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Béton précontraint
PRESENTATION ET PRINCIPE DU BETON PRÉCONTRAINT

1. Généralités
 La résistance du béton à la traction est très médiocre, de l'ordre de 1/12 seulement de sa résistance à la
compression,
 Dans la technique du béton armé, on remédie à ce défaut en disposant dans toutes les zones qui peuvent être
tendues des armatures d'acier, dirigées suivant la direction des forces de traction, et capables d'y résister.
 Cependant, le matériau ainsi obtenu présente plusieurs défauts qui en limitent l'emploi:
 le béton qui enrobe les armatures est tendu en même temps qu'elles, et ne peut subir leur allongement
sans se rompre,
 il en résulte des fissures,
 dont on peut limiter l'ouverture par un choix du diamètre des aciers et de leur contrainte,
 mais dont on ne peut éviter la formation, sauf à n'admettre que de très faibles contraintes dans
le béton.
 Par ces fissures, les armatures peuvent être en contact direct avec le milieu ambiant, d'où un risque de
corrosion: le béton armé convient mal aux ouvrages placés en atmosphère agressive;

 D’autre part, le béton armé est lourd: les parties tendues du béton ne sont utilisées que pour enrober l'acier, et
leur poids constitue un handicap tel que pour les poutres de grande portée ou de grand élancement, la charpente
métallique se révèle souvent plus économique.

 Il est donc logique de chercher à utiliser à plein la résistance du béton, en le comprimant à l'avance par le jeu de
forces internes, de façon telle que la variation de contrainte qui faisait naître des tractions, ne provoque qu'une
décompression du matériau. Exemple : tonneau, rayons d'une roue de bicyclette.

 Dès le début du siècle, plusieurs ingénieurs avaient essayé de pré-comprimer des éléments de béton, de les
précontraindre, en les traversant de part en part par des barres d'acier doux filetées tendues par serrage d'un écrou;
mais ces essais n'avaient abouti qu'à des échecs, en raison de l'intervention du fluage et du retrait du béton: le
raccourcissement différé du béton, sensiblement du même ordre que l'allongement initial donné à l'acier suffisait
pour annuler la traction de la barre, et la précontrainte disparaissait ainsi au bout de quelques mois.

 C'est à Eugène Freyssinet (1879-1962) que revient le grand mérite d'avoir mis au point et développé la technique
du béton précontraint. Dès 1908, il réalisait des tirants précontraints au moyen de fils d'acier dur, et à cette occasion,
il entreprenait une étude des déformations différées du béton. Il déposait en 1928 les principaux brevets relatifs à la
précontrainte.

 Aujourd'hui, la plupart des ponts sont réalisés en béton précontraint, depuis une dizaine de mètres de portée
jusqu'à 150 m et plus.

 Ce matériau est également très répandu pour la construction des poutrelles préfabriquées des planchers de
bâtiment.

 On le trouve aussi dans de nombreux types d'ouvrages, parmi lesquels nous citerons: les réservoirs, les pieux de
fondation, certains ouvrages maritimes, les chaussées, pistes d'aviations, les barrages, les caissons de réacteurs
nucléaires et les plates-formes d'exploitation pétrolière en mer.
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2. Précontrainte d'une poutre isostatique fléchie

 Considérons une poutre de section rectangulaire, désignons par b et h respectivement la largeur et la hauteur de
la section. Nous nous proposons d'étudier les contraintes dans une section donnée, sollicitée par un moment
fléchissant M.

 Soit I =b.h3/12 le moment d'inertie de la section par rapport à l'axe horizontal

 En un point d'ordonnée y par rapport à cet axe, en supposant la poutre formée par un matériau homogène et
élastique, la contrainte normale  s'exprime par:
 = M.y / I

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 La contrainte varie donc en fonction de la hauteur suivant le diagramme I de la figure 1, et sa valeur absolue
maximale est:
0=6M/bh2 sur les fibres extrêmes de la section.

Fig 1 Effet d’une précontrainte centrée

 Compte tenu de la faible résistance du béton à la traction, il n'est pas possible d'employer ce matériau, non armé,
pour former une poutre qui supporte une flexion importante.

