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Diagrammes potentiel-pH (E-pH) : Diagramme de Pourbaix

Le diagramme potentiel-pH d’un élément permet de préciser, dans le plan (pH,E) les
domaines de prédominance des différentes formes dissoutes, ou les domaines d’existence des
différentes formes condensées correspondant aux différents états d’oxydation de l’élément
considéré, et, pour un degré d’oxydation donné, aux différentes formes acido-basiques,
complexées ou précipitées éventuellement présentes. La superposition de diagrammes relatifs
à plusieurs éléments permet, par une méthode graphique simple de prévoir les réactions mises
en jeu et leur sens d’évolution pour des concentrations initiales fixées des différents produits.

I- Rappels
Soit le couple rédox (Ox/Red), mettant en jeu « n » électrons au cours de la demi-réaction
de réduction selon :

 Ox  ne  mH   Re d   H 2O
Le potentiel d’oxydo-réduction de ce couple dépend de sa nature, mais aussi des conditions de
température, de pression et de concentration ; la formule de Nerst précise cette dépendance :

RT Ox  .  H 
  m

EOx /Re d  E  ln
 Re d  .a

n.F
H 2O

 E° : potentiel standard du couple à la température T (c’est la valeur de E quand toutes les activités valent 1)
 R : cst des gaz parfaits R=8,314 J.K-1.mol-1.
 F : constante de Faraday : valeur absolue de la charge d’une mole d’électrons : F = NA.e = 96485C.mol-1
96500 C.mol-1
 aH2O est l’activité de l’eau, ici égale à 1puisque l’eau est le solvant (corps pur)

Ox .  H  
 m
0, 06
EOx /Re d  E  log
 Re d 
A 25 °C : 
n

Ox

0, 06.m 0, 06
EOx /Re d  E  pH  log
 Re d 
Ou encore 
n n

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D’autre part, l’enthalpie libre standard de la demi-réaction de réduction, Gr est reliée à son
potentiel standard par la relation suivante : Gr  n.F .E

II- construction des diagrammes potentiel-pH


La construction des diagrammes E-pH revient à tracer les frontières entre les différentes
espèces des couples Ox/Red en utilisant l’équation de Nerst. Ce traçage permettra ainsi une
prévision qualitative des réactions redox dans différents domaines de pH.

1) Conventions générales
- La température « T » est fixée et égale, en générale, à 25°C (298 K).
- Les activités des gaz et des éspèces insolubles dans l’eau (solide) sont, pour simplifier les
calculs, systématiquement prises égales à 1.
2) Conventions sur les droites frontières
Lorsqu'on écrit la loi de Nernst ou lorsqu'on étudie les équilibres de solubilités, il convient de
connaitre les concentrations de certaines espèces. Pour calculer le potentiel sur une droite
frontière, il faut fixer les activités et donc les concentrations des composants mis en jeu.
– La concentration de chaque espèce dissoute est prise égale à une valeur fixée Ctra (énoncé).
– La pression partielle de chaque gaz est prise égale à Ptra (souvent 1bar)
– La frontière entre deux espèces en solution implique l'équi-répartition de l'élément (égalité
des concentrations à la frontière).
Exp :
1er cas : Cas des formes Ox et Red en solutions
 Avec la même stœchiométrie :
Cas de Fe2+/Fe3+ : Fe3  1e Fe2
On a frontière lorsque [Fe3+] = [Fe2+]
Dans ce cas, la droite représentant la frontière des domaines de prédominance des espèces
dissoutes ne dépend pas de la concentration mais uniquement de E°. (si E > E° : Fe3+
prédomine) et vis versa.
 Avec une stœchiométrie différente :

Cas de Br2/Br- : Br2( aq )  2e



2Br( aq ) et E  E  
0, 06
log
 Br2 
2
2  Br  

- La 1ère convention : La frontière s'obtient lorsque [Br2] = [Br-] = C ; avec « C »une


concentration précisé par l'énoncé.

