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SENSIBILITÉ DU RISQUE DE CRÉDIT AU PRIX DU CARBONE

E DOUARD P INEAU∗ (P H .D), R EMY E STRAN (P H .D), L UCIE D ELZANT


EthiFinance
11 Avenue Delcassé, 75008 Paris, France

Résumé. Un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) consiste à trouver un prix efficace
du carbone, qui transfère le coût des externalités négatives des GES aux entreprises qui en sont responsables
et qui peuvent l’éviter par des investissements appropriés. Cependant, un prix du carbone en hausse peut
fragiliser financièrement certaines d’entre elles, et par extension les banques qui leur prêtent des fonds. Dans
ce contexte la Banque Centrale Européenne organise un stress test climatique, dont une partie concerne le
risque lié à une hausse du prix du carbone. Dans ce papier, nous présentons une méthode pratique d’évaluation
de la sensibilité du risque de crédit au prix du carbone.

M OTS - CLÉS . Emissions de carbone, Risque de transition, Risque de crédit, Stress test climatique BCE.

C LASSEMENT JEL : G18, G24, E58, Q01.

1. INTRODUCTION
Dans un contexte de changement climatique dû aux activités humaines (Caldeira and Wickett, 2003),
l’un des grands indicateurs de la transition écologique, devenu outil de pilotage de la politique du change-
ment, est la quantité de gaz à effet de serre (GES) émise par les activités économiques. Des accords inter-
nationaux récents, comme l’accord de Paris (Paris Agreement, 2015), ont fixé des objectifs d’émission de
GES pour la communauté internationale, et en particulier pour les pays par le biais de contributions dé-
terminées au niveau national (CDN). Ces CDN sont des feuilles de route que les pays s’engagent à suivre
pour réduire leurs émissions de GES et répondre à l’objectif d’un réchauffement climatique inférieur à
2°C en 2100 par rapport au niveau pré-industriel. Elles peuvent être ajustées régulièrement pour atteindre
au plus vite la neutralité carbone (i.e., l’équilibre entre émissions anthropiques et absorptions naturelles
ou artificielles) : par exemple, l’Union Européenne (UE) a fait passer son objectif de diminution de GES
émis par rapport à 1990 de 40% net (CDN de 2015) à 55% net (CDN de 2020).
En particulier, deux tiers des CDN déposées par les pays auprès de l’ONU comprennent la mise en
œuvre d’un prix du carbone comme outil de contrôle ou de compensation des émissions de GES. L’ob-
jectif de la tarification du carbone est de faire payer aux émetteurs le coût des externalités induites par
les GES. Cette idée ne date pas de l’accord de Paris : depuis 2005 et la mise en place d’un système
d’échange de quotas d’émissions (SEQE) au sein de l’UE, le carbone a un prix de marché, déterminé par
les échanges entre entreprises appartenant à des secteurs particulièrement émetteurs, compte tenu d’une
quantité distriubuée par les Etats au travers d’un plan national d’allocation de quotas (Zetterberg et al.,
2004). Chaque année, la quantité de quotas disponible sur le marché diminue (e.g., la France l’a réduite
de 1,74% par an sur la période 2013-2020 , avec l’objectif d’atteindre 0% de quotas gratuits ).
Bien que des études aient montré que le SEQE n’a pas spécifiquement eu d’impact sur la compétiti-
vité (Arlinghaus, 2015) ou sur la performance (Dechezleprêtre et al., 2018) des entreprises, ces résultats
viennent de données historiques enregistrées alors que le prix du carbone n’était pas élevé et les quo-
tas gratuits largement distribués. Dans un marché du carbone inflationniste et avec des régulations plus
contraignantes, l’impact du carbone sur la performance et donc le crédit des entreprises pose la question
de la résistance du marché à une hausse forte des prix du carbone.


