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POUR LE DIMANCHE 7 NOVEMBRE 2021

Metternich et le Congrès de Vienne

Faihun Fela

Lycée Henri IV
Metternich et le congrès de Vienne 1

Introduction :

Le 6 avril 1814, Napoléon Ier, Empereur des Français abdique sans conditions, c’est-à-dire qu’il renonce à
la couronne, non seulement pour lui, mais aussi pour son fils, Napoléon II, dit l’aiglon. Par cette simple abdication,
l’Empereur met fin à plus de 20 ans de guerre continuelle en Europe. La campagne de France de 1814, consacre la
victoire des quatre grandes puissances, c’est-à-dire la Russie, de l’Angleterre, de la Prusse et de l’Autriche.
Cependant, l’effondrement de l’Empire Napoléonien n’est pas sans conséquences. La révolution, les questions
territoriales, les vieilles querelles entre puissances… à peine Napoléon est-il vaincu que les alliés font face à un
nouveau défi : réorganiser l’Europe. Problème néanmoins, chaque puissance veut la réorganiser à sa façon, et
s’imposer sur le continent. Entre basses manœuvres et volonté de dominer l’Europe, nous allons voir, en ces années
1814-1815, comment l’Autriche, représentée par Metternich tente-t-elle de s’imposer en puissance centrale de
l’équilibre en Europe lors du congrès de Vienne. Pour répondre à cette question, nous allons dans un premier temps
revenir sur les éléments principaux de la vie de Metternich qui sont essentiels pour comprendre ses idées et donc la
politique autrichienne en Europe. Après quoi, nous analyserons le déroulement et les objectifs du congrès de Vienne,
afin de comprendre quels sont les intérêts autrichiens comment Metternich les défend-il. Enfin, nous verrons
comment les acquis de ce congrès permettent à l’Autriche d’être la garante de l’équilibre européen, dans la droite
lignée de ses intérêts.

I. La vie de Metternich explique ses idéaux et la politique autrichienne en Europe

Introduction :
“Ma biographie me fera peut-être connaître d’une manière défavorable, mais au moins, elle ne sera pas
ennuyeuse”, écrivait Metternich. Effectivement, la vie de ce diplomate est très mouvementée, marquée par des
épisodes tels que la révolution française. Sur cette dernière et sur ses idées, il a d’ailleurs un avis très négatif. On le
voit notamment dans un document : La souveraineté des peuples selon Metternich (voir dernière page). Ce
document est un extrait des mémoires de Metternich, publié en 1880-1884 à titre posthume, par son fils, le prince
Richard de Metternich. On tirera plusieurs idées de ce texte dans le B.

