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Faculté de Droit

Marrakech

Economie monétaire et
financière II
Groupe 2

B. Elmorchid

Année universitaire : 2019/2020

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Chapitre 1
Le marché monétaire
En vue de répondre aux différents besoins de financement, les actifs détenus par les agents
financiers ou non financiers peuvent être échangés directement sur des marchés. On parle de
marchés des capitaux. La volonté actuelle des autorités monétaires va dans le sens d’une
unification de ces marchés et d’un renforcement de leur interdépendance. Cependant, tant
pour des raisons factuelles que pédagogiques, nous les présenterons séparément.
Réalisant la confrontation directe entre les offreurs et les demandeurs d’argent, les marchés de
capitaux sont de deux types : le marché monétaire et le marché financier.
Alors que le marché financier est un marché où sont émis des titres à long terme, le marché
monétaire est un marché principalement à court terme (à l’exception du marché hypothécaire
qui est un marché monétaire sur lequel sont échangés des titres de long terme). Trois types
d’opérations devraient normalement s’y développer :
- Opération 1 : Un agent financier prêtant ou empruntant auprès d’un autre agent
financier.
- Opération 2 : La banque centrale offrant ou demandant des liquidités, en échange de
titres, aux agents financiers.
- Opération 3 : Un agent non financier prêtant ou empruntant auprès d’un agent
financier ou non financier.
Pendant très longtemps, le marché monétaire s’est résumé dans des opérations de 1er type. Les
établissements bancaires s’échangeant des liquidités ; on parlait du marché interbancaire au
sens étroit. Mais, tout aussi important était la 2ème opération : d’une part, en raison d’un besoin
net de financement des établissements bancaires ; d’autre part, parce que la banque centrale
trouvait dans ses injections et ses retraits de liquidités un moyen de contrôler l’activité
bancaire (le marché monétaire devient un instrument de la politique monétaire).

1. Le marché interbancaire au sens étroit


Sa fonction principale est de permettre aux établissements bancaires d’équilibrer leur
trésorerie. Il se crée tout naturellement entre les banques souhaitant compenser
quotidiennement leurs excédents et déficits en monnaie centrale.
Par ailleurs, sachant que la monnaie centrale détenue par les banques commerciales et inscrite
à leurs comptes courants auprès de la banque centrale ne leur rapporte aucune rémunération,
ces établissements ont intérêt à n’en conserver qu’un minimum (minimum imposé notamment
les réserves obligatoires et par les demandes de billets de la clientèle) et à prêter les excédents.
Leur gestion optimale les conduit à prêter contre intérêt, même pour des périodes brèves, les
surplus de monnaie centrale. De leur côté, les emprunteurs peuvent souhaiter ne s’endetter
que pour un bref laps de temps. Le marché interbancaire au sens étroit permet donc :
- Les échanges des excédents et des déficits de la liquidité bancaire.
- La rentabilisation des excédents de monnaie centrale.
Se tenant à Casablanca, le marché interbancaire n’a pas de localisation précise : les
transactions sont réalisées par téléphone ou télex. Les opérations y sont traitées d’une façon
bilatérale et peuvent prendre 4 formes :

- Les achats et les ventes fermes de titres contre cessions définitives de monnaie
centrale.

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- Les prêts et les emprunts an blanc, c’est à dire sans exigence de titres en contrepartie
de la monnaie centrale cédée.
- Les ventes à réméré de titres : c’est une convention par laquelle le vendeur stipule
qu’il pourra, au terme d’un délai fixé lors de la transaction, reprendre s’il le
souhaite, le support cédé à un prix convenu d’avance.
- Les prêts garantis sous la forme de mise ou de prise en pension d’effets privés ou
publics, c’est à dire sous la forme de cessions temporaires.

2. Le marché interbancaire au sens large : l’intervention de la Banque


Centrale

Ce marché est animé essentiellement par la banque centrale. Cette dernière joue le rôle de
‘‘prêteur du dernier ressort’’ lorsque le système est en banque (absence de compensation
parfaite entre les excédents et les déficits des banques commerciales). La banque centrale
intervient également afin d’influencer la quantité de monnaie en circulation.
Au Maroc, les interventions de la banque centrale peuvent être à son initiative ou à l’initiative
des banques commerciales. Elles se font selon les cas, par voie d’appel d’offres ou par voie
d’opérations bilatérales.

2.1. Les opérations principales : elles visent à aligner le taux interbancaire sur la valeur cible
de la politique monétaire. Ces opérations constituent le principal canal d’apport ou de retrait
de liquidités et sont exécutées, de manière régulière, par voie d’appel d’offres hebdomadaires.
En situation d’excédent, la Banque recourt aux reprises de liquidité comme principal
instrument, alors qu’en cas d’insuffisance de liquidité, elle utilise les avances à 7 jours.
2.2. Les opérations de réglage fin : elles sont ponctuellement réalisées par la Banque, afin
d’atténuer l’incidence de fluctuations imprévues de la liquidité bancaire. Elles sont effectuées
pour une durée inférieure à 7 jours et prennent la forme de pensions livrées ou, le cas
échéant, de prêt garantis.
2.3. Les facilités permanentes à l’initiative des banques : l’objectif est de maintenir le taux
interbancaire à l’intérieur d’une bande prédéfinie et de limiter l’ampleur de ses fluctuations
autour du taux de la politique monétaire. Elles sont utilisées par les contreparties aux
opérations de politique monétaire pour l’ajustement de leurs trésoreries. Il s’agit des avances à
24 heures et des facilités de dépôts à 24 heures.
2.4. Les opérations de long terme : elles ont pour objet de retirer d’injecter des liquidités
supplémentaires sur une durée supérieure à 7 jours. Elles sont conduites sous la forme de
pensions livrées, de prêt garantis ou de swaps de change.
2.5. Les opérations structurelles : elles sont destinées à gérer une situation d’excédent ou
d’insuffisance de liquidité à caractère durable. Elles sont réalisées sous la forme d’achats ou
de ventes de titres émis par le Trésor sur le marché secondaire et d’émission par Bank Al-
Maghrib de titres d’emprunts négociables et leur rachat

3. Le marché des titres de créances négociables

Les titres de créance négociables (TCN) peuvent être définis comme ceux émis sous la forme
de billets ou de bons à échéance, matérialisés par des titres ou simplement inscrits en comptes
et qui, sans être cotés en bourse, confèrent à leur porteur un droit de créance librement
négociable et portant intérêt. On peut les classer en 4 catégories principales :

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3.1. Les bons de trésor émis par adjudications
Le trésor marocain a eu accès aux circuits de financement du marché monétaire en 1983.
Cependant, la technique d’adjudications des bons de trésor n’a été introduite qu’à partir du 30
Janvier 1989. L’objectif était de dynamiser ce marché et de permettre au trésor d’avoir accès à
une source de financement avantageuse en termes de taux et de durée.
Les principaux traits caractéristiques de ce marché sont les suivants :
- Tous les opérateurs économiques y sont admis qu’ils soient personnes physiques ou
morales.
- Les adjudications des bons du Trésor ont lieu selon la périodicité suivante :
o Tous les mardis, dans le cas des bons à 13 semaines, 26 semaines et 52
semaines ;
o Le deuxième et le dernier mardi de chaque mois, dans le cas des bons à 2 ans,
5ans10 ans e15ans.
o Le dernier mardi de chaque trimestre dans le cas des bons à 20 ans.

- Le montant nominal minimum des bons émis par le trésor dans le cadre des
adjudications est de 100.000,00 Dh.
- Le dépôt des plis relatifs aux adjudications des bons du trésor ne peut être effectué que
par les établissements admis à présenter des soumissions (essentiellement les banques
) ou agréés par le Ministère des Finances en qualité d’Intermédiaires en valeurs du
trésor (IVT). Ces derniers au nombre de six (BCP, BCM, BMCE, CDG, Citybank et
Médiafinance) ont pour mission d’animer le marché.
- Les bons du Trésor sont remboursés au pair à dater du jour de leur échéance. Les
intérêts produits par les bons à court terme sont réglés à l’échéance ou à l’émission et
sont calculés sur la base de 360 jours. Les intérêts des bons à moyen et à long terme
sont payables annuellement et à terme échu. Ils sont calculés sur la base d’une année
de 365 jours ou de 366 jours si l’année est bissextile. Les émissions de bons à court
terme à intérêts précomptés sont annoncées à l’avance par le Ministère de l’Economie
et des Finances.
- Les bons du Trésor souscrits par voie d’adjudication sont négociables de gré à gré sur
le marché secondaire relatif à cette catégorie de bons.
- Les soumissions retenues donnent lieu à règlement le lundi suivant la séance
d’adjudication. Si le mardi est un jour férié, l’adjudication est reportée au jour
ouvrable suivant, la date de règlement demeurant inchangée. Si le lundi est un jour
férié, le règlement s’effectue le jour ouvrable suivant.
- Les soumissions sont exprimées en taux ou en prix (à deux décimales dans les deux
cas). Les soumissions en prix sont annoncées à l’avance par le Ministère de
l’Economie et des Finances. Les soumissions aux bons émis par assimilation sont
exprimées en prix. Lors du règlement, les adjudicataires de bons assimilables
acquittent, outre le prix des bons qui leur sont attribués, le montant des intérêts courus
de la date de jouissance à la date de règlement, sur la base du coupon couru
communiqué par le Ministère de l’Economie et des Finances.
Les établissements admis à présenter des soumissions ou agréés en tant que IVT sont tenus de
formuler leurs offres au moyen de bordereaux conformes aux modèles prévus à cet effet par
Bank Al Maghrib . Ces bordereaux sont déposés contre récépissé et sous pli cacheté à la
Direction du crédit de Bank Al Marghrib à Rabat au plus tard le mardi à 10 heures.
L’ouverture des plis est réalisée par une commission à 10h 30. Celle-ci procède à la
récapitulation des offres de souscription dans l’ordre croissant des taux proposés et transmet
ensuite le tableau correspondant, avec soumissionnaires anonymes, à la direction du trésor qui
fixe le taux ou le prix limite de l’adjudication.

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Les différents montants adjugés sont rémunérés aux taux proposés par les souscripteurs et ce,
même lorsque ces taux sont inférieurs à celui retenu par la commission. Cette technique
correspond à celle «à la Hollandaise» qui diffère de la procédure «à la française» où les
montants adjugés sont rémunérés de manière identique, à la hauteur du taux limite retenu.
3.2. Les certificats de dépôt négociables
Les certificats de dépôt négociables sont émis par les banques pour une durée allant de 10
jours à 7 ans et rapportant un intérêt librement déterminé par les mécanismes de marché.
Cependant, le taux d’intérêt doit être fixe si la durée est inférieure ou égale à un an et fixe ou
révisable dans le cas contraire.
Le montant unitaire des certificats de dépôt est fixé à cent mille dirhams (100 000dh). Les
certificats de dépôt, dont la durée initiale est inférieure ou égale à un an, doivent avoir une
rémunération fixe et peuvent donner lieu à des intérêts précomptés. Les intérêts
correspondants sont payables annuellement, à la date anniversaire du titre, et à l’échéance,
pour la durée restant à courir lorsqu’elle est inférieure à une année. La révision du taux de
rémunération se fait à la date anniversaire de l’émission et s’effectue en application de
dispositions librement convenues entre les parties. Les certificats de dépôt font l’objet
d’inscription en compte auprès du Dépositaire Central au nom des établissements affiliés à cet
organisme.
3.3. Les billets de trésorerie
Les billets de trésorerie sont des titres négociables, d’une durée déterminée (10 jours à une
année), émis au gré de l’émetteur en représentation d’un droit de créance, qui portent intérêt.
Les billets de trésorerie ne peuvent être émis que par les personnes morales de droit marocain,
autres que les établissements de crédit, disposant de fonds propres d’un montant au moins
égal à cinq millions de dirhams (DH 5.000.000,00) et appartenant à l’une des catégories
suivantes : Les sociétés par actions, les établissements publics à caractère non financier et les
coopératives soumises aux dispositions de la loi n° 24-83 fixant le statut général des
coopératives.
Les billets de trésorerie peuvent être souscrits par toute personne physique ou morale
résidente ou non résidenteLe montant unitaire des billets de trésorerie est fixé à deux cent
cinquante mille dirhams (DH 100.000,00). Ils doivent avoir une échéance fixe et une durée
initiale de 10 jours au moins et d’un an au plus.
Les billets de trésorerie doivent avoir une rémunération fixe, librement déterminée au moment
de la souscription. Ils peuvent donner lieu à des intérêts précomptés. Les émetteurs de billets
de trésorerie doivent domicilier leurs titres auprès des banques. Les banques ne peuvent
procéder à la domiciliation des billets de trésorerie qu’après s’être assurées du respect des
conditions d’émission prévues par la loi n° 35-94 suscitée et par l’arrêté du 09 octobre 1995
précité. Les billets de trésoreries peuvent être garantis par un ou plusieurs établissements de
crédit habilités à délivrer des garanties ou par une ou plusieurs personnes morales elles-
mêmes habilitées à émettre des billets de trésorerie. Les billets de trésorerie sont stipulés au
porteur.
Sont seuls habilités à placer ou à négocier des billets de trésorerie : la Caisse de Dépôt et de
Gestion, les banques, les sociétés de bourse et l’émetteur des billets de trésorerie.
Les émetteurs de billets de trésorerie doivent adresser à la Direction du Crédit et des Marchés
de Capitaux de Bank Al-Maghrib, quinze jours au moins avant la première émission sur le
marché des billets de trésorerie, une copie certifiée conforme du dossier d’informations établi
et visé conformément aux dispositions des articles 15 et 18 de la loi n° 35-94 et de l’article 4
de l’arrêté n° 2560-95 du Ministre des Finances et des Investissements Extérieurs précités. Ils
doivent également communiquer, à Bank Al-Maghrib, toute modification affectant les

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renseignements fournis dans le dossier d’informations et ce, dans un délai de quinze jours à
compter de la date de survenance de ladite modification.
3.4. Les bons des sociétés de financement
Les bons des sociétés de financement sont émis par les sociétés de financement pour une
durée allant de 2 ans à 7 ans et rapportant un intérêt librement déterminé pouvant être fixe ou
révisable. Le montant unitaire des bons de sociétés de financement est fixé à cent mille
dirhams (100 000 dh)
Ces bons peuvent avoir une rémunération fixe ou révisable. Les intérêts sont payables
annuellement, à la date anniversaire du titre, et à l’échéance, pour la durée restant à courir
lorsqu’elle est inférieure à une année. La révision du taux de rémunération se fait à la date
anniversaire de l’émission et s’effectue en application de dispositions librement convenues
entre les parties.
Les bons de sociétés de financement font l’objet d’inscription en compte auprès du
Dépositaire Central au nom des établissements affiliés à cet organisme.
L’ensemble de ces titres sont émis sur le marché primaire (marché du neuf) et font d’objet de
négociation sur le marché secondaire (marché d’occasion). Le montant unitaire minimum de
chacun de ces titres est fixé à 100 000dhs.
L’avantage de ces titres est qu’ils permettent à leurs émetteurs d’accéder à des sources de
financement avantageuses en termes de durée et de taux.

5. Le marché hypothécaire
Ce marché trouve son développement dans la titrisation des crédits. Cette technique consiste à
transformer des crédits en titres négociables (d’où son nom) et à les céder sur le marché
secondaire.
L’établissement de crédit désireux de réaliser une opération de titrisation (initiateur) doit
individualiser et regrouper des créances de même nature (non douteuses) qu’il souhaite céder
et effectuer ensuite la vente au fonds de placement collectif en titrisation (FCPT) crée à cet
égard. Ce dernier finance l’acquisition de ces créances par l’émission de certificats de
titrisation représentatifs du droit de propriété sur ces créances. Les souscripteurs de ces
certificats peuvent les céder par la suite sur le marché secondaire.
Le FCPT n’a pas de personnalité morale. C’est un patrimoine d’affectation constitué aux
seules fins d’acquérir, par l’entremise d’un établissement gestionnaire – dépositaire (qui est
généralement l’établissement de crédit initiateur lui même) des actifs qui lui sont cédés au
cours d’une opération de titrisation, ainsi que les droits s’y rapportant. Une fois ces actifs
représentatifs de crédits sont acquis, le FCPT les transforme en parts (actions ou obligations)
qui seront proposées aux épargnants sur le marché. Les détenteurs de ces parts supportent tous
les risques de défaillance des débiteurs des créances cédées.

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Chapitre 2
L’intermédiation financière
La question de l’intermédiation financière est à la fois ancienne et nouvelle. Ancienne, dans la
mesure où depuis longtemps les théories monétaires, telles que celle de Gurley et Shaw qui
date déjà d’une quarantaine d’années, l’étudient en distinguant la finance directe et la finance
indirecte. Nouvelle, parce que la globalisation financière actuelle est régie par une règle que
l’on peut appeler des "4 D" : décloisonnement des marchés, déréglementation des activités et
désintermédiation des financements et désengagement de l’État. La révolution financière des
années 80 et l’accélération de la mondialisation de l’économie dans les années 90 justifient
donc que l’on se pose la question de la place de l’intermédiation financière dans l’ensemble
du système de financement et de la réalité du processus de désintermédiation.
En constatant la désintermédiation des financements, certains annoncent la disparition des
intermédiaires financiers ou tout au moins un irréversible recul : s’impose alors la question de
la nécessité des intermédiaires financiers
D’autre part, l’atonie persistante de l’activité économique dans plusieurs pays amène à
réfléchir sur le rôle de la création monétaire dans le financement de la croissance. Reprenant
alors la distinction classique au sein des intermédiaires financiers entre ceux qui sont
"bancaires" et ceux qui ne le sont pas selon qu’ils ont ou non le pouvoir de créer de la
monnaie, nous posons dans une troisième et dernière partie la question de la spécificité des
banques au sein de la galaxie des intermédiaires financiers
De manière générale, l’intermédiation financière est l’activité développée par les agents
financiers qui s’interposent pour faciliter l’adéquation en quantité de l’offre à la demande de
capitaux.
1. Les Opérations financières
Trois opérations financières peuvent être envisagées.
1.1. Opération n°1 : des titres émis aux titres acquis
Une institution financière (IF) émet des titres, par exemple des obligations pour une valeur de
100 DH, auprès des agents financiers ou non financiers. Elle capte ainsi des ressources (de la
monnaie) qu’elle peut ensuite employer en accordant des crédits ; elle acquiert alors un titre
de créance sur l’agent en bénéficiant des crédits. Dans ce cas, la causalité va des ressources
(somme versées par les agents à capacité de financement en paiement des titres émis par l’IF)
vers les emplois (somme versées par l’IF en contrepartie des titres émis par les agents à
besoin de financement). Cette opération peut être schématisée de la façon suivante :

Bilan de l’IF
Titres Titres
Agents à besoin Titres acquis Titres émis Agents à capacité
de financement Monnaie Par l’IF Par l’IF Monnaie de financement

Toutes les IF peuvent effectuer cette opération, mais c’est surtout le rôle des IF dont les
ressources sont uniquement constituées de capitaux propres ou/et d’emprunts sur le marché
financier.

