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Mémoires du

Congo
et du Ruanda-Urundi
n°20 - Décembre 2011

Le Jardin botanique
de Kisantu

Nos meilleurs Rwanda


vœux pour l'Akagera

2012
Sommaire Editorial
Mémoires du Congo

E
et du Ruanda-Urundi n 2001, Georges Lambert, pour Je profite de l’occasion pour les remercier
Périodique n° 20 - Décembre 2011 la première fois, présentait aux tous du fond du cœur, car sans eux, rien
Editorial 2 membres de “Mémoires du n’eut été possible. Depuis 10 ans, nous
Message de Noël 2 Congo” les vœux traditionnels avons pu compter en permanence sur une
Du militaire au missionnaire 3 pour la fête de Noël et pour la nouvelle trentaine de personnes pour réaliser toutes
Trois siècles chez les Bashi (2) 4 année. En ce mois de décembre 2011, le les tâches nécessaires à notre action.
Peintres belges au Congo 5 Président Roger Gilson, les membres du Rendons hommage aussi à nos Présidents
L'os d'Ishango 6-7 Conseil d’Administration, du Forum et votre qui ont apporté, chacun, leur pierre dans cet
Le courrier des lecteurs 8-9 serviteur vous souhaitons un Joyeux Noël et édifice : Patrick Fraeys de Veubeke, André
L'Akagera au Rwanda 12-15 vous présentons tous nos vœux de bonheur, Huybrechts et Paul Frix.
L'évangélisation au Rwanda 16-17 de santé et de prospérité pour 2012. Remercions aujourd'hui Roger Gilson, mem-
Quand on a 15 ans 17 bre fondateur, qui a accepté de mettre tous
Le petit Jésus des Tropiques 17 Pour notre association, une nouvelle décen- ses talents à notre service !
Quelque part, ailleurs 18-19 nie s’annonce car c’est en Janvier 2002 que Mais n’oublions pas celui qui fût notre guide :
Médiathèque 20-21 notre ASBL fut créée. Neuf mois venaient notre administrateur délégué Georges Lam-
Evocation 21 de s’écouler depuis que les fondateurs de bert. Avec ténacité et courage, il a mis notre
Livres à lire 22-23 “MdC” avaient décidé de s’unir pour laisser entreprise sur de bons rails et la locomotive
Activités 23 la trace de notre passage dans l’histoire du roule toujours.
Echos de MDC 24 Congo belge et du Ruanda-Urundi. Nous commémorerons tout au long de 2012
Photo de couverture : Kisantu Thierry Bodson, notre dixième anniversaire : entre nous le 8
Akagera : M. van den Storme Que de chemin parcouru : trois cents té- Mai, en Juin une édition spéciale de notre
Sculptures sur bois : Bustes Mangbetu,
photos N. Blomstrand. moignages recueillis, une dizaine de do- revue, en Octobre un colloque officiel.
cumentaires réalisés, des livres réédités Vous serez avertis de nos actions tout au
par nos soins, un nombre incalculable de long de 2012 par le biais de mails (donnez-
réunions de travail et de présentation de nous votre adresse), lors de nos séances de
nos travaux, de représentations auprès d’as- projection et par notre revue.
sociations, de clubs et même l’organisation Merci pour votre aide, pour vos appuis…
de colloques. Faîtes-nous connaître, ce sera un beau ca-
Permettez-nous d’être fiers du travail accom- deau d’anniversaire.
pli grâce à vous, car sans vos cotisations, Et en ce qui me concerne, je reste votre
nous n’aurions pu acheter le matériel néces- dévoué.
saire et couvrir tous nos frais de fonction-
nement bien que tous nos collaborateurs ■ Paul Vannès
soient bénévoles. Administrateur délégué

Les vœux de la Rédaction

A
l’heure où le monde lutte pour seurs des Parcs Naturels, derniers vestiges
sa survie (surpopulation, pollu- d’un patrimoine unique, ces gardes qui, par
tion, perturbations climatiques, centaines et depuis plus d’un demi-siècle,
L’Afrique pleure crise économique…) notre vo- sacrifient leur vie à l’avenir de la planète ?
lonté d’aider l’Afrique à sortir du chaos
Wangari Maathai, nous contraint à sélectionner les formules Au Kenya, une femme, Wangari Maathaï,
Prix Nobel de la Paix et moyens d’assistance, forcément limités, s’est vu, en 2004, décerner un Prix No-
dont nous disposons. Dans cette optique, bel pour la lutte inlassable qu’elle menait
La kenyane Wangari Maathai, première il nous incombe d’orienter notre stratégie en faveur du développement durable du
femme africaine lauréate du Prix No- vers les objectifs seuls susceptibles de ré- continent.
bel de la Paix pour son engagement sultats appréciables tant à court terme qu’à En République démocratique du Congo, le
écologiste, est décédée dimanche 25 long terme. docteur Denis Mukwege ne se contente pas
septembre des suites d’un cancer. C'est pourquoi nous voulons réserver aux de traiter les innombrables malheureuses,
Issue d’une famille de paysans, cette véritables promoteurs du renouveau et de victimes, au Kivu, de viols, tortures et mu-
kenyane a été la première femme la paix, les quelques ressources morales et tilations. Cet apôtre de la médecine, qui a
d’Afrique de l’Est a obtenir un doc- matérielles qui nous sont encore accessibles. entrepris une croisade contre la barbarie,
L’Afrique ne manque pas de tels acteurs. dispose déjà de l’appui de nombreux conci-
torat puis à diriger une chaire uni-
Si Nelson Mandela est leur symbole, il est toyens et suscite l’admiration universelle.
versitaire. loin d’être le seul. Seuls susceptibles de succès durable dans
C’est son action en faveur de la refores- Au premier rang des travailleurs qui, de- la lutte pour un monde meilleur, ces porte-
tation qui a été consacrée en 2004 par puis des décennies sinon des siècles, luttent drapeaux méritent infiniment plus qu’une
le Prix Nobel de la Paix qui a fait d’elle contre la misère et la faim, figurent toujours attention distraite.
une ”icône internationale” symbole des femmes obstinément vouées à la pro-
de la protection de l’environnement tection de leur famille. ■ André Vleurinck et les membres de la
dans le monde. Pouvons-nous ignorer l’héroïsme des défen- Rédaction

2
Récit
Du militaire au missionnaire
Soixante ans les séparaient
“Allez et enflammez le monde”
(Ignace de Loyola)

A
u printemps 1966, nous venions George Grenfell, missionnaire de la Baptist
de réoccuper Elisabetha (Lokutu) Missionnary Society, a exploré une partie du
protégés par des militaires et des Cameroun de 1874 à 1884; il a reconnu le
volontaires, entendez par volontai- tracé d’au moins quatre rivières.
res ce que l’on a appelé des mercenaires. En 1884, il est venu au Congo et durant deux
ans, a parcouru plus de 20.000 kilomètres,
Les opérations militaires étaient loin d’être reconnaissant, à bord de son bateau baptisé
terminées, la pacification était toujours en “Peace”, dont la carcasse serait toujours à
cours. Nous étions au cimetière de Basoko Kinshasa, l’Ubangi jusque Zongo, la Mongala,
pour enterrer un militaire tué dans une em- l’Itimbiri, la Lomami, le Kasaï, le Kwango
buscade sur la route de Koret en territoire et quantité d’autres rivières dans la cuvette.
de Yahuma.
Je représentais mon employeur dont les Soixante ans les séparaient.
plantations étaient protégées par ces hom- Etrange situation où deux hommes tellement
mes armés. différents se retrouvent voisins, très proches
voisins pour l’éternité.
Cimetière de brousse, cimetière d’Afrique, L’un, militaire de fortune, l’autre mission-
peu entretenu, surpeuplé, désordonné et naire; l’un qui vivait dans la violence; l’autre,
la seule place que l’on avait trouvée pour homme de paix, venu pour répandre "sa
donner une sépulture un peu décente à cet bonne parole"; l’un homme sans états d’âme,
homme tué au combat, était dans le sentier l’autre théologien.
séparant des blocs de tombes. Deux visions différentes de la manière d'en-
Pendant la brève cérémonie, mes yeux se flammer le monde.
posèrent sur la tombe voisine, séparée de
la fosse dans laquelle nous enterrions le Mais l’un comme l’autre sont morts, ont
militaire par une trentaine de centimètres donné leur vie pour un pays, une part de
seulement. continent, dont ils ignoraient jusqu’à l’exis-
Je m’aperçus alors que c’était celle d’un tence dans leur prime jeunesse.
grand, d’un très grand explorateur, George Bom
u
Grenfell. ■ E.A. Christiane

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fleuve Con
Bumba
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Kisangani lac Albert

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lac Tumba ua lac Édouard


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lac Mai-Ndombe

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Kinshasa Bandundu
Ilebo Kongolo lac Tanganyika
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Océan Bukama
De 1884 à 1886, George Grenfell a parcouru plus de 20.000 kilomètres, reconnaissant l’Ubangi, la Mongala, l’Itimbiri,
a (C

la Lomami, le Kasaï, le Kwango et quantité d’autres rivières dans la cuvette. lac Moero 3
Atlantique
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la
Témoignage

Trois siècles chez les Bashi (2)


Au cours des XVIe et XVIIe siècles d’importants mouvements de
populations eurent lieu sur le continent africain, qui touchèrent
particulièrement la région des Grands lacs. Il s’agissait de migrations
de peuples pasteurs venant du nord et fuyant les conquêtes
musulmanes, à la recherche de nouveaux pâturages et d’un climat
favorable à l’élevage et aux cultures.

