Edition

Une France
1,20 €
n° 1168 du 21 juin 2020
Justice et Liberté
actualités le magazine

Tous les enfants iront-ils

à l’école lundi ?

THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE

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Tous les écoliers et collégiens sont attendus en classe demain. Reste à savoir si les établissements et les élèves seront au rendez-vous. page 2

Une Fête de la musique… inédite Au Mont-Saint-Michel,

le lent réveil
de la Merveille
page 14
Quand Alzheimer
Gestes barrières, concerts en ligne… s’invite dans la famille
La France s’apprête à vivre
une Fête de la musique inédite.
Exemple à Pontivy (notre photo),
dans le Morbihan, et à Pornic,
en Loire-Atlantique.
THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE

page 8
PETER MASZLEN, FOTOLIA
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 France

Les élèves tous accueillis pour la rentrée demain ?

Les écoliers et collégiens doivent revenir en classe « de manière obligatoire » ce lundi, a annoncé
Emmanuel Macron. Reste à voir si les établissements et les élèves seront au rendez-vous.
« Les crèches, les écoles, les collè-
ges se prépareront à accueillir à par-
tir du 22 juin tous les élèves, de
manière obligatoire et selon les
règles de présence normale. » Cette
phrase du président de la Républi-
que le 14 juin a signé l’accélération
du déconfinement tant attendu.
Un kit juridique
pour les parents
Mais dès le lendemain, la crainte que
cet accueil soit impossible s’est diffu-
sée. En effet, un décret paru le 14 juin
précise : « Dans les écoles élémen-
taires et les collèges, l’observation
d’une distanciation physique d’au
moins un mètre s’applique unique-
ment dans les salles de classe et
tous les espaces clos. » Une con-
trainte qui empêche un accueil à
temps complet des élèves, ont alors
alerté les chefs d’établissement,
impatients de recevoir le protocole
sanitaire allégé.
Finalement, le document a été
publié à 21 h le mercredi, au grand
dam des équipes éducatives, con-
traintes de revoir en deux jours leur
organisation. Si la distanciation d’un
mètre n’est pas possible, dit-il, « alors
l’espace est organisé de manière à
maintenir la plus grande distance
Ce que prévoit le protocole sanitaire à compter du 22 juin
La fin
des groupes En maternelle
limités à 15 élèves Aucune règle ne s’impose entre
en élémentaire
et collège, les élèves d’une même classe ou
et à 10 élèves d’un même groupe, mais un mètre
doit être maintenu entre les élèves
en maternelle de groupes différents.
En élémentaire et au collège
L’incitation Dans les espaces clos, au moins
aux cours un mètre recommandé entre élèves
à l’air libre lorsque c’est matériellement possible.
En extérieur, pas de règle entre
les élèves d’un même groupe.
L’accès
autorisé aux jeux,
bancs et espaces
collectifs extérieurs La
s’ils sont nettoyés désinfection Obligatoire au collège
tous les jours quotidienne La lorsque les élèves se déplacent
des salles et limitation et dans les classes pour les élèves
des objets du brassage âgés de plus de 11 ans,
partagés d’élèves lorsque la distanciation
d’un mètre n’est pas
Source : ministère de l’Éducation nationale- Photo : Thierry Creux. possible.
possible ». De quoi accueillir tous les s’insurge Rodrigo Arenas, coprési- mettre le gouvernement face à ses
élèves, sur le papier. Le décret va dent de la FCPE (fédération de responsabilités », la FCPE a mis en
donc évoluer en ce sens d’ici lundi, a parents), qui s’attriste d’être appelé ligne un kit juridique pour les parents
précisé Jean-Michel Blanquer. par des parents en pleurs. « Lundi, éconduits « afin de saisir le tribunal
Or plusieurs écoles et collèges ont aucun enfant ne doit rester sur le administratif ».
décidé de maintenir un accueil partiel carreau. Je pense surtout aux
des élèves. « C’est inacceptable », enfants qui vont mal. » Aussi, « pour Laetitia HÉLARY.

Des parents partagés entre soulagement et inquiétude

Pour beaucoup de parents, partagés
depuis trois mois entre gardes des
enfants, école à la maison et télétra-
vail, les mots d’Emmanuel Macron,
dimanche, ont retiré un gros poids
dans l’organisation familiale.
À l’image de Marie, « très conten-
te » de ce retour en classe à temps
complet. Sa fille est scolarisée en CP,
à l’école Liberté, dans le centre-ville
de Rennes. « On avait eu des crain-
tes sur le virus pour la reprise des
cours le 11 mai, donc notre fille n’a
repris qu’à partir du 1er juin, deux
jours par semaine, explique Marie.
Mais là, pour le coup, je n’ai plus
d’inquiétudes, depuis qu’on connaît
la faible dangerosité pour les
enfants. »
« C’est l’ascenseur
émotionnel »
Marie ne travaille pas, mais avait déci-
dé de remettre sa fille « pour son
bien-être, pour qu’elle retrouve la
dynamique de l’école. Les quinze
jours à temps complet vont lui per-
mettre de finir son année scolaire en
disant au revoir à tous ses camara-
des. Comme elle est fille unique, ses
amis comptent beaucoup. »
Rescolariser leur enfant à temps
complet, d’autres parents en rêvent,
mais certains établissements ont
décidé de maintenir l’accueil à temps
partiel malgré les consignes gouver-
nementales.
Comme dans cette école privée de
la banlieue rennaise (sous contrat
avec l’État), où Vincent, papa de deux
enfants en maternelle et CE1, est
Certains parents ont choisi de poursuivre l’école à la maison.
| PHOTO : FRANCK DUBRAY, OUEST-FRANCE
dans « l’incompréhension ». les du ministère. » Un coup dur pour
« C’est vraiment l’ascenseur émo- sa compagne, qui s’occupe des
tionnel, confie-t-il. Mercredi, j’étais enfants depuis le confinement, tout
prêt à sabrer le champagne quand en télétravaillant, et dont l’employeur
Jean-Michel Blanquer a confirmé ne comprend pas l’impossibilité de
l’allègement du protocole sanitaire revenir au bureau. « Les enfants ont
et l’accueil de tous les élèves, mais aussi besoin de ces quinze jours
jeudi, ce fut la douche froide : la d’école », plaide Vincent.
direction de l’école nous a annoncé Mais ce retour obligatoire en classe
le maintien de l’accueil sur deux est aussi rejeté par des parents, qui
jours, à cause du protocole contrai- se sont organisés autrement. Cer-
gnant et des injonctions paradoxa- tains ont déjà envoyé les enfants chez
les grands-parents, d’autres crai-
gnent la reprise de l’épidémie.
« C’est dommage, pour deux
semaines, de risquer une deuxième
vague », estime Élise, qui vit en Hau-
te-Marne. Elle a décidé de poursuivre
l’école à la maison avec ses trois
enfants (Moyenne section, CP et
CM1) pour « laisser la place à des
enfants plus dans le besoin et pour
soulager les enseignants ».
Elle a même fait une demande offi-
cielle d’instruction à domicile pour
être « réglo », mais s’est faite « seri-
née » par la direction académique.
« De toute façon, la directrice de
l’école m’a dit que je ne serais pas
inquiétée. »
« L’épidémie n’est pas finie »
Même décision pour Ludivine, qui vit
près de Dijon (Côte-d’Or), inquiète de
voir les masques de moins en moins
présents dans les rues. « Je ne tra-
vaille pas en ce moment et Emma
(CE1) et Chloé (Moyenne section) ont
trouvé leur rythme à la maison. La
grande a même fini le programme. »
La mère de famille ne voulait pas
tout bouleverser pour huit jours seule-
ment (il n’y a pas classe le mercredi).
D’ailleurs, dans son village de
2 000 habitants, elle n’est pas la seule
à avoir pris cette décision. « La goutte
d’eau, c’est l’abandon de la distan-
ciation en maternelle. Je n’ai pas
confiance dans le nouveau protoco-
le sanitaire. Chez nous, les hospitali-
sations ne baissent pas. L’épidémie
n’est pas finie. »
L. H.