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Dans ce cas, on peut parler d’une intermédiation de représentation : l’IF permet la rencontre
de prêteurs et d’emprunteurs ne pouvant ou ne voulant pas s’engager directement sur le
marché financier.
Sa rémunération repose sur la marge entre intérêts reçus sur les titres acquis et les intérêts sur
les titres émis.

1.2. Opération n° 2 : des dépôts aux crédits


Une IF capte des fonds en accordant des intérêts sur les sommes collectées représentant les
dépôts de la clientèle. Ces derniers permettent l’octroi de crédits. Cette opération peut être
schématisée de la façon suivante :

Bilan de l’IF

Agents à besoin Crédits Agents à capacité


Dépôts
de financement De financement

Dans ce cas encore, la causalité va des ressources (les dépôts de la clientèle) vers les emplois
(les crédits accordés). La rémunération de l’IF repose sur la marge entre les intérêts perçus sur
les crédits et les intérêts versés sur les dépôts.
On peut parler d’une intermédiation de transformation permettant de concilier la diversité des
échéances demandées par les utilisateurs de crédits et les épargnants.
En finançant des crédits à toutes échéances (souvent à long terme) par des ressources souvent
à court terme, l’IF prend un risque d’immobilisation (notons que ce risque apparaît aussi dans
les opérations n°1 où les IF émettent des titres sûrs, à court et moyen termes, facilement
transformables en monnaie, auprès des agents à capacité de financement, leur permettant
d’acquérir des titres à long terme, plus risqués et moins liquides, auprès des agents à besoins
de financement). Toutes les IF susceptibles de capter des dépôts de la clientèle
(essentiellement les banques) peuvent effectuer cette opération.

1.3. Opération n° 3 : des crédits vers les dépôts


Un agent non financier (A) demande un crédit à son IF pour un montant de 100DH. En
ignorant l’intérêt que devra payer l’agent A, cette opération se traduit par une double écriture
comptable :

Bilan de A Bilan de l’ IF

Dépôts auprès Dette envers Créance sur A Dépôt de A


de l’IF = l’IF = 100DH = 100 DH = 100 DH
100DH

Pour l’agent A, nous retrouvons la causalité traditionnelle : des ressources (dette envers l’IF)
vers les emplois (dépôts auprès de l’IF). Cette causalité s’inverse pour l’IF qui, en
développant son actif (créance sur A), augmente son passif (dépôt de l’agent A). Ainsi,
lorsque l’IF accorde un crédit de 100DH à l’agent A, ce dernier peut effectivement dépenser

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ces 100DH comme s’il avait réellement déposé au préalable. Il y a eu création de monnaie,
privilège des seules banques. On peut parler dans ce dernier cas d’une intermédiation de
transformation anticipée.

2. La raison d’être de l’intermédiation financière

Aux contacts directs, les prêteurs et les emprunteurs peuvent préférer des relations passant par
des intermédiaires financiers. Cette préférence peut avoir pour origine l’imperfection des
marchés. Pour reprendre les thèses de R. Coase, la firme (qu’elle soit bancaire ou non
bancaire) naît des imperfections des marchés dont elle permet de réduire les coûts de
transaction.
« Par coût de transaction, on entend les coûts de fonctionnement du système d’échange et,
plus précisément dans le cadre économie de marché, ce qu’il en coût de recourir au marché
pour procéder à l’allocation des ressources et transférer des droits de propriété ».
Ces coûts de transaction comprennent les coûts de recherche du candidat et du compromis, les
coûts de standardisation de certification et de contrôle de la bonne exécution des échanges.
Ainsi les agents qui détiennent une encaisse excédentaire ne savent pas à qui l’offrir, alors que
d’autres ne savent pas à qui demander les fond permettant de combler leur déficit. Dans un
système économique dépourvu d’intermédiaires financiers, on imagine sans difficultés le
temps de la dépense d’énergie que devrait consacrer un agent économique souhaitant acheter
par emprunt l’appartement ou la voiture de ses rêves. En mettant une annonce dans les
journaux, en placardant les murs de son quartier ou en faisant du porte à porte, l’agent en
question mettrait sûrement plus de temps que n’en met l’intermédiaire financier pour
recueillir les fonds recherchés. Ce dernier permet des économies de coût de recherche et de
prospection. Inversement, grâce aux intermédiaires financiers, un prêteur n’a plus à
rechercher un emprunteur aux préférences absolument systématiques des siennes : opération
coûteuse, voire impossible. D’une part, entre deux agents, l’un souhaitant prêter 100DH,
l’autre désirant emprunter 1000DH, aucune transaction ne serait possible ; l’intermédiaire
corrige cette incompatibilité en acceptant de capter de multiples dépôts de faible valeur
unitaire et d’accorder des prêts de forte valeur unitaire. D’autre part, l’intermédiaire peut
corriger l’incompatibilité apparaissant entre agents dont l’un souhaiterait prêter à un an, alors
que le second désirerait emprunter à dix ans ; l’intermédiaire joue un rôle d’écran en acceptant
des ressources (souvent à court terme) pour des prêts à long terme.
Par ailleurs, aux contacts directs, les agents peuvent préférer des relations passant par des
intermédiaires financiers en raison de leur comportement vis-à-vis du risque. Si nous
admettons que les agents non financiers et les intermédiaires n’ont pas la même aversion pour
le risque (ces derniers étant moins affectés que les premiers en raison de la variabilité de
leurs profits), il est alors possible de justifier leur l’existence par leur capacité à prendre en
charge une partie des risques dont les prêteur et les emprunteurs souhaitent se dessaisir.

3. Les risques de l’intermédiation financière


Les intermédiaires financiers prennent à leur compte les risques qu’auraient dû prendre les
épargnants. Le risque désigne un danger bien identifié, associé à l'occurrence à un événement
ou une série d'événements, parfaitement descriptibles, dont on ne sait pas s'ils se produiront
mais dont on sait qu'ils sont susceptibles de se produire dans une situation exposante. Il
constitue la dimension la plus importante dans l'environnement bancaire. Pour une banque
celui-ci est l'essence de son activité et la source principale de son profit. Toutefois, la prise de

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risque excessive a souvent été à l'origine des difficultés, voir la défaillance des établissements
bancaires.

3.1. Le risque de contrepartie


Il s’agie d’un risque inhérent à l’activité d’intermédiation traditionnelle et qui correspond à la
défaillance de la contrepartie sur laquelle est détenu une créance. La banque subit alors une
perte en capitale supérieure au gain qu’elle aurait pu espérer sur cette même contrepartie non
défaillance. Ce risque regroupe deux risques de natures différentes : le risque de livraison et le
risque de crédit :
 Le risque de livraison : il concerne toutes les opérations de marché intégrant un
échange simultané de devises ou de flux d’intérêts. Ainsi, le type d’opération le plus
sensible est-il le change au comptant, mais le change à terme et certain swap de taux
sont également concernés.
Le risque de livraison naît de la non-simultanéité dans le temps des transferts qui
concrétisent l’opération.
 Le risque de crédit : il peut être défini comme la perte totale enregistrée sur une
opération suite à la défaillance de la contrepartie. On l’appelle aussi parfois risque de
signature.
3.2. Le risque de liquidité
Il s’agit également d’un risque inhérent à l’activité d’intermédiation traditionnelle puisque le
terme des emplois est toujours plus long que celui des ressources. Une banque incapable de
faire face à une demande massive et imprévue de retraits des fonds émanant de sa clientèle ou
d’autres établissements de crédit est dite illquide. Il est impossible de mesurer avec précision
l’exposition à se risque car les bilans bancaires ne décomposent pas les actif et les passifs par
échéance. De ce fait, les analystes portent leur attention sur les points suivants :
- Les emplois et ressources sont analyses selon leur liquidité et exigibilité réelle.
Ainsi, les dépôts a vus sont souvent plus stables que les dépôts a terme et les
dépôts interbancaire sont plus volatils que ceux de la clientèle.
- La qualité de la signature telle qu’appréciées par les marchés de capitaux c'est-à-
dire son aptitude a honorer ses échéances. La qualité de signature dépond de
plusieurs facteurs dont les plus importants sont son actionnariat, son rating, et la
perception que les marché ont des risques aux quels elle est exposée.
3.3. Les risques de marché
Ce sont les risques de perte qui peuvent résulter des fluctuations des prix de certains actifs
financiers qui composent un portefeuille. Ils sont issus dune évolution défavorable du cœur du
prix d’un actif négocié sur un marché. On distingue trois catégories de risque de marché
correspondant aux actifs habituellement détenus par une banque :
- Le risque de taux issu de l’évolution a la hausse ou a la baisse des taux
d’intérêts attachés à une créance ou une dette.
- Le risque de change résulte d’une évolution défavorable du cours d’une devise
dans laquelle la banque détient des créances et des dettes.
- Le risque de position sur action liés a l’évolution défavorable du cours des
actions figurant dans le portefeuille-titres d’une banque.
3.4. Le risque d’insolvabilité

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Il concerne la survie de la firme bancaire et est la manifestation d’un ou de plusieurs des
risques ci-dessus qu’une banque n’a pas pu prévenir. L’insolvabilité d’une banque débute en
générale par une crise de liquidité car dès que les marchés commencent à se défier d’un
établissement sur la base d’informations vérifiées ou pas, celui-ci ne peut plus se refinancer.
1.3.5. Le risque opérationnel
Il a été officiellement défini et pris en compte dans les documents soumis à consultation par le
comité de Bâle (2001), comme le risque de perte pouvant résulter de procédures internes
inadéquates ou non appliquées, des personnes, des systèmes ou d’évènements externes. Ces
évènements de risque sont les fraudes internes ou externes, les risques qui touchent aux
relations clients, les problèmes liés à la gestion du personnel, les dommages qui touchent les
actifs physique, l’interruption totale ou partielle des systèmes ou des processus, et la mauvaise
exécution de certains processus qu’ils soient internes ou externes à la banque.

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Chapitre 3
Présentation générale du système bancaire marocain

Un système bancaire peut se définir comme un ensemble de règles (dispositions


réglementaires) et d’institutions financières qui entretiennent des relations entre elles et avec
les agents économiques non financiers.
L’organisation du système bancaire marocain repose sur la loi bancaire de 2015 qui vient
compléter et corriger celle 2006. Ses principaux apports peuvent être résumés comme suit :
- L’introduction de nouvelles dispositions relatives aux associations de micro-crédit et
banques offshore, lesquelles, tout en restant régies par leurs textes spécifiques, seront
soumises aux dispositions de la loi bancaire relatives à l’octroi et au retrait
d’agrément, à la réglementation prudentielle et comptable et au régime des sanctions ;
- L’introduction du statut d’établissements de paiement habilités à effectuer des
opérations de paiement et englobant les sociétés de transfert de fonds régies par la loi
en vigueur, et le développement de dispositions relatives à la définition des
conglomérats financiers et à leur surveillance ;
- L’introduction d’un cadre légal et réglementaire pour l’encadrement de l’activité de
commercialisation des produits et services de banques participatives dans le secteur
bancaire marocain ;
- L’instauration d’un cadre de surveillance macro-prudentielle et de gestion des crises
systémiques et l’introduction de nouvelles règles de gouvernance du secteur bancaire ;
- La mise en conformité de la loi bancaire avec d’autres textes législatifs par sa mise en
adéquation avec la loi sur la protection du consommateur, celles de lutte contre le
blanchiment et sur la concurrence, et celle relative à la protection des données privées,
- La mise en place de passerelles entre Bank Al Maghrib et le Conseil de la Concurrence
qui pourrait émettre des avis concernant les situations de fusions relatives aux
établissements de crédit.

1. Les autorités de tutelle et de contrôle


La tutelle et le contrôle du système bancaire s’opère par l’intermédiaire de deux organes : le
ministre des finances et le gouverneur de la banque centrale.

1.1. Le Ministre des Finances


Il joue un rôle important dans l’exercice et la surveillance de l’activité bancaire. Il exerce
incontestablement une influence considérable sur l’ensemble du dispositif mis en place par la
loi bancaire :
- directement en étant Président du Conseil national de la Monnaie et de l’Epargne.
- indirectement par l’entremise de ses représentants présents dans toutes les instances
créées par la loi et dans les établissements publics et semi-publics.
C’est également au Ministre des finances que revient la responsabilité des décisions relatives
à la politique monétaire.

12. Bank Al Maghreb


Dénommé ‘‘Banque du Maroc’’ jusqu’en 1987, Bank Al- Maghreb a été créée par le dahir du
30 Juin 1959. Elle a pour mission principale la régulation monétaire (assurer la stabilité de la
monnaie et sauvegarder son pouvoir d’achat). Pour atteindre cet objectif, elle a le privilège :

12
- D’émettre la monnaie et d’effectuer toutes opérations sur or et devises ;
- D’entretenir des rapports bancaires avec l’Etat, de lui servir de conseiller et d’assistant
financier ;
- De refinancer les banques de dépôt et d’en contrôler l’activité.
En matière de contrôle de l’activité bancaire, la banque centrale est dotée des prérogatives
suivantes :
- Elle participe à la mise en œuvre de la réglementation bancaire ;
- Elle fixe les modalités de fonctionnement des comptes, ainsi que les modèles des états
comptables et des situations périodiques ;
- Elle peut se faire communiquer toutes pièces ou renseignements qu’elle estime
nécessaires et procéder à tous contrôles ou inspection qu’elle juge utiles.
- Elle gère les situations de crises pouvant dégénérer à travers des plans de redressement
de l’établissement en difficulté.

2. Les organes de consultation et de coordination

2.1. Le conseil National de Crédit et de l’épargne


C’est un organe consulté par les autorités monétaires sur toutes les questions intéressant les
orientations de la politique monétaire, du crédit et de la mobilisation de l’épargne. Il donne
son avis sur les conditions générales de fonctionnement des établissements de crédit et peut
formuler des propositions ou suggestions dans les domaines qui entrent dans sa compétence.
Il peut également constituer en son sein des groupes de travail pour effectuer toutes études qui
lui sont confiées par le ministère des finances ou qu’il juge utile. Pour recevoir force
d’exécution, ses décisions doivent être agréées par son Président, le Ministre des finances. Y
siège également le Gouverneur, le Vice président et le Directeur général de la banque
centrale, des représentants de l’administration, des représentants des organismes à caractère
financier, des représentants des chambres professionnelles, des représentants des associations
professionnelles et des personnes désignées par le Premier ministre en raison de leur
compétence dans le domaine économique et financier.

2.2. Le Comité des Etablissements de Crédit


Cet organisme est chargé de se prononcer sur toutes les questions relatives à la réglementation
bancaire, notamment :
- L’octroi et le retrait d’agrément ;
- L’exercice à titre habituel, par un établissement de crédit d’une activité autre que celle
visée par la loi ;
- Les conditions de prise de participation des établissements de crédit dans le Capital
des Entreprises ;
- Les conditions de publication des comptes annuels et semestriels ;
- Les modalités de fonctionnement du « fonds collectif de garantie des dépôts » ;
- La fixation du montant du capital des banques ou de la dotation minimum.
- La fusion de deux ou de plusieurs établissements de crédit ;
- L’absorption d’un ou plusieurs établissements de crédit par un autre établissement de
crédit ;

13
- La création de filiales ou l’ouverture de succursales, ou de bureaux de
représentation à l’étranger, par les établissements de crédit ayant leur siège social
au Maroc ;
- Les changements qui affectent la nationalité, le contrôle d’un établissement de crédit
ou la nature des opérations qu’il effectue à titre de profession habituelle.
Présidé par le Gouverneur de la banque centrale, ce comité regroupe deux représentants du
Ministère des finances, un représentant de l’Institut d’émission et quatre représentants des
associations des établissements de crédit.

2.3. La Commission de discipline des Etablissements de Crédit


Elle est chargée, en vertu de l’article 73 de la loi, d’instruire des dossiers disciplinaires et de
proposer des sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre des établissements de
crédit par le Ministre des finances ou par le Gouverneur de la banque centrale. Ses
attributions sont toutefois limitées à l’avis qu’elle peut donner dans les trois domaines
suivants :
- L’interdiction ou la restriction d’exercice relatif à certaines opérations se rapportant à
l’activité des établissements de crédit concernés,
- La nomination d’un administrateur provisoire et,
- Le retrait d’agrément.
2.4. Le Conseil Supérieur des Oulémas
Il est la seule autorité compétente pour donner un avis de conformité s’agissant de l’activité
des banques participatives et des produits et services de type participatif. Cette démarche
traduit la spécificité du Maroc et le distingue des autres pays où la responsabilité des avis de
conformité est confiée à des comités dont les membres sont nommés par les institutions
bancaires elles-mêmes. Elle présente par ailleurs un avantage certain dans le sens où elle
permet d’appliquer le principe d’unicité du référentiel religieux au domaine de la finance
participative et devrait favoriser une évolution cohérente du secteur. Les prérogatives du
Conseil Supérieur des Oulémas consistent à émettre des avis de conformité sur les produits et
services offerts par les banques participatives, et ce en application des principales dispositions
ci-après :
- L’obligation d’obtenir l’avis de conformité du Conseil Supérieur des Oulémas, comme
condition de création des banques participatives ;
- L’obligation d’obtenir l’avis de conformité du Conseil Supérieur des Oulémas, comme
condition pour commercialiser des produits ou des services participatifs que ce soit par
des banques participatives ou d’autres établissements de crédits et organismes
assimilés ;
- L’obligation d’obtenir l’avis de conformité du Conseil Supérieur des Oulémas avant
l’adoption et la publication par Bank AL Maghrib de circulaires et règles spécifiques
aux banques participatives et/ ou régissant les produits et services participatifs et
activités y afférentes ainsi que celles relatives à la gestion du fonds de garantie des
dépôts dédié à cette catégorie de banques ;
- L’obligation des banques participatives de transmettre des rapports de conformité au
Conseil Supérieur des Oulémas tels qu’élaborés par leurs comités d’audit interne et de
suivi de la conformité

14
2.5. Le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques

Il s’agit d’un nouvel organe, qui a pour missions :


- de coordonner les actions de ses membres en matière de supervision des
établissements soumis à leurs contrôles et de surveillance complémentaire des
conglomérats financiers
- de coordonner la réglementation commune applicable à ces établissements ;
- d’analyser la situation du secteur financier et d’évaluer les risques systémiques ;
- de proposer toutes mesures pour prévenir les risques systémiques et en atténuer les
effets
- et de coordonner la coopération et l’échange d’informations avec les instances
chargées de missions similaires à l’étranger.

