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Conduite des systèmes

de production manufacturière

par Damien TRENTESAUX


Ingénieur de l’École nationale supérieure d’ingénieurs électriciens de Grenoble
(ENSIEG/INP Grenoble)
Maître de conférences, université de Valenciennes
et Olivier SÉNÉCHAL
Maître de conférences, université de Valenciennes

1. Pilotage des systèmes ............................................................................ S 7 598 – 3


1.1 Concept de pilotage..................................................................................... — 3
1.2 Deux axes de modélisation......................................................................... — 3
1.3 Du pilotage au pilotage décisionnel........................................................... — 4
1.4 Aide au pilotage........................................................................................... — 7
2. Conduite des systèmes de production .............................................. — 7
2.1 Positionnement dans la gestion de production manufacturière ............. — 7
2.2 La conduite, un système de pilotage décisionnel..................................... — 8
2.3 Modélisation fonctionnelle ......................................................................... — 9
2.4 Modélisation structurelle ........................................................................... — 11
3. Problématique des systèmes de conduite ........................................ — 13
3.1 Conception ................................................................................................... — 13
3.2 Exploitation .................................................................................................. — 14
3.3 Analyse ........................................................................................................ — 14
4. Exemple illustratif ................................................................................... — 14
4.1 Site industriel ............................................................................................... — 14
4.2 Conception du système de conduite de l’atelier de finition..................... — 15
4.3 Exploitation du système de conduite......................................................... — 21
4.4 Analyse du système de conduite ............................................................... — 21
5. Conclusion ................................................................................................. — 21
Références bibliographiques ......................................................................... — 21

n environnement fortement concurrentiel et des produits de plus en plus


U rapidement obsolètes poussent aujourd'hui les entreprises à rechercher les
moyens d'augmenter la réactivité de leur système de production. Pour répondre
à cet objectif, il leur est nécessaire :
— d'intégrer et de responsabiliser les différents acteurs ;
— de réduire les stocks et les en-cours ;
— de réduire les coûts et les temps de changement de production ;
— d'assurer de façon plus générale une qualité totale de l'ensemble des acti-
vités et des produits (la norme ISO 9001 définit le modèle pour l'assurance
qualité en conception, développement, production, installation et soutien après
vente. Cet aspect des systèmes de production n'est pas traité dans cet article).

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CONDUITE DES SYSTÈMES DE PRODUCTION MANUFACTURIÈRE ________________________________________________________________________________

Par conséquent, à l'heure actuelle, la gestion des flux de l’atelier devient pré-
pondérante et la conduite d'atelier, dont le rôle principal est de réaliser la pro-
duction prévue dans un environnement dynamique et fortement perturbé,
constitue un enjeu de plus en plus important si l’on veut conserver ou accroître
les parts de marché de l’entreprise.
Cependant, étant donné une offre logicielle souvent inadaptée, un accroisse-
ment de la complexité des ateliers et des opérations et une large diversité des
métiers concernés, les performances obtenues en conduite d’atelier sont sou-
vent largement inférieures aux performances attendues ou potentielles.
La conduite des systèmes manufacturiers est présentée suivant une approche
automaticienne à partir des notions de système, boucle cybernétique, pilotage,
processus, décision, information, etc. Un moyen pour accroître les performances
consiste à augmenter la capacité de décision du niveau de conduite pour réagir
de manière adaptée.
Les auteurs remercient, pour son aide précieuse dans la rédaction de cet article,
monsieur C. Delstanche, directeur financier de la société Précimétal (Belgique),
du groupe Manoir Industries. (0)

Glossaire Glossaire
Ce glossaire constitue une liste non exhaustive de définitions Lot : quantité de transformation d'un produit, désigne l'ensemble
couramment utilisées et issues pour la plupart de normes ou physique des éléments subissant la transformation.
d’articles faisant référence dans le domaine. Il est également en Manufacturing execution system (MES) : un système intégré en
partie basé sur le dictionnaire APICS [1]. temps réel d’information et de communication d’atelier de produc-
tion supportant les fonctions d’allocation de ressource, d’ordon-
Activité : transformation d’éléments d'entrée en éléments de sortie nancement détaillé, de lancement, de gestion de données, de
(matière, produit, information, flux) selon une règle reproductible. gestion des calendriers de travail, de suivi, des opérations de
Cette transformation est supportée par un ensemble de ressources maintenance et d’analyse de performances.
(humaines, techniques, etc.).
Modèle : vue « logique » (c’est-à-dire traitant des informations, par
Commande : niveau de traduction de l'ordre en une séquence opposition à la vue « physique » traitant de l’énergie ou de la
d'instructions exécutables par la machine. matière) et réductrice d’une réalité afin d’en améliorer la compré-
Concourance : mise en œuvre simultanée de moyens de natures hension.
diverses en vue de concourir à un objectif global dans les meilleu-
res conditions de coût, de qualité et de délai. Ordonnancement (scheduling): planning des opérations complété
par les affectations des ressources qui vont réaliser ces opéra-
Conduite (production control): niveau de la gestion de production tions. Organisation fine du travail, équilibrage de la charge.
responsable de la pile de tâches, de l’intégration des contraintes
locales, du lancement, du suivi des produits et de chaque res- Planification (production planning): planification à long terme des
source. Ce niveau est responsable de la réalisation des actions de ventes et de la production.
production planifiées. Processus : un processus est constitué d’un ensemble d’activités
Contrôle : composante de la conduite assurant la définition des identifiées en nombre fini et concourant chacune à la réalisation
décisions possibles, la prise de décision à proprement parler et d’un objectif commun.
l’application de celle-ci de manière cohérente avec les objectifs de Programmation : définition des besoins nets, jalonnement, créa-
production. tion du programme prévisionnel de production.
Décision : restriction d’un domaine de valeur d’une variable, tri sur
plusieurs domaines ou valeurs ou classement sur plusieurs Ressource : entité du système de production capable d'effectuer
domaines ou valeurs. une tâche (transformation, action) sur un lot (poste de travail, cel-
lule, stock, poste de contrôle, etc.).
Entreprise resource planning (ERP) system : un système intégré
dédié à la gestion globale de toutes les ressources requises d’une Stock : point d'accumulation du flux de produits.
entreprise de production de biens ou de services pour prendre, Supervision de production : composante de la conduite assurant
faire, transporter et gérer d’un point comptable l’ensemble des le suivi de l'état du système de production (productivité, stocks,
commandes des clients. etc.) et la détection des anomalies.
Évaluation des performances (des systèmes de production) : mise Système : se dit d’un artéfact qui décrit quelque chose (quoi) qui,
en évidence des impacts d’une décision, passée ou future, sur le dans quelque chose (environnement), pour quelque chose (fina-
positionnement relatif de la finalité, des objectifs, des résultats et lité), fait quelque chose (activité), par quelque chose (structure) et
des moyens constitutifs de ces systèmes, sur la globalité du cycle qui se transforme dans le temps (évolution). Un système peut être
de vie de ces impacts, et sous chacun des points de vue concernés. caractérisé par le triplet (être, faire, devenir) décrivant sa structure,
Gestion de production (production management) : fonction géné- sa fonction et son évolution.
rale consistant à gérer prévisionnellement et à conduire les pro-
duits (leur stockage, leur transformation) de la commande des Tableau de bord : interface présentant à l'opérateur de conduite,
matières premières à la livraison des produits finis. sous une forme ergonomique, un certain nombre d'informations
sur le système de production.
Gestion prévisionnelle : prise en compte prévisionnelle des
besoins, niveaux de stock et charge, regroupe les fonctions de pla- Tâche : ordre de fabrication, de transformation d'un lot de produits
nification, de programmation et d'ordonnancement. sur une ressource donnée, prescription d’une activité.
Indicateur de performance : donnée quantifiée qui mesure l'effi- Temps réel : un système en temps réel est un système qui est
cacité de tout ou partie d'un processus ou d'un système par rap- capable de réagir dans un horizon temporel fixé par son environ-
port à une norme, un plan ou un objectif déterminé et accepté nement.
dans le cadre d'une stratégie d'entreprise. Transformateur : point de modification des caractéristiques du
Lancement (dispatching) : au niveau de la conduite, envoi d'une flux de produits (les ressources de l'atelier sont des transforma-
demande d'exécution d'une tâche à la commande de la ressource. teurs).

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1. Pilotage des systèmes conception concerne tous les systèmes de pilotage composant la
structure considérée. Au niveau le plus bas du système opérant,
c’est à dire sans plus de décomposition récursive, nous suppose-
rons que le modèle du système opérant est donné. La conception a
Nous présentons ici les différents modèles de pilotage qui servi- pour conséquence de générer un système global remplissant une
ront de support pour les phases de conception (§ 3.1), d’exploitation fonction globale a priori. Dans le cas où ces lois seraient conçues
(§ 3.2) et d’analyse des systèmes de conduite (§ 3.3). pour évoluer dynamiquement en fonction d’un modèle dynamique
Ces modèles sont déclinés selon deux axes : fonctionnel (quoi du système opérant (par exemple, identifié en temps réel), le sys-
faire et comment faire) et structurel (qui fait quoi). Auparavant, nous tème de pilotage est qualifié d’adaptatif ;
décrivons le concept de pilotage. — en phase d’analyse, à vérifier, a posteriori de l’exploitation ou
durant cette même phase, que les objectifs sont bien atteints et avec
Nous ne nous focaliserons pas sur la vue « physique » du pilo- quel degré de qualité par rapport à la conception et au cahier des
tage. Cette vue ne sera abordée que succinctement au niveau du charges. Il est également possible, durant cette phase, de mettre en
cadre applicatif proposé (§ 4). évidence des mécanismes d’amélioration de la pertinence de la
conception, soit en terme de simplification du système de pilotage
pour des performances au mieux semblables, soit en terme de com-
1.1 Concept de pilotage plexification pour augmenter ces performances.

Selon J.W. Forrester, « la boucle de rétroaction est l'élément


structurel fondamental des systèmes. Le comportement dynamique 1.2 Deux axes de modélisation
est généré par rétroaction » [2]. M.J. Avenier [3] poursuit ce raison-
nement en affirmant que piloter un engin revient en premier lieu à
choisir un objectif par rapport auquel la meilleure trajectoire est Dans la suite, nous nous focaliserons sur deux des trois axes de
définie. Une fois l’engin lancé, il s’agit de : modélisation des systèmes qui sont la fonction et la structure. L’évo-
— corriger en permanence les écarts par rapport à la trajectoire ; lution, liée au phénomène d’adaptation ou de reconception, sera
— modifier éventuellement la trajectoire, voire l’objectif, lorsque succinctement abordée au paragraphe 3.3.
des informations sur l’univers extérieur et sur le comportement de
l’engin montrent que le plan initial ne peut être maintenu.
Quelle que soit la nature du système (physique, social, organisa-
1.2.1 Modélisation fonctionnelle
tionnel, etc.), cette définition du pilotage est applicable dès lors que
l’on précise que, plus que de simples informations, c’est l’apprécia- Cet axe de modélisation permet de décrire ce que devront faire un
tion des performances du système qui conditionne les décisions de ou plusieurs systèmes. Il fait abstraction des systèmes qui mettront
modification de trajectoire ou même d’objectif. en œuvre les fonctions (ou activités). Par conséquent, il ne décrit pas
Nos propos seront basés sur l’approche systémique et la termino- par quoi sont mises en œuvre ces fonctions et activités.
logie correspondante [4]. Un système est défini par : quelque chose Les modèles fonctionnels du pilotage peuvent être décrits au tra-
(quoi) qui, dans quelque chose (environnement), pour quelque vers de plusieurs formalismes qui peuvent être regroupés en deux
chose (finalité), fait quelque chose (activité), par quelque chose catégories, selon qu’ils tiennent compte de la dimension temporelle
(structure) et qui se transforme dans le temps (évolution). Un sys- ou non.
tème peut être caractérisé par le triplet « être, faire, devenir » décri- Dans le domaine de la gestion de production, la première catégo-
vant sa structure, sa fonction et son évolution. Dans ce cadre, le rie, au sein de laquelle la dimension temporelle n’est pas prise en
pilotage correspond au domaine de l’automatique qui a pour objet : compte, regroupe majoritairement les formalismes de type SADT
— en phase d’exploitation, de commander les entrées (signal (structured analysis and design technique) ou IDEF0 (integrated
d’entrée ou variables d’action) d’un système opérant (encore appelé computer aided manufacturing definition language). Ce type de for-
moyen d’action ou système piloté) en fonction de l’observation de malisme se focalise essentiellement sur les décompositions hiérar-
ses signaux de sortie (variables de sortie), voire de certains de ses chiques entre fonctions (ou activités), sur leurs données en entrée et
signaux internes, afin que ce système opérant présente en sortie sortie, sur l’analyse de la complétude par rapport à un cahier des
(résultat) un niveau de performance suffisant (évaluation) dans la charges, etc. Cette catégorie correspond à une vue statique.
réalisation d’une fonction globale, étant donné des signaux de Toujours dans le domaine de la production, la seconde catégorie
consigne (déterministes) assignés au système de pilotage et des regroupe essentiellement les formalismes qui se basent sur la défi-
signaux aléatoires (perturbation) assignés au système opérant. nition d’un ensemble d’événements discrets (en référence aux sys-
Notons que ce modèle fondamental est récursif dans le sens où le tèmes à événements discrets ou SED). Ces événements, décrivant
système opérant peut dans certains cas être décomposé selon ce notamment les dates de début et de fin des activités à mener, peu-
même modèle en système de pilotage et système opérant de niveau vent alors être modélisés à l’aide d’outils tels que les graphes d’état,
inférieur. Ce principe nous permettra d’introduire la notion de struc- le Grafcet, les réseaux de Petri, etc. Cette approche de modélisation
ture de pilotage (§ 1.2.2) ; orientée « processus temporel » privilégie la dimension dynamique
— en phase de conception, de concevoir le modèle de pilotage, de l’identification et de la résolution d’un problème (consommation
c’est-à-dire d’expliciter les fonctions, structures et lois de transfor- de temps, impact sur les performances, etc.). Ce point permet égale-
mation de ses signaux d’entrée (consignes, mesures du système ment de mettre en évidence l’importance relative des différentes
opérant) en utilisant un ensemble de variables dites internes et ce, à activités composant ce processus et éventuellement leur impact en
partir d’outils existants (abaques, simulateur, outils mathématiques, terme de consommation de temps sur les performances globales du
etc.) qui vont conduire à la génération du signal de commande. Ces couple (système opérant, système de pilotage) pour une analyse
lois de transformation sont la plupart du temps établies en fonction ultérieure. Cette catégorie correspond à une vue dynamique.
d’un modèle donné du système opérant et d’un objectif global de
performance décomposé généralement en deux sous-objectifs : un
premier objectif dit de « poursuite » correspondant en exploitation à 1.2.2 Modélisation structurelle
l’élaboration d’une première composante du signal de commande
par rapport aux signaux de consigne et un second objectif de Cet axe permet de focaliser l’attention sur la mise en œuvre des
« régulation » traduisant l’élaboration d’une seconde composante fonctions. Une fonction peut alors être mise en œuvre par un ou plu-
du signal de commande par rapport aux signaux de perturbation. La sieurs systèmes et un système peut concourir à la réalisation de

