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DU MÊME AUTEUR
R. A. STEIN
DIRECTEUR D'ÉTUDES
A L'ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES
L'ÉPOPÉE TIBÉTAINE
DE GESAR
DANS SA VERSION LAMAÏQUE
DE LING
DÉPOT LÉGAL
lre édition 1 trimestre 1956
TOUS DROITS
detraduction,dereproductionetd'adaptation
réservés pour tous pays
COPYRIGHT
by Presses Universitaires de France, 1956
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INTRODUCTION
Lorsqu'on se propose d'étudier la civilisation et l'histoire proprement
tibétaines, on se heurte à une grande difficulté. Achaque pas le boud-
dhisme de l'Inde et de l'Asie Centrale s'interpose comme un voile épais.
C'est que, sous sa forme lamaïque, il a effectivement laissé son empreinte
sur la société tibétaine et a communiqué sa teinte aux moindres faits.
De plus la tâche est rendue difficile du fait que, chez nous, l'étude du
tibétain, en dehors de la géographie et d'un peu d'ethnographie, doit
son essor en majeure partie aux recherches bouddhiques. Mais aussi
parce que les sources tibétaines elles-mêmes, y compris les textes histo-
riques, sont l'œuvre des représentants de l'Église lamaïque qui ont fait
de l'histoire politique et sociologique du Tibet un sujet de lecture édi-
fiante. Une analyse serrée de ces œuvres peut, certes, révéler des traits
primitifs sous leur déguisement scolastique. On doit l'entreprendre, si
dangereusement mouvant que soit le terrain. Mais il convient aussi de
rechercher des documents sur lesquels ce travail de déformation s'est
moins exercé.
Dece point de vue l'épopée de Gesar ou Kesar est un des documents
les plus précieux. Il est vrai que là aussi l'Église lamaïque est intervenue,
mais, àpart les éléments religieuxinhérents àla sociététibétaine actuelle,
le cadre bouddhique y est facile à reconnaître et à détacher.
Dece cycle épique nous connaissons à ce jour des versions tibétaines,
mongoles, turques, lepcha et une en burushaski, langue du Gilgit. Il
est donc répandu sur une aire énorme, allant de l'Himalaya au lac
Baikal et du Pamir au Kokonor. Il se transmet, au Tibet du moins,
de bouche à oreille, par des bardes ambulants qui, par leur attirail et
par le fait qu'ils se mettent en transe, font figure de sorcier. En dehors
de versions orales, nous en connaissons des manuscrits, chacun consacré
à un chapitre de l'épopée, comme chaque barde est généralement spé-
cialisé dans la récitation d'une seule partie donnée, dans l'art d'incarner
en transe un des héros. Onconnaît aussi plusieurs recensions imprimées.
En tibétain, elles représentent un effort d'adaptation et d'assimilation
à un cadre lamaïque superficiel de la part des sectes «anciennes ». En
mongol, une seule version imprimée, publiée à Pékin en 1716, doit son
existence au souci de la dynastie mandchoue de se ménager les Tibé-
tains et les Mongols en adoptant le héros Gesar comme dieu tutélaire
de la dynastie et en l'assimilant au dieu chinois de la guerre, Kouan-ti.
Il nous est donc impossible d'atteindre l'état de l'épopée au delà d'envi-
ron trois siècles. Car il semble, d'autre part, qu'un certain nombre de
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manuscrits, loin d'être antérieurs aux imprimés, n'en sont que des
copies. Nous savons pertinemment que l'épopée s'enrichit encore de
nos jours de nouveaux épisodes. Et il y a lieu de penser qu'il en fut
de même autrefois. Pour le moment, étant donné son accroissement
continuel dans le temps et sa grande diffusion dans l'espace, elle nous
apparaît comme une sorte de réservoir du folklore local des peuples de
la Haute Asie. En tant que tel son intérêt est déjà grand, notamment
pour le Tibet oùles documents non bouddhiques, surtout dutype épique,
sont très rares, sinon inexistants en dehors de ce cycle.
Il suffit d'un regard sur la bibliographie des travaux consacrés à
la légende de Gesar pour se rendre compte à quel point les publications
de textes ont été utiles à la recherche. La version mongole de l'édition
imprimée de Pékin, éditée et traduite par I. J. Schmidt (1836-1839) (1)
et les versions tibétaines orales, recueillies, publiées et traduites par
A. H. Francke (1902 et 1905) (2), ont été à la base detoute étude sérieuse.
Par malheur ces éditions sont restées les seuls matériaux accessibles.
A part quelques allusions et certains résumés, en dehors aussi de la
version orale du Gilgit (3), aucun autre texte suivi n'a été publié depuis
bientôt un demi-siècle.
Et pourtant quel écart entre une version mongole, imprimée à
Pékin, en 1716, et basée sur des traditions de l'extrême nord-est du
Tibet, et la version tibétaine orale provenant de l'extrémité occidentale
de ce pays ! Certes, les points communs étaient évidents et vite relevés,
mais comment résoudre les problèmes relatifs à leur connexion sans
aucun texte tibétain intermédiaire, provenant de l'Est !
Ce n'est pas qu'on ignorait l'existence de telles versions. L'une
d'elles fut mêmerésumée et agréablement présentée au grand public (4).
Mais s'il est vrai que ce récit suit fidèlement les versions écrites propres
au Tibet oriental, il se présente sous une forme trop diluée pour rendre
de grands services à la recherche scientifique.
Comme l'a dit Mme David-Neel, dans l'introduction à son résumé
(p. LXI), il lui était impossible de traduire l'épopée. En effet, les manus-
crits d'un seul chapitre comportent généralement de 350 à 400 folios,
c.-à-d. de 700à 800pages. Acette difficulté il faut ajouter que les manus-
crits se trouvent dispersés dans les bibliothèques publiques et privées
du monde entier, personne ne possédant toute l'épopée au complet. A
supposer même qu'il m'aurait été possible de réunir des reproductions
(1) Podvigi ispolnennago zaslug geroya Bogdï Geser Xana, Saint-Petersburg, 1836
(édition du texte) ; Die Thaten des Vertilgers der zehn Uebel in den zehn Gegenden, des
verdienstvollen Helden Bogda Gesser Chan, Saint-Petersburg, 1839 (traduction).
