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JOUEURS DE FOOTBALL PEUVENT
ILS ETRE
ASSIMILES À DES ACTIFS
INCORPORELS ?
Résumé Abstract: Can football players be likened to
intangible assets?
L’objectif de cette recherche est de voir si les This research aims at checking if the new definitions
nouvelles définitions relatives aux actifs incorporels about intangible assets can be adapted to football
peuvent se transposer au cas des joueurs de football. players.
A travers des exemples concrets, nous verrons qu’un With concrete examples we will see that a player can
joueur peut être assimilé à un élément identifiable, be considered as an item that can be clearly identified,
contrôlable et porteur d’avantages économiques. controlled and that can bring in economic benefits.
Néanmoins de nombreux éléments viennent tempérer Yet there are a lot of elements which are tempering
ce propos. this assertion.
Mots clé : actif incorporel, joueur de football Keywords : intangible assets, football player
1
INTRODUCTION
1
« L’avenir appartient à l’immatériel dans l’entreprise » . Cette phrase a été prononcée en
1994 par Tézenas du Montcel H. Force est de constater qu’elle était prophétique. En effet, une
décennie plus tard, on peut noter que les entreprises investissent autant en matériel qu’en
immatériel. Toyota est devenue n°1 mondial grâce à son organisation révolutionnaire,
Michelin innove toujours pour rester leader et le Real de Madrid est un des meilleurs clubs du
monde grâce à ses joueurs de football. L’avantage concurrentiel va dorénavant se chercher
auprès de l’immatériel.
Pour assurer leur pérennité, les entreprises doivent effectuer des investissements, c’estàdire
des dépenses qui seront utiles sur plusieurs cycles de production. En comptabilité, on parle
d’actif. La définition de l’actif dans le PCG a changé suite aux nouvelles normes de 2005. La
notion juridique, patrimoniale a laissé la place à une notion plus économique. Un actif est un
élément contrôlé qui génère des avantages économiques futurs. Quelle que soit la définition
ou la terminologie, les actifs sont des dépenses autres que les dépenses usuelles, d’entretien
qui elles sont des charges. Ces actifs apportent un réel changement pour l’entreprise et
génèrent des profits sur plusieurs exercices.
Il n’existe pas de définition claire des actifs immatériels. Les actifs immatériels sont souvent
définis comme des actifs non physiques et non financiers. On les regroupe souvent autour de
la R§D, des logiciels, de l’organisation, de l’humain et du commercial. La comptabilisation
à l’actif du bilan des dépenses d’investissements immatériels pose souvent problème. En effet,
la notion de contrôle, d’appropriation et l’appréciation d’un avantage futur sont très difficiles
à cerner. Le savoir d’un salarié appartientil à l’entreprise ou au salarié ? Des dépenses de
recherche et développement entraînentelles automatiquement des revenus futurs pour
l’entreprise ?
Au cours de ce travail, nous avons voulu nous intéresser à un actif incorporel bien particulier :
les joueurs de football. A l’origine, le football est un sport parmi tant d’autres. Toutefois, il est
devenu le sport n°1 en France et dans de nombreux pays depuis plusieurs années. Devant ce
succès, son environnement s’est quelque peu transformé. Médias, sponsors, argent font aussi
partie de son quotidien. Le football peut donc faire l’objet de plusieurs lectures possibles.
Nous avons décidé d’avoir un œil de comptable, de gestionnaire, voire aussi d’économiste.
Notre intérêt pour le sujet provient notamment de certains discours entendus de la bouche des
dirigeants, des joueurs, des journalistes, etc. « Un club de football se gère comme une
entreprise », « un joueur de football peut s’acheter comme n’importe quel autre bien ». Cela
nous démontre une chose. Le football est certes un spectacle mais il obéit aussi à certaines
règles économiques. L’économie dans le football est un sujet bien trop vaste. Nous avons
voulu nous intéresser ici aux premiers producteurs de spectacle : les joueurs de football. Ils
appartiennent à leur club par un système de contrats. Le club peut les former ou les acheter à
un concurrent. Contre un salaire, ils jouent pour ce club et sont à l’origine des gains obtenus
par ceuxci : droits TV, recettes de guichets, sponsors, etc. On voit donc bien notre propos.
Les joueurs de football génèrent des coûts mais aussi des recettes pour le club. Ainsi le
transfert de Zidane au Real de Madrid pour 70 millions d’euros en 2001 nous a interpellé sur
les conditions de retour sur investissement. On peut donc assimiler les joueurs à des actifs
1
TEZENAS DU MONTCEL H. (septembreoctobre 1994), « L’avenir de la gestion vu par… », RFG n° 100.
2
incorporels comme cela est préconisé comptablement depuis 2005 en France. Néanmoins, les
coûts ne sont pas toujours individualisables (cas de la formation) et les revenus pas toujours
certains (blessure). De plus, il semble toujours éthiquement et intellectuellement difficile de
considérer qu’une entreprise peut « acheter » un homme comme une machine. Nous verrons
ainsi qu’on ne peut pas aussi facilement plaquer la définition de l’actif incorporel sur le cas
des joueurs de football. Notre article tentera donc de répondre aux questions suivantes.
Un joueur de football peutil être considéré comme un actif incorporel au vu des définitions et
des critères de comptabilisation ? Quels coûts et quels revenus génèretil ? Que nous
apprennent les théories économiques sur cet actif spécifique ?
Dans une première partie, nous étudierons le concept de capitaljoueurs puis nous analyserons
les coûts et les recettes de cet actif et enfin nous utiliserons les théories économiques pour
mieux cerner les conditions d’emploi de cet actif particulier.
1. LE CAPITALJOUEURS
Nous allons analyser le lien existant entre le joueur et son club. Ce lien permetil de parler
d’actif incorporel pour le club ? Comment un club se constituetil son effectif ?
1.1 Les contrats de joueurs
L’actif des clubs de football professionnels est essentiellement de nature incorporelle : il se
compose plus précisément des contrats de joueurs. Le joueur s’engage avec son club pour une
durée déterminée. Durant ce contrat, un transfert peut intervenir si le joueur, le club vendeur
et un club acheteur sont d’accord. Dans ce cas, une indemnité est versée au club vendeur sauf
si le joueur est en fin de contrat. On peut donc considérer en première approche qu’un contrat
de joueur de football répond aux définitions d’un actif incorporel. L’entité (le club) contrôle
bien le joueur pour un certain temps par le système du contrat à temps et il en attend des
bénéfices futurs (revenus financiers suite aux matchs gagnés, aux publicités, etc.). De plus il
s’agit d’un investissement en ressources humaines, donc incorporel. On verra par la suite que
ces notions peuvent prêter à contestation et remettre en cause cette notion d’actif incorporel.
Différentes indemnités ont été prévues par la Fédération Internationale de Football (FIFA).
1.2 Les indemnités de transferts
On distingue tout d’abord les indemnités de transfert. Les indemnités de transfert sont liées
à la confrontation entre une offre et une demande. On tombe ici sur la problématique de la
valeur d’un actif incorporel, en l’occurrence un joueur de football. Les clubs vont surtout
réfléchir à ce que les joueurs vont leur rapporter sportivement et extrasportivement (méthode
2
d’évaluation par les revenus de Fisher I, 1930) . Les clubs peuvent aussi raisonner par la
3
méthode de la comparaison . On sait que traditionnellement les attaquants valent plus chers
que les défenseurs, que les joueurs internationaux valent plus que les autres, que les
trentenaires valent moins que les joueurs plus jeunes, etc. En 2000, le président Triaud ne
2
RICHARD J. (1992), « Une conception économique de l'actif comptable », CEREG n° 9209.