Correspondance : edouard.pineau@ethifinance.com

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Pour les banques, l’exposition au risque de crédit et la valeur des fonds propres peuvent être sensibles
à l’augmentation du prix du carbone, avec des risques allant du défaut de la contrepartie à la dépréciation
de la valeur des actifs. Ce risque est appelé risque de transition.
A l’instar des risques macro-financiers, les risques de transition intéressent les régulateurs bancaires.
Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a par exemple récemment créé un groupe de travail sur
les risques financiers liés au climat (Task Force on Climate-related Financial Risks, TFCR). La TFCR
contribue à l’objectif du Comité d’accroître la stabilité financière en prenant des initiatives sur les risques
financiers liés au climat. Sa recherche économique a par exemple répertorié les risques financiers liés au
climat (Basel Committee on Banking Supervision, 2021b), sondé les membres du comité de Bâle pour
connaître leurs différentes initiatives à ce sujet (Basel Committee on Banking Supervision, 2020), ou
relevé leurs méthodologies associées (Basel Committee on Banking Supervision, 2021a).
Dans ce contexte, la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé d’organiser un exercice de résis-
tance aux risques climatiques, également appelé stress test climatique (STC), inspiré des stress tests
de l’Authorité Bancaire Européenne (STEBA) (European Banking Authority, 2021) relatifs aux risques
macro-financiers. Pour cet exercice, la BCE s’inspire des scénarios climatiques du NGFS (Network for
Greening the Financial System) (Bertram et al., 2020) et définit un ensemble de trajectoires macro-
financières incluant les impacts du changement climatique. Dans ces scénarios, le risque de transition à
court terme (3 ans) correspond à une augmentation brutale et inattendue du prix du carbone liée à une
transition désordonnée qui suppose que les politiques climatiques ne sont pas introduites avant 2030,
impliquant une hausse soudaine et brutale des prix du carbone (European Central Bank, 2021).
Il est donc nécessaire pour les banques d’avoir de nouvelles méthodologies claires. Nous proposons
dans le présent article une méthode facilement implémentable car inspirée des stress tests spécifiques
bancaires, permettant de calculer la sensibilité des probabilités de défaut (PD) d’un portefeuille à l’aug-
mentation du prix du carbone.

2. DÉFINITIONS ET HYPOTHÈSES
2.1. Emissions de gaz à effet de serre
Scopes de GES. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont divisées en trois scopes :
— Le scope 1 (S1) couvre les émissions de GES provenant d’installations fixes et mobiles à l’intérieur
du périmètre organisationnel, émises directement par l’activité de production
— Le scope 2 (S2) comprend les émissions indirectes associées à la production d’électricité, de chaleur
ou de vapeur importée pour les activités de l’organisation
— Le scope (S3) comprend toutes les autres émissions, liées indirectement à l’activité avant ou après
la production. En général, la majorité des émissions émises se trouve dans ce scope.

2.2. Le prix du carbone


Definition. Le prix du carbone est un instrument permettant de prendre en compte les externalités né-
gatives des émissions de GES, soit les conséquences des émissions payées par la société qui n’en est
pas directement responsable. Il s’agit notamment des dommages causés aux cultures, des coûts des soins
de santé liés aux vagues de chaleur, aux sécheresses et à la pollution, et des pertes matérielles dues aux
inondations et à l’élévation du niveau de la mer. Les émetteurs de GES doivent alors arbitrer s’il est
plus avantageux de payer le prix du carbone ou de réduire leurs émissions par des investissements et
transformations idoines.
Principaux systèmes de tarification du carbone. Il existe plusieurs systèmes qui utilisent et évaluent le
prix du carbone, et le rendent utilisable par les entreprises et les investisseurs.

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Le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) (Ellerman and Joskow, 2008) est un système
par lequel les émetteurs peuvent échanger des quotas d’émission. En créant une offre et une demande
d’unités d’émission, un SEQE établit un prix de marché du carbone. Ce système est celui du cap-and-
trade (Stavins, 2008), où les gouvernements fixent un plafond d’émissions totales pour un ou plusieurs
secteurs de l’économie et les répartit entre les entreprises œuvrant dans ces secteurs sous forme de quotas.
Ces entreprises peuvent recevoir, acheter ou échanger des quotas sur le SEQE.
Un mécanisme de compensation volontaire (Kollmuss et al., 2008) permet à des entreprises ou des
États qui souhaitent ou doivent réduire leurs émissions de GES de s’acquitter en finançant un projet de
réduction ou de séquestration du carbone. Le prix du carbone sur le marché de compensation volontaire
est déterminé par différents facteurs propres aux projets financés, et n’est donc pas unique (Conte and
Kotchen, 2010).
Le results-based climate financing (RBCF) (World Bank, 2017) est un mode de financement dans
lequel un investisseur verse des fonds à un bénéficiaire après l’obtention et la vérification indépendante
d’un ensemble de résultats convenus à l’avance, par exemple concernant des objectifs d’émissions de
GES. Le RBCF peut générer des crédits carbone, aidant à l’alimentation en liquidité du marché carbone.
Le prix interne du carbone (Olivier, 2018) est un prix intégré par les entreprises dans leur modèle
économique sans attendre sa mise en place par les pouvoirs publics. Ce prix peut être fixé en fonction
prix sur le SEQE, en se calquant sur la valeur tutélaire du carbone ou selon des critères projectifs par
exemple basés sur les scénarios de prix carbone donnés par les régulateurs.
Plus généralement, les déterminants explicites ou implicites du prix du carbone ont été étudiés par
exemple dans (Chevallier, 2013). Les auteurs classent les principaux facteurs en décision institutionnelle,
influence du prix de l’énergie et des conditions météorologiques et chocs macroéconomiques et financiers.
Dans ces trois catégories de facteurs, une hausse importante et soudaine du prix du carbone tel que prévu
dans le scénario de court terme du STC de la BCE est plausible.