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Vue statique
Consigne A0
erreur
évaluer Commande
de débit
de débit
commander

Spécifier un signal de commande de débit


Fonction
de pilotage Vue dynamique

Déclenchement Renseignement Évaluation Conception Application

Attente du Te Relevé Calcul des Élaboration au système


prochain «top» des valeurs erreurs du signal opérant
requises de commande (partie opérative)

Système de pilotage Perturbations

Système d'évaluation Système de Commande u(k )


erreur e ( k ) commande
Structure Consigne c ( k ) + Débit y( k )
de pilotage PI numérique Pompe

Débit y( k )

Figure 1 – Pilotage par PI numérique

plusieurs fonctions. Une structure de pilotage peut être établie dès — activité de conception du signal de commande à générer en
que plusieurs systèmes de pilotage interagissent ou dès qu’un ou fonction de ces erreurs et de la valeur à l’instant précédent (t – Te) du
plusieurs systèmes opérants sont décomposés récursivement en signal de commande ;
couple (système de pilotage, système opérant). Cette structure se — activité d‘application de ce signal à l’instant t au système opé-
compose ainsi : rant.
— des systèmes supports des fonctions de pilotage et des pro- Les activités de déclenchement, de renseignement et d’évaluation
cessus associés (acteurs, systèmes informatisés, ressources de pro- sont mises en œuvre par le système qui réalise la fonction d’évaluation
duction, etc.) ; (calcul de l’erreur) et celles de conception et d’application, par le sys-
tème « PI numérique » qui remplit la fonction de commande de la par-
— des liens entre ces systèmes (entrées et sorties). Il existe deux
tie opérative du système opérant.
types de liens : des liens hiérarchiques et des liens hétérarchiques.
Les liens hétérarchiques permettent aux systèmes de pilotage d’un Des modèles fonctionnel et structurel correspondant à cet exemple
même niveau hiérarchique de communiquer dans un objectif de sont donnés figure 1.
coordination, de coopération ou de négociation.
Nota : le lecteur pourra se référer aux travaux de Mesarovic dans ce domaine, qui 1.2.3 Articulation entre les deux axes
concernent plus particulièrement la coordination au sein des structures hiérarchiques [5].
de modélisation
L’exemple suivant va nous permettre d’illustrer ces deux axes de
modélisation et d’introduire les notions qui nous serviront dans la Ces deux axes sont orthogonaux dans le sens où une fonction
suite. peut être mise en œuvre par plusieurs systèmes et un système peut
Exemple : soit une fonction globale de poursuite de consigne de participer à la mise en œuvre de plusieurs fonctions.
débit. Cette fonction peut se concrétiser par la conception puis l’exploita- La figure 2 schématise cet aspect : à l’emplacement ij, on identifie
tion d’un système de pilotage (couramment appelé « système de le système i qui contribue à la mise en œuvre de la fonction j. Est
commande » dans ce cadre) de type PI (proportionnel intégral) comman- donnée à titre illustratif la matrice de croisement concernant l’exem-
dant en tension un système opérant constitué d’une pompe et de son ple précédent.
réservoir. Cette fonction peut être décomposée en deux fonctions d’éva-
luation et de commande. À un niveau de détail plus fin, on peut définir un
processus de pilotage composé des cinq activités suivantes (pour simpli-
fier cette description, nous adopterons une approche par échantillonnage/
1.3 Du pilotage au pilotage décisionnel
reconstruction des signaux à une période d’échantillonnage donnée Te) :
— activité de déclenchement du besoin en calcul du signal de com- Le système de pilotage précédent (PI numérique) n’est pas déci-
mande aux périodes d’échantillonnage ; deur dans le sens où le système de pilotage n’a pas à décider de la
— activité de renseignement : relevés des objectifs (consigne de valeur de commande. En effet, la loi a été conçue préalablement de
débit) et de la sortie du système opérant (débit réel) aux instants t et manière à lever toute marge de manœuvre dans la détermination de
t – Te ; la valeur du signal de commande (pas de degré de liberté) de telle
— activité d’évaluation : calcul des erreurs correspondant à ces sorte que cette valeur soit déterminée dès que les entrées du sys-
deux instants ; tème de pilotage sont déterminées.

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— activité de conception : activité/fonction qui consiste à élaborer


Un système intervenant l’ensemble des décisions possibles ou potentielles (solutions envi-
dans la réalisation de sageables au problème soulevé) et l’évaluation a priori de leur
plusieurs fonctions impact potentiel sur les performances du système opérant. Cette
Fonction activité de conception peut se décomposer en deux sous-activités,
de génération de décisions potentielles et d’évaluation a priori de
celles-ci ;
— activité de décision : dans le cadre de cet article, l’activité/fonc-
Une fonction
j mise en œuvre tion de décision consiste [8]:
par plusieurs systèmes
• soit à restreindre (ou non si la décision est de ne pas décider)
les domaines de valeur d’une variable d’état d’un système. Le
domaine peut alors être éventuellement réduit à un singleton (la
variable est alors entièrement spécifiée). C’est une problématique
de « choix »,
i Système • soit à trier les domaines (singletons ou non) de valeurs des
variables d’état d’un système. C’est une problématique de « tri »,
• soit à classer (ranger) ou non ces domaines ou ces valeurs par
catégories. C’est une problématique de « rangement » par catégo-
Fonction ries. Cette problématique est différente de la précédente car au
sein de chaque catégorie rangée, on suppose qu’il n’est pas possi-
Déclencher X ble d’effectuer un tri (notion d’ex aequo). Notons que la différence
entre la problématique de tri et la problématique de rangement
Évaluer Renseigner est sensiblement la même que celle entre un préordre total suppo-
X
sant l’existence d’une fonction d’utilité établissant et quantifiant le
Évaluer erreur tri et un préordre partiel où seules les catégories sont explicitées,
X
Conception sans définir la notion de « distance » entre chaque catégorie ;
X
Commander — activité d’évaluation : il existe deux types d’activité/fonction
Application X d’évaluation :
• une évaluation a priori qui consiste à évaluer avant application
Système
de commande

Système
Système
d'évaluation

un ensemble de décisions potentielles élaborées. Elle ne peut


ainsi tenir compte des impacts réels des décisions sur le système
opérant où seule une extrapolation du comportement du système
opérant en réponse à ces décisions potentielles est possible (par
simulation par exemple),
• une évaluation a posteriori qui consiste à évaluer une décision
après son application sur le système opérant. Une évaluation a
Figure 2 – Transversalité entre les deux axes de modélisation posteriori ne peut porter que sur une seule commande appliquée
suite à une prise de décision, et ce, dans un contexte donné. Cette
évaluation a posteriori permet de valider ou non les hypothèses
Ce même système de pilotage devient décideur si, vu de l’exté- posées lors des évaluations a priori réalisées en phase de concep-
rieur, ces entrées ne sont pas suffisantes pour déterminer sa sortie, tion, et d’enrichir éventuellement la connaissance du comporte-
ce qui devient le cas si le système de pilotage a été conçu pour pré- ment du système opérant par rapport à la décision prise pour
senter une certaine liberté pour fixer lui-même son signal de com- améliorer, lors des processus de pilotage ultérieurs, une nouvelle
mande (par exemple, par l’intermédiaire d’un opérateur humain). évaluation a priori ;
En partant du constat que l’opérateur humain (en tant que décideur) — activité d’application : cette activité/fonction consiste à trans-
est un élément important d’un système de conduite de production former une décision prise en action à mener au niveau du système
manufacturière, il est non seulement nécessaire mais également opérant sous la forme d’une commande. Il existe deux types d’appli-
important de prendre en compte cette présence ainsi que cette cations :
capacité de décision au niveau du concept de pilotage des systèmes • l’application porte au niveau de l’exploitation du système opé-
(nous montrerons au paragraphe 2.2 à cet effet que la conduite rant, en fonction d’une structure donnée dans une démarche de
constitue un cadre applicatif de la notion de pilotage). recherche d’efficacité,
Nous explicitons plus précisément les deux axes de modélisation • l’application porte au niveau de l’adaptation du système opé-
du pilotage décisionnel. rant (sur son organisation par exemple ou sur ses ressources),
dans une démarche de recherche de pertinence ou d’efficience.
Un processus de pilotage généralisé appelé « processus de pilo-
1.3.1 Modélisation fonctionnelle tage décisionnel » est alors composé de ces différentes fonctions/
activités.
Concernant les fonctions et processus de pilotage et par rapport à
la description donnée dans l’exemple précédent, il est nécessaire
d’intégrer une nouvelle activité qui est celle de décision. Le proces-
1.3.2 Modélisation structurelle
sus de pilotage précédemment décomposé en cinq activités se
généralise en six activités [6][7] : La figure 3 traduit l’intégration de la capacité de décision en fai-
— activité de déclenchement : activité/fonction qui consiste à sant apparaître le système de pilotage comme un centre capable de
identifier un besoin en terme de décision, en réponse à un problème décision. Cette généralisation (élaborée à partir du modèle structu-
relevé (par exemple, une sous-performance ou un risque de sous- rel donné figure 1) se traduit également par l’apparition d’un centre
performance) ; d’évaluation et des moyens d’interprétation. La commande du sys-
— activité de renseignement : activité/fonction qui consiste à tème opérant correspond alors à l’application de la décision prise.
générer (et/ou à rechercher) l’ensemble des informations internes Nous détaillons les trois sous-systèmes composant de manière
qui seront utiles tout au long du processus de pilotage décisionnel ; générale un système de pilotage décideur.

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Indicateur de
performance
Centre Système de pilotage (décideur)
d'évaluation Perturbations

Décision
Centre de Système opérant Effets
Objectifs
décision (moyens d'action)

Centre
d'interprétation

Résultats Figure 3 – Pilotage décisionnel des systèmes :