A. Retour sur la vie de Metternich

Klemens Wenzel von Metternich, naît à Coblence le 15 mai 1773. Metternich est le fils du comte
Franz-George von Metternich, un comte qui est très proche de la cour de Vienne et donc du pouvoir. C’est grâce à
ses relations avec la cour qu’il rencontre Marie-Béatrix von Kagenegg, également issu d’une grande famille proche
de la cour. Autant dire que Metternich naît dans une famille noble, et on pourrait même préciser de la vieille
aristocratie. De ce fait, il va être éduqué selon les codes de la noblesse. “J’ai été un bon enfant, fort occupé de ses
devoirs et de ses livres” (DE SAUVIGNY Guillaume de Bertier, Metternich) : voilà tout ce qu’a voulu livrer
Metternich de son enfance. On sait qu’il était chéri de sa maman, qu’il apprenait les codes aristocratiques,
c’est-à-dire le beau langage et le bon maintien… Il apprenait également la natation, l’équitation, et même le français,
qui était alors d’usage dans les plus hautes sphères de la société autrichienne et européenne en général. Son
éducation et les liens de sa famille avec le pouvoir lui permettent par la suite de devenir diplomate. Pendant la
période napoléonienne, il sera ambassadeur à Berlin en 1803, à Saint-Pétersbourg en 1806, et à Paris en 1809, où il
rencontrera d’ailleurs Napoléon à Saint-Cloud. Son talent diplomatique lui permettra de devenir le chef de la
diplomatie autrichienne, et d’être le porte-parole de l’Autriche lors du congrès de Vienne. Il est mort le 11 juin 1859,
à l’âge de 86 ans. Metternich a donc vécu à l’époque de la révolution française, et en tant que diplomate, il a
forcément eu une opinion sur cet événement inédit. Mais avant d’exposer le point de vue de Metternich sur la
révolution, il est nécessaire de prendre de la distance sur la vie de Metternich et précisément sur son enfance, afin de
comprendre son opinion.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que Metternich est né et a été éduqué dans un cocon. Premièrement, il est
né dans une famille aristocratique, c’est-à-dire à l’époque, dans la caste la plus privilégiée de la société d’ancien
régime. Il a donc hérité des mœurs de son milieu social. Et deuxièmement, il est né à Coblence, c’est-à-dire dans “ce
petit État où plus qu’ailleurs étaient réunies les conditions d’une “douceur de vivre” qu’ont célébré les nostalgiques
de l’ancien régime” (Metternich). Ce que veut dire l’auteur par là, c’est que Coblence était une ville, où ne résidait
que des aristocrates et des bourgeois. Le diplomate autrichien a donc baigné dans cette ville ou ne se côtoyaient que
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des gens de condition aisée, et il n’a pas ou peu connu d’autre chose. Il ne connait pas ou peu les misères du peuple
et c’est ce qui explique que jamais dans ses écrits, il n’eut la moindre compassion ou compréhension des souffrances
des classes les moins favorisées. Ce cocon, dans lequel a grandi l’autrichien fait que lorsque vont apparaître en 1789
des nouvelles idées telles que la souveraineté populaire, la nation et les nationalités, la république… Metternich y
sera extrêmement réticent.

B. Metternich, hostile aux idées de la révolution et de l’Empire

L’idée que l’on retient de l’extrait, c’est que Metternich est en totale opposition non seulement au concept
de souveraineté populaire, mais également à toutes les nouvelles idées qui naissent pendant la période
révolutionnaire. Ainsi “Metternich consacra tous ses soins [...] à lutter contre les idées de la Révolution, qu’il
jugeait, en toute bonne foi, pernicieuses pour l’Autriche et pour l’Europe. Cette préoccupation tourna chez lui à
l’obsession.” (BERGER Jean, L’empire Austro-hongrois, 1815-1918, Armand Colin, 2011, chap. 2 : L’ère
Metternich). Grâce au présent raisonnement, qui permet de mettre en évidence l’hostilité du diplomate vis-à-vis de
la révolution, on peut facilement comprendre la vision que défend Metternich. L’autrichien était un conservateur,
qui, par tous les moyens, a tenté de maintenir en place les idées d’ancien régime. Il méprisait le nationalisme et la
révolution. Metternich a grandi dans un cocon aristocratique ce qui justifie que son idéal soit une monarchie
absolue, tel qu’il l’avait connu, avec un pouvoir concentré dans les mains des classes privilégiées et non pas du
peuple. Le concept de souveraineté des peuples lui sera totalement étranger, ce qui explique sa politique d’après la
révolution. On comprend cela dans le texte lorsqu’il écrit : “qui obéira si c’est la masse qui gouverne ?” Tout ce que
nous venons d’exposer à l’instant explique les positions et les décisions qu’il prendra lors du congrès de Vienne. En
effet, il ne faut pas oublier qu’en tant que chef de la diplomatie autrichienne, Metternich était LE décideur de la
politique extérieure de l’Autriche.
Du fait de sa fonction, chaque choix diplomatique que fait l’autrichien à un impact sur son pays. Et, son
opinion sur la révolution peut nous amener à comprendre pourquoi l’Autriche est-elle au cœur de l’Europe
post-révolutionnaire. Bien sûr, cela s’explique par le fait que Metternich est en totale opposition avec les idées de la
révolution et de l’Empire. Il faut bien comprendre que pendant toute la période révolutionnaire, l’Autriche est avec
le Royaume-Uni, le grand ennemi de la révolution. Et la raison est simple : l’Empire d’Autriche fonctionne selon le
modèle d’ancien régime, c’est-à-dire qu’il y a un roi, dans ce cas un empereur, descendant de Dieu, qui gouverne
tous les hommes. Or, en France, à la révolution, naissent les différentes idées révolutionnaires, dont la souveraineté
populaire. Ces principes, acquis pendant la révolution, sont aux antipodes du système d’ancien régime. Si de telles
idées se répandent en Autriche, cette dernière n’aurait plus voix au chapitre, mais surtout, la maison des Habsbourg,
qui règne en monarque absolue sur l’Autriche, serait directement menacée. Et c’est sans parler du concept de nation
et de nationalités. Laisser se répandre ce genre d’idée en Autriche, c’est signer la fin de ce pays. Car il n’existe à
cette époque en Europe, pas d’Empire plus hétéroclite que celui d’Autriche. On y retrouve en effet, des Allemands,
des Italiens, des Hongrois, des Croates… Finalement, si l’Empire d’Autriche est au cœur de l’Europe
révolutionnaire, c’est parce que face à l’Empire Napoléonien, elle joue sa survie. Tout cela mène l’Empire
continental sur le chemin de la guerre, justifié par la crainte permanente de nouvelles explosions révolutionnaires,
guidée moins par l’hostilité vis-à-vis de la France que par la hantise du désordre européen.

