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LECLERC Léa

21600776
L3 Lettres

Dossier – UEO :

Histoire culturelle de la Chine


classique

Professeur : de la Robertie Pierre Année universitaire 2018-2019

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Introduction

Avant même l’invention de l’écriture, des récits, contes, légendes et mythes, étaient partagés
par la parole. Cette tradition restera longtemps importante dans de nombreuses cultures, même
après l’apparition de l’écriture et du livre, notamment à travers l’activité de conteurs.
La dynastie Ming, époque qui a duré de 1368 à 1644, à suivi la dynastie Yuan, dominée par
les mongols. Ce fut une époque de développement agricole, artisanal, commercial et
démographique. Cette période fut également marquée par l’essor de l’imprimerie, apparue sous les
Tang (impression au bloc de bois), qui facilita la fabrication des livres et réduit leur coût, rendant
l’objet plus accessible. Cela résulta en une grande production littéraire, en particulier dans la
littérature populaire. Cette époque est ainsi connue pour avoir vu la création des « quatre livres
extraordinaires », les premiers grands romans chinois, ainsi qu’une grande production dans le
théâtre. Ce développement important de l’imprimerie provoqua également la publication de
nombreux recueils de contes ou courts récits issus de la littérature orale, cette dernière étant très
appréciée notamment depuis l’époque Song, les conteurs étant souvent présents dans des lieux
d’amusement pour divertir le public.
Le langage chinois comporte deux langues distinctes : la langue vulgaire orale, dont
différents dialectes, et la langue littéraire, qui sert uniquement pour l’écrit. Ces deux langues sont
très différentes. Le chinois littéraire n’est pas utilisé à l’oral, et pendant longtemps, on n’écrivait pas
avec la langue orale. La différence entre l’oral et l’écrit, dans la langue chinoise comme en général,
fait que les récits oraux mis à l’écrit nécessitaient d’être adaptés au médium écrit, ce qui pouvait
résulter en de grandes différences entre la version orale et la version écrite. Les deux auteurs de
recueils de contes de l’époque sont Feng Menglong et Ling Mengchu. Le premier a mis sur papier
des récits préexistants, son œuvre principale est le recueil de contes en trois parties Les Trois
propos. Le deuxième à inventé des contes reprenant les codes des récits oraux et est connu pour son
recueil de huaben, récits courts, Pai’an jingqi.
En quoi les recueils de contes de l’époque Ming sont-ils représentatifs d’une littérature
héritée de la tradition orale ? Nous verrons d’abord les origines et inspirations des contes de
l’époque Ming, avant d’en étudier les caractéristiques et particularités formelles et thématiques,
pour finir en s’intéressant à l’héritage et à la postérité du genre.

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Origines et inspirations des contes Ming

Nous allons donc commencer par étudier les origines des recueils de contes et courts récits
de l’époque Ming. L’oralité avait une place importante dans la littérature, notamment la littérature
populaire. Avec le temps, l’écrit gagna en importance, en même temps que les lettrés s’intéressaient
peu à peu à la littérature populaire, qu’ils dépréciaient auparavant.

Une tradition orale


L’un des genres littéraires les plus importants de la Chine classique était la poésie, dont des
chants, comme le ci de l’époque Song, poème chanté sur une mélodie préexistante. La poésie est
très liée dès le début à la musique et au rythme. L’oralité avait donc une place même dans un art
réservé aux lettrés instruits, et écrit surtout en chinois littéraire. Mais en dehors de la poésie, des
genres plus populaires, dépréciés par les lettrés, étaient appréciés par la population, divertie par des
performances théâtrales et des récits de contes. Les conteurs étaient particulièrement populaires
sous les Song, Jacques Pimpaneau, dans son ouvrage Chine, histoire de la littérature1, nous apprend
ainsi que sous la dynastie Song, il existait à Kaifeng et à Hangzou, qui ont été successivement la
capitale, des lieux d’amusements, maisons de thé, restaurants, petits théâtres etc. où chanteurs,
conteurs et autres donnaient des spectacles. On peut en effet parler de spectacles même pour les
conteurs, comme le note Pimpaneau dans le même ouvrage :
« Le conteur se devait d’être un véritable acteur. Il avait pour tout accessoire un
éventail, un mouchoir et un bloc de bois pour frapper sur la table […] L’éventail replié
pouvait représenter une arme […] déplié, il pouvait devenir une lettre. Debout, derrière
la table sur une petite estrade, le conteur ne pouvait pas vraiment jouer la scène qu’il
évoquait, tout résidait dans les différentes intonations de sa voix qui devait correspondre
aux personnages, aux situations, et plus que les gestes des mains, les expressions du
visages, surtout des yeux, étaient importantes. »2