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0, 06 1
Dans ce cas, on obtient la droite de la frontière lorsque E f  E   log . Elle dépend
2 C
de C.
- 2ème convention : La frontière s'obtient lorsqu'il y a équipartition de l'élément entre deux
degrés d'oxydation. Or dans Br2, il y a 2 "Br" donc frontière quand 2[Br2] = [Br-].
Dans ce cas, on précise en générale la concentration totale en "élément" :
2[Br2] + [Br-] = Ctot. Et sur la frontière on aura : 2[Br2] = [Br-] = Ctot/2
Ctot
0, 06 0, 06 1
Et par la suite E f  E   log 4  E   log
2 C 2 Ctot
( tot )2
2

2ème cas : Présence d’une forme solide

La frontière entre une espèce dissoute et une espèce solide : la concentration atomique de
l’espèce vaut Ctra.

3ème cas : Présence d’une forme gazeuse

La frontière entre une espèce dissoute et une espèce gazeuse : la concentration atomique de
l’espèce vaut Ctra et la pression de cette espèce est fixée arbitrairement à P = 1 bar.

III- Etablissement d’un diagramme E-pH


1) Classement des espèces
 Identifier les espèces mis en jeu et les classer par nombre d’oxydation (n.o.) croissant dans
le diagramme de bas vers le haut. (Rq : Deux espèces au même n.o seront séparés par des
frontières verticales.)
 Identifier les couples acide-base et faire apparaitre sur un axe horizontal (axe de pH) les
domaines de prédominances ou d’existence espèces acides et basiques.
 Déterminer les pH d’apparition des différents précipités et préciser leurs domaines
d’existence.
(Rq : Les équilibres de solubilité et acido-basiques feront apparaitre des frontières
verticales dans le diagramme)

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2) Construction du diagramme

La construction du diagramme E-pH passe par l’étude des équilibres un par un pour établir
l'équation des différentes frontières. Pour chaque couple Ox/Red, on suivra la méthode
suivante :
- Annonce du couple oxydant/réducteur étudié
– écriture de la demi-équation d'oxydoréduction associée au couple
– écriture de l'équation de Nernst pour le couple étudié.
– Exprimer E en fonction du pH
– Tracer les droites correspondantes au fur et à mesure de l’établissement de leurs équations.
– Examiner ensuite, si chaque degré d’oxydation possède un domaine d’existence ou de
prédominance. Pour les états d’oxydation intermédiaire (les réactions de dismutations), il faut
vérifier que chaque degré est prédominant à la fois par rapport au degré supérieur et au degré
inférieur.
– Indiquer en fin, sur le diagramme rectifié, les espèces prédominantes des différents
domaines.
Rq : - il est fréquent de superposer, au diagramme établi, celui de l’eau.
- Il faut toujours indiquer en légende la valeur de la concentration utilisée.

IV- Diagramme E-pH de l’eau :

L’eau possède un caractère amphotère, donc l’eau peut jouer le rôle d’un oxydant et subir
une réduction soit jouer le rôle de réducteur et subir une oxydation.

1) Eau oxydante : (H2O/H2) ou (H+/H2)

2 H 3O   2e H 2  2 H 2O
2 H   2e H2

2
0, 06  H 

E( H  / H
2)

 E( H  / H )  log avec PH2 = 1 bar et E(H  / H )  0 V
2
2 PH 2 2

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 E( H  / H )  E(H  / H )  0,06 pH  0,06 pH
2 2

2) Eau réductrice : (O2/H2O)

O2  4 H 3O   4e 6 H 2O
0, 06 4
E(O2( g ) / H 2O( l ) )  E(O  log PO2   H  
2( g ) / H 2O( l ) )
4
Avec PO2 = 1 bar et E(O  1, 23 V
2( g ) / H 2O( l ) )

 E(O2 / H2O )  E(O2 / H2O )  0,06 pH  1, 23  0,06 pH

D’où le diagramme E-pH de l’eau peut se présenter comme suit :

3) Conséquences

Tout couples redox dont le potentiel standard E° appartient au domaine de stabilité


thermodynamique de l’eau, alors ce couple est stable dans l’eau, c'est-à-dire, il ne réduira ni
oxydat l’eau.
Exp : Fe3+/Fe2+ ; E° = 0,77 V
00,771, 23 donc Fe3+ et Fe2+ sont stables dans l’eau.

