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LES DROGUES A ALCALOÏDES ISOQUINOLEIQUES DE TYPE MORPHINANE

« LE PAVOT A OPIUM »
I- DEFINITION
L’isoquinoléine est un noyau bicyclique monoazoté dérivant de la phénylalanine ou de la
tyrosine

Biosynthétiquement, les alcaloïdes isoquinoléiques proviennent du produit de


décarboxylation de l’un de ces deux acides aminés ou l’un de leur homologues (dopamine)
avec une autre molécule (deuxième acide aminé, sa forme désaminée, une unité
isoprènique).
Ces alcaloïdes se répartissent dans quelques familles, notamment :
- Papavéracées (Papaver, Chelidonium)
- Fumariacées (Fumaria (Fumeterre))
- Renonculacées (Hydrastis)
- Monimiacées (Peumus (Boldo))
- Rubiacées (Ipéca )
- Ménispermacées (Curares)
La famille des Papavéraceae est intéressante par le genre Papaver dont seulement 2 espèces
produisent des alcaloïdes à squelette morphinane:
- Papaver somniferum L (produisant opium et morphine)
- Papaver bracteatum (produisant la thébaine).

II- LE PAVOT SOMNIFERE :


Papaver somniferum, Papavéraceae
1- Botanique
-Plante herbacée annuelle, de 0.5 à 1.50 m de hauteur
-Tige dressée plus ou moins velue.
-Feuilles alternes, amplexicaules, oblongues, plus ou moins découpées ou dentées et de
couleur vert glauque.
-Fleurs terminales, solitaires de couleur allant du blanc rosé au violet et au rouge ;
-Fruit = capsule sphérique ou oblongue, surmontée du plateau stigmatique à division
rayonnante ; déhiscente ou non et renferme de nombreuses petites graines.

Dans la paroi des capsules, on remarque - en coupe transversale- la présence de très


nombreux laticifères anastomosés en réseau.
Il existe plusieurs variétés dont les plus importantes sont :
a) La variété album : (Inde, Turquie et en Iran) elle possède des fleurs blanches, des
capsules ovoïdes indéhiscentes et des graines de couleurs blanc jaunâtre.
b) La variété glabrum : (Turquie) à fleurs rouge pourpre, à capsule globuleuse,
déhiscente, à graines noir violacé.
c) La variété nigrum ou « pavot œillette » : à capsule sub-globuleuse s’ouvrant par des
pores situés sous les bords du plateau stigmatique et renfermant des graines de
couleur gris ardoisé ; elle est cultivée en Europe pour la production d’huile et
d’alcaloïdes.

2- Drogues :
La varieté nigrum fourni :
- Les feuilles, les capsules et les graines.
- Pavot vert: partie supérieure du pavot récolté encore vert.
- Paille de pavot (capsule et tige) : partie supérieur du pavot récolté à maturité
complète.
La var album fourni:
- L’opium: c’est le latex séché à l’air, obtenu par incision des capsules vertes.

3- Culture et production d’opium


Culture licite et règlementée
- en Inde (pour la production de l'opium)
- et en Turquie, France, l'Espagne, l'Australie… (récolte de la paille de pavot pour la
production de la morphine pharmaceutique)
Pratique ILLICITE : Afghanistan, Mexique, Myanmar, Thaïlande,… usage en toxicomanie.

3.1) Culture en climat chaud pour l’obtention de l’opium


Les conditions de culture : sol sablonneux limoneux convenablement irrigué ; altitude 300 à
1700m
-Semence des graines à la fin de l’automne,
-la floraison a lieu en avril-mai
-la capsules sont formées en mai-juin : d’abord vert bleuté, elles jaunissent.
-la collecte du latex : avant le dessèchement
-Les capsules sont incisées avec précautions une ou plusieurs fois, le latex blanc qui s’écoule
coagule et brunit à l’air. Ces masses recueillies sont agglomérées laissées séchées (humidité
résiduelle de 10%) pains de 5Kg
Caractères de l’opium
L’opium officinal (tableau B, stupefiants) ou opium de l’inde est définit comme le latex
épaissi obtenu par incision des capsules de diverses variétés de Papaver somniferum.
Il est constitué d’une pate plus ou moins molle, brillante, homogène de couleur noirâtre,
l’odeur est terreuse caractéristique, la saveur acre et amère
L’examen microscopique, pratiqué sur un échantillon séché, pulvérisé et mis en suspension
dans une solution d’hydroxyde de potassium, montre des granulations de latex agglomérées
en masses irrégulières et des filaments allongés ;on observe des fragments d’épicarpe, des
débris de vaisseaux des cristaux réfringents et quelques grains d’amidon.

