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Ecole Normale Supérieure d’Oran

Département des langues étrangères


Mme YAHIAOUI K.
CM

Analyse de la pluralité linguistique (suite)


2. La diglossie
Dans la littérature sociolinguistique on entend parfois à poser d’une part bilinguisme et
diglossie. Le terme diglossie 1 n’est pas le simple équivalent d’origine grecque du terme
bilinguisme2 d’origine latine. Il a été forgé pour nommer une situation sociolinguistique où deux
langues sont bien parlée, mais chacune selon des modalités très particulières : celui de l’avantage
d’une langue sur une autre qui, dans la plupart des situations concernées, ne manque pas d’être
conflictuelles.

1. La diglossie selon Jean Psichari :


Le terme de diglossie apparaît pour la première fois dans le champ des études linguistiques
en France, sous la plume d’un helléniste français d’origine grecque, Jean Psichari (1854- 1929).
Néanmoins ce n’est que dans un article écrit peu de temps avant sa mort dans Le Mercure de
France, « un pays qui ne veut pas sa langue » (1928), que Psichari définira ce qu’il entend par
diglossie3.
Psichari définit ainsi la diglossie comme une forme linguistique dans laquelle deux variétés
d’une même langue sont en usage, mais un usage déclaré parce que l’une des variétés est valorisée
par rapport à l’autre. Psichari fait œuvre de sociolinguistique car « il introduit dans la
signification du concept, à côté de faits purement linguistique, l’aspect idéologique et conflictuel
qui s’attache au phénomène. Il montre clairement en effet que le problème de la diglossie (...) est lié
à une situation de domination (…) d’une variété sur une autre, créée par la pression d’un
groupe de locuteurs numériquement minoritaires mais politiquement et culturellement en
position de force » (Jardel, 1982, p.9).

2. La diglossie selon Charles Ferguson :


Le concept de diglossie va réapparaître aux Etats-Unis en 1959 dans un article célèbre de C.
Ferguson, « Diglossia »(1959), où l’auteur, tout en reconnaissant qu’il emprunte le terme, va lui
donner une teneur conceptuelle sensiblement différente de celle de Psichari.
A partir de plusieurs situations sociolinguistiques comme celles du pays arabe, la Suisse
alémanique, Haïti, ou la Grèce, Ferguson va considérer qu’il y a diglossie lorsque deux variétés de
la même langue sont en usage dans une société avec des fonctions socioculturelles certes
différentes mais parfaitement complémentaires. L’une de ces variétés est considérée « haut »

1
: Du grec. Di : deux-, glosa : parler, communiquer, langue.
2
: Du latin, Bi : deux, langues
3
: Une définition qu’il a proposée à partir de la situation sociolinguistique de la Grèce, marquée par une concurrence
sociolinguistique entre deux variétés du grec : Le katharevoussa, variété savante imposée par les puristes comme seule
langue écrite et le démotiki, variété usuelle utilisée par la majorité des Grecs.

1
(high) donc valorisée, investie de prestige par la communauté : elle est essentiellement utilisée à
l’écrit (dans la littérature en particulier) ou dans des situations d’oralité formelle, et elle est
enseignée. L’autre, considérée comme « basse » (low), est celle de communications ordinaires, de la
vie quotidienne, et réservée à l’oral.

3. La diglossie selon Fishman:


Fishman propose à la suite de farguson, une extension du model diglossique à des situations
sociolinguistiques où deux langues ( et non plus seulement deux variétés de la même langue) sont
en distribution fonctionnelle complémentaire ( une langue distinguée, si l’on peut dire , et une
langue commune) : il en allait ainsi de la situation du Paraguay d’avant 1992, avec la coexistence (
inégalitaire) de l’espagnol et du guarani ( cette situation est en train de changer depuis la mise en
place d’une politique linguistique nouvelle en 1992). Son modèle articule diglossie (comme fait
social) et bilinguisme (fait individuel).

Bibliographie :
- Calvet, L.J. (1993) : La Sociolinguistique, Que sais-je ?, Paris, PUF.
- Ferguson Ch. A. (1959). «Diglossia », Word, XV
- Fishman J.A. (1971. Sociolinguistique, Paris, Nathan et Bruxelles, Labor.