C. L'Autriche est au cœur de l’Europe “post-révolutionnaire”

En 1814, Napoléon est vaincu et contraint de s’exiler sur l’île d’Elbe. A côté de cela, on signe à Paris le 30
mai 1814, un traité qui ratifie la victoire des alliés, et principalement des quatre grands, c’est-à-dire l’Autriche, le
Royaume-Uni, la Prusse et la Russie. Par cette abdication, l’on passe en Europe, dans une phase
“post-révolutionnaire” dans laquelle l’Autriche est très active, et cela, pour plusieurs raisons. L'Autriche pendant
toute la période révolutionnaire à fait la guerre à la France, contre les idées de la révolution. De ce fait, à la chute de
l’Empire, il est légitime que l'Autriche soit la grande gagnante de ces guerres. Cela la place automatiquement au
cœur de l’Europe, surtout que Napoléon Ier ayant été chassé du trône, laisse un territoire européen défiguré qu’il
faudra redessiner. Or l’Autriche, en tant que vainqueur et grande puissance continentale, est au cœur de ce
redécoupage de l’Europe, et Metternich protège les intérêts de son pays.
La volonté de l’Autriche marquée par les conflits précédents est de se réaffirmer comme grande puissance.
En effet l’Autriche a vu son territoire fortement réduit après le traité de Presbourg signé en 1806, juste après la
bataille d’Austerlitz. Les conséquences de ce traité sont dramatiques pour l’Autriche. Et pour causes, ce traité
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dissous le Saint-Empire Romain Germanique, au profit de la création de la confédération du Rhin qui n’est, en
réalité, qu’un glacis protecteur pour Napoléon. De plus, l’Empire d’Autriche voit son territoire et son influence
fortement réduite. Elle perd, par exemple, toute son influence en Italie. Enfin, elle perd la Vénétie, l’une des régions
les plus riches de l’Empire et les provinces illyriennes, ce qui interdit à l’Autriche un accès à la mer. Et c’est sans
compter les autres défaites et traités comme la bataille de Wagram et le traité de Schonbrunn en 1809. Mais par sa
victoire en 1814, l’Autriche s’impose en grande vainqueure et donc en grande puissance, au cœur de l’Europe
“post-révolutionnaire” ce qui permettra à Metternich de négocier en position de force, la défense des intérêts
européens, lors du congrès de Vienne.

