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HARRIS
LE MAROC
DI SPARU
ANECDOTES SUR LA VIE INTIME
DE MOULA Y HAFID, DE MOULA Y ABD EL AZIZ
ET DE RAISSOULI
TRADUIT DE L 'ANGLAIS PAR PAl ' L ODI?'<OT
P AR I S
LIBRAIRIE PLON
L ES PETITS- F IL S DE PLON ET NOURR IT
IMPRIME URS - É DIT E URS- 8, RUE GARANCIÈRE, 6•
GOURAUD.
Mon cher capit aine,
Vous avez bien voulu me communiquer votre traduc-
tion de M arocco that W as, << le Maroc disparu )), par
M. Walter B. Harris.
Je l'ai lue avec le plus grand plaisir et je vous suis
très reconnaissant de m'avoir donné cette occasion de
revoir un peu les années écoulées.
Venu au Maroc en 1884, j'ai vécu moi-même en effet
cette période de son histoire qui se déroule entre 1887
et 1921, et j'ai vu, moi aussi, le vieux Maroc s'effondrer
lentement, malgré les efforts héroïques de Moulay El-
Hassan pour maintenir, entre la pression de l'Europe
et le fanatisme des tribus, un équilibre impossible. Il
l'a maintenu cependant pendant toute sa vie, dans sa
politique extérieure, en excitant les jalousies des puis-
sances de façon à empêcher un accord ; dans sa politique
intérieure en opposant les tribus les unes aux autres et
en promenant à travers le pays son parasol impérial.
C'est par son propre mouvement qu'il a maintenu son
autorité dans ce pays immobile, en occupant l'opinion
des puissances et celle de son peuple et en arrivant à
créer un désir général de statu quo.
La mélancolie, qui était une des caractéristiques du
regard de Moulay El-Hassan et que Harris a si exacte-
ment notée, était sans doute causée par le sentiment
Jli
IV LE \fAROC DISPARU
CHAPITRE PREMIER
L'AVÈNEMENT DE MOULAY HAFID
(t) Barka: contingents levés par les swtans dans les tribus soumises
pour combattre les tribus révoltée5.
I
2 LE MA OC DISPARU
(x) C'est une coutume, on prétenti que si J'on y contrevient, les pi.res
caJ&mités surviennent,
I4 u : MAROC DISPARU
(r) J'emploie ce mot parce qu'il n'y a pas de mot pour traduire ce
qu'est au ?.broc le compngnon, qui n'est ni ami ni domestique, surtout
parce qu'il est ~mployé indi:fféremment par celui qui accompagne et
l'accompagné.
(2) La g11rm ou la guettaia; la guettai a c&t la touffe de cheveux non
tres.sée; la guern est caractérist:que du Dj~bli, -::'est une mècht" de che-
veux tre>Sée que portent surtout les enfants, mais que souvent les
bommes murs conservent. Rarement on voit un homrr>e du Djebel
partH la touffe dite guettala.
(:1) Le mot babouche n'est pas eroploy6 : on dlt belgba pour les
homm~.s. serbil ou reia ponr les femme; ou encore nechaia.
(4) La jellaba du nord du Maroc est gén(:ralement noire ou grise;
les manches en sont courtes, le capuchon très grand ; elle est courte.
LE f.~ROC DISPAR U
terais pas à faire encore ce que j'ai fait jadis, mais c'est
une mauvaise politique de priver un homme non revêtu 1
d'une charge officielle et qu'on ne paie pas, de quelques
miettes de considération. Certes on peut engager des
jeunes gens aventureux à vivre la vie que j'ai vécue,
mais il est nécessaire de les aider et il ne faut pas toujours 1
les lai!>Ser sans récompense.
Il est contraire à la nature qu'un homme soit abso-
lument désintéressé quand i.l s'agit du succès d'une entre-
prise, et c'est le décourager que ne pas reconnaître ses
services, surtout quand ils reposent sur une vie de voyages
et d'études, et vous donnent le moyen de vous faire des
amis chez un peuple aussi farouche que le peuple maro-
cain.
D'ailleurs, dans toute autre branche de l'activité
humaine autre que la diplomatie, on trouverait inadmis-
sible de faire travailler quelqu'un sans le rétribuer.