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Analyse de la pluralité linguistique
3. l’alternance codique ou le code switching
L’alternance codique (code- switching) :

Les langues sont appelées à se transformer et de subir de perpétuel changements. Dans la communauté
multilingue, l’accent est mis sur la perspective intercommunautaire et interlinguistique. En ce sens, on dit
que les locuteurs « switch » où ils emploient deux langues à la fois dans le même énoncé. L’alternance
codique implique l’usage alternatif de deux ou de plusieurs langues dans le même énoncé ou la même
conversation.

La notion d’alternance codique (code-switching), ou alternance de langues, est issue des études sur le
bilinguisme et le contact de langues. Elle peut se définir, selon J.J. Gumperz comme « la juxtaposition, à
l'intérieur d'un même échange verbal, de passages où le discours appartient à deux systèmes ou sous-
systèmes grammaticaux différents ». Ce phénomène est très courant dans les mondes créoles, dans des
communautés marquées par des situations de plurilinguisme.

Les spécialistes de la question distinguent trois types d’alternance codique (Poplack ) :

1. Alternance intraphrastique dans laquelle deux langues sont employées dans la même phrase.. Ex.
demain (fesba7)
2. Alternance interphrastique : est une alternance de langues au niveau d’unités plus longues, de
phrases ou de fragments de discours, dans les productions d’un même locuteur ou dans les prises de
parole entre interlocuteurs.
Ex. Ce n’est pas sûr, [balek manʒiʃ]
Ex. L1 : tu viens demain ?
L2 : [balek]
3. Alternance extraphrastique lorsque les segments alternés sont des expressions idiomatiques,
des proverbes (on parle aussi, pour ces cas, d’étiquettes).

L’alternance codique, c’est-à-dire les passages dynamiques d’une langue à l’autre, est l’une des
manifestations les plus significatives du parler bilingue.
Bien sûr, l’alternance codique ne doit pas être confondue avec le mélange de codes (code mixig) (stratégie
de communication dans laquelle le locuteur mêle les éléments et les règles des deux langues), mais elle ne
doit pas non plus être uniquement analysée comme la manifestation d’un manque de maitrise dans l’une des
deux langues concernées. Maitrisée, elle est au contraire la marque d’une compétence bilingue, celle-ci
entendue comme une compétence originale, spécifique et complexe et non comme l’addition de deux
compétences linguistiques séparées.
Bibliographie :
- Boyer H. (2001). Introduction à la sociolinguistique, Paris, Dunod
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La communauté linguistique (CL)

Avant de définir qu’est-ce qu’une communauté linguistique, il est nécessaire de formuler quelques
questions de départ. Ce faire est nécessaire dans la mesure où les critères et les caractères qui servent de
moyen pour la définir, diffèrent d’une situation à une autre, (voir d’une école à l’autre).
-Est- ce que la CL est constituée de gens ayant la même langue maternelle ?
-Est-ce que la CL pourrait être un ensemble de gens qui se comprennent grâce à la même langue ?
-Est-ce que la CL peut être constitue de gens qui pensent ou qui veulent appartenir à la communauté ?
1. Définitions :
 Le mot communauté est dérivé du mot communal, état ou caractère de ce qui est commun. Même s’il
existe plusieurs types de communautés, on parle généralement de communautés humaines, que ce
soit dans un sens historique ou sociologique.

 Dans son usage actuel le plus courant, le mot communauté évoque des collectivités historiques ou
culturelles.

 Le mot communauté est plus polysémique, qu’il prend son sens selon l’adjectif qui le qualifie. On
parle donc d’une communauté religieuse, une communauté historique, une communauté linguistique,
une communauté écologique, etc.

2. Terminologie
Au sens étymologique originel : cum munus. La communauté est donc un groupe de personnes (« cum ») qui
partagent quelque chose (« munus ») — un bien, une ressource, ou bien au contraire une obligation, une
dette.

3. Selon le dictionnaire de linguistique


On appelle communauté linguistique un groupe d’êtres humains utilisant la même langue ou le même
dialecte à un moment donné et pouvant communiquer entre eux. Quand une nation est monolingue, elle
constitue une communauté linguistique. Mais une communauté linguistique n’est pas homogène; elle se
compose toujours d’un grand nombre de groupes différents; la forme de langue que les membres de ces
groupes utilisent tend à reproduire d’une manière ou d’une autre, dans la phonétique, la syntaxe ou le
lexique, les différences de générations; d’origine ou de résidence, de profession ou de formation (différences
socioculturelles).
4. Selon W. Labov: définit la CL comme : « un groupe qui partage les mêmes normes quant à
la langue » ou encore comme étant « un groupe de locuteurs qui ont en commun un ensemble d’attitude
sociales envers la langue ». (Sociolinguistique, p 338).
« La communauté linguistique se définit moins par un accord explicite, quant à l’emploi des éléments
du langage que par une participation conjointe à un ensemble de normes. C’est-à-dire, il serait faux de