3.2) Culture en climat tempéré froid


Cette culture conduit à la production de la paille de pavot constituée par la capsule et le tiers
supérieur de la tige dans le but d’extraire les alcaloïdes sans passer par l’opium…

4- Composition chimique
4.1) Composition chimique de l’opium
a) Substances banales :
- Eau : 10 à 15% pour l’opium de l’inde
- Matières minérales : 5 à 10%
- Matières de réserve en faible proportion
- Acides organiques : en quantité importante, le principal : l’acide méconique =
hydroxy-γ- pyrone dicarboxylique
- Une résine terpénique, (stt dans l’opium indien)

b) Principes actifs = alcaloïdes isoquinoléiques ; 10 à 20%, classés en 4 groupes


- Groupe à noyau morphinane ou groupe de la morphine (morphine, codéine,
thébaine)
o Morphine : 10à 12% des AT;
La morphine est une molécule pentacyclique, constituée d’un noyau isoquinoléique et un
noyau phénanthrénique.
C’est une base tertiaire susceptible de donner des sels ;

elle possède un pont oxydique (4-5), une fonction alcool (en C6), une fonction phénol (en3);
cette dernière lui confère des propriétés particulières :
- Formation en milieu alcalin fort de phénates solubles dans l’eau (extraction)
- Propriétés réductrices vis-à-vis notamment du nitrate d’argent ammoniacal
- Formation d’éthers (méthylmorphine ou codéine).
Sous forme de base, la morphine est insoluble dans l’éther éthylique (extraction, dosage).
● Relation structure-activité
- la morphine possède cinq centres d’asymétrie : seul l’énantiomère naturel
lévogyre est actif.
- L’estérification ou l’éthérification de l’hydroxyle en C3 diminue l’activité
analgésique.
- l’inversion de la configuration en C9 et C13 fait disparaitre l’activité.
- l’alcool en C6 et l’insaturation en 7-8 ne sont pas indispensable pour l’activité de
la molécule.
- la substituions sur l’azote est déterminante : le remplacement du méthyl par un
petit radical alkyle abouti à un antagoniste pur ou partiel de la morphine.
- l’addition d’un OH en C14 augmente l’activité analgésique.

o Codéine : (2.5-5%) l’éther méthylique de la morphine

o Thébaine : moins de 2%.


- Alcaloïdes à noyau benzylisoquinoléique : groupe de la papavérine
Papavérine (0.5 à 1%) et alcaloïdes mineurs voisins (laudanine, laudanosine)
La papavérine est préparée par synthèse pour son intérêt thérapeutique.

- groupe à noyau tetrahydroisoquinoléique : groupe de la noscapine(= narcotine)


avec narcéine et narcotoline
3 à 8%. Les sels naturels de la noscapine sont insolubles dans l’eau froide (extraction,
élimination).La narcotine ne donne pas d’accoutumance

- Groupe à noyau isoquinoléique ouvert : groupe de la protopine

4.2) Composition chimique des autres drogues


- capsules 0.2 à 0.3% d’alcaloïdes totaux
- Feuilles : 0.05% d’AT
- Paille de pavot : 0.3% d’AT
- Graines : elles ne contiennent pas d’alcaloïdes mais renferment 40 à 50% d’huile= huile
d’œillette

5- Biogenèse : voir figure N°1

6- Extraction des alcaloïdes


6.1) Extraction des alcaloïdes de la paille de pavot : méthode de Kabay
La drogue est mise à macérer dans une solution aqueuse légèrement alcaline : cette solution
est épuisée par un alcool non miscible à l’eau ; l’addition d’ammoniaque précipite la
morphine.

6.2) A partir de l’opium : méthode de Robertson-Gregory


Voir figure N°2

7- Action physiologique
7.1) Action de la morphine
- Sur le SNC : action principale= analgésique même à faible dose, efficace surtout
contre les douleurs permanentes et intenses. Action accompagnée d’une
sensation d’euphorie (toxicomanie) et d’une sédation (mauvais hypnotique). On
note aussi l’installation d’une tolérance et d’une dépendance physique et
psychique
L’action de la morphine se fait par l’intermédiaire de récepteurs.
- Sur la respiration : effet dépresseur dose dépendant, pouvant aller à l’apnée
- A faible dose : action antitussive
- Au niveau cardiaque : bradycardie avec vasodilatation et hypotension
- Au niveau du tube digestif : effet émétique à faible dose, diminution du
péristaltisme intestinal (antidiarrhéique).

7.2) Action de la codéine : l’alcaloïde le plus utilisé en thérapeutique


La méthylation de l’hydroxyle phénolique entraine :
- Une diminution de l’action analgésique
- Une diminution de l’effet dépresseur respiratoire
- La diminution du pouvoir toxicomanogène
La codéine est un excellent antitussif un antidiarrhéique majeur et analgésique faible (par
rapport à la morphine) mais possède de nombreux effets secondaires (action sédative,
dépendance, constipation).

7.3) Action de la thébaine


Alcaloïde sans intérêt thérapeutique, toxique à forte dose (convulsivant), probablement
toxicomanogène.
7.4) Action de la papavérine : spasmolytique (muscles lisses)
7.5) Action de la noscapine : peu actif sur le SNC, sédatif de la toux et spasmolytique
périphérique, non toxicomanogène
7.6) L’action de l’opium :
Action hypnoanalgésique, antitussive et anti diarrhéique, résultant de l’activité de tous les
alcaloïdes et des substances non alcaloïdiques (tanins, acides organique,…).
Les autres drogues (capsules, feuilles) ont un effet analgésique à moindre degré.
Les graines n’ont pas d’action pharmacologique.