 En revanche,
- supposons que la poutre soit précontrainte, grâce à une armature tendue, prenant appui sur le béton lui-
même à ses deux extrémités.
- Si nous fixons à 0 (diagramme II) la compression apportée par la précontrainte, le diagramme des
contraintes dans la poutre fléchie sera celui qui est représenté en III, et qui résulte de la superposition des
diagrammes I et II.
- Nous voyons ainsi que les contraintes de traction ont disparu, grâce l'introduction d'une force de
précontrainte:
P = 0.b.h = 6M/h
 L'élimination des contraintes de traction n'a pu être obtenue, dans le schéma ci-dessus qu'au prix d'une
augmentation importante de la contrainte de compression, qui passe de 0 à 20;

en fait, la précontrainte, utile dans la partie inférieure de la section, se révèle donc inutile, et même nuisible,
dans sa partie supérieure.

 L'idée vient alors à l'esprit d'excentrer le point d'application de P de façon à obtenir des compressions seulement
là où elles sont utiles.

 A l'examen du diagramme I, on peut voir qu'un diagramme de précontrainte triangulaire, croissant de 0 au


sommet de la section, jusqu'à 0 à sa base est suffisant pour annuler les tractions. Les diagrammes des contraintes
seront alors les suivants (fig. II’.2):

Fig. 2- Effet d'une précontrainte excentrée

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 Pour réaliser le diagramme de précontrainte II', il faut placer l'armature de précontrainte à la limite du noyau
central de la section, c'est à dire au tiers inférieur de la hauteur, avec un excentrement: e = -h/6 .

 Cette nouvelle disposition présente sur la précédente deux avantages:


- La contrainte maximale n'est plus maintenant que 0, au lieu de 20.
- La force de précontrainte nécessaire, égale à l'aire du diagramme II’, multipliée par la largeur de la section,
a pour valeur cette fois:
P’ =(½).0.b.h = 3M/h
soit la moitié seulement de la valeur trouvée plus haut.

 Nous voyons donc tout l'intérêt que présente le réglage de l'excentrement de la force de précontrainte: en jouant
convenablement sur le couple de valeurs (P, e), l'on pourra obtenir les conditions optimales de répartition des
contraintes.

Cas pratique

 Considérons maintenant le cas, très fréquent en pratique, d'une section de poutre soumise à un moment
fléchissant dû à des actions permanentes auquel peut se superposer un moment fléchissant dû à des actions
variables.

 Sous la seule action des sollicitations extérieures la contrainte normale sur la fibre supérieure varie de G à G+Q;
l'existence d'une contrainte minimale G a une conséquence importante.

 Sous l'action de la précontrainte seule, il est possible, sans obtenir de contraintes de traction dans la section,
d'avoir un diagramme tel que la contrainte au droit de la fibre supérieure soit négative, c'est-à-dire que le point de
passage de la force de précontrainte pourra être extérieur au noyau central de la section, le diagramme optimal est
alors le suivant:

Fig. 3 - Compensation d'une action permanente


 Dans la figure 3 :
- le diagramme (I) représente les contraintes dues aux sollicitations extérieures
- le diagramme (II) représente les contraintes dues à la précontrainte.
- les contraintes figurées en (III) sont celles qui s'exercent sous l'action de MG dans la section précontrainte.
- les contraintes figurées en (IV) sont celles qui s'exercent sous l'action de MG+MQ dans la section
précontrainte.

 La force P et l'excentrement e de la précontrainte nécessaires pour obtenir les contraintes définies par le
diagramme (II) se déduisent des deux équations ci-dessous:
P 6.P.e
 G  
b.h b.h 2
P 6.P.e
G Q  
b.h b.h 2

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ces deux équations se résolvent en:
1  Q  2 G
P  b.h. Q e  h.
2 6. Q
 Nous aboutissons donc à un résultat surprenant a priori: avec une précontrainte définie par le couple de valeurs
(P, e) ci-dessus, les contraintes extrêmes dans la section représentées en (III) et (IV) ne dépendent plus de MG, mais
seulement de la variation du moment soit MQ.

 Nous découvrons ainsi un avantage essentiel de la précontrainte, qui a fait dire parfois qu’ « en béton
précontraint, la charge permanente est gratuite ».

 Cependant, cette affirmation ne doit pas être acceptée sans réserves car, nous le verrons plus loin, la valeur de e
déterminée par la deuxième équation (1) n'est pas toujours compatible avec la géométrie de la section
l'excentrement est limité, car l'armature doit rester intérieure au béton avec une épaisseur d'enrobage convenable.