La dimension orale des contes était donc très importante, proche du jeu théâtral, d’un « seul-
en-scène » d’aujourd’hui. Les recueils de contes et courts récits sont issus de cette tradition, en tant

1 PIMPANEAU JACQUES, 2004. Chine: histoire de la littérature. Nouvelle édition revue. Arles : Picquier.
ISBN 978-2-87730-702-4. XG 895.109/52, XG 895.109/53

2 PIMPANEAU JACQUES, 2004. « Des conteurs aux romans », p°438-459, in « La littérature populaire », in
Chine: histoire de la littérature. Nouvelle édition revue. Arles : Picquier. ISBN 978-2-87730-702-4. XG 895.109/52,
XG 895.109/53

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qu’ils sont une mise à l’écrit de ces contes oraux, ou que leur auteur à repris les mêmes codes,
imitant les marques d’oralité de ces récits.

La tradition du conte
Les récits courts de l’époque Ming sont issus d’une longue tradition de contes, composée de
genres différents, qui sont connus surtout à partir de la dynastie des Tang (618-907). Dès cette
époque, avant l’apparition en Chine du roman, certains lettrés écrivent des récits en prose. Ainsi, le
genre du Chuanqi « transmission de l’extraordinaire »3, est un type de récits courts apparus sous les
Tang, qui peuvent couvrir des sujets très vastes, des histoires fantastiques aux récits réalistes. Les
premiers Chuanqi racontaient des histoires de fantômes et d’esprits issues des Six Dynasties (entre
220 et 589). Ce genre, semblable à la nouvelle, était écrit en langue littéraire et fut pratiqué jusqu’au
XVIIIe siècle.
La dynastie Tang voit aussi l’apparition d’un autre genre qui inspirera les contes de l’époque
Ming. Le bianwen4 est un genre importé en Chine au VIIe siècle d’Inde par des bonzes qui l’ont
adapté à leur culture pour répandre le bouddhisme en Chine. Ces récits étaient composés de prose et
de vers, récités et chantés à l’oral. Bien que ce genre soit très lié au bouddhisme, le bianwen s’est en
partie laïcisé, proposant au final des récits inspirés du folklore bouddhique, mais aussi de l’histoire
de la Chine. Ce genre possède des similitudes avec les Huaben, contes de l’époque Ming, les deux,
notamment, mêlant vers et prose.
Sous les Tang et les Song, l’on trouvait ainsi des récits courts, que ce soit des chuanqi, des
bianwen ou autres fables et contes, oraux ou écrits, sur des thèmes variés, allant des histoires de
fantômes aux récits réalistes, en passant par les légendes bouddhistes. Cette tradition de contes
principalement oraux et populaires sera ce dont les contes de l’époque Ming, en particulier les
huaben, seront issus.

3 PIMPANEAU JACQUES, 2004. « Les récits », p°388-400, in « La prose sous les Tang et les Song », in Chine:
histoire de la littérature. Nouvelle édition revue. Arles : Picquier. ISBN 978-2-87730-702-4. XG 895.109/52, XG
895.109/53

4 THEOBALD, Ulrich, 2012. bianwen 變文 (www.chinaknowledge.de). Inwww.chinaknowledge.de). In : chinaknowledge.de [en ligne]. 18


janvier 2012. [Consulté le 7 avril 2019]. Disponible à l’adresse :
http://www.chinaknowledge.de/Literature/Terms/bianwen.html.