8- Toxicité de la morphine est de ces dérivés


8.1) Toxicité aigüe : l’injection d’une dose forte de morphine peut entrainer la mort
par dépression respiratoire et cardiaque
Il est possible de s’opposer à la dépression respiratoire par l’administration d’un antagoniste
de la morphine : la nalorphine ( N-allyl-nor-morphine).

8.2) Toxicité chronique


L’injection répétée de morphine même à dose thérapeutique entraine une morphinomanie
caractérisée par :
- l’apparition d’une tolérance
- Une dépendance physique et psychique avec un syndrome de sevrage (algies
articulaires et musculaires, anxiété, insomnie, agitation) en cas de suppression
d’administration de morphine.

9- Essais
9.1) Botanique : vérifier les caractères macroscopique et microscopique
9.2) Physico-chimiques
a) Qualitatif
- Caractérisation de l’opium par la mise en évidence de l’acide méconique : après
extraction par l’éther en milieu chlorhydrique, celui-ci est caractérisé par la
coloration rouge qu’il donne en présence d’une solution diluée de perchlorure de
fer
- Caractérisation des alcaloïdes
o Par des réactions colorées : l’addition de réactif sulfoformolé au résidu
d’extraction des alcaloïdes bases donne une coloration rouge en présence
de morphine
o Par CCM en présence de témoins : après révélation par l’iodobismuthite
de potassium
b) Quantitatif
- Dosage de l’eau : par mesure de la perte par dessiccation (max 15%)
-
Le dosage de la morphine dans l’opium met en profit son caractère basique et
phénolique et l’insolubilité de la morphine base dans l’éther. Dosage par
acidimétrie, protometrie, HPLC
- L’opium doit contenir au minimum 9% de morphine anhydre.
c) Physiologique
Détermination du pouvoir analgésique chez les souris, rat,…

10- Emplois
10.1) Drogues en nature
- Opium : ingéré ou fumé comme médicament anti-douleur. Pratique abandonnée.
- Capsule : en décoction pour leur propriété analgésique
- Feuilles en usage externe (lotion, liniments). Elle entre dans la composition du
baume tranquille
- Graine : usage alimentaire : huile d’œillette officinale.
10.2) Formes galéniques
- A partir de l’opium on prépare

10.3) Extraction d’alcaloïdes


A partir de l’opium ou de la paille de pavot
a) La morphine : Analgésique majeur utilisée sous forme de chlorhydrate ou de
sulfate
La majorité de la morphine extraite est
- transformée en produits antitussifs : codéine, codéthyline, pholcodine…
- Utilisée pour l’hémisynthèse de la nalorphine (antagoniste de la morphine) et de
l’apomorphine (à propriétés émétiques)
- Utilisée pour la préparation de la diacétylmorphine = héroïne, analgésique
puissant mais induisant une forte tolérance et une dépendance : « poison rouge »
retiré de la thérapeutique

b) La codéine : Antalgique en association avec un analgésique périphérique dans le


traitement symptomatique des affections douloureuses de l’adulte et des algies
cancéreuses ex: Codoliprane®, Dafalgon Codeine®…
antitussif et anti diarrhéique ; principalement produite par hémisynthèse
c) La noscapine : antitussif ; peu utilisé
d) La papavérine : antispasmodique, obtenue essentiellement par synthèse totale
e) La thébaine ; intéressant pour la préparation de la codéine et de l’oxycodone
analgésique et antitussif.

10.4) Alcaloïdes hémisynthétiques et synthétiques


a) Buprénorphine : (agoniste-antagoniste) 2 indications.
- antalgique majeur TEMGÉSIC® solution injectable
- Traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés.
b) Dihydrocodéine : Traitement symptomatique des affections douloureuses
d'intensité moyenne.
c) Hydromorphine : Antalgique en cas d’intolérance ou de résistance à la morphine.
d) Nalpuphine : Douleurs intenses et/ou rebelles aux antalgiques de niveau plus
faible.
e) Oxycodone : Douleurs intenses et/ou rebelles aux antalgiques de niveau plus
faible.
f) Ethylmorphine : Traitement symptomatique des toux non productives gênantes
g) Pholcodine : Traitement symptomatique des toux non productives gênantes.
h) Méthylnaltrexone : Traitement des constipations liées aux opioïdes.
i) Nalorphine : Antidote de la morphine.
j) Naltrexone :
Dans le cadre de la toxicomanie aux opiacés, traitement de soutien après la cure de
sevrage, en consolidation,
k) Héroïne : Non utilisée en thérapeutique.
Autres pavots
- Le pavot à bractée : Papaver bracteum contient 3 à 4% d’alcaloïde dont 90%sont
représentés par la thébaine, peut constituer une source de cet alcaloïde.
- Les pétales du coquelicot : Papaver rhoeas renferme également une petite
quantité d’alcaloïdes dont le principal est la rhoéadine ; la drogue possède de
légères propriétés sédatives ; elle rentre dans la composition des espèces
pectorales.

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