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A- POSITIVISME HUMIEN ET POSTMODERNISME

Avant de réfléchir sur le rapport du positivisme de Hume au


postmodernisme, il convient que nous résolvions un problème préjudiciel, celui
de savoir si le couplage du positivisme au postmodernisme est
philosophiquement pertinent. Ce problème se pose, dans la mesure où il s’agit
des conceptions différentes voire exclusives. Alors que le positivisme, fût-il
humien, est méthodologiquement normatif et réductionniste et est assorti de la
promesse du bonheur, le postmodernisme – « gauchiste » de Jean-François
Lyotard ou anarchiste de Paul Karl Feyerabend (1) – est si avide de liberté qu’il
affirme la nécessité de s’affranchir des carcans normatifs d’une rationalité
répressive et identitariste, celle qui élabore des systèmes suivant des paradigmes
déterminés.
Le couplage du positivisme au postmodernisme est donc problématique,
puisque pour Jean-François Lyotard, « la science positive » – le modèle
d’intelligibilité du positivisme – « n’est pas un savoir »(2), mais plutôt un
instrument de puissance. Sa légitimation est essentiellement idéologique. Par
contre, le « trait frappant du savoir scientifique postmoderne est l’immanence à
lui-même »(3) en ce sens qu’il n’obéit pas à une méthodologie particulière dans
la perspective d’un paradigme donné. Il se déploie suivant les exigences de la
« paralogie »(4). C’est dans ce sens que Paul Karl Feyerabend soutient que
l’élaboration et le progrès du savoir scientifique postmoderne exigent que le
chercheur soit un anarchiste au double plan méthodologique et épistémologique.
Cet anarchisme consiste à rejeter les « Lois de la Raison » et « tout principe

1
- Jacques Bouveresse distingue ce qu’il appelle le postmodernisme « gauchiste » de Lyotard du postmodernisme
« bourgeois » de Rorty. Cf. son ouvrage intitulé : Rationalité et cynisme, Editions de Minuit, Collection Critique,
1984, p. 167.
2
- Lyotard (J.-F.), La Condition postmoderne, Editions de Minuit, Collection Critique, 1979, p. 64.
3
- Ibid., p. 89.
4
- La « paralogie », c’est le fait de « déranger l’ordre de la raison. » Cf. Ibid., p. 99. Au sujet de la
« paralogie », Jean-François Lyotard précise sa pensée en ces termes : « Il faut supposer une puissance qui
déstabilise les capacités d’expliquer et qui se manifeste par l’édiction de nouvelles règles de jeu de langage
scientifique qui circonscrivent un nouveau champ de recherche. » (Ibid.)
2

universel de toute tradition rigide. »(5) L’attitude philosophique de Hume ne


correspondrait donc pas à l’éthique postmoderne parce que le philosophe
écossais aurait, en dépit des apparences, remis en selle le vieux cheval cartésien
dans la perspective d’une chevauchée épistémologique dont seules les modalités
différeraient de celle de l’auteur des Méditations métaphysiques. Il voulait lui
aussi parvenir à des certitudes stables et vérifiables, mais en se fondant sur
l’observationnel. Son scepticisme serait l’expression de son désespoir d’y
parvenir, compte tenu des limites naturelles des facultés humaines et de la
complexité des matters of fact. Cela nécessitait qu’il ferme la porte que les
métaphysiciens laissaient ouverte aux fictions fantastiques. S’il lui faut éliminer
purement et simplement cette discipline dont les fictions occupent, en toute
illégitimité, le terrain de la « saine philosophie » et de la science, c’est parce
qu’il veut libérer, par le fait même, l’homme du fétichisme théologico-
métaphysique. Chez Hume, comme chez tous les philosophes modernes, la
légitimation de la science est fondée sur la promesse de libération de l’homme
de la mythologie obscurantiste dont la théologie et la métaphysique se rendent
coupables d’entretenir. Il y a donc lieu de se demander si Hume pouvait sauter
au-dessus de son temps, celui de l’Aufklärung, pour pouvoir problématiser, dans
la perspective du postmodernisme, la tradition rationaliste qui était celle du
modernisme.
Nous devons d’abord rappeler que c’est avec Locke, et surtout avec
Hume, que l’exigence de dépasser la tradition rationaliste, du moins telle qu’elle
a été instituée par Descartes, est formulée comme une nécessité philosophique.
La critique humienne de cette tradition ouvrira une brèche philosophique dans
laquelle vont s’engouffrer ceux qui, plus impétueux que le philosophe écossais,
iront jusqu’à condamner la Raison.

