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Réactivité en chimie organique

I. Contrôle cinétique ou contrôle thermodynamique d'une réaction

Problématique schématique : Soit un réactif A pouvant évoluer, dans certaines conditions opératoires,
vers un composé C ou un composé T. Comme il faut bien choisir un cas de figure, on suppose les deux
réactions élémentaires.
Les profils énergétiques des deux réactions peuvent présenter les allures suivantes :

Quel est le produit obtenu majoritairement ? Est-ce le composé C parce qu’il est formé plus vite que T,
ou est-ce le composé T parce qu’il est plus stable que C ?
Il n’existe pas de réponse générale à cette question. La réponse dépend du type de contrôle sous lequel
cette transformation est effectuée. Deux cas limites peuvent se présenter : le contrôle cinétique de la
réaction ou le contrôle thermodynamique de la réaction.

Contrôle thermodynamique d'une réaction

Ce terme caractérise les conditions permettant d'obtenir les produits en proportions voisines de celles
imposées par les valeurs des constantes d'équilibre de leurs transformations réversibles. On obtient
majoritairement le produit le plus stable.

Contrôle cinétique d'une réaction

Ce terme caractérise les conditions (y compris le temps de réaction) permettant d'obtenir des produits
réactionnels dans des proportions imposées par les vitesses relatives des réactions parallèles (dans le sens
direct) dont ils sont issus; le produit majoritaire est celui qui est formé le plus vite et qui correspond donc
à la plus faible énergie d'activation.

Le contrôle thermodynamique est favorisé par une température élevée et une durée de réaction
importante. Le contrôle cinétique est favorisé par une température faible, une faible durée de réaction et
l'utilisation de catalyseurs sélectifs (accélérant préférentiellement la formation de certains composés par
rapport à d'autres). Le solvant peut aussi intervenir (voir formation d'énolates à partir de composés
carbonylés).

Soit A le réactif, C le produit cinétique et T le produit thermodynamique, Quand la transformation est


effectuée sous contrôle thermodynamique, le composé C est d'abord formé majoritairement puis la
formation plus lente du composé T déplace progressivement l'équilibre A = C dans le sens de
consommation de C.

1
Exemple de simulation pour deux réactions élémentaires

A = C , k1 = 1 min-1, k-1 = 0,2 min-1 et A = T , k2 = 0,2 min-1, k-2 = 0,005 min-1. K1° = 5 et K2° = 40.

Au bout de 2,5 minutes, C est formé majoritairement avec un rendement de 70% environ.

Pour des temps faibles, [C]/[T] # k1/k2 (= 5 pour cet exemple).

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Au bout de 200 minutes, T est obtenu majoritairement avec un rendement de 90% environ.

Pour des temps très longs, [C]/[T] # [C]eq/[T]eq = K1°/K2° (= 5/40 pour cet exemple).

Le passage C  T peut parfois s'effectuer directement (sans passer par A).

Exemple :

Cl Cl Cl Cl

Cl

Cl2

AlCl3(catalyseur)
Cl
ortho méta para
Cl

Composé ortho méta para


Composition (en %) dans certaines conditions 39 6,1 54,9
Composition à l'équilibre (même température) 8 60 32

On voit que l'isomère méta est le plus stable. Il est obtenu minoritairement car son obtention passe, lors de
l'étape cinétiquement déterminante, par la formation d'un intermédiaire réactionnel moins stable que les
IR conduisant aux composés ortho et para.

La plupart des réactions de chimie organique sont sous contrôle cinétique. Dans le programme de
PC, trois réactions sont considérées comme étant sous contrôle thermodynamique : l'aldolisation (et
crotonisation), l'acétalisation et l'estérification.

On s'intéresse dans toute la suite aux réactions sous contrôle cinétique et on étudie les deux
problématiques suivantes :
a) Sélectivité : dans certaines conditions, un composé A peut conduire à B et à B'. Comment prévoir la
nature du produit majoritaire ou comment expliquer l'obtention majoritaire de l'un par rapport à l'autre ?
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Nous allons nous intéresser à l'étape cinétiquement déterminante dans la formation de B ou de B'. Les
résultats que nous allons donner pourront s'appliquer à des réactions complexes dont les étapes précédant
l'étape cinétiquement déterminante (CD) sont communes à la formation de B et de B'.

b) Réactivités relatives : Deux composés A et A' peuvent réagir sur un même composé B dans une
situation donnée. Lequel, de A ou de A' réagit le plus vite ?

