Vous êtes sur la page 1sur 4

SÉANCE DU 09-12-22 T

3. QUELLES SONT LES THÉORIES DES CLASSES ET DE LA STRATIFICATION


SOCIALES ?

Karl Marx et Max Weber ont tous deux consacré une part de leur œuvre à l’étude de la
stratification sociale dans les sociétés européennes traversées par les bouleversements de
l’industrialisation au XIXe siècle.

3.1 Les classes sociales chez Marx

Karl Marx (1818-1883) est un philosophe allemand, également économiste, sociologue et


historien. Il a écrit pour l’essentiel dans la deuxième moitié du 19è siècle. Son analyse du
capitalisme l’amène à une critique radicale de ce système et à un engagement dans le
combat politique contre le capitalisme.
Les sociétés sont des sociétés de classes : Marx dans ses études d’historien, montre que dans
toutes les sociétés, on retrouve un système de classes, c’est à dire des rapports entre
groupes sociaux dont l’un est dominant et l’autre est dominé. Même si dans une société
donnée, il peut y avoir plus de deux classes à un moment donné, il n’y a toujours que deux
classes principales dont l’une domine l’autre, les autres classes se rattachant à l'une ou
l'autre classe durant les conflits entre le groupe dominant et le groupe dominé.
Comment expliquer les rapports sociaux de la société moderne industrielle capitaliste du
XIX° siècle ?
Ce sont les conditions matérielles d’existence qui déterminent la vie en société c'est à dire
les relations sociales, les idées, les croyances. En d’autres termes, le mode de production
matérielle détermine la formation sociale, c’est pourquoi l’étude de la production est
nécessaire pour comprendre la réalité sociale : « c’est dans la sphère de production que l’on
peut découvrir le fondement caché de toute structure sociale ».
Ainsi, l’économie capitaliste détermine la société bourgeoise industrielle et le rapport de
production capitaliste détermine les rapports de classes.
Dans le mode de production capitaliste, ces rapports de production sont spécifiques : le
travailleur ne possède que sa force de travail qu’il vend au non travailleur capitaliste qui
lui, possède les moyens de travail (les machines), l’objet de travail (la matière à
transformer) et au final, le produit du travail (la marchandise réalisée) et le profit ainsi
dégagé. Notez que ce profit provient du travail des ouvriers. C'est en s'appropriant le travail
de ses ouvriers et le produit de ce travail que le capitaliste les exploite : leurs intérêts sont
totalement antagonistes. Par exemple, la baisse des salaires est plus de profit et plus de
revenus pour le capitaliste.
Les rapports de production capitalistes se définissent donc par la propriété privée des
moyens de production (hors force de travail) et le rapport salarial : le travailleur salarié est
subordonné à son employeur (contrat de travail).
C’est ainsi que les rapports de production déterminent les rapports sociaux, à savoir les
conditions d’existence et le mode de vie des individus, c’est en ce sens que pour Marx,
le capital est d’abord un rapport social. Le rapport [capitaliste – ouvrier] dans l’entreprise
capitaliste, détermine le rapport [bourgeoisie- prolétariat] dans la société industrielle.
Les classes sociales se définissent alors à partir de trois critères :
(1) La position sociale est déterminée par la position qu’occupe l’individu dans le mode de
production : la position capitaliste détermine la classe bourgeoise (elle possède les moyens
de production) et la position salariale détermine la classe ouvrière (elle ne possède que sa
force de travail).
(2) La classe sociale se caractérise aussi en dehors du travail par un mode de vie qui lui
permet d’exister, de tisser des liens sociaux et de se reproduire : les membres d’une classe
sociale partagent une identité collective, une culture commune (pratiques alimentaires,
vestimentaires, de loisirs, langage, etc.) ; on parle d’une culture bourgeoise, d’une culture
ouvrière.
(1) et (2) déterminent la condition de classe (situation objective qu'occupe l'individu dans la
société)  notion de classe en soi : rapprochement objectif des conditions économiques.
(3) La classe sociale prend toute sa dimension quand elle repose sur un sentiment
d’appartenance : la conscience de classe qui est le produit de la solidarité, des objectifs
partagés, d'actions collectives pour défendre ses intérêts  notion de classe pour soi (prise
de conscience, développement de liens sociaux + capacité de mobilisation). La classe sociale
devient alors un acteur social qui agit dans les relations entre classes sociales : c’est un
acteur de transformation sociale comme le décrit Marx à propos de la bourgeoisie française,
classe révolutionnaire en 1789, qui a détruit la société féodale, d'ancien régime, pour établir
la société capitaliste. Pour Marx, l'objectif et la fonction de la classe ouvrière est tout aussi
révolutionnaire, il est de détruire la société capitaliste pour établir une société sans classe  :
la société communiste.
Ces classes s'engagent dans une lutte de classe pour modifier ou conserver leur position
respective (« l'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des
classes », manifeste du parti communiste, 1848)

Une classe sociale ne se définit jamais isolément mais à travers les relations qu’elle
entretient avec une autre classe : elle n’existe qu’à travers des rapports antagonistes (le
rapport salarial est source d'opposition en termes d'autorité et de partage des richesses
produites).
Ainsi se constituent deux pôles (bipolarisation) autour desquels s’organise toute la société.
Cette dernière présente une structure rigide dans laquelle les classes sociales sont
nettement définies et séparées, entre lesquelles il y a une grande distance sociale, le destin
du fils d'ouvrier ne peut être le même que celui du fils de bourgeois.
L’individu est soumis à un déterminisme social : le poids de l’hérédité sociale est lourd dans
le destin de chacun, l’individu reste déterminé par sa condition de classe ce qui empêche
une réelle mobilité sociale, il n’a pas le choix de sa destinée et, si la mobilité existe pour
certains individus, elle n'abolit pas l'existence des classes sociales elles-mêmes par-delà les
individus qui les composent.
Documents :
Doc 35

