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Inès Lazraq

Cours d’esthétique (l3)

Le champ des possibles dans Bandersnatch

Lorsqu’on parle d’internet, on l’évoque par différence avec le monde dit réel. Il y
aurait une dichotomie entre le monde réel et le monde virtuel qui consisterait en une
séparation radicale, représentée par une frontière. Celle-ci serait infranchissable, car elle
diviserait deux lieux radicalement opposés : le monde réel correspondrait aux sensations,
aux perceptions, au concret, ce qui existe ici et maintenant et qu’on pourrait expérimenter
comme une source inépuisable de savoir, alors que le monde virtuel, par son degré moindre
de réalité, voire nul car nous passons par la médiation d’un ordinateur ou un quelconque
écran, nous déconnecterait du vrai monde pour nous transporter vers des lieux chimériques,
avec des individus abstraits et impalpables, tributaires d’un quelconque réseau wifi que l’on
possèderait . En somme, si nous utilisons deux expressions différentes pour désigner des
modes d’existences autres, il s’agit pour nous d’identifier la nature de cette distinction
ontologique. La notion de frontière est cruciale pour la compréhension de cet objectif car
elle nous permet de révéler une part inconciliable entre le virtuel et le réel. Par monde, on
comprend ce qui est contenu, dont des individus, des végétaux, des enseignes, des
institutions. Mais en accolant les termes virtuels ou réels, on dit quelque chose de plus, qui
passe notamment par une hiérarchie, un primat du réel sur le virtuel. C’est le degré
d’existence qui les sépare, et le jugement que nous portons sur le virtuel peut être
catégorique et acerbe en cela qu’il nous détournerait du vrai, et serait inconsistant par
l’essence même de ce qu’elle produit comme effet dans nos vies . Mais encore, nous
imaginons le monde virtuel comme apportant des possibilités que le réel n’aurait pas, car est
limité par des lois physiques, des déterminismes socio-économiques, une certaine situation ,
et tous ces facteurs conditionnent nos façons de penser, de voir le monde, d’apprécier des
choses, même de choisir. Et dans la virtualité, nous créons, inventons, choisissons selon des
infinités de combinaisons possibles selon ce qu’on estime être bon ou adéquat à notre
volonté. Donc, une liberté se développe, s’étend et devient inextinguible, limitée par rien si
1
ce n’est la volonté de l’individu derrière l’écran. C’est ce que nous invite à penser le film
interactif Bandersnatch, dans lequel nous avons la possibilité de choisir entre différentes
options, des scénarios décidés à la place du personnage, qui permettent de guider le sens
final du film. Nous nous attèlerons à saisir dans le présent article si le film nous permet de
faire l’expérience d’un libre-arbitre inédit, rompant avec le monde dit réel, circonscrit et
limité ou bien si au contraire, nous ne devons pas plutôt comprendre qu’il s’agit d’une
liberté orchestrée , déterminée par des choix, des situations, bien que nous semblons
pourtant avoir des possibilités nouvelles .

Pour commencer, expliquons en quoi consiste Bandersnatch. C’est un film qui permet
au téléspectateur de choisir des scénarios, similairement aux livres Fantasy des années 80
qui se caractérisaient par l’adage chose your own-adventure. Nous choisissons selon les
rubriques présentées devant nous, qui guiderons la suite de l’intrigue que nous aurons
décidée. Cela se présente ainsi :

2
Le premier choix à faire est très simple, car il s’agit simplement de choisir une marque de
céréales plutôt qu’une autre. L’enjeu n’est pas d’ordre moral, qui se présenterait sous la
forme d’un dilemme inextricable. Ce qui nous intéresse pour le moment, c’est de montrer en
quoi nous pouvons affirmer que les choix présents ne se distinguent pas, bien que ce soit un
monde virtuel, des possibilités que nous avons dans le monde que l’on qualifie
promptement de réel. Pour cela, nous pouvons nous demander ce que nous entendons par
réel, et cela ne va pas de soi. Des penseurs comme le philosophe René Descartes 1 ont tenté
de débusquer un savoir indubitable qui lui permettra de servir de fondement indubitable
pour les connaissances prochaines. De cette entreprise même, nous concluons qu’il n’avait
affaire jusqu’ici , qu’à des opinions, au mieux, des croyances partagées que l’on monde réel
lui délivrait. C’est pourquoi, il révoque dans un premier temps le témoignage des sens :

“Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens, ou
par les sens : or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la
prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. Mais,
encore que les sens nous trompent quelquefois, touchant les choses peu sensibles et fort
éloignées, il s’en rencontre peut-être beaucoup d’autres, desquelles on ne peut pas
raisonnablement douter, quoique nous les connaissions par leur moyen : par exemple, que
je sois ici, assis auprès du feu, vêtu d’une robe de chambre, ayant ce papier entre les mains,
et autres choses de cette nature. Et comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce
corps-ci soient à moi ?”2

Les sens, dont la vue, le toucher, l’odorat, l’ouïe, le gout, tout ce qui nous permet de saisir
quelque chose dans l’expérience sensible, nous induirait de fait en erreur. Ils sont trompeurs
du fait même que ceux-ci font germer dans l’esprit des représentations fausses du monde.
Par exemple, si l’on plonge un bâton dans l’eau, celui-ci nous apparaitra cassé ou déformé,
or, en droit, il ne l’est point, c’est donc une illusion. De surcroît, l’on peut noter qu’il exister
des différences entre les individus quant à leurs configurations perceptives : les uns sont
daltoniens, les autres sont ivres, ou de naissance aveugles. Tous ces éléments conduisent
chacun d’entre nous à nous questionner sur nos connaissances sensibles et immédiates, du
moins, si cela a encore un sens de parler de connaissances. Le réel entendu comme monde

1 Descartes, Méditations métaphysiques

2 Méditations métaphysiques (palimpsestes.fr)

3
perceptif, nous apporterait que méfiance et doutes. Dépouiller nos conceptions du monde
réel comme étant un grand lieu où se déroule de grands événements qui auraient valeur
théorétique, nous permet d’égaliser le monde réel avec monde virtuel. Ce dernier est exclu
de toutes créances par la seule raison que les choses qui s’y passent se déroulent à travers
un écran. Néanmoins, le cristallin ne joue-t-il pas lui aussi ce “rôle d’écran situé au fond de
l’œil” ? Il y aurait par nature, un obstacle anatomique entre nous et le monde, et cela passe
par les nombreuses couchent qui constituent notre œil. De fait, annoncer le monde réel
comme ne produisant que du “vrai”, alors que l’on parle de propositions vraies ou fausses et
non pas d’objets ou d’êtres qui auraient valeur de vérité, serait dénué de sens. Il suffit de
regarder toutes les dissensions qui ont pu germer suite aux différentes d’opinions que les
individus pouvaient avoir entre eux. Cependant, il reste encore une chose à examiner: si
nous avons compris que le monde réel n’était pas sempiternellement fiable, parce que les
hommes y accèdent par la médiation des sens qui peuvent tromper et amener les hommes à
croire des choses fallacieuses. Alors, doit-on conclure que le monde réel et le monde virtuel
sont semblables en tout point ? C’est à comprendre, qu’ils seraient identiques? Une telle
assertion poserait des contradictions inhérentes à la question même, puisqu’on ne les
dénommerait pas de différentes manières s’ils étaient les mêmes. Il y a bien sûr des
disparités, on doit les relever, mais ne pas s’en contenter, puisque la réflexion serait
aporétique et inconsistante.

Suite à cela, nous affirmons que le monde virtuel présente des points de convergence avec le
monde réel. Certes, le virtuel nous amène des possibles, mais quel est le statut ontologique
de ceux-ci? Peuvent-ils exister, pouvons-nous les expérimenter ? C’est ce que nous invite à
penser David Lewis , un réaliste modal, dans de la Pluralité des mondes. Celui-ci écrit :

“Notre monde actuel n’est rien qu’un monde parmi les autres mondes. Nous l’appelons seul
actuel , non pas parce qu’il serait d’une sorte différente, mais seulement parce que c’est le
monde que nous habitons . Les habitants des autres mondes pourraient à juste titre les
appeler leurs propres mondes actuels , si par “actuel” ils veulent signifier ce que nous
signifions ; car la signification que nous donnons à “actuel” est telle qu’elle réfère de tout
monde i à ce monde i. “Actuel “ est indexical, comme “je”, ou “ici”, ou “maintenant”: sa
référence dépend des circonstances de l’énonciation , à savoir du monde dans lequel
l’énonciation a lieu”3