II. Le Congrès de Vienne des festivités aux négociations ou comment l’Autriche tente de s’imposer en
Europe
Introduction :
Le 1er novembre 1814, s’ouvre “la plus grande réunion diplomatique de l’histoire”. Le choix de Vienne,
comme hôte de cette réunion au sommet, n'est pas anodin. Il signe le retour de l’Autriche sur le devant de la scène
européenne après deux décennies marquées des pires difficultés. L’Empire Autrichien pour marquer son retour
parmi les grandes puissances européennes, va donc dépenser énormément, malgré le fait qu’elle soit au bord de la
banqueroute, pour asseoir ce qu’on appellerait aujourd’hui son soft power. Ainsi, la couronne autrichienne dépensera
pour ce congrès l’équivalent d’un milliard de francs. Le congrès de Vienne est une ample machinerie de 300
délégations, composées des grandes puissances, jusqu’aux plus petits États. Dans toute cette partie, nous allons nous
appuyer sur un document qui nous permettra de tirer ou de souligner plusieurs idées et dynamiques que l’on retient
de ce congrès. Ce document, c’est le Gâteau des rois. (voir dernière page) Il s’agit d’une caricature, dont l’auteur est
anonyme. Néanmoins, on sait que cette caricature a été produite vers 1815. Sur cette caricature l’on voit en blanc, à
gauche l’empereur François d’Autriche, puis suivent Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse, Alexandre 1er, tsar de
toutes les Russies, Castelreagh, diplomate anglais, Joachim Murat, roi de Naples et ancien maréchal de France,
ayant combattu avec Napoléon, qui se trouve derrière lui. Enfin, l’enfant que vous voyez est Napoléon II, fils de
Napoléon, et sous la table, l’on trouve Talleyrand tenant un portrait du roi Louis XVIII.

A. L'organisation du congrès de Vienne : les grands s’accaparent le congrès de Vienne :


l’exemple des comités allemands

Dès l’ouverture du congrès le 1er novembre 1814, les grands organisent le congrès de sorte à avoir
énormément d’impact sur les décisions qui seront prises, alors qu’ils doivent composer avec 300 délégations. Le
Congrès s’organise en différents comités traitant chacun d’un thème particulier, afin de répondre à diverses
questions sur l’avenir du continent. On retrouve ainsi plusieurs comités, plus ou moins importants, pour notre sujet
tel que le comité sur la confédération germanique ou le comité sur la libre circulation des rivières. Ils avaient pour
but de dégager les bases d’un accord. Ces comités permettaient l’échange des courriers, des notes officielles…
jusqu’à la conclusion d’un accord. Néanmoins, et c’est en cela que les quatre grands s’approprient le congrès, il faut
pour qu’une conclusion soit définitive, l’approbation des grandes puissances. Le pouvoir décisionnel des grands était
si énorme que certains pays “ne cessèrent de réclamer un siège dans celles (les commissions) où l’on allait traiter de
leurs affaires, ce qui ne fut pas toujours accordé” (LENTZ Thierry, Le congrès de Vienne, une refondation de
l’Europe, 1814-1815), le tout en fonction des intérêts de chaque pays.
Cet accaparement du congrès s’illustre notamment avec un exemple : celui des comités “allemands”.
Entendez par là, tous les comités qui traitent des sujets territoriaux allemands. Il y en a deux au congrès. Le premier,
le “comité pour les affaires d’Allemagne” est celui où la monopolisation du congrès a atteint son point culminant.
En effet, dès la création de ce comité, les Autrichiens, représentés par Metternich et les Prussiens semblaient être les
deux seuls pays présents pour ce comité, et avaient déjà considérablement embrouillé la situation. Cela à pour
conséquence de passablement énerver les plus petites puissances qui sont présentes dans ce comité, tels que la Saxe,
la Bavière ou le Wurtemberg, qui sont complètement marginalisés. Ce cas rend bien compte à quel point les grands
sont présents et les petites puissances absentes. C’est d’ailleurs quelque chose que notre caricature illustre très bien.
À y regarder de plus près, sur les 300 délégations qui étaient présentes lors du congrès, il n’y a que quatre
puissances qui sont représentées, et ce sont les quatre grands. De ce point de vue, la caricature illustre donc
parfaitement l’absence des petites puissances, ou bien l’omniprésence des grandes puissances qui s’accaparent le
congrès.
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B. Les festivités comme moyen de rendre compte de la puissance autrichienne