P
armi eux, se trouvaient A sa mort, son fils Kabare-Kagan- Grâce également à ces enre- ethnies voisines, et enfin de l’ar-
l’ethnie shi qui fut da prit la tête du clan et étenditgistrements, j’ai aussi pu articu- rivée des Européens.
contrainte, lors de sa son pouvoir sur les régions voi- ler, avec assez de précisions et
transhumance vers le sines dont les habitants étaient, autant d’objectivité que possi- Histoire passionnante aussi parce
sud, au niveau de l’Equateur, de dit-on, opprimés par des chefs in-ble, les grands faits d’une his- qu’elle nous permet de suivre
se trouver des terres en bataillant, justes et maladroits. Cela devait se
toire complexe mais passion- l’évolution d’un peuple vers une
d’abord contre les Warega man- situer au milieu du XVIIle siècle.nante s’étendant jusqu’à notre véritable prise de conscience d’un
geurs d’hommes, puis contre les époque contemporaine, c’est- patrimoine reposant, non plus
Bahunde et les Bahavu qui les A partir de Kabare-Kaganda, grâ- à-dire sur quelque trois siècles. sur la culture expéditive d’un
suivaient et qu’ils durent refouler ce aux enregistrements du frère champ fatigué par le soleil ou sur
vers le Nord. C’est ainsi qu’ils Albert (voir 1ère partie), j’ai pu Histoire complexe en raison des le hasard d’une partie de chasse,
s’établirent sur la rive sud-ouest établir une généalogie presque rivalités familiales qui fractionnè- culture propre à des peuples en
du lac Kivu. complète des divers clans shi rent l’ethnie en de nombreuses marche, mais sur des notions
jusqu’au milieu du siècle dernier branches, des relations toujours réelles de propriétés foncière et
Cette migration, cette installation et portant sur dix-huit générations. tendues avec le Rwanda et les mobilière.
et les querelles qu’elles suscitèrent
ont nourri une histoire qui nous Le souci constant des Bashi se
est parvenue ; d’une manière porta, dès qu’ils se fixèrent au
malheureusement incomplète, Kivu, sur la possession, la défense
par la tradition orale. et l’entretien de troupeaux nom-
breux et sélectionnés, ainsi que
Du cheminement, de l’arrivée et sur la mise en valeur de coins
de l’implantation de ces chamites de terre ou de parcelles privées,
orientaux, nilotiques, sans doute attribuées par un pouvoir qui fut
originaires d’Ethiopie, dont les longtemps nettement féodal.
descendants dirigèrent divers
clans locaux jusqu’aux temps Depuis le soir où la vieille Na-
du Congo belge, il ne reste donc muhoye montra à ses sept fils
que des mémoires éparses que les terres où ils allaient s’installer,
chuchotaient encore les derniers leurs héritiers, les différents Bami
gardiens des légendes, au milieu du Bushi reconnus et assistés par
du siècle dernier. la tutelle administrative coloniale,
jouèrent leur rôle de guides, sou-
Elles relatent assez sommaire- vent dominateurs mais toujours
ment des faits bien antérieurs soucieux de leur autorité tradi-
aux trois derniers siècles. Les gé- tionnelle et de l’intégrité de leurs
néalogies citent ainsi les noms de territoires.
trente générations dont douze
peuvent être considérées comme Ils exercèrent incontestablement
mythiques. une influence dynamique sur leur
pays tout en respectant son riche
Les dires des conteurs tradition- patrimoine culturel.
nels deviennent cependant plus
riches et plus structurés lorsqu’ils ■ Paul Masson
racontent l’arrivée sur les terres Journaliste
fertiles du Bushi - probablement
à Luvumbu - d’un grand nombre
de familles baluzi accompagnées
de nombreux troupeaux de va-
ches et conduites par une vieille
femme du nom de Namuhoye.
Photo : Paul Masson

Deux adolescentes shi s’épouillent mutuellement. Elles portent la coiffure


4 traditionnelle des jeunes filles non mariées
Arts
Peintres belges au Congo Clément Serneels : “Le lac Kivu”
Clément Serneels
Fils d’un architecte belge et d’une
mère espagnole, Clément Ser-
neels est né à Bruxelles en 1912.
Elève de A.Philippot, à qui il voue
une grande admiration, il suit
ensuite les cours d’Alfred Bastien
et sort premier de l’Académie des
Beaux Arts de Bruxelles.

Une bourse attribuée par le Minis-


tère des Colonies lui permet de se
rendre au Congo où il séjourne
un an, mais y revient en 1938 et
y plante sa tente, en l’occurrence
une belle maison de pierres sur
une des presqu’îles de Bukavu.

Clément Serneels : “Matin du Kivu”


Il y vivra vingt ans, et trouvera
dans cette magnifique province
Régine Thiange
du Kivu une inspiration toujours
Cette Bruxelloise, née en 1925
renouvelée. Il voyagera également
et fille d’un créateur de bijoux, a
au Mexique et au Portugal, et en
baigné très jeune dans un monde
ramènera des toiles éclatantes
d’art et d’inventivité.
de lumière.
C’est suite à son mariage, en
L’indépendance le verra s’exiler
1952, qu’elle part au Katanga,
en Afrique du Sud où sa notoriété
tout d’abord en brousse, à Luena,
s’élargira encore. Revenu plus
puis au Ruanda, à Jadotville, Eli-
tard au pays, il installe son ate-
sabethville et Léopoldville.
lier au Rouge-Cloître à Bruxelles.
Parmi ses nombreux amis d’Afri-
Régine Thiange se laissera ga-
que, la plupart possèdent une ou
gner par la beauté envoûtante
plusieurs de ses œuvres.
des paysages, l’éblouissement des
couleurs, la grâce des femmes, le
Ce post impressionniste de grand
rire des enfants.
talent a su imprégner ses pay-
sages et ses personnages d’une
Sur le papier, la toile, la soie, elle
discrète émotion qui en fait toute
fait palpiter, dans un style auda-
la beauté.
cieux, aux lignes puissantes et
Il décède à Bruxelles en 1991.
évocatrices, toute la fascination
de l’Afrique..
■ MMA
Régine Thiange : “Burundi et Rwanda, scènes de la vie quotidienne”
5
Héritages

Jean de Heinzelin de Braucourt


Préhistorien et "père" de l'os d'Ishango
Histoire d'un petit os extraordinaire, daté de 20.000 ans avant notre ère.
Jean de Heinzelin de Braucourt, préhistorien belge, l'avait exhumé
aux bords du Lac Edouard.

C
e n’est que plusieurs D’autres études encore com- Homme de terrain et observateur
décennies après sa dé- plèteront ce large ensemble de remarquable, comme l’a souligné
couverte, durant les- connaissances. Mais, dès 1944, il un hommage qui lui avait été
quelles il dormit dans était entré au Musée des Sciences rendu à l'ULB en 1985, il était
les collections privées du Musée naturelles de Belgique, en qualité guidé par une liberté de pensée
des Sciences naturelles de Bruxel- de collaborateur scientifique. sans cesse en éveil, en privilé-
les, que fut mis enfin en lumière Il y participe activement aux re- giant l'exploitation rigoureuse
un petit os extraordinaire, daté de cherches du Professeur Victor des données objectives, ce qui
20.000 ans avant notre ère. C’est Van Straelen, président des Parcs se retrouvait dans son enseigne-
un préhistorien belge, Jean de nationaux du Congo Belge et de ment et dans ses nombreuses
Heinzelin de Braucourt, qui l’avait l'Institut national d'Études agro- contributions scientifiques, trai-
exhumé au cours de fouilles nomiques au Congo. tant avec un égal bonheur de
aux bords du Lac Edouard au stratigraphie, de paléontologie
Congo. C'est avec l’appui de ce maître re- et de préhistoire.
Le mathématicien Dirk Huyle- marquable et rigoureux, et tandis
brouck, passionné d’ethnologie qu'il se forme aux techniques des
et d'archéologie, lors du premier fouilles archéologiques et s'orien- La légende des siècles
vol de Frank De Winne dans l’es- te vers la microstratigraphie, qu'il Jean de Heinzelin de Braucourt
pace, suggéra de sensibiliser le peut développer son attirance Ce pourrait être le thème d'une
grand public à cette étonnante pour l'Afrique, les explorations, légende, mais cette réalité-là a de Elle sera, à la datation de l'origine
découverte, trop longtemps res- la cartographie et la préhistoire. quoi faire rêver les plus pragma- des mathématiques, ce que la
tée “sous le boisseau”. tiques d'entre nous : les mathé- pierre de Rosette avait été à la
maticiens. Voici donc l'histoire de compréhension des hiérogly-
L’appel de l’Afrique l'os d'Ishango, telle qu’elle m’avait phes.
L'odyssée d'une vie été rapportée lors d’un reportage
En 1950, à l'instigation de son en 1971. Au départ, quelques fragments
Jean de Heinzelin de Braucourt maître, Victor Van Straelen, son Dans la plaine, qui s'étend à per- de boîte crânienne, une mâ-
naît à Marchienne-au-Pont le 6 "terrain de chasse" privilégié sera te de vue sur les bords du lac choire inférieure, des bouts de
août 1920, d'une famille de gen- l'Afrique centrale : le Congo belge, Edouard, au Nord-Est du Congo, mâchoires inférieures, une mo-
tilshommes, verriers depuis le mais aussi le Ruanda et l'Uganda. et que traverse la rivière Semliki, laire supérieure, des os longs :
XIVe siècle. Il visite l'Ituri, la Garamba et les l'hydrobiologiste belge Hubert ces éléments servent de base au
Il fait ses études secondaires à Uélé en 1950, la Cuvette congo- Damas, appelé par Victor Van docteur François Twiesselmann,
l'Athénée communal d'Uccle de laise, Yangambi et l'Aruwimi Straelen, découvre, en 1931, une de l’Institut des Sciences naturel-
1931 à 1937, puis entre à l'Uni- en 1950 et 1956, le Massif du mandibule humaine, fortement les de Belgique et de l'Université
versité libre de Bruxelles (ULB). Ruwenzori en 1952 et 1956, la minéralisée, aux traits robustes : libre de Bruxelles, pour dégager
Il y obtient un diplôme de li- chaîne volcanique des Virunga il y avait eu, huit mille ans avant certaines "tendances" qui pour-
cence en Sciences chimiques et en 1956, la Basse - Semliki et le notre ère, pensait-on alors, tout raient situer cet hominien dans
un certificat en microbiologie et lac Albert en 1956. un peuple qui avait vécu là-bas, le phylum humain. Il s’agit bien
biochimie en 1941. Il travaille, C'est donc un homme aguerri dans la région d'Ishango. Mais d'un Homo sapiens sapiens. Cet
peu de temps et avec peu d'en- aux conditions de fouilles les les fouilles proprement dites ne "Homme d'Ishango", comme
thousiasme, à l'Union chimique plus difficiles et parfois les plus commenceront qu'en 1950. Sous on le baptisa alors, reste, jusqu'à
belge, et, dès la fin de la guerre, éprouvantes, et un savant de plus la direction de Jean de Heinze- présent, un cas unique, que l'on
reprend, toujours à l'ULB, des en plus averti, qui consacrera le lin de Braucourt, une équipe de peut dater de l'âge de la pierre
études de géologie. meilleur de son savoir et de ses fouilleurs se met au travail : la récent.
forces à l'exploration de la Haute récolte se révèle exceptionnelle.
Du grade de licencié, obtenu en - Semliki et de la région du lac Ossements humains, outils, ar- Les harpons retrouvés dans le
1946, il passera au doctorat en Edouard, avec le site qui allait mes et même - et surtout - un os site présentent une évolution
sciences géologiques et minéra- devenir célèbre : ISHANGO. gravé qui allait constituer l'une dans le perfectionnement d'une
logiques en 1953, jusqu'au grade Il n'y consacrera pas moins de des plus importantes découvertes technique de pêche qui s'étend
d'État français à la Sorbonne. six séjours: en 1950, 1954, 1957, du XXe siècle dans le domaine sur plusieurs milliers d'années,
1959, 1983 et 1988. de l’archéologie. qui prouve que l'Homme d'Is-