1
concevoir la communauté linguistique comme un ensemble de locuteurs employant les mêmes formes. On la
décrit mieux comme étant un groupe qui partage les mêmes normes quant à la langue. »

5. De l’hétérogénéité de la communauté linguistique


Une communauté linguistique n'est donc jamais homogène car elle se compose de groupes humains
ayant des comportements socioculturels différents, variant géographiquement, ce qui provoque des
différences dans le vocabulaire, la prononciation. Une communauté linguistique ne peut donc être totalement
homogène, et elle se divise elle-même en d'autres communautés linguistiques.
Tout individu appartenant à la communauté peut évidemment appartenir en même temps à plusieurs
groupements linguistiques. Il est parfois difficile de distinguer des différences de communauté linguistique
les différences de style relevant des diverses fonctions de la langue et des diverses situations sociales où la
langue est employée (style soutenu, familier, etc.)

6. Belgique: différentes communautés linguistiques

Carte des Communautés de Belgique:


Communauté flamande (en jaune)
Communauté française (en rouge)
Région Bruxelles-Capitale (où les 2 communautés ont des compétences, striée jaune et rouge)
Communauté germanophone (en bleu)

________________________

Bibliographie/ Sitographie
Bloomfield L., 1966, Le langage, Payot, Paris.
Boukouss A., Dynamique d’une situation linguistique : Le marché linguistique au Maroc. livre électronique
22/12/05, 14:22:51
Calvet Louis-Jean, (1993), La sociolinguistique. PUF, Paris.
Dictionnaire de linguistique. Larousse 1989
Labov William, (1976), Sociolinguistique, Editions de Minuit.
Martinet A. 1960. Elements de linguistique générale., Armand Colin, Paris.

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Cours
Variations et normes d’une langue

La variation est un concept majeur de la sociolinguistique en opposition avec la vision structurale


des langues (Saussure) qui estime qu’il n’y a qu’une manière de dire ce que l’on veut dire. La
notion de variation trouve sa source dans un article de Marvin Herzog, Uriel Weinrich et William
Labov (Université de Columbia, USA) sur les « Fondements empiriques d’une théorie du
changement linguistique », paru en 1966.
Plutôt que de s’intéresser à la norme, les sociolinguistes s’intéressent essentiellement à l’usage et
aux usagers. Ils proposent différents classements pour présenter la variation.

1. Considérations autour des termes « variations » et « normes »

La notion de variation est au cœur de la problématisation sociolinguistique; en quelque


sorte, elle en est le point de départ avec notamment les travaux de William Labov montrant que,
même si l'on savait déjà que les pratiques linguistiques n'étaient pas unanimement partagées, il y
avait – et il y a toujours – des corrélations entre le changement linguistique et l'appartenance des
locuteurs à tel ou tel groupe social. Autrement dit, la notion est devenue concept dès lors que ce
dernier va servir de point de départ à une réflexion posant les langues non seulement comme des
faits d'abord sociaux mais encore comme des faits non-systématiques, hétérogènes et plurinormés.
Indépendamment des courants sociolinguistiques (la première sociolinguistique
francophone sera surtout d'inspiration labovienne et sera dite « variationniste » et se préoccupera
essentiellement des faits phonologiques corrélés aux faits sociaux), envisager aujourd'hui de
parler de variation fait sens de la prise en compte des multiples réalisations langagières dans un
groupe social, une classe sociale de locuteurs et de locutrices réputés parler ce qui est nommé –
par eux-mêmes ou le corps social – une même langue.

Le concept de « variation » ne peut être dissocié de celui de « norme ». Ce dernier constitue


un élément central et, lui aussi, liminaire des approches sociolinguistiques contemporaines
(Fishman, 1971) notamment dans la mesure où ce sont des réflexions sur l’opportunité de
concevoir autrement la langue (notamment française) à enseigner, sur la nécessité de penser de
manière critique les attitudes normatives des enseignants (Marcellesi, 1976 : 1-9), qui sont à l’initial
une partie non négligeable des théories francophones sur les politiques linguistiques,
l’aménagement des langues et, plus largement et surtout, des théories sociolinguistiques de la
langue y compris celle qui en envisage le caractère polynomique (Marcellesi, 2003).