La France déconfine cinémas, stades, casinos…
Dès demain, les sports collectifs vont pouvoir reprendre et les lieux de divertissement
rouvrir. Sauf les discothèques, dont les patrons menacent de saisir le Conseil d’État.
C’est sûr désormais, les Français vont
pouvoir retourner demain dans les
salles obscures. Le Premier ministre
Édouard Philippe, en campagne au
Havre pour le second tour des élec-
tions municipales, l’a confirmé hier.
Les centres de vacances, les casinos
et les salles de jeux vont aussi pouvoir
rouvrir.
Les basketteurs, footballeurs et
handballeurs peuvent également se
réjouir : les sports collectifs vont pou-
voir reprendre dès demain, en plein
air comme dans les gymnases. Les
stades vont également être accessi-
bles, mais uniquement pour la prati-
que sportive.
En revanche, les sports de combat
restent interdits, sauf pour le haut
niveau.
Et les discothèques ?
Le 11 juillet marquera une autre étape
du déconfinement, puisque ce sera
la fin de l’état d’urgence sanitaire en
métropole.
À cette date, les stades ouvriront au
public, comme les hippodromes.
Mais ils accueilleront au maximum
5 000 personnes, au moins jusqu’en
septembre. Mi-juillet, un point sera
fait sur la situation épidémiologique,
afin de décider ou non de mesures
comme la reprise des matchs de
Ligue 1 de football.
Par ailleurs, le 11 juillet, les croisiè-
res fluviales seront à nouveau possi-
bles, et les partenaires européens
vont examiner la possibilité de
reprendre les croisières en mer entre
les ports européens. En septembre, il
faudra aussi trancher pour les croisiè-
res maritimes internationales, ainsi
que pour les foires, expositions et
salons.
Éditorial
« La Flamme de la résistance »
« L’espérance doit-elle disparaî-
tre ? La défaite est-elle définitive ?
Non ! Croyez-moi […] rien n’est
perdu pour la France. » C’était le
18 juin 1940, voici 80 ans. De Lon-
dres, la voix du général de Gaulle
s’est élevée. Il redonnait courage à
un peuple en pleine débâcle, déso-
rienté, écrasé sous le poids d’une
défaite cinglante. Il appelait à le
rejoindre pour poursuivre le com-
bat.
Cet appel a été commémoré, jeu-
di, à Londres, le « berceau de la
France libre, le pont des obstinés
de la Liberté », a déclaré le prési-
dent de la République. Emmanuel
Macron a manifesté la reconnais-
sance de la France envers le Royau-
me-Uni en décorant Londres de la
Légion d’honneur. Car, sans les Bri-
tanniques, l’Histoire aurait pris un
cours bien différent.
Cet hommage a dévoilé le lien qui
Monde/France
Les sports collectifs vont pouvoir reprendre, en plein air comme dans
les gymnases.
Reste une inconnue : les discothè-
ques, les grandes oubliées, qui réali-
sent un chiffre d’affaires d’un milliard
d’euros. Elles emploient 43 000 sala-
riés, 100 000 si l’on compte la sécuri-
té. Hier, les patrons de boîte de nuit
ont menacé d’attaquer devant le Con-
seil d’État la décision de ne pas rou-
vrir avant septembre. « Le gouverne-
ment signe notre arrêt de mort »,
estime l’Union des métiers et des
industries de l’hôtellerie (UMIH). « Ce
unit nos pays. Un lien plus fort que
nos divisions présentes. Un lien tis-
sé dans la nuit du douloureux com-
bat. Nuit si profonde que l’étoile de
l’espérance s’était réfugiée dans le
cœur des hommes abritant la flam-
me de la Liberté.
Dans la débâcle, le courage du
général de Gaulle avait rencontré
celui de l’indomptable Winston
Churchill. Lucide, précis, le général
de Gaulle avait compris l’enjeu :
« Cette guerre n’est pas limitée au
territoire de notre malheureux
pays. Cette guerre n’est pas tran-
chée par la bataille de France. Cet-
te guerre est une guerre mondia-
le. »
Peu de Français entendirent cet
appel. Mais certains s’embar-
quaient déjà pour l’Angleterre. Ain-
si, ces jeunes typographes de
L’Ouest Eclair : Roger Leprince,
Ollive et leurs amis. D’autres, en
| PHOTO : BÉATRICE LE GRAND, OUEST-FRANCE
n’est pas plus dangereux d’aller
danser que d’aller au cinéma, de
prendre l’avion ou le train », pense
Laurent Lutse, président de la bran-
che établissements de nuit. À Mon-
tauban-de-Bretagne, en Ille-et-Vilai-
ne, le gérant du Tremplin a fait part
cette semaine de son intention
d’entamer une grève de la faim si rien
n’est décidé avant la fin juin.
Florence PITARD.
Par Jeanne Emmanuelle Hutin
France, entrèrent dans la clandesti-
nité et la résistance. À la Libération,
ces résistants furent aux avant-pos-
tes de la reconstruction de la démo-
cratie et de la fondation d’une pres-
se libre et indépendante. Ainsi
naquit Ouest-France pour « servir
l’ordre des personnes dans la Cité
du Bien Commun ce qui veut dire
beaucoup au politique, au social,
au spirituel », écrivit Paul Hutin (1).
L’appel du 18 juin n’a rien perdu
de son éclat. Il résonne aujourd’hui
en réveillant les consciences. Il
appelle au courage, à la lucidité, à
la liberté, à la volonté. Il montre qu’il
est toujours possible de se dégager
de la confusion, de refuser de vivre
sous l’emprise de la peur, de se
détourner des chemins de servitu-
de.
Avec courage et abnégation, cet-
te génération a réussi à reconstruire
le pays en alliant la justice et la liber-
Le monde en bref
Plusieurs personnes
poignardées près de Londres
La police britannique a indiqué, hier
soir, intervenir à Reading, à l’ouest de
Londres, sur un « incident grave » qui
a fait plusieurs blessés, des médias
indiquant que des personnes avaient
été poignardées. « Un certain nombre
de personnes ont été blessées et ont
été emmenées à l’hôpital », a indiqué
sur Twitter la police locale, précisant
qu’un homme avait été arrêté sur pla-
ce et placé en garde à vue.
Covid-19 : 2,5 millions de cas
en Europe
L’Europe passe la barre des 2,5 mil-
lions de cas de coronavirus. Avec
plus de 192 000 décès, elle reste le
continent le plus touché par la pandé-
mie, malgré la progression de la
maladie en Amérique Latine et
notamment au Brésil où on décomp-
te un million de cas et près de
49 000 décès.
Novartis met fin à ses essais
cliniques
Le géant pharmaceutique suisse
Novartis a annoncé hier qu’il mettait
fin à ses essais cliniques avec
l’hydroxychloroquine, faute de partici-
pants. Un accord avait été conclu fin
avril avec l’Agence américaine du
médicament afin de tester le médica-
ment sur les malades du Covid-19.
Belgique : le maire de Bruges
poignardé
Le maire de Bruges, Dirk De fauw, a
été poignardé au cou hier en fin de
matinée. Le suspect pourrait être un
ancien client du maire et avocat,
« avec un passé psychiatrique », sup-
pose le quotidien Het Laatste
Nieuws. Une enquête pour tentative
de meurtre a été ouverte.
té : « On ne peut pas vivre en récla-
mant uniquement des droits. Il y a
aussi des devoirs, il faut s’y sou-
mettre », déclarait un compagnon
survivant de cette époque. Notre
devoir est de continuer à construire
le pays pour les jeunes générations.
Et cela en évitant de lui transmettre
le fardeau de notre dette économi-
que, le poids du désastre écologi-
que et des dérégulations qui fragili-
sent l’espèce humaine, son milieu
de vie et ses repères fondamen-
taux.
Ainsi, nous serons dignes des
bâtisseurs d’hier et de l’appel du
général de Gaulle qui déclarait aus-
si : « La Flamme de la résistance
française ne doit pas s’éteindre et
ne s’éteindra pas. »
(1) « Vive la France », Paul Hutin,
Ouest-France, 18-9-44

« L’Amérique jugera l’Europe sur la Chine »
Comment les pays européens sont-ils passés de prédateurs à proies, interroge, dans son dernier
essai (1), François Heisbourg qui croit, cependant, en notre capacité de résistance. Et de ressort.
Entretien
François
Heisbourg,
conseiller à la
Fondation pour
la recherche
stratégique.
| PHOTO : OUEST-FRANCE
ARCHIVES
On entend beaucoup parler
d’une sorte de nouvelle guerre
froide, entre les États-Unis
et la Chine. Le terme est-il
approprié ?
Le parallèle avec la guerre froide mar-
che sur un point, le monde sera pro-
bablement assez bipolaire entre la
Chine et les États-Unis, mais le mon-
de est beaucoup plus compliqué
qu’il ne l’était. La capacité des États-
Unis et de la Chine à structurer
l’ensemble du système international
n’a rien à voir avec la capacité dont
faisaient preuve le camp occidental
et l’URSS. Le monde n’est plus le
monde de la guerre froide.
Le bras de fer stratégique
est pourtant très évident…
Les États-Unis ont toujours eu une
vision stratégique de ce qui se passe
dans la région Asie/Pacifique. Ils
n’ont jamais regardé la région com-
me une sorte de grande usine avec
laquelle le reste du monde pourrait
travailler. Cela fait dix ans que l’Améri-
que regarde la montée de la Chine
comme étant un défi stratégique. Ne
conduisant pas forcément à une
guerre froide, mais pouvant y condui-
re.
Depuis quand le climat
s’est-il tendu ?
Au cours des trois dernières années.
Je me réfère au discours de Xi Jin-
ping au XIXe congrès du Parti com-
muniste, en 2017. Le leader chinois
expliquait que dorénavant il y a un
modèle chinois, que la Chine est
grande, qu’elle n’entend plus cacher
sa brillance, pour reprendre la formu-
le de Deng Xiaoping. Sur le plan stra-
tégique mondial, la Chine a été plutôt
une puissance de statu quo. Xi Jin-
ping a sifflé la fin de cette partie.
Justement, on a le sentiment
que les Européens se réveillent
enfin et comprennent les risques
d’une dépendance économique
vis-à-vis de Pékin…
Les problèmes avec la Chine ont
commencé avant la pandémie, lors-
que la diplomatie chinoise a com-
mencé à pousser les Européens à se
mettre en position de dépendance
technologique par l’acquisition de la
5G en Chine, on a vu là les débuts de
la manifestation de la Chine super-
puissance. Mais tout s’est accéléré, la
pandémie a eu un effet de turbo. À la
fois du côté chinois, et du côté améri-
cain.
Monde
Donald Trump et le président Xi Jinping en juin 2019. Les relations étaient, alors, franches et cordiales. | PHOTO : KEVIN LAMARQUE, REUTERS
Avec une diplomatie chinoise
agressive et un net raidissement
nationaliste…
Ce régime a deux sources de légitimi-
té. Au cours des quarante dernières
années, la très grande majorité de la
population chinoise est sortie de la
pauvreté, une immense classe
moyenne a été créée, et toute person-
ne de plus de quarante ans en Chine
sait, d’expérience, d’où vient le pays,
combien les choses étaient épouvan-
tables avant. Cela a donné corps à
cette légitimité de performance. Or,
avec le Covid-19, l’économie chinoise
a subi un coup de frein très sérieux.
C’est un peu comme le choc pétrolier
pour nous en 1973, qui mettait fin aux
Trente Glorieuses.
D’où le raidissement…
Oui. L’autre élément de légitimité est
nationaliste. C’est le Parti communis-
te qui a permis le retour de la Chine, la
restauration de la place de la Chine
comme grande puissance. Lorsqu’il
n’y a plus suffisamment de beurre, il
est toujours possible de sortir les
canons. C’est cela qui explique la
virulence de ce à quoi nous assistons
en ce moment de la part du gouver-
nement chinois, l’affaire de Hong
Kong, la diplomatie des loups com-
battants (ainsi s’appellent les diplo-
mates chinois), les incidents de fron-
tière avec l’Inde, l’aggravation des
relations avec Taïwan et, bien enten-
du, le choc avec les États-Unis, qui
n’est pas attribuable seulement aux
Chinois. Les Américains y sont pour
quelque chose.
On voit les Européens divisés
et prudents. Est-ce la bonne
stratégie ?
Il est assez naturel de ne pas courir à
la confrontation. Après tout, nous
n’avons pas, nous, de contentieux
majeur à solder avec la Chine. Son
régime peut nous déplaire, son com-
portement peut, et doit, nous inquié-
ter, mais nous n’avons pas de raisons
particulières de chercher des poux
dans la tête des Chinois. Du moins,
tel était le cas jusqu’à la pandémie.
Les Européens, dans tout cela, ont
d’abord péché par naïveté. Cela a
commencé à changer l’an dernier, du
fait du comportement de plus en plus
prédateur de la Chine.
Depuis quelques mois,
on constate même un virage
au niveau européen…
Oui, la Commission parle désormais
de compétition systémique avec la
Chine, qui est perçue comme une
menace.
Le recentrage stratégique
européen vous semble enclenché ?
Oui, il est enclenché. Il est tardif, com-
pliqué pour les raisons évoquées,
mais il est là. Et on a une pierre de tou-
che qui permettra à tout un chacun
de juger dans les mois qui viennent
de ce diagnostic. C’est l’affaire de la
5G.
Pourquoi est-ce si important ?
La 5G, c’est l’ensemble des systèmes
électroniques qui permettront de fai-
re fonctionner l’économie en ligne
dans les dix années qui viennent.
Vous imaginez ce qui se passe le jour
où l’ensemble de notre économie en
ligne est entre les mains d’opérateurs
dont l’allégeance est nécessairement
par rapport au gouvernement chi-
nois ? Donc, on pouvait penser il y a
encore six mois que les Chinois réus-
siraient à imposer leur technologie
sur la 5G, même si on a en Europe,
Nokia et Ericsson. Mais là, c’est fini.
Votre livre parle des prédateurs
qui rôdent autour de l’Europe,
elle reste une proie ou s’est réveillée ?
L’Europe ne cesse pas d’être une
proie pour l’Amérique, la Chine et la
Russie, tout en ayant des relations de
nature très différente. Les Américains
restent nos alliés, les Chinois ne sont
pas à nos frontières, la Russie n’a pas
les mêmes moyens de puissance
que Pékin ou Washington, mais ces
trois puissances ont vis-à-vis de
l’Union européenne le même regard
torve.
Le prisme atlantique perdurera ?
Oui, le prisme atlantique va perdurer.
L’Europe n’est pas une superpuis-
sance, nous ne sommes pas préda-
teurs, nous n’en avons pas les
moyens. Bien sûr, l’Amérique de
Donald Trump est très différente de
ce que serait celle de Joe Biden, mais
il y a un consensus sur la Chine. Cela
veut dire que les relations entre Amé-
ricains et Européens seront plus com-
pliquées. L’Amérique jugera l’Europe
suivant la façon dont l’Europe aidera
ou s’opposera à la politique américai-
ne vis-à-vis de la Chine. Cela promet
des moments très difficiles.
Les Européens peuvent tirer
leur épingle du jeu ?
Nous ne sommes pas les gens déca-
dents que dépeignent les propagan-
des de Pékin et Moscou, ni des bour-
dons stratégiquement dépendants
que Donald Trump décrit. L’Europe
c’est quand même autre chose, et on
le voit depuis quelques semaines
dans la réaction sur le plan économi-
que. On a une capacité de ressort. Et
l’opinion allemande semble prête à
suivre la Chancelière sur une voie
nouvelle. Quand j’observe ce qui se
passe aux États-Unis ou en Chine, on
n’a pas à rougir.
Propos recueillis par
Laurent MARCHAND.
(1) Le temps des prédateurs : la Chi-
ne, les États-Unis, la Russie et nous,
Odile Jacob, 237 pages, 22,90 €.
E-book, 17, 99 €.
 France