6
hango a su ajuster la forme de sité de Harvard, publiait dans même temps, sur la population Braucourt a fait bien d'autres
cette arme à sa fonction précise. la revue “Science” une courte riveraine du lac. La civilisation découvertes de grande impor-
Ce qui dénote chez lui un esprit communication sur l'os d'Ishan- d'Ishango a pris fin avec le dé- tance, qu'il a publié près de deux
observateur et inventif. go. Il développait une hypothèse pôt de cendres volcaniques du cents articles et communications,
plutôt révolutionnaire, à savoir champ d'explosions de Katwe”, qu'il a assumé, parallèlement à
Mais ce qui, désormais, mobi- que l'homme préhistorique avait écrit de Heinzelin. ses campagnes de fouilles, des
lise les milieux scientifiques, c'est observé avec précision les phases charges d'enseignement et de
“l'os d'Ishango”, que l'on peut, de la lune et qu'il en avait conçu Cependant, si cet avis n'est pas recherches multiples, qu'il fut
maintenant, grâce aux perfec- un véritable système de calen- partagé par tous les spécialistes, membre des plus grandes socié-
tionnements de la datation par drier, dont l'os d'Ishango n'était on pense que les Bochimans, qui tés scientifiques, honoré du Prix
le carbone 14, faire remonter à qu'un exemple. vivent à l'extrémité sud-ouest de Adolphe Wetrems (Belgique), du
20.000 ans d'ici. l'Afrique, pourraient être les fils Prix des laboratoires (Paris), du
C'est un os long de 10,2 cm “lé- de lointains Ishanguiens, chassés Prix V.Van Straelen (Belgique) et
gèrement arqué, sensiblement La civilisation d'Ishango par le cataclysme volcanique... l'objet de différentes distinctions
symétrique, régularisé et évidé Ils auraient perdu la clé des honorifiques.
aux extrémités, biseauté à l'extré- Une influence de la civilisation mathématiques - leur système
mité la plus mince où se trouve d'Ishango vers le nord de la numérique se réduit à trois ou, Trois jours avant sa mort, surve-
enchâssée une lamelle de quartz vallée du Nil n'est pas impossi- exceptionnellement à cinq - mais, nue le 4 novembre 1998, depuis
dont le taillant se présente de ble : les harpons de Khartoum par contre, les seuls harpons dé- son lit d'hôpital, Jean de Heinzelin
front” (in de Heinzelin). Ce bâ- semblent fortement inspirés de rivés de ceux des hommes d'Is- de Braucourt mettait la dernière
ton osseux présente 167 ou 168 ceux d'Ishango et, à travers eux, hango se retrouvent parmi ces main à un article scientifique
traits transversaux, disposés en le pré-dynastique égyptien a pu populations. concernant l’os d’Ishango. Il lui
trois colonnes. La disposition des être marqué par cette influence. restait encore beaucoup à dire,
traits est frappante, les colonnes Jean de Heinzelin estime que Pendant des millénaires, des mais, heureusement, ses disci-
1 et 3 sont les plus typiques : la celui-ci aurait pu aussi hériter de hommes, porteurs d'une civili- ples et ses collaborateurs sont là
première donne 11, 13, 17, 19 la numération ishanguienne ... sation avancée, ont vécu dans la pour prolonger son œuvre.
traits, et la troisième offre 11, 21, Ce qui est, en tous cas, possi- région d'Ishango. Mais, depuis
19, 9 traits. La colonne du mi- ble, c'est qu'un contact ait pu se lors, l'environnement s'est modi- ■ Marie-Madeleine Arnold
lieu reprend essentiellement une réaliser au cours des millénaires fié, le lit de la rivière Semliki s'est
série de chiffres associés à leur par l'intermédiaire des peuples déplacé, une plaine aride a rem- (1) voir: KADATH, automne 1984.
multiple par 2 (3 et 6, 4 et 8). disséminés le long du Nil. placé les bocages où ils vivaient. (2) les sources du Nil se situent à proxi-
Et leur étonnante civilisation s'est mité du site d'Ishango.
On pourrait y relever de nom- Tandis qu'en Europe, le volca- éteinte après avoir, sans doute, (3) l’Afrique, qui nous a beaucoup
donné, reste malheureusement encore
breuses combinaisons numéri- nisme diminue (fin du Pléisto- apporté un tribut inestimable aux trop à l’écart des fruits scientifiques de
ques possibles : duplicata des cène et début de l'Holocène), en connaissances des grands peu- son expérience millénaire.
nombres, produits égaux à des Afrique la terre tremble toujours. ples de l'Egypte ancienne.
sommes, nombres premiers. Cer- D'après certaines études de stra-
tains spécialistes émettent l'hypo- tigraphie, des éruptions d'une Dans la nuit des temps, la civili-
thèse mathématique fondée sur violence inouïe auraient touché sation ishanguienne est comme Renseignements et documents :
les bases naturelles à l'homme : la région de Katwe - Fort Portal une clarté vive qui repousse loin
les bases de 2 et de 10, c'est-à-dire (Uganda). en arrière les origines de cet recueillis en 1971 dans le Nord-
deux mains et dix doigts. Mais être bouleversant, douloureux Kivu auprès de Mrs Lejeune et
on pourrait aussi penser, avec Non loin d'Ishango, à 25 km de et prodigieux : l'Homo sapiens Kanyongo de l'Institut Etsav à
de Heinzelin, que ce bâton est Katwe, on a retrouvé une bombe sapiens. (3). Butembo, en 1984 auprès du Pr.
le signe de connaissances mathé- volcanique, et des couches de de Heinzelin, et, en 1999, auprès
matiques assez poussées. cendrées recouvrent le sol de cet- de Anne Hauzeur, archéologue,
Le 6 novembre 1964, Alexander te région d'une épaisseur de plu- La gloire posthume et de Ivan Jadin, préhistorien de
Marschack, chargé de recherches sieurs mètres. “Une telle activité l'Institut Royal des Sciences Natu-
au Peabody Museum of Archaeo- volcanique a des répercussions Il ne faudrait pas oublier non relles de Belgique à Bruxelles.
logy and Ethnology de l'Univer- sur la faune et le paysage et, en plus que Jean de Heinzelin de

L'os d'Ishango
7
Courrier des lecteurs
Les “Orchidées rouges”
ne sont plus qu’un souvenir

N
ous apprenons
que le château de
Xavier Dierckx,
situé autrefois sur
la presqu’île de Nya-Lukemba
à Bukavu, (nous avons conté
ses avatars dans notre numéro
18 de juin 2011), a disparu du
paysage.
Il a été complètement rasé
sous le gouvernorat Katintima,
et, désormais, sur son ancien
emplacement, vingt grosses
constructions ont été érigées.
Sic transit gloria…

La descente du Kwilu
U
ne de nos fidèles
lecteurs nous fait
remarquer qu’une
erreur s’est glissée
dans la légende figurant sous la
photo du bateau-courrier page
13, dans l’article “La descente
du Kwilu” dans notre numéro
18 de juin 2011. Il s’agirait en
réalité du “Général Olsen” et
non du “Luxembourg”.
Nous nous excusons auprès de
nos lecteurs de cette confusion
involontaire et remercions ce-
lui qui nous l’a signalée.

Pisciculture : l'élevage du tilapia

D
ans une précéden- visent à sa relance au Congo ou pour se propager, se développer intermédiaires pour se transmet-
te édition (Revue ailleurs en Afrique. Néanmoins, au sein d’un hôte intermédiaire, tre. Le fait que les schistosomes de
N°18), nous avons l’expérience nous apprend que la en l’occurrence un mollusque la bilharziose se reproduisent dans
évoqué l’histoire de réalisation d’un tel programme né- aquatique de la famille des lym- des mollusques différents, bulinus
l’élevage du tilapia en Afrique et cessite, outre la participation active nées, la destruction de ces hôtes ou planorbes, n’y change rien : les
son développement vers le milieu des populations intéressées, l’assis- fut entreprise et permit de sauver uns comme les autres étant dévo-
du siècle dernier. Les difficultés tance de spécialistes compétents, l’élevage. rés par un petit cischlidé, cousin
que connaît notre monde actuel, en l’occurrence biologistes. des tilapias, l’Haplochromis mel-
dans le domaine alimentaire, in- Cette lutte contre les mollusques landi. Ce vorace prédateur fut
citent à promouvoir cette pisci- En 1956, l’ELAKAT, société d’Ele- pouvait recourir à des moyens donc introduit avec succès dans
culture en eaux douces d’autant vage et Alimentation du Katanga, chimiques ou biologiques. Les les élevages.
que, bien maîtrisée, elle entraîne qui, dans sa recherche de res- “chimiques”, bien que recomman- Encore fallut-il le faire avec mesure
relativement peu de nuisances sources nouvelles, avait beau- dés par leurs fabricants et généra- pour éviter qu'il ne s’en prenne
environnementales. coup investi en pisciculture, était lement préférés par les utilisateurs aux alevins de tilapias.
Ce qui n’est pas toujours le cas. confrontée à une grave épizootie parce que faciles d’emploi, étaient
Ainsi, l’élevage du saumon, en parasitaire qui ravageait ses éleva- onéreux et, surtout toxiques pour Correctement appliqué et régu-
croissance spectaculaire dans les ges de tilapias. Faute de traitement les poissons et leurs consomma- lièrement contrôlé, le recours à
pays du Nord, nécessiterait, par curatif efficace contre la patho- teurs humains ou autres. Donc cet “agent sanitaire” biologique
saumon produit, la fourniture de gène en cause, le service vétéri- polluants ! Aussi leur fut-il préféré fut d’autant plus apprécié que,
quatre ou cinq fois son poids en naire dut, en s’attaquant à la voie une méthode “biologique” déjà gros consommateur de larves de
farines de poissons pêchés dans de transmission du Diplostonum préconisée en étangs d’élevage moustiques, il participait aussi à la
des océans qui se vident. spathaceum, se contenter de pré- pour prévenir une autre maladie, prévention du paludisme.
L’intérêt suscité par la culture du vention collective. humaine celle-là, la bilharziose
tilapia justifie donc les projets qui Sachant que ce parasite devait, qui a besoin d’hôtes aquatiques ■ André Vleurinck

8
Le Jardin botanique de Kisantu
A
l'occasion d'une réu-
nion des cadres du
WWF qui s'est tenue
en juillet 2011 au Jar-
din botanique du frère Gillet à
Kisantu, à laquelle il assistait,
Thierry Bodson a pris ces
quelques photos témoignant
du bon état du jardin dont la
conservation est assurée par le
WWF et le jardin botanique de
Meise en Belgique

9
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10
11
Anniversaire
Le Parc National
de l’Akagera au Rwanda
En 1984, le Rwanda fêtait le cinquantième anniversaire de son Parc
de l’Akagera. Créée en 1934, cette magnifique réserve couvrait une
superficie de 250.000 hectares. Le 26 novembre 1984, à l’occasion de ce
cinquantenaire, l’Institut International de Promotion et de Prestige de
Genève, remettait à l’Etat rwandais le Trophée International
“Préservation de la Nature”.