2. La norme
La conscience de ce qu’est la langue française est étroitement liée à l’idée de norme. Au 17e
s., Claude de Vaugelas (1585-1650) propose d’aligner cette norme sur le français parlé à la Cour et
dans les œuvres de quelques grands écrivains choisis. La norme définit donc une forme de langue,
historiquement exprimée dans le « bon usage » (basé sur des critères subjectifs, esthétiques et
sociaux).

Les types de normes

1
Marie-Louise Moreau (1997) rend compte d’un modèle à cinq types fondé sur une double
conceptualisation de la langue – courante en sociolinguistique – qui est à la fois une pratique
(perçue par le locuteur ou autrui comme plus au moins prescrite, contrôlée, conforme) du discours
et à la fois un discours sur la pratique (une capacité à produire dans des circonstances spécifiques
des attitudes langagières, des jugements évaluatifs).

On distingue ainsi cinq types de normes :

1. les normes objectives (aussi appelées normes constitutives, de fonctionnement, de


fréquence, normes ou règles statistiques, …) désignent les habitudes linguistiques en
partage dans une communauté (quelles unités sont employées, dans quelle situation, avec
quelles valeurs … ?).
2. les normes descriptives (aussi appelées normes ou règles constatatives) explicitent les
normes objectives. Elles enregistrent les faits constatés, sans les hiérarchiser ou y associer de
jugement de valeur. Ainsi, je suis tombé et je suis allé au cinéma sont considérés comme
meilleurs que j’ai tombé et j’ai été au cinéma.
3. les normes prescriptives (aussi nommées normes sélectives, règles normatives …) donnent
un ensemble de normes objectives comme le modèle à suivre, comme « la » norme. Les
formes valorisées se caractérisent surtout par une fréquence d’emploi plus élevée dans un
groupe social déterminé (les anciens, le groupe, la classe supérieure …). C’est dans le cadre
de cette norme que les monolingues sont présentés souvent comme de meilleurs témoins
du bon langage que les bilingues, parce qu’ils sont supposés davantage préservés des
influences extérieures des emprunts (« pureté de la langue »). Bon nombre de grammaires
dites scolaires semblent ainsi décrire la langue (en fait la seule variété de langue que
valorisent les pratiques évaluatives de l’école : un français scolaire écrit) quand elles ne font
que la prescrire.
4. les normes subjectives (ou évaluatives) concernent les attitudes et représentations
linguistiques, et attachent aux formes des valeurs esthétiques affectives ou morales : élégant
versus vulgaire, chaleureux versus prétentieux … Ces normes peuvent être implicites ou
explicites, auquel cas elles constituent souvent des stéréotypes.
5. les normes fantasmées renvoient notamment à la théorie de l’imaginaire linguistique
(Houdebine 1993). Elles peuvent être individuelles ou collectives et se greffent sur les
quatre types de normes vus précédemment. Marie-Louise Moreau (1997 : 222-223) la définit
ainsi comme l’« ensemble abstrait et inaccessible de prescriptions et d’interdits que personne ne
saurait incarner et pour lequel tout le monde est en défaut ».

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Les facteurs externes de la variation d’une langue

Pour comprendre ce qu’est la variation (Figure), il convient de détailler l’ensemble de ses


cinq dimensions, dimensions qui valent au moins pour les constats faits dans les usages
francophones : diachronique, diatopique, diastratique, diaphasique et diagénique variables
historiques, variables sociales, variables géographiques, variables interactionnelles et variables
sexuelles). Chaque « dimension » est à distinguer par un facteur (externe) (temps, espace, groupe
social, interaction, genre). Chaque forme est dès lors spécifiée par un « lecte » (chronolecte,
régiolecte ou topolecte, sociolecte, idiolecte, sexolecte).

Variation

Diachronique Diatopique Diastratique Diaphasique Diagénique

Temps Espace Groupe social Intéraction Genre

Chronolecte Régiolecte Socioliecte Idiolecte Sexolecte

Locuteur né Les formes Ouvrier, Usages situés. Féminin/


en 1950 et régionales syndicaliste, Rituels de
un autre en enseignant,…. politesse masculin
2012

Les sources de la variation

I- Les sources de variations linguistiques


L’observation de modes spécifiques d’usage du langage selon les communautés linguistiques
conduit à identifier au moins cinq sources de variation: l’origine géographique, l’âge, le sexe,
l’origine sociale, les contextes d’utilisation du langage.

