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comment etudier le proteome

La spectrométrie de masse au service de l’étude des protéines L’étude des protéines a connu
un essor spectaculaire au cours des années 90 avec l’avènement des spectromètres de masse
(un développement technologique récompensé par un prix Nobel de chimie, attribué en 2002
à John Fenn et Koichi Tanaka). Jusque-là, les scientifiques utilisaient une méthode chimique,
nécessitant de purifier des quantités importantes de chaque protéine avant de pouvoir en
déterminer la séquence en acides aminés. Aujourd’hui, les spectromètres de masse permettent
d’analyser des échantillons biologiques extrêmement complexes, pouvant contenir des
milliers de protéines comme les fluides biologiques : plasma, urine. Ils permettent également
de caractériser des échantillons biologiques restreints et précieux correspondant à quelques
cellules, voire une seule cellule, et contenant des quantités infimes de protéines. 
La spectrométrie de masse consiste à identifier des molécules en fonction de la mesure précise
de leur masse. Pour réaliser une étude protéomique, il faut d’abord digérer les protéines de
l’échantillon à étudier grâce à une enzyme, afin d’obtenir des fragments protéiques (ou
« peptides ») qui sont solubles dans la solution qui est injectée dans le spectromètre de masse.
Ces peptides sont ensuite fragmentés par la machine. Les masses de chaque peptide et des
fragments sont mesurées. Elles permettent d’identifier les peptides contenus dans
l’échantillon, en comparant les données expérimentales aux données déjà existantes dans des
banques. A noter que grâce aux performances des spectromètres de masse les plus récents, il
est également possible d’étudier des protéines entières, sans avoir à les digérer préalablement. 
Les données sont restituées sous une forme que l’on peut comparer à un puzzle. C’est aux
scientifiques de reconstituer ce puzzle pour retrouver l’identité des protéines qui étaient
présentes dans l’échantillon. Ce travail est bien sûr facilité par des logiciels informatiques de
plus en plus performants et des bases de données de plus en plus riches.

Les applications de la protéomique :

Les principaux objectifs de la protéomique sont : 


d’identifier, de quantifier et caractériser finement les protéines présentes dans un échantillon
biologique à un instant T d’obtenir des données fonctionnelles : localisation, modifications,
identification de protéines partenaires, sites de liaison de ligands...
Ces données permettent de mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans
les grandes fonctions cellulaires et la physiologie des organismes vivants. 
La protéomique pour…
1 percer le mystère des virus géants La découverte récente de virus géants a bouleversé
les fondations de ce qui était connu jusqu’alors en virologie : les virus identifiés par le
groupe de Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie (UMR7256, Marseille) ont en
effet des génomes dont la taille rivalise avec celle de certains microorganismes
cellulaires eucaryotes, et forment des particules infectieuses plus grosses que certaines
bactéries. Des analyses protéomiques systématiques de ces particules infectieuses ont
permis de mettre en évidence la complexité unique de leur composition protéique,
renfermant une majorité de protéines sans homologue connu. La caractérisation
protéomique des hôtes infectés, réalisée par le groupe de Yohann Couté (unité Inserm
1038, Grenoble), a permis de révéler l’orchestration moléculaire complexe des cycles
infectieux de ces virus géants dont la diversité génique pourrait être le reflet d’une
capacité unique de créer de nouveaux gènes. 

2 La protéomique pour… découvrir de nouveaux médicaments Alors que les bactéries


pathogènes résistent de plus en plus aux antibiotiques, de nouveaux médicaments
doivent être mis au point. Différents ensembles de molécules sont donc étudiés afin
d’offrir de nouveaux médicaments. Parmi ceux-ci, la classe des bactériocines, des
peptides antimicrobiens naturellement produits par les bactéries, paraît
particulièrement prometteuse. La ruminococcine C est naturellement produite par une
bactérie, Ruminococcus gnavus E1, qui vit en symbiose dans le système digestif
humain. Des analyses protéomiques réalisées au sein de l’unité Inserm 1038 ont
permis de révéler sa structure originale, contenant 4 ponts thioéther indispensables à
son activité antimicrobienne. Celle-ci s’exerce contre des bactéries à l’origine
d’infections nosocomiales comme Staphylococcus aureus ou Clostridium difficile, et
contre d’autres pathogènes inscrits sur la liste prioritaire de l’OMS.

3 La protéomique pour… améliorer notre connaissance de la biologie humaine Un vaste


projet international de protéomique, appelé Human Proteome Project (HPP), a été
lancé en 2011 par l’organisation mondiale HUPO (Human Proteome Organisation). Ce
projet implique environ 50 équipes de recherche réparties dans 25 pays et consiste à
établir une base de données permettant de décrire les protéines correspondant aux 19
800 gènes prédits comme codants chez l’Homme. En 2019, 11% de ces protéines
« prédites » n’ont pas encore été identifiées : leur existence reste donc toujours à
confirmer. On les appelle les protéines « manquantes ». L’hétérogénéité des protéomes
d’une cellule à l’autre, d’un tissu à l’autre, d’un individu à l’autre et leur caractère
dynamique rendent cet exercice très difficile, mais il présente l’avantage de
promouvoir les recherches en protéomique et de stimuler les coopérations
internationales. L’accomplissement de ce projet devrait permettre d’améliorer la
connaissance de la biologie humaine et fournir de nouvelles informations utiles pour
améliorer la prise en charge médicale des patients (diagnostic, choix
thérapeutique…).  En 2017, l’équipe de Charles Pineau (unité Inserm 1085, Rennes),
en collaboration étroite avec l’infrastructure nationale de protéomique ProFI et
l’institut Suisse de bioinformatique, a effectué une analyse en profondeur du protéome
du sperme humain, un échantillon potentiellement enrichi en protéines
« manquantes ». L’utilisation combinée de techniques de biochimie, d’analyse en
spectrométrie de masse et de bioinformatique a permis d’identifier plus de 5 000
protéines dans le spermatozoïde, dont 220 jamais détectées jusqu’ici.

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