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INVITATION AU VOYAGE

Séance 2: Les voyages favorisent les rencontres et l’amitié

Synthèse (40 points)

Vous réaliserez une synthèse concise, ordonnée et objective des documents


suivants:
Document 1: Jack Kerouac, Sur la route (1957)
Document 2: Nicolas Bouvier, L’Usage du monde (1963)
Document 3: Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1735)
Document 4: L’Auberge espagnole (2002)

Écriture personnelle (20 points)

Est-il toujours facile de trouver l’hospitalité chez l’habitant quand on voyage?


Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée en vous appuyant
sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances
personnelles.
Jack Kerouac, Sur la route (1957)

Et puis est arrivée la grande période des voyages, le printemps, et dans la


bande dispersée, tout le monde se préparait à faire telle ou telle virée. Moi je
travaillais d’arrache-pied à mon roman, et quand je suis arrivé à la moitié, après être
descendu dans le sud voir ma sœur en compagnie de ma mère, j’ai fait mes
préparatifs pour partir vers l’Ouest, pour la première fois de ma vie. Neal avait déjà
quitté la ville. Allen et moi, on l’avait accompagné à la gare routière des Greyhound,
sur la 34e. Au premier étage, il y a un coin où l’on peut se faire photographier pour
vingt-cinq cents. Allen a retiré ses lunettes; il avait une mine sinistre. Neal s’est mis
de profil avec un regard timide. Moi j’ai pris une pose toute simple, et comme disait
Lucien, j’avais l’air d’un Rital de trente ans prêt à fumer le premier qui parlerait mal
de sa mère. Cette photo-là, Allen et Neal l’ont coupée en deux, bien proprement,
avec une lame de rasoir, et chacun en a mis la moitié dans son portefeuille.

On s’est offert un dîner d’adieux dans un Riker de la 7e avenue, francfort


fayots, et puis Neal est monté dans un car marqué “Chicago” et il s’est arraché dans
la nuit. Je me suis promis de prendre la même direction quand le printemps fleurirait
pour de bon et m’ouvrirait le continent. C’est ainsi que notre cow-boy est parti. Et
c’est vraiment comme ça que toute mon existence de la route a commencé, et la
suite est bien trop fantastique pour ne pas la raconter. En juillet 1947, j’avais fini une
bonne moitié de mon roman et économisé dans les cinquante dollars de mes primes
d’ancien combattant. Mon ami Henri Cru m’avait écrit de San Francisco, il me disait
de venir le rejoindre, pour embarquer sur un paquebot qui faisait le tour du monde. Il
jurait qu’il pouvait me faire entrer dans la salle des machines. J’ai répondu que je me
contenterai d’un vieux cargo, du moment que je puisse faire quelques longues virées
dans le Pacifique, et revenir avec assez d’argent pour vivre chez ma mère le temps
de finir mon bouquin. Il m’a dit qu’il avait une baraque à Marin City, où j’aurais tout le
temps d’écrire vu les tracasseries pour trouver un bâteau. Il vivait avec une fille
nommée Diane, elle faisait génialement la cuisine, il y aurait de l’ambiance. Henri
était un vieil ami de prep school; un Français qui avait grandi à Paris et dans le reste
de la France, un fou furieux, un vrai dingue, dingue au-delà de ce que j’imaginais. Il
m’attendait donc dans une dizaine de jours, et j’ai écrit pour confirmer, en toute
méconnaissance des péripéties qui allaient me retenir sur la route. Ma mère voyait
d’un bon œil ce voyage dans l’Ouest; j’avais tellement travaillé tout l’hiver, j’étais si
souvent resté entre mes quatre murs, elle pensait que ça me ferait du bien.
Nicolas Bouvier, L’Usage du monde (1963)

Les Serbes sont non seulement d’une générosité merveilleuse, mais ils ont
encore conservé le sens antique du banquet: une réjouissance doublée d’un
exorcisme. Quand la vie est légère: un banquet. Est-elle trop lourde? un autre
banquet. Loin de “dépouiller le vieil homme” comme nous y engage l'Écriture1, on le
réconforte par de formidables rasades, on l’entoure de chaleur, on le gorge de
musique admirable.
Après le fromage et la tarte, nous nous croyions au bout de nos peines, mais
déjà le docteur, très rouge dans le crépuscule, faisait glisser dans nos assiettes
d’énormes tranches de pastèques.
- Ce n’est que de l’eau, criait-il pour nous encourager.
Nous n’osions refuser, crainte de lui porter malchance. A travers une sorte de
brume j’entendis encore la mère murmurer: slobodno…slobodno! - servez-vous,
tapez dedans! - et m’endormis tout droit sur ma chaise.
A six heures, nous reprîmes la route de Nish que nous voulions atteindre
avant la nuit. La fraîcheur s’installait. Nous quittions la Serbie comme deux
journaliers2, la saison finie, de l’argent frais en poche, la mémoire remplie d’amitiés
toutes neuves.