(2) Der Fruhlings- und Wintermythus der Kesarsaga (Mémoires de la Soc. finno-
ougrienne, XV), Helsingfors, 1900 ; réédition corrigée : The Spring Myth of the Kesar Saga
(Indian Antiquary, vol. XXX, pp. 329-341 ; XXXI, 32-40, 147-157), Calcutta, 1901-02.
—A Lower Ladakhi version of the Kesar Saga (Bibliotheca Indica, n 1134, II50, 1164,
1218), Calcutta, 1905-09. — The Paladins of the Kesar Saga (Journal and Proceedings
of the Asiatic Society of Bengal, II, 10 ; III, 2 ; III, 5), Calcutta, 1906-07.
(3) D. L. R. LORIMER, The Burushaski Language, Oslo, 1935, vol. II (texts and transla-
tions, pp. 100-179 : The adventure of Kiser [alias Pang-chu]).
(4) Alexandra DAVID-NEEL et le lama YONGDEN, La vie surhumaine de Guésar de
Ling, Paris, Adyar, 1931.
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de tous les manuscrits connus, leur réunion n'aurait pas encore constitué
un assemblage de tous les chapitres de l'histoire, sans parler des diffi-
cultés pratiques d'une édition globale. Une telle entreprise doit rester
un but à atteindre dans l'avenir. Depuis de longues années je me suis
appliqué à collectionner des reproductions de ces manuscrits dans
l'espoir d'éditer un jour le Corpus Gesaricus qui s'impose.
En attendant la réalisation d'un projet aussi ambitieux, fallait-il
renoncer à toute édition partielle ? Je ne le pense pas. Les œuvres de
Schmidt et de Francke justifient, je le répète, une telle entreprise.
Mais quel texte fallait-il choisir ? Il m'a semblé peu utile d'éditer
le manuscrit d'un seul chapitre, d'autant plus que, à ma connaissance,
il n'en existe aucun relatif au début de l'histoire et qui donne, par consé-
quent, le prologue, la naissance et la jeunesse du héros (i). Or, il n'est
que naturel de commencer par ces chapitres. Les manuscrits connus
non seulement ne donnent pas le début de l'histoire, mais encore ils
ne se suivent pas et sont de provenance disparate. Ils peuvent donc
appartenir à des versions différentes. Dans ces conditions, le choix était
réduit à deux textes imprimés. L'un d'eux est un résumé de toute l'his-
toire, édité à Gyantse, au Tibet méridional. Mais il est tellement concis
que de nombreux passages resteraient incompréhensibles sans de cons-
tantes références à des manuscrits correspondants plus détaillés (2). De
plus, ce xylographe est relativement accessible aux tibétisants, un exem-
plaire se trouvant au British Museum et un autre dans la bibliothèque
de M. Tucci. Le deuxième, par contre, a le mérite d'être édité à Gliṅ,
au pays même dont les chefs se réclament de Gesar, et, de plus, de
donner, dans une suite ininterrompue, le Prologue, la Naissance du
héros et toute sa jeunesse jusqu'à son intronisation comme Roi de Gliṅ.
D'autre part, quoique imprimé, ce texte possède toutes les caractéris-
tiques des manuscrits et des versions orales, notamment les nombreux
chants, les tournures dialectales de l'Est et les archaïsmes. D'ailleurs,
il ne faut pas croire que les manuscrits que nous possédons représentent
un état plus ancien que les xylographes. En fait, il ne s'agit générale-
ment que de copies manuscrites exécutées durant le siècle dernier. Le
texte que je publie ici a aussi le mérite d'être inconnu et inaccessible
en dehors du Tibet et de la Chine.
Malheureusement il m'a été impossible d'acheter ou de photogra-
phier les trois volumes de cette édition. J'ai dû me résigner à les copier
moi-même lors d'un séjour à Tch'eng-tou (au Sseu-tch'ouan, dans la
Chine occidentale), où j'ai pu les utiliser grâce à l'obligeance de M. Paul
Sherap, qui a bien voulu meles prêter. Les risques d'une telle entreprise
de copie ne m'échappent point. La fatigue aidant, il est possible que
des erreurs se soient produites. Certains passages, d'autre part, étaient
illisibles par suite de la mauvaise qualité du papier et de l'encre d'impri-
merie. Ces raisons étaient-elles suffisantes pour renoncer à l'édition de
(1) Le seul manuscrit actuellement accessible qui relate la jeunesse du héros, celui
de M. J. Bacot, est incomplet.
(2) Voir l'étude détaillée dans mon ouvrage principal sur Gesar que j'espère publier
bientôt.
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Que les trois volumes en question ont bien été édités à Glin, c'est
ce qui ressort clairement des colophons et de certains passages du texte.
Le premier volume s'intitule Histoire du Vainqueur d'ennemis,
Joyau, Gesar, Roi des Dieux de la Guerre ou Les Dieux et Glin, Tableau
magique (i) en neuf sections (2). Fait significatif pour le milieu lamaïque
responsable de l'édition, ce titre a été traduit par l'auteur en (pseudo- ?)
sanscrit : Vairin deva rāja Gesar mani sambussya avadāna deva dvïpa
?? nava ?? nāma asti (3). Ce volume s'achève, au folio 64 a, par un
colophon qui débute ainsi :
« L'Histoire de celui qu'on appelle (Gesar, Roi du ?) (4) Monde
est (ici) résumée. Voici achevé Le tableau magique en neuf sections ou
Les Dieux et Glin qui forme le premier récit ; il est riche en bénédiction
parce qu'il s'agit là du début des causes et des circonstances, ainsi que
d'une chronique religieuse (5). »Après les formules rhétoriques d'usage,
il s'achève par les mots : « Cette histoire devait être imprimée telle
qu'elle apparaissait dans les sources originales. Aussi fut-elle éditée au
royaume de Glin, conformément aux vœux de nombreux sages. »
Puisque ce colophon se réfère aux «sources originales », on hésite
à parler d'un auteur du texte. Sans doute est-il plus juste de parler
d'un éditeur ou d'un compilateur. Mais quel que soit le rôle plus ou
moins novateur qu'il a pu jouer, qui est responsable de l'arrangement
de ces sources sous la forme présente ? C'est le début et le colophon du
deuxième volume qui nous le dira.