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Des facteurs historiques
D’autres éléments à l’origine des recueils de contes Ming ne sont pas des éléments
littéraires, mais historiques : En 1279, la dynastie Song est défaite par les mongols, qui fondent la
dynastie Yan, qui durera jusqu’en 1368 où débutera la dynastie Ming. La victoire mongole causa de
nombreux mandarins, fonctionnaires lettrés de l’empire chinois, de perdre leur poste, lesquels se
tournèrent vers les genres littéraires populaires, méprisés5. Ces genres gagneront donc en
reconnaissance et en productions avec l’intérêt des lettrés.
En outre, comme dit précédemment, le développement de l’imprimerie sous la dynastie
Ming a aussi permis une grande production littéraire et donné l’occasion de mettre sur papier des
contes oraux populaires, les lettrés profitant du succès des contes oraux et de leurs versions écrites.

Ainsi, les recueils de contes Ming sont issus de différents facteurs : une tradition de contes et
courts récits oraux populaires et très appréciés, de formes et thèmes variés, des situations politiques
particulières, ainsi que l’essor de l’imprimerie, entre autres, contribuèrent au développement des
contes de l’époque Ming, et plus généralement de la littérature de divertissement, menant à
l’apparition du roman chinois.

5 ETIEMBLE, [sans date]. ROMAN - Genèse du roman [en ligne]. S.l. : Encyclopædia Universalis.
[Consulté le 7 avril 2019]. Disponible à l’adresse :
http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/roman-genese-du-roman/.

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Caractéristiques du genre

L’époque Ming a donc vu le développement de la littérature de divertissement, en particulier


des recueils de contes. Cette époque à notamment vu l’apparition du huaben, un genre de conte que
nous avons évoqué précédemment, et qui connaît un grand succès, grâce à ses principaux auteurs,
Feng Menglong et Ling Mengchu. Nous allons désormais voir les caractéristiques formelles et
thématiques des contes Ming.

La forme des contes ming


Les huaben (ou houa-pen)6 sont des récits courts, des contes écrits en langue vulgaire,
généralement par des lettrés utilisant les codes des contes oraux des époques précédentes. Une
particularité de ce genre est qu’il mêle passages en prose et en vers : l’œuvre commençait avec un
court poème faisant office de prologue, et occasionnellement résumer la morale ou le message du
récit à venir. Nous pouvons prendre comme exemple le poème situé au début du huaben de Ling
Mengchu « Les Rocambolades de Dragon Flemmard » :
« prince des voleurs a toujours
Beaucoup de talent et d’esprit,
Et connaît de nombreux tours
Qui en font un si grand bandit !

Et si un jour on peut en faire


Un défenseur de la patrie,
Quelles victoires à nos frontières
Ne seront pas garanties ? »7

6 LING MENGCHU, 1970. « Préface » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la vieille Chine douze
contes du XVIIe siècle. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32

7 MENGCHU, Ling et BROSSOLLET, Alexis, 2014. Les rocambolades de Dragon Flemmard alias « Branche
de Prunier » brigand & paladin - Mong-tch’ou Ling. S.l. : Éditions du Non-Agir. ISBN 979-10-92475-15-9.

