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UNITÉ 1

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LANGUE ÉCRITE/LANGUE ORALE

REGISTRES DE LANGUE

LES DIFFÉRENTS REGISTRES DE LANGUE_______________________________ 2


REGISTRES DE LANGUE : quelques notions à retenir___________________2
LA TRONCATION________________________________________________________ 6
GUIDE D’ANALYSE DU REGISTRE DE LANGUE D’UN TEXTE_____________ 9
CODE ÉCRIT ET CODE ORAL___________________________________________ 10
TABLEAU RÉCAPITULATIF- CARACTÉRISTIQUES DES REGISTRES______ 12
EXERCICES DE REFORMULATION______________________________________ 13
LANGUE FAMILIÈRE / CODE DE L'ÉCRIT - CODE DE L'ORAL___________ 13
EXPRESSIONS IMAGÉES________________________________________________17
EXPRESSIONS IMAGÉES : découverte et activités_____________________ 19
TEXTES À ANALYSER____________________________________________________23
IES LV JRF LANGUE ÉCRITE/LANGUE ORALE
PDL II - LF III et IV REGISTRES DE LANGUE

LES DIFFÉRENTS REGISTRES DE LANGUE

LANGUE ACTUELLE LANGUE


CLASSIQUE

LANGUE LE BON USAGE


POPULAIRE LANGUE
LITTÉRAIRE
LANGUE LANGUE LANGUE
FAMILIÈRE COURANTE, SOUTENUE
QUOTIDIENNE CHOISIE

+ PARLÉE PARLÉE ET ÉCRITE + ÉCRITE

Argot

SURGIE DU VÉCU, INSTINCTIVE >>>>>>>>>> SURGIE DU CONÇU, ÉLABORÉE

REGISTRES DE LANGUE : quelques notions à retenir

Un registre de langue est un mode d’expression adapté à une situation d’énonciation


particulière, qui détermine notamment, certains choix lexicaux et syntaxiques, un
certain ton, ainsi qu’une plus ou moins grande liberté par rapport aux règles d’une
langue donnée.
En effet, on ne s’exprime pas de la même façon selon son âge, son milieu social, son
niveau culturel, etc., mais également, selon qu’on s’adresse à un familier, à un inconnu,
à un enfant, à un supérieur hiérarchique, etc. Bref, l’énonciateur dispose d’une certaine
liberté pour adapter sa manière de s’exprimer aux circonstances : interlocuteurs, thèmes,
canal de communication écrit ou oral. Ainsi, chaque élément d’une situation de
communication donnée peut influencer le recours à un registre donné.
Par ailleurs, il existe bien des discours ou se côtoient plusieurs registres, parfois
même contrastés. On remarque donc que les frontières entre les registres ne sont pas
étanches et il s’agit dans chaque cas de décrypter les raisons ayant poussé tel locuteur à
faire coexister différents registres dans un seul discours.
Il existe trois principaux registres de langue : registre soutenu, registre courant et
registre familier. A ces derniers s’ajoutent le français populaire, l’argot et le français
littéraire.

1) Registre courant
Le registre courant (également appelé standard ou neutre) correspond à un langage
correct, tant du point de vue lexical que syntaxique : les phrases sont quelquefois
complexes, les principales règles de syntaxe sont respectées, avec quelques tolérances
(quelques ellipses et quelques abréviations lexicalisées). C’est (le plus souvent) le
langage du professeur à ses élèves, de l’homme politique en train de faire un discours,

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du présentateur de télévision, du journaliste… C’est aussi le registre ordinairement


utilisé à l’écrit.

Remarquons que le terme jargon ne désigne pas un registre particulier, mais plutôt le
vocabulaire particulier attaché à une communauté particulière, un milieu professionnel,
politique, sportif, etc. (jargon médical, jargon informatique…).

