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Procédures de conduite

et interface homme-machine

par Bernard APPELL


Ingénieur ESE
Directeur Adjoint du Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires (SEPTEN) EDF
et Yvon CHAMBON
Ingénieur ENSEEIHT
Chef du groupe Conduite du Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires
(SEPTEN) EDF

1. Procédures de conduite .......................................................................... BN 3 421 - 2


1.1 Conduite normale......................................................................................... — 2
1.2 Conduite incidentelle ................................................................................... — 2
1.3 Conduite accidentelle................................................................................... — 3
1.3.1 Phases d’un accident........................................................................... — 3
1.3.2 Différents types d’approche ............................................................... — 3
1.3.3 Procédures événementielles .............................................................. — 3
1.3.4 Procédures de l’approche par état ..................................................... — 4
2. Traitement de l’information et aides opérateur............................... — 5
2.1 Traitement de l’information (exemple du 1 300 MW)................................ — 5
2.2 Aides opérateur (exemple du 1 300 MW)................................................... — 6
3. Interface homme-machine ..................................................................... — 6
3.1 Organisation de l’équipe de conduite et des moyens de conduite.......... — 6
3.2 Salles de commande.................................................................................... — 7
3.2.1 Salles de commande conventionnelles............................................. — 7
3.2.2 Salles de commande informatisées (palier N4)................................ — 8
4. Qualification de l’interface homme-machine ................................... — 10
5. Conclusion .................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BN 3 421

L ’accident de Three Miles Island (TMI) aux États-Unis en 1979 a montré le rôle
fondamental de l’homme dans la conduite d’une installation nucléaire.
Depuis cette date, de très nombreuses études ont été menées pour trouver la
meilleure organisation possible concernant les documents, les équipes et les
moyens de conduite.
On rappelle qu’à Three Miles Island, tous les moyens nécessaires pour éviter
l’accident étaient disponibles, mais que par suite d’informations ambiguës, erro-
nées ou contradictoires, les opérateurs n’ont pas su quoi faire.
La démarche engagée consiste à assurer une défense en profondeur en utili-
sant l’ensemble des moyens à disposition. Vis-à-vis d’un accident, cette défense
en profondeur permet de faire intervenir successivement :
— les systèmes de régulation associés aux spécifications d’exploitation et aux
alarmes qui permettent de détecter la sortie du domaine normal de fonctionne-
ment et de prendre les mesures correctives (automatiques et manuelles) per-
mettant un retour rapide dans ce domaine ;

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— le système de protection du réacteur qui permet de détecter toute sortie du


domaine de protection des barrières successives (gaine du combustible, enve-
loppe du circuit primaire, enceinte confinement) et d’initier automatiquement les
actions correctives pendant au moins trente minutes ;
— un diagnostic par les opérateurs de l’état des barrières, pendant cette
période d’intervention automatique du système de protection ;
— les actions manuelles des opérateurs nécessaires au bout de ces trente
minutes et qui permettent de ramener l’installation dans un état dit sûr c’est-à-
dire dans lequel les barrières sont maintenues dans un état garantissant leur
intégrité ; simultanément une tentative de diagnostic de la cause de l’accident
est faite pour essayer d’annuler si c’est possible la cause de l’accident ;
— un contrôle par un ingénieur présent en salle de commande (ISR) permet-
tant de confirmer le diagnostic des opérateurs et de surveiller pendant la période
de conduite accidentelle les paramètres principaux des barrières afin de détecter
une détérioration nécessitant un éventuel changement de stratégie de conduite ;
— la mise en place d’équipes de crise pour les accidents présentant un risque
de non-maîtrise ; ces équipes comportent des experts d’origines différentes se
réunissant dans les locaux de crise implantés dans les centrales mais également
à Paris dans les bureaux d’EDF, d’IPSN, de la DSIN et de FRAMATOME.
Le choix fait par EDF consiste à favoriser les automatismes pour les actions à
court terme, nécessitant un délai d’intervention inférieur à trente minutes envi-
ron, et les actions opérateurs à moyen et long terme.
Cette position permet de trouver un bon compromis entre les ordres intempes-
tifs qui peuvent résulter d’un automatisme et les risques d’erreurs opérateurs
qui sont d’autant plus fréquents que le délai laissé à l’opérateur pour réaliser les
actions manuelles est court.
Dans le cadre de cette stratégie, l’organisation de la conduite est fondamen-
tale. Cette organisation est basée sur :
— l’étude et l’élaboration de documents de conduites permettant de répondre
à l’ensemble des situations accidentelles dans laquelle peut se trouver la tranche ;
— une organisation des équipes de conduite permettant de faire jouer au
maximum la redondance humaine ;
— la mise en place de moyens de conduite permettant d’assurer une interface
homme-machine la plus ergonomique et fiable possible et suffisamment diver-
sifiés pour assurer une redondance matérielle et fonctionnelle permettant de
couvrir les différentes agressions possibles ;
— un processus de qualification des moyens de conduite permettant de garan-
tir le bien-fondé des choix fait à la conception.

1. Procédures de conduite gement à l’état en puissance) ; les procédures de conduite normales


sont articulées à partir de procédures « chapeau » (cf. encadré) ;
— les actions à réaliser pour vérifier le bon fonctionnement des
fonctions de sûreté (essais périodiques) ; l’équipe de conduite dis-
1.1 Conduite normale pose de procédures d’essais périodiques permettant de tester les
fonctions de sûreté ; ces procédures par système définissent la
façon de tester les différents capteurs, les actionneurs et les automa-
La conduite normale couvre l’ensemble du fonctionnement habi-
tismes concernés ;
tuel de l’installation (production d’électricité, arrêt et démarrage de
— la mise en application des spécifications techniques d’exploita-
la tranche, remplacement du combustible...) et le fonctionnement
tion sur indisponibilité constatée de tout ou partie d’un système de
incidentel des matériels constitutifs d’un système élémentaire. La
sauvegarde ou de protection ; l’état de tranche à rejoindre et le délai
conduite normale s’appuie sur les informations en salle de
pour y parvenir sont spécifiés.
commande (alarmes, indicateurs, enregistreurs), sur des consignes
et sur le savoir-faire des opérateurs.
Ces différentes tâches sont : 1.2 Conduite incidentelle
— la surveillance d’ensemble des paramètres de la tranche et de La conduite incidentelle couvre certains grands transitoires (arrêt
l’état des différentes fonctions en régime stabilisé de la tranche en automatique du réacteur, îlotage) mais aussi des défaillances de
procédant à un certain nombre de relevés ; système élémentaire ou des pertes de source de puissance ou de
— les actions à réaliser pour procéder à un changement d’état de contrôle.
tranche (par exemple passage de l’état d’arrêt à froid après rechar- Nota : l’îlotage est le découplage du réseau sans arrêt du réacteur.

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Suite à l’émission d’une alarme, la conduite s’appuie sur des pro- — l’opérateur « eau-vapeur » conduit et surveille le circuit
cédures séquentielles de type I (I pour incidentelles) dans lesquel- secondaire ; il règle la température primaire via les circuits de refroi-
les, l’état de repli est spécifié ou obtenu à partir des spécifications dissement du secondaire (générateurs de vapeur) ou système de
techniques d’exploitation. La conséquence en est généralement une refroidissement du réacteur à l’arrêt ;
remise en état de l’installation avant de redisposer le réacteur en — les agents rondiers effectuent les actions demandées en local
production. (restaurations de fonctions, manœuvres de vannes manuelles...) ;
— le cadre technique superviseur règle la bonne application des
consignes et surveille la disponibilité des systèmes importants ;
Alarme (suivie ou non d’un diagnostic) Þ procédures I Þ État — l’ingénieur de sûreté peut demander un changement de consi-
de repli Þ Réparation et redémarrage. gne si l’état de la tranche le nécessite.