3
MARTORY B. et PIERRAT C. (1996), La gestion de l’immatériel, Nathan.
3
voulait pas vendre Wiltord à Arsenal moins de 100 MF car Arsenal avait vendu Overmars,
joueur du même âge, au même poste pour ce prix à Barcelone. On peut aussi assimiler cette
4
méthode à la méthode du coût de remplacement (Flamholtz E.G., 1973) . On vend le joueur
au prix qu’il faudra pour en acheter un « identique ». On peut aussi noter qu’en fonction des
clubs un joueur n’aura pas la même valeur. On retrouve ici la notion de valeur d’usage chère
aux néoclassiques. On peut citer le cas du joueur argentin Veron presque remplaçant à
Manchester United mais revendu très cher à Chelsea qui avait besoin d’un joueur de son
talent. De même, certains joueurs revêtent une valeur particulière pour certains clubs car ils
sont natifs de la région, ont été formés au club, adorent leur club, sont aimés des supporters
même si ce ne sont pas des « génies ». On dit qu’ils représentent « l’âme du club » et sont
garants de ses valeurs. Les supporters s’identifient plus à leur équipe, les encouragent,
achètent des places, des abonnements, des maillots et contribuent donc un peu aux succès.
Pour un autre club, ces joueurs ne représentent pas de valeur particulière. On peut citer le
joueur de Milan Costaturca. On retrouve ici la théorie des coûts de transaction de Williamson
5
O. des années 1970 . Ces joueurs sont des actifs très spécifiques.
On distingue aussi l’indemnité de formation qui correspond à la compensation financière
accordée aux clubs formateurs du joueur transféré. Cette indemnité est importante car
auparavant un « aspirant footballeur » pouvait quitter son club formateur à la fin de son
contrat sans aucune indemnité pour celuici, ce qui pouvait être une menace pour les clubs
formateurs comme Auxerre ou Nantes en France. Cela n’est plus possible et c’est pourquoi
les « grands clubs » cherchent dorénavant de plus en plus à engager des jeunes joueurs de 12
ou 13 ans, comme l’a fait récemment Manchester United, pour limiter les indemnités à payer.
On distingue enfin l’indemnité de solidarité reversée à l’ensemble des clubs formateur d’un
joueur à hauteur de 5 % du montant de tout transfert international, même si celuici intervient
après 23 ans. Ceci est intéressant par rapport à la conception de l’actif. Il s’agit bien d’une
entité qui procure des avantages sur le long terme même si le club n’est plus propriétaire du
bien. Le club continue à percevoir des gains alors que le joueur n’appartient plus au club car
6
l’actif est protégé par un droit légal qui est ici l’indemnité. Minquet J.P.L. (2005) prend
l’exemple du transfert de Drogba en 2004 de Marseille à Chelsea pour montrer que les
7
joueurs de football d’un club, qu’il appelle le capitaljoueurs , sont des actifs incorporels. Ce
joueur a été transféré pour 37,5 millions d’euros. L’indemnité de solidarité fait que ses clubs
formateurs entre 12 et 23 ans (Vannes, LevalloisPerret et Le Mans) se sont partagés 5 % de
ce montant soit 1,87 millions d’euros.
Nous venons donc de constater qu’un joueur de football est lié à son club par un système de
contrat à temps. Il doit donc jouer pour son club pendant cette période et tenter de lui générer
de bons résultats (donc des avantages économiques). Durant ce contrat, il peut aussi être
transféré dans un autre club ce qui peut là aussi générer des bénéfices à son club par le
système des indemnités. On voit donc que le club contrôle le joueur par le contrat et que
celuici peut être porteur d’avantages économiques futurs. Le joueur de football peut donc, à
priori, être considéré comme un actif incorporel. Nous avons vu néanmoins et reverrons plus
en détail par la suite que cette notion est parfois discutable.
4
CAPRON M. (2000), « Comptabilité des ressources humaines », Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle et
Audit, Economica.
5
BOUBAOLGA O. (2003), L’économie de l’entreprise, Editions du Seuil.
6
MINQUET J.P.L. (2005), Organisations sportives, pratique de finance, Editions d’organisation.
7
MINQUET J.P.L. (mai/juin 2004), « Sports, football et finance », RFG n°150.
4
8
Etudions maintenant comment un club peut se constituer ce que Minquet J.P.L. (2004)
appelle le capitaljoueurs.
1.3 La constitution du capitaljoueurs
Afin de se constituer son capitaljoueurs, un club de football doit déjà cerner ses besoins puis
choisir sa politique de recrutement (interne ou externe) et enfin enregistrer dans ses comptes.
1.3.1 L’évaluation des besoins
9
Minquet J.P.L. (2004) montre que le cœur de la prestation sportive est assuré par les sportifs.
Cette évidence entraîne que, pour les clubs, l’investissement en capitaljoueurs est le plus
10
important. Minquet J.P.L. (1997) parle aussi d’investissement en capital humain. On
11
retrouve ici une allusion très claire à la théorie du capital humain de Becker G (1964) .
La constitution de ce capitaljoueurs peut se réaliser par deux types d’investissements : la
formation et les transferts.
Tout d’abord, on constate que le choix est plus limité que pour une industrie quelconque. En
effet, la spécialisation et la division du travail sont fortes dans ce sport. Ainsi un attaquant ne
peut pas remplacer un défenseur par exemple. On retrouve bien le fait que les joueurs de
12
football sont des actifs très spécifiques comme le souligne Williamson O . Le club doit aussi
regarder en fonction de sa pyramide des âges. Une équipe très jeune coûte souvent peu chère,
peut ensuite gagner de la valeur mais risque de pécher par inexpérience. A l’inverse une
équipe plus âgée est synonyme d’expérience mais perd de sa valeur avec le vieillissement de
ses joueurs. C’est pourquoi les clubs cherchent le plus souvent à mélanger les deux. C’est
dans cet esprit que l’Olympique Lyonnais a constitué son équipe en 2005/2006 avec un joueur
expérimenté par ligne, entouré de jeunes joueurs talentueux et dynamiques. On retrouve ainsi
Coupet dans les buts, Caçapa en défense, Juninho au milieu et Wiltord en attaque.
Le recrutement doit aussi se faire sur des critères plus difficiles à cerner comme la
complémentarité (technique, physique ou mentale). Les joueurs, aussi talentueux soientils,
doivent pouvoir jouer ensemble et avoir des qualités qui se complètent. Le meilleur contre
exemple vient du PSG en 1986/1987 qui a engagé trois avantcentres, Rocheteau, Bocandé et
Hallilhodzic, qui n’ont jamais pu jouer correctement ensemble car ils n’étaient pas
complémentaires.
Comme nous l’avons vu précédemment, les supporters aiment que des joueurs natifs de la
région jouent dans le club car ils représentent « l’amour du maillot ». Le club va donc
chercher à conserver, à recruter ou à faire revenir des joueurs locaux. Paris a tenté ce pari en
2000 en achetant des joueurs jeunes, parisiens d’origine ou issus de l’immigration pour que
les supporters s’identifient à leur équipe, viennent au stade et les encouragent. De même, le
club peut choisir des joueurs d’une nationalité fortement représentée dans la ville.
Un club peut aussi pratiquer une politique qui peut être qualifiée d’« assèchement » ou « de
terre brûlée ». Il s’agit d’acheter à l’extérieur les meilleurs joueurs des concurrents pour qu’ils
8
Op. cit.
9
Op. cit.
10
MINQUET J.P.L. (1997), Economie et gestion du sport, City §York.