Cevolume a pour titre : Naissance et Glin ou Enclos de Fleurs, suivi
de La Prise de possession de la terre de rMa ou Nœud de soie blanche
(les deuxfaisant partie) de l'Histoire du Saint, Grand-Liondu Monde (6).
Ce titre n'a pas été traduit en sanscrit.
Après un bref préambule lamaïque on trouve au folio 2 bune analyse
qui explique le titre en soulignant, suivant l'habitude des livres tibé-
tains, par de petits cercles, les mots qui en font partie (ici en italiques) :
«Ici est montrée l'histoire de la naissance de ce saint (que fut) le Grand-
Lion du Monde, (histoire) bien connue à Glin, pareille à la vuede l'enclos
d'un jardin de paroles de toutes sortes de fleurs, miraculeusement créé.
Après ces mots d'introduction, voici les chapitres oùl'on raconte, confor-
mément aux sources, l'histoire ancienne de Nor-bu dGra-'dul [= Gesar],
saint du monde, dérivée des œuvres spontanées du suprême vainqueur
(1) gab-ce ; sur ce mot, voir le vocabulaire. Cf. une version bouriate appelée Geseri
fühen halā, «Les neuf branches de Gesar » (ROERICH, The Epie of King Kesar of Ling,
JRASB, VIII, 1942, p. 301).
(2) dgra-lha'i rgyal-po Ge-sar Nor-bu dGra-'dul gyijrtogs-par brjod-pa lHa-Gliṅ gab-ce
dgu-skor.
(3) Je dois la transcription en sanscrit à l'obligeance de Mlle LALOU. Les deux mots
correspondant à gab-ce (tableau magique) et à skor (chapitre ou section) n'ont pas pu
être restitués.
(4) Quatre mots illisibles, sans doute rgyal-po Ge-sar ou Nor-bu dgra-'dul.
(5) čhos-'byuṅ. Ce terme signifie que le récit laïque a été remanié et présenté comme
une chronique religieuse. Les lamas-éditeurs considèrent ce prologue-cadre comme l'exposé
des antécédents religieux, comme une sorte de justification ésotérique de l'histoire pro-
prement dite.
(6) 'Jam-gliṅ Seṅ-čhen skyes-bu'i rtogs-par brjod-pa las/'Khruṅs-Gliṅ me-tog ra-ba
danlrMa sa-bzuṅs dar-dkar mdud-pa bâas.
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(jina) mCho-skyes rdo-rje (i), qui soumit tous les impurs du Tibet,
qui, seul en sa personne, en ses transformations magiques et en son
temps, fit le bien des êtres sans le moindre effort, progressivement et
par toutes sortes de moyens. Nous exposerons (cette histoire) en la
divisant en trois parties, d'abord La naissance et Glin ou Enclos de
fleurs, (ensuite) La prise de possession de la Terre de rMa et (enfin) La
course de chevaux ou Miroir précieux. La première [fol. 3 a] (montre)
comment, depuis sa naissance et en tant que jeune garçon, il protège
les intérêts des êtres sans corps (c.-à-d. des démons ou esprits) de (la
région) des trois (fleuves) rJa, 'Bri et rMa ; la deuxième comment il
prend possession de la terre au pays de rMa en simulant des œuvres
de pénitence (c.-à-d. en vivant péniblement en exil) ; et la troi-
sième comment il révèle son (véritable) corps et devient le maître du
trône d'or du Glin Blanc, grâce à des transformations magiques ordi-
naires. »
On voit que cette préface couvre les deux premiers volumes et
annonce le troisième. Le premier chapitre, La naissance, va jusqu'au
folio 45 b, oùil setermine par ces mots : «Cechapitre raconte les innom-
brables hauts faits de lier par serment, de commander et de prendre
soin des sans-corps (c.-à-d. des démons) des deux (fleuves), rja et 'Bri,
et de faire le bien des êtres sans corps jusqu'à l'âge de 5 ans. Exté-
rieurement semblable à un garçon, il accomplit aussi d'innombrables
œuvres de magie et d'illusion. Ici se termine le premier chapitre appelé
«Naissance et Glin »ou «Enclos de fleurs », tiré de la Guirlande d'his-
toires merveilleuses.
Le second chapitre débute au folio 45 b et se termine à la fin du
volume, au folio 78 a, les deux dernières feuilles étant consacrées au
long colophon que voici :
«Ici se termine le deuxième chapitre où l'on raconte «La prise de
possession de la terre de rMa »ou «Nœud de soie blanche » (chapitre)
tiré de l'Histoire de Gesar, Meilleur des êtres, Joyau et Vainqueur d'en-
nemis. »Suit un long passage rhétorique dans lequel le récit est assimilé
au Rāmayāna, après quoi le colophon reprend (fol. 78 b) : «Il est vrai
qu'il existe toutes sortes de manières différentes (de raconter) l'histoire
du grand saint Gesar, mais j'ai pris pour base de mon récit une (version)
ayant pour source les vieux livres qui ont (déjà) existé autrefois, du
temps des ancêtres, dans le royaume de Glin Blanc (situé) au mDo-
Khams (là même) où s'est perpétuée sans interruption la lignée de
'Bum-pa Zal-dkar [demi-frère de Gesar]. Même dans cette (version-là)
des erreurs de scribe se sont introduites. J'en ai rejeté les contradictions
et je l'ai ensuite mise en accord avec (la version du) 'Khruns-Glin
(Chapitre de la Naissance) de Bu-lha Nor-bu. De ce fait, j'en ai rendu
le sens pur. Comme il ne convient pas de le faire ici, j'écrirai ailleurs
comment j'ai tout spécialement obtenu une grande foi (en Gesar) par
l'enseignement et les raisons peu communes de la pensée de ceux qui
(1) «Vajra né du lac », un des noms de Padmasambhava ; cf., p. ex., ROERICH, Tibetan
Paintings, Paris, 1925, p. 78.
