un antagoniste du récepteur de l’IL-1.
Toutes les maladies auto-inflammatoires ne sont pas causées par des mutations
de gènes impliqués dans la régulation de l’apoptose. Le syndrome hyper IgD ou
HIDS (Hyper IgD Syndrome), qui est associé à des poussées fébriles à partir de
la petite enfance, un taux sérique élevé d’IgD et une lymphadénopathie est cau-
sée par des mutations qui aboutissent à une déficience partielle de la mévalonate
kinase, une enzyme dans la voie de la synthèse des isoprénoïdes et du cholestérol.
On ignore encore comment une déficience en cette enzyme provoque la maladie
auto-inflammatoire.

13-21 La maladie de Crohn est une affection inflammatoire relativement


commune mais dont l’étiologie est complexe.

Les maladies auto-inflammatoires héréditaires qui viennent d’être décrites sont


heureusement rares, mais elles illustrent bien l’importance d’une régulation précise
des réactions inflammatoires. Une maladie inflammatoire beaucoup plus fréquente
est la maladie de Crohn, une affection intestinale qui fait partie d’un ensemble de
syndromes intestinaux regroupés sous le sigle IBD (Inflammatory Bowel Diseases).
Une autre maladie inflammatoire intestinale importante est la colite ulcéreuse. On
attribue la maladie de Crohn à une réaction excessive à la flore intestinale com-
mensale ; de multiples facteurs de risque génétiques sont impliqués, à la différence
du caractère monogénique des maladies auto-inflammatoires décrites plus haut.
Les patients ont des poussées inflammatoires graves qui touchent fréquemment
l’iléon terminal, d’où le nom d’iléite régionale donné par certains à cette maladie,
mais n’importe quelle partie du tractus gastro-intestinal peut être affectée. La mala-
die se caractérise par une inflammation chronique de la muqueuse et de la sous-
muqueuse de l’intestin avec formation de lésions granulomateuses (Fig.  13.34)
Fig. 13.34 Inflammation granulomateuse similaires à celles que l’on observe dans l’hypersensibilité de type IV décrite à la
dans la maladie de Crohn. Coupe de la paroi Section 13-19. L’analyse génétique des patients atteints de maladie de Crohn et de
intestinale d’un patient atteint de maladie leur famille a identifié un gène de susceptibilité nommé NOD2 (également connu
de Crohn. La flèche indique un granulome à
sous le nom de CARD15), qui est exprimé principalement dans les monocytes, les
cellules géantes. Des lymphocytes infiltrent en
grande densité la sous-muqueuse intestinale. cellules dendritiques, et les cellules de Paneth de l’intestin grêle. Des mutations et
Cliché de H.T. Cook. des variants polymorphes rares de la protéine NOD2 sont fortement associés à la
Résumé du Chapitre 13 591

présence de la maladie de Crohn, environ 30 % des patients étant porteurs d’une
mutation perte de fonction de NOD2. Des mutations dans le même gène sont éga-
lement la cause d’une maladie granulomateuse héréditaire dominante, nommée
syndrome de Blau, dans laquelle des granulomes se développent dans la peau, les
yeux et les articulations. Alors que la maladie de Crohn serait due à une perte de
fonction de NOD2, on attribue le syndrome de Blau à un gain de fonction.
NOD2 sert de récepteur intracellulaire pour le muramyl dipeptide provenant du pep-
tidoglycan bactérien, sa stimulation aboutissant à l’activation du facteur de trans-
cription NFκB et à l’induction de gènes codant des cytokines pro-inflammatoires
(voir la Section 2-10). Cette réponse pro-inflammatoire serait importante pour l’éli-
mination des bactéries intestinales dont la présence conduirait sinon à une inflam-
mation chronique (voir la Section 11-11). Les formes mutantes de NOD2 ont perdu
cette fonction, et cela permettrait le développement de l’inflammation chronique.
Une complication supplémentaire est l’identification d’une déficience de l’immu-
nité innée chez les patients atteints de maladie de Crohn ; les bactéries pathogè-
nes sont difficilement éliminées à cause d’un défaut de production de CXCL8 et
donc du recrutement des neutrophiles. Cette déficience ne suffirait pas à entraîner
une pathologie intestinale, à moins qu’elle ne soit associée à un NOD2 défectueux,
la combinaison des deux défauts aboutissant à l’inflammation. Des déficiences de
l’immunité innée et de la régulation de l’inflammation agiraient donc en synergie
dans la pathogénie de la maladie de Crohn.
L’étude des maladies auto-inflammatoires a ouvert un nouveau champ d’investiga-
tions dans les sciences médicales ; il est probable que de nombreuses autres mala-
dies seront à leur tour reconnues comme dépendantes de gènes qui régulent les
réponses immunitaires innées et le contrôle de l’inflammation, ces gènes pouvant
différer à cause de leur polymorphisme ou de mutations. Une infection mineure ou
un stress physiologique sans conséquence néfaste chez la plupart des gens aurait
des effets dévastateurs chez quelques personnes génétiquement prédisposées. De
l’étude de ces maladies, on peut également conclure que la compréhension des
bases moléculaires des maladies permettra de les classer de manière plus logique.

Résumé.
Les hypersensibilités sont le reflet de mécanismes immunitaires normaux dirigés
contre des antigènes inoffensifs ou des stimulus inflammatoires. Elles sont indui-
tes par des IgG fixées aux membranes modifiées ou par des complexes d’anticorps
fixés à des antigènes faiblement catabolisés, comme dans la maladie sérique. Les
réactions d’hypersensibilité induites par les cellules  T peuvent être activées par
des protéines du soi modifiées ou à la suite d’une injection de protéines comme
celles de la tuberculine. Ces réponses T nécessitent une phase d’induction durant
laquelle les molécules effectrices sont synthétisées. Elles se développent donc plus
lentement. C’est pourquoi on parle de réactions d’hypersensibilité retardée. Un
défaut génétique dans la régulation de l’inflammation est à l’origine de syndro-
mes auto-inflammatoires rares, tandis que la maladie de Crohn est associée à une
défectuosité dans le contrôle des bactéries intestinales commensales et donc à
une incapacité d’empêcher le développement d’une inflammation chronique.

Résumé du Chapitre 13.
Chez certaines personnes, les réponses immunitaires à des antigènes inoffensifs
suscitent des réactions allergiques ou d’hypersensibilité lors d’une exposition ulté-
rieure au même antigène. La majorité des allergies implique la production d’IgE
en réponse à des allergènes communs de l’environnement. Certaines personnes,
dites atopiques, sont intrinsèquement prédisposées à la production d’anticorps
IgE contre de nombreux allergènes. La réponse de type IgE est induite par des cel-
lules TH2 spécifiques de l’antigène. Cette orientation TH2 est liée à un mélange de
592 Chapitre 13 : Allergie et hypersensibilité

cytokines et de chimiokines qui activent des voies de signalisation spécifique. Les


IgE se fixent au récepteur de forte affinité pour les IgE, FcεRI, des mastocytes et des
basophiles. Des cellules T effectrices spécifiques, des mastocytes et des éosinophi-
les, en combinaison avec des cytokines et chimiokines des TH1 et TH2 sont respon-
sables de l’inflammation allergique chronique, cause principale de la morbidité
chronique de l’asthme. Un défaut dans la régulation de ces réponses peut surve-
nir à plusieurs niveaux du système immunitaire, entre autres dans le fonctionne-
ment des cellules T régulatrices. Des anticorps d’autres isotypes et des cellules T
effectrices spécifiques contribuent à l’hypersensibilité contre d’autres antigènes.
Les syndromes auto-inflammatoires sont dus à une inflammation non contrôlée
sans cause apparente, tandis que la maladie de Crohn serait due à une défectuo-
sité dans le contrôle de la charge bactérienne intestinale.

Questions.

13.1 Énumérez trois hypersensibilités qui impliquent l’IgE et trois qui impliquent
d’autres mécanismes.

13.2 Décrivez comment une personne se sensibilise à un allergène.

13.3 Discutez des facteurs prédisposant à la production d’IgE.

13.4 Quelles sont les caractéristiques principales qui différencient les réactions
allergiques aiguës et chroniques ?

13.5 Comment le système immunitaire inné peut-il contribuer à l’allergie ?

13.6 Comment les agents infectieux modulent-ils l’allergie ?

13.7 Quels types de globules blancs participent aux réactions allergiques et que
font-ils ?

13.8 Décrivez comment un allergène alimentaire peut déclencher, lors de son ingestion,
une allergie cutanée sous forme d’urticaire.

13.9 Comment agit le traitement par désensibilisation ?

13.10 Quelles sont les caractéristiques principales (a) de l’hypersensibilité de type II;


(b) de l’hypersensibilité de type III et (c) de l’hypersensibilité de type IV ? Donnez un
exemple de chaque type.

13.11 En quoi une maladie auto-inflammatoire diffère-t-elle de l’allergie ?

13.12 Comment la régulation de la mort cellulaire et une maladie auto-inflammatoire


peuvent-elles être liées ?
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599

Auto-immunité
et transplantation 14

Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment des antigènes de l’environ-


nement pouvaient susciter des réponses immunitaires adaptatives indésirables et
comment celles-ci pouvaient causer une maladie sérieuse sous forme de réactions
allergiques et d’hypersensibilité. Dans ce chapitre, nous examinons les réactions
néfastes à deux autres catégories médicalement importantes d’antigènes ; ceux qui
sont exprimés par les cellules et les tissus du corps. Le premier type de réactions
est dirigé contre des antigènes présents sur les cellules et les tissus de l’individu
lui-même  ; il est appelé auto-immunité, et peut aboutir à des maladies auto-
immunes entraînant des lésions tissulaires ; Le second type de réactions est dirigé
contre des antigènes étrangers présents sur des organes transplantés ; il conduit
au rejet de greffe.
Le réarrangement des gènes qui se produit au cours le développement lympho-
cytaire dans les organes lymphoïdes centraux est aléatoire, et donc aboutit inévi-
tablement à la production de certains lymphocytes dotés d’une affinité pour des
autoantigènes. Ceux-ci sont normalement éliminés du répertoire ou maintenus
sous contrôle par divers mécanismes, dont plusieurs ont été décrits au Chapitre 7.
Il s’agit de générer un état de tolérance du soi ou d’autotolérance dans lequel le
système immunitaire d’un individu évite d’attaquer les tissus normaux de son pro-
pre organisme. L’auto-immunité représente une rupture ou un échec des méca-
nismes d’autotolérance. Nous allons donc revoir les mécanismes qui gardent le
répertoire lymphocytaire autotolérant et discuter comment ils peuvent échouer.
Nous décrirons ensuite certaines maladies auto-immunes qui illustrent les dif-
férents mécanismes pathogéniques par lesquels l’auto-immunité provoque des
dégâts. Des facteurs génétiques et environnementaux prédisposent à l’auto-immu-
nité ou la déclenchent ; nous verrons comment ils interviennent. Dans le reste du
chapitre, nous discuterons de la réponse immunitaire adaptative aux antigènes
tissulaires étrangers à l’origine de rejet de greffe.
600 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Le développement et la rupture de la tolérance au soi.


Pour générer l’autotolérance, le système immunitaire doit être en mesure de distin-
guer les lymphocytes qui au cours de leur développement deviennent autoréactifs
de ceux qui reconnaissent le non soi. Comme nous l’avons appris au Chapitre 7, le
système immunitaire profite de marqueurs du soi et du non soi pour identifier et
supprimer les lymphocytes potentiellement autoréactifs. Malgré cela, certains d’en-
tre eux échappent à l’élimination, quittent le thymus, et peuvent ensuite être acti-
vés pour causer une maladie auto-immune. L’autoréactivité survient en partie parce
que sa reconnaissance est indirecte et donc imparfaite. En outre, de nombreux lym-
phocytes dotés d’un certain degré d’autoréactivité peuvent également répondre aux
antigènes étrangers ; par conséquent, si tous les lymphocytes réagissant faiblement
avec le soi étaient éliminés, la fonction du système immunitaire serait diminuée.

14-1 Une fonction critique du système immunitaire est de distinguer


le soi du non soi.

Le système immunitaire dispose de mécanismes effecteurs très puissants qui peu-


vent éliminer une grande variété de pathogènes. Au début de l’étude de l’immu-
nité, on s’est rendu compte que ceux-ci pourraient, s’ils se retournaient contre
l’hôte, causer de graves lésions tissulaires. Le concept d’auto-immunité a été pré-
senté pour la première fois au début du 20e siècle par Paul Ehrlich, qui l’a décrit
sous l’expression « horror autotoxicus ». Les réponses auto-immunes ressemblent
aux réponses immunitaires normales à des pathogènes dans la mesure où elles
sont activées spécifiquement par des antigènes, dans ce cas des antigènes du soi
ou autoantigènes, et où elles génèrent des cellules effectrices autoréactives et des
anticorps, appelés autoanticorps, contre des antigènes du soi. Lorsque des réac-
tions surviennent contre des tissus du soi et sont insuffisamment régulées, elles
provoquent divers syndromes chroniques appelés maladies auto-immunes. Ces
syndromes varient très fort quant à leur gravité, aux tissus touchés et aux princi-
paux mécanismes effecteurs impliqués dans les lésions (Fig. 14.1).
À l’exception de la polyarthrite rhumatoïde et de la thyroïdite, les maladies auto-
immunes sont individuellement rares, mais collectivement, elles touchent environ
5 % de la population des pays occidentaux. Leur relative rareté indique que le sys-
tème immunitaire dispose de multiples mécanismes capables de prévenir les dom-
mages aux tissus autologues. Le principe fondamental qui sous-tend ces mécanismes
est la discrimination du soi et du non soi, mais cette discrimination n’est pas facile à
atteindre. Les cellules B reconnaissent la forme tridimensionnelle d’un épitope anti-
génique, mais celui d’un pathogène peut ressembler à un épitope humain. De même,
les petits peptides issus de l’apprêtement des antigènes des pathogènes peuvent être
identiques à des peptides du soi. Alors comment un lymphocyte peut-il savoir ce
qu’est réellement le « soi » s’il n’y a pas de signature moléculaire propre au soi ?
Selon un premier mécanisme de distinction du soi et du non soi, la reconnaissance
de l’antigène par un lymphocyte immature conduit à un signal négatif qui cause la
mort ou l’inactivation du lymphocyte. Ainsi, on pense que le « soi » consiste en ces
molécules qu’un lymphocyte reconnaît peu de temps après avoir commencé à expri-
mer son récepteur d’antigène. Il s’agit, en effet, d’un important mécanisme d’induc-
tion de l’autotolérance au cours du développement lymphocytaire dans le thymus et
la moelle osseuse (voir les Sections 7-20 et 7-21). La tolérance induite à ce stade est
appelée tolérance centrale. Les lymphocytes nouvellement formés sont particuliè-
rement sensibles à l’inactivation par des signaux puissants transmis par leurs récep-
teurs d’antigène, alors que les mêmes signaux activeraient un lymphocyte mature.
Une autre propriété antigénique qui corrèle avec le soi est une concentration d’anti-
gène élevée et constante. De nombreuses protéines autologues sont exprimées par
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 601

Fig. 14.1 Quelques maladies auto-immunes.


Maladie Mécanisme de la maladie Conséquence Les maladies citées sont parmi les plus
fréquentes et serviront d’exemples dans cette
partie du chapitre. Une liste et une description
Autoanticorps contre le récepteur Hyperthyroïdie : surproduction
Maladie de Graves plus complètes des maladies auto-immunes
de la thyréostimuline d'hormones thyroïdiennes
seront fournies plus tard dans le chapitre.

Cellules T autoréactives contre des Inflammation et destruction


Polyarthrite rhumatoïde
antigènes de la synoviale articulaire articulaires responsables d'arthrite

Destruction du tissu thyroïdien


Autoanticorps et cellules T autoréactives
Thyroïdite de Hashimoto menant à l'hypothyroïdie: production
contre des antigènes de la thyroïde
insuffisante d’hormones thyroïdiennes

Diabète de type 1 Cellules T autoréactives contre Destruction des cellules β des îlots Voir cas divers
(diabète des antigènes des cellules pancréatiques conduisant à
insulinodépendant, DID) des îlots pancréatiques une production insuffisante d'insuline

Formation de plaques scléreuses


dans le cerveau avec destruction
Lymphocytes T autoréactifs des gaines de myéline qui entourent
Sclérose en plaques
contre des antigènes du cerveau les axones des cellules nerveuses,
entraînant une faiblesse musculaire,
de l’ataxie et d'autres symptômes

Autoanticorps et cellules T autoréactives


Lupus érythémateux contre l'ADN, des protéines de la Glomérulonéphrite, vasculite,
disséminé chromatine, des antigènes éruption cutanée
ribonucléoprotéiques ubiquitaires

Infiltration lymphocytaire des glandes


Autoanticorps et cellules T exocrines, aboutissant à une
Syndrome
autoréactives contre des antigènes sécheresse oculaire et/ou buccale ;
de Gougerot-Sjögren d'autres organes peuvent être atteints,
ribonucléoprotéiques
menant à une maladie systémique

chaque cellule de l’organisme ou abondamment dans les tissus conjonctifs. Celles-ci


peuvent envoyer de puissants signaux aux lymphocytes, et même les lymphocytes
matures peuvent être rendus tolérants à un antigène, ou tolérisés, par des signaux
puissants et constants passant par leurs récepteurs d’antigène. En revanche, les agents
pathogènes et d’autres antigènes étrangers sont présentés au système immunitaire,
brusquement, et la concentration de leurs antigènes croît rapidement et exponentiel-
lement à mesure que les agents pathogènes se répliquent au début de l’infection. Les
lymphocytes matures naïfs sont ajustés en manière telle qu’ils soient activés par une
augmentation soudaine des signaux émis par les récepteurs d’antigène.
Un troisième mécanisme de discrimination entre le soi et le non soi repose sur
le système immunitaire inné, qui fournit des signaux indispensables à l’activation
d’une réponse immune adaptative à l’infection (voir le Chapitre 2). En l’absence
d’infection, ces signaux ne sont pas générés. Dans ces circonstances, la rencon-
tre d’un lymphocyte naïf avec un autoantigène, en particulier lorsque les cellu-
les présentatrices d’antigène n’expriment pas de molécules de costimulation, tend
à induire un signal négatif, inactivateur, plutôt que pas de signal du tout (voir la
Section 7-26). Ce mécanisme de tolérance est particulièrement important pour les
antigènes rencontrés à l’extérieur du thymus et de la moelle osseuse. La tolérance
induite dans le répertoire des lymphocytes matures une fois que les cellules ont
quitté les organes lymphoïdes centraux est appelée tolérance périphérique.
Ainsi, plusieurs moyens sont utilisés par les lymphocytes pour distinguer des
ligands du soi de ceux du non soi : rencontre avec le ligand lorsque le lymphocyte
est encore immature, une concentration élevée et constante du ligand et interac-
tion avec le ligand en absence de signaux de costimulation. Tous ces mécanis-
mes sont sujets à des erreurs, car aucun d’entre eux en particulier ne distingue, à
l’échelle moléculaire, un ligand du soi d’un ligand étranger. Le système immuni-
taire dispose donc de plusieurs mécanismes supplémentaires pour contrôler les
réponses auto-immunes, si elles venaient à se déclencher.
602 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

14-2 De multiples mécanismes de tolérance préviennent normalement


l’auto-immunité.

Les mécanismes qui préviennent normalement l’auto-immunité peuvent être


considérés comme une succession de points de contrôle. Chaque point de contrôle
contribue partiellement à la prévention des réactions anti-soi ; leur activité pro-
tectrice contre l’auto-immunité est synergique et doit éviter d’affaiblir l’efficacité
des réactions du système immunitaire contre des pathogènes. Les mécanismes de
tolérance centrale éliminent les lymphocytes fortement autoréactifs nouvellement
formés. Par ailleurs, les lymphocytes autoréactifs matures qui n’interagissent pas
fortement avec le soi dans les organes lymphoïdes centraux car, par exemple, leurs
autoantigènes spécifiques ne sont pas exprimés là, peuvent être tués ou inactivés
en périphérie. Les principaux mécanismes de tolérance périphérique sont l’aner-
gie (absence de réaction fonctionnelle), la délétion (mort cellulaire par apoptose)
et la suppression par des cellules T régulatrices (Treg) (Fig. 14.2).
Chaque point de contrôle contribue à la prévention de l’auto-immunité sans affai-
blir trop fortement l’immunité, et ensemble ils assurent une protection efficace
contre les maladies auto-immunes. Il est relativement facile de trouver des pertur-
bations dans l’un ou plusieurs niveaux de protection, même chez les individus en
bonne santé. Aussi, l’activation de lymphocytes autoréactifs n’est pas synonyme de
maladie auto-immune. En fait, un faible degré d’autoréactivité est physiologique
et essentiel à une fonction immunitaire normale. Des autoantigènes contribuent
à la formation du répertoire de lymphocytes matures, et la survie des lymphocy-
tes  T  et B naïfs à la périphérie exige une exposition continue aux autoantigènes
(voir le Chapitre 7). Une maladie auto-immune ne se développe que si un nom-
bre suffisant de protections sont débordées pour mener à une réaction anti-soi
avec production de cellules et de molécules effectrices destructrices des tissus.
Bien que les mécanismes en cause ne soient pas totalement connus, on pense que
l’auto-immunité est la conséquence de la combinaison d’une prédisposition géné-
tique, de perturbations des mécanismes de tolérance naturelle, et de l’interven-
tion de facteurs environnementaux, comme des infections (Fig. 14.3).

Fig. 14.2 L’autotolérance dépend de


l’action concertée de divers mécanismes Niveaux d’autotolérance
qui opèrent à différents sites et stades
de développement. Les différentes façons
Type de tolérance Mécanisme Site d'action
dont le système immunitaire empêche
l’activation des dommages causés par des
lymphocytes autoréactifs sont énumérés, avec Délétion Thymus
Tolérance centrale
le mécanisme spécifique et où cette tolérance Révision Moelle osseuse
se produit principalement.
Barrière physique barrant Organes périphériques
Ségrégation de l’antigène l'accès du système lymphoïde (par ex. la thyroïde, le pancréas)
à l'autoantigène

Inactivation cellulaire
Anergie périphérique par une signalisation faible Tissu lymphoïde secondaire
sans costimulation

Suppression par des cytokines, Tissu lymphoïde secondaire


Cellules régulatrices signaux intercellulaires et sites d'inflammation

Différenciation de cellules TH2, Tissu lymphoïde secondaire


Déviation des cytokines limitant la sécrétion et sites d'inflammation
de cytokines inflammatoires

Tissu lymphoïde secondaire


Déplétion clonale Apoptose par activation
et sites d'inflammation
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 603

14-3 La délétion centrale, ou inactivation des lymphocytes nouvellement Infection


formés, est le premier point de contrôle de l’autotolérance. Facteurs génétiques et facteurs
environnementaux

Les mécanismes de tolérance centrale, qui éliminent les lymphocytes très autoréac-
tifs, constituent le premier, et le plus important, point de contrôle de l’autotolérance
et sont décrits en détail au Chapitre 7. Sans eux, le système immunitaire serait forte-
ment autoréactif, et une auto-immunité fatale surviendrait certainement dès la nais- Régulation immunitaire
sance. Il est improbable que les autres mécanismes de tolérance plus tardifs soient
suffisants pour compenser l’échec de l’élimination des lymphocytes autoréactifs au
cours de leur développement. En effet, on ne connaît pas de maladies auto-immunes Auto-immunité
qui soient attribuables à une déficience complète de ces mécanismes de base, bien
que certaines soient associées à un échec partiel de la tolérance centrale.
L’autotolérance générée dans les organes lymphoïdes centraux est efficace, mais pen- Fig. 14.3 Conditions à remplir pour le
dant longtemps on a pensé que de nombreux antigènes du soi n’étaient pas exprimés développement d’une maladie auto-
dans le thymus ou dans la moelle osseuse et que les mécanismes périphériques immune. Chez des individus prédisposés
génétiquement, l’auto-immunité peut être
étaient les seuls moyens d’induire la tolérance à leur égard. On sait maintenant que déclenchée à la suite d’un échec d’un
de nombreux antigènes tissulaires spécifiques (pas tous), par exemple l’insuline, sont mécanisme de tolérance intrinsèque et / ou d’un
exprimés dans le thymus par une sous-population de cellules dendritiques, et donc stimulus environnemental, par exemple une
qu’une autotolérance centrale peut être générée contre ces antigènes. Comment ces infection.
gènes «périphériques» sont-ils activés de manière ectopique dans le thymus  ?
L’énigme n’est pas encore entièrement résolue, mais un indice important a été trouvé.
Un facteur de transcription unique, AIRE (AutoImmune REgulator), est responsable
de l’activation de nombreux gènes périphériques dans le thymus (voir la Section 7-20).
Le gène AIRE est défectueux chez les patients avec une forme héréditaire rare d’auto-
immunité, APECED (Autoimmune PolyEndocrinopathy–Candidiasis–Ectodermal
Dystrophy, ou polyendocrinopathie auto-immune, candidose et dystrophie ectoder-
mique) qui conduit à la destruction de plusieurs tissus endocriniens, y compris les
îlots pancréatiques producteurs d’insuline. Cette maladie est également appelée
APS-1 (Autoimmune Polyglandular Syndrome-1 ou syndrome polyglandulaire auto-
immun). Les souris dont le gène AIRE a été inactivé ont le même syndrome, même si Polyendocrinopathie
elles ne semblent pas être sensibles à des infections fongiques comme la candidose. auto-immune, candidose
Plus important encore, ces souris n’expriment plus de nombreux gènes périphéri- et dystrophie ectodermique
ques dans le thymus. Ceci relie la protéine AIRE à l’expression de ces gènes et suggère
que l’incapacité de les exprimer dans le thymus aboutit à une maladie auto-immune
(Fig. 14.4). L’auto-immunité qui accompagne la déficience de AIRE met du temps à se
développer et n’affecte pas toujours tous les organes cibles potentiels. Donc, en plus
de souligner l’importance du la tolérance centrale, la maladie montre que d’autres
niveaux de contrôle de la tolérance jouent un rôle important.

14-4 Les lymphocytes qui lient des antigènes du soi avec une affinité
relativement faible les ignorent habituellement, mais dans certaines
circonstances ils sont activés.

Certains lymphocytes dotés d’une faible affinité pour des autoantigènes n’y répon-
dent pas, échappent complètement aux mécanismes de tolérance et peuvent être
considérés comme «  ignorants  » du soi (voir la Section  7.6). Ces cellules ignoran-
tes, mais autoréactives de manière latente, peuvent être entraînées dans des répon-
ses auto-immunes si le stimulus est suffisamment puissant. Un tel stimulus peut être
une infection. Des cellules T naïves de faible affinité envers un autoantigène ubiqui-
taire peuvent être activées si elles rencontrent une cellule dendritique activée pré-
sentant cet antigène et exprimant de puissants signaux de costimulation en raison de
l’infection.
Une situation particulière dans laquelle les lymphocytes ignorants peuvent être
activés se présente lorsque les autoantigènes sont aussi des ligands de récepteurs
de type Toll (TLR, Toll-Like Receptor). Ces récepteurs sont habituellement considé-
rés comme des récepteurs de reconnaissance des motifs moléculaires associés aux
pathogènes (voir la Section  2-7). Cependant, ces motifs ne sont pas exclusifs des
pathogènes et peuvent être trouvés parmi des molécules du soi. Par exemple, les
604 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Sous le contrôle de la protéine AIRE, En absence de AIRE, les cellules T


Dans le thymus, des cellules T des cellules médullaires thymiques
Les organes expriment réactives envers des antigènes
s’avèrent capables de reconnaître expriment des protéines spécifiques
des antigènes spécifiques de tissu de tissu, ce qui permet la délétion spécifiques de tissu arrivent
des antigènes spécifiques de tissu
de cellules T autoréactives à maturité et quittent the thymus

rétine

ovaires

Fig. 14.4 Le gène AIRE (AutoImmune Regulator) favorise l’expression en développement seront en mesure de reconnaître ces antigènes
de certains antigènes spécifiques de tissu dans les cellules spécifiques de tissu (deuxième panneau). Des peptides de ces protéines
médullaires du thymus, causant la délétion des thymocytes sont présentés aux thymocytes en développement, qui sont alors soumis
immatures pouvant réagir à ces antigènes. Bien que le thymus à une sélection négative dans le thymus (troisième panneau), entraînant
exprime beaucoup de gènes, et donc des protéines du soi, communs à la délétion de ces cellules. En l’absence de AIRE, cette délétion n’a pas
toutes les cellules, le mécanisme par lequel les antigènes spécifiques lieu, mais des thymocytes autoréactifs matures sont exportés vers la
de tissus spécialisés, comme la rétine ou de l’ovaire (premier panneau), périphérie (quatrième panneau), où ils peuvent causer des maladies
accèdent au thymus afin de permettre la sélection négative de thymocytes auto-immunes. En effet, des personnes et des souris qui n’expriment
immatures autoréactifs n’est pas évident. On sait maintenant qu’un gène pas AIRE développent un syndrome appelé APECED (Autoimmune
appelé AIRE favorise l’expression de nombreuses protéines spécifiques PolyEndocrinopathy–Candidiasis–Ectodermal Dystrophy).
de tissus dans des cellules médullaires du thymus. Certains thymocytes

séquences CpG non méthylées dans l’ADN, qui sont reconnues par TLR-9, consti-
tuent ce type d’autoantigène potentiel. Le CpG non méthylé est normalement beau-
coup plus fréquent dans l’ADN bactérien que dans l’ADN de mammifères, mais il est
enrichi dans les cellules de mammifères en cours d’apoptose. Dans un scénario où de
nombreuses cellules meurent alors que l’élimination des fragments apoptotiques est
insuffisante (peut-être en raison de l’infection), les cellules B spécifiques des compo-
sants de la chromatine peuvent internaliser les séquences CpG par l’intermédiaire de
leurs récepteurs de cellule B. Ces séquences rencontrent aussi leur récepteur intra-
cellulaire, TLR-9, ce qui déclenche un signal costimulateur ; celui-ci, de concert avec
le signal venant du récepteur de cellule B, active la cellule B anti-chromatine, préala-
blement ignorante (Fig. 14.5). Les cellules B activées de cette façon se mettent à pro-
duire des autoanticorps anti-chromatine ; elles peuvent aussi agir en tant que cellules
présentatrices d’antigènes aux cellules T autoréactives. On a montré que des comple-
xes ribonucléoprotéiques contenant de l’ARN riche en uridine activaient de manière
similaire des lymphocytes B naïfs à la suite de la liaison de l’ARN à TLR-7 ou TLR‑8.
Ces mécanismes expliqueraient comment les cellules  B se mettent à produire des
autoanticorps dirigés contre l’ADN, des protéines de la chromatine et des ribonucléo-
protéines au cours de la maladie auto-immune, le lupus érythémateux disséminé
(LED). Ces observations remettent en question la notion qui veut que les récepteurs
de type Toll seraient totalement fiables dans leur capacité de distinguer le soi du non
soi ; leur rôle proposé dans l’auto-immunité a été appelé « l’hypothèse Toll ».
Un autre mécanisme par lequel les lymphocytes ignorants peuvent entrer en action
est une modification de disponibilité ou de forme d’un autoantigène. Certains anti-
gènes intracellulaires ne sont normalement pas rencontrés par les lymphocytes, mais
ils peuvent être libérés à la suite de la mort ou d’une inflammation massive d’un
tissu. Ces antigènes peuvent alors activer des cellules T et B jusqu’alors ignorantes et
induire des réactions auto-immunes. Cela peut survenir après un infarctus du myo-
carde, quand une réaction auto-immune se développe quelques jours après la libé-
ration d’antigènes cardiaques. Ces réactions sont typiquement transitoires et cessent
lorsque les autoantigènes ont été éliminés ; cependant, ils peuvent continuer à causer
une maladie auto-immune lorsque les mécanismes d’élimination sont insuffisants
ou génétiquement déficients.
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 605

Les fragments riches en GpC Fig. 14.5 La reconnaissance


Des cellules B spécifiques
Les récepteurs de cellule B d’autoantigènes par des récepteurs de type
de l’ADN lient des fragments de l’ADN internalisé se lient
interconnectés sont internalisés Toll peut contribuer, par costimulation, à
solubles d’ADN, ce qui à TLR-9 dans le compartiment
avec la molécule d’ADN l’activation des cellules B autoréactives.
déclenche un signal à partir endosomique, ce qui envoie
qu’ils ont liée Le récepteur TLR-9 favorise l’activation des
du récepteur d’antigène un signal de costimulation
lymphocytes B spécifiques de l’ADN, un
autoantigène dans une maladie auto-immune,
le lupus érythémateux disséminé (LED) (voir
Fig. 14.1). Bien que les cellules B avec une
forte affinité pour l’ADN soient éliminées de la
moelle osseuse, certaines cellules B de plus
faible affinité échappent et persistent dans la
périphérie, mais ne sont normalement pas
activées. Sous certaines conditions et chez
les personnes génétiquement sensibles,
la concentration d’ADN peut augmenter,
TLR-9 aboutissant à la liaison d’un nombre suffisant
de récepteurs d’antigène pour lancer
l’activation de ces cellules B. Des signaux
Certaines autoantigènes sont présents en grande quantité, mais sont généralement sont transmis par ces récepteurs d’antigène
sous une forme non immunogène. L’IgG est un bon exemple, car elle est abondante des cellules B (panneau de gauche), qui par
dans le sang et d’autres liquides extracellulaires. Les cellules B spécifiques de la région ailleurs endocytent l’ADN (panneau central)
et le livrent à un compartiment endosomique
constante des IgG ne sont généralement pas activées parce que l’IgG est monoméri-
(panneau de droite). Ici, l’ADN accède à
que et ne peut pas interconnecter les récepteurs des cellules B. Toutefois, lorsque des TLR-9, qui ne reconnaît que l’ADN enrichi
complexes immuns se forment après une infection grave ou une immunisation, suffi- en séquences CpG non méthylées. Ces
samment d’IgG se retrouve sous une forme polyvalente pour susciter une réponse de séquences enrichies en CpG sont beaucoup
ces cellules B normalement ignorantes. Les autoanticorps anti-IgG qu’elles produi- plus fréquentes dans l’ADN microbien que
dans celui des eucaryotes et normalement
sent est connu sous le nom de facteur rhumatoïde, car il est communément présent cela permet aux TLR-9 de distinguer les
dans l’arthrite rhumatoïde. Encore une fois, cette réponse est généralement de courte agents pathogènes des autoantigènes. L’ADN
durée, dans la mesure où les complexes immuns sont éliminés rapidement. des cellules apoptotiques des mammifères
est cependant enrichi en CpG non méthylé, et
Lors de l’hypermutation somatique des cellules B activées dans les centres germi- des cellules B spécifiques de l’ADN peuvent
natifs (voir la Section 9-7), un événement exceptionnel peut survenir dans les orga- concentrer également l’ADN du soi dans le
nes lymphoïdes périphériques. Certaines cellules  B déjà activées peuvent devenir compartiment endosomique. Cela fournirait
autoréactives ou acquérir une affinité plus forte pour un autoantigène (Fig. 14.6). À suffisamment de ligand pour activer TLR-9,
qui potentialise alors l’activation des cellules B
l’instar des lymphocytes ignorants décrits ci-dessus, de telles cellules B autoréactives spécifiques de l’ADN et, finalement, aboutit à la
auraient surmonté tous les autres mécanismes de tolérance et seraient devenues une production d’autoanticorps anti-ADN.
source d’autoanticorps potentiellement pathogènes. Il semble, toutefois, exister un
mécanisme de contrôle des cellules B des centres germinatifs qui auraient acquis une
affinité pour le soi. Dans ce cas, l’autoantigène est susceptible d’être présent dans le
centre germinatif, alors qu’il est improbable que le pathogène le soit. Or, si les récep-
teurs d’antigène d’une cellule B hypermutée autoréactive sont fortement intercon-
nectés dans le centre germinatif, elle mourra d’apoptose plutôt que de continuer à
proliférer.

Polyarthrite rhumatoïde
14-5 Des antigènes dans des sites immunologiquement privilégiés
n’induisent pas de réponse immunitaire, mais peuvent servir de cibles.
Les tissus greffés dans certains sites du corps ne déclenchent pas de réponse immu-
nitaire. Par exemple, le cerveau et la chambre antérieure de l’œil sont des sites dans
lesquels des tissus peuvent être greffés sans provoquer de rejet. C’est pourquoi, on
dit que ce sont des sites immunologiquement privilégiés (Fig. 14.7). À l’origine, on
croyait que ce privilège tenait à l’incapacité des antigènes de quitter les sites privilé-
giés et de déclencher une réponse immunitaire. Cependant, des études ultérieures
ont montré que les antigènes quittaient bel et bien les sites privilégiés et qu’ils inte-
ragissaient avec les cellules T. Mais, au lieu de provoquer une réponse immunitaire
destructrice, les antigènes déclenchent la tolérance ou une réponse qui n’est pas des-
tructrice pour le tissu.
Les sites privilégiés paraissent inhabituels sur trois points. Premièrement, la commu-
nication entre le site privilégié et l’organisme est atypique dans le sens où le liquide
extracellulaire dans ces sites ne passe pas par les vaisseaux lymphatiques habituels.
Cependant, les protéines introduites dans ces sites les quittent et peuvent avoir des
effets immunologiques. Les sites privilégiés sont en général entourés par des barrières
tissulaires qui excluent les lymphocytes naïfs. Le cerveau par exemple est protégé par
606 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.6 élimination de cellules B de ces récepteurs avec un autoantigène


L’hypermutation somatique génère autoréactives dans les centres germinatifs. soluble (panneau central) induit l’apoptose
de nouvelles spécificités parmi les cellules B
Au cours de l’hypermutation somatique dans des cellules B autoréactives par une signal
des centres germinatifs
les centres germinatifs (panneau supérieur), venant du récepteur d’antigène de la cellule B
des cellules B porteuses de récepteurs en absence de cellules T auxiliaires (panneau
autoréactifs peuvent apparaître. Une interaction inférieur).

la barrière hémato-encéphalique. Deuxièmement, des facteurs humoraux, probable-


ment des cytokines, qui ont un effet sur le déroulement d’une réponse immunitaire,
sont produits dans des sites privilégiés et les quittent en accompagnant les antigènes.
La cytokine anti-inflammatoire TGF-β (Transforming Growth Factor-β) serait parti-
culièrement importante dans ce cas ; des antigènes mélangés au TGF-β paraissent
induire principalement des réponses des cellules T qui n’endommagent pas les tis-
Certaines de ces cellules B peuvent sus, par exemple des réponses de type TH2 plutôt que de type TH1. Troisièmement,
maintenant lier des autoantigènes
l’expression du ligand de Fas par les tissus des sites privilégiés peut assurer un niveau
supplémentaire de protection en déclenchant l’apoptose des lymphocytes porteurs
de Fas lorsqu’ils entrent dans ces sites. Ce mécanisme de protection n’est pas entière-
ment compris, car il apparaît que, dans certaines circonstances, l’expression du ligand
de Fas par les tissus peut provoquer une réaction inflammatoire des neutrophiles.
Paradoxalement, des antigènes isolés des sites privilégiés sont souvent les cibles de
réponse auto-immune  ; par exemple, des autoantigènes cérébraux comme la pro-
La rencontre d’une cellule B autoréactive avec
un antigène soluble déclenche son apoptose téine basique de la myéline constituent une cible dans la maladie auto-immune, la
sclérose en plaques, une maladie démyélinisante inflammatoire chronique (voir
Fig. 14.1). Il est donc évident que cet antigène ne provoque pas la tolérance à cause
de la délétion clonale des cellules T autoréactives. Dans un modèle de sclérose en
plaques chez la souris, l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE), les
animaux ne tombent malades que s’ils sont immunisés délibérément avec la protéine
basique de la myéline, ce qui cause une infiltration considérable du cerveau par des
cellules TH1 spécifiques de l’antigène.
Cela montre qu’au moins quelques antigènes exprimés dans les sites privilégiés n’in-
duisent ni tolérance, ni activation dans des circonstances normales. Par contre, si des
Sclérose en plaques lymphocytes autoréactifs sont activés ailleurs, ces autoantigènes peuvent devenir les
cibles d’une attaque auto-immune (voir Section 13-25). Il est plausible que des cellu-
les T spécifiques d’antigènes séquestrés dans des sites privilégiés ont tendance à res-
ter dans un état d’ignorance immunologique. Une maladie oculaire, l’ophtalmie
sympathique, vient appuyer cette hypothèse (Fig. 14.8). Si un œil est percé suite à un
coup ou à un autre traumatisme, une réponse auto-immune aux protéines oculaires
peut survenir, bien que ce soit très rare. Une fois que la réaction est déclenchée, ce
sont souvent les deux yeux qui sont attaqués. L’immunosuppression et l’extraction de
l’œil lésé, la source d’antigène, sont souvent nécessaires afin de protéger l’œil sain.
Il n’est pas surprenant que les cellules T effectrices puissent entrer dans les sites pri-
Sites immunologiquement privilégiés vilégiés. En effet, ceux-ci peuvent s’infecter et les cellules effectrices doivent pouvoir
y accéder pendant l’infection. Comme nous l’avons vu au Chapitre 10, les cellules T
Cerveau effectrices après activation entrent dans la plupart, sinon la totalité, des tissus, mais
les cellules ne s’accumulent que lorsque l’antigène est reconnu dans le site, ce qui
Œil déclenche la production des cytokines qui modifient les barrières tissulaires.

Testicule 14-6 Des cellules T autoréactives qui expriment des cytokines particulières
peuvent être non pathogènes ou supprimer des lymphocytes
Utérus (fœtus) pathogènes.

Bajoue du hamster Nous avons appris au Chapitre 8 que, durant le cours normal de la réponse immuni-
taire, les cellules T CD4 peuvent se différencier en divers types de cellules effectrices,
à savoir TH1 et TH2. Les cellules TH1 et TH2 sécrètent différentes cytokines : interfé-
Fig. 14.7 Certains sites sont ron (IFN)-γ et facteur de nécrose tumorale (TNF)-α pour les TH1, et l’interleukine
immunologiquement privilégiés. Des (IL)-4, IL-5, IL-10 et IL-13 pour les TH2. Celles-ci exercent des effets différents sur
greffons tissulaires placés dans ces sites
peuvent souvent y survivre indéfiniment, et des les cellules présentatrices d’antigène, les cellules B et sur l’élimination des pathogè-
antigènes introduits dans ces sites n’induisent nes. Un paradigme semblable s’applique à l’auto-immunité. En particulier, certai-
pas de réponses immunitaires destructrices. nes maladies auto-immunes dépendant des cellules T comme le diabète de type 1,
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 607

appelé aussi diabète insulinodépendant (DID) (voir Fig. 14.1) et la sclérose en pla-


ques semblent dépendre de cellules TH1 qui seraient responsables de la maladie (NT :
les TH17 joueraient également un rôle pathogène important). En revanche, la produc-
tion des autoanticorps dans le LED semble exiger à la fois les cellules TH1 et TH2. Dans
des modèles murins de diabète, on a pu inhiber le développement du diabète en per-
fusant des cytokines modifiant la différenciation des cellules T. Un résultat sembla-
ble a été observé chez des souris knockout prédisposées à une orientation TH2. Dans
certains cas, des cellules T potentiellement pathogènes, spécifiques de composants
cellulaires des îlots pancréatiques, et exprimant des cytokines TH2 au lieu de TH1,
répriment la maladie causée par des cellules TH1 de même spécificité. Des tentati-
ves de contrôle de maladie auto-immune chez l’homme par le passage des profils de
cytokines TH1 à TH2, un procédé appelé modulation immunitaire, n’ont cependant
pas eu de conséquences bénéfiques. Une autre sous-population importante de lym-
phocytes T CD4, les cellules T régulatrices, pourrait se révéler plus importante dans la
prévention naturelle des maladies auto-immunes.

14-7 Des réponses auto-immunes peuvent être contrôlées à différents stades


par des cellules T régulatrices.

Des cellules autoréactives qui ont échappé aux mécanismes induisant la tolérance
décrits précédemment peuvent encore être régulées de telle manière qu’elles ne cau-
sent pas de maladie. Cette régulation se présente sous deux formes : la première est
extrinsèque, provenant de cellules T régulatrices spécifiques qui exercent des effets
sur les cellules T activées et sur les cellules présentatrices d’antigène. Le deuxième est
intrinsèque et agit en limitant l’intensité et la durée des réponses immunitaires qui Syndrome IPEX
sont programmées dans les lymphocytes eux-mêmes. Nous allons d’abord examiner
le rôle des cellules T régulatrices, qui ont été introduites au Chapitre 8.
La tolérance due aux lymphocytes régulateurs se distingue des autres formes d’autoto-
lérance par le fait que les cellules T régulatrices ont la possibilité de supprimer l’auto-
réactivité de lymphocytes spécifiques d’antigènes différents de ceux reconnus par les
cellules T régulatrices. Cette forme de tolérance est appelée tolérance par régula-
tion, suppression immunitaire dominante ou tolérance infectieuse. La principale
caractéristique de la tolérance par régulation est qu’elle peut supprimer des lympho-
cytes autoréactifs qui reconnaissent divers autoantigènes, tant que les antigènes sont
tous sur le même tissu ou sont présentés par les mêmes cellules présentatrices d’an-
tigène (Fig. 14.9). On considère que les cellules T régulatrices comme étant des cellu-
les T modérément autoréactives qui ont échappé à la délétion dans le thymus et qui,
lorsqu’elles sont activées par des autoantigènes, ne se différencient pas en cellules

Un traumatisme à un œil Les cellules T effectrices Fig. 14.8 Des lésions causées dans un
entraîne la libération retournent dans la circulation site privilégié peuvent déclencher une
des antigènes et rencontrent l’antigène réaction auto-immune. Dans l’ophtalmie
protéiques intraoculaires dans les deux yeux sympathique, un traumatisme oculaire libère
dans les tissus voisins des antigènes qui
normalement sont séquestrés dans l’œil et qui
deviennent ainsi accessibles aux cellules T. Les
Les antigènes intraoculaires cellules effectrices qui sont produites attaquent
libérés sont transportés l’œil traumatisé, mais infiltrent et attaquent
dans les ganglions également l’œil sain. Ainsi, bien que les
et activent les cellules T antigènes emprisonnés ne déclenchent pas une
réponse par eux-mêmes, si une réponse est
déclenchée ailleurs, ils peuvent servir de cibles.
608 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.9 Une tolérance récessive s’établit présentatrice–antigène (APC) et s’ils sont
Tolérance par délétion (récessive) lorsque des cellules T autoréactives sont activés (en haut à droite). Un mécanisme qui
éliminées, alors qu’une forme dominante supprime cette autoréactivité potentiellement
Des cellules T En périphérie de tolérance assurée par des cellules T dangereuse est appelée tolérance régulatrice
autoréactives sont de telles cellules T régulatrices peut inhiber de multiples (panneaux inférieurs). Elle dépend de
éliminées dans le thymus. cellules T autoréactives qui toutes cellules T régulatrices (Treg) spécialisées qui
Occasionnellement, une autoréactives
cellule T autoréactive peut échappées reconnaissent le même tissu. Comme se développent dans le thymus en réponse
échapper à la délétion peuvent être activées nous l’avons vu précédemment, l’un des à une stimulation par un autoantigène, trop
principaux mécanismes d’autotolérance faible pour causer une délétion mais suffisante
est la délétion des cellules T autoréactives pour une sélection positive (en bas à gauche).
dans le thymus par des cellules dendritiques Ces cellules migrent vers la périphérie où, si
thymiques qui expriment des autoantigènes elles rencontrent leur autoantigène (en bas à
(en haut à gauche). Cependant, certaines droite) sur une cellule présentatrice d’antigène,
cellules autoréactives peuvent ne pas être elles sécrètent des cytokines comme l’IL-10
éliminées parce que leur autoantigène et le TGF-β qui inhibent toutes les cellules T
spécifique n’est pas disponible sur la cellule autoréactives voisines, indépendamment de
assurant la délétion (en haut à gauche, leur spécificité autoantigénique. Il s’agit d’une
en turquoise). Ces lymphocytes T peuvent forme dominante de tolérance en ce sens
APC causer des dommages à la périphérie s’ils qu’une seule cellule peut en réguler plusieurs
rencontrent leurs autoantigènes sur une cellule autres.

capables de déclencher une réaction auto-immune. Au lieu de cela, elles se différen-


Thymus Périphérie cient en cellules puissamment suppressives qui inhibent d’autres cellules T autoréac-
tives qui reconnaissent des antigènes sur les mêmes tissus. De nombreux chercheurs
ont donc émis l’hypothèse que les cellules T régulatrices pourraient avoir un poten-
Tolérance régulatrice (dominante)
tiel thérapeutique pour le traitement de maladies auto-immunes, si elles pouvaient
Une cellule T spécifique Des cytokines être isolées et perfusées chez des patients.
d'un autoantigène (IL-10 et TGF-𝛃) produites
devient une cellule T par des Treg inhibent Un des types les mieux caractérisés de cellules T régulatrices est porteur de CD4 et
régulatrice (Treg) d'autres cellules T de CD25 (la chaîne du récepteur de l’IL-2) (voir la Section 8-20). Elles se sont révé-
autoréactives
lées avoir un rôle protecteur dans plusieurs syndromes auto-immuns chez la sou-
ris, entre autres une inflammation du côlon (colite), le diabète, l’EAE, et le LED. La
Fig. 14.10 décrit un modèle proposé pour la résolution de la colite auto-immune chez
la souris par les cellules T CD4 CD25. Des expériences dans des modèles de ces mala-
dies chez la souris montrent que des cellules T régulatrices CD4 CD25 répriment la
maladie lors de leur transfert in vivo, alors que la délétion de ces cellules exacerbe ou
cause la maladie. On a aussi montré que ces cellules T régulatrices prévenaient ou
atténuaient d’autres syndromes immunopathologiques, comme la réaction du gref-
fon contre l’hôte et le rejet de greffe, qui sont décrits plus loin dans ce chapitre.
L’importance des cellules  T régulatrices a été démontrée dans plusieurs maladies
auto-immunes humaines. Par exemple, chez les patients atteints de sclérose en pla-
ques ou de syndrome polyglandulaire auto-immun de type 2 (un syndrome rare dans
Thymus Périphérie lequel deux ou plusieurs maladies auto-immunes se développent simultanément),
l’activité suppressive des cellules Treg CD4 CD25 est défectueuse, bien que leur nom-
bre soit normal. Une image différente se dégage de l’étude de patients atteints d’arth-
rite rhumatoïde active. On a constaté que des cellules Treg CD4 CD25 du sang de ces
patients inhibaient efficacement la prolifération in vitro des cellules T effectrices des
patients eux-mêmes, mais ne supprimaient pas la sécrétion de cytokines inflamma-
toires, notamment le TNF-α et l’IFN-γ par ces cellules. Ainsi, de plus en plus d’obser-
vations appuient l’idée que les cellules T régulatrices jouent normalement un rôle
important dans la prévention de l’auto-immunité, qui pourrait être liée à une série de
défauts fonctionnels dans ces cellules.
Les cellules T CD4 CD25 ne constituent pas le seul type de lymphocytes régulateurs
connus. Des cellules  T régulatrices CD25 négatives comprennent les cellules  TH3
identifiées dans le système immunitaire des muqueuses (voir la Section 11-13) et les
cellules TR1 caractérisées in vitro (voir la Section 8-20). La fonction des cellules TH3 du
système immunitaire des muqueuses serait la suppression ou le contrôle des répon-
ses immunitaires dans les muqueuses, qui constituent des barrières contre les agents
pathogènes. Une stimulation par l’IL-10 peut induire in vitro la formation de cellu-
les TR1, et un type similaire de cellules T régulatrices dépendantes de l’IL-10 pour-
rait être présent dans la muqueuse, mais n’a pas encore été identifié. Une absence
de cellules TH3 est liée à une maladie intestinale auto-immune, et l’on a montré que
des cellules  TR1 réprimaient une maladie inflammatoire intestinale chez la souris.
Le développement et la rupture de la tolérance au soi 609

Une maladie inflammatoire La maladie peut être traitée par le Après avoir résolu l'inflammation, des
transfert de cellules Treg CD4 CD25 Des cellules Treg CD4 CD25 prolifèrent
intestinale et une colite sont cellules Treg CD4 CD25 restent groupées
arrivant dans les ganglions et inhibent les cellules T effectrices
causées par des cellules T avec des cellules dendritiques et les
mésentériques et le côlon pathogènes
autoréactives dans la lamina propria lymphocytes T effecteurs pathogènes

L’administration orale de grandes quantités d’autoantigène à des animaux peut par- Fig. 14.10 Des cellules T
fois conduire à l’absence de réaction à ces antigènes lorsqu’ils sont administrés par régulatrices CD4 CD25 inhibent la colite en
migrant dans le côlon et dans les ganglions
d’autres voies, et peut prévenir des maladies auto-immunes. Cette tolérance orale
mésentériques, où elles interagissent avec
(voir la Section 11-13) est accompagnée de la formation ou de l’expansion de cellu- des cellules dendritiques et T effectrices.
les TH3, qui pourraient jouer un rôle dans ce mécanisme. Des cellules T naïves qui contiennent certains
clones autoréactifs (premier panneau,
On a constaté que presque tous les types de lymphocytes pouvaient exercer une acti- cellules roses) déclenchent la colite lors de
vité régulatrice dans certaines circonstances. Même les cellules B peuvent réguler des leur transfert à des souris déficientes en
syndromes auto-immuns induits expérimentalement, entre autres l’arthrite induite cellules T. La population naïve est dépourvue
par le collagène (CIA, Collagen-Induced Arthritis) et l’EAE chez la souris. Cette acti- de cellules Treg CD4 CD25, mais si celles-ci
sont transférées avec les cellules T naïves
vité régulatrice est probablement assurée de la même manière que celle des cellules T (deuxième panneau ; les cellules bleues
régulatrices CD4, par la sécrétion de cytokines qui inhibent la prolifération des cellu- sont des cellules Treg), la colite est bloquée.
les T et la différenciation des cellules TH1, d’une importance particulière. Les cellules Le mécanisme de blocage comprend la
dendritiques immatures induisent la différenciation des cellules T régulatrices, ce qui migration des cellules Treg dans les ganglions
contribue au maintien de la tolérance en absence d’infection. mésentériques (non représentés) et plus
tard dans la lamina propria du côlon. Les
En plus de la régulation extrinsèque des lymphocytes T et B autoréactifs par des cel- cellules Treg prolifèrent et sécrètent des
cytokines régulatrices (troisième panneau),
lules régulatrices, les lymphocytes ont des mécanismes intrinsèques qui limitent leur
notamment l’IL-10, qui est essentielle, et
prolifération et leur survie, ce qui peut contribuer à limiter les réponses auto-immu- interagissent avec les cellules dendritiques
nes ainsi que les réponses immunitaires normales (voir la Section 10-12). On en trouve et T autoréactives, atténuant l’activation
l’illustration dans les effets de mutations affectant le contrôle des voies de l’apoptose, (indiqué par la plus petite taille des cellules
comme la voie de Bcl-2 ou la voie de Fas (voir la Section 6-25). Comme nous le ver- roses) et finalement l’inflammation. Une fois
que l’inflammation a disparu, les cellules T
rons plus loin dans ce chapitre, ces mutations sont responsables d’une auto-immunité régulatrices restent dans la lamina propria
spontanée. Ce type d’auto-immunité fournit la preuve que des cellules autoréactives (quatrième panneau). Inspiré d’une figure de
sont générées normalement, mais sont ensuite contrôlées par apoptose. C’est évidem- F. Powrie.
ment un mécanisme important pour la tolérance des cellules T et B.

Résumé.

La discrimination entre le soi et le non soi est imparfaite, en partie en raison de son
caractère indirect et en partie parce qu’un juste équilibre doit être trouvé entre la pré-
vention de la maladie auto-immune et la préservation de la compétence immuni-
taire. Des lymphocytes autoréactifs existent toujours dans le répertoire immunitaire
610 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

naturel, mais ne sont pas souvent activés. Dans une maladie auto-immune, cepen-
dant, ces cellules sont activées par des autoantigènes spécifiques. Si l’activation per-
siste, des fonctions effectrices identiques à celles obtenues en réponse à des agents
pathogènes sont déclenchées et provoquent la maladie. Le système immunitaire
dispose d’un ensemble remarquable de mécanismes qui interviennent dans la pré-
vention des maladies auto-immunes (voir la Fig. 14.2). Cette action collective signi-
fie que chaque mécanisme ne doit pas nécessairement fonctionner parfaitement
ni ne s’applique à toutes les cellules autoréactives. L’ auto-tolérance commence au
cours du développement lymphocytaire, lorsque des cellules T autoréactives dans
le thymus et des cellules B dans la moelle osseuse sont éliminées. Des mécanismes
de tolérance périphérique, comme l’anergie et la délétion, complètent ces mécanis-
mes de tolérance centrale pour des antigènes qui ne sont pas exprimées dans les
organes centraux. Des lymphocytes faiblement autoréactifs ne sont pas éliminés à
ce stade  ; des mécanismes de tolérance qui élimineraient des cellules faiblement
autoréactives réduiraient trop drastiquement le répertoire immunitaire, entraînant
une altération des réactions aux pathogènes. Au lieu de cela, les cellules faiblement
autoréactives ne sont supprimées que si elles sont activées, les mécanismes régu-
lateurs étant les cellules T régulatrices et la modulation immunitaire, c’est-à-dire la
différenciation des cellules T en TH2, productrices de cytokines non inflammatoires.
Un type important de cellules T régulatrices exprime CD4 et CD25, et, en absence
de ces cellules, une auto-immunité grave se développe. On se demande encore ce
qui active les cellules T régulatrices, mais les cellules CD4 CD25 sont elles-mêmes
autoréactives, bien que non pathogènes. Les cellules T régulatrices peuvent inhiber
divers lymphocytes autoréactifs, pour autant que les cellules régulatrices interagis-
sent avec des autoantigènes situés dans le voisinage des autoantigènes auxquels les
lymphocytes autoréactifs répondent. Ceci permet aux cellules régulatrices de rejoin-
dre et de supprimer les foyers inflammatoires auto-immuns. Un dernier mécanisme
qui contrôle l’auto-immunité est la tendance naturelle de la réponse immunitaire à
s’autolimiter : des programmes intrinsèques dans les lymphocytes activés les prédis-
posent à l’apoptose. Les lymphocytes activés acquièrent également une sensibilité à
des signaux inducteurs d’apoptose, tels que ceux venant de Fas.

Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes.


Nous décrivons ici quelques-uns des syndromes auto-immuns les plus fréquents et
comment la perte de tolérance et l’expansion des lymphocytes autoréactifs aboutis-
sent aux lésions tissulaires. Ces mécanismes pathogéniques ressemblent à ceux qui
s’attaquent aux pathogènes. Les dommages dus aux autoanticorps, causés par les sys-
tèmes du complément et des récepteurs de Fc, prédominent dans certaines maladies,
comme le LED. De même, les cellules T cytotoxiques dirigées contre les tissus autolo-
gues les détruisent comme s’il s’agissait de cellules infectées par un virus, ce qui est un
des mécanismes par lequel les cellules β du pancréas sont détruites dans le diabète.
Toutefois, des protéines autologues ne peuvent normalement pas être éliminées, à de
rares exceptions près comme les sont les cellules des îlots du pancréas, aussi la réac-
tion continue. Certains mécanismes pathogènes sont propres à l’auto-immunité, par
exemple des réactions de type hypersensibilité mais aussi la production d’autoanti-
corps qui sont dirigés contre les récepteurs cellulaires de surface et qui perturbent
leur fonction, comme dans la myasthénie. Dans cette partie du chapitre, nous décri-
vons les mécanismes pathogènes de certains syndromes cliniques auto-immuns.

14-8 Des réponses immunitaires adaptives spécifiques d’autoantigènes


peuvent causer une maladie auto-immune.

Dans certaines lignées d’animaux génétiquement sensibles, on peut provoquer


artificiellement une maladie auto-immune en injectant des tissus provenant d’un
animal génétiquement identique, en présence d’adjuvants puissants contenant
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 611

des bactéries (voir Appendice I, Section A-4). Cela montre que l’auto-immunité
peut être déclenchée directement lorsque l’on induit une réponse immunitaire
adaptative spécifique des antigènes du soi. De tels systèmes expérimentaux illus-
trent l’importance d’une activation de certains composants du système immuni-
taire, essentiellement les cellules dendritiques, par les bactéries présentes dans
l’adjuvant. L’utilisation de tels modèles animaux pour l’étude de l’auto-immunité
a cependant des inconvénients. Chez l’homme et les animaux prédisposés généti-
quement aux maladies auto-immunes, l’auto-immunité apparaît généralement de
façon spontanée ; ce qui signifie que nous ne savons pas quels événements amor-
cent la réponse immunitaire qui conduit à la maladie auto-immune. En étudiant
le profil des autoanticorps et aussi les tissus particuliers touchés, il a été possi-
ble d’identifier certains des autoantigènes qui sont les cibles de la maladie auto-
immune, mais il reste à prouver que la réponse immunitaire a été déclenchée en
réponse à ces antigènes. Dans des modèles animaux, et dans une moindre mesure
chez l’homme, il a été parfois possible d’identifier des protéines du soi qui sensibi-
lisent des cellules T autoréactives.
Certaines affections auto-immunes peuvent être déclenchées par des agents infec-
tieux dont les épitopes sont communs à certains autoantigènes et qui sensibilisent
le patient contre ceux-ci. Cependant, des modèles animaux d’auto-immunité ont
démontré que de nombreuses affections auto-immunes surviennent à cause d’un
dérèglement interne du système immunitaire sans intervention d’agents infectieux. Maladies auto-immunes spécifiques d’organe

14-9 Les maladies auto-immunes peuvent être classées selon la spécificité Diabète de type I
de la réaction, qui peut être systémique ou limitée à un organe.
Syndrome de Goodpasture
La classification des maladies est une science incertaine, tout particulièrement en
l’absence d’une compréhension précise des mécanismes en cause. Cela est bien Sclérose en plaques
illustré dans la difficulté de classer les maladies auto-immunes. D’un point de vue
clinique, il est utile de les répartir en deux types principaux : celles dans lesquelles le Maladie de Graves
processus auto-immun ne vise que des organes particuliers et que l’on qualifie donc Thyroïde d’Hashimoto
de « spécifiques d’organe », et celles dans lesquelles de nombreux tissus sont tou- Anémie pernicieuse auto-immune
Maladie d’Addison
chés et que l’on dit « systémiques ». Les maladies auto-immunes systémiques tou- Vitiligo
chent plusieurs organes et ont tendance à devenir chroniques car les autoantigènes Myasthénie
ne peuvent jamais être éliminés. Certaines maladies auto-immunes semblent être
dominées par des effets pathogènes d’une voie immunitaire effectrice particulière,
soit des autoanticorps ou des cellules T autoréactives activées. Cependant, ces deux Maladies auto-immunes systémiques
voies contribuent souvent à la pathogénie générale de la maladie auto-immune.
Arthrite rhumatoïde
Dans les maladies spécifiques d’organe, des autoantigènes d’un ou plusieurs orga-
nes seulement sont la cible, et la maladie est dès lors limitée à ces organes.
Sclérodermie
La thyroïdite d’Hashimoto et la maladie de Graves, les deux touchant de manière
prédominante la glande thyroïde, et le diabète de type I, qui est causé par une atta- Lupus érythémateux disséminé
que immunitaire sur les cellules β pancréatiques productrices d’insuline, sont des Syndrome primaire de Sjögren
exemples de maladies auto-immunes spécifiques d’organe. Le lupus érythéma- Polymyosite
teux disséminé (LED) et le syndrome primaire de Sjögren sont des exemples de
maladies auto-immunes systémiques dans lesquelles des tissus aussi divers que la
Fig. 14.11 Maladies auto-immunes
peau, les reins et le cerveau peuvent être affectés (Fig. 14.11). courantes classées selon leur spécificité :
limitée à un organe ou systémique.
Les autoantigènes impliqués dans ces deux catégories de maladie peuvent aussi être Les maladies qui ont tendance à survenir
classés comme spécifiques d’organe ou systémiques. Ainsi, la maladie de Graves se ensemble sont groupées dans une même
caractérise par la production d’anticorps dirigés contre le récepteur de la thyréosti- case. On dit que des maladies ont tendance à
muline (TSH), spécifique de la glande thyroïde ; la thyroïdite d’Hashimoto par des survenir ensemble lorsque plusieurs maladies
affectent un même patient ou différents
anticorps dirigés contre la peroxydase thyroïdienne ; et le diabète de type I par des membres d’une famille. Toutes les maladies
anticorps anti-insuline. Par contre, le LED se caractérise par la présence d’anticorps auto-immunes ne peuvent pas être classées
contre des antigènes ubiquitaires et abondants dans chaque cellule de l’organisme, selon ce procédé. Par exemple, l’anémie
hémolytique autoimmune peut survenir seule
comme la chromatine et les protéines de la machinerie d’épissage des pré-ARNm, ou en association avec le lupus érythémateux
c’est-à-dire le complexe de la particule d’épisssage ou spliceosome. disséminé (LED).
612 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Il est probable que les maladies auto-immunes spécifiques d’organe et systémi-


ques ont des étiologies quelque peu différentes. Ceci permet de les répartir en
deux grandes catégories sur une base biologique. La validité de cette classification
Lupus érythémateux disséminé s’appuie également sur la constatation que plusieurs maladies auto-immunes peu-
vent apparaître chez un même individu ou une même famille. Les maladies auto-
immunes spécifiques d’organe surviennent souvent conjointement, sous
différentes combinaisons. Par exemple, les maladies auto-immunes de la thyroïde
et le vitiligo, maladie auto-immune induisant une dépigmentation, se retrouvent
souvent chez la même personne. De la même façon, le LED et le syndrome pri-
maire de Sjögren peuvent coexister chez le même individu ou chez les membres
d’une même famille.
Le sang d’un patient
atteint de myasthénie Ce regroupement de maladies auto-immunes permet le classement le plus utile,
est prélevé chacune des catégories pouvant relever d’un mécanisme distinct. La Fig. 14.11 pré-
sente une classification fonctionnelle des maladies auto-immunes sur base de ce
regroupement. On peut constater cependant que la séparation des maladies entre
les « spécifiques d’organe » et les « systémiques » peut dans certains cas devenir
impossible, toutes les maladies auto-immunes n’entrant pas dans ces catégories.
Par exemple, l’anémie hémolytique auto-immune, caractérisée par la lyse des glo-
bules rouges, survient parfois seule et peut être considérée comme une maladie spé-
cifique d’organe, alors que dans d’autres circonstances, elle peut survenir en même
temps que le LED, comme élément d’une maladie auto-immune systémique.

