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Karl Marx est souvent présenté comme un économiste Classique. Il est vrai qu'il
s'interroge dans une perspective macro-économique au fonctionnement du circuit et aux
conditions de sa croissance.
Cependant, et cela constitue l'originalité de sa démarche, Marx vise à comprendre, à
travers l'économie, la dynamique des sociétés (Marx le sociologue) en s'appuyant sur
une conception philosophique nouvelle (Marx le philosophe) et sur une vision particulière
de l'histoire (Marx l'historien). Il en résulte une complexité de sa pensée, d'autant plus
difficile à cerner que son œuvre majeure, Le capital, est restée inachevée et en grande
partie publiée après sa mort. Marx occupe également une place à part car sa théorie ne
le conduit pas à proposer une politique économique comme les libéraux et les
keynésiens.
On tentera dans ce qui suit de synthétiser les traits saillants de la théorie marxiste. Avec
Marx, on entre déjà dans la partie 2 du cours, puisqu'il propose avant tout une explication
de la dynamique du capitalisme. Après quelques précisions sur les principaux concepts
marxistes, on abordera le cœur du fonctionnement du système capitaliste et les lois qui
le caractérisent.
Les capitalistes engagent du capital en achetant les marchandises (M) que sont le capital
fixe (C) et le capital variable (V). Au cours du processus de production, les facteurs de
production transmettent leur valeur sachant que le capital variable ajoute une valeur
supplémentaire aux marchandises produites (M'), c'est-à-dire une plus-value (PL). Lors
de la vente, les marchandises produites se transforment en argent (A'), ce qui permet au
capitaliste de récupérer la plus-value sous la forme monétaire du profit (P). Le capitaliste
engage alors un nouveau cycle du capital (en conservant éventuellement une partie des
profits pour son usage personnel). Le processus d'accumulation est sans fin et explique
la croissance économique.
Le développement inégal des deux sections est inéluctable pour Marx. Pourtant, il donne
la solution en équation. Il suffit que les capitalistes planifient leur production pour obtenir
une certaine proportion des taux de croissance entre les sections. Mais la solution est
impossible à mettre en œuvre car la soif de profit et de domination par l'accumulation
conduit les capitalistes à se faire concurrence plus qu'à s'entendre — Marx les qualifie de
"faux-frères".
Avec la succession des crises de reproduction, le nombre de capitalistes diminue sans
cesse. Autrement dit, la base sociale du capitalisme se réduit sans cesse. A un moment
donné, il ne subsiste plus qu'une poignée de capitalistes face aux salariés et chômeurs.
Par un simple jeu d'écriture, les salariés décrètent la fin du capitalisme et l'avènement du
communisme, seul mode de production sans exploitation de l'homme par l'homme.
Marx ne va pas plus loin dans l'explication du passage au communisme. C'est Lénine qui
théorisera d'une façon particulière le passage du capitaliste au socialisme puis au
communisme. Il ne lui semble pas nécessaire d'attendre la crise finale. Il suffit d'hâter le
processus par la révolution et la dictature du prolétariat. Cette vision politique sera
appelée le marxisme-léninisme.
e) Apports et limites
Le marxisme est une démarche scientifique originale d'étude des sociétés. Par une
approche pluridisciplinaire et dynamique, par la prise en compte de phénomène
rétroactifs et cumulatifs, Marx est un précurseur de la théorie des systèmes et un penseur
de la complexité. C'est aussi l'un des premiers théoriciens de la dynamique du
capitalisme. Marx est aussi un théoricien qui marque l'étude des crises. Il démontre que
les crises sont intrinsèques au fonctionnement de l'économie, et l'idée qu'elles jouent le
rôle de régulateur, de facteur de "remise en ordre" ne sera pas remise en cause. C'est
aussi Marx qui lance la critique de l'échange marchand qui conduit à nier l'individu derrière
les objets. Enfin, les questions des institutions, des règles et normes de la société, du
pouvoir dans les organisations sont également posées, sinon pour la première fois, au
moins de façon nouvelle et reliées à l'économie
Les limites tiennent tout d'abord à quelques raccourcis sur les comportements,
notamment des capitalistes dont la "soif de profit" explique tout (à l'image de la rationalité
des individus chez les libéraux). Marx vivait certes à l'époque du capitalisme sauvage.
Aujourd'hui, comment analyser le comportement du propriétaire de PME, préoccupé de
la stabilité de son entreprise plus que de sa croissance ? Est-il alors un "sous-capitaliste"
exploité lui-même par les grandes firmes ?
Le statut de loi tendancielle est également sujette à controverse. Peut-elle avoir le même
statut de validité qu'une loi scientifique habituelle se vérifiant constamment ? La baisse
du taux de profit reste ainsi difficile à établir. Selon les indicateurs retenus, le taux de
profit augmente ou diminue des années 60 à l'aube de la crise de 1974.
La critique la plus forte adressée au marxisme porte sur la fin programmée du capitalisme.
Bien qu'il faisait une distinction entre capitalisme abstrait — essence du capitalisme
définie par l'économie marchande et le salariat — et capitalisme concret ou observé,
lequel pouvait évoluer, Marx a sous-estimé la capacité du capitalisme à se transformer et
à se maintenir. Certains néo-marxistes estiment ainsi, en développant la démarche
d'analyse marxiste, que le capitalisme serait viable à long terme du fait de sa capacité à
se régénérer. D'autres considèrent que les limites à l'augmentation rapide de la plus-
value relative, par une productivité du travail toujours accrue, ne sont pas encore
atteintes, et qu'il est par conséquent logique que le capitalisme subsiste aujourd'hui...
Vaste débat, poursuivi par d'autres comme Schumpeter qui rejoint Marx sur l'inéluctabilité
de la fin du capitalisme, et qui sera prolongé dans la prochaine partie.
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