modèle structurel

■ Centre d’interprétation prétation des ordres ne se produisant pour nous qu’entre deux
Les entrées du centre d’interprétation sont les effets du système niveaux hiérarchiques différents (l’opérateur interprète les ordres
opérant ou plutôt les données représentatives de ces effets. Dans du contremaître et les transforme en objectifs, mais au niveau du
une procédure de diagnostic classique, on retrouve à ce niveau les pilotage de sa propre activité, il interprète les effets de ses actions et
phases d’acquisition (ou mesure) et de perception du signal qui de l’environnement). L’interprétation a une influence qui peut être
consistent respectivement à fournir un ensemble d’observations parfois prépondérante sur le comportement du système de pilotage.
tolérantes aux défauts du système de mesure, et à fournir les indi-
ces ou paramètres indicateurs interprétables de la performance à ■ Centre d’évaluation
l’origine des signaux observés. Les entrées du centre d’évaluation sont les résultats établis par le
Mais la notion seule de mesure est réductrice car elle ne peut suffire centre d’interprétation et les objectifs en exploitation.
à l’élaboration d’un diagnostic pertinent. Elle doit donc être complétée Les sorties du centre d’évaluation sont les indicateurs de perfor-
par une appréciation, une interprétation par rapport à une vision glo- mances. L’obtention de la performance est la préoccupation origi-
bale ou cadre de référence. Ainsi, certains considèrent aujourd’hui que nelle du domaine de la gestion classique, qui propose depuis
la pertinence d’une évaluation tient bien plus à la qualité de l’interpré- toujours un ensemble d'instruments de mesure des performances
tation qu’à l’exactitude et à la précision des calculs [9]. de l'entreprise, dont on peut citer parmi les plus connus le ROI.
Les sorties du centre d’interprétation sont les résultats, c’est-à- (return on investment), proposé dès 1907 par Donaldson Brown, le
dire des informations objectivées sur les effets des actions du sys- taux de rotation des stocks, le bénéfice résiduel (BR) ou encore le
tème opérant. Ainsi, un même événement peut générer plusieurs besoin en fonds de roulement (BFR). Mais c'est Michaël Porter qui
résultats différents tant dans leur forme que dans leur signification. introduit dès 1986 la notion d'avantage concurrentiel comme étant
Exemple : l’augmentation de la vitesse de rotation d’un moteur « la » performance à obtenir par la mise en œuvre de certaines acti-
pourra se matérialiser par une augmentation du niveau sonore pour la vités, constituants élémentaires de la chaîne de la valeur de l'entre-
personne qui passe à proximité de la machine, par une évolution de prise. Cette vision plus systémique du pilotage de la performance
l’indicateur de vitesse de la machine sur le pupitre de surveillance de (ou plus rigoureusement, du système industriel pour atteindre la
l’opérateur, par une augmentation du rythme de production pour performance) a eu pour principal mérite de mettre en avant sa
l’agent de maîtrise ou encore par une évolution du spectre vibratoire de nature multiacteur et multihorizon. Ainsi, de nouvelles approches
la machine pour l’opérateur de maintenance. Le résultat qui en découle de contrôle de gestion sont apparues ces dernières années, basées
sera pour la première personne une dégradation de l’environnement sur l’analyse transversale des éléments contribuant à la perfor-
sonore, une consommation supérieure en énergie pour l’opérateur, mance, aujourd’hui beaucoup plus nombreux que l’unique volume
une augmentation de la productivité pour le cadre, et une augmenta- de main d’œuvre directe consacré à la production (notamment les
tion des sollicitations de la machine pour l’opérateur de maintenance. Il méthodes activity based costing et activity based management)
est évident que ces différents résultats ne traduisent pas une même [11]. Ces méthodes constituent la démonstration de la prise de
évolution en terme de performance, et qu’ils peuvent donner lieu à des conscience de la variété des inducteurs de performance présents
actions contradictoires. dans l’entreprise, même dans des domaines d’analyse a priori
monocritères tels que la comptabilité analytique. Pour en terminer
L’interprétation constitue donc l’élément fondamental de différen- du point de vue des gestionnaires, la performance est définie par
ciation entre une approche purement cybernétique basée sur le Michel Lebas comme « l'ensemble des éléments décrivant le pro-
paradigme du contrôle-commande (ou simplement du contrôle cessus de création des résultats (...). Elle doit être décrite par un
dans les propos des gestionnaires), et une approche intégrant la ensemble ou un vecteur de mesures (ou d'indicateurs) plus ou
composante humaine. D’après Philippe Lorino [10], l’acteur humain moins complexe (...). Il ne faut en aucun cas confondre la per-
est caractérisé par une certaine autonomie cognitive (chacun détient formance avec le(s) indicateur(s) ou la (les) mesure(s) qui la
en propre sa part de la connaissance nécessaire à l’action) et une décri(ven)t ». De nombreux écrits montrent en effet qu’aujourd’hui,
autonomie politique (chacun détient sa part de pouvoir), qui lui la performance industrielle est déclinable en un certain nombre de
confèrent une inévitable liberté d’interprétation des effets qu’il pro- « critères » de performance. Parmi ces critères, on trouve depuis
duit, comme des ordres qu’il reçoit. L’auteur va ainsi jusqu’à dire longtemps la productivité et la rentabilité, puis a t-on vu apparaître,
que « le pilotage réel, quel qu’en soit le sujet, ne s’exerce jamais sur avec les approches « juste-à-temps » la réactivité, et plus récem-
une action mais sur une interprétation ». Nous ne nous rallierons ment la proactivité et la différenciation, justifiant respectivement les
que partiellement à cet avis en ne considérant que la composante démarches d’ingénierie concourante [12] et les processus d’inno-
interprétative des résultats d’un niveau de pilotage donné, l’inter- vation. La performance est donc soumise à des jugements qui

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varient selon le contexte décisionnel caractérisé par un domaine et


un horizon temps. Qu'elle soit potentiel, action, résultat ou réussite, 2. Conduite des systèmes
la performance peut être vue au niveau physique, marchand, finan-
cier ou même social. Cette diversité d'interprétations est inévitable
de production
et ne nuit pas forcément à l'obtention d'une bonne performance (au
sens performance globale), si les conditions suivantes sont respec-
tées. Dans cette partie, nous montrons que la conduite des systèmes
L’évaluation consiste à assigner une valeur bonne ou mauvaise, de production constitue un cadre applicatif du pilotage décisionnel
meilleure ou pire, à une chose ou à un événement (en l’occurrence, des systèmes puis nous décrivons les modèles fonctionnels et struc-
aux résultats relevés). Ce n’est donc pas simplement mesurer la turels de la conduite. Dans la partie suivante, nous décrivons la pro-
valeur en quelques sorte intrinsèque des objets. C’est établir un blématique de la conduite (§ 3).
ordre de préférence [13]. Cette fonction d’évaluation doit donc géné-
rer des informations suffisamment pertinentes pour prendre les
bonnes décisions, c’est-à-dire nécessaires et suffisantes au regard 2.1 Positionnement dans la gestion
des objectifs recherchés. Ces informations objectivées portent le
nom d’indicateurs de performance, c’est-à-dire une donnée quanti- de production manufacturière
fiée qui mesure l’efficacité et/ou l’efficience de tout ou partie d’un
processus ou d’un système (réel ou simulé), par rapport à une Cinq fonctions essentielles, organisées en étapes hiérarchisées
norme, un plan ou un objectif, déterminé et accepté dans le cadre sont classiquement identifiées [16], chacun des niveaux ayant une
d’une stratégie d’entreprise [14]. On entend ici par efficacité le capacité de réaction propre.
niveau d’adéquation des résultats obtenus aux objectifs recherchés,
et par efficience le niveau d’adéquation des moyens mis en œuvre ■ Planification
aux résultats obtenus [15]. Ce niveau a une vision à long terme sur la production de l'entre-
■ Centre de décision prise : statistiques, études de marché lui permettent de définir un
plan directeur de production, compromis entre les objectifs de mar-
Les entrées du centre de décision sont les indicateurs de perfor- keting, financiers et de production. On se situe donc ici dans le
mances. Les sorties sont les décisions prises et appliquées. niveau de décision tactique du système « entreprise » mais dans le
Ce système a pour fonction de prendre les décisions qui portent niveau stratégique du système de production « atelier ».
sur les modalités de commande du système opérant (ou moyen
d’action) soit en terme de directives globales et plans d’action (dans ■ Programmation
le domaine qui nous intéresse, cas de la planification, de la pro- Elle est chargée, à partir du plan directeur, d'établir un pro-
grammation, de l’ordonnancement et de la conduite), soit en terme gramme prévisionnel de production, à capacité infinie ou suivant
de signaux directement interprétables par le moyen d’action une charge globale admissible par l'atelier. Celui-ci prend en
(domaine de la commande). compte les besoins bruts (commandes, délais demandés), les prévi-
sions et calcule des besoins nets en fonction des stocks et des en-
cours. La programmation peut elle aussi être considérée comme
1.4 Aide au pilotage une tâche du niveau stratégique car elle consiste essentiellement à
« traduire » les objectifs de la planification et reste dans une logique
de définition du « quoi ? » de la production.
Présupposant la présence de l’opérateur dans la boucle de pilo-
tage, il est important de préciser ce que l’on entend par « aide au ■ Ordonnancement
pilotage » et en quoi cette notion se différencie de celle de décision. Son objectif est le respect du plan prévisionnel (délais, quantité,
Le concept d’aide au pilotage : qualité, etc.). Il élabore un planning détaillé cherchant à optimiser
— se caractérise par une résolution de problème non entièrement l'utilisation des moyens de production en termes de charge, d'en-
automatisée dont le résultat est sous la responsabilité d’un opéra- cours, de contraintes de succession ou technologiques. Il fournit un
teur humain ; calendrier d'organisation du travail pour l'atelier (dates de début et
— concerne tout type de décision, quelle que soit la problématique de fin de chaque tâche), par ressource ou groupe de ressources. On
abordée ; se rapproche ici de la définition du « comment » de la production, et
— a pour paradigme de base de générer (vers l'utilisateur) et de donc du niveau de décision tactique.
mémoriser (à partir de l'utilisateur ou de tout autre système) et ce,
de quelque manière que ce soit, les informations que l'utilisateur ■ Conduite
pourra utiliser pour prendre sa décision ; La conduite est chargée de réaliser la production prévue. Elle doit
— peut sous-entendre la structuration de ce processus d'échange au régler tous les problèmes non résolus par le niveau prévisionnel
travers de protocoles de communication spécifiques et dynamiques. (charges ou contraintes locales). Elle doit aussi prendre en compte
Cependant, l’approche interactive n’est pas obligatoire : une feuille de l'ensemble des contraintes de fabrication (contrôles de la qualité,
papier (un planning Gantt, par exemple) peut constituer une aide à la arrêts liés à la maintenance, niveau de qualification du personnel,
décision suffisante si les informations sont présentées de manière per- etc.), toutes présentes à ce niveau, et réagir aux aléas pour que la
tinente ou si cela permet à l'utilisateur de structurer ou de mettre en production prévue soit possible [17]. La conduite est donc typique-
évidence ses informations. L’interaction survient dès que cette feuille ment une tâche du niveau opérationnel car les problèmes d’affecta-
circule de service en service, où chaque personne vient annoter le dia- tion de ressources devront être résolus en temps réel (réponses aux
gramme ou le modifier. questions quand et avec quoi produire).
L’aide à la décision stricto sensu est un terme impropre car elle se
décline plus globalement en six fonctions associées aux six activités ■ Commande
élémentaires décrites auparavant et inclut, par conséquent, l’aide Ce niveau, directement en relation avec le système de production,
pour l’activité de décision tout autant que celle concernant les acti- a un rôle d'interface et d'interpréteur. Sa tâche essentielle est de tra-
vités de déclenchement, de renseignement, de conception, d’éva- duire un ordre en une séquence d'instructions compréhensibles par
luation et d’application. Nous ne détaillons pas plus en avant cette la partie opérative. Il est concrétisé soit par un opérateur pilotant
notion mais la considérons sous-jacente à la présence de l’opéra- une machine et assurant le suivi de réalisation, soit par un automa-
teur humain dans un système de pilotage décideur. Le lecteur tisme capable d'interpréter un ordre et de renseigner la conduite sur
pourra se référer à [7] pour plus d’information à ce sujet. l'état d'avancement de celui-ci.

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Ordonnancement
prévisionnel
Planification
Plan prévisionnel
de production Suivi
avancement
Plan directeur Production des OF
de production réalisée
Personnel,
ressources humaines Commercial

Prévisionnel
Programmation Délai, faisabilité,
commandes,
Pointage, urgences En-cours,
Qualifications avancement
conditions
de travail lots
Programme Programme
prévisionnel réalisé Comptabilité, Méthodes,
gestion Prototypes, études
Productions, produits de
consommations Corrections

Assurance qualité
remplacement
Ordonnancement produits,
Coûts analytiques temps passés

Planning Planning Qualité matière,


détaillé Conduite produits finis,
réalisé Délais, quantités
disponibles résultats analyses
Bons Demandes
entrée/sortie, contrôle, Qualité,
Approvisionnements, qualité matière relevés laboratoire
Conduite stocks qualité

Rapports Disponibilités
Tâche
Tâche interventions, Disponibilité, Demande de
exécutable
exécutée coûts entretien temps, transfert,
réservations
Temps réel

causes arrêts
équipements
Logistique
Commande Maintenance d'atelier

Action Données
Action exécutée Commandes équipements,
de lancements produits, personnels,
corrections stocks, flux

Exécution
(partie opérative)
Commande

Figure 4 – Fonctions de la gestion de production et environnement de la conduite

La figure 4 décrit cette hiérarchie et précise, pour la conduite, les Dans ce cadre, la structuration des différents niveaux fonctionnels
relations avec les autres fonctions (l’environnement de la conduite). de la gestion de production se traduit par la définition d’intervalles
Notons en premier lieu que l’environnement de la conduite peut être de travail, chacun inclus dans celui du niveau supérieur. Ces inter-
affiné en définissant des degrés de relations, en fonction de la fré- valles permettent de contraindre les temps de réaction des proces-
quence et de l'intensité des informations échangées (faible: simple sus décisionnels concernés. Au niveau de la présente conduite, cet
transmission de données, forte: dialogue fourni pour la résolution horizon est généralement glissant et est plus ou moins étendu sui-
d'un aléa). vant le système et les délais de production. La figure 5 décrit un
exemple d’horizons temporels.
Exemple :
Relations fortes : la maintenance ; les moyens de transfert, de manu-
tention ; le contrôle de la qualité, les laboratoires ; la commande du sys-
tème de production ; la gestion prévisionnelle ; la gestion du personnel,
les ressources humaines. 2.2 La conduite, un système de pilotage
Relations faibles : les approvisionnements, les magasins ; le service décisionnel
expédition, transports, logistique ; les services commerciaux ; la comp-
tabilité/facturation, la gestion analytique ; les services méthodes,
études.
Chaque fonction de gestion de production a ainsi pour objectif le
Notons également que la définition grossière des horizons tem- respect de son contrat avec la fonction précédente. Si une perturba-
porels (temps réel et prévisionnel) peut être affinée, la notion de tion importante ne permet pas à un niveau donné de réaliser ses
temps réel étant assez ambiguë (d’une manière très générale, on objectifs, il doit en avertir son « client ». Celui-ci réagit et prend alors
peut considérer qu’un système est temps réel si son temps de les décisions nécessaires, cohérentes avec l'ensemble de ses
réponse est inférieur à une limite imposée par son environnement). contraintes.