3
1- L’origine géographique
L’origine géographique (le plus souvent en relation avec l’appartenance soit au milieu urbain soit
au milieu rural) est un élément de différenciation sociolinguistique, souvent très repérable, et
aussi souvent matière à cliché. Certaines prononciations (ex. septante-huit, auto, manger, poulet),
certains mots (savoir/pouvoir “ Je ne sais plus marcher”, “ on ne sait pas savoir si le chômage va
diminuer ”, souper, bonsoir, tantôt, kermesse, loque, farde), certaines constructions grammaticales
(“ Le Beaujolais, j’y aime ” pour “ Le Beaujolais, j’aime ça! ” au lieu de “ Le Beaujolais, je l’aime ” ;
“ On était rendu en moins d’une heure ”), certaines expressions (koter, avoir dur, faire des affaires
(pour chichis ou histoires), une fois, etc.), certains accents, etc. permettent d’associer tel locuteur à
telle ou telle zone géographique.

2- L’âge
L’appartenance à une certaine génération d’usagers de la langue est également un facteur de
diversification. Il y a en quelque sorte coexistence de plusieurs synchronies. Par ex. le “ français
des jeunes ” ou le “ parler jeune ” (accentué dans le “ parler jeune des cités ”).
Exemple 1: la troncation. Les jeunes utilisent de nombreuses apocopes (“ deg ” pour dégueulasse),
et plus fréquemment encore des aphérèses (“ leur ” pour contrôleur, “ zic ” pour musique).
Exemple 2 : la verlanisation (parler verlan, à l’envers) fréquente chez les jeunes (“ meuf ” pour
femme, “ keum ” pour mec, “ reum ” pour mère, etc.
Exemple 3 : prédilection pour certaines suffixations, comme “ -os ” (les musicos, ou même les “
zicos ”).

3- Le sexe
Plusieurs auteurs ont noté l’asymétrie homme/femme face à la langue.
Labov, par ex. a observé que “ les femmes, plus sensibles que les hommes aux modèles de
prestige, utilisent moins de formes linguistiques stigmatisées, considérées comme fautives, en
discours surveillé ” En réalité, Labov constate une sorte de paradoxe : “ les femmes emploient les
formes les plus neuves dans leur discours familier, mais se corrigent pour passer à l’autre extrême
dès qu’elles passent au discours surveillé ”. Ultérieurement, Labov revient toutefois sur cette
première interprétation du conformisme linguistique des femmes : “ il est possible d’interpréter le
conformisme linguistique des femmes comme étant le reflet de leur plus grande responsabilité
dans l’ascension sociale de leurs enfants ” (Labov, 1998, p.32).

4- L’origine sociale
On parle de variation sociolectale lorsque c’est l’origine sociale (L’appartenance à tel ou tel milieu
socioculturel) qui est en cause. On parlera par exemple du “ parler populaire ” ou du parler
pédant “ petit-bourgeois ”

Exemple1: le décumul du relatif. “ C’est la personne que je t’ai parlé d’elle ” au lieu de “ C’est la
personne dont je t’ai parlé ”. Le français populaire ne souscrit pas au système complexe du relatif
en français normé qui comporte toute une série de morphèmes (dont, où, lequel, auquel, duquel,
etc.) qui ont pour caractéristique le cumul de deux fonctionnements grammaticaux : outil de
subordination (introduisant une proposition relative) et pronom (donc substitut), comme dans “
Voilà la personne dont je t’ai parlé ”. A cette construction, le français populaire (considéré comme
fautif) préfère une construction à deux éléments correspondant aux deux fonctionnements
grammaticaux distincts : “ C’est la personne que je t’ai parlé d’elle ”. Si bien que le morphème “
que ” devient omniprésent en français populaire, dans les phrases avec relative. “ C’est une ville
qu’il fait bon y vivre ”, “ Vous verrez un panneau qui fait marqué dessus de tourner à gauche ”

4
Exemple 2 : hypercorrection fautive “ Voilà la façon dont nous pensons que la culture doive
évoluer ”, par utilisation excessive d’une forme de prestige (le subjonctif).

5- Les contextes d’utilisation : (les circonstances de l’acte de communication)


La situation de parole, les circonstances de l’acte de parole (lieu, moment, statut des
interlocuteurs, objectifs de communication, etc.) sont un autre facteur de diversification. On parle
de “ registres ” ou de “ niveaux ” de langage.