Climat : le rapport final rendu aujourd’hui
La Convention citoyenne pour le climat conclut ses travaux.
Le Président Macron recevra ses membres le 29 juin.
Les 150 membres de la Convention
citoyenne pour le climat concluent
aujourd’hui leurs travaux après neuf
mois d’auditions et de réunions.
Depuis vendredi, ils votent les
150 mesures qu’ils ont fait émerger
au cours de leurs échanges au sein
de cinq groupes de travail thémati-
ques : se loger, se déplacer, se nour-
rir, consommer, produire et travailler.
Parmi les mesures adoptées par la
Convention : une taxe de 4 % sur les
dividendes distribués au-delà de
10 millions d’euros, destinée à finan-
cer la transformation « verte » de
l’appareil productif.
Adoptée, aussi, l’introduction dans
le droit pénal français du crime
« d’écocide », une proposition rejetée
récemment au Sénat et à l’Assem-
blée nationale. « Réformer l’ensei-
gnement et la formation agricole »,
« développer les circuits courts »…
figurent également dans la liste des
mesures adoptées hier.
La semaine de travail de
quatre jours a été rejetée
Rejetée, en revanche, à 65 %, l’instau-
ration de la semaine de travail de qua-
tre jours, « sans perte de salaire,
dans un objectif de sobriété et de
réduction de gaz à effets de serre ».
Les débats furent passionnés. « Indé-
fendable dans le contexte actuel », a
dit notamment Mélanie, une des
membres de la Convention, qui ne
sont mentionnés en séance que par
150 citoyens ont été tirés au sort.
| PHOTO : TANGI JAILLET, PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
leur prénom. « On a voulu dire que le
modèle et le système ne nous con-
viennent pas, alors osons », a défen-
du à l’inverse Annie.
Les membres de la Convention pro-
céderont, aujourd’hui au vote final de
leur rapport, qui sera remis à la minis-
tre de la Transition écologique, Élisa-
beth Borne. Et devraient d’être reçus,
le 29 juin, par le président Macron.
Celui-ci devrait leur apporter de « pre-
mières réponses » et certaines de
leurs propositions pourraient débou-
cher sur un référendum. Ensuite ? Ils
prévoient de se revoir, pour à leur
tour, discuter des réponses avancées
par le gouvernement.
Fillon : une enquête « sans pression » ?
L’Élysée veut vérifier que le Parquet national financier a travaillé en
« toute sérénité » après des propos tenus par son ancienne cheffe.
Emmanuel Macron a demandé, ven-
dredi soir, au Conseil supérieur de la
magistrature, organe indépendant,
de vérifier que le Parquet national
financier (PNF) a bien mené en « tou-
te sérénité, sans pression » de l’exé-
cutif son enquête sur les époux Fillon
pendant la campagne présidentielle
de 2017.
En cause : les propos tenus par
l’ancienne cheffe du PNF, Éliane Hou-
lette, à la retraite depuis 2019. Enten-
due mardi devant la commission
d’enquête parlementaire de l’Assem-
blée nationale sur « l’indépendance Emmanuelle Macron a saisi le Conseil
du pouvoir judiciaire », elle a expliqué surpérieur de la magistrature.
avoir décidé en toute indépendance | PHOTO : STEPHANE DE SAKUTIN, AFP
d’ouvrir une enquête sur l’affaire Fran-
çois Fillon mais a déploré le « contrô- sein des partis. Car ces propos ont
le très étroit » et la « pression très remis sur la table la question maintes
lourde » du parquet général par la fois posée de l’indépendance des
suite. « Le parquet, c’est une réalité parquets. Et réactivé les soupçons
objective, est sous le contrôle de d’une instrumentalisation politique
l’exécutif » a-t-elle encore dit, décri- de l’affaire des emplois fictifs de
vant une « culture de dépendance, Pénélope Fillon. Elle avait éclaté en
de soumission ». pleine campagne présidentielle en
janvier 2017, alors que les sondages
Des propos « déformés promettaient la victoire à François
ou mal compris » Fillon. Mis en examen, il avait mainte-
Vendredi, elle a regretté que ses pro- nu sa candidature mais avait échoué
pos aient été « déformés ou mal à la troisième place au premier tour,
compris ». François Fillon « n’a pas avec 20,01 % des voix.
été mis en examen à la demande ou Jeudi, le député LR Éric Ciotti avait
sous la pression du pouvoir exécu- demandé au président Macron
tif », a-t-elle précisé via ses avocats. l’ouverture d’une enquête pour « for-
« Ces pressions » étaient d’ordre faiture », alors que le jugement en
« purement procédural ». correctionnelle de l’affaire est attendu
Il n’empêche : vif émoi à droite et au le… 29 juin.

Vu cette semaine sur le Net

Facebook ouest-france
Deux guerres La France en bref
et un confinement :
la doyenne des Bretons Dijon : quatre mises en examen Sans-papiers : des milliers
a fêté ses 111 ans Le parquet de Dijon a requis la mise de manifestants à Paris
en examen de quatre membres de la Plusieurs milliers de personnes ont
Dimanche dernier, la doyenne des Bretons, communauté tchétchène interpellés pris part à un rassemblement, hier, à
Anne-Marie Papail, a fêté ses 111 ans.
Née le 14 juin 1909 et vivant à La Boussac lors des violences survenues le week- Paris, pour la régularisation des sans-
(Ille-et-Vilaine), ce petit bout de femme end dernier. Deux d’entre eux ont papiers, le logement pour tous et la
a survécu à deux guerres et, dernièrement, d’ores et déjà été mis en examen fermeture des Centres de rétention
à la pandémie du Covid-19. pour association de malfaiteurs. administrative. Au départ de la place
Samedi, une centaine de personnes de la Nation, nombre de manifestants
ont défilé pour réclamer la démission arboraient des pancartes jaunes avec
ouest-france.fr du préfet, accusé de laxisme dans la le dessin d’un homme poing levé.
gestion de cette crise.
« Le coq Maurice est mort », Le film de Rémi Chayé
annonce sa propriétaire Affaire Steve : un an après triomphe au Festival d’Annecy
Âgé de 6 ans, Maurice, le célèbre coq chanteur, Johanna Rolland, la maire de Nantes, Calamity, une enfance de Martha
érigé en symbole des traditions rurales face à a annoncé hier avoir rencontré la Jane Cannary, film sur les jeunes
l’urbanisation, est mort de maladie, a annoncé famille de Steve Maia Caniço, disparu années de Calamity Jane du Français
jeudi sa propriétaire, Corinne Fesseau, sur l’île il y a un an dans une opération de Rémi Chayé, a reçu, hier, le cristal du
d’Oléron (Charente-Maritime). L’été dernier, police controversée. Trois informa- long métrage au Festival d’animation
le gallinacé avait été au centre d’un conflit tions judiciaires sont toujours instrui- d’Annecy. Le film sortira en salles le
judiciaire, lancé par des voisins se plaignant
de son cocorico matinal. La justice l’avait tes à Rennes, dont une pour « homici- 14 octobre.
finalement autorisé à continuer de chanter. de involontaire » concernant directe-
ment la mort du jeune homme. Hôpital : hausse de salaires
dès juillet
Twitter Denis Brogniart quitte Automoto L’augmentation générale des salaires
Le célèbre présentateur Denis Brog- des personnels non médicaux à
À Londres, un homme noir porte niart a annoncé, samedi, son départ l’hôpital pourrait prendre effet à «
secours à un manifestant blanc de l’émission Automoto, qu’il animait compter du 1er juillet », selon un pro-
Un homme blanc identifié comme un militant depuis 2012 sur TF1. Le 12 juillet, il jet d’accord issu du Ségur de la santé.
d’extrême-droite a été exfiltré et mis en hors cédera donc sa place à Jean-Pierre Il prévoit aussi une « rénovation » des
de danger par un manifestant du mouvement
Black Lives Matter, alors que des affrontements Gagick, mais continuera d’animer les primes. « Aucun chiffrage », « incom-
éclataient entre groupes antiracistes et militants émissions de téléréalité et d’aventure plet et insatisfaisant » déplore la
d’extrême-droite, samedi 13 juin, dans le centre « Koh-Lanta », « Ninja Warrior » et CGT-Santé. « On attend le montant »,
de la capitale britannique. « Distric Z ». tacle aussi le Collectif inter-hôpitaux.