II. Etat de transition précoce et état de transition tardif

On s'intéresse à l'étape cinétiquement déterminante d'un processus réactionnel et on s'intéresse à


son énergie potentielle d'activation.

Si cette étape est fortement endoénergétique, elle conduit à un intermédiaire réactionnel I instable de forte
énergie. Dans ce cas, l'état de transition est énergétiquement plus proche de l'IR que du réactif. On parle
d'état de transition tardif. L'état de transition a alors une structure "proche" de celle de l'IR.

Si cette étape est exoénergétique, elle conduit à un composé intermédiaire ou au produit de la réaction si
celle-ci est élémentaire (réaction de Diels-Alder par exemple). Dans ce cas, l'état de transition est
énergétiquement plus proche du ou des réactifs que du composé intermédiaire. On parle d'état de
transition précoce.

Pour l'étude de la sélectivité, B est obtenu majoritairement par rapport à B' si l'état de transition de l'étape
CD conduisant à B est plus stable que l'état de transition de l'étape CD conduisant à B', l'énergie
d'activation dans la formation de B étant alors inférieure à l'énergie d'activation dans la formation de B'.

Pour déterminer les réactivités relatives, on doit a priori comparer les différences d'énergie entre chaque
réactif et l'état de transition correspondant.
Les structures des états de transition étant inconnues, ces comparaisons ne peuvent être effectuées. On
doit donc contourner le problème.

Si les états de transition sont tardifs, on utilise le postulat de Hammond et on admet qu'il suffit de
comparer les énergies des intermédiaires réactionnels.

Si les états de transition sont précoces, on admet qu'il suffit de comparer les interactions initiales entre
les réactifs.

III. Utilisation du postulat de Hammond.

III.1. Situation envisagée

On envisage deux réactions concurrentes de même type (passant par le même type d'intermédiaire
réactionnel) sous contrôle cinétique. Pour chacune, la première étape est cinétiquement déterminante et
conduit à un intermédiaire réactionnel. Les états de transition de chacune de ces premières étapes sont dits
tardifs et sont énergétiquement plus proches de l'intermédiaire réactionnel que des réactifs.

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Remarque : L'I.R. est une espèce intermédiaire de haute énergie intervenant dans le mécanisme d'une
réaction; quand une réaction complexe ne comporte qu'un seul intermédiaire réactionnel, la formation de
cet I.R. constitue souvent l'étape cinétiquement déterminante de la réaction.

III.2. Principe de Hammond et conséquence

L'état de transition ressemble le plus à l'espèce chimique qui lui est la plus proche en énergie.

Conséquence pour la régiosélectivité : dans deux réactions parallèles de mêmes natures dont l'étape
cinétiquement déterminante est, pour chacune, la formation d'un intermédiaire réactionnel (celui-ci obéit
alors à l'A.E.Q.S.), l'intermédiaire réactionnel le plus stable correspond à l'état de transition le plus
stable : Les profils énergétiques ne se croisent pas entre les états de transition et les intermédiaires
réactionnels.

L'I.R. le plus stable est donc formé plus vite que le moins stable et le produit majoritaire est celui
dont la formation passe par l'I.R. le plus stable :

I plus stable que I'  vf(B) > Vf(B'), quelles que soient les stabilités relatives de B et de B' .

Concernant les réactivités relatives, il faut a priori comparer les écarts énergétiques entre les réactants
(réactifs de l'étape C.D.) et les intermédiaires réactionnels.

III.3 Facteurs intervenant sur les stabilités relatives de deux I.R.

Le solvant, surtout s'il est polaire, a une forte influence sur la stabilité d'un I.R. chargé (il peut le stabiliser
par des interactions ion dipôle) mais il influe peu sur les stabilités relatives de deux I.R. de même nature.

Les facteurs les plus décisifs, sont les effets électroniques (inductif et mésomère) et, dans une moindre
mesure, les effets stériques.

Effets électroniques : tout effet électronique qui tend à atténuer par délocalisation électronique ou par
diffusion la charge portée par un atome d'un I.R. (en particulier le carbone fonctionnel d'un carbocation
ou d'un carbanion) stabilise cet I.R. et accélère donc sa formation. Ces effets électroniques sont l'effet
mésomère et l'effet inductif.

