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Comment ?

On a bien conscience qu'arrêter sans délai le nucléaire c'est compliqué dans une société où :
 85% de l'électricité produite est d'origine nucléaire
 220.000 emplois dépendent directement ou indirectement du nucléaire (soit 6,1% de
l'emploi industriel) (chiffres officiels)
 tout a été fait depuis trente ans pour pousser la consommation d'électricité : sous la pression
d'EDF, un nombre considérable de logements, sociaux notamment, n'ont que des radiateurs
électriques pour se chauffer (et bientôt, si on laisse faire, la voiture électrique prendra le
relais).
Ces difficultés entretiennent le sentiment d'impuissance, qui se traduit le plus souvent par un
discours du genre : « Mais vous savez bien que ce n'est pas possible, dans le monde où nous vivons,
de se passer d'une grosse consommation d'électricité ».

Face à ce discours, il est important de faire comprendre qu'il n'y a pas de véritable impossibilité
technique à l'arrêt immédiat du nucléaire, même dans l'état actuel de notre société. Que revendiquer
l'arrêt immédiat, ce n'est pas faire preuve d'irréalisme, ce n'est pas une affaire d'utopistes ayant la
tête dans les étoiles. Mais, attention, les réponses faites sur le plan technique ne doivent pas nous
faire oublier, comme c'est trop souvent le cas, les motivations sociales et politiques qui justifient le
choix de l'arrêt immédiat. Et notamment :
- qu'il vaut mieux assumer l'inconfort d'une relative pénurie d'électricité aujourd'hui que les
conséquences dramatiques d'une catastrophe demain (explosion des maladies induites,
déplacements massifs de population, restriction drastique de notre espace de vie) ;
- qu'on ne veut pas avoir à subir la gestion militaire des populations qu'une catastrophe nous promet
(c'est inscrit dans les textes de loi) Plan du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale
(SGDSN);
- il faut cesser d'accepter que des milliers de salariés mettent leur vie en danger pour faire tourner
une industrie mortifère. Il vaut mieux qu'une partie des salariés du nucléaire soient au chômage
(avec maintien de leur salaire), s'ils ne parviennent pas à se recycler dans d'autres tâches, l'autre
partie étant de toute manière appelée pendant des décennies et des siècles à travailler à la
surveillance des réacteurs à l'arrêt.

Venons-en maintenant aux solutions techniques qui permettraient un arrêt immédiat des réacteurs
nucléaires :
Sans délai on peut :
1) réduire drastiquement la consommation d'électricité :
- en arrêtant les réacteurs (la filière nucléaire dans son ensemble consomme un tiers de sa
production électrique)
- en éliminant les gaspillages, à commencer par les gaspillages publics (éclairage des villes,
climatisation, surchauffe des bureaux, etc.) ;
2) compenser la perte de production électrique là où elle est indispensable en :
- portant au maximum de leur capacité les centrales hydrauliques et thermiques qui restent
(arrêter leur démantèlement) ;
- augmentant l'importation d'électricité.
Ces deux derniers points sont les plus litigieux, en raison de la phobie actuelle du recours aux énergies fossiles. Mais si
l'on veut réduire la combustion d'énergies fossiles, ce n’est pas seulement aux centrales électriques thermiques qu'il faut
s'en prendre, mais aux transports routiers et aériens.
A court terme (en quelques années), on peut :
- supprimer le chauffage électrique dans les logements, et plus généralement mettre fin aux usages
non spécifiques de l'électricité (promouvoir les chauffe-eau solaires, par exemple, et le solaire
thermique en général)
- construire des centrales au gaz modernes, très peu émettrices de GES (cf. texte de Gamberini).

1
A plus long terme, recours intégral aux énergies renouvelables, qui est désormais une
hypothèse crédible (cf. scénario de l'Ademe qui prévoit le tout-renouvelable à l'horizon  2050).