Depuis I9I2, quand fut instauré le protectorat de la
France et même avant cette date, depuis l'époque où
l'Angleterre abandonna toutes visées politiques au
Maroc autrement que pour soutenir la France, mes infor-
mations devinrent plus nécessaires aux autorités amies
et alliées qu'aux nôtres mêmes.
Je fus invité à accompagner plus d'une mission fran-
çaise et j'ai été en maintes occasions consulté sur des
questions très confidentielles non seulement par le mi-
nistre de Tanger, mais par les plus hauts fonctionnaires
du proteGtorat.
Un petit dossier des correspondances officielles fran-
çaises peut être avantageusement comparé à mon dossier
national.
La lettre de sir Ernest Satow est la seule expression de
satisfaction gouvernementale que je puisse citer, tandis
30 LE MAROC DISPARU
i
CHAPITRE II
LA VIE A LA COUR MAROCAINE
(1) Le bleu est en effet réservé aux Mellah des Juifs. On dit que la
couleur bleue éloigne les mouches.
63
LE MAROC DISPARU
(r) En effet, cela l'aidait à se faire passer pour le Mahdi, le bien dirigé,
le maitre de l'beure attendu p~r les Musulmans quand 'Tiendra la fin
du monde.
(2) Mbamed.
5
66 LE MAROC DISPARU
( r) Bou Hamara.
74 LE MAROC DISPARU
( r) En français.
LE '1 \ROC DISPARU
( I) En français.
8o LE MAROC DISPA RU
(r ) En français_
6
. LE M ROC DISPAR U
- A ppelez les esclaves qui ont les clefs des cages, ré-
pliqua le sultan et, en même temps, il se dirigea vers les
LE COMMENCEMENT DE LA FIN 93
sence.
Nous étions sur le sommet d'un vieux rempart exté-
rieur du palais. Juste au-dessous de nous, il y avait une
douzaine de représentants de ce qu'on appelait bien im-
proprement : tt l'armée marocaine», dépenaillés et mou-
rant de faim . Je dis, peut-être avec trop de chaleur, avec
quelle négligence les soldats étaient traités, leur solde
volée, leur misère abjecte et ne fis pas attention qu'à ce
moment le sultan n'était pas d'humeur à écouter mes re-
proches.
- Ce n'est pas ma faute, dit-il en colère.
- Mais si, répliquai-je, puisque Votre Majesté ne
prend pas la peine de voir si ses ordres sont exécutés.
Le sang rougit la face du sultan, il se redressa et dit, se
donnant son titre le plus élevé :
- Rappelez-vous que vous parlez au commandeur des
croyants.
- Je me le rappelle, dis-je, c'est Votre Majesté qui
oublie que ces hommes sont les croyants \
Il ne me garda pas rancune de ce que j'avais dit et
dans son regard, la colère fit place à une grande tristesse.
Un instant, il baissa les yeux sur la grande prairie qui
s'étendait devant nous et se tournant vers moi dit douce-
ment:
- Vous ne pouvez pas savoir comme je suis las d'être
sultan\ et des larmes jaillirent de ses yeux ...
7
T.E MAROC DISPARU
(1) En français.
LE COl\1lllENCEMENT DE LA FIN 99
cc Est-ce que Sa Majesté ne veut pas me proté-
ger? »
Je lui dis de prendre un air aussi aimable que possible
(elle avait bien soixante ans), et de mettre surtout son
beau costume de velours orné de passementeries dorées
qu'aiment tant les femmes juives du Maroc et qui cons-
titue leur robe de gala.
Elle promit d'exécuter mes ordres et je tirai mes plans
en conséquence.
Une heure ou denx plus tard, je fus reçu par le sultan,
et me risquai à dire que j'avais fait un curieux rêve la nuit
précédente.
Le sultan me demanda de le lui raconter. Je répliquai
que j'avais rêvé que j'accompagnais Sa Majesté à son
entrée officielle dans la ville et qu'au moment où nous
passions sous la porte fameuse, upe énorme Juive en
habits de fête, s'accrochant à l'une des colonnes de
marbre, criait : cc Mon seigneur me laissera-t-il mourir de
faim?»