2.3. Risque de transition et risque de crédit


Dans les scénarios du STC, une augmentation brutale et coercitive du prix du carbone se produit. No-
tons qu’il s’agit d’une analyse tail-risk de court terme, et non d’un scénario de référence. Comme il s’agit
d’un risque à court terme, le bilan des banques et l’environnement macroéconomique sont considérés sta-
tiques.
Performance et risque financiers face au prix du carbone. Plusieurs études ont examiné l’impact du
prix du carbone sur la performance et le risque financiers. Oestreich and Tsiakas (2015) étudient empi-
riquement l’effet du SEQE sur les rendements boursiers allemands. Ils montrent que les entreprises qui
ont reçu des quotas de l’UE étaient en moyenne plus meilleures que les autres. Ce résultat confirme les
conclusions de Oberndorfer (2009) qui proposent une étude similaire réalisée sur les entreprises d’électri-
cité de plusieurs pays européens, et de Scholtens and van der Goot (2014) qui analysent les effets positifs
du système de quotas sur les rendements boursiers dans quatre industries responsables d’une majorité
des émissions de GES de l’UE. D’autres études ont montré dans quelle mesure les prix du marché ont
déjà intégré les risques liés au carbone. Par exemple Andersson et al. (2016) montrent que tant que des
mesures d’atténuation du changement climatique sont en suspens, l’indice bas-carbone a les mêmes per-
formances que l’indice de référence ; une fois les émissions de GES tarifées, l’indice bas-carbone devrait
commencer à surperformer l’indice de référence. Görgen et al. (2020) développent une mesure du risque
carbone et observent deux effets opposés : les entreprises polluantes sont associées à des rendements
moyens plus élevés, tandis que la diminution de la crédibilité écologique des entreprises est associée à
des rendements d’annonce plus faibles. Enfin, ils étudient la prime de marché associée au risque de tran-
sition et constatent que, parmi les risques de transition à court terme, la prime est plus importante pour
les entreprises situées dans des pays à faible développement économique (plus dépendants des énergies
fossiles).

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Risque de crédit et prix du carbone. Le risque de crédit est défini comme le risque qu’un emprunteur
ne soit pas en mesure d’honorer ses obligations financières en temps voulu. Lorsque le prix du carbone
augmente, les revenus des entreprises émettrices diminuent, et leur capacité à faire face à leurs obliga-
tions de crédit avec. Deux études récentes ont examiné l’impact du prix du carbone sur la probabilité de
défaut (PD). Une étude de l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement
(UNEPFI, 2018) utilise le modèle de Merton (Merton, 1974) pour estimer la PD d’une contrepartie in-
cluant un prix du carbone. Le modèle de Merton décrit la valeur d’une entreprise comme le prix d’une
option d’achat sur ses actifs avec un prix d’exercice égal à moins ses passifs. Avec ce modèle, nous pou-
vons estimer la probabilité que l’actif d’une entreprise ne compense plus ses passifs, et par extension sa
PD. Avec ce modèle, Capasso et al. (2020) montrent que PD de Merton est négativement associée à la
quantité d’émissions de carbone d’une entreprise et à son intensité carbone. Bouchet and Le Guenedal
(2020) analysent l’impact de la variation du prix du carbone au niveau sectoriel, pour une variation du
prix du carbone allant jusqu’à $20 pour le risque de court terme, et jusqu’à $780 pour les risques de
long terme. Nous notons que pour les risques à court et à long terme, ils utilisent une approche statique
(i.e., les entreprises n’adaptent pas leurs émissions de GES ou leur modèle d’affaires), ce qui semble peu
raisonnable pour les scénarios longs.
Un exemple plus pratique est le Score Carbone d’Axylia 1 , qui indique aux investisseurs et aux particu-
liers si une entreprise est solvable et responsable après soustraction dans ses revenus du coût du carbone
qu’elle émet. Pour les banques, ce Score Carbone est un indicateur du crédit des entreprises présentes
dans leur portefeuille compte tenu des enjeux climatiques.