5
- Feyerabend (P.), Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance (1975), traduit de
l’anglais par Baudouin Jurdant et Agnès Schlumberger, Editions du Seuil, 1979, p. 17.
3

Si nous accordons à Alain Touraine que le postmodernisme se caractérise


par le rejet, mieux la déconstruction de la représentation moderniste du monde
(6), celle-là même que Hegel saluait comme étant à la fois le « lever du soleil »
ou l’aube de l’histoire (7), nous pouvons, rétrospectivement, appeler
postmoderniste, le positivisme de Hume.
Conçu en rupture avec « l’horizon catégorial » dans lequel s’est
constituée l’idée de modernité (8), le postmodernisme est surtout la conséquence
des promesses non tenues par le modernisme. Celui-ci promettait l’émancipation
de l’humanité de la mythologie et de la superstition. « Le programme de
l’Aufklärung, affirment Horkheimer et Adorno, avait pour but de libérer le
monde de la magie. Elle se proposait de détruire les mythes et d’apporter à
l’imagination l’appui du savoir. »(9) C’est ce que précise Alain Touraine
lorsqu’il soutient que « le modernisme affirmait que le progrès de la rationalité
et de la technique n’avait pas seulement des effets critiques de liquidation des
croyances, des coutumes et des privilèges hérités du passé, mais qu’il créait
aussi des contenus culturels nouveaux. »(10)
C’est pour cela que la modernité assigne un rôle particulier à l’éducation
et à la culture du développement des sciences et des techniques. Comme le
rappelle Gilbert Hottois, lorsqu’il dit que pour les Encyclopédistes,

« le progrès scientifique et technique apparaît comme le


centre moteur du progrès moderne en général. En effet :
- Il libère par rapport aux servitudes de la nature, puisqu’il
plie celle-ci au service de l’humanité. Tel est l’apport du
progrès technique.
- Il libère par rapport aux particularismes irrationnels des
communautés, traditions, religions, voire nations : les lois
scientifiques sont valables universellement, elles ne
6
- Cf. Touraine (A.), Critique de la modernité, Fayard, Collection Le Livre de Poche, 1992, pp. 244-247.
7
- Habermas (J.), Le Discours philosophique de la modernité. Douze conférences (1985), traduit de l’allemand
par Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, NRF/Gallimard, 1988, p. 8.
8
- Ibid., p. 5.
9
- Horkheimer (M.) et Adorno (T. W.), La Dialectique de la raison (1947), traduit de l’allemand par Eliane
Kaufholz, Tel/Gallimard, 1974, p. 21.
10
- Touraine (A.), op. cit., p. 239.
4

dépendent pas des croyances particulières à une vision du


monde. »(11)