3 David Lewis , Pluralité des mondes

4
Qu’est-ce que cela signifie ? David Lewis argumente qu’il existe réellement des mondes
possibles c'est-à-dire un lieu où il se trouve un cadre spatio temporel différent et autrement
que ce qu’il n’est actuellement, bien qu’ils soient différents des mondes actuels, ils sont des
mondes réels, qui existent tout autant que les mondes actuels. Il est ressemblant au monde,
sans qu’il soit identique au notre. Malgré tout, il demeure une différence entre ceux-ci, dans
la mesure où nous n’avons pas accès aux mondes possibles parce qu’il n’y a pas de liens
causaux entre les différents mondes : ils sont séparés, étanches, inaccessibles, mais aussi : “
Les mondes possibles sont ainsi isolés : il n’y a nul rapport spatiotemporel entre notre
monde et les autres”4. Selon Lewis, les mondes possibles existent, mais n’admettent pas des
choses et des existences insensées, comme ce qui pourrait contrevenir à des principes
logiques fondamentaux dont le principe de non-contradiction, le principe d’identité.

Revenons de manière plus focalisée sur le film sorti en 2018 sur la plateforme Netflix écrit
par Charlie Brooker. L’intrigue est la suivante: Le spectateur est plongé en 1984, et on
apprend que le personnage principal se dénomme Stephan . Celui-ci est un jeune
programmeur qui veut adapter le roman de F. Davies, Bandersnatch sous le format d’un jeu
vidéo. On le rappelle, il s’agit d’un film interactif nous laissant la possibilité de choisir les
issues possibles de la vie de Stephan . De toute évidence, Bandersnatch a été créée pour
laisser le spectateur choisir librement, et le terme est important ici, parmi des options qui se
présentent en bas de l’écran de l’ordinateur ou de la télévision. Premièrement, on aide de
fait le protagoniste à prendre des décisions, donc, l’utilisateur a cette impression intuitive de
maitriser le destin de celui-ci, et de changer le cours des actions du film. En toute rigueur, si
une personne choisit une option, et une autre, le choix inverse, il apparait logique que la
suite du film ne découlera pas de la même manière. Mais, peut-on garantir la fiabilité de ce
film? Bien que le film nous pousse à considérer que les écrans nous permettent de faire des
choses que dans la vie réelle on n'en pourrait pas faire. Un certain nombre de symboles nous
révèlent le caractère fallacieux et illusoire de cette liberté des écrans . Commençons par le
symbole white bear , représenté de la manière suivante:

4 « Autant de mondes sans connexion » : Leibniz et Lewis sur la compossibilité et l’unité du monde | Cairn.info
5
En fait, ce signe réfère à un épisode de Black Mirror ( l’épisode 2, de la saison 2) , série qui
illustre certaines problématiques philosophiques dont l’indiscernabilité du réel d’avec le
virtuel . Dans cet épisode, il nous est exposé les châtiments imposés à Victoria , qui a exécuté
un infanticide, celle-ci est gardée en permanence au White Bear Justice Park.

On lui inflige un certain nombre de tortures dont la souffrance éternelle, le lynchage


perpétuel, et on réinitialise sa mémoire en fin de journée. C’est une forme de châtiment
antique: avec Prométhée , Sisyphe , Dédale. Dans cette série apparait le signe indiqué plus
haut, et est remis en exergue dans Bandersnatch. Pourquoi?

6
L’utilisateur est là pour voir souffrir Stephan, parsemé de choix ardus, et inextricable , à
noter qu’il est dépressif, ce que l’on voit dès les premières minutes, lorsqu’il inocule ses
médicaments. On demeure spectateur, et non plus maitres des actions de Stephan .