3.2 La stratification sociale chez Weber

Les sociétés sont toutes stratifiées, on l'a déjà dit. Cela signifie qu'elles sont composées de
groupes sociaux aux caractéristiques différentes. Ces groupes sont hiérarchisés, c'est-à-dire
que certains sont " en haut " de l'échelle, d'autres " en bas ", certains " au-dessus ", d'autres
" en dessous ". Il y a donc un classement des différents groupes sociaux.
Max Weber (1864-1920) dans la continuité de Marx retient le critère économique qui
positionne les individus dans cette hiérarchie sociale mais il s’oppose à ce déterminisme
économique et à la vision conflictuelle des classes sociales en proposant une triple
hiérarchisation.

Les classes sociales (ordre économique)


La première hiérarchisation concerne le champ économique et définit des classes sociales.
Elles reposent sur la même position économique qu’occupent les individus et qui définit les
conditions de se procurer les biens et les services.
On voit tout de suite une première différence avec la pensée de Marx : ce n'est pas la
position dans le mode de production qui est déterminante mais la position dans l'accès aux
biens et services offerts. Si lutte il y a, elle a plus l'aspect d’une lutte individuelle par exemple
pour obtenir un meilleur emploi, un revenu plus élevé et quand elle est collective l'objectif
n'est pas de renverser le mode de production.
Dès lors, que c'est l'accès aux biens et services qui est la base des classes sociales, on, c'est-
à-dire le sociologue ou le statisticien, forme autant de groupe d'individus qu'il le trouve
cohérent pour décrire les différences d'accès à ces biens ou services (Weber vision
nominaliste). Vous en verrez un exemple dans la partie suivantes sur les prolongements de
cette pensée. Pour Marx, à l'inverse, les classes se voient en action et existent réellement  : le
sociologue ne peut que constater leur existence (Marx vision réaliste).
Enfin, dernière différence avec Marx, c'est qu'il n'existe pas seulement deux classes, dont
l'une vit de l'exploitation de l'autre, mais un grand nombre possible de classes qui ont des
niveaux de vie différents.

Les groupes de statut (ordre social)


La hiérarchie selon les groupes de statut repose sur un critère qui n'est pas économique mais
social, le prestige fondé sur la considération sociale et qui se traduit par un style de vie, en
particulier un mode de consommation et un mode d’habitat spécifiques.
Dans les sociétés aristocratiques de l'Ancien Régime, cette considération reposait
essentiellement sur la naissance et plus avant encore sur les qualités guerrières.
Dans les sociétés modernes, cette hiérarchie, repose plus sur l’instruction et la profession, ce
qui peut s’illustrer par la place qu’occupait « Monsieur l’instituteur » dans les villages de la
France sous la III° République.
Aujourd’hui elle s’exprime encore à travers une logique des groupes sociaux aux liens
interpersonnels forts, à la défense d’intérêts communs et à « l’entre soi » favorisant
l’endogamie comme peut le montrer le statut de médecin.
La hiérarchie sociale repose donc sur des jugements collectifs (pas individuels) de valeur :
par exemple, dans notre société actuelle, il " vaut mieux " (du verbe valoir, même racine
évidemment que " valeur ") être médecin qu'instituteur (même s’il est devenu professeur
des écoles). C'est socialement plus valorisé. Le médecin aura donc plus de richesses, plus de
pouvoir, plus de reconnaissance sociale que l'instituteur. Cela ne préjuge en rien de l'utilité
réelle de leur fonction. Cela signifie simplement que notre société accorde plus de valeur
sociale à la fonction de médecin qu'à celle d'instituteur, de même qu'elle en accorde plus
à celle d'instituteur qu'à celle d'éboueur.

Les partis politiques (ordre politique)


La dernière hiérarchie repose sur un critère politique.
Ce qui est fondamental ici c'est la conquête du pouvoir politique pour contrôler l'État. Dans
une société démocratique, c'est la proximité avec le ou les partis au pouvoir qui détermine la
hiérarchie politique. Les membres des partis politiques au pouvoir ont plus d'influence que
les individus qui n'en font pas partie. Le conseiller économique actuel du Président de la
République actuel a sans aucun doute plus d’influence sur les décisions à prendre que vous
qui lisez ce texte ou moi qui l'écris ! Nous sommes donc ensemble en bas de la hiérarchie si
l'on considère ce critère politique.

A travers ces trois échelles hiérarchiques, économique, sociale et politique, Max Weber
propose une analyse multidimensionnelle de la structure sociale et introduit l’idée que des
critères multiples différencient les individus sachant qu’il n’y a pas de correspondance
mécanique entre ces trois échelles. Ainsi on peut avoir du prestige sans être pour autant
fortuné comme l’étaient les instituteurs de l’école de Jules Ferry.
Si l’expression de classes sociales est aussi utilisée, c’est avec un détournement de sens de la
définition marxiste : la société est bien hiérarchisée, les classes superposées les unes sur les
autres, mais elles sont perméables les unes aux autres, elles sont en contact les unes aux
autres, elles sont proches et leurs limites peu nettes. De plus, plus les groupes sont
nombreux, moins les différences entre eux sont grandes, on assiste à un émiettement de la
structure sociale. Dans ce type de situation sociale, l’individu n’est qu’influencé par son
origine sociale, il a une marge de manœuvre, un choix pour construire sa propre destinée  : il
peut s’inscrire dans une stratégie individuelle de mobilité sociale.

Documents :
Docs 36-37

Vous aimerez peut-être aussi