Mais que sont devenus ces rêves séduisants dont la réalisation devait
coïncider avec la restitution à l’homme de l’initiative historique que la tradition
rationaliste ne reconnaissait qu’aux hypostases fantastiques ? Quelle a été la
fortune de ces « métarécits » (grands récits) de légitimation du savoir (récits de
libération ou d’émancipation) ? (12)
Les espoirs dont ces rêves étaient gros donnèrent sur le désespoir. Ainsi, à
l’espoir de réaliser « une heureuse union de l’entendement humain avec la
nature des choses » se substitua « son accouplement avec les concepts creux et
des expériences incohérentes »(13). L’Aufklärung qui soutenait que « le
développement du savoir et l’accroissement du pouvoir sur les choses (…)
devaient nécessairement rendre l’homme meilleur »(14), substitua aux mythes
archaïques de la tradition, les catégories scientifiques et philosophiques creuses
(15). Le progrès que les lumières de la raison étaient censées réaliser, en dissipant
les mythes obscurantistes n’eut pas lieu. La souveraineté de l’homme qui devait
résulter du triomphe de la Raison fit place à une nouvelle servitude, celle dans
laquelle la raison incarnait désormais la domination du tyran. Ce qui a fait dire à
Max Horkheimer et à Theodor Wiesengrund Adorno que « la Raison se
comporte à l’égard des choses comme un dictateur à l’égard des hommes »(16).
Devenue la forme sublimée du tyran, plus précisément de Hitler, de Mussolini
ou de Staline, la raison sur laquelle se sont fondé les espoirs de libération de
l’humanité d’une tradition obscurantiste et inhumaine, est paradoxalement
devenue un facteur de domination. Lyotard explique cette dialectique perverse
de l’Aufklärung par des causes endogènes. Si les grands récits de légitimation du
11
- Hottois (G.), « Droits de l’homme et technoscience : L’universel moderne en discussion », Conférence faite à
Göreme en octobre 1997, texte polycopié, p. 4.
12
- Lyotard (J.-F.), op. cit., p. 54.
13
- Horkheimer (M.) et Adorno (T. W.), op. cit., p. 21.
14
- Bouveresse (J.), Rationalisme et cynisme, P. 9.
15
- Horkheimer (M.) et Adorno (T. W.), op. cit., p. 26.
16
- Ibid., p. 27.
5

savoir portaient en eux « les germes de « délégitimation » et de nihilisme »(17),


c’est parce que l’Aufklärung n’a pas compris la particularité de la « ludologie »
scientifique. Le jeu de la science est différent de celui de l’émancipation ou de la
libération. « La science joue son propre jeu de langage, elle ne peut pas
légitimer les autres jeux de langage. »(18)
Pour bien comprendre la crise de la modernité dont les tragédies du XXe
siècle (colonialisme, association de la technoscience au capitalisme
d’exploitation de la nature et des hommes, surarmement, désastres écologiques,
guerres mondiales, etc.) seraient les preuves les plus irréfutables, Gilbert Hottois
émet les deux hypothèses suivantes : « soit que la modernité n’a pas tenu ses
promesses parce qu’elle a trahi son propre idéal, soit [qu’elle] était un idéal
faux : son universalisme n’étant que l’expression de la volonté de puissance
d’une tradition, d’une culture particulière : l’occidentale. »(19)
Par sa critique audacieuse de la modernité philosophique – en tant que
celle-ci reproduit les vices méthodologiques et conceptuels de la tradition
philosophique –, Hume a indiqué la voie dans laquelle se sont engagés tous ceux
qui, après lui, ont animé, avec une fougue philosophique particulière, le
mouvement insurrectionnel contre une raison hégémonique. Depuis la
Renaissance jusqu’à la période des Lumières, il était admis que la la raison peut,
à travers les grands récits, proclamer la vérité du haut de son piédestal logique
par la seule nécessité de sa propre nature, et définir, d’autorité, les normes
politiques et axiologiques universelles devant régir l’histoire. Le propre de la
tradition rationaliste, telle que l’Aufklärung l’a incarnée, c’est, suivant le
commentaire de Jacques Bouveresse, de penser que les questions d’intérêt
général doivent être « traitées et réglées en fonction des idées et des théories
abstraites d’ « intellectuels », de savants ou d’experts, qui sont supposés savoir,
dans tous les cas, mieux que les intéressés eux-mêmes ce qui est bon pour tout le

