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CM1 UE6
DOULEUR ET INFLAMMATION
LES OPIANALGESIQUES
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Pr Dallemagne Douleur et inflammation CM1
I. GÉNÉRALITÉS .................................................................................................................................. 3
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I. GÉNÉRALITÉS
Les analgésiques ou antalgiques sont des médicaments utilisés dans le but de diminuer une
sensation douloureuse.
Cette famille comprend deux grands groupes :
- Les analgésiques non-opiacés que l'on qualifie également de périphériques car ils agissent par
inhibition de la biosynthèse des prostaglandines ce qui induit une diminution de la sensibilité de
l'organisme aux stimuli nociceptifs. On trouve dans ce groupe : le Paracétamol, les salicylés (avec
l'aspirine comme chef de fil), les AINS, la Noramidopyrine, la Floctafénine et le Néfopam (ce
dernier étant une exception, il n'agit pas au niveau périphérique mais au niveau central).
- Les analgésiques opiacés ou opianalgésiques que l'on qualifie également de centraux (de même
que le Néfopam ou les antidépresseurs imipraminiques) car ils agissent sur la transmission des
messages nociceptifs en inhibant la libération de la substance P.
Dans la famille des analgésiques on trouve également deux autres groupes : les anti-pyrétiques et les
anti-spasmodiques qui agissent sur les causes de la douleur.
Parmi les opianalgésiques on distingue :
- Les alcaloïdes naturels de l'opium dont fait partie la morphine
- Les dérivés semi-synthétiques de la morphine
- Les dérivés synthétiques de la morphine : les morphinanes, les benzomorphanes, les
phénylpipéridines et les dérivés benzhydryl.
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A. Découverte de la morphine
L’opium est un exsudat de capsule de pavot (Papaver somniferum). C'est certainement le plus ancien
composé naturel utilisé en thérapeutique, des traces de son utilisation en Égypte datent de 4 000 ans avant
JC.
Cependant, il faut attendre le 19ème siècle pour que l’étude des constituants du pavot débute sous
l'impulsion de Vauquelin, le premier directeur de l’École supérieure de Pharmacie de Paris.
En 1804, Séquin (élève de Vauquelin) rapporte devant l'institut de France l'extraction d'un narcotique
à partir de l'opium.
En 1805, Sertüner (pharmacien stagiaire Allemand de 20ans), extrait de l'opium un acide organique
inconnu qu'il nomme Acide méconique, il remarque que cette acide est inactif chez l'animal
contrairement au narcotique qu'à extrait Séquin. Cependant, par alcalinisation des liqueurs mères par de
l'ammoniaque, il obtient un précipité d'un « principium somniferum » ou Morphium car narcotique
chez l'animal (tout comme l'opium). Ce Morphium est capable de neutraliser les acides en formant des
sels (comme dans la plante avec l'acide méconique).
Le caractère basique de la substance extraite va intéresser les scientifiques. Plusieurs articles furent
ignorés jusqu'en 1817 où Gay-Lussac (le doyen des chimistes français) les traduit dans les annales de
chimie en soulignant l'importance de la découverte de ce premier « alkali végétal » et en suspectant le
caractère alcalin de beaucoup de composés naturels pour lesquels il propose le suffixe « ine ». Le
Morphium de Sertüner devient la Morphine.
La structure de la morphine est élucidée en 1923 par Gulland et Robinson.
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Codéine = méthylmorphine
C'est le dérivé méthoxylé de la morphine
→ elle diffère de la morphine uniquement
par la présence d'un groupement méthyl
Codéine sur l'hydroxyle phénolique en position 3
qui devient alors une fonction méthoxy.
Elle a des propriétés analgésiques et
antitussives.
Les dérivés du
phénanthrène
Thébaïne = diméthylmorphine
Elle diffère de la morphine uniquement
par la présence de deux groupements
méthyl, l'un sur l'hydroxyle phénolique en
position 3 et l'autre sur l'hydroxyle en
position 6 qui deviennent alors des
fonctions méthoxy.
Thébaine
Elle n'est pas intéressante en
thérapeutique (pro - convulsivante) mais
son système diène conjugué possède une
réactivité particulière qui la rend
intéressante en tant que précurseur pour la
synthèse de dérivés hémi – synthétiques.
Les
benzylisoquinoléines
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B. La morphine
1. Effets de la morphine
La morphine entraîne chez l'Homme :
- Une action analgésique accompagnée d'un effet hypnotique (=narcotique « qui fait dormir »).