2) Registre soutenu
Le registre soutenu (ou soigné) correspond à une utilisation de la langue plus
sophistiquée, élaborée, surveillée. Plus le registre est soutenu, plus il répond à un
discours dont le degré d’élaboration est élevé.Employé surtout dans la littérature (de
fiction ou de manière habituelle dans des essais) ainsi que dans certains articles de
presse (en fonction de la situation de communication).
Ce registre utilise d’une part, une organisation textuelle très élaborée (spécifique
selon chaque type de texte –narratif, descriptif, argumentatif, injonctif,
explicatif/informatif), et d’autre part, certaines marques linguistiques spécifiques au
niveau lexical et syntaxique :

Au niveau lexical :
➢ Un vocabulaire recherché : L’engouement, le carcan, l’entrave, etc.
➢ Le choix de connecteurs spécifiques de ce registre
➢ Des adverbes avec le suffixe –ment : hautement, largement, fortement,
ultérieurement, etc.
➢ La nominalisation

Au niveau syntaxique :
➢ Des phrases pouvant être longues, à structure syntaxique complexe :
Je me suis tellement accoutumé ces jours passés à détacher mon esprit des sens,
et j’ai si exactement remarqué qu’il y a fort peu de choses que l’on connaisse
avec certitude touchant les choses corporelles, qu’il y en a beaucoup plus qui
nous sont connues touchant l’esprit humain, et beaucoup plus encore de Dieu
même, qu’il me sera maintenant aisé de détourner ma pensée de la
considération des choses sensibles ou imaginables, pour la porter à celles qui,
étant dégagées de toute matière, sont purement intelligibles. (Descartes -
Méditation quatrième)
➢ Des propositions participiales en tête de phrase (à base de participe présent de
participe passé). Cette structure permet d’alléger la phrase en évitant de répéter
le sujet puisqu’une information concernant le sujet est inclus de façon tacite
dans la participiale.
Parti très tôt le matin, il put atteindre sa destination finale avant le coucher du
soleil.
Apprenant la nouvelle, nous ne sûmes comment réagir.

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➢ Le passé simple :
Je le vis quand je revins, pour : « Je l’ai vu quand je suis revenu. »
➢ Le subjonctif imparfait ou plus-que-parfait
➢ Le passé antérieur
➢ La forme interrogative directe inversée :
D’où m’appelles-tu ? Pour : « D’où est-ce que tu m’appelles ? »
L’homme apprend-il les leçons de son Histoire ?
➢ L’inversion du sujet après certains adverbes de liaison ou lorsque le sujet est
long tandis que le syntagme verbal est court (tels que : aussi, ainsi, peut-être,
sans doute, etc.) :
Ainsi, ai-je dû écourter mes vacances. Pour : « Ainsi, j’ai dû écourter mes
vacances. »
Sont acceptées les personnes faisant preuve d’expérience et acceptant les
règles de fonctionnement du groupe.
➢ La forme négative avec seulement « ne » avec les verbes : pouvoir, cesser, oser,
savoir, vouloir.
Je ne peux vous comprendre étant donné les circonstances.
➢ La voix passive
➢ Les propositions adjectivales en tête de phrase
➢ Le participe présent
➢ Les tournures impersonnelles avec le sujet « il »
➢ La mise en relief

Dans certaines situations d’énonciation, le choix du registre soutenu peut apparaître


comme déplacé. Dans ce cas, il sera ressenti comme incongru, abusif, précieux, maniéré
ou comique (peut-être ironique).
En marge du registre soutenu, il faut mentionner le registre littéraire qui porte les
marques du registre soutenu auxquelles s’ajoutent certains recours linguistiques plus
spécifiques tels que des figures de style recherchées (altérant parfois l’ordre syntaxique
de la phrase): Déjà la nuit en son parc amassait un grand troupeau d’étoiles vagabondes.
(Du Bellay), ou bien encore l’imparfait combiné avec le plus-que-parfait du subjonctif:
Il fallait qu’il vînt. (Pour : « Il fallait qu’il vienne. »). Il existe en outre un degré
supérieur, principalement utilisé dans la poésie et la tragédie, et qui use d’un
vocabulaire spécifique, de constructions archaïques ou sophistiquées, etc. C’est le
registre sublime (ou encore, noble ou relevé).