Procédures chapeaux 1.3.2 Différents types d’approche

Une procédure GPO définit les états standards (arrêt à froid, À l’origine, les procédures étaient fondées sur une pure appro-
arrêt à chaud, attente à chaud, ...). che événementielle. Le retour d’expérience de l’accident de
Des procédures pour les opérateurs GP et GS (primaire et « Three Miles Island » a montré la nécessité d’une évolution. Cette
secondaire), qui à partir des différents états possibles, présen- évolution s’est traduite sur les tranches REP françaises par une évo-
tent l’enchaînement des consignes particulières se rapportant lution des règles de conduite événementielles et aussi par une
aux différents matériels et circuits. Elles fixent la disponibilité refonte plus globale dite par états.
requise des circuits. Elles prescrivent et décrivent les opérations À ce jour, les paliers 900 MW utilisent encore pour l’essentiel
à réaliser sur l’ensemble des circuits et matériels concernés l’approche événementielle et les tranches des paliers 1 300 MW et
(conditions préalables aux manœuvres, manœuvres à effectuer, 1 400 MW utilisent l’approche par état. Cette dernière approche
contrôle de la bonne exécution des manœuvres...). est en passe d’être généralisée à l’ensemble des paliers.
Des procédures particulières F qui précisent les procédures Le RNR utilise une approche événementielle adaptée aux spécifi-
de mise en service et d’arrêt, les cas de fonctionnement particu- cités de la filière.
lier.

1.3.3 Procédures événementielles

1.3 Conduite accidentelle ■ Domaine de couverture


Il se décline en trois grandes catégories :
La conduite accidentelle couvre l’ensemble des prescriptions qui — les incidents d’exploitation relevant de perte de fonctions ou
sont demandées à l’équipe de conduite suite à un accident et pour d’incidents pour lesquels la chute des grappes suffit à régler à court
lequel les actions de protection ont été automatiquement enclen- terme le problème ;
chées. La gestion à court terme d’un accident est strictement du — les cas de brèche demandant une conduite adaptée après
domaine de l’équipe de conduite à l’aide de consignes de conduite. l’action des systèmes de sauvegarde ;
— les cas de perte de systèmes de sauvegarde redondants.
■ Principes de conception
1.3.1 Phases d’un accident
À l’issue du diagnostic fondé en partie sur le type d’alarme apparu
lors de la phase automatique de l’accident mais aussi sur les para-
■ Actions automatiques mètres physiques de la chaudière, le type d’initiateur a pu être
Le système de protection a pour but de déceler le dépassement déterminé. Une procédure spécifique au traitement de cet initiateur
d’une valeur limite de fonctionnement du réacteur. Si c’est le cas, peut alors être retenue pour rallier un état de repli. Cette procédure
une réponse appropriée est apportée. Cette réponse peut se limiter propose des actions et des manœuvres à appliquer de façon
à un arrêt automatique de réacteur (AAR) en faisant chuter les grap- séquentielle à réaliser soit de la salle de la commande soit en local.
pes d’arrêt ou si la situation est plus dégradée en mettant en service Cette conduite est optimisée pour les accidents thermohydrauliques
les actionneurs de sauvegarde (injection de sécurité, aspersion de simples jusqu’à ce que le circuit de refroidissement à l’arrêt (RRA)
l’enceinte...). À l’issue de cette phase, la protection à court terme du soit connecté. La gestion des cumuls (thermohydraulique, perte de
réacteur est assurée (réacteur devenu sous critique grâce à la chute sources, défaillance matérielle, perte de contrôle commande, incen-
des grappes, inventaire en eau du circuit primaire stabilisé ou en die) relève des procédures H et (ou) du savoir-faire de l’équipe de
phase de rétablissement, évacuation de la puissance résiduelle conduite animée par le superviseur. Une redondance humaine et de
maintenue...). méthode est apportée par l’ingénieur de sûreté dès le début de la
situation perturbée via une surveillance permanente.
■ Diagnostic
Une fois la situation stabilisée, il est alors possible de faire un dia-
Alarme Þ Diagnostic Þ Procédure A ou H Þ État de repli.
gnostic sur l’état de la chaudière et définir la stratégie de conduite à
adopter pour prolonger les actions automatiques.
■ Mise en application
■ Conduite
Les procédures sont articulées de la façon suivante :
L’objectif est de ramener progressivement le réacteur à un état de — un document d’entrée en consigne (DEC) sur apparition
repli pour réparation en maintenant une marge à la criticité, l’inven- d’alarme repérée pour confirmer le diagnostic et après balayage au
taire en eau primaire et évacuer la puissance résiduelle. Les différen- pas à pas de différents tests pour retenir la consigne adaptée à
tes actions sont réalisées par l’équipe de conduite où chacun a un l’événement ;
rôle prédéterminé : — un document de conduite après injection de sécurité (AO) qui
— l’opérateur « réacteur » conduit et surveille le circuit primaire ; demande après balayage au pas à pas de différents tests une vérifi-
il demande à l’opérateur « eau-vapeur » de régler la température cation des actions automatiques et qui, via un logigramme, permet
primaire ; d’identifier l’accident en cours ;

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— des documents proposant un type de conduite à adopter selon Les principes retenus pour élaborer les procédures de conduite
l’événement : procédures de type A et H. sont de :
— diagnostiquer l’état du circuit primaire (par le biais des mesu-
res de puissance nucléaire, inventaire en eau, marge à la saturation),
Des procédures de type A en cas de brèche (A1.1 pour les l’état du circuit secondaire (par le biais du niveau d’eau et de l’inté-
petites brèches primaires, A1.2 pour les grosses brèches primai- grité des générateurs de vapeur), l’état de l’enceinte (par le biais de
res, A2.1 pour les ruptures de tuyauterie vapeur extérieur la pression et de l’activité enceinte) ;
enceinte, A2.2 pour les ruptures de tuyauterie vapeur dans — définir les moyens d’action disponibles ;
l’enceinte, A3 pour les ruptures de tube de générateur de — élaborer des priorités dans les engagements d’objectifs (sous
vapeur, A10 pour les brèches primaires RRA connecté). criticité, maintien/restauration de l’inventaire en eau, évacuation de
Des procédures de type H en cas de perte de fonctions redon- l’énergie résiduelle...) en définissant l’état de repli visé ;
dantes (H1 pour les pertes de la source froide, H2 pour la perte — réaliser des actions de conduite correspondant à l’objectif prio-
totale de l’eau alimentaire, H3 pour la perte des diesels avec ritaire.
perte du réseau et, H4 pour la perte à long terme des systèmes
d’aspersion et d’injection de sécurité suite à une brèche pri- La figure 1 présente de façon synthétique ces principes.
maire).

Ce noyau de procédures événementielles est complété par un jeu


de procédures « filet » basé sur l’analyse de l’état thermohydrauli-
que. Ce jeu est composé notamment d’une procédure SPI et d’une
procédure U1. Suivi des états physiques Suivi systèmes

Inventaire
en eau Primaire Injection de sécurité
La procédure SPI permet à l’ingénieur de sûreté de faire une
surveillance permanente de l’état de la chaudière et si néces- Eau alimentaire
saire de demander l’application de la procédure U1 (abandon de de secours
la procédure événementielle en cours) ; Marge à saturation
La procédure U1 définit les actions requises en fonction de Aspersion
Générateur
l’état de la chaudière et de la disponibilité des fonctions. Niveau de vapeur
enceinte
d’eau
......