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Ce poème permet d’introduire le thème du récit à venir. Ici, le lecteur apprend qu’il lit un
conte sur des bandits d’honneur rusés, et peut-être sur leur rédemption. Des vers se trouvent aussi à
la fin du huaben, pour le conclure, ainsi qu’occasionnellement à l’intérieur du récit.
Une autre particularité de ce genre de conte, qui peut étonner des lecteurs occidentaux, est
qu’en plus du poème d’introduction, le récit est précédé d’un prologue sous forme de petit récit qui
vient, là encore, introduire le thème du huaben, en évoquant une histoire différente. Ainsi, le conte
de Ling Mengchu « Les Mandarines »8, dans laquelle est racontée l’histoire d’un marchand à la vie
longtemps malchanceuse, jusqu’à ce qu’il tombe sur des richesses qu’il fit fructifier grâce à la
Fortune, car il était destiné à devenir riche. Le récit d’introduction de ce conte raconte en contraste
la vie d’un personnage destiné à rester pauvre toute sa vie. L’auteur ou le conteur soutient ainsi que
personne n’échappe à son destin, que tout est prédestiné, le bon comme le mauvais. Le thème du
huaben sera donc parfois fortement souligné par l’auteur.
Étant issus d’une tradition orale, les contes Ming écrits conservent aussi des marques de
cette oralité. La mise à l’écrit de contes oraux résultait d’abord souvent en une version condensée
du conte, mais ensuite, le récit était adapté dans une version faite pour être lue, pouvant ainsi
s’éloigner de la version orale. Mais ces récits écrits conservaient des marques de leur origine orale,
comme le marque Pimpaneau dans Chine, Histoire de la littérature :
« […] le récit est interrompu par des poèmes […] Ils permettaient au conteur de rompre
le récit pour éviter la monotonie […] ont été gardées des formules du genre
« auditeurs », « maintenant racontons que... » pour indiquer le passage à une autre
scène. »9

On peut également lire dans certains contes une interpellation fictive du conteur par un
auditoire, objectant sur un choix narratif : « conteur, ce n’est pas vrai ! », ou demandant des
précisions. L’auteur-conteur imagine ainsi des échanges avec l’auditoire-lectorat, lui permettant de
justifier des choix ou de donner des explications, en marquant une origine orale ou une imitation de
cette oralité. De même, le récit d’introduction permettait d’attirer l’attention de l’auditoire et de
laisser le temps aux retardataires d’arriver sans qu’ils manquent le début du récit principal, et bien
qu’il n’eut un intérêt que pour un conte oral, cette tradition à été conservée même pour les contes
écrits en imitation des récits oraux.

8 LING MENGCHU, 1970. « Les Mandarines » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la vieille
Chine douze contes du XVIIe siècle. P. 19. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32

9 PIMPANEAU JACQUES, 2004. « Des conteurs aux romans », p°438-459, in « La littérature populaire », in
Chine: histoire de la littérature. Nouvelle édition revue. Arles : Picquier. ISBN 978-2-87730-702-4. XG 895.109/52,
XG 895.109/53

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Thèmes des contes ming
Les thèmes des contes Ming et des huaben sont très variés. Sous les Song, les contes étaient
divisés en trois grands thèmes : les récits historiques, qui pouvaient durer plusieurs jours, les récits
bouddhiques, inspirés des bianwen, et les récits courts, qui ne duraient qu’une seule séance. Parmi
ces récits courts, l’on trouvait un grand nombre de sujets variés, comme des histoires d’amour, des
récits fantastiques, des histoires de fantômes, des histoires sur la vie de lettrés et de marchands, des
histoires de bandits d’honneur etc. Ces thèmes ont été repris dans les contes l’époque Ming, et
certains contes Ming ont même des versions plus anciennes.
Ling Mengchu à ainsi écrit plusieurs contes sur la vie de lettrés, mandarins, comme « Les
Trois lettres de l’immortel »10 ou « La promesse de mariage »11, dans lesquels le lecteur peut avoir
un aperçu des traditions chinoises et du fonctionnement des examens pour devenir fonctionnaire à
l’époque. Mengchu est aussi l’auteur d’histoires de brigands d’honneur, comme on l’a vu avec
« Les Rocambolades de Dragon flemmard ». Mais ces thèmes ne sont pas incompatibles, nombre de
récits en contenant plusieurs, bien qu’il y en ait généralement un plus important que les autres.
Ainsi, « Les Trois lettres de l’immortel », traitant de la vie d’un lettré, contient aussi une part de
fantastique, de surnaturel à travers les lettres à ouvrir au bon moment pour se sortir d’une situation
critique, « L’Amour de la renarde »12 mêle histoire d’amour et récit fantastique avec le personnage
de la femme-renard.
Le caractère populaire de ces contes se voit chez certains récits qui peuvent être jugés
licencieux, ou sinon burlesques, humoristiques comme dans « Les Rocambolades de Dragon
flemmard », qui est plus un récit comique que moral. On peut lire à ce propos dans un article
d’Encyclopaedia Universalis sur la civilisation chinoise :
« […] le conte, la nouvelle progressèrent également, tant en langue écrite qu'en langue
parlée. En cette dernière, le recueil intitulé Spectacles curieux d'aujourd'hui et
d'autrefois (Jin gu qi guan) a un caractère très populaire ; la langue est triviale jusqu'à la
grossièreté, la morale est d'un simplisme désarmant. Il reste que la vigueur du trait,
l'évocation pleine de vie et de drôlerie de la société n'ont pas peu fait pour assurer la
renommée de ces petits contes. »13