14-10 Les divers modes d’action du système immunitaire sont en général


Cellules mononucléées
impliqués dans la pathogénie des maladies auto-immunes.
Le sérum contenant
du sang contenant les anticorps
les cellules T est extrait du sang Les immunologistes se sont longtemps demandé quels modes d’action du système
immunitaire intervenaient dans les divers syndromes auto-immuns ; ils espéraient
ainsi mieux comprendre l’origine de la maladie et ce qui l’entretient, avec l’objec-
tif ultime de trouver de nouveaux traitements. Dans la myasthénie, par exemple,
des autoanticorps semblent jouer le rôle principal dans l’apparition des symptô-
mes de la maladie. Les anticorps produits contre des récepteurs de l’acétylcho-
line bloquent la fonction des récepteurs à la jonction neuromusculaire, entraînant
un syndrome de faiblesse musculaire. Dans d’autres maladies auto-immunes, des
anticorps sont déposés sous forme de complexes immuns dans les tissus et endom-
magent les tissus par activation du complément et interaction avec les récepteurs
de Fc sur les cellules inflammatoires.
L’immunoprécipitation
Les cellules T
d’un lysat musculaire Des maladies auto-immunes relativement fréquentes dans lesquelles les cellules T
spécifiques
permet l’identification
du récepteur effectrices semblent être les principaux agents destructeurs comprennent le dia-
de la cible des
de l’acétylcholine
autoanticorps, le récepteur bète de type 1 et la sclérose en plaques. Dans ces maladies, les cellules T spécifiques
peuvent proliférer
de l’acétylcholine de complexes peptide du soi:CMH du soi déclenchent une inflammation locale par
l’activation des macrophages ou en endommageant les cellules directement, les tis-
sus étant fortement infiltrés par des lymphocytes T et des macrophages activés.
Lorsque la maladie peut être transférée d’un malade à un individu sain par le
transfert des autoanticorps et / ou des cellules T autoréactives, cela confirme que la

Fig. 14.12 Identification, chez des patients de produire des anticorps, les mêmes patients
atteints de myasthénie, des autoanticorps doivent également avoir des cellules T CD4
qui peuvent transférer la maladie. Les qui répondent à un peptide dérivé du récepteur
La maladie peut être autoanticorps du sérum de patients atteints de de l’acétylcholine. Pour leur détection, les
transférée par myasthénie immunoprécipitent le récepteur de cellules T des patients atteints de myasthénie
injection des anticorps l’acétylcholine provenant de lysats cellulaires sont isolées. On les fait pousser en présence
à un animal des muscles squelettiques (panneaux de du récepteur de l’acétylcholine et de cellules
droite). Puisqu’ils peuvent se lier aussi bien au présentant des antigènes de CMH adéquat
récepteur de souris qu’à celui de l’homme, ils (panneaux de gauche). Les cellules T
peuvent transférer la maladie lorsqu’ils sont spécifiques des épitopes du récepteur de
injectés aux souris (panneau du bas). Cette l’acétylcholine étant stimulées se mettent à
expérience démontre que les anticorps sont proliférer, ce qui permet leur détection.
pathogènes. Cependant, pour être capables
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 613

Les souris à qui l’on a inoculé La maladie est induite par


Souris après induction d’EAE (à gauche), la protéine basique de la La maladie peut être transmise
des cellules TH1 spécifiques
comparée avec une souris contrôle myéline avec l’adjuvant complet par transfert des cellules T
de Freund développent l’EAE de la protéine basique d’un animal malade
et sont paralysées de la myéline

IFN-γ TNF-α

TH1

paralysie paralysie

Fig. 14.13 Les cellules T spécifiques de la protéine basique de la est la protéine basique de la myéline (MBP). L’immunisation avec la
myéline sont responsables de l’inflammation du cerveau dans MBP seule en présence d’adjuvant complet de Freund peut également
l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE). Cette maladie provoquer ces symptômes de la maladie. L’inflammation du cerveau et
est induite chez des animaux de laboratoire par injection de moelle la paralysie sont déclenchées par les cellules TH1 et TH17 spécifiques
épinière homogénéisée dans de l’adjuvant complet de Freund. L’EAE de la MBP. Des clones de cellules TH1 spécifiques de la MBP peuvent
est due à une réaction inflammatoire dans le cerveau qui provoque une transférer les symptômes de l’EAE à des receveurs naïfs dans la mesure
paralysie progressive touchant en premier lieu la queue et l’arrière- où les receveurs sont porteurs de l’allèle du CMH qui convient. Dans ce
train (comme on le voit pour la souris de gauche sur la photographie, système, on a donc pu identifier le complexe peptide:CMH reconnu par
en comparaison avec une souris saine à droite) avant de progresser les clones TH1 qui transfèrent la maladie. D’autres composants purifiés
jusqu’à la paralysie des membres avant et finalement jusqu’à la mort. de la gaine de myéline peuvent également provoquer les symptômes de
L’un des autoantigènes identifiés dans l’homogénat de moelle épinière l’EAE. Il y a donc plus d’un autoantigène dans cette maladie.

maladie est de nature auto-immune et prouve également l’implication des agents


transférés dans le processus pathologique. Dans la myasthénie, le sérum de Myasthénie
patients touchés peut faire apparaître des symptômes de la maladie chez des ani-
maux receveurs, prouvant ainsi le rôle pathogénique des autoanticorps dirigés
contre le récepteur de l’acétylcholine (Fig. 14.12). De même, dans l’EAE, le modèle
animal de la sclérose en plaques, les cellules  T des animaux malades peuvent
transmettre la maladie à des animaux normaux (Fig. 14.13).
La grossesse est une expérience de la nature qui peut démontrer un rôle des anti-
corps dans la pathogénie de la maladie. Les anticorps IgG, mais pas les cellules T,
peuvent traverser le placenta (voir la Section 9-15). Pour certaines maladies auto-
immunes (Fig. 14.14), le transfert des anticorps à travers le placenta transmet la
maladie au fœtus ou au nouveau-né (Fig. 14.15). Ce qui prouve que ces autoan-
ticorps causent certains des symptômes de la maladie auto-immune. Les symp-
tômes de la maladie chez le nouveau-né disparaissent en général rapidement car
Fig. 14.14 Certaines maladies auto-
les anticorps maternels sont catabolisés, mais dans certains cas, les anticorps ont
immunes peuvent être transférées à travers
le placenta par des autoanticorps IgG
pathogènes. Ces maladies sont provoquées
Maladies auto-immunes transférées au fœtus et au nouveau-né à travers le placenta principalement par des autoanticorps qui sont
dirigés contre les molécules de surface ou de
Maladie Anticorps Symptôme la matrice extracellulaire ; ce qui suggère que
l’accessibilité de l’antigène à l’autoanticorps
Anti-récepteur est un facteur important puisqu’il détermine
Myasthénie Faiblesse musculaire si un autoanticorps qui traverse le placenta
de l’acétylcholine
est capable de provoquer une maladie chez
le fœtus ou le nouveau-né. Le bloc auriculo-
Anti-récepteur Hyperthyroïdie ventriculaire auto-immun est provoqué par
Maladie de Graves
de la TSH une fibrose, au cours de développement, du
tissu conducteur cardiaque, qui exprime en
abondance l’antigène Ro. La protéine Ro est
Purpura thrombopénique Anticorps anti-plaquettes Ecchymose et hémorragie
un constituant d’une petite ribonucléoprotéine
cytoplasmique. On ne sait pas encore si
Éruption du lupus néonatal Anticorps anti-R0 Éruption photosensible celle-ci est exprimée à la surface cellulaire du
et/ou bloc auriculo-ventriculaire Anticorps anti-La et bradycardie tissu conducteur cardiaque où elle serait la
cible de la réaction auto-immune. Néanmoins,
la liaison de l’autoanticorps aboutit à une
Pemphigus vulgaire Anti-desmogléine 3 Formation de bulles lésion tissulaire et à un ralentissement du
rythme cardiaque (bradycardie).
614 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Une patiente atteinte de maladie Le plasmaphérèse élimine


Transfert des anticorps à travers L’enfant nouveau-né souffre
de Graves produit les anticorps maternels
le placenta vers le fœtus de la maladie de Graves
des anticorps anti-TSHR anti-TSHR et guérit la maladie

Fig. 14.15 Suite au transfert transplacentaire d’anticorps, les enfants de dommages durables car les symptômes disparaissent en même temps
de mères atteintes de maladies auto-immunes dépendantes des que les anticorps maternels. Dans la maladie de Graves, les symptômes
anticorps peuvent souffrir du même syndrome. Chez les femmes sont provoqués par les anticorps contre le récepteur de la thyréostimuline
enceintes, les anticorps de classe IgG traversent le placenta et (TSH). Les enfants des mères produisant les anticorps qui stimulent la
s’accumulent chez le fœtus (voir Fig. 9.22). Les enfants nés de mères thyroïde naissent avec une hyperthyroïdie, mais on peut corriger celle-ci
atteintes d’une maladie auto-immune causée par des IgG ont donc en remplaçant le plasma par du plasma normal (plasmaphérèse), ce qui
fréquemment des symptômes similaires à ceux de la mère dans les permet d’éliminer les anticorps maternels.
quelques premières semaines de leur vie. Heureusement, il n’y a que peu

eu un temps suffisant pour provoquer des lésions chroniques comme les domma-
ges causés au tissu conducteur du cœur chez les enfants de mères atteinte de SLE
ou du syndrome de Sjögren. L’élimination des anticorps peut être accélérée par
échange du sang ou du plasma de l’enfant (plasmaphérèse), bien que ce ne soit pas
utile après une lésion permanente, comme dans un bloc cardiaque congénital.
Bien que ces maladies soient des exemples clairs qu’une fonction effectrice parti-
culière, une fois établie, peut causer des maladies, l’idée que la plupart des mala-
dies auto-immunes soient causées uniquement par une seule voie effectrice du
système immunitaire est trop simpliste. Il est plus pertinent de considérer que les
réponses auto-immunes, à l’instar des réponses immunitaires aux agents patho-
gènes, mobilisent l’ensemble du système immunitaire et donc en général les cel-
lules T, les cellules B et les cellules dendritiques. Par exemple, chez la souris NOD
(Non Obese Diabetic, diabétique non obèse), un modèle de diabète de type 1, la
maladie généralement considérée comme dépendant des cellules T, requiert au
début des cellules B. Dans ce cas, les cellules B fonctionnent probablement comme
cellules présentatrices d’antigènes essentielles pour les cellules  T, bien que les
détails exacts ne soient pas connus. La Fig. 14.16 reprend une sélection de mala-
dies auto-immunes avec les différents modes d’intervention pathogénique du sys-
tème immunitaire.
Fig. 14.16 Tous les modes d’action du
système immunitaire interviennent dans la
pathogénie des maladies auto-immunes.
Bien que l’on ait pensé traditionnellement que
Tous les modes d’action du système immunitaire interviennent dans les maladies auto-immunes
certaines maladies auto-immunes dépendaient
soit des cellules B soit cellules T, il convient Maladie Cellules T Cellules B Anticorps
de considérer que, généralement, tous les
modes d’action du système immunitaire Pathogéniques Présentent l’antigène
interviennent. Pour quatre maladies auto- Lupus érythémateux disséminé Auxiliaires aux cellules T Pathogéniques
immunes importantes, le tableau donne la des cellules B
liste des rôles des cellules T, cellules B et des
anticorps. Dans certaines maladies, comme le Présentent l’antigène Présents, mais
Diabète de type 1 Pathogéniques aux cellules T rôle incertain
lupus érythémateux disséminé, les cellules T
peuvent jouer plusieurs rôles, comme aider
les cellules B à produire des autoanticorps et Auxiliaires
Myasthénie Sécrétion d’anticorps Pathogéniques
provoquer directement des lésions tissulaires, des cellules B
alors que les cellules B peut aussi exercer
deux activités : présenter des autoantigènes Présentent l’antigène Présents, mais
Sclérose en plaques Pathogéniques aux cellules T rôle incertain
pour stimuler les cellules T sécréter des
autoanticorps.
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 615

14-11 Une maladie auto-immune chronique se développe par des rétroactions


positives de l’inflammation, l’impossibilité d’éliminer l’autoantigène
et l’élargissement de la réaction auto-immune.
Lorsque les réponses immunitaires normales entreprennent la destruction d’un
agent pathogène, l’issue est en général l’élimination de l’envahisseur, après quoi la
réaction immunitaire cesse, ne laissant qu’un groupe élargi de lymphocytes mémoire
(voir le Chapitre 10). Dans l’auto-immunité, cependant, l’autoantigène ne peut être
facilement éliminé, car il est en grand excès ou est ubiquitaire, comme c’est le cas
pour un autoantigène du LED, la chromatine. Ainsi, un mécanisme très important
pour limiter la portée d’une réponse immunitaire ne peut intervenir dans les mala-
dies auto-immunes. Au lieu de cela, celles-ci ont tendance à évoluer vers un état
chronique (Fig.  14.17). Il n’existe pas de cure pour ces maladies, une fois qu’elles
sont établies, à moins d’une greffe de moelle osseuse (voir la Section 14-35) qui rem-
place une bonne partie du système immunitaire à partir de nouvelles cohortes de
précurseurs cellulaires. Même ceci peut ne pas réussir à guérir la maladie.
En général, les maladies auto-immunes sont caractérisées par une phase d’acti-
vation durant laquelle seuls quelques autoantigènes sont impliqués. Elle est sui-
vie d’une phase chronique entretenue par la présence constante d’autoantigènes
entraînant une inflammation chronique et donc des lésions tissulaires qui libèrent
davantage d’autoantigènes à la suite de la rupture d’un obstacle important à l’auto-
immunité la « séquestration » ; celle-ci permet normalement à de nombreux anti-
gènes d’être tenus à l’écart du système immunitaire. Une autre conséquence de Fig. 14.17 Une inflammation causée
l’inflammation est la mobilisation de cellules effectrices non spécifiques comme par des autoanticorps peut entraîner la
les neutrophiles et les macrophages qui répondent aux cytokines et aux chimioki- libération d’autoantigènes à partir du tissu
endommagé, ce qui favorise l’activation
nes libérées par les tissus lésés (voir Fig. 14.17). Le résultat est un processus évolu- d’un plus grand nombre de cellules B
tif continu et autodestructeur. autoréactives. Les autoantigènes, en
particulier ceux qui sont intracellulaires et
Le passage à la phase chronique est habituellement accompagné d’une extension qui servent de cibles des autoanticorps du
de la réaction auto-immune à de nouveaux épitopes et à de nouveaux autoantigè- LED, ne stimulent les cellules B que lorsqu’ils
nes. Ce phénomène, qui est appelé extension épitopique (epitope spreading), joue sont libérés des cellules mourantes (premier
panneau). Le résultat est une activation des
un rôle important dans la chronicité et l’amplification de la maladie. Comme nous lymphocytes T et B autoréactifs et la sécrétion
l’avons vu au Chapitre 9, les lymphocytes B activés peuvent capter efficacement des d’autoanticorps (deuxième et troisième
antigènes par leurs récepteurs et les endocyter, les apprêter et présenter les pepti- panneaux). Ceux-ci peuvent endommager les
des dérivés aux cellules T. Un lymphocytes B autoréactif activé peut donc capter et tissus par diverses fonctions effectrices (voir le
Chapitre 9) et augmenter le nombre de cellules
apprêter un autoantigène dont il est spécifique, ce qui révèle divers nouveaux épi- mortes (quatrième panneau). Une boucle de
topes, auparavant cachés, d’où leur nom d’épitopes cryptiques, qu’il peut ensuite rétroaction positive est établie parce que ces
présenter aux cellules T. Les cellules T autoréactives en réponse à ces épitopes peu- autoantigènes supplémentaires recrutent
et activent d’autres cellules B autoréactives
vent alors apporter une aide à toute cellule  B présentant ce peptide et recruter
(cinquième panneau). Celles-ci, à leur tour,
d’autres clones de cellules B dans le foyer inflammatoire auto-immun, ce qui abou- relancent le cycle dont le début est schématisé
tit à la production d’une plus grande variété d’autoanticorps. Les cellules  B lient dans le premier panneau.

Les cellules B se différencient en Dans site agressé, des anticorps Plus de cellules B captent
Une cellule B circulante capte La cellule B est activée spécifiques d’autoantigènes
plasmocytes, qui sécrètent de des autoantigènes
des autoantigènes libérés par par une cellule T spécifique déclenchent une réaction
grandes quantités d’anticorps inflammatoire, causant et amplifient ainsi le cycle
des cellules endommagées d’un peptide du soi
spécifiques d’autoantigènes davantage de lésions d’agression tissulaire
616 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.18 L’extension épitopique a lieu Les cellules B activées


lorsque des cellules B spécifiques de Une cellule T auxiliaire spécifique de l’histone H1 active
se différencient en
divers composants d’un antigène complexe des cellules B spécifiques de H1 ; celles-ci apprêtent
plasmocytes qui sécrètent
sont stimulées par une cellule T auxiliaire les nucléosomes contenant H1 et présentent les peptides de H1
des anticorps anti-H1
autoréactive de spécificité unique. En cas
Cellule T
de LED, les patient produisent souvent des spécifique de H1
autoanticorps contre l’ADN et les histones,
composants protéiques des nucléosomes nucléosome
(les sous-unités de la chromatine), ou
contre d’autres complexes antigéniques. histone
L’explication la plus probable est que protéines
différentes cellules B autoréactives ont été Histone H1 ADN
activées par un clone unique de cellules T
autoréactives spécifiques d’un peptide de l’une
des protéines du complexe. Une cellule B se
liant à tout composant du complexe par ses
immunoglobulines de surface peut internaliser
tout le complexe, le dégrader et charger Cellule B
les peptides dérivés des histones sur les
molécules du CMH de classe II, qui stimulent Une cellule T auxiliaire spécifique de H1 active des cellules B La cellule B activée se
alors les cellules T. Celles-ci à leur tour activent spécifiques de l’ADN qui apprêtent le nucléosome différencie en plasmocytes
les cellules B. Ainsi, une cellule T spécifique et présentent les peptides de H1 sécréteurs d’anticorps anti-ADN
de l’histone H1 du nucléosome peut activer
une cellule B spécifique de l’histone (panneaux Cellule T
supérieurs) et une cellule B spécifique de spécifique de H1
l’ADN double brin (panneaux inférieurs).
Des cellules T de spécificités épitopiques
supplémentaires peuvent aussi être recrutées
dans la réaction de cette manière par des
cellules B présentatrices d’antigène porteuses
de divers complexes peptide:CMH à leur
surface.

Cellule B

et ingèrent leurs antigènes spécifiques reconnus par les anticorps leur servant de
récepteurs. Mais, ce faisant, ils peuvent également internaliser d’autres molécules
associées à l’antigène spécifique. Les cellules B peuvent alors agir en tant que cellu-
les présentatrices d’antigènes pour des peptides dérivés de protéines différentes de
l’autoantigène original qui pourrait avoir lancé la réaction auto-immune.
Lupus érythémateux disséminé Les autoanticorps produits dans le LED amorce ce mécanisme d’extension épito-
pique et antigénique. Dans cette maladie, les autoanticorps sont dirigés à la fois
contre des composants protéiques et l’ADN de la chromatine. La Fig. 14.18 montre
comment des cellules B autoréactives spécifiques de l’ADN permettent de recru-
ter, dans la réaction auto-immune, des cellules  T autoréactives spécifiques des
histones, des composants protéiques de la chromatine. À leur tour, ces cellules T
fournissent de l’aide non seulement aux cellules B originales spécifiques de l’ADN,
mais aussi aux cellules B spécifiques des histones, ce qui aboutit à la production
d’anticorps anti-ADN et anti-histones.
Une maladie auto-immune dans laquelle l’extension épitopique est liée à la progres-
Pemphigus vulgaire sion de la maladie est le pemphigus vulgaire, qui est caractérisé par la formation de
bulles dans la peau et les muqueuses. Elle est causée par des autoanticorps contre la
desmogléine, un type de cadhérine constituant les jonctions intercellulaires (des-
mosomes) assurant l’intégrité de l’épiderme. La liaison des autoanticorps aux domai-
nes extracellulaires de ces molécules d’adhérence cause la dissociation des jonctions
et la dégradation du tissu concerné. Le pemphigus vulgaire commence habituelle-
ment par des lésions de la muqueuse buccale et des organes génitaux, et s’étend plus
tard à la peau. Au stade des muqueuses, les autoanticorps ne reconnaissent que cer-
tains épitopes de la desmogléine Dsg-3, et ces anticorps semblent incapables de
faire apparaître les bulles cutanées. L’extension de la maladie à la peau est associée à
la fois à une extension épitopique au sein de la DSG-3, les nouveaux autoanticorps
pouvant provoquer d’importantes bulles cutanées, et à l’extension épitopique
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 617

atteignant une autre desmogléine, la DSG-1, qui est plus abondante dans l’épiderme.
La DSG-1 est aussi l’autoantigène dans une variante moins sévère de la maladie, le
pemphigus foliacé. Dans cette maladie, les autoanticorps d’abord produits contre la
DSG-1 ne causent pas de dommages ; la maladie n’apparaît qu’après que des auto-
anticorps aient été produits contre des épitopes localisés dans les parties de la pro-
téine impliquées dans l’adhérence des cellules de l’épiderme.

14-12 Les anticorps et les cellules T effectrices peuvent causer des lésions
tissulaires au cours des maladies auto-immunes.
Les manifestations d’une maladie auto-immune sont causées par des mécanismes
effecteurs du système immunitaire dirigés contre des tissus autologues. Comme
nous l’avons vu, la réponse est habituellement amplifiée et entretenue par l’ap-
port constant de nouveaux autoantigènes. Une importante exception à cette règle
générale est le diabète de type I ; la réaction auto-immune détruit complètement
l’organe cible, ce qui rend impossible la production d’insuline, l’un des principaux
autoantigènes dans cette maladie et c’est le manque d’insuline qui est responsable
des symptômes de la maladie.
Les mécanismes de lésion tissulaire dans l’auto-immunité peuvent être classés selon
le schéma adopté pour les réactions d’hypersensibilité (voir Fig.  14.19  ; voir aussi
Fig. 13.1). Il faut souligner, cependant, que des cellules B et T sont impliquées dans
toutes les maladies auto-immunes, même dans les cas où un type particulier de
réponse prédomine. L’antigène, ou le groupe d’antigènes, contre lequel la réponse
auto-immune est dirigée, et le mécanisme par lequel le tissu exprimant l’antigène est
endommagé, détermine à la fois la pathogénie et l’expression clinique de la maladie
Les maladies auto-immunes diffèrent des réponses d’hypersensibilité par le fait que les
réactions dépendantes de l’IgE, dites de type I, ne semblent pas jouer un rôle majeur.
Par contre, l’auto-immunité provoque fréquemment des lésions tissulaires par des
mécanismes analogues aux réactions d’hypersensibilité de type II. Dans cette forme
d’auto-immunité, les interactions des IgG ou IgM avec les autoantigènes localisés à la
surface cellulaire ou sur la matrice extracellulaire provoquent les lésions. Dans d’autres
cas d’auto-immunité, les lésions tissulaires peuvent être causées par des réponses de
type III induites par des complexes immuns contenant des autoanticorps dirigés contre
des autoantigènes solubles ; ces maladies auto-immunes sont systémiques et caracté-
risées par une vasculite (inflammation des vaisseaux sanguins) auto-immune. Dans le
LED, des autoanticorps causent des lésions par les mécanismes de type II et de type III.
Finalement, dans plusieurs maladies auto-immunes spécifiques d’organe, les cellu-
les TH1 et / ou les cellules T cytotoxiques sont les responsables directs des lésions. Dans
la plupart des maladies auto-immunes, plusieurs mécanismes de pathogénie immu-
nitaire opèrent. Notamment, les cellules T auxiliaires sont presque toujours nécessai-
res pour la production des autoanticorps pathogènes. Réciproquement, les cellules B
jouent souvent un rôle important dans l’activation maximale des cellules T qui provo-
quent les lésions ou renforcent la production d’autoanticorps (voir la Section 14-10).
Dans le diabète de type I et la polyarthrite rhumatoïde, par exemple, qui sont clas-
sées comme maladies dépendantes des cellules T, les mécanismes reposant tant sur
les cellules T que sur les anticorps contribuent aux lésions tissulaires. Le LED est un
exemple de maladie auto-immune que l’on croyait être due aux anticorps et aux com-
plexes immuns, mais l’on sait à présent qu’elle dépend aussi en partie de cellules T.
Nous allons d’abord examiner comment les autoanticorps provoquent des lésions tis-
sulaires, avant de terminer par la description des réponses autoréactives des cellules T
et leur rôle dans les maladies auto-immunes.

14-13 Les autoanticorps contre les cellules sanguines entraînent


leur destruction.
Les réponses IgG ou IgM contre les antigènes localisés à la surface de cellules san-
guines conduisent à la destruction rapide de celles-ci. L’anémie hémolytique auto-
618 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.19 Mécanismes des lésions


tissulaires dans les maladies auto- Maladies auto-immunes fréquentes classées selon leurs mécanismes pathogéniques
immunes. Les maladies auto-immunes
peuvent être regroupées de la même
façon que les réactions d’hypersensibilité,
Syndrome Autoantigène Conséquence
c’est-à-dire selon le type de réponse
immunitaire et le mécanisme qui provoque Type II : anticorps contre des antigènes de la surface cellulaire ou de la matrice
les lésions tissulaires. Les mécanismes
immunopathologiques provoquent des
Destruction des globules rouges
réactions d’hypersensibilité identiques à celles Anémie hémolytique Antigène des groupes
par le complément
représentées dans la Fig. 13.1, à l’exception auto-immune sanguins Rh, antigène I
et les phagocytes FcR+, anémie
des réactions de type IgE, qui ne constituent
pas une cause connue de maladies auto-
immunes. Certaines maladies auto-immunes Purpura Intégrine GpIIb:IIIa
Saignements anormaux
dans lesquelles l’antigène est un récepteur de trombocytopénique auto-immun des plaquettes
surface cellulaire et la pathologie due à une
altération de la signalisation sont répertoriées Domaine non collagène
Syndrome de Goodpasture Glomérulonéphrites,
dans la Fig. 14.23. Plusieurs mécanismes du collagène de type IV
hémorragie pulmonaire
interviennent en parallèle dans beaucoup des membranes basales
de maladies auto-immunes, comme l’illustre
bien l’arthrite rhumatoïde, dont la pathogénie Pemphigus vulgaire Cadhérine épidermique Bulles cutanées
relève de plus d’une catégorie de mécanismes
immunopathologiques.
Antigènes de la paroi des streptocoques. Arthrite, myocardite,
Rhumatisme articulaire aigu Des anticorps réagissent de manière cicatrices
croisée avec le muscle cardiaque dans les valvules cardiaques

Type III : maladie à complexes immuns

Cryoglobulinémie Complexes de facteur


rhumatoïde IgG (avec ou sans Vasculite systémique
essentielle mixte
les antigènes de l’hépatite C)
Voir cas divers
Complexes de facteurs
Arthrite rhumatoïde Arthrite
rhumatoïdes IgG

Type IV : maladie dépendante des cellules T

Antigène des cellules β


Diabète de type I Destruction des cellules β
du pancréas

Antigène inconnu Inflammation et destruction


Arthrite rhumatoïde de la synoviale articulaire des articulations

Protéine basique Invasion du cerveau


de la myéline, protéine par des cellules T CD4,
Sclérose en plaques
protéolipidique, glycoprotéine faiblesse musculaire et autres
des oligodendrocytes symptômes neurologiques

immune en est un exemple. Les anticorps contre des autoantigènes sur les globules
rouges provoquent la destruction de ces cellules, ce qui conduit à une anémie. Cela
peut se produire de deux façons différentes (Fig. 14.20). Les globules rouges portant
un anticorps de classe IgG ou IgM sont rapidement éliminés de la circulation par
Anémie hémolytique auto-immune l’interaction avec des récepteurs de Fc ou des récepteurs du complément présents
sur des cellules du système des phagocytes mononucléaires tissulaires; cela se pro-
duit surtout dans la rate. Par ailleurs, les globules rouges sensibilisés aux autoanti-
corps sont lysés par formation du complexe d’attaque membranaire du complément.
Dans le purpura thrombopénique auto-immun, les autoanticorps dirigés contre
le récepteur du fibrinogène GpIIb:IIIa sur les plaquettes causent une thrombopénie
(une déplétion plaquettaire), qui peut provoquer une hémorragie.
La lyse des cellules nucléées par le complément est plus rare car ces cellules sont
protégées par les protéines régulatrices du complément. Celles-ci exercent leur acti-
vité en interférant avec l’activation des composants du complément ainsi qu’avec
leur assemblage dans le complexe d’attaque membranaire (voir la Section 2-21).
Néanmoins, les cellules nucléées prises pour cible par les autoanticorps peuvent
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 619

Fig. 14.20 Les anticorps spécifiques


Globules rouges plus autoanticorps anti-GR d’antigènes de surface peuvent détruire
les cellules. Dans l’anémie hémolytique
auto-immune, les globules rouges (GR)
recouverts d’autoanticorps de type IgG dirigés
contre un antigène de surface cellulaire sont
rapidement éliminés de la circulation à la suite
de leur capture par le récepteur de Fc des
macrophages du système des phagocytes
mononucléaires tissulaires (panneau de
gauche). Les globules rouges recouverts
d’autoanticorps de type IgM fixent C3 et sont
éliminés par les macrophages porteurs des
récepteurs CR1 et CR3 dans le système
phagocytaire mononucléaire tissulaire (non
représenté). La capture et l’élimination par ces
Cellules FcR+ dans le système phagocytaire Activation du complément et hémolyse mécanismes surviennent principalement dans
mononucléaire tissulaire intravasculaire la rate. La liaison de certains autoanticorps
rares, qui fixent le complément de façon très
efficace, provoque la formation du complexe
d’attaque membranaire sur les globules rouges
et ainsi une hémolyse intravasculaire (panneau
de droite).

Phagocytose et destruction des GR Lyse et destruction des GR

encore être détruites par le système des phagocytes mononucléaires. Les autoan-
ticorps dirigés contre les neutrophiles, par exemple, provoquent une neutropé-
nie qui accroît la prédisposition aux infections à bactéries pyogènes. Dans tous
ces cas, l’élimination accélérée des cellules sensibilisées aux autoanticorps cause
leur disparition du sang. La splénectomie est une approche thérapeutique de ce
type d’auto-immunité, car la rate est l’organe dans lequel se produit principale-
ment l’élimination des globules rouges, des plaquettes et des leucocytes. Un autre
traitement est l’administration de grandes quantités d’IgG non spécifiques (IVIG,
IntraVenous ImmunoGlobulin), qui parmi d’autres mécanismes, inhibent par
compétition l’interaction des cellules couvertes d’anticorps avec les récepteurs de
Fc des phagocytes.

14-14 La fixation du complément aux cellules, même si elle ne déclenche


pas de lyse, induit une réaction inflammatoire puissante.

La fixation des anticorps IgG et IgM aux cellules dans les tissus provoque des lésions
inflammatoires par différents mécanismes. Comme pour les cellules sanguines, la
fixation du complément est l’un de ces mécanismes. Bien que les cellules nucléées
soient relativement résistantes à la lyse par le complément, l’assemblage de faibles
quantités de complexe d’attaque membranaire sur leur surface fournit un puissant
stimulus d’activation. Selon le type de cellule, l’interaction du complexe d’attaque
membranaire avec la membrane cellulaire, même s’il ne provoque pas de lyse,
peut déclencher la libération de cytokines, la stimulation du métabolisme oxyda-
tif ou la mobilisation des phospholipides membranaires qui génèrent de l’acide
arachidonique, le précurseur des prostaglandines et des leucotriènes (médiateurs
lipidiques de l’inflammation).
Dans les tissus, la plupart des cellules sont immobiles et les cellules du système
inflammatoire sont attirées vers elles grâce à des molécules chimiotactiques. Le
fragment de complément C5a est l’une de ces molécules. Il est libéré lors de l’ac-
tivation du complément, elle-même déclenchée par la liaison des autoanticorps.
D’autres agents chimiotactiques, comme le leucotriène B4, peuvent être libérés par
620 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

les cellules recouvertes par les autoanticorps. Les leucocytes inflammatoires sont
ensuite activés en se liant aux régions Fc des autoanticorps et aux fragments C3 du
complément fixés aux cellules. Des lésions tissulaires peuvent encore être induites
par les produits des leucocytes activés et par la cytotoxicité cellulaire dépendant
des anticorps et exercée par des cellules NK (voir Section 9-23).
Un exemple probable de ce type d’auto-immunité est la thyroïdite de Hashimoto,
maladie dans laquelle les autoanticorps contre des antigènes tissulaires spéci-
fiques, tels que la peroxydase thyroïdienne et la thyroglobuline, se retrouvent à
des taux très élevés pendant des laps de temps prolongés. Une cytotoxicité directe
dépendante des cellules  T, dont nous parlerons plus tard, est sans doute aussi
impliquée dans cette maladie.

14-15 Des autoanticorps dirigés contre des récepteurs provoquent des


maladies en stimulant ou en bloquant la fonction de ces récepteurs.

Une classe particulière de réaction d’hypersensibilité de type II survient lorsqu’un


autoanticorps se lie à un récepteur de surface. Un anticorps qui se lie à un récepteur
peut soit le stimuler, soit bloquer la stimulation induite par le ligand naturel. Dans la
maladie de Graves, des autoanticorps dirigés contre le récepteur de la TSH (Thyroid-
Myasthénie Stimulating Hormone) sur les cellules thyroïdiennes stimule la production excessive
d’hormone thyroïdienne. La production de ce type d’hormone est habituellement
soumise à un rétrocontrôle négatif, des taux élevés d’hormone thyroïdienne inhi-
bant la libération de TSH par l’hypophyse. Dans la maladie de Graves, l’inhibition ne
peut s’exercer puisque les autoanticorps continuent à stimuler le récepteur en l’ab-
sence de TSH ; les patients souffrent alors d’hyperthyroïdie (Fig. 14.21).

Fig. 14.21 Le rétrocontrôle de la production


d’hormones thyroïdiennes est interrompu L’hypophyse sécrète la TSH qui agit Une cellule B auto-immune produit des anticorps
dans la maladie de Graves. La maladie de sur la thyroïde pour induire la libération contre le récepteur de la TSH qui stimulent
Graves est causée par des autoanticorps d’hormones thyroïdiennes la production d’hormones thyroïdiennes
spécifiques du récepteur de la thyréostimuline
(TSH). Normalement, les hormones
thyroïdiennes sont produites en réponse à hypophyse
la TSH et limitent leur propre production en
inhibant la sécrétion de TSH par l’hypophyse
(panneaux de gauche). Dans la maladie de
Graves, les autoanticorps sont agonistes TSH
du récepteur de la TSH et stimulent donc
la production d’hormones thyroïdiennes follicule
(panneaux de droite). Les hormones thyroïdien
thyroïdiennes inhibent la production de TSH
d’une façon normale, mais ne modifient pas
la production de l’autoanticorps ; la production
excessive d’hormones thyroïdiennes induite de hormones
cette manière cause de l’hyperthyroïdie. thyroïdiennes

Les hormones thyroïdiennes agissent Les hormones thyroïdiennes inhibent la production


sur l’hypophyse pour arrêter la production de TSH mais n’ont aucun effet sur la production
de TSH, supprimant ainsi la synthèse des des autoanticorps qui continuent à induire une
hormones thyroïdiennes (rétrocontrôle négatif) production excessive d’hormones thyroïdiennes
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 621

Fig. 14.22 Les autoanticorps inhibent


Processus normaux à la jonction neuromusculaire Myasthénie la fonction des récepteurs dans la
myasthénie. Dans des circonstances
normales, l’acétylcholine, libérée à la jonction
neuromusculaire par les neurones moteurs
stimulés, se lie aux récepteurs d’acétylcholine
influx nerveux influx nerveux
sur les cellules des muscles squelettiques,
ce qui déclenche la contraction musculaire
(panneau de gauche). La myasthénie est
causée par des autoanticorps contre la sous-
unité α du récepteur de l’acétylcholine. Ces
récepteurs afflux de Na+ autoanticorps se lient au récepteur sans
de l’acétylcholine contraction musculaire
internalisation et dégradation pas d’afflux de Na+ l’activer et provoquent aussi l’internalisation
Μuscle des récepteurs de l’acétylcholine pas de contraction musculaire et la dégradation du récepteur (panneau de
droite). Comme le nombre de récepteurs sur le
muscle est diminué, le muscle devient moins
Dans la myasthénie, des autoanticorps dirigés contre la chaîne  α du récepteur sensible à l’acétylcholine.
nicotinique de l’acétylcholine, exprimés sur les cellules des muscles squelettiques
au niveau des jonctions neuromusculaires, peuvent bloquer la transmission neu-
romusculaire. On pense que les anticorps induisent l’internalisation et la dégrada-
tion intracellulaire des récepteurs de l’acétylcholine (Fig. 14.22). Chez les patients
atteints de myasthénie, la faiblesse qui résulte de la maladie auto-immune s’ac-
croît progressivement et peut mener à la mort. Les maladies provoquées par les
autoanticorps qui agissent comme agonistes ou antagonistes des récepteurs de
surface sont répertoriées dans la Fig. 14.23.

14-16 Les autoanticorps dirigés contre des antigènes extracellulaires


provoquent des lésions inflammatoires par des mécanismes
analogues aux réactions d’hypersensibilités de type II et III.

Les réactions des anticorps avec les molécules de la matrice extracellulaire ne sont
pas fréquentes, mais elles peuvent causer de sérieux dégâts. Dans le syndrome de
Goodpasture, un exemple de réaction d’hypersensibilité de type II (voir Fig. 13.1),
des anticorps dirigés contre la chaîne  α3 du collagène de la membrane basale
(collagène de type IV) se lient aux membranes basales des glomérules rénaux
(Fig. 14.24a) et, dans certains cas, aux membranes basales des alvéoles pulmonai-
res, ce qui déclenche une maladie rapidement mortelle en absence de traitement.
Les autoanticorps fixés à la membrane basale, en se liant aux récepteurs de Fcγ,
activent des monocytes, des neutrophiles, des basophiles tissulaires et des masto-
cytes. Ceux-ci libèrent des chimiokines qui attirent une nouvelle vague de neutro-
philes dans les glomérules, induisant de graves lésions tissulaires (Fig. 14.24b). Les
autoanticorps provoquent également une activation locale du complément qui
peut aggraver les dommages.

Fig. 14.23 Maladies auto-immunes causées


Maladies induites par des autoanticorps dirigés contre des récepteurs de surface par des autoanticorps contre les récepteurs
de surface. Ces anticorps ont des effets
différents selon qu’ils exercent une activité
Syndrome Antigène Conséquences
agoniste (qui stimule) ou antagoniste (qui
inhibe) sur le récepteur. Remarquez que
Maladie de Graves Récepteur Hyperthyroïdie différents autoanticorps contre le récepteur de
de la thyréostimuline l’insuline peuvent soit stimuler, soit inhiber la
signalisation.
Myasthénie Récepteur de l’acétylcholine Faiblesse progressive

Diabète insulinorésistant Récepteur de l’insuline Hyperglycémie, cétoacidose


(diabète de type 2) (antagoniste)

Hypoglycémie Récepteur de l’insuline (agoniste) Hypoglycémie

IgE liée à son récepteur


Urticaire chronique Éruption et prurit persistant
ou récepteur de l’IgE (agoniste)
622 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Des complexes immuns sont formés chaque fois que des anticorps réagissent avec
un antigène soluble (voir Appendice I, Section A-8). Normalement, ils sont éliminés
efficacement par des globules rouges exprimant les récepteurs du complément et par
des phagocytes mononucléaires, qui possèdent des récepteurs du complément et des
récepteurs de Fc. Aussi, ces complexes causent peu de dommages tissulaires. Ce sys-
tème d’élimination peut cependant échouer dans trois circonstances. La première
correspond au moment qui suit l’injection de quantités importantes d’antigènes. Cet
apport massif induit la formation de complexes immuns en telle abondance que les
a mécanismes normaux de leur élimination sont submergés. La maladie sérique en
est un exemple (voir Section 13-18). Elle est provoquée par une injection de gran-
des quantités de protéines sériques. Cette maladie transitoire disparaît lorsque les
complexes immuns sont éliminés. La deuxième circonstance concerne les infections
chroniques, comme l’endocardite bactérienne, dans laquelle la réponse immunitaire
C
contre les bactéries logées dans les valvules cardiaques se révèle impuissante. La libé-
ration continue d’antigènes par le foyer infectieux en présence d’une forte produc-
tion d’anticorps antibactériens cause des lésions étendues par le dépôt de complexes
N B immuns dans les petits vaisseaux sanguins d’organes tels que le rein et la peau.
Troisièmement, une partie de la pathogénie du LED peut aussi être attribuée à un
b
échec dans l’élimination des complexes immuns. Dans le LED, des anticorps IgG
sont produits de manière chronique contre des autoantigènes présents dans toutes
Fig. 14.24 Les autoanticorps qui réagissent les cellules nucléées. Trois particules nucléoprotéiques intracellulaires sont les anti-
avec la membrane basale des capillaires du
glomérule rénal provoquent une maladie
gènes principaux : les sous-unités de la chromatine, c’est-à-dire les nucléosomes, le
glomérulaire inflammatoire connue sous spliceosome et un petit complexe ribonucléoprotéique cytoplasmique contenant
le nom de syndrome de Goodpasture. Les deux protéines connues sous le nom de Ro et La (nommées ainsi car ce sont les deux
panneaux montrent des coupes de glomérules première lettres des patronymes des deux patients chez qui les autoanticorps contre
rénaux provenant de biopsies prélevées
chez des patients atteints du syndrome de
ces protéines ont été découverts). Pour que ces autoantigènes participent à la forma-
Goodpasture. Panneau a, glomérule coloré tion des complexes auto-immuns, ils doivent être accessibles en dehors des cellules.
par immunofluorescence pour montrer le Les autoantigènes du LED sont exposés sur des cellules mortes ou en train de mou-
dépôt d’IgG. Les anticorps dirigés contre la rir et sont libérés par des tissus lésés. Dans le LED, de grandes quantités d’antigènes
membrane basale des glomérules (en vert)
son déposés de façon linéaire le long de la sont disponibles, donc un grand nombre de petits complexes immuns sont produits
membrane basale des capillaires du glomérule en continu et sont déposés dans les parois des petits vaisseaux du glomérule rénal,
rénal. L’autoanticorps provoque une activation dans la membrane basale glomérulaire (Fig. 14.25), dans les articulations ainsi que
locale des cellules portant le récepteur de dans d’autres organes. Ces complexes induisent l’activation des cellules phagocytai-
Fc, l’activation du complément et un afflux
de neutrophiles. Panneau b, la coloration res par l’intermédiaire de leurs récepteurs de Fc. Les lésions tissulaires qui en décou-
par l’hématoxyline et l’éosine d’une coupe lent libèrent plus de complexes nucléoprotéiques, qui forment à leur tour plus de
à travers un glomérule rénal montre que le complexes immuns. Durant ce processus, des cellules T autoréactives sont égale-
glomérule est comprimé par la formation d’un
croissant (C) de cellules mononucléaires qui
ment activées, mais leur spécificité est moins bien connue. Les modèles animaux de
prolifèrent dans la capsule de Bowman (B). On LED ne peuvent être induits sans l’aide de cellules T et celles-ci peuvent être directe-
observe un afflux de neutrophiles (N) dans la ment pathogéniques, formant une partie des infiltrats cellulaires dans la peau et les
pelote vasculaire. Clichés de M. Thompson et zones interstitielles rénales. Comme nous le verrons dans la prochaine section, les
D. Evans.
cellules T contribuent à la maladie auto-immune de deux manières : en aidant les
cellules B à produire des anticorps, comme dans une réponse immunitaire normale
dépendante des cellules  T, et par des fonctions effectrices directes des cellules  T
lorsqu’elles infiltrent et détruisent des tissus cibles comme la peau, l’interstitium
Lupus érythémateux disséminé rénal et les vaisseaux. Finalement, l’inflammation déclenchée dans ces tissus peut
causer suffisamment de dommages que pour tuer le patient.

14-17 Les cellules T spécifiques des antigènes du soi peuvent causer des
lésions tissulaires directes et soutenir la production d’autoanticorps.

Il est bien plus difficile de démontrer l’existence des cellules T autoréactives que de
démontrer la présence d’autoanticorps. Tout d’abord, les cellules T humaines auto-
réactives ne peuvent pas être utilisées pour transférer la maladie à des animaux
de laboratoire. En effet, la reconnaissance des cellules T est limitée par le CMH, et
les animaux et les humains ont des allèles du CMH différents. Ensuite, il est diffi-
cile d’identifier l’antigène reconnu par une cellule  T. Par exemple, les autoanti-
corps peuvent être utilisés pour marquer les tissus du soi afin de révéler la présence
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 623

Dépôts protéiques denses

a b c

de l’autoantigène, tandis que les cellules T ne peuvent pas être utilisées à ces fins. Fig. 14.25 Au cours du lupus érythémateux
Néanmoins, il existe des preuves irréfutables concernant l’implication des cellules T disséminé (LED), le dépôt de complexes
immuns dans le glomérule rénal provoque
autoréactives dans plusieurs maladies auto-immunes. Dans le diabète insulinodé- une insuffisance rénale. Panneau a, coupe
pendant de type I, les cellules β produisant l’insuline dans les îlots de Langerhans d’un glomérule rénal d’un patient atteint de
du pancréas sont détruites de façon sélective par des cellules T cytotoxiques spécifi- LED ; elle montre que le dépôt de complexes
ques. Dans des cas exceptionnels où des patients diabétiques ont subi une transplan- immuns a provoqué un épaississement
de la membrane basale des capillaires du
tation de la moitié du pancréas de leur jumeau homozygote, les cellules β du tissu glomérule rénal, ce qui apparaît sous la forme
greffé ont été détruites rapidement et sélectivement par les cellules T du receveur. de « canaux » clairs parcourant le glomérule.
On peut éviter une rechute grâce à la ciclosporine A (voir Chapitre 14), un médica- Panneau b, sur une coupe similaire, des
anticorps anti-immunoglobulines fluorescents
ment immunosuppresseur (voir Chapitre 15) qui inhibe l’activation des cellules T.
révèlent des dépôts d’immunoglobulines
On peut identifier les autoantigènes reconnus par les cellules T CD4 en ajoutant de sur la membrane basale. Panneau c, en
microscopie électronique, les complexes
cellules ou des tissus contenant des autoantigènes à des cultures de leucocytes mono- immuns sont visibles sous forme de dépôts
nucléaires du sang et en testant la réaction des cellules CD4 provenant d’un patient protéiques denses entre les membranes
auto-immun. Si l’autoantigène est présent, il devrait être présenté efficacement, puis- basales des capillaires du glomérule rénal et
les cellules épithéliales rénales. Les leucocytes
que des phagocytes dans la culture leucocytaire peuvent capter une protéine extra-
neutrophiles sont également présents, attirés
cellulaire, la dégrader dans des vésicules intracellulaires, et présenter les peptides sur par les dépôts de complexes immuns. Clichés
des molécules du CMH de classe II. L’indentification de peptides autoantigéniques de H.T. Cook et M. Kashgarian.
est particulièrement difficile dans des maladies auto-immunes dues aux cellules T
CD8 car dans ce cas les autoantigènes reconnus ne sont pas présentés dans ce type de
culture. Les peptides présentés par les molécules du CMH de classe I doivent en géné-
ral être produits par les cellules cibles elles-mêmes (voir Chapitre  5)  ; des cellules
intactes des tissus cibles provenant du patient doivent donc être utilisées pour étudier
les cellules T CD8 autoréactives responsables des lésions tissulaires. Cependant, la
pathogénie de la maladie peut elle-même livrer des indices sur l’identité de l’antigène
dans certaines maladies induites par les cellules T CD8. Par exemple, dans le diabète
de type I, les cellules β produisant l’insuline dans les îlots pancréatiques de Langerhans
semblent être directement visées et détruites par les cellules T CD8 (Fig. 14.26). Cela Greffe rénale à la suite
suggère qu’une protéine unique des cellules β semble être la source du peptide de complications d’un diabète
reconnu par les cellules T CD8 pathogènes. Des études dans le modèle de souris NOD auto-immun insulinodépendant
atteintes de diabète de type I ont montré que des peptides de l’insuline sont reconnus
par les cellules CD8 pathogènes, ce qui confirme le rôle de l’insuline comme l’un des
principaux autoantigènes dans ce modèle de diabète.
La sclérose en plaques est un exemple de maladie neurologique chronique dépen-
dante des cellules T ; elle est causée par une réaction immunitaire destructive contre
plusieurs antigènes du cerveau, notamment la protéine basique de la myéline
(MBP, Myelin Basic Protein), la protéine protéolipidique (PLP, ProteoLipid Protein)
et la glycoprotéine des oligodendrocytes de la myéline (MOG, Myelin Oligodendrocyte Sclérose en plaques
Glycoprotein). Elle tire son nom des lésions dures (scléreuses), ou plaques, qui se
développent dans la substance blanche du système nerveux central. Ces lésions
montrent la dégradation de la myéline qui, normalement, enveloppe les axones des
cellules nerveuses, avec des infiltrats inflammatoires de lymphocytes et de macro-
phages en particulier le long des vaisseaux sanguins. Les patients atteints de sclé-
rose en plaques développent divers symptômes neurologiques  : faiblesse
musculaire, ataxie, cécité et paralysie des membres. Les lymphocytes et les autres
cellules du sang ne franchissent normalement pas la barrière hémato-encéphali-
que, mais si le cerveau et ses vaisseaux sanguins sont enflammés, cette barrière est
624 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.26 La destruction sélective


des cellules β pancréatiques dans le Les îlots de Langerhans contiennent Dans le diabète de type 1, Le glucagon et la somatostatine
diabète insulinodépendant indique plusieurs types cellulaires qui une cellule T effectrice reconnaît sont encore produites
que l’autoantigène est produit dans sécrètent différentes hormones des peptides venant par les cellules 𝛂 et 𝛅
Chaque cellule exprime des d’une protéine spécifique mais l’insuline ne l’est plus
les cellules β et exprimé à leur surface.
protéines spécifiques différentes des cellules 𝛃 et tue la cellule 𝛃
Dans le diabète insulinodépendant, on
observe une destruction très spécifique des
cellules β qui produisent l’insuline dans les
îlots pancréatiques de Langerhans alors que
Glucagon Insuline Somatostatine CTL
les autres types de cellules d’îlots (α et δ)
sont épargnés. Ce mécanisme est reproduit
schématiquement dans les panneaux du haut.
Dans les panneaux du bas, les îlots de souris
normales (à gauche) et diabétiques (à droite)
sont marqués pour l’insuline (brun), ce qui
Cellule α Cellule β Cellule δ
permet l’identification des cellules β, et pour le
glucagon (noir), ce qui permet l’identification
des cellules α. Remarquez les lymphocytes
qui infiltrent l’îlot chez la souris diabétique
(à droite) et la perte sélective des cellules β
(brun), tandis que les cellules α (noir) sont
épargnées. La morphologie caractéristique
de l’îlot est également modifiée suite à la
destruction des cellules β. Clichés de I. Visintin.

Fig. 14.27 La pathogénie de la sclérose


en plaques. Sur les sites de l’inflammation,
rompue. Lorsque cela se produit, les cellules T CD4 activées autoréactives envers
les cellules T activées dirigées contre les des antigènes du cerveau et exprimant l’intégrine α4:β1 peuvent se lier aux molécu-
antigènes du cerveau peuvent traverser la les d’adhérence des cellules vasculaires (VCAM, Vascular Cell Adhesion Molecules)
barrière hémato-encéphalique et entrer dans à la surface de l’endothélium activé des veinules (voir la Section 10-6), ce qui per-
le cerveau, où elles rencontrent à nouveau
leurs antigènes des cellules microgliales et met aux lymphocytes T de sortir du vaisseau sanguin. Là, ils rencontrent à nouveau
sécrètent des cytokines comme l’IFN-γ. La leurs autoantigènes présentés par les molécules du CMH de classe II sur les cellules
production de cytokines par des cellules T microgliales (Fig.  14.27). La microglie sont des cellules phagocytaires de type
et des macrophages aggrave l’inflammation macrophage du système immunitaire inné résidant dans le système nerveux cen-
et provoque un nouvel afflux de cellules du
sang (y compris les macrophages, cellules tral et, à l’instar des macrophages, peuvent agir comme cellules présentatrices d’an-
dendritiques, et cellules B) et de protéines tigène. L’inflammation augmente la perméabilité vasculaire et le site devient très
de sang (comme le complément) dans le site infiltré par les cellules  T et des macrophages activés, qui produisent des cytoki-
affecté. Les mastocytes sont aussi activés.
nes TH1, comme l’IFN-γ, qui exacerbent l’inflammation, entraînant la poursuite du
Les rôles respectifs de ces composants dans
la démyélinisation et la perte de fonction recrutement des cellules T, cellules B, macrophages et cellules dendritiques dans le
neuronale ne sont pas encore bien compris. site de la lésion. Des cellules B autoréactives produisent des autoanticorps contre
SNC, système nerveux central. les antigènes de la myéline, avec l’aide de cellules T. Des mastocytes activés libèrent

Un agent inconnu déclenche un Les cellules T spécifiques


d'antigènes du SNC et activées dans Réaction inflammatoire dans le
foyer inflammatoire dans le cerveau les tissus lymphoïdes périphériques cerveau provoquée par : activation
et la barrière hémato-encéphalique Démyélinisation des neurones
rencontrent à nouveau un antigène des mastocytes, activation du
devient perméable localement aux présenté sur la microglie ou des complément, anticorps et cytokines
leucocytes et protéines du sang cellules dendritiques dans le cerveau

neurone
cellule T

C3

myéline

cellule microgliale
C1q Tissu
cérébral oligodendrocyte
Maladies auto-immunes et mécanismes pathogènes 625

Un agent inconnu déclenche un Des cellules T CD4 autoréactives Les MPM attaquent les tissus.
activent des macrophages, ce qui Des cytokines induisent la
foyer inflammatoire initial dans la production de MPM et du ligand Activation des ostéoclastes
membrane synoviale, attirant les aboutit à la production de ostéolytiques destructeurs
cytokines pro-inflammatoires et à de RANK par des fibroblastes
leucocytes dans le tissu de l’articulation
une inflammation soutenue

ostéoclaste

TNF-α

IL-6

ligand cartilage
MPM de RANK
fibroblastes Articulation
cytokines

de l’histamine, ce qui contribue à l’inflammation. La combinaison de ces activités Fig. 14.28 Pathogénie de l’arthrite
aboutit à la démyélinisation et aux perturbations de la fonction neuronale. rhumatoïde. L’inflammation de la membrane
synoviale, déclenchée par un agent inconnu,
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie chronique caractérisée par l’in- attire des lymphocytes autoréactifs et des
flammation de la synoviale (la membrane qui tapisse l’intérieur d’une articulation). macrophages dans le tissu enflammé. Des
cellules T CD4 effectrices autoréactives
La synoviale enflammée envahit progressivement et endommage le cartilage, puis activent les macrophages, avec production de
érode l’os (Fig. 14.28). Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde souffrent de cytokines pro-inflammatoires comme
douleur chronique et sont handicapés par la perte de fonction articulaire. L’arthrite l’IL-1, l’IL-6, l’IL-17 et le TNF-α. Les fibroblastes
activés par les cytokines produisent des
rhumatoïde a d’abord été considérée comme une maladie auto-immune due prin-
métalloprotéases matricielles (MPM), qui
cipalement aux cellules B productrices d’anticorps anti-IgG appelés facteur rhuma- contribuent à la destruction tissulaire. La
toïde (voir la Section 14-4). Toutefois, l’identification du facteur rhumatoïde chez cytokine de la famille du TNF, le ligand de
certaines personnes en bonne santé, et son absence chez certains patients atteints RANK, exprimée par les cellules T et les
fibroblastes dans l’articulation enflammée,
d’arthrite rhumatoïde, a suggéré que des mécanismes plus complexes étaient impli- est le principal activateur des ostéoclastes,
qués. La découverte de l’association de la polyarthrite rhumatoïde à des gènes par- responsables de l’ostéolyse. Des anticorps
ticuliers du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II, HLA-DR, a dirigés contre plusieurs protéines articulaires
suggéré que les cellules T étaient impliquées dans la pathogénie de cette maladie. sont également produits (non montré), mais
leur rôle dans la pathogénie est incertain.
Dans l’arthrite rhumatoïde, comme dans la sclérose en plaques, des cellules T CD4
autoréactives sont activées par des cellules dendritiques et des cytokines inflam-
matoires produites par les macrophages. Une fois activées, les cellules T autoréacti-
ves aident les cellules B à se différencier en plasmocytes producteurs d’anticorps
arthritogènes. Des autoantigènes, comme le collagène de type II, des protéogly-
cans, l’agrécan, une protéine de liaison du cartilage et des protéines de choc ther-
mique ont été proposées comme des antigènes potentiels en raison de leur capacité
d’induire une arthrite chez la souris. Leur rôle pathogène chez l’homme reste
cependant incertain. Les cellules  T activées produisent des cytokines, qui à leur
tour stimulent la production, par les monocytes / macrophages, les cellules endo-
théliales et les fibroblastes, de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α, l’IL-1
et l’IFN-γ, ou de chimiokines (CXCL8, CCL2), et enfin des métalloprotéases matri-
cielles, responsables de la destruction tissulaire. Toutefois, on doit réaliser que dans Polyarthrite rhumatoïde
l’arthrite rhumatoïde, comme dans beaucoup d’autres maladies auto-immunes,
nous ne savons pas encore comment la maladie commence. Des modèles d’arthrite
rhumatoïde chez la souris nous enseignent que les cellules  T et cellules  B sont
nécessaires pour déclencher la maladie, parce que les souris dépourvues de cellu-
les T CD3+ ou de cellules B ne développent pas la maladie.

Résumé.
Les maladies auto-immunes peuvent être classées en deux catégories  : celles qui
touchent un organe spécifique et celles qui touchent les tissus dans tout l’orga-
nisme. Les maladies auto-immunes spécifiques d’organe sont le diabète, la sclérose
en plaques, la myasthénie et la maladie de Graves. Dans chaque cas, les fonctions
626 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

effectrices s’attaquent à des autoantigènes restreints à certains organes : les cellu-


les  β du pancréas productrices d’insuline (diabète), la myéline qui enveloppe les
axones dans le système nerveux central (sclérose en plaques) et le récepteur de la
thyréostimuline (maladie de Graves). En revanche, les maladies systémiques telles
que le lupus érythémateux disséminé (LED) causent de l’inflammation dans de mul-
tiples tissus parce que leurs autoantigènes, qui comprennent la chromatine et des
ribonucléoprotéines, se trouvent dans chaque cellule du corps. Les maladies systé-
miques, en particulier, ont tendance à être actives de manière chronique si elles ne
sont pas traitées, puisque leurs autoantigènes ne peuvent pas disparaître. Une autre
façon de classer les maladies auto-immunes se base sur les fonctions effectrices qui
sont les plus importants dans la pathogénie. Il est évident, cependant, que de nom-
breuses maladies que l’on croyait jadis dépendre uniquement d’une fonction effec-
trice, sont liées en fait à la participation de plusieurs d’entre elles. De cette manière,
les maladies auto-immunes ressemblent aux réponses immunitaires dirigées contre
les pathogènes qui, généralement, suscitent les activités de plusieurs effecteurs.
Pour qu’une maladie soit définie comme auto-immune, il faut montrer que les lésions
tissulaires sont causées par une réponse immunitaire adaptative contre des antigènes
du soi. La preuve la plus convaincante permettant d’affirmer que la réponse immu-
nitaire est en cause dans l’auto-immunité réside dans le transfert de la maladie à un
receveur approprié par le composant actif de la réponse immunitaire. Les maladies
auto-immunes dépendent de lymphocytes autoréactifs et / ou de leurs produits solu-
bles, les cytokines pro-inflammatoires et les autoanticorps responsables de l’inflam-
mation et des lésions tissulaires. Quelques maladies auto-immunes sont causées par
des anticorps qui se lient à des récepteurs de surface, entraînant soit un excès d’ac-
tivité ou une inhibition de la fonction des récepteurs. Dans ces maladies, le passage
transplacentaire naturel des autoanticorps IgG peuvent causer des maladies chez le
fœtus et le nouveau-né. Les lymphocytes T peuvent être directement impliqués dans
l’inflammation ou la destruction cellulaire, et ils sont également nécessaires au sou-
tien de la production des autoanticorps. De même, les cellules B sont d’importantes
cellules présentatrices d’antigènes requises pour les réponses des cellules T spécifi-
ques d’autoantigènes et pour l’extension épitopique. En dépit de nos connaissances
des mécanismes de lésions tissulaires et des approches thérapeutiques que ces infor-
mations ont suscitées, la question la plus profonde et la plus importante reste sans
réponse : comment la réaction auto-immune est-elle induite ?

Les bases génétiques et environnementales


de l’auto-immunité.
Compte tenu de la complexité et la variété des mécanismes qui existent pour
empêcher l’auto-immunité, il n’est pas surprenant que les maladies auto-immu-
nes soient la conséquence de multiples facteurs, génétiques et environnemen-
taux. Nous décrirons d’abord les bases génétiques de l’auto-immunité, en essayant
de comprendre comment les défauts génétiques perturbent les différents méca-
nismes de tolérance. Cependant, des défauts génétiques ne sont pas toujours suf-
fisants pour causer la maladie auto-immune. Des facteurs environnementaux
comme des toxines, des médicaments et des infections jouent également un rôle,
bien que ces facteurs soient mal connus. Comme nous allons le voir, les facteurs
génétiques et environnementaux, ensemble, peuvent surmonter les mécanismes
de tolérance et aboutir à une maladie auto-immune.

14-18 Les maladies auto-immunes ont une forte composante génétique.

