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L A L E T T R E D ’ I N F O R M AT I O N D E F I N H A R M O N Y

Numéro 8 ■ 1er trimestre 2007

S O M M A I R E

Les étonnements
La formule de Black and
La juste valeur, Scholes : très utilisée...
mais très critiquée aussi !
quel débat ! P. 2

Focus
Définition de la juste valeur :
vers un alignement des IFRS
sur les US GAAP ?
La juste valeur est sans doute à l’origine des débats les plus P. 3

passionnés en matière de normes comptables. Pourtant,


les positions finalement binaires (pour ou contre) ne doivent Le mythe de la
pas occulter d’autres réflexions indispensables pour que “full fair value”
P. 4

le débat se tienne sur des bases saines.


Par exemple, si le recours à la juste valeur augmente,
les modèles de valorisation prennent une importance accrue.
Mais sont-ils à la hauteur des attentes des utilisateurs
de l’information financière ?
F INHARMONY
ACTU
Autre question : la définition de la juste valeur est-elle finalisée ?
Les cinq sociétés françaises
Un nouveau Discussion Paper, émis par l’IASB en novembre les plus admirées dans le
2006, laisse présager des modifications conceptuelles monde* ont quelque chose
intéressantes, qui augmentent la convergence avec les normes en commun : FinHarmony
américaines. Pourront-elles assainir le débat ?
L’Oréal, Areva, Carrefour,
Enfin, la juste valeur peut-elle s’appliquer à tous les postes
d’actif et de passif ? De nombreuses personnes le redoutent et
Total et Suez, classées par
pensent qu’une telle évolution est inéluctable, car les normes le magazine Fortune
comptables anglo-saxonnes donneraient une prééminence comme les cinq sociétés
au bilan sur le compte de résultat. Mais est-ce vraiment le cas ? françaises les plus admirées
Ce numéro de notre newsletter aborde un sujet assez dans le monde, ont toutes
conceptuel, mais qui, nous l’espérons, permettra d’alimenter fait appel aux services
votre réflexion sur ce thème fondamental. de FinHarmony.

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Bonne lecture ! françaises les plus admirées
dans le monde :
www.finharmony.net
Christophe Marion
* Source : classement Fortune Mars 2006
Fondateur de FinHarmony "The World's Most Admired Companies"

www.finharmony.net
L A L E T T R E D ’ I N F O R M AT I O N D E F I N H A R M O N Y - LA LETTRE D’INFORMA

? Les étonnements
Par Béatrice Guillet
Consultante
Par Andréane Favre
La formule de Black and Consultante

Scholes (B&S) règne en


maître sur la valorisation
des stock options.
Pourtant, le modèle sous-jacent est l’objet
de critiques de plus en plus pressantes. Définition de la juste
D’abord, on a dit que B&S surévalue systématiquement valeur : vers un
la charge à comptabiliser. En effet, la formule a été
élaborée pour les marchés financiers, où les options
alignement des IFRS
sont négociables à tout instant. Or, les options attribuées sur les US GAAP ?
aux salariés sont bloquées (en général 4 à 5 ans). N’est-il
pas logique qu’un produit financier non négociable
La juste valeur n’en finit pas d’agacer et/ou
vaille moins que le même, négociable à tout instant ?
de faire peur. Pourtant, comment la définir
Ensuite, la volatilité est l’un des paramètres-clés de la exactement ? On pouvait croire que la
formule. Or, si la notion de volatilité est simple à définition en IFRS était assez claire, mais à la
comprendre, la mesure en est réellement complexe. réflexion elle nécessite quelques retouches.
En effet, on peut observer la volatilité historique d’un C’est l’objet d’un Discussion Paper émis
titre coté, mais la volatilité passée est-elle la meilleure par l’IASB en novembre 2006.
mesure de la volatilité à venir ? Par exemple, la volatilité
mesurée sur les cinq dernières années contient l’effet de L’application de la juste valeur en comptabilité fait l’objet
l’éclatement de la bulle internet. De nombreux experts d’âpres débats. Au fond, il s’agit de répondre à la
« retraitent » donc la volatilité pour les besoins des question : « à quoi sert la comptabilité ? ». Si l’objectif
calculs. De plus, la volatilité mesurée n’est pas la même de la comptabilité était de donner la valeur des actifs et
selon l’horizon de temps retenu : volatilité quotidienne, passifs à un moment donné, alors l’emploi de la juste
mensuelle ou annuelle ? Là aussi l’évaluateur peut ajuster valeur serait justifié. Il faudrait même évaluer la totalité
le modèle. Comment être sûr alors que les ajustements des actifs et des passifs à la juste valeur (« full fair value »).
Mais la comptabilité ne sert pas à cela. Elle exclut même
du modèle ne servent pas à piloter le résultat ?
explicitement une telle technique d’évaluation des actifs
Enfin, de façon plus fondamentale, c’est la théorie sous- et passifs, sauf en cas de liquidation de l’entreprise. En
jacente qui est battue en brèche. Toute la puissance de réalité, la comptabilité a plutôt vocation à traduire le
la formule B&S repose sur la simplicité du modèle : la loi résultat des opérations réalisées par l’entreprise. Dans
normale (courbe de Gauss). Si les fluctuations des marchés ces conditions, le recours à la juste valeur ne peut être
financiers suivent une loi normale, alors la formule est que marginal, comme le préconisent actuellement les
juste. Mais de nombreux événements, comme la faillite IFRS et les US GAAP (voir ci-après l’article : Le mythe de
du hedge fund LTCM, dont les fondateurs étaient aussi les la « full fair value »). D’ailleurs, le Discussion Paper ne
inventeurs de la formule, ont prouvé que les variations porte pas sur l’étendue de l’application de la juste valeur.
des marchés financiers ne sont pas « normales », mais
chaotiques. Le hasard des marchés financiers n’est pas
Malgré ce recours limité à la juste valeur, nombreux sont
les observateurs qui considèrent que la juste valeur est le
« doux », mais « sauvage », comme le dit Benoît
plus important changement apporté par les IFRS.
Mandelbrodt.
Paradoxalement, cette notion n’est pas définie dans le
Ainsi, les critiques fusent, B&S passe… cadre conceptuel. Ce dernier, dans sa partie qui traite de
l’évaluation des éléments des états financiers, donne