Exemple 1 : Langage usuel vs langage administratif (comparez “ mort ” et “ décédé ”, “ habiter ” et


“ être domicilié ”, “mon mec ”, “ mon mari”, “ mon époux ”, “ mon conjoint ”, “ spleen ” et “
bourdon ”).

Exemple 2 : la négation simple vs double. Comparez “ Je ne sais pas ” et “ Je sais pas ”.

En somme, la langue est un système qui manifeste un ensemble de variations dans ses usages, et
dont l’approche sociolinguistique permet de décrire la structuration, en relation avec les
représentations partagées (normes, valeurs, attitudes) par la communauté linguistique.

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Pratiques et représentations langagières

Introduction
Dès son enfance, l’individu essaye de donner un sens au monde qui l’entoure dans le but de comprendre et
d’expliquer son environnement, le monde dans lequel il vit, est d’une telle complexité qu’on comprend
aisément qu’il nous faille en permanence sélectionner, simplifier et réduire à des dimensions claires les
informations multiples qui nous parviennent et que nous devons traiter rapidement.

Le concept de « représentations » se relie à une tradition essentiellement sociologique ou plus précisément


psycho sociologique. C’est en effet, une notion forgée par E. Durkheim à la fin du siècle dernier, afin
d’étudier le comportement social et de désigner « des formes de pensée partagée par une société »1. C’est
ce qu’il appelle « les représentations collectives » qui peuvent avoir une relation avec la religion, le mythe
ou bien avec le savoir scientifique. Elles se transmettent d’une génération à une autre par l’éducation
familiale et scolaire. Selon Durkheim, la société forme un tout, une entité originelle différente de la simple
somme des individus qui la compose.

Le terme de représentations collectives n’est plus utilisé aujourd’hui. On lui préférera celui de
« représentations sociales » qui indique qu’elles se constituent dans un milieu social et orientent les
conduites sociales, autrement dit, puisque l’individu est liée à son groupe de référence, il y a de l’influence
et de l’interaction et par conséquent, les représentations sont acquises au sein de l’environnement social.
C’est pourquoi, l’on dit que les représentations sont avant tout sociales.

C’est à Moscovici (1961), que l’on doit reprise et renouveau des acquis durkheimiens. Selon lui, «
les représentations sont des formes de savoir naïf, destinées à organiser, les conduites et orienter les
communications »2. Ces savoirs naturels constituants les spécificités des groupes sociaux qu’ils les ont
produits. N’étant pas figées, les représentations se constituent dans un contexte social et culturel qui est en
évolution de manière permanente. Moscovici a voulu appréhender au travers les représentations « Une vie
sociale en train de se faire plutôt que déjà là »3. Il confère ainsi à l’étude, un caractère non plus statique,
mais dynamique.

Définition

Trois propriétés caractérisant la représentation sont à retenir


- Caractère non savant des représentations
La représentation correspond à un ensemble d'informations naïves qui sont le fruit d'expériences
individuelles et d'échanges interindividuels. Il s'agit d'un savoir sur le monde (sur les langues, en ce qui
concerne les sociolinguistes) mais un savoir non scientifique.
- Elles sont socialement élaborées et partagées

1 Y.AISSANI, La psychologie sociale, 2003, p. 77.


2S.MOSCOVICI, La psychanalyse, son image et son public, 1961, p. 39
3
S. MOSCOVICI, La machine à faire des dieux, sociologie et psychologie 1988, p. 218. (Cité par Y. AISSANI, La
psychologie sociale, 2003, p.78).

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Elles se constituent à partir de nos expériences et nos informations, nos savoirs, les modèles de pensée reçus
et transmis, elles sont à rapprocher de ce que l'on appelle communément les préjugés et les stéréotypes.
Certaines langues sont jugées positivement alors que d'autres le sont négativement. Ces jugements peuvent
toucher la nature esthétique de la langue, ils peuvent concerner le système lui même comme ils peuvent se
porter sur la valeur de la langue sur le marché linguistique.
- Elles offrent aux personnes un code commun
Elles participent à la construction d'une réalité commune à un ensemble social ou culturel, elles dotent les
acteurs sociaux d'un savoir commun et partagé qui facilite la communication. Cette communication va
permettre de comprendre et d'expliquer la réalité.

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