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en 2017, a reconnu auprès de Mediapart s’être battu

contre ce qu’il appelle un « groupe de provocateurs »,
Piotr Pavlenski, l’homme derrière la chute
mais conteste avoir fait usage d’une arme.
de Griveaux, était recherché par la police
PAR FRANÇOIS BONNET, CAMILLE POLLONI ET ANTTON ROUGET
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 14 FÉVRIER 2020

L’artiste russe, réfugié en France depuis 2017, a fait

exploser en quelques heures la campagne électorale
de Benjamin Griveaux. Il est recherché par la police
depuis janvier pour des faits de violences volontaires.
Portrait d’un homme qui assume toutes les ruptures
et revendique « un art politique », d’abord exercé à
Moscou.
Piotr Pavlenski à Moscou, en juin 2016. © VASILY MAXIMOV / AFP
Il a fait basculer la campagne municipale de Paris en
moins de 24 heures. L’artiste russe Piotr Pavlenski,
l’homme qui a poussé Benjamin Griveaux à se retirer
de la campagne après la diffusion de vidéos privées
à caractère sexuel, est recherché par la police depuis
janvier pour des faits de violences volontaires avec
arme, selon les informations de Mediapart.
Âgé de 35 ans, M. Pavlenski est soupçonné d’avoir
blessé deux personnes avec un couteau lors d’une
rixe survenue au cours du réveillon du 31 décembre
2019, une soirée privée dans un appartement parisien
cossu du boulevard Saint-Germain. Cette fête était co-
organisée par l’avocat Juan Branco, dont l’artiste russe
s’est rapproché ces derniers mois.
Sollicité, M. Branco n’a pas répondu à nos appels. Il
a expliqué ce vendredi au Point avoir été « consulté
comme avocat » par Pavlenski avant la diffusion des
vidéos. M. Pavlenski, qui a obtenu l’asile politique
«Fixation» de Piotr Pavlenski en novembre 2013. L'artiste s'est cloué la
peau des testicules sur le pavé de la place Rouge, à Moscou. © Reuters
Plusieurs témoins ont depuis été interrogés par les
policiers du commissariat du Ve arrondissement de
Paris. Selon le récit d’un participant, la soirée dégénère
quand Piotr Pavlenski prend la mouche après la
réflexion d’un convive, à qui il met un coup de poing
dans la figure. Une bagarre s’engage, certains prenant
le parti du Russe, d’autres de ses adversaires. Dans
la confusion générale, Piotr Pavlenski se serait alors
emparé d’un grand couteau.
Selon un témoin, il tente de porter des coups avec cette
arme tandis que d’autres personnes s’interposent. Un
invité brise une bouteille de champagne sur le crâne
du Russe, qui serait malgré tout parvenu à planter son
couteau dans la cuisse d’un convive et à en blesser un
autre au visage.
Piotr Pavlenski affirme pour sa part avoir reposé le
couteau – qui ne lui appartenait pas et était posé sur
une table pour « couper des oignons », selon son récit –
après l’avoir brandi pour dissuader « des provocateurs
» de le frapper. Il n’explique pas les blessures des
deux convives. « Ces personnes ont organisé une
collaboration avec la police contre moi », explique-t-
il.
Juan Branco aurait alors pris les choses en main et
chassé de l’appartement les personnes qui ont affronté
Piotr Pavlenski. Lorsque la police arrive, quelques
minutes plus tard, elle ne trouve pas trace du Russe,
qui aurait pris la fuite par une autre issue. « On est
partis ensuite », dit M. Pavlenski, sans vouloir donner
l’identité des personnes qui l’ont accompagné. Il est
depuis l'objet d'une fiche de recherche.