1.3.4 Procédures de l’approche par état


Radio-activité
■ Domaine de couverture
Il reprend le domaine couvert par l’approche événementielle et le Pression Enceinte
complète avec une meilleure gestion des cumuls de perte de source. Objectif Disponibilité
■ Principes de conception
À partir de la connaissance de l’état de tranche (paramètres phy- Action
siques constatés et disponibilité des systèmes), il est possible de Radio-activité
déterminer les actions requises et cela sans avoir besoin de connaî-
tre la combinaison des événements antérieurs. Ce processus perma-
nent et itératif permet de réagir à toute nouvelle dégradation côté
paramètres physiques chaudière ou côté disponibilité des systèmes. Figure 1 – Principe de l’approche par états

Gravité

ECP 4
IRRA 2 ou A10
Problèmes
thermohydrauliques
ECP 2 ou ECP 3 ECPR 2

H1.1 ou H1.2
Incidents de systèmes ECP 1 ECPR 1
ou perte de systèmes

Fonctionnement normal Spécifications techniques d’exploitation


et procédures d’exploitation normale

Circuit de refroidissement non connecté connecté connecté au circuit


à l’arrêt RRA au circuit au circuit primaire ouvert
primaire primaire fermé ou non éventé
Figure 2 – Choix des procédures selon l’état
initial du réacteur et la gravité de l’accident

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Il s’agit là de la première des procédures par état, mise en œuvre


dès le palier 900 MW afin d’éviter le renouvellement de l’accident 2. Traitement de l’information
type Miles Island. et aides opérateur
■ Mise en application
Les principales consignes par état sont articulées de la façon sui- La conduite d’une tranche REP est centralisée et s’effectue depuis
vante (figures 2 et 3) : une salle de commande propre à la tranche qui regroupe tous les
— un document d’orientation initiale et de stabilisation (DOS) qui organes de commande, de contrôle, de signalisation et de sur-
permet l’identification initiale de l’état physique global de la chau- veillance nécessaires. Les systèmes dont le fonctionnement est
dière (DOS pour les états initiaux en puissance et en arrêt à chaud, découplé du fonctionnement général de la tranche disposent géné-
DOS R pour les états initiaux sur RRA) ; ce document à usage des ralement de moyens de conduite décentralisés.
opérateurs « primaire » et « eau-vapeur » du superviseur demande Les moyens de commande (tranches du 900 et 1 300 MW) sont
la vérification du comportement des actions automatiques et de la assurés par des « Tourner-Pousser Lumineux » (TPL) pour les
stabilisation de la chaudière et présente la grille de choix des consi- commandes d’action, des boutons poussoirs (BP) pour des séquen-
gnes à appliquer ; ces de protection, des touches (TO) pour les séquences, des com-
— des documents pour la conduite du primaire (ECP 1 à 4 et mutateurs (CC) pour les choix de mesures ou en phase d’essais de
ECPR 1 et 2) à usage de l’opérateur « primaire » qui couvrent de contrôle commande et par des relais de commande à main (RCM)
façon exhaustive les états plus ou moins dégradés de la chaudière. et des relais de point de consigne (RPC) pour les régulations.
ECP 1 couvre les états physiques non dégradés ; ECP 2 couvre les
états physiques peu dégradés sans activité au secondaire ; ECP 3 Les informations mises à la disposition de l’équipe de conduite
couvre les états physiques peu dégradés avec activité au ainsi que les aides opérateur se déclinent de la façon suivante.
secondaire ; ECP 4 couvre l’ensemble des états physiques plus
dégradés ; ECPR 1 et 2 couvre les états non dégradés ou peu dégra-
dés sur RRA ; les états très dégradés restent couverts par ECP 4 ; 2.1 Traitement de l’information
— un document pour le contrôle et le maintien de l’intégrité de
l’enceinte (ECE) à l’usage de l’opérateur « primaire » ; (exemple du 1 300 MW)
— un document pour la conduite du secondaire (ECS) à l’usage
de l’opérateur « eau-vapeur » définissant la conduite à tenir côté La surveillance des actions réalisées s’exerce au travers de
secondaire parallèlement au déroulement des ECP ; voyants d’état des actionneurs disposés sur synoptiques ou sur
— des documents synthétisant les opérations demandées aux tableaux et au travers d’enregistreurs et d’indicateurs donnant l’évo-
opérateurs (ECT) à l’usage du superviseur ; lution des paramètres physiques.
— des documents assurant une redondance du diagnostic et une Les alarmes sont classées selon le degré d’urgence de la réaction
vérification de la cohérence entre l’état de la chaudière et les straté- que doit avoir l’opérateur.
gies de conduite engagées (SPE) à l’usage de l’ingénieur de sûreté.

Pour des raisons pratiques, le traitement des accidents pour Catégorie Type de défaut Couleur
les états « primaire ouvert » continue à être assuré par une
approche événementielle. 1 défaut nécessitant une action immédiate de rouge
l’opérateur en moins de 10 min
Ce choix tient au fait qu’il est pratiquement impossible de prédé- 2 défaut nécessitant une action différée de jaune
terminer l’état de l’installation. Par analogie, c’est un peu comme le l’opérateur
trafic au sol des avions sur un aéroport.
3 défaut traité automatiquement ou change- blanc
ment d’état automatique pour informer
l’opérateur
sous-saturation

4 défaut traité automatiquement conduisant à vert


un passage à charge nulle pour que l’opéra-
Acceptable
Surchauffe

Saturation

teur suive le déroulement des actions auto-


matiques
Forte

140 ¡C Inventaire
∆Tsat en eau

Un traitement d’alarme est utilisé pour éviter l’apparition


ECP 1 Sommet d’alarme inutiles lors des transitoires et lors des arrêts de tranche.
du dôme
pas de dégradation L’objectif est de ne laisser présentes que les alarmes réellement
Sommet
des fonctions d’état branches significatives d’un défaut.
chaudes
Le traitement complémentaire des informations (TCI) acquiert et
ECP 2 0% présente des informations sous des formes plus sophistiquées. Il a
ECP 3 (secondaire radioactif) pour objectif de permettre une analyse à posteriori du fonctionne-
ment normal ou incidentel et aussi l’acquisition des mesures de flux
acquises par l’instrumentation interne du cœur.
Le TCI comprend :
ECP 4
— une fonction « journal de bord » qui permet sur des écrans de
disposer des évolutions de grandeur physique et de la chronologie
∆Tsat marge de température à la saturation de l’eau primaire
des derniers changement d’état ;
— une fonction « perturbographie » mise en service automati-
Figure 3 – Choix des procédures selon l’inventaire en eau et la marge quement suite à une action de protection. Cette fonction donne l’his-
à la saturation torique de l’apparition d’informations tout ou rien.