11
LONGATTE J. et VANHOVE P. (2001), Economie générale, Dunod.
12
Op. cit.
5
ne procurent plus d’avantages à leur club et qu’ils ne contribuent plus aux défaites du
nouveau club même s’ils sont remplaçants. Le précurseur de cette politique est le Milan dans
les années 1990. Le club possédait sept étrangers alors que seulement trois pouvaient jouer.
Cependant les meilleurs joueurs de leurs concurrents nationaux et européens (cas de Papin de
Marseille et Savicevic de Belgrade) étaient dans leur effectif et non chez les concurrents.
Dans ce caslà, le joueur est un actif qui génère des revenus de façon indirecte, non par son
utilisation par le club mais par son absence chez le concurrent.
On voit bien que les joueurs de football sont des actifs très spécifiques pour un club. Après
avoir dressé l’état des besoins, les clubs peuvent faire leur choix de joueurs selon le type de
recrutement : interne ou externe.
1.3.2 Le type de recrutement
La première politique consiste à développer un centre de formation. Le club recrute et forme
un jeune joueur en supportant le coût de la formation. Les coûts ne peuvent être analysés que
d’une manière globale. Ils ne peuvent être individualisés ce qui pose ensuite le problème du
coût réel de la formation d’un joueur devenant professionnel. Il s’agit d’un problème lié aux
investissements incorporels avec le fait qu’ils sont souvent liés et donc difficilement
dissociables. Cela pose ensuite des problèmes pour l’activation puisque la définition d’un
actif prévoit que l’élément soit identifiable, c’estàdire séparable. De plus, les critères de
comptabilisation prévoient que l’entreprise doit pouvoir évaluer le coût avec une fiabilité
suffisante. Ce système permet à des clubs de se former un effectif professionnel à un coût
moins élevé que s’ils devaient recruter à l’extérieur. De plus former son propre personnel
permet de le fidéliser, de créer un esprit de club, une cohésion du groupe. Ainsi un club
comme Auxerre est présent en Ligue 1 depuis plus de vingtcinq ans grâce à cette politique.
La vente de certains joueursstars comme Ferreri ou Cantona permet en outre de financer le
centre ou de recruter quelques joueurs extérieurs en cas de besoin.
La deuxième politique consiste à « acheter » des joueurs. Il s’agit d’un recrutement externe.
Ce type d’action peut aussi être complémentaire du second. Il permet aussi de créer de
l’émulation et de la concurrence dans le groupe. L’attrait du changement, la venue de vedettes
attise la curiosité des spectateurs qui peuvent souscrire en plus grand nombre à des
abonnements. Le président du Real Madrid, F. Perez a été élu en 2000 en promettant
d’acheter une star tous les ans, ce qu’il a fait par la suite avec Figo, Zidane et Ronaldo. On
retrouve ici la matrice BCG. Un club possède des joueurs stars, des joueurs dilemmes (blessés
ou hors de forme mais talentueux), des joueurs vaches à lait (moyens et peu chers mais
relativement efficaces, motivés, équipiers modèles) et des joueurs poids mort (achetés chers,
non performants, vieillissants avec une durée de contrat longue).
Les clubs peuvent aussi se faire prêter un joueur. Il est intéressant de noter que si le joueur
reste la propriété du club durant le prêt, il ne génère plus vraiment de profit pour celuici
(excepté le montant éventuel du prêt et l’économie de charges). Cet actif peut même se
retourner contre son propriétaire car il permet à un rival de réussir au détriment de son
employeur. Il peut même jouer contre son ancien club et participer à sa défaite. La situation
est donc assez cocasse au vu de la définition d’un actif. En fait c’est le club accueillant qui a
un contrôle sur lui sur la durée du prêt et qui bénéficie des avantages. On peut donc dire qu’il
s’agit d’un actif pour ce nouveau club. Nous verrons néanmoins par la suite que
comptablement cela n’est pas le cas car il n’y a pas eu d’acquisition. Certains clubs ont des
raisonnements assez « pervers ». En effet, il achète un joueur de qualité et le prête à un club
6
« moyen » qui ne risque pas de le concurrencer. L’objectif est que le joueur par sa qualité
puisse faire de bons matchs contre les concurrents de son club d’origine et l’aide ainsi à
remporter des trophées. Dans les années 1992, Marseille acquiert un joueur argentin
Rodriguez. Elle le prête à Toulon, club moyen. En fin de saison, Marseille et Paris sont au
coude à coude pour le titre de champion de France. Toutefois Paris perd contre Toulon avec
un excellent match de Rodriguez, ce qui permet à Marseille de devenir champion de France. Il
s’agit bien d’un actif qui lui a généré des avantages économiques sans jamais jouer un seul
match de sa carrière pour Marseille puisqu’il sera revendu ensuite !
Une technique particulière peut être l’échange de joueurs. En 1991, Marseille avait échangé
trois joueurs contre un joueur du PSG. Dans ce cas, la valeur des joueurs est censée être la
même (un contre trois). On voit bien que cela est très subjectif. En effet, peuton valoriser
objectivement un joueur contre trois joueurs ? On retrouve la définition du PCG pour qui un
actif peut être acquis par voie d’échange. Toutefois, comment individualiser le coût de chaque
joueur séparément puisque le club a acheté les trois en même temps ? Le problème de
l’individualisation et de l’évaluation du coût remet en cause la notion d’actif.
Ces politiques de recrutement vont entraîner des incidences comptables différentes.
1.3.3 Le traitement comptable des transferts
Auparavant, les contrats ne pouvaient être activés. Des transferts de charges avec
amortissements étaient effectués sur la durée du contrat et des provisions pour dépréciation
créées en cas de blessure ou méforme du joueur. Ce système vient de changer. Les clubs
doivent, à partir de l’exercice 20042005 ou 20052006 selon leur choix, enregistrer les
indemnités d’acquisition des joueurs (méthode des coûts historiques) en immobilisations
incorporelles avec tests périodiques de dépréciation pour vérifier que la VNC reste inférieure
à la valeur d’usage. Cela paraît cohérent puisque les joueurs sont contrôlés par le système du
contrat à temps et sont susceptibles de générer des bénéfices futurs. Toutefois, cette option
peut être discutée puisque le joueur peut se blesser gravement et ne jamais jouer pour son
club. Dans ce cas l’investissement initial ne génère aucun profit futur, excepté un
dédommagement éventuel par les assurances (qui ont néanmoins un coût initial élevé). On
peut citer l’exemple du club de Metz dans les années 2000. Padovano avait signé son contrat
et s’était blessé très gravement au premier entraînement alors que le club n’avait pas
d’assurance pour ce jourlà. Le joueur a dû jouer à peine dix matchs en deux ans puis a arrêté
sa carrière. Peuton vraiment parler d’actif incorporel dans ce cas ? On voit bien le risque de
nonretour sur investissement. En juin 2006 Cissé s’est blessé pour cinq mois en jouant avec
l’équipe de France. Son club Liverpool est déçu car il devait être transféré sous peu.
D’ailleurs le club songe à se faire indemniser le manque à gagner par la FIFA car Cissé jouait
pour son équipe nationale. On voit bien que le club ne maîtrise pas, ne contrôle pas vraiment
son actif (le joueur) lorsqu’il joue pour son équipe nationale et cherche à ne pas en assumer
les risques. De même, les avantages économiques générés par un joueur jouant pour son pays
vont dans les caisses de sa fédération et non pas dans celles de son club. Ce n’est plus le club
qui bénéficie et maîtrise les avantages économiques. Peuton dans ce cas encore parler
d’actif ?