Le sultan était d'une nature superstitieuse et se de-
manda ce que mon rêve pouvait signifier. Inutile de dire
pourquoi je ne le lui expliquai pas.
Tout se passa comme je l'avais projeté avec un petit
supplément comique.
Le sultan apparut à l'entrée de la porte et là, sur le pilier
de marbre, embrassant la colonne, se trouvait ma grosse
amie, criant sa plainte.
Le sultan, frappé de cette coïncidence se retourna pour
essayer de voir mes yeux, mais naturellement je regardais
avec autant d'étonnement que lui. Ace moment,la crainte
de n'être pas entendue poussa la dame à se pencher outre
mesure, l'appui qu'elle prenait sur la colonne lui manqua
et la dernière chose que je yis q'elle c'est qu'elle piquÇJ.it
roo
LE M \ROC DISPARU
(z) Voici comme se faisait l'opération :le Mobtasseb élevait sans rai-
son le prix de la viande et touchait pour cela une forte somme dt>S boil-
chers, p uis pour donner satisfaction i l'opinion publi que, il abaissait
bientôt le prix, pour recommencer la même opération.
LF COMMENCEME!I!T DE LA FIN 103
( r) En français.
ro8
LE MAROC DISPA RU
8
CHAPITRE V
LA LIQUIDATION DU SULTANAT
(r} En français
151
I 52 LE MAROC T TSPARU
(r ) En français.
LE SULTAN EN FRANCE r6s
Le pauvre fonctionnaire, trop poli pour protester, mon-
trait à pejne son étonneroept, laissant seulement couler
un regard discret dans ma dire,ction.
- Et ce bois, continuait Le sultan?
- Ce bois est celui où furent mangés par un ours les
enfa11ts qui se moquèrent d'Élie.
Cette {ois le fonctionnaire fit un petit saut.
Plus loin, on rencontra sur un haut rocher ce qui était
peut-être les ruines d'un hangç..r en bois.
- Et cela, dit le sultan?
- Ça, dis-je, ce sont les ruines de l'arche de Noé qui
vint s'échouer ici quand les mers se retirèrent.
Mais le fonctionnaire souffrait maintenant une visible
torture. Il était en mission officielle et terriblement sé-
rieux, il ne pouvait supposer qu'il s'agissait d'une plai-
santerie, et il semblaît croire que Moulay Hafid, l'hôte
de la République française, était intentionnellement bemé.
- Il est possible, commença-t-il poliment, que la tra-
dition locale à une certaine époque ait revendiqué ce lieu
comme point d'arrivée de l'arche, et de cela je ne suis pas
informé, mais des faits hi$toriques ont clai+ement prouvé
que c'est aille'.lfs qu'il faut placer cet intéressant évél).e-
ment ...
(r) Verdon.
CHAPITRE VIII
RAISOULI
(r) Une légende ch;cule au M;aroc; elle prétend que Raisouli, quand il
s'en.fuit de la prisoo, avait pu emporter uu fusil. Entouré par les soldats
qui !<.> poursuivaient il en tua un grand nombre et les survivants lui
promirent la liberté s'il ~e rendait.
170 LE MAROC DISPARU
II
III
IV
Comme on l'a déjà raconté, une des conditions de la
libération du caïd Mac Lean exigée par Raisouli et ac-
ceptée par le gouvernement anglais avait été l'attribu-
tion du titre de protégé anglais qui mettait Raisouli hors
de l'atteinte de la juridiction du sultan, et le faisait justi-
ciable des lois britanniques.
C'était une humiliation pour l'Angleterre, mais. il n'y
avait pas moyen de faire autrement, on aurait pu décider
Raisouli à abandonner les vingt mille livres de rançon,
mais jamais l'autre clause.
Libéré de la crainte d'être arrêté par le sultan, il mena
une vie plus régulière et commença les constructions de
son palais d' Arzila.
Il faut ajouter que pendant le temps qu'il jouit de la
protection britannique, il ne commit pas à notre connais-
sance d'autres crimes que les exactions habituelles sur
ses tribus et sans aucun doute aussi certaines petites
cruautés.
Ce fut heureux que les indigènes lésés ne soient pas
venus se plaindre aux autorités britanniques, car il aurait
été bien difficile de mander Raisouli devant le tribunal
consulaire de Tanger et encore plus difficile de l'y amener.