2.6. Les associations professionnelles des établissements de crédit


Les établissements de crédit agréés en tant que banques ou en tant que banques participatives
et les banques offshore sont tenus d’adhérer à une association professionnelle régie
conformément aux dispositions du dahir du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958)
réglementant le droit d’association, tel qu’il a été modifié et complété. Les établissements de
crédit agréés en tant que sociétés de financement sont tenus d’adhérer à une association
professionnelle régie conformément aux dispositions du dahir précité. Les établissements de
paiement agréés sont tenus d’adhérer à une association professionnelle régie conformément
aux dispositions du dahir précité. De plus, les associations de microcrédit sont tenues
d’adhérer à la Fédération Nationale des Associations de Microcrédit (FNAM)
Les statuts des trois associations professionnelles précitées ainsi que toutes modifications y
relatives sont approuvés par le ministre chargé des finances, après avis du comité des
établissements de crédit.
Ces associations étudient les questions intéressant l’exercice de la profession, notamment
l’amélioration des techniques de banque et de crédit, l’introduction de nouvelles technologies,
la création de services communs, la formation du personnel et les relations avec les
représentants des employés. Elles peuvent être consultées par le ministre chargé des finances
ou le wali de Bank Al-Maghrib sur toute question intéressant la profession. De même, elles
peuvent leur soumettre des propositions dans ce domaine.
Les associations professionnelles servent également d’intermédiaire, pour les questions
concernant la profession, entre leurs membres, d’une part, et les pouvoirs publics ou tout autre
organisme national ou étranger, d’autre part.
Elles doivent informer le ministre chargé des finances et le wali de Bank Al-Maghrib de tout
manquement, dont elles ont eu connaissance, dans l’application, par leurs membres, des
dispositions de la présente loi et des textes pris pour leur application.
Elles sont habilitées à ester en justice lorsqu’elles estiment que les intérêts de la profession
sont en jeu et notamment lorsqu’un ou plusieurs de leurs membres sont en cause.

3. Les établissements de crédit et organismes assimilés


3.1. Les établissements de crédit
La loi bancaire considère comme établissement de crédit toute personne morale autorisée à
effectuer les opérations les opérations de banques qui consistent en :
- la réception des fonds du public,
- la distribution de crédits, y compris le leasing et l’affacturage
- la gestion et la mise à la disposition de la clientèle des moyens de paiement.

15
Les établissements de crédit peuvent également effectuer, sous réserve du respect des
dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière, les opérations ci-après :
- les services d’investissement visés à l’article 8 ci-après ;
- les opérations de change ;
- les opérations sur or, métaux précieux et pièces de monnaie ;
- la présentation au public des opérations d’assurance de
- personnes, d’assistance, d’assurance-crédit et toute autre opération
- d’assurance conformément à la législation en vigueur;
- les opérations de location de biens mobiliers ou immobiliers,
- pour les établissements qui effectuent, à titre habituel, des opérations de
- crédit-bail.

Sont considérés comme services d’investissement :


- la gestion d’instruments financiers ;
- la négociation pour compte propre ou pour compte de tiers d’instruments financiers
- la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers ;
- le conseil et l’assistance en matière de gestion de patrimoine ;
- le conseil et l’assistance en matière de gestion financière ;
- l’ingénierie financière ;
- le placement sous toutes ses formes ;
- le service de notation de crédit.

Les établissements de crédit sont également habilités à effectuer des opérations connexes
aux services d’investissement énumérés ci-dessus :
- les opérations d’octroi de crédits à un investisseur pour lui permettre d’effectuer une
transaction qui porte sur des instruments financiers tels que définis par la législation en
vigueur;
- la fourniture de conseil et de services aux entreprises notamment en matière de
structure de capital, de stratégie, de fusions et de rachat d’entreprises.

Aussi, les établissements de crédit peuvent prendre des participations dans des entreprises
existantes ou en création, sous réserve du respect des limites fixées, par rapport à leurs
fonds propres et au capital social ou aux droits de votes de la société émettrice, par
circulaire du gouverneur de Bank Al-Maghrib, après avis du Comité des établissements
de crédit.

Remarque
Les établissements de crédits regroupent les banques et les sociétés de financements. A la
différence d’une banque, une société de financement n’est pas habilitée à collecter les dépôts
à court terme et ne peut offrir qu’un seul produit pour lequel il a obtenu l’agrément (exemple :
crédit bail, factoring, crédit à la consommation, cautionnement, crédit immobilier, etc.)

3.2. Les organismes assimilés aux établissements de crédit

La loi bancaire de 2015 a élargi le champ d’application des dispositions réglementaires


bancaires à d’autres institutions dénommées : organismes assimilés (article 11 de la loi
bancaire). Ces organismes sont au nombre de six :

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- les établissements de paiement : ce sont les établissements habilités à offrir les services
de paiement : ( les opérations de transfert de fonds, les dépôts et les retraits en espèces
sur un compte de paiement, l’exécution d’opérations de paiement par tout moyen de
communication à distance, l’exécution de prélèvements de fonds par carte et
l’exécution de virements et enfin les opérations de change)
- les associations de micro-crédit : ce sont des structures associatives chargées d’aider
financièrement les personnes économiquement pauvres, qui pour des raisons de
garanties ne peuvent accéder aux prêts bancaires classiques.
- les banques offshores : ce sont les banques qui opèrent dans les zones franches, c’est-à-
dire dans les paradis fiscaux ou dans les juridictions à fiscalité intéressante.
- les compagnies financières : ce sont les sociétés qui ont pour filiales, exclusivement ou
principalement, un ou plusieurs établissements de crédit.
- la Caisse de Dépôt et de Gestion : c’est un établissement « public » constitué en holding
à statut privé qui développe trois métiers : l’épargne et prévoyance, la banque, la finance
et l’assurance et enfin le développement territorial. Parmi ses filiales, on peut citer :
CIH, Finéa, CDG capital, Fonds Jaida, CGI et CDG développement.
- La Caisse Centrale de Garantie : C’est un organisme public qui contribue à donner une
impulsion à l’initiative privée en encourageant la création, le développement et la
modernisation des entreprises. Elle appuie également le développement social à travers
notamment la garantie des prêts à l’habitat.

Outre ces six organismes assimilés, la loi bancaire de 2015 a défini la notion de conglomérat
financier (article 21). Il s’agit d’un groupe remplissant les trois conditions suivantes :
- être placé sous contrôle unique ou influence notable d’une entité du groupe ayant son
siège social ou activité principale au Maroc ;
- deux au moins des entités du groupe doivent appartenir au secteur bancaire et/ou au
secteur de l’assurance et/ou relèvent du secteur du marché des capitaux ;
- les activités financières exercées par le groupe sont significatives

Remarque
Les établissements suivants ne sont pas soumis aux dispositions de loi bancaire de 2015 :

1. Bank Al-Maghrib;
2. La Trésorerie générale ;
3. Les services de mandats postaux
4. les entreprises d’assurances et de réasssurance régies par la loi n° 17-99 portant code
des assurances et les organismes de prévoyance et de retraite ;
5. Les organismes à but non lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des raisons
d’ordre social, accordent sur leurs ressources propres des prêts à des conditions
préférentielles aux personnes qui peuvent en bénéficier en vertu des statuts de ces
organismes ;
6. Le Fonds Hassan II pour le développement économique et social régi par la loi n° 36-01
7. Les institutions financières internationales et les organismes publics de coopération
étrangers autorisés par une convention conclue avec le gouvernement du Royaume du
Maroc à exercer une ou plusieurs opérations visées à l’article premier ci-dessus

17
Chapitre 4
Financement de l’économie par les institutions financières

Dans le cadre du financement indirect de l’économie, il existe un intermédiaire entre les


demandeurs et les offreurs de capitaux. Généralement, il s’agit des banques. Le financement
se fait par le biais d’un crédit dont le taux d’intérêt constitue le prix. C’est, entre autres, grâce
aux dépôts des clients que les banques peuvent proposer des crédits aux agents à besoin de
financement. Par conséquent, avec un financement intermédié, les épargnants ne savent pas
comment leurs dépôts sont utilisés. Cependant, cette pratique ne peut suffire à combler
l’intégralité des besoins de financement des agents économiques. Les banques ont donc
recours à un financement par création monétaire, il s’agit du crédit monétaire.
Le financement direct de l’économie peut être réalisé soit par des institutions financières
conventionnelles, soit par des institutions financières non conventionnelles. Dans ce dernier
cas, une importance cruciale est accordée aux aspects de l’éthique et de la déontologie dans
les affaires.
1. Le financement de l’économie par les institutions financières
conventionnelles
1.1. Les établissements bancaires
Les établissements de crédit contribuent au financement de l’économie à travers la
distribution de crédits. Une opération de crédit bancaire est un acte par lequel la banque met
ou s’oblige à mettre, à titre onéreux, des fonds à la disposition d’un client, à charge pour
celui-ci, de les rembourser, ou prendre, dans l’intérêt de cette dernière, un engagement par
signature tel qu’un aval, un cautionnement ou toute autre garantie.
Les crédits bancaires découlent généralement de l’arrangement de trois variables : le délai, la
confiance et la promesse. Ils peuvent être classés selon plusieurs critères : la durée (crédit à
court terme ou crédit à moyen et long terme), le taux d’intérêt (taux variable ou taux fixe), la
mobilisation (crédit mobilisable ou crédit non-mobilisable), la bonification (crédit bonifié ou
crédit non bonifié), le type de financement (trésorerie ou investissement), le décaissement
(crédit par décaissement et crédit par signature), le secteur d’activité (secteur primaire, secteur
secondaire et secteur tertiaire), garantie (crédit en blanc et crédits bénéficiant d’une garantie),
amortissement (amortissement constant, amortissement in fine et amortissement par annuités
constantes), etc.
1.1.1. Les principales caractéristiques d’un crédit bancaire
1.1.1.1. Les garanties
L’octroi du crédit comporte inévitablement des risques, le banquier recueille des garanties qui
lui servent de couverture de sécurité en cas de réalisation de ces risques. Il existe
généralement deux types de garanties : les garanties personnelles et les garanties réelles
- Les garanties personnelles
Les garanties personnelles concernent tous les engagements pris par une tierce personne, autre
que le débiteur principal, d’honorer les engagements de celui-ci, s’il ne satisfait pas à ses
obligations. Les créanciers disposent ainsi d’un droit de poursuite contre cette personne autre
que le principal obligé. On distingue dans les garanties personnelles le cautionnement et
l’aval.

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Le cautionnement est l’acte par lequel une tierce personne appelée caution s’engage envers la
banque à rembourser le montant de crédit si à l’échéance l’emprunteur ne peut ou ne veut pas
le faire lui-même.
L’aval est une sûreté personnelle propre aux effets de commerce. Il se définit comme étant un
engagement par une tierce personne appelée « donneur d’aval » ou « avaliste » en faveur d’un
signataire cautionné.
Le donneur d’ordre s’engage par signature, apposée sur l’effet de commerce ou (sur une
allonge) ou sur un acte séparé, à payer l’effet de commerce à l’échéance si le débiteur
principal qui a précédemment apposé sur sa signature sur le titre se trouvant défaillant.
- Les garanties réelles
Les garanties réelles sont constituées par l’affectation d’un bien meuble ou immeuble
jusqu’au paiement de la créance. En les comparants avec les garanties personnelles, elles
apparaissent plus faciles à mettre en œuvre puisque la banque peut prendre le bien, si à
l’échéance l’emprunteur se trouve défaillant.
Les sûretés réelles se subdivisent en deux formes : l’hypothèque et le nantissement.
L’hypothèque se définit comme la sûreté réelle immobilière par excellence, elle s’applique
sur les biens immobiliers. C’est est un contrat par lequel le créancier acquiert sur l’immeuble
affecté en paiement de sa créance au droit réel qui lui permet de se faire rembourser en
priorité le montant de sa créance en quel que soit le détenteur de l’immeuble hypothéqué, au
moment de la réalisation de l’hypothèque.
Le nantissement est l’acte par lequel le débiteur remet au créancier un bien en garantie de sa
créance. Si le bien remis en garantie est meuble, on parle de « gage » ; si d’un immeuble, on
parle « d’antichrèse ». Il concerne avec tous ses composants, les actifs financiers et les
marchés publics.
Il existe deux catégories de nantissement : le nantissement avec dépossession et le
nantissement sans dépossession.
1.1.1.2. Le mode de remboursement
La proportion des intérêts et de l’amortissement du crédit dans une échéance varie au cours du
temps selon les offres des banques, mais surtout le mode d’amortissement choisi par
l’emprunteur.
- L’amortissement avec échéances constantes (annuités constantes) ou
remboursement progressif du capital
Ce mode d’amortissement est le plus fréquent. Comme son nom l’indique, il consiste à
rembourser un crédit via un certain nombre d’échéances dont le montant est fixe. Autrement
dit, l’emprunteur paie chaque mois la même somme à son créditeur, et cela du début à la fin
de son remboursement. Dans les premières échéances, la part d’intérêt remboursée est plus
élevée que celle du capital. Elle diminue régulièrement tandis que la part imputable au
remboursement du capital augmente.
- L’amortissement constant du capital ou remboursement à échéances dégressives
Dans le cas de ce type d’amortissement, il ne s’agit plus de payer le même montant à
intervalles réguliers pendant toute la durée de l’emprunt mais de rembourser la même part du
capital emprunté à chaque échéance. Les intérêts étant calculés par rapport au capital restant
dû, leur montant diminue à chaque échéance. La somme totale à régler chaque mois,
composée d’une part fixe liée au remboursement du capital et de la part due aux intérêts,
décroît donc au fur et à mesure des échéances, d’où le nom de « remboursement à échéances
dégressives ». Ce mode d’amortissement est très rarement proposé aux particuliers et
s’adresse plutôt aux entreprises.

19
- L’amortissement in fine
Ce type de crédit est proprement dit dénué d’amortissement. Il prévoit en effet
que l’emprunteur s’acquitte de la totalité du capital emprunté en une seule fois, à la fin de son
emprunt. Tout au long de la durée de vie du prêt, le client ne réglera donc que les
intérêts générés par son crédit, intérêts dont le montant sera le même à chaque échéance
puisque le capital dû restera constant tout au long du prêt. La somme totale allouée aux
intérêts sera par conséquent plus élevée que dans le cas d’un prêt amorti.
1.1.1.3. Les risques de crédits bancaires
Le risque de crédit est le risque le plus important et le plus dangereux auquel est exposée une
banque. Cette dernière doit accorder une attention particulière à sa gestion afin de ne pas être
en proie à ses conséquences.
Le risque de crédit peut être défini comme « la perte potentielle consécutive à l’incapacité par
un débiteur d’honorer ses engagements ». Il désigne également, d’une façon plus large, le
risque de perte lié à la dégradation de la qualité de la contrepartie qui se traduit par une
dégradation de sa note.
On distingue trois types de risque de crédit: le risque de défaut, le risque de dégradation
du spread et le risque lié à l’incertitude du recouvrement, une fois le défaut survenu.
- Le risque de défaut :
Le risque de défaut est inhérent non seulement aux emprunts aux sens large, que ce soient des
emprunts bancaires ou des titres de créances (Obligations, billets de trésorerie, certificats de
dépôt …), mais plus généralement à tout type de contrat financier duquel naît une créance à
un moment donné.
Le banquier a plusieurs moyens de se prémunir contre le risque de défaut. Il peut par exemple
exiger de l’emprunteur un niveau d’intérêts en fonction du risque de défaut que représente ce
dernier. Ce surplus de rémunération est appelé une prime de risque. Il peut également
demander des garanties pour couvrir son engagement, soit de l’emprunteur directement, soit à
travers d’un organisme spécialisé.
- Le risque de dégradation du Spread :
Le spread de crédit est la prime de risque qui lui est associée. Sa valeur est déterminée en
fonction du volume de risque encouru (plus le risque est important, plus le spread est élevé).
Le risque de dégradation du spread est le risque de voir se dégrader la qualité de la
contrepartie (dégradation de sa note) et donc l’accroissement de sa probabilité de défaut. Cela
conduit à une hausse de sa prime de risque, d’où la baisse de la marge sur intérêts.
Ce risque peut être mesuré d’une façon séparée pour chaque contrepartie ou globalement sur
tout le portefeuille de crédit
- Le risque de recouvrement :
Le taux de recouvrement permet de déterminer le pourcentage de la créance qui sera récupéré
en entreprenant des procédures judiciaires, suite à la faillite de la contrepartie. Le
recouvrement portera sur le principal et les intérêts après déduction du montant des garanties
préalablement recueillies.
Le taux de recouvrement constitue une source d’incertitude pour la banque dans la mesure où
il est déterminé à travers l’analyse de plusieurs facteurs :
 La durée des procédures judiciaires qui varient d’un pays à un autre
 La valeur réelle des garanties ;
 Le rang de la banque dans la liste des créanciers.
1.1.2. Typologie des crédits bancaires:

20
Il existe principalement deux grandes familles de crédits que les établissements bancaires
mettent à la disposition de leur clientèle professionnelle : les crédits de fonctionnement
finançant le cycle d’exploitation des entreprises et les crédits destinés à financer des
programmes d’investissement.
1.1.2.1. Les crédits de fonctionnement
Ce genre de crédit est destiné à couvrir ou faire face à des situations particulières afin
d’assurer le fonctionnement ou le bon roulement de l’entreprise, et d’assurer l’équilibre de la
trésorerie, ils peuvent faire l’objet du paiement d’un délai de fabrication ou de couvrir le
temps de stockage, ou carrément le paiement des dépenses courantes (loyers, salaires…)
Ces crédits sont d’une durée inférieure à l’exercice comptable, d’où l’appellation crédit
courant, d’exploitation ou à court terme. Destiné à palier entre l’intervalle de l’encaissement
et décaissement et à couvrir le Besoin de Fond de Roulement, on distingue deux types de
crédit à court terme :
1.1.2.2. Les crédits d’investissement
Un crédit d’investissement est défini comme étant la forme d’un prêt d’équipement accordé
par une banque. Le crédit d’investissement peut être un prêt à moyen terme (3 à 7 ans) dans le
but d’acheter un matériel.
Les crédits d’investissement sont destinés à financer la partie haute du bilan, et le
remboursement de ces crédits ne peut être assuré que par le jeu des bénéfices. On peut
scinder les crédits d’investissement en deux catégories, les crédits en crédit à moyen terme et
crédit à long terme. Parmi les solutions proposées par les banques, il existe le crédit classique
à moyen ou long terme ou le crédit-bail
1. 2. Le financement de l’économie par les sociétés de financement
A la différence des établissements bancaires, les sociétés de financement ne peuvent effectuer
parmi les opérations liées à l’activité bancaire que celles précisées dans les décisions
d’agrément qui les concernent ou, éventuellement, dans les dispositions législatives ou
réglementaires qui leur sont propres. En outre, ces sociétés ne peuvent, en aucun cas, recevoir
du public des fonds à vue ou d’un terme inférieur ou égal à deux ans.
On peut classer ces sociétés, sans que la liste n’en soit exhaustive, par rapport aux principaux
types d’activités qu’elles exercent.
1.2.1. Les société de crédit – bail (leasing)
Ces sociétés sont habilitées en vertu de la loi bancaire à exercer deux types d’opérations :
- Les opérations de location de biens d’équipement ou matériel et outillages qui, quelle
que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d’acquérir à une date
fixée avec le propriétaire, tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu et
tenant compte des versements effectués à titre de loyers.
- Les opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens immobiliers à
usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces
opérations quelle que soit leur qualification permettent aux locataires de devenir
propriétaires de tout ou partie des biens loués au plus tard à l’expiration du bail.
1.2.2. Les sociétés d’affacturage (factoring)
L’affacturage est une convention par laquelle un établissement de crédit s’engage à effectuer
le recouvrement et, éventuellement, la mobilisation des créances commerciales que détiennent
les clients, soit en acquérant lesdites créances, soit en se portant mandataire du créancier avec,
dans ce dernier cas, une garantie de bonne fin.
Dans les faits, l’affacturage consiste en un transfert de créances commerciales de leur titulaire,
appelé adhérent, à un factor, en l’occurrence la société de factoring qui se charge de leur

21
recouvrement et qui supporte les pertes éventuelles sur les débiteurs insolvables. En outre, le
factor peut régler par anticipation le montant des créances transférées.
Il s’agit donc à la fois d’une procédure de recouvrement, d’une garantie des risques et
éventuellement d’un moyen de financement.
1.2.3. Les sociétés de crédit à la consommation
Le crédit à la consommation permet le financement d’achats de biens de consommation ou de
biens d’équipement à crédit. Il prend la forme de prêts affectés, de prêts non affectés, de
crédits renouvelables ou de location avec option d’achat.
1.2.4. Les sociétés de financement des organismes de microcrédit
Ce sont des Fonds de financement des institutions de microfinance (IMF) institués sous la
forme d’une Société Anonyme de droit Marocain et agrée par la banque centrale du Maroc
(Bank Al Maghrib), comme une société de financement.
Les principaux objectifs poursuivis par les Fonds sont les suivants :
- Faciliter le financement de toutes les IMF en vue d’améliorer l’accès aux crédits pour
les micro-entrepreneurs au Maroc ;
- Lever des financements auprès de sources privées et drainer ainsi de nouveaux
capitaux privés vers le secteur de la microfinance ;
- Favoriser le développement institutionnel des IMF
Seule la Société Jaida, filiale de la CDG, est active dans ce secteur.
1.2.5. Les sociétés de Crédit Immobilier
Elles ont pour mission le financement du secteur immobilier. Les échéances des crédits
accordés s’étalent généralement sur plusieurs années (exemple : wafa-immobilier).
1.2.6. Les sociétés de cautionnement et de mobilisation des créances
Les sociétés exerçant les métiers de cautionnement et de garantie participent au financement
des entreprises en ce sens qu’elles facilitent à ces dernières l’accès aux crédits bancaires
destinés à couvrir les besoins tant d’investissement que d’exploitation (Exemple : Finéa).

2. Le financement de l’économie par les institutions financières non


conventionnelles
Au Maroc, deux catégories d’institutions financières proposent des modes des produits de
financement non-conventionnel. Il s’agit des sociétés de capital-investissement (private
equity) et les banques participatives.
2.1. Le financement de l’économie par les sociétés de capital-investissement
Le capital-investissement est une activité financière consistant à effectuer une prise de
participation (sous forme de capital, de titres de créances convertibles ou non ainsi qu’en
avances en comptes courants d’associés) pour une durée déterminée dans des entreprises non
cotées ayant besoin de fonds propres ou de quasi-fonds propres.
2.1.1. Le rôle et contribution du Capital Investissement
Pour l’entreprise, le Capital Investissement constitue à la fois une source de financement et un
outil d’accompagnement managérial :
• une source de financement : une entreprise confrontée aux contraintes et limites des
sources traditionnelles de financement (à savoir les fonds propres, le financement
bancaire, et l’appel public à l’épargne) peut solutionner ses problèmes en capitaux

22
grâce au Capital Investissement, acteur essentiel dans la chaîne du financement de
l’entreprise ;
• un outil d’accompagnement managérial : outre une réponse à des besoins réels de
financement, le Capital Investissement constitue un formidable levier d’amélioration
pour l’entreprise. L’intervention de l’investisseur en capital aux côtés des équipes
dirigeantes se traduit par un véritable transfert de savoir-faire. L’entreprise bénéficie
ainsi de compétences complémentaires pour son management stratégique à long terme
couplées à une expertise financière.
De plus, l’activité du Capital Investissement :
 contribue à la création de valeur pour les dirigeants, les salariés et les actionnaires
de l’entreprise mais également pour l’économie nationale ;
 accélère la création d’entreprises ainsi que le développement et la promotion de
l’innovation et des nouvelles technologies ;
 crée richesse et emplois tout en renouvelant le tissu économique.

2.1.2. Les différentes opérations de capital investissement

Soutien fondamental de l’entreprise tout au long de son existence, le Capital Investissement


finance son démarrage, son développement, sa transmission, ou encore sa recapitalisation en
cas de difficultés.
• Le Capital Amorçage – Seed Capital
Les investisseurs apportent du capital, leurs réseaux ainsi que leurs expériences à des projets
entrepreneuriaux qui sont en phase de Recherche & Développement.
• Le Capital Risque – Venture Capital
Les investisseurs apportent un financement en fonds propres, ou quasi-fonds propres, à des
entreprises en création ou en phase de démarrage d’activité. Selon la maturité du projet à
financer, le Capital Risque se subdivise ainsi :
o la Création finance le démarrage de l’activité entrepreneuriale ;
o la Post-Création intervient lorsque l’entreprise a besoin de capitaux pour démarrer
la production et la commercialisation d’un produit dont le développement est
achevé.

• Le Capital Développement – Growth ou Expansion Capital


Les investisseurs apportent un financement en fonds propres, ou quasi-fonds propres, destiné
à financer le développement d’une entreprise ou le rachat de positions d’actionnaires. À ce
stade, l’entreprise partenaire a généralement atteint son seuil de rentabilité et présente des
perspectives de croissance importantes. Cette opération vise à accompagner le dirigeant dans
le financement de la croissance organique et externe de l’entreprise avec un objectif, à moyen
terme, de création de valeur et de liquidité.
• Le Capital Transmission – Buy Out
Cette opération consiste à acquérir la majorité du capital d’une entreprise à maturité par la
combinaison de capitaux et de financements bancaires (dette structurée). Les opérations avec

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effet de levier ou LBO (Leveraged Buy-Out) sont les plus connues. Elles permettent à un
dirigeant associé à un fonds de Capital Investissement de transmettre son entreprise ou de
préparer sa succession en cédant son entreprise en plusieurs étapes.
• Le Capital Retournement – Turnaround
Les investisseurs apportent un financement en fonds propres à des entreprises en difficulté.
Par le biais de ce mode de financement, l’investisseur donne aux dirigeants l’opportunité et
les moyens de mettre en œuvre des mesures de redressement de l’activité permettant le retour
aux bénéfices.
Remarque
Le Crowdfunding est une autre façon pour les entreprises, les particuliers de récolter des
fonds pour leur projets. Dans la plupart des cas, c’est l’association d’un grand nombre de
personnes investissant un petit montant qui permettent aux porteurs de projets de trouver les
fonds demandés. Ce mode de financement est également un moyen de fédérer le plus grand
nombre de personnes autour de son projet. Cela passe souvent par des plateformes
informatiques.
Les fonds apportés peuvent être alloués sous 4 formes différentes :
- Le crowdfunding en don ou crowdgiving : Une personne physique ou morale (une
entreprise) donne une somme sans rien attendre en retour c’est un don, généralement
cette catégorie de financement est propre aux actes associatifs ainsi qu’aux projets
personnels.
- Le crowdfunding avec récompense ou reward based crowdfunding : Une personne
physique ou morale (une entreprise) donne une somme en échange d’une récompense.
Le porteur de projet a deux façons de présenter les récompenses, il peut recourir au
pré-achat, c’est à dire qu’il faudra qu’un certain nombre de personnes achète le produit
ou le service pour que ces derniers soient créés. La deuxième façon que peuvent
prendre les récompenses c’est de donner en échange d’un financement, un cadeau,
comme la photo du projet terminé, t-shirt promotionnel.
- L’equity crowdfunding ou investissement participatif : une personne physique ou
morale (une entreprise) accepte d’investir dans un projet à condition d’acquérir des
parts dans l’entreprise financée directement ou indirectement.
- Le crowdfunding en prêt ou crowdlending : une personne physique prête une somme
afin de financer un projet. La somme prêtée doit être rendue avec ou sans intérêts,
c’est au porteur de projet d’en décider

2.2. Le financement de l’économie par les banques participatives


2.2.1. Les principes fondamentaux de la banque participative
Les banques participatives (souvent connues sous le nom de banques islamiques) fonctionnent
selon les règles établis par la Charia (Loi de l’Islam). Parmi ces règles, il y a lieu de citer :
- L’interdiction du prêt à l’intérêt (Riba) : Les pratiques de l’économie islamique
interdisent toute sorte d’intérêt payé ou reçu quelle que soit la nature ou la grandeur de
la transaction.
- L’adossement à des actifs réels : L’argent ne représente qu’un simple moyen
d’échange, ainsi chaque opération financière doit être adossée à un actif tangible. De
ce fait la finance islamique reste connectée à l’économie réelle vu qu’elle interdit toute
transaction spéculative qui n’aboutit pas à une création de richesse ou à un transfert de
cette richesse.

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- L’interdiction de l’activité illicite : un financement islamique ne peut avoir pour objet
un investissement dans une activité interdite par la Charia. Aucun investissement ne
peut ainsi être réalisé par un financier islamique dès lors qu’il porte sur des produits
interdits par la Charia ou des activités illicites
- telles que l’alcool, la viande porcine, ou les jeux de hasard.
- Le partage des pertes et profits : Le principe de Partage des Pertes et Profits (PPP) a
pour objectif la réalisation des contrats aux termes desquels l’une des parties
n’exploite pas d’une manière injuste son cocontractant
- L’interdiction de l’incertitude et de la spéculation (Gharar et Maysir) : selon la Charia,
les activités contenant des éléments d’incertitude excessives ou qui reposent sur la
spéculation en vue de réaliser un profit sont interdits. Un contrat conforme à la Charia
est celui dont toutes les caractéristiques fondamentales sont claires.

2.2.2. Les instruments de financement proposé par la banque participative

• La Mousharaka
Il s’agit d’un contrat de partage de profits et de pertes selon lequel l’entrepreneur et le
financier participent à l’apport du capital et à la gestion de l’affaire. Similaire à une joint
venture, l’apport en capital est réalisé selon des pourcentages définis au préalable ainsi les
profits sont distribués selon des ratios définis contractuellement. Ces profits peuvent différer
de la proportion du capital investi par chaque partie mais les pertes sont toujours réparties au
prorata de l’apport en capital réalisé.
En pratique, la Mousharaka est souvent gérée par une des parties moyennant des frais. Cet
instrument est fréquemment utilisé dans le cadre du financement de projets à long terme, tel
qu’une joint-venture pour l’acquisition d’un bien spécifique, le développement d’un nouveau
projet d’entreprise.
La Mousharaka peut revêtir l’une des deux formes suivantes :
- La Moucharaka Tabita : l’établissement de crédit et le client demeurent partenaires au
sein de la société jusqu’à l’expiration du contrat les liant
- la Moucharaka Moutanakissa : l’établissement de crédit se retire progressivement du
capital social conformément aux stipulations du contrat.
.
• La Moudaraba
Il s’agit également d’une joint venture, similaire au mécanisme de la Mousharaka, impliquant
un principe de partage de profits et de risque. Le partenariat comporte le gérant (un moudarib)
qui sera chargé de placer les fonds pour le compte des investisseurs (Rab-al mal) dans le
projet sans aucun apport en capital de sa part.
Les profits sont répartis selon des ratios définis contractuellement mais à la différence de la
Mousharaka, les pertes sont supportées uniquement par les investisseurs. Ce principe repose
sur l’idée que la contribution du gérant, ses efforts et son expertise ont une valeur, à
l’exception du cas ou celui-ci commet une erreur grave ou ne respecte pas les termes du
contrat.
En pratique, la Moudaraba est souvent employée dans le monde de la finance islamique pour
gérer des liquidités (p.ex. comptes d’investissement avec partage des profits et pertes dans le
cadre desquels la banque islamique agit en tant que moudarib et l’investisseur en tant que
(rab-al-mal). Cet instrument est également utilisé pour mettre en place d’autres structures de
financement islamique syndiqué.

• Mourabaha : financement basé sur le principe du coût majoré

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Dans le contrat Mourabaha classique, un financier acquiert un actif pour le compte de son
client et le lui revend ensuite moyennant des paiements souvent échelonnés sur une période
donnée. En pratique, le prix de revente est égal au coût d’acquisition majoré d’une marge,
convenue entre les parties. Les modalités de paiements à terme ainsi que les prix de revente et
les marges associées sont convenues et acceptés au préalable par les deux parties.

Les principales différences entre la mourabaha et un contrat de dette classique :


- Dans une Mourabaha, le financier demeure propriétaire de l’actif et assume le risque
sous-jacent, (même pour une période courte) jusqu’à la revente de l’actif au client. Il
ne s’agit donc pas d’un prêt mais d’une opération de vente à crédit.
- Il n’y a pas de référence à un taux d’intérêt. Le financier se rémunère par le biais d’une
commission qui ne compense pas la valeur intrinsèque de l’argent mais correspond
plutôt à la récompense du service rendu par la banque.

• L’Ijara
C’est l’équivalent d’un contrat de bail ou le cas échéant d’un contrat de location-vente. Il
s’agit d’un instrument souvent utilisé pour financer les actifs mobiliers et immobiliers ainsi
que pour le financement des projets d’infrastructure long termes. Le financier (la banque)
demeure le propriétaire de l’actif et supporte tous les risques qui y sont associés. Dans ce
mode de financement, l’actif n’est pas revendu au client mais est plutôt donné en location en
contrepartie du versement de loyers.
Quelques différences distinguent cet instrument d’un contrat de crédit bail classique :
- L’Ijara ne prévoit pas de pénalités en cas de retard ou défaut de paiement.
- Un contrat Ijara ne permet pas de rééchelonner les paiements, toute modification des
termes contractuels ne peut se faire qu’à travers un nouveau contrat.
- Les paiements dans un contrat Ijara ne peuvent pas se faire avant la livraison réelle du
bien contrairement à un contrat de crédit bail classique.
- Dans un contrat d'Ijara, il est possible de déterminer le montant de chaque paiement
non pas préalablement mais à la date où la livraison de l'actif sous-jacent est prévue.
Cette flexibilité rend cet instrument particulièrement utile dans le cas de financement
de projets, une activité où l'incertitude sur la rentabilité future d'un projet
d'investissement peut être importante.
Le contrat Ijara peut consister en une location simple. Elle peut également être assortie de
l’engagement ferme du locataire d’acquérir le bien loué à l’issue d’une période convenue
d’avance.

• La Vente à terme : La Vente Salam


Il s’agit d’une vente à terme qui consiste à payer en avance des biens qui seront livrés à terme.
Le bien vendu à terme doit être conforme à la Charia mais il peut ne pas exister au moment de
la signature du contrat. Cependant, ce contrat ne pourrait en aucun cas s’appliquer sur un bien
qui a une durée de vie inférieure à l’échéance du contrat.
Cet instrument est très utile dans le financement des activités agricoles mais également dans
certaines activités commerciales et industrielles lors des phases antérieures à la production ou
à l’exportation.
Un paiement intégral anticipé permet souvent au financier de faire l’acquisition de l’actif à un
prix réduit. Le prix est calculé sur la base d’un indice de référence auquel s’ajoute une marge.
Au moment de la livraison, le financier peut ainsi vendre l’actif à son client pour un prix plus
élevé ou conclure en parallèle un contrat Salam avec un tiers (aux termes d’un contrat
distinct) afin de revendre l’actif à un prix supérieur.