3) Registre familier
Le registre familier n’est pas totalement correct, mais il est admis et fort utilisé dans
certaines situations de communication. Comme son nom l’indique, ce registre est
surtout employé entre proches, entre personnes appartenant à une même communauté
sociale dans laquelle tout formalisme peut être atténué, et il suppose, en principe,
l’absence de tout lien hiérarchique rigide entre les interlocuteurs (membres de la
famille, amis, camarades de classe, collègues de travail…). Ce registre utilise :

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Au niveau lexical :
➢ Des mots appartenant spécifiquement à ce registre ou tirés de l’argot mais ayant
acquis un usage plus large.
➢ Des abréviations (troncations) :
La fac, les heures sup, la manif, le kyné
➢ Des mots formés par une syllabe doublée (utilisés notamment dans le langage
enfantin :
La tuture, le dodo, le coco, noeud-noeud
➢ Du verlan : inversion des syllabes d’un mot accompagné de modifications
orthographiques.
La meuf, le keum, ouf.
➢ Préfixes à fonction hyperbolique :
hyperintéressant, supersympa, mégacool
➢ Suffixes péjoratifs : -ard, -oche, ouillard, asse :
vantard, fastoche
➢ Anglicismes utilisés dans le langage quotidien :
cool, ok, les news.

Au niveau syntaxique :
➢ Une syntaxe simplifiée: des phrases courtes, à structure syntaxique le plus
souvent simple parfois inachevées, des phrases nominales, souvent asyntaxiques,
cf. exemple ci-dessous); des interjections fréquentes; un grand usage de l’ellipse;
des pléonasmes abusifs, etc. :
Au bureau, un de mes collègues, sa femme, elle a eu un bébé.
Pour : « La femme d’un collègue du bureau a eu un bébé. »
➢ La forme interrogative directe simple :
Tu m’appelles d’où ?
Pour : « D’où est-ce que tu m’appelles ? »
➢ La forme interrogative avec est-ce que au lieu de l’inversion :
Est-ce qu’il est là ?
Pour : « Est-il là ? »
➢ La suppression de ne dans les locutions négatives :
J’ai pas bien dormi cette nuit.
➢ Le pronom sujet on à la place de nous :
Nous, on viendra.
➢ L’utilisation abusive du présent de l’indicatif :
S’il fait un pas de plus, le train l’écrase.

Les limites entre les différents registres ne sont pas totalement étanches et chaque
situation de communication entraîne une gradation, voire un mélange particulier des
registres. Par ailleurs, le registre familier peut être plus ou moins relâché (ou populaire)
et présenter différents degrés de grossièreté.
- Ça boume ? / - Ch’ais pas trop…
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Lorsque le registre familier (ou le registre relâché) est émaillé de mots et


d’expressions venues de la rue, du milieu de la délinquance, etc., on parle alors de
registre argotique (le verlan en est une variété). Il faut donc différencier le langage
purement argotique accessible à un groupe réduit du langage familier ayant recours à
des emprunts de l’argot devenus compréhensibles à l’ensembles des usagers d’une
langue :
Les nougats / les biftons / mézigue…
Pour : « Les orteils / les billets de banque / moi… »
Enfin, le registre familier (relâché ou argotique) peut devenir à son tour registre
vulgaire ou trivial, par l’emploi de mots ou d’expressions condamnés par la
bienséance]] :
Tu me casses les couilles ! / Enculé ! / Il s’est encore fait baiser…
Pour : « Tu m’embêtes ! / Zut ! / Il s’est encore fait avoir… »

Pour finir, il est important de remarquer que le registre de langue ne doit pas être
confondu avec les notions de langue écrite et de langue orale. Certes le choix de
l’énonciateur d’utiliser le canal écrit ou oral dépend de certains éléments de la situation
de communication dans laquelle il se trouve. Mais le choix du canal d’expression
détermine à son tour une manière singulière d’utiliser les recours linguistiques qu’offre
la langue.
C’est ainsi que l’expression orale se différencie de l’expression écrite par
l’impossibilité du retour en arrière. Le texte écrit est entre les mains du lecteur qui peut
y revenir autant de fois qu’il le désire ou qu’il en a besoin. De plus, outre la langue,
l’expression orale utilise l’expression gestuelle et la mimique. Elle a également recours
à l’intonation pour véhiculer une grande partie du discours. Cette possibilité due à la
présence du destinataire bouleverse la forme linguistique même du discours qui, pour
cette raison, se veut économique (économie de temps et d’effort) et redondant. Cela se
voit reflété par des phrases segmentées, des répétitions, des reformulations, le recours
abondant à l’implicite, au sous-entendu et à la mise en relief. (Voir les particularités de
la langue orale).
D’après Cours de Linguistique, Langage et communication part.2 publié sur
lemouvement.over-blog.com