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TION DE FINHARMONY - L A L E T T R E D ’ I N F O R M AT I O N D E F I N H A R M O N Y

pas toujours ce que les normes recommandent : selon


IFRS 3 ou IAS 37 par exemple, lorsque l’on cherche à
évaluer un passif, on se base sur le prix qu’il faudrait
payer pour transférer ce passif et non pas pour l’éteindre.
Or, ces deux montants ne sont pas forcément identiques.
Le récent Discussion Paper de l’IASB propose donc que
la définition de la juste valeur soit modifiée pour ne plus
faire référence à l’extinction d’un passif, mais à son
transfert.

De façon symétrique, pour un actif, qu’est-ce que la


juste valeur ? Le projet propose que l’on considère qu’il
s’agit plutôt de la valeur de sortie. Dans ce cas, les éven-
tuels coûts de sortie devraient entrer en ligne de compte.
Là aussi des précisions conceptuelles s’imposent. En
quelques exemples de conventions d’évaluation (para- effet, dans les coûts de sortie, il convient de distinguer
graphe 100). Il cite le coût historique, le coût actuel, la ceux qui sont liés à l’actif et ceux qui sont liés à la
valeur de réalisation et la valeur actualisée, sans citer transaction. Par exemple, la somme que l’on peut retirer
directement la juste valeur. Elle n’a donc pas l’importan- d’une tonne de cuivre dépend du cours du cuivre, mais
ce conceptuelle qui lui est souvent donnée. La juste aussi de sa localisation et de la façon dont elle va être
valeur est utilisée dans plusieurs normes, en particulier vendue. Elle ne vaut pas autant sur le site d’extraction au
dans IAS 39 qui traite des instruments financiers. Elle est Chili que sur un marché aux métaux (frais de transport),
définie de la façon suivante : « montant pour lequel un et l’entreprise n’en retirera pas le même montant selon
actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre des qu’elle vend la tonne en une seule transaction ou
parties bien informées, consentantes, et agissant dans plusieurs.
des conditions de concurrence normale ». Selon le Discussion Paper, les coûts liés à l’actif (frais de
transport) devraient être pris en compte dans le calcul de
En présence d’actifs ou de passifs cotés sur un marché la juste valeur, mais pas ceux qui sont liés à la transac-
actif, cette définition est facile à mettre en œuvre. En tion (commission de courtage), du moins tant que
revanche, lorsqu’il s’agit d’appliquer le concept à des l’entreprise n’est pas engagée dans un type de transaction.
actifs ou passifs non cotés sur un marché actif, les diffi-
cultés pratiques deviennent très importantes. Un marché Ce ne sont que deux des modifications proposées dans
actif se définit en IFRS par trois critères. D’abord, les le Discussion Paper. Elles correspondent à des précisions
biens échangés doivent être homogènes. C’est le cas des déjà présentes dans les US GAAP. Si elles étaient adop-
actions, par exemple, puisque, parmi les actions d’une tées, les deux référentiels US et IFRS se rapprocheraient
entreprise, une action en vaut une autre. Mais cela ne encore davantage.
peut pas être le cas d’un brevet ou d’une marque,
qui sont par nature spécifiques. Ensuite, on doit pouvoir
trouver à tout instant un acheteur et un vendeur sus-
ceptibles de réaliser une transaction. Enfin, le prix des
transactions doit être public. En pratique, il n’y a donc
pas beaucoup de marchés actifs. En l’absence d’un tel
marché, il convient de réaliser des estimations, dont la
fiabilité peut parfois remettre en cause l’intérêt même de
la démarche. Les difficultés pratiques sont donc nom-
breuses et réelles.

