Vous êtes sur la page 1sur 10

Je suis adepte de la fusion des cerveaux.

Je réunis souvent des


personnes aux profils différents, aux avis divergents, aux
compétences opposées, pour organiser des réunions sur des
sujets spécifiques. Mais j’ai la chance d’être le meneur de ces
réunions.

Il y a quelques années –  et ça m’arrive encore aujourd’hui  –, je


subissais des réunions dont je ne pouvais me soustraire… et ça
me glace le sang. J’ai une vive allergie et je ressens
physiquement un rejet à mesure que la réunion approche. Ma
réaction – trop forte, je le sais – est intimement liée au fait que la
majorité de ce temps est complètement gâché.

Quand je suis l’organisateur, j’impose mes règles et quand je suis


simple participant, j’essaie autant que possible que l’on applique
mes méthodes également… Si rien n’est négociable, je regarde si
cette réunion peut être amusante et/ou me faire passer un
moment avec des gens que j’apprécie. Si c’est le cas, je
considère que je prends ce temps dans mon «  temps
personnel ». Si ce n’est pas le cas, je préfère ne pas y aller et en
assumer parfois les conséquences. Cependant, je ne crains
jamais de «  perdre quelque chose  » ou de «  passer à côté de
quelque chose » car si l’équipe dont je vais faire partie lors de la
réunion n’est pas capable de prendre la gestion du temps
comme une priorité fondamentale, alors il y a de fortes chances
que nous n’aurions rien pu construire ensemble dans le moyen
terme.

En France, nous sommes les mauvais élèves des réunions. Les


retards y sont fréquents et admis, le résultat de la réunion
importe peu au niveau individuel et le concept d’avoir fait une
réunion est souvent plus fort que le contenu de la réunion en lui-
même. Mais essayez d’arriver en retard à une réunion en
Allemagne et vous serez surpris. Encore mieux  : en Suède  ! La
réunion ne peut prendre fin que si l’objectif de la réunion est
pleinement atteint  ! Car oui, nous sommes les seuls à voir ces
moments professionnels comme une manière simple et justifiée
de passer le temps sans effort et sans travail. Mais une réunion
n’est qu’une grande auberge espagnole  : on n’y trouve que la
somme des choses que tous les participants apportent…

Je vais vous révéler maintenant les méthodes que j’applique. Si


on me demande de venir à une réunion et qu’elle ne respecte
pas au moins 50 % de cette liste, alors je n’y vais pas dans 99 %
des cas. Tout simplement.

Les buts

Une réunion doit avoir un thème clair mais aussi des objectifs
précis. Ils doivent être communiqués à tous les participants en
amont. Le brief doit être succinct pour ne pas charger
mentalement et inutilement les participants (j’ai reçu encore
récemment un brief de trois pages pour une réunion… que je n’ai
pas lu). Mais le brief doit être assez précis pour que les
participants puissent se projeter sur le déroulé et sur ce qu’ils
pourront apporter personnellement au contenu. Le temps de la
réunion doit aussi être défini en amont.

Chaque personne doit recevoir, par écrit si possible :


- les thèmes ;
- les buts ;
- la durée.
Dans un style dit CCP (Clair Concis Précis).

Le délégué temporel

Le délégué temporel est une personne – qui ne doit jamais être


la même – ayant en charge du temps. Elle a différents pouvoirs
que tout le monde doit respecter à la lettre. Si les participants ne
connaissent pas ce principe, il convient bien sûr de le leur
expliquer durant une ou deux  minutes avant de commencer la
réunion.

Le délégué temporel va se voir confier la responsabilité du


temps qui passe. Lorsque 90  % du temps de la réunion est
écoulé, il doit informer l’assemblée afin de recentrer les 10  %
qu’il reste sur les buts prédéfinis de la réunion.

Il a également les pouvoirs suivants :

couper un monologue trop long, qui n’apporte plus rien de


nouveau ;

couper les dérives  : extrapolation sur des sujets connexes,


discussions personnelles, hors sujets, monologues à
tendances autobiographiques, anecdotes, etc. ;

couper un échange qui dure entre plusieurs intervenants qui


–  consciemment ou sans s’en rendre compte  – disent la
même chose ;
faire des coupures pour faire un résumé et passer à la suite, à
d’autres idées ou à d’autres intervenants.