- Une dépression respiratoire c'est à dire un ralentissement de la respiration (qui peut être mortel).
- Une dépression du centre de la toux. Cependant la morphine n'est pas utilisée comme antitussif,
on préfère la codéine pour cette indication.
- Une diminution du péristaltisme intestinal donc une constipation.
- Des nausées et vomissements.
- Un myosis (on parle de pupille punctiforme chez les morphinomanes c'est-à-dire de la taille d'un
point).
- Un effet psychodysleptique avec euphorie, hallucination, détachement ou sensation
d'indifférence du patient vis-à-vis de son environnement (ataraxie) : recherché chez les toxicos
DEFINITIONS :
- Tolérance :
Besoin d'augmenter les doses administrées pour obtenir un effet constant.
→ S'applique à la morphine.
- Dépendance :
Etat dans lequel un organisme ne fonctionne normalement qu'en présence d'une drogue.
La dépendance peut entraîner un syndrome de sevrage lors de l'arrêt de la drogue. → s'applique à la
morphine.
Dans le cadre de l'utilisation thérapeutique de la morphine, sont administrées des formes permettant de
s'affranchir de cette dépendance.
- Addiction :
Besoin compulsif de s'administrer le produit.
→ Rare pour la morphine même dans le cadre d'une utilisation toxicomaniaque. Très présent pour des
dérivés de la morphine telle que l'héroïne.
La morphine existe en forme orale à libération immédiate : Actiskenan®, Sevredol®, Oramorph® et en
forme orale à libération prolongée : Moscontin®, SkenanLP® qui permettent de s'affranchir d'une
éventuelle dépendance.
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Au niveau périphérique, le ressenti de la douleur est imputable aux prostaglandines qui sont produites
en cas de dégâts tissulaires. Leur synthèse est inhibée entre autre par l'aspirine et les AINS qui sont des
analgésiques périphériques qui agissent donc par diminution de la sensibilité de l'organisme aux messages
douloureux.
Au niveau central, la transmission de la douleur est assurée par des neurotransmetteurs dont les
principaux sont le glutamate (= acide glutamique) et la substance P.
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Cette transmission de la douleur peut être modérée par des neuromodulateurs appelés enképhalines
(= endorphines) qui se fixent sur des récepteurs qui leur sont propres et qui vont ainsi diminuer le
passage de l'influx nerveux généré par la libération de la substance P au niveau de la synapse.
Ceci constitue une analgésie naturelle. Les enképhalines sont libérées à la suite d'une douleur, de la
pratique intensive de certains sports (course à pied), lors de l'acte sexuel ou la consommation de chocolat
(circuit de la récompense).
Les récepteurs aux enképhalines sont la cible des opianalgésiques,
ce sont donc également les récepteurs aux opiacés. En raison de la
répartition cérébrale (zones vertes) de ces récepteurs, les
opianalgésiques sont beaucoup plus efficaces contre une douleur
sourde, intense et prolongée telle que la douleur liée à un cancer que
contre une douleur aiguë.
La diminution de la libération de substance P par les enképhalines
ou opianalgésiques entraîne une augmentation du nombre de ses
récepteurs sur le neurone nociceptif médullaire. Il faut donc
davantage d'enképhalines ou d'opianalgésiques pour obtenir le
même effet car la transmission de la douleur est facilitée. Ceci met
en évidence la tolérance et l'éventuelle dépendance (pas pour la
morphine dans le cadre d'une utilisation thérapeutique en raison de
l'utilisation de formes particulières) avec trouble du sevrage.
Le phénomène d'addiction est lié à d'autres zones du système
nerveux central et est peu fréquent avec la morphine, on le retrouve
surtout avec l'héroïne.
3. Propriétés pharmacologiques
Les opianalgésiques sont des ligands des récepteurs aux enképhalines ou aux opiacés (RCPG). Il existe 3
sous types de récepteurs au niveau central :
- Récepteurs µ : leur activation entraîne une analgésie, une dépression du centre respiratoire,
une euphorie et est responsable du phénomène d'addiction.
- Récepteurs κ : leur activation entraîne une analgésie, une sédation mais pas d'effets
secondaires délétères.
- Récepteurs δ : leur activation entraîne une analgésie.
L'activation des récepteurs périphériques entraîne une diminution du péristaltisme intestinal donc
une constipation.