Certains joueurs signent pour un an dans leur club et leurs indemnités sont donc activées
suivant la législation actuelle. Cela pose néanmoins problème puisque cet actif n’est utilisé
qu’un an et ne procure donc des avantages qu’une année. Estce réellement un actif ?
7
On peut aussi citer le cas du joueur qui décide de ne plus jouer pour son club pour cause de
mésentente avec ses dirigeants, son entraîneur, ses coéquipiers, pour raisons personnelles, etc.
La législation prévoit une rupture abusive du contrat par le joueur et des indemnités à verser
mais qui ne couvrent bien souvent pas le prix du transfert. En juin 2005, Ziani, meneur de jeu,
poste très important, a signé à Ajaccio pour décider en septembre d’arrêter sa carrière par
manque d’envie de jouer. Le club a donc perdu son actif sans réel recours puisque le
recrutement d’un nouvel élément était trop onéreux. La notion d’élément protégé par un droit
légal propre aux actifs incorporels prête donc à confusion et peut remettre en cause
l’activation. Le club ne contrôle pas vraiment cet actif qui peut disparaître du jour au
lendemain. On voit bien en quoi les actifs incorporels sont très spécifiques et risqués.
Tous ces contreexemples montrent bien que la comptabilisation des joueurs de football à
l’actif n’est pas forcément si simple. Le bénéfice futur n’est pas toujours évident ainsi que le
contrôle effectif. D’un côté, on peut dire que le club ne peut pas deviner cela et doit réfléchir
au jour de l’achat du joueur. Or, ce jourlà, les chances de bénéfice ultérieur existent avec un
degré de certitude assez fort, d’où l’enregistrement à l’actif. D’un autre côté, on voit bien que
le degré de certitude attaché aux flux ultérieurs peut être sérieusement contesté au vu des cas
précédents. Cela peut remettre en cause l’activation mais ces cas sont plus des exceptions que
la norme.
Enfin, il est intéressant de noter qu’un club peut acquérir un joueur sans débourser
d’indemnité de transfert s’il est en fin de contrat comme nous l’avons déjà vu. Il peut s’agir
d’un excellent joueur que le club acquiert gratuitement. C’est le cas actuellement du meilleur
joueur allemand Ballack. Le club acheteur, Chelsea en l’occurrence, aura un excellent joueur
sans débourser d’argent. On constate tout de suite le problème. Comment valoriser dans nos
comptes cet investissement ? Quel est le coût d’entrée ? Le PCG prévoit une valorisation des
actifs acquis gratuitement à leur valeur vénale mais avec quel joueur le comparer pour
déterminer le prix ? Il s’agit d’un joueur unique ce qui pose donc problème. Comment
connaître vraiment le prix qu’aurait payé un autre club ? La valeur est un élément subjectif.
Pourtant si on reprend avec minutie les définitions prévues, on pourrait calculer la valeur
théorique de ce joueur en fonction du marché des transferts, de son poste, son âge et des
acquisitions de joueurs similaires même s’il est vrai que ce marché n’est pas toujours
rationnel. En outre, nous avons vu que les joueurs prêtés sont des actifs pour les clubs mais ils
ne sont pas comptabilisés comme tels car il n’y pas d’acquisition, pas de transfert.
Les nouvelles normes prévoient l’amortissement des indemnités sur la durée du contrat. Cette
disposition peut être discutée au niveau de la rémanence, c’estàdire la durée d’impact une
fois la dépense faite. En effet, il arrive qu’un joueur permette à son club de sa qualifier pour
une Coupe d’Europe puis quitte le club. L’année suivante, le club perçoit des revenus grâce
notamment aux joueurs de l’année précédente. L’amortissement sur la durée du contrat ne
permet donc pas de prendre en compte les revenus perçus grâce aux joueurs ayant quitté le
club. De même, il arrive que certains joueurs, surtout les stars, laissent une trace dans le club
une fois partis. En effet, leur expérience et leurs conseils sont profitables pour tout l’effectif
dans le futur. A Lyon, le président Aulas a coutume de dire que le passage d’Anderson de
1999 à 2003 au club a fait grandir son club et que l’ensemble des joueurs a bénéficié de son
talent. Pour lui, son empreinte est encore présente en 2006. On retrouve donc ici l’idée
13
d’Epingard (1999) d’amortir les actifs immatériels sur la durée d’impact. Toutefois, en
13
EPINGARD P. (1999), L'investissement immatériel, CNRS.
8
l’espèce, quelle durée choisir ? Combien de temps un club bénéficietil des avantages
procurés par l’achat d’un joueur ? En fait, un joueur peut ne procurer aucun avantage, en
procurer sur la durée du contrat voire beaucoup plus. La réponse n’est donc pas automatique.
Cette partie nous a permis de voir qu’un club, pour exister, doit se constituer un effectif, un
capitaljoueurs. Le club doit déjà évaluer ses besoins. Ces besoins prennent en compte l’âge,
le nombre de joueurs, la taille, la complémentarité, le talent, le poste à pourvoir,
l’environnement, etc. Une fois les besoins cernés, le club peut procéder à un recrutement
interne fondé sur la formation ou un recrutement externe fondé sur le transfert ou le prêt de
joueurs en provenance d’autres clubs.
Enfin, ces transferts ou formations entraînent des incidences comptables différentes. Les
nouvelles normes comptables permettent ainsi de passer les dépenses à l’actif incorporel en
lieu et place des charges à répartir. Nous avons vu que cette disposition se justifie par
l’existence d’un contrôle et par la possibilité d’avantages futurs. De plus, le joueur est
identifiable puisqu’il peut être acheté et vendu séparément et qu’il existe un droit légal par
l’intermédiaire du contrat. Au niveau des critères de comptabilisation d’un actif, c’est bien
l’entreprise (le club) qui bénéficiera des avantages économiques et les coûts peuvent être
évalués comme nous le verrons par la suite. Néanmoins, quelques questions ont été soulevées.
La valorisation par les coûts estelle pertinente ? Comment individualiser le coût de formation
d’un joueur ? Un joueur blessé, prêté, démotivé ou corrompu génèretil réellement des
profits ? Estce donc un actif ? La durée d’amortissement sur la durée du contrat estelle
pertinente ?
Le joueur de football est donc un actif incorporel qui nécessite le plus souvent un
investissement initial (l’indemnité de transfert). Néanmoins, une fois constitué, l’effectif
entraîne des charges et des recettes.
2. Les charges et les recettes générées par les joueurs de football
2.1 Les charges générées par les joueurs
En 20042005, les charges des clubs de football provenaient à 48 % des salaires, 14 % des
charges patronales. Il faut rajouter aussi les services extérieurs (14 %) comme les
commissions versées aux agents lors des transferts. On constate que depuis dix ans, la
rémunération des joueurs (charges sociales incluses) représente 60 % du total des charges,
avant imputation du coût des transferts. On constate toutefois que le montant des
rémunérations ne cesse d’augmenter tout comme le montant des charges alors que les recettes
augmentent moins vite. La masse salariale représente 63 % du chiffre d’affaires des clubs
français et 75 % en Italie. Il apparaît toutefois logique que les salaires représentent le premier
poste de charges dans une activité s’appuyant principalement sur le facteur humain. Ces
chiffres sont des moyennes qui varient selon les clubs. Ainsi, en 2004/2005, la masse salariale
de l’Olympique de Marseille représente 79 % du chiffre d’affaires, ce qui n’est pas tenable au
dire de son président Robert LouisDreyfus. Pour ce président, audelà de 55 %, un club perd
de l’argent.