2.4. Méthode d’évaluation de la sensibilité du crédit au prix du carbone


Comme dans les études présentées ci-avant (Capasso et al., 2020, Bouchet and Le Guenedal, 2020),
nous déterminons la relation entre une hausse du prix du carbone et la hausse du risque de crédit d’un por-
tefeuille en utilisant la variation de la PD. Cependant, ces deux articles présentent deux limites pratiques
pour les banques. Premièrement, les hypothèses du modèle de Merton sont particulièrement restrictives :
marchés parfaits sans friction, les passifs de chaque entreprise sont des obligations à coupon zéro, la
valeur de l’entreprise ne dépend pas de sa structure financière, la valeur de l’entreprise est un processus
stochastique à volatilité constante. Deuxièmement, les auteurs n’utilisent que les émissions de GES du
scope 1, ce qui n’est pas conforme aux exigences du STC de la BCE.
Dans notre article, nous utilisons l’approche suivante : le prix du carbone sur les trois scopes est
soustrait des résultats financiers des entreprises de notre périmètre d’étude, puis nous utilisons un modèle
de rating financier (basé sur des ratios de solvabilité) pour obtenir les PD avant et après impact carbone.
A partir des variations de PD liées au carbone, nous pouvons calculer :
— Les variations de PD d’un portefeuille
— Les variations de PD d’un secteur d’activité
— Les matrices de sensibilité par couple secteur/rating, permettant de dégrader la PD de n’importe
quelle contrepartie à partir du moment où son rating initial (avant effet carbone) et son secteur
d’activité sont connus
Avec des éléments méthodologiques similaires à ceux des stress tests spécifiques bancaires, nous enri-
chissons la littérature sur la sensibilité du risque de crédit au prix du carbone avec une méthode pratique
qui peut être implémentée dans les banques et qui respecte les exigences du STC de la BCE.

3. PRÉSENTATION DE LA MÉTHODE
Nous présentons une illustration de la méthode dans la Figure 1.

1. https ://www.axylia.com/score-carbone-axylia

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F IGURE 1.—Schéma de la méthode complète d’évaluation de la sensibilité des PD au prix du carbone. Les cases
orange concernent les données d’émissions de GES. Les cases jaunes concernent les données de rating. Les cases
bleues conrrespondent au rating avant et après stress carbone. La case blanche donne la sensibilité de la PD à une
variation du prix du carbone.

3.1. Data related to GHG emissions

Données. Nous utilisons la base de données propriétaire d’EthiFinance, contenant notamment les va-
riables : émissions de GES scopes 1, 2, and 3 (en tonnes équivalent CO2, tCO2), bilan financier sur
3 ans (2018-2020), secteur GICS, nombre d’employés. Pour ce papier, nous sélectionnons 1200 entre-
prises européennes avec un chiffre d’affaires (CA, en MC) supérieur à 10M C et des données bilancielles
complètes, donnant une distribution sectorielle similaire à celle du Stoxx600.