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S0 S1 S2 S3
Programmation
Semaine/mois
Contraintes d'approvisionnement

J0 J1 J2 J3 J4
Ordonnancement
Jour/semaine Contraintes :
- délais : période en cours
- charges
Conduite : horizon
1/4 Jour/jour Contraintes :
- productivité OF : ordre de fabrication
- qualité
- personnel
- équipements
OF en cours OF suivant
Durée OF Commande
Interprétation
Temps des ordres

Figure 5 – Horizons temporels

Nous pouvons donc reprendre les propos de Forrester cités au Ainsi, tout ne doit pas être décidé au niveau de l’ordonnance-
début du paragraphe 1.1 en définissant le système de gestion de ment. Par conséquent, il existe, au niveau de la conduite, des pro-
production comme un système de pilotage structuré et constitué de cessus de pilotage d’ordre décisionnel mettant en œuvre les
diverses instances du concept de pilotage présenté précédemment, différentes fonctions de la conduite. Il faut remarquer que, étant
dont les bases temporelles varient du long terme au très court donné que la conduite constitue la fonction charnière entre la ges-
terme. tion prévisionnelle et la gestion temps réel du système de produc-
L'ordre final de fabrication est réévalué dans chaque boucle de tion, les fonctions portent sur l’élaboration d’un compromis entre ce
pilotage pour optimiser les choix effectués ou prendre en compte qui est planifié, ce qui ne l’est pas et ce qui se produit effectivement
une perturbation interne ou externe. La propagation de cette pertur- et les processus de pilotage correspondant sont fortement
bation à travers les différents niveaux dépend de son amplitude: contraints par le temps.
une panne de machine simple est traitée par la conduite, l'arrêt total
d'un centre de charge entraîne une réaction au niveau de la pro-
grammation. De même, suivant l'urgence d'une commande impré-
vue, elle peut être traitée par la programmation, l'ordonnancement 2.3 Modélisation fonctionnelle
ou directement par la conduite. Chaque niveau dispose d’un objectif
à atteindre et, au cours du temps, doit réagir afin de l’atteindre effec-
tivement, que ce soit au niveau prévisionnel ou temps réel. La
conduite des systèmes de production manufacturière constitue par Dans cette partie, les six activités introduites auparavant (§ 1.3.1)
conséquent un cadre d’application du concept de pilotage. sont particularisées au contexte de la conduite. (La notion de pilo-
Il est important de préciser pourquoi la capacité de décision est tage décisionnel se traduit en terme de conduite décisionnelle.) Dans
importante au niveau de la conduite. la mesure du possible, des typologies sont établies afin de présenter
le plus large éventail de possibilités. Ces fonctions de la conduite
Essentiellement basé sur des calculs de charge et de respect du
sont mises en œuvre par les différents systèmes de conduite dont les
délai, un ordonnancement, aussi bon soit-il, ne peut atteindre tous
grandes structures sont décrites au paragraphe 2.4.
les objectifs, généralement contradictoires. Il optimise en fonction
d'un critère essentiel, le délai, et fournit une solution « admissible » Ces fonctions de conduite peuvent être regroupées :
à son niveau, qui n'est pas toujours une solution « réalisable » au — soit selon un critère de nature de la fonction : dans ce cas, l’on
niveau de la conduite. Celle-ci ne peut, bien souvent, être définie parle de fonction de suivi et de contrôle et ces deux grandes fonc-
qu’à l’instant du lancement réel sur la ressource. tions recouvrent les six activités mentionnées (déclenchement, ren-
Dans le cas d'un atelier peu ou moyennement chargé, une cer- seignement, etc.). La fonction de suivi a pour rôle de surveiller les
taine souplesse dans le séquencement des tâches est possible, mal- indicateurs (états des ressources, des stocks, des lots, etc.). La fonc-
gré des contraintes de succession fortes. La conduite locale est alors tion de contrôle a pour rôle de spécifier les variables d’état (de
plus apte à décider du séquencement des tâches, en fonction des contrôle) et de les appliquer ;
contraintes réelles. — soit selon un critère d’objet de la fonction : dans ce cas, l’on
Dans le cas inverse d'un atelier fortement chargé, à charge forte- parle de conduite des capacités de production, des flux et des quan-
ment variable, ou à profil d’opérations fortement dépendant des tités, recouvrant de manière transversale les aspects de supervision
produits, l’ordonnancement n'a que peu (ou pas) de marge de et de contrôle pour chacune de ces catégories.
manœuvre. Les tâches deviennent rapidement toutes « critiques ». Nous présentons ci-après une typologie générale de ces activités
Seul un pilotage fin, ressource par ressource, permet de réagir [18], selon le premier critère (nature de la fonction considérée).
et éventuellement de fournir la « moins mauvaise » des solutions
remettant en cause les prévisions (par des règles de gestion des
files d'attente devant les postes de travail). Un planning trop fré- ■ Déclenchement : fonction de suivi
quemment modifié (réordonnancement) ne fait en outre qu’alourdir Concernant l’activité de déclenchement, deux approches sont
le travail du responsable de production ; il est alors plus judicieux de envisageables. Soit ce déclenchement se fait à partir d’un calendrier
lui laisser un cadre de décision permettant de gérer localement les établi (par exemple, de manière périodique), soit de manière événe-
imprévus. mentielle à partir d’une activité de détection.

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Exemple : le dépassement d’un seuil en contrôle statistique ou un Exemple : si une décision porte sur le choix du prochain ordre de
seuil de niveau de stock, l’occurrence d’événements de type « panne » fabrication à lancer, l’ensemble des alternatives est dénombrable et
ou « ordre urgent » sont des déclencheurs de type événementiel alors fini. Par contre, les décisions portant sur la date de lancement d’un pro-
qu’un ordonnancement à horizon glissant calculé tous les week-ends duit ou sur le choix d’un seuil de tolérance se font sur un domaine
est déclenché de manière périodique. Dans ce dernier cas, il existe une continu (la numérisation et la discrétisation sur un domaine fini sont
période de « gel » durant laquelle il n’est pas possible de déclencher un bien évidemment possibles).
nouveau processus de pilotage décisionnel de même nature.
Concernant leur évaluation a priori, elle peut être quantitative (sur
Dans le cas d’un déclenchement événementiel, l’événement qui un domaine continu ou discret muni d’une distance au travers d’une
déclenche le processus de pilotage décisionnel peut être assimilé à fonction dite d’utilité) ou qualitative (sur un domaine dénombrable
la détection d’une performance insuffisante de la part du système muni d’une relation d’ordre ou en logique floue au travers de la fonc-
opérant. Par performance, nous entendons une évaluation d’une ou tion de degré d’appartenance). Les évaluations sont regroupées pour
plusieurs variables d’état du système opérant observé par rapport à l’ensemble des alternatives, par axe de signification, appelé
un ou plusieurs objectifs assignés, et ce, sur un domaine temporel « critère », qui sont de même nature (même dimension, même unité).
défini. Ce domaine temporel peut être réduit à un instant t ou porter Exemple : plusieurs ordonnancements (ensemble dénombrable)
sur un intervalle de temps continu ou discret. Il est de nature réactif peuvent être évalués en fonction du retard moyen des ordres de fabri-
si ce domaine inclut les instants présents et passés, ou prospectif cation (évaluation quantitative). Par contre, ces mêmes ordonnance-
sinon. ments peuvent être évalués de manière qualitative selon trois
Exemple : une opération de maintenance de type préventif est catégories (ordonnancement présentant moins de 33 % d’ordres de
prospective alors qu’une opération de maintenance curative est fabrication en retard, ordonnancement présentant entre 33 % et 66 %
réactive. d’ordres de fabrication en retard, ou ordonnancement présentant 66 %
et plus d’ordres de fabrication en retard).
Cette activité recouvre les notions importantes de diagnostic et de
pronostic pour définir le degré de criticité (par exemple, impact Tout comme la typologie des informations utilisées en phase de
potentiel, analyse des causalités, etc.) et peut être abordée, par renseignement, ces typologies portant sur les alternatives et les cri-
conséquent, dans un cadre plus général de supervision des équipe- tères conditionnent fortement la qualité de la prise de décision.
ments, outillages, ressources, des lots ou des ordres de fabrication ■ Décision : fonction de contrôle
en cours, des stocks, etc. Des synoptiques peuvent être utilisés
(visualisation d’alarmes, états graphiques, courbes de tendances, La typologie introduite dans [8] convient au cadre de la conduite.
etc.). Choisir une ressource de production constitue une problématique de
choix, trier selon une fonction d’utilité (par exemple, la date de besoin)
les ordres de fabrication, constitue une problématique de tri et regrou-
■ Renseignement : fonction de suivi
per par trois états graduels d’urgence un ensemble d’ordres de fabrica-
Les informations qui seront exploitées peuvent avoir été mémori- tion (fortement urgent, faiblement urgent, non urgent) constitue une
sées (requête vers une base de données, etc.) ou non (saisie au cla- problématique de rangement. Dans ce dernier exemple, les ordres de
vier), de nature partielle (voire absente) ou complète par rapport au fabrication qui sont fortement urgents le sont tous, au même titre, sans
processus de pilotage décisionnel, précise ou imprécise, certaine ou pouvoir les trier entre eux et il n’est pas nécessaire (ni forcément perti-
incertaine, obsolète ou à jour, redondante ou non, contradictoire ou nent) de quantifier la différence entre un ordre fortement urgent, un
non. ordre faiblement urgent et un ordre non urgent.
Notons en particulier que l’absence d’information est souvent jus- Une typologie de décision adaptée au domaine de la conduite est
tifiée par le coût qu’engendrerait leur acquisition (coût d’un capteur, la suivante:
etc.) et peu de méthodes de résolution sont capables de supporter le — décisions portant sur les capacités de production (conduite de
fait qu’une partie des informations puissent être non disponibles. capacités) :
Des mécanismes de reconstruction d’état (par exemple, par simula- • ressources humaines,
tion, analyse comportementale ou extrapolation) peuvent alors être • ressources de production, outillage ;
intégrés à cette activité. — décisions portant sur les flux de produits (conduite des flux):
Ces informations seront établies pour un instant donné (passé, • lancements,
présent, futur) ou sur un intervalle de temps (en partie passé, pré- • gammes alternatives ;
sent ou futur). Ce domaine d’étude sera celui sur lequel les déci- — décisions portant sur les quantités de produits et composants
sions seront conçues, évaluées et prises. (conduite des quantités) :
Il faut noter que la nature de ces informations conditionne forte- • lots, stocks,
ment la qualité de l’activité de conception et de décision. • approvisionnements.
En conduite, les informations gérées portent sur : ■ Application : fonction de contrôle
— les données techniques, les gammes ; En conduite, l’activité d’application concerne :
— les ordres de fabrication, les calendriers de disponibilité des — en exploitation: exécution des tâches, ordres de lancement,
ressources humaines et matérielles ; affectation des ressources, etc. ;
— les qualifications des opérateurs ; — en conception/adaptation: type de poste, embauches, etc.
— les données d’assurance qualité ;
En outre, et pour ces deux types d’applications possibles, en
— en liaison avec la fonction ordonnancement: récupération des
conduite, une décision peut être appliquée soit de manière pério-
ordres prévisionnels et transmission du suivi des ordres, demandes
dique, soit de manière événementielle, tout en tenant compte de la
de réordonnancement ;
date de besoin d’application définie durant l’activité de déclenche-
— en liaison avec les autres fonctions industrielles: demandes
ment (si cette date de besoin est respectée, le processus de pilotage
d'interventions, d'analyses, prise en compte d'ordres urgents, des
décisionnel peut être assimilé à un processus « temps réel », quel que
disponibilités de transfert, etc.
soit l’horizon temporel considéré). Dans le premier cas, il est néces-
saire d’attendre une prochaine échéance pour appliquer la décision et
■ Conception : fonction de contrôle la décision ne sera valide que sur une période (par exemple, ordon-
Concernant la nature des alternatives possibles, il existe deux nancement à la semaine). Dans le second cas, un événement déclen-
possibilités : la première où l’ensemble des alternatives est fini et la che la mise en application de la décision prise et la date de validité est
seconde, où cet ensemble est indénombrable ou infini. a priori inconnue.

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Si la date d’application de la décision est dans le futur, la décision ■ Approche centralisée


peut être gelée ou non en attendant cette date d’application. Dans le Cette approche est très classique. Elle se caractérise par une
premier cas, on ne peut la remettre en question durant le délai conduite localisée au sein d’une ressource unique qui gère seule, en
considéré et on l’applique quoi qu’il arrive à la date d’application, temps réel, les événements qui surviennent tout au long de la pro-
alors que dans le second cas, il est possible d’annuler ou de modi- duction. Les avantages sont ceux qui proviennent de la centralisation
fier cette décision durant cet intervalle de temps. des informations et des capacités de décision : absence de conflit
entre acteurs, gestion des données aisée, etc. Les inconvénients se
■ Évaluation : fonction de suivi situent au niveau de l’accroissement de la complexité des infor-
En conduite, l’activité d’évaluation (a posteriori ) concerne : mations et des décisions qui peuvent de plus en plus difficilement
être prises en compte dans ce type d’approche, malgré les augmen-
— les performances en terme de flux des produits (respect des
tations continuelles des capacités de traitement informatisées.
délais, occurrence ou annulation d’ordres de fabrication, etc.) ;
— les performances en terme de quantité de produits (taux de ■ Approche hiérarchisée
qualité, rebut, approvisionnement, état des stocks, etc.) ; Au sein de cette structure très répandue en gestion de production,
— les performances en terme de capacité (disponibilité des res- chaque niveau coordonne les unités de pilotage du niveau inférieur,
sources humaines, des ressources de production, des outillages, et ce jusqu’au niveau le plus bas. La relation, à un niveau donné, est
etc.). donc de dépendance vis-à-vis du niveau supérieur et de dominance
vis-à-vis du niveau inférieur. Chaque décision est élaborée au
■ Synthèse niveau où un problème est détecté (si leur autonomie leur permet
Le tableau 1 résume les correspondances entre les typologies des de prendre ce type de décision). Les niveaux inférieurs traitent cette
fonctions de conduite et illustre celle-ci au travers de quelques décision comme une contrainte et transmettent en retour une infor-
exemples d’activités. Deux lectures sont alors possibles : horizon- mation de suivi au niveau supérieur. Cette première décentralisation
talement, on s’intéresse à la conduite des capacités, des flux et des permet de décomposer les processus décisionnels de manière
quantités et verticalement, on s’intéresse aux fonctions transver- récursive pour simplifier les résolutions. Cela permet de mieux
sales de suivi et de contrôle. appréhender la complexité décisionnelle et informationnelle.
Cependant, il est nécessaire de mettre en place des processus de
rejet ou d’acceptation des ordres supérieurs car la hiérarchisation
ne peut présumer au niveau de détail souhaité la faisabilité des
2.4 Modélisation structurelle ordres au niveau inférieur. Un modèle de référence est le modèle
NBS [19]. Il peut être utilisé pour décrire l’architecture de base de
telles structures de conduite. Citons à titre illustratif le modèle de
Les activités présentées dans le tableau 1 sont mises en œuvre au conduite ORABAID [20][21][22] qui a pour objectif d’accroître la
travers d’une structure de conduite. À un niveau supérieur à cette réactivé de la conduite en utilisant la notion de marge libre et de
structure de conduite, se trouvent les ressources qui mettent en groupes de tâches permutables pour l’ordonnancement en temps
œuvre la fonction d’ordonnancement, et à un niveau inférieur, les réel. Un ordonnancement partiel est réalisé avec comme critère de
ressources qui mettent en œuvre la fonction de commande opéra- sélection des opérations planifiables le degré de liberté. Les infor-
tionnelle des organes de production. mations portant sur la planification ne concernent pas la description
Nous pouvons recenser plusieurs approches concernant les diffé- des allocations de toutes les tâches, mais seulement la description
rentes structurations possibles pour un système de conduite. Elles des allocations de groupes de tâches. Un système d’aide à la déci-
se positionnent par rapport à la décentralisation de la capacité de sion permet d’accroître la qualité du contrôle et de la réactivité
décision et d’information. temps réel. (0)