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Tout couple redox dont le potentiel standard E° se situe au dessus du domaine de stabilité
thermodynamique de l’eau, alors l’oxydant de ce couple oxydera l’eau en O2 (avec
dégagement de O2)
Exp : F2/HF ; E° = 2,87 V
1
F2  H 2O 2 HF  O2
2
Tout couple redox dont le potentiel standard E° se situe en dessous du domaine de stabilité
thermodynamique de l’eau alors le réducteur de ce couple réduira l’eau en H2 (avec
dégagement de H2).
Exp : Na/Na+ ; E° = -2,71 V

1
Na  H 2O Na   OH   H 2
2

V- Diagramme E-pH du Zinc

Les espèces étudiées dans ce diagramme sont :


2

Zn( sd ) ; Zn 2
( aq ) ; Zn(OH )2( sd ) ;  Zn(OH )4 
( aq )

La concentration totale en Zn (II) soluble est fixée à C0 = 10-2 M


Dans notre étude, on suivra les données thermodynamiques suivantes :
 On donne à T = 298 K :

E(Zn2  0,76V ; E(Zn (OH )2 / Zn( sd ) )  0, 42V ; E( Zn (OH ) 2  0, 46V
( aq ) / Zn( sd ) )  
4 ( aq ) / Zn( sd ) )

 Le produit de solubilité de Zn(OH)2 = [Zn2+].[OH-]2 = Ks = 10-17


2

 Pour l’équilibre de formation de tetrahydrozincate  Zn(OH )4  on a :


( aq )

Zn  OH 2  2OH   Zn(OH )4 aq


2
et la cte d’équilibre s’écrit alors

 Zn(OH )4
2

K 2
 2,3.102
OH  

 La cte ionique de l’eau est Ke   H3O  . OH    1014

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1) Domaines de prédominance et d’existence

Tout d’abord, on doit chercher les degrés d’oxydation du zinc dans les différentes
espèces chimiques.
 Degré d’oxydation « 0 » : on a une seule espèce : Zn (sd)
2

 Degré d’oxydation «+II» : on a trois espèces : Zn(2aq ) ; Zn(OH )2( sd ) ;  Zn(OH )4 


( aq )

Pour tracer les frontières de prédominances ou d’existence, on doit calculer leurs pH.
a- pH de précipitation de Zn(OH)2
 Pour l’équilibre Zn(OH )2 Zn2  2OH  ; [Zn2+].[OH-]2 = Ks = 10-17

Ks 1017
 OH     2
 107,5   H 3O    106,5  pH préci  6,5
 Zn 
2
10
2

b- pH de formation du complexe  Zn(OH )4 


( aq )

Si le pH continu à croitre, on observe la formation du complexe suivant :

Zn  OH 2  2OH   Zn(OH )4 aq


2
la cte d’équilibre s’écrit alors

 Zn(OH )4
2

K 2
 2,3.102
OH 

2

A la disparition du précipité Zn(OH)2 ; on a [  Zn(OH )4  ] = 10-2 mol.L-1


( aq )

1/2
 Zn(OH )24    Zn(OH ) 24    102 
1/2

K   log OH    log  


    log  2 
 0, 25
 2
OH   K   2,3.10 
 
 pH compl  pKe  pOH  14  0, 25  13, 75

D’où le diagramme de prédominance et d’existence du zinc :