D
ans son discours à l’homme de conquérir cette
commémoratif, le position privilégiée, ces mêmes
Professeur Paul paramètres qui, dans un pre-
Fierens, représen- mier temps, déterminent des
tant de l’I.I.P.P. lors de cet évè- actions positives, peuvent par
nement, soulignait des notions manque de réflexion et de me-
fondamentales demeurées d’une sure, par attachement aveugle à
telle actualité qu’elles méritent, des traditions, par calcul cupi-
plus que jamais, d’être rappelées de, par aliénation à des intérêts
et inlassablement diffusées : particuliers, conduire progres-
sivement l’humanité à sa perte,
“Le génie créatif de l’homme, compromettre dangereusement
son esprit d’entreprise, sa soif de l’équilibre des écosystèmes et
progrès, son combat incessant même, à terme, menacer gra-
pour améliorer ses conditions vement la pérennité du monde
d’existence, sont autant de qua- vivant.”
lités qui expliquent la domina- “Chacun songe au saccage de
tion qu’il exerce sur les autres régions entières survenu de-
êtres vivants.” puis la révolution industrielle
“Mais, si son dynamisme, son ou encore à la désertification
intelligence, son adaptabilité catastrophique et irréversible
et son savoir-faire ont permis de vastes territoires, exemples

Un membre de la famille n° 11 des gorilles


12
Mr Malachowskiy remet le trophée international "Préservation de la Nature” au Directeur Laurent Habiaremye
affligeants du triste bilan du
volet négatif de l’activité hu-
maine, ombre irritante sur les
acquis bénéfiques du dévelop-
pement.”
“Certes, de nos jours, une prise
de conscience de cet angoissant
problème se propage un peu
partout dans le monde, mais
chaque individu n’est pas prêt
à modifier son comportement
pour éviter d’altérer gravement
les écosystèmes en exerçant son
activité socio-culturelle ou éco-
Discours du Professeur Paul Fierens et plantation symbolique d'un arbre. nomique. La question est donc
loin d’être résolue et les esprits
éclairés et prévoyants doivent
continuer à se battre avec vi-
gueur, courage et détermina-
tion pour amener leurs contem-
porains à plus de sagesse, plus
de discernement et plus de bon
sens et pour les convaincre de
l’importance primordiale de la
préservation de la nature.”

“La préoccupation de la conser-


vation de la nature ne date pas
d’aujourd’hui. Dès 1872, on as-
siste à la création du premier
Parc National dans le monde :
le Yellowstone National Park.
Plus tard, les Suisses et les Rus-
ses ajoutent une composante
scientifique à cette première
préoccupation de conservation
en créant, en 1914, le Parc Na-
tional de l’Engadine et, en 1916,
la Réserve de Kedrovaya Pad.”

“En Afrique, le Roi Albert est


le premier à comprendre que
l’expansion démographique et
le développement socio-écono-
mique des peuples de ce conti-
nent risquent, dans le futur,
d’entraîner la désorganisation
grave du capital naturel relati-
vement intact à l’époque.

Le 21 avril 1925, la Belgique


crée le “Sanctuaire de Gorilles”
au Kivu, étendu en 1929 sous
la dénomination de Parc Natio-
nal Albert et mué, en 1934, en
Institut des Parcs Nationaux du
Congo Belge.
Le même jour, 26 novembre
1934, le Roi Léopold III signe le
décret de création du Parc Na-
tional de l’Akagera.”

La cérémonie commémorative
13
Anniversaire
En 1984, l’approbation enthou-
siaste et unanime, suscitée par
ces paroles, n’a pas empêché,
dix ans plus tard, l’épouvantable
drame de 1994 ! Drame essen-
tiellement humain mais dont
le Parc de l’Akagera a, inévita-
blement, subi les désastreuses
retombées.

Aussi, parait-il opportun d’évo-


quer les beautés de ce joyau au
temps de sa splendeur. Comme
d’autres réalisations, sa survie
reste, à l’heure actuelle, plus
problématique que jamais.

En 2010, interviewé à la paru-


tion de son livre “Génétique
du Péché originel. Le poids du
passé sur l’avenir de la vie”, le
professeur Christian de Duve
revient sur le sujet.
A la question : “Quel est l’ave-
nir de notre planète ?”, notre
prix Nobel de médecine 1974
résume sa réponse en quatre
paragraphes :

“En quelques millénaires et


d’une manière particulière-
ment impressionnante, au
cours du dernier siècle, les hu-
mains ont fait des progrès ex-
traordinaires. Ils ont réussi à
occuper jusqu’aux recoins les
plus inhospitaliers de la pla-
nète et à exploiter à leur profit
jusqu’aux plus inaccessibles de
ses ressources.
Dans le Parc National de l'Akagera
De moins de deux milliards
qu’ils étaient lors de ma nais-
sance, à près de sept milliards
aujourd’hui, leur nombre a
presque quadruplé de mon
seul vivant, augmentant à un
rythme de plus en plus accéléré.
Le phénomène est unique.
De toute l’histoire de la vie,
aucune autre espèce vivante n’a
jamais connu un tel succès”.

“Celui-ci n’a pas été acquis sans


prix : perte de la biodiversité,
déforestation, désertification,
dévitalisation des océans, épui-
sement des ressources naturel-
les, crise de l’énergie, pollution
de l’environnement, abandon
des campagnes, concentrations
urbaines dans des mégapoles de
plus en plus invivables, conflits,
guerres et génocides de toutes
sortes”.
Sur la route vers Gabiro, longeant la frontière de l'Ouganda
14
Vue d’un centre de négoce au Rwanda
“Pour le biologiste que je suis,
cette situation est l’œuvre de
la sélection naturelle qui, par
nécessité, a privilégié chez nos
ancêtres des traits génétiques
qui étaient immédiatement uti-
les à leur survie et à leur proli-
fération, mais non ceux dont
les bénéfices ne pouvaient se
marquer qu’à long terme. Notre
égoïsme, notre appétit du gain,
nos nationalismes, nos secta-
rismes et autres fondamenta-
lismes, notre agressivité, notre
irresponsabilité sont les consé-
quences de ce “péché originel”
génétique inscrit dans nos gè-
nes par la sélection naturelle.
Si l’on continue à laisser jouer
cette dernière, l’issue ne fait
aucun doute. Nous allons vers
l’extinction, comme cela a été le
cas pour tous les hominidés qui
nous ont précédés, et vers celle,
avec nous, d’une bonne part du
monde vivant.”
“Y a-t-il un espoir ? La réponse
est “oui” et ce, curieusement,
grâce à cette même sélection na-
turelle à laquelle j’attribue tous
nos maux. On lui doit en effet la
faculté, unique dans le monde
vivant … de pouvoir contrecar-
rer, grâce au cerveau ultra-per-
formant dont la sélection natu-
relle nous a dotés, de pouvoir
faire ce qu’elle est incapable
de faire : prévoir l’avenir, tenir
compte de ces prévisions pour
Vers Gabiro, longeant la frontière de l'Ouganda
élaborer des plans, prendre des
décisions et agir en conséquen-
ce, même si c’est à l’encontre de
notre intérêt immédiat. Il nous
faut, pour tirer parti de ce pou-
voir, exercer une sagesse qui
n’est pas dans nos gènes et que
nous devons acquérir … par la
raison et l’éducation”.
Dans notre monde en péril, les
Parcs Naturels constituent les
théâtres emblématiques des
merveilles qui nous ont été
confiées et que les carences gé-
nétiques de notre hérédité sont
en train de détruire.
Toutes n’ont pas encore disparu.
Il s’en faut de très peu pourtant :
même les cornes de rhinocéros
que conservent nos Musées sont
en voie de disparition.

■ André Vleurinck
Photos : Janine Fierens et
M. van den Storme
Visiteurs du Parc de l'Akagera
15
Histoire
Les débuts de
l’évangélisation au Rwanda
Le Rwanda ne fut “découvert” par les Blancs que vers 1894.
A peine six ans plus tard, le 2 février 1900, trois missionnaires parvinrent, après un voyage
épuisant de plusieurs mois, à la cour du roi (ou mwami) dont la capitale était Nyanza.
Ils sollicitèrent l’autorisation de pouvoir s’établir dans le pays, de préférence à Nyanza même.

J
amais on n’avait vu de Blancs qui avaient La réponse ne se fit pas attendre : les Blancs avertir les sorciers. Ceux-ci leur interdi-
une allure aussi pacifique et ne portaient étaient venus pour favoriser l’esclavagisme. rent de fabriquer du feu nouveau sous
pas d’armes. Les seuls Blancs qu’on y Il faut savoir que, comme les habitants de peine d’être tués par les serviteurs du roi.
avait vus jusqu’alors, étaient des Arabes Save, ceux de Zaza avaient la réputation de Ils croyaient qu’ainsi les missionnaires,
à la recherche d’esclaves et une poignée n’être pas des gens faciles. Suite à la réponse privés du feu nécessaire pour préparer la
d’Allemands qui traversaient de temps à autre donnée par les sorciers, mon père et tous ses nourriture, seraient forcés de quitter le pays.
le pays, chargés d’armes redoutables. administrés ne manquaient pas de manifes- Les sorciers pensaient en effet que les mis-
Il fallut néanmoins de longues palabres pour ter ouvertement leur mépris pour ces Blancs sionnaires étaient incapables de fabriquer
obtenir l’autorisation sollicitée. Les mission- chaque fois qu’ils les voyaient. du feu.
naires pouvaient rester dans le pays à condi- Cependant, voyant que les missionnaires Quelque temps plus tard, un missionnaire
tion toutefois de s’éloigner de la capitale. On restaient imperturbables, les sorciers se réu- avait intéressé un petit groupe de personnes
les pria de s’établir à SAVE. nirent sans désemparer pour consulter les en leur montrant des images, des photos et
Save était une des régions les plus peuplées ancêtres. Ils essayèrent même de répandre d’autres choses que les Rwandais n’avaient
de tout le pays. Jamais encore les missionnai- le bruit que les Blancs étaient venus dans le jamais vues. A un moment donné, ce mis-
res, dans leur traversée du Rwanda, n’avaient but d’assassiner le roi. Mais rien n’y fit : les sionnaire tire de sa poche sa pipe, la bourre et
vu une population aussi serrée que sur la missionnaires restaient aimables. Les sorciers sort une petite boîte. Tous les yeux épièrent ses
colline de Save. Sept mille habitants ! Les mis- se sentaient de plus en plus impuissants. moindres gestes et, en voyant cette petite boîte,
sionnaires étaient ravis. Mon père s’appelait KILIBILIBILI. Bien qu’as- on s’attendait à une chose extraordinaire.
L’intention du mwami et de son entourage sez jeune (il ne devait avoir que 16 ou 17 ans C’était encore une nouveauté. Certains pen-
n’était toutefois pas de favoriser l’évangélisa- en 1901), il était déjà marié et avait un pre- saient même que c’était un petit fusil. Le père
tion … Bien au contraire ! Les habitants de la mier enfant. Il était lié d’amitié avec un ado- en sortit un petit bâtonnet, le frotta contre la
colline de Save étaient des gaillards redoutés, lescent, Rukamba, qui aura plus tard un fils boîte et … il y avait du feu ! C’était sûrement
même par le roi. Ils se révoltaient facilement qui deviendra le premier évêque autochtone de la magie ! Les spectateurs furent pris de
et étaient férus d’indépendance. Le mwami (et du Rwanda, Mgr Bigirumwami. Tous deux panique et s’enfuirent au plus vite.
surtout son tout-puissant oncle Kabare) espé- respectaient profondément la religion de leur Suite à cela, le missionnaire fut accusé auprès
raient que les habitants de Save supporteraient pays. Imana était leur seul Dieu possible. du roi d’être le diable en personne !
encore moins la présence de ces étrangers que Mon père donc, qui était lui-même proprié-
le joug du roi. Il suffirait de quelques flèches … taire d’une grande bananeraie comme je l’ai Peu de temps après, Kilibilibili et son jeune ami
Contrairement à ce qu’avaient espéré les no- dit, enjoignit à ses administrés de bien veiller Rukamba ainsi que deux autres se présen-
bles de la cour, les missionnaires furent bien sur leurs champs de crainte que les Blancs ne tèrent aux missionnaires pour être baptisés.
accueillis, à tel point qu’ils purent envisager, leur volent des fruits ou des légumes.Un jour, Mais ils le faisaient clandestinement. Ils furent
dès la même année 1900, le fondation d’un cependant, un missionnaire affamé entra effectivement baptisés en 1901.
deuxième poste, celui de Zaza, et l’année sui- dans la bananeraie de mon père pour apai- Le jour fixé pour la cérémonie, ces quatre pre-
vante celui de Nyando. ser sa faim. Kilibilibili l’aperçut et l’attaqua… miers catéchumènes de Zaza étaient réunis
Ces deux endroits sont très éloignés de la Pour se défendre, le missionnaire tira en l’air pour recevoir les dernières instructions. Tous
capitale Nyanza : c’était la condition expresse avec la carabine qu’il portait sur lui. Mon étaient vêtus de peaux d’animaux. Tout à coup,
de la cour. père s’enfuit sans demander son reste ! pendant que les missionnaires étaient en train
Il faut savoir que le pays était occupé par les Il avait eu tellement peur que, arrivé auprès de leur montrer un crucifix en disant : “Voici
Allemands et que, par conséquent, le mwami des siens, il était incapable de proférer le celui qui est mort pour vous.” l’un des quatre
n’avait pas le droit de chasser les missionnaires moindre mot… Mon père savait en effet que se leva et dit à haute voix : “Si vous êtes venus
purement et simplement. Mais il avait toute- le fusil “torture” les hommes. ici pour vous emparer de nos terres et prendre
fois une certaine liberté d’action. Mais, craignant le pire, il revint prudem- des esclaves, notre Dieu Imana vous chassera
Laissons maintenant la parole au fils d’un ment auprès du missionnaire et lui donna et vous punira. Imana a créé la terre et nous
des premiers convertis de la région de Zaza, beaucoup de bananes. Ce fut le début d’une aussi nous sommes sortis de ses mains.
un coin perdu du Rwanda. Ce jeune homme solide amitié. Bientôt Kilibilibili fut déconsi- Nous n’avons bien sûr plus confiance en nos
était, en 1970, élève de quatrième latine au déré auprès de ses compatriotes parce qu’il sorciers, mais bien en Imana.” Cet homme
Séminaire St-Léon de Kabgayi. Son nom : commença à s’intéresser à la religion des sortit et rentra chez lui. Après cet incident
Pierre Nsengyumva. hommes blancs. les trois qui restaient reçurent le baptême.
Mais voici une autre histoire. Les habitants du Kilibilibili fut appelé Jean et Rukamba, le
En 1900, mon père, qui était à peine adulte, Rwanda, autrement dit les Banyarwanda, futur père de Mgr Bigirumwami, reçut le
était chef administratif de la région de Zaza savaient depuis longtemps comment faire du nom de Joseph. Ils furent parmi les tout pre-
par la grâce du roi. Il possédait une grande feu. Ils s’y prenaient en frottant l’un contre miers chrétiens du Rwanda.
bananeraie. Dès que fut connue l’arrivée des l’autre deux morceaux de bois sec. Depuis leur conversion ils furent méprisés par
Blancs dans la région, les habitants décidè- Un jour, dans la cuisine des missionnai- presque tous les habitants de la région, alors
rent de réunir tous les sorciers pour consulter res, le feu s’était éteint. Les boys, qui étaient qu’auparavant ils y étaient considérés comme
les esprits des ancêtres. au service des missionnaires, allèrent en deux “grosses légumes”.