Tableau 1 – Matrice de croisement des activités


Typologie selon la nature
Suivi Contrôle
Déclenchement,
Activités évaluation Renseignement Conception, décision Application

Conduite Seuil de sous- Charge actuelle et poten- Choix des capacités Marche/ arrêt des ressources
des capacités performances atteint tielle de l’atelier Cohérence avec l’ordonnan- de production
(non respect des (In)disponibilité cement des ressources, Emploi du temps personnel
délais, etc.) ressources programme de maintenance,
agenda du personnel
Conduite Ordres urgents, Marge des lots ou des Choix gel/dégel d’ordres Modes de marche des
des flux pannes ordres de fabrication de fabrication ressources
Choix de mise en fabrication Paramétrage logiciels
Choix des priorités Chargement/ déchargement
Typologie des produits de l’outillage
selon l’objet
Création de gammes
alternatives
Cohérence avec l’ordonnan-
cement des ordres
de fabrication
Conduite Seuil de rupture En-cours, état des Ordre d’achat Transmission des ordres
des quantités de stock stocks, des disponibilités Gestion des lots d’achat
en composants Cohérence avec les Ordre de scission/ regroupe-
gammes opératoires ment de lots

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■ Approche coordonnée entité possède un sous-système de planification (définissant les buts


L’approche coordonnée correspond à un ensemble de structures en terme de sous-objectifs), de réaction (permettant durant la résolu-
hiérarchisées où une coopération est possible au sein d’un même tion d’un problème de reconsidérer certains choix) et de synthèse
niveau. Ces structures accroissent l’autonomie et la capacité de (agrégeant les données brutes en grilles de résultats). Un agent
décision au sein de chacun de ces niveaux en proposant des méca- superviseur contrôle le processus global de production. Cette struc-
nismes de coopération qui vont aider à la résolution locale des pro- ture de base est alors spécifiée pour un mode de production poussé
blèmes décisionnels sans systématiquement se référer aux niveaux ou tiré. Dans le premier cas, le superviseur doit établir les ratios de
supérieurs, ce qui conduit à un gain de réactivité. Cette coopération production (planning) sur plusieurs périodes, proposer des alternati-
se concrétise de plusieurs manières, par exemple, au travers d’un ves lorsque les objectifs risquent de ne pas être atteints (réaction) et
simple échange d’information entre acteurs d’un même niveau ou synthétiser les résultats. Les entités supervisées gèrent localement
plus directement d’un échange entre acteurs polyvalents. Citons les règles de décision. Dans le second cas, le superviseur doit établir
CODECO [23] qui peut être considérée comme une extension, par les ratios de production (planning) pour la période suivante. L’agent
l’intégration de la coopération intraniveau, du modèle ORABAID. superviseur a une responsabilité accrue : la fonction planning est
Cette coopération entre les différentes unités de pilotage cherche à identique, la fonction de réaction comporte la détection des non-res-
optimiser et à mieux réagir localement en cas de perturbation. Elle pects des objectifs globaux et la prise en compte des aléas locaux au
permet une meilleure prise en compte de l’imprécision qui peut niveau d’une entité supervisée. La synthèse doit détecter les dévia-
accompagner les décisions des niveaux supérieurs. L’ordonnance- tions potentielles vis-à-vis des objectifs globaux.
ment est décrit partiellement (le critère de sélection des opérations
■ Approche distribuée
planifiables est celui du degré de liberté) et réalisé par une seule res-
source. Celle-ci informe les niveaux inférieurs de ses décisions. Cha- L’approche distribuée est fondée sur une distribution totale des
que élément du niveau inférieur organise les tâches localement en capacités de décision et d’information. La structuration d’une telle
fonction de ses contraintes et en collaboration avec les autres élé- approche rend le système extrêmement réactif, mais l’organisation
ments de même niveau. La difficulté réside dans la détermination est beaucoup plus complexe que dans le cas d’une structure moins
du degré de liberté concernant les marges allouées pour chaque décentralisée et donc plus facilement maîtrisable. Ce type de struc-
poste de conduite locale. Citons également le modèle de conduite ture peut sembler encore théorique dans le domaine de la production
PCS [24] qui se fonde sur le développement d’une fonction de réac- manufacturière [26] mais elle présente un cadre applicatif désormais
tivité basée sur la définition et l’exploitation d’une typologie de per- reconnu et bien ciblé en terme de potentialité qui est le système Kan-
turbation. La structure hiérarchique décompose périodiquement à ban. Cependant, ce système laisse peut de place à la décision en con-
chaque niveau le problème de l’ordonnancement en fonction de duite, si ce n’est éventuellement au niveau du choix des seuils de
l’horizon et de la période étudiée (le critère de sélection des opé- lancement. Les objectifs de cette méthode sont de réguler les caden-
rations planifiables est celui de la planification périodique). La réali- ces de fabrication et de minimiser les niveaux de stock. Cela est effec-
sation de l’ordonnancement partiel n’est donc plus du ressort d’une tué par une gestion en temps réel couplée à une répartition des
seule ressource, mais d’un ensemble de ressources coopérantes. capacités de décision au niveau de la fonction conduite. Aucun
ordonnancement n’est réalisé. Seuls sont planifiés les besoins en
■ Approche distribuée supervisée produits finis ou les ratios de produits à réaliser. Afin de proposer une
Un pilotage distribué supervisé se caractérise par un ensemble méthode de gestion efficace, trois conditions assez contraignantes
d’entités coopérantes sous le contrôle d’une entité superviseur dont sont nécessaires : le flux des produits doit être simple (la méthode
le rôle est d’imposer, de conseiller ou de modifier une décision afin étant particulièrement adaptée dans les cas de processus de produc-
de respecter un objectif plus global. Ainsi, l’entité superviseur pos- tion linéaire), les demandes sont stables (régulières, constantes ou
sède une vision plus globale du processus de production. Les entités faiblement variables) et les fournisseurs adoptent eux aussi une
qui sont supervisées se coordonnent pour mettre en œuvre les pro- démarche juste à temps afin d’éviter les ruptures de stock et de dimi-
cessus décisionnels sous contraintes fixées par le superviseur. nuer le niveau des stocks en amont. Une mise en place efficace d’une
Citons à titre d’exemple le modèle de conduite de C. Tacquart d’un telle méthode est également conditionnée par la motivation des opé-
anneau flexible s’appuyant sur une méthode en flux tiré où seuls les rateurs vers la qualité et le progrès permanent et la suppression pro-
besoins de production sont exprimés en terme de ratios [25]. Chaque gressive des aléas: pannes, absentéisme, grève, etc.

Élevé Faible
Degré de décentralisation

Système de pilotage
Système opérant

Distribuée Centralisée

Distribuée Hiérarchisée
supervisée

Coordonnée

Figure 6 – Structure de pilotage et degré de décentralisation

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La figure 6 schématise ces différentes structures et les organise


selon un degré de décentralisation.
Niveaux de
Problème posé
décision

3. Problématique Métapolitique Quelles sont les finalités


des systèmes de conduite Pourquoi ? de l'entreprise ?

Stratégique Quels objectifs pour


Quoi ? le système de production ?
Le paragraphe 2 a décrit les modèles fonctionnels et structurels
de la conduite. Nous abordons ici les problématiques de concep-
tion, d’exploitation et d’analyse des systèmes de conduite.
Tactique Quelles sont les fonctionnalités
Comment ? pour le système de production ?

3.1 Conception
Opérationnel
Quand ? Quelles solutions techniques
La conception des systèmes de conduite nécessite l’existence de et organisationnelles ?
certains éléments et la mise en œuvre de certains principes fonda- Avec quoi ?
mentaux sans lesquels le pilotage ne peut exister ou n’a pas de rai-
sons d’exister.
Figure 7 – Niveaux décisionnels et problématiques correspondantes
Tout d’abord, le système est piloté pour atteindre un objectif qui
doit être clairement exprimé et réaliste. Cet objectif est générale-
ment un signal de commande issu du niveau hiérarchique de pilo-
Certains vont plus loin dans la définition de la notion de niveau
tage supérieur.
décisionnel en considérant qu’en plus de porter sur des durées dif-
Cela implique la définition et la prise en compte du niveau hié- férentes, les décisions peuvent être remises en question avant
rarchique auquel se situe le système de conduite, afin d’assurer la l’échéance de cet horizon, et à des périodicités différentes. C’est
cohérence globale, par la mise en œuvre de systèmes de déploie- cette association période/horizon que les chercheurs du laboratoire
ment/agrégation de la performance. Tous les experts sont LAP GRAI de Bordeaux définissent comme étant un niveau décision-
aujourd’hui d’accord sur la nécessité de cette démarche, que ce soit nel [28].
dans le domaine du contrôle de gestion [27], ou dans les approches
systémiques proposées dans le domaine de la productique [28]. Il est évident qu’à ces différents niveaux de décision correspondent
des critères d’évaluation de la performance différents. Ainsi associe-
Même si l’organisation des systèmes industriels est aujourd’hui t-on classiquement au niveau stratégique des décisions prises sur le
de plus en plus fondée sur la transversalité, la concourance et la critère financier, au niveau tactique sur des critères marchands et au
coopération, un certain niveau de hiérarchisation de l’entreprise niveau opérationnel sur des critères physiques [31]. Le système de
semble inévitable. conduite doit donc permettre la conversion objective des perfor-
Il est tout d’abord fondamental de définir des objectifs garantis- mances, opération des plus délicates donnant lieu notamment à la
sant la pérennité de l’entreprise, à partir desquels peut être évaluée remise en cause de certains outils de contrôle de gestion. Comment
la performance globale (par exemple, augmenter de 10 % le chiffre en effet définir les relations de causalité entre un temps d’arrêt de
d’affaires). Cette recherche de performance globale, qui ne peut être machine et le coût global d’indisponibilité ? Ou encore entre le rende-
obtenue que sur le long terme, constitue elle même un gage de ment d’un équipement et un chiffre d’affaires ?
cohérence du système industriel. La performance d’un élément Les moyens mis en œuvre pour l’interprétation des performances
constitutif du système n’a en effet d’intérêt que si elle contribue à la peuvent enfin être de nature et de complexité très variables, allant
performance globale, or cette performance globale n’est que très du capteur physique qui donne simplement un résultat dans une
rarement égale à la somme des performances locales qui peuvent grandeur physique (notion de mesure), à un système de capteurs
être contradictoires. Ce premier niveau de décision est qualifié de dont les mesures sont traitées de manière à être interprétables (pas-
stratégique. sage en mode fréquentiel, calculs de paramètres statistiques, etc.).
Il faut ensuite déterminer comment ces objectifs stratégiques peu- Mais plus on se situe à un niveau élevé de pilotage, moins ces arti-
vent être atteints en définissant des objectifs tactiques, qui garanti- fices techniques et mathématiques ont d’effet sur l’interprétation de
ront la compétitivité nécessaire (par exemple, concevoir, produire et la performance, car l’autonomie cognitive et décisionnelle de
vendre un produit permettant une marge bénéficiaire de 20 %). Ces l’homme y est plus importante. Ce constat engendre deux spécifi-
objectifs doivent être atteints sur le moyen terme pour parer à la réac- cations contradictoires à intégrer dans la conception des systèmes
tivité du marché (réactions de la concurrence, versatilité des clients, de conduite que sont la limitation du nombre d’indicateurs de per-
obsolescence des solutions ) et sont qualifiés de tactiques. formance au strict nécessaire (on dit que trop d’information tue
Enfin, il est nécessaire de définir la manière avec laquelle ces objec- l’information), et l’introduction d’un maximum d’objectivité dans
tifs tactiques doivent être atteints, c’est-à-dire les objectifs de produc- l’information manipulée en la contextualisant, et donc en l’accom-
tivité et de qualité à atteindre au niveau de chacun des composants pagnant de nombreuses autres informations.
élémentaires du système (par exemple, atteindre un taux de rebut Enfin, le système conduit doit ensuite être connu tant au niveau
inférieur à 5 %). Ces objectifs doivent être satisfaits sur le court terme de ses possibilités intrinsèques d’action (notion de capabilité) que
par la mise en œuvre de solutions techniques ou organisationnelles, des moyens d’influencer ses actions (notion de contrôlabilité), dans
et permettent d’évaluer les performances dites opérationnelles. un souci de pertinence, c’est-à-dire d’adéquation des moyens mis
Cette hiérarchisation des niveaux de décision a été proposée dès 1965 en œuvre aux objectifs recherchés [15]. On peut en conclure que le
notamment par Anthony [29]], prise comme référence pour l’analyse de système de conduite ne peut être raisonnablement conçu qu’à
tout système finalisé, et parfois complétée par un quatrième niveau l’issue d’une connaissance parfaite du système conduit.
posant la question même de l’intérêt de l’existence de l’entreprise : le La conception du système de conduite fait donc appel à différentes
niveau métapolitique [30][31]. La figure 7 schématise ces propos. techniques de modélisation fonctionnelle et structurelle incluant