Les rémunérations peuvent intégrer différentes variables. Elles comprennent un salaire fixe
(2/3 de la rémunération) mais aussi divers compléments (1/3 de la rémunération) qui peuvent
se présenter sous la forme de primes sous la forme d’avantages en nature.
9
D’autres formes de rémunération existent aussi avec les contrats d’image qui permettent en
outre parfois aux clubs de minorer les cotisations patronales. Ces contrats ne cessent de se
développer depuis que les joueurs de football sont devenus intéressants pour les publicitaires,
les entreprises. Ils concernent surtout les grands joueurs mais pas seulement. On va le
14
constater avec l’exemple de Boskovic au PSG . Ce joueur désirait lors de sa signature en
2003 un contrat de 50000€ bruts mensuels. Le PSG lui a proposé 25000€ et Nike lui versait
une rémunération supplémentaire de 250000€ annuels dans le cadre d’un droit d’image avec
obligation pour le joueur de porter ses chaussures. Pour se faire rembourser cette somme,
Nike adresse régulièrement des « amendes » au PSG supposées sanctionner les joueurs ne
respectant pas leur contrat d’exclusivité. Or ces amendes semblent correspondre exactement
aux contrats d’image des joueurs. On voit bien ici l’ « astuce » comptable qui permet
d’économiser les charges patronales afférentes au 250000€. Ceci est bien évidemment illégal
et fait l’objet d’une instruction en cours.
La constitution d’un effectif coûte cher aux clubs tant en terme de recrutement qu’en terme de
paiement de salaires. Néanmoins, les joueurs de football permettent aussi à leurs clubs
d’engranger des recettes (hors transferts). C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont considérés
comme des actifs, par leur capacité à générer des avantages économiques.
2.2 Les recettes générées par les joueurs au profit des clubs
Les recettes générées peuvent être des recettes provenant des compétitions mais elles peuvent
aussi provenir d’autres éléments comme la publicité.
2.2.1 Présentation
15
Comme le montre Minquet J.P.L. (2004 et 2005) ces recettes peuvent être de deux ordres :
les recettes sur matchs, c’estàdire les recettes liées à la compétition et au spectacle : la
billetterie ;
les recettes fatales, c’estàdire les recettes liées au fait que le sport est multiproduit : support
de communication, vecteur d’image et service public. Ces recettes se composent de
sponsoring, de droits de télévision, de subvention et des autres produits d’exploitation (ventes
de marchandises buvette, merchandising).
Les recettes totales, le chiffre d’affaires (CA), sont la somme des deux précédentes. Dans
l’ensemble des championnats européens, on constate que les recettes augmentent grâce à
l’augmentation des recettes fatales et notamment des droits TV. En France, pour la saison
20032004, la billetterie représente 18 % du CA contre 47 % pour les droits TV.
Nous allons maintenant analyser plus finement ces recettes en étudiant notamment comment
les joueurs de football permettent de faire varier cellesci.
2.2.2 Les recettes sur matchs
Il s’agit donc des recettes liées à la compétition. Pour voir évoluer les joueurs, les spectateurs
paient leur place dans le stade. Pour parvenir à remplir les stades et donc à augmenter les
14
DAVET G. et LHOMME F. (16 septembre 2005), « L’enquête du juge Van Ruymbeke sur les transferts du
PSG s’oriente vers l’équipementier Nike », Le Monde.
15
Op. cit.
10
recettes billetterie, les joueurs sont primordiaux. En effet, les spectateurs vont voir des matchs
lorsque l’équipe joue bien, lorsqu’elle est performante ou lorsqu’elle est composée de joueurs
reconnus et doués. Les clubs ont bien compris cela. En effet, lors de la campagne de
souscription des abonnements en juin et juillet de chaque année, il n’est pas rare que les
dirigeants annoncent l’arrivée imminente de telle ou telle star pour dynamiser les
abonnements…sans que ces joueurs ne viennent forcément dans le club. Les clubs cherchent
en effet à avoir un nombre d’abonnements très élevés car il s’agit d’une recette fixe
indépendante des résultats ultérieurs alors que l’achat de places est une recette variable et
dépendant des résultats de l’équipe. En 20002001, le PSG avait fait revenir Anelka au club
pour notamment envoyer un message fort aux supporters : achat d’une star qui plus est
d’origine parisienne.
Les recettes matchs prennent aussi la forme de primes reversées aux clubs par les Ligues et
les Fédérations. Elles dépendent de la place occupée par le club dans le championnat et des
résultats en coupes. Il s’agit ici encore de recettes totalement variables en fonction de la
performance des joueurs. On arrive donc à un système assez délicat où les clubs investissent
de l’argent dans l’achat de joueurs (transferts et salaires) en espérant ainsi avoir plus de
chances d’engranger des bénéfices importants. Toutefois, si les joueurs ne sont pas
performants, les recettes ne sont pas présentes et la majorité des charges fixes restent à payer.
Pour limiter ces risques, les clubs misent de plus en plus sur les recettes fatales.
2.2.3 Les recettes fatales
Il s’agit des recettes qui ne proviennent pas directement de la compétition. La part la plus
importante provient des droits TV. Nous présenterons ici le système français qui est assez
proche des autres systèmes européens. En France, La Ligue de Football Professionnel (LFP)
er
est propriétaire des droits du championnat de France en application de la loi du 1 août 2003
16
relative au sport . Elle lance un appel d’offre et le vend au plus offrant (en 2005, c’est Canal
+ et son bouquet satellite Canal Satellite qui ont eu l’exclusivité pour 600 millions d’euros par
an pendant trois ans). Ensuite, la LFP reverse ces sommes aux différents clubs concernés. Une
partie de ce reversement se fait en fonction de la notoriété du club et de son classement en fin
d’année. La notoriété se mesure aux résultats sportifs et à la capacité à attirer des spectateurs.
On retombe donc sur le schéma précédent où la performance des joueurs influence le montant
des recettes.
Le sponsoring est une autre forme de recettes fatales. Des entreprises paient pour pouvoir
apposer leur nom sur le maillot du club ou pour le fournir en équipements comme le fait Nike
avec le PSG et Adidas avec Marseille. L’attrait des entreprises et le montant de l’apport
dépendent bien évidemment de la notoriété du club et des performances des joueurs. Il existe
le plus souvent une partie fixe et une partie variable selon les résultats du club. On voit donc
que les résultats engendrés par les joueurs permettent au club d’obtenir des revenus. Nous
sommes donc bien dans une logique d’actif incorporel générant des revenus. Le
merchandising est aussi en plein essor.
Les joueurs de football permettent donc aux clubs d’avoir des recettes sur matchs mais aussi
des recettes fatales. On constate de plus en plus que c’est grâce aux joueurs stars et à leur
image que les clubs génèrent des profits même si ces joueurs coûtent chers.
16
LEBRUN B. (mai 2005), « Les droits d’exploitation audiovisuelle des sociétés sportives : un actif ? », RFC n°
377.
11
2.2.4 L’image des joueurs stars
A la suite des acteurs dans les années 1960, des mannequins dans les années 1980, les sportifs
sont devenus dans les années 19902000 les nouvelles icônes, les leaders d’opinion.