La « ville rose » bientôt verte et rouge ?
À Toulouse, Antoine Maurice, candidat EELV à la tête d’une large coalition de gauche, a les
sondages pour lui. Jean-Luc Moudenc, maire LR sortant, ne lâche rien. Attention, match très serré…
Municipales 2020
« Je vous ai déjà vu, vous… Vous
étiez avec Moudenc », croit se souve-
nir le Monsieur qui vient d’être pré-
senté à Antoine Maurice. « Ah non,
répond l’intéressé en éclatant de rire.
Je suis l’autre. Celui d’en face. » La
scène se joue vendredi matin, dans
les allées bondées du marché de
Bagatelle.
Le soleil est au rendez-vous, les
sourires de sortie et le candidat éco-
logiste est venu à vélo. « Vous faites
peur au maire, et bientôt à
Macron ! » lui lance un primeur. Un
autre l’invite à déguster une pastè-
que, le surnom donné à sa liste,
L’Archipel citoyen, « verte à l’exté-
rieur, rouge à l’intérieur ».
L’écologiste Antoine Maurice, à la
tête d’une très large coalition de gau-
che (EELV, PS, PCF, LFI, Généra-
tions…) à l’avantage dans les derniers
sondages. Il croit en ses chances,
mais sait que la victoire dépendra de
la mobilisation de ses électeurs au
deuxième tour. « C’est elle qui fera la
différence. » D’où la nécessité
« d’aller dans tous les quartiers,
chercher des voix ». Celui de Baga-
telle, quartier populaire de la rive gau-
che, proche de la rocade et placé
sous un couloir aérien, « est le plus
pollué de la ville » et les questions
d’environnement « très concrètes ».
Pour connaître leurs attentes en la
matière, les militants de l’Archipel
invitent les clients du marché à un dia-
logue autour du thème : « Si vous
étiez maire de Toulouse, que feriez-
vous ? » Antoine Maurice a trouvé
une partie de ses réponses à cette
question grâce à cette méthode, bap-
tisée « porteur de parole ». Les
expressions ainsi recueillies ont servi
à concocter son programme électo-
ral, fort de « 400 propositions venant
des habitants ».
Les principales ? Lancer un plan
Deux sondages aux prédictions serrées tendent la campagne
« C’est tendu », explique le camp
Maurice (EELV). « Le match est ser-
ré », reconnaît le camp Moudenc
(LR). D’un côté comme de l’autre, on
s’accuse mutuellement de mener
une campagne de caniveau. Mena-
ces, intimidations et craintes de vio-
lences physiques sont évoquées par
les colistiers d’Antoine Maurice com-
me ceux de Jean-Luc Moudenc. Les
deux hommes se traitent volontiers
de « menteur » et de « candidat du
mensonge » dans les débats publics,
et l’ambiance ne cesse de se tendre.
Si la pression monte à Toulouse,
c’est aussi parce que l’issue du scru-
tin y est encore incertaine. Et que la
victoire – ou la défaite – devrait s’y
jouer à peu, le 28 juin. La liste condui-
te par Jean-Luc Moudenc est certes
arrivée en tête au premier tour (sur
douze listes en concurrence) avec
36,18 % des suffrages exprimés. Clai-
France
Antoine Maurice, candidat écologiste à la mairie de Toulouse, et Corinne Martin, colistière, font campagne à vélo.
d’urgence pour les transports toulou-
sains, créer 1 000 km de pistes cycla-
bles sécurisées en dix ans, engager
la création de 20 000 « emplois cli-
mats », avoir 100 % de repas bios
dans les cantines, encadrer les
loyers…
« Protéger les Toulousains »
Le programme d’Aimer Toulouse
compte, lui, 307 propositions, réorga-
nisées suivant « trois grandes priori-
tés » pendant le confinement : « Pro-
téger l’emploi, la sécurité et la santé
des Toulousains ». Jean-Luc Mou-
denc les évoque sur un autre marché
(les Ponts-Jumeaux, rive droite) le
vendredi après-midi. « Nous avons
créé dix marchés comme celui-ci
pendant le mandat », rappelle le mai-
re sortant venu détailler le volet « san-
Antoine Moudenc (au centre), maire sortant LR de Toulouse, conduit la liste
Aimer Toulouse.
rement devant les listes d’Antoine
Maurice (27,56 %) et la socialiste
Nadia Pellefigue (18,53 %). Mais pas
té » de son programme. Il promet de
créer d’autres marchés du même
type, un grand festival du « bien man-
ger », une mutuelle municipale, des
maisons de santés pluridisciplinaires
et des parcours santé dans chaque
quartier, cinq nouveaux parcs… Des
promesses pas moins environne-
mentales et sociales que son adver-
saire.
Ce qui fera la différence entre les
deux ? « Les Toulousains ont le cœur
plutôt à gauche mais ils n’aiment
pas les extrêmes, répond Jean-Luc
Moudenc. Une alliance avec l’extrê-
me-gauche, c’est du jamais vu ici.
Beaucoup de ceux qui ont voté PS
au premier tour vont revenir vers
nous, parce qu’on a toujours su se
mettre d’accord pour faire grandir la
ville. Les Toulousains ne vont pas
| PHOTO : OUEST-FRANCE
suffisamment « haut » pour se mettre
à l’abri d’un reversement de situation.
L’équipe du maire sortant, convain-
| PHOTO : OUEST-FRANCE
renoncer à la réussite de Toulouse. »
Le maire sortant veut la préserver par
la commande publique, en investis-
sant dans de nouveaux projets struc-
turants, dont un plan routier faisant la
part belle au vélo ou l’extension de la
ligne B du métro…
« Des choses qu’il aurait dû faire
pendant le mandat qui s’achève,
rétorque Antoine Maurice. Il n’est
plus l’homme du temps qui vient,
son logiciel date des années 1980.
Moi, je serai le maire qui agit. Et sur
l’alliance à gauche, la droite disait la
même chose en 2008 : si les socia-
listes gagnent, ce sera le déclin de
Toulouse… » Ils avaient gagné. Tou-
louse n’a pas décliné. Mais Jean-Luc
Moudenc leur avait repris la ville en
2014.
Stéphane VERNAY.
cue d’avoir un bon bilan et la préfé-
rence des Toulousains, a d’abord mis
ces résultats sur le compte de l’abs-
tention record (63,34 % à Toulouse).
Avant que deux sondages ne mettent
le doute dans leurs rangs. Le premier,
dévoilé par l’IFOP le 29 mai, donnait
la liste Archipel Citoyen gagnante à
52 % contre 48 % en cas de fusion
avec la liste socialiste pour le second
tour.
Celle-ci s’est faite dans la foulée,
ouvrant la voie à un duel Maurice-
Moudenc pour le 28 juin. Duel qu’un
deuxième sondage, réalisé par BVA
et divulgué en début de semaine,
donne à nouveau acquis à Antoine
Maurice, par 51 % des voix contre
49 %. Un écart faible, qui fait que tout
reste ouvert. De quoi crisper les équi-
pes sur le terrain dans la dernière
ligne droite…
S. V

Neurodon : les parcs et jardins s’ouvrent au public
À l’arrière du château de Bois-Cornillé, composé d’éléments bâtis du XVe au XVIIIe siècle, un grand parc
se visite à Val-d’Izé, près de Vitré. Le visiteur peut déambuler et se laisser surprendre par le décor.
Reportage
Passé le portail d’entrée, en bordure
de route, un long chemin en courbe
se dessine. Sur la gauche, le regard
est happé par une superbe vue sur le
bocage de Val-d’Izé. Puis, peu à peu,
la façade Est du château se décou-
vre. « C’est comme un travelling, ce
n’est pas le fruit du hasard », sourit
Pauline De Malartic, propriétaire des
lieux avec son mari.
Tout le week-end, le parc du châ-
teau du Bois-Cornillé, à Val-d’Izé, près
de Vitré (Ille-et-Vilaine) s’ouvre au
public à l’occasion du Neurodon.
« C’est encore la très bonne saison
pour venir voir le jardin. Les horten-
sias par exemple, en avance, sont
magnifiques. »
En attendant les premiers visiteurs
ce samedi matin, la propriétaire,
mains gantées, use de son sécateur
sur le côté de la cour du château. « Je
m’occupe, il y a toujours à faire. » Et il
suffit de regarder autour de soi pour
la croire.
Une vue toujours dégagée
vers l’extérieur
Derrière elle, un premier chemin invite
à s’engouffrer dans le parc comme à
l’intérieur d’une forêt. « On l’appelle
l’allée de mousse. » Le sol est souple
et légèrement humide. « Deux
grands paysagistes sont intervenus
ici : Denis Bühler et Édouard André.
Ils ont gardé l’esprit d’un parc paysa-
ger autour du bocage de Val-d’Izé. »
« Le cerveau humain est l’organe le plus complexe qui soit »
Entretien
Jean-Antoine
Girault,
président
du Conseil
scientifique de la
Fédération pour
la recherche
sur le cerveau.
| PHOTO :
Comment se traduit l’influence de
l’environnement sur le cerveau ?
Le cerveau est un organe dont la
fonction est de percevoir les informa-
tions qui viennent de l’environne-
ment. Cela, c’est son travail normal. Il
est aussi fortement influencé, dans
des proportions fonctionnelles, phy-
siologiques par ce même environne-
ment. S’il est protégé par notre boîte
crânienne, il n’est pas totalement iso-
lé. C’est pourquoi la Fédération pour
la recherche sur le cerveau s’intéres-
se au rôle des facteurs environne-
mentaux dans l’apparition, le déve-
loppement ou l’aggravation de certai-
nes maladies neurologiques ou psy-
chiatriques.
Quels sont, justement,
ces facteurs toxiques ?
Outre les agressions de différents
France
Le parc du Bois-Cornillé, à Val-d’Izé, offre différentes vues dont celle-ci, sur l’une des façades du château.
Sur les plus de 70 hectares de parc,
il y a une impression constante
d’ouverture vers l’extérieur. « C’est
très ouvert sur la campagne. Le châ-
teau a des vues sur les fermes alen-
tours, les bois, le bourg, les deux
clochers et inversement. » Rien n’est
cloîtré, la vue est toujours dégagée.
Au détour des allées, on peut rejoin-
dre l’étang et emprunter les ponts qui
encadrent l’embarcadère, observer
au loin une ancienne porte de la pri-
son de Rennes, démolie en 1905, ou
se balader autour du parterre à la fran-
çaise et son miroir d’eau à l’arrière du
château. « C’est un lieu inspirant et
types, d’ordre physique ou chimique,
les facteurs de stress social sont très
importants et ont, parfois, des consé-
quences négatives sur le fonctionne-
ment du cerveau : chômage, problè-
mes professionnels, exil, grandes
agglomérations. Et puis il y a certains
produits présents dans l’environne-
ment, identifiés de façon précise.
Dans d’autres cas, c’est évoqué et
suspecté.
DR
Le milieu urbain endommage-t-il
notre cerveau ?
Endommager, c’est peut-être un ter-
me un peu fort (rires). C’est trop sim-
plificateur. Il y a des interactions qui
sont plus complexes que cela. Deux
facteurs entrent cependant en ligne
de compte : la pollution, plus intense
en zone urbaine, et, comme je le
disais, le stress qui n’est pas seule-
ment quelque chose de désagréable
mais un facteur de risque. Cepen-
dant, différentes qualités de vie peu-
vent exister.
Que faire pour prendre soin
de notre cerveau ?
Réduire les facteurs de nuisance.
Bien s’alimenter, en quantité modé-
rée. Privilégier une activité physique
régulière – course à pied, randonnée,
vélo – en extérieur si possible. Et évi-
ter le tabac, l’alcool, les drogues.
| PHOTO : OUEST-FRANCE
notre joie est d’accueillir des con- ments bâtis du XVe au XVIIIe siècle,
certs. En été, il y a des visites réguliè- dans son dos.
res et des activités pour les Ce samedi matin, la lumière était
enfants. » changeante en raison de quelques
nuages : « C’est la plus belle pour
« Certaines personnes voir un parc. » La visite moyenne dure
restent trois heures » une heure. « Mais certaines person-
Le parc du château du Bois-Cornillé nes restent très facilement trois heu-
participe depuis 2004 au Neurodon, res. »
à raison « d’environ 300 visiteurs par
an. C’est notre contribution à cette Donovan GOUGEON.
organisation et aussi l’envie d’être
solidaires avec les autres parcs qui Ce dimanche, visite de 10 h à 19 h du
participent à ce week-end. » parc du château du Bois-Cornillé, à
Mais il est déjà l’heure de partir et Val-d’Izé. 6 € (dont 2 € remis au Neu-
de laisser ce château, composé d’élé- rodon).
La nature joue-t-elle un rôle La FRC Neurodon
particulier sur la bonne santé Créée en 2000, la Fédération
de notre cerveau ? On parle pour la recherche sur cerveau
de jardins thérapeutiques…
soutient la recherche
Il faut quand même être raisonnable !
L’influence de la nature est favorable sensibilise le grand public
car, la plupart du temps, lorsque les
gens sont en contact avec elle, ce
millions d’euros
sont des conditions agréables de
détente pour la majorité des citoyens.
24,5 reversés à la recherche
depuis vingt ans
Jardiner, se promener ont des effets
positifs, apaisants. Maintenant, cela projets d’excellence
ne peut remplacer des traitements 392 en neurosciences
financés
quand ils sont nécessaires.
est touché
Le cerveau semble un organe
négligé, c’est pourtant un organe
1 directement
Français ou indirectement
noble ? sur
par une maladie
Parce que l’on ne songe pas au cer- 3 du cerveau
veau comme à un organe. Même si
x2
c’est lui qui contrôle nos pensées, Le nombre de patients
nos sentiments, notre perception. On devrait doubler
attribue cela à notre être intérieur de 2020 à 2040
sans penser qu’il y a un organe qui
fait ce travail. En plus, c’est un organe
qui ne fait pas mal, le cerveau est
insensible. Le cerveau humain est
l’organe le plus complexe qui soit. Les principales
Avec près de cent milliards de neuro-
nes, chacun connecté à plusieurs mil- maladies du cerveau
liers d’autres, il est, à sa façon, aussi Alzheimer, Parkinson, sclérose en
compliqué que tout le réseau Inter- plaque, schizophrénie, maladie de
Charcot, autisme, trouble bipolaire,
net. épilepsie, dystonie, dépression…
Propos recueillis par
Pascale MONNIER. Ouest-France - Source : FRC Neurodon.
 France