Bien que les causes de l’auto-immunité soient encore recherchées, il est clair que cer-
taines personnes sont génétiquement prédisposées à l’auto-immunité. La démons-
tration la plus claire est fournie par les différentes souches de souris consanguines qui
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 627

sont sujettes à divers types de maladies auto-immunes. Par exemple, des souris de la mâle
souche NOD deviennent très souvent diabétiques et les femelles le deviennent plus femelle
rapidement que les mâles (Fig.  14.29). Beaucoup de maladies auto-immunes sont 100
plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes (voir Fig. 14.33), bien que par-

Incidence du diabète (%)


fois ce soit le contraire. Les maladies auto-immunes chez l’homme ont également une 80

composante génétique. Certaines maladies auto-immunes, notamment le diabète de


60
type 1, sont familiales, ce qui suggère une prédisposition génétique. L’observation la
plus convaincante est celle des jumeaux identiques (monozygotes) ; si l’un est affecté,
40
l’autre court un grand risque de le devenir également, alors que la concordance de la
maladie est beaucoup moindre chez les jumeaux non identiques (dizygotes). 20

Les facteurs environnementaux sont aussi clairement en cause. Par exemple, bien
0
que la plupart des souris NOD deviennent diabétiques, elles le deviendront à des 10 15 20 25 30
âges différents (voir Fig. 14.29). En outre, le moment de l’apparition de la mala- Âge (semaines)
die diffère souvent d’une colonie animale à l’autre, même si toutes les souris sont
génétiquement identiques. Ainsi, des facteurs environnementaux doivent détermi-
ner, en partie, le délai d’apparition du diabète ; quelques animaux peuvent même Fig. 14.29 Différences entre sexes dans
l’incidence d’une maladie auto-immune.
échapper à la maladie. On tire le même enseignement de l’étude des jumeaux
De nombreuses maladies auto-immunes
identiques. Pour le LED, même si la maladie survient chez les deux jumeaux dans sont plus fréquentes dans le sexe féminin
environ 25 % des cas lorsqu’ils sont monozygotes, la proportion générale est beau- que dans le sexe mâle comme le montre ici
coup plus élevée que le risque normal d’attraper cette maladie. Néanmoins, le taux l’incidence cumulative de diabète dans une
population de souris NOD prédisposées aux
de concordance est loin d’atteindre 100 %. Des facteurs environnementaux pour- diabète. Le diabète apparaît plus tôt chez les
raient expliquer le caractère incomplet de la concordance, mais on ne peut exclure femelles (ligne rouge) que chez les mâles, ce
qu’il ne soit purement aléatoire. qui indique une plus grande prédisposition.
Données fournies par S. Wong.

14-19 Un défaut dans un seul gène peut provoquer des maladies


auto-immunes.

Une prédisposition à la plupart des maladies auto-immunes communes est due


aux effets combinés de plusieurs gènes, mais l’on connaît un très petit nombre de
maladies auto-immunes monogéniques. Dans ces cas, la possession de l’allèle
prédisposant confère un risque très élevé de la maladie, mais l’impact global sur la
population est minime puisque ces variants sont rares (Fig. 14.30). Une maladie
auto-immune monogénique a d’abord été observée chez des souris mutantes  ;
chez celles-ci, la transmission héréditaire du syndrome auto-immun était compa-
tible avec une déficience touchant un seul gène. Les allèles d’une maladie autoim- Polyendocrinopathie
mune sont généralement récessifs ou liés à l’X. Par exemple, la maladie APECED, auto-immune, candidose
décrite dans la Section 14-3, est une maladie auto-immune récessive provoquée et dystrophie ectodermique
par un défaut dans le gène AIRE.
Deux syndromes auto-immuns monogéniques ont été liés à des défauts dans les cel-
lules T régulatrices. Le syndrome auto-immun récessif lié à l’X, IPEX (Immune dysre-
gulation, Polyendocrinopathy, Enteropathy, X-linked, dérèglement immunitaire,
polyendocrinopathie et entéropathie liés à l’X) est causé par une mutation dans le
gène du facteur de transcription FoxP3, qui est un facteur clé dans la différenciation
de certains types de cellules T régulatrices (voir la Section 8-20). Aussi appelée syn- Syndrome IPEX
drome XLAAD (X-Linked Autoimmunity-Allergic Dysregulation, dérèglement auto-
immun et allergique lié à l’X), cette maladie caractérisée par une inflammation
allergique grave, une polyendocrinopathie auto-immune, une diarrhée sécrétoire,
une anémie hémolytique et une thrombopénie, conduit généralement à une mort
précoce. En dépit de la mutation, dans ce groupe de patients, le nombre de cellu-
les Treg CD4 CD25, les cellules normalement impliquées dans le maintien de la tolé-
rance périphérique (voir la Section 14-7), était comparable à celui de personnes en
bonne santé, mais leur fonction suppressive était réduite. Une mutation spontanée
du gène Foxp3 (mutation scurfy) chez la souris conduit à une maladie auto-immune
systémique analogue, dans ce cas, associée à l’absence de cellules Treg CD4 CD25.
Un deuxième exemple d’auto-immunité résultant d’un défaut génétique dans la
régulation de la fonction des cellules T a été identifié chez un seul patient avec une
628 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Traits monogéniques associés à une auto-immunité

Gène Maladie humaine Souris avec gène muté ou inactivé Mécanisme de l’auto-immunité

Expression moindre d’autoantigènes dans le thymus avec en conséquence


AIRE APECED (APS-1) Inactivation (knockout)
une sélection négative défectueuse des cellules T autoréactives

Association à la maladie de Graves, Échec dans l’anergie des cellules T et seuil


CTLA4 Inactivation
au diabète de type 1 et d’autres d’activation abaissé des cellules T autoréactives

Inactivation et mutation
FOXP3 IPEX Fonction moindre des cellules T régulatrices CD4 CD25
(scurfy)

FAS ALPS Mutants lpr/lpr;gld/gld Échec dans la mort apoptotique des cellules B et T autoréactives

C1q SLE Inactivation Élimination défectueuse des complexes immuns et des cellules apoptotiques

Fig. 14.30 Traits monogéniques associés déficience en CD25, conséquence d’une délétion du gène CD25 et d’une tolérance
à l’auto-immunité. APECED, Autoimmune
périphérique défaillante. Ce patient souffrait de multiples déficiences immunitai-
PolyEndocrinopathy–Candidiasis–Ectodermal
Dystrophy, ou polyendocrinopathie res et de maladies auto-immunes tout en étant très sensible aux infections. Ces
auto-immune, candidose et dystrophie résultats confirment le rôle important des cellules Treg CD4 CD25 dans la régula-
ectodermique  ; APS-1, Autoimmune tion du système immunitaire.
Polyglandular Syndrome 1 ou syndrome
polyglandulaire auto-immun 1 ; IPEX, Immune Un cas intéressant de maladie auto-immune monogénique est le syndrome auto-
dysregulation, Polyendocrinopathy, Enteropathy, immun systémique causé par des mutations dans le gène de Fas. Cette protéine est
X-linked ou syndrome de dysrégulation
immunitaire, de polyendocrinopathie et normalement présente à la surface des cellules T et B activées, et quand elle intera-
d’entéropathie lié à l’X ; ALPS, Autoimmune git avec son ligand, FasL, elle transmet un signal qui déclenche l’apoptose de la cel-
LymphoProliferative Syndrome ou syndrome lule qui la porte (voir la Section 8-27). De cette manière, elle limite l’intensité de la
lymphoprolifératif auto-immun. La mutation lpr
réponse immunitaire. Les mutations qui éliminent ou inactivent Fas entraînent une
chez la souris touche le gène de Fas, tandis
que la mutation gld affecte le gène de FasL. accumulation massive de lymphocytes, en particulier de cellules T et, chez la sou-
Reproduit avec la permission de Macmillan ris, la production de grandes quantités d’autoanticorps pathogènes. La maladie res-
Publishers Ltd: Nature. J.D. Rioux, A.K. Abbas, semble au LED, même si le LED humain n’est pas associé à des mutations de Fas.
435: 584-589, © 2005.
Une mutation qui a conduit à ce syndrome auto-immun a été observée d’abord dans
la souche de souris MRL et appelée lpr, pour lymphoproliferation ; elle a ensuite été
identifiée comme une mutation de Fas. Des chercheurs qui étudiaient un groupe
de patients atteints du rare syndrome lymphoprolifératif auto-immun (SLPA), un
syndrome similaire à celui des souris MLR / lpr, ont identifié et cloné le gène mutant
responsable de la plupart de ces cas ; il s’agissait de Fas (voir Fig. 14.30).
Syndrome lymphoprolifératif
auto-immun
Les maladies auto-immunes causées par un seul gène sont rares. Elles sont toutefois
d’un grand intérêt, car les mutations en cause identifient certaines des voies principa-
les qui, normalement, préviennent le développement de réponses auto-immunes.

14-20 Plusieurs approches nous ont donné un aperçu des bases génétiques
de l’auto-immunité.

Depuis l’avènement de la technologie de l’inactivation génique (knockout) chez


la souris (voir la Section A-47, Appendice I), de nombreux gènes codant des pro-
téines du système immunitaire ont été expérimentalement neutralisés. Plusieurs
de ces souches mutantes de souris montrent des signes de maladie auto-immune,
notamment des autoanticorps et, dans certains cas, une infiltration des organes
par des cellules T. L’étude de ces souris a considérablement élargi nos connaissan-
ces sur les voies génétiques qui peuvent contribuer à l’auto-immunité et qui, par
conséquent, pourraient être altérées par des mutations survenues naturellement.
On a identifié au moins 20 gènes dont la suppression ou la surexpression pourrait
contribuer à la pathogénie de l’auto-immunité. Ceux-ci codent des cytokines, des
corécepteurs, des membres de cascades de signalisation activées par un antigène
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 629

Défauts dans la production de cytokines ou dans la signalisation intracellulaire Fig. 14.31 Défauts dans la production de
cytokines ou dans la signalisation pouvant
pouvant mener à l’auto-immunité
mener à l’auto-immunité. Certaines voies de
Défaut Cytokine ou signal intracellulaire Résultat signalisation impliquées dans l’auto-immunité
ont été identifiées par analyse génétique,
surtout dans des modèles animaux. Les effets
Maladie intestinale inflammatoire, d’une expression excessive ou insuffisante
TNF-α
arthrite, vasculite de certaines cytokines et molécules de
signalisation intracellulaire impliquées sont
IL-2, IL-7, IL-10, IL-2R, IL-10R Maladie intestinale inflammatoire reprises dans ce tableau (voir le texte pour
plus de détails).

Expression excessive IL-3 Syndrome démyélinisant

Exprimé en excès dans la peau


IFN-γ
conduit au LED

STAT4 Maladie intestinale inflammatoire

TNF-α LED

Agoniste du récepteur de l’IL-1 Arthrite

Expression insuffisante STAT3 Maladie intestinale inflammatoire

Une expression insuffisante généralisée


conduit à une maladie intestinale
TGF-β
inflammatoire. Restreinte aux cellules T,
elle conduit au LED

ou des cytokines, des molécules de costimulation, des protéines impliquées dans


des voies menant à l’apoptose ou à son inhibition et des protéines qui éliminent
les antigènes ou les complexes antigène:anticorps. Certaines de ces cytokines et
de ces protéines de signalisation impliquées dans les maladies auto-immunes
sont énumérées dans la Fig. 14.31, et la Fig. 14.32 donne une liste des associations
connues pour d’autres catégories de protéines.
Chez l’homme, l’association de l’auto-immunité avec un gène particulier ou une
région génétique peut être évaluée par de vastes études familiales, ou par des
études d’association dans la population générale. Celles-ci recherchent une cor-
rélation entre la maladie et la fréquence de variants alléliques, de marqueurs géné-
tiques, de duplications ou délétions, et, plus récemment, de polymorphismes de
nucléotides individuels (SNP, Single-Nucleotide Polymorphism), c’est-à-dire des
positions dans le génome qui diffèrent par une seule paire des base entre individus.
Ces études ont appuyé le concept que la susceptibilité génétique à une maladie
auto-immune chez l’homme est généralement due à une combinaison d’allèles de
prédisposition à de multiples locus. Par exemple, les grandes études d’association
à la recherche de gènes de susceptibilité chez l’homme ont montré que plusieurs
des maladies auto-immunes les plus communes, le diabète de type 1, la maladie
de Graves, la thyroïdite de Hashimoto, la maladie d’Addison, la polyarthrite rhu-
matoïde et la sclérose en plaques, étaient associées au locus CTLA4 sur le chro-
mosome 2. La protéine de surface cellulaire CTLA-4 est produite par les cellules T
activées et est un inhibiteur des récepteurs des molécules costimulatrices B7 (voir la
Section 8-14). Les effets de la variation génétique dans CTLA4 sur la sensibilité à un
diabète de type 1 ont été étudiés chez la souris. CTLA4 est situé sur le chromosome
1 de la souris, dans un groupe de gènes codant d’autres récepteurs de costimula-
tion, CD28 et ICOS. Le remplacement de cette région génétique chez la souris NOD
prédisposée au diabète par la même région de la souche B10 résistante à l’auto-
immunité, a rendu la souris NOD résistante au diabète. Il semble qu’une variation
génétique dans l’épissage de l’ARNm de CTLA4 puisse contribuer à la différence
de sensibilité. Des variants d’épissage de CTLA-4 privés d’une portion essentielle à
630 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

l’interaction avec ses ligands B7.1 et B7.2 étaient encore résistants à l’activation des
cellules T, et il y avait une augmentation de l’expression de ce variant dans les cellu-
les T mémoire et régulatrices des souris résistantes au diabète.
Un second locus, PTPN22, a été impliqué dans la susceptibilité au diabète de type
1 et à la polyarthrite rhumatoïde. Ce gène code une protéine tyrosine phosphatase
lymphocytaire qui, comme CTLA-4, est normalement impliquée dans la répres-
sion de l’activation des cellules T.

Fig. 14.32 Catégories de défauts génétiques


qui conduisent à des syndromes auto- Mécanisme Modèles Phénotype Gène humain Phénotype
proposé murins de la maladie en cause de la maladie
immuns. De nombreux gènes ont été
identifiés dont les mutations prédisposent à Inactivation (knockout)
l’auto-immunité chez l’homme et dans des Élimination de C1q Semblable C1q Semblable
et présentation au lupus au lupus
modèles animaux. Ceux-ci sont mieux compris
de l’antigène Inactivation de C4 C2 C4
par le type de processus affecté par le défaut
génétique. Le tableau dresse une liste de ces
gènes, organisée selon le processus concerné Lectine liant
(voir le texte pour plus de détails). Dans le mannose
certains cas, le même gène a été identifié
chez la souris et les humains. Dans d’autres Inactivation Auto-immunité AIRE APECED
cas, des gènes différents affectant le même de AIRE généralisée
mécanisme sont impliqués chez la souris et semblable à
chez l’homme. Le plus petit nombre de gènes l’APECED
humains identifiés à ce jour reflète sans
aucun doute la difficulté d’identifier les gènes Mer inactivé Semblable au lupus
responsables dans des populations humaines
hétérogènes. Signalisation SHP-1 inactivé Semblable
au Lupus
Lyn inactivé

CD22 inactivé

Mutation ponctuelle
de CD45 E613R

Cellules B déficientes
en toutes les kinases
de la famille Src
(triple inactivation)

FcγRIIB inactivé FcγRII Lupus


(molécule inhibitrice
de la signalisation )

Molécules CTLA-4 inactivé Infiltration


costimulatrices (bloque le signal lymphocytaire des
inhibiteur) organes

PD1 inactivé Semblable


(bloque le signal au lupus
inhibiteur)

Surexpression de
BAFF (souris
transgénique)

Apoptose Fas inactivé Semblable Mutations de Fas Semblable au


(lpr) au lupus avec et FasL (ALPS) lupus avec infiltrats
infiltrats lymphocytaires
lymphocytaires
FasL inactivé
(gld)

Surexpression de Semblable
Bcl-2 (souris au lupus
transgénique)

Déficience
hétérozygote de Pten
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 631

14-21 Les gènes qui prédisposent à l’auto-immunité sont divisés


en catégories qui ont une incidence sur un ou plusieurs
des mécanismes de tolérance.

Les gènes identifiés comme prédisposant à l’auto-immunité peuvent être classés


comme suit : les gènes qui affectent la disponibilité et l’élimination de l’autoantigène ;
ceux qui ont une incidence sur l’apoptose ; ceux qui ont une incidence sur les seuils de
signalisation ; ceux qui sont impliqués dans l’expression des gènes de cytokines ; ceux
qui affectent l’expression des molécules de costimulation (voir Fig. 14.31 et 14.32).
Les gènes qui contrôlent la disponibilité et l’élimination de l’antigènes sont impor-
tantes, soit centralement dans le thymus en rendant disponibles des protéines du
soi pour l’induction de la tolérance dans les lymphocytes en développement, soit en
périphérie dans le contrôle de la manière avec laquelle les molécules autologues sont
rendues disponibles sous une forme immunogène pour les lymphocytes périphéri-
ques. Dans la tolérance périphérique, une déficience héréditaire de certaines pro-
téines du complément est fortement associée au développement du LED humain.
Concrètement, C1q, C3 et C4 sont importants pour l’élimination des cellules apop-
totiques et des complexes immuns. Si des cellules apoptotiques et des complexes
immuns ne sont pas éliminés, ceci augmente leur immunogénicité pour des lympho-
cytes autoréactifs de faible affinité dans la périphérie. Des gènes qui contrôlent l’apop-
tose, comme Fas, sont importants dans la régulation de la durée et la vigueur des
réponses immunitaires. Le fait de ne pas réguler correctement une réponse immu-
nitaire pourrait provoquer la destruction excessive de tissus du soi, avec libération
subséquente d’autoantigènes. En outre, puisque la délétion ou l’anergie clonale ne
sont pas absolues, les réponses immunitaires peuvent inclure des cellules autoréacti-
ves. Tant que leur nombre est limité par des mécanismes apoptotiques, elles peuvent
ne pas être suffisantes pour causer une maladie auto-immune, mais elles pourraient
faire du dégât si l’apoptose venait à ne pas être pas être régulée correctement.
La catégorie peut-être la plus importante de mutations associées à l’auto-immunité
comprend celles qui affectent des signaux qui contrôlent l’activation lymphocy-
taire. Un sous-groupe comprend les mutations qui inactivent les régulateurs inhi-
biteurs de l’activation lymphocytaire et qui entraînent ainsi une hyperprolifération
lymphocytaire et des réponses immunitaires excessives. Il s’agit notamment des
mutations touchant CTLA-4 (comme discuté dans la Section 14-20), les récepteurs
de Fc inhibiteurs et les récepteurs contenant des ITIM (voir la Section 6-20), comme
CD22 sur les cellules B. Un autre sous-groupe comprend des mutations dans des
protéines impliquées dans la transduction du signal par le récepteur d’antigène
lui-même. L’ajustement des seuils dans les deux sens, c’est-à-dire rendant la signa-
lisation plus ou moins sensibles, peut entraîner une auto-immunité, en fonction
de la situation. Une diminution de la sensibilité dans le thymus, par exemple, peut
conduire à un échec de la sélection négative et ainsi à une autoréactivité en péri-
phérie. En revanche, l’augmentation de la sensibilité des récepteurs à la périphérie
peut conduire à une activation plus forte et prolongée, entraînant à nouveau une
réponse immunitaire excessive avec comme effet secondaire une réaction auto-
immune. Un dernier sous-ensemble de ces mutations comprend celles qui affec-
tent l’expression des gènes de cytokines et des molécules de costimulation.

14-22 Les gènes du CMH jouent un rôle important dans le contrôle


de la susceptibilité à une maladie auto-immune.

Parmi l’ensemble des locus génétiques qui pourraient contribuer à l’auto-immunité,


la susceptibilité à la maladie auto-immune a été jusqu’ici le plus souvent associée au
génotype du CMH. La Fig. 14.33 reprend les maladies auto-immunes humaines asso-
ciées aux HLA (CMH). Pour la plupart de ces maladies, la prédisposition est plus for-
tement liée à des allèles du CMH de classe II, mais dans certains cas, il existe de fortes
associations avec les allèles du CMH de classe  I. Dans certains cas, des allèles de
632 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.33 Association entre sérotype HLA,


sexe et sensibilité aux maladies auto- Association entre le sérotype HLA et la prédisposition à une maladie auto-immune
immunes. On calcule le « risque relatif »
d’une maladie auto-immune pour un allèle Maladie Allèle HLA Facteur de risque Ratio sexuel ( : )
HLA en comparant le nombre observé de
patients porteurs de l’allèle HLA avec le
nombre attendu, étant donné la prévalence Spondylarthrite ankylosante B27 87,4 0,3
de l’allèle HLA dans la population générale.
Le diabète insulinodépendant de type I est
associé au gène HLA-DQ, qui est étroitement Uvéite antérieure aiguë B27 10 < 0,5
lié aux gènes DR mais qui n’est pas détectable
par typage sérologique. Certaines maladies
montrent un biais important dans la proportion
Syndrome de Goodpasture DR2 15,9 ~1
entre sexes, ce qui suggère que les hormones
sexuelles sont impliquées dans la pathogénie. Sclérose en plaques DR2 4,8 10
En effet, dans ces maladies, la différence dans
le ratio sexuel est plus importante entre la
ménarche et la ménopause, lorsque les taux Maladie de Graves DR3 3,7 4–5
de ces hormones sont plus élevés.

Myasthénie DR3 2,5 ~1

Lupus érythémateux disséminé DR3 5,8 10 – 20

Diabète insulinodépendant Hétérozygote


de type I DR3/DR4
~ 25 ~1

Arthrite rhumatoïde DR4 4,2 3

Pemphigus vulgaire DR4 14,4 ~1

Thyroïdite d’Hashimoto DR5 3,2 4–5

classe III, comme ceux pour le TNF-α ou des protéines du complément, ont été asso-
Contrôles non diabétiques ciés à la maladie. Le développement expérimental du diabète ou de l’arthrite chez des
souris transgéniques exprimant des antigènes HLA humains spécifiques suggère for-
tement que des allèles du CMH peuvent conférer la prédisposition à la maladie.
DR4/x
(17,5 %)
L’association du génotype du CMH à la maladie est d’abord évaluée par comparai-
son de la fréquence des différents allèles chez les patients avec leur fréquence dans
DR2/x la population normale. Pour le diabète de type 1, cette approche a démontré d’abord
DR3/x (30,3 %)
(24 %) une association avec les allèles HLA-DR3 et de HLA-DR4 identifiés par typage séro-
logique (Fig. 14.34). Ces études ont également montré que l’allèle HLA-DR2 du CMH
DRx/x de classe II avait un effet protecteur dominant ; des individus porteurs de HLA-DR2,
(25,7 %) même en association avec l’un des allèles de prédisposition, développaient rarement
DR3/4 un diabète. Une autre façon de déterminer si les gènes du CMH sont importants dans
(2,5 %) les maladies auto-immunes est l’étude des familles de patients touchés ; il a été mon-
tré que deux membres d’une fratrie atteints de la même maladie auto-immune ont
de fortes chances de partager les mêmes haplotypes du CMH (Fig. 14.35). Comme
Diabète le typage génétique des HLA est devenu plus précis grâce au séquençage de l’ADN
des allèles HLA, des associations de maladies qui avaient été découvertes par typage
sérologique ont été définies de manière plus précise. Par exemple, on sait maintenant

DR4/x
DR3/x
(27 %) Fig. 14.34 Les études de population génotype hétérozygote HLA DR3 / DR4
(30 %)
montrent une association entre sensibilité étant surreprésenté chez les diabétiques
DRx/x au diabète insulinodépendant de type I par rapport au groupe contrôle. Ces allèles
(4 %) et génotype HLA. Les génotypes HLA sont étroitement liés aux allèles HLA-DQ
(déterminés par typage sérologique) des qui confèrent la sensibilité au diabète
DR3/4
patients diabétiques (panneau du bas) ne insulinodépendant. Par contraste, le HLA-DR2
(39 %)
sont pas représentatifs de ceux trouvés protège contre le développement du diabète de
dans la population (panneau du haut). type 1 et n’est que rarement retrouvé chez les
Presque tous les patients diabétiques patients diabétiques. Le petit x représente tout
expriment HLA-DR3 et / ou HLA-DR4, le autre allèle que le DR2, DR3 ou DR4.
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 633

Fig. 14.35 Les études familiales montrent


Études familiales des haplotypes HLA dans le diabète de type 1 un lien étroit entre la sensibilité au diabète
insulinodépendant et le génotype HLA.
Dans les familles dans lesquelles deux
frères et sœurs ou plus souffrent de diabète
Descendants atteints Nombres attendus en cas de non association à HLA de type 1, il est possible de comparer les
% de génotypes HLA des frères et sœurs atteints.
descendants Les frères et sœurs atteints partagent
58 deux haplotypes HLA bien plus souvent
que si le génotype HLA n’influençait pas la
50 prédisposition à la maladie.

37

25 25

2 haplotypes 1 haplotype 0 haplotype 2 haplotypes 1 haplotype 0 haplotype


HLA HLA HLA HLA HLA HLA
communs commun commun communs commun commun

que l’association entre le diabète de type 1 et les allèles DR3 et DR4 est dû à leur lien
génétique étroit avec les allèles de DQβ, qui prédisposent effectivement à la mala-
die. En effet, la sensibilité est associée plus étroitement à des polymorphismes cor-
respondant à une position particulière dans la séquence d’acides aminés de DQβ. La
séquence la plus courante de DQβ a un résidu acide aspartique en position 57, qui
est capable de former un pont salin à travers l’extrémité du sillon de liaison au pep-
tide de la molécule DQ. En revanche, les patients diabétiques dans les populations
caucasiennes ont le plus souvent une valine, une sérine ou une alanine à cette place,
ce qui prive les molécules de DQ de ce pont salin (Fig. 14.36). La souche de souris
NOD, qui développe un diabète spontané, a également une sérine à cette position
dans la molécule homologue du CMH de classe II, appelée I-Ag7.
L’association du génotype du CMH à une maladie auto-immune n’est pas surpre-
nante, car les réponses auto-immunes impliquent des cellules T, et la capacité des
cellules T à réagir à un antigène particulier dépend du génotype du CMH. Ainsi, les
associations peuvent être expliquées par un modèle simple dans lequel la sensibilité
à une maladie auto-immune est déterminée par les différences dans la capacité des
différents variants alléliques des molécules du CMH de présenter des peptides auto-
antigéniques aux cellules T autoréactives, ce qui serait cohérent avec ce que nous
savons de l’implication des cellules T dans certaines maladies. Dans le diabète, par
exemple, il existe des associations à des allèles du CMH de classe I et du CMH de
classe II, et ce qui est compatible avec la constatation que des cellules T CD8 et CD4,
qui répondent respectivement à des antigènes présentés par le CMH de classe I et les
molécules du CMH de classe II, sont à la base de la réponse auto-immune.
Une autre hypothèse pour l’association entre le génotype du CMH et la prédis-
position aux maladies auto-immunes, souligne le rôle des allèles du CMH dans
la formation du répertoire des récepteurs de cellule T (voir le Chapitre 7). Cette
hypothèse propose que les peptides du soi associés à certaines molécules du CMH
pourraient déterminer une sélection positive de thymocytes spécifiques de cer-
tains autoantigènes. Ces peptides autoantigéniques pourraient être exprimés à
un niveau trop bas ou se lier trop faiblement aux molécules du CMH du soi pour
entraîner une sélection négative dans le thymus, mais pourraient être présents à
un niveau suffisant pour déterminer une sélection positive. Cette hypothèse est
étayée par les observations que l’I-Ag7, la molécule du CMH de classe II associée à
la maladie chez la souris NOD, lie de nombreux peptides très faiblement et pour-
rait dès lors être moins efficace dans l’établissement de la sélection négative intra-
thymique des lymphocytes T qui se lient aux peptides du soi.
634 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.36 Il existe une relation entre les (gris). Le remplacement de Asp 57 par un
La position 57 de la chaîne DQ𝛃 conditionne variations de séquence d’une protéine du résidu non chargé (par exemple, l’alanine, en
la prédisposition au DID CMH de classe II et la prédisposition ou la jaune sur le dessin du bas) rompt ce pont salin,
résistance au diabète. Chez la plupart des ce qui modifie la stabilité de la molécule DQ.
gens, la chaîne HLA-DQβ1 contient un acide La lignée de souris diabétiques non obèses
chaine α aspartique (Asp) en position 57, alors que dans (NOD), qui développe un diabète spontané,
les populations caucasiennes, les patients montre une substitution similaire dans la
atteints de diabète de type 1 ont le plus chaîne I-Aβ homologue, l’acide aspartique
souvent à cette place une valine, une sérine ou en position 57 étant remplacé par une sérine.
une alanine, en plus d’autres différences. Les souris NOD transgéniques pour des
L’Asp 57, en rouge sur la structure du squelette chaînes β contenant l’Asp 57 sont nettement
de la chaîne DQβ, forme un pont salin (en moins prédisposées au diabète. DID, diabète
Position 57
vert sur le dessin du milieu) avec un résidu insulinodépendant. Clichés de C. Thorpe.
d’arginine (en rose) dans la chaîne α adjacente

chaine β
14-23 Des événements externes peuvent déclencher l’autoimmunité.
La répartition géographique des maladies auto-immunes révèle une hétérogénéité
Associée à la résistance au DID de distribution entre les continents, pays et groupes ethniques. Par exemple, l’inci-
dence de la maladie semble diminuer du nord au sud dans l’hémisphère nord. Ce
gradient est particulièrement évident pour des maladies comme la sclérose en pla-
ques et le diabète de type 1 qui, en Europe, ont une incidence plus élevée dans les
pays du Nord que dans les régions méditerranéennes. Plusieurs études ont égale-
ment montré une incidence d’auto-immunité moins élevée dans les pays en déve-
loppement que dans les plus développés.
Il existe de nombreux facteurs qui contribuent à ces variations géographiques
en plus de la susceptibilité génétique, entre autres le statut socio-économique
et l’alimentation. Un exemple de facteurs autres que génétiques qui influencent
l’apparition de la maladie est celui des souris génétiquement identiques qui déve-
loppent une auto-immunité en proportion et gravité différentes (voir la Fig. 14.29).
Associée à la prédisposition au DID Chez l’homme, l’exposition aux infections et aux toxines de l’environnement peu-
vent être des facteurs qui contribuent à déclencher l’auto-immunité. Toutefois, il
convient de noter que les études épidémiologiques et cliniques au cours du siè-
cle dernier ont montré une corrélation négative entre l’exposition à certains types
d’infection au début de la vie et le développement des allergies et des maladies
auto-immunes. Cette «  hypothèse de l’hygiène  » est examinée en détail dans la
Section 13-4 ; elle propose que l’absence d’infection durant l’enfance peut affecter
la régulation du système immunitaire plus tard dans la vie, conduisant à une plus
grande probabilité de réactions allergiques et auto-immunes.

14-24 Une infection peut aboutir à une maladie auto-immune en établissant


un environnement qui favorise l’activation lymphocytaire.
Comment des agents pathogènes pourraient-ils déclencher ou moduler l’auto-
immunité ? Au cours d’une infection et de la réponse immunitaire qui suit, la
combinaison des médiateurs inflammatoires libérés par les cellules présentatri-
ces d’antigène activées et les lymphocytes, ainsi que l’augmentation de l’expres-
sion des molécules de costimulation, peut avoir des effets sur les cellules voisines,
à savoir des lymphocytes non spécifiques des antigènes de l’agent infectieux. Des
lymphocytes autoréactifs peuvent être activés dans ces conditions, particulière-
ment si la destruction tissulaire par l’infection entraîne une augmentation de la
disponibilité de l’autoantigène (Fig. 14.37, premier panneau).
En général, toute infection conduira à une réponse inflammatoire et au recrutement
de cellules inflammatoires dans le site de l’infection. Le maintien, voire l’aggrava-
tion, d’une maladie auto-immune par des infections virales ou bactériennes a été
démontrée dans des modèles animaux expérimentaux. Par exemple, une infection
par le virus Coxsackie B4 aggrave le diabète de type 1 chez des souris NOD, en sus-
citant une inflammation, des lésions tissulaires et la libération d’antigènes séques-
trés par les îlots, et la génération de cellules T autoréactives. Nous avons décrit plus
tôt la capacité de ligands du soi comme des séquences CpG non méthylées d’ADN
Les bases génétiques et environnementales de l’auto-immunité 635

et des ARN d’activer directement les cellules B autoréactives ignorantes par l’inter-

Mécanisme
médiaire de leurs récepteurs de type Toll et donc de rompre la tolérance au soi (voir Rupture d’une cellule
Mimétisme
ou d’une
la Section 14-4). Des ligands microbiens pour des récepteurs de type Toll peuvent barrière cellulaire
moléculaire
aussi favoriser l’auto-immunité en stimulant la production, par les cellules dendri-
tiques et les macrophages, de grandes quantités de cytokines qui provoquent une
Libération Production
inflammation locale et contribuent à la stimulation et au maintien des cellules T et d’autoantigène d’anticorps ou de

Effet
B autoréactives déjà activées. Ce mécanisme pourrait expliquer les poussées qui séquestré ; activation de cellules T
suivent une infection chez des patients atteints d’une vasculite auto-immune asso- cellules non tolérisées à réactivité croisée
ciée à des anticorps dirigés contre des antigènes cytoplasmiques des neutrophiles.
Rhumatisme
Un exemple de la façon dont l’exposition à des ligands de récepteurs de type Toll Ophtalmie articulaire aigu
sympathique Arthrite réactive
peut provoquer une inflammation locale découle d’un modèle animal d’arthrite Arthrite de Lyme
par injection de séquences CpG d’ADN bactérien dans les articulations de souris,

Exemples
ce qui induit une arthrite aseptique caractérisée par un infiltrat de macrophages.
Ces macrophages expriment des récepteurs de chimiokines à leur surface, et pro-
duisent de grandes quantités de chimiokines CC, qui favorisent le recrutement de
leucocytes au site d’injection.

14-25 Une réactivité croisée entre des molécules d’un pathogène


et des molécules du soi peut conduire à des réponses
contre le soi et à une maladie auto-immune. Fig. 14.37 Des agents infectieux pourraient
rompre la tolérance au soi de plusieurs
manières. Panneau de gauche : puisque
L’infection par certains agents pathogènes est particulièrement associée à des certains antigènes sont séquestrés et
séquelles auto-immunes. Certains agents pathogènes expriment des antigènes pro- séparés de la circulation soit par une barrière
téiques ou glucidiques qui ressemblent à des molécules de l’hôte, un phénomène tissulaire soit parce qu’ils sont présents dans
la cellule, une infection qui brise la cellule
baptisé mimétisme moléculaire. Dans de tels cas, des anticorps produits contre ou les barrières tissulaires pourrait exposer
un épitope du pathogène peuvent réagir de manière croisée avec une protéine du des antigènes cachés. Panneau de droite :
soi (voir Fig. 14.37, deuxième panneau). Ces structures ne doivent pas nécessai- un mimétisme moléculaire pourrait aboutir
rement être identiques  ; il suffit qu’elles soient suffisamment proches pour être à l’induction par des agents infectieux de
réponses des cellules T ou B réagissant de
reconnues par les mêmes anticorps. Le mimétisme moléculaire peut aussi activer manière croisée avec des autoantigènes.
des cellules T naïves ou effectrices autoréactives si un peptide apprêté d’un anti-
gène de pathogène est identique ou similaire à un peptide de l’hôte, ce qui aboutit
à une attaque des tissus autologues. On a créé un modèle permettant de démon-
trer le mimétisme moléculaire en utilisant des souris transgéniques qui expriment
un antigène viral dans le pancréas. Normalement, il n’y a pas de réponse à cet
antigène du « soi » d’origine virale. Mais si les souris sont infectées par le virus qui
est la source de l’antigène transgéniques, elles développent un diabète, parce que
le virus active les cellules T qui réagissent de manière croisée avec l’antigène du
« soi » d’origine virale et attaquent le pancréas (Fig. 14.38).
On peut se demander pourquoi ces lymphocytes autoréactifs n’ont pas été suppri-
més ou inactivés par les mécanismes habituels de l’autotolérance. Une première rai-
son, comme expliqué plus tôt dans le chapitre, est que les cellules T et B autoréactives
de faible affinité ne sont pas éliminées de façon efficace et sont présentes dans le
répertoire des lymphocytes naïfs sous forme de lymphocytes dits « ignorants » (voir
la Section 14-4). Deuxièmement, le puissant stimulus inflammatoire qui accompa-
gne une infection peut suffire à l’activation même des lymphocytes T et B anergiques
en périphérie, forçant à réagir des cellules qui normalement serait restées silencieu-
ses. Troisièmement, les pathogènes peuvent fournir des doses locales nettement
plus élevées de l’antigène stimulant sous forme une immunogène, alors que norma-
lement celui-ci serait relativement inaccessible aux lymphocytes. Quelques exem-
ples de syndromes auto-immuns qui relèvent, croit-on, du mimétisme moléculaire
sont le rhumatisme articulaire aigu, qui suit parfois une infection streptococcique,
et l’arthrite réactive qui peut survenir après une infection entérique.
Une fois que des lymphocytes autoréactifs sont activés par un tel mécanisme, leurs
fonctions effectrices peuvent détruire des tissus autologues. L’autoimmunité de ce Anémie hémolytique auto-immune
type est parfois éphémère et disparaît lorsque le pathogènes a été éliminé. C’est le
cas dans l’anémie hémolytique auto-immune qui suit une infection à mycoplasme,
636 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.38 Une infection virale peut Construire un gène hybride


rompre la tolérance à une protéine Produire des souris transgéniques Des cellules T CD8 spécifiques
de la nucléoprotéine (NP)
virale transgénique exprimée dans les qui n’expriment NP que dans de NP sont activées
du LCMV exprimé à partir
cellules β pancréatiques. Des souris les cellules 𝛃 pancréatiques par l’infection à LCMV
du promoteur de l’insuline
transgéniques pour la nucléoprotéine du
virus de la chorioméningite lymphocytaire nucléoprotéine (NP)
(LCMV, Lymphocytic ChorioMeningitis Virus) du LCMV
sous le contrôle du promoteur de l’insuline
de rat expriment la nucléoprotéine dans leurs promoteur de pancréas
cellules β pancréatiques, mais ne répondent l’insuline de rat
pas à cette protéine et ne développent donc
NP n’est exprimée Des cellules T CD8 activées
pas de diabète auto-immun. Toutefois, si les
que dans les cellules 𝛃 et infiltrent les îlots et tuent
souris transgéniques sont infectées par le
ne suscite pas de réponse les cellules exprimant NP;
LCMV, un puissante réponse antivirale des des cellules T ce qui cause le diabète
cellules T cytotoxiques est obtenue, et tue les
cellules β, causant un diabète. On pense que
les agents infectieux peuvent parfois susciter
des réponses des cellules T qui réagissent de
manière croisée avec des peptides du soi (un
processus connu sous le nom de mimétisme
moléculaire), et que cela pourrait provoquer
une maladie auto-immune de la même
manière.

dans laquelle les anticorps dirigés contre l’agent pathogène réagissent de manière
croisée avec un antigène des globules rouges, ce qui conduit à l’hémolyse (voir la
Section 14-13). Les autoanticorps disparaissent après guérison de l’infection. Parfois,
cependant, l’auto-immunité persiste bien au-delà de l’infection initiale. Cela est vrai
dans certains cas de rhumatisme articulaire aigu, qui suit parfois une angine ou la
Rhumatisme articulaire aigu scarlatine causée par Streptococcus pyogenes. La similitude des épitopes d’antigènes
streptococciques avec des épitopes de certains tissus aboutit à des dommages cau-
sés par des anticorps et peut-être par des cellules T à divers tissus y compris les val-
ves cardiaques. Bien que le rhumatisme articulaire aigu soit souvent transitoire,
surtout en raison du traitement antibiotique, il peut parfois devenir chronique. De
même, la maladie de Lyme, une infection par le spirochète Borrelia burgdorferi, est
suivie plus tard par une auto-immunité responsable de ce que l’on appelle l’arthrite
de Lyme. Dans ce cas, on n’est pas certain du mécanisme, mais il est probable qu’il
soit lié à une réactivité croisée entre des composants du pathogène et du sujet infecté,
ce qui conduit à une réaction auto-immune et auto-entretenue.

14-26 Des médicaments et des toxines peuvent causer des syndromes


auto-immuns.
Peut-être une des preuves les plus évidentes du rôle d’un agent externe dans l’auto-
immunité humaine vient des effets de certains médicaments, qui suscitent des
réactions auto-immune comme effets secondaires chez une petite proportion de
patients. On connaît particulièrement les effets de la procaïnamide, un médicament
utilisé pour traiter l’arythmie cardiaque ; elle induit des anticorps semblables à ceux
du LED, mais ils sont rarement pathogènes. Plusieurs médicaments sont associés
au développement d’une anémie hémolytique auto-immune, dans laquelle des
autoanticorps contre des composants de la surface des globules rouges attaquent et
détruisent ces cellules (voir la Section 14-13). Des toxines de l’environnement peu-
vent également entraîner une auto-immunité. L’administration de métaux lourds,
comme l’or ou le mercure à des souches de souris génétiquement sensibles induit
un syndrome auto-immun avec production d’autoanticorps. On discute encore du
risque que ces métaux lourds représente pour l’homme sur le plan de l’auto-immu-
nité, mais les modèles animaux montrent clairement que des facteurs environne-
mentaux comme des toxines jouent un rôle clé dans certains syndromes.
Les mécanismes par lesquels les médicaments et les toxines déclenchent l’auto-
immunité restent incertains. Pour certains médicaments, on pense qu’ils réa-
gissent chimiquement avec des protéines du soi et forment des dérivés que le
système immunitaire reconnaît comme étrangers. La réponse immunitaire contre
ces protéines autologues hapténisées peut conduire à une inflammation, au dépôt
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 637

de complément, à la destruction tissulaire et finalement à une réponse immuni-


taire contre les protéines autologues non modifiées.

14-27 Des événements aléatoires peuvent être nécessaires


au déclenchement d’une auto-immunité.

Les scientifiques et les médecins souhaiteraient pouvoir attribuer le développement


de maladies «spontanées» à une cause particulière, ce qui n’est pas toujours possible.
Une maladie auto-immune peut survenir sans être précédée d’une infection virale ou
bactérienne ni même d’aucune série d’événements compréhensibles. La rencontre
aléatoire dans des tissus lymphoïdes périphériques de quelques cellules B et T auto-
réactives pouvant interagir les unes avec les autres juste au moment où une infection
fournit des signaux pro-inflammatoires peut constituer tout ce qui est nécessaire.
Cela pourrait être un événement rare et maîtrisable chez un individu génétiquement
résistant mais, chez un individu susceptible, de tels événements pourraient être plus
fréquents et / ou plus difficiles à contrôler. Ainsi, l’apparition ou l’incidence de l’auto-
immunité peut sembler aléatoire. La prédisposition génétique représente, en partie,
un risque accru de survenue de cet événement aléatoire. Ce point de vue, à son tour,
peut expliquer pourquoi de nombreuses maladies auto-immunes apparaissent au
début de l’âge adulte ou plus tard après que suffisamment de temps s’est écoulé pour
permettre à de rares événements aléatoires de se produire. Il peut également expli-
quer pourquoi, après certains types de thérapies expérimentales agressives comme
la transplantation de moelle osseuse ou la déplétion des cellules B, la maladie fina-
lement réapparaît après un long intervalle de rémission.

Résumé.

Les causes spécifiques de la plupart des maladies auto-immunes sont les plus sou-
vent inconnues. Des facteurs de risque génétiques, y compris des allèles des molé-
cules du CMH de classe II et d’autres gènes, ont été identifiés, mais de nombreuses
personnes avec des variants génétiques prédisposant à une maladie auto-immune
ne développent pas la maladie. Les études épidémiologiques de populations
d’animaux génétiquement identiques ont mis en évidence le rôle de facteurs envi-
ronnementaux dans le déclenchement de l’auto-immunité, mais bien que ceux-
ci exercent une influence au moins aussi forte que la génétique, ils sont encore
moins bien compris. On connaît certaines toxines et des médicaments responsa-
bles de syndromes auto-immuns, mais on ignore quel rôle ces agents pourraient
jouer dans les maladies auto-immuns habituelles. De même, certains syndro-
mes auto-immuns peuvent survenir après des infections virales ou bactériennes.
Les pathogènes peuvent favoriser l’auto-immunité en déclenchant une inflam-
mation non spécifique et des lésions tissulaires. Ils peuvent aussi susciter parfois
des réponses contre des protéines du soi, s’ils expriment des molécules qui res-
semblent à des autoantigènes, un phénomène connu sous le nom de mimétisme
moléculaire. Beaucoup de progrès seront nécessaires pour que l’on arrive à mieux
définir les facteurs environnementaux. Il se peut qu’il n’y ait pas un seul facteur
environnemental identifiable qui contribue à la plupart des maladies, le hasard
pouvant jouer un rôle important dans le déclenchement de la maladie.

Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon.


La greffe pour remplacer des organes malades est désormais un traitement médical
important. Dans la plupart des cas, les réponses immunitaires adaptatives contre les
tissus greffés représentent le principal obstacle à la réussite d’une greffe. Le rejet est
provoqué par des réponses immunes contre des alloantigènes du greffon, des pro-
téines qui varient d’un individu à l’autre au sein d’une même espèce et qui sont donc
638 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

perçues comme étrangères par le receveur. Lorsque les tissus contenant des cellu-
les nucléées sont greffés, les réponses des cellules T contre les molécules, très poly-
morphes, du CMH provoquent presque toujours une réponse contre l’organe greffé.
Respecter la compatibilité entre les CMH du donneur et du receveur augmente le
taux de réussite, mais une compatibilité parfaite n’est possible que lorsque le don-
neur et le receveur sont de la même famille et, même dans ces cas, des différen-
ces génétiques à d’autres locus peuvent provoquer des rejets, quoique moins graves.
Néanmoins, les progrès en matière d’immunosuppression et de transplantation en
général ont eu comme conséquence que la compatibilité précise des tissus en vue
d’une greffe n’est plus considérée comme une condition essentielle pour la survie
du greffon. Lors d’une transfusion sanguine, la première et toujours la plus courante
des greffes, la compatibilité CMH n’est pas nécessaire puisque les globules rouges et
les plaquettes n’expriment que de petites quantités de molécules du CMH de classe I
et n’expriment pas du tout le CMH de classe II ; aussi, ces éléments ne sont pas des
cibles pour les cellules  T du receveur. Cependant, la compatibilité des antigènes
des groupes sanguins ABO et Rh doit être respectée afin d’éviter que des anticorps
ne détruisent rapidement les globules rouges incompatibles (voir Appendice   I,
Section  A-11). Etant donné qu’il n’existe que quatre types principaux ABO et deux
Fig. 14.39 Le rejet de greffe de peau types Rh, cela est relativement aisé. Dans cette partie du chapitre, nous décrirons la
est la conséquence d’une réponse des
cellules T dirigées contre le greffon. Les
réponse immunitaire contre les tissus greffés, et nous demanderons pourquoi une
greffons syngéniques sont acceptés de façon greffe de tissu étranger, le fœtus chez les mammifères, est couramment tolérée.
permanente (premiers panneaux), mais les
greffons portant un CMH différent sont rejetés
environ 10 à 13 jours après la greffe (rejet de 14-28 Le rejet de greffe est une réponse immunitaire dépendant surtout
première intention, deuxièmes panneaux). des cellules T.
Lorsqu’une souris reçoit une seconde greffe
de peau provenant du même donneur, elle la
rejette plus rapidement (troisièmes panneaux).
Les règles de base des transplantations ont été établies sur base de greffes de peau
Cela s’appelle un rejet de deuxième intention entre lignées de souris consanguines. La peau peut être greffée avec un taux de réus-
où la réponse accélérée est spécifique du site de 100 % entre des endroits différents sur le même animal ou la même personne
CMH ; la peau provenant d’un deuxième (autogreffe), ou entre des animaux ou des personnes génétiquement identiques
donneur du même type de CMH est rejetée
tout aussi rapidement, tandis que la peau
(greffe syngénique ou isogénique). Cependant, lorsque la peau est greffée entre
venant d’un donneur dont le CMH est différent individus non apparentés ou allogéniques (allogreffe), le greffon est tout d’abord
est rejetée comme lors d’un rejet de première accepté, mais est ensuite rejeté environ 10 à 13 jours après la greffe (Fig. 14.39). Cette
intention (non représenté). Les souris naïves réaction, appelée rejet aigu ou de première intention, dépend d’une réponse des
auxquelles on a injecté des cellules T venant
d’un donneur sensibilisé se comportent cellules T du receveur. En effet, la peau greffée sur des souris nude, qui sont déficien-
comme si elles avaient déjà été greffées tes en cellules T, n’est pas rejetée. Par un transfert adoptif de cellules T normales, on
(derniers panneaux). peut rendre les souris nude capables de rejeter la peau greffée.

Seconde greffe de peau


Greffe de peau à un Greffe de peau à un Le transfert des cellules T venant d’un donneur
venant du même donneur
receveur syngénique receveur allogénique sensibilisé à un receveur naïf accélère le rejet
au même receveur

MHCa MHCa MHCa MHCa

MHCa MHCb MHCb CMHb sensibilisée au CMHa CMHb naïve

La greffe est rapidement rejetée La greffe est rejetée plus rapidement La greffe est rejetée plus rapidement
La greffe est tolérée
(rejet de première intention) (rejet de seconde intention) (rejet de seconde intention)

% de survie 100
des greffes
50

0
0 10 20 0 10 20 0 10 20 0 10 20
Jours après la greffe
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 639

Lorsqu’un receveur qui a déjà rejeté une greffe en reçoit une nouvelle provenant
du même donneur, il la rejette en 6 à 8 jours. On parle alors de rejet de seconde
intention (voir Fig. 14.39). La peau provenant d’un autre donneur et greffée sur le
même receveur au même moment ne subit pas de rejet accéléré, mais bien un rejet
de première intention. Le rejet de seconde intention peut être déclenché par trans-
fert des cellules T provenant du receveur initial à des receveurs normaux ou irra-
diés, ce qui montre que le rejet de seconde intention est causé par une réponse
immunitaire de type mémoire (voir Chapitre 10) de clones de cellules T sensibili- Greffe rénale à la suite
sées et spécifiques de la peau du donneur. de complications d’un diabète
auto-immun insulinodépendant
Les réponses immunitaires constituent un obstacle important à une transplan-
tation efficace du fait de la destruction du tissu greffé par la réponse adaptative
contre les protéines étrangères. Ces réponses reposent sur l’intervention de cellu-
les T CD8, de cellules T CD4 ou des deux. Les anticorps peuvent également contri-
buer à un rejet de seconde intention.

14-29 Respecter la compatibilité entre les CMH du donneur et du receveur


améliore les résultats de la transplantation.

Les antigènes qui diffèrent entre membres d’une même espèce sont appelés alloan-
tigènes, et une réponse immunitaire contre de tels antigènes est dite alloréactive.
Lorsque le donneur et le receveur diffèrent par leur CMH, une réponse immunitaire
alloréactive est dirigée contre la molécule du CMH allogénique du non soi ou des
molécules présentes sur le greffon. Dans la plupart des tissus, ceux-ci seront surtout
des antigènes du CMH de classe I. Si un receveur a rejeté une greffe d’un type CMH
particulier, toute nouvelle greffe porteuse de la même molécule du CMH subira un
rejet rapide de seconde intention. Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 5, la
proportion de cellules T spécifiques d’une molécule du CMH du non soi est relati-
vement élevée, ce qui rend les différences de CMH le plus puissant stimulus de rejet
d’une première greffe. C’est ainsi que le complexe majeur d’histocompatibilité tire
son nom du rôle central qu’il joue dans le rejet de greffe.
Dès qu’il est apparu que la reconnaissance des molécules du CMH du non soi était
un facteur déterminant du rejet de greffe, des efforts considérables furent consacrés
à la recherche de compatibilité entre receveur et donneur. Bien que la compatibilité
HLA augmente nettement le taux de réussite clinique des greffes d’organes, cela ne
permet pas en soi d’éviter les réactions de rejet. Il y a deux raisons principales à cela.
Premièrement, le typage HLA est imprécis en raison du polymorphisme et de la com-
plexité du CMH humain ; des individus non apparentés dont le typage HLA paraît
identique dans le test effectué au moyen d’anticorps contre les protéines du CMH ont
rarement des génotypes CMH identiques. Ce qui ne devrait pas poser de problème
quand il s’agit de frères ou sœurs d’HLA identiques. En effet, comme les frères et sœurs
héritent leurs gènes du CMH sous forme d’haplotype, un membre de la fratrie sur qua-
tre devrait avoir un HLA réellement identique. Néanmoins, à moins que le donneur
et le receveur ne soient des jumeaux vrais, les greffes entre frères et sœurs partageant
le même HLA sont invariablement rejetées, bien que plus lentement. Ce rejet, qui
est le résultat des différences entre des antigènes mineurs d’histocompatibilité, est la
deuxième cause de l’échec de la prévention du rejet par la recherche de compatibilité
HLA. Ces antigènes mineurs d’histocompatibilité, qui sont des peptides de protéines
non CMH qui varient aussi entre individus, seront décrits dans la prochaine section.
Ainsi, à moins que le donneur et le receveur ne soient de vrais jumeaux, tous les
receveurs de greffes doivent prendre des immunosuppresseurs afin d’empêcher le
rejet. En effet, la réussite actuelle des greffes d’organes tient plus aux progrès dans
les traitements immunosuppresseurs, sujet que nous abordons au Chapitre  15,
qu’à l’amélioration du contrôle de compatibilité tissulaire. Étant donné la pénurie
d’organes de cadavre et la nécessité d’identifier en urgence un receveur dès qu’un
organe est disponible, une compatibilité précise est rarement respectée, sauf bien
sûr en cas de don de rein compatible au sein d’une fratrie.
640 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.40 Même une compatibilité complète


du CMH n’assure pas la survie du greffon.
Même si les greffons syngéniques ne sont pas Greffe de peau à Greffe de peau à Greffe de peau à un
rejetés (panneaux de gauche), les greffons un donneur syngénique un donneur allogénique receveur incompatible pour
avec un CMH identique provenant de donneurs un antigène H mineur
qui ont d’autres locus différents (locus des
antigènes H mineurs) sont rejetés (panneaux MHCa MHCa MHCa
de droite), bien que ce soit plus lentement que
pour les greffons de CMH différents (panneaux
du milieu).

MHCa MHCb MHCa

La greffe est tolérée La greffe est rejetée rapidement La greffe est rejetée lentement

% de survie 100
des greffes
50

0
0 10 60 120 0 10 60 120 0 10 60 120
Jours après la greffe

14-30 Dans les greffes avec CMH identique, le rejet est dû à des peptides
d’autres alloantigènes liés à des molécules du CMH du greffon.

Lorsque le donneur et le receveur ont un CMH identique, mais diffèrent par d’autres
locus génétiques, le rejet de greffe n’est pas aussi rapide (Fig. 14.40). Des molécules du
CMH de classe I et de classe II lient et présentent une sélection de peptides dérivés
de protéines produites dans la cellule, et si les polymorphismes dans ces protéines
signifient que des peptides différents sont produits chez différents membres d’une
espèce, ceux-ci peuvent être reconnus comme antigènes mineurs d’histocompati-
bilité (Fig. 14.41).
Les réponses à ces antigènes sont bien moins fortes que les réponses à des différences
de CMH car la fréquence des cellules T qui les reconnaissent est beaucoup plus faible.
Cependant, la plupart des lignées consanguines de souris qui ont un CMH identique
diffèrent par plusieurs locus d’antigènes H mineurs. Ainsi, des greffes entre ces souris
sont toujours uniformément et assez rapidement rejetées. Les cellules qui répondent

Fig. 14.41 Les antigènes H mineurs sont


des peptides qui dérivent de protéines Donneur Receveur
cellulaires polymorphes et qui sont
présentés par des molécules du CMH
de classe I. Les protéines du soi sont
habituellement digérées par les protéasomes
dans le cytosol de la cellule, et les peptides
qui en sont dérivés sont transférés dans le protéasome
réticulum endoplasmique, où ils peuvent se protéine du soi
lier aux molécules du CMH de classe I et
être transférés à la surface cellulaire. Si une
protéine est différente entre le donneur du
greffon (en rouge sur la gauche) et le receveur
(en bleu sur la droite), cela peut donner TAP
naissance à un peptide antigénique (en
rouge sur la cellule du donneur) qui peut être réticulum
reconnu par les cellules T du receveur comme endoplasmique
étrangère et susciter une réponse immunitaire.
De tels antigènes sont des antigènes H
mineurs.

Des protéines du soi polymorphes dont les séquences d’acides aminés diffèrent
entre individus constituent les antigènes H mineurs distincts entre donneur et receveur
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 641

aux antigènes H mineurs sont généralement les cellules T CD8+, ce qui laisse suppo-
ser que la plupart des antigènes H mineurs sont des complexes de peptides du don-
neur et de molécules du CMH de classe I. Cependant, des peptides liés aux molécules
du CMH de classe II peuvent également susciter le rejet de greffons compatibles par
ailleurs sur le plan du CMH. Diverses protéines qui se comportent comme des antigè-
nes mineurs d’histocompatibilité sont codées par des gènes du chromosome mâle  Y.
Les réponses induites par ces protéines sont appelées collectivement H-Y. Comme
les gènes propres au chromosome Y ne sont pas exprimés chez les femelles, celles-ci
développent des réponses d’histocompatibilité mineure contre les mâles. Par contre,
on n’observe pas de réponse mâle anti-femelle, car les gènes du chromosome X sont
exprimés dans les deux sexes. Un antigène H-Y a été identifié chez la souris et chez
l’homme  ; il est constitué de peptides provenant de protéines codées par le gène
Smcy du chromosome Y. Un gène homologue du Smcy, appelé Smcx, présent sur le
chromosome X ne contient pas ces séquences peptidiques, qui sont donc exprimées
uniquement chez les mâles. La nature de la plupart des antigènes mineurs d’histo-
compatibilité, codés par des gènes autosomiques, n’est pas connue, mais 10 d’entre
eux ont été identifiés récemment au niveau génétique.
La réponse contre les antigènes mineurs d’histocompatibilité est analogue à une
réponse contre les infections virales. Cependant, une réponse antivirale n’élimine
que les cellules infectées, tandis que toutes les cellules d’un greffon exprimant des
antigènes mineurs d’histocompatibilité c’est le greffon entier qui est détruit par la
réaction contre ces antigènes. Étant donné la quasi-certitude d’incompatibilité entre
deux individus sur le plan des antigènes mineurs d’histocompatibilité et la puissance
des réactions qu’elle suscite, il n’est pas étonnant que, pour réussir une greffe, il faille
recourir à des immunosuppresseurs puissants.
Fig. 14.42 Le déclenchement du rejet de
14-31 Il existe deux façons de présenter les alloantigènes de la greffe greffe implique généralement la migration
des cellules présentatrice d’antigène du
aux lymphocytes T du receveur. greffon jusqu’aux ganglions lymphatiques
locaux. La figure représente l’exemple d’un
Avant que des cellules  T alloréactives naïves puissent causer un rejet, elles doi- rejet de greffe cutanée. Ici, les cellules de
vent être activées par des cellules présentatrices d’antigène qui sont porteuses de Langerhans sont les cellules présentatrice
de l’antigène. Ces cellules présentent des
molécules du CMH allogénique et exercent une activité costimulatrice. Les gref- peptides du greffon à leur surface. Après avoir
fons contiennent des cellules présentatrice de l’antigène provenant du donneur. migré jusqu’au ganglion lymphatique, ces
Appelés leucocytes passagers, ils stimulent fortement l’alloréaction. Cette voie de cellules présentatrices d’antigène rencontrent
sensibilisation du receveur vis-à-vis d’un greffon semble impliquer que des cellules des cellules T naïves recirculantes spécifiques
des antigènes du greffon et stimulent leur
présentatrice de l’antigène du donneur quittent le greffon et migrent par la lymphe
division. Les cellules T effectrices activées qui
jusqu’aux ganglions lymphatiques drainant cette région. Là, elles peuvent activer en résultent gagnent la circulation sanguine
des cellules T du receveur porteuses des récepteurs ad hoc. Les cellules T effectrices par le canal thoracique et atteignent le tissu
alloréactives activées reviennent ensuite dans le greffon, qu’elles attaquent direc- greffé, qu’elles détruisent rapidement. La
tement (Fig. 14.42). Cette voie de reconnaissance est appelée alloreconnaissance destruction est très spécifique des cellules
dérivées du donneur, ce qui suggère qu’elle
directe (Fig. 14.43, panneau de gauche). En effet, si le tissu greffé est dépourvu de est induite par une cytotoxicité directe et
cellules présentatrices de l’antigène par un traitement au moyen d’anticorps ou par non par des processus inflammatoires non
une incubation prolongée, le rejet ne se produit qu’après une période beaucoup spécifiques.