10 LING MENGCHU, 1970. « Les trois lettres de l’immortel » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de
la vieille Chine douze contes du XVIIe siècle. P. 112. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32
11 LING MENGCHU, 1970. « La Promesse de mariage » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la
vieille Chine douze contes du XVIIe siècle. P. 155. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32
12 LING MENGCHU, 1970. « L’Amour de la renarde » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la
vieille Chine douze contes du XVIIe siècle. P. 265. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32
13 RABUT, Isabelle, JULLIEN, François, DIÉNY, Jean-Pierre, PINO, Angel, DEMIÉVILLE, Paul et
HERVOUET, Yves, [sans date]. CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature [en ligne]. S.l. : Encyclopædia
Universalis. [Consulté le 12 avril 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-

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Une représentation de la société de l’époque
Les contes Ming sont de toute évidence des récits fictifs, mais ils s’inscrivent néanmoins
dans une époque et une société dont ils reflètent les mœurs et coutumes. Nous avons déjà évoqué les
récits autour de la vie des lettrés, montrant leur quotidien et le fonctionnement des examens pour
obtenir le titre de mandarin. Mais ces contes peuvent parler de groupes sociaux très différents. Feng
Menglong, en particulier, était reconnu pour refléter la vie sociale et éthique sous les dynasties Song
et Ming, dans son recueil de contes Les Trois propos, comme on peut le lire dans l’article « Feng
menglong and the late-ming articulation of sentiment »14 :
« The stories have generally been praised for reflecting the social and ethical life of the
Song and Ming urban worlds. The doyens of the eliteworld-magistrates, filial friends,
loyal widows-as well as the denizens of the non-elite worlds - geishas, handicraft
workers, merchants, farmers, and even local thieves - all appear in the pages of the
three anthologies. »

Dans ce regroupement de trois recueils de contes (Propos éclairants pour édifier monde,
Propos pénétrants pour avertir le monde et Propos éternels pour avertir le monde) chacun
contenant quarante huaben, l’auteur écrit sur une grande partie des pans de la société chinoise de
son époque, des mandarins aux marchands, en passant par les voleurs et paysans. Feng Menglong
n’écrivait pas uniquement sur le quotidien des habitants de la Chine, une partie de ses contes sont
sur le folklore surnaturel chinois, à savoir les fantômes, les démons et autres.
Les contes Ming reflètent aussi la dimension très paternaliste de la société chinoise :
l’importance du chef de famille, à qui on doit respect et obéissance y est retranscrit, ainsi que la
place souvent réduite de la femme, dont le rôle est d’être mariée au meilleur parti pour la famille.
La femme idéale semble donc être une épouse effacée qui obéit à son mari et le rend heureux, ainsi
que sa belle-famille. Des personnages féminins peuvent aussi avoir un mauvais rôle, en tant que
personnage égoïste et/ou mauvais : dans « La Misère des enseignants »15 de Mengchu, le
personnage principal, Kao Kouang, un vieux lettré, à trois filles qui ne s’occupent de leur père que
dans l’espoir de recevoir un héritage important, et qui l’abandonne quand il n’a plus rien à lui
donner, portant atteinte à leur devoir de piété filiale. C’est le neveu du lettré qui le recueille, et se