Tandis que Raisouli vivait tranquillement à Arzila,
bien que les incessantes visites des émissaires des tribus
voisines et le tracas des constructions ne lui laissassent
pas grand repos, des événements importants avaient lieu
dans le Maroc.
En rgo3, Moulay Abd el Aziz, battu dans le Sud avec
son armée, avait abdiqué et MoulayHafid s'était emparé
:2!8 l.E MAROC DISPARU
(t) E11 1927, Il est permis e dire que les Espagnols ont pacifié corn·
plètemert leur z•ne et que ·organisation du p'l}'S est en bonne voie.
RAISOULI
233
et influer même sur sa politique intérieure. Ils ne doivent
pas oublier que Raisouli vit encore et que dans cet ordre
d'idées il e:;t l'homme le plus considérable du Maroc. Il
est peu de pays qui peuvent produire un Raisouli. Cela
nécessite une ambiance qui n'existe heureusement qu'au
Maroc; or, durant les dernières années de sa carrière il
s'est rendu fameux, et une auréole romanesque entoure
réellement ce brigand qui est d'une très aristocratique
famille. Il a terrorisé, mais d'un certain côté il a protégé
Tanger, ville de quarante mille habitants où sont instal-
lées une douzaine de légations.
En dépit de sa célébrité. peu d'Européens l'ont vu.
S'il a été photographié, il ne l'a été que rarement. Jam-J.is
il n'a inscrit son n0m dans l'album des collectionneurs
d'autographes. Et il n'est pas un courageux touriste qui
n'ait souhaité d'être son prisonnier, et maintes dames
témérairts ont rêvé de l'épouser.
Moulay Ahmed Raisouli est unique dans son genre,
et qu'un homme de son espèce existe, sans doute, c'est
assee.
CHAPITRE IX
LES CONFRÉRIES RELIGIEUSES.
SAINTS - CHORFAS - PÊCHEURS
(r) Qu'ils r.onsldèrent comme des saints, des gens • visit~s • par
l'esprit divin.
LES CONFRÉRIES RELIGIEUSE S 247
visites. Une tasse à thé de porcelaine de Chine fut
trouvée manquante au moment où le thé venait d'être
servi.
Les esclaves furent rassemblés et l'un d'eux fut accusé
par le chérif . on doit le dire, sans aucune raison . de l'avoir
volée. Il fut sérieusement bâtonné, quand je dis sérieu-
sement bâtonné; cela signifie qu'il reçut une distribution
qui aurait sûrement tué un chrétien. La nuit même
après que le chérif se fut retiré, je vins voir l'esclave qui,
si l'on considère la terrible punition reçue, se portait
relativement bien.
Je lui demandai s'il était coupable. La réponse fut
émouvante : (( Je n'ai pas souvenir d'avoir volé la tasse,
mais je dois l'avoir fait puisque le chérif qui sait tout,
par Dieu, ne peut se tromper. » La tasse fut retrouvée et
J'esclave fut pardonné, mais non sans avoir été sérieu-
sement réprimandé pour n'avoir pas su démontrer son
innocence au bon moment.
Moulay Mohammed, le plus jeune des deux frères,
mourut avant Moulay Larbi; il mourut d'une maladie
longue et douloureuse. Il était de beaucoup le plus
séduisant des deux, sportsman énergique et spirituel. Je
l'accompagnais fréquemment dans de grandes chasses
aux environs d'Ouezzan ou l'on abattait des quantités
de sangliers, de chacals, de lièvres, de perdrix chassés
de leurs repaires par des centaines de rabatteurs.
Souvent ces chasses duraient plusieurs jours, tandis
que les nuits se passaient en réjouissances et en fêtes .
De beaux jours et de belles nuits!
Le troisième frère, Moulay Thami, eut aussi une fin
tragique. Il avait servi dans sa jeunesse dans l'armée
française en Algérie et il avait appris à lire et à écrire
en français, mais il fut victjme de son intempérance.
I.E MAROC DISPARU
(1) Adeptes.
254 LE MAROC DISPA RU
IJ
CHAPITRE X
FIN
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
PRÉFACE • • • . • • • • • • • • . • • . • • . . . • . . • . . • . . . . . . . . . . . . . . .