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• L’Istitnaa
Il s’agit également d’un contrat à terme mais qui diffère du contrat Salam dans les modalités
de paiement. En effet, ce type d’instrument permet une flexibilité de paiements qui pourraient
s’effectuer à la signature du contrat en comptant, graduellement ou même à terme. Les
paiements peuvent même être effectués en fonction de l’avancement du projet. Il est à noter
que dans ce type de produit, la date de la livraison du bien n’est pas déterminée à l’avance
mais les modalités de paiement doivent être spécifiées dans le contrat.
Une autre particularité de l’Istitnaa concerne la nature du bien financé. En effet, cet
instrument s’applique uniquement sur les biens qui sont construits ou fabriqués ce qui
explique sa popularité dans les financements de projets de construction ou de développement
d’actifs.

• Qard al Hassan
Il s’agit d’un instrument de dette « gratuit » qui se rapproche plus d’une aide financière que
d’un crédit commercial. C’est en effet un prêt sans intérêt qui pourrait être utilisé dans des
situations spécifiques. Par exemple, lorsqu’une entreprise ou un individu est en difficulté ou si
on souhaite favoriser le développement d’un nouveau secteur.

27
Chapitre 5
Les théories monétaires : l’approche dichotomique

Les théories monétaires dichotomiques considèrent la monnaie comme est un voile qui cache
les transactions réelles entre les biens et qu’il suffit de soulever ce voile pour percevoir la
réalité des phénomènes. J. B. Say n’a-t-il pas affirmé que « les produits s’échangent contre les
produits » et que « semblables à l’huile qui adoucit les mouvements d’une machine
compliquée, les monnaies, répandues dans tous les rouages de l’industrie humaine, facilitent
des mouvements, qui ne sont plus productifs dès que l’industrie cesse de les employer ».
J.S Mill n’a pas manqué de souligner que : « II n’est pas dans l’économie d’une société
quelque chose de plus insignifiant en elle-même que la monnaie, si on la considère autrement
que comme un mécanisme pour faire vite et commodément ce que l’on ferait moins vite et
moins commodément s’il n’existait pas ». Quant à Walras, il considère que la monnaie est un
« voile » dans la mesure où elle ne modifie pas les termes de l’équilibre réel puisqu’elle n’est
jamais demandée pour elle-même : « Le besoin que l’on a de monnaie, écrit-il, n’est autre
chose que le besoin de marchandises que l’on achètera avec cette monnaie ».
La monnaie, selon ces théories, est dite neutre. Ce qui signifie que les modifications qui
interviennent dans la sphère monétaire ne provoquent aucune perturbation de l’équilibre de la
sphère réelle, notamment le domaine de la production. En particulier, l’augmentation de la
quantité de monnaie en circulation génère une hausse générale de tous les prix, sans changer
les prix relatifs.
Les théories de la monnaie voile reposent sur une forte dichotomie entre la sphère réelle et la
sphère monétaire, puisque selon elles, la monnaie serait détachable du reste de l’économie
pour être étudiée à part.
La théorie quantitative de la monnaie, aussi bien dans sa version ancienne que nouvelle,
illustre parfaitement cette conception de la monnaie comme étant un voile et n’ayant qu’un
rôle insignifiant. Cette théorie a connu, depuis sa naissance, trois grandes étapes :
La première étape est relative à son émergence qui est fortement liée à ce que les historiens
appellent communément « la grande inflation du 16° siècle ». C’est au cours de cette étape
qu’elle connaît sa première formulation grâce à la tentative d’explication de cette inflation
faite par Jean Bodin.
La deuxième étape, correspondant à l’âge classique, est celle durant laquelle la T.Q.M s’est
consolidée. J. Locke, en la soustrayant de l’influence mercantiliste qu’elle subissait
jusqu’alors, à largement favorisé son renforcement. La contribution de J. Locke sera reprise et
enrichie notamment par R. Cantillon et D. Hume. Et c’est surtout lors de la fameuse
controverse, du début du 19° siècle, sur les conséquences de la suspension, par la Banque
d’Angleterre de la convertibilité en or de la livre sterling que les quantitativistes, rassemblés
autour de D. Ricardo, obtiennent gain de cause et consacrent la prééminence de la T.Q.M .
La troisième étape, enfin, qui début depuis le dernier tiers de 19° siècle, constitue une période
au cours de laquelle la T.Q.M a pu s’adapter aux multiples controverses dont elle a fait
l’objet. D’abord, elle a été vivement contestée, puis aux travaux d’I. Fisher et des
cambridgiens, elle est reformulée et a pu retrouver une nouvelle crédibilité, Discrédité en par
la suite par la suite, par Keynes, la T.Q.M connaît un regain de popularité dans les années
1960 et 1970 grâce aux travaux de l’école monétariste.

28
1. L’émergence de la théorie quantitative de la monnaie

1.1. La grande inflation du 16ème siècle


« Mais le 16ème siècle est aussi celui du premier grand problème monétaire posé à l’économie
politique. La croissance économique en Europe s’accompagne en effet d’un phénomène
persistant de hausse générale des prix, autrement dit d’inflation ». C’est dans ces termes que
P. Grou résume ce que l’on appelle la « révolution des prix du 16ème siècle. Cette révolution
des prix, qui contraste avec la relative stabilité des prix des siècles précédents, constitue l’un
des grands événements qui ont marqué l’histoire monétaire pré-capitaliste.
C’est à partir du début du 16ème siècle que la tendance des prix se renverse et une hausse
générale des prix commence à se manifester d’une façon remarquable, d’abord au Portugal et
en Espagne, puis dans le reste de l’Europe. C’est ce que décrit Galbraith en disant que : « la
flambée des prix se produisit d’abord en Espagne, où le métal arrivait ; puis, à mesure que les
échanges (et, dans une moindre mesure, la contrebande ou la politique de conquête) le
transféraient en France, aux Pays-Bas et en Angleterre, l’inflation l’y suivit. En Andalousie,
de 1500 à 1600, les prix quintuplèrent plus ou moins. En Angleterre, si les prix de la seconde
moitié du 15ème siècle- c’est-à-dire les prix d’avant Colomb- sont pris comme base 100, ceux
des dix dernières années du 16ème tournent autour de 250 et, quatre-vingt ans plus tard, entre
1673 et 1682, ils atteignent 350, ayant donc augmenté trois fois et demis depuis leur niveau
d’avant les Colomb, Cortez et d’autre Pizarro ».
A cette puissante dérive inflationniste, correspond dans le temps et dans l’espace un afflux de
métaux précieux en Europe, suite à la découverte de l’Amérique. Les séries statistiques qui
ont pu être établies pour cette époque mettent en évidence une relation certaine entre la hausse
des prix et cet afflux des métaux précieux. F. Braudel écrit à ce propos qu’ « Aucun doute
n’est possible sur l’effet des arrivées d’or et d’argent, en provenance du Nouveau Monde.
Entre la courbe des arrivées de métaux précieux d’Amérique et celle des prix au cours du 16°
siècle, la Coïncidence est si évidente qu’un lien physique, mécanique, paraît lier l’une à
l’autre. Tout a été commandé par l’augmentation, du stock des métaux précieux ». Ce que
confirme Galbrain en disant que : « Au 16° et au début du 17° siècle, les prix montèrent
considérablement par suite de l’afflux des métaux précieux d’Outre-atlantique et de leur
transformation en monnaie ».

1.2. L’explication de l’inflation du 16ème siècle


C’est dans le cadre de l’explication de l’inflation du 16° siècle que s’inscrit la célèbre
controverse qui oppose en France Malestroit (conseiller du roi Charles IV et membre de la
chambre des Comptes de Paris) à Jean Bodin (avocat à la Cour). En effet, dans sont « Enquête
sur le renchérissement de toutes choses et la dépréciation des monnaies » de 1566, Malestroit
écrit « que l’on se plaint à tort en France de l’enchérissement de toutes choses, attendu que
rien ne s’y est enrichi depuis trois cents ans » et que la hausse des prix tient tout simplement
à la dépréciation de la monnaie par rapport au métal. Cette dépréciation s’explique, à son tour,
par la pratique des manipulations de la monnaie métallique à laquelle se livrent les souverains
et qui se traduisent par la réduction de la quantité de métal contenue dans la monnaie de
compte.
Jean Bodin publie, en 1568, une « Réponse aux paradoxes de M. Malestroit touchant
l’enchérissement de toutes choses » dans laquelle il rejette les affirmations de Malestroit et
attribue la hausse des prix à l’accroissement de la quantité des métaux précieux. « la
principale et presque seule (cause) est l’abondance d’or et d’argent » écrit-il .Ainsi ,en se
bornant à expliquer un phénomène historique, l’augmentation des prix en France, par un

29
accroissement de la quantité de monnaie, il donne une des premières formulations de la
théorie quantitative de la monnaie. « Sans doute, écrivent M. Bassoni et A. Beitone, ne doit-
on à J.Bodin que le premier jalon du quantitativisme : l’observation parallèle des mouvements
de prix et des mouvements de la circulation monétaire. Point de théorie encore ; seulement
une démarche d’investigation… mais déjà beaucoup pour l’époque ». C’est dire que J. Bodin
et les autres précurseurs du quantitativisme n’ont fait qu’ébaucher le raisonnement
quantitativisme n’ont fait qu’ébaucher le raisonnement quantitatif en ouvrant la voie à une
meilleure appréhension de la théorie quantitative de la monnaie et au parachèvement d’une
vision de la monnaie passive et sans aucune influence sur les processus réels de création de
richesses.

2 : La TQM originelle

Dans la théorie classique, la monnaie joue un rôle unique qui consiste à déterminer le niveau
général des prix à partir de la théorie quantitative de la monnaie. Celle-ci a trouvé une certaine
consolidation auprès d’un certain nombre d’auteurs qui se sont contentés de confirmer le
parallélisme entre l’évolution des prix et celle de la quantité des métaux précieux. Mais c’est
surtout avec les économistes classiques, notamment, D Ricardo que la T.Q.M atteint.

2.1. Les premiers adeptes de la TQM originelle


David Hume (1711-1776) est le premier à élaborer le principe de neutralité à long terme de la
monnaie en annonçant que le doublement de la quantité de monnaie ne modifie, à long terme,
ni l’activité, ni la vitesse de circulation, ni l’intérêt, mais il ne fait que doubler le niveau
général des prix. Doubler la quantité de monnaie « sert seulement à faire monter le prix de
toute chose sans autre conséquence », dans la mesure où « c’est la proportion entre la monnaie
et toutes les catégories de marchandises qui fixe leur valeur réciproque ». Il est, à cet égard,
considéré comme le premier véritable quantitativiste.
C’est la relation à long terme entre la monnaie et les prix qui permet à Hume d’évoquer la
théorie de l’équilibre automatique des balances commerciales et de la répartition
internationale des métaux précieux. « Supposez, dit-il, que les quatre cinquièmes de la
quantité totale de monnaie en Angleterre soient anéantis en une nuit, et que le pays soit
ramené aux conditions qui existaient sous le règne des Henri et des Edouard, en ce qui
concerne les espèces métalliques, quelles en seraient les conséquences ? Est-ce que les prix
des denrées et des marchandises ne devraient pas tomber dans la même proportion, et toute
denrée ne devrait-elle pas être vendue aussi bon marché qu’elle l’était dans ces temps-là ?
Quel pays pourrait alors rivaliser avec nous sur un marché étranger quelconque, ou essayer
de naviguer ou de vendre des produits fabriqués à ce même prix qui nous laisserait à nous
une marge suffisante de bénéfice ? Et cet état de choses ne devrait –il pas, par conséquent,
nous faire revenir l’argent que nous avions perdu, après un court intervalle de temps, et nous
hausser ainsi au niveau des pays voisins ; ce niveau une fois atteint, nous perdions
immédiatement l’avantage du bon marché de nos services et marchandises, et l’afflux futur
de monnaie serait arrêté par l’abondance de nos richesses ». Ce qui signifie qu’une balance
commerciale excédentaire permet de reconstituer le stock de monnaie. Mais, comme les prix
augmentent, la compétitivité se détériore. Mais, comme les prix augmentent, la compétitivité
se détériore et l’excédent commercial finira par s’annuler progressivement. D’où la
conclusion tirée par Hume qu’il est impossible de maintenir de façon permanente une balance
commerciale excédentaire. Ce serait comme vouloir maintenir « un fluide quelconque au-
dessus de son niveau normal ».

30
Si la monnaie, selon Hume, est neutre à longue terme, qu’en est-il dans le court terme ? il
envisage l’existence de « périodes de transition » au cours desquelles l’augmentation de la
quantité de monnaie opère une modification progressive du niveau des prix. De même,
l’activité et l’emploi se trouvent stimulés. « Il n’importe nullement à la prospérité intérieure
d’un Etat, écrit-il, que le volume de monnaie soit plus ou moins grand. La sagesse, chez un
souverain, ne consiste qu’à le maintenir, autant que possible, croissant. Car c’est ainsi qu’il
soutient l’esprit d’entreprise de la nation et qu’il accroît l’activité du travail, en quoi réside
toute la puissance et la richesse réelle ».
Etant membre du parlement anglais et de plusieurs comités d’enquête mis en place par celui-
ci, David Ricardo (1772-1823) a participé activement aux débats sur la politique monétaire.
C’est dans le cadre de la célèbre controverse « The Bullionist Controversy », qui a eu lieu en
Angleterre entre 1797 et 1821, à propos des effets de la suspension de la convertibilité en or
de la livre sterling, que les quantitativistes, autour de D. Ricardo, l’emportent. Ce qui conforte
davantage le fondement de la théorie quantitative, à savoir le caractère exogène et passif de la
monnaie.
En effet, lorsqu’en 1793, la France déclare à l’Angleterre, cette dernière s’est trouvée
confrontée à un problème énorme, celui de la nécessité de protéger ses réserves d’or qui sont
menacées par une émission excessive de billets de banque, motivée par le financement des
dépenses de la guerre. A l’instar d’autres pays dans de pareilles circonstances, l’Angleterre a
dû recourir, en 1797, à l’instauration du cours forcé de sa monnaie. La hausse des prix que
l’Angleterre a connue à partir de 1808 a suscité un large débat sur les causes de cette hausse,
débat qui a eu lieu autour d’un rapport « bullions report » réclamé par la chambre des
Communes et déposé en 1810. Deux thèses vont s’affronter, celle des anti-bullionistes et celle
des bullionistes et celle des bullionistes
Les anti-bullionistes considèrent que l’inflation a pour cause essentielle la guerre qui
provoque de multiples perturbations dans le fonctionnement de l’économie. Les bullionistes,
dont le chef de file est D. Ricardo, en assimilant le papier-monnaie à la monnaie métallique,
estime que c’est l’émission abusive de billets inconvertibles, suite à la suspension de la
convertibilité de la livre sterling, qui se trouve à l’origine de la hausse des prix. La solution
réside, donc dans le retour au régime de la convertibilité de la monnaie.

3 : L’approfondissement de la TQM originelle

Avec la dépression du dernier quart du 19ème siècle, la crédibilité de la théorie quantitative de


la monnaie est mise en cause, du moment qu’on trouve du mal à expliquer l’évolution des prix
par celle de la quantité de monnaie.
Ce n’est qu’au début du 20ème siècle et grâce aux tentatives d’Irving Fisher et de l’école de
Cambridge que la théorie quantitative de la monnaie retrouve une certaine vigueur que les
néoclassiques vont essayer d’entretenir après la seconde guerre mondiale.

3.1. L’Equation de Fisher


Dans son ouvrage « Le pouvoir d’achat de la monnaie », Fisher (1887-1947) tente d’ »
apporter une restauration et une amplification de la veille théorie quantitative de la monnaie ».
En examinant l’équation générale des transactions, il remarque que « dans chaque vente ou
achat, la monnaie et les biens échanges sont, ipso facto, équivalents ». Par conséquent, « dans
le total de l’ensemble des échanges d’une année, le total de la monnaie payée a une valeur

31
égale à la valeur totale des biens achetés ». Ainsi, le total de la monnaie payée pendant une
année et la valeur globale des transactions réalisées durant la même période sont équivalents.
La valeur globale des échanges est : ∑ p .x
i i

L’ensemble des biens x, échangés pendant l’année, correspond au volume globale des
transactions noté T. De même, les prix pi, représentant une moyenne pondérée des prix,
peuvent être synthétisés dans un indicateur P. Il s’ensuit que la valeur globale des échanges
est égale à PT.
Pour régler ces échanges, une quantité de monnaie M a été utilisée plusieurs fois selon une
vitesse de circulation V. Ce qui veut dire que les dépenses monétaires durant l’année sont
égales à M.V.
Et comme la valeur des biens échangés est obligatoirement égale à la quantité de monnaie
utilisée, on peut écrire l’égalité suivante qui représente l’équation de Fisher :
M.V= P.T
Cette équation signifie que la masse monétaire (M) multipliée par sa vitesse de circulation (V)
est égal au niveau général des prix (P) multiplié par le volume des transactions (T).
Constatant l’importance prise par la monnaie scripturale (sous forme dépôts à vue auprès des
banques), Fisher introduit cette forme de monnaie dans l’équation des échanges qui devient :
M .V + M ′.V ′ = P.T
Avec M : masse de la monnaie fiduciaire ; M’ : masse de la monnaie scripturale, V et V’ : les
vitesses de circulation de ces deux formes monétaires.
A partir de cette équation, Fisher envisage une relation mécanique entre la monnaie et le
niveau général des prix. Il exprime clairement lorsqu’il écrit que : « Un volume supérieur de
monnaie achetant le même volume de marchandises, il faut que les prix montent. C’est
exactement comme du beurre que l’on étend sur du pain : si l’on met plus de beurre, il faut
que la couche soit plus épaisse. Le pain représente la quantité de marchandises ; l’épaisseur
du beurre, le niveau des prix. Supposons encore que la circulation des marchandises demeure
constante, mais que la circulation de la monnaie décroisse. Les prix baisseront. Si nous
disposons de moins de beurre pour notre tartine, la couche sera plus mince »
Les hypothèses formulées par Fisher sont destinées à vérifier, à partir de l’équation des
échanges, le fondement même de la théorie quantitative de la monnaie, à savoir que toute
augmentation de la quantité de monnaie entraîne une augmentation proportionnelle du niveau
général de tous les prix. Trois principales hypothèses ont été retenues :
- le paramètre T ne vraie pas lorsque M augmente.. Autrement dit, la monnaie est
neutre, c’est-à-dire qu’elle n’agit pas sur le niveau de la production et de l’emploi.
- la vitesse de circulation de la monnaie est une constante numérique. Cette vitesse ne
dépend ni de M, ni de P. Elle résulte de deux variables : le volume des transactions et
les différents facteurs institutionnels (rythmes et habitudes de paiements, structures
économiques et financières du pays, rapidité des moyens de transport et de
communication, infrastructure des échanges, densité de la population…). Ces deux
variables sont elles- mêmes constantes à court terme.
- les variations de M sont exogènes. Elles dépendent de « la production minière », de «
l’introduction d’une monnaie métallique moins chère », de « la sortie de billets de
banque » et bien entendu de la politique de la Banque centrale.
A partir de ces hypothèses, Fisher établit clairement le sens de la causalité : M est la seule
variable agissant sur P. La structure des prix relatifs des différents biens ne subit aucun
changement, seul leur niveau varie.