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ont reconnu le lieu de naissance (de Gesar) dans (le pays) de lCi-Sug (i)
(à savoir) le gter-chen (grand révélateur de manuscrits cachés) mChog-
gyur glin-pa, le vénérable lama Mi-pham 'Jam-dpal dgyes-pa'i rdo-rǰe,
le vidyâdhara (rig-'jin, savant-magicien) 'Gro-'dul dpa'-bo et le gter-
ôhen Las-rab glin-pa. Mieux encore, j'ai pu voir de mes yeux les lieux
(où se trouvent) les restes de la tente de rGya-gza' (lire -bza') (2), les
traces de Jo-ru (2), la source du lac-essence de vie (2), la caverne de
méditation de A-mye sGam-pa dans la vallée de Brag-nag lun-mdo (2),
la montagne sKyi-rgyal sTag-ri (2), les cours d'eau et les ruines des
treize vallées de lČi (2).
Après tout ceci (voici ce qui est advenu de) cette histoire où mots
et sens sont (bien) proportionnés. C'est sur la ferme exhortation de
' Jam-dpal-dbyans mKhyen-brtse'i dban-po, précieux lama, gter-chen
et protecteur du Glin Blanc, que le grand chef (mahendra), confiant
en la doctrine, roi de la religion, 'Chi-med grub-pa'i sde (c.-à-d. le roi
de Dergué), détenteur de la couronne de fleurs des paroles magiques,
m'a donné l'ordre d'écrire, muni des livres anciens, de tout ce qu'il
faut pour écrire, d'écharpes, d'argent et de fleurs. Je lui ai obéi plein
de confiance. Comme j'ai reçu en mon cœur un peu de lucidité grâce
à la miséricorde de ce dieu lui-même (c.-à-d. de Gesar) (3), j'ai réussi
à rejeter la plupart de mes doutes en vue de la récitation. Aussi, bien
que j'aie rencontré quatre ou cinq (versions) différentes de Naissance
et Glin, celle-ci (celle que je donne ici) est capable d'inspirer confiance.
En m'inclinant devant de nombreux saints, tels quele plus grand savant
du Tibet, le vénérable lama Mi-pham ' dgyes-pa'i rdo-rje, le
gter-chen Las-rab glin-pa et le savant 'Gro-'dul dpa'-bo rdo-rje, moi,
humble moine, 'Gyur-med Thub-bstan 'Jam-dbyans grags-pa, j'ai écrit
(cette histoire) dans l'esprit d'acquérir une bonne fortune pour la lignée
du nectar des paroles. Que la majesté de la précieuse religion du Jina
s'élève au sommet du monde ! »
Voici ce qu'il faut retenir de ce que le style ampoulé propre aux
colophons tibétains risque d'embrouiller. Qu'il soit auteur, ou simple-
ment éditeur ou compilateur, c'est un certain ['Gyur-med] Thub-bstan
'Jam-dbyans grags-pa qui est responsable de la rédaction du texte ici
édité. Malheureusement je n'ai aucun renseignement sur ce personnage,
mais on verra à l'instant qu'il a vécu dans la deuxième moitié du
xixe siècle. L'ordre d'écrire l'histoire de Gesar lui est venu de 'Chi-med
grub-pa'i-sde qui fut, d'après mes informateurs, roi de Dergué. Il a dû
régner après 1828, date de la rédaction de la généalogie des rois de
Dergué (4) qui ne le mentionne plus, et avant 1915, date de naissance
du dernier t'ou-sseu de Dergué, Che-dban bdud-'dul (mort en 1942) (5).
Ce « roi » de Dergué fut à son tour inspiré par ('Jam-dpal-dbyans)
(1) lCi, sPyi, sKyi ou sKyid est, dans l'épopée, le lieu de réunion de Glin. lCi-Sug
est mentionné au folio 35 a et correspond à lCi-Sos.
(2) Personnages et lieux mentionnés dans l'épopée. Cf. l'index.
(3) On sait que Gesar a été intégré dans le culte lamaique comme une des divinités
protectrices du type guerrier (dgra-lha).
(4) sDe-dge čhos-kyi rgyal-po rim-byon-gyi rnam-thar.
(5) D'après des informations orales.
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PREMIÈRE PARTIE
TRADUCTION ABRÉGÉE
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VOLUME I
des démons dam-sri qui ont fait des vœux contraires (à la religion).
Ils sont neuf à avoir transmigré, roi et ministres, à savoir le démon
de l'Est Lho-khri stag-mig, le démon du Sud Sa-dam, tronc de poison,
le démon de l'Ouest Klu-bcan, de la lignée des dMu, le démon du Nord
Gur-dkar, fils de the'u-ran, (ainsi que) gYu-rce 'od-kyi bu-chun, sÑan-
ra-ba, Roi des sa-bdag, le sen-bdud A-bse 'khyil-pa, le glo-bdud roi Çin-
khri et l'Ours Noir, démon, de la caste du peuple, de ce monde (srid-
pa'i dmans-'dre). Chacun est entouré d'une suite innombrable formée
par les «ennemis »munis de corps et les «obstacles » (démons) sans-
corps. Ils entraînent le Tibet dans le malheur. [Fol. 8a] Thos-pa-dGa' fol. 8 a
[= Don-grub], le saint, l'enfant divin, qui a une grande puissance pour
dompter les êtres difficiles à dompter, doit quitter sa position de très
pur Kun[-tu]-bzan[-po] (Samantabhadra). Atoi est échue la tâche de
lui faire conférer le «pouvoir »(l'initiation) par les Cinq Jina, de le faire
bénir par les Trois Protecteurs (rigs-gsum mgon-po) et de l'exhorter à
faire le vœu de s'incarner dans un corps illusoire pour dompter les
méchants.