Prétraitement des données. Les données sont prétraitées afin d’imputer les valeurs manquantes ou ex-
trêmes (e.g., intensités carbone hors distribution témoignant d’un problème de reporting). En particulier,
nous supposons que plus l’entreprise en grande plus elle émet des GES. Cette hypothèse est en accord
avec les proxies donnés dans le guide méthodologique du STC (European Central Bank, 2021), proposés
par Carbon4 (Carbon Impact Analytics, 2015) ou par le GHG Protocol (Standard, 2011), et revus dans
(Gerardi et al., 2015). Deux indicateurs de la taille de l’entreprise sont le CA et le nombre d’employés.
Nous savons également que le secteur d’activité est une variable importante dans la détermination de
la relation entre taille de l’entreprise et émissions de GES. En séparant par secteur d’activité, et après
passage au log (les variables de tailles étant distribuées en loi de puissance (Okuyama et al., 1999)), nous
obtenons le tableau de corrélations Table I.
A partir de chaque couple secteur/scope, nous appliquons une régression linéaire robuste (Mangasarian
and Musicant, 2000) pour lier le (log) CA ou le (log) nombre d’employés (selon la corrélation la plus
forte dans la Table I) à chaque scope de carbone. Nous remplissons les données de GES manquantes dans
chaque secteur avec ces régressions. Le R2 moyen des régressions par secteur est de 0.81 ± 0, 2.
Nous notons qu’il existe d’autres méthodes d’évaluation de l’emprunte carbone d’un portefeuille de
crédits, comme la méthodologie PX9CA développée dans le cadre de la Chaire Finance et Développe-
ment Durable de Dauphine (soutenue par CACIB) et publiée dans un guide de l’ADEME (2014).

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Employés Chiffre d’affaire

Secteurs \GHG scopes S1 S2 S3 S1 S2 S3

Industrials 0.75 0.74 0.84 0.69 0.65 0.87


Materials 0.83 0.72 0.84 0.73 0.79 0.94
Communication Services 0.96 0.96 0.97 0.95 0.92 0.99
Utilities 0.82 0.83 0.86 0.75 0.72 0.93
Energy 0.91 0.81 0.93 0.94 0.76 0.97
Consumer Discretionary 0.88 0.94 0.95 0.86 0.87 0.96
Information Technology 0.79 0.81 0.80 0.84 0.85 0.9
Consumer Staples 0.94 0.96 0.90 0.87 0.86 0.89
Health Care 0.84 0.92 0.91 0.82 0.82 0.98
Tous secteurs 0.48 0.66 0.76 0.65 0.70 0.89

TABLE I
C ORRÉLATION ENTRE CHAQUE SCOPE D ’ ÉMISSION DE GES ET LE NOMBRE D ’ EMPLOYÉS / DE REVENUS , POUR
CHAQUE SECTEUR DU GICS.

3.2. Stress des PD par le prix du carbone


Nous utilisons une calculatrice de rating pour calculer la PD avant et après choc du prix du carbone, et
non le modèle de Merton dont les limites ont été relevées ci-dessus.

Modèle de notation financière. Les modèles de notation sont des outils utilisés pour évaluer la PD
d’une contrepartie à partir de plusieurs facteurs financiers et extra-financiers (e.g., secteur, qualité du
management, etc.). Pour ce papier, nous utilisons un modèle de notation purement financier, basé sur les
quatre ratios de crédit suivants :

— Ratio dette nette sur EBITDA est un ratio d’endettement qui montre combien d’années de revenus
il faudrait à une entreprise pour rembourser sa dette si la dette nette et l’EBITDA sont mainte-
nus constants. Nous ajoutons une pénalisation conservatrice : nous dégradons à CCC les cas où
l’EBITDA est négatif avec une dette nette positive.
— Ratio de couverture des intérêts par l’EBITDA évalue la pérennité financière d’une entreprise en
examinant si elle est au moins suffisamment rentable pour rembourser ses charges d’intérêts avec
son EBITDA. Nous pénalisons à CCC les cas où l’EBITDA ne couvre pas les intérêts.
— Ratio de couverture des intérêts par l’EBIT évalue la pérennité financière d’une entreprise en
examinant si elle est au moins suffisamment rentable pour rembourser ses charges d’intérêts à l’aide
de son EBIT. Nous pénalisons à CCC les cas où l’EBIT ne couvre pas les intérêts.
— Ratio des fonds provenant des opérations (FFO) sur la dette nette est un ratio de levier évaluant
la solvabilité en termes de liquidités. Nous pénalisons à CCC les cas où le FFO est négatif avec une
dette nette positive.