32
3.2. La version cambridgienne de la TQM
L’école de Cambridge regroupe les économistes qui travaillent à l’université de Cambridge
durant la fin du 19ème et le début du 20ème siècle. Elle est représentée principalement par
Alfred Marshall et Arthur Cecil Pigou qui vont poursuivre l’approfondissement de la théorie
quantitative tout en mettant en évidence ses limites.
Alors que Fisher adopte une approche par les transactions, A Marshall (1842-1924) utilise une
approche par les encaisses dans la formulation de la théorie quantitative de la monnaie. En
effet, dans son équation, Fisher considère qu’un montant de versements monétaires (M.V)
assure un volume de transaction (P.T). En revanche, A Marshall s’intéresse à la demande de
monnaie, c'est-à-dire aux encaisses monétaires que les agents économiques désirent détenir
durant l’intervalle qui sépare les encaissements et les décaissements. Selon Marshall, le but de
cette détention est de saisir les opportunités de transaction puisque la monnaie offre à son
détenteur la possibilité d’effectuer facilement des dépenses. A. Marshall ne manque pas de
préciser que la détention d’encaisses occasionne un manque à gagner, dans la mesure où la
monnaie conservée aurait rapporté un revenu si elle été investie.
Le montant de la monnaie conservée par les agents économiques, qui est une fraction de leurs
avoirs monétaires, est fonction de deux paramètres : le revenu et le patrimoine.
Marshall reformule l’équation de Fisher en une équation d’équilibre connue sous le nom
d’équation de Cambridge :
M= k.P.Y
Avec :
M : l’offre nominale de monnaie ; elle est exogène et déterminée par le régime
monétaire en vigueur et par le système bancaire.
P : le niveau général des prix
Y : Le revenu national réel
k : la proportion du revenu nominal que les agents désirent détenir sous forme de
monnaie. C’est ce que Marshall appelle « coefficient d’utilisation de la monnaie ».
Ainsi, k.P.Y représente la demande d’encaisses monétaires.
Cette «équation souligne le fait que les agents économiques désirent détenir une certaine
proportion de leurs transactions totales sous forme de monnaie.
M M
En écrivant l’équation de Cambridge = kY , on peut dire que l’encaisse réelle désirée
P P
par les agents économiques est une proportion constante k du revenu national Y.
1
En assimilant k à d’une part et Y à T d’autre part, on constate qu’il y a une analogie entre
V
l’équation de Fisher et l’équation cambridgienne. Cette analogie n’est que formelle, dans la
mesure où l’équation de Marshall exprime une demande de monnaie, alors que l’équation
quantitative de Fisher met en évidence un mécanisme d’ajustement des pris à une variation
exogène de la quantité de monnaie.
Le passage, opéré par Marshall, d’une approche en termes de transaction à une approche en
termes d’encaisses ne constitue pas une mise en cause de la théorie quantitative de la
monnaie, mais conduit à une nouvelle formulation de l’équation quantitative. C’est ce que
l’on doit à Pigou.
Dans son article de 1917, Pigou (1877-1959) écrit que : « J’insiste sur le fait que, bien que le
processus que je suggère soit tout différent de celui qu’à élaboré I. Fisher, je ne suis nullement

33
un ennemi de la théorie quantitative, il a peint son tableau sur un certain plan et je peins le
mien sur un autre, mais nous peignons tous les deux la même chose et nos témoignages à tous
deux, concordent en substance »
Ce qui constitue l’originalité de Pigou par rapport à tous les quantitativistes est que l’on
retrouve chez lui une demande de monnaie des individus. En effet, pour lui, les individus
souhaitent détenir une encaisse monétaire qui est fonction du revenu perçu. Cette en caisse
sert non seulement à assurer les transactions courantes (« réserve de convenance »), mais
également à faire face à des besoins inattendus (« réserve de sécurité »). Cette dernière
réserve exprime l’existante d’une demande de monnaie, c’est-à-dire que la monnaie a une
utilité propre et est demandée pour elle-même.
Dans son explication des motifs de détention de l’encaisse monétaire, Pigou souligne le motif
de transactions qui renvoie à la fonction de la monnaie comme intermédiaire des échanges et
le motif de précaution qui a trait à la fonction réserve de valeurs de la monnaie.
La fonction que Pigou propose s’écrit :

= kY [c + h(1 − c) )]
M
P
Avec :
Y : revenu réel
k : le pourcentage du revenu détenu par les individus sous forme de monnaie à cours
légal (monnaie métallique et billets)
M : masse monétaire nominale
P : niveau général des prix
M
: masse monétaire en valeur réelle
P
c : proportion de la liquidité détenue par les agents en monnaie légale
. Ce qui signifie que (1-c) correspond aux dépôts bancaires.
h: proportion des dépôts conservée par les banques sous forme de monnaie légale.
Selon Pigou, les agents économiques ne sont pas victimes de l’illusion monétaire et se
comportent d’une manière rationnelle. Ils sont, donc, sensibles aux variations du niveau
M
général des prix, puisque ces variations affectent leur encaisse réelle . Ainsi :
P
M
Si P diminue, augmente. Il s’ensuit une augmentation de la demande de biens des agents
P
et, par conséquent, une élévation de P qui va se poursuivre jusqu’à ce qu’une situation
d’équilibre soit atteinte. Inversement, dans le cas où P s’accroît, et pour maintenir le pouvoir
M
d’achat intact, M doit augmenter du fait que les agents doivent compenser la réduction de
P
la valeur réelle de leur encaisse. Ce qui signifie que toute hausse générale des prix doit
nécessairement s’accompagner d’une demande accrue de monnaie.
Ainsi, Pigou introduit un mécanisme de correction automatique selon lequel les agents, pour
se protéger contre la perte de pouvoir d’achat de leur encaisse, se comporte de la manière
suivante :
- En cas d’inflation, ils procèdent à une amplification de la quantité de monnaie qu’ils
détiennent en renonçant, notamment, à une consommation immédiate. Un tel

34
comportement est de nature à atténuer l’excès de demande de biens et services et à
freiner l’inflation.
- Dans le cas d’une baisse des prix, les agents réduisent l’encaisse qu’ils conservent et
accroissent leur demande de biens et services.
L’équation de Pigou constitue, par rapport à celle de Fisher, un outil plus perfectionné pour
rendre compte de l’action de la monnaie sur les prix. Le mérite de Pigou est d’avoir permis de
comprendre le mécanisme selon lequel le niveau général des prix s’ajuste à un changement de
la quantité de monnaie, dans la mesure où les ménages souhaitent détenir une partie de leur
revenu réel sous forme de monnaie. Ainsi, avec un accroissement de la quantité de monnaie
en circulation, les agents reçoivent de la monnaie pour un montant supérieur à ce qu’ils
souhaiteraient conserver. Ce qui les conduit à augmenter leur dépense, d’où une hausse du
niveau général des prix. Cette hausse se poursuit jusqu’à ce que l’encaisse réelle des agents
soit de nouveau dans la même proportion par rapport au revenu réel avant l’augmentation de
la quantité de monnaie.

35
Chapitre 6
Les théories monétaires : l’approche intégrationniste

Cette famille de théories rejette toute dichotomie entre la sphère réelle et la sphère monétaire
de l’économie. Selon cette tradition, la monnaie et l’économie réelle ne peuvent être séparées,
puisque l’économie est, par essence, monétaire.
Les théories intégrationnistes, qui ont en commun le rejet de la théorie quantitative de la
monnaie, se sont développées autour de deux principaux thèmes : le thème de la monnaie de
crédit qui s’intéresse à la relation monnaie- économie et le thème de la monnaie purement
endogène qui privilégie dans la dialectique monnaie- économie la relation causale qui va de
l’économie vers la monnaie.

1. L’apport de Wicksell

Wicksell (1851-1926) est, à l’origine, un défenseur de la théorie quantitative de la monnaie.


« La seule théorie spécifique de la valeur de la monnaie, affirment-t-il qui ait été mise en
avant et peut-être la seule qui puisse revendiquer une quelconque importance scientifique est
la théorie quantitative selon laquelle le pouvoir d’achat de la monnaie varie en raison inverse
de sa quantité ». Mais, devant l’incapacité de cette théorie d’expliquer le mouvement
déflationniste lors de la grande dépression de la fin du 19° siècle ; il procède à une analyse
critique de cette théorie. Il relate sa faiblesse essentielle, à savoir le fait qu’elle ne propose
aucune analyse dynamique et ne peut s’appliquer dans une économie moderne, d’autant plus
qu’elle ne tient pas compte du rôle déterminant des banques .Or les banques, de pas leurs
activités de création de monnaie, agissent sur l’offre de monnaie et sur le niveau du taux
d’intérêt et, par conséquent, sur les équilibres économiques.
C’est dans le but de reformuler la théorie quantitative que Wicksell adopte une démarche
selon laquelle il analyse d’abord l’influence des crédits bancaires dans l’économie et ensuite
les mécanismes d’ajustement des déséquilibres par les taux d’intérêt.

1.1. L’influence des crédits bancaires


Wicksell propose une typologie des économies fondée sur la place attribuée au crédit. Il
distingue trois situations : L’économie d’encaisses, l’économie de crédit simple et l’économie
de crédit organisé.
Dans l’économie d’encaisse, il y a une absence totale de tout mécanisme de crédit : les
paiements sont effectués au comptant et les prêts se font en nature. Les banques n’y jouent
aucun rôle actif et leurs dépôts doivent être totalement couverts par les réserves métalliques.
L’économie de crédit simple est le type d’économie où il y a certaines formes de crédit privé
qui se font directement entre épargnants et investisseurs et sans l’intervention du système
bancaire.
Enfin, l’économie de crédit organisé caractérisée par le rôle considérable des banques, la
monnaie est totalement scripturale et émise en contrepartie de crédit. Ce qui signifie que tous
les paiements sont réglés par le biais des comptes bancaires. Cette situation est celle de
l’économie de crédit bancaire pur.
Dans les deux premiers types d’économie où il n’y a pas de crédit, les dépôts bancaires sont
intégralement couverts par les métaux précieux et la quantité de monnaie en circulation peut
être contrôlée de manière stricte. Selon Wicksell, la théorie quantitative de la monnaie est

36
totalement valable dans le premier type d’économie et continue de conserver une « apparence
de validité substantielle » dans le deuxième type d’économie. En revanche, dans le troisième
type d’économie, il s’agit là d’un régime monétaire très hypothétique dans lequel la théorie
quantitative n’a aucune validité.
Avec le développement de l’économie, des banques font leur apparition et se mettent à
accorder des crédits surtout aux entreprises soucieuses d’accroître leur capacité de production.
Selon Wicksell, l’octroi de crédits affecte la stabilité de la vitesse de circulation de la
monnaie, « l’utilisation du crédit, écrit-il, équivaut à un transfert virtuel de monnaie ; le crédit
accroît la vitesse de circulation d’une quantité donnée de monnaie ». En outre,
l’accroissement du volume du crédit entraîne une augmentation de l’offre de monnaie. Ce qui
ne manque pas de provoquer une perturbation de l’équilibre monétaire qui conduit à des
déséquilibres de l’offre et de la demande des biens, c’est -à- dire à des variations du niveau
général des prix et des prix relatifs ainsi que de la production.
Ainsi, pour Wicksell, le crédit bancaire rend les phénomènes économiques interdépendants.
L’analyse de ces phénomènes ne peut plus se faire en traitant successivement le secteur réel
puis le secteur monétaire (analyse dichotomique), mais en saisissant ces phénomènes
directement sous leur forme monétaire (analyse intégrée).

1.2. Les mécanismes d’ajustement des déséquilibres


Par les taux d’intérêt Wicksell est parvenu à intégrer les phénomènes réels et monétaires et ce
par l’intermédiaire des deux taux d’intérêt prévalant dans l’économie : le taux d’intérêt
monétaire et le taux d’intérêt monétaire et le taux d’intérêt naturel.
Wicksell distingue deux types de taux d’intérêt : le taux d’intérêt monétaire et le taux d’intérêt
naturel.
Le taux d’intérêt monétaire, appelé également taux effectif correspond à une économie
monétaire et il est librement fixé par les banques. Il est déterminé par Wicksell comme étant
le taux moyen courant des prêts.
Le taux d’intérêt naturel, appelé aussi taux réel, est défini par Wicksell comme celui qui «
s’établirait dans une économie sans monnaie ». Il ,peut être défini de deux manières
différentes : d’une part, il est « le peut être défini de deux manières différentes : d’une part, il
est « le rendement attendu du capital nouvellement créé » qui n’est autre que la productivité
marginale du capital ; d’autre part, il correspond au coût théorique du capital qui réaliserait
l’équilibre entre l’investissement et l’épargne dans l’économie, les prix étant stables. « Il y a
une valeur du taux d’intérêt sur les prêts qui est neutre vis-à-vis du prix des biens et qui ne
tend ni à l’augmenter, ni le diminuer ».
Dans une économie de troc où il n’existe pas de crédit bancaire, se forme uniquement un taux
d’intérêt naturel qui est en même temps le taux d’intérêt monétaire. En revanche, dans une
économie où existe le crédit bancaire, les deux taux obéissent à des logiques différentes : le
taux d’intérêt monétaire varie occasionnellement à l’initiative des seules banques, tandis que
le taux d’intérêt naturel fluctue constamment sous l’influence d’une multitude de facteurs
réels agissant sur les anticipations des entrepreneurs.
Selon Wicksell, c’est la divergence de ces deux taux qui conduit à un déséquilibre entre
l’investissement et l’épargne et entraîne, par conséquent, la variation du niveau général des
prix.
La dynamique envisagée par Wicksell se met en marche lorsqu’il existe un écart entre le taux
naturel et le taux monétaire. Wicksell part de l’hypothèse d’une augmentation du taux
d’intérêt naturel suite à la découverte de nouvelles opportunités de profit du fait d’innovations
technologiques. Dans ce cas, les entreprises, profitant de cette aubaine, développent leurs

37
activités. Elles accroissent leur demande de terre, de travail, de matières premières et de
produits semi-finis. Ce qui entraîne l’augmentation des rentes et des salaires. Etant incitées à
investir davantage, elles demandent des crédits auprès des banques, d’autant plus que le taux
monétaire est faible par rapport au taux naturel. Il en résulte une phase d’expansion
caractérisée par une demande accrue de biens de consommation et d’investissement et, donc,
par un accroissement de l’emploi et de la production, ainsi que des prix. La hausse cumulative
des prix se poursuit tant que le taux monétaire est inférieur au taux naturel.
Le principal apport de Wicksell est d’avoir intégré et à travers la liaison entre l’épargne et
l’investissement. En outre, en essayant de démontrer que la monnaie agit sur l’ensemble de
l’activité économique, notamment sur le niveau de la production, de l’emploi et des prix,
Wicksell s’éloigne de la théorie quantitative de la monnaie.

2. L’apport de Keynes

L’œuvre de Keynes (1883-1946) marque une rupture majeure dans l’évolution de la pensée
économique. Les principales analyses de Keynes portent sur les problèmes monétaires et se
trouvent développées dans deux ouvrages essentiels : « Traité sur la monnaie » publié en 1930
et surtout « la théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » paru en 1930.
Keynes plaide pour une vision différente du rôle de la monnaie dans l’économie, vision ayant
pour fondement le rejet de la dichotomie, de la neutralité et de l’exogènéité de la monnaie.
En rejetant l’analyse dichotomique, Keynes refuse la séparation entre le monde de la monnaie
et le monde de l’économie réelle et, donc, rejette catégoriquement la théorie quantitative de la
monnaie. F. Poulon écrit que : « Keynes domine au 20) siècle, l’analyse non dichotomique
comme Ricardo, au siècle précédent, avait dominé l’analyse dichotomique ».
En refusant la neutralité de la monnaie, Keynes rejoint une image célèbre selon laquelle la
monnaie n’est pas seulement l’huile dans les rouages du moteur, mais également le carburant
qui fait marcher ce moteur.
En rejetant, l’exogènéité de la monnaie, Keynes défend de caractère endogène de la monnaie.
Ce qui veut dire que la présence de la monnaie dans l’économie ne peut s’expliquer que par
les besoins en monnaie exprimés par les agents économiques. Autrement dit, la quantité de
monnaie en circulation dans une économie est le résultat des différentes opérations de crédit
destinées à satisfaire les besoins de financement des agents économiques.
Ainsi, Keynes adopte une approche intégrationniste selon laquelle les phénomènes
économiques sont, dans leur essence, monétaire et que par conséquent, la monnaie doit être
dès le départ dans toute analyse de ces phénomènes. L’économie que Keynes conçoit est une
économie monétaire de production par opposition à l’économie d’échange réel développée par
les classiques.
A partir de l’analyse de la demande de monnaie exprimée par les individus, Keynes détermine
les motifs de la préférence pour la liquidité la confrontation de l’offre et la demande de
monnaie permet de déterminer le taux d’intérêt, lequel taux influence la production et,par voie
de conséquence, l’emploi.