Padma Thod-phreṅ, souriant, répond par un chant. Louange du
grand bodhisattva qui fera le bien des êtres et, qui, dès qu'on l'entend
(thos-na), procure joie (dga') et délivrance. [Fol. 8 b]Leministre-démon fol. 8 b
est émerveillé et heureux. Le Grand Miséricordieux se rend au mont
Potala (1). Le dix du mois, alors que l'immortel Padma Thod-phren
demeure en méditation, un rayon vert, partant de son sinciput, va ébranler
le cœur de Kun-tu bzan-po (Samantabhadra). Du cœur de ce dernier
émane alors un (VAJRA) bleu à cinq pointes, orné de la syllabe
нūм, et pénètre dans le sinciput du prince bDe-mchog dkar-po (Samvara
blanc), au jardin rCa-gsum dga'-ba (2). Rempli de bonheur, ce dernier
fait apparaître une forme qui devient le héros rTa-mgrin (Hayagrïva).
Du cœur de la «mère » (SAKTI) (de Kun-tu bzan-po, sans doute), Nam-
mkha'i-dbyins phyug-ma, émane un lotus rouge à seize Pétales, portant
au centre la syllabe Â. Celotus entre dans le sinciput de la déesse sGyu-ma
bde-mies-ma. Celle-ci fait apparaître uneformequi devientrDo-rje phag-mo
(Vajravarāhī) (3). Pendant que ce couple, Cheval et Truie, s'unit, une
voix ébranle les bouddhas des dix orients, alors que du cœur des Cinq Jina
des rayons de différentes couleurs se répandent partout et purifient les
souillures de tous les êtres. [Fol. 9a] Seréunissant à nouveau ils se concen- fol. 9 a
trent en une croix de vairas. Celle-ci, pénétrant par le sinciput de bDe-
mëhog dkar-po, fond par le feu de la Grande Joie (BDE-ČHEN, MAHÃ-
SUKHA). Elle bénit le corps de sGyu-ma lha-mies transformé en vent de
sagesse de l'espace. Peu après, un enfant divin naît dans le sein de la
déesse sGyu-ma mies-ldan, enfant qui délivre quand on le voit, qui donne
la joie quand on l'entend (THOS-NA DGA-'BA). Assis sur un lotus à huit
pétales, il entonne un chant.
[Fol. 9 b-10 b] Aucun rite ne peut préserver de la mort. Il faut fol. 9 b-10 b
(1) Où il réside habituellement.
(2) « Joie des trois artères mystiques. »
(3) De cette manière Padmasambhava provoque la « naissance » du bouddha qui
deviendra le héros de l'épopée.
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fol. 11 a prendre refuge dans la religion. [Fol. 11 a] Je suis le grand rdo-rje sems-
dpa' (vajra-sattva), le très pur Kun-tu-bZan[-po].
A ce moment, Padma Thod-phren, se trouvant à Zans-mdog dpal-ri
(Glorieuse Montagne Couleur de Cuivre) de rÑa-yab, sait que le temps
est venu de donner l'initiation. En conséquence (1) il émet de son front
un rayon blanc qui excite l'esprit de rNam-par snan-mjad (Vairocana),
au paradis 'Og-min (Akanisthâ), de son cœur un rayon bleu qui excite
l'esprit de Mi-skyod-pa (Aksobhya), au paradis mṄon-dga' (Abhirati),
de son nombril un rayon jaune qui excite l'esprit de Rin-'byuṅ (Ratna-
sambhava), au paradis dPal-mjes, de son cou un rayon rouge qui excite
l'esprit de sNaṅ-mtha' (Amitābha), au paradis bDe-čan (Śukhāvatī), et
de son sexe un rayon vert qui excite l'esprit deDon-grub (Amoghasiddhi),
au paradis Las-rab. Suit son chant sur la nécessité de l'initiation pour
opérer le salut des êtres.
fol. 11 b [Fol. 11 b] Ce chant terminé, un rayon émane du front de rNam-par
snan-mjad (Vairocana), répand sa bénédiction dans tous les orients, pour
se concentrer à nouveau en une roue blanche à huit rais. Cette roue pro-
fol. 12 a nonce un discours, en direction du fils divin. [Fol. 12 a] Conseils expri-
mésenmétaphores. Cesaint sera nomméThos-padga'-ba, carcebouddha
béni remplit de joie dès qu'on l'entend (thos-na dga'). Chef universel,
il donnera le bonheur au royaume. Qu'il soumette par sa personne les
quatre ennemis, c.-à-d. les ennemis des quatre orients. Avec ses mots
la roue disparaît dans le front de ce fils divin. Et depuis ce jour son nom
est Thos-pa dga'-ba. De la même manière, un rayon part du cœur de
Mi-skyod-pa (Aksobhya), Placé à l'Est, se transforme en VAJRA bleu à
fol. 12 b cinq pointes et disparaît dans le cœur du fils divin. [Fol. 12 b] Après
un discours, un rayon émane du nombril de Rin-'byun (Ratnasambhava),
se transforme en joyau en flammes et disparaît dans le nombril de l'enfant.
fol. 13 a [Fol. 13 a] Son discours terminé, c'est du cou de sNan-mtha' (Amitâbha)
fol. 13 b que jaillit un rayon. [Fol. 13 ô] Il se transforme en lotus rouge et disparaît
dans le cou de l'enfant divin. Dans le discours qu'il émet, il annonce, sous
forme de vœu, que le saint recevra le pouvoir (ou l'initiation, dban)
grâce aux dieux d'en haut, que les divinités (gñan) du milieu lui prête-
ront serment, qu'il ouvrira les portes des trésors des klu (nāga) d'en
bas, qu'il protégera les êtres à Glin et qu'il liera par serment le Démon
noir, les Hor jaunes et les êtres avec ou sans corps. Enfin, après ce dis-
cours, un autre rayon émanedu sexe deDon-yod grub-pa (Amoghasiddhi),
se transforme en une croix verte et disparaît dans le sexe de l'enfant.