17
- Lyotard (J.-F.), op. cit., p. 63.
18
- Ibid., p. 66.
19
- Hottois (G.), op. cit., p. 4.
6

monde. »(20) L’institution d’une science postmoderne vise à mettre fin à


l’égologie unitaire dans laquelle le cogito élabore des systèmes stables dont il
fait la publicité au moyen des grands récits. Pour ce faire, la science
postmoderne est antifondationnaliste ; elle rejette les systèmes stables et les
paradigmes (21).
La critique humienne de la Raison que le mouvement postmoderne va
relayer et amplifier, s’inscrit dans le cadre de ce que nous pouvons appeler la
critique moderniste de la modernité. Elle consiste à dénoncer l’hypertrophie
théorique de la raison tout comme la surcharge pratique et métaphysique de cette
faculté que le rationalisme moderne assimile au vicaire temporel de Dieu. En
hypertrophiant la raison, le rationalisme moderne a réactualisé en philosophie la
mythologie et la superstition moyenâgeuses que dénonçait pourtant
l’Aufklärung.
Tout en faisant partie des temps modernes, Hume a pris des distances vis-
à-vis de l’optimisme rationaliste de la modernité philosophique. Sa critique de la
« ratiolâtrie »(22) de la philosophie moderne vise à ramener la raison qu’on
hypostasie ou qu’on divinise à plus d’humilité, en tempérant l’arrogance
jupitérienne dont elle fait preuve aux plans épistémologique et pratique. Pour le
philosophe écossais, une telle arrogance ne se justifie d’ailleurs pas, puisque la
raison n’a pas la constitution transcendantale que Descartes lui reconnaît. Elle ne
peut donc pas connaître a priori ou par magie ce dont nous n’avons aucune
expérience. Lorsqu’elle prétend le faire, elle donne carrière à des fanstames et
dérive dans la mythologie et la tératologie ; sa personnalité se dissout dans celle
de la fantaisie. La déconstruction humienne de l’image rationaliste du monde
s’apparente donc à une opération de profanation téméraire de l’idole des
philosophes modernes. Pour Hume, les prétendus privilèges épistémologiques et

20
- Bouveresse (J.), Rationalité et cynisme, pp. 185-186.
21
- Lyotard (J.-F.), op. cit., pp. 94-95. Le rejet des systèmes stables, tout comme la critique du déterminisme
laplacien, est motivé par l’adhésion de Lyotard à la théorie des catastrophes de René Thom et à celle des
fractales de Bernard Mandelbrot.
22
- Par ce néologisme nous voulons désigner le culte de la raison.
7

pratiques que les philosophes modernes reconnaissent à la raison et qui motivent


son idolâtrie, n’existent pas. La raison ne fonde pas exclusivement la
connaissance. Elle n’influence ni la moralité (simple vécu du sentiment par
rapport à un fait qu’on approuve ou qu’on désapprouve) ni l’action. Elle est trop
froide et trop désintéressée pour le faire : « La raison, qui est froide et
indépendante, affirme Hume, ne constitue pas un motif pour l’action et dirige
seulement l’impulsion reçue de l’appétit ou de l’inclination, en nous montrant
les moyens d’atteindre le bonheur ou d’éviter le malheur. »(23) L’attitude
flegmatique de la raison et sa transcendance sont des vertus qu’elle affecte, par
nécessité, au risque de passer pour cynique. Elle fait apparemment preuve de
cynisme, car il ne lui est pas contraire de

« préférer la destruction du monde à une égratignure de mon


doigt.Il n’est pas contraire à la raison que je choisisse de me
ruiner complètement pour prévenir le moindre malaise d’un
Indien ou d’une personne complètement inconnue de moi. Il
est aussi peu contraire à la raison de préférer à mon plus
grand bien propre un bien reconnu moindre et d’aimer plus
ardemment celui-ci que celui-là. »(24)