Ils fêtent la musique au fond de la piscine

Drôle de 21 juin… À Pornic (Loire-Atlantique), le groupe Alma Road a enregistré un concert
dans la piscine municipale. Il sera retransmis à 18 h, dans les bars de la ville et sur Facebook.
Même si l’AccorHotels Arena de Ber-
cy a rouvert ses portes vendredi pour
un concert exceptionnel, avec seule-
ment 2 000 personnes portant des
masques et respectant la distancia-
tion sociale, la Fête de la musique
2020 ne va pas faire danser et chan-
ter dans les rues.
Concerts spontanés interdits, pres-
tations musicales très encadrées
dans les bars, l’heure ne sera pas à la
spontanéité mais plutôt à la diffusion
sur les réseaux sociaux de concerts
en live ou pré-enregristrés. Comme
dans… la piscine municipale de
Pornic.
« Il a fallu se bouger »
Alma Road, groupe nantais aux sono-
rités pop et new soul, a donné, dans
ce lieu atypique, un concert qui sera
retransmis dans les bars et les restau-
rants de Pornic et sur les réseaux
sociaux, à 18 h.
Si les concerts en public et en live
ne sont pas encore d’actualité, pour
les membres d’Alma Road, pas ques-
tion de déprimer : la Fête de la musi-
que 2020 sera joyeuse.
Mercredi, Antoine, Benoît, Christo-
pher et Ludovic se sont donné ren-
dez-vous dans la piscine vidée de
Le concert d’Alma Road a été enregistré dans les conditions du direct, dans la
piscine municipale de Pornic.
l’Aquacentre de Pornic, pour un con-
cert… sans public ! Plutôt déroutant
pour la bande, qui a l’habitude de fou-
| PHOTO : OUEST-FRANCE
ler les scènes de l’Ouest en cette
période estivale. « Pour nous, la Fête
de la musique, c’est une dizaine de
concerts pendant une semaine,
avec le public. L’année dernière, on
faisait six ou sept concerts », se sou-
vient, nostalgique, Benoît David, le
claviériste hyperactif du groupe.
Étonnamment, la période n’est pas
synonyme d’ennui pour le jeune inter-
mittent passionné. « Il a fallu se bou-
ger, ne pas rester à attendre que ça
reprenne. Une vingtaine de nos
dates ont été annulées. Faire un con-
cert dans une piscine en direct diffé-
ré et sans public, je n’avais jamais
fait ça ! ajoute Benoît David. C’est
plus compliqué à organiser que nos
tournées habituelles. »
Dans l’acoustique peu commune
du bassin vidé, ils ont joué le mor-
ceau Drive, tiré de leur dernier album
A million miles.
La Ville de Pornic est à l’initiative de
cette journée de concerts diffusés en
différé, mais dans les conditions d’un
live. Tournés dans le hall de la mairie
ou dans la médiathèque, les concerts
débuteront à 11 h.
Cinq groupes d’artistes locaux ont
joué le jeu : Rebecca Quintet, Pornic
street session, Back to the police,
Alma Road et Rewind.
Julie ECHARD.

« À chaque fois qu’on joue, c’est notre Fête de la musique »

Des jours, des semaines, des mois
qu’il attendait ça. « À chaque fois
qu’on joue, c’est notre Fête de la
musique. » Hier, Mickaël Jehanno est
parti travailler le cœur battant. Quatre
concerts d’une demi-heure, un bon-
heur inégalé pour le chanteur et gui-
tariste, qui n’en pouvait plus de confi-
ner sa passion.
Face aux annulations en cascade
liées à l’épidémie de coronavirus, le
quadragénaire a trouvé la parade :
« Jouer au plus près de ceux qui sont
dépendants, malades, fragilisés et
qui sont restés confinés. »
Le musicien et sa complice, la
chanteuse et comédienne Moona
Gay, ont pris place dans un carrosse
de circonstance, « exotique et dépay-
sant » : une 2 CV violette et jaune
décapotable, pour amener leur art et
leur gaité à la maison de retraite et à
l’hôpital de Pontivy (Morbihan), tout
l’après-midi.
« Besoin de vibrer »
Ancien éducateur spécialisé, Mickaël
Jehanno a travaillé pendant dix-huit Concert improvisé de Mickaël Jehanno, à la guitare, et Moona Gay, au chant, hier à Pontivy. | PHOTO : THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE
ans auprès de personnes handica-
pées. « Ces concerts sont aussi pour 34 ans, a toujours fait de la musique, Des chansons des sixties avec son proposer des cartes postales musi-
les soignants, pour leur montrer que du chant et de la danse son métier. ancien groupe, les Chaussettes sau- cales. » Envie de déclarer votre flam-
même en chantant avec eux de loin, Devenu intermittent du spectacle il vages, Mickaël Jehanno est passé, me, de souhaiter bon anniversaire à
on est tous unis, dans une bulle de y a un an, Mickaël Jehanno a renoncé avec Moona Gay, aux mélodies sua- un ami, de dire bonjour ou merci à
légèreté, de spontanéité. On joue à la sécurité du salariat. Mais trente ves de Mistinguett et aux ritournelles votre maman ? Moona et Mickaël le
aussi par solidarité avec les patrons ans après ses débuts à la guitare, poétiques de Marion Rouxin, Juliet- feront pour vous, en chanson.
de bistrots, que le confinement a « sur une vieille gratte à trois cordes te… Un plaisir partagé avec le public,
durement touchés. » abandonnée par mon frère », le qua- emballé par ces concerts en plein air Julie SCHITTLY.
Le duo de musiciens n’a pas non dragénaire ne regrette rien. « J’avais au goût de liberté retrouvée.
plus été à la noce, privé de concerts besoin de vibrer. Les cours de musi- L’occasion, pour le duo, de faire Le site Internet de la compagnie
et même de répétitions à deux, pour que sont les seuls que j’ai suivis jus- découvrir son univers, qui s’étoffe Ecoute le paradis : https://ecoutele-
cause de distanciation. Moona Gay, qu’au bout avec plaisir ! » sans cesse. « Bientôt, nous allons paradis.wixsite.com/ecouteleparadis