Un aspect qui a longtemps été retenu du congrès de Vienne est son aspect festif, qui a notamment été
illustré par de nombreuses caricatures. Même si cet aspect a été exagéré, il est vrai qu’il reste juste. Ainsi, le congrès
de Vienne est comme une grande fête qui dure cinq mois. Les moyens investis sont colossaux, alors que l’on croyait
le pays ruiné par vingt ans de guerres continuelles. Le congrès voit les puissances et leurs représentants si longtemps
ennemis festoyer ensemble. Les fêtes y sont données avec une régularité d’horlogerie. Tous les huit jours sont
donnés une grande réception et un bal à la cour de Vienne. Les diplomates et les délégations avaient également leurs
petites habitudes de rendez-vous festifs. Le lundi, on se rendait chez madame de Metternich et le samedi chez la
comtesse Zichy. C’est tout cela qui fera dire au prince de Ligne : “le congrès ne marche pas, il danse”
Pourquoi parler de festivités dans le cadre de notre sujet ? C’est que ces fêtes ont malgré tout une
importance dans ce qui se passe au congrès. Elles sont le moyen pour l’Autriche de prouver qu’elle est
définitivement revenue parmi les grandes puissances. Cela permet d'asseoir, si le terme existait à cette époque, le
soft power autrichien, c’est-à-dire sa puissance douce ou sa puissance perçue. C’est donc une démonstration de
puissance et de richesse, une question d’influence et d’importance en Europe et par conséquent un moyen pour
l’Autriche de s’affirmer sur le continent. Les fêtes sont également le lieu de discussion et de négociation, c’est ce
qu’on appelle la diplomatie de salon. À travers ses fêtes donc, il y a encore une fois des enjeux diplomatiques,
raisons pour lesquelles elles sont importantes bien qu’elles ne remplacent pas les comités par exemple. Guglielmo
Ferrero, un historien italien écrit “si les fêtes du congrès sont devenues célèbres, elles n’ont pas été mieux comprises
que ses travaux et ses vicissitudes.”

C. Les objectifs du congrès sont mis à mal par les querelles entre alliés

Le Congrès de Vienne se donne pour objectif de répondre à plusieurs questions mais, dans un souci de
concision, nous allons n’en retenir que deux. Premièrement, se pose la question de la redistribution des territoires
européens. On le voit sur la caricature, chacun des grands souverains d’Europe souhaite sa part du gâteau, d’où le
nom : le gâteau des rois. En effet, l’Europe, du fait des guerres napoléoniennes, a complètement été transformée. De
nouveaux territoires ont été créés, d’autres ont disparu et certains territoires ont complètement été modifiés, comme
la Prusse. Sur cette question, les querelles apparaissent rapidement C’est exactement ce que l’on voit sur la
caricature : chaque souverain se bat pour des territoires européens. Chacun veut sa part, la plus grosse et les quatre
grands comme on les appelle se partagent les restes de l’Empire napoléonien. Chaque souverain semble arracher sa
partie de l’Europe. Les différentes paroles et les interactions entre les souverains témoignent des tensions entre ces
derniers. Aussitôt que la France a été défaite, les appétits dynastiques refont surfaces et les alliés se disputent. Les
différends se concentrent autour de trois territoires en particulier : l’Italie, l’Allemagne et la Pologne. Côté Italie,
Metternich avance très rapidement ses pions, si bien que l’on concède l’Italie à l’Autriche sans débat. Néanmoins,
c’est bien sur la question de l’Allemagne qu’on observe une cristallisation des discussions. La Prusse a en effet de
grandes ambitions en Allemagne et a réussi à obtenir un soutien de la part des Russes. Pour l’Autriche, soutenue par
l’Angleterre, il s’agit surtout d’avoir une nouvelle organisation de l’Allemagne qui ne peut se faire qu’en
collaboration avec la Prusse, mais sans domination de cette dernière sur l’Allemagne. La Pologne est également au
centre les conversations. Sur cette question, le diplomate autrichien s’oppose notamment aux Russes. En effet,
ceux-ci veulent annexer la Pologne, mais Metternich à peur des Russes qui prennent de plus en plus d’importance en
Europe. Si la Russie annexe la Pologne, elle sera trop avancée sur le continent et l’Autriche sera à la merci du géant
de l’est.
Néanmoins, la question primordiale reste la France. On se demande au congrès de Vienne quelle place
donner à la France et comment garantir la paix en Europe ? Les alliés répondent à cette question par “l’équilibre
européen”. Mais qu’est-ce que “l’équilibre européen” ? Derrière ce terme se cache des divisions entre les pays qui
ne sont dues qu’à leurs intérêts. La conception “d’équilibre européen” dépend en effet de chacun des belligérants, et
de fait, la réponse à cette question dépend des ambitions de chaque souverain. “Essentiellement européen et
monarchie” (Joseph Fouché), l’équilibre européen selon Metternich nécessitait de redonner à l’Autriche une position
centrale en Europe. Cependant, elle est confrontée à deux problèmes de taille : la Prusse et la Russie. On craint à
Vienne une montée en puissance de la Russie et de la Prusse qui menacent directement leurs intérêts. Ainsi, Vienne
ne souhaite pas anéantir la France, car elle voit en elle un allié. Tout l’objectif de Metternich sera donc de négocier
afin que les punitions à l’encontre de la France ne soient pas trop lourdes. Ainsi, elle pourra rester une puissance sur
le continent nécessaire à l’équilibre européen notamment pour contenir les Russes. L’équilibre selon les Russes et
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les Prussiens est très différent. Pour le tsar, en effet, la Russie doit devenir la grande puissance sur le continent, et
cela est légitimé par le fait que du point de vue russe, la victoire des alliés leur est complètement due. De la même
façon, les prussiens, fortement humiliés par la France en 1806, rêvent également de grandeur si bien que les
prussiens veulent détruire complètement la France, pour pouvoir se venger. Et enfin l’attitude des Anglais semble
assez proche des Autrichiens. Ils se méfient en effet des appétits russes sur le continent. On voit encore que des
alliances commencent à se former. Les Russes et les Prussiens contre les Anglais et les Autrichiens, voilà très
grossièrement, dans quelle configuration, tous les sujets que nous avons abordés plus haut devront être traités.