L’exploitation de l’image des joueurs stars représente donc pour les clubs professionnels de
football un axe stratégique majeur de développement, dans une optique de diversification des
ressources et de lissage de l’aléa sportif. Le Real Madrid est certainement le club qui pousse
cette logique le plus loin depuis l’arrivée à la présidence de F. Pérez à l’été 2000. Il suffit de
se pencher sur le cas de Zidane transféré de Turin à Madrid en 2001 pour environ 70M€. Le
contrat était signé pour quatre ans et depuis Zidane a resigné jusqu’en 2007 (il ne fera
néanmoins pas sa dernière année puisqu’il vient d’annoncer sa retraite sportive pour l’été
2006 après la Coupe du Monde en Allemagne). Le cabinet Estin and Co a publié une étude
montrant que cette somme à priori « folle » était tout fait rentabilisée sur la durée du contrat
initial. Cette étude peut être considérée comme une application de la comptabilité des
17
ressources humaines de Marquès E. (1974) et de la théorie du capital humain de Becker
18
G. . On cherche bien ici à mesurer le coût mais surtout la valeur de la ressource humaine
(Zidane) d’une entreprise (le Real de Madrid).
Une première estimation en 2002 (voir tableau 1) permet de voir que cette opération est
rentable sachant que les recettes sont appelées à augmenter.
Tableau 1 : L’effet Zidane (premier aperçu en 2002)
Coût annuel Montant Recette supplémentaire annuelle Montant
Transfert 19,65 Billetterie 6,9
Indemnité 17,33 Télévision 13,5
Commissions 0,80 Sponsors 2,3
Frais financiers 1,53 Marketing 14,6
Coût salarial 16,80
Prime d'assurance 0,20
Royalties 1,50
TOTAL 35,83 37,3
Source : BOURGEOIS F. (2006), d’après BERG J.et ROUSSEAU F. (2002) « Pourquoi Zidane vautil
financièrement plus de 69 millions d’euros ? », Estin § Co.
On constate que 40 % de l’ « effet Zidane » provient du marketing, de son image. On constate
aussi que le Real gagne de l’argent même sans revendre le joueur. D’ailleurs, après sa
carrière, le Real songe à garder Zidane comme ambassadeur. On peut aussi observer que ces
calculs de rentabilité de l’investissement subissent un fort aléa : sportif, physique et temporel.
On touche ici un point fondamental qui est celui de la valeur d’un actif incorporel, en
l’occurrence un joueur de football. Comment peuton mesurer cette valeur ?
La valeur d’un actif incorporel en comptabilité se mesure par son coût (méthode du coût
historique). Or, nous voyons bien ici que les dirigeants raisonnent non pas en terme de coûts
mais en terme de revenus. La méthode utilisée ici est la méthode des revenus futurs de Fisher
17
CAPRON M., (2000), « Comptabilité des ressources humaines », Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle et
Audit, Economica.
18
Op. cit.
12
19
I. avec la comparaison entre l’investissement initial et les bénéfices prévisionnels. L’horizon
temporel est la durée du contrat. On constate bien dans ce cas que le plus difficile est de
déterminer les bénéfices à venir. Si Zidane joue bien, le club décrochera plus de titres, plus de
contrats publicitaires, etc. que s’il est blessé ou non performant.
Cette politique permet ainsi au Real Madrid d’engranger des recettes fatales plus élevées que
les recettes d’exploitation qui sont la billetterie ou les droits TV. On voit à travers l’exemple
du Real et de Zidane, qui est certes le plus « abouti » dans le milieu du football mais pas
l’unique, que les joueurs de football sont bien des actifs incorporels au sens strict du terme
pour leur club. En effet, ils sont identifiables et contrôlés car le contrat protège le club
pendant sa durée comme cela est prévu pour les éléments incorporels. En outre, ils sont bien
porteurs d’avantages économiques futurs.
Cette partie sur les charges et les recettes nous a permis de mieux appréhender le coût et
l’avantage économique procurés par cet actif incorporel particulier qu’est le joueur de
football. Les coûts générés sont de deux ordres : indemnités de transfert lors du recrutement
puis charges salariales (salaires, cotisations, avantages divers) au cours de la durée du contrat.
Les recettes peuvent être liées à la compétition (gains de titres) ou résulter de la publicité, du
merchandising, on parle de recettes fatales. Ce travail nous montre bien que le joueur de
football peut être considéré comme un actif. Le tableau suivant va nous permettre de
synthétiser notre travail en mettant en correspondance les critères de définition et de
comptabilisation d’un actif avec le cas des joueurs de football.
Nous venons d’étudier les joueurs de football en nous situant du côté des clubs de football.
Intéressonsnous dorénavant aux joueurs de football euxmêmes et à leur conditions d’emploi.
Tableau 2 : Correspondance actif/joueur de football (Source : Bourgeois F. 2006)
Joueur de football
Critères Actif
Accord Désaccord
Elément identifiable, Existence d’un droit légal (le Formation non
séparable contrat) individualisable
Possibilité de le vendre et de Rupture
l’acheter séparément Echange (plusieurs)
Elément contrôlé Contrat à temps Prêt, rupture
Définition
Elément porteur Recettes sur matchs Blessure, méforme, corruption,
d’avantages Recettes fatales prêt, fin de contrat, perte
économiques futurs Indemnités de transfert (vente) comptable, rupture
DI
Primes d’assurances
Bénéfice des avantages Contrat avantages Blessure, méforme, corruption,
économiques futurs prêt, fin de contrat, rupture
Evaluation du coût Indemnités de transfert (achat) : Echange
Comptabilisation
avec fiabilité actif Les salaires varient en fonction
Charges salariales : charges des résultats
Assurances
19
Op. cit.
13
3. Les conditions d’emploi des joueurs de football
Le marché des joueurs de football est très difficile pour les joueurs : concurrence, chômage,
courte carrière, etc. Cette particularité peut ainsi s’appréhender à l’aune de différentes théories
économiques : la théorie de la segmentation, la théorie du capital humain et la théorie
marxiste.
3.1 Une approche du fonctionnement du marché des joueurs de football par la théorie de
la segmentation
20
Bourg J.F. et Gouguet J.J. (2001) font coïncider la théorie de la segmentation de Piore M. et
Doeringer P. (1971) avec le marché des joueurs de football.
Tout d’abord on constate que ce marché peut être découpé en marché interne et marché
externe. On peut dire que les footballeurs présents depuis environ trois ans dans un même
club constituent un indicateur du marché interne. Cette politique revêt plusieurs avantages :
cohésion du groupe, amortissement du coût de formation, du coût des transferts, réduction du
coût de recrutement. En effet, le football est un sport collectif qui nécessite que les joueurs se
connaissent pour créer des automatismes entre eux. Il s’agit surtout des clubs formateurs
comme Auxerre ou d’un club comme Lyon qui souhaite conserver ses meilleurs joueurs pour
continuer à jouer les premiers rôles. A l’inverse, certains clubs recourent beaucoup au marché
externe comme le Matra Racing dans les années 1980, le PSG ou Marseille aujourd’hui. Cela
permet de faire venir les joueurs confirmés et talentueux, de faire parler du club, d’attirer la
curiosité des supporters, de priver les autres clubs de leurs meilleurs joueurs mais cela nuit
aux résultats du fait de l’instabilité permanente de l’équipe comme le montrent les résultats de
ces clubs. Ces clubs recherchent toujours la « perle rare » pour obtenir très vite des résultats et
remettent tout en cause au moindre mauvais résultat en recourant encore plus au marché
externe. On retrouve ici la théorie de la comptabilité des ressources humaines de Marquès E.
21
(1974) . En regardant trop les résultats à court terme, les dirigeants de club créent un climat
pesant sur les entraîneurs et les joueurs qui nuit aux résultats à long terme. En effet, le
changement incessant d’entraîneurs ou de joueurs est rarement bénéfique pour le club.
Certains clubs acceptent, sans rien changer, d’avoir de mauvais résultats un certain temps car
ils attendent que la cohésion du groupe s’opère. D’autres sont plus impatients et chamboulent
tout.