Les cellules de Langerhans migrent


Greffe de peau contenant Les cellules effectrices accèdent Le greffon est détruit
dans le ganglion lymphatique local
des cellules de Langerhans au greffon par le sang par les cellules effectrices
où elles activent les cellules effectrices
642 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Fig. 14.43 Les alloantigènes des organes


greffés sont reconnus de deux façons
différentes. La reconnaissance directe d’un
organe greffé (en rouge dans le panneau
du haut) dépend des cellules T dont les
récepteurs ont une spécificité pour la molécule
allogénique du CMH de classe I ou II associée
à un peptide. Ces cellules T alloréactives
sont stimulées par les cellules présentant des
antigènes (APC) du donneur, qui expriment
à la fois la molécule allogénique du CMH et
une activité costimulante (panneau en bas
à gauche). Une reconnaissance indirecte du
greffon (panneau en bas à droite) dépend des
cellules T dont les récepteurs sont spécifiques
des peptides allogéniques qui sont dérivés
de l’organe greffé. Les protéines provenant
du greffon sont apprêtées par les cellules
présentatrice de l’antigène du receveur et sont
donc présentées par les molécules du soi
(receveur) du CMH de classe I ou II.
Les APC du donneur migrent vers les ganglions locaux Les APC du receveur apprêtent et présentent
et stimulent les cellules T alloréactives du receveur les peptides venant de la greffe

Reconnaissance directe Reconnaissance indirecte

plus longue. De plus, si le site de la greffe n’a pas de drainage lymphatique, aucune
réaction contre le greffon ne survient.
Un deuxième mécanisme de reconnaissance d’allogreffe qui conduit à un rejet de
greffe est la capture des protéines allogéniques par les cellules présentatrices de l’an-
tigène du receveur lui-même et leur présentation aux cellules T, y compris les Treg, par
les molécules du CMH du soi. La reconnaissance des protéines allogéniques présen-
tées de cette façon s’appelle alloreconnaissance indirecte, (Fig. 14.43, panneau de
droite). Parmi les peptides dérivés du greffon présentés par les cellules présentatrices
l’antigène du receveur, il y a les antigènes mineurs d’histocompatibilité et aussi les
peptides des molécules du CMH étranger lui-même. Ces dernières sont la principale
source de peptides polymorphes reconnus par les cellules T du receveur, dans le cas,
bien sûr, où le CMH du greffon est différent de celui du receveur.
Les contributions respectives de l’alloreconnaissance directe et indirecte dans le rejet
de greffe ne sont pas connues. On pense que l’alloreconnaissance directe est plutôt
responsable du rejet aigu, cela surtout lorsque la proportions des cellules T alloréac-
tives du receveur est élevée à cause des incompatibilités du CMH. De plus, une atta-
que directe des cellules T cytotoxiques sur les cellules du greffon ne peut être réalisée
que par des cellules T qui reconnaissent directement les molécules du CMH du gref-
fon. Toutefois, les cellules T avec une allospécificité indirecte peuvent contribuer au
rejet de greffe en activant les macrophages, qui provoquent des lésions tissulaires et
de la fibrose, et jouent probablement un rôle important dans le développement d’une
réponse humorale contre le greffon. Des anticorps produits contre des antigènes d’un
autre membre de la même espèce sont appelé alloanticorps.
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 643

14-32 Des anticorps réagissant avec l’endothélium provoquent un rejet suraigu Rein greffé chez un patient avec une insuffisance
du greffon. rénale et des anticorps préexistants dirigés
contre les antigènes du donneur
Les anticorps peuvent aussi intervenir dans le rejet de greffe. Des alloanticorps
préexistants contre les antigènes des groupes sanguins et les antigènes polymorphes
du CMH peuvent provoquer, dans les minutes qui suivent la greffe, un rejet dépen-
dant du complément. Ce type de réaction est appelé rejet suraigu. La plupart des gref-
fons couramment transplantés en médecine sont des greffons d’organes vascularisés,
connectés directement à la circulation du receveur. Dans certains cas, le receveur a
déjà des anticorps circulants dirigés contre les antigènes du greffon. Des anticorps
contre les groupes sanguins ABO peuvent se lier à tous les tissus, et pas seulement aux
globules rouges. Ils sont préformés et peuvent être impliqués dans tous les cas d’in- greffon
compatibilité. De plus, des anticorps contre d’autres antigènes peuvent être produits
en réponse à une greffe antérieure ou à une transfusion de sang. De tels anticorps
peuvent déclencher un rejet très rapide des greffons vascularisés car ils réagissent
avec des antigènes portés par les cellules endothéliales du greffon. Il activent alors le
complément et la coagulation sanguine, ce qui obstrue les vaisseaux du greffon et sa Les anticorps dirigés contre les antigènes
du donneur se lient à l’endothélium vasculaire
mort immédiate. De tels greffons s’engorgent et prennent une couleur violacée pro- du greffon déclenchant une inflammation
venant du sang hémorragique désoxygéné (Fig. 14.44). On peut éviter cet accident avec obstruction des vaisseaux sanguins
en effectuant un test direct de compatibilité, ou cross-match, entre le donneur et le
receveur. Le test consiste à rechercher chez le receveur la présence éventuelle d’anti-
corps qui réagissent avec les leucocytes du donneur. Leur mise en évidence a consti-
tué jusqu’à présent comme une sérieuse contre-indication à la greffe, car en absence
de traitement, ces anticorps entraîneront très probablement un rejet suraigu.
Cependant, ces dogmes sont en train de changer. La présence d’alloanticorps spécifi-
ques du CMH du donneur et un cross-match positif ne sont plus considérés comme
un facteur réduisant la survie du greffon. La désensibilisation des patients par une
administration d’immunoglobulines intraveineuses a réussi chez un certain nom-
bre de patients chez lesquels des anticorps contre le tissu du donneur étaient déjà
présents. Ainsi, un cross-match positif n’est plus maintenant une contre-indication La greffe s’engorge et devient violacée
absolue à la transplantation. à cause de l’hémorragie
Un problème similaire empêche l’usage des organes d’origine animale, les xénogref-
fes. Si les greffons xénogéniques pouvaient être utilisés, ils permettraient de contour-
ner le principal obstacle à la greffe d’organe, c’est-à-dire la grave pénurie de donneurs.
On a suggéré que les porcs pourraient fournir des organes pour les xénogreffes car ils
ont une taille similaire à celle de l’homme et leur élevage est facile. Les hommes et
les autres primates ont des anticorps naturels qui réagissent avec un antigène glu-
cidique ubiquitaire de la surface cellulaire (α-Gal) d’autres espèces de mammifères,
y compris des porcs. Lorsque des organes de porcs sont greffés chez l’homme, ces greffon
anticorps provoquent un rejet suraigu en se liant aux cellules endothéliales du gref- mort
fon et en activant le complément et la coagulation. Le problème du rejet suraigu est
encore plus difficile à résoudre en cas de xénogreffe car les protéines régulant le com-
plément, comme CD59, DAF (CD55) et MPC (CD46) (voir la Section 2-22), perdent
leur efficacité quand elles sont transférées dans une autre espèce ; ainsi, les protéines
régulatrices du porc, par exemple, ne peuvent protéger le greffon de l’attaque par le Fig. 14.44 Des anticorps préexistants
complément humain. reconnaissant les antigènes du greffon du
donneur peuvent causer un rejet de greffe
Une avancée importante en matière de xénogreffe a été le développement de porcs suraigu. Dans certains cas, les receveurs ont
transgéniques exprimant le DAF humain ainsi que des porcs dépourvus de α-Gal. Ces déjà des anticorps dirigés contre les antigènes
approches pourraient un jour réduire ou prévenir le rejet suraigu en xénotransplan- du donneur, qui sont souvent des antigènes
des groupes sanguins. Lorsque l’organe du
tation. Cependant, le rejet suraigu est seulement le premier obstacle auquel fait face donneur est greffé chez de tels receveurs, ces
une xénogreffe. Il se pourrait que le rejet de greffe par les lymphocytes T soit extrême- anticorps se lient à l’endothélium vasculaire
ment difficile à surmonter avec les traitements immunosuppresseurs actuels. du greffon, ce qui induit l’activation du
complément et les réactions en cascade de la
coagulation sanguine. Les vaisseaux sanguins
14-33 Le rejet chronique est provoqué par des lésions vasculaires du greffon sont obstrués par des caillots et
saignent ; cette hémorragie dans le greffon
inflammatoires du greffon. l’engorge et le sang désoxygéné lui donne une
coloration violacée.
Grâce au succès de l’immunosuppression moderne, environ 90 % des greffons de
reins de cadavres fonctionnent encore un an après la greffe. Cependant, la survie à
644 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

long terme n’a pas été améliorée ; la demi-vie fonctionnelle des allogreffes rénales
reste d’environ 8 ans. La principale cause de la défaillance tardive des greffes est le
rejet chronique, qui se caractérise par une artériosclérose concentrique des vaisseaux
sanguins du greffon, ainsi que par une atrophie et une fibrose des glomérules et des
tubules.
Les mécanismes qui induisent un rejet chronique peuvent être classés en deux types :
ceux qui sont dus à l’alloréaction, et ceux qui sont dus à d’autres mécanismes. On
distingue aussi des événements précoces et des événements tardifs. L’alloréaction
peut survenir plusieurs jours voire plusieurs semaines après la greffe et provoquer un
rejet aigu. Les réponses alloréactives peuvent également se produire des mois ou des
années après la greffe, et être associées à une perte graduelle de la fonction du greffon
difficilement détectable cliniquement. D’autres causes importantes de rejet de greffe
chronique comprennent des lésions d’ischémie-reperfusion, qui se produisent au
moment de la greffe, mais peuvent avoir des effets indésirables tardifs sur le greffon.
Des facteurs nocifs peuvent intervenir plus tardivement comme la toxicité chronique
de la ciclosporine ou une infection à cytomégalovirus.
L’infiltration des vaisseaux du greffon et des tissus par les macrophages, suivie d’une
cicatrisation, est la caractéristique histologique du rejet tardif. On a proposé un modèle
dans lequel les cellules T alloréactives infiltrant le greffon sécrèteraient des cytokines
stimulant l’expression des molécules d’adhérence endothéliales ainsi que des chimio-
kines, comme CCL5 (voir la Fig. 2.46), attirant des monocytes qui se différencient en
macrophages dans le greffon. Ce processus est suivi par une deuxième phase d’in-
flammation chronique dominée par les médiateurs des macrophages comme l’in-
terleukine (IL)-1, le TNF-α et la chimiokine CCL2, ce qui amplifie le recrutement des
macrophages. Ces médiateurs agissant en synergie déclenchent une inflammation
Tissu No. de greffes Survie des chronique et une fibrose, ce qui mène finalement à une défaillance irréversible de
greffé aux USA (2006)* greffes à 5 ans
l’organe. Les modèles animaux de rejet chronique montrent également que les anti-
Rein 18 017 71,9 %
corps IgG alloréactifs peuvent provoquer une athérosclérose accélérée dans les orga-
nes greffés.

Foie 6 650 67,4 %


14-34 Divers organes sont greffés en pratique courante.
Cœur 2 192 71,5 %
Bien que la réponse immunitaire rende difficile la greffe, il existe peu de traitements
alternatifs contre la défaillance d’un organe. Trois avancées importantes ont rendu
Pancréas 1 387 53,2 %# possible un recours devenu routinier à la greffe d’organe. Premièrement, de nom-
breuses personnes maîtrisent les compétences chirurgicales du remplacement d’or-
Poumon 1 405 46,3 % ganes. Deuxièmement, des réseaux de centres de transplantation ont été organisés
afin d’assurer que les quelques organes sains disponibles soient typés pour les HLA
et soient sélectionnés pour respecter si possible la meilleure compatibilité entre don-
Cornée ~40 000† ~70 %
neur et receveur. Troisièmement, l’utilisation d’immunosuppresseurs puissants, par-
ticulièrement la ciclosporine A et le FK-506 (tacrolimus) pour inhiber l’activation des
Moelle osseuse 15 000‡ 40 %/60 %‡ cellules T (voir le Chapitre 15) ou bloquer le signal du récepteur de l’IL-2 avec la rapa-
mycine, qui provoque l’apoptose des lymphocytes CD4 activés, a très fortement accru
le taux de survie du greffon. Les divers organes greffés classiquement sont répertoriés
Fig. 14.45 Tissus greffés couramment en
médecine clinique. Nombres de greffes dans la Fig. 14.45. Certaines de ces opérations sont effectuées de façon courante et
d’organes effectuées aux états-Unis en 2006. ont un très haut taux de réussite. Le rein est de loin l’organe le plus souvent greffé et a
*Le nombre de greffes comprend les greffes de été le premier organe à être greffé avec succès entre de vrais jumeaux dans les années
plusieurs organes. Données du United Network cinquante. La greffe de cornée est encore plus fréquente ; ce tissu est particulier car
for Organ Sharing. # La survie du pancréas est
il n’est pas vascularisé. Les greffes de cornée entre des personnes non apparentées
de 53,2 % lorsqu’il est transplanté seul, ou de
76,3 % lorsque transplanté avec un rein. réussissent généralement, même sans immunosuppression.
†Données de 2000 du National Eye Institute.
‡Données pour 2005 du International Bone
Cependant, à part le rejet, il existe de nombreux autres problèmes touchant la trans-
Marrow Transplant Registry pour les seules plantation d’organes. Tout d’abord, il est difficile d’avoir des donneurs d’organes ; cela
transplantations allogéniques ; la survie est surtout problématique lorsqu’il s’agit d’un organe vital, tel que le cœur ou le foie.
dépend de la maladie ; elle est de 40 % pour Ensuite, la maladie qui a détruit l’organe du patient pourrait aussi détruire le greffon,
les patients avec une forme aiguë de leucémie comme la destruction des cellules β pancréatiques en cas de diabète. Enfin, l’immu-
myéloïde et de 60 % pour les patients
atteints de la forme chronique. Toutes les
nosuppression nécessaire afin d’éviter un rejet de greffe augmente le risque de cancer
greffes sauf celles de cornée requièrent une et d’infection. Il est essentiel de considérer tous ces problèmes avant qu’un type de
immunosuppression à long terme. greffe n’entre dans la pratique courante. Les problèmes qui ont le plus de chance
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 645

d’être résolus sont le développement de moyens d’immunosuppression plus effica-


ces, le déclenchement de la tolérance spécifique au greffon et le développement de Maladie du greffon contre l’hôte
xénogreffes pour pallier le manque d’organes disponibles.

14-35 Le contraire du rejet de greffe est la maladie du greffon contre l’hôte.

La transplantation de cellules souches hématopoïétiques par greffe de moelle osseuse


allogénique est un traitement efficace dans certains cas de tumeurs dérivées de pré-
curseurs de la moelle osseuse, comme certaines leucémies et certains lymphomes. La
greffe est aussi efficace dans le traitement de certaines immunodéficiences primaires
(voir Chapitre 12) et de maladies héréditaires de cellules souches hématopoïétiques,
telles que des formes sévères de thalassémie par remplacement des cellules souches
déficientes par celles d’un donneur normal. Dans le traitement de la leucémie, la
moelle osseuse du receveur, qui est la source de la leucémie, doit d’abord être détruite
par une chimiothérapie cytotoxique agressive. Une des complications principales
de la greffe de moelle osseuse allogénique est la maladie du greffon contre l’hôte
(GVHD, Graft-Versus-Host Disease), dans laquelle les cellules T matures du donneur
qui contaminent la moelle osseuse allogénique reconnaissent les tissus du receveur
comme étrangers, ce qui provoque une maladie inflammatoire sévère qui se carac-
térise par des éruptions cutanées, de la diarrhée et une atteinte hépatique. La GVHD
est particulièrement virulente lorsqu’il y a incompatibilité des antigènes du CMH de
classe I ou de classe II. La plupart des greffes ne sont dès lors entreprises que lorsque
le donneur et le receveur sont des membres d’une fratrie avec des HLA compatibles,
ou moins fréquemment, lorsqu’il y a un donneur non apparenté compatible sur le
plan HLA. Comme dans la transplantation d’organe, la GVHD survient aussi dans le
contexte de disparités entre antigènes mineurs d’histocompatibilité ; aussi, l’immu-
nosuppressionn doit aussi être appliquée dans toute greffe de cellules souches.
La présence de cellules T alloréactives peut facilement être démontrée de façon expé-
rimentale par la réaction lymphocytaire mixte (MLR, Mixed Lymphocyte Reaction),
dans laquelle les lymphocytes provenant d’un donneur potentiel sont mélangés à des
lymphocytes irradiés provenant d’un receveur potentiel. Si les lymphocytes du don-
neur contiennent des cellules T alloréactives, celles-ci vont répondre par une division
cellulaire (Fig. 14.46). La MLR est parfois utilisée pour la sélection des donneurs pour
une greffe de moelle osseuse, pour laquelle il est essentiel d’avoir une réponse allo-
réactive la plus faible possible. Cependant, les limites de l’utilisation de la MLR dans
Fig. 14.46 La réaction lymphocytaire mixte
(MLR) peut être utilisée pour détecter une
histo-incompatibilité. Les lymphocytes
Mélange de cellules T CMHa et de cellules non T
irradiées CMHb servant d’APC provenant des deux individus, qui vont
subir un test de compatibilité, sont isolés
du sang périphérique. Les cellules de l’une
des personnes (en jaune), qui comprennent
également des cellules présentatrice de
l’antigène, sont soit irradiées, soit traitées
par la mitomycine C ; elles vont agir en
tant que cellules stimulatrices, mais ne
APC peuvent plus répondre par une synthèse
APC d’ADN et une division cellulaire lors d’une
stimulation antigénique par les cellules de
l’autre personne. Les cellules provenant
des deux individus sont ensuite mélangées
Mesure de prolifération des cellules T Mesure de la mort des cellules cibles marquées au (panneau du haut). Si les lymphocytes non
par incorporation de 3H-thymidine Cr pour détecter les cellules T cytotoxiques activées
51
irradiés (les répondeurs, en bleu) contiennent
des cellules T alloréactives, elles seront
stimulées et se mettront alors à proliférer et
à se différencier en cellules effectrices. Entre
3 et 7 jours après le mélange, on évalue
la prolifération des cellules T (panneau en
bas à gauche), représentées surtout par
des cellules T CD4 qui reconnaissent les
différences portant sur les molécules du
CMH de classe II, ainsi que la génération de
La prolifération des cellules T dépend La génération des cellules T cytotoxiques cellules T cytotoxiques activées (panneau en
en grande partie des différences dépend en grande partie des différences bas à droite), qui répondent aux différences
entre les allèles du CMH de classe II entre les allèles du CMH de classe I des molécules du CMH de classe I.
646 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

la sélection de donneurs de moelle osseuse résident dans le fait que le test ne permet
pas de quantifier précisément les cellules T. Un essai en dilution limite est un test plus
précis (voir Appendice I, Section A-25) qui permet d’évaluer précisément la propor-
tion des cellules T alloréactives.
Bien que la maladie du greffon contre l’hôte soit généralement délétère pour le rece-
veur d’une greffe de moelle osseuse, on peut observer des effets bénéfiques. Certains
des effets thérapeutiques d’une greffe de moelle osseuse lors du traitement d’une leu-
cémie peuvent être dus à une réaction du greffon contre la leucémie. Dans ce cas,
la moelle osseuse allogénique reconnaît des antigènes mineurs d’histocompatibilité
ou des antigènes spécifiques de la tumeur exprimés par les cellules leucémiques, ce
qui amène les cellules du donneur à tuer les cellules leucémiques. L’un des traite-
Fig. 14.47 Des cellules présentatrices ments préventifs de la GVHD est l’élimination in vitro des cellules T matures de la
d’antigène du type du receveur sont moelle osseuse du donneur avant la greffe, ce qui supprime de ce fait les cellules T
nécessaires pour le lancement de la alloréactives. Les cellules T qui se développent ensuite dans le corps du receveur à
réaction du greffon contre l’hôte (GVHD).
Les cellules T qui accompagnent les cellules
partir de la moelle du donneur deviennent tolérants aux antigènes du receveur. Bien
souches hématopoïétiques du donneur que l’élimination de la maladie du greffon contre l’hôte soit bénéfique pour le patient,
(panneau gauche) peuvent reconnaître des on observe une augmentation du risque de récidive de la leucémie, ce qui fournit une
antigènes mineurs d’histocompatibilité du preuve solide de l’effet du greffon contre la leucémie.
receveur et commencer à réagir contre les
tissus du receveur. Lors d’une transplantation L’immunodéficience est une autre complication de la déplétion des cellules  T du
de cellules souches, les antigènes mineurs donneur. Puisque la plupart des cellules T du receveur sont détruites par la combi-
pourraient être présentés par les cellules
naison d’une chimiothérapie à haute dose et d’irradiation servant à traiter le receveur
présentatrices d’antigène dérivées soit du
receveur ou du donneur, ces dernières avant la transplantation, les cellules T du donneur sont la source principale pour la
dérivant des cellules souches greffées et reconstitution d’un répertoire de cellules T matures après la greffe. Cela est particuliè-
des précurseurs qui se différencient après la rement vrai chez les adultes, dont la fonction thymique résiduelle est faible. Si un trop
transplantation. Les cellules présentatrices grand nombre de cellules T ont été éliminées de la greffe, les receveurs sont à la merci
d’antigènes sont présentées ici comme
des cellules dendritiques dans un ganglion
de nombreuses infections opportunistes et peuvent en mourir. Le besoin d’équili-
lymphatique (panneau du milieu). Chez la brer les effets bénéfiques de la réaction du greffon contre la leucémie et de l’immuno-
souris, il a été possible de supprimer les compétence avec les effets négatifs de la GVHD causés par les cellules T du donneur
cellules présentatrices d’antigènes du receveur a suscité beaucoup de recherches. Une approche particulièrement prometteuse est
par inactivation génique. Ces receveurs d’empêcher les cellules T des donneurs de réagir avec les antigènes du receveur qu’ils
résistent totalement à la GVHD dépendant
des cellules T CD8 du donneur (panneau
pourraient rencontrer peu de temps après la transplantation. On peut y parvenir en
de droite). Ainsi, la présentation croisée éliminant les cellules présentatrices d’antigène du receveur, essentiellement les cel-
des antigènes mineurs d’histocompatibilité lules dendritiques (Fig.  14.47). Évidemment, dans cette situation, les cellules  T du
du receveur sur des cellules dendritiques donneur ne sont pas activées au début de l’inflammation qui accompagne la trans-
du donneur ne sont pas suffisantes pour plantation, et par la suite elles ne favorisent pas la GVHD. Toutefois, il est difficile de
stimuler la GVHD ; ces antigènes synthétisés
de manière endogène et présentés par des savoir si, dans ce contexte, il y aura une réaction du greffon contre la leucémie.
cellules présentatrices d’antigènes du receveur
sont nécessaires pour stimuler les cellules T
du donneur. Pour que cette stratégie puisse 14-36 Des cellules T régulatrices sont impliquées dans les réponses
être utile pour prévenir la GVHD chez l’homme, immunitaires alloréactives.
des moyens de supprimer les cellules
présentatrices d’antigène du receveur seront
nécessaires. Ceci fait l’objet de recherches Comme dans toutes les réponses immunitaires, des cellules T CD4 CD25 régulatrices
dans plusieurs laboratoires. joueraient un rôle immunorégulateur dans les réponses immunitaires alloréactives

Lors d’une transplantation de cellules souches Des cellules T alloréactives sont activées par Si les cellules dendritiques du receveur sont absentes,
hématopoïétiques, le receveur reçoit des cellules dendritiques du receveur et les cellules T du donneur ne voient maintenant
quelque cellules T matures peuvent causer des lésions tissulaires étendues que les cellules dendritiques dérivées du donneur
appelées maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) et ne sont pas activées et ne causent pas de GVHD
Réponses contre les alloantigènes et rejet du greffon 647

impliquées dans le rejet de greffe. Des expériences de transplantation allogénique de


cellules souches hématopoïétiques chez la souris ont éclairé quelque peu cette ques-
tion. La déplétion des cellules Treg CD4 CD25 chez le receveur ou des cellules Treg CD4
CD25 dans le greffon de moelle osseuse avant la greffe ont accéléré l’apparition de la
GVHD et la mort. En revanche, l’addition à la greffe de cellules Treg CD4 CD25 fraî-
ches ou de cellules Treg CD4 CD25 activées et multipliées ex vivo a retardé ou même
empêché la mort par GVHD. Ces expériences suggèrent que l’enrichissement ou la
génération de cellules Treg dans les greffes de moelle osseuse pourrait devenir une
thérapie possible de la GVHD.
Une autre classe de cellules T régulatrices, les cellules Treg CD8+ CD28−, ont un phé-
notype anergique et l’on pense qu’elles maintiennent la tolérance des cellules T indi-
rectement en inhibant la capacité des cellules présentatrices d’antigènes d’activer les
cellules T auxiliaires. Des cellules de ce type ont été isolées à partir de patients trans-
plantés. Elles peuvent être distinguées des cellules  T CD8 cytotoxiques alloréacti-
ves, car elles ne présentent pas d’activité cytotoxique contre des cellules du donneur
et expriment en densité élevée le récepteur inhibiteur de cytotoxicité, CD94 (voir
la Section 2-31). Cette constatation suggère la possibilité que des cellules Treg CD8+
CD28− interfèrent dans l’activation des cellules présentatrices d’antigènes et jouent
un rôle dans le maintien de la tolérance au greffon.

14-37 Le fœtus est une allogreffe tolérée de manière répétée.

Toutes les greffes dont il a été question jusqu’à présent relevaient de la technologie
médicale moderne. Cependant, un tissu qui est greffé, et toléré, de manière répétée
est le fœtus de mammifère. Il porte le CMH et les antigènes mineurs d’histocompati-
bilité du père qui sont différents de ceux de la mère (Fig. 14.48), et pourtant une mère
réussit à donner naissance à de nombreux enfants exprimant les mêmes protéines
du CMH étranger provenant du père. Le mystère de cette absence de rejet fœtal a
interpellé des générations d’immunologistes, mais aucune explication complète n’a
encore été trouvée. L’un des problèmes est que l’acceptation de l’allogreffe fœtale est
tellement banale qu’il est difficile d’étudier le mécanisme qui empêche le rejet ; si le
mécanisme de rejet du fœtus n’est que si rarement activé, comment pourrait-on ana-
lyser les mécanismes qui le contrôlent ?
Différentes hypothèses ont été avancées afin d’expliquer la tolérance au fœtus. On
pensait qu’il n’était pas considéré comme étranger. Cependant, plusieurs observa-
tions vont à l’encontre de cette hypothèse. Les femmes qui ont donné naissance à
plusieurs enfants produisent habituellement des anticorps contre les protéines
du CMH et les antigènes des globules rouges du père. Elles représentent même la
meilleure source d’anticorps pour le typage du CMH humain. Le placenta, qui est un
tissu appartenant au fœtus, semble isoler celui-ci des cellules T de la mère. La cou-
che externe du placenta, l’interface entre les tissus fœtaux et maternels, s’appelle le
trophoblaste. Il n’exprime pas de protéines du CMH de classe I et II classiques, ce qui
le rend résistant à toute reconnaissance ou attaque par les cellules T maternelles. Les
tissus qui n’ont pas d’expression de classe I sont, cependant, vulnérables aux attaques
des cellules NK (voir la Section 2-31). Le trophoblaste pourrait être protégé des atta-
ques des cellules NK en exprimant une molécule du HLA de classe I non classique et
très peu polymorphe, HLA-G. On a montré que cette protéine se liait aux deux récep-
teurs inhibiteurs principaux des cellules NK, le KIR1 et le KIR2, et inhibait ainsi la
cytotoxicité exercée par les cellules NK.
Le placenta peut également protéger le fœtus des cellules T de la mère au moyen d’un
mécanisme actif d’épuisement des nutriments. L’enzyme indoleamine 2,3-dioxygé-
nase (IDO), qui est fortement exprimée par les cellules de l’interface fœto-maternelle,
catabolise un acide aminé, le tryptophane, et en prive ainsi les cellules T, qui en ont Fig. 14.48 Le fœtus est une allogreffe qui
besoin pour leur activité. L’inhibition de l’IDO par le 1-méthyltryptophane chez des n’est pas rejetée. Bien que le fœtus porte
des molécules du CMH héritées du père, et
souris gravides entraîne un rejet rapide des fœtus allogéniques, mais non celui des
d’autres antigènes étrangers, il n’est pas rejeté.
fœtus syngéniques. Ce qui soutient l’hypothèse selon laquelle les cellules T maternel- Même lorsque la mère donne naissance à
les, alloréactives contre les protéines du CMH paternelles, pourraient être maîtrisées plusieurs enfants du même père, on n’observe
dans le placenta par la déplétion du tryptophane. aucun signe de rejet immunologique.
648 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

Il est plus que probable que la tolérance fœtale repose sur un processus multifacto-
riel. Le trophoblaste n’agit pas comme une barrière absolue entre la mère et le fœtus,
et les cellules sanguines fœtales peuvent traverser le placenta et être détectées dans
la circulation maternelle, bien qu’en très petit nombre. De expériences sur les sou-
ris ont fourni des preuves directes de la tolérance des cellules T spécifiques contre
les alloantigènes du CMH paternels. Les souris femelles gravides dont les cellules T
portent un récepteur transgénique spécifique d’un alloantigène paternel ont montré
une expression réduite de ce récepteur pendant la gestation. Ces mêmes souris sont
devenues incapables de contrôler la croissance d’une tumeur expérimentale portant
le même alloantigène du CMH paternel. Après la gestation, la croissance de la tumeur
a été contrôlée et le niveau du récepteur des cellules T s’est accru. Cette expérience
démontre que le système immunitaire maternel a sans doute été exposé aux alloan-
tigènes du CMH paternels et que la réponse immunitaire contre ces antigènes a été
temporairement supprimée.
Un autre facteur pouvant contribuer à la tolérance maternelle du fœtus est la sécré-
tion de cytokines à l’interface fœto-maternelle. L’épithélium utérin et le trophoblaste
sécrètent tous deux des cytokines, y compris le TGF-β (transforming growth factor),
l’IL-4, et l’IL-10. Cette association de cytokines tend à inhiber les réponses des cellu-
les TH1 (voir Chapitre 10). L’activation ou l’injection de cytokines comme l’interféron
(IFN)-γ et l’IL-12, qui activent les réponses des TH1 chez les animaux de laboratoire,
favorisent la résorption fœtale, l’équivalent d’un avortement spontané dans l’espèce
humaine. Finalement, il est possible que des cellules T régulatrices pourraient jouer
un rôle dans la suppression des réponses contre le fœtus.
Le fœtus est donc toléré pour deux raisons principales : il occupe un site protégé par
une barrière tissulaire non immunogène et il active une réponse immunosuppressive
locale chez la mère. Plusieurs sites du corps, comme l’œil, ont ces caractéristiques et
acceptent de manière prolongée des greffons tissulaires étrangers. Ces sites sont en
général qualifiés de privilégiés (voir la Section 14-5).

Résumé.

La greffe clinique est désormais une réalité quotidienne, son succès étant basé sur
la compatibilité du CMH, les immunosuppresseurs et les compétences techniques.
Cependant, même une compatibilité parfaite du CMH n’empêche pas le rejet de
greffe  ; d’autres différences génétiques entre donneur et receveur peuvent générer
des protéines allogéniques dont les peptides sont présentés sous forme d’antigènes
mineurs d’histocompatibilité par des molécules du CMH sur le greffon, des réactions
contre eux pouvant induire un rejet. Comme nous n’avons pas la capacité de suppri-
mer de façon spécifique la réponse contre le greffon sans compromettre la défense
de l’hôte, la plupart des greffes nécessitent que le receveur soit soumis à une immu-
nosuppression. Ce qui peut s’avérer très toxique et accroître le risque de cancer et
d’infection. Le fœtus est une allogreffe naturelle qui doit être acceptée — et qui l’est
presque toujours — pour la survie de l’espèce. La tolérance envers le fœtus pourrait
être la clef du développement d’une tolérance spécifique envers les tissus greffés, à
moins qu’il ne s’agisse d’un cas spécial non applicable au traitement par greffe.

Résumé du Chapitre 14.

Idéalement, les fonctions effectrices du système immunitaire devraient viser unique-


ment les agents pathogènes et jamais des tissus autologues. Dans la pratique, parce
que les protéines étrangères et du soi sont chimiquement similaires, une discrimi-
nation stricte entre le soi et le non soi est impossible. Pourtant, le système immuni-
taire reste tolérant aux tissus autologues. Il y parvient par une régulation à plusieurs
niveaux, qui utilise des marqueurs pour distinguer le soi du non soi et diriger ainsi
correctement la réponse immunitaire. Lorsque ces mécanismes régulateurs sont
perturbés, une maladie auto-immune peut en résulter. De légères brèches dans l’une
ou l’autre des barrières régulatrices surviennent probablement tous les jours, mais
sont réprimées par les autres niveaux régulateurs ; ainsi, la tolérance opère à l’échelle
Résumé du Chapitre 14 649

de l’ensemble du système immunitaire. Pour qu’une maladie survienne, plusieurs


niveaux de tolérance doivent être surmontés et l’effet doit être chronique. Ces niveaux
commencent avec la tolérance centrale dans la moelle osseuse et le thymus, et com-
prend des mécanismes périphériques comme l’anergie, la réorientation des cytoki-
nes et les cellules T régulatrices. Parfois, les réponses immunitaires ne se produisent
pas tout simplement parce que les antigènes ne sont pas accessibles, comme dans la
séquestration immunitaire.
Peut-être à cause de la pression de la sélection naturelle en faveur de réponses immu-
nitaires efficaces aux pathogènes, l’atténuation des réponses immunitaires pour
favoriser l’autotolérance est limitée et sujette à des défaillances. La prédisposition
génétique joue un rôle important dans la détermination des personnes qui auront
une maladie auto-immune. La région du CMH a un effet important dans de nom-
breuses maladies. Il existe de nombreux autres gènes qui contribuent à la régula-
tion immunitaire et lorsqu’ils sont défectueux, ils peuvent causer ou prédisposer à
une maladie auto-immune. Des facteurs environnementaux ont également un rôle
important, parce que même les vrais jumeaux ne sont pas toujours touchés tous les
deux par la même maladie auto-immune. Les facteurs environnementaux peuvent
être des infections, des toxines et probablement des événements aléatoires.
Lorsque l’autotolérance est brisée et que la maladie auto-immune s’ensuit, les méca-
nismes effecteurs sont très similaires à ceux utilisés dans les réponses contre des
pathogènes. Bien que les détails varient d’une maladie à l’autre, les anticorps et les
cellules  T peuvent être impliqués. On a beaucoup appris sur les réponses immu-
nitaires contre les antigènes tissulaires en étudiant les réponses aux tissus et orga-
nes transplantés ; les enseignements tirés de l’étude du rejet de greffe s’appliquent
à l’auto-immunité, et vice versa. La transplantation d’organes solides et de moelle
osseuse a provoqué des syndromes de rejet qui sont à bien des égards semblables à
des maladies auto-immunes, mais les cibles sont des antigènes d’histocompatibilité
majeurs ou mineurs. Ces derniers proviennent de gènes polymorphes. Les cellules T
sont les principaux effecteurs de rejet de greffe et de la maladie du greffon contre
l’hôte. Pour chacune des catégories de réponse indésirable décrites ici (avec l’aller-
gie, l’objet du Chapitre 13), la question est de savoir comment contrôler la réponse
sans porter atteinte à l’immunité protectrice. La réponse pourrait résider dans une
compréhension plus complète de la régulation de la réponse du système immuni-
taire, en particulier les mécanismes de suppression, qui semblent importants pour
la tolérance. Le contrôle délibéré de la réponse immunitaire est examiné plus en
détail au Chapitre 15.

Questions.

14.1 (a) Décrivez les différents niveaux de l’autotolérance. (b) Citez au moins quatre de
ces niveaux et décrivez le mécanisme de chacun en quelques phrases.

14.2 Quelle est la différence entre tolérance « dominante » et « récessive » ? Expliquer,


et donner un exemple de chacune.

14.3 Quelle est la preuve que la prédisposition génétique joue un rôle important dans
les maladies auto-immunes ? Donnez deux exemples et pour chacun expliquez
pourquoi l’exemple implique la génétique.

14.4 (a) Donnez un élément évident de preuve que l’environnement joue également
un rôle dans le développement de l’auto-immunité. (b) Citez deux facteurs
environnementaux potentiels et pour l’un d’entre eux décrivez plus en détail
comment il pourrait susciter l’auto-immunité.
650 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

14.5 Il existe différents mécanismes pathogéniques dans l’auto-immunité. Donnez un


exemple des quatre, et décrivez brièvement un exemple de chacun. Tenez compte
des mécanismes dépendant des anticorps et des cellules T.

14.6 Une personne ayant une leucémie reçoit une greffe de moelle osseuse de son
frère dont l’HLA est identique. Deux semaines plus tard, il développe une éruption
cutanée et des nausées, bien que sa leucémie soit en rémission. (a) Comment
appelle-t-on ce syndrome ? (b) Quel type de lymphocyte est en cause ? (c) Quels
sont les antigènes reconnus ?

14.7 Pourquoi considère-t-on le lupus érythémateux disséminé (LED) comme une


maladie auto-immune ?

14.8 Comment l’interaction de cellules T avec des cellules B contribue-t-elle à la


pathogénie du LED ?

14.9 Quelle est la cause du diabète auto-immun ?

14.10 Quel est le rôle du TNF-α dans la polyarthrite rhumatoïde? Quelles sont les cellules
qui le produisent ?

14.11 Distinguez les aspects immunologiques et fonctionnels de la thyroïdite


destructive de Hashimoto et de l’hyperthyroïdie de la maladie de Graves.

14.12 Citez trois points qui différencient l’auto-immunité de l’allergie et trois points qui
les rendent semblables.

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652 Chapitre 14 : Auto-immunité et transplantation

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par des rétroactions positives de l’inflammation, extracellulaires provoquent des lésions inflammatoires
l’impossibilité d’éliminer l’autoantigène et l’élargissement par des mécanismes analogues aux réactions
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14-36 Des cellules T régulatrices sont impliquées


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dans les réponses immunitaires alloréactives.
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655

Manipulation de la réponse
immunitaire 15
La majeure partie de cet ouvrage a été consacrée aux mécanismes par lesquels
le système immunitaire nous protège efficacement de la maladie. Dans les trois
chapitres précédents, cependant, nous avons rencontré des exemples d’échec
de l’immunité face à certaines infections importantes, et à l’inverse, l’allergie et
l’auto-immunité ont montré comment des réponses immunitaires inappropriées
pouvaient elles-mêmes être causes de maladie. Nous avons également abordé les
réactions immunitaires néfastes qui se développent contre les tissus greffés.
Dans ce chapitre, nous traiterons des moyens par lesquels on peut manipuler ou
contrôler le système immunitaire, soit pour supprimer des réactions non souhai-
tées dans l’auto-immunité, l’allergie ou le rejet de greffe, soit pour stimuler l’immu-
nité protectrice. On pense depuis longtemps qu’il devrait être possible d’utiliser les
mécanismes puissants et spécifiques de l’immunité adaptative pour détruire les
tumeurs, et nous ferons le point sur l’état actuel des progrès dans cette direction.
Dans la dernière section de ce chapitre, nous présenterons les stratégies actuel-
les de vaccination et nous verrons comment une approche plus rationnelle dans
la conception et le développement des vaccins promet d’accroître leur efficacité et
d’élargir leur utilité et leur application.

La régulation extrinsèque des réactions immunitaires


indésirables.
Bien que les réponses immunitaires indésirables qui surviennent dans les mala-
dies auto-immunes, le rejet de greffe et l’allergie diffèrent légèrement, l’objectif
thérapeutique dans tous les cas est d’atténuer la réaction immunitaire délétère en
empêchant ainsi que les tissus ne soient endommagés ou leurs fonctions altérées.
Au point de vue thérapeutique, la seule et la plus importante différence entre le
rejet de greffe d’une part et l’allergie ou l’auto-immunité d’autre part est que les
allogreffes sont des interventions chirurgicales délibérées et que la réponse immu-
nitaire contre le greffon peut être prévue, tandis que les réponses auto-immunes
ou allergiques ne peuvent être détectées que lorsqu’elles sont déjà établies. Traiter
efficacement une réponse immunitaire établie est beaucoup plus difficile que de
prévenir son développement. Aussi, les maladies auto-immunes sont en général
plus difficiles à contrôler qu’une réponse immunitaire de novo contre une allo-
greffe. Éviter tout contact avec l’allergène est le meilleur traitement de l’allergie,
mais cela peut être impossible. Quant à la difficulté relative de supprimer une
réponse immunitaire établie, elle est illustrée par les modèles animaux d’auto-
immunité, dans lesquels des traitements capables de prévenir l’induction de la
maladie ne parviennent pas à la guérir lorsqu’elle est établie.
Les traitements habituels des troubles immunologiques ont presque tous une origine
empirique ; on recourt à des immunosuppresseurs identifiés en testant de très nom-
breuses substances naturelles et synthétiques. Les médicaments actuels actuellement
656 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

pour supprimer les réactions immunitaires peuvent être répartis en trois catégories :
premièrement, les anti-inflammatoires puissants de la famille des corticostéroïdes,
comme la prednisone  ; deuxièmement, les cytotoxiques tels que l’azathioprine et
le cyclophosphamide ; troisièmement, les dérivés fongiques et bactériens, tels que
la ciclosporine A, le tacrolimus (FK506 ou fujimycine) et la rapamycine (sirolimus),
qui inhibent la signalisation dans les lymphocytes T. Ces médicaments ont tous un
spectre d’action très large et inhibent aussi bien les fonctions protectrices du système
immunitaire que les fonctions nocives. Les infections opportunistes sont donc une
complication courante d’un traitement à base d’immunosuppresseurs. Récemment,
de nouveaux traitements ont été introduits  ; ils ont été conçus pour atteindre des
composants particuliers de la réponse immunitaire délétère. L’agent immunosup-
presseur idéal qui éviterait une immunosuppression générale devrait viser certai-
nes mécanismes de la réponse immunitaire responsables des dommages tissulaires.
Même ce type d’intervention n’est pas exempt d’effets secondaires car les cellules ou
les molécules touchées exercent des fonctions importantes dans les réponses immu-
nitaires normales contre les infections. Les anticorps eux-mêmes, en raison de leur
grande spécificité, offrent la possibilité la plus immédiate d’inhiber un processus par-
ticulier d’une réponse immunitaire. Des traitements qualifiés d’expérimentaux dans
les éditions précédentes de cet ouvrage, par exemple l’utilisation d’anticorps mono-
clonaux anticytokine, font partie maintenant de la pratique médicale, et de nouveaux
traitements sont constamment à l’essai. Parmi ceux-ci, citons le ciblage de cellules
spécifiques, la neutralisation de cytokines et de chimiokines en excès dans certains
sites et l’amplification des mécanismes régulateurs naturels de la réponse immuni-
taire comme ceux qui impliquent les cellules T régulatrices (Treg).

15-1 Les corticostéroïdes sont de puissants agents anti-inflammatoires


qui modifient la transcription de nombreux gènes.
Les corticostéroïdes sont des agents anti-inflammatoires puissants largement uti-
lisés pour supprimer les effets nocifs des réponses immunitaires d’origine allergi-
que ou auto-immune et ceux liés au rejet de greffe. Les corticostéroïdes sont des
dérivés pharmacologiques de membres de la famille des glucocorticoïdes parmi les
hormones stéroïdes ; l’un des plus utilisés est la prednisone, qui est un analogue
synthétique du cortisol. Le cortisol agit en passant par des récepteurs intracellulai-
res de la superfamille des récepteurs de stéroïdes et par des récepteurs, mal carac-
térisés, qui sont liés aux membranes et exprimés dans presque toutes les cellules de
l’organisme. Après avoir interagi avec leur ligand, les récepteurs intracellulaires se
lient directement à des sites spécifiques de l’ADN, agissant ainsi sur la transcription,
ou s’associent à d’autres facteurs de transcription, comme NFκB, pour moduler leur
fonction (Fig.  15.1). Le cortisol peut également agir directement sur des proces-
sus cellulaires induisant une production beaucoup plus rapide de protéines anti-
inflammatoires que celle qui nécessite la transcription de nouveaux gènes.
Jusqu’à 20 % des gènes exprimés dans les leucocytes peuvent être régulés par les
glucocorticoïdes, qui induisent ou répriment la transcription des gènes sensibles.
Les effets thérapeutiques des corticostéroïdes sont dus à l’exposition des récep-
teurs de glucocorticoïdes à des quantités de ligand beaucoup plus élevées que cel-
les qu’ils rencontrent normalement. Cela provoque des réponses exagérées, qui
entraînent à la fois des effets bénéfiques et toxiques.
Le grand nombre de gènes régulés par les corticostéroïdes et la diversité des gènes
régulés dans différents tissus expliquent la grande complexité des effets d’un traite-
ment stéroïdien. Un couche supplémentaire de complexité est liée à la variabilité de
sensibilité des différents tissus au cours du temps, ce qui explique les observations
que les corticostéroïdes perdent de leur efficacité au cours du temps. Les effets béné-
fiques sont récapitulés dans la Fig. 15.2 ; ces médicaments ciblent les fonctions des
monocytes et des macrophages et réduisent le nombre de cellules T CD4. Cependant,
il existe aussi de nombreux effets indésirables, dont la rétention aqueuse, l’augmen-
tation de poids, le diabète, la déminéralisation osseuse et l’amincissement de la peau.
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 657

Dans le noyau, le récepteur


de stéroïde se lie aux séquences
régulatrices de gènes spécifiques
et active la transcription

Des récepteurs de stéroïdes se trouvent Les stéroïdes traversent la membrane Le complexe stéroïde:récepteur
dans le cytoplasme complexés à une cellulaire et se lient au complexe du peut maintenant traverser
protéine de choc thermique, Hsp 90 récepteur de stéroïde, libérant l’Hsp 90 la membrane du noyau

stéroïde

élément gène
régulateur en amont
récepteur
de stéroïde
Le récepteur de stéroïde peut interagir
avec NF𝛋B et inhiber ainsi la
transcription des gènes cibles de NF𝛋B

Hsp90

Cytoplasme Noyau pas de transcription


NFκB

gène
élément
de réponse à NFκB

De gros efforts sont actuellement consacrés à la recherche de produits dotés des Fig. 15.1 Mécanisme d’action des stéroïdes.
mêmes effets anti-inflammatoires mais sans les effets secondaires. L’utilisation de Les corticostéroïdes sont des molécules
lipophiles qui entrent dans les cellules en
corticostéroïdes pour contrôler une maladie nécessite un équilibre précis entre l’aide diffusant à travers la membrane plasmique et
fournie au patient par la réduction des manifestations inflammatoires et les effets nui- qui se lient à leur récepteur dans le cytosol.
sibles du médicament. Pour cette raison, on administre souvent les corticostéroïdes La liaison d’un corticostéroïde à son récepteur
chez les receveurs de greffes et dans le traitement des maladies allergiques et auto- déplace des chaperonnes moléculaires,
comprenant les protéines de choc thermique,
immunes inflammatoires en les associant à d’autres médicaments afin de minimiser exposant ainsi, dans le récepteur, son site de
la dose et les effets toxiques. Dans l’auto-immunité et le rejet d’allogreffe, les corticos- liaison à l’ADN. Le complexe stéroïde:récepteur
téroïdes sont couramment combinés avec des immunosuppresseurs cytotoxiques ; peut agir en entrant dans le noyau et en se
liant aux séquences d’ADN spécifiques dans
cependant ceux-ci ont leurs propres effets secondaires.
les promoteurs des gènes sensibles aux
stéroïdes ou en interagissant avec d’autres
facteurs de transcription comme NFκB.
15-2 Les agents cytotoxiques sont immunosuppresseurs en tuant Plusieurs des effets des corticostéroïdes
les cellules en division mais ont de graves effets secondaires. surviennent rapidement et sont donc assurés
par des mécanismes non génétiques
comme ceux passant par des récepteurs de
Les trois agents cytotoxiques les plus couramment utilisés comme immunosup- membrane encore mal caractérisés.
presseurs sont l’azathioprine, le cyclophosphamide et le mycophénolate. Ces
substances interfèrent dans la synthèse de l’ADN et leur action pharmacologique
principale porte sur les tissus dont les cellules sont en division continuelle. Ces subs-
tances développées à l’origine pour traiter le cancer sont aussi immunosuppressi-
ves car elles sont cytotoxiques pour les lymphocytes en division. L’azathioprine
interfère aussi avec la costimulation de CD28, ce qui conduit à l’émission d’un
signal apoptotique par blocage d’une importante molécule de signalisation, la
petite GTPase, Rac1. L’utilisation de ces composés est limitée par une série d’effets
toxiques sur les tissus dont les cellules se divisent, comme la peau, la muqueuse
intestinale et la moelle osseuse. Les conséquences sont une diminution de la fonc-
tion immunitaire, une anémie, une leucopénie, une thrombopénie, des lésions de
l’épithélium intestinal, la perte de cheveux et des atteintes, voire la mort, du fœtus.
À cause de leur toxicité, ces médicaments sont utilisés à haute dose uniquement
lorsque l’objectif est d’éliminer tous les lymphocytes en division, et dans ces cas,
les patients traités requièrent une greffe de moelle osseuse subséquente afin de
restaurer leur fonction hématopoïétique. Pour traiter les réponses immunitaires
non souhaitées, ces substances sont utilisées à des doses plus faibles et sont asso-
ciées à d’autres médicaments comme les corticostéroïdes.
658 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

L’azathioprine est transformée in vivo en un analogue purique, la 6-thioguanine


Thérapie par corticostéroïdes (6-TG), qui à son tour est métabolisée en acide 6-thioinosinique. Celui-ci entre en
compétition avec l’inosine monophosphate et bloque de ce fait la synthèse de l’adé-
Effet sur Effets physiologiques
nosine monophosphate et de la guanosine monophosphate, inhibant ainsi la syn-
thèse de l’ADN. La 6-TG est aussi incorporée dans l’ADN au lieu de la guanine, et
IL-1, TNF-α, GM-CSF Inflammation
IL-3, IL-4, IL-5, CXCL8 causée par les cytokines le cancer cutané qui se développe comme effet secondaire à long terme chez les
patients traités par l’azathioprine peut être expliqué par l’accumulation de 6-TG
NOS NO dans l’ADN du patient. En effet, la 6-TG augmente le risque de mutations lors de
l’exposition aux rayons ultraviolets de la lumière solaire. Le mycophénolate mofé-
Phospholipase A2 Prostaglandines til, qui est venu récemment s’ajouté à la famille des cytotoxiques utilisés comme
Cyclooxygénase Leucotriènes immunosuppresseurs, fonctionne un peu comme l’azathioprine. Il est métabolisé
Annexine-1
en acide mycophénolique, un inhibiteur de l’enzyme inosine monophosphate dés-
Les leucocytes sortent hydrogénase. Ce qui bloque la synthèse de novo de la guanosine monophosphate.
Molécules d’adhérence moins des vaisseaux
L’azathioprine et le mycophénolate sont moins toxiques que le cyclophosphamide,
Induction d’apoptose qui est métabolisé en une moutarde, le phosphoramide, qui alkyle l’ADN. Le cyclo-
Endonucléases dans les lymphocytes
et les éosinophiles phosphamide fait partie des moutardes azotées, qui ont été développées au départ
comme armes chimiques. Avec une telle origine, on comprend que ce produit exerce
Fig. 15.2 Les effets anti-inflammatoires
une série d’effets hautement toxiques, parmi lesquels une inflammation hémorragi-
de la corticothérapie. Les corticostéroïdes que de la vessie (cystite hémorragique) et l’induction d’un cancer de la vessie.
régulent l’expression de nombreux gènes,
avec un effet anti-inflammatoire très net.
Tout d’abord, ils réduisent la production de 15-3 La ciclosporine A, le FK506 (tacrolimus) et la rapamycine (sirolimus)
médiateurs inflammatoires, dont les cytokines,
les prostaglandines et l’oxyde nitrique. sont des agents immunosuppresseurs puissants qui interfèrent
Ensuite, ils inhibent la migration des cellules dans la signalisation des cellules T.
inflammatoires vers les sites d’inflammation
en inhibant l’expression des molécules
d’adhérence. Enfin, les corticostéroïdes On dispose actuellement d’immunosuppresseurs moins agressifs que les médi-
favorisent la mort par apoptose des leucocytes caments cytotoxiques. La recherche systématique de produits bactériens et fon-
et des lymphocytes. Les niveaux de complexité giques nous a fourni de nombreux médicaments importants, entre autres trois
sont illustrés par les actions de l’annexine-1
immunosuppresseurs, la ciclosporine A, le tacrolimus (appelé jadis FK506) et
(identifiée à l’origine comme un facteur
induit par les corticostéroïdes et nommée la rapamycine (ou sirolimus), largement utilisés à présent en transplantation.
lipocortine), qui participe à tous les effets des La ciclosporine A est un décapeptide cyclique dérivé d’un champignon prove-
corticostéroïdes repris à droite. nant de Norvège, le Tolypocladium inflatum. Le tacrolimus, est un macrolide pro-
venant de la bactérie filamenteuse Streptomyces tsukabaensis trouvée au Japon ;
les macrolides sont des composés qui contiennent un anneau de lactone auquel
est attaché un, ou plusieurs, sucres désoxy. La rapamycine, un autre macrolide de
Streptomyces, est devenue importante dans la prévention du rejet de greffe ; elle
est dérivée de Streptomyces hygroscopicus, trouvé sur l’île de Pâques (« Rapa Nui »
en Polynésien — d’où le nom du médicament). Les trois composés exercent leurs
effets pharmacologiques en se liant aux membres d’une famille de protéines intra-
cellulaires appelées immunophilines et en formant des complexes qui inhibent
les voies de signalisation essentielles à l’expansion clonale des lymphocytes.
La ciclosporine A et le tacrolimus bloquent la prolifération des cellules T en inhibant
l’activité phosphatasique d’une enzyme activée par Ca2+, la calcineurine, et sont effi-
caces à des concentrations nanomolaires. Leur mécanisme d’action, que nous décri-
rons plus longuement dans la prochaine section, a révélé le rôle de la calcineurine
dans la transmission des signaux du récepteur des cellules T jusqu’au noyau (voir la
Section  6-15). Ces deux médicaments inhibent l’expression de plusieurs gènes de
cytokines, expression induite normalement par l’activation des cellules T (Fig. 15.3).
Parmi ces cytokines, on retrouve l’interleukine (IL)-2, dont la synthèse par les lympho-
cytes T est un signal de croissance important pour les cellules T (voir la Section 8-13).
La ciclosporine A et le tacrolimus inhibent la prolifération des cellules T en réponse à
des antigènes spécifiques ou à des cellules allogéniques et on les utilise beaucoup en
clinique afin d’éviter le rejet de greffons allogéniques. Les principaux effets immuno-
suppresseurs des deux médicaments sont probablement le résultat de l’inhibition de
la prolifération des cellules T, mais ceux-ci agissent également sur d’autres cellules et
ont une grande variété d’autres effets immunologiques (voir Fig. 15.3), dont certains
pourraient se révéler importants sur le plan pharmacologique.
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 659

Fig. 15.3 La ciclosporine A et le tacrolimus


Effets immunologiques de la ciclosporine A et du tacrolimus inhibent les réponses des lymphocytes et
de certains granulocytes.

Type cellulaire Effets

Lymphocyte T Réduit l’expression de l’IL-2, de l’IL-3, de l’IL-4, du GM-CSF, du TNF-α


Réduit la prolifération après la diminution de la production d’IL-2
Réduit l’exocytose dépendante du Ca2+ des sérine estérases des granules
Inhibe l’apoptose induite par l’antigène

Inhibition de la prolifération suite à la réduction de la production des cytokines


Lymphocyte B
par les lymphocytes T
Inhibition de la prolifération induite par liaison de l’antigène à l’l’immunoglobuline
de surface
Induction de l’apoptose suivant l’activation de la cellule B

Granulocyte Diminution de l’exocytose dépendante du Ca2+ des sérine estérases des granules

La ciclosporine A et le tacrolimus sont efficaces, mais ont cependant pas mal d’ef-
fets secondaires. Premièrement, comme pour les agents cytotoxiques, ces subs-
tances touchent toutes les réponses immunitaires sans discrimination. La seule
façon de contrôler leur action immunosuppressive est de modifier la dose. Lors
de la greffe, de fortes doses sont requises mais, une fois la greffe en place, on peut
réduire la dose afin de permettre encore des réponses immunitaires protectrices,
tout en maintenant la suppression des réponses résiduelles envers le tissu greffé.
Cet équilibre délicat n’est pas toujours atteint. Par ailleurs, bien que les cellules T
soient particulièrement sensibles aux actions de ces médicaments, leurs cibles
moléculaires sont retrouvées dans d’autres types cellulaires et ces médicaments
ont donc des effets sur plusieurs autres tissus. La ciclosporine A et le tacrolimus
sont tous deux toxiques pour les reins ainsi que pour d’autres organes. Enfin, le
traitement avec ces médicaments est coûteux car il s’agit de produits naturels com-
plexes qui doivent être administrés pendant des périodes de temps prolongées.
Aussi, on espère améliorer ces composés, et des analogues de meilleure qualité et
moins coûteux sont recherchés. Néanmoins, actuellement, ces substances sont les
médicaments de choix en transplantation, et elles sont également testées dans dif-
férentes maladies auto-immunes, et tout particulièrement pour celles qui, comme
le rejet de greffe, sont induites par les cellules T.

15-4 Les immunosuppresseurs sont des sondes utiles pour l’étude


des voies de signalisation intracellulaire des lymphocytes.
Le mécanisme d’action de la ciclosporine A et du tacrolimus est désormais bien
compris. Chacun se lie à un groupe différent d’immunophilines : la ciclosporine
A aux cyclophilines, et le tacrolimus aux protéines liant le FK (FKBP, FK Binding
Protein). Ces immunophilines sont des isomérases cis-trans peptidyl-prolyl, mais
cette activité enzymatique ne semble pas avoir de rapport avec l’effet immunosup-
presseur des médicaments. En fait, les complexes immunophiline:médicament se
lient à une sérine / thréonine phosphatase activée par le Ca2+, la calcineurine, et l’in-
hibent. La calcineurine est activée lorsque les taux d’ions calciques intracellulaires
augmentent à la suite du pontage des récepteurs des cellules T. Elle déphospho-
ryle alors les facteurs de transcription de la famille NFAT présents dans le cyto-
plasme, leur permettant de migrer dans le noyau. Là, ils forment des complexes
avec des partenaires nucléaires, dont le facteur de transcription AP-1, et déclen-
chent la transcription de gènes, entre autres ceux de l’IL-2, du ligand de CD40 et
du ligand de Fas (Fig.  15.4), tous nécessaires à un fonctionnement immunitaire
adéquat. Cette voie est inhibée par la ciclosporine A et le tacrolimus, qui inhibent
donc l’expansion clonale des cellules T activées. À côté des cellules T, d’autres cel-
lules contiennent la calcineurine, mais à des taux supérieurs ; les cellules T sont
donc particulièrement sensibles aux effets inhibiteurs de ces substances.
660 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

La rapamycine a un mode d’action différent de celui de la ciclosporine A et du


tacrolimus. Comme le tacrolimus, elle se lie aux immunophilines de la famille
FKBP. Cependant, le complexe rapamycine:immunophiline n’a aucun effet sur
l’activité de la calcineurine. Au lieu de cela, elle inhibe une sérine / thréonine
kinase appelée mTOR (mammalian Target Of Rapamycin, cible mammalienne
de la rapamycine), qui est impliquée dans la voie de signalisation phosphatidy-
linositol 3-kinase (PI 3-kinase) / Akt (protéine kinase B) (voir la Section 6-19). Le
blocage de cette voie a un effet spectaculaire sur la prolifération des cellules T.
Il cause l’arrêt des cellules en phase G1 du cycle cellulaire et les cellules meu-
rent d’apoptose. Le médicament inhibe de manière similaire la lymphoprolifé-
ration induite par des facteurs de croissance comme l’IL-2, l’IL-4 et l’IL-6. Il est
surprenant de constater que la rapamycine augmente le nombre de cellules  T

Fig. 15.4 La ciclosporine A et le tacrolimus


inhibent l’activation des cellules T La signalisation par le TCR induit Les immunosuppresseurs, ciclosporine A (CsA)
en interférant avec la calcineurine, l’activation d’AP-1 et l’augmentation de la et tacrolimus agissent dans le cytoplasme
une sérine / thréonine phosphatase. concentration intracellulaire du Ca2+
La signalisation par les tyrosine kinases
associées aux récepteurs de cellule T conduit tacrolimus
à l’activation et à une augmentation de la
synthèse du facteur de transcription AP-1 calcineurine NFATc FKBP
et d’autres protéines partenaires ainsi CsA
qu’à l’augmentation de la concentration NFATc
cytoplasmique de Ca2+ (panneaux de gauche).
La calcineurine activée par les ions Ca2+ CyP
déphosphoryle les membres cytoplasmiques
de la famille des NFAT (Nuclear Factors of Ca2+
Activated T cells, facteurs nucléaires des
cellules T activées) ou NFATc. Ceux-ci vont
AP-1
alors migrer dans le noyau pour former un et protéines partenaires
complexe avec l’AP-1 et d’autres protéines
partenaires. Les complexes NFATc:AP-1
peuvent ensuite déclencher la transcription L’augmentation intracellulaire du Ca2+ active la La CsA et le tacrolimus se fixent à des cibles
de gènes requis pour l’activation des calcineurine, une phosphatase qui active les distinctes, les cyclophilines intracellulaires
cellules T, dont le gène IL-2. Lorsque la membres de la famille NFATc (CyP) et la protéine liant FK (FKBP)
ciclosporine A (CsA) ou le tacrolimus sont
présents (panneaux de droite), ils forment des
complexes avec leur immunophiline respective,
la cyclophiline (CyP) ou la FKBP (FK-Binding
Protein). Le complexe cyclophiline-
ciclosporine A peut se lier à la calcineurine
et bloque ainsi l’activation des membres de
la famille NFATc. Le complexe tacrolimus-
FKBP se lie au même site de la calcineurine et
bloque aussi son activité.

Les membres activés de la famille NFATc migrent Les complexes CsA:CyP et tacrolimus:FKBP se
dans le noyau et se fixent à AP-1 et aux autres protéines lient à la calcineurine, empêchant son activation
partenaires pour former des facteurs de transcription actifs par le calcium et bloquant l’activation des NFATc

Inactive
NFATc

Ca2+

Activation de gènes spécifiques dont celui de l’IL-2


(conduisant à l’expansion clonale Pas d’activation de la transcription
des cellules T activées)
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 661

régulatrices, peut-être parce que ces cellules utilisent des voies de signalisation
différentes de celles des cellules T effectrices.

15-5 Des anticorps contre des molécules de surface cellulaire


ont été utilisés pour éliminer des sous-populations lymphocytaires
ou pour inhiber la fonction cellulaire.

Les médicaments cytotoxiques tuent sans discrimination tous les types de lymphocy-
tes activés et toutes les autres cellules en division. La ciclosporine A, le tacrolimus et
la rapamycine sont plus sélectifs, mais inhibent quand même la plupart des réponses
immunitaires adaptatives. À l’opposé, les anticorps peuvent inhiber les réponses
immunitaires d’une manière non toxique et beaucoup plus spécifique. Le potentiel
des anticorps dans l’élimination des lymphocytes indésirables est démontré par les
globulines antilymphocytaires, une préparation d’immunoglobulines provenant
de chevaux immunisés avec des leucocytes humains. Cette préparation est utilisée Maladie sérique
depuis de nombreuses années dans le traitement des épisodes aigus de rejet de greffe.
Les globulines antilymphocytaires ne distinguent cependant pas les lymphocytes uti-
les de ceux qui sont impliqués dans le rejet. De plus, les immunoglobulines de cheval
sont très antigéniques chez l’homme. Un traitement avec des doses importantes
déclenche souvent une maladie sérique due aux complexes constitués des immuno-
globulines de cheval et des anticorps humains anti-cheval (voir la Section 13-18).
Néanmoins, les globulines antilymphocytaires sont toujours utilisées pour traiter
les rejets aigus. Elles ont été le point de départ de la recherche d’anticorps mono-
clonaux qui exerceraient des effets mieux ciblés (voir Appendice I, Section A-12).
Un tel anticorps est Campath-1H (appelé aussi alemtuzumab), qui est dirigé contre
la protéine de surface cellulaire, CD52, exprimée par la plupart des lymphocytes.
Il a une activité similaire aux globulines antilymphocytaires, causant une lympho-
pénie durable, et est utilisé dans certaines situations cliniques.
L’activité immunosuppressive des anticorps monoclonaux passent par deux méca-
nismes principaux. Certains anticorps, comme le Campath-1H, causent une déplé-
tion des lymphocytes in vivo, d’où la dénomination d’anticorps déplétants, tandis
que d’autres, les non déplétants, agissent en bloquant la fonction de leur protéine
cible sans tuer la cellule qui la porte. Les anticorps monoclonaux de type IgG qui
provoquent la déplétion lymphocytaire exposent ces cellules aux macrophages et
aux cellules NK, qui portent des récepteurs de Fc et qui tuent les lymphocytes par
phagocytose ou par cytotoxicité dépendante des anticorps. Une lyse par le com-
plément peut aussi contribuer à la destruction lymphocytaire. De nombreux anti-
corps sont testés pour leur capacité d’inhiber le rejet d’allogreffe et de modifier le
cours de maladies auto-immunes. Nous donnerons certains exemples après avoir
décrit les procédés par lesquels on s’efforce de préparer des anticorps monoclo-
naux utilisables chez l’homme.

15-6 Des anticorps peuvent être modifiés afin qu’ils soient moins
immunogènes chez l’homme.
Le principal obstacle au traitement par les anticorps monoclonaux chez l’homme
réside dans le fait que ces anticorps sont produits plus facilement à partir de cellules Anaphylaxie systémique aiguë
de souris (voir Appendice I, Section A-12), or l’homme s’immunise rapidement contre
les anticorps de souris. Ceci non seulement bloque l’activité des anticorps de souris,
mais peut aussi induire des réactions allergiques, et si le traitement est prolongé,
aboutir à un choc anaphylactique (voir la Section 13-11). Une fois que le patient s’est
immunisé, tout traitement ultérieur avec des anticorps monoclonaux de souris est
exclu. En principe, cet obstacle peut être contourné par la production d’anticorps non
reconnus comme étrangers par le système immunitaire humain. À cet effet, on recourt
actuellement à trois stratégies. Dans la première, on clone les régions V humaines
dans une banque de phages d’expression et l’on sélectionne ceux qui se lient aux
662 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

cellules humaines, comme décrit dans l’Appendice I (voir Section A-13). De cette
façon, on peut obtenir des anticorps monoclonaux qui sont totalement d’origine
humaine. Dans un second procédé, des souris dépourvues de gènes d’immunoglo-
bulines peuvent être rendues transgéniques (voir Appendice I, Section A-46) pour les
locus des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines humaines en utilisant des
chromosomes artificiels de levure. Les cellules B de ces souris, parfois appelées sou-
ris humanisées, ont des récepteurs codés par des gènes d’immunoglobulines humai-
nes, mais ne sont pas tolérantes vis-à-vis de la plupart des protéines humaines. Chez
ces souris, il est possible d’induire des anticorps monoclonaux humains contre des
épitopes portés par des cellules ou des protéines humaines.
Enfin, il est possible de greffer les régions déterminant la complémentarité (CDR)
d’un anticorps monoclonal de souris, qui forment les boucles de liaison à l’antigène,
dans le cadre d’une molécule d’immunoglobuline humaine, un procédé dit d’hu-
manisation. Comme la spécificité de la liaison à l’antigène est déterminée par la
structure des CDR (voir Chapitre 3), et comme les structures générales des anticorps
de souris et des anticorps humains sont très similaires, cette approche produit un
anticorps monoclonal qui est identique aux immunoglobulines humaines du point
de vue antigénique, mais se lie au même antigène que l’anticorps monoclonal de
souris dont les séquences CDR sont dérivées. Bien que ces anticorps recombinants
soient nettement moins immunogènes chez l’homme que les anticorps monoclo-
naux de souris, il apparaît que ces anticorps « chimériques » peuvent encore cau-
ser des réactions d’hypersensibilité. C’est pourquoi, des anticorps complètement
humains contre de nombreuses cibles antigéniques sont en développement, sou-
vent après que leur équivalent chimérique a démontré son efficacité thérapeutique.

15-7 Des anticorps monoclonaux peuvent être utilisés pour prévenir


le rejet d’allogreffe.