2.1. La Demande de monnaie


Keynes explique la demande de monnaie par trois motifs : le « motif de transaction » et le
« motif de précaution » (deux motifs issus de la tradition classique) et le « motif de
spéculation ».
• Le motif de transaction :

38
Il correspond à la fonction de la monnaie comme instrument des échanges. Keynes le définit
comme étant « le besoin de monnaie pour la réalisation courante des échanges personnels et
professionnels « .Il le décompose en un motif de revenu et un motif professionnel. La
détention de la monnaie pour motif de revenu a pour but de « combler l’intervalle entre
l’encaissement et le décaissement du revenu » et dépend de deux facteurs : le montant du
revenu et la longueur de l’intervalle de temps entre l’encaissement et ce revenu.
Le motif professionnel concerne les entreprises qui gardent la monnaie « pour combler
l’intervalle entre l’époque où l’on assume les frais professionnels et celle où on encaisse le
produit de la vente ». L’intensité de la demande de monnaie pour le motif professionnel
dépend « de la valeur de la production courante (c’est-à-dire du revenu courant) et du nombre
de mains entre lesquelles elle passe ».

• Le motif de précaution :
Keynes explique ce motif par « le désir de sécurité en ce qui concerne l’équivalent futur en
argent d’une certaine proportion de ses ressources totales ». Il résulte de l’incertitude ressentie
par les agents économiques concernant leurs recettes et leurs dépenses et trouve sa raison
d’être dans « le souci de parer aux éventualités exigeant une dépense soudaine, l’espoir de
profiter d’occasions non prévues d’achats avantageux, et enfin le désir de garder un avoir de
valeur nominale immuable pour faire face à une obligation future stipulée en monnaie ».
La détention de la monnaie au titre de la précaution est tributaire de deux facteurs principaux.
D’abord, le coût et la sécurité avec lesquels les agents économiques pourront se procurer de la
monnaie en cas de besoin. En effet, si les agents peuvent se procurer facilement de la monnaie
( en obtenant des découverts ou des crédits sur une courte période), la détention de la monnaie
pour motif de précaution n’est pas très nécessaire. Ensuite, le coût relatif de la détention de la
monnaie, du fait que cette détention implique un manque à gagner pour les agents
économiques qui auraient pu utiliser la monnaie conservée dans des placements rémunérés.

• Le motif de spéculation :
Ce motif constitue l’apport le plus original de la théorie keynésienne de la demande de
monnaie. Il est défini par keynes comme « le désir de profiter d’une connaissance meilleure
que celle du marché de ce que réserve l’avenir ».
Alors que les deux premiers motifs correspondent à une demande de monnaie active, le motif
de spéculation représente la demande de monnaie oisive. De même, les deux premiers motifs
sont sensibles à l’évolution de l’activité économique et du niveau des revenus, tandis que la
demande de monnaie pour motif de spéculation réagit aux variations du taux d’intérêt. En
effet, la détention de la monnaie est envisagée dans le cadre d’un arbitrage entre monnaie et
titres. Cet arbitrage est fonction des anticipations sur l’évolution future du cours des titres.
Le motif de spéculation résulte de la prise en compte de l’incertitude affectant le cours des
titres et s’explique à partir de la relation inverse entre le taux d’intérêt et le cours des titres.
Cette relation inverse s’explique de la manière suivante : si le taux d’intérêt augmente, les
nouveaux titres proposent une rémunération plus élevée que celle des anciens titres. Les
épargnants vendent leurs anciens titres, ce qui fait baisser leur cours.

2.2. La théorie keynésienne du taux d’intérêt


En considérant que la quantité de monnaie offerte dans l’économie peut avoir une influence
sur le niveau de l’activité économique, Keynes rompt, donc, avec l’approche dichotomique de
l’école classique et adopte une approche intégrée. L’intégration entre la sphère réelle et la

39
sphère monétaire signifie que les conditions de l’équilibrage sur le marché de la monnaie
conditionnement l’équilibre sur le marché réel : l’offre de monnaie peut influencer la quantité
des richesses produites. C’est le taux d’intérêt qui constitue la variable d’intégration des deux
sphères réelle et monétaire. Il est dans l’analyse keynésienne une variable monétaire qui
permet le passage de la sphère monétaire à la sphère réelle : il exprime l’équilibre entre l’offre
et la demande de monnaie d’une part, et influence l’investissement qui est une variable réelle
d’autre part ; l’investissement est supposé dépendre positivement de l’écart entre le taux
d’intérêt et l’efficacité marginale du capital (qui mesure la rentabilité d’un investissement en
biens physiques).
Keynes divise la demande de monnaie (l’encaisse monétaire) en deux composantes :
- M1 : la monnaie détenue par les agents pour motifs de transaction et précaution. Elle
est déterminée par une fonction de liquidité L1 qui dépend principalement du montant du
revenu R et sans que le taux d’intérêt joue le moindre rôle. Ainsi, la demande de monnaie
pour les motifs de transaction et de précaution varie en fonction du revenu et non du taux
d’intérêt. Ainsi :
M1= L1( R) avec 0≤ dL1/dR

Graphique 1 Graphique 2
L1(R)
R R
L1(R)

M1 M1

- M2 : la monnaie détenue pour motif de spéculation et représentée par une fonction L2


dépendant du taux d’intérêt i.
La fonction de demande de monnaie pour motif de spéculation est représentée par une
courbe décroissante en fonction du taux d’intérêt : M2= L2( i) avec dL2/d1≤0

Graphique 3
i

it
L2(i)

I0

M2
40
La fonction L(i) exprime le fait qu’une baisse de i est associée à une augmentation de M2 et
inversement, une augmentation de i est rattachée à une baisse de M2.
Si le taux d’intérêt est suffisamment élevé à tel point que les agents économiques ne prévoient
pas qu’il puisse augmenter davantage, cela signifie que les agents estiment que les titres sont à
leur cours le plus bas. Puisque, désormais, les titres ne peuvent que connaître une évolution à
la hausse, aucun agent ne détiendra la monnaie pour le motif de spéculation. Chaque agent
conservera son épargne sous forme de titres, dans la mesure où ces titres sont promis à une
augmentation future.
En revanche, une baisse du taux d’intérêt provoque la hausse du cours des titres et réduit les
possibilités de réaliser des plus-values ultérieures. Ce qui incite les épargnants à se
débarrasser de leurs titres. Au fur et à mesure que le taux d’intérêt diminue, la préférence pour
la liquidité s’accroît,. Lorsque le taux d’intérêt se trouve à son minimum, les épargnants
excluent toute possibilité de baisse de ce taux et le cours des titres est à son maximum. Etant
donné que les perspectives de plus-values sont nulles, les épargnants conservent tous leurs
avoirs en monnaie. C’est le phénomène appelé « trappe à liquidité » et qui correspondant à un
niveau du taux d’intérêt tel qu’en dessous de ce niveau aucun placement financier ne se
réalise, c’est-à-dire à une préférence pour la liquidité infinie.
Au total, la fonction de demande de monnaie ou fonction de « préférence pour la liquidité »
s’écrit :
M=M1+M2=L1(R) +L2(i)

Graphique 4
i
M0

i1

ie
L
i0

M
L’offre de monnaie est exogène. Elle est fixée par les autorités monétaires et est représentée
graphiquement par une droite verticale. Cette offre doit satisfaire la demande de monnaie.
C’est le taux d’intérêt qui assure cette comptabilité en se fixant à un niveau tel que la monnaie
demandée soit égale à la monnaie offerte.
Le point d’intersection entre la courbe de demande de monnaie et celle de l’offre de monnaie
détermine le taux d’intérêt d’équilibre ie. Keynes définit ce dernier comme étant « le prix qui
équilibre le désir de détenir la richesse sous forme de monnaie et la quantité de monnaie
disponible ».
Le graphique met en évidence le fait qu’une réduction de l’offre de monnaie entraîne une
augmentation du taux d’intérêt, tandis qu’une augmentation de celle-ci tend à le faire baisser.
Ce mouvement cesse de se manifester avec la trappe à liquidité, c’est-à-dire lorsque el taux
d’intérêt est à son minimum, puisqu’une offre de monnaie supplémentaire n’a aucune
répercussion sur ce taux.

41
Keynes conteste la thèse néo-classique selon laquelle le taux d’intérêt est une simple variable
qui ajuste offre d’épargne et demande d’investissement et le considère comme le résultat de la
confrontation entre l’offre et la demande de monnaie. « Ces derniers temps, écrit-il, de
nombreux économistes ont soutenu que le montant de l’épargne courante déterminait l’offre
de capital frais, que le montant de l’investissement courant en gouvernait la demande et que le
taux d’intérêt était le facteur d’équilibre ou le « prix déterminé par le point d’intersection de la
courbe de l’offre d’épargne et de la courbe de la demande d’investissement. Mais si l’épargne
globale est nécessairement et en toute circonstance juste égale à l’investissement global, il est
évident qu’une telle explication s’effondre. La solution doit être cherchée ailleurs. Nous
l’avons trouvée dans l’idée que le rôle du taux d’intérêt est de maintenir en équilibre, non la
demande et l’offre des biens de capital nouveaux, mais la demande et l’offre de monnaie,
c’est-à-dire la demande d’argent liquide et les moyens d’y satisfaire. Nous rejoignons ici la
doctrine des anciens économistes, antérieurs au 19° siècle. Cette vérité, par exemple, a été
discernée très nettement par Montesquieu ».

2.3. De la monnaie a l’emploi :


C’est par le biais du taux d’intérêt, auquel Keynes accorde une importance primordiale, que la
monnaie est susceptible d’exercer des effets sur l’emploi. C’est la conclusion à laquelle
aboutit Keynes lorsqu’il écrit que : « c’est par cette voie et de cette manière que la quantité de
monnaie pénètre dans le schème économique ».
Comment Keynes envisage-t-il l’action de la monnaie sur l’emploi ?
Le taux d’intérêt agit sur l’incitation à investir de l’entrepreneur. Celui-ci, avant d’accroître sa
capacité de production, procède à une comparaison entre ce que l’investissement peut lui
rapporter et ce qu’il va lui coûter, c’est-à-dire entre l’efficacité marginale du capital et le taux
d’intérêt. Et l’entrepreneur investit tant que l’efficacité marginale du capital est supérieure au
taux d’intérêt.
Outre les dépenses d’investissement qui dépendent, donc, de l’efficacité marginale du capital
et du taux d’intérêt, les dépenses de consommation des ménages sont fonction de leur revenu
et de leur propension à consommer.
Les dépenses de consommation et les dépenses d’investissement prévues par les entrepreneurs
déterminent la demande effective que ceux-ci auront à satisfaire par leur production. En fait,
cette demande n’est pas effective, dans la mesure où l’expression utilisée par Keynes est «
effective demande » et que effective signifie en anglais « efficace » ou « suivi d’effet ».
L’expression couramment utilisée en français est, donc, contestable. En tout cas, selon
Keynes, la demande effective signifie la demande anticipée par les entrepreneurs et
correspondant à la somme des dépenses de consommation et des dépenses d’investissement
qu’ils prévoient et en fonction de laquelle ils déterminent leur niveau de production.
La demande effective conduit les entrepreneurs à prévoir la réalisation d’un niveau de
production déterminé, lequel niveau de production nécessite un certain volume d’emploi.
Seulement, Keynes pense qu’ « il n’y a pas de raison de penser qu’il doive être égal au plein
emploi », puisqu’une demande effective faible implique une production n’exigeant qu’une
quantité de main-d’œuvre limitée. En effet, « le seul fait qu’il existe une insuffisance de la
demande effective peut arrêter et arrête souvent l’augmentation de l’emploi avant qu’il ait
atteint son maximum ».
Comme la demande effective ne peut spontanément se fixer à un niveau suffisamment élevé
pour entraîner un niveau de production garantissant le plein emploi. L’Etat doit intervenir
pour soutenir la demande, notamment en agissant sur les variables monétaires dans le but de
favoriser l’investissement. « La politique la plus avantageuse, écrit Keynes, consiste donc à

42
faire baisser le taux de l’intérêt par rapport à la courbe de l’efficacité marginale du capital
jusqu’à ce que le plein emploi soit réalisé »
Ainsi, et contrairement aux enseignements de la théorie quantitative de la monnaie, une
augmentation de la quantité de monnaie, en entraînant une baisse du taux d’intérêt, peut
favoriser la production et l’emploi.

Remarque : L’analyse néo-keynésienne de la demande de monnaie :


La théorie de la demande de monnaie élaborée par Keynes a fait l’objet de certains
approfondissements de la part de ses disciples. Alors que William BAUMOL a procédé à la
reformulation de la demande de monnaie pour le motif de transactions, James TOBIN a
demande de monnaie pour le motif de transactions, James TOBIN a pris en considération le
risque pour reformuler la demande de monnaie pour le motif de spéculation et comprendre
l’arbitrage que font les agents économiques entre monnaie et titres.
Baumol montre que la détention d’une partie de la richesse sous forme liquide peut résulter
d’un calcul de rentabilité. Il s’inspire d’une approche en termes de stocks pour l’appliquer à
l’encaisse de transaction en termes de stocks pour l’appliquer à l’encaisse de transaction. La
gestion du portefeuille d’un agent peur être analysée comme la gestion d’un stock de
marchandises par une entreprise. L’optimisation de cette gestion provient de la minimisation
des coûts occasionnés par la détention d’encaisse.
Baumol part de l’hypothèse qu’un agent peut ne pas conserver du tout d’encaisse pour ses
transactions s’il vend les actifs qu’il possède à chaque fois qu’il a besoin de liquidité. Mais, il
doit alors subir un « coût de courtage » dû à la convention des actifs en monnaie De même, la
conservation de la monnaie occasionne un coût d’opportunité, puisque cette monnaie détenue
ne rapporte rien. L’agent économique est, donc appelé à éviter de procéder constamment à des
ventes d’actifs afin de minimiser les frais relatifs à ces ventes. Il doit, en même temps,
s’abstenir de détenir, à l’état oisif, une encaisse monétaire trop importante.
Tobin a procédé au renouvellement de l’analyse de la préférence pour la liquidité et de la
théorie de la demande de monnaie keynésienne pour motif de spéculation. Il adopte une
approche selon laquelle la demande de monnaie pour la spéculation devient une demande
pour le motif de précaution et l’incertitude devient le risque.
Les agents ne détiennent plus leur patrimoine soit uniquement en monnaie, soit uniquement
en titres, mais ils détiennent les deux parce qu’ils veulent diversifier leur portefeuille entre
actifs sans risque (la monnaie) et actifs financiers disponibles sur le marché (les titres). Ce
comportement s’explique par le fait que ces agents ne font plus de paris sur l’avenir, mais font
un calcul reposant sur les probabilités de survenance d’une évolution future du taux d’intérêt
qu’ils traitent comme une variable aléatoire.
En faisant l’hypothèse que les agents ont une aversion pour le risque et en relevant la
caractéristique très particulière de la monnaie comme étant « l’actif sans risque à rendement
nul », J Tobin considère que le problème qui se pose à l’agent individuel est de déterminer la
combinaison optimale de son portefeuille de façon à maximiser le rendement attendu et à
minimiser le risque encouru. Concernant le rendement attendu, il s’agit du rendement global
moyen du portefeuille, c’est-à-dire la moyenne de la distribution de probabilité des
rendements anticipés. Pour ce qui est du risque de ce portefeuille, il est mesuré par l’écart-
type des rendements, c’est-à-dire la dispersion des rendements possibles par rapport à leur
moyenne. Plus l’écart-type est élevé, plus les gains possibles en capital sont importants, mais
plus les risques de perte le sont aussi. En effet, le risque d’un actif est d’autant plus élevé que
l’on anticipe que son rendement s’écartera de son rendement moye, attendu.

43
Chapitre 7
Les théories monétaires : l’approche exogène active

Les théories de la monnaie exogène active constituent un dépassement des théories de la


monnaie- voile véhiculées par les différentes versions du quantitativisme et selon lesquelles la
monnaie est sans influence sur l’économie réelle. Ces théories sont principalement l’œuvre de
Milton Friedman et de Friedrich Hayek. Le premier a développé un monétarisme fortement
attaché au quantitativisme, alors que chez le second, on retrouve un monétarisme
profondément anti-quantitativiste.
Seulement, la relativisation de la conception de la monnaie- voile n’a pas commencé avec les
monétarismes contemporains, amis dès le 18° siècle, avec des financiers engagées, ont
largement contribué à atténuer le caractère très strict du quantitativisme et à l’enrichir en
l’ouvrant à la notion de monnaie active, c’est-à-dire une monnaie exerçant une influence sur
l’économie réelle.
C’est au cours des années 1970 que le monétarisme triomphe, à une époque caractérisée par le
déclin de la pensée keynésienne. Ce renouveau monétariste est principalement l’œuvre de
Milton Friedman et de Friedrich Hayek (1899-1992).

1. Le néo- quantitativisme de Friedman


C’est à Milton Friedman que revient le mérite de formuler le noyau central du monétarisme.
Il aboutit, à partir d’une analyse approfondie des phénomènes monétaires, à une reformulation
de la théorie quantitative de la monnaie et à l’élaboration des propositions constituant le
noyau central du monétarisme.

1.1. La reformulation de la théorie quantitative de la monnaie :


D’un point de vue théorique, Friedman présente la théorie quantitative de la monnaie comme
une théorie de la demande de monnaie. « La théorie quantitative, écrit-il, est en première
instance une théorie de la demande de monnaie. Elle n’est pas une théorie de la production, ou
du revenu monétaire, ou du niveau général des prix ».
Selon Friedman, la demande de monnaie dépend de trois ensembles de facteurs :
- La richesse totale des agents économiques : elle est détenue sous diverses formes et la
monnaie n’est que l’une de ces formes. Elle est définie comme la valeur actualisée de
tous les flux de revenus ou de services consommables dont les agents souhaitent
bénéficier tout au long de leur période- horizon. C’est ce revenu global actualisé que
Friedman appelle revenu permanent. Il est représenté, dans l’équation de la demande
de monnaie, par le revenu total Y.
- Le prix et le rendement des différentes formes de richesse : chacune des cinq formes
de richesse (obligations, actions, biens physiques, capital humain et monnaie) a un
prix et un rendement. Chaque agent répartir sa richesse entre ces différentes formes de
façon à maximiser l’utilité globale de son portefeuille. D’où la nécessité de tenir
compte, dans l’équation de la demande de monnaie, de cinq variables
supplémentaires : le niveau général des prix (P), le taux d’intérêt sur le marché des
obligations (rb), le taux d’intérêt sur le marché des actions ( re), le rendement du
1dP
capital humain (w) et le rendement des biens matériels noté :
Pdt

44
- Les goûts et les préférences des détenteurs de la richesse : ils sont considérés comme
relativement constants dans le temps et dans l’espace. On les représente par une
variable µ.