Effet mésomère d'un substituant : délocalisation électronique provenant du recouvrement de l'une


des orbitales p ou pi d'un substituant avec les orbitales p ou pi du reste de l'entité moléculaire. La présence
d'un groupe à effet mésomère permet d'écrire des formules mésomères supplémentaires faisant intervenir
des orbitales du groupe. Le groupe crée une délocalisation électronique ou étend une délocalisation déjà
existante.

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Effet inductif d'un substituant : effet de transmission de charges par induction électrostatique le
long d'une chaîne d'atomes; il intervient quand sont liés des atomes d'électronégativités différentes; il y a
déplacement et déformation des nuages électroniques de liaison.

Un groupe est donneur d'électrons si le remplacement d'un atome d'hydrogène par ce groupe augmente la
densité électronique sur le reste de l'espèce chimique; dans le cas contraire, il est dit attracteur d'électrons.
L'effet inductif d'un groupe donné est toujours de même signe (+I ou -I), par contre, un même groupe peut
être -M ou +M en fonction du "voisinage" (voir le cas du groupe vinyle dans le carbocation allyle et dans
le carbanion allyle). Quand les effets inductif et mésomère sont de signes différents, c'est en général l'effet
mésomère qui l'emporte sur l'effet inductif.

Effets stériques : l'effet stérique est l'influence d'une tension sur les propriétés d'une espèce chimique;
cette tension correspond à une énergie supplémentaire d'une espèce chimique due à des longueurs de
liaison, des angles de liaison ou des angles dièdres différents de ceux que l'on observe habituellement
pour une espèce chimique comparable (prévisibles par la théorie V.S.E.P.R.). Par exemple, le
cyclopropane possède une forte tension de cycle (115 kJ.mol-1) car d'une part, les angles CCC valent 60°
au lieu de 109° et d'autre part, chaque liaison C-H est éclipsée avec deux autres liaisons C-H.

En SN1, la plus grande réactivité d'un RX tertiaire par rapport à un RX primaire peut s'expliquer par une
plus forte décompression stérique lors du passage du carbone tétragonal au carbone trigonal.

III.4 Exemples
a) Hydratation des alcènes (éthylène et propène)

d) Le propène est plus réactif que l’éthylène car on peut passer par un carbocation secondaire à
partir du propène alors qu’on ne peut passer que par un carbocation primaire à partir de l’éthylène.

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b) Réactivités relatives du 2-chloro-2-méthylpropane et du 3-chloroprop-1-ène en SN1

La stabilisation procurée par effet mésomère donneur du groupe vinyle est supérieure à la stabilisation
procurée par les effets inductifs donneur de 3 groupes méthyle.

IV. Etude des interactions initiales entre réactifs

IV.1 Situation envisagée

On considère deux réactions concurrentes élémentaires à état de transition précoce : l'état de transition est
plus éloigné en énergie du produit que des réactifs. Ces réactions sont bien évidemment supposées sous
contrôle cinétique.
Pour comparer les vitesses des réactions, on admet qu’il suffit de s'intéresser aux interactions initiales
entre les réactifs : L'état de transition le plus stable ou plutôt le moins instable (donc celui
correspondant à la réaction la plus rapide) est celui qui correspond aux interactions initiales les plus
favorables.

On considère donc que les profils énergétiques


ne se croisent pas entre les réactifs et les états de
transition correspondants.

Conséquences :
Sélectivité : B est obtenu majoritairement par rapport à B' si les interactions initiales entre
réactifs sont plus fortes pour le processus menant à B que pour le processus menant à B'.
Réactivités relatives : A réagit plus vite que A' sur un même composé B si les interactions
initiales entre A et B sont plus fortes que les interactions initiales entre A' et B.

Les interactions initiales peuvent être comparées à partir de considérations portant sur le recouvrement
orbitalaire, l'interaction coulombienne et plus rarement la gêne stérique. Le contrôle orbitalaire est le plus
fréquent et c'est celui que nous allons développer.