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2.2 Aides opérateur Le chef d’exploitation et l’ISR jouent un rôle de redondance et de


diversification des opérateurs.
(exemple du 1 300 MW)
L’équipe de conduite s’appuie sur une équipe de maintenance qui
■ Le panneau de sûreté constitue l’élément essentiel du dispositif demande les consignations à l’équipe de conduite.
de surveillance car il regroupe toutes les informations analogiques L’exploitation est basée sur l’organisation des équipes qui vient
nécessaires à l’application des procédures accidentelles (diagnostic, d’être décrite et sur l’organisation des moyens de conduite.
refroidissement et surveillance du cœur). Ces informations sont pré-
La situation géographique des moyens de conduite est basée sur
sentées sur enregistreurs afin d’assurer une corrélation plus aisée
les principes suivants :
entre certains paramètres et de pouvoir suivre leur tendance.
— les commandes sont centralisées ;
■ La fonction d’aide au pilotage est une fonction de calcul mettant — des commandes locales sont prévues pour des actionneurs ne
en œuvre un code de simulation du cœur. Elle se subdivise en deux nécessitant pas une action concertée des opérateurs ni des délais
fonctions : d’intervention court (inférieurs à une heure) ;
— la fonction surveillance courante qui a pour but un suivi de la — les commandes locales peuvent être regroupées sur des pan-
tranche de façon à connaître le mieux possible l’état neutronique du neaux locaux lorsqu’elles sont relatives à la commande d’une instal-
cœur nécessaire aux calculs prévisionnels (fonction simulation) ; lation décentralisée et autonome ;
elle peut afficher en permanence l’irradiation dans le cycle, l’axial — des commandes de repli sont prévues pour faire face à l’indis-
offset (déséquilibre axial de puissance), la puissance thermique, la ponibilité de la salle de commande.
température moyenne et la position des groupes gris (barres de Compte tenu de ces principes, les moyens de commandes sui-
contrôle ayant un faible poids d’antiréactivité) ; vants sont prévus par tranche :
— la fonction actualisation qui est une bibliothèque de données
— des panneaux de commande décentralisés ;
modifiables par le Service Technique de la Centrale ; elle constitue
— un panneau de repli ;
la véritable fonction d’aide au pilotage dans les cas suivants :
— une salle de commande principale ;
• en arrêt de tranche : la marge d’antiréactivité nécessaire est — un local de crise.
calculée (concentration minimale en bore à maintenir),
• en redémarrage de tranche : en fonction des heures de diver- ■ Les panneaux de commande décentralisés concernent es-
gence et de couplage prévues et du niveau de puissance à rallier, sentiellement :
le calculateur d’aide au pilotage fournit la concentration en bore — le panneau de commande de la déminéralisation : cette instal-
optimale pour la divergence et la possibilité de suivre le profil de lation est complètement décentralisée, commune à deux tranches et
puissance prévu, n’est couplée au process des tranches que par le niveau des réser-
• en suivi de charge : le calculateur détermine, à partir du suivi voirs d’eau déminéralisée ; ces niveaux sont renvoyés dans les
de charge prévu, la possibilité de la variation de puissance vis-à- salles de commande des tranches ;
vis des protections et indique les actions à effectuer sur la concen- — le panneau de commande local des diesels : ce panneau ne
tration en bore pour maintenir le groupe R (des barres de régula- comporte que les commandes locales de mise en configuration du
tion) dans sa bande de manœuvre. diesel et de ses auxiliaires ; toutes les commandes principales du
diesel sont reportées en salle de commande ;
— le panneau de commande du traitement des effluents : ce pan-
3. Interface homme-machine neau est implanté dans l’espace entre salle de commande jumelé
des tranches 900 MW, dans le BAN (Bâtiment des Auxiliaires
Nucléaires) pour les tranches P4 et en salle de commande principale
3.1 Organisation de l’équipe de conduite pour les tranches P’4 et N4. Ce panneau regroupe toutes les
commandes du traitement des effluents qui sont commandés par
et des moyens de conduite les techniciens « effluents » et non par les opérateurs.
L’abandon de l’implantation décentralisée dans le BAN est essen-
Les choix faits par EDF sur les tranches nucléaires et présentés tiellement dû aux inconvénients pour les automaticiens d’intervenir
précédemment ont été : en zone contrôlée avec changement de tenue et contrôles de radio-
— de favoriser plutôt la conduite manuelle que la conduite protection.
automatique ;
— de rechercher dans l’organisation des équipes de conduite une ■ Le panneau de repli permet de commander la tranche en cas
redondance humaine permettant de détecter et corriger les d’indisponibilité de la salle de commande principale. Les hypothè-
défaillances ; ses faites sur cette indisponibilité sont les suivantes :
— de favoriser la présence d’opérateur n’étant pas des spécialis- — la faible probabilité de cette indisponibilité conduit à ne pas la
tes de la physique, mais entraînés à appliquer des procédures pré- superposer avec des conditions incidentelles ou accidentelles ;
sentant une très large couverture des incidents et accidents pouvant — cette indisponibilité oblige les opérateurs à évacuer la salle
survenir. de commande avec un délai suffisant pour commander l’arrêt
d’urgence du réacteur ;
Ces principes de bases ont conduit à définir une organisation
— la cause de l’évacuation peut entraîner des dégâts sur les équi-
de l’équipe de conduite par paire de tranches comprenant en
pements de commande pouvant conduire à des ordres intempestifs ;
période normale :
cette agression sera cependant suffisamment lente pour permettre
— un chef d’exploitation ; aux opérateurs d’atteindre le panneau de repli avant l’émission de
— des chargés de consignation, des hommes de terrain (compre- ces ordres intempestifs.
nant les techniciens d’exploitation et les rondiers).
La cause essentielle d’indisponibilité présumée de la salle de
Cette équipe comprend de plus, par tranche : commande est l’incendie.
— un cadre technique (superviseur) pour la préparation et l’exé- Le panneau de repli comprend toutes les commandes indispensa-
cution ; bles au maintien en état d’arrêt chaud et au passage en état d’arrêt
— deux opérateurs (« réacteur » et « eau-vapeur »). à froid sans superposition d’un incident ou d’un accident. L’implan-
Un Ingénieur de Sûreté et Radioprotection (ISR), dont la tâche est tation du panneau de repli est telle qu’il puisse être accessible en cas
la vérification, est appelé en période accidentelle pour les consigna- d’incendie dans l’une des voies de sauvegarde. Enfin, l’ensemble
tions. des commandes de la salle de commande principale pouvant avoir

