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La prise d’empreinte

L a prise d’empreinte est une étape clef dans


la réalisation de prothèse dentaire. Elle doit
assurer un transfert précis des données cli-
niques vers le laboratoire où seront réalisées les
prothèses. De sa fidélité dépend en partie l’adap-
● Les polysulfures : ce sont les thiocols, ils po-
lymérisent par un phénomène de pontage disul-
fure à l’origine de leur odeur tenace. Ils ont une
prise lente (8-10min), et sont peu compressifs ce
qui est appréciable en prothèse adjointe. Le chef
1 tation finale, et la réussite du traitement (pho- de file est le Permlastic®.
tos 1 à 4). De nombreux matériaux sont à notre ● Les silicones C : la première génération de si-
disposition, avec chacun des qualités et des dé- licone. Peu précis et instables, ils sont aujourd’hui
fauts. De plus, toutes les situations cliniques ne utilisés comme silicone bon marché pour faire
se ressemblent pas. La réussite de l’empreinte des clefs à provisoire (ex : Xantopren®) .
est donc conditionnée par des facteurs liés aux
matériaux utilisés, par la technique du prati- Polymérisation par addition
cien, et par la situation clinique. Les élastomères peuvent aussi polymériser par
addition. Ce second mode ne dégage aucun rési-
FACTEURS INTRINSÈQUES du au cours de l’allongement de la chaîne. La sta-
AUX MATÉRIAUX bilité dans le temps de l’empreinte est alors bien
meilleure. Dans les élastomères par addition, on
On regroupe classiquement les matériaux à em- retrouve les polyéthers et les « silicones A ».
2 preintes en différents groupes selon leur compo-
sition chimique. Chaque famille de produits aura ● Les polyéthers : Matériau stable et précis
des propriétés physicochimiques particulières apparu dans les années 1970. On obtient une
qui, en fonction de la situation, pourront être un rigidité très importante après la prise. On
avantage ou un inconvénient. Certaines proprié- constate une gamme de viscosité peu étendue
tés sont recherchées quel que soit le contexte (ex : Impregum ®, Permadyne ®) .
clinique: précision, mouillabilité, hydrophilie, ● Les silicones A : Derniers matériaux mis
stabilité. D’autres caractéristiques devront être au point (années 75). Ils offrent une très bonne
adaptées à la situation rencontrée : viscosité, du- précision et une bonne stabilité. Leur coût est
reté, temps de prise. élevé. Ils ont été récemment améliorés par l’ad-
La précision concerne la capacité pour le ma- jonction de surfactant pour corriger leur man-
tériau à enregistrer les détails, mais aussi à per- que d’hydrophilie. (ex : Virtual ®, Aquasil ®) .
mettre leur reproduction sur le modèle de tra-
vail. La coulabilité de l’empreinte est donc très
importante dans la précision de reproduction Les hydrocolloides
de notre empreinte. Cette précision est vaine si On distingue les réversibles, qui sont constitués d’un
elle s’altère dans le temps. Or, aucun matériau gel dit « agar-agar » et les irréversibles à base de sel
à empreinte n’est parfaitement stable dans le d’alginate de sodium. Les réversibles ont une réti-
temps et la rapidité avec laquelle sera coulée culation qui est dépendante de la température. On
l’empreinte sera plus ou moins capitale selon le réchauffe le matériau pour le liquéfier, puis après
matériau utilisé. mise en place en bouche le porte empreinte est
La quasi totalité des matériaux à empreintes sont refroidi afin de gélifier l’empreinte. Ces matériaux
des polymères, le reste étant des matériaux dits hydrocolloides sont très bon marché, ils offrent une
3 « inélastiques ». Dans l’ensemble des polymères reproduction des détails très importante car ils sont
on distinguera un premier groupe, les élastomè- très faciles à couler. Ils sont cependant très fragi-
res : silicones, polysulfures, et polyéthers ; et un les et doivent être coulés immédiatement après la
second groupe, les hydrocolloides : irréversibles prise de l’empreinte car composés en grande partie
et réversibles. Voyons succintement les proprié- d’eau qui s’évapore vite.
tés de chacun de ces matériaux. D’autres matériaux sont utilisés comme le plâtre,
ou la pâte à l’oxyde de zinc. Ces deux matériaux
Les élastomères sont très précis, très stables et d’un coût très faible.
Les élastomères peuvent polymériser selon deux Mais leur utilisation n’est pas des plus ergonomi-
modes. ques. Ils sont en général réservés aux empreintes
en prothèse complète.
Polymérisation par condensation Ces différentes propriétés font qu’un matériau est
A chaque fois qu’un monomère s’ajoute à la plus ou moins adapté à une situation clinique don-
chaîne en construction, un résidu est dégagé au née. Dans le cas d’une prothèse adjointe, le temps
4 cours de la réaction. Ce résidu est en général un de prise doit être suffisamment long pour conférer
gaz avec plus ou moins d’eau. Ce résidu va être à notre empreinte son caractère physiologique (Par
éliminé de l’empreinte assez rapidement (par ex : polysulfures, polyéthers).
Photos 1 et 2: Situation avant empreintes.
On note la position de la limite de la préparation juxta gingivale. évaporation) et est à l’origine d’une instabilité Dans le cas de prothèse sur implant, ou lors d’em-
Photo 3 : Empreinte double mélange, silicone A. dimensionnelle importante. Les empreintes doi- preinte de repositionnement, la stabilité du trans-
vent alors être coulées dans les plus brefs délais. fert est primordiale. On attendra donc de notre
Photo 4: Modèle de travail, copie fidèle
32 et précise de la situation clinique. Dans les élastomères condensant, on retrouve empreinte une rigidité importante après sa prise
les polysulfures et les « silicones C ». (Par ex : polyéthers, silicone).