Célestin, romancier pionnier des éco-hameaux
Ne supportant plus la vie parisienne, Célestin Robaglia, 38 ans, a fondé, il y a douze ans,
un lieu alternatif avec quatre amis, dans un village du Trégor (Côtes-d’Armor).
Rencontre
Manche
Lannion
Trégrom
Saint-Brieuc
Côtes-d’Armor
O.-F.
20 km
Célestin Robaglia préfère rester dis-
cret sur son lieu d’habitation. Mais
même en précisant qu’il est situé à
Trégrom, village du Trégor, dans les
Côtes-d’Armor, aucun risque de tom-
ber dessus par hasard. Il faut emprun-
ter un chemin boueux qui nécessite-
rait un véhicule amphibie mais
débouche sur un panorama grandio-
se, la verte vallée du Léguer.
Sur un terrain fleuri et en partie boi-
sé sont disséminés des maisons
de pierre traditionnelles, d’autres
en bois, un bus habité, une serre…
C’est dans cet endroit idyllique qu’il
y a douze ans, Célestin Robaglia a
fondé un lieu alternatif avec quatre
amis.
Ce graphiste illustrateur et roman-
cier de 38 ans, natif du Val-de-Marne,
ne supportait plus la vie parisienne.
« Je voulais vivre loin de la ville,
entouré d’amis, et ne pas participer
au désastre du monde », se souvient-
il, confortablement installé dans
une dépendance qu’il a aménagée,
avec ses chaleureux lambris et son
poêle.
« Sans règles, tout explose »
Sa mère, ex-institutrice devenue
sculptrice, ayant des origines du côté
de Paimpol, il a cherché en Bretagne,
et a eu un coup de cœur pour cet
endroit où quelques maisons ache-
vaient de s’écrouler. Il a fallu recons-
truire et bâtir une nouvelle vie. « La
société allait dans un sens autodes-
tructeur, nous voulions essayer
autre chose. »
À l’époque, la mode n’est pas enco-
re aux éco-lieux. Les amis se sont
librement inspirés de certains princi-
pes, comme la décroissance. Ils ont
Le potager partagé tient une place central dans l’éco-hameau .| PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO
France
Célestin Robaglia devant sa maison, une dépendance rénovée de son éco-hameau de Trégrom.
revisité la philosophie de Gandhi, cel-
le du penseur de l’agroécologie Pier-
re Rabhi. « Nous avons installé un
habitat partagé, autour de l’écolo-
gie. » Chacun chez soi, avec une lon-
gère principale servant d’espace
commun, un potager, des toilettes
sèches… et communes. L’endroit
compte une dizaine d’habitants.
« Nous avons tenu. Savez-vous que
le taux de dissolution des lieux col-
lectifs est de 90 % ? »
Le secret de la longévité ? L’autodisci-
pline. Célestin a l’air cool, avec ses longs
cheveux blonds et son air calme, mais
cela ne l’empêche pas d’être rigoureux.
« C’est un mode de vie qui peut être
idéalisé, mais il est exigeant. Sans
règles, tout explose ! Il faut trouver
un équilibre avec la liberté, créer
une cohérence de groupe. Ici, c’est
une famille élargie. »
Il a fallu établir un système de gou-
vernance partagée, avec un point
hebdomadaire. Tout se discute, de la
venue d’une journaliste sur le site à
l’installation d’un four à pain. « Il faut
voir quel budget on y consacre, où
on l’installe… Et aboutir à un consen-
sus. Le gros sujet en ce moment,
c’est l’autonomie en eau. »
« L’énergie de faire
les choses »
Pas question de se laisser vivre. « Il
faut trouver l’énergie de faire les cho-
ses et de bien les faire. » Chacun par-
ticipe à la culture du potager, la réha-
bilitation des maisons, la coupe du
bois qui chauffe le hameau. « Nous
créons l’équipe appropriée selon les
compétences, les envies, les dispo-
nibilités. »
Ce mode de vie permet à chacun
de développer des projets person-
nels. Lui se consacre à l’écriture. Pas
de quoi mener grand train. « Mais je
ne perds pas ma vie à la gagner. »
Son premier roman, Promets-moi
d’être heureux, s’inspirait de son
Les éco-lieux ont fleuri un peu partout
Un éco-village à Priziac, dans le Cen-
tre-Bretagne ; un éco-hameau à Mau-
musson, non loin d’Ancenis ; une fer-
me de coworking dans le Perche, et
même une abbaye écolo au Bec-Hel-
louin (Eure)… Tous ces éco-lieux ont
fleuri un peu partout, en France et
ailleurs. Ce sont des endroits où l’on
vit en communautés plus ou moins
resserrées, en accord avec l’environ-
nement, en respectant les rythmes
de l’homme et de la nature.
Leurs habitants respectent des prin-
cipes écologiques, cultivent la terre
en permaculture ou en bio, sont sou-
vent végétariens, vivent majoritaire-
ment à la campagne, mais pas que…
Les habitations sont durables et ten-
| PHOTO : PHILIPPE RENAULT, OUEST-FRANCE
expérience. Le deuxième, L’apprenti
bouddha, raconte l’histoire d’un jeune
adulte qui refuse de grandir et que
des moines prennent pour la réincar-
nation d’un maître bouddhiste…
Célestin Robaglia n’est pas boud-
dhiste, mais il se retrouve dans la phi-
losophie de cette religion, « notam-
ment la compassion pour le vivant,
la recherche d’harmonie ».
Méprises et quiproquos, ce roman
est une fiction, « légère avec des
questionnements profonds ». Ceux
du héros qui se croit inapte à la vie en
société et n’arrive pas à se réaliser, de
l’héroïne qui se conforme aux injonc-
tions en sacrifiant ses rêves… Célestin
Robaglia garde une tristesse de l’état
du monde. « J’ai avancé, mais je suis
toujours en quête de paix. »
Florence PITARD.
L’apprenti bouddha, Solar,
255 pages, 16,90 €.
dent vers l’autonomie énergétique.
Difficile de préciser le nombre de ces
lieux. Difficile, aussi, d’en donner une
définition précise, tant leur organisa-
tion doit à l’imagination de leurs
membres. Un certain nombre d’entre
eux s’inspirent des principes de
l’association Colibris de Pierre Rabhi,
qui propose notamment de créer des
oasis de vie selon un certain nombre
de principes écologiques. Il en existe-
rait 500. D’autres sont répertoriés sur
le site Passerelle éco, qui propose
des annonces et des conseils pour
s’installer ; un annuaire existe aussi
sur toits alternatifs.fr. Et il y a fort à
parier que beaucoup d’endroits ne
sont recensés nulle part !
 France

Sa vie de journaliste est aussi un grand reportage

Pour la radio puis la télévision, Alain de Chalvron a couvert l’actualité internationale pendant plus
de quarante ans. Cela valait bien des mémoires (1). Sans langue de bois et avec un brin de nostalgie.
Rencontre
« Je suis la fille du général Oufkir.
Détenue depuis quinze ans avec ma
mère et mes quatre frères et sœurs
dans des conditions épouvanta-
bles, on s’est évadés. Envoyez-nous
un avocat. » Au téléphone, ce 22 avril
1987, une jeune femme appelle à
l’aide de Tanger, au Maroc. Sa voix
est tremblante d’effroi et d’audace.
Alain de Chalvron, à Paris, en est
bouleversé. Aujourd’hui encore,
l’ancien rédacteur en chef de Radio
France Internationale garde en
mémoire le sentiment d’urgence qui
l’a saisi ce jour-là. Il lui fallait agir, un
point c’est tout, en diffusant, non sans
vérifications, ce message déchirant
de Maria Oufkir. « Nous sommes
innocents, absolument… », supplie-
t-elle plus tard, au micro. L’officier
avait été liquidé par Hassan II après
un coup d’État manqué, en 1972. Les
Oufkir ne seront finalement libérés Alain de Chalvron, dans son bureau. « Ce métier m’a permis de découvrir, pour le meilleur et pour le pire, une planète merveilleuse. »
qu’en 1991. | PHOTO : YANN CASTANIER, OUEST FRANCE

Une enfance d’après-guerre
L’affaire est, bien sûr, de celles qui
marquent une carrière. Sans mélan-
ge des genres, confirme Alain de
Chalvron pour qui le rôle fondamental
des journalistes est multiple, à la fois
« vigies, contrôleurs, commenta-
teurs, enquêteurs, critiques ». Un
peu diplomates aussi.
Cet esprit d’analyse et de négocia-
tion, il le partage certainement avec
son père, Bernard Guillier de Chal-
vron, qui fut, après-guerre, numéro 2
du Gouvernement militaire français
de Berlin, après avoir été en poste à
Madrid – où Alain est né en 1951 – et
Düsseldorf.
Pour ce petit garçon d’une Europe
qui se cherche dans une ville dévas-
tée, la vie est, paradoxalement, très
heureuse. Immense demeure, armée
de serviteurs, parc automobile somp-
tueux, fleurs à volonté... « Nos désirs
étaient des ordres et pas seulement
parce que nous étions les vain-
queurs, mais parce que nous étions
le paratonnerre, l’assurance tous ris-
ques ». Car l’Armée rouge « terrori-
se » les habitants de Berlin. « On avait
peur d’une invasion soviétique. »
Alain de Chalvron a 7 ou 8 ans, il
joue dans le jardin quand son père,
qui le vouvoyait – « il vouvoyait même
son chien », sourit le journaliste –, lui
dit : « Venez, on va faire un tour. Et on
a embarqué Maurice Couve de Mur-
ville, alors ambassadeur à Bonn. Le
but du voyage ? Le cimetière soviéti-
que du secteur Est où se déroulait
un hommage aux soldats russes
morts pour la libération de Berlin. »
Ce sera, en quelque sorte, son pre-
mier reportage. Il en conservera
l’empreinte de la complexité des cho-
ses et « cette atmosphère de des-
truction retrouvée à Beyrouth, vingt-
cinq ans plus tard ». Après des étu-
des de droit et de science politique,
des stages et des piges – Le Point
avait publié ses articles sur la révolte
des Maharajahs de Binaker –,
l’apprenti reporter doit faire son servi-
ce militaire. Coopérant au Caire, en
1974, il découvre que les bureaux de
l’ORTF ne servent pas qu’à alimenter
les journaux parlés ou télévisés. « En
Égypte et au Maghreb, en particu-
lier, c’était une couverture pour les
services secrets. » Jugé « indésira-
ble » par le responsable de la rédac-
tion, il décide d’apprendre l’arabe.
C’est le début d’un long périple pro-
fessionnel qui, de France Inter à
RFI, Radio Monte-Carlo et France 2,
conduira Alain de Chalvron au
Moyen-Orient, à Rome, Washington
et Pékin, en Asie. Observateur de son
temps, il a vécu « les plus belles
années de ce métier », cette époque
où « le budget n’orientait pas la ligne
éditoriale », où « les journalistes
n’étaient pas discrédités par les
réseaux sociaux et les populistes ».
La détresse d’Haïti
Entre grands de ce monde et dam-
nés de la terre, entre événements his-
toriques, guerres, ouragans et problè-
mes du quotidien, l’inaltérable corres-
pondant de la chaîne de service
public a connu des enthousiasmes et
des désillusions.
Des désespoirs même comme à
Haïti, lors du séisme de 2010. « Les
casques bleus des Nations unies ne
faisaient rien. Nous avions réalisé un
sujet sur les « restavèks », des
gamins que les familles très pauvres
donnent en pension à d’autres, un
peu moins pauvres. Des esclaves,
en réalité. C’était terrible. Il y avait
une telle détresse dans les regards.
« Je ne pense qu’à mourir », a répon-
du une fillette. Je ne suis pas sorti
d’Haïti comme j’y étais entré. »
Fukushima a également bousculé
Alain de Chalvron. Lui et son équipe
sont retournés souvent là-bas, notam-
ment à Minamisanriku, cité rayée de
la carte, pour montrer l’après-tragé-
die. « Tout à coup, je vois au milieu
des gravats une poupée japonaise,
en porcelaine et soieries, c’était
l’âme de la maison. » Elle est désor-
mais à l’abri, dans l’appartement pari-
sien du reporter.
Pascale MONNIER.
(1) En direct avec notre envoyé spé-
cial, éditions de l’Archipel,
300 pages, 20 €. E-book, 14,99 €.