Autre chose, il y a une réelle importance accordée aux miroirs dans ce film. Notamment,
dans la scène où Stephan prend ses antis dépresseurs en se regardant dans le miroir . Ce
point est crucial voire déterminant pour la suite. En effet, quelle est la signification du
miroir , sinon de refléter l’âme de la personne qui se regarde? A ce moment-là Stephan
outre-passe le miroir, et le traverse, où il observe un enfant, avec une peluche? En fait, se
trame ici le rôle de la culpabilité de de Stephan face au meurtre commis auprès de sa mère.
Dans ce passage, il est à signifier la référence explicite de Lewis Carroll, et la traversée du
miroir, récit loufoque , où les règles de l’univers semblent inversées. Un autre personnage
rentre en scène et c’est Colin, très important car il aide Stephan , il devient son mentor et le
germe de sa folie . Il l’aidera tout au long du film, mais ce qui nous intéresse ici, est la phrase
qui retentit et se lie à notre sujet : “ Il y a des messages cachés dans tous les jeux ; tu sais ce
que bac signifie? Program and control. C’est-à-dire que l’homme peut programmer et
contrôler. Le jeu entier est une métaphore, il croit détenir le libre-arbitre, mais en fait, il est
coincé dans un labyrinthe, un système, où il est condamné à consommer, il est poursuivi par
des démons. Tout le monde croit que c’est un jeu, mais il n’y a rien d’amusant là-dedans,
c’est un cauchemar, c’est vrai, et c’est notre vie”.5 Cette citation est décisive , et elle
pourrait résumer toute l’ambition de cet article. Prenons par notions : une programmation
s’exécute en fonction d’un certain nombre de codes et un langage spécifique, comme
Python, celle-ci détermine une suite logique, un langage et influence des chaines causales, et

5 Je prends la liberté de souligner en gras les termes cruciaux

7
peut de fait “ contrôler”, c’est-à-dire, épier, comme nous épions Stephan durant tout le film,
nous-mêmes manipulés par le créateur du film. Lorsqu’il dit “ il croit”, et non pas “ il sait”, on
rentre dans un registre de certitude moindre, encore plus, croire n’est pas savoir, dans le
premier cas, nous sommes comme enfermés dans des opinions, des préjugés, des lieux
communs, mais nous ne savons pas dans la mesure où nous connaitrions la vérité.
Notamment, le fait de ne pas détenir le libre-arbitre. Toutefois, parler de libre-arbitre, est-ce
parler de liberté? On entend par libre-arbitre, une volonté qui s’exprime en étant affranchi
de tout déterminisme quelconque, et en cela, il est seul, et permet de penser et d’agir. Alors,
que la liberté s’apparenterait plutôt au corps, ou même d’un point de vue moral, il n’est pas
contre-intuitif d’affirmer que nous demeurons libres, malgré des circonstances, des
déterminismes extérieurs. En réalité, “il croit détenir le libre-arbitre", ne signifie rien d’autre
que : “ il est déterminé à choisir telle option”. Il faut avouer que certaines assertions de cette
situation ne sont pas cohérentes avec l’intention principale du film, et pourtant, elle
interroge l’utilisateur, c’est à comprendre, l’homme, dans ses conceptions, et plus
particulièrement, dans ce qu’il croit de ce monde virtuel où le monde des possibles
s’ouvrirait sous ses pieds, où tout serait permis. Il ne s’agit absolument pas de cela, puisque :
“ tout n’est que code, si jamais tu tends l’oreille, tu peux entendre un chiffre”. 6 Est même
questionné dans ces citations du extraites du film, une certaine perception de la réalité. De
même, ne peut-on pas concilier le symbole de white bear, d’avec le fait que les basses
correspondraient aux conséquences de nos choix, et les extrémités, aux embranchements ?
Puis, est noté une autre chose probante de la bouche de Colin: “ il a l’illusion qu’il a le
contrôle, alors qu’en fait, c’est moi qui décide de la fin du jeu”. Malgré le fait que Colin
puisse choisir des chocapic plutôt que des miels pops, ou bien, une musique d’alt-j au lieu de
Pink Floyd, ce qui est à comprendre ici, c’est que Stephan tuera, quoiqu’il en soit, son père ,
puisque, dans un labyrinthe , il y a plusieurs chemins, mais qu’une seule sortie : en fait, à
travers ce film interactif, on ne fait qu’aider Stephan à faire son jeu, rien d’autre.

Une idée nous tarabuste car, une fois avoir établi que le virtuel et le réel ne se distinguaient
pas en tant que l’un est limité par des lois physiques, biologiques, et sociales, et que l’autre
est circonscrit par l’imagination humaine, des codes, des bits, des datas, un clavier même,
une connexion internet. Ne faut-il pas dès lors établir les conditions d’établissement de la