III. Les acquis du congrès permettent à l’Autriche de s’imposer en Europe

Introduction :
En juin 1815, le congrès s’achève par la ratification d’un acte final qui répond aux problématiques que nous
avons exposées. Cela se manifeste de deux manières : par une réorganisation territoriale de l’Europe, et de
nombreuses alliances multilatérales, c’est-à-dire avec plusieurs pays en même temps, qui permettent à l’Autriche,
grâce à Metternich de s’imposer sur le continent

A. Le redécoupage de l’Europe préserve les intérêts autrichiens

On assiste à la fin du congrès de Vienne à une nouvelle géographie de l’Europe, qui est fortement
avantageuse pour l’Autriche, preuve de la grande influence de Metternich lors du Congrès. En effet, celle-ci retrouve
après 1815, les territoires qu’elle a perdus à cause des guerres napoléoniennes, tels que la Lombardie, la Vénétie, la
Dalmatie…, Elle redevient également maitresse du territoire italien qu’elle avait perdu et étend sa zone d’influence
sur l’Italie et espère faire de même dans les Balkans… À l’est, on fait contrepoids aux russes. Elle est en effet
bloquée par la confédération germanique, et par l’Autriche elle-même au sud, dans la droite lignée des intérêts
autrichiens. La Prusse quant à elle est retenue par la confédération germanique nouvellement créée, où les ambitions
prussiennes étaient (pour le moment) contenues. Néanmoins, les plus grands changements territoriaux sont à
observer autour de la France. L’un des objectifs du congrès de Vienne était de contenir l’expansionnisme français.
Pour cela, elle sera réduite à ses frontières de 1793, et on la fait surveiller par des voisins, qu’on appelle “États
tampons” assez puissants : Au nord, le royaume des Pays-Bas, à l’est des États allemands renforcés, avec l’arrivée
de la Prusse qui vient se frotter à la France, au nord de l’Italie, on a constitué un royaume du Piémont-Sardaigne, et
enfin, on a rendu l’Espagne aux Bourbons, ce qui fait que du côté des Pyrénées, la France est également surveillée.
Enfin, selon les intérêts autrichiens, la France n’a été complètement détruite, mais est restée une grande puissance
sur le continent afin de pouvoir faire la balance entre la Prusse et la Russie.
En somme, l’Autriche est grâce à cela “à la fois renforcée, mais elle est fragilisée par les forces centrifuges
jouant entre ses composantes allemande, hongroise, balkanique et italienne” (Fondation Napoléon). En effet, il se
posait la question au congrès de Vienne de l’héritage révolutionnaire. Le congrès de Vienne a reconstruit l’Europe
sans tenir compte de la volonté des peuples, au nom d’un principe de légitimité mis en avant notamment par
Metternich. Mais le fait est que les conquêtes napoléoniennes ont permis la diffusion des idées de nation et de
nationalités. Or, ces idées sont dangereuses pour l’Autriche et ces idées de droit des peuples seront complètement
bafouées par le congrès de Vienne puisque l’Autriche contient dans son empire des Allemands, des Italiens, des
Croates, des Hongrois, des Bosniaques… En Autriche, par l’action de Metternich, les idées révolutionnaires sont
réprimées. Cependant, ces idées feront leur chemin en Autriche, au gré des victoires françaises et qui malgré la
répression de Metternich, auront des conséquences dramatiques pour ce pays.