Rappelons que lorsque Descartes ne platonise plus, notamment dans les


Méditations métaphysiques et Les Principes de la philosophie, il reconnaît que
l’efficacité pratique de la raison peut être entravée par l’ampleur du libre arbitre.
N’étant pas déterminée par la raison ou l’entendement, la volonté entreprend
souvent d’agir sans tenir compte des motifs d’ordre intellectuel. Puisque
l’entendement n’exerce aucun pouvoir de coercition sur la volonté, c’est pour
cela que l’agir de celle-ci n’est souvent pas isomorphique aux judicieux
principes théoriques et pratiques de la raison. Mais ce dont Descartes rend la
23
- Hume (D.), Enquête sur les principes de la morale, ouvrage déjà cité, Appendice 1, p. 215. Cf. aussi le Traité,
Liv. II, III, 3, pp. 523-524.
24
- Hume (D.), Traité, Liv. II, III, 3, pp. 525-526 ; A Treatise, Vol. II, p. 128 : “It is not contrary for me to reason
to prefer the destruction of the whole world to the scratching of my finger. It is not contrary to reason for me to
choose may total ruin, to prevent the least uneasiness of an Indian, or person wholly unknown to me. It is as
little contrary to reason to prefer even my own acknowledged lesser good to my greater, and have a more ardent
affection for the former than the latter.”
8

volonté responsable, Hume l’impute à la raison. Son cynisme affectée est en fait
la preuve d’une incompétence pratique qu’elle masque subtilement à travers une
altière indifférence et une transcendance de façade. Comme le dit Lucien Jaume,
dans son commentaire de Hume,

« La raison ne peut proprement rien décider, elle dit le vrai et


le faux, elle est purement entendement observateur épelant les
phénomènes. Tout ce qui est valeur, donc choix, option et
assentiment à, relève des passions ou, plus précisément, en
morale, de la perception des conduites dont je suis le témoin
au premier chef. »(25)

En soi, la raison est une « passion calme » qui serait condamnée à languir si elle
n’était pas tonifiée par les passions violentes.
Cette caractérisation de la raison a pour objectif la banalisation d’une
faculté que le rationalisme a eu tort d’absolutiser et d’idolâtrer. Chez Hume, la
banalisation ou la profanation de la raison est l’expression d’un sentiment de
révolte contre le logocentrisme des philosophes modernes. Ceux qui, comme
Horkheimer, Adorno, Feyerabend, Lakatos, Lyotard, etc., ont embouché les
trompettes pour dénoncer la dérive identitariste et totalitariste d’une raison qui
se prend pour le centre du monde, marchent sur les traces de Hume qui soutenait
déjà qu’elle ne peut aliéner la diversité ou la pluralité des perceptions atomiques
qu’au moyen d’un nominalisme problématique. Sa volonté d’identariser
l’hétérogène en le subsumant sous des catégories abstraites est vaine, car les
abstractions que la raison construit à cet effet sont de simples fictions
fantastiques. Chez Hume, cette approche différentialiste est déductible du
« principe de différence » ou du « principe des diversités des discernables ».
Cette conception fragmentaire du réel a dû inspirer le postmodernisme dans sa
critique de l’universalisme despotique de la Raison.

- Jaume (L.), La Liberté et la loi. Les origines philosophiques du libéralisme, Fayard, 2000, p. 215.
25
9

Avant les postmodernes, Hume critique la conviction que la rationalité est


soit le gage de la sagesse, soit le facteur de l’amélioration de l’homme. A travers
cette critique, il nie la causalité nécessaire que les philosophes modernes
établissent, à la suite de Platon, entre la raison et la vertu, la science et le bien.
Bien que Hume ait eu l’audace philosophique de critiquer ce que Lyotard
appelle les « métarécits » du rationalisme avant les philosophes postmodernes, il
est resté un philosophe de l’Aufklärung. C’est pourquoi le projet d’émancipation
de l’homme qui légitimait les grands récits de la modernité l’a également
beaucoup intéressé. Il a cependant estimé que le rationalisme des philosophes
modernes ne peut jamais émanciper l’homme tant que ce dernier sera déterminé
par sa fantaisie. La servitude que rend possible l’imagination mythogène et
tératogène des métaphysiciens modernes n’est pas moins dramatique que celle
qui est imposée à l’homme et à la société par l’obscurantisme contre lequel lutte
Hume, à l’instar de tous les philosophes des Lumières.

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