LE FIL DENTAIRE N o6 JUIN 2005


Par le Dr Olivier Guastalla et le Dr Yves Allard

Stockage des matériaux


Il est à noter que les matériaux à empreintes
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doivent être stockés dans de bonnes condi-
tions. Nous l’avons vu, la grande majorité des
matériaux à empreintes sont des polymères.
Même sans être mélangés, des réactions chi-
miques vont avoir lieu entre le matériau et le
milieu ambiant. Ces réactions chimiques vont
petit à petit altérer les propriétés du matériau.
Afin de réduire cette réactivité chimique, les
matériaux à empreintes doivent être stockés
au frais, en général à une température de 5°C.
On peut envisager de conserver les matériaux
à empreintes (et les autres polymères, comme
les composites et les colles) dans un frigo. Il
faudra juste les laisser à température ambian-
te en cas d’utilisation, afin qu’il retrouve une
viscosité compatible avec leur emploi.

FACTEURS LIÉS
AU PRATICIEN
Le praticien va pouvoir agir à différents ni-
veaux afin d’augmenter les chances de succès
de son empreinte: en situant les limites de la 6
préparation, en gérant les tissus mous dans la
période précédant l’empreinte, et en maîtri-
sant sa technique d’empreinte.
Pouvoir enregistrer les limites d’une prépara- 7
tion nécessite deux impératifs :
● Que la limite de la préparation soit à
une distance suffisante du fond du sul-
cus. En effet, l’empreinte doit aller au delà de
la limite de notre préparation. Ce qui permet
de détourer sans ambiguïté le modèle positif
unitaire, et permet de conserver une infor-
mation concernant le profil d’émergence. Il
faut donc idéalement situer la limite de notre
préparation entre 0 et 50% de la profondeur
du sulcus. Plus la position de la limite se rap-
proche de 100% de la profondeur sulculaire et
plus l’empreinte est difficile. La mise en place 8
d’un fil délicatement dans le sulcus durant la
phase de préparation permet de respecter ces
critères (photos 5 à 8). Si la limite empiète
sur le système d’attache gingivale il est alors
temps d’envisager un réaménagement des tis-
sus parodontaux avant de poursuivre tout acte
prothétique.
● Que la limite de préparation soit di-
rectement visible avant l’empreinte.
On ne doit pas avoir de gencive recouvrant
la préparation. Ce n’est possible que si les
tissus mous ont été correctement gérés dans Photo 5 et 6: Mise en place d’un cordonnet
les jours précédant l’empreinte. La qualité rétracteur avant l’empreinte.

du provisoire (adaptation, état de surface) Photo 7: Empreintes silicone A, double mélange.