IV.2 Rappel sur les interactions orbitalaires

Les orbitales moléculaires de deux réactifs s'approchant l'un de l'autre interagissent pour "créer" de
nouvelles orbitales moléculaires. Les règles de combinaison des O.M. sont les mêmes que les règles de
combinaison des O.A.
On rappelle trois propriétés relatives au recouvrement d'orbitales :

1) Deux orbitales de symétries différentes n'interagissent pas car leur recouvrement est nul.

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2) L'interaction entre deux orbitales est d'autant plus forte qu'elles sont proches en énergie; l'O.M.
liante (resp. antiliante) ressemble le plus à l'orbitale de plus basse (resp. plus haute) énergie.

3) Une interaction à deux orbitales et à deux électrons est stabilisante (les deux électrons occupent
le niveau liant) alors qu'une interaction à deux orbitales et à quatre électrons est déstabilisante (les deux
électrons supplémentaires occupant le niveau antiliant).

IV.3 Décomposition des interactions entre deux réactifs

Lors de l'interaction, l'énergie potentielle augmente; on peut la décomposer en trois termes :

a) Un terme représentant l'influence éventuelle du solvant; ce terme n'intervient pas de manière décisive
dans la compétition entre deux processus de même type.

b) Un terme d'interaction coulombienne lié aux attractions ou répulsions entre sites chargés.

c) Un terme dû au transfert électronique entre les réactifs et résultant du recouvrement entre leurs
orbitales.

Si le terme coulombien est prépondérant (c'est le cas si les sites réactifs sont chargés et si les orbitales
sont contractées et ne peuvent donner que de faibles recouvrements), la réaction est dite sous contrôle de
charge et on parle de réactifs durs (acide dur et base dure).

Si le terme coulombien est négligeable (espèces pas ou peu chargées et orbitales diffuses), c'est le terme
orbitalaire qui l'emporte (recouvrement d'orbitales), la réaction est dite sous contrôle orbitalaire et on
parle de réactifs mous.

IV.4 Cas d'un contrôle orbitalaire : approximation des orbitales frontalières (O.F.)

a) Orbitales frontalières : dans une espèce chimique, ce sont la H.O. (la plus haute orbitale occupée) et la
B.V. (la plus basse orbitale vacante).
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b) Première approximation

Toujours dans le but de discuter de la faisabilité d'une réaction ou de la compétition entre deux réactions
de même type dans le cas d'un contrôle frontalier, on ne considère que les interactions
stabilisantes à deux orbitales et à deux électrons. Cette approximation peut sembler très
risquée car les termes répulsifs correspondant aux interactions déstabilisantes à quatre électrons sont les
plus importants (puisque l'énergie potentielle augmente dans un diagramme Ep = f(C.R.)) et constituent
l'essentiel de l'énergie potentielle d'activation. Ces interactions sont cependant voisines lorsqu'on compare
deux processus de même type et la prévision est souvent conforme à l'expérience.

c) Deuxième approximation : théorème de Fukui.

Compte tenu de ce qui a été indiqué en IV.2, il est parfois suffisant de se limiter aux interactions à deux
électrons entre orbitales frontalières (donc entre HO de A et BV de B d'une part, et entre HO de B et BV
de A d'autre part). On dit alors que la réaction est sous contrôle frontalier.

De plus, il arrive fréquemment que l'une des


interactions soit plus forte que l'autre, par exemple entre
HO(A) et BV(B) si l'écart énergétique entre ces deux
O.M. est le plus faible. Il suffit alors de se limiter à cette
seule interaction. Lors de la réaction, les électrons
apportés par A sont partiellement transférés à B.
A est alors le réactif nucléophile et B le réactif électrophile.

En général, la BV d'un groupe ou d’une molécule électrophile est plus haute en énergie que la HO d'un
groupe ou d’une molécule nucléophile.

Un bon nucléophile possède une HO haute en énergie (elle sera alors proche de la BV de l'électrophile).
Un bon électrophile possède une BV basse en énergie (elle sera alors proche de la HO du nucléophile).

La réaction est sous contrôle frontalier si la HO du nucléophile est éloignée des autres O.M. occupées de
ce nucléophile et si la BV de l'électrophile est éloignée des autres O.M. vacantes de cet électrophile.

IV.5 Conclusions : conditions nécessaires à une réaction dans le cas d'un contrôle frontalier

Il faut une interaction importante entre les O.F. de A et de B, par conséquent :

La réaction est interdite si le recouvrement frontalier est nul (O.F. de symétries différentes).