 Cet exemple simple nous montre que la précontrainte constitue un moyen extrêmement puissant mis à la
disposition de l'ingénieur pour tirer le meilleur parti des qualités du béton, et éliminer son principal défaut, qui est sa
faible résistance à la traction.

3. Précontrainte d'un tirant

 Soit un élément prismatique de béton (fig. 4), chargé de


transmettre un effort de traction, sans flexion.

 En l'absence d'efforts extérieurs, perçons la pièce de part en


part, et logeons une armature d'acier, que nous tendons en
prenant appui sur le béton lui-même. Fig. 4 - Armature d'un tirant précontraint

 Le système, soumis uniquement à des efforts internes, est en équilibre, l'acier dont la section a une aire A, étant
soumis à une force de traction P, et le béton, d'aire B, à une force de compression de même intensité b= P/B.

 Supposons maintenant la pièce soumise à un effort externe de traction N. l'état de contrainte résultant est le
même puisque du fait de la liaison de l'armature au béton, les deux matériaux subiront les mêmes déformations.

Sous l'action de N, la variation de la contrainte du béton est: b= N/(B+n.A)


n désignant le coefficient d'équivalence, rapport des modules élastiques des deux matériaux: n=Ep/Eb

Le béton, qui, en l'absence d'efforts extérieurs, est soumis à une contrainte de compression égale à P/B pourra
supporter, sans être tendu, une force de traction dont la limite N1 est atteinte pour:

N1/(B+n.A) = P/B, soit: N1= P.(B+n.A)/B = P(1+n.A/B)


Cette force est supérieure à la force de précontrainte P.

Dans le même temps l'acier subit une surtension d'intensité: p= n.N1/(B+n.A)

Nous voyons ainsi apparaître plusieurs propriétés caractéristiques du béton précontraint:


 1° Le tirant peut supporter un effort de traction important, supérieur même à la force de précontrainte, sans
pour autant que le béton soit tendu.
 2° Même pour une variation importante des actions extérieures la contrainte de l'acier varie peu, en raison de
l'intervention du béton.
 3° Corrélativement, la déformabilité de la pièce est faible, puisqu'elle est proportionnelle à la variation de la
contrainte de l'acier.
 4° Lorsque les actions extérieures varient, les contraintes de l'acier et du béton ne varient pas
proportionnellement à l'intensité des actions.

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4. Précontrainte et effort tranchant
 Nous avons vu que dans la zone du milieu de la poutre où s'exercent les plus grands moments fléchissants, il était
souhaitable d'excentrer l'armature de précontrainte et de la placer à la partie inférieure de la section.

 En revanche, au voisinage des appuis, le moment fléchissant diminue, et il est possible (et même souvent
nécessaire pour éviter des tractions dans la partie supérieure) de relever l'armature, pour aboutir à l'extrémité à un
niveau voisin de celui du centre de gravité des sections (fig. 5).

FIG. 5 - Relevage d'une armature de précontrainte

 Près de l'appui, l'armature traverse donc obliquement la section formant un angle  avec la fibre moyenne de la
poutre.

 Si P désigne l'intensité de la force de précontrainte, il en résulte un effort tranchant de précontrainte P.sin, de


sens contraire à celui des sollicitations extérieures, et qui vient aussi compenser celui-ci.

 Si VG est l'effort tranchant dû aux actions permanentes et VQ l'effort tranchant maximal dû aux actions variables,
l'effort tranchant total, compte tenu de la précontrainte varie de :

VG - P.sin à VG + VQ - P.sin

et il est aisé de vérifier que la compensation optimale est obtenue pour:

P.sin = VG + ½ VQ

en effet, l'effort tranchant total varie ainsi de -VQ/2 à +VQ/2.

 Il n'est pas toujours possible de réaliser cet optimum, car P et  surtout, sont souvent déterminés par d'autres
conditions. Cependant, le gain dû au relevage des armatures reste toujours très important.

 A ce gain, qui concerne la valeur des sollicitations, il faut ajouter à l'actif du béton précontraint un gain sur la
résistance même du béton au cisaillement: en effet, à effort tranchant égal, la compression apportée par la
précontrainte diminue la valeur des contraintes principales de traction, et retarde la fissuration. Sous réserve que la
compression reste modérée, l’on pourra donc admettre des contraintes de cisaillement relativement élevées, et
disposer moins d'armatures transversales que pour un élément de béton armé.

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