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une action néfaste pour la sûreté en cas d’ordre intempestif peuvent rence américaine (il s’agissait alors, pour l’ingénierie française de ne
être neutralisées par le panneau de repli. Les commandes du pan- pas s’écarter du modèle) la totalité du parc 900 MW (paliers
neau de repli sont prioritaires sur celles de la salle de commande CP1/CP2) soit 32 centrales a, à des variantes architecturales près, la
principale. même salle de commande (figure 4).
■ Le local de crise est un local mis à disposition des équipes de Sa conception date de 1972 ; le choix, remis en cause pour le
crise lors d’un accident. Cette équipe de crise comprend des experts palier 1 300 MW, d’un pupitre principal, où sont rassemblés tous les
extérieurs à la centrale. Elle est mise en place quelques heures après moyens de commande et d’informations nécessaires à la conduite
le début de l’accident. L’équipement de ce local permet aux équipes normale (depuis l’état d’arrêt chaud jusqu’à la pleine puissance) et
de prendre connaissance des principaux paramètres de la tranche. d’un panneau « arrière » regroupant commandes et informations
Ces équipements permettent également de communiquer avec les nécessaires lors des opérations de démarrage depuis l’état d’arrêt à
autres centres de crise implantés à Paris (direction EDF, IPSN, DSIN, froid et en situation accidentelle ainsi que celle des auxiliaires géné-
et FRAMATOME). Il faut souligner qu’aucune commande n’est pos- raux, résulte de deux considérations.
sible depuis ce local.
La première est une référence à l’organisation des salles de
commande des centrales thermiques à flamme française (disposant
3.2 Salles de commande d’un pupitre principal et d’un tableau arrière), organisation à
laquelle l’exploitant était habitué et dont il était satisfait.
1970-1999 : il se sera écoulé près de 30 ans entre la mise en ser- La seconde est que l’on privilégiait, (comme dans une centrale
vice du premier réacteur français de la filière à eau sous pression thermique à flamme) la conduite normale, les interventions des opé-
(Chooz A) et le dernier (Civaux 2). La démarche de conception des rateurs après un accident n’étant pas finement analysées (les analy-
salles de commande, les normes et règles applicables, les exigences ses d’accidents portaient sur les accidents de dimensionnement,
de sûreté, ont considérablement évolué durant cette période ; l’er- aux événements initiateurs bien identifiés).
gonomie, la prise en compte du « facteur humain », totalement ab-
sentes jusqu’au milieu de la décennie 1970 se sont progressivement La répartition des tâches entre l’opérateur et le système de
développées. Alors que les premières réalisations s’appuyaient sur Contrôle-Commande (plus communément désigné par « niveau
le savoir-faire, sur les habitudes et sur le retour d’expérience, les d’automatisme ») est, sur l’ensemble du parc, la suivante :
plus récentes font appel à ces méthodes plus rigoureuses. — les actions de protection liées à la sûreté sont automatisées ;
Concevoir une salle de commande implique aujourd’hui une l’intervention de l’opérateur dans les dix minutes suivant l’initiation
approche globale, qui inclut des aspects technologiques, fonction- d’une action de protection n’est pas requise d’un point de vue
nels, organisationnels, humains. sûreté ;
On doit rechercher une répartition optimale des tâches entre — les actions liées à la protection d’un matériel sont automati-
l’homme et les systèmes de Contrôle-Commande (automatismes, ques pour les matériels de coût important ;
traitement de l’information), en vue d’une utilisation maximale des — les fonctions de réglage nécessaires au maintien en un état
capacités de l’homme et des automates et ce en prenant en considé- stable de la centrale ou aux variations de charge sont automa-
ration l’organisation de l’exploitant, ses habitudes, ses souhaits tisées ;
d’évolution. La conception doit également tenir compte des — il n’y a pas d’automatisme séquentiel pour la mise en ou hors
contraintes liées à la première mise en service et permettre des service de fonctions, l’opérateur intervenant au niveau de la
modifications et la maintenance. commande d’un groupement d’actionneurs remplissant une tâche
Sur le plan fonctionnel, la conception doit permettre, pour tous les limitée ou au niveau de la commande individuelle d’actionneurs.
états opérationnels, y compris les situations d’arrêt et les conditions Le traitement d’alarme est restreint ; en particulier, les situations
accidentelles, d’optimiser les tâches, de minimiser la charge de tra- d’arrêt de centrale ne sont pas prises en compte.
vail requise, pour surveiller et conduire la centrale.
L’équipe de conduite est constituée, en salle de commande, d’un
Une telle approche globale est relativement récente. C’est l’acci-
superviseur (cadre technique), et de deux opérateurs.
dent de Three Miles Island qui a été l’élément révélateur du poids du
facteur humain (équipe de conduite, procédures, formation, ergono- Les procédures de conduite, du type événementiel, sont des docu-
mie du poste de travail) dans les situations accidentelles. ments papiers « classiques » sans effort particulier de présentation.
Cette évolution dans la démarche de conception se retrouve dans
la conception des salles de commande des centrales françaises,
avec trois étapes :
— la conception des salles de commande des centrales des
paliers 900 MW (CP0, CP1, CP2), antérieure à TMI, avec, après TMI,
des actions importantes d’amélioration ;
— la conception des salles de commande des centrales du palier
1 300 MW (P4, P’4) concomitante avec l’accident de TMI ;
— la conception des salles de commande des centrales du palier
1 450 MW (N4), postérieure à TMI.
Des actions génériques post TMI, dans les domaines de l’organi-
sation des équipes de conduite, de la formation, des procédures de
conduite, ont bien sûr concerné l’ensemble des paliers.

3.2.1 Salles de commande conventionnelles


3.2.1.1 Conception des salles de commande
des tranches 900 MW
■ Conception initiale
Excepté les deux centrales de Fessenheim, dont la salle de
commande est pratiquement conforme à celle de la centrale de réfé- Figure 4 – Salle de commande des centrales 900 MW (CNPE Chinon)

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■ Actions post TMI


Elles se sont traduites, sur l’ensemble du parc 900 MW, et pour ce
qui concerne le Contrôle-Commande, par :
— une amélioration notable de l’ergonomie des salles de
commande ; les ergonomes sont, pour la première fois, intervenus
sur une maquette à l’échelle 1 pour optimiser la disposition des
commandes et informations (avec pour contrainte importante de ne
pas remettre en cause leur câblage) et définir une présentation par
panneaux colorés faisant clairement ressortir les ensembles
fonctionnels ;
— l’adjonction dans le prolongement du pupitre principal d’un
panneau de sûreté, doté de moyens conventionnels et infor-
matiques, pour fournir aux opérateurs, en situation accidentelle,
des informations mieux adaptées (signaux d’état, marge à l’ébulli-
tion...) ;
— un changement d’organisation de l’équipe de conduite avec
l’adjonction, dans l’équipe d’astreinte, d’un ingénieur de sûreté
assurant une redondance humaine ;
— un examen critique exhaustif des procédures accidentelles et
incidentelles et la refonte complète de la présentation des consignes
de conduites accidentelles (identification claire des tâches de cha-
que opérateur ; effort de présentation...).
Figure 5 – Salle de commande des centrales 1 300 MW (CNPE Paluel)
■ Seconde révision décennale
Mise en service entre 1978 et 1987, les centrales 900 MW vont
subir, dans les prochaines années leur seconde révision décennale ;
dans le cadre du projet « durée de vie », visant à porter la durée de
vie opérationnelle des centrales au-delà de 40 ans, l’étude de réno-
vation du Contrôle-Commande à l’occasion de la seconde révision
décennale n’a pas mis en évidence de besoin d’une évolution fonc-
tionnelle significative de la salle de commande ; hormis quelques
réarrangements dans les affichages des alarmes, il n’est pas envi-
sagé de modifications de la salle de commande y compris pour le
système informatique d’aide à la conduite.