La réaction est d'autant plus rapide que la différence d'énergie entre les O.F. est faible.

L'approche la plus efficace entre les réactifs est celle permet un recouvrement maximum entre
les O.F.

Ces considérations nous permettront par la suite d'étudier la réactivité absolue, les réactivités relatives, la
régiosélectivité et la stéréosélectivité d'une réaction.

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IV.6 Influence des effets électroniques des substituants sur les énergies des orbitales frontalières

Un groupe -A donneur d'électrons enrichit un système  en électrons, augmente sa réactivité


nucléophile et augmente l'énergie de son orbitale la plus haute occupée (HO). On considère par cette
formulation que la HO du système  reste la même que le substituant soit –A ou –H, mais on tient
qualitativement compte de l'influence du groupe –A sur l'énergie de la HO : Si le groupe –A est donneur
d'électrons, le système  enrichi donne plus facilement ses électrons et est donc plus nucléophile ce qui
correspond à une HO plus haute en contrôle frontalier. La BV peut être également relevée mais ce n'est
pas systématique.

Vérification : Energie de la HO de dérivés de l'éthylène (Orbimol)

-9,41 eV
-9,60 eV
-9,98 eV
-10,55eV

OMe
éthylène
Le groupe méthyle est à effet +I et le groupe méthoxy à effet +M et –I, avec M > I.

Un groupe attracteur d'électrons appauvrit un système  en électrons, le rend plus électrophile et


diminue l'énergie de son orbitale la plus basse vacante (BV). La HO peut être abaissée mais ce n'est
pas systématique.

Vérification : Energie de la BV de dérivés de l'éthylène (Orbimol)


BV 1,44 eV
BV 0,04 eV
èthylène
O BV -2,52 eV
NC CN

NC CN
Les groupes –CHO et –CN ont des effets –M et –I.

La prise en compte du caractère donneur ou accepteur d'électrons d'un groupe –A permet généralement
d'étudier la réactivité des espèces sans que la donnée des énergies de leurs OF soit nécessaire.

IV.7 Régiosélectivité dans l'hypothèse d'un contrôle frontalier

Lors de la réaction entre deux groupes fonctionnels ou entre deux molécules, on détermine dans un
premier temps le groupe le plus nucléophile (celui dont la HO est la plus haute) et le groupe le plus
électrophile (celui dont la BV est la plus basse). On détermine ainsi le couple HO-BV des orbitales les
plus proches en énergie et qui interagissent de façon prépondérante.
Dans un deuxième temps, pour satisfaire au principe de recouvrement maximal, on identifie le meilleur
site nucléophile de l'espèce (ou du groupe) la plus nucléophile et le meilleur site électrophile de l'espèce
(ou du groupe) la plus électrophile :
Le meilleur site nucléophile de l'espèce nucléophile est l'atome dont l'OA est la mieux représentée dans sa
HO (plus grand coefficient en valeur absolue, graphiquement, le plus gros lobe). Formulé autrement, le
meilleur site nucléophile est l'atome sur lequel la HO du nucléophile est la plus développée.
Le meilleur site électrophile de l'espèce électrophile est l'atome dont l'OA est la mieux représentée dans sa
BV (plus grand coefficient en valeur absolue, plus gros lobe). Formulé autrement, le meilleur site
électrophile est l'atome sur lequel la BV de l’électrophile est la plus développée.

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V. Exemples

V.1. Réactivités comparées de l'éthylène et du propène lors d'une hydratation et régiosélectivité dans
l'hydratation du propène dans l'hypothèse fantaisiste d'un contrôle frontalier.

a) Réactivités relatives
L’étape cinétiquement déterminante est la fixation sur l’alcène d’un proton fourni par H2SO4. On admet le
caractère nucléophile de l’alcène et le caractère électrophile de l’acide sulfurique dans cette étape
élémentaire.
BV de H2SO4

-9,98 eV

-10,55eV
HO (propène)
HO (éthylène)
On prévoit que le propène est plus réactif que l’éthylène vis-à-vis de l’acide sulfurique car HO(propène)
est plus haute que HO(éthylène). La HO du propène est donc énergétiquement plus proche de la BV de
l’acide sulfurique et l’interaction HO(propène)-BV(H2SO4) est plus forte que l’interaction HO(éthylène)-
BV(H2SO4).
b) Régiosélectivité dans la protonation du propène
0,59
2
Coefficients dans la HO du propène
3 1 (logiciel Hückel)
-0,35 0,73
L’atome C1 est le meilleur site nucléophile du propène car c’est sur cet atome que la HO est la plus
développée (plus grand coefficient en valeur absolue). C’est donc sur l’atome C1 que le proton doit se
fixer le plus vite. On prévoit donc l’obtention majoritaire du propan-2-ol (et on la constate effectivement).