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Son avocate dans ce dossier, Me Marie-Alix Canu-
Bernard, n’a pas souhaité commenter le fond de
l’enquête. « Je crois effectivement que les services
de police veulent l’entendre », a-t-elle expliqué à
Mediapart.
Piotr Pavlenski apparaît dans le paysage artistique
russe en 2012. Il devient l’une des figures les plus
connues de la contestation dans les milieux artistiques.
Cette année-là, il se coud les lèvres en soutien au
groupe Pussy Riot dont les membres sont condamnées
et certaines emprisonnées pour avoir chanté dans la
cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou une « prière
punk » critiquant Vladimir Poutine.
Piotr Pavlenski revendique un « art politique. Ce que
je dénonce, c'est l'individu réduit à l'état de bétail par
l'État, la propagande et les instruments du pouvoir ».
Ses performances, largement médiatisées sur internet
et les réseaux sociaux russes, exaspèrent le pouvoir.
Il arrose d'essence et incendie les portes du siège de
l'ex-KGB, place de la Loubianka à Moscou (ce qui lui
vaudra sept mois de détention). Il se cloue la peau des
testicules sur les pavés de la place Rouge. Il s'enroule,
nu, dans un rouleau de fil barbelé. Il se coupe le
lobe d'une oreille, assis, nu, sur le mur de l'institut
psychiatrique Serbsky, haut lieu de la psychiatrie
répressive soviétique, ce qui lui vaut un internement. Il
doit se plier à des tests qui, tous, concluent à l'absence
de troubles.
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Lui explique pourquoi ses performances mettent en
scène la souffrance du corps face à l'appareil répressif
de l'État. « Le corps est le seul moyen qui existe
pour exprimer suffisamment clairement la violence qui
règne et s'exerce sur la société russe », dit-il.
En octobre 2016, Piotr Pavlenski fait un premier
déplacement en France pour faire la promotion
de son livre publié par les éditions Louison.
Titre : Le Cas Pavlenski, la politique comme art.
Michel Eltchaninoff, essayiste, rédacteur en chef de
Philosophie magazine et fondateur de l’association les
Nouveaux dissidents, en écrit la préface. « Il était en
Russie un artiste de rupture. Mettre le feu aux portes
du FSB, dénoncer la psychiatrie punitive, utiliser son
corps pour dénoncer la violence d’État, tout cela avait
un sens très fort », dit-il, joint par Mediapart.
En décembre 2016, Piotr Pavlenski, sa compagne
Oksana Chaliguina et leurs deux enfants quittent
Moscou et séjournent un temps à Kiev. Voilà l’artiste
accusé de violences sexuelles en réunion à l'encontre
d'une jeune actrice russe, début décembre. Il crie au
coup monté, comme les services russes savent si bien
le faire, dénonce une affaire judiciaire montée de
toutes pièces par le régime russe et qui pourrait lui
valoir dix ans de camp. « Le pouvoir cherche à faire de
moi un fou ou un criminel. On nous a expliqué qu'on
avait en gros deux possibilités, aller en prison dans un
camp pour dix ans, ou partir de Russie » », explique-
t-il alors.
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L’affaire apparaît par la suite plus trouble. Des
défenseurs des droits de l’homme à Moscou
n’adhèrent pas à la thèse de la manipulation
des services et prennent très au sérieux plusieurs
témoignages faisant état de violences sexuelles contre
cette actrice. À la mi-janvier 2017, l’artiste et ses
proches se réfugient à Paris. Ils demandent l’asile
à la France, qu’ils obtiennent en mai de la même
année. Le 23 janvier, Mediapart invite Piotr Pavlenski
à intervenir lors d'un événement public organisé au
Théâtre du Rond-Point à Paris, en défense de toutes les
libertés (lire la Boîte noire de cet article).
Un ami français les héberge un temps, puis d’autres
réseaux d’aide se mettent en place. Pavlenski et sa
compagne revendiquent toujours une vie de rupture.
Pas question, par exemple de travailler avec contrat de
travail et salaire. Non, eux plaident pour une économie
de dons et de contre-dons. Ils aident, travaillent,
rendent service. En échange, on les héberge, les
nourrit, on subvient aux besoins des deux fillettes du
couple. Et s’ils n’ont rien pour acheter de quoi manger,
ils se servent dans les magasins.
« Ils ont vécu des périodes compliquées mais
globalement, il y a toujours eu quelqu’un pour aider.
Pavlenski peut donner l’impression d’être attiré par la
violence. C’est en fait un type très doux, très réfléchi,
très construit. Il attache une grande importance à
sa parole et à celle des autres même s’il revendique
totalement ses performances, sa vision de la vie et si
les désaccords peuvent être vifs. Mais il sait ce qu’il
fait, pèse ses mots », dit un de ses amis.
En octobre 2017, Piotr Pavlenski décide d’une
nouvelle « performance » : il incendie place de la
Bastille les portes d’une succursale de la Banque de
France. Interpellé, il part en prison où il va effectuer
onze mois de détention provisoire. Il est condamné
en janvier 2019 à trois ans de prison dont deux avec
sursis. Sa compagne est également condamnée mais sa
peine de prison est aménagée.
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« Je l'ai perdu de vue depuis ce moment », dit
aujourd'hui Michel Eltchaninoff, « incendier les portes
du FSB avait un sens, la Banque de France, je
comprends moins… » « À Moscou, Piotr agissait
dans un contexte culturel et politique qu'il connaissait
évidemment. En France, il n'a pas vraiment les codes
», dit un de ses amis. « Je n'ai jamais été au courant
à l'avance de ce qu'il préparait et je n'ai aucune idée
sur pourquoi s'intéresse-t-il à la politique française.
Je savais qu'il était plus ou moins proche d'un cercle
de gens dont fait partie Juan Branco. »
L’artiste de la rupture et de la transgression a ciblé
Benjamin Griveaux. Piotr Pavlenski avait préparé son
coup depuis plusieurs mois déjà. Le site internet
« pornopolitique.com » sur lequel il a diffusé jeudi les
extraits de vidéos privées a été enregistré à l’étranger
il y a près de quatre mois, le 23 novembre 2019. Son
texte d’explications a d’abord été publié en russe sur
sa page Facebook, puis traduit en français (il maîtrise
mal le français et ne peut l’écrire) sur le site créé pour
l’occasion. « Je préparais le projet depuis quelque
temps », dit-il à Mediapart, en expliquant avoir opéré
seul.
Boite noire
Le 23 janvier 2017, alors qu'il venait de se réfugier
en France avec sa compagne et ses deux filles, Piotr
Pavlenski est invité par Mediapart à participer à un
événement public organisé au théâtre du Rond-Point à
Paris. C'est une soirée exceptionnelle pour comprendre
et résister au nouvel ordre international qui se profile,
quelques jours après l'investiture de Donald Trump et
alors qu'en Europe, en Russie, en Turquie, les libertés
sont attaquées. Une dizaine d'intervenants français et
étrangers se succèdent et témoignent sur la scène du
Rond-Point.
Retrouvez en cliquant ici la vidéo de l'intégralité de
l'intervention de Pavlenski.
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