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celles citées plus haut pour la modélisation du système de pilotage mance de l’entreprise réside plutôt dans sa compétitivité et dans son
et du système de conduite, mais aussi à des outils plus particulière- aptitude à pérenniser, voire développer, cette compétitivité face à un
ment adaptés à la modélisation des parties opératives. Parmi ces marché très versatile.
outils, citons par exemple les méthodes FAST, APTE et autres synop- La performance du système de conduite réside par conséquent
tiques pour l’analyse fonctionnelle, et les modèles d’état, diagram- davantage dans le niveau de réactivité et de flexibilité qu’il procure
mes temporels et fréquentiels ou encore les modèles géométriques à l’entreprise. Nous préconiserons donc l’analyse du système de
de CAO pour l’analyse structurelle. conduite par rapport à son impact sur le niveau du stock de produits
en attente de livraison, le volume de produits en retard, le nombre
de nouveaux produits, voire les nouvelles parts de marché acquises,
3.2 Exploitation ou encore le temps de passage d’un produit dans l’entreprise (à
comparer au temps de production théorique). Ces résultats sont
bien entendu à comparer aux efforts financiers, organisationnels et
La problématique de l’exploitation des systèmes de conduite peut
humains consacrés à la conception, la mise en œuvre et l’exploita-
être vue comme une particularisation des problèmes de coopéra-
tion du système.
tion homme-machine.
Sur un plan plus qualitatif (et donc certainement plus subjectif),
Dans le domaine de la coopération homme-machine, on définit la
l’analyse du système de conduite repose sur la valeur qu’il apporte
coopération horizontale comme un moyen de réguler l’activité
aux différents acteurs du système de production : meilleur retour
humaine de supervision au moyen d’un partage des tâches entre
d’information sur les actions de chacun, facilitation des tâches de
l’opérateur et un outil d’aide à la décision ou à l’action. Cette structure
suivi et de diagnostic, meilleure organisation de l’atelier, etc. Mais il
de coopération comprend deux décideurs : l’un humain et l’autre arti-
faut garder à l’esprit le fait que tout système peut être détourné (par
ficiel, entre lesquels sont partagées les décisions à prendre. Ce par-
la saisie d’informations erronées, la modification de paramètres, ou
tage est réalisé par un allocateur de tâches selon des critères de
encore une interprétation non objective des résultats fournis). Si le
performance de chaque décideur mais également en tenant compte
cas se présente, une analyse des causes de ces détournements est
des capacités de chacun des acteurs. Dans la coopération verticale,
indispensable et doit être suivie d’actions correctives sur le proces-
l’outil ne fait que proposer des conseils à l’opérateur qui reste le déci-
sus d’exploitation ou sur le système lui-même. Ainsi seulement sera
deur final [32].
mise en œuvre une véritable démarche de pilotage du système de
Toute la difficulté de l’exploitation du système de conduite réside pilotage/conduite.
dans cette répartition des tâches entre l’opérateur humain et la partie
matérielle du système. Cette répartition doit intégrer de nombreux
critères, parmi lesquels notamment :
— le niveau de prévisibilité des événements : en cas d’occurrence 4. Exemple illustratif
d’un événement imprévu dans la programmation du système maté-
riel, l’opérateur humain est le seul apte à réagir, il doit donc récupérer
toute la contrôlabilité nécessaire à la mise en œuvre des actions Nous présentons ici un cadre applicatif d’une société de deux
adaptées ; cents personnes spécialisée dans la fonderie de précision (un panel
— le volume de données à traiter (et/ou à stocker), la complexité de 7 000 références de pièces en acier de petites et moyennes
des calculs associés aux nécessaires réactivité et précision des séries, de 1g à 30 kg) pour l’aéronautique, l’armement et tout autre
actions : les capacités de l’homme sur ces critères sont évidemment secteur de technologie de pointe généralement dans la mécanique
inférieures à celles de la machine, et c’est essentiellement dans la de précision (400 clients en Europe). Dans un contexte actuel pour-
prise en charge de tâches de calcul que l’automatisme trouve son rôle tant fortement concurrentiel, cette société réalise des bénéfices très
d’assistance. satisfaisants pour un chiffre d’affaires moyen de 12 M€. Un élément
Cela ne veut pas dire qu’il ne faille allouer à l’opérateur humain que clé de cette réussite se situe au niveau de la recherche de la satisfac-
les tâches consécutives à des événements imprévus, car cela contri- tion totale des clients (qualité, coût, délai), ce qui passe nécessaire-
buerait à la perte progressive de sa connaissance. En effet, il est ment par la maîtrise des processus de production et concerne
connu qu’avec le temps, la connaissance se dégrade si on ne l’utilise l’ensemble des services de la société, notamment les services com-
pas, et devient obsolète si on ne la met pas à jour. Or, on consacre merciaux, financiers et de production. Nous décrivons le site de pro-
aujourd’hui de plus en plus d’attention aux processus d’apprentis- duction et détaillons la conception, l’exploitation et l’analyse du
sage, considérés par certains comme étant à l’origine de la perfor- système de conduite de la production qui a contribué à atteindre cet
mance et de sa pérennisation. objectif de satisfaction totale par la maîtrise des processus.
Certains auteurs préconisent donc de maintenir en permanence
l’opérateur humain dans la boucle de conduite, en régulant sa charge
de travail de manière à ce qu’il entretienne ses connaissances et 4.1 Site industriel
garde ses capacités de réaction face aux événements imprévus.

4.1.1 Structure de production


3.3 Analyse
La méthode pour obtenir les pièces de fonderie en acier s’appuie
sur le principe de la cire perdue, plus précisément celui du « modèle
L’analyse d’un système de conduite fait appel, au moins au même perdu en cire ». La structure de production supportant cette
titre que sa conception et que son exploitation, à des processus méthode peut être décomposée en trois parties
d’interprétation très complexes et très variables.
Si on se base sur des critères exclusivement quantitatifs, la difficulté ■ Section prototypage : préalablement à la production proprement
de l’analyse est due aux distances causale et temporelle qui séparent dite, il est réalisé un moule d'injection correspondant au négatif de
la mise en œuvre du système de conduite et les performances qui en la pièce à réaliser.
résultent. Il est évident qu’une augmentation de productivité est facile-
ment et rapidement détectable mais elle ne permet qu’une mesure de ■ Section ligne de production (flow shop) qui travaille par lot com-
la performance au niveau opérationnel. Il pourrait alors être dange- plet (simplification du process). En moyenne, le temps de présence
reux de ne se baser que sur ce critère, surtout valable à l’époque du minimal dans cette partie est de 3 à 4 semaines (une semaine par
taylorisme, dans un contexte économique où aujourd’hui la perfor- sous-section).

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Prototypage Ligne de production Finition

Matière Pièces
première brutes
Produits
finis

Prototypage Moulage Revêtement Fonderie Découpe

Figure 8 – Flux de production

● Sous-section moulage : autant de pièces en cire que spécifiées qui sera faite de la pièce par son utilisateur final et de l'état de fini-
par le cahier des charges (inclus les rebuts éventuels) sont réalisées tion qu'il souhaite (pièces brutes de fonderie ou prêtes à l'emploi).
dans les moules d'injection. Ces modèles en cire sont alors collés en Dans ce contexte, l'activité de cette partie de la production dépend
grappe sur des supports également en cire. davantage du type de pièces en production (mix-produit).
● Sous-section revêtement : ces grappes sont enduites de diffé-
rentes couches de céramiques réfractaires par des robots. Après
séchage, la cire est éliminée en autoclave et ne reste que la couche 4.2 Conception du système de conduite
en céramique dite carapace. de l’atelier de finition
● Sous-section fonderie : les carapaces sont cuites et l’acier en
fusion (une centaine de nuances d'aciers différentes) est alors versé
dans ces moules en céramique réfractaire. 4.2.1 Objectifs
● Sous-section découpe : une fois refroidies, les carapaces de ces
Le système a été mis en place à l'occasion d'une refonte complète
grappes sont détruites mécaniquement ou chimiquement. Ces pièces de l'usine pour sa partie « finition » nécessitée par une augmenta-
sont alors séparées de leur support par tronçonnage et nettoyées par tion de volume, un besoin d'accroissement de productivité et une
sablage, grenaillage et bain de sel avant d'entrer dans l’atelier de fiabilisation du suivi de production.
finition.
Dans le cas où un client demanderait une pièce qui n’a jamais été
■ Section de finition (job-shop) : en moyenne, le temps de séjour réalisée par la société, un prototype est proposé. Dès que le client
d’un lot dans la section varie entre 5 et 13 semaines. Les opérations valide ce prototype, le responsable commercial en accord avec le
réalisées sur les produits semi-finis sont très diverses : ces derniers service de production propose un délai de livraison (de l’ordre de 8
sont ébavurés, parachevés en sous-traitance (traitement thermique à 12 semaines). Les objectifs recherchés, dits de « satisfaction
et de surface et usinage), grenaillés, calibrés, contrôlés (contrôle totale », se traduisent par la réduction et le respect des délais, par la
visuel, dimensionnel, non destructif), empaquetés, expédiés. réduction des en-cours (flux tendus) et l’amélioration de la traçabi-
lité des opérations (norme ISO 9002).
Partant du constat que 200 à 300 références séjournent simultané-
4.1.2 Flux de production ment dans les sections, que les gammes associées à ces références
pour la section de finition comptent entre 5 et 25 lignes, la variation
des charges aux ressources, la gestion de l'ordonnancement et des
La figure 8 schématise le flux de production au travers des trois délais sont des problèmes critiques nécessitant un système de
sections présentées. conduite de production d'une grande fiabilité et offrant une bonne
Dans la première partie (sections prototypage et flow shop), le visibilité. Ainsi, la problématique se situe essentiellement au niveau :
flux est intimement lié au procédé de fabrication qui est sensible- — des opérations définies de manière statique (gamme primaire)
ment homogène pour toutes les références produites. Néanmoins, et dynamique (gamme alternative sur un lot complet) suite à des
la séquence de sortie des séries de grappes d'une section est diffé- contrôles négatifs (dimensionnement, ressuage, dureté, radiogra-
rente de la séquence d’entrée, pour des raisons de limitation des phie, aspects visuels, etc.) ou à des respécifications des clients ;
pertes de changement de série. Par exemple, le robot chargé d’assu- — de la large diversité des gammes (types, durées opératoires)
rer le recouvrement des grappes par les couches alternatives de bar- qui génère une forte variation des charges aux postes, rendant
botine et de sable, choisira les lots de grappe en fonction de leur impossible toute création de goulet chronique, mais créant plutôt
niveau de similarité avec le lot précédent (sachant qu’un lot ne peut des goulets dynamiques permanents, chaque poste constituant un
être différé plus de trois fois). De même, l’ordre de passage des lots goulet potentiel en fonction du type de produit présent ;
en fonderie dépendra de la « noblesse » du métal à couler (par — de la multiplicité et de la diversité de la production (traduite en
niveau de noblesse décroissant pour utiliser les fours de manière terme de diversité d’opérations en temps ou en nature) : en
optimum). moyenne, 200 références différentes sont traitées simultanément
Dans la section finition, les tâches restant à effectuer ne dépen- pour un volume de 200 grappes par jour traitées dans la section fini-
dent plus du process proprement dit mais davantage de l'utilisation tion pour environ 40 opérations possibles ;

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Figure 9 – Vue logique de la section de finition

— de la multiplicité des pièces en masse (1 g à 30 kg) et en nombre Suite à la pesée des produits, une étiquette est adjointe sur une
(de l’unité à plusieurs milliers) ; face de chaque bac composant un même lot, ce qui permet de sui-
— de la nécessité de réduire la circulation des pièces, réduire les vre l’évolution de ces bacs aux différents postes et à l’intérieur du
manipulations non créatrices de valeur ajoutée et réduire les risques séquenceur via des lecteurs aux points clés des systèmes de
de mélange ; convoyage. Cette étiquette contient les informations suivantes :
— de la nécessité de réduire la gestion des documents de suivi numéro de lot, numéro de bac et numéro de pièce sous forme de
(gammes opératoires et fiches suiveuses de production) ; trois codes à barres.
— de la nécessité de prendre en compte la non-linéarité des flux Pour chaque lot, une fiche technique et informatisée est définie.
et la répétitivité possible de certaines opérations. Elle donne les informations de base sur le produit (alliage, gamme
Le dernier point s’est traduit par la restructuration de la section de opératoire, etc.) et précise les conditions de réalisation particulière
finition et des emplacements des ressources de production autour des opérations (température de traitement thermique, mode opéra-
d’un séquenceur central responsable du stockage et de la distribu- toire spécifique, remarques mises à jour par les opérateurs, etc.). Un
tion des en-cours de fabrication aux postes de travail. Autour de ce lot peut être dans trois états différents : non disponible (absent du
séquenceur, les postes de travail ont été organisés en fonction du séquenceur), disponible (physiquement) ou en cours.
niveau de nuisance (bruit, poussières), du type de compétence mise
en œuvre et du volume nécessaire aux équipements. À chaque
poste, un ordinateur permet de consulter le système de conduite. Ce 4.2.2 Détermination des tailles de lots
séquenceur dispose de 13 entrées et 14 sorties (postes). Pour chaque de fabrication
sortie, plusieurs opérations sont possibles (par exemple, à une sortie
de contrôle peuvent correspondre plusieurs types de contrôle). Le Les quatre premières phases travaillant « à lot complet » mais
séquenceur dispose de 1 800 emplacements de bacs, 1 600 « petits » nécessitant des temps de mise en route, les lots ont été définis au
et 200 « grands ». En tout, 2 500 bacs sont utilisés et le complément plus juste afin, d'une part, de réduire les temps d'attente, et d'autre
des 1 800 bacs se trouve soit sur les postes, soit en sous-traitance. part, d'accroître la fluidité et la réactivité. On estime généralement
La figure 9 montre la vue logique de la section de finition pour le qu'un lot ne peut dépasser 36 grappes et n'est économiquement
système de conduite et l’organisation autour du séquenceur des défendable qu'à partir de trois grappes.
postes de travail.
Afin de maîtriser la diversité de la quantité de pièces et de leur
masse unitaire : 4.2.3 Modèle structurel
— la première activité a consisté à scinder le lot de pièces en bacs
de deux tailles différentes (petite, grande), contenant au maximum La culture d'entreprise sollicite la responsabilisation au plus bas
l’équivalent de trois grappes de produits. Chaque bac pouvant ainsi niveau (pratique de l'autocontrôle) et la pratique extensive de la bi-
être transporté par un opérateur et géré comme élément de base au ou polyvalence tend à réduire fortement les stratifications rigides
niveau du séquenceur. Un lot est alors constitué de plusieurs bacs, (un opérateur peut occuper des fonctions de responsable d'équipe
au maximum 12, ce qui signifie qu’un lot contient au maximum et inversement en fonction des charges de travail ou des spécificités
36 grappes ; de travail ponctuelles).
— la seconde activité a consisté à introduire en entrée de la sec- La figure 10 précise la structure de conduite du niveau « postes »
tion de finition une étape de comptage, soit à vue (production uni- à celui de « départements ». Cette structure est typiquement de type
taire), soit par estimation statistique par pesage à partir d’échan- coordonnée. Les niveaux supérieurs aux deux départements (pro-
tillons prélevés et validation sur plusieurs quantités prélevées suc- duction ou contrôle qualité) sont ceux de direction technique, direc-
cessivement. tion de la qualité puis celui de direction générale.