3.2.1.2 Conception des salles de commande des centrales


1 300 MW
Les premiers retours d’expérience d’exploitation des centrales de
Fessenheim et de Bugey 2 (alors en cours de démarrage) mirent en
évidence que la disposition des pupitres retenus pour les paliers
CP1/CP2 (pupitre principal et tableau arrière) ne présentait pas, pour
les installations nucléaires, les avantages rencontrés dans le thermi-
que à flammes ; le nombre important de commandes et d’informa-
tions nécessaires pour la conduite normale conduisait à un pupitre
principal de grande taille et les nécessaires allées et venues entre
tableau arrière et pupitre principal en situation de démarrage ou
perturbée n’étaient pas satisfaisantes. Figure 6 – Salle de commande des centrales N4 (CNPE Civeaux)

La disposition en fer à cheval adoptée à Fessenheim (figure 5) est


apparue comme préférable à condition d’en améliorer de façon
significative l’ergonomie et les fonctionnalités. L’accident de TMI survenant au moment de la conception de la
salle de commande, les évolutions en matière d’organisation de la
Le choix, effectué par ailleurs, d’un Contrôle-Commande mettant conduite, de constitution des procédures et de formation des opéra-
en œuvre des automates programmables en lieu et place du teurs décidées suite à cet incident ont été appliquées dès la concep-
relayage électromagnétique [cf. BN 3 411 dans ce traité], a permis tion.
d’améliorer le traitement des alarmes (filtrage et inhibition prenant
en compte les situations d’arrêt) et leur présentation (seules les alar-
mes nécessitant une intervention rapide de l’opérateur sont sur ver- 3.2.2 Salles de commande informatisées
rines, les autres sont sur écrans). (palier N4)
Le « niveau d’automatisme » des centrales 900 MW n’a pas été
notablement remis en cause ; le délai de non-intervention de l’opé- 3.2.2.1 Principes de conception
rateur pour les actions de sûreté est passé à 20 min ; le nombre de Tirant les enseignements de l’accident de Three Mile Island, la
commandes individuelles a été réduit mais il n’a pas été jugé néces- salle de commande N4 (figure 6) a été développée afin d’obtenir une
saire, ni même souhaitable, de développer des automatismes conduite plus sûre et plus efficace en toute situation de tranche. Ce
séquentiels. besoin d’adaptation et les traitements fonctionnels associés ont
La disposition des commandes et informations sur les pupitres a concerné les principes généraux de conception suivants :
été étudiée de façon à obtenir une zone de conduite en situation nor- — la disposition générale des moyens de conduite dans la salle
male et incidentelle de dimensions relativement réduites. de commande ;
Une matérialisation des circuits (synoptiques actifs) complétée — les informations et les commandes mises à disposition des
par quelques synoptiques muraux a été réalisée. opérateurs (nombre, validation, présentation, rapidité d’accès) ;

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— le traitement des alarmes ; ■ Panneau auxiliaire


— l’intégration des procédures de conduite normale et acciden- Un moyen de secours (le panneau auxiliaire) a été prévu en salle
telle dans les postes de conduite. de commande pour pallier la perte totale du système informatique
L’ensemble de ces principes permet la mise en œuvre de la pre- de conduite. Le panneau auxiliaire associé au synoptique permet
mière véritable conduite assistée par ordinateur (CAO) d’une d’assurer le passage en état de repli sûr de la tranche et une maîtrise
tranche nucléaire. des situations accidentelles sans perte de la vision de l’état et de
La mise en œuvre des améliorations fonctionnelles importantes l’évolution du processus.
apportées dans ces domaines a nécessité le recours à des moyens Plus précisément sur une perte du système informatique de
informatiques puissants dont l’utilisation par les opérateurs de- conduite, l’installation peut être maintenue, à partir du panneau
meure très aisée et l’apprentissage rapide. auxiliaire, dans un état stabilisé pendant quatre heures. Si la panne
n’a pu être réparée pendant ce laps de temps, l’installation est ame-
3.2.2.2 Disposition de la salle de commande optimisée, née à l’état d’arrêt depuis le panneau auxiliaire.
rassemblant des moyens de conduite puissants
et diversifiés L’ergonomie des moyens de conduite du panneau auxiliaire est
proche de celle du système informatique, même si la technologie
■ Disposition générale des commandes individuelles est différente. En effet, dans les deux
La disposition générale est optimisée. cas, les commandes sont réparties sur des synoptiques actifs et en
cas d’incident, les opérateurs doivent suivre des consignes (sous
Les moyens de conduite principaux mis à disposition des opéra-
forme papier au panneau auxiliaire) dont la structure et la présenta-
teurs consistent en :
tion sont très proches.
— quatre postes informatisés identiques intégrant au maximum
surveillance et conduite qui permettent chacun la conduite de l’ins- ■ Panneau de repli
tallation en fonctionnement normal ; deux de ces postes sont néces- Le panneau de repli, situé en dehors de la salle de commande et à
saires en conduite accidentelle et deux postes sont réservés au un autre étage du bâtiment, permet aux opérateurs, en cas d’incen-
superviseur ; die de cette dernière, d’amener la tranche dans un état sûr.
— un synoptique mural qui présente aux opérateurs les paramè-
Afin de garder l’homogénéité avec la salle de commande le pan-
tres principaux de l’installation, l’état des principaux actionneurs et
neau de repli présente la même interface opérateur que le panneau
l’état des circuits de sûreté et de sauvegarde, et leur donne une
auxiliaire.
vision d’ensemble commune.
Par ailleurs, des moyens conventionnels simples permettent de 3.2.2.3 Interface homme-machine informatisée :
faire face d’une part à une indisponibilité totale des moyens de conduite assistée par ordinateur
commande informatisés (panneau auxiliaire, situé en salle de
commande), d’autre part à une indisponibilité totale de la salle de ■ Les principes de l’imagerie du système informatique de
commande elle-même (panneau de repli dans un local séparé de la conduite de N4 sont :
salle de commande, à un autre niveau du bâtiment). — l’adaptation de l’image à la tâche (supervision/commande) de
Les postes opérateurs sont situés côte à côte de façon à faciliter le l’opérateur, ce qui permet de réduire le nombre d’images manipu-
dialogue entre opérateurs. L’opérateur est assis à son poste de lées par l’opérateur pour une action donnée (par exemple une seule
conduite qui lui permet l’accès à toutes les informations et comman- image pour faire la bulle au pressuriseur) ;
des nécessaires. — la banalisation et l’accès à l’ensemble de l’imagerie pour tous
les membres de l’équipe ; il existe toutefois des consignes cadre
■ Moyens de conduite technique ou superviseur, différentes des consignes opérateurs ;
Les moyens de conduite sont puissants et diversifiés. — l’accès direct et rapide, à partir d’une image, aux informations
qui lui sont associées (par exemple l’accès à la fiche technique d’un
Chaque poste informatisé comprend une zone de commande actionneur représenté sur une image) ;
(trois écrans graphiques, trois écrans sensitifs, une boule roulante, — la validation et l’homogénéité des informations dont l’affi-
et un clavier) et une zone alarme (quatre écrans et un clavier). chage change de forme ou de couleur en fonction de l’état (par
Ces postes ont accès aux mêmes données (images et fonctions) et exemple, pour un actionneur, on représente son état et non pas la
permettent la conduite de l’installation en fonctionnement normal et commande opérateur ; autre exemple, la mesure d’un capteur en
accidentel. défaut est affichée en rouge).
Les postes de supervision ne sont normalement utilisés que pour ■ L’accès simple et rapide à toutes les informations et commandes
la surveillance de l’installation. Ils peuvent servir de secours (en par- du processus : les synoptiques de conduite (800 images).
ticulier pour la commande) en cas de perte des postes opérateurs.
Ils ont un caractère fonctionnel ou multifonctionnel (images de
Depuis son poste, l’opérateur a accès rapidement à toutes les synthèse). Ils permettent une conduite assez comparable à celle
informations, ce qui lui évite la recherche et la manipulation de effectuée depuis une salle de commande traditionnelle, si l’on assi-
documents qui, dans les salles de commandes conventionnelles, mile le choix d’une image donnée au déplacement d’un opérateur
sont habituellement stockés dans des armoires. devant le panneau adéquat. Mais à la différence d’une salle conven-
■ Synoptique mural tionnelle, toutes les informations nécessaires sont regroupées sur
Il présente les principaux paramètres de l’installation, l’état des l’image, afin d’éviter des changements d’images ou des oublis.
principaux actionneurs et l’état des circuits de sûreté et de sauve- En effet, un tel synoptique regroupe des actionneurs et leurs diffé-
garde. Ces éléments interactifs animés sont lisibles depuis les pos- rents états (ouvert, fermé, défaut, en essai, consigné) et les informa-
tes opérateurs. tions nécessaires à une tâche donnée.
Ce synoptique permet de : Toutes les informations affichées en temps réel sont validées et
— donner aux opérateurs une vue globale de l’installation et leur statut est défini par un code de couleur.
remédier à la vision parcellaire fournie par les écrans de visualisa- ■ Une aide permanente à la connaissance des causes d’invalidité :
tion ; les fiches techniques (10 000 images)
— fournir une référence commune de l’état de l’installation aux
différents membres de l’équipe de quart et contribuer ainsi à la coor- Elles sont accessibles directement à partir de chaque objet.
dination de leurs actions en constituant un support à un raisonne- Chaque actionneur, chaque capteur fait l’objet d’une fiche techni-
ment commun. que (créée en ligne automatiquement à partir de la base de don-