Des anticorps spécifiques de diverses cibles physiologiques ont été utilisées, ou sont
à l’essai, afin de prévenir le rejet d’organes transplantés en inhibant le développement
de réactions inflammatoires et cytotoxiques nocives. Par exemple, Campath-1H a été
utilisé avec succès dans la transplantation d’organes solides et de moelle osseuse.
L’élimination des lymphocytes T matures de la moelle osseuse d’un donneur avant
son administration au receveur est très efficace pour diminuer la fréquence de la
maladie du greffon contre l’hôte (voir la Section 14-35). Dans cette maladie, les lym-
Maladie du greffon contre l’hôte phocytes T de la moelle osseuse du donneur reconnaissent le receveur comme étran-
ger et développent une alloréaction destructrice contre lui, causant des éruptions
cutanées, de la diarrhée et une hépatite, le syndrome étant souvent mortel. On a
pensé que l’élimination des cellules T matures du donneur pourrait ne pas être avan-
tageuse lorsque la greffe de moelle osseuse fait partie d’un traitement de leucémie ;
en effet, l’activité antileucémique des cellules  T du donneur pourrait être perdue,
mais cela ne s’est pas révélé exact lorsque l’on a utilisé Campath-1H. Cet anticorps est
aussi autorisé pour le traitement de certaines leucémies et peut être utilisé comme
traitement avant que la transplantation de moelle osseuse ne soit envisagée.
Des anticorps plus spécifiques ont été utilisés pour traiter des épisodes de rejet de
greffe qui se produisent après la transplantation. L’anticorps OKT3 cible le com-
plexe CD3 et conduit à l’immunosuppression des cellules T en inhibant la signali-
sation par l’intermédiaire du récepteur de cellule T. Il a été utilisé en clinique dans
la transplantation d’organes solides, mais il est souvent associé à une stimulation
indésirable de la libération de cytokines, et son utilisation est à la baisse. La libé-
ration des cytokines est liée à une région  Fc intacte. Lorsque celle-ci est mutée,
comme dans l’anticorps appelés OKT3g1 (Ala-Ala), l’anticorps ne produit plus
ce dangereux effet secondaire. L’anticorps conserve la région liant l’antigène de
OKT3, mais les acides aminés 234 et 235 de la région Fc de l’IgG1 humaine ont été
remplacés par des alanines, afin de prévenir les interactions qui mènent à la libé-
ration de cytokines (voir la Section 15-11).
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 663

Les anticorps monoclonaux dirigés contre d’autres cibles ont également eu un cer-
tain succès dans la prévention du rejet de greffe chez l’animal. Certains anticorps
anti-CD4 non déplétants, lorsqu’ils sont administrés pendant une courte période
au cours de la première exposition à des tissus greffés, induisent un état de tolé-
rance envers des antigènes du greffon chez le receveur (Fig. 15.5). Cet état de tolé-
rance est un exemple de la régulation immunitaire par des cellules T régulatrices
décrites à la Section  14-7. Les cellules inductrices de tolérance sont des cellu-
les Treg CD4 CD25, bien que d’autres sous-populations de cellules  T régulatrices
pourraient avoir des effets similaires. La tolérance est spécifique ; ainsi, les ani-
maux de la souche A qui sont résistants à la souche B rejettent encore une greffe
d’une souche C. Cette tolérance est aussi « infectieuse » une population de cellu-
les T naïves exposée aux allogreffes, en présence de cellules T régulatrices spécifi-
ques de cette allogreffe acquièrent la tolérance aux antigènes de l’allogreffe. Nous
ne savons pas encore exactement comment l’anticorps anti-CD4 induit les cellu-
les T régulatrices.
Une approche différente pour inhiber le rejet d’allogreffe est de bloquer les signaux
de costimulation nécessaires à l’activation des cellules  T qui reconnaissent les
antigènes du donneur. Les molécules de costimulation B7.1 et B7.2 sont présen-
tes à la surface des cellules présentatrices d’antigènes spécialisées, telles que les
cellules dendritiques, et les deux se lient aux récepteurs CD28 et à son homolo-
gue CTLA-4 sur les cellules T CD4 et certaines cellules T CD8 (voir la Section 8-14).
Dans des expériences de rejet de greffe sur animaux, la protéine recombinante
soluble, CTLA-4-Ig, qui se lie étroitement aux molécules B7 et empêche ainsi leur

Fig. 15.5 Une greffe tissulaire associée


Animal greffé Injection d’un anticorps anti-CD4 Animal greffé et injection à des anticorps anti-CD4 peut induire
d’anticorps anti-CD4 une tolérance spécifique. Des souris
greffées avec des tissus provenant d’une
souris génétiquement différente rejettent le
greffon. Comme elles ont été sensibilisées
aux antigènes du greffon, elles rejettent
ensuite plus rapidement un autre greffon
de tissu identique (panneaux de gauche).
Les souris auxquelles on a administré un
Rejet de première intention Pas de rejet de greffe anticorps anti-CD4 seul peuvent retrouver une
compétence immunitaire lorsque l’anticorps
disparaît de la circulation, comme le montre
Survie Survie un rejet primaire normal de tissu greffé
de la greffe Attente de la greffe (panneaux du milieu). Cependant, lorsque le
jusqu’à la disparition
des anticorps anti-CD4 tissu est greffé et que les anticorps anti-CD4
de la circulation sont administrés en même temps, la réponse
de rejet primaire est fortement inhibée
(panneaux de droite). Une greffe identique
opérée ultérieurement en l’absence d’anticorps
Temps Temps anti-CD4 n’est pas rejetée, ce qui montre que
l’animal est devenu tolérant envers l’antigène
greffé. Cette tolérance peut être transférée
Nouvelle greffe Animal greffé Nouvelle greffe par les cellules T à des receveurs naïfs (non
montré).

Rejet accéléré
Rejet de première intention Pas de rejet de greffe
(seconde intention)

Survie Survie Survie


de la greffe de la greffe de la greffe

Temps Temps Temps


664 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

interaction avec les récepteurs de costimulation sur les cellules T, a permis la sur-
vie à long terme de certains tissus greffés, vraisemblablement par la suppression
de l’activation des lymphocytes T. CTLA-4-Ig est composé de CTLA-4 fusionnée à
la portion Fc d’une immunoglobuline humaine.
Un anticorps monoclonal humanisé contre la molécule de costimulation, le ligand
de CD40, présent à la surface des cellules T s’est avéré encore plus efficace dans un
modèle de rejet de greffe de rein chez des primates (voir la Section 8-14). Le ligand
de CD40 se lie au CD40 exprimé sur les cellules dendritiques et endothéliales (NT :
ainsi que sur les cellules B), et stimule chez celles-ci la production de cytokines tel-
les que l’IL-6, l’IL-8 et l’IL-12. Le mécanisme de l’effet immunosuppresseur de l’an-
ticorps anti-ligand de CD40 n’est pas connu, mais il est très probable qu’il est lié
au blocage de l’activation des cellules dendritiques par les cellules T auxiliaires qui
reconnaissent les antigènes des donneurs. Les études des anticorps anti-ligand de
CD40 chez l’homme sont encore préliminaires. Un anticorps a été associé à des
complications thromboemboliques et a été retiré ; un autre anticorps anti-ligand
de CD40 a été administré à des patients atteints de la maladie auto-immune, le
lupus érythémateux disséminé (LED) sans complications importantes, mais aussi
sans montrer beaucoup d’efficacité.

15-8 Des agents biologiques peuvent être utilisés pour atténuer


et supprimer une maladie auto-immune.

Nous allons maintenant examiner certaines approches thérapeutiques d’une autre


réponse immunitaire indésirable, l’auto-immunité. La maladie auto-immune n’est
détectée que lorsqu’elle a causé des lésions tissulaires ou perturbé certaines fonc-
tions physiologiques. On dispose de trois modes de traitement, dont deux seulement
impliquent une manipulation du système immunitaire. Premièrement, des agents
anti-inflammatoires peuvent atténuer les effets de l’attaque auto-immune sur les tis-
sus. Deuxièmement, la thérapie peut avoir comme but la modification et l’atténua-
tion de la réponse auto-immune, ce que l’on appelle thérapie immunomodulatrice ;
troisièmement, le traitement peut viser à compenser la fonction physiologique alté-
rée ; par exemple, le diabète, qui est causé par une attaque auto-immune sur les cel-
lules β pancréatiques, est soigné par l’administration d’insuline. La Fig. 15.6 illustre
les cibles thérapeutiques potentielles dans une réponse auto-immune.
Une thérapie anti-inflammatoire pour une maladie auto-immune modérée com-
mence par des agents comme l’aspirine et d’autres médicaments anti-inflam-
matoires non stéroïdiens ; parfois de faibles doses de corticostéroïdes se révèlent
Fig. 15.6 Les cibles potentielles
des stratégies d’intervention Déplétion cellulaire Interactions cellulaires Mécanismes effecteurs
immunitaire. dans le foyer inflammatoire

Déplétion cellulaire Régulation à la baisse


spécifique et globale. des molécules de costimulation. Neutralisation des cytokines
Un blocage de la liaison des Blocage des interactions cellulaires. pro-inflammatoires
intégrines prévient l’entrée des Induction de tolérance
cellules dans le site pathologique spécifique de l’antigène
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 665

utiles. Si la maladie est plus grave, on combine des thérapies immunosuppressives


et anti-inflammatoires ; des corticostéroïdes à plus forte dose sont souvent associés
à un des médicaments cytotoxiques décrits à la Section 15-2. Maintenant, on dis-
pose de ce que l’on appelle les thérapies biologiques, c’est-à-dire des traitements
comprenant des protéines naturelles comme des anticorps et des cytokines ou des
fragments de protéines ou des peptides synthétiques. Il comprend aussi l’usage de
globulines antilymphocytaires et des anticorps pour inhiber les lymphocytes auto-
réactifs, ainsi que l’usage de cellules entières, comme lors d’un transfert adoptif de
cellules T pour traiter un cancer. La thérapie biologique fait maintenant partie du
traitement anti-inflammatoire de certaines maladies auto-immunes, en particulier
par neutralisation des effets de la cytokine pro-inflammatoire, le facteur de nécrose
tumorale (TNF)-α, qui va d’abord retenir notre attention.
On a constaté que des anticorps anti-TNF-α induisaient des rémissions specta-
culaires de la polyarthrite rhumatoïde (Fig. 15.7) et réduisaient l’inflammation
des tissus dans la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire de l’intestin
(voir la Section 13-21). Il existe deux types d’inhibiteur du TNF-α en pratique cli- Polyarthrite rhumatoïde
nique. Le premier est un anticorps monoclonal chimérique comme l’infliximab
ou totalement humain comme l’adalimumab. Il se lie au TNF-α et bloque son
activité. Le second est un récepteur recombinant humain du TNF (TNFR)  ; il
s’agit de l’étanercept, une protéine de fusion comprenant la sous-unité p75 du
récepteur et la région Fc d’une IgG humaine ; elle lie le TNF-α et neutralise son
activité. Ces agents biologiques sont des anti-inflammatoires extrêmement puis-
sants, et le nombre de maladies dans lesquelles ils ont fait la preuve de leur effi-
cacité est de plus en plus grand au fur et à mesure de la réalisation des essais
clinique. En plus de la polyarthrite rhumatoïde, des maladies rhumatismales
comme la spondylarthrite ankylosante, l’arthropathie psoriasique, l’arthrite
chronique juvénile répondent bien au blocage du TNF-α, et ce traitement est
entré maintenant dans le traitement de routine de bon nombre de ces maladies.
Plus d’un million de personnes ont été traitées avec des anti-TNF-α dans le
monde entier. En médecine, cependant, la plupart des traitements qui ont des
effets aussi puissants comportent le risque d’effets secondaires majeurs. Le blo-
cage du TNF-α s’accompagne d’un risque faible mais accru de développer des Fig. 15.7 Effets anti-inflammatoires d’un
traitement anti-TNF-α dans la polyarthrite
infections graves, entre autres la tuberculose. C’est une excellente illustration de rhumatoïde. L’évolution de 24 patients a été
la participation du TNF-α dans la défense de l’hôte contre la tuberculose (voir la suivie pendant 4 semaines après traitement
Section 12-17). La thérapie anti-TNF-α ne s’est pas révélée efficace dans toutes par un placebo ou un anticorps monoclonal
les maladies. Le blocage du TNF-α dans l’encéphalomyélite auto-immune expé- dirigé contre le TNF-α à une dose de
10 mg kg-1. Le traitement par les anticorps
rimentale (EAE, le modèle murin de la sclérose en plaques) s’est révélé bénéfi- a atténué les conséquences subjectives et
que, mais chez les patients atteints de sclérose en plaques traités par un objectives de la maladie, c’est-à-dire l’intensité
anti-TNF-α, les rechutes sont devenues plus fréquentes, peut-être en raison de la douleur et le nombre d’articulations
d’une augmentation de l’activation des cellules  T. Ceci illustre bien les pièges touchées, ainsi que la réaction inflammatoire
systémique, comme l’indique la chute du taux
potentiels de l’utilisation de modèles animaux pour le développement de traite- de protéine C-réactive, une protéine de phase
ments de maladies humaines (voir aussi la Section 15-13). aiguë. Données de R.N. Maini.

Score subjectif de la douleur Nombre d’articulations enflées Protéine C-réactive (CRP)

7 30 70
N. d’articulations enflées (0–58)

placébo
Score de la douleur (0–10)

6 60
placébo
5 50 placébo
20
CRP (mg l–1)

4 40
3 30
anticorps 10 anticorps
2 20
anticorps
1 10
0 0 0
0 1 2 3 4 0 1 2 3 4 0 1 2 3 4
Semaine Semaine Semaine
666 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

L’inhibition du TNF a été le premier traitement biologique spécifique introduit dans


l’arsenal thérapeutique clinique. Proche de lui comme traitement autorisé, la thérapie
par anti-IL-1 ne s’est pas révélée aussi efficace chez l’homme bien qu’elle se soit révé-
lée aussi puissante dans des modèles animaux d’arthrite. D’autres antagonistes de
cytokines sont en essai clinique : l’un est un anticorps humanisé contre le récepteur
de l’IL-6 et bloque les effets de cette cytokine pro-inflammatoire. Il semble être aussi
efficace que les anti-TNF-α chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde.
Des anticorps peuvent également bloquer la migration cellulaire dans les foyers
inflammatoires. Des lymphocytes effecteurs exprimant l’intégrine α4:β1 (VLA-4) se
lient à VCAM-1 sur les endothéliums du système nerveux central, tandis que ceux
exprimant α4:β7 (la molécule 1 associée à la lamina propria) se lie à MADCAM-1 sur
les endothéliums intestinaux. L’anticorps monoclonal humanisé natalizumab est
spécifique de la sous-unité α4 de l’intégrine et se lie à VLA-4 et à α4:β7, empêchant
l’interaction avec leurs ligands (Fig. 15.8). Cet anticorps a montré un effet bénéfi-
que dans des essais contrôlés avec placebo chez des patients atteints de la maladie
de Crohn ou de sclérose en plaques. Les premiers signes d’efficacité de ce traite-
ment illustrent la dépendance de la maladie de l’émigration continue de lymphocy-
tes, de monocytes et de macrophages de la circulation dans les tissus du cerveau en
cas de sclérose en plaques, et dans la paroi intestinale en cas de maladie de Crohn.
Fig. 15.8 Le traitement par un anticorps Toutefois, le blocage de l’intégrine α4:β1 n’est pas spécifique et, comme la thérapie
monoclonal humanisé anti-intégrine anti-TNF, pourrait conduire à un affaiblissement des défenses anti-infectieuses.
α4 réduit la fréquence des rechutes de Trois patients traités par le natalizumab ont développé une leuco-encéphalopathie
la sclérose en plaques. Panneau de gauche : multifocale mortelle causée par le virus JC, ce qui a obligé le retrait de ce médica-
l’interaction entre l’intégrine α4:β1 (VLA-4)
sur les lymphocytes et les macrophages ment en 2005, mais en juin 2006, on a autorisé sa prescription pour un nombre
et VCAM-1 exprimée sur des cellules limité de patients atteints de sclérose en plaques. Les chimiokines et leurs récep-
endothéliales permet l’adhérence de ces teurs sont également d’excellentes cibles potentielles pour les médicaments des-
cellules à l’endothélium du cerveau. Cela
facilite la migration de ces cellules dans
tinés à prévenir la migration de cellules immunitaires effectrices dans des sites de
les foyers inflammatoires de la sclérose maladie auto-immune. FTY720, un analogue de la sphingosine 1-phosphate, est un
en plaques. Panneau central : l’anticorps nouveau médicament qui provoque la rétention des lymphocytes dans les organes
monoclonal natalizumab se lie à la chaîne α4 lymphoïdes périphériques et inhibe la migration des cellules dendritiques (voir la
de l’intégrine et bloque les interactions
entre les lymphocytes et les monocytes
Section 8-3). Il est prometteur dans le traitement du rejet en transplantation rénale
avec VCAM-1 des cellules endothéliales, ce et de maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques et l’asthme.
qui empêche les cellules de pénétrer dans
les tissus et d’exacerber l’inflammation.
L’avenir de ce traitement est incertain en 15-9 La déplétion ou l’inhibition des lymphocytes autoréactifs peut servir
raison du développement d’une infection
rare comme effet secondaire (voir le de traitement des maladies auto-immunes.
texte). Panneau de droite : le nombre de
nouvelles lésions détectées en imagerie par Les moyens de contrôler la réaction auto-immune par le ciblage direct des lympho-
résonance magnétique (IRM) du cerveau
cytes autoréactifs sont également à l’essai, et, dans certains cas, ils ont eu un certain
est fortement réduit chez les patients traités
par le natalizumab par rapport à un placebo. succès thérapeutique. Des lymphocytes pathogènes peuvent être éliminés en masse
Données de D. Miller. par déplétion de toutes les populations de lymphocytes, dont seulement une petite

Moyenne du nombre cumulé de nouvelles lésions


à l’IRM dans chaque groupe durant le traitement

Nombre de 12
nouvelles
lésions 10 placébo
8
VCAM-1
intégrine α4:β1 6

4
natalizumab
2 (anti-intégrine α4)

0
endothélium 0 1 2 3 4 5 6
Mois
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 667

fraction est effectivement pathogène. Cette éradication peut être obtenue par des
globulines polyclonales antilymphocytaires ; nous avons examiné les résultats et les
effets secondaires de ce traitement dans la Section 15-5. Ici, nous nous intéressons
aux anticorps plus sélectifs dans leur activité antilymphocytaire. Par exemple, si des
récepteurs restreints sur le plan clonal peuvent être identifiés sur les cellules T ou
B à l’origine de maladies, ils peuvent être ciblés par des anticorps reconnaissant les
déterminants idiotypiques de ces récepteurs (voir Appendice I, Section A-10).
Les anticorps monoclonaux qui réagissent avec les lymphocytes ont différents
effets sur les cellules cibles. Certains causent la déplétion des cellules, comme
décrit dans la Section 11-5. Les anticorps non déplétants, en revanche, n’affectent
pas le nombre de cellules, mais certains d’entre eux semblent, paradoxalement,
plus efficaces dans le traitement de l’auto-immunité que des anticorps déplétants
qui se lient aux mêmes protéines cibles sur les lymphocytes. L’explication la plus
probable est que les anticorps non déplétants exercent leurs effets en modifiant,
de manière bénéfique, la fonction des cellules auxquelles ils se sont liés. Les effets
de ce dernier type d’anticorps sont considérés dans la section suivante.
Le traitement par des anticorps anti-CD4 qui provoquent la délétion des cellu-
les T auxiliaires (voir Fig. 15.5) a été tenté expérimentalement dans la polyarth-
rite rhumatoïde et la sclérose en plaques, avec des résultats décevants. Des études
contrôlées ont montré que les anticorps n’exerçaient que de petits effets thérapeu-
tiques, mais causaient une déplétion des lymphocytes T du sang durant plus de
6 ans après le traitement. Des études ultérieures ont montré que l’explication pro-
bable de l’échec était l’incapacité de ces anticorps d’éliminer les cellules TH1 CD4
sensibilisées sécrétrices de la cytokine pro-inflammatoire, l’interféron (IFN)-γ  ;
ces anticorps semblaient donc avoir manqué leur cible. Cet échec édifiant montre
qu’il est possible d’éliminer un grand nombre de lymphocytes et, malgré cela, ne
pas réussir à atteindre les cellules en cause.
L’anticorps monoclonal Campath-1H a un profil cytolytique similaire à celui des
globulines antilymphocytaires (voir la Section  15-5) et a montré un certain effet
bénéfique dans des études sur de petits nombres de patients atteints de sclérose en
plaques. Cependant, immédiatement après la perfusion, chez la plupart des patients,
une flambée de la maladie, effrayante mais heureusement brève, est survenue. Cette
poussée illustre une autre complication potentielle de la thérapie par anticorps.
Alors que Campath-1H se liait aux cellules et les tuaient par des mécanismes dépen-
dant du complément et des récepteurs de Fc, des cytokines ont été libérées, dont
le TNF-α, l’IFN-γ et IL-6. Une des conséquences a été un blocage transitoire de la
conduction nerveuse dans les fibres nerveuses déjà touchées par la démyélinisation,
ce qui a causé la dramatique aggravation des symptômes. Néanmoins, Campath-1H
pourrait se révéler utile aux premiers stades de la maladie lorsque la réponse inflam-
matoire est maximale, mais cela n’a pas encore été montré.
On a également étudié les effets d’une délétion des cellules B obtenue par un anti-
corps monoclonal chimérique souris / homme anti-CD20, appelé rituximab, déve-
loppé à l’origine pour le traitement des lymphomes. La liaison et le regroupement
de CD20 par l’anticorps déclenche un signal qui provoque l’apoptose des lympho-
cytes. Des perfusions de rituximab causent la déplétion des cellules  B pour plu- Cryoglobulinémie mixte
sieurs mois, et le médicament a été utilisé dans les essais de maladies auto-immunes
dans lesquelles les autoanticorps semblent jouer un rôle prédominant. Il existe des
preuves de l’efficacité de cet anticorps chez certains patients atteints d’anémie
hémolytique auto-immune, de LED, de polyarthrite rhumatoïde ou de cryoglobuli-
némie mixte de type II (voir Fig. 14.16). Bien que CD20 n’est pas exprimé sur les
plasmocytes producteurs d’anticorps, leurs précurseurs, les cellules B, sont ciblés
par l’anti-CD20, aboutissant à une réduction substantielle de la population des
plasmocytes à durée de vie courte, mais non pas de ceux à durée de vie longue.
D’autres stratégies pour éliminer ces cellules productrices d’anticorps compren-
nent le ciblage d’autres molécules de la surface cellulaire, notamment un compo-
sant du corécepteur cellules B, CD19, qui est exprimée par toutes les cellules B.
668 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

15-10 Interférer dans les voies de costimulation de l’activation


lymphocytaire pourrait être un traitement des maladies auto-immunes.
Nous avons appris dans la Section 15-7 que les interférences dans les voies de costi-
mulation qui conduisent à l’activation des lymphocytes T peut être efficace dans la
prévention du rejet d’allogreffe. Cette voie est également une cible évidente pour la
thérapie des maladies auto-immunes, et divers agents biologiques sont en cours d’es-
sais cliniques. Par exemple, CTLA-4-Ig, l’agent bloquant de B7 (voir la Section 15-7)
s’est révélé efficace dans des essais cliniques randomisés, en double aveugle, chez
des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ou de psoriasis. Le psoriasis est une
maladie cutanée inflammatoire principalement due aux cellules T, conduisant à la
production de cytokines pro-inflammatoires. Lorsque CTLA-4-Ig a été donné à des
patients atteints de psoriasis, on a constaté une amélioration de l’éruption cutanée
psoriasique et on a obtenu la preuve histologique d’une perte d’activation des kérati-
nocytes, des cellules T et des cellules dendritiques dans la peau endommagée
Une autre voie de costimulation ciblée dans le psoriasis est l’interaction entre
les molécules d’adhérence, CD2 sur les cellules T et CD58 (LFA-3) sur les cellules
présentatrices d’antigène. Les patients ont été traités avec une protéine de fusion
recombinante CD58-IgG1, appelée aléfacept, qui inhibe l’interaction entre CD2 et
CD58, ou avec un placebo. Une nette amélioration des symptômes, avec réduction
des lymphocytes CD4 et CD8 effecteurs et mémoire dans le sang périphérique, a
pu être attribuée au traitement par l’aléfacept. L’aléfacept, qui a un bon dossier
de sécurité, est utilisé maintenant en routine clinique pour le psoriasis, et bien
que les cellules T mémoire soient visées par cette thérapie, les réponses à un vac-
cin comme celui du tétanos restent intactes. Un autre traitement du psoriasis est
l’éfalizumab, un anticorps monoclonal qui est dirigé contre l’intégrine αL (CD11a,
une sous-unité de l’intégrine LFA-1). L’éfalizumab bloque l’interaction entre LFA-1
sur les cellules T et la molécule d’adhérence ICAM-1 sur les cellules présentatri-
ces d’antigènes (voir la Section 8-11). Le nombre de cellules T et de cellules den-
dritiques inflammatoire dans les lésions cutanées psoriasiques est sensiblement
réduit, ce qui accompagne une nette amélioration de la maladie (Fig. 15.9). Ces
cellules dendritiques, qui expriment HLA-DR, CD40 et B7.2 ne sont pas seulement
des cellules effectrices importantes dans le psoriasis, par leur production de TNF-α
et d’oxyde nitrique, mais interviennent aussi dans la sensibilisation des cellules T.
En plus de fournir des résultats thérapeutiques très encourageants, l’inhibition de
la costimulation nous apprend quelque chose d’important au sujet du psoriasis ; il
démontre l’importance des cellules T dans l’induction des lésions cutanées, ce qui
s’accorde avec le fait que la ciclosporine A est également efficace dans cette maladie.

15-11 L’induction de cellules T régulatrices au moyen d’anticorps


peut inhiber les maladies auto-immunes.

Le but ultime de l’immunothérapie contre les maladies auto-immunes est une


intervention spécifique pour restaurer la tolérance envers les autoantigènes
concernés. Le but est d’essayer de rendre inoffensive une réponse auto-immune
pathologique. Actuellement, le principal objectif de l’immunothérapie expérimen-
tale dans ce contexte est l’expansion ou la restauration de la fonction des cellules T
régulatrices. Cette approche se poursuit parce que la tolérance à des antigènes tis-
sulaires ne dépend pas toujours de l’absence de réponse des cellules T ; au lieu de
cela, elle peut être maintenue activement par des cellules T régulatrices qui sup-
priment le développement d’une réponse inflammatoire nuisible des cellules T.
Un succès partiel dans ce domaine a été l’utilisation d’anticorps anti-CD3 (voir la
Section 15-7), qui a donné des résultats prometteurs dans le traitement du diabète de
type 1 aussi bien dans des modèles animaux de l’auto-immunité que dans des essais
cliniques. Les anticorps anti-CD3 utilisés actuellement sont dépourvus de la portion
Fc, à la différence de la première génération d’anticorps anti-CD3, et n’entraîne pas
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 669

Fig. 15.9 L’anticorps anti-CD11a


Psoriasis actif Psoriasis après traitement (éfalizumab) inhibe la migration des
cellules dendritiques et des cellules T dans
les lésions psoriasiques de la peau. Les
deux panneaux supérieurs illustrent l’excellente
réponse clinique constatée chez un patient
atteint de psoriasis qui a reçu huit perfusions
hebdomadaires de l’anticorps monoclonal
éfalizumab. Les panneaux inférieurs montrent
les biopsies cutanées d’un individu sain
(panneaux de gauche) et d’un patient avant
(panneaux centraux) et après le traitement par
éfalizumab (jour 56, panneaux de droite). Les
échantillons de peau ont été colorés pour les
cellules dendritiques CD11c+ (rangée du haut)
ou pour les cellules T CD3+ (rangée du bas)
avec des anticorps conjugués à la peroxydase
Peau normale (brun). La réduction des cellules CD11c+
était de 41 % et celles des cellules CD3+ de
47 % dans la cohorte de patients traités par
l’éfalizumab. Panneau supérieur : Papp, K., et
al., J. Am. Acad. Dermatol. 2001, 45:665-674.
Panneau inférieur : Lowes, M., et al.: Proc. Natl.
épiderme Acad. Sci. 2005, 102: 19057-19062.

derme

CD11c

CD3

une libération massive de cytokines cause de maladie fébrile. Contrairement à nom-


bre d’agents immunomodulateurs, cet anticorps anti-CD3 restaure la tolérance aux
cellules β pancréatiques chez la souris NOD servant de modèle de diabète, mais il est
inefficace dans la prévention de l’apparition de la maladie. Cette constatation éton-
nante pourrait suggérer que les autoantigènes tolérogènes ne peuvent être présentés
convenablement que dans le contexte d’une inflammation active. D’autres formes
d’intervention immunitaire, par exemple des anticorps anticytokine, sont généra-
lement en mesure de supprimer l’apparition de la maladie, mais ne conduisent pas
à la tolérance à long terme lorsque le traitement est arrêté. Le traitement par l’anti-
corps anti-CD3 était associé à l’induction et à l’expansion des cellules T régulatrices,
et ses effets ont pu être en partie bloqués par l’inhibition du TGF-β, qui semble être
important à la fois dans la génération et la fonction de ces cellules. Ces observations
ont été confirmées en clinique ; dans un essai contrôlé chez des patients atteints de
diabète de type 1, l’anti-CD3 a considérablement réduit le besoin d’insuline pendant
18 mois après le traitement. Des cellules T régulatrices sont également induites par
un traitement anti-TNF chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, et cela
uniquement chez les patients qui répondent positivement à la thérapie, ce qui sug-
gère que l’induction de cellules T régulatrices est un mécanisme supplémentaire par
lequel les anti-TNF exercent leurs effets.

15-12 Des médicaments d’usage courant ont des propriétés


immunorégulatrices.
Des médicaments comme les statines et les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sion de l’angiotensine largement utilisés dans la prévention et le traitement des
670 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

maladies cardiovasculaires peuvent également moduler la réponse immuni-


taire dans des modèles animaux. Les statines, qui bloquent l’enzyme 3-hydroxy-
3-méthylglutaryl-coenzyme A (HMG-CoA) réductase, abaissent ainsi le taux de
cholestérol et réduisent aussi le taux d’expression des molécules du CMH de
classe II, qui est augmenté dans certaines maladies auto-immunes. Ces effets
peuvent être dus à une modification du contenu en cholestérol des membra-
nes, ce qui perturbe les radeaux lipidiques et la signalisation lymphocytaire
(voir la Section 6.6). Ces médicaments entraînent également, dans des modè-
les animaux, une réorientation de la réponse TH1, plus pathogène, vers une
réponse TH2, plus protectrice, mais l’on ignore si cela se produit également chez
l’homme.
Un autre agent immunomodulateur est la vitamine D3, connue pour son acti-
vité hormonale essentielle dans l’homéostasie osseuse et minérale. Comme la
Fig.15.10 l’indique, la vitamine D3 cible à la fois les cellules dendritiques et les lym-
phocytes T effecteurs, ce qui conduit à l’inhibition de cytokines TH1 et une aug-
mentation des cytokines TH2. Cette vitamine conduit également à une expansion
des cellules T régulatrices, en partie grâce à l’induction de cellules dendritiques
tolérogènes (voir la Section  10-3). Le potentiel de la vitamine D3 a été démon-
tré dans divers modèles animaux d’auto-immunité, tels que l’EAE et le diabète,
et en transplantation. Malheureusement, pour obtenir des effets immunomodu-
lateurs chez l’homme, il faut recourir à des doses susceptibles d’entraîner une
résorption osseuse avec hypercalcémie. On recherche très activement des analo-
gues de la vitamine D3 qui retiennent les effets immunorégulateurs sans causer
d’hypercalcémie.

Fig. 15.10 Les effets immunomodulateurs


de la vitamine D3. La vitamine D3 inhibe Des cellules dendritiques peuvent présenter Des signaux puissants d’activation
l’expression des complexes peptide:CMH II et
en grande densité des complexes peptide:CMH et de costimulation orientent les cellules T
et des molécules costimulatrices vers le phénotype TH1
des molécules de costimulation à la surface
des cellules présentatrices d’antigènes
comme les cellules dendritiques, ce qui réduit
l’efficacité de la présentation antigénique.
Elle inhibe également la production de la
cytokine IL-12 par les cellules dendritiques.
Ce qui favorise la différenciation des IL-12
lymphocytes T vers un phénotype TH2 plutôt IL-2
que TH1. La vitamine D3 exerce aussi ses TH1
effets immunomodulateurs directement sur les
lymphocytes T en inhibant la production des IFN-γ
cytokines TH1, IL-2 et IFN-γ, et en stimulant la
production de cytokines TH2. La vitamine D3
favorise aussi l’induction de lymphocytes T
régulateurs (Treg).

En présence de vitamine D, la densité Des signaux plus faibles orientent


de complexes peptide:CMH et des molécules les cellules T CD4
costimulatrices est réduite vers le phénotype TH2 et Treg

IL-4
TH2
IL-5
IL-10

Treg TGF-β

IL-10
La régulation extrinsèque des réactions immunitaires indésirables 671

15-13 Une administration contrôlée d’un antigène peut servir à manipuler


la nature d’une réponse spécifique de cet antigène.
Lorsque l’antigène cible d’une réaction indésirable est identifié, il est parfois possible
de manipuler la réponse à l’aide de l’antigène directement plutôt que d’utiliser des
anticorps ou de recourir à des agents comme ceux décrits à la section précédente. En
effet, la façon dont l’antigène est présenté au système immunitaire affecte la nature de
la réponse, et l’induction d’un type de réponse à un antigène peut inhiber la réponse
pathogène au même antigène. Comme nous l’avons vu au Chapitre 13, ce principe a
été appliqué avec succès dans le traitement des allergies causées par une réponse IgE
à de très faibles doses d’antigènes. Un traitement répété des personnes allergiques
par des doses croissantes d’allergène semble détourner la réaction allergique vers
une réponse dominée par des cellules T qui favorisent la production d’anticorps IgG
et IgA. On pense que ces anticorps désensibilisent le patient en liant les petites quan-
tités d’allergène normalement rencontrées et en l’empêchant de se lier aux IgE.
L’utilisation de peptides d’antigènes pathogènes pour supprimer les maladies
auto-immunes dépendant des cellules T a suscité un intérêt considérable. Le type
de réponse des cellules T CD4 induite par un peptide dépend de la façon dont il est
présenté au système immunitaire. Par exemple, des peptides administrés par voie
orale tendent à sensibiliser des cellules T régulatrices qui produisent principale-
ment du TGF-β, sans activation des cellules TH1 ou induction de grandes quanti-
tés d’anticorps systémiques. En effet, des expériences sur animaux indiquent que
les antigènes par voie orale peuvent protéger contre une maladie auto-immune
induite. L’EAE est induite chez la souris par l’injection de la protéine basique de
la myéline (MBP, Myelin Basic Protein) dans l’adjuvant complet de Freund et res-
semble à la sclérose en plaques, alors que l’arthrite au collagène induite chez la
souris par injection de collagène de type II partage certaines caractéristiques de la
polyarthrite rhumatoïde. L’administration orale de MBP ou de collagène de type II,
respectivement, inhibe le développement de ces maladies chez les animaux, et a
des effets bénéfiques dans la réduction de l’activité de la maladie déjà établie. En
général, cependant, l’administration orale de l’antigène entier chez des person-
nes atteintes de sclérose en plaques ou de polyarthrite rhumatoïde n’a eu que des
effets thérapeutiques marginaux. De même, une vaste étude pour examiner si l’ad-
ministration parentérale d’une faible dose d’insuline à des personnes ayant un ris-
que élevé de développer un diabète pourrait retarder l’apparition de la maladie n’a
montré absolument aucun effet protecteur.
D’autres approches de réorientation de la réponse auto-immune des cellules  T
vers une réponse TH2 moins dommageable ont été plus efficaces chez l’homme.
L’acétate de glatiramère est un peptide approuvé comme médicament pour la sclé-
rose en plaques, réduisant le taux de rechute de 30 %. Il imite la composition en
acides aminés de la MBP et induit une réponse protectrice de type TH2.
Une approche encore expérimentale afin de manipuler des réponses spécifiques
d’un antigène chez des animaux passe par l’injection intramusculaire de construc-
tions d’ADN qui codent les autoantigènes impliqués, ce qui conduit à leur présen-
tation par les cellules dendritiques, sans régulation à la hausse des molécules de
costimulation. Une autre stratégie utilise des ligands peptidiques modifiés (APL,
Altered Peptide Ligands), dans lesquels les acides aminés qui lient le peptide anti-
génique au récepteur de la cellule T sont substitués. Les APL peuvent être conçus
pour agir comme agonistes partiels ou antagonistes, ou même pour induire la dif-
férenciation des cellules T régulatrices. Mais en dépit de leur succès dans l’amélio-
ration de l’EAE chez la souris, les essais de ces peptides dans la sclérose en plaques
a exacerbé la maladie chez certains patients, attirant à nouveau l’attention sur les
dangers potentiels de l’extrapolation de résultats obtenus dans des modèles ani-
maux d’auto-immunité à la maladie humaine (voir la Section 15-8). Des réactions
allergiques associées à une réponse TH2 vigoureuse ont été observées chez certains
patients atteints de sclérose en plaques traités par des APL, ce qui a conduit à l’élabo-
ration d’un modèle d’allergie chez les rongeurs afin de permettre la détection de ce
672 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

type d’effet secondaire lorsque de nouveaux médicaments seront testés. Ces appro-
ches seront-elles efficaces dans la manipulation des réponses immunitaires à la base
des maladies auto-immunes humaines déjà établies ? Il est trop tôt pour répondre.

Résumé.
Les traitements existants contre les réponses immunitaires indésirables, telles que
les réactions allergiques, l’auto-immunité et le rejet de greffe, dépendent en grande
partie de trois types de médicaments : les anti-inflammatoires, les cytotoxiques et
les immunosuppresseurs. Les anti-inflammatoires, parmi lesquels les plus efficaces
sont les corticostéroïdes, sont utilisés pour les trois types de réponses. Cependant,
ceux-ci ont un large spectre d’action et une toute aussi grande variété d’effets indési-
rables ; leur dose doit être contrôlée avec soin. Ils sont donc habituellement utilisés
en association avec des médicaments cytotoxiques ou des immunosuppresseurs.
Les médicaments cytotoxiques tuent toutes les cellules en division et empêchent
ainsi la prolifération des lymphocytes, mais ils suppriment indifféremment toutes
les réponses immunitaires et tuent également d’autres types de cellules en division.
Les immunosuppresseurs agissent en intervenant dans les voies de signalisation
intracellulaires des cellules T. Ils sont moins dangereux que les médicaments cyto-
toxiques, mais ils inhibent indifféremment toutes les réponses immunitaires. Ils
sont également beaucoup plus onéreux que les médicaments cytotoxiques.
Les immunosuppresseurs sont désormais les médicaments de prédilection dans le
traitement des patients greffés, car ils peuvent être utilisés pour supprimer la réponse
immunitaire contre le greffon avant qu’elle ne soit établie. Les réponses auto-immu-
nes sont déjà bien établies au moment du diagnostic et sont donc plus difficiles à sup-
primer. Elles réagissent moins aux immunosuppresseurs et, pour cette raison, elles
sont généralement contrôlées par une association de corticostéroïdes et de médica-
ments cytotoxiques. Dans les expériences animales, des tentatives ont été réalisées
pour cibler de façon plus spécifique l’immunosuppression, en bloquant la réponse
contre l’autoantigène au moyen d’anticorps ou de peptides antigéniques ou en réo-
rientant le type de réponse vers une forme non pathogène par manipulation de
l’environnement en cytokines ou par administration orale de l’antigène, ce qui sus-
citerait une réponse immunitaire non pathogène. Beaucoup de ces approches thé-
rapeutiques sont actuellement testées chez l’homme, dans quelques cas avec grand
succès. L’arrivée des antagonistes du TNF-α est considérée comme un des triomphes
de l’immunothérapie. De nombreux agents biologiques sont en développement et
certains vont entrer en pratique clinique (Fig. 15.11). Tous ont le désavantage d’être
coûteux à produire et leur administration est pénible. Un but important de l’indus-
trie pharmaceutique est de produire de petites molécules qui ont les mêmes cibles
et les mêmes effets que les thérapies biologiques actuelles.

Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer


les tumeurs.
Dans les nations industrialisées, le cancer est l’une des trois principales causes
de décès, les autres étant les maladies infectieuses et les maladies cardiovasculai-
res. Comme le traitement des maladies infectieuses et la prévention des maladies
cardiovasculaires continuent à s’améliorer, et l’espérance de vie moyenne aug-
mentant, le cancer deviendra probablement la maladie mortelle la plus fréquente
dans ces pays. Les cancers sont causés par la multiplication continue des descen-
dants d’une seule cellule transformée. Dès lors, guérir le cancer nécessite que tou-
tes les cellules malignes soient éliminées ou détruites et ceci sans tuer le patient.
Une voie attirante d’atteindre cet objectif serait d’induire une réponse immuni-
taire contre la tumeur, qui ferait la différence entre les cellules de la tumeur et leurs
équivalents cellulaires normaux, de la même manière qu’une vaccination contre
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 673

Fig. 15.11 Nouveaux agents thérapeutiques


Agents thérapeutiques utilisés pour traiter des maladies auto-immunes contre les maladies auto-immunes
humaines. La catégorie des agents
Cible Agent Maladie Résultat Désavantages thérapeutiques a été colorée selon les
thérapeutique thérapeutique mécanismes visés et présentés à la Fig. 15.6.

Intégrines Anticorps Forme cyclique Réduction de la Risque infectieux


monoclonal (Acm) rémittente de la fréquence de accru ;
spécifique de sclérose en rechutes ; encéphalopathie
l’intégrine α :β plaques (SEP) évolution ralentie multifocale
4 1
Arthrite de la maladie progressive
rhumatoïde (AR)
Maladie inflammatoire
intestinale

Cellules B Acm spécifique AR Amélioration de Risque infectieux


de CD20 Lupus l’arthrite, peut-être accru
érythémateux dans le LED
disséminé (LED)
SEP

HMG-coenzyme A Statines SEP Réduction de l’activité Hépatotoxicité ;


réductase de la maladie rhabdomyolyse

Cellules T Acm spécifique Diabète de type 1 Réduction des Risque infectieux


de CD3 besoins d’insuline accru

Protéine de fusion AR Amélioration dans


CTLA4-immunoglo Psoriasis l’arthrite
buline SEP

Cytokines Acm spécifique AR Invalidité Risque accru de


du TNF et protéine Maladie de Crohn améliorée ; tuberculose et
de fusion du TNFR Arthrite réparation d’autres infections ;
soluble psoriasique articulaire risque légèrement
Spondylarthrite dans l’arthrite accru de
ankylosante lymphome

Antagoniste du AR Invalidité Efficacité faible


récepteur de l’IL-1 améliorée

Acm spécifique AR Peut améliorer Risque accru


de l’IL-15 l’invalidité d’infection
opportuniste

Acm spécifique AR Réduction de Risque accru


de l’IL-6 l’activité de la d’infection
maladie opportuniste

Interférons Forme cyclique Réduction de la Hépatotoxicité ;


de type 1 rémittente de la fréquence des un syndrome
SEP rechutes grippal est
fréquent

des pathogènes viraux ou bactériens induit une réponse immunitaire qui assure
une protection spécifique contre ce pathogène. Des approches immunologiques
du traitement du cancer ont été tentées depuis plus d’un siècle, mais ce n’est que
depuis une décennie que l’immunothérapie du cancer s’est révélée vraiment pro-
metteuse. Un progrès conceptuel important a été l’intégration des approches
conventionnelles comme la chirurgie et la chimiothérapie, qui réduisent considé-
rablement la charge tumorale, avec l’immunothérapie.

15-14 Le développement de tumeurs transplantables chez la souris a permis


la découverte des réponses immunitaires contre les tumeurs.

La découverte que les tumeurs pouvaient être déclenchées chez les souris après
traitement par des cancérogènes chimiques ou après irradiation ainsi que le
674 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

développement de lignées pures de souris sont à l’origine des expériences clés qui ont
Immunisation de la souris contre
des cellules tumorales irradiées révélé l’existence de réponses immunitaires contre les tumeurs. Ces tumeurs peuvent
être greffées dans d’autres souris, ce qui a permis l’étude expérimentale de leur rejet.
cellules tumorales Si celles-ci portent des molécules du CMH étrangères aux souris receveuses, les cel-
irradiées lules tumorales sont facilement reconnues et détruites par le système immunitaire.
Ceci a d’ailleurs été exploité dans le développement de la première lignée de souris
congéniques pour le CMH. L’immunité spécifique contre les tumeurs doit donc être
étudiée dans des lignées consanguines, de façon à ce que l’hôte et la tumeur aient des
CMH compatibles.
Après transplantation dans des receveurs syngéniques, le sort des tumeurs varie.
Injection de cellules Injection de cellules La plupart s’étendent progressivement et finissent par tuer l’hôte. Cependant, après
vivantes venant vivantes venant injection de cellules tumorales irradiées, incapables de se multiplier, les souris sont
de la même tumeur d’une tumeur différente souvent protégées contre l’administration ultérieure d’une dose habituellement mor-
telle de cellules vivantes de la même tumeur. Il semble y avoir un spectre d’immu-
nogénicité parmi ces tumeurs transplantables : des injections de cellules tumorales
irradiées semblent déclencher un degré variable d’immunité protectrice contre des
cellules tumorales vivantes injectées dans un site éloigné. On n’observe pas cette pro-
tection chez des souris déficientes en cellules T, mais elle peut être transmise aux sou-
ris par un transfert adoptif de cellules T provenant de souris immunes, ce qui montre
La réponse aux La réponse contre la la nécessité des cellules T pour obtenir ces effets.
antigènes de rejet tumeur irradiée
tumoral propres à la n’élimera pas des tumeurs Ces observations montrent que les tumeurs expriment des peptides antigéniques qui
tumeur permet non apparentées d’un peuvent devenir les cibles d’une réponse des cellules T spécifiques de la tumeur. Les
d’éliminer celle-ci type cellulaire différent
antigènes exprimés par les tumeurs murines déclenchées expérimentalement, que
l’on appelle souvent antigènes de rejet tumoral (TRA, Tumor Rejection Antigens),
sont habituellement spécifiques d’une tumeur individuelle. Ainsi, une immunisation
avec des cellules tumorales irradiées provenant d’une tumeur X protège une souris
syngénique contre des cellules vivantes provenant de cette tumeur X, mais pas contre
une tumeur Y syngénique différente, et vice versa (Fig. 15.12).

Fig. 15.12 Les antigènes de rejet tumoral


sont spécifiques des tumeurs individuelles. 15-15 Les tumeurs peuvent échapper au rejet de plusieurs façons.
Les souris immunisées contre une tumeur
irradiée et restimulées avec des cellules
F.M. Burnet a nommé «  surveillance immune  » la capacité du système immuni-
vivantes de la même tumeur peuvent, dans
certains cas, rejeter une dose mortelle de cette taire de détecter les cellules tumorales et de les détruire. Cependant, il devenu évi-
tumeur (panneaux de gauche), cela grâce à dent que la relation entre le système immunitaire et le cancer est considérablement
une réponse immunitaire envers les antigènes plus complexe. Le concept de surveillance immunitaire a été modifié et compren-
de rejet tumoral. Si les souris immunisées sont drait trois phases. La première est la phase d’élimination, qui est ce que l’on appelait
restimulées avec des cellules vivantes d’une
tumeur différente, il n’y a aucune protection et
surveillance immunitaire et au cours de laquelle le système immunitaire reconnaît et
les souris meurent (panneaux de droite). détruit des cellules potentiellement tumorales (Fig. 15.13). Vient ensuite une « phase
d’équilibre », qui survient si la réussite de la phase d’élimination est incomplète et au
cours de laquelle les cellules tumorales subissent des changements ou des mutations
qui contribuent à leur survie comme conséquence de la pression sélective imposée
par le système immunitaire. Ce processus est appelé « révision immunologique »
(immunoediting) car il détermine les propriétés des cellules tumorales survivantes.
La phase finale est la « phase d’échappement », qui survient lorsque certaines cellu-
les tumorales ont accumulé suffisamment de mutations pour échapper à l’attention
du système immunitaire ; la tumeur est maintenant capable de croître sans restriction
et devient détectable cliniquement.
Des souris avec des délétions géniques ciblées qui éliminent des composants spécifi-
ques de l’immunité innée et adaptative ont fourni la meilleure démonstration que la
surveillance immunitaire influence réellement le développement de certains types de
tumeur. Par exemple, des souris dépourvues de perforine, qui fait partie des mécanis-
mes de lyse des cellules NK et des cellules T CD8 cytotoxiques (voir la Section 8-28),
montrent une fréquence accrue de lymphomes, des tumeurs du système lymphoïde.
Des souches de souris dépourvues de protéines comme RAG et STAT1, et donc défi-
cientes en mécanismes de l’immunité adaptative et en certains de l’immunité innée,
développent des tumeurs épithéliales intestinales et mammaires. Des souris déficien-
tes en lymphocytes T exprimant des récepteurs γ:δ montrent une sensibilité nette-
ment accrue aux tumeurs de la peau induites par l’application topique de substances
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 675

Lorsque des tumeurs se forment dans Finalement, un variant peut échapper


un tissu, plusieurs cellules Parmi les cellules tumorales, des
Avec le temps plusieurs variants au mécanisme de lyse ou recruter des
immunitaires peuvent les reconnaître variants plus résistants à la lyse
différents se développent cellules régulatrices pour le protéger ;
et les éliminer apparaissent
ainsi sa expansion n’est pas entravée

NK CD8 Treg
CD4 NK CD4 CD8

γδ CD8 γδ
CD8 NK NK

cancérogènes, ce qui illustre un rôle pour les cellules T γ:δ intraépithéliales (voir la Fig. 15.13 Des cellules malignes peuvent
Section 11-10) dans la surveillance et la cytotoxicité contre des cellules épithéliales être contrôlées par la surveillance
immunitaire. Certains types de
anormale. Des études des diverses cellules effectrices du système immunitaire ont cellules tumorales sont reconnues par diverses
identifié l’IFN-γ et l’IFN-α comme facteurs importants dans l’élimination des cellu- cellules du système immunitaire, qui peuvent
les tumorales, soit directement, soit indirectement par leurs actions sur d’autres cel- les éliminer. Si les cellules tumorales ne sont
lules. Les cellules T γ:δ sont une source importante d’IFN-γ, ce qui pourrait expliquer pas complètement détruites, des variants
l’importance de ces lymphocytes dans l’élimination des cellules cancéreuses comme peuvent apparaître qui échappent finalement
au système immunitaire et prolifèrent pour
nous venons de le signaler. former une tumeur.
Selon l’hypothèse de la révision immunologique, les cellules tumorales qui survivent
à la phase d’équilibre ont acquis de nombreuses mutations qui empêchent leur éli-
mination par le système immunitaire. Chez un individu immunocompétent, les cel-
lules non mutantes sont continuellement éliminées par la réponse immunitaire, ce
qui retarde la croissance de la tumeur, mais quand le système immunitaire est com-
promis, l’équilibre se transforme rapidement en phase d’échappement puisque plus
aucune cellule tumorale n’est éliminée. Un exemple clinique illustrant la présence
de la phase d’équilibre est la survenue de cancer chez les receveurs de greffes d’or-
ganes. Une étude a signalé le développement du mélanome entre 1 et 2 ans après
la transplantation chez deux patients qui avaient reçu un rein provenant du même
donneur, un patient qui avait eu un mélanome malin, traité avec succès à l’époque,
16 ans avant sa mort. On peut supposer que les cellules de mélanome, qui migrent
facilement dans d’autres organes, étaient présentes dans les reins de ce patient, mais
étaient en phase d’équilibre avec le système immunitaire. Ainsi, les cellules de méla-
nome n’étaient pas complètement éliminées par le système immunitaire qui, étant
resté compétent, maintenait le nombre de cellules sous contrôle. Mais, puisque le sys-
tème immunitaire des receveurs a été déprimé, cela a permis la multiplication rapide
des cellules de mélanome et leur propagation à d’autres parties du corps.
La plupart des tumeurs spontanées communes, cependant, ne sont pas plus fréquen-
tes chez les personnes immunodéficientes, et donc ne semblent pas être soumises à
la surveillance immunitaire. Les principaux types de tumeurs qui se produisent avec
une fréquence accrue chez des souris immunodéficientes ou chez l’homme sont des
tumeurs associées aux virus; la surveillance immunitaire semble donc être détermi-
nante pour le contrôle de ce type de tumeur ; en effet, l’immunothérapie tumorale est
généralement plus efficace contre les tumeurs d’origine virale.
Il n’est pas surprenant que les tumeurs spontanées soient rarement rejetées par les
cellules  T, parce qu’en général, elles sont probablement dépourvues des peptides
antigéniques distinctifs ou des molécules d’adhérence ou de costimulation requi-
ses pour susciter une réponse primaire des cellules T (Fig. 15.14, premier panneau) .
Même des tumeurs qui expriment des antigènes tumoraux spécifiques peuvent être
considérées comme appartenant au « soi » si elles ne provoquent pas d’inflammation.
Des antigènes peuvent être captés par des cellules présentatrices d’antigènes, comme
les cellules dendritiques, mais si celles-ci sont immatures et présentent les antigènes
à des lymphocytes T en l’absence de signaux de costimulation, elles induiront une
anergie ou une suppression des cellules T (voir la Section 7-26).
676 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Mécanismes par lesquels des tumeurs évitent la reconnaissance immunitaire

Faible Tumeur traitée comme Immunosuppression Site privilégié induit


Modulation antigénique
immunogénicité un antigène du soi induite par la tumeur par la tumeur

Des anticorps contre des


Des antigènes tumoraux captés antigènes de surface des cellules Des facteurs (par ex. TGF-β) Des facteurs sécrétés
Pas de ligand peptide:CMH et présentés par des APC tumorales peuvent induire sécrété par la tumeur inhibent par des cellules tumorales
Pas de molécules d’adhérence en absence de costimulation l’endocytose et la dégradation de les cellules T directement. créent une barrière physique
Pas de molécules de costimulation tolérisent les cellules T l’antigène. Sélection immunitaire Induction de cellules T au système immunitaire
des variants de perte antigénique régulatrices par des tumeurs

T TH1

CD8 CTL
T
TGF-β
CD28
LFA-1
TCR

TGF-β
+
Treg
TGF-β,
IL-10

Fig. 15.14 Les tumeurs peuvent échapper à la surveillance considéré maintenant comme faisant partie d’une phase d’équilibre, qui
immunitaire de différentes façons. Panneau de gauche : les tumeurs peut conduire à l’expansion de la tumeur lorsque le système immunitaire
peuvent avoir une faible immunogénicité. Certaines tumeurs n’ont « perd la course » et n’est plus capable de s’adapter. Lorsqu’une tumeur
pas de peptides de nouvelles protéines qui puissent être présentés est attaquée par des cellules répondant à un antigène particulier, toute
par des molécules du CMH, et paraissent donc normales au système tumeur n’exprimant pas cet antigène aura un avantage sélectif. Quatrième
immunitaire. D’autres ont perdu une ou plusieurs molécules du CMH, et panneau : les tumeurs produisent souvent des substances, comme
la plupart n’expriment pas de protéines de costimulation, nécessaires le TGF-β, qui suppriment directement les réponses immunitaires ou
à l’activation des cellules T naïves. Deuxième panneau : des antigènes peuvent recruter des cellules T régulatrices qui peuvent elles-mêmes
tumoraux présentés en absence de signaux costimulateurs rendront les sécréter des cytokines immunosuppressives. Cinquième panneau : des
cellules T répondeuses tolérantes à ces antigènes. Troisième panneau : cellules tumorales peuvent sécréter des molécules, comme le collagène,
des tumeurs peuvent exprimer au début des antigènes auxquels le qui forment une barrière physique autour de la tumeur, empêchant
système immunitaire répond, mais elles les perdent par l’internalisation les lymphocytes d’y accéder. APC, Antigen-Presenting Cell, cellule
que des anticorps induisent ou par variation antigénique. Le processus présentatrice d’antigène ; TCR, T Cell Receptor, récepteur de cellule T.
d’instabilité génétique conduisant au changement génétique est

Au cours de la phase d’équilibre il existe de nombreux mécanismes par lesquels les


tumeurs peuvent éviter de stimuler une réponse immunitaire ou d’y échapper quand
elle se produit (voir Fig. 15.14). Les tumeurs ont tendance à être génétiquement ins-
tables et peuvent perdre leurs antigènes par mutation ; en présence d’une réponse
immunitaire, les mutants qui ont perdu des antigènes échappent ainsi à la réponse
immunitaire et seront donc sélectionnés. Certaines tumeurs, telles que les cancers du
côlon et du col de l’utérus, perdent l’expression d’une molécule du CMH de classe I
(Fig. 15.15), à la suite peut-être d’une immunosélection par les cellules T spécifiques
du peptide présenté par cette molécule du CMH de classe I. Dans les études expé-
rimentales, quand une tumeur perd l’expression de toutes les molécules du CMH
Fig. 15.15 Perte de l’expression du CMH de de classe I, elle ne peut plus être reconnue par les cellules T cytotoxiques, mais elle
classe I dans un carcinome de la prostate. devient alors sensible aux cellules NK (Fig. 15.16). Toutefois, les tumeurs qui perdent
Certaines tumeurs peuvent échapper à la une seule molécule du CMH de classe I peuvent être en mesure d’éviter la reconnais-
surveillance immunitaire par la perte de
sance par des cellules T cytotoxiques CD8, tout en restant résistantes aux cellules NK,
l’expression de leurs molécules du CMH de
classe I, ce qui empêche leur reconnaissance ce qui confère un avantage sélectif in vivo.
par les cellules T CD8. Le cliché montre une
coupe d’un cancer de la prostate marquée
Encore une autre façon pour les tumeurs de se soustraire aux attaques immunitai-
par un anticorps conjugué à la peroxydase res est de susciter les effets suppresseurs de cellules T régulatrices. Des cellules Treg
et dirigé contre les molécules HLA de CD4 CD25 ont été trouvées dans divers cancers et peuvent se multiplier spécifique-
classe I. La coloration brune, correspondant ment en réponse aux antigènes tumoraux. Dans des modèles de cancer chez la sou-
à l’expression du HLA de classe I, est limitée ris, la suppression des cellules T régulatrices augmente la résistance au cancer, alors
aux lymphocytes qui infiltrent la tumeur et aux
cellules stromales. Les cellules tumorales qui
que leur transfert des animaux receveurs sans Treg permet le développement du can-
occupent la plus grande partie de la coupe ne cer. L’expansion des cellules Treg CD4 CD25 peut également expliquer l’efficacité rela-
sont pas colorées. Cliché de G. Stamp. tivement faible de l’IL-2 dans le traitement du mélanome. Bien qu’approuvée pour
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 677

Fig. 15.16 Les tumeurs qui perdent


Cellule tumorale présentant Variant de tumeur Variant de tumeur sans CMH l’expression des molécules du CMH de
un nouvel antigène sans CMH de classe I transfecté avec un gène du CMH classe I pour échapper à la surveillance
immunitaire sont plus sensibles à
la destruction par les cellules NK.
La régression des tumeurs greffées
est essentiellement due aux cellules T
cytotoxiques (CTL), qui reconnaissent de
nouveaux peptides liés aux antigènes du CMH
de classe I à la surface de la cellule (panneaux
de gauche). Les cellules NK possèdent
Mesure de la taille de la tumeur dans les souris normales et les souris nude des récepteurs inhibiteurs qui se lient aux
molécules du CMH de classe I. Des variants
Masse de souris Masse de Masse de de la tumeur qui expriment peu de CMH de
la tumeur nude la tumeur la tumeur classe I sont moins sensibles aux cellules T
cytotoxiques CD8, mais deviennent sensibles
souris
normales à la lyse par les cellules NK (panneaux du
centre). Les souris nude, déficientes en
cellules T ont des taux de cellules NK plus
élevés que la normale. Par conséquent, les
Temps Temps Temps tumeurs qui sont sensibles aux cellules NK
se développent moins bien chez les souris
nude que chez les souris normales. La
Mesure de la mort des cellules tumorales par action des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) et des cellules NK transfection avec des gènes du CMH de
classe I peut restaurer à la fois la résistance
Pourcentage Pourcentage Pourcentage envers les cellules NK et la sensibilité aux
de mort de mort de mort
cellules T cytotoxiques CD8 (panneaux de
droite). Cependant, les tumeurs qui perdent
seulement une molécule du CMH de classe I
peuvent échapper à une réponse spécifique
des cellules T CD8 cytotoxiques tout en
restant résistantes aux NK. Les panneaux
CTL NK CTL NK CTL NK
du bas montrent des images en microscope
électronique à balayage de cellules NK
attaquant des cellules leucémiques. Panneau
de gauche : peu après la liaison à la cellule
cible, la cellule NK projette de nombreuses
microvillosités qui lui permettent d’établir
une large zone de contact avec la cellule
leucémique. La cellule NK est la plus petite
cellule à gauche sur les deux clichés. Panneau
de droite : 60 minutes après le mélange, on
peut voir de longs prolongements s’étendre
à partir des cellules NK (en bas à gauche)
jusqu’à la cellule leucémique ; des lésions
étendues sont visibles sur la membrane de la
cellule leucémique ; la membrane plasmique
de la cellule leucémique s’est enroulée et s’est
fragmentée sous l’attaque des cellules NK.
Clichés de J.C. Hiserodt.
usage clinique, l’IL-2 procure un effet bénéfique à un nombre relativement faible de
patients. Par conséquent, une thérapie supplémentaire possible serait d’appauvrir ou
d’inactiver les cellules T régulatrices de concert avec l’administration de l’IL-2.
De nombreuses tumeurs échappent à une réponse immunitaire en produisant des
cytokines immunosuppressives. Le TGF-β a été identifié dans le surnageant de
culture d’une tumeur (d’où son nom, Transforming Growth Factor-β), et, comme
nous l’avons vu, il a tendance à supprimer les réponses inflammatoires des cel-
lules T et l’immunité cellulaire, qui sont nécessaires au contrôle de la croissance
tumorale. Fait intéressant, on a montré également que le TGF-β induisait le déve-
loppement de cellules T régulatrices. De plus, on a montré que plusieurs tumeurs
de différentes origines tissulaires, comme le mélanome, le cancer de l’ovaire et
le lymphome à cellules  B, produisaient la cytokine immunosuppressive, l’IL-10,
ce qui peut réduire le développement et l’activité des cellules dendritiques, ainsi
qu’inhiber directement l’activation des lymphocytes T.
Certaines tumeurs évitent le système immunitaire en créant leurs propres sites immu-
nologiquement privilégiés (voir la Section 14-5). Elles grandissent dans des nodules,
entourées par des obstacles physiques tels que le collagène et la fibrine. Ces tumeurs
peuvent être invisibles pour le système immunitaire, qui ignore donc leur exis-
tence, et elles peuvent se développer de cette façon jusqu’à ce que la masse tumorale
678 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Fig. 15.17 Les protéines exprimées de façon


sélective dans les tumeurs humaines sont Les antigènes potentiels de rejet tumoral ont des origines diverses
des antigènes de rejet tumoral potentiels.
On a montré que toutes les molécules Classe d’antigène Antigène Nature de l’antigène Type de tumeur
répertoriées ici étaient reconnues par des
lymphocytes T cytotoxiques provenant de
patients porteurs d’un type de tumeur repris Kinase 4
dans cette liste. dépendante Régulateur du cycle cellulaire Mélanome
des cyclines
Oncogène spécifique
des tumeurs Relais dans la transduction
ou suppresseur β-caténine Mélanome
du signal
muté de tumeur

Épithélioma
Caspase-8 Régulateur de l’apoptose
épidermoïde

Anticorps spécifique
Ig de surface/
après réarrangement génique Lymphome
idiotype
dans le clone de cellules B

Mélanome
MAGE-1
Cellule germinale Protéines normales des testicules Sein
MAGE-3
Gliome

Enzyme de la voie
Différenciation Tyrosinase Mélanome
de synthèse de la mélanine

Expression Sein
HER-2/neu
β Récepteur tyrosine kinase
anormale d’un gène Ovaire

Tumeur de Wilms Facteur de transcription Leucémie

Modification
Sein
post-traductionnelle MUC-1 Mucine peu glycosylée
Pancréas
anormale

Modification
GP100 Rétention d’introns
post-traductionnelle Mélanome
TRP2 dans l’ARNm
anormale

HPV de type 16,


Produits des gènes
Protéine oncovirale protéines E6 Carcinome cervical
de transformation virale
et E7

devienne trop grande pour être contrôlée, même si la barrière physique est détruite
et qu’une inflammation s’ensuive. Ainsi, il existe de nombreuses voies qui permettent
aux tumeurs d’éviter d’être reconnues et d’être détruites par le système immunitaire.

15-16 Des lymphocytes T reconnaissent des antigènes spécifiques


sur des tumeurs humaines, et des transferts adoptifs de cellules T
sont testés chez des patients.