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Responsable Responsable
production qualité
Niveau coopération
responsable communication
(cadre) pilote pilote
Section de finition
Section de finition / partie production et expédition /partie contrôle qualité
Niveau
contremaître coopération coopération coopération
(agent de communication communication communication
pilote pilote pilote pilote
maitrise)
Atelier finition Atelier parachèvement Atelier contrôle qualité

Département
Niveau négociation
brigadier coopération
(chef d'équipe) pilote

Section
é
ilit
Niveau xib Polyvalence
opérateur Fle

Atelier
(ouvrier) est affecté à

Poste
Niveau Foreuse Grenail- Calibrage Calibrage
Arasage Retouche Emballage CQPS CQPND Rayons X
ressources #1 lage Löser #1 #1 #3

Sableuse Calibrage CQTS Ressuage


inox #2
Logistique
Entrée/ Arasage Sous-traitance Dimen- Contrôle non
Pesage Sablage/Grenaillage Rejet Retouche Calibrage Expédition sionnel destructif

CQPS : contrôle qualité production standard


CQTS : contrôle qualité traitements spéciaux
CQPND : contrôle qualité production non destructif

Figure 10 – Structure de conduite de la section de finition, de type « coordonnée »

La direction technique rassemble la production, le bureau d'études, le niveau d'urgence. Des modifications portant sur les dates de
le planning et les services d'entretien et de sécurité. La production livraison, quantités ou urgences sont également transmises par le
pratique son propre contrôle soit en autocontrôle (l'opérateur con- système de gestion central au système de conduite.
trôle son propre travail), soit par des contrôles réciproques. Néan- Une fois par jour (à 2h00) ou à la demande, le système de
moins, les pièces font l'objet de contrôles généraux ou spécifiques conduite informe le système de planification central de l’avance-
effectués par un département de contrôle séparé qui ne dépend pas ment de la production (suivi) en donnant les informations corres-
de la production. La structure du département de contrôle répond aux pondantes aux lots traités : opérations réalisées, quantités bonnes
mêmes principes hiérarchiques que la production. Le département de et quantités rebutées, etc.
contrôle dépend du directeur de la qualité. Les deux directeurs (tech-
nique et qualité) répondent au directeur général au même titre que Pour chaque lot confié au système de conduite et à chaque ins-
les départements commerciaux et la direction financière. tant, on dispose de la marge dynamique qui est définie comme
étant égale à la date de besoin diminué des temps opératoires (res-
tants) et des temps d’attente entre opérations. À chaque événement
4.2.4 Modèle fonctionnel majeur (fin d’opération sur lot, arrivée d’un nouveau lot dans la sec-
tion de finition, etc.), ce calcul est effectué. Cependant, hormis la
Les semaines de présence de produit dans la partie flow shop date de besoin, le calcul en temps réel de ces deux temps est relati-
sont incompressibles (la production est organisée de telle sorte que vement complexe et demanderait une maintenance de base de don-
chaque produit reste une semaine dans chaque section). Par consé- nées très lourde. Pour fonctionner en temps réel, une estimation est
quent, 3 à 4 semaines à l’avance, le système de conduite de la fini- donc réalisée au mieux. La démarche pour estimer cette marge
tion dispose de la charge des opérations pour la section finition dynamique se fait au travers de l’utilisation de diverses hypothèses.
(dès qu’un lot entre dans la section de finition, il passe de l’état Le temps opératoire unitaire est défini comme un standard par le
« attendu » à l’état « arrivé »). bureau d'études lors de l'élaboration de la gamme opératoire de la
pièce. Le temps opératoire correspond donc à ce temps unitaire
À partir de cette charge, le système de conduite a pour fonction pour chacune des opérations restant à accomplir multiplié par les
d’affecter dynamiquement les opérations aux ressources de produc- quantités à traiter. Le temps de mise en route, très réduit pour ces
tion en fonction des disponibilités (des ressources de production, opérations, est négligé. On considère aussi que le lot peut être traité
des opérateurs et éventuellement des outillages) et en fonction des par le maximum d'opérateurs déclarés présents au poste de travail
dates de besoin des produits. (éventuellement limité aux ressources disponibles déclarées), pen-
Le principe de l’affectation est le suivant. On suppose tout d’abord dant tout le temps déclaré disponible (un, deux ou trois postes). On
travailler à capacité infinie. a donc une perception optimiste.
Une fois par jour (à 0h15) ou à la demande, le système de planifi- Par contre, les opérations, dans cette section, ne sont pas exé-
cation central qui dispose des données de prix, des lots, gammes cutées (sauf exceptions) « à lot complet ». Il est donc possible
opératoires et des dates de livraison informe le système de conduite d'entamer une opération sur un lot alors que les derniers bacs de
des nouveaux lots créés, avec leurs gammes opératoires (préparées celui-ci sont encore en cours à l'opération précédente. Cette possibi-
par le bureau d’étude) les quantités à produire, les dates d'arrivée lité de chevauchement n'est pas prise ne compte dans le calcul de la
prévues dans la section de finition, le délai communiqué au client et marge. On a donc une perception pessimiste.

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Il faut également noter que certaines opérations se font à lot complet Un lot non terminé à une opération peut être entamé à la suivante
(contrôle statistique, expédition, etc.) et que d’autres se font à lot partiel sans instruction particulière des responsables. Il suffit que le
(sablage, etc.) ou à l’unité de produit (ébavurage, etc.). Le temps opéra- séquenceur reçoive en retour un bac qu'il a déposé à un poste pour
toire peut donc être celui d’une pièce, d’un bac ou d’un lot. qu'il soit considéré comme terminé et, dès lors disponible pour le
poste suivant de la gamme opératoire du lot concerné. Néanmoins,
En ce qui concerne l’estimation des temps d’attente pour un lot à
afin d'éviter les ruptures de charge, ce ou ces bacs de ce lot ne
une opération donnée, la démarche consiste à estimer le temps
seront présentés au poste suivant que s'ils constituent une charge
requis pour écouler les stocks en attente (charge instantanée) qui
de travail équivalente à 4 h au minimum.
précède le lot en question. L’hypothèse simplificatrice consiste à
dire que le temps d'attente pour un lot à une opération est égal à la Aussi, lorsqu'un bac est présenté à un poste, s'il n'a pas été réin-
moyenne pondérée entre l'en-cours minimum et l'en-cours maxi- troduit dans le séquenceur 100 h après, le système déclare une ano-
mum en attente à cette opération. Ces limites sont posées arbitrai- malie nécessitant une intervention humaine. Cela évite que l'on
rement au début et affinées ensuite. laisse en arrière les lots les plus difficiles qui ont généralement des
statuts de retard et d'urgence prépondérants.
L'en-cours minimum pour une opération est la quantité de travail
nécessaire en file d'attente pour que la section ne tombe pas en Lorsqu'un lot est terminé à un poste, il est d'office disponible pour
manque de travail. Il correspond environ à une demi journée de tra- le poste suivant dès lors qu'il est remis dans le séquenceur (voir ci-
vail par personne affectée à ce poste. L'en-cours maximum est le dessus). Le chef d'atelier valide ponctuellement (en fin de poste) le
niveau au-delà duquel on constitue un stock inutile et il faut donc travail effectué et renseigne les éventuelles corrections de quantités
arrêter d'alimenter cette opération. (rebuts, contrôles destructifs) et annote éventuellement son opéra-
tion de remarques à destination du bureau d'études ou pour archi-
Pour chaque lot, on dispose ainsi d’une estimation de la marge à vage, un éventuel retard dans cette validation ne gêne en rien
chaque instant. Comme le calcul se fait au jour le jour, il est possible l'avancement du lot. Cela assure une traçabilité et une responsabili-
de lancer en production (dans la section de finition) sans connaître sation des opérateurs qui sont identifiés à ce niveau dans l'historique
réellement la date de besoin du produit, si ce n’est au travers d’une de la fiche suiveuse informatisée.
estimation de celle-ci. Le client est donc à même de pouvoir préci- Néanmoins, pour certaines opérations clés (par exemple, le
ser, au cours de la production et suffisamment à l’avance, la date de contrôle), l'opération suivante (par exemple, l’expédition) ne peut
besoin ferme ou éventuellement de pouvoir retarder ou avancer être entamée que lorsque la précédente est terminée mais égale-
celle-ci (suite à négociation en cas d’avance). Il peut également frac- ment validée par le chef d'atelier.
tionner ses livraisons, en précisant en cours de production, les diffé-
rentes dates de livraison et les quantités correspondantes Enfin, des opérations dites « à lot complet » (traitements thermiques)
(démarche de flux tendus). nécessitent que tous les bacs du lot soient terminés à l'opération précé-
dente pour que la suivante soit entamée.
Il faut noter que les temps d’attente sont largement prépondérants En fonction des données à disposition, le chef d’atelier dispose de
par rapport aux temps opératoires : en moyenne, le temps opératoire différents outils de gestion pour gérer les cas spécifiques: un lot peut
par pièce est de 6 min (temps de cycle opératoire global : 65 min) alors être scindé, des bacs ajoutés ou supprimés en cours de production.
que le temps de production moyen est de l’ordre de 8 semaines par Il peut également annuler une opération jugée inutile ou bloquer un
lot. Cela est notamment dû au fait que les lots peuvent comporter un lot (instructions du client, indisponibilité des ressources, etc.).
grand nombre de pièces (parfois plusieurs milliers) et que certaines
opérations se font à l’unité. Un autre facteur important dans ces temps Le contremaître peut générer une gamme alternative (par exemple,
d'attente est les opérations effectuées en sous-traitance où les aspects suite à une anomalie détectée lors d'un contrôle) afin de rediriger le
de groupage pour transport peuvent être pénalisants. lot vers des opérations supplémentaires ou à refaire.
Le système de conduite impose les lots et leur ordre de passage
Suite à ce calcul, le système de conduite est capable d’ordonner, aux opérateurs (pas de décision), sauf dans le cas de l’intervention
à chaque instant et pour chaque poste, les lots en fonction de leur d’opérateurs extérieurs (transporteurs et sous-traitants) où le service
marge, en file d'attente du plus urgent au moins urgent. du planning des expéditions peut sélectionner les sorties par destina-
Deux codes sont alors définis. Un code d’urgence par rapport à la tion en fonction des transporteurs et des destinataires. Pour l'opéra-
marge et un code de priorité sur les respects des marges. tion de calibrage, généralement longue et unitaire, l’opérateur peut
décider de ne plus entamer de nouveaux lots (afin de limiter le nom-
Le premier code, dit de retard, est établi selon la marge disponible :
bre de lots en cours en atelier) et peut donc refuser l'arrivée de bacs.
code orange dans le cas où la marge est supérieure à une semaine
Ainsi, les responsables de section n'ont pas d'action sur la charge de
(retard négatif), rouge si le lot est en retard et vert dans tous les autres
travail ni sur l'ordre dans lequel elle se présente mais disposent de
cas (pas de retard ou en avance de moins d'une semaine). Ce code est
facilités de gestion des ressources grâce aux bi- et polyvalences du
dynamique et remis à jour en temps réel en fonction de l'observation
personnel. Ils peuvent évaluer leurs charges et influer sur la réparti-
par le système des événements.
tion des postes aux opérateurs, notamment au travers de réaffec-
Le second code, dit de priorité, est établi en fonction de la nature tations entre postes (flexibilité des opérateurs), de choix de mode
du produit et des contraintes clients : code A si le produit est un de fonctionnement (1 × 8, 2 × 8 ou exceptionnellement 3 × 8) et
essai (prioritaire dans tous les cas), code B si les contraintes des d’embauches d’intérimaires par exemple. Cela permet de résoudre le
clients sont fermes (respect des délais à tout prix, devient prioritaire problème de capacité finie alors que les calculs sont effectués à capa-
si en code retard rouge) et C sinon (n'acquiert une priorité qu'en cité infinie : le biais dû à l’hypothèse de capacité infinie est ainsi
fonction du code retard). absorbé par ce fonctionnement en temps réel et au travers des déci-
Ces deux codes sont dynamiques et les proportions relatives du sions des responsables. La disponibilité des opérateurs et des res-
second code sont contrôlées pour éviter les dérives (par exemple, sources est ainsi prise en compte dès la mise à jour des paramètres
passer tout en code B). Ainsi, le code C doit représenter au moins du système. Certaines limitations ont cependant été imposées afin de
85 % des lots, A au plus 5 % et B au plus 10 %. réduire les aléas de ces possibilités: la bivalence ne peut être mise en
œuvre que pour une période d'une demi-journée au minimum, les
Ces deux codes ne sont pas redondants, mais hiérarchisés: le intérimaires doivent être prévus pour une semaine complète au mini-
code A non en retard l'emporte sur un code C en retard, un code B mum et dès le jeudi de la semaine précédente, le changement de
l'emporte sur un code C avec un même retard. Ils permettent poste (1, 2 ou 3 × 8) se prévoit au plus tard la semaine précédente.
d’exprimer une large diversité des situations.
Le tableau 2 résume les éléments importants de la matrice croi-
Cela permet de ne travailler aux opérations que sur les lots présen- sée des fonctions de la conduite : elle ne concerne que les processus
tant un délai utile (du plus en retard au plus à l'avance) et un niveau de conduite décisionnelle de haut niveau dont la décomposition
d'urgence décroissant (du prototype superurgent à la série normale). récursive en sous-processus n’est pas détaillée. (0)