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2) diagramme E-pH du zinc

Une fois la classification des espèces est faite, on passe à la détermination des équations
des différentes frontières entre les espèces présentes dans ce diagramme.

a- Equation de la droite pour pH < 6,5

Le couple présent dans ce domaine de pH est Zn2+/Zn


Zn2  2e 
Zn( sd ) ; EZn 2
/ Zn
 0,76V
D’après la relation de Nernst, on a :
0, 06

EZn2 / Zn  EZn 2
/ Zn
 log  Zn2   0, 76  0, 03.log102
2
 EZn2 / Zn  E1  0,82V
Donc la droite de ce couple serait parallèle à l’axe de pH jusqu’à pH = 6,5.

b- Equation de la droite pour 6,5 < pH < 13,75

Le couple présent dans ce domaine est Zn(OH)2/Zn

Zn(OH )2  2H   2e 
Zn( sd )  2H 2O; EZn ( OH )2 / Zn  0, 42V

D’après la relation de Nernst, on a :

0, 06 2

E2  EZn (OH )2 / Zn  EZn ( OH ) 2 / Zn  log  H    0, 42  0, 06. pH
2
 E2  EZn (OH )2 / Zn  0, 42  0, 06. pH

c- Equation de la droite pour pH > 13,75

Le couple présent dans ce domaine est [Zn(OH)4]2-/Zn

 Zn(OH )4 
2
 4 H   2e Zn( sd )  4H 2O; E Zn (OH )  0, 46V
 4 2 / Zn

D’après la relation de Nernst, on a :

0, 06  4 0, 06  Zn(OH )4 2   0, 46  0,12. pH  0, 03log102


E3  E Zn (OH )  E  log  H
    log
 4
2
 / Zn  Zn ( OH )4 2 / Zn 2 2  
 E3  E Zn (OH )  0, 4  0,12. pH
 4 2 / Zn

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d- Traçage du diagramme E-pH du zinc

Diagramme E-pH du Zinc pour Ctracé = 10-2 mol.L-1

3) Interprétation du diagramme

Quelque soit le pH, le domaine d’existence du Zinc métallique et le domaine de stabilité de


l’eau sont disjoints : le zinc métal ne peut pas exister de manière stable au contact d’une
solution aqueuse (les solutions aqueuses oxydent le zinc à l’état Zn(+II))
En solution aqueuse, on a aussi :
 Le « Zn » est attaqué par les acides avec formation de Zn2+ et par les bases avec formation
de [Zn(OH)4]2-
 En milieu neutre, il y a formation d’une couche Zn(OH)2 (Sd) qui joue le rôle de couche
protectrice.

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4) Corrosion, immunité et passivation

Dans un diagramme E-pH d’un élément métallique, on peut souvent définir trois domaines :
 Le domaine d’immunité : Où toute attaque du métal est thermodynamiquement impossible
car le métal est l’espèce stable dans ce domaine.
 Le domaine de la corrosion : Où l’attaque du métal est thermodynamiquement possible et
conduit à des espèces solubles.
 Le domaine de passivation : Où une attaque du métal est thermodynamiquement possible,
mais l’oxyde ou l’hydroxyde formé constitue une couche imperméable qui rend une attaque
ultérieure infiniment lente.

VI- Les limites des diagrammes E-pH


Les diagrammes E-pH sont construits à partir des données thermodynamiques : ils
n’apportent donc aucune donnée quant à la vitesse des réactions de transformations. Par
exemple, lorsqu’on utilise le diagramme de Pourbaix d’un métal pour prévoir sa stabilité dans
différents milieux, même si on se situe dans un domaine où le métal censé se corroder, cela ne
nous indique rien sur la vitesse de cette corrosion. Elle peut en faites être très lente.
Les diagrammes de Pourbaix dépendent fortement de la concentration en élément chimique
mais légèrement de la température.

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