Le délégué doit être respecté, même si l’on n’est pas toujours


d’accord avec lui (surtout lorsque l’on est concerné par l’une de
ses décisions), il n’y a pas à en faire une affaire personnelle ou à y
mettre de l’égo. En changeant à chaque réunion de délégué
temporel, chacun pourra expérimenter ce rôle et comprendra
mieux le côté factuel de la mission. Pour les équipes habituées,
je constate qu’à terme, tout le monde s’autogère car les individus
se rendent compte à quel moment ils se seraient coupés eux-
mêmes s’ils avaient été en charge du temps ce jour-là.

Évidemment, lors de cette réunion, le délégué temporel ne


participera pas, ou très peu, à la réunion. Cette mission lui
prendra déjà toutes ses ressources, son écoute et sa capacité de
jugement.

Sans délégué temporel, votre réunion ressemble à un train


lancé sans conducteur. Il arrivera peut-être au bon endroit
mais rien n’est certain.

La durée de la réunion

Il va falloir faire un effort pour les personnes qui font des


réunions depuis longtemps  : une longue durée est absurde.
Passons rapidement sur le fait que, si la réunion est bien menée,
alors les temps inutiles (et pourtant majoritaires) seront
supprimés. Il faut aussi prendre en compte la durée relative de
la concentration de l’être humain. Enfin, les participants ont une
vie et risquent de se sentir prisonniers, pensant à ce qui leur
reste à faire dans la journée plutôt que d’être pleinement dans
l’instant présent.

Si les participants se dissipent, c’est nécessairement que la


réunion a un problème de gestion, de durée… ou de nombre
de participants.

Le nombre de participants

On a parfois l’impression que plus il y a de personnes présentes,


plus la réunion sera prolifique. C’est bien une idée reçue, le plus
étant ici l’ennemi du bien. Les participants doivent être
sélectionnés pour leur caractère indispensable, selon leurs
compétences, leur profil, leur implication, les objectifs de la
réunion, etc. L’organisateur devrait être en mesure de justifier
précisément l’intérêt d’avoir chaque personne présente si on lui
posait la question. Pour ma part, j’établis le seuil de rentabilité à
une douzaine de personnes maximum. Les temps de parole sont
encore respectés, chacun peut participer et il est plus simple de
prendre des décisions collectives. J’ai participé un jour à une
réunion où nous étions plus d’une vingtaine… Entre cinq et
sept  personnes ont réellement été actives… Ce jour-là, j’ai
compris que j’avais assisté à une réunion composée de
sept personnes et de treize spectateurs. Aucun intérêt.
Si, malgré les filtres de sélection, il y a plus de douze personnes à
la réunion, il est plus intéressant de prévoir deux réunions, plus
courtes, avec moins de personnes.

Maîtriser le nombre de participants augmentera toujours la


qualité de ce qui ressortira de ce temps commun.

Le lieu, la configuration

Le lieu ne doit pas être négligé. Il doit être adapté au nombre de


participants et en adéquation avec les objectifs de la réunion.
Comment demander un brief créatif dans un lieu terne  ? J’ai
investi dans tout type de lieu suivant les projets que je veux
développer : d’une salle ultra geek à La Défense à des caves cosy
de bars. Mettez les participants dans des conditions optimales
pour atteindre les objectifs.

Dans le même état d’esprit, c’est à l’organisateur de mettre en


état de marche les intervenants. Il faut prévoir un catering 2 en
fonction de la durée de la réunion et de l’heure de celle-ci, avec
de la nourriture et différentes boissons. Mettre en marche la
réunion si besoin. Voici un exemple concret  : pour une analyse
de la stratégie de mon contenu, j’ai organisé une réunion à
sept  participants. Il y avait deux objectifs et j’avais prévu une
heure par objectif (ce qui est déjà très long). J’ai donc opté pour
une réunion de quatre heures décomposée comme suit :

40  minutes de catering et de discussions personnelles (tous


les intervenants se connaissaient bien et s’appréciaient mais
ils ne se voient pas forcément souvent, je devais prendre
cette donnée en compte) ;

80  minutes d’amusement cérébral coupées en deux fois.