16
Souvenir
Ils ne pouvaient plus boire de l’urwagwa “Quand on a juste quinze ans,
(bière de banane) avec le même chalumeau
que les autres. Ils étaient devenus des gens à on n’a pas le cœur assez grand pour
ne plus fréquenter.
Il est certain que plusieurs personnes ont été
y loger toutes ces choses là ! ”

L
tuées sournoisement parce qu’elles cherchaient orsque j’entends cette chanson (“Mon J’ai bien évidemment réagit en “faisant la tête”.
à avoir des contacts avec les missionnaires. vieux”) de Alain Guichard, elle m’im- Il a insisté gentiment, il avait envie d’en parler
pose un souvenir de jeunesse dont je à quelqu’un et je l’ai suivi en traînant la patte
Le roi ne tolérait pas que ceux de la classe ne suis pas fier et que je ne puis évo- et en affichant ma mauvaise humeur.
dirigeante (tous Batutsi) passent à la foi chré- quer sans un serrement de cœur. Le souvenir
tienne. Celle-ci était, tout au plus, admissible d’un des trop rares moments passés avec mon Sur le chantier, il m’a montré les maisons en
pour les Rwandais appartenant à la classe père, ce discret héros d’une vie quotidienne briques cuites dont ses travailleurs termi-
inférieure des Hutu. C’est pourquoi le mwami faite d’initiative, d’idéalisme et d’amour du naient deux ou trois exemplaires par semaine.
leur fit dire : “Abjurez cette religion sinon je travail bien fait. C’étaient des maisons coquettes alignées le long
vous exile.” Rukamba répondit : ”Non, nous Mon père a dû souffrir de ne pas être reconnu, de petites avenues qui seraient ultérieurement
ne pouvons pas.” même par son fils, pour ce qu’il était, pour ce bordées d’arbres (des cassias). Chaque maison
A mon père, le roi s’adressa en ces termes : qu’il faisait. Je le regardais distraitement comme était équipée de l’eau courante, de l’électricité,
“Kilibilibili, vous quitterez votre domaine et un père nourricier sans considération pour sa d’une cuisine extérieure, d’une douche et de
vous ne commanderez plus !” tâche d’agent de l’administration coloniale à sanitaires. Une salle de séjour et deux ou trois
Elisabethville. Sa personnalité, son travail, ses chambres selon l’étendue de la famille qui
Les deux allèrent trouver les missionnaires réalisations passaient pour normales, nous les occuperait les lieux. Je me souviens du pan de
pour leur communiquer ce que le roi avait regardions sans les voir et sans lui faire l’hon- mur que mon père avait monté lui-même pour
dit. Pour aider mon père, qui avait tout perdu neur du moindre commentaire. Sa fonction aux expliquer à ses maçons les détails d’une bonne
et qui était dans la détresse, les missionnaires Travaux Publics d’Elisabethville était, à cette construction. Autour de chaque maison, une
lui donnèrent une propriété où ma mère et époque, de construire pour les travailleurs parcelle de terrain pour le jeu des enfants ou
moi nous habitons toujours. congolais des maisons familiales. pour un carré de tomates ou de pili.
Mon père trouva du travail à la mission. Aujourd’hui, je garde de mon père le souvenir
Beaucoup de parents voyaient d’un très mau- d’un homme de terrain, la truelle à la main avec Bien des années plus tard, j’ai réalisé avec
vais œil que leurs enfants aimaient fréquen- son casque blanc orné de la prestigieuse “pla- émotion que ce moment passé avec mon père
ter les abords de la maison des pères parce que à poule”. Mais aussi avec son short blanc, fut l'un des plus précieux de mon existence.
qu’ils y recevaient bien souvent des bonbons beaucoup trop ample pour son tour de taille. Mais ce jour là, je crois avoir été odieux d’indif-
et autres friandises. Il connaissait les noms de tous ses ouvriers, il férence et de mine renfrognée. Pourtant, une
Plus tard, au coin du feu, mon père me ra- les formait et les dirigeait en leur parlant (très simple expression d’intérêt de ma part aurait
conta encore bien d’autres anecdotes. En mal) dans leur propre langue. certainement rendu mon père très heureux.
voici encore une. Un dimanche, timidement, il me prend à part
Tout au début, lors d’une petite réunion dans et me demande si je veux l’accompagner sur Mais, comme le dit la chanson :
la maison des pères, l’un de ceux-ci voulut se son chantier pour me montrer ce qu’il réalisait “Quand on a juste quinze ans. …”
moucher. Il mit sa main dans sa poche. Tous tous les jours de la semaine avec son équipe Pardon Papa !
l’observaient parce qu’ils croyaient en voir de maçons, de charpentiers, de peintres, de
sortir une boîte d’allumettes. plombiers et d’électriciens. ■ Jean-Marc Goffart
Il en tira un mouchoir, se moucha et remit
le tout en poche. Tous crurent que c’était un
moyen des Blancs pour faire de la sorcelle-
rie. Il faut savoir que les sorciers rwandais
utilisaient fréquemment de la salive pour
Noël africain
pratiquer leur art.
Dès que les sorciers apprirent cela, ils firent
savoir aux chefs que l’action de se moucher Le petit Jésus des Tropiques

L
était pour les Blancs une façon d’implorer
leur Dieu pour amener les Rwandais à leur a Noël 1948 (ou était-ce 1949 ?) fut tout puisse se dérouler comme il convenait. Et
religion. l’occasion d’un évènement notoire les lourds câbles noirs s’entrecroisant par-des-
Mon père, déjà très vieux, me parla souvent dans la jeune cité de Bukavu : la sus nos têtes nous ont alors parus plus beaux
des débuts de la christianisation. “Nous som- construction de la cathédrale – beau que de précieux luminaires de cristal.
mes heureux, disait-il, d’avoir pu devenir des bâtiment moderne aux lignes très pures –
chrétiens sans subir de supplices. Nous avons s’achevait. Tout n’était pas terminé, entre L’émotion poignait les cœurs quand les chau-
été haïs par les gens, parfois chassés de la autres l’installation de l’éclairage, mais toute des voix africaines, survolées par celles des
société et même persécutés par nos parents. la population était tellement “en attente” de la enfants, sonnèrent sous les voûtes. Puis, à la
Mais finalement nous avons triomphé.” cérémonie d’inauguration qu’il eut été cruel fin de l’office, l’on aurait cru qu’un seul cœur
Mon père mourut le 4 avril 1966 âgé de 81 de l’en priver le jour de cette grande fête de battait avec les orgues, lorsque le jeune ténor
ans. Joseph Rukamba entra dans l’éternité l’enfance. Mais sans lumière, pas de Noël ! belge fraîchement débarqué entonna le cher
deux ans plus tard, mais sa femme vit tou- vieux “Minuit, Chrétiens” ...
jours. Tous deux furent persécutés pour leur Et c’est alors que la solidarité qui liait les expa-
foi en Jésus Christ, ce qui nous fait penser triés venus de tous les azimuts eut l’occasion Fraternel, ce Noël des “gens de cœur” est
qu’au Rwanda il y a eu des martyrs lors de de se manifester : pour cette fête chrétienne resté gravé en nous comme une étoile dans
la première évangélisation. par excellence, c’est une entreprise sémite, le ciel africain.
des Rhodiens je crois, qui se chargea en ur-
Ainsi s’achève le récit de Pierre Nwengyumva, gence d’une installation provisoire pour que ■ Marie-Madeleine Arnold
fils de Jean Kilibilibili.

17
Rencontre
Quelque part, ailleurs
Au cœur de la grande forêt tropicale africaine
Le petit avion cargo venait de se poser sur la piste herbeuse, entre les
palmiers. Il roulait vers l’aire de parking et soudain j’aperçus à travers le
hublot les petits sacs de minerais d’étain, bien rangés sur le sol comme
de gros melons blancs, attendant d’être embarqués dans l’avion :
nous étions bien arrivés dans le bassin minier de Lulingu,
en pleine forêt tropicale humide sempervirente.