Toutes ces solutions sont envisagées depuis longtemps par différents groupes associatifs ou
politiques, et font l'objet de débats multiples. Elles ne pourront être mises en œuvre qu'avec
pragmatisme, en les adaptant aux problèmes concrets qui vont se présenter et aux choix de priorité
qu'il faudra faire, dans le contexte social du moment.
Mais la première condition à remplir pour que ce processus s'enclenche, c'est que les réacteurs
soient arrêtés : que nous soyons débarrassés de la perspective d'une possible catastrophe, donc du
problème d'assurer la sécurité des réacteurs en fonctionnement. C'est à cette condition que les
financements publics pourront être réorientés : plus besoin alors de financer la sécurisation des
centrales vieillissantes, tous les fonds publics pourront être consacrés au développement des autres
filières productrices d'électricité (et notamment des renouvelables), la filière nucléaire n'exigeant
plus que l'argent nécessaire à la surveillance des centrales à l'arrêt et des déchets. Toute la
recherche scientifique devra de son côté se consacrer à la recherche d'une solution technique
susceptible de neutraliser la radioactivité des déchets produits.

La lutte antinucléaire s'inscrit nécessairement dans une perspective écologique, de défense des
conditions de la vie sur Terre, mais elle est aussi porteuse d'une lutte pour un autre modèle
d'organisation sociale, non seulement respectueux de la vie sur Terre mais collectivement
désirable. En effet,
- la meilleure façon de réduire drastiquement notre consommation d'électricité est de faire
collectivement le choix de la sobriété, en se limitant à la satisfaction des besoins essentiels (une
situation de relative pénurie peut être l'occasion de s'interroger collectivement sur ce que sont les
besoins à satisfaire à tout prix et ceux auxquels on peut/doit choisir de renoncer) ;
- le fait de devoir penser d'autres formes de production d'électricité est l'occasion de promouvoir un
modèle productif décentralisé et démocratique, avec une production d'énergie organisée au plus près
des consommateurs, en petites unités facilement modulables, répondant aux nécessités telles que
définies démocratiquement à l'échelle des quartiers ou des municipalités... ;
Et, de là, on peut on peut en arriver à vouloir se battre aussi pour l'égalité des conditions matérielles,
pour une véritable solidarité internationale, etc.

Mais nous savons que rien ne pourra se faire sans une volonté collective largement partagée
d'imposer au pouvoir l'arrêt des réacteurs par la lutte, en créant le rapport de force nécessaire. Il faut
sortir de la résignation qui s'est installée dans les têtes depuis que la répression a mis fin aux
grandes mobilisations antinucléaires des années 70 et 80, limitant la contestation antinucléaire à un
rôle de contre-expertise au sein d'instances locales de concertation sans pouvoir de décision. Il faut
renouer avec la lutte, tout en assumant l'énorme contrainte que représente la présence sur notre
territoire de vie de déchets radioactifs très dangereux dont nous devrons nous protéger pendant des
siècles.

Le moment est propice à une vraie bataille d'opinion sur ce sujet. Car les fractures se multiplient
dans le camp des nucléocrates: la filière nucléaire est en crise (Areva n'a été sauvée provisoirement
de la faillite que par des injonctions massives d'argent public, EDF a besoin d'une nouvelle
recapitalisation pour se maintenir, alors même qu'il va falloir financer l'énorme coût de la
sécurisation des centrales vieillissantes et du démantèlement), et il est devenu évident qu'elle ne
peut plus tabler sur la demande extérieure de réacteurs à construire pour assurer sa rentabilité. Bref,
l'ennemi a perdu sa légitimité et une partie de son arrogance, profitons de la crise qu'il traverse pour
relancer la bataille et la gagner.
Mais si l'on veut arriver à créer un rapport de forces capable d'imposer un changement allant à
l'encontre des intérêts du puissant lobby capitaliste du nucléaire et de ses relais politiques, il nous
faut un objectif clair susceptible de regrouper le plus grand nombre : l'arrêt immédiat des réacteurs
2
en est un, facilement compréhensible et cohérent.

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