. fol. 14 a [Fol. 14 a] Il lui donne son initiation et lui fait tomber dans la main
gauche une clochette d'argent, symbole de l'achèvement des œuvres de
tous les bouddhas. Suit, comme précédemment, un discours rempli de
fol. 14 b conseils et de vœux. [Fol. 14 b] Par suite de cette quintuple initiation,
l'enfant divin Thos-pa dga'-ba dépasse en pouvoirs tout être de ce monde.
F i n du premier chapitre « INITIATION ».
(1) Tout ce qui suit a trait à la théorie des 5 cakra (« roues », centres nerveux) dont
chacun correspond à un dhyānibuddha.
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le blanc visage des dieux, les trois pentes ornées d'argile multicolore
signifient la multitude des «six frères aînés » (phu-drug) de la tribu,
et les trois vallées basses ornées de gazons et de klu sont le signe d'un
accroissement du bétail (phyugs ; tout cela en jeu de mot sur le nom
du lieu : Nel-chags phu-drug phyug-mo) (1). Le lama occupe le rang
central, assis sur un trône d'or, Mi-chen celui de droite sur un trône
d'argent et sKya-lo celui de gauche sur des coussins de soie. sPyi-dpon
répète son rêve (avec des variantes d'orthographe remarquables). Le
soleil s'est levé sur le sommet de la montagne sPom-ri [==ra] de rMa
et ses rayons ont couvert le Tibet. Se détachant des rayons du soleil,
un vajra est tombé sur le sommet du mont sGyi-rgyal ; les treize «dieux
de la chasse »(mgul-lha) du Tibet ont fait des offrandes dans la plaine
de Zla-lun-than ; une lune d'argent s'est levée du col de Zla-ba'i smon-
lam et des étoiles blanches ont brillé au col de 'Bri-yi gser-la ; son frère
cadet Sen-blon a tenu dans la main droite un parasol qui couvrait tout
jusqu'aux quatre extrémités de la terre ; un lama au chapeau de lotus
(mitre), chevauchant un lion, tenant un bâton de vajra et guidant
une ḍākiṇī, lui a dit qu'il fallait organiser une assemblée des tribus
«divines »(nobles, lha-sde) [Fol. 28 a] le treize de la premièreluned'été, fol. 28 a
et une réunion des six divisions (de Glin) dans la plaine du temple de
rMa (rMa Lha-khan than), du huit au quinze de la deuxième lune
d'été. Tel étant le rêve, que faut-il faire ? Cechant de sPyi-dpon terminé,
Than-ston rgyal-po exprime par métaphores et proverbes la nécessité
d'interpréter le présage. [Fol. 28 b] Et il chante un chant d'explication fol. 28 b
du rêve et de la prophétie en s'adressant à sPyi-dpon. Écoute ! «souverain
général (ou de sPyi ?) du Glin Blanc »(gLin-dkar spyi-rje), appartenant
à la lignée des dieux de lumière et tenant de la lignée religieuse des
siddhas et des experts en science magique. [Fol. 29 a] Explication du fol. 29 a
rêve. Que le soleil, s'étant levé sur le mont sPom-ra de rMa, a couvert
Glin de ses rayons est le signe que le soleil de sagesse et de miséricorde
agira à Glin. Qu'un vajra d'or en est sorti et est tombé au sommet du
mont sPyi-rgyal est le signe qu'un saint d'origine divine naîtra au centre
du sinciput (spyi-bo, ou de sPyi ?). Il y a le signe que les «dieux de
la chasse » (mgul-lha) viennent à la rencontre du saint qui protégera
le Tibet. Que la lune s'est levée au col de sMon-lam est le signe que le
frère aîné (de ce saint) sera l'incarnation du Furieux (Khro-bo). Que
les étoiles ont brillé au col de gSer-gyi-la est le signe que mDan-ma
sera ministre. Quel'arc-en-ciel s'est attaché au mont Ge-mjo est le signe
quele père (du saint) sera originaire des gnan (esprits du mondemédian).
Qu'une corde de rayons a troublé le lac Ma-pham est le signe que la
mère (du saint) sera originaire des klu (esprits aquatiques du souterrain).
Le parasol dans la main de Sen-blon signifie qu'il sera le père de la
famille (2). Les ornements de ce parasol signifient que les vêtements
jaunes des religieux se répandront partout. Qu'il a couvert les quatre
orients est le signe que les quatre ennemis des quatre extrémités seront
(1) phu signifie à la fois «frère aîné »et «partie supérieure d'une vallée ».
(2) rus-yab, distinct du père céleste, pha-yab ; cf. le Vocabulaire.
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tâche assignée. [Fol. 37 b] C'est dans ce sens qu'il adresse un chant à fol. 37 b
Padma 'byun-gnas (Padmasambhava). Vœux et métaphores. Sans la
chair et le sang d'un père et d'une mère, il est impossible qu'un enfant
divin se transporte dans un corps humain. [Fol. 38 a] Il faut que, dans fol. 38 a
une maison paternelle de bonne famille, le père (surnaturel) soit un
gnan (divinité de montagne). Il faut une mère (? lacune dans le texte,
mais la restitution est quasi certaine) originaire des klu, une épouse
qui soit une ḍākinī, un lieu (de naissance) illustre, un clan affilié pour
aider à dompter les armées des démons, des armes terribles et un cheval.