B. L’ordre établi au congrès de Vienne conforte les intérêts autrichiens

Les monarchies sont remises en selle, particulièrement en France avec le retour du frère de Louis XVI :
Louis XVIII. Cet ordre est établi, sur des principes de conservation de l’ordre ancien et des principes de légitimité
dynastiques et monarchiques qui sont opposés au principe de droit des peuples. Mais le congrès de Vienne instaure
également un équilibre européen basé sur le fait qu’aucune puissance ne doit avoir le dessus sur l’autre afin de
maintenir la paix en Europe. Cela explique les décisions géographiques qui ont été prises, mais également la
création d’un concert européen. On voit ainsi que toutes les décisions diplomatiques et géographiques sont liées.
Metternich étant un traditionaliste soutient cet ordre établi qui donne la priorité à un retour de l’ordre
ancien justifié par la légitimité des souverains, au détriment des identités et des dynamiques nationales. L’équilibre
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européen tel que défini par le congrès de Vienne est également favorable au diplomate puisque par les choix
géographiques qui ont été effectués, les appétits russes en Europe se retrouvent limités, la France est restée une
grande puissance et l’Autriche peut se poser comme pièce centrale de la diplomatie et de l’équilibre européen. Cet
équilibre européen se manifeste par une organisation : le concert européen

C. L’Autriche joue un rôle important dans le concert Européen

Il est assez difficile de dire ce qu’est le concert européen, mais on peut le définir comme un nouveau
système de relation entre les États, ayant pour but de garantir la paix entre les États en Europe. Il n’y a pas
d’institution que l’on appelle “concert européen”, mais c’est plutôt un système international qui s'appuie sur la
reconnaissance que certains principes devaient gouverner les relations entre les États européens : seules les grandes
puissances décidaient des questions d’intérêt général. Ce concert des grandes puissances s’organise autour de
plusieurs congrès, et de plusieurs réunions, et cela permet une représentation permanente de ces puissances. Les
grands, et d’autres puissances par la suite décident de s’unir, pour défendre l’ordre qui a été établie à Vienne, mais
comme à leur habitude, les grands vont vouloir monopoliser le concert, ce qui, bien que cela soit discutable sur le
plan moral, est bénéfique pour ces pays dont fait partie l’Autriche pour la défense de ses intérêts sur le continent.
L’Autriche étant alors reconnue comme grande puissance en européenne et élément central de l’équilibre européen y
jouait forcément un rôle, et cela permet forcément la protection de ses intérêts tels que son combat contre les
principes de la révolution, sur son territoire et la conservation de l’ordre établie à Vienne…
Le concert européen s’inscrit donc dans une doctrine nouvelle qu’est volonté de garantir la paix et
l’équilibre des puissances par cette dynamique nouvelle qu’est le multilatéralisme, le regroupement de plusieurs
puissances dans le but d’atteindre un objectif, qui est ici le maintien de la paix. Cette organisation permet un
maintien de l’équilibre européen, donc de la paix sur le continent. Désormais, chaque problème et chaque conflit se
règlent par ce concert des puissances. Par la création du concert européen, le congrès de Vienne organise la stabilité
en Europe contre des déstabilisations, de la France et des peuples, le tout dans la droite lignée des intérêts
autrichiens, ce qui a permis d’avoir un siècle sans guerre totale en Europe. Avec le congrès de Vienne, on souhaite
ardemment la paix, et on met des moyens pour garantir cette paix, si bien qu’il y a une mobilisation de la diplomatie
et des moyens pour garantir la paix qui se traduit par la mise en place du concert européen, mais également d’autres
organisations multilatérales comme la confédération germanique ou la Sainte Alliance. Or, en ce début de XIXe
siècle, la paix passe par une surveillance de la puissance perturbatrice : la France.