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nées). Celles-ci comprennent des informations temps réel et des port aux consignes. Il présente le résultat aux superviseurs qui restent
informations liées à la maintenance (opérationnalité, disponibilité, maîtres de décider si une intervention correctrice est nécessaire.
états, défauts...). Elles permettent à l’opérateur de comprendre Dans les deux cas, l’apport de l’informatique est de réaliser, pour
pourquoi un actionneur n’a pas manœuvré (verrouillage, indisponi- le compte de l’homme, des tâches soit répétitives, soit d’analyse
bilité, défaut, perte d’alimentation...) ou pourquoi un capteur est en logique.
défaut et quelles sont les valeurs de seuils associées.
Cas des consignes accidentelles
■ Une assistance permanente en cas d’incident : les alarmes
Sur N4, les procédures accidentelles sont basées sur une sur-
Les alarmes subissent un traitement évolué. L’objectif est de dimi- veillance permanente de l’état de la tranche lors de leur application.
nuer le nombre d’alarmes affichées à l’opérateur en identifiant les Dans une salle de commande conventionnelle avec procédures
alarmes pertinentes et en hiérarchisant les alarmes. papier, l’opérateur doit boucler en permanence dans les organi-
● Une innovation importante consiste à inhiber et à classer de grammes pour détecter un changement d’état. Sur N4, l’innovation
façon dynamique les alarmes selon les situations de tranche (par consiste, après une première application de la consigne par l’opéra-
exemple tranche en arrêt à chaud). Cela permet de réduire le nom- teur, à faire ce bouclage par le calculateur qui avertit l’opérateur en
bre d’alarmes et de faire des tris. cas de changement d’état. Cela décharge l’opérateur et lui permet
● Le traitement des alarmes permet une sélection automatique de prendre du recul pour la supervision d’ensemble.
des alarmes selon des critères fonctionnels établis par un groupe Le gain sur le plan sûreté est important car la consigne informa-
d’experts, évitant cette charge de travail à l’opérateur. tisée permet lors de son application une surveillance permanente
● Un traitement performant de masquage (inhibition, suppression) de l’état de la tranche et permet à l’équipe de disposer de plus de
permet de présenter les alarmes causes et non-conséquences et de temps pour détecter les événements.
les présenter en fonction de leur degré d’urgence et de leur gravité. L’ensemble des procédures permet une conduite homogène entre
● Chaque fiche d’alarme (4 400 fiches d’alarmes, une fiche au opérateurs et une grande qualité de conduite par respect des procé-
moins par alarme), facilement accessible, est affichée sur écran dès dures.
que l’opérateur sélectionne l’alarme correspondante. Les contrôles en ligne du système évitent les déviations ou les
L’ensemble offre une grande qualité de détection, de diagnostic et oublis d’actions de l’opérateur.
d’actions. Les fiches d’alarmes présentent les causes, les consé- ■ Autres moyens à disposition de l’opérateur
quences, les risques, les actions à faire. Les fiches d’alarmes per-
mettent un accès direct aux images et aux consignes de conduite L’ensemble des documents et traitements associés fournissent à
mais contiennent aussi toutes les informations et commandes l’opérateur :
nécessaires pour que l’opérateur fasse le nécessaire sans avoir à — une aide en ligne pour chaque action élémentaire (sur-
changer d’image. veillance/commande) ;
— une aide en ligne à la compréhension des automatismes (régu-
■ Une assistance à la conduite normale ou accidentelle : les consi- lations, protections) ;
gnes informatisées (3 500 images) — une aide à la gestion du passage de quart ;
Elles sont consacrées à la réalisation, sous contrôle de l’opérateur, — une aide à la gestion des demandes d’interventions ;
d’un enchaînement d’opérations de conduite. Elles permettent de — une aide au suivi de l’archivage (journaux de bord).
simplifier les gestes de l’opérateur en lui proposant une présélection
des ordres à transmettre et en ne lui demandant par la suite que ■ La liaison conduite-maintenance
l’action manuelle de validation sur le pupitre. Le chemin parcouru La consignation ou les essais de matériels sont réalisés par le
est caractérisé par une animation (couleur). chargé de consignation sur le système d’aide informatique à la
consignation. Ce système est installé dans un local à côté de la salle
Les consignes sont des organigrammes interactifs présentant les de commande. Il permet :
actions élémentaires de conduite. Chaque action ou décision de
l’opérateur est vérifiée par le système informatique de conduite. — la gestion de tous les matériels situés à la frontière et à l’inté-
Toutes les informations et commandes nécessaires sont présentées rieur de la zone objet d’un régime de consignation ou d’essai ;
en regard de la procédure de façon à la rendre autoportante. — la gestion des lignages des circuits.
Avec l’utilisation de ce type de consigne informatisée, l’opérateur Les informations correspondantes (matériel consigné ou en essai)
est guidé et surveillé systématiquement dans ses choix et ses sont transmises en temps réel au système de conduite pour affi-
actions. L’opérateur doit impérativement utiliser les consignes acci- chage à l’opérateur (couleur du repère de l’objet ou texte actif) et uti-
dentelles (obligation fonctionnelle, le système informatique ne lisation dans les consignes. Cette fonction est équivalente à la pose
l’impose pas). Il peut les forcer en cas de nécessité, par exemple si des macarons dans une salle de commande classique.
l’opérateur dispose d’une information que le système informatique Par ailleurs, le système de consignation a accès à la base de don-
ne peut pas acquérir. Cela est cohérent avec le principe selon lequel nées du système de conduite et en particulier aux informations de
l’opérateur doit rester maître en toute situation de l’installation. type disponibilité des matériels ou des fonctions.
Le forçage est repéré par un changement de couleur du ou des L’opérateur a aussi la possibilité depuis son poste en salle de com-
pas forcés sur l’image (passage en rouge). mande d’imprimer une demande d’intervention pour les équipes de
maintenance.
De même que pour les alarmes, toutes les informations nécessai-
res sont contenues dans les procédures et les ordres à destination Il s’agit donc d’une aide importante tant à la maintenance qu’à la
du processus sont envoyés directement depuis la page de procé- conduite.
dure avec contrôle du retour du processus.
Afin de ne pas perturber l’opérateur par un changement de forma-
lisme, les consignes de conduite normale ou accidentelle ont la
même présentation sur écran.
4. Qualification de l’interface
La tâche de superviseur reste une tâche redondante ; il utilise des homme-machine
images qui indiquent, à l’aide d’informations de synthèse (anima-
tions logiques à partir d’équations indépendantes du traitement des Les premières réflexions et études sont parties de besoins expri-
consignes opérateurs), les actions requises en fonction de l’état du més par l’exploitant : recensement des différents utilisateurs de
réacteur et celles effectuées réellement. Le système informatique de l’information dans une installation nucléaire, orientations à prendre
conduite joue donc le rôle d’analyseur de la conduite en cours par rap- en considération en matière de niveau d’automatisme et vis-à-vis du