On peut aussi découper ce marché en marché primaire et marché secondaire. Le marché
primaire regroupe les joueurs qui appartiennent à un club assez performant économiquement
(budget supérieur à 45 millions d’euros) et sportivement (titres nationaux et participations aux
coupes européennes). On peut citer des clubs comme Lyon, Barcelone ou Milan AC. Ces
joueurs ont un salaire faisant partie de la tranche haute de la profession (plus de 1,2 millions
d’euros brut annuellement). Ils ne sont pas novices dans le métier (plus de cinq ans
d’ancienneté), ce qui leur permet de monnayer leur talent, d’avoir une certaine image de
marque et un statut de vedette. De plus, ils occupent souvent un poste valorisant (attaquant,
buteur). Leur mobilité est donc voulue et devient une promotion. La plupart des joueurs
étrangers dans un championnat ont ce statut. On peut considérer que le championnat français
20
BOURG J.F. et GOUGUET J.J. (2001), Economie du sport, La Découverte.
21
Op. cit.
14
recèle d’une quarantaine de ces footballeurs en Ligue 1. Eu égard à la rareté de l’offre,
l’ajustement se fait par le prix. Les joueurs se caractérisent par de la créativité, l’esprit
d’initiative. Dans la matrice BCG, ces joueurs sont des produits stars.
Le marché secondaire regroupe plutôt les jeunes joueurs, les remplaçants, les joueurs
défensifs, les « équipiers modèles » anonymes. Ces joueurs sont substituables, homogènes. Ils
sont environ 350 en France. La variable d’ajustement est ici la quantité, ce qui fait baisser les
salaires et précarise les situations (durée de carrière, chômage de déqualification). Les joueurs
sont enfermés dans des tâches routinières et sont soumis à la hiérarchie. Le club n’attend pas
d’eux qu’ils fassent la différence sur le terrain mais qu’ils servent du mieux possible les
meilleurs joueurs. Cet espace ressemble au marché « classique » dans la mesure où la
confrontation de l’offre et de la demande régule son fonctionnement. Les perspectives de
carrière sont faibles et la durée de carrière assez courte. On peut considérer qu’il existe aussi
un marché intermédiaire entre le marché primaire et secondaire constitué de bons joueurs de
clubs, assez anciens et expérimentés.
A cette approche institutionnaliste du marché des joueurs de football peut être confrontée une
approche néoclassique : la théorie du capital humain.
3.2 Une approche du fonctionnement du marché des joueurs de football par la théorie
du capital humain
22
Bourg J.F. (1989) montre, en s’appuyant sur les travaux de Fouques P. (1978), que les
conditions de formation des prix sur le marché des joueurs de football peuvent s’étudier sous
l’angle de la théorie du capital humain de Becker G. (1964). Ainsi, les joueurs de football font
souvent de gros sacrifices pour devenir professionnel. Ils partent dès l’adolescence de leur
famille pour intégrer un centre de formation. Ils sortent peu, font attention à leur alimentation,
ne pratiquent pas de sport extrême, etc. En outre, il n’est pas rare que certains jeunes joueurs
refusent de partir trop tôt du club qui les forme pour rejoindre un grand club. Souvent, le
joueur préfère parfaire sa formation technique, tactique, physique et mentale encore deux ou
trois ans pour pouvoir ensuite être encore meilleur et donc mieux rémunéré pendant ses dix ou
quinze ans de carrière. Toutefois cette théorie ne se vérifie pas toujours dans les faits.
L’exemple du jeune Jérémy Alladière est frappant. Ce joueur, présenté comme une future
grande star, a quitté SaintEtienne pour Arsenal dans les années 2000 à l’âge de quinze ans. Si
Arsenal est un grand club de compétition, il n’est pas réputé pour se formation pour les jeunes
à l’inverse des clubs français qui sont reconnus comme les meilleurs formateurs européens.
Ce jeune a donc stagné pendant cinq ans sans jamais jouer au haut niveau et avec une
formation moins bonne. Il a donc régressé, perdu confiance et est tombé dans l’anonymat
depuis. On voit ici que le joueur est perdant mais le club formateur aussi puisqu’un joueur de
quinze ans ne peut être vendu aussi cher qu’un joueur entièrement formé. A l’inverse, Zidane
a préféré continuer sa formation à Cannes jusqu’à l’âge de vingt ans avant de partir à
Bordeaux puis à l’étranger confortant ainsi la théorie du capital humain. Dans ce cas de
figure, les deux parties se retrouvent gagnantes. Le joueur, formé, peut monnayer son talent et
le club vendeur peut tirer une substantielle somme d’un joueur au potentiel important. La
recette permet de rembourser la formation du joueur, des autres joueurs formés qui ne sont
22
BOURG J.F. (1989), « Le marché du travail sportif », Economie politique du sport, Dalloz, sous la direction
de ANDREFF W, p 145169.
15
pas devenus professionnels et de financer la formation des futurs apprentis. Comme on l’a vu
précédemment, le club d’Auxerre est le club qui utilise le mieux cette technique. La vente des
Ferreri et Cantona a permis la formation des Cissé, Mexès et autres Kapo (tous
internationaux).
Il arrive aussi qu’un joueur souhaitant être transféré dans un autre club prétexte une blessure
pour ne pas jouer les derniers matchs de la saison et ne pas se blesser réellement. Cette
blessure ferait alors reculer le club acheteur. De même, le club vendeur peut aussi décider de
dispenser son joueur de matchs pour préserver sa valeur marchande. Ce fut le cas de Cabanas
en 1990 qui fut transféré de Brest à Lyon et ne joua pas les derniers matchs pour préserver son
intégrité physique et donc la valeur de son capital humain.
Les joueurs internationaux ou jouant dans des grands clubs ont plus de valeur que les autres et
sont mieux rémunérés. Les joueurs, les agents et les clubs font souvent pression sur le
sélectionneur national pour que celuici sélectionne le joueur, ce qui fait grimper sa valeur. Le
club de Marseille est ainsi heureux que Ribéry soit sélectionné pour la Coupe du Monde car
sa valeur marchande augmente (surtout s’il joue et est performant en Allemagne).
Le joueur peut donc se constituer un capital humain grâce à sa formation initiale mais aussi au
cours de sa carrière. On peut parler de formation continue. Le fait d’avoir une hygiène de vie
irréprochable permet de jouer plus longtemps et donc de gagner sa vie plus longtemps.
Maldini joue encore dans l’un des meilleurs clubs du monde, le Milan AC, alors qu’il est né
en 1969. Certains joueurs ne prennent pas de vacances pour faire des séjours de remise en
forme. Le fait de côtoyer de grands joueurs, de grands entraîneurs augmente votre capital
humain. D’autres joueurs se perfectionnent grâce à des entraînements supplémentaires et
étudient leurs adversaires grâce à la vidéo. Les possibilités de progresser au cours de la
carrière ne manquent pas. L’objectif est toujours le même : être meilleur, avoir plus de valeur
et donc un plus fort capital humain.
Le marché des joueurs de football est donc ici appréhendé selon une approche néoclassique
de type concurrentiel. Une approche plus conflictuelle peut être étudiée à travers la théorie
marxiste.