Si je ne reçois pas satisfaction sur ces points, je ne puis garantir l'issue
de ma mission. [Fol. 38 6] fol. 38 b
Padmasambhava lui donne raison. Il regarde le Tibet pour y chercher
un endroit et un dieu local (ZO-DOR) appropriés. Résumé de la géographie
tibétaine. En haut (STOD= Ouest), dans le mNa'-ris, le sPu-ron est
rempli de glace, le Gu-ge de terrains rocheux et le Man-yul de fleuves.
Ce sont là les trois divisions de mNa'-ris. Les quatre «cornes »(RU-BŽI)
des provinces centrales dBus et gCan sont gYu-ru et dBus-ru (dans le
dBus), et les deux RU-LAGde droite et de gauche (dans le gCan). En bas
(SMAD= Est) se trouvent les (six) SGAN (régions montagneuses) de
rMa-et-rJa (= Zal-mo sgan) (1), deBu-'bor (= sPo-'bor) sgan, de Cha-ba
sgan, de dṄlul-et-Zla (= gYar-mo sgan), de sMar-Kham sgan et de
Me-nag sgan, ainsi que les régions (GLIṄ) des quatre fleuves, Cha-ron,
rMa et Zla, les quatre vallées (RON), les quatre châteaux (MKHAR) et les
quatre « pays cachés » (SBAS-YUL) (2). Mais Padmasambhava a beau
regarder les neuf régions (GLIṄ) du Tibet, il ne s'y trouve difficilement
un pays qui réunit toutes les qualités requises. Il regarde alors les tribus.
En haut (Ouest), dans le mṄa'-ris, les trois divisions sont subdivisées
en neuf grandes ailes (ÇOG-CHEN), à savoir sPu-ron, Man-yul et Zans-
dkar, trois; Li (Khotan!), Bru-ça (Gilgit) et sBas-te (Balti), six;
Zan-fun, Khri-ste supérieur et inférieur, neuf. Au milieu, dans les quatre
cornes de dBus et de gCan, se trouvent les treize chiliarchies (KHRI-SKOR),
à savoir Chal-ba, rGya-ma, 'Bri-gun, deux (sic!), gYa'-bzan et Phag-
gru, deux, en tout quatre; Phyan-yul, sTag-lun, lHo-'brug, deux (sic!) ;
dans le gCanlHo et mṄa'-ri, deux, Byan et Chu-mig, deux, en tout quatre;
Za-lu et Gra-mi au centre, deux; [Fol. 39 a] et entre dBus et gCan, Yar- fol. 39 a
'brog (4 + 2 + 4+ 2+ 1= 13). Bien quele dBus, le gCanet le mNa'-ri
soient des régions où règne la religion, on n'y trouve aucun endroit pour
la naissance illustre de Thos-pa dga'-ba. En bas (à l'Est), dans les six
SGANdu mDo-khams, on trouve enfin à la fois un endroit et un peuple
appropriés parmi les trois divisions de Glin (huit frères gSer-ba du Glin
supérieur, six divisions 'Om-bu du Glin moyen et quatre tribus dMu-
skyon du Glin inférieur). Cet endroit, situé à la frontière du Clin moyen
et des dMu-ba, est l'enclos de bonne fortune de rMa, le pays de Glin qui-
sauve-tout-à-première-vue (mThon-ba kun-grol), SEMEN de la terre du
(1) Région de sDe-dge (Dergué).
(2) Parmi les sbas-yul comptent le Kon-po, Padma-bkod-ëhen, 'Bras-mo-lǰoṅs (Sikkhim)
et le Népal ; ce sont donc des pays à vallées chaudes et à forêts denses.
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cendance phyva, qui sont les trois fils dPal (lire dBal ?)-sras, 'Thor-sras
et bDar-sras, ainsi qu'à Gan-snon, chef des gnan Ma-san et à Than-so,
omniscient du monde (srid-pa kun-çes). Suit la question de savoir d'où
provient la maladie et quel est le remède. [Fol. 47 b] La cause première fol. 47 b
de la maladie est une punition infligée aux nāga lors de la construction
du temple (1) par le roi Khri-sron lde'u-bcan, la cause secondaire une
pollution du foyer. Il n'y a pas d'autre moyen de guérir que de faire
venir du monde des hommes le grand lama Padma-'byun-gnas (Padma-
sambhava). gCug-na rin-chen paie les honoraires de la consultation.
[Fol. 48 a] Le lendemain on assemble tous les NÃGAsur le pré gYu-thaṅ fol. 48 a
snon-mo. Le jeune Yer-pa'i sprin-dga', fils du NÂGAmGrin-nag de la
caste du peuple déclare qu'il est prêt à aller chercher Padmasambhava.
Tout le monde est d'accord pour lui confier cette mission et lui recom-
mander d'accepter les conditions du maître. Et on l'envoie en lui remettant
comme présent à offrir un vase précieux qui produit ce qu'on désire et le
joyau Frais dompteur du feu (BSIL-LDAN ME-THUB).
Sachant que les NÃGA vont l'inviter, Padmasambhava se rend par
magie à la caverne Padma çel-phug du mont Dan-tig de rMa (Haut
Fleuve Jaune). Guidé par la bienveillance de Padmasambhava, le jeune
Yer-pa'i sprin-dga' arrive au même endroit. [Fol. 48 b] Le maître fait fol. 48 b
commes'il ne le connaissait pas. L'enfant est vêtu de soie, porte un turban
de «soie d'eau » bleue et chevauche une antilope aux longues cornes. Il
offre les cadeaux, déclare qu'il est envoyé par gCug-na rin-chen et lui
adresse ce chant. Il décline son identité : fils de nâga noir de la caste
vile, né dans la classe des animaux. Puis il expose le motif de sa visite.
[Fol. 49 a] Citant des proverbes, il promet que Padmasambhava aura fol. 49 a
tout ce qu'il voudra s'il guérit les nâga. [Fol. 49 b] Padmasambhava fol. 49 b
répond qu'il ne désire rien pour lui-même, qu'il fait le bien des autres.