rennes2.fr/encyclopedie/chinoise-civilisation-la-litterature/.

14 CASS, Victoria B., 1997. Feng Menglong and the Late-Ming Articulation of Sentiment. In : CHINOPERL. juin
1997. Vol. 20, n° 1, p. 71-84. DOI 10.1179/chi.1997.20.1.71.

15 LING MENGCHU, 1970. « La Misère des enseignants » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la
vieille Chine douze contes du XVIIe siècle. p. 135. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32

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montre respectueux et humble au point de n’accepter de récompenses de la part du lettré qu’après
beaucoup d’insistance de ce dernier. De même, dans les récits fantastiques, le personnage surnaturel
est souvent féminin, que ce soit un fantôme ou une « femme-démon ». on trouve ainsi le topique de
la femme-renarde, qui cherche l’immortalité en aspirant l’essence vitale de mortels à travers des
relations charnelles. On a donc dans certains contes une dimension érotique, à travers une
description métaphorique de l’acte sexuel. Dans « L’Amour de la renarde »16 de Mengchu, comme
dans d’autres contes, la relation charnelle est ainsi comparée à un combat :
« La Demoiselle s’y connaissait et semblait mener une guerre d’usure […] Il lui arrivait
pourtant de redouter la défaite, mais la jeune femme ne semblait jamais disposée à
dormir. »

Mais ces personnages féminins ne sont pas toujours de simples personnages antagonistes : dans
« L’Amour de la renarde », la renarde, une fois sa vraie nature découverte par le protagoniste, lui
rend son énergie volée et donne un remède pour guérir la femme qu’il aime. En outre, certains
personnages d’immortels sont présentés de manière positive, comme dans le conte « La déesse de la
mer amoureuse d’un marchand »17, dans lequel la déesse protège le marchand de malheurs. Dans le
folklore chinois, les femmes sont souvent présentées dans les récits comme ayant accès à la
sorcellerie. On trouve ainsi l’image de la femme passionnée, dangereuse pour l’homme, et l’image
de l’épouse idéale, douce et belle.

Ainsi, les contes Ming gardent des caractéristiques issues de leur origine orale, et sont écrits
sur des thèmes variés, généralement repris des époques précédentes. Ces contes sont aussi des
miroirs de leur époque et de la société chinoise, que ce soit dans le quotidien de ses habitants, ses
coutumes, les règles en famille dans une société patriarcale et la place qu’y ont les femmes.

16 LING MENGCHU, 1970. « L’Amour de la renarde » in L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la


vieille Chine douze contes du XVIIe siècle. P. 265. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32
17 LING MENGCHU, 1970. « La Déesse de la mer amoureuse d’un marchand » in L’amour de la renarde:
marchands et lettrés de la vieille Chine douze contes du XVIIe siècle. P. 46. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient
32. 194718/32

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Héritage et postérité du genre