A partir de ces ratios, nous utilisons une calculatrice de rating financier d’EthiFinance adaptée spécia-
lement pour l’exercice d’impact direct des effets carbone. Pour cet article, nous obtenons la PD associée
à chaque note de crédit (rating) à partir du tableau default rates figurant dans l’étude Annual Global
Corporate Default And Rating Transition Study 2 de Standard & Poor’s (S&P). Nous utilisons la PD
moyenne du tableau Taux de défaut des entreprises mondiales sur un an par modificateur de notation,
comme autorisé dans les banques pour les portefeuilles de grandes entreprises, soit :

2. https ://www.spglobal.com/ratings/en/research/articles/210407-default-transition-and-recovery-2020-annual-
global-corporate-default-and-rating-transition-study-11900573

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SENSIBILITÉ DU RISQUE DE CRÉDIT AU PRIX DU CARBONE 7

AAA AA+ AA AA- A+ A A- BBB+ BBB BBB- BB+ BB BB- B+ B B- CCC

PD moyenne 0.00 0.00 0.01 0.02 0.04 0.05 0.07 0.12 0.21 0.24 0.49 0.68 1.21 2.07 5.76 8.73 24.92

TABLE II
TAUX DE DÉFAUT DONNÉS PAR S& P DANS SON Annual Global Corporate Default And Rating Transition Study,
UTILISÉS NOTAMMENT PAR LES BANQUES POUR ÉVALUER LA SOLVABILITÉ DES GRANDES ENTREPRISES .

R EMARQUE 3.1: Il est important de noter que pour cet exercice et à l’instar de Bouchet and Le Gue-
nedal (2020), nous ne prenons en compte que la partie financière du rating. Néanmoins, il est possible
d’ajouter des ajustements sectoriels et géographiques.

Afin d’utiliser les taux de défaut de S&P, nous devons vérifier que la distribution des notes de notre
portefeuille d’étude est similaire à celle des notes S&P. Nous récupérons sur un maximum de lignes de
notre portefeuille d’étude la notation S&P et effectuons un test de Kolgomorov-Smirnov à deux échan-
tillons (test KS) (Massey Jr, 1951), l’hypothèse nulle étant "même distribution". Nous obtenons une
grande valeur p (0.65), ce qui indique que nous ne pouvons pas rejeter l’hypothèse nulle.

PD stressées. Afin d’obtenir une PD stressée basée sur les GES, nous impactons les quatre ratios de crédit
avec un montant égal au prix du carbone multiplié par les émissions de GES pour chaque entreprise.
Comme pour le risque de transition à court terme du STC de la BCE nous supposons que :
— Le bilan est statique
— Il n’y a pas de répercussion du prix du carbone sur les clients ou les fournisseurs
— Il n’y a pas de collusion sectorielle pour réduire ou partager l’impact des prix élevés du carbone
Sous ces hypothèses, nous pouvons directement modifier les revenus de chaque entreprise en fonction du
prix du carbone fois les émissions de GES ; en particulier, nous impactons l’EBIT/EBITDA et le FFO.
En outre, pour les entreprises rentables dont le revenu diminue, les taxes payées sont plus faibles. Par
conséquent, nous réduisons l’impôt de chaque entreprise rentable en utilisant le taux d’imposition de son
pays de siège social, soit un impact positif dans le FFO.
Nous utilisons la calculatrice de rating avec les ratios stressés et obtenons une notation stressée pour
chaque entreprise. Comme pour les notations initiales, nous utilisons la Table II et obtenons les PD
stressées. A partir des PD et PD stressées, nous pouvons construire une table de sensibilité des PD au
prix du carbone, pour chaque couple secteur/rating initial.

4. RESULTATS DU STRESS TEST

Résultats sur l’ensemble d’un portefeuille. Nous montrons sur la figure 2 la distribution de la densité
des PD avant et après la contrainte carbone. Nous voyons que la densité des PD s’étend essentielle-
ment sur la plage 0-8% après le choc du prix du carbone, contre 0-2 avant. L’évolution des quantiles
de différence entre PD stressée et non-stressée (notée ∆PD) montre que ∼ 10% des entreprises ont une
dégradation de leur PD supérieure à 5% ; ∼ 5% ont une dégradation supérieure à 10%.
Résultats par secteur. Nous analysons par secteur la dégradation de la solvabilité due à la hausse du
prix du carbone. Dans (Bouchet and Le Guenedal, 2020), où l’analyse a été effectuée uniquement sur le
scope 1 et en utilisant le modèle de Merton pour les PD, les secteurs les plus touchés sont Materials et
Utilities, suivis de loin par Energy. Dans la figure 3, nous observons les mêmes deux secteurs les plus
touchés ; cependant, le troisième secteur le plus touché est Consumer Staples, puis Energy.
Nous pouvons expliquer l’impact élevé sur les entreprises classées dans la catégorie Consumer Staples
en examinant la figure 4. Si l’on ne considère que le scope 1, les secteurs les plus touchés en termes