Les antigènes de rejet des tumeurs reconnus par le système immunitaire sont des
peptides de protéines des cellules tumorales qui sont présentés aux cellules T par des
molécules du CMH (voir la Section 15-14). Ces peptides deviennent les cibles d’une
réponse des cellules T spécifiques de la tumeur, même s’ils peuvent aussi être pré-
sents sur des tissus normaux. Par exemple, des stratégies visant à induire une immu-
nité contre des antigènes de mélanome peuvent induire chez les patients du vitiligo,
une destruction auto-immune des cellules pigmentaires de la peau. On distingue plu-
sieurs catégories d’antigènes de rejet des tumeurs ; la Fig. 15.17 en donne des exem-
ples de chacune. La première catégorie comprend des antigènes qui sont strictement
spécifiques des tumeurs. Ces antigènes sont le résultat de mutations ponctuelles ou
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 679

Fig. 15.18 Les antigènes du rejet tumoral


Les cellules normales présentent des peptides peuvent être créés par des mutations
du soi associés aux molécules du CMH ponctuelles dans des protéines du soi
lors du processus d’oncogenèse. Dans
certains cas, une mutation ponctuelle dans
une protéine du soi permet à un nouveau
peptide de s’associer à des molécules du CMH
de classe I (panneau en bas à gauche). Dans
d’autres cas, une mutation ponctuelle touchant
un peptide du soi qui peut se lier à des
cellule normale protéines du CMH du soi cause l’expression
d’un nouvel épitope pour les cellules T
(panneau en bas à droite). Dans les deux cas,
ces peptides mutés n’auront pas déclenché
la tolérance lors de la délétion clonale de
Une mutation ponctuelle dans une protéine Une mutation ponctuelle dans un peptide cellules T au cours du développement et
du soi permet la fixation d’un nouveau peptide du soi crée un nouvel épitope T peuvent être reconnus par les cellules T
aux molécules du CMH matures.

cellule tumorale cellule tumorale

de réarrangements géniques, qui apparaissent souvent dans le cadre du processus


de l’oncogenèse. Des mutations ponctuelles peuvent susciter une réponse des cel-
lules T, soit en permettant la liaison de novo d’un peptide à des molécules du CMH
de classe I ou par la création d’un nouvel épitope pour les lymphocytes T par modi-
fication d’un peptide qui se liait déjà aux molécules de classe I (Fig. 15.18). Ces pep-
tides mutants peuvent, toutefois, ne s’associer que faiblement aux molécules du
CMH ou ne pas être correctement apprêtés, et sont donc moins à même de stimu-
ler une réponse efficace. Dans les tumeurs à cellules B et T, qui sont issus de clones
lymphocytaires uniques, une catégorie spéciale d’antigènes spécifiques des tumeurs
comprend les idiotypes (voir Appendice I, Section A-10) propres aux récepteurs d’an-
tigène exprimés par les différents clones.
La deuxième catégorie comprend des protéines codées par des gènes qui ne sont
exprimés normalement que par les cellules germinales mâles, qui par ailleurs ne
n’expriment pas de molécules du CMH et ne peuvent donc pas présenter de peptides
de ces molécules aux lymphocytes T. Les cellules tumorales montrent des anoma-
lies généralisées dans leur expression génique, y compris l’activation de gènes codant
des protéines de cellules germinales, comme les antigènes MAGE sur les mélanomes
(voir Fig. 15.17). Des peptides dérivés de ceux-ci peuvent être présentés aux cellules T
par les molécules du CMH de classe I des cellules tumorales, ces protéines de cellu-
les germinales sont donc effectivement spécifiques de tumeur dans leur expression
comme antigènes (Fig. 15.19).
La troisième catégorie d’antigènes de rejet tumoral comprend des antigènes de diffé-
renciation codés par des gènes qui sont exprimés uniquement dans certains types de
tissus. Les meilleurs exemples sont les antigènes de différenciation exprimés dans les
mélanocytes et les cellules de mélanome ; plusieurs de ces antigènes sont des protéi-
nes qui interviennent dans les voies qui produisent le pigment noir, la mélanine. La
quatrième catégorie comprend des antigènes qui sont fortement surexprimés dans
les cellules tumorales par rapport à leurs homologues (voir Fig. 15.19). Un exemple
est HER-2 / neu (également connu sous le nom de c-Erb-2), qui est un récepteur à acti-
vité de tyrosine kinase, homologue du récepteur du facteur de croissance épidermi-
que (EGFR, Epidermal Growth Factor Receptor). Ce récepteur est surexprimé dans
de nombreuses tumeurs, y compris les cancers du sein et des ovaires ; ce qui suggère
d’ailleurs un mauvais pronostic. Des lymphocytes T cytotoxiques CD8 restreints au
CMH de classe I ont été trouvés dans des infiltrats de tumeurs solides surexprimant
HER-2 / neu, mais ils ne sont pas capables de détruire ces tumeurs in vivo. La cin-
quième catégorie d’antigènes de rejet tumoral comprend des molécules qui présen-
tent des altérations post-translationnelles. Un exemple est la mucine insuffisamment
680 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Fig. 15.19 Les antigènes de rejet tumoral


sont des peptides de protéines cellulaires Une cellule normale présente les peptides
présentés par des molécules du CMH du soi liés aux molécules du CMH
de classe I. Cette figure montre deux cas
dans lesquels les antigènes de rejet tumoral
peuvent provenir de protéines non mutées.
Dans certains cas, les protéines qui ne
sont normalement exprimées que dans les
cellules germinales mâles sont réexprimées
par les cellules tumorales (panneau en
bas à gauche). Comme ces protéines ne cellule normale
sont normalement exprimées que lors du
développement cellulaire germinal et dans les
cellules sans molécules du CMH, les cellules T
ne sont pas tolérantes envers ces antigènes
du soi et peuvent leur répondre comme si La réactivation de gènes de cellules germinales
dans une cellule tumorale qui généralement ne La surexpression d’une protéine normale du soi
elles étaient des protéines étrangères. Dans par la cellule tumorale modifie la densité de
sont pas exprimés dans les cellules différenciées
d’autres tumeurs, la surexpression d’une permet la présentation de nouveaux antigènes au présentation des peptides permettant la
protéine du soi augmente la densité de la reconnaissance par les cellules T
système immunitaire de l’adulte
présentation d’un peptide du soi normal sur les
cellules tumorales (panneau en bas à droite).
De tels peptides sont ensuite présentés en
densité suffisante pour être reconnus par des
cellules T de faible avidité. Il arrive souvent
que la même cellule germinale ou que les
protéines du soi soient surexprimées dans de
nombreuses tumeurs d’une origine tissulaire cellule tumorale cellule tumorale
donnée, donnant lieu à des antigènes de rejet
tumoral qui sont partagés.
glycosylées, MUC-1, qui est exprimée par plusieurs tumeurs, notamment les cancers
du sein et du pancréas. La sixième catégorie est composée de nouvelles protéines qui
sont générées quand un ou plusieurs introns sont retenus dans l’ARNm, ce qui se pro-
duit dans le mélanome. Les protéines codées par des oncogènes viraux constituent la
septième catégorie d’antigènes de rejet des tumeurs. Ces protéines oncovirales jouent
un rôle essentiel dans le processus oncogénique et, parce qu’elles sont étrangères,
elles peuvent susciter une réponse des cellules T. Les protéines, E6 et E7, du virus du
papillome humain de type 16 en sont des exemples ; elles sont exprimées dans le car-
cinome du col de l’utérus (voir la Section 15-18).
Bien que chacune de ces catégories d’antigènes de rejet de tumeur puisse susciter
une réponse antitumorale in vitro et in vivo, il est exceptionnel qu’une telle réponse
soit en mesure d’éliminer une tumeur établie spontanément. C’est l’objectif de l’im-
munothérapie antitumorale d’exploiter et d’amplifier ces réponses pour traiter le can-
cer plus efficacement. Les rémissions spontanées observées occasionnellement dans
certains cas de mélanome malin et de carcinome des cellules rénales, même à un
stade avancé de la maladie, offrent l’espoir que cet objectif est réalisable.
Dans le mélanome, des antigènes spécifiques de tumeur ont été découverts par la
culture de cellules tumorales irradiées en présence de lymphocytes autologues, une
réaction connue sous le nom de culture mixte lymphocytes-cellules tumorales. À par-
tir de telles cultures, des lymphocytes T cytotoxiques capables de tuer, de manière
restreinte par le CMH, des cellules tumorales porteuses d’antigènes spécifiques de
tumeur ont pu être identifiés. Des mélanomes ont été étudiées en détail par cette
approche. Des cellules  T cytotoxiques réactives contre des peptides de mélanome
ont été clonées et utilisées pour caractériser des mélanomes par la gamme d’anti-
gènes spécifiques de tumeur qu’ils affichaient. Ces études ont abouti à trois conclu-
sions. Tout d’abord, les mélanomes sont porteurs d’au moins cinq antigènes différents
reconnaissables par des lymphocytes T cytotoxiques. Deuxièmement, les lympho-
cytes T cytotoxiques réactifs contre les antigènes du mélanome ne se sont pas mul-
tipliés in vivo, ce qui suggère que ces antigènes ne sont pas immunogènes in vivo.
Troisièmement, il est possible que la présence de cellules T cytotoxiques spécifiques
contrecarre l’expression de ces antigènes in vitro et peut-être aussi in vivo. Ces décou-
vertes sont encourageantes pour l’avenir de l’immunothérapie antitumorale, mais
elles indiquent aussi que ces antigènes ne sont pas naturellement fortement immu-
nogènes ; de plus, elles mettent en garde quant à la sélection possible in vivo des cel-
lules tumorales capables d’échapper à la reconnaissance et à la lyse par les cellules T
cytotoxiques.
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 681

Conforme à ces résultats est le constat que des cellules T spécifiques de mélanome
peuvent être multipliées à partir de lymphocytes prélevés chez des patients atteints
de mélanome, à partir du sang, d’infiltrats tumoraux ou de ganglions lymphatiques
de drainage. Fait intéressant, aucun des peptides reconnus par ces lymphocytes T ne
provient de protéines codées par des proto-oncogènes mutés ou des gènes suppres-
seurs de tumeurs, susceptibles d’être responsables de la transformation initiale de
la cellule, même si quelques-uns sont des produits d’autres gènes mutés. Les autres
proviennent de protéines normales, mais sont maintenant présentées sur les cellu-
les tumorales à des niveaux détectables par les cellules T pour la première fois. Par
exemple, les antigènes de la famille MAGE ne sont pas exprimés dans les tissus adul-
tes normaux, à l’exception du testicule, qui est un site immunologiquement privilé-
gié (voir Fig. 15.17). Ils représentent probablement des antigènes de développement
précoce, réexprimés au cours du processus de cancérisation. Seule une minorité de
patients atteints de mélanome ont des cellules T réagissant aux antigènes MAGE, ce
qui indique que, dans la plupart des cas, ces antigènes ne sont pas exprimés ou ne
sont pas immunogènes.
Les antigènes de mélanome les plus communs sont des peptides de l’enzyme tyro-
sinase ou de trois autres protéines, gp100, MART1 et gp75. Ce sont des antigènes de
différenciation spécifiques de la lignée des mélanocytes dont les mélanomes déri-
vent. Il est probable que la surexpression de ces antigènes dans les cellules tumorales
conduit à une densité anormalement élevée de complexes spécifiques peptide:CMH,
ce qui les rend immunogènes. Bien que les antigènes de rejet de tumeur soient géné-
ralement présentés comme des peptides présentés par des molécules du CMH de
classe  I, on a montré que la tyrosinase stimulait des réponses des cellules  T CD4
chez certains patients atteints de mélanome en étant ingérée et présentée par des
cellules exprimant des molécules du CMH de classe II. Il est importe de noter que
les deux types de cellules T, CD4 et CD8, sont susceptibles d’être impliqués dans le
contrôle immunitaire des tumeurs. Les cellules CD8 peuvent tuer directement les cel-
lules tumorales, alors que les cellules T CD4 jouent un rôle dans l’activation des cellu-
les T CD8 cytotoxiques et l’établissement de la mémoire. Les cellules T CD4 peuvent
aussi tuer les cellules tumorales par le biais de cytokines, comme le TNF-α.
En plus des antigènes de tumeurs humaines identifiés par l’induction des répon-
ses cellules  T cytotoxiques (voir Fig.  15.17), de nombreux autres molécules candi-
dates à la fonction d’antigène de rejet de tumeur ont été identifiées par l’étude des
bases moléculaires du développement néoplasique. Il s’agit notamment des produits
mutés d’oncogènes cellulaires ou de suppresseurs de tumeurs, comme Ras et p53,
ainsi que de protéines de fusion, comme la tyrosine kinase Bcr-Abl, qui résulte de la
translocation chromosomique (t9; 22) dans la leucémie myéloïde chronique (LMC).
Il est curieux que, dans chaque cas, aucune réponse spécifique des cellules T cyto-
toxiques n’a été détectée lorsque des lymphocytes du patient ont été cultivés avec les
cellules tumorales porteuses de ces antigènes mutés.
Lorsqu’elle est présente sur des cellules de LMC, la molécule HLA de classe  I,
HLA-A* 0301, peut présenter un peptide dérivé du site de fusion entre Bcr et Abl. Ce
peptide a été détecté par une technique puissante connue sous le nom d’immuno-
génétique « inverse », dans laquelle les peptides élués des sillons des variants poly-
morphes des molécules du CMH sont récupérés et séquencés par spectrométrie de
masse, ce qui permet l’identification des séquences des peptides spontanément liés
aux molécules du CMH. La technique a été utilisée pour détecter des peptides liés
aux HLA provenant d’autres antigènes tumoraux, par exemple des peptides dérivés
des antigènes tumoraux de mélanomes, gp100 et MART1. Elle a également été utili-
sée pour identifier des séquences peptidiques pouvant servir à la vaccination contre
des maladies infectieuses.
Les cellules T spécifiques du peptide de fusion Bcr-Abl peuvent être identifiées dans le
sang de patients atteints de LMC au moyen de ligands spécifiques constitués par des
tétramères de HLA-A* 0301 porteurs du peptide (voir Appendice I, Section A-28). Les
lymphocytes T cytotoxiques spécifiques de cet antigène et d’autres antigènes tumo-
raux peuvent être sélectionnés in vitro par des peptides dérivés de portions mutées
ou fusionnées de ces protéines oncogènes ; ces cellules T cytotoxiques sont capables
de reconnaître et de tuer les cellules tumorales.
682 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Les particules virales porteuses des Les cellules T transfectées


Les gènes codant les chaînes 𝛂 et 𝛃 Le vecteur est transféré dans une
gènes des chaînes 𝛂 et 𝛃 duTCR spécifique reconnaîtront maintenant le même
d’un récepteur spécifique de cellule T lignée cellulaire qui insert le vecteur
infectent d’autres cellules et leur antigène et leur prolifération
sont clonés dans un vecteur rétroviral dans les particules virales
permettent d’exprimer un nouveau TCR peut être déclenchée

TCRα

TCRβ

Fig. 15.20 Transfert rétroviral de gène de Après une greffe de moelle osseuse pour traiter une LMC, des lymphocytes matu-
récepteur de cellule T. Des contrustructions res du donneur de moelle osseuse injectés au patient peuvent aider à éliminer tout
d’ADN rétroviral sont transfectées dans des
cellules servant à produire des particules
résidu de tumeur. Cette technique est appelée infusion de lymphocytes du donneur
virales. Des lymphocytes sont activés de (ILD). À l’heure actuelle, on ignore dans quelle mesure la réponse clinique est due
manière polyclonale par des anticorps à la réaction du greffon contre l’hôte, les lymphocytes du donneur réagissant avec
anti-CD3 ou des billes couvertes d’anticorps des alloantigènes exprimés par les cellules leucémiques, ou si une réponse spécifi-
anti-CD3 / CD28. Deux jours après l’activation, que antileucémique est importante (voir la Section 14-35). Cependant, le fait qu’il
des lymphocytes sont exposés aux particules
virales, et 5 jours après l’activation,
soit possible de séparer in vitro les lymphocytes T qui assurent soit une réaction du
l’expression du récepteur de cellule T peut greffon contre l’hôte ou un effet de greffe contre leucémie est très encourageant. La
être démontrée par analyse au FACS. Une possibilité de sensibiliser les cellules du donneur contre des peptides spécifiques de
stimulation antigénique in vitro ou in vivo la leucémie offre la perspective de pouvoir amplifier l’effet antileucémique, tout en
conduit à l’expansion des cellules exprimant le minimisant le risque de réaction du greffon contre l’hôte.
récepteur de cellule T.
On a maintenant de bonnes raisons de croire qu’une immunothérapie par des cellu-
les T contre des antigènes tumoraux est une approche clinique possible. La thérapie
adoptive au moyen de cellules T consiste en l’expansion ex vivo des cellules T spéci-
fiques de la tumeur afin de produire un grand nombre de cellules T qui sont ensuite
perfusées au patient. Les cellules prolifèrent en culture en présence d’IL-2, d’anti-
corps anti-CD3 et de cellules présentatrices d’antigène allogéniques, qui fournissent
un signal de costimulation. La thérapie adoptive par cellules T est plus efficace si le
patient est immunodéprimé avant le traitement et ses effets sont renforcés par l’ad-
ministration systémique d’IL-2. Des cellules T dirigées contre des tumeurs malignes
exprimant des antigènes du virus d’Epstein-Barr (EBV) peuvent également être mul-
tipliées de manière spécifique en présence de lignées cellulaires lymphoblastoïdes
provenant des cellules B du patient et transformées par l’EBV. Une autre approche qui
a suscité beaucoup d’intérêt est le transfert de gènes de récepteurs de cellules T spéci-
fiques de la tumeur au moyen de vecteurs rétroviraux dans les cellules T des patients
avant leur réinfusion. Cela peut avoir des effets à long terme en raison de la capacité
des cellules T à devenir des cellules mémoire, et l’histocompatibilité n’est pas néces-
saire puisque les cellules transfusées proviennent du patient (Fig. 15.20).

15-17 Des anticorps monoclonaux, seuls ou liés à des toxines, dirigés contre
les antigènes tumoraux peuvent contrôler la croissance de la tumeur.
La découverte des anticorps monoclonaux a suggéré la possibilité de cibler et de
détruire les tumeurs en fabriquant des anticorps contre les antigènes spécifiques de
la tumeur (Fig. 15.21). Mais avant tout, il faut trouver un antigène spécifique de la
tumeur qui soit une molécule de surface. La Fig. 15.22 reprend quelques-unes des
molécules de surface visées dans des essais cliniques. Certains de ces traitements
ont été autorisés et des résultats remarquables ont été rapportés dans le traitement
du cancer du sein avec un anticorps monoclonal appelé trastuzumab (Herceptine),
qui est dirigé contre le récepteur  HER-2 / neu surexprimé chez environ un quart des
patientes atteintes de cancer du sein. Comme nous l’avons vu à la Section  15-16,
cette surexpression de l’HER-2 / neu est responsable de la réponse antitumorale des
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 683

Fig. 15.21 Les anticorps monoclonaux qui


Anticorps spécifique Anticorps spécifique
Anticorps spécifique reconnaissent les antigènes spécifiques
de la tumeur conjugué de la tumeur conjugué
de la tumeur de la tumeur ont été utilisés de diverses
à une toxine à un radioélément
manières pour faciliter la destruction des
tumeurs. Les anticorps spécifiques de la
tumeur, d’isotypes corrects, sont capables de
lyser des cellules tumorales en recrutant des
cellules effectrices comme les cellules NK
en les activant par leurs récepteurs de Fc
(panneaux de gauche). Une stratégie a
consisté à coupler l’anticorps à une toxine
Les anticorps se fixent Les anticorps conjugués à la toxine Les anticorps radioactifs se puissante (panneaux du milieu). Lorsque
à une cellule tumorale se fixent à une cellule tumorale fixent à une cellule tumorale l’anticorps se lie à la cellule tumorale, il est
NK NK endocyté, la toxine est libérée et peut tuer la
cellule tumorale. Si l’anticorps est couplé à un
CD16 radioélément (panneaux de droite), la liaison
de l’anticorps à une cellule tumorale libérera
une dose de radiation suffisante pour tuer la
cellule. En plus, les cellules tumorales voisines
pourraient également recevoir une dose de
radiation mortelle, même si elles ne se lient
pas à l’anticorps. Des fragments d’anticorps
ont commencé à remplacer les anticorps
entiers pour le couplage aux toxines ou aux
Les cellules NK avec récepteurs Les radiations tuent
Les conjugués sont incorporés radio-isotopes.
de Fc sont activées pour tuer la cellule tumorale et les cellules
et tuent la cellule
les cellules tumorales tumorales voisines

cellules T, bien que la présence de l’HER-2 / neu soit associée à un mauvais pronos-


tic. On pense que l’Herceptine agit en bloquant l’interaction entre le récepteur et
son ligand naturel et en régulant négativement le taux d’expression du récepteur. Les
effets de cet anticorps peuvent être potentialisés par association de cet anticorps à
une chimiothérapie conventionnelle. Un deuxième anticorps monoclonal, le rituxi-
mab, a donné d’excellents résultats dans le traitement du lymphome B non hodgki-
nien ; en se liant à CD20, il déclenche l’apoptose des cellules B (voir la Section 15-9).
Pour leur croissance, les tumeurs solides ont besoin de vaisseaux sanguins ; et la
neutralisation du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF, Vascular
Endothelial Growth Factor), une cytokine requise pour la croissance vasculaire,
illustre bien l’importance du processus pour la survie de la tumeur. Des améliora-
tions significatives de la survie des patients à un stade avancé de cancer colorectal

Fig. 15.22 Exemples d’antigènes


Origine de la tumeur Type d’antigène Antigène Type de tumeur tumoraux qui ont été visés par des
anticorps monoclonaux dans des essais
Lymphome/ Antigène CD5 Lymphome T thérapeutiques. CEA, CarcinoEmbryonic
Antigen, antigène carcino-embryonnaire.
leucémie de différenciation Idiotype Lymphome B
CD52 (CAMPATH-1) Lymphome/
leucémie T et B

Récepteur de CD20 Lymphome B


signalisation de cellule B non hodgkinien

Tumeurs solides Antigènes de surface Tumeurs épithéliales


CEA, mucine-1
cellulaire Lewisy
(seins, côlon, poumons)
Glycoprotéine Tumeurs épithéliales
CA-125
Glucides Carcinome ovarien

Récepteur du facteur Récepteur du facteur de Tumeurs des poumons, du


de croissance croissance épidermique sein, de la tête et du cou
HER-2/neu Tumeurs ovariennes
Récepteur de l’IL-2 et mammaires.Tumeurs des
Facteur de croissance cellules B et des cellules T
des endothéliums Cancer du côlon
vasculaires (VEGF) Poumon, prostate, sein

Antigène stromal FAP-α Tumeurs épithéliales


extracellulaire Ténascine Glioblastome multiforme
Métalloprotéases Tumeurs épithéliales
684 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

ont été obtenus par un traitement au moyen d’un anticorps humanisé anti-VEGF,
le bevacizumab, en association avec la chimiothérapie classique. Cet anticorps,
ainsi qu’un autre anticorps, le cetuximab, dirigé contre le récepteur de l’EGF, sont
maintenant autorisés pour le traitement du cancer colorectal.
La thérapie antitumorale par anticorps monoclonaux spécifiques ou sélectifs se heur-
tent à plusieurs difficultés : la variation antigénique de la tumeur (voir Fig. 15.13), la
lyse inefficace des cellules après liaison de l’anticorps monoclonal, la pénétration
insuffisante de l’anticorps dans la masse tumorale (ce peut être amélioré par l’utili-
sation de petits fragments d’anticorps) et la présence d’antigènes solubles qui neu-
tralisent les anticorps. La liaison d’une toxine à l’anticorps, ce qui produit un une
immunotoxine (voir Fig.  15.21) permet de contourner certains de ces obstacles.
La chaîne A de la ricine et la toxine de Pseudomonas sont les deux utilisées. Pour
être efficaces, l’immunotoxine doit pénétrer dans la cellule afin que la toxine puisse
se détacher de l’anticorps dans la vésicule d’endocytose ; les toxines peuvent alors
agir et tuer la cellule. Des toxines couplées à des anticorps entiers ont eu un succès
limité en thérapie antitumorale, mais des fragments d’anticorps comme les molé-
cules monocaténaires Fv (voir la Section 3-3) montrent des résultats prometteurs.
Un exemple d’immunotoxine efficace est un anticorps Fv recombinant anti-CD22
fusionné à un fragment de la toxine de Pseudomonas. Il a induit une rémission com-
plète dans deux tiers d’un groupe de patients atteints d’une leucémie des cellules B
appelée tricholeucémie, qui résistait à la chimiothérapie conventionnelle.
Deux autres approches utilisant des anticorps monoclonaux conjugués impliquent la
liaison d’anticorps à des médicaments de chimiothérapie comme l’adriamycine ou à
des radio-isotopes. Dans le cas d’un anticorps lié à un médicament, la spécificité de
l’anticorps monoclonal pour un antigène de surface des cellules tumorales concentre
le médicament dans le site tumoral. Après internalisation, le médicament est libéré
dans les endosomes et exerce son effet cytotoxique ou cytostatique. Une variante de
cette approche consiste à lier un anticorps à une enzyme qui métabolise une pro-
drogue non toxique en un produit actif cytotoxique, une technique appelée ADEPT
(Antibody-Directed Enzyme / Pro-drug Therapy, thérapie par prodrogue activée par
des enzymes dirigées par anticorps). Cette technique offre un avantage potentiel  :
une petite quantité d’enzyme localisée par l’anticorps sur la tumeur peut générer des
molécules cytotoxiques dans le voisinage immédiat des cellules tumorales en quantité
beaucoup plus grande que celle qui pourrait être couplée directement à l’anticorps.
Des anticorps monoclonaux liés à des radio-isotopes (voir Fig. 15.21) concentrent la
source radioactive dans le site de la tumeur. Cette stratégie a été utilisée avec succès
pour traiter un lymphome à cellules B réfractaire ; l’yttrium-90 était couplé aux anti-
corps anti-CD20 (ibritumomab tiuxetan). Des anticorps monoclonaux couplés à des
radio-isotopes émettant des rayons γ ont également été utilisés avec succès en image-
rie pour diagnostiquer des tumeurs et suivre leur évolution (Fig. 15.23).
Ces approches ont l’avantage de tuer aussi les cellules tumorales voisines, parce
que la libération des drogues ou les émissions radioactives peuvent affecter les cel-
lules adjacentes à celles auxquelles les anticorps s’attachent. En fin de compte, les
D G anticorps monoclonaux porteurs de toxines, de médicaments ou de radioisotopes
combinés à des stratégies de vaccination visant à induire une immunité à cellu-
les T pourraient constituer l’immunothérapie du cancer la plus efficace.
Fig. 15.23 Un cancer colorectal récidivant
peut être détecté au moyen d’un anticorps
monoclonal dirigé contre l’antigène
carcino-embryonnaire et radiomarqué. Un 15-18 Amplifier la réponse immunitaire contre les tumeurs par vaccination
patient avec une récidive possible de cancer est prometteur dans la prévention et la thérapie du cancer.
colorectal a reçu une injection intraveineuse
d’un anticorps monoclonal dirigé contre
l’antigène carcino-embryonnaire et marqué La percée majeure dans les vaccins contre le cancer depuis la dernière édition de
par l’indium 111. La tumeur récidivante est ce livre a été la prévention d’un cancer d’origine virale. Vers la fin de 2005, un grand
visible sous forme de deux points rouges essai randomisé sur 12.167 femmes a montré qu’un vaccin recombinant contre le
situés dans la région pelvienne. Les vaisseaux
sanguins sont légèrement visibles du fait de la
virus du papillome humain (VPH) a été efficace à 100 % dans la prévention du can-
persistance de l’anticorps libre en circulation. cer du col de l’utérus causé par les deux souches principales, VPH-16 et VPH-18,
Cliché de A.M. Peters. qui sont associées à 70 % des cancers du col de l’utérus.
Utiliser la réponse immunitaire pour attaquer les tumeurs 685

En revanche, les tentatives d’utilisation de vaccins pour traiter les tumeurs ont été
constamment décevantes. Des vaccins basés sur des antigènes tumoraux sont, en
principe, l’approche idéale pour l’immunothérapie antitumorale basée sur les cel-
lules  T. Cependant, ces vaccins sont difficiles à mettre au point, on ignore dans
quelle mesure les épitopes seront partagés entre les tumeurs, et des peptides
des antigènes rejet tumoral ne seront présentés que par certains allèles particu-
liers du CMH. Pour être efficace, un vaccin antitumoral devrait donc compren-
dre une gamme d’antigènes tumoraux. Les antigènes MAGE-1, par exemple, ne
sont reconnus que par les cellules T chez les patients atteints de mélanome qui ont
l’haplotype HLA-A1, mais la gamme des protéines de type MAGE a maintenant été
caractérisée  ; elle englobe des épitopes peptidiques présentés par de nombreu-
ses molécules HLA de classe I et II. Il est clair que les vaccins thérapeutiques anti-
tumoraux ne devraient être utilisés que lorsque la masse tumorale est faible, par
exemple après une intervention chirurgicale et une chimiothérapie appropriée.
Jusqu’à récemment, pour la plupart des vaccins contre le cancer, c’est la tumeur
du patient après sa résection chirurgicale qui a fourni les antigènes. Les vaccins
à base de cellules sont préparés par mélange de cellules  tumorales irradiées ou
d’extraits de tumeurs avec des adjuvants bactériens comme le bacille de Calmette-
Guérin (BCG) ou Corynebacterium parvum, ce qui amplifie l’immunogénicité
(voir Appendice I, Section A-4). Bien que la vaccination avec le BCG comme adju-
vant a eu des résultats variables dans le passé, il y a un regain d’intérêt en raison de
la meilleure compréhension des récepteurs de type Toll. La stimulation de TLR-4
par le BCG et d’autres ligands a été testée dans le mélanome et d’autres tumeurs
solides. L’ ADN CpG, qui se lie à TLR-9, a également été utilisé pour augmenter
l’immunogénicité des vaccins contre le cancer.
Lorsque des antigènes de rejet tumoral ont été identifiés, par exemple dans le
mélanome, les stratégies de vaccination expérimentale incluent l’utilisation (1) de
protéines entières ; (2) de peptides choisis selon les séquences reconnues par les
lymphocytes T cytotoxiques et les lymphocytes T auxiliaires (administrés seuls ou
présentés par les cellules dendritiques du patient lui-même) ; (3) des virus recom-
binants codant ces épitopes peptidiques. Les antigènes tumoraux exprimés par les
lymphomes à cellules B sont considérés comme uniques et convenant bien à une
immunothérapie vaccinale, mais cette approche n’a pas encore été couronnée de
succès clinique. Une nouvelle approche expérimentale de vaccination antitumo-
rale est l’utilisation de protéines de choc thermique isolées de cellules tumorales.
Le principe sous-jacent est que les protéines de choc thermique agissent comme
des chaperonnes intracellulaires pour des peptides antigéniques. Comme les cel-
lules dendritiques seraient porteuses de récepteurs de surface capables de capter
certaines protéines de choc thermique et tout peptide associé, ce dernier passe-
rait alors par les voies d’apprêtement antigénique menant à la présentation par les
molécules du CMH de classe I. L’avantage de cette technique encore expérimen-
tale est que l’on ne doit pas connaître la nature des antigènes de rejet tumoral, mais
l’inconvénient est que les protéines de choc thermique purifiées à partir des cellu-
les de la tumeur comprennent de très nombreux peptides, de sorte que l’antigène
de rejet tumoral pourrait ne constituer qu’une infime proportion de ces peptides.
Une autre approche expérimentale pour la vaccination antitumorale chez la sou-
ris est d’augmenter l’immunogénicité des cellules tumorales par l’introduction de
gènes qui codent des molécules de costimulation ou des cytokines. Cette mesure
vise à rendre la tumeur elle-même plus immunogène. La Fig. 15.24 montre le prin-
cipe de base de ces expériences. Une cellule  tumorale transfectée avec le gène
codant la molécule de costimulation B7 est implantée dans un animal syngénique.
Ces cellules porteuses de B7 peuvent activer des lymphocytes T naïfs spécifiques de
la tumeur, qui deviennent alors des cellules T effectrices capables de rejeter les cel-
lules tumorales. Elles sont également capables de stimuler la prolifération des cellu-
les effectrices qui atteignent le site d’implantation. Ces cellules T peuvent alors cibler
les cellules tumorales qu’elles expriment ou non B7 ; ce qui peut être démontré par
réimplantation de cellules tumorales non transfectées, qui sont également rejetées.
686 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Toutefois, B7 peut également activer CTLA-4 et inhiber ainsi les réponses des cellu-
les T. Le blocage de CTLA-4 par des anticorps anti-CTLA-4 s’est révélé prometteur
dans le traitement du mélanome, en amplifiant l’activation des cellules T auxiliaires
et des cellules T cytotoxiques, bien que des réactions auto-immunes soient appa-
rues chez ces patients. Une alternative à B7 est d’utiliser le ligand de CD40 ; la trans-
fection du gène du ligand de CD40 dans des cellules tumorales devrait favoriser la
maturation des cellules dendritiques ainsi que la sensibilisation immunitaire.
La deuxième stratégie, celle de l’introduction de gènes de cytokines dans les
tumeurs afin qu’elles sécrètent la cytokine utile, a comme but d’attirer les cellu-
les présentatrices d’antigènes dans la tumeur et de profiter des activités paracrines
des cytokines. Chez la souris, les vaccins antitumoraux les plus efficaces à ce jour
sont les cellules  tumorales qui sécrètent le GM-CSF (Granulocyte-Macrophage

Fig. 15.24 La transfection de tumeurs avec le gène de B7 ou du cellule (voir la Section 8-5). Elles peuvent donc être activées (panneaux
GM-CSF augmente l’immunogénicité de la tumeur. Une tumeur qui du milieu). On peut obtenir le même effet en transfectant la tumeur avec
n’exprime pas de molécules de costimulation ne déclenchera pas de le gène codant le GM-CSF, qui attire et stimule la différenciation des
réponse immunitaire, même si elle exprime des antigènes du rejet de précurseurs des cellules dendritiques (panneaux du bas). Ces stratégies
la tumeur (ART). En effet, les cellules T CD8 naïves spécifiques des ont toutes deux été testées chez la souris. Elles induisaient des cellules T
ART ne peuvent pas être activées par la tumeur. La tumeur croît donc mémoire ; les résultats avec le GM-CSF sont les plus impressionnants.
progressivement chez les souris et finit par les tuer (panneaux du haut). Les cellules T CD8 spécifiques des ART ayant été activées, même
Si ce type de cellules tumorales est transfecté avec une molécule de les cellules tumorales dépourvues de B7 ou de GM-CSF peuvent être
costimulation, telle que B7, les cellules T CD8 spécifiques des ART rejetées.
reçoivent simultanément le signal 1 et le signal 2 provenant de la même

Les cellules T CD8+ naïves spécifiques


Cellules de tumeurs malignes
des ART ne peuvent pas être activées La tumeur croisse progressivement
exprimant des ART mais pas de
par les cellules tumorales et peuvent
molécules costimulatrices
être rendues anergiques

Taille de mort
la tumeur

ART CD28
CMH
de classe

Temps

Les cellules tumorales exprimant B7


Cellules tumorales
peuvent activer les cellules T CD8
transfectées par B7
spécifiques des ART

Les cellules T CD8 activées La souris peut rejeter la tumeur


B7 éliminent la tumeur parentale sans B7 ni GM-CSF

Taille de Taille de
la tumeur la tumeur

Le GM-CSF recrute les cellules


Cellules tumorales transfectées
dendritiques, qui peuvent présenter
avec GM-CSF
les ART aux cellules T

Temps Temps

GM-CSF
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 687

Colony-Stimulating Factor, facteur stimulant la formation de colonies de granu-


locytes et de macrophages), qui induit la différenciation des précurseurs héma-
topoïétiques en cellules dendritiques et les attire dans le site. On pense que le
GM-CSF fonctionne également comme un adjuvant, en activant les cellules den-
dritiques. On croit que ces cellules apprêtent les antigènes tumoraux et migrent
dans les ganglions lymphatiques, où elles induisent de puissantes réponses anti-
tumorales. Les cellules transfectées avec le gène de B7 semblent moins puissan-
tes dans l’induction des réponses antitumorales, peut-être parce que les cellules
dendritiques dérivées la moelle osseuse expriment plus de molécules nécessaires
à l’activation des cellules T naïves que les cellules tumorales exprimant B7 après
transfection. En outre, les cellules tumorales ne partagent pas l’aptitude spéciale
des cellules dendritiques à migrer dans les zones de cellules T des ganglions lym-
phatiques, là où elles sont le mieux placées pour interagir avec les lymphocytes T
naïfs (voir la Section 8-4). Le GM-CSF a eu un succès limité chez les patients en rai-
son de la nature transitoire de la réponse immunitaire qu’il stimule.
La puissance des cellules dendritiques dans l’activation des réponses des cellules T
a inspiré une nouvelle stratégie antitumorale. L’utilisation de cellules dendritiques
chargées de l’antigène pour stimuler des réponses des cellules T cytotoxiques thé-
rapeutiquement utiles contre des tumeurs a été mise au point chez des animaux,
et des essais cliniques ont commencé. D’autres méthodes à l’essai comprennent le
chargement des cellules dendritiques ex vivo avec l’ADN codant l’antigène tumo-
ral ou avec l’ARNm provenant de cellules tumorales, et l’utilisation de l’apoptose
ou de la nécrose des cellules tumorales comme source d’antigènes. La vaccination
au moyen de cellules dendritiques contre des tumeurs est un domaine de recher-
che très actif, et de nombreuses variables sont à l’étude dans des études de pre-
mière phase chez des patients.

Résumé.
Certaines tumeurs suscitent des réponses immunitaires spécifiques qui suppri-
ment ou modifient leur croissance. Un système immunitaire quelque peu déficient
peut conduire à l’extension de tumeurs, ce qui suggère que le système immunitaire
joue un rôle dans la suppression du développement tumoral. Les tumeurs échap-
pent au système immunitaire ou l’inhibent par différents moyens, et les cellules T
régulatrices ont fait l’objet de beaucoup d’intérêt dans ce domaine. Des anticorps
monoclonaux ont été mis au point pour l’immunothérapie des tumeurs, dans plu-
sieurs cas avec succès, entre autres un anti-CD20 contre le lymphome à cellules B,
et des anticorps anti-VEGF contre le cancer colorectal. On cherche actuellement à
développer des vaccins incorporant des peptides conçus pour générer des répon-
ses efficaces des cellules  T cytotoxiques et T auxiliaires. L’efficacité des cellules
dendritiques dans la présentation des antigènes de tumeurs a été améliorée en
exposant in vitro les cellules dendritiques du patient avec des cellules tumorales
modifiées ou des antigènes tumoraux et en lui réinjectant. Cette approche a été
étendue, dans des expériences animales, à la transfection de cellules  tumorales
avec des gènes codant des molécules de costimulation ou des cytokines qui attirent
et activent les cellules dendritiques. La possibilité de la quasi-éradication du can-
cer du col s’est rapprochée par le développement d’un vaccin efficace contre des
souches particulières du virus du papillome humain responsables de ce cancer.

Manipuler la réponse immunitaire pour combattre


l’infection.
Les maladies infectieuses sont la principale cause de décès dans le monde (voir
par exemple la Fig. 11.2). Les contributions les plus importantes à la santé publique
de ces cent dernières années ont été l’amélioration des conditions d’hygiène et la
vaccination, qui ont toutes deux réduit de façon spectaculaire la mortalité due aux
688 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

maladies infectieuses. L’immunologie moderne est née du succès des vaccins de


Jenner et de Pasteur contre la variole et le choléra du poulet, le plus grand triomphe
de l’immunologie ayant été l’éradication totale de la variole, annoncée par l’Orga-
nisation Mondiale de la Santé en 1980. Malheureusement, un retour de cette mala-
die létale n’est pas exclu, si des stocks de cet organisme avaient été constitués de
manière illégale et venaient à tomber dans les mains de terroristes. C’est pourquoi,
par précaution, des doses de vaccin antivariole sont produites à nouveau. Une cam-
pagne globale pour l’éradication de la polio est actuellement en cours.
On peut induire une immunité adaptative envers un agent infectieux spécifi-
que de plusieurs façons. Une stratégie primitive a été de provoquer délibérément
une petite infection avec le pathogène non modifié. C’est sur ce principe qu’était
basée la variolisation, dans laquelle l’inoculation d’une faible quantité de matière
séchée provenant d’une pustule variolique causait une infection modérée suivie
d’une protection durable contre toute réinfection. Cependant, l’infection suivant la
variolisation n’était pas toujours de faible intensité : une variole fatale se dévelop-
pait dans environ 3 % des cas ; ce qui serait loin de répondre aux critères modernes
de sécurité. Jenner a été à la base d’un progrès considérable en montrant qu’une
infection avec un analogue bovin de la variole, la vaccine (vacca, vache), procurait
aux gens une immunité protectrice contre la variole sans leur faire courir le risque
d’une maladie grave. Jenner nomma ce processus vaccination, et Pasteur, en son
honneur, a étendu le terme à la stimulation de la protection contre d’autres agents
infectieux. L’homme n’est pas un hôte naturel du virus de la vaccine, qui n’induit
qu’une infection sous-cutanée brève et limitée, mais qui contient des antigènes qui
stimulent de manière croisée une réaction immunitaire contre des antigènes vario-
liques et qui, de cette façon, confèrent une protection contre la maladie humaine.
Ces expériences ont permis d’établir les principes généraux d’une vaccination sûre
et efficace. Le développement des vaccins au début du 20ème siècle a suivi deux
voies empiriques. La première a été la recherche d’organismes atténués avec un
Fig. 15.25 Calendrier des vaccinations
recommandées (en rouge) pour les enfants pouvoir pathogène réduit qui stimuleraient l’immunité protectrice ; la deuxième a
aux états-Unis. Chaque bande rouge indique été le développement de vaccins basés sur des organismes tués et, par la suite, sur
un laps de temps pendant lequel une dose de des composants purifiés d’organismes qui seraient aussi efficaces que des orga-
vaccin devrait être administrée. Les bandes
nismes vivants entiers. Les vaccins tués étaient séduisants car tout vaccin vivant,
couvrant plusieurs mois indiquent l’échelle
de temps pendant lequel le vaccin peut être y compris la vaccine, peut provoquer une infection systémique mortelle chez les
administré. personnes immunodéprimées.

Calendrier des vaccinations pour les enfants (USA)

1 2 4 6 12 15 18 4–6 11 – 12 14 – 16
Vaccin
mois mois mois mois mois mois mois ans ans ans

Diphtérie/tétanos/coqueluche
(DTP)

Vaccin inactivé de la polio

Rougeole/oreillons/rubéole
(ROR)

Conjugué pneumococcique

Conjugué Haemophilus B
(HiBC)

Hépatite B

Varicelle

Grippe
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 689

L’immunisation est maintenant tellement sûre et importante que la plupart des


états des Etats-Unis exigent que tous les enfants soient immunisés contre le
virus de la rougeole, des oreillons et de la polio avec des vaccins vivants atté-
nués, ainsi que contre le tétanos (provoquée par Clostridium tetani), la diphtérie
(provoquée par Corynebacterium diphteriae) et la coqueluche (provoquée par
Bordetella pertussis) avec des toxines inactivées (anatoxines) préparées à partir
de ces bactéries (voir Fig. 1.33). Plus récemment, un vaccin contre Haemophilus
influenzae type b, l’un des agents responsables de la méningite est devenu dis-
ponible. La Fig. 15.25 reprend les calendriers actuels de vaccinations infantiles
aux États-Unis. Aussi impressionnants que soient ces succès, nous ne disposons
pas encore de vaccins efficaces contre de nombreuses maladies, comme le mon-
tre la Fig. 15.26. Même lorsqu’un vaccin tel que celui de la rougeole ou de la polio
peut être utilisé avec efficacité dans les pays développés, des problèmes techni-
ques et économiques peuvent empêcher son utilisation courante dans les pays
en développement, où la mortalité due à ces maladies reste élevée. Le dévelop-
pement de vaccins reste donc un objectif important de l’immunologie. Pendant
la dernière partie du 20ème siècle, la stratégie pour le développement de vaccins
a changé. Dans l’espoir d’induire des réponses efficaces des lymphocytes B et T,
on a abordé le problème de manière plus rationnelle en cherchant à comprendre
les bases moléculaires de la pathogénie microbienne, les mécanismes protec-
teurs envers les pathogènes ainsi que les modalités de la régulation du système
immunitaire.

15-19 Un vaccin efficace doit répondre à plusieurs critères.

Les exigences permettant la réussite d’une vaccination varient en fonction de la nature


de l’agent infectieux. Pour les organismes extracellulaires, l’anticorps représente le
mécanisme protecteur le plus efficace, tandis que pour le contrôle des organismes
intracellulaires, une réponse des lymphocytes T CD8 est également essentielle. La
vaccination idéale doit induire une défense au point d’entrée de l’agent infectieux. La
stimulation de l’immunité des muqueuses est donc un objectif important de la vacci-
nation contre les nombreux organismes qui pénètrent à travers ces barrières.
Une immunité protectrice efficace contre certains micro-organismes nécessite la pré-
sence d’anticorps préexistants au moment de l’exposition à l’infection. Par exemple,
les manifestations cliniques du tétanos et de la diphtérie sont dues entièrement à des

Fig. 15.26 Maladies pour lesquelles des


Maladies pour lesquelles un vaccin efficace n’est pas encore disponible vaccins efficaces sont encore nécessaires.
†Les vaccins courants contre la rougeole sont
efficaces, mais sont sensibles à la chaleur, ce
Maladie Mortalité annuelle estimée qui rend leur utilisation difficile dans les pays
tropicaux. Les données concernant la mortalité
pour 2002 proviennent du World Health Report
Paludisme 1 272 000
2004 (Organisation Mondiale pour la Santé).

Schistosomiase 15 000

Infestation par des vers parasites 12 000

Tuberculose 1 566 000

Maladie diarrhéique 1 798 000

Infections respiratoires 3 963 000

VIH/SIDA 2 777 000

Rougeole† 611 000


690 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

exotoxines extrêmement puissantes (voir Fig. 9.23). Pour protéger contre la maladie,


il est nécessaire que les anticorps contre l’exotoxine bactérienne soient présents au
moment de l’infection. En effet, l’exotoxine du tétanos est si puissante que les quan-
tités minimes qui causent la maladie peuvent être insuffisantes pour induire une
réponse immunitaire protectrice. Ce qui signifie que même les survivants au tétanos
requièrent une vaccination pour être protégés contre le risque d’une attaque ulté-
rieure. Des anticorps préexistants sont également requis pour protéger l’organisme
contre certains pathogènes intracellulaires, comme le virus de la poliomyélite, qui
infectent les cellules peu après leur entrée dans l’organisme et qui ne sont pas faci-
lement contrôlés par les lymphocytes T une fois que l’infection intracellulaire est
établie.
Les réponses immunitaires envers les agents infectieux font intervenir généralement
des anticorps dirigés contre plusieurs épitopes, mais seuls certains de ces anticorps
sont protecteurs. Les épitopes reconnus par les cellules T peuvent également affecter
la nature de la réponse. Par exemple, comme nous l’avons vu au Chapitre 12, l’épitope
prédominant reconnu par les cellules T après vaccination avec un virus respiratoire
syncytial déclenche une réaction inflammatoire vigoureuse, mais ne parvient pas à
induire la production d’anticorps neutralisants ; il s’ensuit une maladie mais pas de
protection. Aussi, un vaccin doit induire la production d’anticorps et de cellules  T
dirigées contre des épitopes appropriés. Cette considération est particulièrement
pertinente alors que certaines techniques modernes de vaccination sont basées sur
l’utilisation d’un seul ou quelques épitopes.
Pour qu’un vaccin soit réussi, il doit encore répondre à un certain nombre d’exigences
supplémentaires et importantes (Fig. 15.27). Premièrement, il doit être sans risque.
Les vaccins doivent être administrés à un nombre énorme de gens. Or, relativement
peu d’entre eux sont au départ susceptibles de mourir de la maladie que le vaccin
devrait prévenir, ou même de l’attraper. Cela signifie qu’une toxicité même faible est
Fig. 15.27 Un vaccin efficace doit répondre
inacceptable. Deuxièmement, le vaccin doit être capable d’induire une immunité
à plusieurs critères. protectrice chez presque toutes les personnes à qui il est administré. Troisièmement,
comme il est impossible de pratiquer des rappels réguliers dans des populations rura-
les importantes ou dispersées, un vaccin doit générer une mémoire immunologique
Caractéristiques des vaccins efficaces prolongée, ce qui signifie que tant les lymphocytes B que les T doivent avoir été sensi-
bilisés par le vaccin. Quatrièmement, les vaccins destinés à un grand nombre de gens
Le vaccin ne doit pas lui-même doivent être très peu coûteux. Les vaccins sont l’une des mesures les plus rentables en
Sûr
causer de maladie ou la mort matière de santé, mais cet avantage est érodé par l’augmentation du coût par dose.
Un programme de vaccination efficace doit conférer une immunité de groupe. La
Le vaccin doit protéger contre diminution du nombre de personnes sensibles dans la population réduit le réser-
la maladie causée par une
Protecteur exposition au pathogène vivant voir naturel d’individus infectés et ainsi le risque de transmission de l’infection. Par
conséquent, même les membres non vaccinés d’une population seront protégés de
l’infection si la majorité de la population est vaccinée. L’immunité de groupe ne s’ob-
Assure
La protection contre la maladie tient que si le vaccin se révèle efficace dans une grande proportion de personnes vac-
une protection cinées ; dans le cas des oreillons, on estime que cette proportion doit atteindre 80 % ;
doit durer plusieurs années
de longue durée
en dessous de ce niveau, des épidémies sporadiques peuvent encore survenir. Ce qui
Certains pathogènes (comme
est illustré par la nette augmentation de cas d’oreillons en Grande Bretagne en 2004-
le virus de la polio) infectent des 2005 chez de jeunes adultes à la suite d’une utilisation au milieu des années 90 d’un
Induit des cellules qui ne peuvent pas être vaccin rougeole / rubéole, plutôt que le vaccin combiné rougeole / oreillons / rubéole
anticorps remplacées (par ex. les neurones). (ROR) dont on était, à l’époque, à court d’approvisionnement.
neutralisants Les anticorps neutralisants sont
essentiels pour empêcher
l’infection de ce type de cellules
15-20 L’histoire de la vaccination contre Bordetella pertussis illustre
Certains pathogènes, surtout
l’importance du développement d’un vaccin efficace et perçu
Induit des
cellules T
intracellulaires, sont plus comme inoffensif.
efficacement détruits par des
protectrices réponses de type cellulaire
L’histoire de la vaccination contre la bactérie qui provoque la coqueluche, Bordetella
pertussis, illustre bien les défis imposés par le développement et la dissémination d’un
Coût faible vaccin efficace. Au début du 20ème siècle, la coqueluche tuait environ 0,5 % des enfants
Considérations Stabilité biologique américains de moins de 5 ans. Au début des années 1930, un essai de vaccin préparé
pratiques Facilité d’administration
Peu d’effets secondaires à partir de cellules bactériennes tuées, sur les îles Féroé, a apporté la preuve d’un effet
protecteur. Aux États-Unis depuis les années 1940, l’application systématique d’un
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 691

vaccin basé sur des bactéries entières associées aux anatoxines de la diphtérie et du
tétanos (vaccin DPT) a fait décliner le taux annuel d’infection de 200 à moins de 2 cas
pour 100 000 personnes. Le vaccin DPT est en général inoculé pour la première fois
à l’âge de 3 mois.
Le vaccin contre la coqueluche à base de bactéries entières produit certains effets
secondaires, des rougeurs, une douleur et un gonflement à l’endroit de l’injection ;
plus rarement, l’injection est suivie de fièvre et d’un malaise qui se traduit par des
pleurs persistants. Exceptionnellement, des convulsions associées à une somnolence
de courte durée ou à un état de faiblesse peuvent survenir. Pendant les années 1970,
une inquiétude générale s’est répandue à la suite de cas anecdotiques d’encéphalite
aboutissant à des lésions cérébrales irréversibles et survenus après vaccination contre
la coqueluche. Au Japon en 1972, environ 85 % des enfants ont été vaccinés contre la
coqueluche, aucun décès n’a été rapporté et moins de 300 cas de coqueluche ont été
recensés. À la suite de deux décès survenus après vaccination au Japon en 1975, le
DPT a été temporairement suspendu. Il a ensuite été réintroduit avec une première
vaccination à l’âge de 2 ans plutôt qu’à 3 mois. En 1979, environ 13 000 cas de coque-
luche et 41 décès furent rapportés. Des experts ont étudié de manière approfondie
l’implication possible du vaccin dans le développement de graves lésions cérébrales ;
leur conclusion a été que le vaccin n’est pas une cause première de ce type de patho-
logie. Mais, la constatation principale est que la morbidité due à la coqueluche est
sans aucun doute plus importante que celle qui est due au vaccin.
La perception par les médecins et le public que la vaccination contre la coqueluche
basée sur des bactéries entières pouvait être dangereuse a stimulé la recherche d’un
vaccin qui serait plus sûr. L’étude de la réponse immunitaire naturelle envers B. per-
tussis a montré que l’infection induisait des anticorps contre quatre composants de
la bactérie : la toxine, l’hémagglutinine filamenteuse, la pertactine et les antigènes
fimbriaux. L’immunisation de souris avec ces antigènes purifiés les a protégées de
l’infection par cette bactérie. Ces résultats ont conduit au développement de vaccins
acellulaires qui contiennent tous une anatoxine de la coqueluche purifiée, c’est-à-
dire, une toxine inactivée par traitement chimique, par exemple par de l’eau oxygé-
née ou du formaldéhyde ou, plus récemment, modifiée par génie génétique. Certains
vaccins contiennent un ou plusieurs composants supplémentaires, l’hémaggluti-
nine filamenteuse, la pertactine ou des antigènes fimbriaux. D’après les observations
actuelles, ces différentes préparations sont aussi efficaces que le vaccin constitué de
bactéries entières, et ne causent pas les effets secondaires modérés que celui-ci occa-
sionnait. Le vaccin acellulaire est toutefois plus coûteux, ce qui restreint son usage
dans les pays pauvres.
De l’histoire de la vaccination contre la coqueluche, on peut tirer trois conclusions :
les vaccins doivent être absolument inoffensifs et dépourvus d’effet secondaire ; mais,
il faut aussi que le public et le corps médical en soient convaincus ; enfin, on a pu
constater que la compréhension du mécanisme de protection pouvait mener à la
conception de vaccins acellulaires plus sûrs et aussi efficaces que ceux constitués de
bactéries entières.
L’inquiétude du public à propos de la vaccination reste importante. Des craintes non
justifiées d’un lien entre le vaccin combiné vivant atténué ROR et l’autisme a causé
une chute des vaccinations ROR en Angleterre d’un pic de 92 % d’enfants en 1995–
1996 à 84 % en 2001–2002. Les épidémies limitées de rougeole en 2002 à Londres
illustrent l’importance de maintenir un taux de vaccination élevé afin de maintenir
l’immunité de groupe.

15-21 Des vaccins conjugués ont été développés après que le mécanisme
de collaboration entre les cellules T et B dans la réponse immunitaire
a été élucidé.

Bien que les préparations acellulaires soient plus sûres que les organismes entiers,
normalement un vaccin efficace ne peut pas être constitué que d’un seul constituant
du micro-organisme. Maintenant, on en connaît la raison  : pour déclencher une
692 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

réponse immunitaire, il faut que plusieurs types cellulaires collaborent. Une consé-
quence de cette constatation a été le développement de vaccins conjugués. Nous
avons déjà décrit brièvement l’un des plus importants dans la Section 9-3.
De nombreuses bactéries, y compris Neisseria meningitidis (méningocoque), Strepto-
coccus pneumoniae (pneumocoque) et Haemophilus, ont une capsule externe com-
posée de polysaccharides qui sont spécifiques de l’espèce et du type de la bactérie. La
défense la plus efficace contre ces micro-organismes est l’opsonisation de la couche
de polysaccharides avec l’anticorps. L’objectif de la vaccination est donc d’induire la
production d’anticorps contre les capsules polysaccharidiques.
Les polysaccharides capsulaires peuvent être récupérés à partir du milieu de
culture des bactéries. Comme ce sont des antigènes thymo-indépendants,
ils sont utilisables tels quels comme vaccins. Cependant, les enfants de moins
de 2  ans sont incapables de produire en quantité suffisante des anticorps sans
contribution des cellules  T. Ils ne peuvent donc pas être vaccinés efficacement
par des préparations ne contenant que des polysaccharides. Pour surmonter cet
obstacle (voir Fig.  9.5), on conjugue chimiquement des polysaccharides bacté-
riens avec des protéines porteuses. Celles-ci, en fournissant des peptides recon-
naissables par des cellules T spécifiques de l’antigène, convertissent la réponse
T-indépendante en réponse anticorps anti-polysaccharides T-dépendante. Sur
base de ce principe, différents vaccins conjugués ont été développés contre
Haemophilus influenzae, responsable de graves infections pulmonaires infantiles
et de méningite, et contre N. meningitidis de sérogroupe C, à nouveau une cause
importante de méningite. Ce type de vaccin est actuellement largement utilisé
et la Fig. 15.28 montre le succès de l’un d’entre eux en Grande Bretagne. En effet,
l’incidence de méningite à N. meningitidis C a diminué de manière remarquable
en comparaison de la méningite due au sérogroupe B, contre lequel aucun vaccin
n’est actuellement disponible.

Fig. 15.28 L’effet de la vaccination contre


Neisseria meningitidis de groupe C
(méningocoque) sur le nombre de cas
d’infection méningococcique causée par
Sérogroupe B
le groupe B ou le groupe C en Angleterre 800
et au Pays de Galles. Une infection L’immunization avec le vaccin
700 conjugué C a commencé
méningococcique touche environ 5 sur en novembre 1999
100 000 personnes par an au Nombre 600
Royaume-Uni, des méningocoques des de cas 500
groupes B et C étant en cause dans la plupart
des cas. Avant l’introduction du vaccin contre 400
la méningite C, la maladie due au groupe C
était la deuxième cause la plus fréquente de 300
maladie méningococcique, ce qui représentait 200
environ 40 % des cas. La maladie liée au
groupe C représente maintenant moins 100
de 10 % des cas, celle due au groupe B 0
représentant plus de 80 % des cas. Après
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
l’introduction du vaccin, le nombre de cas
confirmés en laboratoire de la maladie due
au groupe C a chuté significativement dans Sérogroupe C
tous les groupes d’âge. L’impact a été plus 800
important dans les groupes vaccinés, avec
700 L’immunization avec le vaccin
des réductions de plus de 90 % dans tous conjugué C a commencé
les groupes d’âge. Un impact a également en novembre 1999
Nombre 600
été observé dans les groupes d’âge non
immunisés, avec une réduction de près de de cas 500
70 %, ce qui suggère que ce vaccin a eu un
effet d’immunité de groupe. 400
300
200
100
0
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 693

15-22 L’addition d’un adjuvant à un vaccin est un moyen important


d’augmenter son immunogénicité.

Les antigènes purifiés ne sont généralement pas immunogènes seuls ; la plupart


des vaccins acellulaires nécessitent l’ajout d’adjuvants, qui se définissent comme
des substances qui augmentent l’immunogénicité des antigènes (voir Annexe I,
Section A-4). Par exemple, l’anatoxine tétanique n’est pas immunogène en l’ab-
sence d’adjuvant. Les vaccins basés sur l’anatoxine tétanique contiennent souvent
des sels d’aluminium, qui se lient de façon polyvalente à l’anatoxine par des inte-
ractions ioniques et stimulent de façon sélective les réponses anticorps. L’anatoxine
pertussique, produite par B. pertussis, a elle-même des propriétés d’adjuvant et,
lorsqu’on l’administre mélangée avec les anatoxines tétaniques et diphtériques,
elle vaccine non seulement contre la coqueluche, mais agit aussi comme adju-
vant pour les deux autres anatoxines. Ce mélange constitue le triple vaccin du DPT
administré aux enfants dans leur première année de vie.
De nombreux adjuvants sont des constituants de bactéries, particulièrement de
leur paroi cellulaire. Par exemple, l’adjuvant complet de Freund, largement utilisé
dans les modèles animaux pour augmenter les réponses anticorps, est une émul-
sion d’huile et d’eau contenant des mycobactéries tuées. Un glycolipide complexe,
le muramyl dipeptide, qui est extrait des parois de mycobactéries ou synthétisé,
exerce une grande partie de l’activité d’adjuvant des mycobactéries entières tuées.
D’autres adjuvants bactériens comprennent B. pertussis tué, des polysaccharides
bactériens, des protéines bactériennes de choc thermique et de l’ADN bactérien.
Nombre de ces adjuvants provoquent une inflammation assez marquée et ne sont
pas adaptés à des applications vaccinales humaines.
On pense que la plupart des adjuvants, sinon tous, agissent sur les cellules pré-
sentatrices d’antigène, particulièrement sur les cellules dendritiques, ce qui reflète
l’importance de ces cellules dans l’induction des réponses immunitaires. Les cel-
lules dendritiques sont distribuées largement dans tout le corps ; elles servent de
sentinelles postées à tous les accès que pourraient emprunter les pathogènes. Ces
cellules dendritiques captent les antigènes de l’environnement par phagocytose et
macropinocytose et elles sont prêtes à répondre à la présence d’une infection en
migrant dans un tissu lymphoïde, où elles présenteront ces antigènes aux cellules T.
Elles semblent détecter la présence de pathogènes de deux manières principa-
les. La première est directe et suit l’interaction de récepteurs avec les micro-orga-
nismes, entre autres les récepteurs du complément, les récepteurs de type Toll et
d’autres récepteurs de motifs du système immunitaire inné (voir Chapitre 2).
La découverte du rôle des récepteurs de type Toll des cellules dendritiques dans
l’activité de nombreux adjuvants a ouvert la porte à un développement rationnel
de nouveaux adjuvants en vaccinologie. Le lipopolysaccharide (LPS) est un com-
posant de la paroi des bactéries Gram-négatives. Il exerce des effets adjuvants,
mais ceux-ci sont limités en raison de sa toxicité. L’injection de petites quantités
de LPS peut induire un état de choc et une inflammation systémique, qui imite une
sepsie à bactéries Gram-négatives. On a cherché bien sûr à séparer les effets adju-
vants des effets toxiques. Un dérivé du LPS, le monophosphoryl lipid A, y parvient
presque puisqu’il garde une activité adjuvante tout en étant moins toxique que
le LPS. Comme celui-ci, le monophosphoryl lipide A est un ligand de TLR-4, qui
semble être le récepteur le plus important impliqué dans l’effet adjuvant du LPS et
de ses dérivés. D’autres adjuvants agissent en passant par d’autres récepteurs de
type Toll : l’ADN contenant du CpG non méthylé se lie à TLR-9, et les composants
lipoprotéiques de nombreuses bactéries Gram-positives se lient à TLR-2. Le mura-
myl dipeptide interagit avec NOD2, qui est impliqué dans la reconnaissance intra-
cellulaire des bactéries (voir la Section 13-21).
Ces découvertes ont transformé notre compréhension des mécanismes d’action
des adjuvants. Lorsque les cellules dendritiques sont activées par la liaison des
récepteurs de type Toll, elles répondent par la sécrétion de cytokines et l’expression
694 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

des molécules de costimulation, ce qui favorisera l’activation et la différenciation


des cellules T spécifiques de l’antigène. Toutefois, même avec cette meilleure com-
préhension, il est probable que la fenêtre thérapeutique entre l’efficacité et la toxi-
cité des adjuvants restera étroite. En effet, les effets adjuvants et les effets toxiques
de ces composés relèvent d’un même mécanisme. La fonction physiologique des
récepteurs de type Toll est de stimuler une réponse immunitaire et inflammatoire
à l’infection. L’interaction pharmacologique des adjuvants avec ces récepteurs
dans le cadre de la vaccination emprunte un passage étroit entre une stimulation
d’une immunité bénéfique et une inflammation dommageable.
Le deuxième mécanisme de stimulation des cellules dendritiques par les micro-
organismes est indirect et implique leur activation par des signaux provenant de
cytokines dérivées de la réponse inflammatoire déclenchée par l’infection (voir
Chapitre 2). Les cytokines comme le GM-CSF sont particulièrement efficaces dans
l’activation des cellules dendritiques qui expriment alors des signaux de costimu-
lation et, dans les cas d’infection virale, de l’interféron (IFN)-α et de l’IL-12.
Les adjuvants trompent le système immunitaire en l’amenant à répondre de la
même manière que lors d’une infection active. Comme des classes différentes
d’agents infectieux, stimulent divers types de réponses (voir le Chapitre 11), des
adjuvants différents peuvent promouvoir, par exemple, une réponse inflamma-
toire de type TH1 ou une réponse dominée par les anticorps. Certaines protéines,
par exemple la toxine pertussique, la toxine du choléra et l’entérotoxine labile à la
chaleur de E. coli, agissent comme adjuvants et stimulent les réponses immunitai-
res muqueuses, qui sont particulièrement importantes dans la défense contre les
organismes entrant par le tube digestif ou les voies respiratoires. Nous décrirons
Fig. 15.29 Les virus sont traditionnellement plus en détail ces protéines dans la Section 15-26.
atténués par sélection de souches qui
se développent dans des cellules non Grâce à une compréhension croissante des mécanismes d’action des adjuvants,
humaines. Pour produire un virus atténué, le on est en train d’améliorer de manière rationnelle l’activité des vaccins. Une de ces
virus doit d’abord être isolé par développement voies consiste en l’administration simultanée de cytokines. Par exemple, l’IL-12,
dans des cellules humaines en culture.
L’adaptation au développement dans des
produite par les macrophages, les cellules dendritiques et les cellules B, stimule la
cellules humaines en culture peut provoquer libération d’IFN-γ par les lymphocytes T et les cellules NK et favorise une réponse
une certaine atténuation en soi ; le vaccin de type TH1. Elle a été utilisée comme adjuvant pour promouvoir une immunité
de la rubéole, par exemple, a été fabriqué protectrice contre le protozoaire parasite Leishmania major. Certaines lignées de
de cette façon. En général, cependant, le
virus est adapté ensuite au développement souris sont sensibles à une grave infection cutanée et systémique par L. major. Leur
dans des cellules d’une espèce différente, réponse immunitaire, qui est de façon prédominante de type TH2, s’avère inefficace
jusqu’à ce qu’il ne se développe que très peu pour éliminer l’organisme (voir la Section 10-5). L’administration d’IL-12 avec un
dans les cellules humaines. L’adaptation est vaccin contenant des antigènes de Leishmania a généré une réponse de type TH1
le résultat d’une mutation, habituellement
une combinaison de plusieurs mutations et protégé les souris contre une nouvelle infection par ce parasite. Le recours à
ponctuelles. Il est généralement difficile de l’IL-12 pour favoriser une réponse TH1 s’est également avéré des plus utile pour
déterminer quelles sont les mutations, dans un réduire les conséquences pathogènes de la parasitose expérimentale par l’helmin-
stock de virus atténué, qui sont cruciales pour
the Schistosoma mansoni. Des exemples importants montrent comment la com-
l’atténuation. Un virus atténué se développera
peu dans l’hôte humain et produira donc une préhension de la régulation des réponses immunitaires peuvent conduire à une
immunité, mais pas la maladie. amélioration rationnelle de l’efficacité des vaccins.