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rôle de la composition de l’équipe de conduite ; une analyse fonc- de conduite depuis les postes opérateurs. Quatre équipes complètes
tionnelle détaillée des procédures de conduite des centrales REP ont participé à environ 60 essais.
900 MW a été effectuée pour identifier les tâches de l’opérateur et
Enfin la quatrième campagne (1996) a été ciblée sur l’organisation
cerner ses besoins en informations.
de l’équipe en situations accidentelles et sur les rôles du superviseur
L’étude s’est alors développée selon trois axes : et de l’ingénieur de sûreté dans ces situations. Elle a impliqué 4
— la conception de l’interface homme-machine posant l’ensem- équipes complètes sur environ 20 essais.
ble de la structure de dialogue (spécification des fonctions) ; Utilisé actuellement comme simulateur de formation dans
— l’architecture d’un système de Contrôle-Commande adapté à l’attente, en 1998, d’un simulateur représentatif d’une centrale N4, le
cet interface (capacité de traitement, performances, disponibilité) ; simulateur S3C a représenté un investissement important. Les cam-
— le développement des moyens de CAO indispensables à une pagnes d’évaluation ont été riches d’enseignement, sur l’ergonomie
gestion rigoureuse des dizaines de milliers de données utilisées. de la salle de commande (en particulier l’éclairage), sur la structure
Il n’était pas réaliste de s’engager dans une telle innovation en des images, sur les dialogues, sur la structure des procédures infor-
matière de conduite de centrale nucléaire sans s’assurer de la perti- matisées, sur l’organisation de l’équipe de conduite ; elles ont per-
nence des choix effectués. Une simple maquette statique, telle mis d’identifier les erreurs de conception et de procéder aux actions
celles réalisées sur les paliers précédents pour décider de l’implan- correctives avant que la salle de commande soit opérationnelle sur
tation des moyens de commande et d’information, s’avérait notoire- site ; le dialogue avec l’Autorité de Sûreté a été facilité, les condi-
ment insuffisante ; il était indispensable de réaliser une validation tions d’utilisation aux limites de la salle de commande ayant pu être
dynamique, dans des conditions les plus proches possible de la réa- simulées avec beaucoup de réalisme.
lité. L’intégration de l’ingénierie EDF (mécanique, électrique...) et des
Il a donc été décidé de réaliser un simulateur de représentation outils de CAO associés a facilité la réalisation de la salle de
intégrale dénommé « simulateur S3C » constitué : commande N4 en permettant une vérification et une validation de
— d’un simulateur de processus identique au système informati- toutes les données, images et consignes.
que d’un simulateur de formation 1 300 MW, contenant le modèle ● Phase de conception
physique et les automatismes de commande et de protection d’une
centrale 1 300 MW ; Les données introduites dans le système informatique de
— d’un système informatique se substituant à la salle de conduite ont été définies par des équipes spécialisées : images, alar-
commande conventionnelle et gérant les postes opérateurs de la mes, consignes... Dans chaque cas un groupe d’experts vérifie dès
nouvelle salle de commande. la conception que les règles définies dans les spécifications ont été
suivies. Ces groupes d’experts associent les concepteurs de la salle
Quatre campagnes d’évaluation successives ont été effectuées de commande, les concepteurs des systèmes de la tranche et les
sur ce simulateur entre 1987 et 1996. exploitants.
Ces évaluations sont basées sur l’observation de phases de ● Saisie des données
conduite représentatives. Un ensemble de scénario est défini préa-
lablement pour couvrir toutes les situations de conduite que l’on La vérification des données est assurée par des contrôles manuels
veut évaluer : lors des quatre campagnes d’essai toutes les situa- mis en place ainsi que par des contrôles informatiques automati-
tions de conduite, situations normales depuis l’arrêt à froid à la ques réalisés lors de la saisie et de l’intégration des données.
pleine puissance, grands transitoires, situations accidentelles, ont ● Vérification sur le site
ainsi été parcourues, y compris la conduite de nuit postée.
La visualisation des données lors des essais sur site permet de
Des observateurs ergonomes et des spécialistes de la conduite vérifier et de compléter les contrôles manuels et informatiques réa-
ont suivi le déroulement de chaque scénario et à l’issue de chaque lisés en bureaux d’études.
journée d’essai ont procédé à un entretien avec les opérateurs ;
l’appui technique de l’Autorité de Sûreté a été associé à ces ● Validation sur le site
évaluations ; des médecins de la médecine du travail ont participé La visualisation des données lors des essais de démarrage per-
aux deux premières campagnes (observation de la fatigue visuelle met leur validation fonctionnelle.
en particulier).
La première campagne d’essai (1987) a porté sur l’évaluation des
outils nécessaires à la conduite en situation normale (salle de
commande limitée à 2 postes opérateurs et au synoptique mural),
sans procédures informatisées ; elle a impliqué 8 équipes de 2 opé- 5. Conclusion
rateurs pendant 8 semaines et comporté environ 200 essais.
Lors de la seconde campagne (1989), les modifications décidées L’accident de Three Miles Island a mis à évidence l’importance
suite à la première campagne ont été validées et l’évaluation a été fondamentale de l’interface homme-machine et de la structure des
entendue aux consignes informatisées de conduite événementielle procédures de conduite dans les centrales nucléaires.
et d’approche par état dans une configuration à 3 postes (2 postes
opérateurs, un poste Ingénieur de sûreté/superviseur), dans des La France, compte tenu de l’importance de son parc nucléaire, a
situations d’exploitations normales, incidentelles, accidentelles sur développé et mis en œuvre dès le début des années 80 le concept de
des périodes allant jusqu’à 3 fois 8 heures. Six équipes composées « conduite par état » et d’interface homme-machine entièrement
de 2 opérateurs, un superviseur et un ingénieur de sûreté (équipes informatisé.
complètes) ont participé à environ 150 essais. Cette tendance s’est généralisée dans les autres pays disposant
La troisième campagne (1994) a concerné exclusivement la de réacteurs nucléaires sous des formes et des appellations variées.
conduite en situation accidentelle, avec, dans ces situations, le pas- Tous les projets de réacteurs du futur qui sont proposés aujourd’hui
sage et la conduite au « panneau auxiliaire » et les modes dégradés adoptent ces concepts de base.

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P
O
U
Procédures de conduite R
et interface homme-machine
E
N
par Bernard APPELL
Ingénieur ESE
Directeur Adjoint du Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires (SEPTEN) EDF
S
et Yvon CHAMBON
Ingénieur ENSEEIHT
A
Chef du groupe Conduite du Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires
(SEPTEN) EDF V
O
Constructeurs et fournisseurs I
EDF – Direction de la Production Transports.
SEMA GROUP.
CEGELEC.
THERMATOME.
SPIE TRINDEL. R

Organismes et laboratoires P
LCIE – Laboratoire Central des Industries Électriques. SOPEMEA.
L
U
Normalisation
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