J’avais prévu entre 30 et 40  minutes de jeu (le loup-garou)
pour stimuler les participants, pour mettre leur esprit en
mode « enquête » puisque nous allions justement traquer les
défauts et les qualités de mes vidéos et de ma stratégie
éditoriale. Les bénéfices secondaires étaient :

W de les mettre dans le bain en oubliant leur journée pré


ou post-réunion ;

W que les quelques personnes qui ne se connaissaient pas


vraiment se rencontrent enfin.

La deuxième session de jeu servait de pause ludique entre


les deux sujets du jour et me permettait d’avoir encore un
groupe concentré et actif pour la deuxième heure (qui, je le
précise, est un temps très long !).

Les meilleures réunions durent en moyenne 20 à 30  minutes


seulement. Pour ces réunions, il n’est même pas nécessaire de
prévoir des chaises. Je vous rappelle qu’une réunion n’est pas
une pause. Si seulement 30  minutes ont été prévues, je peux
vous assurer que vous gagnerez en productivité à avoir tout le
monde debout, actif, présent et engagé dans le fait que la
réunion doive se terminer pour retourner s’asseoir
tranquillement à leur bureau. Il ne faut pas se laisser enfermer
dans l’imaginaire visuel classique que l’on a d’une réunion.
La forme de la réunion doit s’adapter à ses objectifs propres,
loin de toute convention.

Le retard et les départs prématurés

Si la réunion est calée comme elle doit l’être, alors aucun retard
ne peut être toléré. C’est une perte de temps pour tout le
groupe à cause d’une seule personne. Même si la personne
prévient, son retard provoquera au mieux un décalage de la fin
de la réunion dans le temps, au pire un arrêt dû à son arrivée.

Pour ces mêmes raisons, il ne peut pas y avoir de départ


prématuré. Chaque départ occasionne une pause.

Les horaires d’arrivée et de départ ne sont pas négociables.

La synthèse

Tout aussi important que le premier point sur le délégué


temporel, une réunion doit prévoir un scribe. Cette personne
silencieuse va consigner et prendre en note le contenu de la
réunion. Elle est en charge, post-réunion, de préparer un
compte-rendu avec les points suivants :

les problématiques ;

les solutions ;
les décisions ;

les pistes d’idées qui ont été écartées (hors sujet, non
pertinentes, etc.) mais qui présentaient globalement un
intérêt ;

les tâches qui ont été assignées à chacun pour la suite ;

les prochaines deadlines.

Cette synthèse doit être faite au plus vite (entre 12  heures et
24 heures) tant que la réunion est encore fraîche dans l’esprit du
scribe et des participants. Le scribe s’engage à l’envoyer à tous
les participants ensuite. Il doit également l’envoyer à toutes les
personnes non présentes ayant un intérêt à connaître les
conclusions de la réunion.

La personne qui prend le rôle du scribe doit changer à chaque


réunion, à moins qu’une tierce personne qui ne participe pas aux
échanges veuille bien prendre ce rôle à chaque fois.

Une personne doit tenir une prise de note permanente pour


l’ensemble du groupe.

Physiquement ou virtuellement

Est-ce utile de se voir ? De faire des réunions physiques ? Dans


certains cas, oui, mais ce n’est pas une nécessité absolue. Cette
question ne se pose pas lorsque les participants sont déjà tous
au même endroit, mais quand la réunion occasionne autant de
déplacements que de participants, il faut absolument se poser
cette question. Car au niveau individuel, le temps et l’énergie
consommés seront énormes. Il existe aujourd’hui beaucoup de
solutions en ligne –  gratuites ou payantes  – permettant de se
réunir virtuellement, très efficaces pour les réunions inférieures
à une heure. Il est important de noter que les réunions en visio
sont souvent plus efficaces que celles totalement en audio.
Savoir que l’on est vus par les autres nous oblige à nous montrer
attentifs, et vraiment impliqués dans la réunion. Cela évite
également des incompréhensions et des malentendus. Le
langage s’exprime dans le sens des mots, mais aussi dans nos
attitudes, nos expressions de visage et nos intonations. Pour bien
se comprendre, il faut donc se voir… mais pas nécessairement
dans le monde réel.

Si tous les participants doivent se déplacer pour se réunir, il faut


envisager de faire une réunion virtuelle.

1. www.youtube.com/channel/UCDMxcev7u9Nf7KMJuyIm-BA

2.  Catering est un anglicisme utilisé dans le monde du travail pour désigner un
traiteur.

Vous aimerez peut-être aussi