Le virus pathogène est isolé d’un Le virus acquiert plusieurs mutations Le virus ne se développe plus dans les
Le virus ainsi cultivé est utilisé
patient et mis en culture dans des qui lui permettent de mieux se cellules humaines (il est atténué) et peut
pour infecter des cellules de singe
cellules humaines in vitro développer dans les cellules de singe être utilisé comme vaccin
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 695

15-23 Les vaccins viraux vivants atténués sont généralement


Virus pathogène isolé
plus efficaces que les vaccins « tués » et peuvent être rendus
plus sûrs par la technologie de l’ADN recombinant.

La plupart des vaccins antiviraux actuellement utilisés sont fabriqués à partir de


virus inactivés ou de virus vivants atténués. Les vaccins viraux inactivés ou « tués »
sont des virus traités de telle façon qu’ils deviennent incapables de se répliquer. Les
vaccins viraux vivants atténués sont généralement bien plus efficaces, sans doute car
ils déclenchent un plus grand nombre de mécanismes effecteurs, dont les cellules T
CD8 cytotoxiques : les virus inactivés ne peuvent pas produire de protéines dans le
cytosol, donc les peptides des antigènes viraux ne peuvent pas être présentés par les Gène de la virulence isolé
molécules du CMH de classe I et par conséquent, les cellules T CD8 cytotoxiques
ne sont pas produites suite à ces vaccins. Les vaccins viraux atténués sont utilisés Protéine de liaison
actuellement contre la polio, la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle. au récepteur

Traditionnellement, le virus est atténué au cours de son développement dans des cel- Virulence
lules en culture. En général, les virus sont sélectionnés sur base de leur croissance dans
Protéines
des cellules non humaines ; au cours de cette phase, ils deviennent progressivement de la capside
incapables de pousser dans les cellules humaines (Fig. 15.29). Ces souches atténuées
se répliquant mal dans l’organisme humain ne sont plus capables de déclencher la
maladie, mais peuvent stimuler l’immunité. Les souches atténuées comportent des
mutations multiples qui touchant les gènes de plusieurs protéines, mais il se peut Muter le gène Supprimer le gène
qu’une souche de virus pathogène émerge à nouveau à la suite d’une série de muta- de virulence de virulence
tions ultérieures. Par exemple, la souche de vaccin contre la polio « Sabin de Type 3 »
n’a que 10 nucléotides différents sur 7429 par rapport à la souche originale. En de très
rares occasions, la réversion du vaccin en une souche neurovirulente peut survenir et
provoquer ainsi une maladie paralytique chez le receveur malchanceux.
Les vaccins viraux atténués peuvent également présenter des risques chez les
patients immunodéficients chez qui ils se comportent souvent comme des infec-
tions opportunistes virulentes. Les enfants immunodéficients qui sont vaccinés
avec le virus de la polio vivant atténué, avant que leurs déficiences héréditaires en
immunoglobulines ne soient diagnostiquées, sont en danger. En effet, ils ne peu- Le virus obtenu est viable, immunogène mais
vent pas éliminer le virus de leur tractus digestif ; il existe donc un risque accru que non virulent. Il peut être utilisé comme vaccin
la mutation du virus, associée à sa réplication continue et incontrôlée, dans l’intes-
tin aboutisse à une maladie paralytique fatale. Fig. 15.30 L’atténuation peut être atteinte
plus rapidement et de façon plus sûre avec
Un procédé empirique d’atténuation est toujours utilisé, mais il pourrait être sup- les techniques de l’ADN recombinant. Si
planté par deux nouvelles stratégies basées sur la technologie de l’ADN recombi- un gène viral indispensable à la virulence
nant. Dans la première, on isole et mutagénise in vitro des gènes viraux spécifiques. mais pas au développement viral ou à
l’immunogénicité virale est identifié, il peut
On utilise alors les gènes mutés pour remplacer les gènes originaux dans le génome être soit muté (panneau en bas à gauche)
du virus, et celui-ci délibérément atténué peut ensuite servir de vaccin (Fig. 15.30). soit éliminé du génome (panneau en bas à
L’avantage de cette approche est que les mutations peuvent être contrôlées de sorte droite) au moyen des techniques de l’ADN
que la réversion en génotype sauvage est quasiment impossible. recombinant. Cette technique crée un virus non
virulent (non pathogène) qui peut être utilisé
Un tel procédé pourrait être utile pour développer des vaccins vivants contre la comme vaccin. Les mutations dans les gènes
grippe. Comme nous l’avons vu au Chapitre 12, le virus de la grippe peut réinfecter de virulence sont habituellement importantes,
et il est donc très difficile pour le virus de
plusieurs fois le même hôte, car il subit une substitution antigénique et échappe revenir au phénotype original.
donc à la réponse immunitaire originale. Une faible protection conférée à la suite
d’infections par des sous-types différents d’influenza est observée chez les adultes,
mais pas chez les enfants, et est appelée immunité hétéro sous-typique (heterosub-
typic immunity). L’approche actuelle de la vaccination contre la grippe est d’utiliser
un virus tué qui est adapté chaque année sur base des nouvelles souches. Le vac-
cin est relativement efficace, réduisant la mortalité dans les populations âgées et
la morbidité chez les adultes sains. Le vaccin idéal contre la grippe serait un orga-
nisme vivant atténué qui correspondrait à la souche virale prévalente. On pourrait
créer ce type de vaccin en introduisant une série de mutations atténuantes dans
le gène codant la polymérase virale PB2. Ce gène muté pourrait alors remplacer
le gène d’origine dans un virus porteur des variants antigéniques de l’hémagglu-
tinine et de la neuraminidase de la souche épidémique ou pandémique en cause.
696 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Cette opération pourrait être répétée autant de fois que nécessaire pour suivre les
substitutions antigéniques du virus. L’attention du public a été récemment attirée
sur la possibilité d’une pandémie de grippe causée par le virus aviaire H5N1. Cette
souche peut passer des oiseaux à l’homme avec un taux de mortalité élevé, mais
une pandémie ne surviendrait que si la transmission entre humains devenait pos-
sible. Un vaccin vivant atténué ne serait utilisé que si une pandémie se déclarait,
car son administration à l’avance introduirait de nouveaux gènes de virus influenza
qui pourraient recombiner avec des virus influenza existants.

15-24 Des vaccins bactériens vivants atténués peuvent être développés


par sélection de mutants non pathogènes ou non réplicatifs.
Des procédés similaires sont utilisés pour le développement de vaccins antibacté-
On a trouvé une molécule HLA avec riens. L’exemple le plus important d’un vaccin atténué est celui du BCG, qui est effi-
une affinité plus forte pour des nonapeptides cace contre la tuberculose chez les enfants, mais moins chez l’adulte. Le vaccin BCG
contenant une proline en seconde position actuel, qui reste le vaccin le plus largement utilisé dans le monde, a été obtenu au
début du 20e siècle à partir d’un isolat pathogène de Mycobacterium bovis et après
plusieurs passages en culture au laboratoire. Depuis lors, plusieurs souches géné-
tiquement différentes de BCG ont évolué. Le taux de protection fourni par le BCG
est extrêmement variable ; il est nul dans des pays comme le Malawi, mais atteint
50-80 % en Grande Bretagne. Considérant que la tuberculose reste une des mala-
dies les plus mortelles à l’échelle mondiale, il y a un urgent besoin d’un nouveau vac-
cin, mais faudra surmonter des obstacles considérables. Une approche est de muter
au hasard ou d’éliminer divers gènes de virulence, par exemple, en produisant un
variant dit auxotrophe, c’est-à-dire qui nécessite un apport externe d’un nutriment
essentiel que les bactéries de type sauvage peuvent synthétiser elles-mêmes.

15-25 Des peptides synthétiques d’antigènes protecteurs peuvent induire


une immunité protectrice.
Identification de nonapeptides
avec une proline en seconde position Une nouvelle voie pour le développement d’un vaccin qui dispense d’administrer
le micro-organisme entier, qu’il soit tué ou atténué, est l’identification des peptides
épitopiques reconnus par les cellules T et qui stimulent l’immunité protectrice. Cela
peut être abordé de deux manières. Dans la première, on synthétise de façon systé-
proline
matique tous les peptides qui se chevauchent dans des protéines immunogènes et
l’on teste la capacité de chacun d’induire une immunité protectrice. Dans la seconde,
qui n’est pas moins ardue, on recourt à l’immunogénétique inverse, qui a servi au
développement d’un vaccin contre le paludisme (Fig. 15.31). Nous avons rencontré
cette approche dans la section 15-16 dans le cadre de la caractérisation des antigè-
nes tumoraux. L’ensemble du génome de Plasmodium falciparum, principale cause
L’assemblage de la protéine HLA de paludisme létal, a été séquencé, ce qui augmente les chances de trouver un vac-
en présence des différents peptides est testé cin efficace. En partie sur base de ces informations, des peptides qui augmentent les
réponses protectrices des cellules T et des anticorps sont en cours d’identification.
L’immunogénicité des peptides épitopiques reconnus par les cellules T dépendent
de leur liaison spécifique aux variants polymorphes particuliers des molécules du
CMH. Le point de départ pour les études sur le paludisme a été une association

Des tests de prolifération sont effectués Fig. 15.31 L’immunogénétique « inverse » séquences de protéines paludéennes et les
avec des lymphocytes de patients infectés peut être utilisée pour l’identification peptides correspondants ont été synthétisés.
d’épitopes reconnaissables par des On a ensuite examiné si ces nonapeptides
cellules T qui protégeraient contre synthétiques s’ajustaient dans la cavité
l’infection. Les études de génétique des peptidique d’HLA-B53 en vérifiant si l’HLA-B53
populations montrent que l’allèle de classe I pouvait, en présence du peptide testé,
HLA-B53 est associé à la résistance contre le s’assembler et former un hétérodimère stable
paludisme cérébral. Des peptides du soi de à la surface cellulaire. On a ensuite recherché
neuf acides aminés ont été élués d’HLA-B53. si les peptides identifiés par cette approche
On a trouvé que la plupart avaient la proline déclenchaient la prolifération de cellules T
Peptide identifié comme ayant un potentiel en position 2. Des séquences de neuf acides provenant de patients atteints de paludisme.
pour le développement d’un vaccin aminés contenant la proline en position 2 On pourrait envisager d’incorporer de telles
ont ensuite été repérées dans plusieurs séquences dans des vaccins.
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 697

entre la molécule du CMH humain de classe I, HLA-B53, et la résistance à un palu-


disme cérébral, une complication relativement rare, généralement fatale, de l’infec-
tion. Ces molécules du CMH seraient protectrices, car elles présentent des peptides
particulièrement aptes à l’activation des lymphocytes T cytotoxiques naïfs. Une voie
directe menant à l’identification des peptides est leur élution à partir des molécules
du CMH de cellules infectées par l’agent pathogène. Une forte proportion des pep-
tides élué de HLA-B53 contient une proline en deuxième position dans la séquence
de leurs neuf acides aminés ; ces informations ont été utilisées pour l’identification
de peptides protecteurs dans quatre protéines de P. falciparum exprimées dans la
phase précoce de l’infection des hépatocytes, une phase importante de l’infection
pouvant servir de cible pour une réponse immunitaire efficace. Un des peptides can-
didats, l’antigène-1 de la phase hépatique, est reconnu par les cellules T cytotoxiques
lorsqu’il est lié à HLA-B53. Cette approche est en train de s’étendre à d’autres molé-
cules du CMH de classe I et classe II associées à des réponses immunitaires protec-
trices contre une infection. Récemment, un épitope peptidique protecteur a été élué
de molécules du CMH de classe II dans des macrophages infectés par Leishmania et
utilisé comme guide pour isoler le gène de Leishmania. Le gène a ensuite été utilisé
pour produire un vaccin protéique qui a induit des réponses immunitaires contre
Leishmania chez des souris appartenant à des souches sensibles.
Ces résultats sont très prometteurs, mais ils illustrent également l’un des incon-
vénients majeurs de cette approche. Un peptide du parasite du paludisme qui
est restreint par HLA-B53 pourrait ne pas être immunogène chez un individu qui
n’exprime pas HLA-B53 ; ce qui explique sans doute la plus grande sensibilité de
ces individus aux infections naturelles. À cause du très grand polymorphisme des
molécules du CMH chez l’homme, il sera nécessaire d’établir des groupes d’épito-
pes T protecteurs et de préparer des vaccins contenant un assortiment de ceux-ci
afin qu’ils parviennent à protéger la majeure partie d’une population sensible.
Les vaccins peptidiques soulèvent d’autres problèmes. Les peptides ne sont pas
fortement immunogènes ; il est particulièrement difficile de générer des réponses
spécifiques du CMH de classe I par une immunisation in vivo avec des peptides.
Une solution à ce problème est l’intégration des peptides par ingénierie génétique
dans des protéines à l’intérieur d’un vecteur viral, tel que l’antigène nucléocapsidi-
que du virus de l’hépatite B. In vivo, ces protéines passent alors par les voies habi-
tuelles d’apprêtement de l’antigène. L’utilisation d’ISCOM (Immune Stimulatory
Complexes, complexes stimulant l’immunité) est une deuxième technique possi-
ble. Ce sont des vecteurs lipidiques qui agissent comme adjuvants, mais sont très
peu toxiques. Ils induisent de puissantes réponses cellulaires et humorales dans
des modèles animaux d’infection ainsi que chez l’homme, bien que leur mode d’ac-
tion ne soit pas clairement établi. Une autre approche d’administration de peptides
protecteurs est l’ingénierie génétique des micro-organismes infectieux pour créer
des vaccins qui stimulent l’immunité sans causer de maladie. Des virus de plantes,
qui ne sont pas pathogènes pour l’homme, sont des vecteurs vaccinaux potentiels,
puisqu’ils peuvent être manipulés afin qu’ils incorporent des peptides étrangers
dans la protéine du manteau viral. Le succès de cette approche repose sur l’identifi-
cation des antigènes peptidiques protecteurs ainsi que sur l’immunogénicité natu-
relle du vaccin. Des souris ont été protégées contre une injection létale du virus de
la rage après avoir été nourries avec des feuilles d’épinard infectées par le virus de la
mosaïque de la luzerne ayant incorporé un peptide du virus de la rage.

15-26 Le succès d’un vaccin dépend aussi du mode d’administration.


La plupart des vaccins sont injectés, mais cette voie comporte deux inconvénients,
l’un d’ordre pratique, l’autre d’ordre immunologique. Les injections sont doulou-
reuses et onéreuses, nécessitant des aiguilles, des seringues et du personnel com-
pétent. Les injections sont impopulaires, ce qui réduit le nombre de candidats et
rend donc la vaccination de masse difficile. Sur le plan immunologique, l’injection
peut ne pas être le moyen le plus efficace de stimuler une réponse immunitaire
698 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

appropriée car elle n’imite pas la voie d’entrée habituelle de la majeure partie des
pathogènes contre lesquels la vaccination est dirigée.
De nombreux pathogènes importants infectent les muqueuses ou les utilisent
comme portes d’entrée. C’est le cas par exemple des micro-organismes respiratoires
comme B. pertussis, les rhinovirus et le virus de la grippe ainsi que des micro-orga-
nismes entériques, tels que Vibrio cholerae, Salmonella typhi et les formes entéro-
pathogènes d’Escherichia coli et de Shigella. Un vaccin vivant atténué contre le virus
influenza administré par voie nasale induit des anticorps dans la muqueuse qui sont
plus efficaces que les anticorps systémiques dans le contrôle de l’infection du tractus
respiratoire supérieur. Cependant, les anticorps systémiques induits par injection
sont efficaces dans le contrôle de l’infection du tractus respiratoire inférieur qui peut
entraîner des maladies graves et même fatales. Aussi, la priorité pour un vaccin à uti-
liser en cas de pandémie de grippe est d’empêcher l’atteinte du tractus respiratoire
inférieur, même si une affection modérée de voies supérieures ne peut être évitée.
L’intérêt de la voie d’administration muqueuse est illustrée par l’efficacité des vac-
cins vivants atténués contre la polio. Le vaccin de la polio de Sabin composé de
trois souches atténuées de virus de la polio est très immunogène. De plus, comme
la polio peut se transmettre par contamination fécale des piscines publiques et par
d’autres manques d’hygiène, le vaccin peut se transmettre d’un individu à l’autre
par voie bucco-fécale. De la même façon, l’infection par une salmonelle induit une
forte réponse immunitaire muqueuse et systémique.
Les mécanismes de l’immunité muqueuse ne sont pas bien compris. La présenta-
tion d’antigènes protéiques solubles par voie orale provoque souvent la tolérance,
qui est importante étant donnée la charge énorme d’antigènes contenus dans la
nourriture et dans l’air auxquels sont exposés respectivement le tractus intestinal
et le tractus respiratoire (voir le Chapitre 11). La capacité d’induire la tolérance par
administration orale ou nasale d’antigènes est étudiée actuellement comme procédé
thérapeutique susceptible d’atténuer les réactions immunitaires indésirables (voir
la Section 15-13). Par ailleurs, le système immunitaire muqueux peut répondre aux
infections muqueuses telles que la coqueluche, le choléra et la polio. Les protéines
provenant de ces micro-organismes qui stimulent les réponses immunitaires sont
donc particulièrement intéressantes. Un groupe de protéines fortement immuno-
gènes sur les surfaces muqueuses est composé d’un groupe de toxines bactériennes
qui ont la propriété de se lier aux cellules eucaryotes et sont résistantes aux protéa-
ses. Une découverte récente d’importance pratique potentielle révèle que certaines
de ces protéines, comme la toxine sensible à la chaleur de E. coli et la toxine pertus-
sique, ont des propriétés d’adjuvant qu’elles conservent même lorsque la molécule
d’origine a été traitée afin qu’elle perde sa toxicité. Ces molécules peuvent être utili-
sées comme adjuvants pour des vaccins administrés par voie orale ou nasale. Chez
la souris, l’inhalation de l’une de ces toxines mutées en présence d’anatoxine tétani-
que protège l’animal contre une dose mortelle de toxine tétanique.

15-27 Une immunité protectrice peut être induite par injection


intramusculaire d’ADN codant des antigènes microbiens
et des cytokines humaines.

Le dernier développement en matière de vaccination était inattendu, même pour


les scientifiques qui ont décrit la méthode. L’histoire commence lors d’essais de
thérapie génique par utilisation de plasmides bactériens ne se répliquant pas et
codant des protéines. Ces protéines exprimées in vivo induisaient une réponse
immunitaire. Lorsque l’ADN codant un antigène viral est injecté par voie intra-
musculaire, on observe le développement de réponses anticorps et de cellules T
cytotoxiques permettant à la souris de lutter contre une infection ultérieure par
un virus entier (Fig. 15.32). Ce procédé, qui ne semble pas endommager les tissus
musculaires, est sûr et efficace. Comme il n’utilise qu’un seul gène microbien ou
l’ADN codant une série de peptides antigéniques, il n’expose à aucun risque d’in-
fection. Dans cette technique dite vaccination ADN, un instrument projette dans
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 699

Clonage du gène de l’hémagglutinine Injection du gène cloné Infection de la souris


d’influenza dans un plasmide Mesure du titre viral
dans le tissu musculaire avec le virus de la grippe

Titre
hémagglutinine viral souris non vaccinées
(contrôles)

souris
vaccinées
avec l’ADN

Temps

le muscle, à travers la peau, de minuscules billes métalliques enrobées de l’ADN ; Fig. 15.32 Vaccination par injection
c’est de la balistique biologique ou « biolistique ». Vacciner de la sorte s’est révélé intramusculaire d’ADN codant un antigène
protecteur et des cytokines. L’hémagglutinine
efficace chez l’animal et pourrait convenir pour une immunisation de masse. d’influenza contient à la fois des épitopes B
L’addition de plasmides codant des cytokines comme l’IL-12, l’IL-23 ou le GM-CSF et T. Lorsqu’un plasmide contenant le gène
à ceux qui codent des antigènes protecteurs rend l’immunisation nettement plus de l’hémagglutinine est injecté directement
efficace (voir la Section 15-22). L’ADN contenant du CpG non méthylé est un ligand dans le muscle, il en résulte une réponse
immunitaire spécifique composée à la fois
pour TLR9 et les cibles pour les vaccins à ADN sont probablement les cellules den- d’anticorps et de cellules T CD8 cytotoxiques.
dritiques, et d’autres cellules présentatrices d’antigène, qui captent et expriment On peut amplifier la réponse en incluant un
l’ADN, tout en étant activées via TLR-9. Des vaccins à ADN pour la prévention du plasmide encodant le GM-CSF. L’ADN des
paludisme, de la grippe et du VIH sont testés actuellement chez l’homme. plasmides couvrant des particules de métal
sont captées par des cellules dendritiques
dans le tissu musculaire où les plasmides ont
été injectés, ce qui provoque une réponse
15-28 On peut améliorer l’efficacité d’un vaccin en le dirigeant dans un site immunitaire comprenant à la fois un anticorps
où la présentation antigénique est optimale. et des cellules T cytotoxiques.

Une façon d’augmenter l’efficacité d’un vaccin est de le diriger vers les cellules pré-
sentatrices d’antigène, ce qui est un des mécanismes d’action des adjuvants. Dans
ce but, on veille tout d’abord à empêcher la protéolyse de l’antigène avant qu’il ne
soit capté par les cellules présentatrices d’antigène. La préservation de la structure
antigénique est une des raisons pour lesquelles de nombreux vaccins sont injectés
plutôt qu’administrés per os, voie qui expose les antigènes à la dégradation dans
le tube digestif. Ensuite, dès que le vaccin a été introduit, il faut qu’il soit dirigé de
façon sélective vers les cellules présentatrices d’antigènes et vers les voies d’apprê-
tement antigénique à l’intérieur de la cellule.
Les techniques qui permettent d’augmenter l’absorption des antigènes par les cel-
lules présentatrices de l’antigène comprennent le couplage de mannose à l’antigène
afin de faciliter sa capture par les récepteurs de mannose des cellules présentatrices
ainsi que l’utilisation de l’antigène sous forme de complexes immuns, un procédé
qui tire avantage de la fixation des anticorps et du complément à leurs récepteurs
respectifs. Les effets de la vaccination ADN ont été amplifiés de façon expérimen-
tale par injection d’ADN codant une protéine de fusion composée de l’antigène
couplé à CTLA-4. La protéine exprimée se liera alors de manière sélective aux cellu-
les présentatrices d’antigène porteuses de B7, le récepteur de CTLA-4.
Une stratégie plus compliquée est de diriger les antigènes vaccinaux vers les voies
de présentation des antigènes à l’intérieur de la cellule. Par exemple, l’antigène E7
du papillomavirus humain a été couplé au peptide signal qui destine les protéines
membranaires aux lysosomes et endosomes. Ce peptide dirige l’antigène E7 direc-
tement dans les compartiments intracellulaires dans lesquels les antigènes sont
dégradés en peptides qui se lient ensuite aux molécules du CMH de classe II (voir
la Section 5-7). Un virus de la vaccine contenant cet antigène chimérique a déclen-
ché chez des souris une réponse contre l’antigène E7 plus forte que celle qui était
induite par la vaccine ne contenant que l’antigène E7 d’origine. On a montré qu’un
antigène couplé à des anticorps dirigés contre des récepteurs des cellules dendri-
tiques induisait une immunité à long terme, ce qui offre une nouvelle possibilité
d’amélioration des vaccins destinés à activer des cellules T.
700 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

Une meilleure compréhension des mécanismes de l’immunité muqueuse (voir


Chapitre 11) a conduit au développement de techniques de ciblage des antigènes
vers les cellules M recouvrant les plaques de Peyer (voir Fig. 1.20). Ces cellules épi-
théliales spécialisées sont dépourvues de mucine et des propriétés digestives des
autres cellules épithéliales muqueuses. Au lieu de cela, elles peuvent lier et endocy-
ter des macromolécules et des micro-organismes, qui, par transcytose, sont livrés
intacts au tissu lymphoïde sous-jacent. Certains pathogènes empruntent les cellu-
les M pour entrer dans l’organisme. En contre-attaque, les immunologistes doivent
d’abord comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents à cette pathogénie
bactérienne afin de convertir ce mode d’invasion en voie d’entrée pour les anti-
gènes vaccinaux. Par exemple, les protéines fimbriales de la membrane externe
de Salmonella typhimurium jouent un rôle clé dans la liaison de ces bactéries aux
cellules M. Il serait possible d’utiliser ces protéines fimbriales, ou seulement leurs
motifs de liaison, comme « têtes chercheuses » pour les vaccins. Pour favoriser l’ab-
sorption des vaccins muqueux par les cellules M, on peut aussi intégrer les antigè-
nes dans des particules qui sont captées de façon sélective par les cellules M.

15-29 Question importante : une vaccination à but thérapeutique


peut-elle contrôler les infections chroniques existantes ?

Il existe de nombreuses maladies chroniques au cours desquelles l’infection per-


siste à la suite d’une défaillance du système immunitaire. Ces maladies peu-
vent être réparties en deux groupes  : les infections durant lesquelles la réponse
immunitaire, bien que non efficace, est manifeste, et celles pour lesquelles l’infec-
tion laisse apparemment le système immunitaire indifférent et ne suscite qu’une
réponse à peine décelable.
Dans la première catégorie, la réponse immunitaire est souvent responsable d’une
partie des effets pathogènes. L’infection par l’helminthe Schistosoma mansoni est
associée à une forte réponse de type TH2, caractérisée par de taux élevés d’IgE, une
éosinophilie sanguine et tissulaire et une réaction fibreuse aux œufs de schistosomes
qui aboutit à une fibrose hépatique. D’autres parasites courants, tels que des espèces
de Plasmodium et Leishmania, provoquent des lésions car ils ne sont pas éliminés
efficacement par la réponse immunitaire chez de nombreux patients. Les mycobac-
téries responsables de la tuberculose et de la lèpre provoquent une infection intracel-
lulaire persistante ; une réponse des TH1 aide à contenir ces infections, mais provoque
également la formation d’un granulome et une nécrose tissulaire (voir Fig. 8.44).

Fig. 15.33 Une vaccination avec des


cellules dendritiques chargées de VIH Effet du traitement antirétroviral sur la fonction immunitaire et la production virale
réduit substantiellement la charge virale et
génère une immunité cellulaire. Panneau de
gauche : la charge virale est montrée pour une
réponse réponse réponse réponse réponse réponse
réponse faible et transitoire au traitement (en faible forte faible forte faible forte
rose) ; la barre rouge représente des individus charge 50 000 pourcentage 5
qui ont répondu fortement et durablement. virale de cellules
Panneau de droite : production d’IL-2 et CD4
spécifiques du
d’interféron-γ par des cellules T CD4 chez 40 000 VIH 4
des individus qui ont répondu faiblement ou productrices de
fortement. On constate une corrélation entre cytokine
la production de ces deux cytokines, indiquant 30 000 3
l’activité des cellules T, et la réponse au
traitement.
20 000 2

10 000 1

0 0
IL-2 IFN-γ
(après 112 jours de traitement)
Manipuler la réponse immunitaire pour combattre l’infection 701

Les gens infectés par l’hépatite B et l’hépatite C deviennent fréquemment porteurs


du virus et souffrent d’une atteinte hépatique persistante, ce qui peut conduire à
la mort par hépatite ou hépatome. L’infection à VIH, comme nous l’avons vu dans
le Chapitre 12, persiste malgré une réponse immunitaire constante. Dans un essai
préliminaire sur des patients infectés par le VIH, une vaccination thérapeutique à
base de cellules dendritiques a réduit la charge virale de 80 %, et chez presque la
moitié des patients, cette suppression de la virémie a duré pendant plus d’un an.
Des cellules dendritiques dérivées de la moelle osseuse des patients eux-mêmes
furent chargées de VIH chimiquement inactivé et ont servi à une immunisation
qui a suscité une robuste réponse des cellules T, associée à la production d’IL-2 et
d’IFN-γ (Fig. 15.33).
Il existe une deuxième catégorie d’infections chroniques, principalement virales,
dont la réponse immunitaire ne parvient pas à se débarrasser à cause de « l’invisi-
bilité » relative de l’agent infectieux. L’herpès de type 2, qui est transmis de façon
vénérienne, en est un bon exemple. Il reste latent dans les tissus nerveux, provo-
quant un herpès génital souvent récurrent. Cette invisibilité semble être due à une
protéine virale, l’ICP-47, qui se lie au complexe TAP (voir la Section 5-2) et inhibe
le transfert des peptides dans le réticulum endoplasmique des cellules infectées.
Ainsi, les peptides viraux ne sont pas présentés au système immunitaire par les
molécules du CMH de classe I. Les verrues génitales représentent un autre exem-
ple dans cette catégorie d’infections chroniques ; elles sont causées par certains
virus du papillome qui suscitent une très faible réponse immunitaire. Lorsque
l’immunité est affaiblie, par exemple après une transplantation de moelle osseuse,
des cellules T spécifiques d’antigènes viraux ont été utilisées pour traiter ou pré-
venir des infections par l’EBV ou le cytomégalovirus, qui restent latents chez les
porteurs immunocompétents, mais peuvent tuer lorsque l’immunité est compro-
mise. Les firmes pharmaceutiques investissent considérablement dans la vaccina-
tion thérapeutique, mais il est trop tôt pour savoir si elles réussiront.

15-30 Une modulation du système immunitaire pourrait être utilisée


pour inhiber les réponses immunopathologiques envers
des agents infectieux.

L’autre approche pour l’immunothérapie des infections chroniques est d’essayer


de stimuler ou de changer la réponse immunitaire à l’aide de cytokines ou d’anti-
corps anticytokine. Le traitement expérimental de la lèpre laisse espérer que cette
voie pourrait réussir ; on peut guérir certaines lésions par l’injection locale de cyto-
kines, ce qui provoque l’inversion du type de lèpre en cours. La thérapie par cyto-
kine s’est révélée également efficace expérimentalement dans le traitement d’une
infection par Leishmania lorsqu’elle était combinée à un médicament antiparasi-
taire. Chez des souris infectées par Leishmania, une combinaison de chimiothé-
rapie et d’IL-12 a réorienté la réponse immunitaire du type TH2 vers un type TH1
et a débarrassé les animaux de l’infection. Dans la plupart des études sur les ani-
maux, cependant, il semble que les cytokines ou les anticorps anticytokine doivent
être présents dès la première rencontre avec l’antigène pour moduler la réponse de
Fig. 15.34 Un traitement avec un anticorps
manière efficace. Par exemple, dans la leishmaniose expérimentale chez la souris, anti-IL-4 au moment de l’infection par
la souche susceptible, BALB / c, ayant été traitée par un anticorps anti-IL-4 (pour Leishmania major permet aux souris
supprimer l’effet inducteur de l’IL-4 en faveur du type TH2) au moment de l’infec- sensibles de se débarrasser de l’infection.
tion a éliminé le parasite (Fig. 15.34). Mais, si l’administration d’anticorps anti-IL-4 Le panneau du haut montre une coupe colorée
à l’hématoxyline-éosine du coussinet plantaire
était retardée d’une semaine seulement, le parasite se multipliait progressivement d’une souris de la lignée BALB / c infectée par
et la réponse dominante était de type TH2 (voir la Section 10-5). Leishmania major (petits points rouges). De
nombreux parasites sont présents dans les
L’usage de cytokines est envisagée comme un moyen d’inhiber les réponses immu- macrophages tissulaires. Le panneau du bas
nitaires nuisibles contre diverses infections importantes. Comme nous l’avons vu montre une préparation similaire provenant
dans la Section 15-29, la fibrose hépatique dans la schistosomiase résulte de la puis- d’une souris infectée au cours de la même
expérience, mais traitée simultanément avec
sante réponse de type TH2. L’administration d’ovules de S. mansoni avec de l’IL-12 ne une seule injection d’anticorps monoclonal
protège pas les souris contre une infection ultérieure par les cercaires de S. mansoni, anti-IL-4. Très peu de parasites sont visibles.
mais a un effet remarquable en réduisant la formation de granulomes hépatiques et Clichés de R.M. Locksley.
702 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

la fibrose en réponse aux ovules de schistosomes. Les taux d’IgE sont réduits, l’éo-
sinophilie tissulaire est moindre et le profil des cytokines indique une activation
TH1 plutôt que TH2. Ces résultats suggèrent qu’il serait donc possible de prévenir
les conséquences pathologiques des maladies pour lesquelles un vaccin protecteur
n’est pas disponible en recourant à une combinaison d’antigènes et de cytokines.
Cependant, ils n’apportent pas de réponse à la question de savoir si cette approche
est applicable et efficace chez des patients dont l’infection est déjà établie.

Résumé.

Les plus grandes victoires de l’immunologie moderne viennent de la vaccination,


qui a éradiqué ou quasiment éliminé plusieurs maladies humaines. Jusqu’à pré-
sent, c’est la seule manipulation réussie du système immunitaire, dont elle tire parti
de la spécificité et de son caractère inductible. Néanmoins, il existe de nombreu-
ses maladies infectieuses graves pour lesquelles il n’existe toujours pas de vaccin
efficace. Les vaccins les plus efficaces sont basés sur des micro-organismes vivants
atténués, mais ceux-ci comportent des risques et sont potentiellement mortels pour
les individus immunosupprimés ou immunodéficients. On est donc en quête de
meilleures techniques pour développer des vaccins vivants atténués ou des vaccins
qui contiennent à la fois des composants immunogènes et des antigènes des patho-
gènes protecteurs. La plupart des vaccins viraux courants sont basés sur un virus
vivant atténué, mais de nombreux vaccins bactériens sont basés sur des compo-
sants du micro-organisme, y compris les toxines qu’il produit. Les réponses protec-
trices envers les antigènes glucidiques peuvent être améliorées lorsque ceux-ci sont
couplés à une protéine. Les vaccins basés sur des épitopes peptidiques sont tou-
jours à un stade expérimental et posent un problème : les peptides doivent proba-
blement être spécifiques d’allèles particuliers des molécules du CMH auxquelles ils
doivent se lier, et sont également très faiblement immunogènes. L’immunogénicité
d’un vaccin dépend souvent des adjuvants qui peuvent aider, directement ou indi-
rectement, à activer les cellules présentatrice d’antigène nécessaires au déclenche-
ment des réponses immunitaires. Les adjuvants activent ces cellules en engageant
le système immunitaire inné et en fournissant des ligands aux divers récepteurs,
entre autres ceux de type Toll, des cellules présentatrices d’antigène. Les vaccins
oraux sont particulièrement importants pour stimuler l’immunité envers les nom-
breux pathogènes qui entrent par voie muqueuse. Les cytokines ont été utilisées à
titre expérimental comme adjuvants pour augmenter l’immunogénicité de vaccins
ou pour réorienter la réponse immunitaire vers une voie spécifique.

Résumé du Chapitre 15.

L’un des plus grands défis de l’immunologie réside dans le contrôle de la réponse
immunitaire, de façon à ce que les réponses immunitaires non désirées puissent
être supprimées et que les réponses désirées soient déclenchées. Les méthodes
actuelles pour supprimer les réponses non désirées sont en grande partie basées
sur des médicaments qui suppriment l’immunité adaptative sans discrimina-
tion et sont donc fondamentalement imparfaites. Dans cet ouvrage, nous avons
vu que le système immunitaire pouvait supprimer ses propres réponses d’une
façon spécifique de l’antigène. En étudiant ces événements régulateurs endogè-
nes, il pourrait être possible d’imaginer des stratégies pour manipuler les répon-
ses spécifiques tout en épargnant la compétence immunitaire générale. Grâce à
cette approche, on commence à développer de nouveaux traitements qui suppri-
ment de façon sélective les réponses menant à l’allergie, à l’auto-immunité ou au
rejet de greffe. De la même façon, comme nous connaissons mieux les tumeurs et
les agents infectieux, il devrait être possible trouver de meilleures stratégies pour
mobiliser le système immunitaire contre le cancer et l’infection. Pour réaliser tout
cela, nous devons apprendre plus sur le déclenchement de l’immunité et la biolo-
gie du système immunitaire, et parvenir à appliquer ce que nous avons appris aux
maladies humaines.
Références 703

Questions.

15.1 Comment des cellules T régulatrices peuvent-elles être induites pour traiter une
maladie auto-immune ou prévenir le rejet de greffe ?

15.2 Quels sont les rôles des anticorps dans le traitement d’une maladie ?

15.3 Comment induire la tolérance en cas d’auto-immunité ?

15.4 L’immunothérapie est-elle une approche réaliste dans le traitement des tumeurs ?
Justifiez votre réponse.

15.5 Comment les tumeurs échappent-elles à la réponse immunitaire ?

15.6 Qu’est-ce qu’un adjuvant et comment agit-il ?

15.7 Discutez de l’importance de l’immunité de groupe.

15.8 Comment des vaccins pourraient-ils traiter des infections établies ?

15.9 Discutez des différents usages de la protéine de fusion CTLA-4 Ig et des anticorps
anti-CTLA-4.

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704 Chapitre 15 : Manipulation de la réponse immunitaire

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15-4 Les immunosuppresseurs sont des sondes utiles


15-8 Des anticorps monoclonaux peuvent être utilisés
pour l’étude des voies de signalisation intracellulaire
pour prévenir le rejet d’allogreffe.
des lymphocytes.
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LES ORIGINES DES
PARTIE VI
RÉPONSES IMMUNITAIRES

Chapitre 16 L'évolution du système immunitaire.

L’évolution du système immunitaire inné.

L’évolution de la réponse immunitaire adaptative.


711

L’évolution du système
immunitaire 16
Nous avons commencé ce livre par un aperçu de l’immunologie et de la fascina-
tion qu’elle a exercée sur les scientifiques tout au long du 20e siècle. Dans ce cha-
pitre, nous réexaminons comment les mécanismes de base de l’immunologie ont
évolué au fil des éons. Nous commençons, comme nous avons débuté ce livre,
avec le système immunitaire inné, dont certains aspects sont aussi anciens que
les premiers organismes multicellulaires. Nous aborderons ensuite la fascinante
question de savoir comment les systèmes immunitaires ont développé la capacité
de reconnaître et de réagir à un nombre croissant d’antigènes différents de l’uni-
vers des agents pathogènes potentiels.
Nous avons distingué l’immunité innée et acquise par la manière avec laquelle
l’organisme code les molécules qui reconnaissent les pathogènes. L’immunité
innée utilise des récepteurs codés directement dans le génome, et dans les espèces
que nous avons examinées jusqu’à présent, l’homme et la souris, le nombre de ces
récepteurs est limité. Les récepteurs de type Toll et les protéines NOD décrites au
Chapitre 2 sont des exemples de ce répertoire limité de récepteurs de reconnais-
sance des pathogènes. L’immunité adaptative surmonte cette limitation en géné-
rant un plus large répertoire de récepteurs. Ceux-ci appartiennent à divers clones
cellulaires et sont constitués d’anticorps et des récepteurs de cellule  T  ; ils sont
codés par des gènes résultant de réarrangements de segments géniques comme
décrit au Chapitre  5. Puisqu’il en résulte une augmentation très significative de
la capacité de reconnaissance antigénique, nous qualifions ce type de répertoire
«d’anticipatif», en ce sens qu’il est assez vaste pour anticiper la rencontre avec un
nombre apparemment infini d’antigènes.
Jusqu’à très récemment, on pensait que l’immunité anticipative ou adaptative
n’était apparue qu’à partir des premiers vertébrés à mâchoire (gnathostomes)
grâce aux gènes des RAG1 et RAG2, qui sont uniques à ce groupe. De nouvelles
découvertes nous ont contraints à modifier ce point de vue. Nous reconnaissons
maintenant que le très vaste répertoire de molécules agissant dans les réponses
immunitaires peuvent être générées par différents types de mécanismes généti-
ques dans des organismes aussi divers que les insectes, les échinodermes, les mol-
lusques, les vertébrés sans mâchoire (agnathes). Comme nous le verrons dans ce
chapitre, certains organismes élargissent la diversité des moyens de reconnais-
sance des pathogènes tout simplement par une augmentation énorme du nombre
de récepteurs de cellules somatiques codés par un système immunitaire inné très
élaboré. Toutefois, d’autres espèces, y compris la mouche du vinaigre, Drosophila
melanogaster, élargissent la diversité de leurs réponses encore davantage, mais
utilisent d’autres mécanismes de réarrangement génique des cellules somatiques.
712 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

Enfin, un système de réarrangement génique des cellules somatiques qui produit


des protéines solubles de type « anticorps», mais qui se distingue du réarrange-
ment V(D)J dépendant de RAG trouvé chez les vertébrés à mâchoire, a été décou-
vert dans les espèces survivantes des agnathes, la lamproie et la myxine.
Ainsi, nous devons maintenant voir notre propre système immunitaire adapta-
tif, celui des vertébrés à mâchoire, comme n’étant qu’une des différentes solutions
au problème de générer des systèmes extrêmement larges de reconnaissance des
pathogènes. L’immunité adaptative ne peut plus être ramenée à la seule capacité de
réarrangement V(D)J lymphocytaire. Ce qui compte c’est plutôt la génération d’un
répertoire anticipatif significativement diversifié de molécules effectrices, quel qu’en
soit le mécanisme, et la sélection clonale à partir de ce répertoire en vue de réponses
effectrices qui peuvent changer pendant toute la durée de vie de l’organisme.

L’évolution du système immunitaire inné.

16-1 L’évolution du système immunitaire peut être étudiée


par comparaison des gènes exprimés par des espèces différentes.

Il semble probable que le concept de système immunitaire, c’est-à-dire de défense


d’un individu contre des agents infectieux, est omniprésent. En effet, tous les orga-
nismes étant menacés par des pathogènes, la sélection naturelle exercera nécessai-
rement une pression en faveur du développement de mécanismes de protection.
Même les bactéries se défendent contre des parasites (plasmides) et des pathogè-
nes (bactériophages) ; pour cela, elles utilisent les enzymes de restriction, qui cli-
vent l’ADN invasif, et des systèmes qui modifient leur propre ADN afin qu’il ne
soit pas altéré par ces enzymes. Il est improbable que de tels systèmes soient uti-
lisés par des organismes supérieurs, mais les bactéries produisent aussi des pep-
tides antimicrobiens qui sont actifs contre des bactéries concurrentes, et ce type
de défense se retrouve dans les organismes multicellulaires. Néanmoins, lors-
que l’on compare des organismes, on doit toujours garder à l’esprit la possibilité
qu’ils représentent les résultats d’une évolution convergente, c’est-à-dire l’évolu-
tion indépendante de solutions similaires au même problème. Les peptides anti-
microbiens des organismes supérieurs pourraient donc représenter une évolution
indépendante de la même fonction, plutôt qu’une évolution directe à partir d’un
peptide ancestral commun aux bactéries.
Notre attention se portera surtout sur l’évolution du système immunitaire dans
les organismes multicellulaires dont le corps peut être envahi et colonisé par des
pathogènes. L’impossibilité d’accéder aux ancêtres directs des espèces animales
qui existent aujourd’hui complique sérieusement l’étude de l’évolution ; nous ne
pouvons pas identifier les molécules ou fonctions immunologiques de ces orga-
nismes. Mais, cela ne signifie pas que nous ne savons rien du passé ; la présence
ou l’absence de certains éléments du système immunitaire dans différentes espè-
ces peut nous aider à faire la lumière sur son évolution.
Pour étudier l’évolution de tout système biologique, comme le système immunitaire,
on part de l’hypothèse que si un gène est trouvé sous la même forme (ou similaire)
dans deux espèces différentes, il devait exister dans l’ancêtre commun à ces espè-
ces. Plus les espèces sont écartées, plus l’ancêtre commun est lointain. La Fig. 16.1
reprend, dans un «  arbre  » phylogénique, les organismes qui seront mentionnés
dans ce chapitre, et l’ordre dans lequel les différentes lignées ont divergé. Ainsi, les
plantes ont divergé de leur ancêtre commun avec les animaux avant que les insec-
tes ne se détachent de la lignée menant aux deutérostomes (échinodermes et chor-
dés). Les progrès dans le séquençage de l’ADN ont conduit à la connaissance de la
séquence complète d’un certain nombre d’organismes. Cette information a révélé,
L’évolution du système immunitaire inné 713

à travers divers phylums, une formidable similitude entre les stratégies de l’im-
munité innée, tout en révélant une diversité inattendue des réponses. On connaît
entièrement, ou presque, le génome de plusieurs des organismes de la Fig. 16.1 :
plantes (Arabidopsis thaliana), insectes (Drosophila melanogaster), échinoder-
mes (Strongylocentrotus purpuratus), urochordés (Ciona intestinalis et C. savignyi),
ainsi que plusieurs espèces de poissons, amphibiens (Xenopus tropicalis), oiseaux
(Gallus gallus) et mammifères (Homo sapiens, Mus musculus).
En utilisant ces informations, nous sommes en mesure de retracer l’évolution des
mécanismes de défense de nos ancêtres les plus anciens, comme ceux que nous
avons en commun avec les insectes, par l’intermédiaire de notre ancêtre commun Plantes
avec les échinodermes et finalement jusqu’à l’ancêtre que nous avons en commun
avec les urochordés (tuniciers ou ascidies), une branche de la lignée qui mène aux
vertébrés. Chez les vertébrés, nous pouvons suivre le développement des fonc-
tions immunitaires à partir des agnathes (poissons sans mâchoire comme les lam-
proies et les myxines), en passant par les poissons cartilagineux (requins et raies),
Insectes
les poissons osseux, les amphibiens, les reptiles et les oiseaux, pour aboutir aux
mammifères. Dans certains cas, nous ne savons pas encore si un gène particu-
lier du système immunitaire est présent dans tous les groupes « intermédiaires ».
Toutefois, s’il est présent, par exemple, chez les mammifères et les invertébrés, on
Échinodermes
considérera qu’il l’est aussi (ou l’a été à un moment) dans toutes les lignées des
vertébrés. Il n’est pas aussi simple de tirer la conclusion inverse, à savoir que l’ab-
sence d’un gène dans une espèce exclut sa présence chez l’ancêtre commun ; il est
possible en effet que des gènes et des fonctions se perdent dans certaines lignées.
Un système immunitaire inné est bien développé chez la drosophile, l’organisme Urochordés
modèle favori pour de nombreux types de recherche biologique, et chez beaucoup
d’autres invertébrés. Ce que la drosophile partage avec les vertébrés sont des récep-
teurs invariants, les récepteurs qui reconnaissent des motifs moléculaires com-
muns des pathogènes, ainsi que les voies de signalisation intracellulaire menant de
ces récepteurs à l’activation du facteur de transcription NFκB (voir les Chapitres 2 Céphalochordés
et 6). De nombreuses espèces d’animaux multicellulaires ont une cassette de gènes
qui codent les protéines de cette voie. Ce qui suggère que l’activation de NFκB est la
voie de signalisation centrale et originelle de l’immunité innée, cette voie aboutis-
sant à la transcription, par NFκB, d’un ensemble de gènes. Il s’agit d’une voie quasi
Temps

universelle qui conduit à l’activation de nombreux systèmes de défense différents. Agnathes

16-2 Les peptides antimicrobiens sont probablement les moyens Chondrichthyens


de défense immunitaire les plus anciens.

Une forme de défense dans les plantes et chez les animaux, et donc anté-
rieure à la séparation de ces deux lignées, est la production de peptides anti-
microbiens. Il existe de nombreux peptides antimicrobiens différents, avec une Ostéichthyens
grande variété de caractéristiques physiques et chimiques et d’effets sur les dif-
férents agents pathogènes. Une classe largement répandue comprend les petits
peptides appelés défensines (voir la Section  2-3). Les défensines de mammi-
fères, d’insectes et de plantes diffèrent par des détails de structure (Fig. 16.2),
mais il est clair qu’ils sont tous liés et découlent du même système ancestral de Amphibiens
défense.

Fig. 16.1 L’histoire évolutive des organismes qui comprend les vertébrés) comprennent
mentionnés dans ce chapitre. Les les urochordés qui sont des invertébrés (par
ramifications de cet arbre phylogénique très exemple, les ascidiens), les céphalochordés Reptiles & oiseaux
schématique représentent l’ordre de divergence (par exemple, les lancelets) et les vertébrés
des différentes lignées, par exemple la lignée qui comprennent eux-mêmes les agnathes
des plantes a divergé de son ancêtre commun (poissons sans mâchoire), les poissons
avec la lignée des animaux avant la séparation cartilagineux (chondrichthyens), les poissons
de la lignée des insectes, etc. Notez que cet osseux (ostéichthyens), les amphibiens, les
arbre ne représente pas le temps relatif de ces reptiles, les oiseaux et les mammifères.
diverses évolutions. Les chordés (le phylum Mammifères
714 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

Fig. 16.2 Les défensines antimicrobiennes


de plantes, d’insectes et de mammifères
sont structurellement apparentées. La figure
montre les structures de la défensine végétale,
l’AFP-1 du radis Raphanus sativus (panneau
de gauche), du peptide antimicrobien d’insecte,
la drosomycine de la drosophile (panneau
central) et de la défensine β2 humaine
(panneau de droite). Les couleurs indiquent la
nature de la structure du peptide, les hélices
α en violet et les brins β en jaune. Les régions
non structurées sont montrées en gris-bleu, et
les boucles en blanc. Les trois défensines ont
une structure similaire, avec un court segment
d’hélice appuyé sur deux ou trois brins d’une
feuillet β antiparallèle, structure qui a remonte
à une époque précédant la divergence des
deux règnes, le végétal et l’animal. On pense que les défensines agissent en perturbant la membrane cellulaire des bac-
téries et des champignons ainsi que l’enveloppe de certains virus, certaines pou-
vant traverser la membrane de la cellule microbienne et pénétrer dans la cellule.
La plupart des organismes multicellulaires produisent plusieurs défensines diffé-
rentes ; la plante Arabidopsis thaliana en produit 13, la drosophile, au moins 15,
et chez l’homme une seule cellule intestinale pourrait en faire jusqu’à 21. Les dif-
férentes défensines exercent des activités distinctes, certaines sont actives contre
les bactéries Gram-positives, certaines contre les bactéries Gram-négatives, tandis
que d’autres sont spécifiques de pathogènes fongiques. Les organismes multicel-
lulaires produisent aussi d’autres types de peptides antimicrobiens.
La production de peptides antimicrobiens par les plantes et les animaux suggèrent
que ce moyen de défense s’est développé avant que ces deux lignées ne divergent.
Le précurseur commun des plantes et des animaux a été probablement un orga-
nisme unicellulaire. De nombreuses autres lignées qui ont divergé à cette époque
sont des organismes eucaryotes unicellulaires, appelés généralement protistes
(dont certains, les protozoaires parasites, sont actuellement des pathogènes pour
l’homme). On ignore si les protistes actuels produisent des peptides antimicro-
biens, ni d’ailleurs si de tels peptides exerceraient nécessairement une fonction
protectrice pour ces organismes. Pour de nombreux protistes indépendants, les
bactéries constituent une source d’aliments, plutôt qu’une menace.
Cependant, quand on examine le comportement des cellules phagocytaires dans
les organismes multicellulaires, tels que les macrophages chez les vertébrés, il
n’est pas déraisonnable de supposer qu’au moins certains mécanismes de l’immu-
nité innée ont évolué à partir du mode d’alimentation phagocytaire des eucaryo-
tes unicellulaires. Tous les vertébrés, et de nombreux invertébrés, ont des cellules
phagocytaires qui patrouillent les vaisseaux sanguins et les tissus, comme décrit
au Chapitre  2, et qui ont beaucoup en commun avec des protistes, comme les
amibes. Il est possible que les cellules phagocytaires des animaux dérivent d’une
population cellulaire qui a conservé la morphologie et le comportement d’ancê-
tres unicellulaires.

16-3 Les récepteurs de type Toll pourraient représenter le mode


de reconnaissance des pathogènes le plus ancien.

Si des peptides antimicrobiens sont considérés comme la forme la plus primitive


de défense contre l’infection, alors les récepteurs qui reconnaissent les pathogènes
et induisent la production de peptides antimicrobiens peuvent aussi être classés
parmi les récepteurs les plus anciens impliqués dans la défense anti-infectieuse.
Ces récepteurs semblent avoir été conservés durant une longue période d’évolu-
tion. Les récepteurs de type Toll, d’abord découverts chez la drosophile, induisent
l’expression de plusieurs mécanismes de défense, dont des peptides antimicro-
biens agissant principalement sur les bactéries Gram-positives et des champi-
gnons pathogènes.
L’évolution du système immunitaire inné 715

Le gène du récepteur Toll intervient dans la différenciation embryonnaire des faces La voie de signalisation La voie
dorsale et ventrale de la drosophile. Ce n’est que plus tard que la fonction du récep- d’un récepteur de signalisation Toll
de type Toll
teur Toll dans la défense chez l’insecte adulte a été décrite par d’autres chercheurs, de la drosophile
chez les mammifères
qui ont observé que des mutations de Toll ou de protéines de la signalisation acti-
vée par Toll affectaient la production du peptide antimicrobien, la drosomycine, et
en conséquence prédisposaient la drosophile aux infections fongiques. Plus tard, TLR Toll
des protéines homologues de Toll ont été trouvées dans d’autres espèces, allant
des plantes aux mammifères, où elles sont associées à la résistance aux infections
virales, bactériennes et fongiques. Dans les plantes, comme chez les insectes, les
protéines de type Toll sont impliquées dans la production de peptides antimicro-
MyD88 dMyD88
biens, ce qui indique leur ancienne association avec ce moyen de défense. Elles
ont acquis de nouvelles fonctions chez les vertébrés (voir Chapitre 2), mais en rai-
son de leur origine apparemment ancienne, il y a lieu de croire qu’elles sont à l’ori-
IRAK TRAF6 Pelle
gine d’au moins un des premiers récepteurs de pathogène.
IKK Cactus
L’homme et la souris ont environ 10 récepteurs fonctionnels de type  Toll, qui IκB Cactus kinase
reconnaissent des composants des pathogènes comme les parois des bactéries,
NFκB DIF
des levures et des champignons, les flagelles bactériens, l’ARN viral et l’ADN bacté-
rien (voir Fig. 2.16). Le premier récepteur de type Toll identifié, appelé maintenant
TLR-4, (Toll-Like Receptor 4) est requis pour la réponse immunitaire innée contre
le lipopolysaccharide (LPS) bactérien de la surface cellulaire des bactéries Gram-
négatives (voir Fig. 2.14).
Fig. 16.3 Une comparaison des voies de
La voie de signalisation à partir de Toll chez la drosophile semble également être signalisation Toll de la drosophile et des
conservée entre espèces très différentes, et ses composants correspondent assez mammifères. Les composants de la voie
bien à ceux des mammifères, comme le montre la Fig. 16.3. La voie d’activation de signalisation des récepteurs de type Toll
chez la drosophile aboutit à l’activation des facteurs de transcription de la famille chez les mammifères qui culminent dans
l’activation de NFκB sont homologues de ceux
Rel (homologues des facteurs de transcription mammaliens, NFκB), qui ensuite de la voie de signalisation du récepteur Toll
migrent dans le noyau pour induire la transcription de nouveaux gènes. Chez la de la drosophile. Le domaine intracellulaire
drosophile, les facteurs de transcription Rel impliqués dans l’induction des pep- des récepteurs de type Toll interagit avec un
tides antimicrobiens en réponse à la stimulation de Toll sont liés au facteur DIF domaine homologue de la protéine adaptatrice
MyD88. Une interaction similaire survient entre
(Dorsal-related Immunity Factor, facteur d’immunité apparenté à Dorsal) et, dans le domaine intracellulaire de Toll et dMyD88.
une moindre mesure, au facteur de transcription, Dorsal. Un troisième membre de L’étape suivante dans les deux voies de
la famille Rel, Relish, induit également la production de peptides antimicrobiens, signalisation se produit par l’interaction des
domaines de mort, entre MyD88 et IRAK dans
mais en réponse à une autre voie de signalisation, que nous décrirons plus tard.
les cellules de mammifères, et entre dMyD88
La protéine Toll de la drosophile ne reconnaît pas directement les produits des et Pelle chez la drosophile. IRAK et Pelle sont
des sérine kinases. À ce stade, la voie de
pathogènes, mais lie une version clivée d’une protéine autologue, Spätzle. La chro- signalisation des mammifères passe par un
nologie exacte des événements conduisant au clivage de Spätzle au cours des adaptateur, TRAF6, qui est activé par IRAK
réponses immunitaires de la drosophile n’est pas connue ; la voie la mieux connue et active, à son tour, IKK. IKK phosphoryle
conduisant au clivage de Spätzle intervient au cours de l’embryogenèse, mais pas l’inhibiteur de NFκB, IκB, le destinant ainsi à
la dégradation et à la libération de la forme
dans la défense. La voie de la réponse immunitaire semble impliquer des molécu- active du facteur de transcription dimérique,
les de reconnaissance spécifique de pathogène qui interagissent avec des sérine NFκB. Chez la drosophile, on trouve les
protéases pour déclencher le clivage de Spätzle. Une de ces molécules a été iden- homologues de MyD88, TRAF6 et de la
kinase IKK, qui phosphoryle l’homologue
tifiée, une protéine codée par un gène appelé semmelweis (en l’honneur de Ignaz d’IκB, appelé Cactus chez la drosophile. En
Semmelweis, un pionnier de la prévention des infections dans les hôpitaux). Cette outre, les parties terminales de la voie sont
protéine est un membre d’une famille de protéines de reconnaissance des peptido- également homologues entre la drosophile et
glycans (PGRP, PeptidoGlycan-Recognition Proteins), qui lient les peptidoglycans qui les mammifères, la phosphorylation de Cactus
entraîne sa dégradation et la libération du
entrent dans la composition des parois bactériennes (voir Fig. 2.14). La drosophile a dimère DIF, qui est un membre de la famille
environ 13 gènes PGRP. La protéine codée par semmelweis, PGRP-SA, est impliquée des facteurs de transcription NFκB.
dans la reconnaissance des bactéries Gram-positives. Une autre famille de protéi-
nes de la drosophile, les protéines de liaison aux bactéries Gram-négatives (GNBP,
Gram-Negative Binding Proteins), qui reconnaissent les (1→3)-β-glucans, est impli-
quée dans la reconnaissance des champignons, et plutôt de façon inattendue, éga-
lement à des bactéries Gram-positives. La protéine GNBP1 coopère avec PGRP-SA
dans la reconnaissance du peptidoglycan des bactéries Gram-positives. La sérine
protéase qui active Spätzle dans la voie de reconnaissance des bactéries Gram-
positives n’a pas encore été identifiée, mais une sérine protéase impliquée dans la
détection des infections fongiques l’a été. Cette protéase, appelée Persephone, res-
semble a des protéases du système de coagulation de l’hémolymphe des insectes
716 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

(un fluide analogue à certains égards au sérum sanguin des vertébrés) et du sang
des mammifères, et semble être activée directement par un facteur de virulence
fongique. Un protéine de reconnaissance spécifique des champignons, GNBP3,
peut également activer Toll d’une manière analogue à celle de PGRP-SA, mais on
ignore encore si une autre sérine protéase est impliquée dans cette voie.
Parmi les récepteurs de type Toll des mammifères, celui dont le mode de reconnais-
sance est le plus proche de celui de Toll chez la drosophile semble être TLR-4, qui, plu-
tôt que d’interagir directement avec le ligand bactérien, le LPS, le fait indirectement
en passant par l’intermédiaire d’une protéine soluble liant le LPS, qui à son tour se
fixe à TLR-4. Cependant, une comparaison fonctionnelle plus pertinente serait peut-
être avec le système du complément, dans lequel l’activation protéolytique d’une
série de protéases génère des ligands pour des récepteurs de surface cellulaire ; dans
le cas de complément, ces récepteurs sont impliqués dans la stimulation de la pha-
gocytose (voir le Chapitre 2). Bien que les spécificités de reconnaissance de la plu-
part des récepteurs de type Toll des mammifères semblent maintenant être connues
(voir le Chapitre 2), il n’est pas encore établi s’ils reconnaissent directement les com-
posants provenant des pathogènes, comme on l’a souvent présumé, ou si cela néces-
site des composants supplémentaires, comme pour Toll chez la drosophile et pour
TLR-4. En particulier, on n’a pas encore déterminé la structure d’un complexe formé
directement entre un récepteur de type Toll et son ligand, même si une interaction
directe entre TLR-5 et son ligand, la flagelline, a été montrée par d’autres moyens.

16-4 Les gènes des récepteurs de type Toll se sont fortement diversifiés


chez certaines espèces d’invertébrés.