En définitive, l’Autriche représentée par son diplomate Metternich utilise tous les moyens qu’elle a à sa
disposition pour s’imposer en Europe en tant que pièce maîtresse de l’équilibre européen, que ce soit par la
diplomatie, par son importance dans la victoire contre Napoléon… Thierry Lentz dans son ouvrage décrit même
Metternich comme un “équilibriste conservateur”. Lors du congrès de Vienne, elle s’assure que les décisions prises
vont dans ses intérêts et force est de constater que le congrès est allé dans son sens. Ainsi, elle se retrouve grande
gagnante du congrès de Vienne puisqu’elle retrouve ses territoires et son influence, que les décisions géographiques
qui ont été prises vont dans son intérêt, qu’elle se pose en tant qu’élément central de l’équilibre européen dans les
différentes organisations multilatérales comme le concert européen. Néanmoins, tout cela s’est fait en bafouant le
principe du droit des peuples, qui grâce ou à cause de Napoléon se sont diffusés dans le royaume, car il s’opposait
au principe de légitimité dynastique. Si pour le moment, les velléités nationalistes ont pu être tues, il n’en sera pas
ainsi longtemps, car elles vont se réveiller à nouveau quelques décennies plus tard, provoquant son déclin, puis son
implosion.
Metternich et le congrès de Vienne 7

Sources :

Bibliographie :

LENTZ Thierry, Le Congrès de Vienne, Une refondation de l’Europe, 1814-1815, Paris, Perrin, 2013,

DE SEDOUY Jacques-Alain, Le concert Européen, Aux origines de l’Europe, 1814-1914, Fayard, 2009,
Avant-propos, Chapitres I et II

DE SAUVIGNY Guillaume de Bertier, Metternich, Fayard, 1998

BERANGER Jean, L’Empire austro-hongrois, Armand Colin, 2011

Sitographie :

Fondation Napoléon, Napoléon.org, Le congrès de Vienne, (Novembre 1814-Juin 1815), Site :


https://www.napoleon.org/enseignants/documents/video-le-congres-de-vienne-novembre-1814-juin-1815-2-min-46/

Fondation Napoléon, Napoléon.org, Le congrès de Vienne, Cours, carte, bibliographie et sources, Site :
https://www.napoleon.org/enseignants/documents/le-congres-de-vienne-cours/

British Museum, Britishmuseum.org, satirical print, Site :


https://www.britishmuseum.org/collection/object/P_1868-0808-8201

Musée de l’Armée, La France face aux coalitions, Site :


https://www.youtube.com/watch?v=b8zcRzsORX4&t=316s
Metternich et le congrès de Vienne 8

Document PPO :

Document 1 : La souveraineté des peuples selon Metternich

“L’idée de souveraineté comprend celle du droit suprême et de la puissance suprême. Le


droit sans la puissance est une chimère et la puissance sans le droit est un abus. La souveraineté
se trouve là où les deux conditions sont réunies ; ce qui en dérive, c’est le gouvernement. Le
peuple peut-il gouverner ? Pour gouverner, il faut trouver le contraire, l’obéissance. Qui obéira,
si c’est la masse qui gouverne ? Un droit qui ne peut être exercé n’est qu’un mot vide de sens ;
aussi la souveraineté du peuple ne va‑t‑elle pas, dans son application, au-delà du mot ; dans la
pratique, la souveraineté du peuple se réduit au droit de se faire représenter, c’est‑à‑dire de cesser
dès qu’elle commence à s’exercer.”

Klemens von Metternich, Mémoires, 1850

Document 2 : Le Gâteau des rois

LENTZ Thierry, Le congrès de Vienne, Une refondation de l’Europe, 1814-1815, Perrin, 2013

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