permet d’obtenir une gencive saine et ferme Photo 8: Modèle de travail, les limites
permettant l’empreinte. L’hygiène du patient sont visibles à 360°.

joue aussi un rôle important en limitant l’in-


flammation et donc le saignement de la gen-
cive (photos 5 à 8).
Si ces deux conditions sont remplies, la tech-
nique d’empreintes n’a pas beaucoup d’im- avoisiner les 100%.
portance. Les surfaces dentaires sont séchées, Si ces deux conditions ne sont pas remplies, il va
puis le matériau à empreintes est injecté au falloir adapter notre technique d’empreinte pour
plus prés des limites des préparations et l’em- surmonter les difficultés qui se présentent.
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preinte est prise. Le taux de réussite doit alors Passons en revue les moyens qui s’offrent à nous :
LE FIL DENTAIRE N o6 JUIN 2005
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La wash technique
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L’utilisation de deux viscosités au cours de l’em-
preinte permet de chasser un matériau fluide
vers les limites de notre préparation. Si on réa-
lise l’empreinte en deux temps (technique de
la wash), il faut veiller à évider copieusement
la « coque » en matériau lourd avant de mettre
le light en place. En effet, si le light ne peut pas
s’échapper suffisamment, il va comprimer le Guidage des matériaux
lourd qui étant déjà polymérisé aura un com- Enfin diverses techniques permettent de guider
portement élastique. Quand l’empreinte va être le matériau à empreintes au plus prés possible
sortie, le lourd va se détendre, et l’empreinte pa- de la limite de préparation. On peut préparer des
raîtra précise, mais ne sera pas fidèle. La réplique coques unitaires. On fait ainsi une sorte de mini
en plâtre risque alors d’être sous dimensionnée.
10 porte empreinte unitaire sur la préparation à en-
registrer, puis on fait une sur-empreinte globale.
Le fil de rétraction On peut aussi faire préparer au laboratoire un
porte empreinte contenant autant de logettes
● La mise en place de fil dans le sulcus, permet que de piliers à enregistrer.
dans une certaine mesure de l’ouvrir temporai-
rement et de limiter les écoulements de fluide Conclusion
créviculaire. Un fil peut être laissé en place au
fond du sulcus durant l’empreinte (photos 9 à Nous l’avons vu, une empreinte dépend d’une
13). On peut aussi retirer le fil juste avant la mise situation, d’une technique et d’un matériau.
en place du matériau à empreinte, voire combi- Le praticien doit avoir à l’esprit que la réussite
ner les deux solutions en positionnant deux fils. d’une empreinte est un travail en amont. C’est
Cependant l’attache épithéliale est très fragile et dans la précision et le positionnement des limites
le risque est grand de la léser au cours de cette qu’une grande partie de l’empreinte se joue. En-
manœuvre. Il pourra dans certains cas en résul- suite, la façon dont seront gérés les tissus mous
11 dans l’intervalle de temps séparant la prépara-
ter une récession gingivale à court ou moyen
terme. tion de la dent, de la prise d’empreinte, est aussi
très importante. La provisoire ne doit être à l’ori-
● Certains agents chimiques permettent d’inter- gine d’aucune inflammation, et l’hygiène du pa-
rompre les saignements et de rétracter tempo- tient rigoureuse. Si ces différents éléments sont
rairement la gencive marginale par une action correctement pris en compte, alors la technique
astringente puissante. Ces produits sont effica- d’empreinte et les performances des matériaux
ces, mais onéreux. utilisés passeront au second plan.

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Photo 9 : Mise en place d’un cordonnet rétracteur. Les Dr Olivier Guastalla
limites de la préparation sont visibles.
Diplômé de la faculté d’odontologie
Photo10 : Situation finale: couronnes Empress 2.
(Remarquez le détail de l’intégration biologique).
de Paris V
Ancien interne des hôpitaux de Paris
Photo 11: Empreinte avec fil en place au fond du sulcus
au moment de l’empreinte. Assistant à la faculté d’odontologie
Photo 12: Une fois le fil retiré.
de Lyon
Photo 13: Plusieurs modèles de fil. Dr Yves Allard
Maître de conférence à la faculté
d’odontologie de Lyon.
Faculté d’odontologie de Lyon
Service de Prothèse
Rue Guillaume Paradin
34 69372 LYON Cédex 08

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