J
e cornaquais deux géolo- cure car il n’y a aucune auberge
gues allemands et deux dans cette vallée minière, qui
collègues congolais. Nous pourtant connut autrefois une
venions examiner com- intense activité minière. Il se
ment organiser des contrôles met en quête de taxis-motos car
de certification de ces minerais il n’y a plus aucun véhicule à
“stannifères” (les “3 T” : cassité-quatre roues dans ce coin isolé !
rite pour l’étain [tin], wolframiteNous enfourchons les petites
pour le tungstène [tungsten], et motos chinoises et nous partons
coltan pour le niobium/colom- à travers la forêt à une douzaine
bium et le tantale [tantalum]). de kilomètres en amont, au vil-
lage de Lulingu, qui est une sor-
A vrai dire, je n’étais pas très à te de chef-lieu de cette vallée.
l’aise ces derniers jours à l’idée
de me rendre là-bas car le gou- Deuxième surprise : dans cha-
verneur de province avait cu- que village traversé, on voit
Les colis Tshonka.
rieusement beaucoup insisté de grandes maisons un peu à
pour être informé avec préci- l’écart, visiblement peu entre- Mais elle date de 1955 et la Pour éviter que les gens me
sion de notre programme de tenues, mais dont murs et toits conduite forcée est vraiment prennent pour un Blanc ar-
visite afin de pouvoir assurer la sont encore en bon état. Mani- pourrie : au lieu de délivrer 700 rivé récemment au pays, je me
sécurité de ces Blancs têtus. festement, des Européens ont KvA, elle n’en délivre plus que le suis adressé à eux en lingala,
Car il se raconte, à propos des autrefois habité ces maisons, dixième et même, depuis quel- une langue utilisée tout à fait à
“minerais du sang” de l’Est de construites devant des paysages ques semaines, elle est tout à l’ouest du pays : étonnements,
la République Démocratique forestiers somptueux. Bien en- fait en panne. Mais c’est répara- gloussements et exclamations
du Congo, des tas d’histoires tendu des vitres manquent aux ble : un groupe belge prépare dans la foule ! Message reçu 5
épouvantables d’incursions de fenêtres, mais les châssis réali- la réparation dans le cadre d’un sur 5 !
bandes armées tapies dans la sés dans une essence forestière jumelage entre les paroisses de “Nous ne sommes pas des hu-
grande forêt, qui viennent raz- excellente, le muvula, sont en- Lulingu et Braine-l’Alleud. Mais manitaires, ni des commerçants
zier les villages, violer les fem- core en bon état. De même que dans les boutiques des villages, de minerais ! Nous sommes des
mes et les jeunes filles et emme- les meubles, dont curieusement grésillent des radios alimentées agents de développement et
ner des gens pour ne les libérer manquent cependant tous les par de petits panneaux solai- nous sommes venus chez vous
que contre rançon. Or je n’avais tiroirs, qui ont sans doute ré- res posés presque sur la route car vous savez qu’il y a un ‘ça ne
nulle envie d’être capturé et em- chauffé et égayé les nuits des (puisqu’on vous disait qu’il n’y a va pas’ dans le commerce des
mené dans la forêt ! soudards des différentes bandes plus de véhicule dans ce bled !). minerais : or nous souhaitons
armées qui sont passées par là que cette activité, qui est votre
Première surprise : les fonc- pendant une dizaine d’années. C’est le dimanche des Rameaux : gagne-pain quotidien, re-
tionnaires de l’Etat chargés de Sur la route, des enfants, afin immense fête au Congo, plus prenne mais qu’elle vous
contrôler les mouvements des de pouvoir acheter un cahier grande même que Noël ou Pâ- permette aussi d’amélio-
avions ont effectivement été pré- et un bic pour l’école, grattent ques ! L’église déborde de fidè- rer vos conditions de vie !”
venus de notre arrivée par mes- le sol de la route en terre avec les exubérants, qui agitent leurs C’est qu’effectivement, il y a un
sages-radio et nous accueillent des cuillers pour récupérer des branches de palmier à temps et sérieux problème : le 21 juillet
très aimablement. En plus, par grains de cassitérite tombés de à contretemps ! de l’année passée, à des milliers
chance, le curé catholique de la douzaine de camions qui A la fin de la longue cérémonie, et des milliers de kilomètres
la vallée, venu à l’avion pour autrefois amenaient les minerais un petit moment m’est dévolu d’ici, le président Obama a si-
expédier une lettre à Bukavu, par l’unique route de la vallée pour m’adresser aux gens car il gné le Wall Street Reform Act,
me reconnaît car il a participé jusqu’à la centrale d’épuration s’agit de leur expliquer pourquoi aussi appelé la loi Dodd-Frank,
à une session que j’ai animée à à Lulingu… ces trois Blancs sont venus chez qui a inclus une section n° 1502
plusieurs centaines de km plus Et en plus, il y a une centrale eux : je commence par prier le qui vise les minerais de l’Est de
à l’ouest, il y a quelques années. hydroélectrique qui fournissait curé de bien vouloir traduire la R.D.Congo : il n’est pas inter-
Il est d’ailleurs prévu que notre autrefois du courant jusqu’au mes propos en swahili, la lan- dit aux marques étatsuniennes
groupe aille loger chez lui à la bout de la vallée, à 60 km d’ici. gue locale. d’ordinateurs et autres équipe-

18
leur image de marque : ils re ment minier, au même titre qu’il
Entrée d'une galerie de l’Itombwe

doutent par-dessus tout des y a déjà eu au « Sud » de grandes


réactions de boycott de la part traditions de développement
du public aux Etats-Unis, ainsi agricole, piscicole, d’élevage, de
que cela s’est, par exemple, déjà micro-finance, d’alphabétisation
passé autrefois pour des mar- des adultes, etc. Ce faisant, ces
ques d’articles de sport qui fai- sociétés pourraient informer
saient fabriquer certains articles leur clientèle, via leur site sur la
par des enfants dans des ateliers toile, qu’au lieu d’abandonner
louches en Chine ou ailleurs. ces mineurs à leur triste sort,
Cette association a concocté un elles ont pris l’initiative de les
minutieux règlement interne si aider à s’organiser pour vaincre
difficile à respecter qu’au bout leurs conditions misérables de
du compte il est plus simple de travail et de vie.
ne plus acheter de minerais du Cela pourrait redorer leur bla-
tout dans la région des pays des son… Il serait étonnant que rien
Grands Lacs Africains (même si n’ait encore été fait quelque part
la loi de l’offre et de la demande sur la planète dans ce domaine
conduira naturellement à une du développement de l’activité
certaine hausse du prix de ces minière artisanale et de la petite
métaux rares, l’impact de cette mine !
hausse sur le prix des appareils
électroniques sera si minime N’y aurait-il pas aussi des pis-
qu’elle en sera négligeable). Du tes à creuser dans le style du
coup les fonderies d’Asie du Sud- “fair mining” comme cela s’est
Est ne sont à leur tour plus pre- développé sous le label “Max
neuses de ces minerais qu’elles Havelaar” pour le café, le thé,
ne pourraient pas vendre aux le chocolat, etc. : que là où les
usines asiatiques qui assemblent conditions de rémunération, de
des appareils électroniques à sécurité au travail, de respect de
Une galerie minière à Lulingu
vendre aux Etats-Unis. l’environnement, etc. sont dé-
ments électroniques d’utiliser en Thaïlande et en Malaisie centes, ces minerais “propres”
des métaux provenant des mi- à l’opposé de la direction des Et la question devient : com- soient mieux payés et que cette
nerais extraits dans cette partie Etats-Unis ! Oui, mais voilà, ces ment mettre en place ces for- prime aille directement aux
du pays pas encore totalement fonderies vendent ces métaux mules de « diligence raisonnable creuseurs.
pacifiée, mais elles doivent alors affinés à la Chine et à d’autres », c'est-à-dire le sésame ouvert
prouver valablement que cela pays de l’Extrême-Orient qui par ces divers contrôles, s’il n’y Au moment de monter dans
n’a pas aidé des bandes armées produisent des composants a plus d’extraction de minerais l’avion pour rentrer chez moi
à acheter des armes et des électroniques : l’étain sert pour à contrôler ? Comment amélio- à Bukavu, j’ai dit aux gens, en
munitions qui leur permettent les myriades de soudures des rer l’activité minière si les mi- guise d’au revoir :
de terroriser les gens dans les circuits électroniques et le tan- neurs désertent les mines ? Sans “Je serai dans quelques jours en
villages. Exercer ce contrôle se tale pour les condensateurs mi- compter que la détérioration Europe. Désormais, grâce à votre
dit en anglais appliquer la “due niaturisés placés dans les télé- du réseau routier fait qu’inviter accueil, je pourrai dire partout
diligence”, ou en français une phones portables ; finalement les creuseurs à se tourner vers que je suis allé à Lulingu, un en-
“diligence raisonnable”. ces composants et ces appareils l’agriculture dans ces contrées droit autrefois ravagé par l’insé-
Que les minerais de l’Est de la arrivent aux Etats-Unis, sous la fertiles est certes techniquement curité, les pillages, les incendies
R.D.Congo aient ainsi les hon- marque de grandes entreprises possible mais économiquement de maisons, les viols, les tue-
neurs de figurer dans une loi qui les présentent à la vente non rentable en l’absence de ries,… mais que tout cela, c’est
étatsunienne qui s’adresse pri- et… cela déclenche l’application routes pour transporter les pro- du passé : je n’ai eu chez vous
mordialement aux dérapages de la fameuse loi Dodd-Frank. duits agricoles vers les marchés aucun problème d’insécurité.
spéculatifs révélés par la récente preneurs et que donc il y a un
grande crise financière des “sub- La solution la plus évidente, la grand risque que ces mineurs Au lieu que le monde vous
primes”, est le fruit du travail de plus sûre et meilleur marché, reprennent leur ancienne occu- considère comme des contre-
lobbying de plusieurs organisa- est alors d’utiliser de l’étain pation : le banditisme armé en venants à contrôler, il faudrait
tions activistes au “Nord”, qui extrait ailleurs dans le monde. gangs, la kalashnikov à la main. plutôt consacrer toute son éner-
ont chanté victoire lors de cette Mais cela ne fait pas l’affaire des C’est tellement plus facile : avec gie à mettre en oeuvre des pro-
signature et… repoussé sans le “creuseurs” congolais, qui tra- une kalash, vous avez les filles, grammes pour vous aider !
savoir des dizaines de milliers vaillent déjà dans des conditions la bouffe et l’argent gratos ! A commencer par convaincre
de mineurs dans une misère très “limites” ! une société de téléphonie cel-
plus grande encore ! “Creuseurs” Comme Martin Luther King, j’ai lulaire de venir installer une
qui n’y comprennent d’ailleurs Les membres de l’association un rêve : celui de convaincre ces antenne pour desservir votre
rien car la seule chose qu’ils sa- des constructeurs étatsuniens sociétés étatsuniennes utilisant vallée et ainsi briser votre iso-
vent vaguement est que leurs d’ordinateurs portables et autres ces métaux d’aider des organisa- lement.”
minerais partent (partaient !) équipements électroniques tions locales à mener de vérita-
vers de grandes fonderies sont, bien sûr, très sensibles à bles programmes de développe- ■ Didier de Failly s.j.