→ La morphine et la codéine sont des agonistes purs de tous ces récepteurs.
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La morphine reproduit une analogie avec le motif tyrosine (Tyr) présent dans la partie N-terminale de
toutes les enképhalines qui sont les ligands naturels des récepteurs opioïdes. Sur le schéma : analogie
entre la partie verte de la morphine et la partie bleu de la Met – enképhaline.
Donc différents motifs engagent des interactions avec les acides aminés qui forment le récepteur :
- L'azote basique présent dans la partie N-terminale engage une liaison ionique avec une charge
négative appartenant au récepteur.
- La fonction hydroxyle phénolique en 3 engage une liaison hydrogène.
- Le groupement phényl engage des liaisons de type hydrophobe Van der Walls.
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La forme dextrogyre (+) qui est l'image dans un miroir de la forme lévogyre, donc qui a une configuration
de ses 5C* complètement opposée est totalement inactive car elle perd la capacité à établir les interactions
de type ionique et hydrogène.
- Si on change la configuration d'un seul constituant, l'activité est complètement modifiée. Par
exemple, le changement de configuration du C14 fait chuter l'activité de la morphine à 10 %.
5. Caractéristiques pharmaco-chimiques
La morphine est une molécule basique (alcaloïde) qui possède un pKa de 8,2 (supérieur à 7,4 : plus de
formes chargés)
C'est une base moyenne ce qui rend possible la fabrication de sels de type chlorhydrate (avec HCl) pour
une administration en intraveineuse ou de type sulfate (avec H2SO4) pour une administration par voie
orale. Elle a un pKa proche du pH physiologique (pH = 7), elle est donc équitablement répartie en forme
chargée/forme non-chargée à pH physiologique. La forme non chargée (= non ionisée) est capable de
traverser la BHE pour permettre une action au niveau central tandis que la forme chargée (= ionisée) est
capable d'interagir avec le récepteur.
!!"#$%!&
La morphine a un log P = 0,6. Le log P = log !!"#
et permet de rendre compte du niveau d'hydrophilie
ou lipophilie d'une molécule. Une molécule très lipophile a une valeur de log P élevée.
La morphine est faiblement lipophile, elle a donc une faible capacité à traverser la BHE (c'est sa basicité
qui lui permet de suffisamment la franchir) et une faible capacité à se fixer aux protéines plasmatiques
(30%).
Elle a une DL50 iv (HCl, souris) = 275mg/kg
6. Métabolisme
Il existe deux voies principales de métabolisation de la morphine :
- La glucuroconjugaison : la fonction hydroxyle en position 6 se trouve conjuguée avec l'acide
glucuronique, on obtient le Δ6-glucuro-conjugué (D6G) qui est un métabolite 50 fois plus puissant
que la morphine elle-même. Il participe à l'activité analgésique et aux effets délétères. Il est
excrété par les reins donc en cas d'insuffisance rénale, il va entraîner une prolongation de l'activité
de la morphine et un risque de surdosage.
- La N-désalkylation du groupement méthyl en 17 : on obtient la Nor-morphine qui est un
métabolite actif mais nettement moins que la morphine elle-même. Cette perte d'activité est due à
la polarité plus forte du groupement NH par rapport au groupement NCH3 donc à la diminution de
la lipophilie et la capacité à traverser la BHE pour rejoindre le site d'action.
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C. La codéine = méthylmorphine
La codéine un log P = 1, elle est plus lipophile que la morphine et donc traverse plus facilement la BHE.
Elle a une DL50 sc (HCl, souris) = 300m/kg. Comme pour la morphine, la codéine est utilisée sous forme
de sels : sulfate de codéine (avec H2SO4), bromure de codéine (avec HBr), tartrate (avec l'acide
tartrique), camphosulfonate.
La codéine est déconseillée en association avec des antagonistes opiacés comme la Naltrexone ou des
agonistes-antagonistes opiacés.
Les effets indésirables liés à la prise de codéine sont : la sédation, la somnolence, les nausées et
vomissements, le myosis, la constipation, la dépression respiratoire, les bronchospasmes, la dysurie, le
prurit et les rougeurs de la peau.
La codéine appartient aux substances de la liste I.
Elle est exonérée pour les formes solides jusqu'à 20mg/prise et 300mg/boîte. Il ne faut pas dépasser une
dose de 180mg/jour.
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