3.3 Une approche du fonctionnement du marché des joueurs de football par la théorie
marxiste
23
Reprenant les travaux du sociologue Brohm J.M. (1978), Bourg J.F. (1989) appréhende la
détermination des revenus du marché des joueurs de football par une dynamique de rapport de
forces de type marxiste. Une analogie peut ainsi être faite entre les structures du football
professionnel et celles du processus de production capitaliste. Le marché du football est ainsi
bipolaire. D’un côté, on retrouve les apporteurs de capitaux (les dirigeants), de l’autre, les
apporteurs de performances (les athlètes). Pour Brohm J.M., la sphère capitaliste a intégré la
sphère sportive dans sa logique : principes de rendement, de productivité, de concurrence, de
spéculation, etc. Chaque sportif est soumis aux lois du système capitaliste. Cette vision des
choses est certes justifiée mais doit être nuancée. En effet, il n’est pas rare que les joueurs de
football se plaignent d’être traités comme des « esclaves » ou « du bétail ». Les dirigeants
négocient leur transfert dans leur dos avec le club le plus offrant et les obligent ensuite à
23
Op. cit.
16
signer en les menaçant de ne plus les faire jouer (et donc de perdre toute leur valeur
marchande) s’ils refusent. Cette situation existe mais on peut aussi voir le problème de l’autre
côté. Les joueurs (surtout les stars) peuvent imposer leur désir aux clubs et inverser le rapport
de force. Il arrive ainsi que certains joueurs prétendent (à tort ou à raison) avoir une offre d’un
club concurrent. Ils demandent donc une augmentation à leur club et sont moins performants
ensuite en cas de refus. Ils peuvent même refuser de s’entraîner ou prétexter une blessure. On
voit bien la différence entre un actif corporel ou incorporel. Une machine ne peut pas refuser
de jouer ou faire exprès de mal jouer. Le facteur psychologique rentre en compte pour les
actifs incorporels, ce qui les rend plus risqués et très spécifiques comme nous l’avons déjà
signalé. Après une période de « bras de fer », les dirigeants du club cèdent pratiquement
toujours pour ne pas voir la cote du joueur baisser ou pour assainir l’ambiance du collectif. En
effet, si un désaccord persiste, le litige finit devant les tribunaux qui peuvent rompre le contrat
du joueur et le condamner à verser des dommages intérêts à son ancien club, qui sont souvent
moins élevés que l’indemnité de transfert. En outre, le joueur libre de contrat peut ainsi
s’engager gratuitement avec un autre club acheteur. On voit bien que le club vendeur serait
perdant. Le rapport de forces évolue donc au gré des circonstances. Deux exemples nous
permettent d’illustrer notre propos. En 2004, Lizarazu, joueur international français de 35 ans,
refuse de resigner au Bayern car ses prétentions salariales sont trop élevées par rapport à ce
que lui propose le club. Il part donc à Marseille. Au bout de six mois, mécontent de son temps
de jeu, il décide de quitter ce club. Le Bayern le reprend mais aux conditions salariales du
club. On voit bien ici que le joueur est demandeur puisque souhaitant quitter son club et ne
disposant pas d’autres offres. Il est donc obliger d’accepter l’offre de l’employeur. A
l’inverse, la révélation du dernier championnat français Gourcuff, 19 ans, a refusé la
prolongation de contrat de son club. Il est donc lié à Rennes jusqu’en 2007. Son club est donc
piégé car soit il le garde encore un an pour n’engranger aucune indemnité soit il est contraint
de le vendre immédiatement. Cette attitude provient surtout des joueurs sûrs de leur fait (les
très bons joueurs, ceux du marché primaire).
Cette dernière partie nous a permis, cette foisci, de nous positionner par rapport aux joueurs
de football et d’étudier leurs conditions de travail par le prisme de certaines théories
économiques. La théorie de la segmentation nous apprend que le marché des joueurs de
football est dual avec un marché interne constitué des joueurs déjà présents dans le club et
d’un marché externe constitué des joueurs extérieurs au club qui peuvent être recrutés par
celuici. On peut aussi parler de marché primaire regroupant les joueurs stars et de marché
secondaire regroupant les joueurs plus « modestes ».
La théorie du capital humain nous montre que les joueurs s’investissent dans leur formation
pour mieux se monnayer par la suite sur le marché des joueurs de football. Ce capital humain
peut se former au cours de l’adolescence (formation initiale) mais aussi tout au long de la
carrière professionnelle (formation continue).
Enfin la théorie marxiste nous rappelle que le marché des joueurs est un marché salarial
comme un autre avec un rapport de forces évident entre le club et le joueur. Les joueurs stars
(souvent uniques) peuvent plus imposer leur vue que les joueurs plus modestes
(interchangeables).
17
CONCLUSION
Ce travail de recherche nous a permis de mieux approfondir le concept d’actif immatériel et
de le mettre en perspective avec le cas des joueurs de football. Un actif est un élément
contrôlé porteur d’avantages économiques futurs pour l’entité.
Les actifs incorporels, pour leur part, souffrent d’un manque de définition précise et claire. On
sait toutefois qu’ils recouvrent les dépenses en logiciels, en R § D et l’investissement
commercial, organisationnel ou humain. De plus, leur activation pose problème au regard de
l’appropriation, de l’individualisation, de la délimitation du coût et des revenus ou de la durée
d’impact des projets. Cet investissement humain, cœur de notre sujet, peut porter sur des
dépenses en formation ou sur l’embauche de personnel hautement qualifié et très spécifique.
Si on se positionne au niveau des joueurs de football, ces éléments peuvent parfaitement être
repris. Un club peut former des joueurs de football ou en recruter. Les joueurs sont la base de
la production de ces clubs : le spectacle. Par le système du contrat à temps, le joueur (ou
plutôt sa prestation, sa force de travail ou son image) « appartient » à son club même si cette
notion est toujours délicate à considérer quand il s’agit d’être humain. Par leur travail ou par
leur image, ils vont générer des recettes et être à l’origine de coûts. On peut donc assimiler le
joueur de football à un actif incorporel puisque tous les éléments de définition y sont : le
contrôle, le coût, le revenu, l’absence de substance physique, la formation, le contrat, etc.
Néanmoins, des éléments remettent en cause cette idée. Nous avons cité la blessure, le prêt, la
corruption ou la mauvaise volonté du joueur pour montrer que le contrôle ou les avantages
futurs ne sont pas toujours présents.
En définitive, le joueur semble pouvoir être assimilé à un actif incorporel et donc activable.
Toutefois, nous avons vu que cela pose beaucoup plus de questions que l’achat d’une simple
machine. On retrouve ici les problématiques propres aux investissements immatériels.
Nous nous sommes concentrés durant notre travail sur la relation entre le joueur de football et
son club. Ce sujet est très large. Par choix, nous n’avons pas traité tous les cas possibles mais
d’autres questions sont en suspens. Ainsi les blessures des joueurs durant les matchs
internationaux posent problème. Qui doit régler les frais engendrés par la blessure : le club ou
la fédération ? En effet, le joueur appartient à son club mais il jouait pour son sa fédération,
son pays. La fédération doitelle indemniser le club durant l’indisponibilité du joueur ? Pour
l’instant il n’en est rien.
En cas de blessure d’un joueur par un adversaire, qui doit payer le joueur durant son
indisponibilité ? La caisse d’assurance maladie, le joueur fautif, le club adverse ou le club
propriétaire ? Actuellement, cela fait débat et des procès voient le jour.
Les procès actuels montrent que beaucoup d’argent est détourné pour des raisons fiscales
notamment. Ne faudraitil pas alléger les charges sociales et fiscales pesant sur les joueurs et
les clubs pour aligner la France sur ses voisins européens ?
Enfin la mondialisation du football et son importance économique croissante irontelles
jusqu’à la cotation en bourse des clubs ? Cette cotation varierait ainsi en fonction du
recrutement, des résultats, des blessures, des changements d’entraîneurs, de présidents. La
performance des acteurs principaux, en l’occurrence les joueurs de football, serait donc
primordiale.
18
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