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Tableau 2 – Matrice de croisement des fonctions de conduite


Contrôle Supervision
Décision, conception Application Déclenchement Renseignement, évaluation
Immédiat dès que pièce Suite à une opération de Données du bureau d’études,
CQ1 : choix mise au rebut O/N déclarée bonne ou mau- contrôle (événementiel) relevés de contrôle
Conduite vaise
des quantités
CQ2 : choix correction rebut Coût des retouches, nombre
Jour Périodique (quotidien)
O/N (si non, destruction) de retouches
CG1 : choix création de gammes Immédiat Si CQ2 = oui et historique Connaissances lots similaires,
alternatives O/N retours clients
Conduite
des gammes Événements spécifiques
CG2 : choix annulation Immédiat ou si PGG1 génère redon- Constat sur lot
d’opérations O/N dance d’opération
Opérateur informé de la Demande client Données clients
scission (événementiel)
CL1 : choix scission de lots O/N
Opérateur informé de la Si CQ1 = oui Répartition pièces bonnes/
scission (événementiel avec seuil) mauvaises
Demande client
Immédiat (événementiel) Données clients
Anticipation demande client
Conduite des Immédiat (événementiel) Prévision besoins
CL2 : choix blocage de lots ou
lots libération du lot Si CQ1 = oui Répartition pièces bonnes/
Immédiat (événementiel avec seuil) mauvaises
Immédiat Si absence outillage Présence outillage
(événementiel)
Immédiat
CL3 : choix blocage prioritaire Force sur le lot en question si CQ1 =oui Historiques, statistiques
d’un lot O/N la décision CL2 à l’état (événementiel avec seuil)
« blocage » (prioritaire)
CRH1 : choix réaffectation opé- Affectations actuelles, degré
rateurs sur postes O/N Jour Urgence du lot, retard du lot d’urgence ou de retard du lot,
Si oui, choix poste affecté + (événementiel avec seuil) files d’attentes, graphiques de
choix opérateur charge
Conduite
des ressources CRH2 : choix type de poste Charge globale Profil des charges/atelier, files
Semaine d’attente, type de poste actuel,
humaines (1 × 8, 2 × 8, 3 × 8) (événementiel) politique établissement
CRH3/CRH4 : choix chômage Charge globale Profil des charges/atelier, type
partiel ou appel à intérim O/N Variable (événementiel) de poste actuel, politique éta-
Si oui, choix du poste affecté blissement

(0)

Tableau 3 – Croisement du système support avec le processus de conduite


Système de conduite support du processus Liens de coopération avec…
CQ1 Opérateur de contrôle

CQ2 Contremaîtres Autres contremaîtres et responsables


qualité
Brigadiers
CG1 Opérateurs de contrôle
CG2 Brigadiers
Service commercial Planning
CL1
Service assurance qualité
Planning Service commercial
Planning
CL2
Service assurance qualité Service commercial
Chef d’atelier concerné
CL3 Service assurance qualité
CRH1 Brigadiers Autres brigadiers
CRH2 Contremaître Responsable de production

CRH3/CRH4 Responsable de production Direction générale, représentants des ouvriers, responsable


du personnel

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Figure 11 – Impressions d’écran de l’outil de conduite : fonction de supervision

Tous les opérateurs disposent, au niveau de leur poste, concer- 4.2.5 Mise en œuvre
nant leur poste uniquement et en consultation la progression des
lots qui les concernent ou de l’ensemble des lots pour avoir une vue
globale de la charge de l’ensemble de la section de finition (entrée À l'époque de l'implémentation du système, les techniques de
séquenceur, files d’attentes, départ sous-traitance, état de charge, type Windows NT n'existaient pas et un système léger multi-
etc.). Le nombre d’utilisateurs est relativement important afin processing a été préféré à un système de type mainframe. Le
d’exploiter au maximum la flexibilité des opérateurs et de les impli- système est basé sur un réseau ethernet de dix PC configurés avec
quer dans le processus de production. Certains opérateurs ont en OS2. L'ensemble de l'application est basé sur un développement
outre été formés à la maintenance des outillages. spécifique en langage C++. Il communique par interface avec le sys-
Le tableau 3 décrit quant à lui le croisement entre les systèmes sup- tème de gestion central (anciennement WANG remplacé par le pro-
ports et les processus de conduite décisionnelle considérés. Le lecteur giciel Cimsup en SGBDR Oracle sur réseau NT en 2001).
pourra localiser la plupart des systèmes mentionnés sur la structure de Les données sont stockées sur deux PC distants en mirrorring per-
conduite précédemment présentée. Étant donné qu’il existe des liens manent en temps réel. Elles sont de type « caractère », seuls les
possibles de coopération, ces liens sont explicités dans la table. masques d'écran sont de type « graphique ». Cela réduit le stockage
La fonction de supervision est mise en œuvre au travers de l’affi- des données à 2 Go maximum. Les disques sont de technologie
chage des différents états des lots ainsi que des graphiques présen- SCSI afin d'obtenir des temps d'accès corrects et une rapidité de
tant les charges instantanées pour les lots disponibles ou pré- mise à jour des données.
visionnels au jour, semaine, mois en fonction des données disponi- Le séquenceur est de marque Mannesmann Demag. Il est consti-
bles via le système de planification (présenté sans motif) par poste tué de deux rayonnages en vis à vis de 900 alvéoles chacun et d'un
(avec des éléments de comparaison portant sur la charge minimale robot de translation effectuant les mouvements de bacs de et vers
et maximale) en ordonnant les lots par code de retard. Un exemple les 27 postes d'entrées/sorties. Ces postes sont prolongés selon les
d’un tableau de charge d’une section, de celui d’une première res- cas de convoyeurs à rouleaux motorisés ou à gravité, droits et
source, la file d’attente d’une seconde ressource et la gestion des courbes. L'ensemble est commandé par un ordinateur concentra-
lots sont donnés figure 11. teur Dematik 80.
Il faut aussi noter que les instructions, les modes opératoires et les Trois postes (entrées et départ/retour sous-traitance) sont équipés
données permettant aux opérateurs de prendre leurs décisions sont de balances compteuses, lecteurs de codes à barres et imprimantes
fournis par les ordinateurs disposés sur les lieux de travail. La plupart d'étiquettes (entrée) ou de papier en continu (expéditions sous-
des postes à forte valeur ajoutée sont en système « zéro papier ». traitance).

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4.3 Exploitation du système de conduite — la dérive de la paramétrisation par les responsables. Cette
dérive a pour objet soit de tenter d’intégrer de nouveaux paramètres
non pris en compte, soit d’éviter la maintenance de certains para-
La formation s’est traduite au travers de séminaires d’information et mètres qui malgré leur limitation, est parfois encore jugée trop
de sensibilisation par la technique des jeux de rôles par groupes de tra- contraignante. Cette action, par conséquent, détourne le sens de ces
vail. Tous les intervenants de l’entreprise (de l'ouvrier au directeur paramètres de leur sens premier ;
général), ont participé à ces activités. Certains sous-traitants impor- — certains autres paramètres n’ont pas été conçus en adéquation
tants ont été associés aux réflexions et aux choix de flux d'information. avec le besoin et le contexte réel de production ou encore aucune
Les activités du personnel de la section ont aussi évolué : forma- étude n’a été menée afin de déterminer les valeurs à attribuer. Ces
tion pour une meilleure polyvalence, formation à la qualité, à l’auto- valeurs sont donc déterminées grossièrement ou pire, les paramè-
contrôle, etc. Un intéressement aux résultats et un affichage des tres sont neutralisés.
résultats des actions ont également été mis en place. Dans ces deux cas de figure, la conséquence est une perte de com-
La maintenance du système de conduite, et notamment du préhension des valeurs données et l’introduction d’un biais qui se
séquenceur, est une maintenance préventive systématique déclinée propage au sein du système de conduite, nécessitant des aménage-
en deux révisions générales par an et des opérations d’entretien ments par ailleurs. Un exemple de tels paramètres est celui des
intermédiaires. La disponibilité est assurée par la mise en redon- valeurs des stocks minimum et maximum pour la section de finition :
dance des organes principaux (moteurs, lecteurs, etc.) et en cas de ceux-ci sont destinés à piloter le système de telle sorte qu'une opéra-
défaillance de la partie opérative, des accords informels existent tion qui est sous son minimum doit être alimentée en priorité. Le sys-
également entre quatre utilisateurs d'un équipement similaire pour tème organise donc les files d'attente pour favoriser les lots qui ont
la mise à disposition rapide de pièces de rechange critique afin de l'opération en situation de « mini » dans leur gamme. De même, les
partager la redondance sur quatre sociétés dans un rayon de opérations qui sont dans une situation de « maxi » ne doivent plus
200 km. Une procédure d’exploitation en mode dégradé permet de être alimentées. Le système va donc rétrograder les lots ayant ces
déconnecter le logiciel et d’intervenir manuellement sur les rayons opérations en gamme. La conjonction de ce système avec les calculs
de stockage. de file d'attente en fonction des priorités et des codes retard crée des
conflits et des blocages qui nuisent à la fluidité des lots. Ces contrain-
Le système informatique de conduite est installé sur deux postes tes de « mini » et « maxi », sans être abandonnées, ont ainsi été sen-
connectés disposant en même temps de l'intégralité des données siblement relâchées.
(mirrorring), la copie pouvant prendre la main en cas de défaillance
du serveur principal.

4.4 Analyse du système de conduite 5. Conclusion


La rédaction du cahier des charges du système, finalisée fin 1992,
a nécessité deux années de réflexions croisées entre la société, Globalement, la conduite est chargée de l’intégration du prévi-
quelques consultants et quelques fournisseurs potentiels. Les spéci- sionnel et du temps réel (c’est-à-dire réaliser la production prévue
fications générales furent réalisées un an plus tard par le fournis- sous contraintes fixées par les niveaux hiérarchiques supérieurs,
seur retenu et le système mis en service en août 1994. contraintes qu’il est possible de remettre en cause au niveau même
de la conduite ou par suivi au niveau supérieur selon les événe-
■ Nous donnons quelques chiffres clés correspondant à la période ments qui surviennent). La conduite est donc typiquement une
1996-1999, qui permettent d’analyser ce système de conduite : tâche du niveau opérationnel car les problèmes d’affectation de res-
— coût de conception et de mise en place du dispositif : bâtiment, sources devront être résolus en temps réel (réponses aux questions
équipement, séquenceur, développement et implantation du logi- quand et avec quoi produire).
ciel de planification et de conduite : 14 MF ;
La criticité du niveau de conduite (notamment en terme de réacti-
— part du système de conduite dans l'investissement, y compris
vité, de coût) doit pousser les industriels à accroître la capacité déci-
le système de manutention ; limitée à 5 MF ;
sionnelle de celle-ci en lui attribuant un rôle de plus en plus
— retour sur investissement de l’ensemble : un an ;
important en interaction avec les autres fonctions de l’entreprise
— évolution des stocks et en-cours : en-cours diminués de 20 %,
pour mieux gérer cette intégration du prévisionnel et du temps réel.
stock en attente d’expédition diminué de 50 % pour un volume de
Malgré une offre logicielle en constante évolution vers cette intégra-
production accru de 20 %, suppression des retards importants, pré-
tion (manufacturing execution system : MES), la conduite reste
vision des livraisons accrue. Le temps de présence des produits
encore une fonction très spécifique à chaque entreprise et il n’existe
dans la section de finition a été diminué, il est désormais autour de
pas de solution unique à cette diversité. Dans ce cadre, cet article
5 semaines. En parallèle, le volume du flux a été augmenté de 20 %.
peut être considéré comme un outil d’analyse permettant de mettre
■ Parmi les autres résultats annexes, on peut citer : en évidence les principales fonctionnalités et les principaux proces-
— une implication accrue du personnel ; sus de pilotage décisionnels d’un futur système de conduite qu’il
— la possibilité d’ouverture sur de nouveaux marchés avec des faut concevoir. Ces fonctions et processus pourront alors aider à la
pièces de plus en plus complexes ; réalisation d’un cahier des charges précis et exhaustif contribuant à
— une réduction drastique de la présence de document écrit dans une mise en œuvre adaptée d’un progiciel générique (MES, ERP), le
la section finition (zéro papier). point critique se situant au niveau de l’absence d’outil et de
méthode d’intégration de ces logiciels qui sont par nature fortement
■ Deux problèmes ont été relevés en exploitation : paramétrables.

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