Assez d’argent pour vivre neuf semaines. Ce n’est qu'une petite somme mais
c’est beaucoup de temps. Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux:
la lenteur. Si désolé que soit le paysage, il y a toujours un bouquet de saule sous
lequel on peut s’endormir, les mains derrière la nuque.
Ou une auberge. Imaginez une salle aux murs bombés, aux rideaux déchirés,
fraîche comme une cave où les mouches bourdonnent dans une forte odeur
d’oignon. Là, la journée trouve son centre; les coudes sur la table on fait l’inventaire,
on se raconte la matinée comme si chacun l’avait vécue de son côté. L’humeur du
jour qui était répartie sur des hectares de campagne se concentre dans les
premières gorgées de vin, dans la nappe de papier qu’on crayonne, dans les mots
qu’on prononce. Une salivation émotive accompagne l’appétit, qui prouve à quel
point dans la vie de voyage, les nourritures du corps et celles de l’esprit ont partie
liée. Projets et mouton grillé, café turc et souvenirs.

A mon retour, il s’est trouvé beaucoup de gens qui n’étaient pas partis, pour
me dire qu’avec un peu de fantaisie et de concentration ils voyageaient tout aussi
bien sans lever le cul de leur chaise. Je les crois volontiers. Ce sont des forts. Pas
moi. J’ai trop besoin de cet appoint concret qu’est le déplacement dans l’espace.
Heureusement d’ailleurs que le monde s’étend pour les faibles et les supporte, et
quand le monde, comme certains soirs sur la route de Macédoine, c’est la lune à
main gauche, les flots argentés de la Morava à main droite, et la perspective d’aller
chercher derrière l’horizon un village où vivre les trois prochaines semaines, je suis
bien aise de ne pouvoir m’en passer.

1
Dans la Bible (L’Ecriture), Paul de Tarse exhorte les chrétiens à “se dépouiller du vieil homme”,
c’est-à-dire à se défaire de leurs habitudes contraires à la religion, caractéristiques de leur ancienne
vie de pécheurs.
2
Journalier: ouvrier agricole payé à la journée, souvent pauvre et itinérant.
Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1735)

Il serait oiseux, pour maintes raisons, d’ennuyer le lecteur avec le détail de


nos aventures sur ces mers: qu’il me suffise de lui dire qu’en les quittant pour nous
diriger vers les Indes orientales, nous fûmes précipités par une violente tempête vers
le nord ouest de la Terre de Van Diemen. Le point nous révéla que nous nous
trouvions à une latitude de 30 degrés 2 minutes sud. Douze hommes d’équipage
avaient péri d’épuisement et de malnutrition.; les survivants étaient en piteux état. Le
5 novembre, c’est-à-dire au commencement de l’été sous ces latitudes, le temps
étant fort brumeux, les marins repérèrent un rocher, à moins d’une demi-encablure
du navire; mais le vent était si fort que nous y fûmes drossés et aussitôt fracassés.
Six hommes d’équipage, dont je faisais partie, mirent le canot à la mer et
s’efforcèrent de se dégager du bateau et de l’écueil. Nous nageâmes, d’après mon
estimation, environ trois lieues jusqu’à épuisement complet car nous avions déjà
beaucoup peiné sur le navire. Nous nous en remîmes donc à la merci du courant;
environ une demi-heure plus tard, le canot fut renversé par une lame soudaine
venue du nord. Qu’advint-il de mes compagnons du canot, ou de ceux réfugiés sur
le rocher, ou restés sur le navire? Je l’ignore; je présume qu’ils périrent tous. Pour
ma part, je nageai comme le suggérait la Fortune, poussé en avant par le vent et la
marée. Je laissais souvent retomber mes jambes, sans pouvoir sentir de fond; alors
que j’étais presque perdu et incapable de lutter davantage, j’eus pied; à ce moment,
la tempête était presque tombée. La déclivité était si douce que je dus marcher près
d’un mille avant d’atteindre le rivage et il pouvait être huit heures du soir. Je
poursuivis ma route sur près d’un demi-mille, sans pouvoir découvrir aucune trace
de maison ou d ‘êtres humains; du moins étais-je si affaibli que je ne pus les repérer.
J’étais extrêmement fatigué, et avec cela, la chaleur du climat, et la demi-pinte de
cognac bue en quittant le navire, j’avais grande envie de dormir. Je m’étendis sur
l’herbe, qui était très courte et douce; j’y dormis plus profondément que je me
rappelais l’avoir jamais fait et, d’après moi, plus de neuf heures; car à mon réveil le
jour venait de poindre. Je tentai de me lever, mais fus incapable de bouger; étendu
sur le dos, je découvris que mes bras et jambes étaient solidement attachés de part
et d’autre du sol; et mes cheveux, longs et épais, étaient attachés de même. Je
sentais également plusieurs liens ténus en travers de mon corps, des aisselles aux
cuisses. J’en étais réduit à regarder le ciel; le soleil commençait à chauffer et la
lumière à me blesser les yeux. J’entendais un bruit confus autour de moi, mais dans
la posture qui était la mienne, ne pouvais rien voir que le ciel. Au bout d’un moment,
je sentis quelque chose de vivant se déplacer sur ma jambe gauche, avancer
doucement vers ma poitrine et arriver presque sur mon menton; baissant les yeux le
plus possible, je découvris une créature humaine pas plus haute que six pouces un
arc et des flèches à la main et un carquois dans le dos. Peu après, je sentis au
moins quarante autres créatures du même genre (telle était mon hypothèse) suivre
la première.
Photogramme du film L’Auberge espagnole, réalisé par Cédric Klapisch (2002)

L’Auberge espagnole raconte l’année que passe Xavier (Romain Duris) à Barcelone
dans le cadre d’un échange Erasmus. Les relations qu’il y noue modifient
profondément son existence.

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