Ainsi, la fonction de demande de monnaie incorporant toutes els variables précédentes


s’écrit :
1 dP
M = f ( P, rb , re , ,ω,Y , µ )
P dt

C’est à partir de cette fonction que Friedman reformule la théorie quantitative de la monnaie.
En se demandant comment un changement dans la quantité de monnaie affecte-t-il le revenu,
Friedman pense que cette question revient à) se demande : pourquoi les agents économiques
détiennent-ils de la monnaie ? Il élargit la conception Keynésienne de la demande de monnaie
en considérant la monnaie comme un actif ordinaire, c’est-à-dire un actif dont la demande
dépend de la richesse des individus (autrement dit de leur « revenu permanent » et du taux de
rendement de cette monnaie par rapport aux autres actifs. Contrairement à Keynes, Friedman
considère, ainsi, le taux d’intérêt comme l’un des nombreux taux de rendement intervenant
dans la décision de détention de la monnaie.
Selon Friedman, lorsque la valeur de la monnaie change, la quantité de monnaie demandée
varie proportionnellement. « L’équation de demande varie proportionnément. « L’équation
de demande est indépendante, pour l’essentiel, des unités nominales utilisées pour mesurer les
variables monétaires. Si l’on change l’unité en laquelle les prix et le revenu monétaires. Si
l’on change l’unité en laquelle les prix et le revenu monétaire sont exprimés, le montant de la
monnaie demandée devrait varier proportionnellement ». En effet, l’analyse de la demande de
monnaie est basée sur la maximisation d’une fonction d’utilisé définie en termes de grandeurs
réelles. Les variables monétaires n’ont pas d’effet sur ces variables réelles. Cela signifie que
si l’on remplace, dans l’équation, P par λP et Y par λY, on obtient le même résultat que celui
donné par λf. LA fonction de demande de monnaie est homogène de degré 1 par rapport à P et
Y. On peut, donc, écrire :
1 dP 1 dP
f (λP, rb , re ; , ω , λY , µ ) = λf ( P, rb , re , ,ω ,Y , µ )
P dt P dt
A partir de cette homogénéité de la fonction de demande de monnaie, Friedman donne deux
nouvelles écritures de cette fonction :
1
Si λ = , l’équation prend la forme suivante :
P
M 1 dP Y
= f (rb , re , ,ω, , µ )
P P dT P
Cette présentation fait dire à Friedman que : « l’équation exprime la demande d’encaisses
réelles comme une fonction de variables réelles indépendantes des variables monétaires
nominales ».
1
Si λ = , l’équation devient :
Y
M P 1 dP
= f ( rb , re , ,ω, µ )
Y Y P dT
En inversement cette équation, on obtient :

45
Y 1
=
M p 1 dp
f ( , rb, re; ,ω , µ )
Y P dt
F peut être remplacée par une fonction v telle que :
Y P 1 dP
= v( , rb, re; ,ω , µ )
M Y P dt
Soit :
P 1 dP
Y = v( , rb , re ; ,ω, µ )
Y P dt
Cette équation montre que « les variations du revenu monétaire reflètent les variations de la
quantité nominale de monnaie ».
Il y a lieu de préciser que ce qui constitue la spécificité du néo-quantitativisme revendiqué par
Friedman, c’est l’hypothèse se trouve à la base de la politique de croissance à taux constant de
la masse monétaire. « Non seulement, écrit-il, le théoricien quantitativiste considère que la
fonction de demande de monnaie est stable, mais il considère aussi qu’elle joue un rôle
essentiel dans la détermination des variables auxquelles il attache une grande importance
pour l’analyse de l’économie dans son ensemble, telles que le niveau du revenu monétaire ou
des prix ». L’hypothèse de la stabilité de la demande de monnaie signifie une opposition à la
théorie keynésienne de la préférence pour la liquidité et, par conséquent, le refus de la
politique d’action sur les taux d’intérêt pour réguler l’activité économique.
Ainsi, avec Friedman, la théorie quantitative de la monnaie n’est plus une théorie expliquant
directement le niveau général des prix, puisqu’une variation de la quantité de monnaie
entraîne une variation du revenu monétaire et/ ou du niveau général des prix. Seulement,
l’équation ne permet pas de déterminer la proportion dans laquelle l’un et l’autre varient.

1.2. Les principales thèses monétaristes

La primauté du marché :
Le marché est considéré comme le régulateur le plus efficace, dans la mesure où les prix
constituent les meilleurs signaux permettant un calcul économique rationnel et une affectation
optimale des ressources : « Les prix transmettent l’information, ils incitent les utilisateurs des
ressources à se laisser guider par cette information, et ils incitent les propriétaires de ces
ressources à tenir compte de ces informations ».
En revanche, les monétaristes considèrent que les contrôles centralises son source
d’inefficacité parce qu’ils faussent le calcul des agents économiques et provoquent des
distorsions : « Les contrôles des salaires et des prix agissent dans le sens contraire de cet
objectif (la lutte contre l’inflation). Ils provoquent des distorsions dans la structure des prix,
ce qui réduit augmente les effets secondaires néfastes de la lutte contre l’inflation au lieu de
les atténuer. Les contrôles des prix et des salaires gaspillent de la main-d’œuvre ».

L’inflation est un phénomène purement monétaire :


« La cause immédiate de l’inflation, écrit Friedman, est toujours et partout la même : un
accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de la
production ». En effet, l’équilibre à long terme s’écrit :
M.V=P.Y, soit en termes de taux de croissance :

46
M ′ + V ′ = P′ + Y ′ ou encore P′+ = M ′′ − (Y ′ − V ′)
Etant donné que les taux de croissance du revenu permanent (Y ′) est déterminé par les forces
« réels » de l’économie (dotations en facteurs, arbitrage consommation- épargne, progrès
technique, organisation du travail,…) et comme le trend à la baisse de al vitesse de circulation
de la monnaie (V ′) est d’une grande stabilité, il en résulte que le taux d’inflation est
l’excédent de la croissance monétaire sur la croissance réelle corrigée du trend de la vitesse.
L’inflation est, donc, un phénomène exclusivement monétaire dont la responsabilité incombe
à la politique monétaire.

La politique monétaire monétariste


Selon les monétaristes, la politique monétaire ne doit pas être soumise aux aléas de la
conjoncture et ne doit pas dépendre du pouvoir discrétionnaire des autorités monétaires. « Il y
a lieu d’adopter la stabilité du niveau des prix comme, à la fois, but de la politique monétaire,
guide et critère de réussite (…) La grandeur principale que les autorités peuvent effectivement
contrôler est la masse monétaire (…) La règle la plus simple est que la masse monétaire
croisse à un taux fixe sans variation dans le taux de croissance et qui serait destinée à suivre
les cycles économiques (…) Le taux qui devrait être choisi correspondrait en moyenne à un
niveau de prix approximativement stable à long terme . Pour la définition de la masse
monétaire que je viens de recommander, c’est- à dire billets et pièces plus tous les dépôts dans
les banques commerciales, cela aurait requis un taux de croissance d’un peu plus de 4% en
moyenne sur les 90 dernières années, un peu plus de 3% pour permettre l’accroissement de la
production et 1% pour tenir compte de la baisse régulière de la vitesse de circulation, c’est-à-
dire pour la hausse de la masse monétaire par unité de produit que le public a souhaité détenir
pendant que son revenu réel par tête augmentait ».

La remise en cause de l’action budgétaire


C’est parce que d’une part, la demande de monnaie est stable et d’autre part, l’investissement
est élastique par rapport aux variations du taux d’intérêt que M. Friedman considère que la
politique budgétaire est inefficace. Selon lui, toute politique budgétaire volontariste se traduit
par un recours massif du Trésor public au marché monétaire et exerce, par voie de
conséquence, une grande pression sur le taux d’intérêt. L’élévation du coût du capital qui en
résulte est de nature à évincer l’investisseur privé du marché. C’est justement cette
substitution de l’investissement privé à l’investissement privé qui est connue dans la
littérature économique sous l’expression « effet d’éviction ». Si cet effet est puissant, la
politique budgétaire devient contre-productive. C’est la raison pour laquelle la politique
monétaire doit être préférée à la politique budgétaire dès qu’il est question d’améliorer le
revenu.
L’action exercée par la politique monétaire ne se situe que dans le court terme, puisque la
monnaie n’agit qu’à court terme. Cette action se produit dans deux cas : lorsque les capacités
de production de l’économie ne sont pas pleinement utilisées et quand les agents sont
victimes d’illusion monétaire.
Dans le long terme, en revanche, la monnaie ne peut agir que sur les prix. Ce qui signifie que
toute politique monétaire destinée à lutter contre le chômage est vouée à l’échec. Le modèle
Phillips/ Lipsey cesse d’être pertinent.
Ainsi, pour Friedman, l’importance de la politique monétaire ne réside pas tellement dans sa
capacité à stimuler artificiellement et temporairement le revenu, mais fondamentalement dans

47
son aptitude à garantir la stabilité des prix à long terme. Et c’est seulement grâce à cette
stabilité que la monnaie peut remplir sa fonction essentielle, à savoir véhiculer une
information non biaisée qui est nécessaire au bon fonctionnement de toute économie de
marché.
En guise de conclusion, on peut dire que chez les monétaristes, l’importance de la monnaie se
situe dans les effets perturbateurs qu’elle est susceptible de provoquer et que toute politique
monétaire discrétionnaire est sans efficacité. C’est la raison pour laquelle ils appellent la
banque centrale à l’application ferme de la règle de la progression de la masse monétaire à un
taux de croissance constant.

2. Le monétarisme anti- quantitativiste de Hayek

C’est dans son ouvrage « Prix et production » publié en 1931 que Hayek formule l’essentiel
de ses contributions sur les questions monétaires. Il s’oppose à Friedman sur deux questions
essentielles : la neutralité à long terme de la monnaie et la gestion de la monnaie par la banque
centrale.

2.1. La non neutralité de la monnaie


Tout en critiquant la théorie quantitative de la monnaie, Hayek récuse le principe néo-
quantitativiste de la neutralité à long terme de la monnaie et défend la thèse de la monnaie
active aussi bien à court qu’à long terme. Il reproche à la théorie quantitative de la monnaie de
chercher à expliquer le niveau général des prix sans tenir compte des changements des prix
relatifs. Il estime, en outre, qu’elle ignore les répercussions d’une hausse des prix sur la
production de telle ou telle branche économique particulière. Pour Hayek, la monnaie
n’influence pas uniquement le niveau général des prix, mais agit également sur les prix
relatifs de l’économie et modifie profondément sa structure de production.
Hayek présente un système productif divisé en n stades de production : les (n-1) premiers
stades s’occupent de la production intermédiaire, le nième stade se charge de la production de
biens de consommation.
La condition d’équilibre de la structure de production s’exprime par l’égalité entre
l’Investissement et l’Epargne. Mais, dans le schéma de Hayek, il est question d’équilibre
monétaire qui signifie que les différents stades de production réalisent le même taux de profit
pe qui est égal au taux d’intérêt monétaire i :
pe = i
Lorsqu’il y a un déplacement de la demande d’un stade à l’autre de la structure de production,
il se produit une modification de la structure des prix relatifs des biens produits à ces
différents stades de production qui entraîne une remise en cause de l’unicité du taux de profit,
c’est-à-dire une rupture de l’équilibre monétaire. Ce déplacement de la demande conduit le
capital à se polariser sur le stade de production s’allonge, suite à l’allongement du détour de
production, et conduit à l’adoption de méthodes plus capitalistiques. « Quand l’intervalle de
temps moyen entre l’emploi des moyens originels de production et l’achèvement des biens de
consommation s’allonge, la production devient plus capitalistique et vice versa ». La mise en
œuvre de ces méthodes, qui dépend des anticipations de profit des entrepreneurs, entraîne une
augmentation de la demande des biens intermédiaires, exprimée en monnaie, par rapport à
celle des biens intermédiaires est possible grâce à l’utilisation, soit d’une épargne
volontairement constituée par les ménages, soit de crédits accordés aux entrepreneurs.

48
Sous l’effet d’une augmentation de l’épargne des ménages, il se produit une diminution de la
demande de biens de consommation entraînant une diminution de la demande de biens de
consommation entraînant une diminution de leurs prix. Hayek suppose qu’il n’y a pas de
thésaurisation et que toute l’épargne est prêtée aux entreprises pour être investie. Dans ce cas,
la demande des biens intermédiaires enregistrera une hausse, ce qui provoque l’allongement
du processus productif qui devient de plus en plus capitalistique. L’augmentation de la
demande des biens intermédiaires et la baisse de la demande des biens de consommation font
croître les prix relatifs des premiers par rapport aux seconds. Il en résulte que les
entrepreneurs se trouvent incités à déplacer leur activité vers le secteur des biens
intermédiaires dont l’offre va augmenter. La structure de production se trouve, ainsi,
modifiée.
L’octroi de nouveaux crédits bancaires aux entrepreneurs, avec ses conséquences sur la
création de monnaie et sur l’inflation, perturbe également, selon Hayek, les prix relatifs ainsi
que l’affectation optimale des ressources et la croissance. Seulement, par rapport au cas
précédent, il existe une différence importante. En effet, avec l’inflation, l’épargne des agents
n’est pas volontaire et le sacrifice de la consommation leur est imposé. « Les consommateurs
(…), souligne Hayek, en raison de la concurrence plus vive des entrepreneurs qui ont reçu de
la monnaie additionnelle doivent renoncer à une partie de ce qu’ils affectaient à la
consommation. Ce sacrifice est supporté non parce qu’ils veulent consommer moins, mais
parce qu’avec leur revenu nominal, ils obtiennent moins de biens ». La demande nominale de
biens de consommation augmente, comme conséquence de la distribution du supplément de
salaires en provenance des investissements réalisés. Ce qui contribue à la hausse des prix des
biens, de consommation, laquelle hausse incite les entrepreneurs à produire davantage et, par
conséquent, à emprunter pour réaliser de nouveaux investissements. Si le taux d’intérêt est
maintenu à un niveau faible, les entrepreneurs continuent de faire appel à de nouveaux faible,
les entrepreneurs continuent de faire appel à de nouveaux crédits jusqu’ à ce que les occasions
rentables d’investissement soient épuisées. Le fait que le prix des biens de consommation
continue d’augmenter se traduit par la baisse des prix relatifs des biens intermédiaires. Leur
production devient, donc, non rentable et connaîtra une chute brutale. Les entrepreneurs
limitent leurs investissements dans les processus de production courts (qui utilisent beaucoup
plus de main d’œuvre que de capital). Il en résulte un rétrécissement de la structure de
production et une sous-utilisation des facteurs de production : une partie du capital est
inutilisée et des travailleurs sont en chômage.
Ainsi, selon Hayek, l’octroi du crédit bancaire conduit à des perturbations de l’économie dans
laquelle se produit une succession de phases d’expansion et de récession provoquée par un
excès puis une insuffisance d’investissement Hayek en tire une conclusion : toute politique
monétaire expansionniste doit être évitée, non seulement parce qu’elle aggrave el chômage
involontaire et accentue l’instabilité conjoncturelle. Il y a lieu de préciser, à ce propos, que la
reconnaissance de l’existence du chômage involontaire par Hayek oppose ce dernier à la
plupart des monétaristes anglo-saxons contemporains.
Pour neutraliser une monnaie par essence perturbatrice, il faut, donc, purement et simplement
abandonner la politique monétaire. Autrement dit, il faut dépolitiser la monnaie.

2.2. La « dépolitisation » de la monnaie


Dépolitiser la monnaie, c’est soustraire la monnaie de l’influence du pouvoir politique et
abandonner toute politique monétaire de soutien de la demande.
Dans la conception hayékienne, la monnaie est une institution, c’est-à- dire un ensemble de
règles destiné à organiser efficacement les sociétés marchandes. Ces règles sont nées au cœur
même du marché et se sont constituées en dehors de toute autorité. La monnaie doit, par

49
conséquent, échapper à la politisation, c’est-à-dire elle ne doit, sous aucun prétexte, être mise
sous le contrôle exclusif de l’Etat. En effet, toute mainmise sur la monnaie ne peut que se
traduire par une politique monétaire génératrice de perturbations monétaires, notamment
l’inflation. C’est la raison pour laquelle « il faut protéger la monnaie contre la politique ».
Une première solution a été évoquée par les économistes autrichiens et, en particulier, par
Hayek : c’est le retour au régime de l’étalon-or.
Mais devant le caractère très peu réaliste de ce retour, Hayek défend, en 1976, la thèse de la
nécessaire privatisation de la monnaie. Il s’agit de la thèse du « free banking ». Selon cette
thèse, l’activité bancaire, comme toute autre activité, doit être régie par le jeu ordinaire du
marché et de la concurrence et n’a pas besoin d’être soumise à des règles « venues d’en
haut » ou à une autorité de tutelle, en l’occurrence la banque centrale. Celle-ci doit être, en
effet, dépossédée du monopole de l’émission de la monnaie, dans la mesure où la théorie
micro- économique, que Hayek applique à la banque centrale, enseigne que tout producteur en
situation de monopole vend sa production à un prix supérieur au prix qui résulterait d’un
marché concurrentiel. En outre, le monopole de la banque centrale illustre la mainmise du
politique sur l’économique individuelle. D’où la nécessité de dépolitiser la monnaie afin
d’empêcher les politiciens de confisquer le pouvoir monétaire et de l’utiliser à leur profit. Ce
qui mettrait en cause l’ordre spontané du marché.
Dans le système du free banking, les banques privées émettent librement des monnaies
concurrentes. Chacune de ces banques, de peur de subir la sanction du marché et de faire
faillite, se trouve obligée de sauvegarder la qualité et la stabilité de sa propre monnaie. Et
c’est le marché qui finira par sélectionner la ou les « bonnes » monnaies, c’est-à-dire celles
qui s’adaptent le mieux aux besoins de l’économie.

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