Les contes Ming sont les héritiers d’une tradition orale et populaire, mais font aussi partie de
l’évolution de cette littérature populaire, qui prend une place de plus en plus importante en même
temps qu’elle devient une littérature écrite. L’époque Ming voit ainsi l’apparition du roman chinois,
en particulier les « quatre livres extraordinaires », œuvres fictives considérées comme les plus
importantes de la Chine de l’époque : Les Trois royaumes, Au Bord de l’eau, La Pérégrination vers
l’ouest et Jin Ping Mei.
Comme les recueils de contes, l’apparition du roman chinois est liée à la popularité des
conteurs sous la dynastie Song, et au développement de l’imprimerie. Ils sont notamment inspirés
des récits historiques des conteurs de l’époque Song. Ces romans gardaient eux aussi des marques
de leur origine orale, qui est visible notamment dans le titre des chapitres, appelés « fois », hui,
faisant référence au nombre de séances pendant lesquelles le conteur récitait son histoire et qui ne
disparaîtra qu’avec l’influence du roman occidental en Chine. Les sujets des romans sont aussi
similaires à ceux des contes Song considérés les plus prestigieux, récits historiques et religieux.
La dynastie Ming a donc vu un fort développement de la littérature populaire et en langue
vernaculaire à travers la fiction en prose, les recueils de contes et les premiers romans.

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Conclusion

Ainsi donc, le développement de l’imprimerie, l’intérêt des lettrés pour la littérature


populaire et la langue vulgaire, ainsi que le succès du genre du conte à l’époque Song mène à la
mise à écrit et à la publication nombreuse de ces contes. Le huaben apparaîtra ainsi, type de conte
écrit en langue vernaculaire, composée à la fois de prose et de vers, et gardant des caractéristiques
rappelant son origine orale. Les contes Ming sont écrits sur des sujets très variés, allant du réalisme
au surnaturel, et reflètent la société dans laquelle ils ont été écrits, en représentant le quotidien, les
coutumes et les mœurs de cette société.
L’époque Ming voit ainsi un essor de la littérature populaire en langue vulgaire, autrefois
dépréciée par les intellectuels chinois, considérée comme de la sous-littérature. La fiction en prose
prendra aussi la forme des premiers romans chinois, inspirés par les contes de l’époque Song,qui
deviendront une part importante de la littérature chinoise.

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Bibliographie :

• CASS, Victoria B., 1997. Feng Menglong and the Late-Ming Articulation of Sentiment. In :
CHINOPERL. juin 1997. Vol. 20, n° 1, p. 71-84. DOI 10.1179/chi.1997.20.1.71.
• ETIEMBLE, [sans date]. ROMAN - Genèse du roman [en ligne]. S.l. : Encyclopædia
Universalis. [Consulté le 7 avril 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.universalis-
edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/roman-genese-du-roman/.
• LING MENGCHU, 1970. L’amour de la renarde: marchands et lettrés de la vieille Chine
douze contes du XVIIe siècle. Paris : Gallimard. Connaissance de l’Orient 32. 194718/32
• MENGCHU, Ling et BROSSOLLET, Alexis, 2014. Les rocambolades de Dragon
Flemmard alias « Branche de Prunier » brigand & paladin - Mong-tch’ou Ling. S.l. :
Editions du Non-Agir. ISBN 979-10-92475-15-9.
• PIMPANEAU JACQUES, 2004. Chine: histoire de la littérature. Nouvelle édition revue.
Arles : PPicquier. ISBN 978-2-87730-702-4. XG 895.109/52, XG 895.109/53
• RABUT, Isabelle, JULLIEN, François, DIÉNY, Jean-Pierre, PINO, Angel, DEMIÉVILLE,
Paul et HERVOUET, Yves, [sans date]. CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature
[en ligne]. S.l. : Encyclopædia Universalis. [Consulté le 12 avril 2019]. Disponible à
l’adresse : http://www.universalis-edu.com.distant.bu.univ-rennes2.fr/encyclopedie/
chinoise-civilisation-la-litterature/.
• THEOBALD, Ulrich, 2012. bianwen 變文 (www.chinaknowledge.de). Inwww.chinaknowledge.de). In :
chinaknowledge.de [en ligne]. 18 janvier 2012. [Consulté le 7 avril 2019]. Disponible à
l’adresse : http://www.chinaknowledge.de/Literature/Terms/bianwen.html.

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