Remarques

a) Régiosélectivité dans l'hydratation du propène, dans l'hypothèse fantaisiste d'un contrôle de charge
Le calcul des charges formelles par le logiciel Hückel donne les résultats suivants, ces charges étant
données en unité de charge électronique :
0,032
2

3 Charges formelles
1
0,077 -0,107

Dans l'hypothèse d'un contrôle de charge, on prévoit que l'espèce électrophile H+ se fixe sur l'atome C1
car c'est cet atome qui porte la plus forte charge négative. On prévoit là encore l’obtention majoritaire du
propan-2-ol.

b) Dans le cas de l'hydratation du propène, l'étape cinétiquement déterminante conduisant à un


carbocation, on a un état de transition tardif. Les hypothèses d'un contrôle frontalier ou d'un contrôle de
charge sont a priori fantaisistes, même si elles prévoient un résultat confirmé par l'expérience.

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V.2. Action d'une énamine sur un aldéhyde -insaturé

Objectif : Déterminer le composé intermédiaire majoritairement formé lors de l'action de l'énamine A sur
le propénal dans l'hypothèse d'un contrôle cinétique frontalier. L'écriture des formules mésomères permet
de prévoir que l'énamine possède deux sites nucléophiles (atome N et atome C3 dans l’éthénamine) et que
le propénal possède deux sites électrophiles (atomes C2 et C4) mais elle ne permet pas de prévoir quels
sont les meilleurs sites.

O
1
A 3 2
N 4

Données
Energies et orbitales moléculaires du propénal obtenues par le logiciel Hückel :

Energies   (HO)  (BV)  Charges nettes


Atome 1 0,67 0,58 0,43 0,23 -0,53
Atome 2 0,58 0 -0,58 -0,58 0,33
Atome 3 0,43 -0,58 -0,23 0,66 -0,03
Atome 4 0,23 -0,58 0,66 -0,43 0,23
Précision importante : et  sont des paramètres énergétiques négatifs.

L'énamine A est modélisée par l'éthénamine : on néglige l'influence des groupes alkyle portés par l'atome
d'azote. L'éthénamine possède 4 électrons .

Les énergies des O.M.  de l'éthénamine +0,07


valent 3 1 -0,16 +0,10
2 NH2
 . NH2
numérotation des atomes charges nettes

La HO de l'éthénamine a pour expression : -0,48.1 + 0,49.2 + 0,72.3 .

Réponse :
On détermine d’abord le couple HO-BV des orbitales impliquées :

Conclusion : conformément à ce qu’on attendait, l’énamine intervient par sa HO et le propénal intervient


par sa BV (couple HO-BV le plus proche en énergie).
On détermine ensuite le meilleur site nucléophile de l’éthénamine, c’est l’atome C3 sur lequel la HO de
l’éthénamine est la plus développée, et le meilleur site électrophile du propénal, c’est l’atome C4 sur
lequel la BV du propénal est la plus développée.

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Conclusion :

N N O

hydrolyse acide
O O
Le résultat de l’hydrolyse est donné à titre indicatif.

Remarque : dans l’hypothèse d’un contrôle de charge, c’est l’atome C2 qui serait le meilleur site
électrophile du propénal car c’est l’atome portant la charge positive la plus élevée. C’est l’atome C3 qui
serait le meilleur site nucléophile de l’éthénamine car c’est l’atome portant la plus charge négative la plus
élevée.

V.3. Interprétation de l’attaque dorsale lors d’une SN2


La BV de CH3-Cl est plus développée sur l’atome C. On a un meilleur recouvrement si le nucléophile
intervient dans l’axe de la liaison C-Cl du côté de l’atome de carbone :

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