La semaine de Chaunu

« Ces abus de pouvoir qui gangrènent l’Église »
Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions, a préfacé le livre de Loïc de Kerimel (1) qui fait
une lecture radicale de l’histoire de l’institution catholique pour extirper ces maux qui la rongent.
Entretien
Qui était Loïc de Kerimel ?
Loïc, Vendéen d’origine, est entré
chez les jésuites en 1967. Enfant du
concile Vatican II et de Mai-68, il en
est parti dans les années 1970. Après
avoir passé l’agrégation de philo, il est
devenu professeur au Mans. Toute sa
vie, il a milité pour une Église plus pro-
che de l’Évangile, plus pauvre et
moins cléricale. Il est mort, le
24 mars, des suites d’un cancer.
Comment définir le cléricalisme ?
Il y a le vieux et célèbre sens donné à
ce mot par Léon Gambetta en 1877 :
c’est la prétention de l’Église à se
mêler de la vie publique et politique, à
réclamer des droits et des privilèges,
à en empêcher d’autres.
Il a pris un autre sens
pour le pape…
François, lui, dénonce « l’autoréféren-
ce » – un mot moins compliqué qu’il
n’y paraît – : c’est une Église qui ne
parle qu’en se référant à elle-même, à
ses droits, à sa morale, à ses princi-
pes. Une Église qui n’entend pas les
voix et les cris du dehors. Une Église
confinée sur elle-même. On pourrait
dire aussi : le cléricalisme, c’est
défendre l’Église… même quand on
sait qu’elle est dans son tort. C’est de
ce cléricalisme-là dont il est question
dans le livre de Loïc de Kerimel.
À l’origine du cléricalisme,
le sacré qui instaure
une séparation…
Cet ouvrage le démontre avec une
grande rigueur. À partir du IIIe siècle,
l’Église remet au centre de son systè-
me la distinction entre un domaine du
sacré et un domaine profane. Ce sys-
tème est hiérarchique et inégalitaire :
le pouvoir est sacralisé. Le prêtre, qui
est consacré pour le sacerdoce, est la
figure centrale de cette sacralisation
et, d’une certaine façon, son célibat
devient aussi le symbole le plus écla-
tant de sa mise à part.
Les lieux de culte évoluent
en conséquence…
Les églises de pierre aussi devien-
nent, peu à peu, des espaces sacrés
plantés dans l’espace profane. Dans
l’église, les laïcs, chrétiens de rang
inférieur, sont dans la nef, séparés du
chœur où évoluent les clercs. Dans le
chœur, l’autel et ce qui est placé des-
sus au moment de la liturgie est plus
sacré que le reste ; et enfin la messe,
dont le premier nom était la « fraction
du pain », devient un sacrifice.
Le prêtre en tire alors son pouvoir…
Oui, de fait, c’est devenu un pouvoir
« sacral », car il lui a été transmis par
l’ordination « sacerdotale ». Loin de
moi de dire que tout est uniquement
destiné à asseoir du pouvoir. Mais le
fait est qu’on est très loin de ce qui
s’est passé le Jeudi saint, la veille de
la crucifixion de Jésus.
France
Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions.
Faut-il remettre en cause le lien
entre le sacrifice du Christ
et l’eucharistie ?
Pas en soi ou a priori : on peut sans
doute en donner des justifications,
théologiques et autres. C’est un
aspect possible d’un « mystère » très
riche en significations. Mais il est loin
d’être le seul, et il est le plus fragile
aujourd’hui. Mais depuis Vatican II,
les catholiques intégristes et traditio-
nalistes en ont fait une question politi-
que, un critère de la vérité et de l’héré-
sie.
Le modèle actuel n’est pas
celui de l’Église primitive…
En effet. Malgré les écarts de Jésus
par rapport à des choses sacrées
pour les juifs (par exemple, son non-
respect du sabbat…), l’Église a com-
mencé à s’affirmer au IIIe siècle et, par
une pente fatale, elle a repris de plus
en plus d’éléments « sacrés » tirés du
judaïsme de l’Ancien Testament (en
particulier le système sacerdotal).
Autrement dit, un modèle
hiérarchique que Jésus
a précisément combattu…
Oui, c’est un grand paradoxe. Jésus
| PHOTO : JÉRÔME PANCONI
ne met pas du tout en avant les prê-
tres et les lévites – les membres de la
tribu de Lévi, chargés du service du
Temple – dans les Évangiles, peu
importants pour lui. Mais je crois que
la liberté de Jésus par rapport aux
autorités « sacrales » est difficile à
vivre. Elle n’est pas « naturelle », dans
les religions comme ailleurs. Il est
plus normal de chercher constam-
ment des séparations, des choses et
de personnes à « adorer ». Et tous les
pouvoirs « adorent se faire adorer ».
D’où une relation juifs/chrétiens
à repenser.
Oui, mais il faut ajouter que le judaïs-
me a, quant à lui, quitté le système
sacerdotal et lévitique après la des-
truction du second Temple. Le judaïs-
me dit « rabbinique », celui d’aujour-
d’hui, n’a plus ni prêtres ni lévites.
Pour sortir du cléricalisme, Loïc de
Kérimel suggère que le judaïsme
actuel soit pleinement intégré dans le
dialogue œcuménique, et qu’un sens
positif soit donné au « non » des juifs à
Jésus. Ce « non » qui a servi à justifier
tant de persécutions, puis l’innomma-
ble au XXe siècle. Ce serait évidem-
ment un geste révolutionnaire !
Le monopole sacerdotal
et masculin explique-t-il
les différentes formes d’abus
(de pouvoir, spirituel ou sexuel) ?
Sans doute en partie. Je pense qu’il y
a aussi d’autres raisons, théologi-
ques, spirituelles, et des évolutions
sociétales que l’Église n’a pas vu
venir ou n’a pas comprises. Le pro-
blème du sacré sacerdotal, c’est le
risque de créer une société fermée,
sur ses mots, ses rites, ses fautes et
ses occultations.
L’Église est dans un réflexe d’auto-
défense qui l’a amenée à couvrir les
pires turpitudes et les crimes commis
en son sein.
Peut-on imaginer une Église
sans prêtres ?
Il y a l’exemple des Églises protestan-
tes (luthérienne et calviniste), avec
des hommes et des femmes pas-
teurs, mariés, etc. Sans être protes-
tant, on pourrait imaginer que les diri-
geants des communautés soient des
personnes mariées, que les ordina-
tions, d’hommes et de femmes, ne le
soient pas « pour l’éternité ».
Tout ce qui devenu naturel dans le
protestantisme est une « montagne
insurmontable » pour les catholiques.
Mais, pour autant cela ne supprime
nullement le problème du pouvoir. Et
apparemment, ces Églises au plus
près de la liberté des modernes
engendrent apparemment leur
« autre » : les évangéliques, parfois
très problématique, menaçant, com-
me aux États-Unis et au Brésil aujour-
d’hui… où le lien avec le pouvoir politi-
que n’est pas « clérical », mais peut-
être encore pire.
Propos recueillis par
François VERCELLETTO.
(1) En finir avec le cléricalisme, Loïc
de Kerimel (Seuil).
Repères
Sociologue des religions, traducteur
de l’allemand d’ouvrages théologi-
ques (Hans Küng, Hans Urs von Bal-
thasar, Joseph Ratzinger…) et philo-
sophiques (Jürgen Habermas…).
1946. Naissance en Moselle.
1964. Entre chez les jésuites.
1985. Quitte les jésuites.
1987. Éditeur aux éditions du Seuil.
1997. Publie Religions à la carte
(Hachette).
2003. La Loi de Dieu contre la liberté
des hommes : Intégrismes et fonda-
mentalismes (Seuil).
2012. Directeur de la rédaction
d’Esprit, la revue d’idées fondée par
Emmanuel Mounier.
2012. Codirige avec Denis Pelletier le
livre À la gauche du Christ. Une histoi-
re des chrétiens de gauche de 1946 à
nos jours (Seuil).
2017. La Bible expliquée aux jeunes
(Seuil).

Le jour où ils ont compris qu’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer touche 1,2 million de Français. Cette pathologie bouleverse tout le quotidien
du patient et de ses proches. Des aidants racontent les obstacles à franchir, les souffrances à endurer.
Maurice et Anne-Marie. | PHOTO :
« Pour accompagner un malade
d’Alzheimer, il en faut de la force et
de l’espoir. Ça demande tellement
d’énergie. Faut penser pour deux. »
À Combourg (Ille-et-Vilaine), de
l’espoir et de la résistance, Maurice,
77 ans, en a encore pour rester aux
côtés de son épouse, Anne-Marie,
78 ans.
Sa femme souffre depuis qua-
tre ans de la maladie. Les premiers
signes ? Maurice s’en souvient très
bien. « On s’était offert une croisière
en Méditerranée. Notre premier
grand voyage ! Mais ça n’a pas été
du rêve. Pendant le séjour, j’ai remar-
qué qu’elle était complètement per-
due. Elle avait du mal à retrouver la
chambre, errait dans les couloirs. Je
pensais que c’était le dépaysement.
Mais non, c’étaient les premiers
signes. »
Maurice se doute alors de la suite.
Des semaines, des mois, des années
où « l’esprit part de plus en plus en
vadrouille », où les petits oublis
deviennent béants. Où des gestes du
quotidien deviennent insurmonta-
bles. « Quand je l’ai vue prendre une
cuillère pour manger, au lieu d’une
fourchette, je me suis dit, ça s’aggra-
ve. »
Puis arrivent les souvenirs d’un loin-
tain passé qui occupent davantage
que le présent, les activités à deux
devenues moins simples. « Par exem-
ple, on ne peut plus regarder un film
ensemble. Elle demande toutes les
deux minutes qui est qui, pourquoi il
se passe ça. Par contre, regarder
des documentaires animaliers ou
sur les paysages, ça la tranquillise. »
« Notre maman est devenue de plus en plus triste, comme absente. »
France
« Une saleté de cerveau
qui s’en va »
L’Allemand Alois Alzheimer est le pre-
mier psychiatre et neurologue à avoir
décrit la maladie éponyme en 1907.
Depuis, le nom de cette pathologie
neurodégénérative bouleverse le
quotidien de millions de patients et
de leurs proches.
« Cette saleté de cerveau qui s’en
va », comme le définit Maurice, est
venue percuter la vie d’Anne-Marie,
sa femme. Mais aussi celle d’Isabelle,
la sœur de Sabrina. De Christiane,
DR l’épouse de Gérard et mère de Muriel-
le, de Pierre, le mari d’une autre Chris-
tiane.
Trois millions de Français sont tou-
chés directement et indirectement
aujourd’hui. Un nouveau cas diagnos-
tiqué toutes les trois minutes, soit 616
nouveaux par jour. C’est actuellement
la quatrième cause de mortalité au
niveau national. « À ce rythme, s’alar-
me Joël Jaouen, président de l’asso-
ciation France Alzheimer et maladies
apparentées, un Français sur quatre
de plus de 65 ans sera concerné par
la maladie dans les années à venir. »
« Passe-moi le truc
qui sert à écrire »
Pour parler du jour où tout a com-
mencé, Joël Jaouen raconte souvent
la même anecdote dans les réunions,
les ateliers et les débats organisés
par France Alzheimer.
Avant de devenir président de cette
association des familles de malades,
ce Finistérien de Saint-Pol-de-Léon a
côtoyé la maladie, auprès de son
père, décédé il y a vingt ans à l’âge de
81 ans. « Un matin, j’étais assis avec
lui à table. Il me demande, tu peux La maladie d’Alzheimer touche 1,2 million de Français et 225 000 nouveaux cas sont diagn
me passer le truc qui sert à écrire. Je
lui dis, le stylo ? Il me répond, oui, dent vasculaire cérébral. Gérard, le mari de Christiane, racon-
c’est ça. Il savait bien l’utilité du stylo te : « C’est une des choses délicates
mais il avait gommé le mot de sa
« On cherche à endurer. Elle n’est pas consciente
mémoire. »
d’autres raisons » de ce qui lui arrive et peut se mettre
D’autres premiers signes viennent Mises bout à bout, toutes ces scènes en colère. Alors, pour éviter le con-
de récits de copains ou de voisins familiales sens dessus dessous finis- flit, il nous reste à subir, sans trop
voyant son père au volant « conduire sent souvent par convaincre de la rien dire. »
de manière peu assurée et prendre nécessité d’un diagnostic. « Cette
des ronds-points à l’envers ». Pen- maladie fait peur, on cherche long-
« Consultez le plus tôt
dant un temps, le fils s’accroche à temps d’autres raisons, admet
possible »
l’explication « du coup de pompe » Murielle, 47 ans, fille de Christiane et Douter longtemps, redouter beau-
de son père qui s’était beaucoup de Gérard. Notre maman est deve- coup, puis ouvrir enfin la porte à la
occupé de sa mère victime d’un acci- nue de plus en plus triste, comme maladie qui frappe... De nombreux
absente. Mais comme on l’a tou- aidants sortent épuisés de ce prolo-
jours connue avec cette tendance gue médical. Sans oublier le fardeau
un peu fragile, après avoir vécu des du tabou, qui colle l’étiquette du vieux
drames dans sa jeunesse, on ne se devenu fou, dément, sénile, débile…
doutait pas que c’était le début La dissimulation, l’évitement social,
d’Alzheimer. » les petits arrangements avec la réalité
Il y a trois ans, Christiane, alors âgée deviennent des boucliers.
de 75 ans, est victime d’un AVC et Avec le recul, une autre Christiane,
cela déclenche des examens, scan- 75 ans, conseille aux proches « de
ner, IRM, et une consultation avec un s’informer, de consulter dès les pre-
spécialiste. Le nom de la maladie est miers doutes ». Pour son mari, Pierre,
alors posé. 83 ans, elle aurait préféré savoir plus
Avec cette autre difficulté, celle d’un tôt : « Il avait eu de gros soucis car-
nom bien compris par les proches dio-vasculaires en 2011 donc on
mais moins admis par le malade lui- pensait que ces petits oublis
même. Cette forme de déni, de trou- venaient de là. Puis, il n’a plus
ble neuropsychologique, connu dans retrouvé la voiture sur un parking.
le développement de la pathologie, Quand j’en parlais à notre généralis-
| PHOTO : CORINNE MONNERIE, OUEST-FRANCE est appelée l’anosognosie. te, il me disait de ne pas m’inquiéter,