Mais sur le plan conceptuel aussi, la notion nécessite


qu’on y apporte quelques précisions. Par exemple, pour
un passif, la définition actuelle de la juste valeur en IFRS
fait référence au coût de son extinction. En fait, ce n’est

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L A L E T T R E D ’ I N F O R M AT I O N D E F I N H A R M O N Y

C A T A L O G U E
F O R M A T I O N S

Le mythe de
la « full fair value » ■ Le 05/03/2007
Par Claire Abdou
« Juste valeur » et IFRS : savoir
Consultante
réaliser les calculs financiers

« La juste valeur est cohérente avec une vision anglo-saxonne de la comp- ■ Les 08-09/03/2007
tabilité qui donne la prééminence au bilan par rapport au compte de Finance pour non financiers
résultat ». Cette affirmation est souvent entendue dans les réflexions sur
l’évolution actuelle de la comptabilité. Si l’on admet cette affirmation comme ■ Les 12-13-14/03/2007
vraie, alors il est logique de prévoir que la juste valeur prenne une place Techniques de consolidation –
toujours plus importante à l’avenir, et même que la juste valeur s’applique un
Les bases
jour à tous les postes du bilan, qui deviendrait alors « parfait ».
■ Le 16/03/2007
Pourtant l’affirmation de départ est erronée, car elle provient d’un malentendu
que l’on peut résumer ainsi : les normes américaines donnent explicitement la Calcul et comptabilité des
préférence à la vision actif/passif (« asset/liability view ») par rapport à la vision impôts différés
charge/produit. Implicitement, les IFRS font de même. Cette préférence donnerait
la prééminence au bilan. ■ Les 22-23/03/2007
En fait, ce n’est pas exact. En effet, lorsqu’il s’agit de définir les éléments de Lire et comprendre les
base (« building blocks ») de la comptabilité, deux visions sont possibles. D’un comptes consolidés
côté la vision actif/passif détermine que les éléments de base sont les actifs, les (l’analyse financière en IFRS)
passifs et les capitaux propres (définis comme la différence entre les actifs et
les passifs). Cette vision amène à définir les charges et les produits comme des ■ Le 05/04/2007
variations des actifs et des passifs. L’autre vision soutient que les éléments de Mettre en œuvre un test de
départ sont les charges et les produits. Dans ce cas, le bilan est la résultante
dépréciation des actifs
des charges et des produits, mais aussi de tous les ajustements qu’il est néces-
saire d’enregistrer pour les revenus et les charges en cours de constatation.

Naturellement les deux visions reviennent au même sur le plan économique. ... retrouvez toutes nos formations
Mais sur le plan des définitions, il est beaucoup plus facile de définir les actifs sur le site www.finharmony.net
et les passifs que les charges et les produits. C’est pourquoi, les normalisateurs
Contact :
US et IFRS ont préféré partir de ce qui est simple pour bâtir ensuite les concepts
formation@finharmony.net
plus complexes. Cet ordre de définition est purement pratique pour les besoins
de la normalisation et n’instaure pas une quelconque hiérarchie entre le bilan
et le compte de résultat.

Alors, si le postulat de départ


est erroné, qu’en est-il du
mythe de la « full fair 13 rue du Quatre Septembre - 75002 PARIS
value » ? Probablement un Tél +33 (0)1 53 17 39 00
bel épouvantail, qui détourne Fax +33 (0)1 53 17 39 01
l’attention des vrais problè-
mes et de la vraie réflexion,
www.finharmony.net
pourtant si nécessaire, dans
le domaine des normes
Directeur de la publication : Christophe Marion
comptables.
Rédacteur en chef : Florence Ripert
Edition : FinHarmony
Rédacteurs : Claire Abdou, Andréane Favre, Béatrice Guillet
et Christophe Marion.

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