6 A noter la référence à Matrix

8
morale dans les mondes virtuels ? Parce qu’il s’impose à l’esprit que si l’on nous laisse la
possibilité de tuer des personnes, de faire faire à Stephan ce que nous voudrions nous-
mêmes faire dans la vraie vie et qui est jugé impie ou omis, alors, il semble probant de se
demander si du point de vue de la morale, nous sommes plus libres dans le monde virtuel ,
ou, à l’inverse, nous n’obéissons qu’aux maximes réelles et efficientes, et qu’ainsi, ne
diffèrent point de “ la vraie vie”? 7 Selon Kant, “ Tout le monde doit convenir que pour avoir
une valeur morale, c’est-à-dire pour fonder une obligation, il faut qu’une loi implique en elle-
même une absolue nécessité”, et “ ce principe doit être recherché”. Qu’est-ce à dire ? Pour
parler d’absoluité de la morale, on exclut la casuistique, donc , ce qui pourrait se dérouler
dans un monde connecté , des particularités qui feraient effondrer l’absolue nécessité des
préceptes de la raison pure et qui suggère une certaine vie bonne, une existence insérée
dans une société , avec une multitude d’individus donnés. La morale, permet à une personne
responsable et libre, de juger du bien, et du mal, dans les comportements des autres, et les
siens, dans des actions, dans des pensées . Elle est donc universelle, en cela que nul ne se
dépossède des voix de la morale qui lui insuffle la manière dont il doit agir, et le rend
responsable de ses actions. De toute évidence, s’autoriser à agir de manière vicieuse dans
les jeux vidéos, et dans un film interactif comme Bandersnatch, consiste à comprendre que
l’on éprouve un certain plaisir quant à la souffrance de l’autre . Or, l’homme n’est-il qu’un
être dépourvu de toute sollicitude et de mansuétude ? Si comme Aristote 8, on affirme que
l’habitude forge notre comportement , notre éthique , n’est-il pas clair ici que se permettre
de tuer et de violer des personnes sur une plateforme où l’on aurait le choix, est immoral, et
plus encore, nous renseigne sur notre morale douteuse ? On s’embourberait de faux
semblants et on parerait d’un masque indéfectible, dans la vraie vie, mais on laisserait libre
cours à nos désirs, semblables aux animaux . Mais, il est communément admis que l’homme
et l’animal diffèrent en cela que l’un possède une certaine raison , et l’autre, agit de manière
purement intuitive, instinctive et amoralement ? Pourtant, on voit bien que l’homme a
conscience de ses actions , qu’elles soient bonnes comme mauvaises. On en conclurait que
l’homme, du fait qu’il fasse le mal dans un autre cadre , qui est celui virtuel, il prendrait dès
lors plaisir face aux turpitudes et aux châtiments des autres. C'est à comprendre une
certaine souillure de l’âme9.

7
8 Aristote, Ethique à Nicomaque,

9 Platon, La République, livre IV

9
Ainsi, il s’agissait dans cet article de montrer que le monde IRL et IVL admettait une certaine
distance dans la mesure où les êtres en présence, et les modes d’existence de certains objets
n’étaient pas identiques à ceux de du monde que l’on connait, que l’on vit, que l’on
expérimente. Bien que le film Bandersnatch poussait l’utilisateur à augmenter sa liberté, et
d’une certaine façon à se juger maitre des actions des personnages en présence dans le film,
en réalité, il n’était que manipulé par un programme, un système établi au préalable, et dont
il ignore les mécanismes mis à l’œuvre . Il nous a poussé à nous interroger sur nos pratiques
et nos conceptions : celles de la liberté qu’on a réfuté par la présence de certains signes dans
le film qui nous montraient que l’on n’était pas pleinement possesseurs des choix de
Stephan, étant donné que quelles que soient les chemins choisis, on arrivait nécessairement
à une fin déterminée . De plus, cela nous a permis de nous questionne sur le champ des
possibles un point de vue de la morale dans ce film, et le monde virtuel en général. Il
apparait dès lors inapproprié de considérer que l’on ouvre des possibles illimités en allumant
un ordinateur ou une télévision, parce qu’on l’a montré, les bits, et les datas, déterminent
d’une certaine façon les actions mêmes des choix potentiels que l’on a.

Bibliographie :

- Isabelle Pariente Butterlin, Philosophie de l’espace connecté (2018)


- Descartes, Méditations Métaphysiques (1641), la première
- David Lewis, Pluralité des mondes
10
- Article « Autant de mondes sans connexion » : Leibniz et Lewis sur la
compossibilité et l’unité du monde | Cairn.inf
- Aristote, Ethique à Nicomaque, livre II et III
- Platon, la République, livre IV

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