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0.6 PD
PD stressée 20
PD moyenne

ΔΔPDΔ(%)
Densité

0.4
PD moy. stressée
10
0.2
0.0 0
0 2 4 6 8 10 12 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0
PD (%) Quantiles

(a) Distribution des PD avant et après stress (b) Quantiles de la variation des PD (∆PD)

F IGURE 2.—Éléments de la distribution des PD avant et après la contrainte du carbone. Dans la figure 2a, les
moyennes respectives avant et après la contrainte sont de 0,43 et 2,07.

PD moyenne par secteur


6 PD
PD stressed
4
PD (%)

0
He ergy

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Co

F IGURE 3.—PD moyenne (%) avant et après stress par le prix du carbone.

d’EBITDA sont en effet les Materials, les Utilities et les Energy. Cependant, le secteur Consumer Staples
un fort scope 3. Par conséquent, lorsque tous les périmètres sont pris en compte pour le stress, comme
le recommande la méthodologie de la BCE, des secteurs peuvent se révéler très fragilisés par une hausse
du prix du carbone.

10000
S1/EBITDA
7500 S2/EBITDA
S3/EBITDA
5000
2500
0
gy

re
les

ls

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es

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Co

F IGURE 4.—Moyenne des émissions de GES sur EBITDA (tCO2/MC), pour chaque secteur.

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SENSIBILITÉ DU RISQUE DE CRÉDIT AU PRIX DU CARBONE 9

Comme pour les résultats agrégés, nous pouvons décomposer l’analyse en examinant les quantiles des
∆PD dans la figure 5. On constate que la solvabilité du secteur Materials se dégrade le plus rapidement,
avec ∼ 35% des entreprises ayant un ∆PD supérieur à 5%. Pour le Utilities, la dégradation moyenne de
5% concerne ∼ 20% des entreprises. Elle est directement suivie par Consumer Staples. Ensuite, ∼ 15%
des entreprises du Energy ont un ∆PD supérieur à 5%. Par rapport aux résultats récents donnés dans
le (Bouchet and Le Guenedal, 2020), la différence majeure concerne le Consumer Staples, en raison de
l’introduction des scopes 2 et 3.

25 Communication Services
Consumer Discretionary
20 Consumer Staples
Energy
15
ΔΔPDΔ(%)

Health Care
Industrials
10 Information Technology
Materials
5 Utilities
0
0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Quantiles

F IGURE 5.—Evolution des quantiles de variation des PD (∆PD) par secteur GICS.

5. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Dans cet article, nous avons proposé une méthodologie pratique permettant aux banques d’évaluer leur
résistance à une hausse brutale et soudaine du prix du carbone. La méthodologie proposée répond à la
partie "effets directs" du module 3 du stress test climatique de la BCE, dans laquelle est scénarisée une
hausse brutale du prix du carbone à court terme. Par rapport aux méthodes existantes proposées dans la
littérature récente, qui sont basées sur le modèle de Merton et ne prennent en compte que le premier scope
des émissions de gaz à effet de serre, nous avons développé une approche similaire aux méthodologies
déjà mises en œuvre dans les banques pour leurs stress tests spécifiques.
Nous avons proposé une série d’expériences illustratives pour mieux comprendre les résultats d’un
test de résistance au carbone à court terme. En particulier, nous avons analysé les effets sectoriels de
la modification des prix du carbone, et avons déterminé que les secteurs Materials, Utilities, Consumer
Staples et Energy sont les plus touchés sur leur solvabilité financière.
Dans des travaux ultérieurs, nous formaliserons et mettrons en œuvre la méthodologie pour la partie
long terme du stress-test, avec des bilans dynamiques et des scénarios macro-financiers appliqués aux
secteurs et pays. Par ailleurs, nous utiliserons notre méthode pour approfondir l’étude de la hausse du
prix du carbone sur solvabilité des entreprises sur d’autres périmètres sectoriels et géographiques.

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Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=4064036

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