19
Médiathèque
Livres Bilan Economique du Congo
1908-1960
Le Dr. Jean Hissette et
l'expédition Harvard en 1934
(Ajouter 5 € pour envoi par André Huybrechts Guido Kluxen,
la poste. Cpte 310-1773520-58) En chiffres et en commentaires, Edouard Hizette,
Pourquoi ce pamphlet TV l’extraordinaire épanouissement André Vleurinck 10 €
contre Léopold II ? économique atteint en un demi-
diverses correspondances siècle au Congo Belge.
rassemblées par P. Vannès et L’Harmattan 116 pp. 12,50 €
P. Grimard 10 €
Tata Raphaël
Congo : Mythes et Réalités RR.PP. Joseph Bollen
Jean Stengers et Henri de la Kethulle 10 €
Léopold II : Ed. Racine 15 €
un roi injustement décrié
Pierre Vercauteren 6€

I.N.É.A.C.
MM.Compère, Jottrand
et Van Leer 10 €
Les Fondeurs de Cuivre
du Katanga
Isabelle Liesenborghs et
André Vleurinck illustré par Films et
Marie de Schlippe
Ed. Clepsydre 25 €
documentaires
Témoignage de
Histoires de diamants
Georges Lambert 10 €
La société Minière du Bécéka
Des savants belges en au Congo, par Odile De Bruyn.
Afrique Centrale (1900-1960) Depuis l’aventure des premiers
Je dirai leurs noms prospecteurs de diamants dès
Marie-Madeleine Arnold 1909… 35 €
Ed. l'Harmattan 12 €

Réalités congolaises Art pictural du Congo


Robert Bodson Claude Charlier 10 €
versions en français, néerlan-
Le Congo belge dais et anglais sous le nom de
1908-1960, 52 années de travail “Congo Close-up” 10 €
et de progrès
Belgisch Kongo
1908-1960, 52 jaar arbeid en
vooruitgang
rédigé par divers
spécialistes. 6€ Le Service Territorial Pêche maritime
Témoignages 10 € Pionniers en eaux
Le Burundi, face à la Croix tropicales,Freddy et
et à la Bannière Roland Duyck 10 €
Charles Baranyanka 25 €

L’Enseignement au
Congo Belge et au Coffret de Thierry Michel
Mémoires du Congo pré-
sente un choix des meilleurs Ruanda-Urundi 6 DVD, 16 heures d’archives
ouvrages de référence sur le d’histoire, de géographie, de
Témoignages 10 €
Congo belge 6€ mémoire et sur l’industrie
85 €

Bortaï Agronomes et vétérinaires


Campagne d’Abyssinie - 1941 Témoignages 10 € MdC - 5e anniversaire
Philippe Brousmiche Histoire de Mémoires
L’Harmattan, 299 p. ill., cartes, du Congo 10 €
réédition 29 €

20
Evocation
Nouveaux livres Lorsque j’étais enfant,
mon père avait un gros livre du siècle dernier
et films qui s’intitulait A la recherche des sources du Nil.
Livres présentés par C’était un livre avec des gravures sur cuivre.
Charles Blanchart Il ne s’agissait pas de fables,
aux Editions Masoin
mais de textes scientifiques accompagnés d’illustrations
Le rail au Congo belge reproduisant des paysages africains.
Trois volumes. Ces gravures représentaient toujours l’Afrique
Groupe de rédaction horizontalement. Car l’Afrique est un continent
sous la direction de
Charles Blanchart aux lignes horizontales, les montagnes
Le volume 59 € y sont toujours tabulaires, les plaines s’étalent
d’un point à l’autre de l’horizon et les ciels
y sont immenses. Sous ces ciels,
Pionniers méconnus s’étendent de vastes étendues d’eau et de terres,
du Congo Belge
Georges Antippas 60 €
semées de minuscules silhouettes humaines.
L’idée que je m’étais faite de l’Afrique
était justement celle d’un monde extrêmement vaste,
majestueux, où la nature règne sur l’homme,
et où l’homme fait lui aussi partie de la nature.
Albertville Kalemie Je dirais en substance ceci :
La ville et son territoire Le paysage en Afrique évoque des idées d’infini.
des origines à 1965 En Europe, il reconduit au fini.
Guy Weyn 42 €
Il en résulte des effets psychologiquement
remarquables, dans la mesure où l’Afrique inspire
un mystérieux sentiment de révérence,
sentiment dont la nature s’apparente peut-être
Belgisch Congo Belge
au religieux. On se sent petit
Gérard de Boe, André
Cauvin face à quelque chose d’indiciblement grandiose.
et Ernest Genval
Livre + 2 DVD
Cinematek 19 € Alberto Moravia dans “Quelques Afriques”

Dans Stanleyville
La plus grande prise d'otages
Epinglé
du 20e siècle
Patrick Nothomb
Ed. Masoin. Réédition 22 € Un nouveau musée à Bruxelles
Le 22 septembre dernier, un nouveau En découvrant les précieux documents
“haut-lieu” de la littérature, le “Musée des qui y sont offerts au regard des amou-
Lettres et Manuscrits” a ouvert ses portes reux de cette “langue belle” entre toutes,
au n°3 de la Galerie du Roi, dans le centre il m’est venu l’idée de proposer à nos
de la ville, en fêtant comme il se doit cette lecteurs de chercher dans leurs archives
Aux Editions Labor excellente initiative. s’il ne s’y trouverait pas quelques lettres
Uniquement réservé aux lettres manus- d’auteurs ou d’artistes belges parlant de
Papier blanc, encre noire
crites et aux manuscrits des écrivains de l’Afrique.
Cent ans de culture franco- langue française, il donne à voir, dans
phone en Afrique Centrale,
(Zaïre, Rwanda et Burundi) des locaux intelligemment agencés, des Et de les confier au Musée. Ce serait une
Série de livres préparée par documents précieux qui passionneront autre façon de faire apparaître aux yeux
un Collectif sous la direction les amateurs et les curieux de littérature, du public ce que furent nos “années
de Marc Quaghebeur de la main, non seulement de nos plus d’or”.
Ed. Labor 10 €
grands écrivains, mais aussi des auteurs
francophones de l’étranger. On ne peut que se réjouir de la création
Situé sur deux niveaux, il présentera des de ce nouvel endroit de pure joie intel-
“On entend l'arbre qu'on abat, expositions temporaires – la première lectuelle.
mais on n'entend pas la forêt étant consacrée à Simenon – au rez-de-
qui pousse” chaussée, tandis que l’étage sera réservé
aux expositions permanentes. ■ Marie-Madeleine Arnold
Proverbe africain

21
Lire
Le Congo au temps Dr. Jean Hissette’s Le Katanga de
des Belges Research Expedi- Moïse Tshombe
L’Histoire manipulée tions to Elucidate Guy Weber,
Les contrevérités River Blindness Ed. Louis Musin,
réfutées. 1885-1960 Guido Kluxen, Bruxelles, 1981,
André de Maere 124 pp., préf. du Dr. 214 pages
d'Aertrycke, André Adrian Hopkins,
Schorochoff, Pierre nombr., illustr., index, Action de l’auteur au Ka-
Vercauteren et André C.D. inclus, tanga, du 10 juillet 1960
Vleurinck. Ed. Kaden. à juin 1961, comme com-
mandant principal des Forces armées katan-
Ce livre est la réponse collective de quatre Ce livre relate comment, en 1930, le Dr Jean gaises. Plein de détails, noms de militaires,
anciens coloniaux, à ceux qui s’évertuent à Hissette découvrit l’origine de l’onchocercose diverses émeutes au Katanga ; visite à l’ONU
présenter systématiquement dans leurs confé- ou “cécité des rivières”, qui faisait des ravages début août 1960 pour défendre la reconnais-
rences, leurs écrits et leurs documentaires, en Afrique. sance du Katanga, avec trois ministres katan-
une vision inexacte de l’action des Belges Cette affection était connue depuis de nom- gais. Préalablement reçus à Paris, Bruxelles,
au Congo, que ce soit au temps de l’Etat breuses années mais, jusqu’en 1930, aucun par différents ministres et finalement, chez
Indépendant du Congo de 1885 à 1908 ou autre spécialiste en maladies tropicales n’avait le Roi. Peu structuré et pas d’index.
durant l’époque du Congo Belge de 1908 jamais identifié ce mal si répandu dans tout Motif de l’action militaire belge en 1960 :
à 1960. le continent transmise par les femelles de d’abord protection des Européens, mais
mouches noires infecte uniquement les hu- aussi de l’économie ; ambiguïté politique
Les auteurs de ce livre ne sont pas des his- mains. Celles-ci pondent leurs œufs dans les belge vis-à-vis du Katanga (officielle, non,
toriens mais de simples citoyens, sans idées rivières, d’où le nom de “cécité des rivières”. officieuse : oui avec évolution). Et peut-être
préconçues ni parti pris, qui prennent la peine Le Dr. Jean Hissette est né en 1888 et décédé à cette occasion, lire :
de lire ce qui paraît au sujet de la colonisa- en 1965. On ne peut que souhaiter la paru-
tion, sans faire de tri sélectif. Ils veillent à tion rapide d’une traduction française de cet Qui a tué
communiquer les références des documents ouvrage du plus haut intérêt. Patrice Lumumba ?
sur lesquels ils s’appuient pour étayer leur Jacques Brassinne
présentation des faits et des situations qu’ils et Jean Kestergat,
décrivent. La Débacle du Document Duculot,
Ils ne se posent pas en défenseurs de la co- Congo Belge Paris, LLN, 1991,
lonisation en tant que telle, mais du droit de Arnauld de Monstelle 230 pages.
ceux qui ont œuvré au Congo, au respect (pseudonyme),
de leur dignité. Les effets parfois négatifs Editions Leclerc, 1965 C’est complet, très lisible.
de l’action coloniale ne sont pas dissimulés Préface par le Vicomte Basé sur la thèse défen-
mais expliqués et replacés dans le contexte Terlinden. due par Brassinne devant
de leur époque. Jean Stengers, en février 1991. Et sur les re-
L’auteur, dont j’ignore le portages au Congo (durant une vingtaine
Ce livre poursuit trois buts. Le premier nom réel, a fait partie de d’années) de Jean Kestergat, journaliste à
consiste à donner au lecteur les moyens de l’administration territoriale (Kolwezi), puis La Libre Belgique. Ce livre est très neutre,
comprendre comment la désinformation judiciaire, au Congo et au Ruanda-Urundi, se veut objectif (qui peut l’être ?), excellent
fonctionne, le deuxième est d’établir un in- de 1940 à 1960. Evolution de la situation index des témoins de l’enquête (avant 1990),
ventaire des principales tromperies que les politique, administrative et économique du biographie succincte des responsables, chro-
manipulateurs diffusent sur l’action coloniale Congo de 1940 à 1960. Très bien structuré, nologie complète de 1955 (voyage du roi)
belge et le troisième enfin vise à réfuter ces dans ces différents domaines, administration, au 13 février 1961 (annonce “officielle” de
contrevérités, preuves à l’appui. Les auteurs enseignement, Force Publique, etc. la mort de Lumumba. Et paru huit ans avant
démontrent ainsi le caractère manipulateur Mais (je cite l’auteur) : politique désastreuse le livre de Ludo De Witte, qui a provoqué la
des accusations portées contre l’action co- tant au Congo que de Bruxelles, décadence création de la Commission d’enquête (1991).
loniale des Belges. En soulignant aussi ses du service territorial (dont faisait partie De Witte cite souvent Brassinne. Mais leurs
aspects positifs, ils en donnent une image l’auteur), triomphe de la paperasserie. conclusions sur les responsabilités sont évi-
plus équilibrée et objective. Les suites de l’administration Buisseret : conflits demment assez différentes.
belges importés au Congo (communautaire, Pour Brassinne : les conseillers au Katanga
Le rappel de ces aspects positifs, trop souvent religieux, partis politiques). Les Congolais en ignoraient la situation, les employés devaient
occultés, rend un hommage bien mérité à Belgique en 1958 : mise en question des co- obéir aux ministres katangais.
tous ceux qui, Belges et Congolais, en sont loniaux. Mais aussi : très bonne évolution de Pour De Witte, tout le monde est respon-
les artisans. l’économie et des structures industrielles. Et sable.
bémol : l’effort de guerre très intense a causé
“Le Congo au temps des Belges”, un important prolétariat coupé de ses sources, ■ José Rhodius
336 pages, 16 x 24 cm, illustré, 70 photos dans les centres, aux dépens des populations
et cartes, € 25,00 + € 6,00 pour frais d'envoi de l’intérieur. Et encore, dette publique très
éventuels. importante en 1960. Le livre est intéressant,
Montant à verser au compte BE95 3101 7735 mais très ou trop critique, à la limite fort mé- “Un arc-en-ciel m'a
2058 de “Mémoires du Congo”, Av. de l’Hip- prisant : par exemple Cornelis, Ganshof van
podrome, 50 à 1050 Bxl avec la mention “Le der Meersch, administration d’après guerre, traversé le coeur.
Congo au temps des Belges”. Le livre sera bureaucratie, les politiques congolais. J'en ai gardé la brûlure”
expédié dès sa sortie de presse.
■ José Rhodius Wong Kar Waï