Suit son chant. Réflexions philosophiques sur le renoncement à tout
égoïsme. [Fol. 50 a] Tout ce qu'il lui faut ce sont beaucoup de pro- fol. 50 a
messes de réalisation difficile. Fin du chant. [Fol. 50 b] Lejeune messager fol. 50 b
le rassure sur la bonne foi des NÃGA.Padmasambhava lui ordonne de le
précéder. Il viendra Plus tard. Yer-pa'i sprin-dga' expose l'affaire à
gCug-na rin-čhen. [Fol. 51 a] Ce dernier est prêt à donner tout. fol. 51 a
Usant de magie Padmasambhava arrive en un instant à la porte des
trésors du lac Ma-dros (Anavatapta). Dans le pays des NÂGA,à Srid-pa
g-yu-mcho, les NÂGAgisent malades. Même le prince NÃGALegs-pa char-
'babs est frappéde maladie en son château deBai-dur g-yu-rce. [Fol. 51b] fol. 51 b
Le roi gCug-na rin-chen apporte à Padmasambhava un plateau de corail
rempli de fruits et un vase rempli de médicaments et lui expose toute l'his-
toire dans ce chant. Il prie Padmasambhava de regarder avec bienveil-
lance son pays, royaume d'animaux. Il assure que, dans son pays des
niiga, on n'a pas troublé les divinités des montagnes (ri-gnan) par
des chasses, et pourtant les esprits tutélaires (zo-dor) sont de plus en
plus sauvages ; on n'a pas souillé les gnan des fleuves, et pourtant les
(1) Il s'agit de la construction du temple de bSam-yas que les dieux du sol voulurent
empêcher. Ils furent domptés par Padmasambhava.
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sentiment et dit qu'il offre trois fois treize joyaux, quatre-vingts charges
| de mules de pierres précieuses mčhiṅ-bu, de grandes quantités d'or et
1 une guirlande du précieux fruit a-smra (āmra, mangue). [Fol. 56 b] fol. 56 b
! Padmasambhava montre une figure noire de colère. Il les insulte et dit
qu'il n'a que faire de leurs joyaux. Les KLU, effrayés, promettent tout ce
qu'il veut. Alors Padmasambhava exige qu'on lui envoie la femme de
gCug-na rin-chen, la dame (KLU-BZA') lDem-dkar lha-mo en vue d'un
« entretien privé » (NAN-GTAM). [Fol. 57 a] Les KLU se demandent ce qu'il fol. 57 a
a l'intention de faire, mais ne pouvant qu'obéir, ils conduisent IDem-
dkar devant lui. Padmasambhava fait sortir tout le monde. Une fois seul
avec elle, il lui confie qu'il veut une de ses filles, et la Plus belle. Elle promet
et sort honteuse. [Fol. 57 b] A en juger d'après sa mine confuse, on se rend fol. 57 b
bien compte qu'il faut au lama une précieuse klu-mo, s'esclaffe gLan-yu
do-rgod, de la caste des vilains, provoquant dans toute l'assemblée un grand
| * éclat de rire. La reine, honteuse, ne dit rien, mais écrit une lettre au roi. Celui-ci
| traite le lama de fou, proclame la lettre et ordonne qu'on amène ses trois filles
pour qu'il choisisse celle qui doit lui être offerte. Mais l'aînée, r God-čhuṅ
dkar-mo est déjà promise au fils, Danseur, de la reine des GNOD-SBYIN
(YAKSA) du Nord (1), et la seconde, Kha-mchar klu-mo-mcho, doit aller à
| Ha-mi-pa-ta de Chine. Or il paraît certain que la cadette, Glan-yu [la folle]
| Kha-'tham sno-tho, ne sera pas choisie. Il faudra donner l'aînée au Tibet.
[Fol. 58 a] Embarrassé, le roi gCug-na rin-chen explique à ses filles
| ce qui est arrivé et pourquoi elles doivent aller s'offrir au choix. Les ministres fol. 58 a
sages craignent que les filles ne soient refusées aussi bien que les trésors
déjà proposés. Tout le monde est d'accord pour joindre aux trois filles
| quatre autres, choisies parmi les quatre castes qui restent, à savoir gZi-
! Idan-sgron de la caste des nobles, Me-tog-mcho de la caste des brahmanes,
Lha-mies-skyid de la caste du peuple et gYu-chun-sman de la classe des
! vilains. [Fol. 58 b] C'est la Plus jeune, Me-tog lha-mies, qui est la Plus
\ belle. Aussi, bien qu'elle soit la dernière, c'est elle que Padmasambhava fol. 58 b
trouve à son goût. La description qu'il donne lui-même de ses avantages
Physiques fait rire toute l'assemblée. [Fol. 59 a] Avant de renvoyer tout
le monde, Padmasambhava demande à la jeune fille d'emporter avec elle fol. 59 a
la tente de turquoise (bleue) mThin-çog gun-dgu, les seize volumes du
CENT MILLE NÃGA (KLU-'BUM) et la vache KXU. Me-tog lha-mjes adresse
un chant à son père gCug-na rin-čhen pour les lui demander. Les Tibétains,
lui dit-elle, sont de la race stupide des Faces Rouges, Mangeurs de
viande (2), pareils à des chiens et des porcs. Des proverbes prouvent
qu'il faut être muni de cadeaux quand on va au loin. Aussi lui demande-
t-elle la tente de turquoise mThiṅ-çog gun-dgu, les seize volumes du
Klu-'bum, [Fol. 59 b] pour augmenter la bonne fortune (g-yan) des
barbares aux têtes noires (des Tibétains), la bête klu 'Bri-mo g-yan-ra fol. 59 b
(Vache de yak aux cornes fortunées), la garantie de richesses Cintāmaṅi
et la garantie de nourriture gSer-zo smug-chun (Seau d'or Petit Brun),
pour parer à la sécheresse des montagnes le Gans-kyi sñiṅ-po (Essence
ÉDIT. 23.684. B
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