s’invitait dans leur famille
ostiqués chaque année.
c’était la vieillesse… »
Christiane se met à lire livres et arti-
cles sur les symptômes d’Alzheimer,
trouve des similitudes avec les attitu-
des de Pierre. L’une de ses filles, à
Rennes, se rend un jour à un Café
mémoire, un espace de parole orga-
nisé par France Alzheimer.
Lorsqu’une remplaçante de leur
médecin traitant reçoit Pierre, dès cet-
te première rencontre, elle prescrit un
bilan à la clinique Jules-Verne de Nan-
tes. « Grâce à elle, nous avons
enclenché les choses. Je pense que
nous avons perdu deux ans de diag-
« L’esprit part de plus en plus en vadrouille. »
France
nostic. Savoir le plus tôt possible est
important car c’est seulement
quand on acte la maladie que l’on
peut être aidé par les associations,
les services administratifs et de san-
té. »
« Isabelle esquivait
de plus en plus »
La proximité des liens quotidiens
avec le malade facilite cette phase de
diagnostic. Plus compliqué quand on
ne vit pas sous le même toit et craint
d’être taxé de se mêler de « ce qui ne
nous regarde pas », commente
| PHOTO : CORINE MONNERIE, OUEST-FRANCE
| PHOTO : CORINE MONNERIE, OUEST-FRANCE
Sabrina, 54 ans.
Longtemps, l’état d’Isabelle, sa
sœur, de sept ans son aînée, l’a
inquiété. « Elle n’a pas eu une vie
facile et ses deux compagnons suc-
cessifs n’ont pas toujours été atten-
tionnés. Ils l’ont même parfois éloi-
gnée de ses proches, de moi. »
Les deux sœurs se retrouvent lors-
qu’elles rendent visite à leur mère.
« Là, elle esquivait de plus en plus
des choses qu’elle n’arrivait plus à
faire. Le café, par exemple. La voitu-
re, pareil, quand on sortait. Et puis,
un matin, elle est allée à son travail à
l’usine. Sauf que c’était un diman-
che, pas le lundi comme elle le
croyait. »
Son compagnon banalise, répétant
« elle déprime ». « En fait, c’était sur-
tout ne rien vouloir voir. » Là encore,
il faudra, après un AVC, le résultat
d’un scanner pour confirmer une
maladie neurodégénérative pour Isa-
belle.
Un patient sur deux
non diagnostiqué
Améliorer ce retard de la prise en
charge médicale et des premières
mesures d’accompagnement des
malades et de leurs aidants est l’un
des combats des professionnels de
santé et des responsables associa-
tifs. Parce que l’origine de la maladie
reste méconnue.
Elle défie aussi certaines idées
reçues : même si la maladie touche
en majorité les plus de 65 ans et les
femmes (60 %), 35 000 personnes
plus jeunes en sont atteintes. Et non,
elle n’est pas héréditaire (seulement
1 % des cas). « On comprend avec
ces contours encore flous de la
maladie pourquoi, aujourd’hui, un
patient sur deux n’est pas diagnosti-
qué », alerte Joël Jaouen, président
de l’association France Alzheimer.
« Tout n’est pas la maladie
d’Alzheimer ! »
Pourtant, des consultations mémoire
existent pour répondre aux incertitu-
des. La psychiatre et gériatre Véroni-
que Lefebvre des Noettes, membre
du conseil scientifique de l’Espace
national d’éthique sur les maladies
neurodégénératives et la maladie
d’Alzheimer, évoque le diagnostic
progressif : « Toute plainte autour
des troubles de la mémoire est à
écouter à partir du moment où cela
perdure. Mais la mémoire qui flan-
che n’est pas toujours un début de
maladie Alzheimer. Ce peut être aus-
si un trouble de l’attention-concen-
tration dû à un stress, une anxiété ou
une dépression. »
Joël Jaouen a accompagné son père
dans la maladie. | PHOTO : JOËL JAOUEN
Avant des investigations neurologi-
ques plus poussées, Véronique
Lefebvre des Noettes, qui exerce à
l’hôpital Émile-Roux, dans le Val-de-
Marne, entreprend « un bilan de
débrouillage ». Des tests courts com-
me celui dit de Folstein qui évalue les
fonctions cognitives, celui de l’horlo-
ge ou de fluence verbale.
Des moments d’entretien précieux
où, enfin, après les supputations, les
signes sournois, « l’expertise des soi-
gnants et l’expérience des aidants
se rejoignent », souligne Joël Jaou-
en. Parce que, dans cette maladie, la
solitude et l’isolement de ceux qui
l’éprouvent est une des plus grandes
souffrances. « Je le dis souvent aux
médecins, vous, c’est le savoir,
nous, aidants, c’est le vécu. Avec
Alzheimer, qui est incurable, on va
souvent passer du temps ensem-
ble. »
Valérie PARLAN.
Faible passage pluvieux
Ce dimanche 21 juin, une perturbation de faible activité traverse notre région d'ouest
en est. Les pluies faiblissent au fur et à mesure de leur progression.
30 Mer belle
Dernier épisode de temps 173ème jour - 25ème semaine 14° 19° 12°
40
maussade avant l'arrivée de Saint Rodolphe : 16°
16°
conditions estivales et de la Il est évêque de Bourges 14° 18° 12°
chaleur la semaine prochaine. pendant 25 ans. Bon diplomate,
La pluie, qui a abordé la il réussit à mener à bien de 13°21° 12°21° 9°
Bretagne dans la nuit, progresse nombreuses affaires politiques.
Mer agitée 9°

lentement vers l'est au cours de 20 40

la journée. Elle quitte la Prénoms à fêter cette semaine :
14° 15°
Normandie et l'est des Pays de 12° 21° 10°
Lundi Thomas More 15° 19°
la Loire en fin d'après-midi. En Mardi Martin des Ormeaux 15° 19° 10°
9°°

Bretagne, on aura déjà profité 14° 20° 10°

Mercredi Jean-Baptiste 17°
de belles éclaircies dans une Jeudi Salomon 14° 19° 10°
masse d'air plus sèche. Vendredi Maixent d'Agde Mer forte
Samedi Didier d'Auxerre 30 14° 20° 10° 13° 22° 12°
14° 22° 10° 12° 22° 9°
14° 21° 10°
17°
Dimanche 21 juin Lundi 22 juin
Mer agitée
12° 21° 10° 6h16 0 mn
11h31 23h46 06h31 18h50 - 12h09 07h11 19h30
17° 13° 21° 11°
11h37 23h50 06h26 18h43 - 12h17 07h06 19h23

20
09h52 22h03 04h15 16h28 10h30 22h40 04h54 17h08
08h10 20h25 02h51 15h09 08h50 21h04 03h33 15h49
08h02 20h16 02h30 14h49 08h41 20h55 03h12 15h30 22h23 +1 mn

40
07h56 20h11 02h01 14h19 08h36 20h49 02h41 14h59
06h58 19h12 01h02 13h19 07h37 19h49 01h42 13h58 12° 19° 10°
05h52 18h08 - 12h09 06h31 18h46 00h33 12h47 17°
05h33 17h45 11h41 - 06h11 18h22 00h09 12h20
Mer agitée Prem. croiss
05h32 17h42 11h40 - 06h10 18h19 00h09 12h19
05h53 18h04 - 12h00 06h31 18h43 00h27 12h39
24 juin
05h27 17h34 11h45 - 06h04 18h11 00h14 12h23
05h19 17h28 11h53 - 05h55 18h03 00h19 12h32
05h29 17h41 11h33 - 06h06 18h18 00h02 12h12
75 77 79 80 12° 18° 11° 23°
Lundi Mardi
9° 22° 11°26°

10° 23° 11° 27°

10° 22° 11° 26°
10° 23°° 12° 26°°
12° 23°° 12° 28°°

10° 23° 13° 27°

10° 24° 12° 28°
Du soleil ! Les Plein soleil.
températures Températures
commencent à 10° 23° encore en 12° 27°
grimper. hausse.
24°

21° Mercredi Vendredi

22° et jeudi et samedi
22°

25°

30° On dépasse Toujours très

34° 34° souvent la chaud mais
barre des 30 aussi plus
degrés. lourd.
26°

Nouveau GLA.
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Le Mans 02 43 72 72 33
Consommations combinées du Nouveau GLA (l/100 km) : 4,6-7,1 (NEDC corrélé) / 5,3-8,4 (WLTP).
CO2 combinées (g/km) : 121-163 (NEDC corrélé) / 138-190 (WLTP). Sablé-sur-Sarthe 02 85 29 32 73