22
Activités
Sous le titre “Hammarskjöld” : la revue Projections du 1er semestre 2012
Dialogue (Guy De Boeck) publie, via
Congoforum, une compilation de notes,
Mardi 14/02 Accueil dès 9H30.
articles, photos, sur le Katanga.
Dont résultats d’enquêtes récentes sur
10h00 : 100ème anniversaire de la Interruption de 12 à 14h00 : moambe à
l’accident qui a causé la mort de Dag création d’Elisabethville par A. Vleurinck la cafétéria du Musée.
Hammarskjöld, secrétaire général de l’ONU, 11h15 : Antoine Sohier,
le 18 septembre 1961, en se rendant à Ndola 1er de 5 générations au Katanga Prix: 20 euros. (Moambe: 17 euros +
pour rencontrer (?) Tshombe. 14h15 : Extraits de films réalisés par participation à la location de la salle :
des cinéastes coloniaux 3 euros)
Ces notes traitent aussi de la sécession Votre paiement sur notre compte :
katangaise, avec l’appui officiel ou officieux Mardi 13/03 363-0026918-89 (ou IBAN : BE45 3630
de politiciens belges, l’économie et la politique 10h15 : La Table ronde 0269 1889 – BIC : BBRUBEBB) fait office
katangaise, histoire du Katanga, la mort de par Jacques Brassinne de réservation. Il doit nous parvenir au
Lumumba. 11h00 : Le Vicomte Etienne Davignon plus tard cinq jours ouvrables avant le
14h15 : Enfants mulâtres, jour de la projection.
Plus de 60 pages, à titre d’information et à problématique
prendre ou à laisser. Attention : au-delà des 60 premiers ins-
Mardi 8/05 crits, la moambe ne sera pas garantie.
10h00 : 10ème anniversaire de MdC Pour les personnes ne prenant pas la
Egalement, via Congoforum, fin août, une 11h00 : L’œuvre médicale au Congo belge moambe: participation à la location de
vidéo qui annonce la sortie d’un film sur les et au Ruanda-Urundi (1ère partie) la salle à payer sur place: 4 euros.
conflits actuels dans l’Est du Congo. 14h00 : L’œuvre médicale au Congo belge Le café à l’accueil est actuellement distri-
“Le conflit au Congo, et au Ruanda-Urundi (2ème partie). bué par le propriétaire de la salle et doit
la vérité dévoilée” être payé sur place.
Origines des conflits, responsabilités locales Mardi 12/06 Si des personnes non-membres sont invi-
et internationales, le peu d’intérêt des médias Commémoration des indépendances tées, il nous serait agréable d’en connaître
occidentaux. Elle dure environ 25 minutes
du Ruanda et du Burundi les coordonnées. Nous vous en remercions
et est assez troublante.
Je vous laisse juges…
10h15 : Le Burundi par Louis Declerck d’avance.
11h15 : La littérature française au Burundi
par Marc Quaghebeur info@memoiresducongo.be
Vu : film de Sven Augustijnen 14h15 : Le Rwanda, témoignage www.memoiresducongo.org
“SPECTRE”. A voir absolument. de Julien Nyssens 02 649 98 48
Ne fut-ce que pour le plaisir. Le personnage
central est Jacques Brassinne, acteur lui-même,
qui visite les différents sites ou rencontre les
familles Tshombe, Lumumba – à Kinshasa
– famille d’Aspremont. Impressionnante
Cotisations
recherche dans le noir, de l’arbre de la
fin de Lumumba, avec plan indicatif de “Mémoires du Congo” a besoin de tons de rappeler à chacun d'entre
l’emplacement des témoins.. votre générosité pour poursuivre vous le paiement de la cotisation
ses activités. Nous remercions nos annuelle, ce que, nous l'espérons,
■ José Rhodius membres qui, chaque année, nous vous ferez volontiers.
apportent un appui financier par le Soyez-en tous remerciés d'avance.
règlement de leur cotisation. Pour
cette année 2012, nous nous permet- (Voir page 24 pour les détails).

SAMBRE NET
Société de nettoyage
Privé ou professionnel
Allée Belle vue 3 - 5060 Sambreville
Contact : Mme Claudine Durieux

0496 77 24 19
23
MÉMOIRES DU CONGO
Echos de “MdC” et du Ruanda-Urundi
Asbl

G
ros succès pour N’hésitez pas à vous les procurer,
notre journée de non seulement pour passer les Périodique n° 20
projections sur longues soirées d’hiver, mais
Décembre 2011
Stanleyville et la pour vous documenter sur tout
Province Orientale. Notre vice- ce qui a été réalisé au Congo Editeur responsable : P. Vannès
président, Guido Bosteels, nous Belge et au Ruanda-Urundi ! Equipe de rédaction : Marie-Madeleine Arnold,
a présenté un montage cinéma- Diane Clavareau, Marie de Schlippe, André de Maere,
tographique intitulé “Nos belles A André Vleurinck, Paul Masson
années à Stanleyville”. Contact : info@memoiresducongo.be
Un très bon film qui, malgré ses Une pièce d’anthologie histori- Maquette et mise en page : New Look Communication
cinquante ans, a gardé de très que figure désormais parmi
belles couleurs, ce qui n’est pas les œuvres présentées par
Conseil d’administration
toujours le cas avec des films “MdC” : Quatre de nos mem-
Président : Roger Gilson
8mm et de la pellicule d’amateur. bres (André de Maere d’Aert- Vice-Président : Guido Bosteels
rycke, André Schorochoff, Administrateur-délégué : Paul Vannès
Cette introduction a permis à Pierre Vercauteren et André Trésorier : Guy Lambrette
notre invité, le baron Patrick No- Vleurinck) ont produit “Le Secrétaire : Nadine Evrard
thomb, de prendre la parole afin Congo au temps des Belges”. Administrateurs :
de nous raconter cette terrible Ce livre est une réponse à tous Pierre Wustefeld, Ernest Christiane,
prise d’otages en 1964. Quelques ceux qui s’évertuent à donner, Guy Dierckens, Patricia Van Schuylenbergh
rescapés, présents dans la salle se par leurs paroles, leurs écrits Bernard de Gerlache de Gomery
sont, bien entendu, remémorés et leurs images, une vision er- André Taymans
ces épouvantables moments et ronée de l’action des Belges au
ont eu une pensée pour toutes Congo, que ce soit au temps de
les victimes de cette tragédie. l’Etat Indépendant du Congo Siège social
Parmi nous, figurait le Comte de 1885 à 1908 ou durant l’épo- avenue de l’Hippodrome, 50
Henri Le Grelle, premier para- que du Congo Belge de 1908 à B-1050 Bruxelles
chutiste qui a sauté sur Stan et 1960.
dont les hommes avaient pour Lisez ce livre, diffusez-le auprès Siège administratif
mission de sécuriser l’aéroport de votre famille, de vos amis et Av. de l'Hippodrome, 50 – B 1050 Bruxelles
tandis que leurs collègues se connaissances ! Pour notre part, Tél. 00 32 (0)2 649 98 48
Numéro d’entreprise : 478.435.078
portaient au secours des otages. nous tenterons de le diffuser Site public : www.memoiresducongo.org
Henri Le Grelle a accepté de té- auprès des jeunes historiens. Site administratif : www.smdc.be
moigner pour “MdC” et donc, Compte bancaire : ING 310-1773520-58
notre équipe se rendra chez lui A BIC : BBRUBEBB – IBAN : BE95 3101 7735 2058
pour l’interviewer.
“MdC” fêtera ses dix ans d’exis-
Secrétariat
A tence l’an prochain : que de Secrétaire : Georgette Cornelis
chemin parcouru et d’œuvres Assistante : Andrée Willems
Lors de chacune des journées de produites depuis! Nos membres
projections, nous mettons en ven- fondateurs peuvent être fiers et
te nos productions (documentai- satisfaits de ce qui a été réalisé Cotisations 2012
res et livres). Certains livres sont et l’avenir est encore plein de Membre adhérent : 25 €
Cotisation de soutien : 50 €
dédicacés par leur auteur : Mi- promesses. Cotisation d’Honneur : 100 €
chèle Timmermans Zoll, Patrick Cotisation à vie : 1.000 €
Nothomb, Pierre Vercauteren. ■ Paul Vannès
Pour virement depuis l’étranger, veuillez donner à
votre banquier les informations suivantes :
BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE95 3101 7735 2058
N’oubliez pas la mention “Cotisation 2012”.
Pour les dames, nous demandons, lors des versements, de bien
vouloir utiliser le même nom que celui sous lequel elles se sont
inscrites comme membres.

Changement d’adresse : si vous changez d’adresse, n’oubliez


pas de nous communiquer vos nouvelles coordonnées. Cela
nous permettra de rester en contact et évitera au secrétariat
d’effectuer des recherches.

Fichiers d’adresse : si vous connaissez des personnes


susceptibles de devenir membres de MDC, communiquez-
leur notre adresse ou mieux encore transmettez-nous leurs
coordonnées afin que nous puissions leur envoyer notre
documentation.

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