Bien que le système des récepteurs de type Toll des mammifères soit un peu plus
étendu que celui de la drosophile, un cas au moins d’une plus grande diversifica-
tion de ces récepteurs a été découvert. La séquence du génome de l’oursin S. pur-
puratus révèle une complexité sans précédent de la reconnaissance immunitaire
innée. Au total, le génome de l’oursin contient 222 gènes TLR différents, les spéci-
ficités des protéines codées restant à déterminer. Le nombre de protéines suscep-
tibles d’être impliquées dans la signalisation de ces récepteurs est également plus
élevé, avec quatre gènes similaires au MyD88 mammalien, qui code une molécule
adaptatrice (voir la Section  6-27). Il est intéressant de noter que, malgré le plus
grand nombre de gènes TLR, le nombre de cibles en aval, comme la famille des
facteurs de transcription  NFκB, n’est pas augmenté, ce qui suggère que le résultat
final de la signalisation des récepteurs de type Toll chez l’oursin est très similaire à
celui d’autres organismes.
La partie externe des récepteurs de type Toll est composée d’une série de domai-
nes protéiques appelées LRR (Leucine-Rich Repeats, répétitions riches en leucine).
On pense que ces multiples LRR forment un échafaudage adaptable spécialisé
dans la reconnaissance et la liaison. Dans le génome de l’oursin de mer, les 222
gènes TLR se divisent en deux grandes catégories : un petit ensemble de 11 gènes
divergents et une grande famille de 211 gènes, dans laquelle on a trouvé une très
grande variabilité dans des régions particulières des LRR. Cette constatation et le
grand nombre de pseudogènes dans cette famille, ont été considérés comme des
signes de renouvellement évolutif rapide, ce qui pourrait refléter les changements
rapides de spécificité des récepteurs. Cela contraste avec le répertoire limité et sta-
ble des récepteurs de type Toll chez les vertébrés, qui reconnaissent un nombre
assez restreint de motifs moléculaires invariants associés aux pathogènes (PAMP,
Pathogen-Associated Molecular Patterns). Bien que nous ne connaissions pas
encore la spécificité des récepteurs de type Toll chez l’oursin de mer, il semble que,
dans ce groupe d’organismes, l’hypervariabilité dans le domaine des LRR a servi à
générer un système très diversifié de reconnaissance des pathogènes basés sur des
récepteurs de type Toll. Comme nous le verrons plus tard, la même stratégie s’est
développée indépendamment dans une lignée de vertébrés.
L’évolution du système immunitaire inné 717

On peut se demander si cette énorme diversification de la reconnaissance basée


La voie Imd de la drosophile détecte des bactéries
sur les TLR correspond à une forme primitive d’immunité adaptative chez l’our- Gram-négatives par une voie analogue à la voie
sin. Nous ignorons encore si tous ces gènes de TLR sont exprimés ensemble dans mammalienne du récepteur du TNF
un seul type de cellule immunitaire, ou si ils sont exprimés d’une manière clonale.
Dans le système immunitaire adaptatif des mammifères, les récepteurs d’antigène Voie mammalienne Voie Imd
du TNFR de la drosophile
de spécificité distincte sont exprimés dans des clones lymphocytaires individuels.
Cette expression clonale permet à la réponse immunitaire de changer au cours
de la durée de vie de l’individu par la sélection lymphocytaire clonale de spécifi- TNFR PGRP-LC
cité particulière. Nous ne pouvons pas encore dire si la diversification des récep-
teurs de type Toll chez l’oursin a tout simplement conduit à une augmentation de
la capacité de reconnaissance des pathogènes, ou déjà à une sélection avec expan-
sion clonale de cellules exprimant des récepteurs de type Toll avec une spécificité Imd
particulière, ce qui serait le début d’une véritable immunité adaptative. RIP
DmFADD
MEKK dTAK1
16-5 Un second système de reconnaissance chez la drosophile FADD

homologue à la voie du récepteur du TNF chez les mammifères pro- DREDD


protège des bactéries Gram-négatives. caspase 8

Chez les mammifères, les récepteurs de type  Toll reconnaissent une variété de IKK IKK
pathogènes, y compris les bactéries Gram-positives et Gram-négatives ainsi que les NFκB Relish
champignons. Chez la drosophile, le récepteur  Toll ne semble pas être impliqué
dans la reconnaissance des bactéries Gram-négatives. Au lieu de cela, la mouche
utilise une deuxième voie, la voie Imd (immunodéficience). Deux récepteurs qui
reconnaissent les bactéries Gram-négatives ont été identifiés chez la drosophile,
qui sont tous deux membres de la famille PGRP. Un est PGRP-LC, qui est associé à la
membrane de la cellule ; l’autre, PGRP-LE, est sécrétée. Certaines des étapes dans la Fig. 16.4 La drosophile détecte les
voie de signalisation de ces récepteurs ont été déterminées par l’analyse de mutants bactéries Gram-négatives par la voie de
sensibles aux bactéries Gram-négatives, et non aux Gram-positives. La voie Imd signalisation des récepteurs Imd, qui
est étonnamment similaire à la voie du récepteur du TNF (Tumor Necrosis Factor, est analogue à la voie des récepteurs du
TNF des mammifères. Le récepteur du
facteur de nécrose tumorale) des mammifères qui lance une transcription d’autres TNF transmet des signaux qui conduisent
gènes (Fig. 16.4). La protéine Imd elle-même est homologue de la protéine RIP, qui soit à l’expression de nouveaux gènes ou à
se lie au récepteur du TNF. Le résultat final de la voie de l’Imd est l’activation du fac- la mort cellulaire. Dans la voie de TNFR-1
teur de transcription Relish, qui active l’expression de plusieurs gènes de réponse des mammifères, la liaison du ligand au
récepteur conduit au recrutement de la
immunitaire, y compris ceux qui codent les peptides antimicrobiens diptéricine, protéine adaptatrice TRADD (TNF Receptor-
attacine et cécropine ; ils sont distincts des peptides induits par la signalisation de Associated Death-Domain, domaine de mort
Toll. Ainsi, les voies de Toll et d’Imd activent des mécanismes effecteurs équiva- associé au récepteur du TNF ; non montré),
qui à son tour peut recruter soit FADD (Fas-
lents visant à éliminer les infections. Il est probable que ces deux voies de signali-
Associated Death-Domain, domaine de mort
sation sont apparues par la duplication d’une voie commune plus ancienne, mais associé à Fas), ce qui conduit à l’apoptose,
il est impossible de dire si cela ressemblait à la voie Toll ou à la voie Imd. Chez les soit RIP (Receptor-Interacting Protein, protéine
mammifères, cependant, il semble que les fonctions de défense de la voie Imd ont interagissant avec le récepteur), qui est une
sérine / thréonine kinase. Chacune des deux
été prises en charge par les voies équivalentes des récepteurs de type Toll. déclenche une voie de signalisation différente.
FADD active la caspase-8, déclenchant ainsi
une cascade de protéases qui aboutit à
16-6 Un système du complément ancestral opsonise des pathogènes l’apoptose, alors que RIP agit par une autre
facilitant ainsi leur phagocytose. kinase, MEKK3, qui active l’Iκ kinase, IKK, ce
qui conduit finalement à l’activation de NFκB et
à l’expression de nouveaux gènes. La voie de
Le complément est un autre moyen ancien de défense (voir le Chapitre 2). La fonc- l’Imd de la drosophile semble être homologue
tion la plus primitive du complément est probablement l’opsonisation, un moyen de la voie du TNFR et aboutit aux mêmes
d’augmenter l’efficacité de la capture des pathogènes par des phagocytes « éboueurs » résultats. La protéine Imd elle-même est un
homologue de RIP, alors que DmFADD est
qui patrouillent les divers espaces du corps de l’animal. Même avant que les com- homologue de FADD et Dredd homologue de
posants du complément n’aient été découverts chez les invertébrés, il a été suggéré la caspase-8. Dans cette voie, dTAK1 pourrait
qu’un système de complément primitif contiendrait un minimum de trois compo- être homologue de la MEKK3, activant la Iκ
sants. L’élément central serait C3, qui serait activé spontanément, comme dans la voie kinase (IKK) et conduisant à l’activation du
facteur de transcription Relish et à l’expression
d’activation alternative du complément chez les mammifères d’aujourd’hui (voir la de plusieurs gènes du système immunitaire, y
Section 2-16). C3 activé lierait l’équivalent du facteur B, formant une C3 convertase qui compris ceux des défensines.
amplifirait le signal d’origine par le clivage et l’activation de beaucoup plus de molécu-
les de C3. Le troisième composant de ce système serait un récepteur de C3 exprimé par
les phagocytes et capable d’activer la phagocytose des pathogènes couverts de C3.
718 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

Les composants d’un système du complément


Cette prédiction a été confirmée par la découverte de composants du complément
rudimentaire chez les échinodermes chez des invertébrés, comme la Fig. 16.5 le montre. Une protéine homologue de C3
a été trouvée chez les échinodermes : elle est produit par des cœlomocytes ami-
facteur B cœlomocyte boïdes, des cellules phagocytaires du fluide cœlomique des échinodermes, et son
C3
expression est accrue en présence de bactéries. Une protéine homologue du fac-
facteur D facteur I teur B a également été identifiée chez des échinodermes. Chez les mammifères, le
facteur B est activé par une autre protéase, le facteur D, et bien que l’on n’ait pas
identifié son équivalent chez les échinodermes, le site de clivage par le facteur D
? ?
récepteur dans le facteur B est conservé chez le échinodermes. Ainsi, le échinodermes sem-
de C3 blent pourvus des composants de la boucle d’amplification de la voie alternative
d’activation du complément, dans laquelle C3 activé spontanément se lie au fac-
teur B, qui est ensuite clivé par le facteur D pour créer une C3 convertase qui clive
I
plus de C3. En ce qui concerne la fonction du C3 clivé, même si aucun récepteur
de C3 n’a pas encore été identifié chez les échinodermes, leurs phagocytes cap-
tent plus efficacement les cellules couvertes de C3 que les cellules non couvertes ;
bactérie il semble donc qu’un système du complément opsonisant fonctionnel, équivalent
au système ancestral que l’on avait prédit, existe vraiment chez ces invertébrés.
Fig. 16.5 Les composants d’un système du L’activation spontanée de la C3 et son amplification par le facteur B pose le même
complément rudimentaire sont présents
chez les échinodermes. Le système du problème pour les échinodermes que pour les mammifères : comment un tel sys-
complément des échinodermes ressemble à tème est-il régulé afin de prévenir des lésions tissulaires (voir les Sections 2-17 et
la voie alternative d’activation du complément 2-22) ? On ignore comment les échinodermes y parviennent, bien qu’il existe des
chez les mammifères. Les échinodermes
preuves indirectes de la présence d’un « facteur I » qui puisse inactiver C3, et il est
possèdent des équivalents de composants
du complément, C3 et le facteur B, qui possible que les gènes et leurs produits régulateurs du complément soient pré-
sont produits par des cœlomocytes, et sont sents, mais n’aient pas encore été identifiés. Le site de clivage par le facteur I est
également censés posséder des équivalents conservé dans le C3 des échinodermes, et des fragments de C3 compatibles avec
du facteur D et de la protéine régulatrice du
complément, le facteur I. Dans ce système,
le clivage à ce site peuvent être trouvés dans le fluide cœlomique. Chez les échino-
C3 activé spontanément s’attacherait à la dermes, toutefois, ce sont les cellules phagocytaires elles-mêmes qui produisent
surface des pathogènes, où il lierait à son les facteurs C3 et B (voir Fig. 16.5), et il est possible que ces cellules les sécrètent
tour le facteur B. Le clivage du facteur B par directement sur la surface des microbes, comme les cellules  T des mammifères
une protéase dans le fluide cœlomique, un
équivalent non encore identifié du facteur D, sécrètent leurs molécules effectrices directement dans l’interface qui les séparent
créerait la C3 convertase, C3bBb, qui peut de leur cible. Dans un tel cas, les protéines régulatrices qui empêchent le complé-
cliver et activer de nombreuses autres ment d’attaquer les propres cellules de l’organisme sont moins nécessaires.
molécules de C3. Puisque les cœlomocytes
des échinodermes sont des phagocytes qui Avec l’émergence des chordés, les principaux composants du système du complé-
captent facilement des cellules couvertes ment peuvent être identifiés. Chez l’urochordé, Ciona, dont la séquence complète
de C3, on pense qu’ils doivent exprimer un
récepteur de C3. Enfin, la C3 convertase est
du génome a été établie, des facteurs homologues de C3 et de B ont été identi-
inactivée par une autre protéase humorale non fiés, ainsi que plusieurs gènes homologues des intégrines, qui pourraient coder
identifiée, considérée comme l’équivalent du des récepteurs du complément. Chez un autre urochordé, Halocynthia, un récep-
facteur I. teur de type CR3 de la famille des intégrines intervient dans la phagocytose dépen-
dante de C3. Le marqueur caractéristique de nombreuses protéines régulatrices
chez les mammifères est un petit domaine appelé SCR (Short Consensus Repeat,
séquence courte répétée) ou CCP (Complement Control Protein repeat, séquence
répétée des protéines de contrôle du complément) (voir la Section 2-22). Plusieurs
gènes codant des protéines contenant ces domaines SCR ont été identifiés dans le
génome de Ciona, et certaines d’entre elles exercent probablement des fonctions
de régulation du complément.
On ignore l’ancienneté que peut avoir le système d’opsonisation du complément.
Des homologues de C3 ont été trouvés chez des invertébrés plus éloignés des ver-
tébrés que les échinodermes ou les urochordés, notamment chez la limule et la
drosophile, mais leur fonction n’a pas été définie. C3, qui est clivé et activé par des
sérine protéases, est clairement apparenté à l’α2-macroglobuline et semble pro-
venir d’une duplication du gène de cet inhibiteur de sérine protéase. Chez la dro-
sophile il semble y avoir au moins quatre homologues de C3 contenant un lien
thioester caractéristique de cette famille de protéines (voir la Section  2-15), ce
lien permet à la protéine activée de se lier de manière covalente à la surface des
agents pathogènes. Ces molécules sont regroupées sous le sigle TEP (ThioEster-
containing Proteins, protéines contenant une liaison thioester).
L’évolution du système immunitaire inné 719

On pense que les TEP exercent certaines fonctions immunitaires chez la droso-
phile, car l’expression d’au moins trois d’entre elles augmente lorsque la mouche
est infectée par des bactéries. La drosophile a des cellules phagocytaires (hémocy-
tes) dans l’hémolymphe, mais on n’a pas constaté jusqu’à présent d’activité opso-
nisante dans l’hémolymphe. De plus, les TEP sont synthétisées dans le corps gras
de la drosophile, l’équivalent du foie des mammifères, plutôt que par les cellules
phagocytaires elles-mêmes, comme c’est le cas pour l’homologue de C3 chez les
échinodermes. Ainsi, bien que les TEP de la drosophile soient clairement apparen-
tées à C3, elles pourraient jouer un rôle sensiblement différent. L’étude du mousti-
que Anopheles gambiae donne une image plus claire. Chez cet insecte, ce sont les
hémocytes qui produisent la protéine TEP1 et les infections induisent cette pro-
duction. Chez Anopheles, on constate également que TEP1 s’attache à la surface
bactérienne, et que les TEP sont impliquées dans la phagocytose des bactéries
Gram-négatives. L’origine du système du complément pourrait dès lors précéder
la ramification des bilatériens (animaux multicellulaires autres que les éponges et
les cœlentérés) en protostomes, qui comprennent les insectes, et les deutérosto-
mes, qui comprennent les échinodermes et les chordés (et donc les vertébrés).

16-7 La voie d’activation du complément par des lectines s’est développée


chez les invertébrés.

Après son apparition initiale, le système du complément semble avoir évolué par
l’acquisition de nouvelles voies d’activation, permettant aux surfaces microbiennes
d’être spécifiquement visées. Parmi ces nouveaux systèmes d’activation du complé-
ment, c’est probablement la voie de la ficoline qui est apparue la première. En effet,
elle existe chez les vertébrés ainsi que chez certains invertébrés qui leur sont étroi-
tement apparentés, les urochordés. Les ficolines font partie des collectines (voir la
Section  2-14), la famille à laquelle, chez les vertébrés, la lectine liant le mannose Le complément peut être activé par la voie
(MBL, Mannose-Binding Lectin) appartient. À l’instar des collectines, les ficolines ont des lectines chez les chordés invertébrés
un domaine de type collagène et un domaine de liaison aux glucides et forment une
structure polymérique qui ressemble à un bouquet de tulipes. Toutefois, le domaine facteur B
de liaison aux glucides n’est pas apparenté aux lectines de type C, comme la MBL, ficoline
mais est similaire au fibrinogène. Le domaine de liaison aux glucides des ficolines C3
peut lier la N-acétylglucosamine, comme le fait la MBL, même si cette dernière peut MASP facteur D
également lier des glucides contenant du mannose, que les ficolines ne reconnais-
sent pas. Sur le plan de l’évolution, les ficolines pourraient avoir précédé les collecti-
nes, qui sont également apparues d’abord chez les urochordés.
Une autre collectine homologue de la MBL et du composant C1q de la voie classi-
que du complément a été identifiée dans le génome de Ciona. Ce qui suggère que
dans l’évolution de l’activation de la voie classique du complément par les anti-
corps (voir la Section 2-13), la molécule d’immunoglobuline ancestrale, qui n’est
apparue que beaucoup plus tard, a profité d’une famille déjà diversifiée de collec-
tines plutôt que de diriger la diversification de C1q à partir d’une molécule ances- Fig. 16.6 Une voie d’activation du
complément par des lectines existe
trale de type MBL. L’activation du complément par des ficolines et des collectines chez les chordés invertébrés. Une voie
dépend des sérine protéases appelées MASP (MBL-Associated Serine Proteases, d’activation du complément dépendant de
sérine protéases associées à la MBL), qui sont capables de cliver et d’activer C2, C4 lectines a été découverte dans une ascidie, un
et C3. Chez les vertébrés, deux MASP différentes, MASP1 et MASP2, sont associées urochordé. Une ficoline, qui utilise un domaine
de type fibrinogène, plutôt qu’un domaine de
aux ficolines et collectines, et cela semble aussi être le cas pour les ficolines des lectine de type C pour s’attacher aux glucides
invertébrés. Deux protéines homologues des MASP des mammifères ont été iden- de la surface des pathogènes, est associée à
tifiées chez des invertébrés, dans l’espèce d’ascidie chez qui les ficolines avaient des sérine protéases homologues des sérine
protéases associées à la MBL, MASP1 et
été trouvées. La spécificité des MASP d’invertébrés n’a pas été déterminée, mais
MASP2. La liaison de la ficoline à une surface
il semble probable qu’elles soient capables de cliver et d’activer C3. La Fig.  16.6 cellulaire permet aux MASP de cliver et
illustre le système du complément dépendant de la ficoline chez les invertébrés ; il d’activer C3. C3b activé se lie au pathogène
fonctionne de manière identique aux voies dépendant de la MBL et de la ficoline et déclenche une boucle d’amplification, dans
laquelle le C3b lié interagit avec le facteur B,
chez les mammifères. Ainsi, le système du complément minimal des échinoder- lui permettant d’être clivé par le facteur D et
mes a été complété chez les urochordés par le recrutement d’un système d’activa- de créer ainsi une C3 convertase, C3bBb, qui
tion qui peut concentrer le dépôt de C3 sur les surfaces microbiennes. Le système clive C3 et produit plus de C3b.
720 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

d’activation du complément a continué à évoluer par le développement d’une col-


lectine de type C1q associée à ses MASP pour devenir les composants initiateurs
(C1q, C1r et C1s) de la voie classique du complément. Cela n’a pu se produire
qu’après apparition des molécules de reconnaissance antigénique spécifique du
système immunitaire adaptatif ; ce qui constitue notre prochain sujet.

Résumé.

Le système immunitaire inné assure une défense précoce contre une attaque par des
pathogènes et alerte le système immunitaire adaptatif du fait qu’une invasion par un
pathogène a commencé. Cette double fonction semble fonctionner par le biais d’une
voie de signalisation très ancienne, la voie Toll, qui est apparue longtemps avant le
système immunitaire adaptatif et est présente tant chez les invertébrés, que chez les
vertébrés. Dans certains organismes, le système immunitaire inné a subi une impor-
tante diversification, comme l’expansion de la famille des récepteurs de type Toll chez
l’oursin. Les premières molécules de défense apparues dans les organismes multicel-
lulaires ont probablement été des peptides antimicrobiens, qui sont produits par les
plantes et les animaux. Une autre composant de l’immunité innée chez les animaux,
les cellules phagocytaires qui capturent les pathogènes, pourraient s’être développés
à partir d’eucaryotes unicellulaires comme les amibes. Le système du complément
précède aussi les vertébrés ; on le trouve chez les échinodermes et les urochordés.

L’évolution de la réponse immunitaire adaptative.


L’évolution de l’immunité adaptative est un problème fascinant. Pendant longtemps,
son origine est restée obscure, en partie parce qu’elle semblait avoir émergé sou-
dainement comme un système biologique complet, à peu près au même moment
que les vertébrés à mâchoire. L’image devient maintenant de plus en plus claire, en
raison de l’application des méthodes moléculaires à un plus large éventail d’espè-
ces. Comme nous le verrons dans cette partie du chapitre, l’évolution de l’immunité
adaptative des vertébrés à mâchoire semble avoir été rendue possible par l’invasion
d’un gène considéré comme de type immunoglobuline et transmis par un élément
génétique transposable. Cela a conféré au gène ancestral d’immunoglobuline la
capacité de subir des réarrangements géniques somatiques et de créer ainsi la diver-
sité. Quand un élément d’ADN mobile s’excise lui-même d’un segment d’ADN, des
modifications sont introduites dans la séquence originale de l’ADN hôte lorsque les
extrémités coupées sont réunies ; ce qui est à l’origine de la diversité des récepteurs
d’antigène dans le système immunitaire adaptatif des vertébrés supérieurs.
Cependant, de récentes découvertes ont révélé que des espèces en dehors des
vertébrés à mâchoire avaient également développé des moyens de diversifier les
récepteurs reconnaissant des pathogènes qui, dans un cas au moins, semblent
générer un véritable système immunitaire adaptatif. Nous allons voir que la diver-
sification peut aussi être fondée soit sur un épissage alternatif d’un large éventail
d’exons dans un gène de type immunoglobuline, soit sur l’introduction de muta-
tions somatiques, soit sur des réarrangements géniques somatiques de gènes
d’une structure semblable à celle des récepteurs de type Toll.
Il reste aussi de nombreuses questions sans réponse en ce qui concerne l’immu-
nité adaptative des vertébrés. Quelle était la nature du gène qui a été envahi ? Il
doit avoir ressemblé à un membre de la superfamille des gènes d’immunoglobu-
lines et pourrait avoir déjà fonctionné comme un certain type de récepteur d’anti-
gène, ce qui lui aurait permis de fonctionner de manière appropriée dans sa forme
modifiée. Si c’était le cas, la recherche en serait considérablement simplifiée. Quelle
était la fonction du type cellulaire dans lequel cette immunoglobuline ancestrale
a été exprimée et qui pourrait faire bon usage de cette nouvelle aptitude à géné-
rer une diversité de molécules de reconnaissance antigénique ? Il pouvait s’agir
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 721

d’une cellule déjà de type lymphocytaire ou plutôt de type phagocytaire comme un


macrophage ou un leucocyte polynucléaire qui aurait perdu sa capacité de phago-
cytose tout en acquérant de nouvelles fonctions rendues possibles par l’expression
d’un récepteur d’antigène variable. On ignore la réponse à cette question. Cette cel-
lule aurait pu aussi ressembler à une cellule NK primitive, dans laquelle un récep-
teur invariant de la superfamille des immunoglobulines était déjà impliqué dans la
reconnaissance d’une molécule primitive de type CMH. Il se peut aussi que ce fut
un type cellulaire tout à fait différent qui n’existe plus chez les vertébrés.

16-8 Certains invertébrés génèrent une diversité extensive dans un répertoire


de gènes codant des protéines de type immunoglobuline.

Jusqu’à très récemment, on pensait que l’immunité des invertébrés était limitée
à un système inné dont la capacité de reconnaissance des pathogènes était très
restreinte. En effet, on savait que l’immunité innée des invertébrés était fondée
sur environ 10 récepteurs distincts de type Toll et un nombre semblable d’autres
récepteurs reconnaissant également des PAMP. On présumait que les invertébrés
n’avaient que ce petit nombre de récepteurs. Des études récentes ont toutefois mis
au jour au moins deux exemples de diversification extensive d’un membre de la
vaste superfamille des immunoglobulines, qui pourrait fournir une gamme éten-
due de récepteurs d’agents pathogènes.
Chez la drosophile, les cellules du corps gras et les hémocytes agissent comme des
éléments du système immunitaire. Les cellules du corps gras sécrètent, dans l’hé-
molymphe, des protéines, telles que les défensines antimicrobiennes. Une autre Fig. 16.7 La protéine Dscam de l’immunité
protéine présente dans l’hémolymphe est la Dscam (Down syndrome cell adhesion innée de la drosophile contient de multiples
domaines d’immunoglobuline et est très
molecule, molécule d’adhérence cellulaire du syndrome de Down), un membre de diversifiée par épissage alternatif. Le gène
la superfamille des immunoglobulines. Dscam a été découverte chez la mouche codant Dscam chez la drosophile contient
comme une protéine impliquée dans la mise en place du câblage neuronal. Elle plusieurs grands groupes d’exons alternatifs.
Les groupes 4 (vert), 6 (bleu clair), 9 (rouge)
est aussi produite par des cellules du corps gras et des hémocytes, qui peuvent la
et 17 (bleu foncé) contiennent respectivement
sécréter dans l’hémolymphe. Là, on pense qu’elle peut opsoniser des bactéries et 12, 48, 33 et 2 exons alternatifs. Pour chacun
favoriser leur ingestion par des phagocytes. de ces groupes, un seul exon alternatif est
utilisé dans l’ARNm de Dscam. Il existe une
La protéine Dscam contient plusieurs domaines de type immunoglobulines, habi- certaine différence dans l’utilisation des exons
tuellement 10. Le gène qui code Dscam a, toutefois, acquis un grand nombre d’exons dans les neurones, les cellules du corps gras
alternatifs pour plusieurs de ces domaines (Fig. 16.7). L’exon 4 de la protéine Dscam et les hémocytes. Les trois types cellulaires
utilisent l’ensemble des exons alternatifs pour
peut être codé par n’importe lequel de 12 exons différents, chacun spécifiant un les exons 4 et 6. Pour les exons 9, l’utilisation
domaine d’immunoglobuline de séquence différente. Le groupe 6 comporte 48 est restreinte aux hémocytes et aux cellules
exons, le groupe 9 en a 33, et le groupe 17 en contient 2. On estime que le gène de du corps gras. L’usage combinatoire d’exons
alternatifs dans le gène Dscam permet de
Dscam pourrait coder environ 38 000 isoformes. On a proposé un rôle immuni-
générer plus de 38 000 isoformes de la
taire pour Dscam lorsque que la phagocytose in vitro de E. coli par des hémocy- protéine. Adapté de Anastassiou, D.:
tes isolés dépourvus de Dscam s’est avérée moins efficace que normalement. Ces Genome Biol. 2006, 7:R2.

Le gène Dscam de la drosophile contient plusieurs grands groupes d’exons alternatifs qui subissent un épissage exclusif

groupes d’exons 4 groupes d’exons 6 groupes d’exons 9 groupes d’exons 17

1 12 1 48 1 33 12

Ainsi, le gène Dscam peut produire environ 38 000 isoformes de la protéine

38 000 = 12  48  33  2
722 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

observations suggèrent qu’au moins certains exons alternatifs de ce vaste répertoire


ont évolué pour diversifier l’aptitude des insectes à reconnaître les pathogènes. Ce
rôle de Dscam a été confirmé chez Anopheles gambiae ; l’inactivation du gène de
la protéine homologue de Dscam, AgDscam, a diminué la résistance normale du
moustique à des bactéries et au parasite du paludisme, Plasmodium.
Un autre invertébré, cette fois, un mollusque, utilise une autre stratégie pour diver-
sifier une protéine de la superfamille des immunoglobulines servant aux défenses
immunitaires. L’escargot planorbe Biomphalaria glabrata exprime une petite famille
de protéines apparentées au fibrinogène, les FREP (Fibrinogen-Related Proteins) qui
interviendraient dans l’immunité innée. Les FREP sont produites par les hémocytes
et sécrétées dans l’hémolymphe. Leur concentration augmente quand l’escargot est
infecté par des parasites ; il est l’hôte intermédiaire pour les schistosomes, parasi-
tes responsables de la schistosomiase humaine. Les FREP ont un ou deux domaines
d’immunoglobuline à leur extrémité aminoterminale et un domaine fibrinogène
à leur bout carboxyterminal. Les domaines d’immunoglobuline peuvent interagir
avec des pathogènes, tandis que le domaine du fibrinogène peut conférer aux FREP
des propriétés de lectine, qui contribuent à précipiter le complexe.
Le génome de B. glabrata contient de nombreuses copies des gènes FREP qui peu-
vent être répartis en quelques 13 sous-familles. Une étude des séquences des mem-
bres de la sous-famille FREP3 ont révélé que les FREP exprimées chez un individu
sont largement diversifiées par rapport aux gènes de la lignée germinale, qui com-
porterait cinq gènes de la sous-famille FREP3, mais on a trouvé que chaque escargot
pouvait générer plus de 45 protéines FREP3 distinctes, chacune avec une séquence
légèrement différente. Une analyse des séquences protéiques a suggéré que cette
diversification était due à l’accumulation de mutations ponctuelles dans l’un des
gènes de FREP3 de la lignée germinale. On ignore le mécanisme précis de cette
diversification et le type de cellule dans lequel elle se produit, mais on ne peut s’em-
pêcher de voir là une similitude avec l’hypermutation somatique, qui se produit au
cours de la réponse immunitaire humorale chez les vertébrés (voir la Section 4-18).
Le mécanisme utilisé par Biomphalaria représenterait un moyen de diversifier les
molécules impliquées dans la défense immunitaire ; à nouveau, celui-ci ressemble,
sur certains points, à la stratégie d’une réponse immunitaire adaptative.
Dans aucun de ces deux exemples, nous ne savons si la diversification des récep-
teurs s’accompagne d’une expression répartie de manière clonale des récepteurs
de différente spécificité. Ainsi, nous ne pouvons pas encore dire si ces mécanismes
remplissent les critères qui nous permettent de définir l’immunité adaptative, c’est-
à-dire la capacité de sélectionner des variants particuliers et la capacité de mémoire
immunologique. La prochaine section nous en donne, toutefois, un exemple.

16-9 Les agnathes ont un système immunitaire adaptatif qui utilise


un réarrangement génique somatique pour diversifier
des récepteurs produits à partir de domaines LRR.

Il est connu depuis au moins 50 ans que tous les poissons à mâchoire (les gna-
thostomes) sont capables de réponse immunitaire adaptative. Même les poissons
cartilagineux, le groupe de poissons à mâchoire le plus primitif encore survivant,
ont des tissus lymphoïdes organisés, des récepteurs de cellule  T, des immuno-
globulines et donc la capacité de monter des réponses immunitaires adaptatives.
L’immunité adaptative dans l’ensemble de ces organismes est basée sur l’assem-
blage des récepteurs de l’antigène par le mécanisme de recombinaison somatique
dépendant de RAG. Jusqu’à très récemment, on pensait que tous les invertébrés
et tous les agnathes étaient dépourvus de système immunitaire adaptatif. Cette
notion a été complètement inversée. Un examen attentif des espèces d’agnathes
survivantes a révélé qu’en fait ils sont capables de générer des réponses immuni-
taires, avec mémoire, contre des pathogènes et des allogreffes.
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 723

Depuis quelque temps, on savait que la myxine et la lamproie pouvaient rejeter


des greffes de peau et montrer une sorte d’hypersensibilité retardée. On a éga-
lement constaté un activité agglutinante spécifique dans leur sérum dont le titre
augmentait après une immunisation secondaire de manière semblable au com-
portement des anticorps chez les vertébrés supérieurs. Ces animaux ont aussi des
cellules qui, à l’instar de lymphocytes, semblent être activées rapidement après
stimulation par des mitogènes (transformation blastique). Toutefois, on n’a trouvé
ni thymus ni immunoglobulines.
Avec les progrès dans les techniques moléculaires, des travaux récents ont porté
sur la caractérisation des gènes exprimés par les cellules de type lymphocytaire
chez la lamproie Petromyzon marinus. Aucun gène apparenté à ceux des récep-
teurs de cellule T ou des immunoglobulines n’a été trouvé. Ces cellules expriment,
cependant, de grandes quantités d’ARNm de gènes codant de multiples domaines
LRR, domaine protéique dont sont faits les récepteurs de type Toll spécialisés dans
la reconnaissance des pathogènes.
Cela pourrait simplement signifier que ces cellules sont spécialisées dans la recon-
naissance et la réaction à des agents pathogènes, mais les protéines riches en LRR
ont réservé quelques surprises. Au lieu d’être présentes sous quelques formes,
comme dans la plupart des organismes, elles ont des séquences d’acides aminés
très variables et ont montré un type de réarrangement particulier, avec un grand
nombre d’unités variables LRR placées entre des unités LRR moins variables ami-
noterminales et carboxyterminales. Ces protéines faites de LRR, appelées VLR
(Variable Lymphocyte Receptors, récepteurs lymphocytaires variables), ont une
région tige invariante qui les relie à la membrane plasmique par un lien glyco-
sylphosphatidylinositol ; elles peuvent rester attachées à la cellule, ou à d’autres Fig. 16.8 Une recombinaison somatique
moments, être sécrétées dans le sérum comme des anticorps. d’un gène VLR germinal incomplet génère
un répertoire diversifié de gènes VLR
L’analyse de l’organisation gènes VLR exprimés par la lamproie a montré qu’ils sont complets chez la lamproie. Panneau
assemblés par un processus de réarrangement génique somatique (Fig. 16.8). Dans supérieur : une copie unique incomplète d’un
la configuration germinale, il n’existe qu’un seul gène VLR, mais incomplet. Il code gène VLR chez la lamproie contient un cadre
pour le gène complet : le peptide signal (SP),
un peptide signal, une unité LRR partielle aminoterminale et une unité LRR partielle une partie d’unité LRR aminoterminale
(NT, bleu foncé), et une unité LRR
carboxyterminale (rouge), qui est divisée en
En configuration germinale le gène VLR ne code pas un récepteur VLR complet deux parties (LRR et CT), par des séquences
d’ADN intermédiaires non codantes. Dans les
régions voisines proches du chromosome se
trouvent de multiples copies d’autres parties
LRR LRR LRR LRR LRR SP NT LRR CT tige de « cassettes » géniques VLR contenant une
V V NT 1 V
ou deux copies des domaines variables LRR
(vert) et des cassettes qui codent une partie
des domaines LRR aminoterminaux (bleu
clair et jaune). Panneau du milieu : par
Une recombinaison du gène VLR avec des séquences voisines produit un gène VLR complet un processus de recombinaison cellulaire
somatique, d’autres unités LRR sont utilisées
pour former un gène VLR complet. Le
SP LRR NT LRR LRR LRR LRR LRR CT tige gène VLR complet contient la cassette LRR
1 V V V aminoterminale assemblée (LRR NT) et
le premier LRR (jaune), suivi par plusieurs
unités LRR variables (vert) et l’unité LRR
carboxyterminale complétée. Le récepteur
Les produits des gènes VLR complets peuvent être présents à la surface cellulaire ou sécrétés comme molécules solubles est attaché, par la région tige (en violet)
à la membrane cellulaire par une liaison
glycosylphosphatidylinositol (GPI). Panneau
inférieur : chaque lymphocyte passe par
un réarrangement génique somatique pour
produire un récepteur VLR unique. Ces
récepteurs peuvent être attachés à la surface
du lymphocyte par l’intermédiaire d’une
liaison GPI ou peuvent être sécrétés dans le
sérum. Des événements de réarrangement
somatique unique dans chaque lymphocyte
en développement génèrent un répertoire de
Lymphocyte de lamproie récepteurs VLR de différentes spécificités.
Adapté de Pancer, Z. and Cooper, M.D.: Annu.
Rev. Immunol. 2006, 24:497-518.
724 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

carboxyterminale, mais ces trois blocs de séquence codante sont séparés par de l’ADN
non codant qui ne contient pas les signaux caractéristiques d’épissage de l’ARN, ni
les séquences signal de recombinaison (RSS, Recombination Signal Sequence) pré-
sentes dans les gènes des immunoglobulines (voir la Section 4-4). Toutefois, dans les
régions flanquant le gène VLR incomplet, il existe un grand nombre de « cassettes »
d’ADN contenant des unités LRR, un, deux ou trois domaines LRR à la fois.
Chaque lymphocyte de lamproie exprime un gène VLR unique et complet qui pro-
vient de la recombinaison du gène VLR germinal avec les régions qui le flanquent. Ces
unités LRR voisines semblent être incorporées de façon aléatoire dans le gène VLR au
cours des étapes qui mènent à l’achèvement de l’unité LRR de l’extrémité aminoter-
minale, suivie par l’ajout de domaines LRR internes et par la suppression de l’intérieur
Fig. 16.9 L’intégration d’un transposon
dans un gène de récepteur est à l’origine
des régions non codantes pour compléter la formation du domaine LRR carboxyter-
des gènes d’immunoglobulines et de minal. On cherche actuellement comment ce réarrangement se déroule ; la conversion
récepteurs de cellule T et de leur capacité génique pourrait en être le mécanisme. On estime que ce réarrangement somatique
de recombinaison somatique. Les pourrait générer dans les protéines VLR une diversité aussi vaste que celle des immu-
transposons sont des séquences d’ADN qui
peuvent se déplacer dans tout le génome,
noglobulines. Ainsi, la diversité d’un répertoire anticipateur chez les agnathes pourrait
s’exciser eux-mêmes d’un site et s’insérer être limitée non par le nombre de récepteurs potentiels qu’ils peuvent générer mais
dans un autre. Panneau de gauche : un par le nombre de lymphocytes présents chez tout individu, comme dans le système
transposon doit contenir deux éléments immunitaire adaptatif de leurs cousins phylogéniques, les gnathostomes.
fonctionnels : d’une part, une séquence
codant une transposase, l’enzyme qui excise
et intègre le transposon ; d’autre part, des
séquences que la transposase reconnaît 16-10 Une immunité adaptative basée sur un répertoire diversifié
spécifiquement, présentes à chaque extrémité de gènes codant des protéines de type immunoglobuline
du transposon et nécessaires pour que le
transposon puisse s’exciser ou s’intégrer dans est apparue brusquement chez les poissons cartilagineux.
l’ADN. Panneau du centre : après l’excision
de l’ADN (non représenté), le transposon est Chez les poissons à mâchoire et tous les vertébrés supérieurs, l’immunité adapta-
réintroduit ailleurs. La transposase clive l’ADN
tive est possible en raison d’un événement qui s’est produit chez un certain ancê-
génomique dans un site aléatoire, puis joint
les bouts du transposon aux extrémités libres tre des gnathostomes, lorsqu’un ADN mobile contenant le gène ancestral RAG des
de l’ADN génomique. Un transposon s’excise recombinases s’est inséré lui-même dans un segment d’ADN, probablement dans
par le processus inverse : la transposase un gène similaire à un gène de région V d’immunoglobuline ou de récepteur de
réunit les séquences terminales et retire le
transposon de l’ADN génomique. Panneau
cellule T. Les génomes des procaryotes et des eucaryotes contiennent une variété
de droite : au cours de l’évolution des gènes d’éléments mobiles d’ADN, appelés éléments transposables ou transposons, qui
d’immunoglobuline et du récepteur de cellule T peuvent se déplacer eux-mêmes, ou des copies d’eux-mêmes, pour gagner diffé-
(TCR), un événement initial d’intégration au rentes positions dans les chromosomes selon le processus dit de transposition.
milieu d’un gène de récepteur de surface
cellulaire a été suivi par des réarrangements
Les transposons contiennent deux éléments essentiels : d’une part, une séquence
d’ADN qui ont séparé les gènes de la codant une enzyme, appelée transposase, qui est un recombinase d’ADN capa-
transposase, que nous connaissons ble de couper l’ADN bicaténaire et d’y insérer ou exciser l’élément transposable,
maintenant comme gènes RAG-1 et et d’autre part des séquences répétées terminales qui sont reconnues par la trans-
RAG-2, à partir des séquences terminales du
transposon, que nous appelons à présent les posase et sont requises pour que l’élément puisse être excisé et inséré (Fig. 16.9).
séquences signal de reconnaissance signal Une conséquence importante de la transposition est le changement que l’inser-
(RSS, Recombination Signal Sequences). tion et l’excision causent dans l’ADN hôte. L’insertion d’un transposon conduit à la

Les transposons codent des enzymes, Au cours de l’évolution des locus


les transposases, qui leur permettent de se déplacer La transposase clive l’ADN d’immunoglobuline et de TCR, le réarrangement
et de s’intégrer dans des séquences reconnues et y insère le transposon du transposon intégré a séparé les sites
par la transposase d’intégration des gènes de la transposase

gène
de transposase V RSS RSS J

gènes de récepteur

RAG-1 RAG-2

séquences répétitives terminales


gènes de transposase

gène de récepteur
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 725

formation de courtes séquences supplémentaires à chaque extrémité de l’élément


intégré ; le processus d’excision laisse ces séquences dans l’ADN et produit égale-
ment une rupture dans l’ADN hôte, ce qui requiert l’intervention des mécanismes
de réparation de l’ADN, dont on sait qu’ils sont sujets à erreur.
Dans la théorie du transposon supposé avoir donné le coup d’envoi de l’évolu-
tion du système immunitaire adaptatif des vertébrés, la transposase serait à l’ori-
gine de la recombinase RAG ancestrale. Après l’intégration d’origine, il semble que
les séquences du transposon codant la recombinase se soient séparées de leurs
séquences de reconnaissance. Cela aurait pu survenir simplement par la délétion
des gènes de la transposase dans le transposon intégré dans le gène primordial du
récepteur du système immunitaire, tandis qu’une copie du transposon ailleurs dans
le génome retenait les gènes de la transposase mais perdait les séquences de recon-
naissance (les répétitions terminales). Les répétitions terminales laissées dans le
gène du récepteur immunitaire sont devenues les séquences signal de recombinai-
son (RSS, Recombination Signal Sequences) qui encadrent les segments géniques
d’immunoglobulines et les gènes des récepteurs de cellule T, alors que les séquen-
ces codant les transposases sont devenues les gènes RAG-1 et RAG-2, qui codent
maintenant la recombinase, essentielle au réarrangement génique des récepteurs
d’antigène (voir la Section 4-5). Un transposon a été proposé depuis de nombreuses
années comme étant à l’origine des gènes RAG. En effet, ceux-ci n’ont pas d’introns
ce qui est inhabituel pour les mammifères, mais qui est caractéristique des transpo-
sons. Que l’action des protéines RAG sur les RSS soit similaire au mécanisme d’exci-
sion d’un transposon était bien connue, mais ce n’est que tout récemment que l’on
a montré que les protéines RAG actuelles pouvaient catalyser l’insertion dans l’ADN
d’un fragment d’ADN contenant les RSS, un processus identique à la transposition.
L’origine de réarrangement génique somatique dans l’excision d’un élément trans-
posable donne du sens à un paradoxe apparent dans le réarrangement des gènes
du système immunitaire. En effet, les RSS sont joints de manière précise dans
l’ADN excisé, qui n’a pas d’autre fonction et dont le sort n’a aucun intérêt pour la
cellule, alors que les bouts coupés dans l’ADN génomique, qui font partie du gène
d’immunoglobuline ou de récepteur de cellule T, sont joints par un processus sujet
à erreur, ce qui apparaît comme un inconvénient. Cependant, si l’on regarde cela
du point de vue du transposon, cela a du sens, puisque le transposon préserve son
intégrité par ce mécanisme d’excision, alors que le sort de l’ADN qu’il laisse der-
rière lui n’a aucune importance pour lui. En fait, la jonction sujette à erreur dans
le gène de l’immunoglobuline primitive a généré, dans des molécules servant à la
reconnaissance antigénique, une diversité très utile, qui dès lors a fait l’objet d’une
forte sélection. Plus tard, duplication, réduplication et recombinaison du gène de
récepteur immunitaire et de ses RSS ont abouti aux locus segmentés des immuno-
globulines et des récepteurs des cellules T des vertébrés actuels.

16-11 La cible du transposon a probablement été un gène codant un récepteur


de surface cellulaire contenant un domaine V de type immunoglobuline.

Les protéines contenant des domaines de type immunoglobuline sont omnipré-


sentes que ce soit dans les plantes, les animaux ou les bactéries, ce qui fait de
cette superfamille protéique l’une des plus abondantes ; dans les espèces dont
les génomes ont été entièrement séquencés, la superfamille des immunoglobuli-
nes se trouve être l’une des plus grandes familles de domaines protéiques dans le
génome. Les fonctions des membres de cette superfamille sont très disparates, et
ceci illustre bien le processus de sélection naturelle, qui utilise le domaine de type
immunoglobuline pour l’adapter à différentes fins.
La superfamille des domaines d’immunoglobuline peut être divisée en qua-
tre familles sur base de différences de structure et de séquence : les domaines V
ressemblent à un domaine variable d’immunoglobuline  ; les domaines C1 et
C2 ressemblent eux aux domaines de région constante d’immunoglobuline ; les
726 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

domaines I sont plus variés. Les domaines V, C1 et C2 sont présents dans de nom-
breuses molécules du système immunitaire. Par exemple, les immunoglobulines
et les récepteurs des cellules T ont des domaines V et C1, les molécules CD4 et CD8
ont des V et, dans le cas de CD4, des domaines C2, alors que les molécules du CMH
de classe I et II ont des domaines C1. Les molécules d’adhérence ICAM et VCAM
contiennent des domaines C2 et I. Les domaines I semblent être les plus dispara-
tes. Ils sont non seulement présents dans les molécules d’adhérence du système
immunitaire, mais aussi dans des protéines non immunitaires, par exemple, dans
des protéines musculaires comme la titine et la twitchine.
Le domaine ancestral dans lequel le transposon s’est inséré pour créer l’aptitude
au réarrangement a certainement été un domaine V. Ce domaine était très proba-
blement lié à un domaine C1 pour former un récepteur transmembranaire, ce qui
correspond à la structure de base des récepteurs de cellule T et des immunoglobu-
lines. Il est possible que le récepteur originel pourrait avoir été un domaine V cou-
plé à un domaine C2, une combinaison trouvée, par exemple, dans les récepteurs
KIR des cellules NK et dans d’autres membres de la famille étendue des récepteurs
leucocytaires (voir la Section 2-31), avec une évolution subséquente de C2 en C1
dans la lignée qui a conduit aux immunoglobulines et aux récepteurs de cellule T,
bien que ceci paraisse moins probable. Des gènes avec ces deux types d’organisa-
tion ont été trouvés chez l’urochordé Ciona : deux gènes contiennent des domai-
nes V associés à des domaines C2, et deux autres contiennent des domaines V liés
à des domaines C2 et de type C1. Les deux derniers sont les plus susceptibles d’être
l’ancêtre des récepteurs d’antigène des vertébrés.
Deux familles supplémentaires de protéines d’invertébrés contenant des domai-
nes V ont été identifiées chez le céphalochordé Branchiostoma (l’amphioxus).
Une famille comprend des protéines contenant des domaines V d’immunoglobu-
line associés à des domaines liant la chitine plutôt qu’à des domaines C d’immu-
noglobuline. La seconde famille est représentée par une protéine contenant un
domaine V lié à un domaine à plusieurs segments transmembranaires. Dans ces
deux cas, rien n’indique que ces protéines exercent une fonction immunitaire.

16-12 Les processus de diversification des immunoglobulines peuvent


différer d’une espèce à l’autre.

La plupart des animaux que nous connaissons génèrent une grande partie de la
diversité de leurs récepteurs d’antigène de la même manière que les humains, en
mettant ensemble des segments géniques dans différentes combinaisons, comme
décrit dans les Chapitres 3 et 4. Nous avons noté toutefois quelques exceptions, (voir
la Section 4-19), et nous y revenons à présent. Certains animaux utilisent un réar-
rangement génique pour joindre les mêmes segments V et J d’abord, puis diversifier
cette région V recombinée. Chez les poulets et les lapins, il est diversifié par conver-
sion génique dans la bourse de Fabricius (chez les poulets) ou un autre organe
lymphoïde intestinal (chez le lapin) (Fig. 16.10). D’autres animaux peuvent diver-
sifier leur répertoire principalement par hypermutation somatique d’une région V
recombinée assez invariante. La génération d’une certaine diversité des immuno-
globulines dans les plaques de Peyer iléales du mouton pourraient dépendre de ce
mécanisme, bien que la conversion génique intervienne aussi dans cette espèce.
Les locus des immunoglobulines dans les poissons osseux et les vertébrés supé-
rieurs sont organisés de telle manière que des blocs séparés contenant des
régions V répétées se situent en amont des blocs des régions D (dans le locus VH)
et des blocs des régions J. En revanche, les poisson cartilagineux ont de multiples
copies de cassettes distinctes VL-JL-CL et VH-DH-JH-CH, et activent le réarrangement
au sein des cassettes individuelles (voir Fig. 16.10). Bien que ces mécanismes diffè-
rent du processus canonique décrit au Chapitre 4, dans lequel la diversité est géné-
rée par réarrangement génique combinatoire, dans la plupart des cas, il y a encore
une exigence pour un événement de réarrangement somatique.
L’évolution de la réponse immunitaire adaptative 727

V[1–65] D[1–27] J[1–6] C


Locus d’une chaîne
lourde humaine

Locus d’une chaîne


lourde de requin

Locus d’une chaîne


légère chez les
raies et les requins

pseudogènes VH
Locus d’une chaîne
lourde de poulet

Chez les raies et les requins du genre Carcharhinus, certains des gènes d’immuno- Fig. 16.10 L’organisation des gènes
globulines ne sont pas générés par réarrangement. Au lieu de cela, ces organismes d’immunoglobulines est différente
selon les espèces, mais toutes peuvent
ont de multiples régions VL « réarrangées » (et parfois des régions VH réarrangées) générer un répertoire varié de récepteurs.
dans le génome germinal (voir Fig. 16.10) et génèrent la diversité apparemment L’organisation des gènes de la chaîne lourde
par activation de la transcription de différentes copies. Ce sont des exemples de des immunoglobulines chez les mammifères,
dans laquelle il y a des groupes séparés
systèmes d’immunoglobulines non combinatoires, mais au sens strict, il reste la
de segments géniques V, D et J répétés,
diversité combinatoire correspondant à la liaison des chaînes lourdes et légères. n’est pas la seule solution au problème de
Il est improbable que cette organisation des locus de chaînes légères représente créer un répertoire diversifié de récepteurs.
une étape évolutive intermédiaire, car dans ce cas, les gènes de chaîne lourde et D’autres vertébrés ont trouvé des solutions
de rechange. Dans des groupes « primitifs »,
de chaîne légère auraient dû acquérir, indépendamment, la capacité de réarran- comme les requins, le locus consiste en de
gement par un processus de convergence plutôt que par une évolution divergente. multiples répétitions d’une unité de base
Il est beaucoup plus probable que, après la divergence des poissons cartilagineux, composée d’un segment génique V et de un
des locus d’immunoglobulines chez un ancêtre commun de ce groupe se sont ou deux segments géniques D, un segment
génique J et un segment génique C. Une
réarrangés dans la lignée germinale par activation des gènes RAG dans les cellules version plus extrême de cette organisation
germinales, les locus réarrangés étant alors transmis tels quels à la descendance. se trouve dans le locus de la chaîne légère
Dans ces espèces, les locus germinaux remaniés pourraient conférer certains avan- de type λ de certains poissons cartilagineux
tages ; un assortiment préformé de chaînes d’immunoglobulines pourrait s’avérer comme les raies et les requins du genre
Carcharhinus, dans laquelle l’unité répétée est
utile au début du développement avant qu’un répertoire complexe ne soit établi constituée de gènes VJ-C déjà réarrangés,
ou pour assurer des réponses rapides à des agents pathogènes communs. à partir de laquelle un choix aléatoire est fait
lors de l’expression. Chez les poulets, il y a
La principale forme d’immunoglobuline chez les poissons cartilagineux est l’IgM, un seule série de segments géniques qui se
ce qui est vrai également pour les poissons osseux. Les poissons cartilagineux ont réarrangent dans le locus de la lourde chaîne,
au moins deux types de chaînes lourdes d’immunoglobulines que l’on ne trouve mais de multiples copies de pseudogènes
du segment V. La diversité de ce système est
pas dans des espèces évoluées plus récemment. L’une, l’IgW, a six domaines de créée par conversion génique, dans laquelle
région constante, tandis que l’autre, l’IgNAR (NAR pour New Antigen Receptor, les séquences des pseudogènes VH sont
nouveau récepteur d’antigène) semble être apparenté à l’IgW, mais a perdu le pre- copiés dans le seul gène réarrangé VH.
mier domaine constant et ne s’apparie pas avec des chaînes légères ; elle forme un
homodimère dans lequel chaque domaine V constitue un site distinct de liaison à
l’antigène. On pense que la molécule d’IgW est présente seulement comme récep-
teur de surface cellulaire sur les cellules B, fonction qui aurait été reprise par l’IgD,
qui apparaît chez les poissons osseux. Cette variabilité permet de penser que,
chez les poissons cartilagineux primitifs des immunoglobulines étaient apparues
récemment et projetaient des variants à tester par la sélection naturelle.

16-13 Les récepteurs de cellule T α:β et γ:δ sont présents chez les poissons
cartilagineux.

Ni les récepteurs des cellules T, ni les immunoglobulines n’ont été trouvés dans
l’évolution des espèces plus tôt que les poissons cartilagineux. De manière
728 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

surprenante, quel que soit le caractère plus ou moins lointain de leur apparition,
les récepteurs d’antigène ont essentiellement la même forme que celle des mam-
mifères. L’identification des homologues de la chaîne β et la chaîne δ du TCR du
requin, et des chaînes α, β, γ et δ de la raie, montrent que, même à une période
très ancienne, ces récepteurs du système immunitaire adaptatif étaient présents et
qu’ils s’étaient déjà séparés dans au moins deux systèmes de reconnaissance. De
plus, chacun montre une diversité résultant d’un réarrangement somatique com-
binatoire. Bien que nous ne comprenions pas encore pleinement le rôle des cellu-
les T γ:δ dans le système immunitaire adaptatif des mammifères, une divergence
survenue aussi tôt des deux types de récepteurs des cellules T et leur conservation
au cours de l’évolution suggère une séparation précoce de leurs fonctions.

16-14 Des molécules du CMH de classe I et de classe II sont aussi trouvées


d’abord chez les poissons cartilagineux.
On s’attendait à voir les ligands spécifiques des récepteurs des cellules T, les molé-
cules du CMH, émerger à la même période de l’évolution. En effet, les molécules du
CMH sont présentes chez les poissons cartilagineux et dans toutes les espèces supé-
rieures mais, comme les récepteurs de cellule T, on ne les trouve pas chez les agna-
thes ou les invertébrés. Les gènes de la chaîne α et de la chaîne β du CMH de classe I et
de classe II sont présents chez les requins, et leurs produits semblent fonctionner de
la même façon que les molécules du CMH de mammifères. Les principaux résidus du
sillon liant le peptide qui interagissent avec les extrémités du peptide, dans les molé-
cules du CMH de classe I, ou avec la région centrale du peptide, dans les molécules
du CMH de classe II, sont conservés dans les molécules du CMH de requin.
En outre, les gènes du CMH des requins sont polymorphes, avec de multiples allè-
les des locus de classe I et de classe II. Chez certaines espèces, plus de 20 allèles du
CMH de classe I ont été identifiés à ce jour. Pour les molécules du CMH de classe II
du requin, tant les chaînes α que β de classe II sont polymorphes. Ainsi, non seu-
lement la fonction de molécules du CMH dans la sélection de peptides pour la
présentation a évolué au cours de la séparation des agnathes et des poissons car-
tilagineux, mais la sélection continue imposée par les pathogènes a entraîné le
polymorphisme qui est une caractéristique du CMH.
Les gènes du CMH de classe I peuvent être classés en gènes du CMH de classe I
classique (parfois appelé classe Ia) et en gènes du CMH de classe I non classique dit
de classe Ib (voir la Section 5-17). Ce qui s’observe également chez les poissons car-
tilagineux, puisque certains gènes de classe I des requins ressemblent à des molé-
cules de classe Ib des mammifères. Toutefois, on pense que les gènes de classe Ib
du requin ne sont pas les ancêtres directs des gènes de classe Ib des mammifères.
Au lieu de cela, certains gènes de classe Ib, notamment CD1 et certains qui ont des
fonctions distinctes de la présentation d’antigène, comme la zinc-α2-glycoprotéine
et le récepteur de Fc néonatal de type CMH, FcRn (voir la Section 9-15), semblent
avoir évolué rapidement, avant la divergence des poissons cartilagineux à partir de
la lignée des vertébrés, et sont susceptibles d’avoir des homologues dans tous les
vertébrés. Pour les autres gènes de classe I, il semble que, dans chacune des cinq
grandes lignées de vertébrés étudiées (les poissons cartilagineux, les sarcoptéry-
giens, les actinoptérygiens, les amphibiens et les mammifères), ces gènes se soient
séparés de façon indépendante en locus classiques et non classiques.
Ainsi, les caractéristiques des molécules du CMH sont toutes présentes lors de leur
apparition, et il n’existe pas de formes intermédiaires pour guider notre compré-
hension de leur évolution. Ainsi, même si on peut retracer l’évolution des compo-
sants du système immunitaire inné, le mystère de l’origine du système immunitaire
adaptatif persiste encore largement.
Quelle a été la force sélective qui a guidé l’évolution de l’immunité adaptative chez
les vertébrés supérieurs ? On a émis l’hypothèse étonnante que l’acquisition des
mâchoires aurait permis une grande diversification des aliments avec, comme
Résumé du Chapitre 16 729

conséquence, l’exposition des tissus intestinaux à des produits résistants comme les
exosquelettes chitineux ou les coquilles aurait favorisé les infections. Toutefois, l’ac-
quisition d’une mâchoire n’est qu’un des multiples changements survenus lors du
passage des agnathes aux vertébrés à mâchoire, tant dans l’organisation corporelle
des vertébrés que dans leur développement et leur mode de vie. De plus, certains
mollusques, notamment les céphalopodes à bec comme les pieuvres et calamars,
avalent aussi des proies enveloppées d’un coquille ou contenant des os. C’est pour-
quoi, cette caractéristique alimentaire en elle-même ne semble pas être une force
suffisamment sélective pour le développement de l’immunité adaptative.
En fait, nous reconnaissons maintenant que les agnathes ont leur propre forme
d’immunité adaptative, même si celle-ci s’est établie à partir d’un ensemble d’élé-
ments constitutifs différents. Nous n’avons pas de réponse certaine à la question
de savoir quelles sont les forces qui ont conduit à l’élaboration, sous la dépen-
dance de RAG, de l’immunité adaptative, mais nous conclurons en citant Charles
Darwin qui à la fin de L’évolution des espèces écrivait : une quantité infinie de bel-
les et admirables formes, sorties d’un commencement si simple, n’ont pas cessé de se
développer et se développent encore.

Résumé.

Considérée autrefois comme un « big bang immunologique » totalement inexplica-


ble, l’évolution d’une réponse immunitaire adaptative chez les vertébrés à mâchoire
est, pense-t-on, liée à la l’insertion aléatoire d’un transposon dans un des gènes de
la superfamille des immunoglobulines. Cet événement doit avoir eu lieu dans une
cellule germinale d’un ancêtre des vertébrés. Par chance, les séquences termina-
les du transposon ont été placées dans un site approprié dans le gène du récepteur
antigénique primordial, ce qui a permis la recombinaison somatique intramolécu-
laire, ouvrant ainsi la voie au réarrangement somatique des gènes d’immunoglobu-
lines et des récepteurs de cellule T des mammifères. Les gènes de la transposase (les
gènes RAG), probablement du même transposon, se sont séparés des séquences ter-
minales du transposon et se sont désormais retrouvées sur un autre chromosome.
Beaucoup d’animaux autres que les vertébrés à mâchoire peuvent générer une
diversité d’une ampleur, jusque là insoupçonnée, dans le répertoire des récep-
teurs qui reconnaissent les pathogènes. Citons le contenu génomique extensif des
récepteurs de type  Toll chez l’oursin  ; les vastes possibilités d’épissage alternatif
d’un assortiment d’exons codant des domaines d’immunoglobuline chez la dro-
sophile ; le mécanisme de mutation somatique chez le mollusque Biomphalaria.
Quant aux vertébrés primitifs, les poissons sans mâchoire, ils ont acquis un sys-
tème immunitaire adaptatif qui repose sur une base totalement différente  : la
diversification des domaines LRR plutôt que des domaines d’immunoglobuline,
mais qui semble avoir les caractéristiques essentielles de la sélection clonale et de
la mémoire immunologique d’un véritable système immunitaire adaptatif.

Résumé du Chapitre 16.

L’évolution du système immunitaire, résumée dans la Fig. 16.11, a été surtout un


processus graduel de diversification croissante à partir d’un petit nombre de très
anciennes voies de reconnaissance et effectrices, le processus s’accélérant brus-
quement par l’acquisition spectaculaire l’immunité adaptative. Après cela, le
rythme progressif et stable de développement et de diversification a repris. Depuis
l’époque des ancêtres communs aux animaux et aux plantes, des peptides anti-
microbiens ont été un mécanisme de défense de base, complété plus tard par la
conservation de cellules phagocytaires mobiles capable d’éliminer des microbes
envahisseurs. Des systèmes d’immunité innée qui facilitaient, de manière plus
efficace, l’ingestion des pathogènes par les phagocytes sont alors apparus ; le pre-
mier a été une version simple de la voie alternative d’activation du complément,
730 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

qui a été suivie par l’évolution d’une voie passant par des lectines. Nous recon-
naissons maintenant qu’une forme d’immunité adaptative existe chez des verté-
brés primitifs, le agnathes, sur la base d’un système de réarrangement de gènes
de LRR plutôt que sur des gènes d’immunoglobulines et de récepteurs de cel-
lule T. L’immunité adaptative chez les poissons à mâchoire a émergé d’un système
immunitaire ancestral encore inconnu, avec l’évolution rapide d’une gamme com-
plète de récepteurs de cellules T et d’immunoglobulines, en même temps que les
Fig. 16.11 Vue d’ensemble de l’évolution
molécules présentatrices d’antigène du CMH de classe I et classe II. La suite de
des systèmes immunitaires innés et l’évolution a servi à affiner le système immunitaire adaptatif, mais sa nature est
adaptatifs. restée essentiellement inchangée.

Requin
Drosophile Oursin Ascidie Lamproie (élasmo- Carpe Grenouille Serpent Poulet Homme
(insecte) (échinoderme) (tunicier) (agnathe) branche) (téléostéen) (amphibien) (reptile) (oiseau) (mammifère)

Immunité adaptative Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Réarrangement des Non Non Non Non Oui


immunoglobulines Oui Oui Oui Oui Oui

Réarrangement des Non Non Non Oui Non Non Non Non Non Non
gènes VLR

Réarrangement
combinatoire du Non Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui
récepteur de cellule T
Molécules Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui
polymorphes du CMH Non Non Non

Voie classique
du complément Non Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui

C3 et facteur B Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Lectine liant Non ? Oui Déduit Déduit Oui Déduit Déduit Oui Oui
le mannose

Ficolines Non ? Oui Déduit Déduit Déduit Déduit Déduit Déduit Oui

MASP Non ? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Récepteurs Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
de type Toll

Peptides Oui Déduit Déduit Déduit Déduit Déduit Oui Oui Oui Oui
antibactériens
Références 731

Questions.

16.1 Décrivez les caractéristiques qui distinguent l’immunité innée de l’immunité


adaptative.

16.2 (a) Un système immunitaire adaptatif pourrait-il être basé sur un répertoire de
récepteurs qui ne subit pas de réarrangement génique somatique ? (b) Le génome
de l’oursin contient un gène que l’on pense être apparenté au transposon ancestral
du RAG. Qu’est-ce que cela implique quant à l’évolution alternative de l’immunité
adaptative chez les agnathes et les vertébrés à mâchoire ?

16.3 Drosophila melanogaster peut exprimer un répertoire varié d’isoformes de Dscam.


Est-ce que cela implique qu’elle a une immunité adaptative ? Expliquez votre réponse.

Hoffmann, J.A., Kafatos, F.C., Janeway, C.A., and Ezekowitz, R.A.:


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16-2 Les peptides antimicrobiens sont probablement
les moyens de défense immunitaire les plus anciens. 16-4 Les gènes des récepteurs de type Toll se sont fortement
diversifiés chez certaines espèces d’invertébrés.
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16-3 Les récepteurs de type Toll pourraient représenter
le mode de reconnaissance des pathogènes le plus ancien. Ferrandon, D., Jung, A.C., Criqui, M., Lemaitre, B., Uttenweiler-Joseph, S.,
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732 Chapitre 16 : L’évolution du système immunitaire

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16-12 Les processus de diversification des immunoglobulines
16-8 Certains invertébrés génèrent une diversité extensive peuvent différer d’une espèce à l’autre.
dans un répertoire de gènes codant des protéines
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Références 733

16-13 Les récepteurs de cellule T α:β et γ:δ sont présents


chez les poissons cartilagineux.

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16-14 Des molécules du CMH de classe I et de classe II sont


aussi trouvées d’abord chez les poissons cartilagineux.

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735

La boîte à outils
APPENDICE i
de l’immunologiste

Immunisation.
Les réponses immunes adaptatives naturelles sont normalement dirigées contre
des antigènes de micro-organismes pathogènes. Le système immunitaire peut
aussi répondre à des antigènes inertes, et c’est sur ces antigènes simples que les étu-
des fondamentales visant à une meilleure compréhension de la réponse immune
ont été concentrées. L’induction délibérée de la réponse immune est appelée
immunisation. Les immunisations expérimentales sont pratiquées couramment
par injection d’un antigène à l’animal ou à l’homme. La réponse immune dépen-
dra de la voie, de la dose et de la forme d’administration de l’antigène, ces facteurs
affect

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