📄 Pour aller plus loin :


Lisez le deuxième chapitre de “Le français est à nous !” de Candea et Véron.

LA TRONCATION

Écoutez la présentation du livre « Parlez-vous tronqué ? » de


Bernard Cerquiglini, à propos des apocopes, des abréviations, des
abrégements et des troncations de la langue française.
Quel changement constate le linguiste au sein de cette pratique ?
Selon Cerquiglini, comment arrive-t-on à se comprendre ?

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Troncation avec apocope en « O »


Extraits de l’article tiré du CNRTL "-O finale et finale par apocope"

I. − [Finale qui s'ajoute à des mots entiers ou, plus souvent, à des bases tronquées
(notamment en se substituant à un autre suff.) et donne aux adj., subst. et adv. qu'il sert à
construire, une connotation fam., pop. ou arg.]
A. − [Finale d'adj. et de subst.]
1. Domaine de la vie cour.
a) [Adj. et adv.] V. réglo.
b) [Adj. et subst.] V. dingo2, ramollo et aussi:
alcoolo, adj. et subst., pop. Alcoolique.
apéro, subst. masc.Apéritif. Faut (...)
mono, subst.Moniteur, monitrice des colonies de vacances. Gilles et Catherine de
Vomécourt «tournent» depuis deux ans, lors des congés scolaires, avec une capacité
d'accueil de cinq à six jeunes pensionnaires. (...) ce jeune couple d'exploitants n'a pas
souvenir d'avoir dû jouer les gendarmes ou les «monos» (Le Monde,28 mars 1981,
p.21, col. 1).
projo, subst. masc.Projecteur. En moins de rien, les trois rigolos ont éteint les
loupiotes, ramassé les projos, décroché la toile et raflé la chaise (SAN ANTONIO, On
liquide et on s'en va,Paris, Fleuve Noir, 1981, p.17).
proprio, subst.Propriétaire. Ce n'est pas un locataire comme un autre. (...) la proprio
l'a toujours à la bonne (J.-L.BENOZIGLIO, cit.,p.135).
ravito, subst. masc.Ravitaillement. L'épicerie la plus proche est à trois bornes (...).
Ça n'empêche pas les audacieux de faire le mur [de l'hôpital], de ramener le ravito aux
copains (A. BOUDARD, L'Hôpital,Paris, Gallimard, 1974 [1972], p.193).Les Boches, la
Milice, le travail en Allemagne, les contrôleurs de ravito (P. JOFFROY, Les Petits chemins
de l'abîme,Paris, éd. Ramsay, 1980, p.22).
ventilo, subst. masc.Ventilateur. Les soirées sont brûlantes dans le Sud. Comment
expliquez-vous ça, Doug: on a oublié de nous doter d'un ventilo (P. JOFFROY, Les Petits
chemins de l'abîme,Paris, éd. Ramsay, 1980p.203).
2. Domaines divers
véto, subst. masc.,,Vétérinaire`` (ESN. Poilu 1919, p.540).
capitalo,
gaucho, adj. et subst.Gauchiste. Après un an de dîners dans des bistrots puant le
graillon et le suif, entre des couples d'énarques et son sciences-po, de vacances en
charter, et de misérabilisme gaucho affecté pour la galerie(M. CERF, Une passion,Paris,
Lattès,1981,p.337).
intello, adj. et subst.Intellectuel. Lacan (...): dans le petit univers des intellos
parisiens, soit on l'aimait, soit on le détestait: (M. CERF, Une passion,Paris,
Lattès,1981,p.436).
socialo, adj. et subst.Socialiste.
péno, subst. masc.Pénalty. Cet abruti d'arbitre (...) siffle le péno (SAN
ANTONIO, Bouge ton pied que je voie la mer,Paris, Fleuve Noir, 1982, p.82).
B. − [Suff. formateur d'adv.] V. Deusio/deuzio (rem. s.v. deuxièmement), mollo,
réglo (rem. s.v. régulier), texto (rem.s.v. textuellement) et aussi:

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directo. Directement. Tiens, l'autre jour, je bouffais un fruit dans notre jardin; cueilli
à la branche, j'adore. Cadeau du ciel. Directo du producteur au consommateur (SAN
ANTONIO, Va donc m'attendre chez Plumeau,Paris, Fleuve Noir, 1983, p.162).
rondo. Rondement. Ç'a été mené rondo, la petite opération (SAN
ANTONIO, Champagne pour tout le monde!Paris, Fleuve Noir, 1981, p.140).
Rem. Le suff. -o apparaît aussi a) dans des prénoms, avec une valeur hypocoristique,
p. ex. Frédo < Frédéric, Mado < Madeleine, Milo < Émile (avec aphérèse);
II. − -o finale, par apocope, de très nombreux mots, subst. et, moins souvent, adj.
A. − Domaine de la vie cour.V. auto, chromo, colo (rem. s.v.
colonial), croco (rem. s.v. crocodile), dactylo, diapo (rem.s.v. diapositif), dynamo, frigo,
kilo, labo (rem. s.v. laboratoire), lino, magnéto (rem. 1. s.v. magnétophone), micro,
moto, photo, porno beaujo, subst. masc.(Verre ou vin de) beaujolais. Trois Beaujos,
Gaston, et un blanc pour la petite (R. FALLET, Le Beaujolais nouveau est arrivé,Paris,
France-Loisirs, 1978 [1975], p.30).
catho (de catholique), colo (de colonie de vacances), conso (de consommation),
expo (de exposition), folklo (de folklorique), adj.Les déchets de Seveso, c'est folklo.
Quarante et un fûts de dioxine ont disparu. Personne ne les trouve. Personne ne sait où
ils sont (Le Canard enchaîné,20 avr. 1983,p.6, col. 1).
info (de information), «Mets plutôt les infos». Il appuya sur le bouton du poste, un
petit transistor en plastique (DEMOUZON, Section Rouge de l'Espoir,Paris, Éd. J'ai lu,
1983 [1979], p.10).
perso (de personnel), adj.À «Vogues Hommes», on s'est fendu d'un sondage sur nos
fantasmes perso (Le Canard enchaîné,17 févr. 1982,p.6, col. 4).
B. − Domaines partic.
1. Domaine de la drogue:
accro (de accroché), adj.En argot de camés, elle était accro (M. CERF, Une
Passion,Paris, Lattès, 1981, p.432).
héro (de héroïne2), subst. fém.J'ai laissé derrière moi un splendide corps
expéditionnaire, planant entre ciel et terre, les yeux fous (le flacon d'héro à trois
dollars) (P. JOFFROY, Les Petits chemins de l'abîme,Paris, éd. Ramsay, 1980, p.208).
toxico (de toxicomane), subst., toxico (de toxicomanie), subst. fém. Elle n'a pas non
plus été la proie de «méchants revendeurs»: c'est délibérément ou presque qu'elle
devient une «toxico» (Le Monde Dimanche,16 nov. 1980, p.XVI, col. 3).
2. Domaine des médias.V. hebdo (rem. s.v. hebdomadaire) et aussi:
édito (de éditorial), subst. masc.À suivre, revue de bandes dessinées, me consacre
son édito (Magazine littér., déc. 1980, no167, p.7, col. 3).
impro (de improvisation), subst. fém.Les «Jacques», eux, prennent le risque maximal
de l'«impro» collective sur le vif(Le Monde, 28 nov. 1980, p.17).
3. Domaine pol., écon. et soc.V. collabo (rem. s.v. collaborateur),
bio (de biologique), adj.Une coopérative d'aliments «bio» en Alsace (Le Monde
Dimanche,16 nov. 1980
démago (de démagogue), écolo (de écologique),
4. Domaine scol. et universitaire
a) [Matières d'enseignement] géo (s.v. géographie), philo, socio (rem. s.v.
sociologie), techno (rem. s.v. technologie), théo (rem. s.v. théologie) et aussi:

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À l'amphi(théâtre) se donne un cours d'éco(nomie) po(litique) (J. MAROUZEAU,Aspects


du français, 1950, p.93 ds QUEM. DDL t. 23).
b) [Examens et concours] V. promo (rem. s.v. promotion) et aussi:
compo (de composition), subst. fém. (Ds ESN. 1966).
interro (de interrogation), subst. fém.Les «interros écrites» se taillent encore la part
belle (Le Monde,14 mai 1981, p.12, col. 6).
mégalo (de mégalomane),parano (de paranoïa),subst.
fém., parano (de paranoïaque),
schizo (de schizophrénie), subst. fém.,schizo (de schizophrène),
b) [Spécialistes et spécialités] V. oto(-)rhino, s.v. oto-rhino-laryngologiste et aussi:
dermato (de dermatologue), subst.,dermato (de dermatologie), subst. fém.
gynéco (de gynécologue), subst.,gynéco (de gynécologie), subst. Fém

Activité :
Inventez des dialogues à deux ou trois répliques, en utilisant des mots tronqués en
« o » de la liste précédente.

MOTS FAMILIERS EN DOUBLE SYLLABE

Cherchez le sens de ces mots puis trouvez-en d’autres


dada nunuche
dodo tuture
doudou gaga
gnangnan cucu
nana concon
neuneu titi
zinzin bobo
tata jojo
mémé futfut
pépé

Conseil mnémotechnique : pensez à associer le mot à une phrase qui ait du sens
pour vous, un petit énoncé qui exprime quelque chose.

GUIDE D’ANALYSE DU REGISTRE DE LANGUE D’UN


TEXTE
Rappelons tout d’abord que quel que soit le travail à effectuer à partir d’un texte
(analyse du registre, du type, compte rendu, résumé, ou autre type d’analyse), il est
toujours nécessaire de repérer les éléments constitutifs de la situation de
communication et de se demander ce que leur connaissance apporte au travail sur ce
texte en particulier. Il convient en ce sens de différencier une analyse de registre de
langue d’une recherche de lexique ou de formes caractéristiques d’un registre en vue de
les reformuler dans un autre registre.

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1- Repérez les éléments de la situation de communication auxquels vous avez accès et


commentez-les si cela est pertinent.

Emetteur : (journaliste, support de la publication), dites-en quelques mots


(fréquence de publication, spécialisation ou non, couleur politique connue ou
non).
Récepteur : si possible, évoquez brièvement le profil du lecteur possible de ce
journal, mais en particulier de cet article.
Référent : dans quelle rubrique est publié l’article ?, quel en est le thème ?

2- À partir des éléments précédents, émettez une hypothèse quant au registre de


langue (en une seule phrase et sans la justifier puisque cette hypothèse est le
point de départ de l’analyse).

3- Relevez les éléments principaux conduisant à justifier (ou non) l’hypothèse. Il


faut les classer selon leur nature lexicale ou syntaxique. Ajoutez éventuellement
un commentaire sur la structure prédominante des phrases et le degré
d’organisation du texte. Par exemple :
Lexique : - lexique en langue familière
troncations :
doubles syllabes :
verlan :
etc.
ou - lexique en langue soignée
Nominalisations :
termes soignés :
adverbes :
etc.
Syntaxe : - forme négative
- forme interrogative
etc.
(en tenant compte des structures caractéristiques soit de la langue soignée soit de la
langue familière).

Il peut arriver qu’un texte soit contrasté du point de vue du registre, l’analyse doit
évidemment en tenir compte. Le repérage ne doit pas être exhaustif mais contenir
les éléments jugés suffisants pour justifier ou contredire par la suite l’hypothèse.

La conclusion de l’analyse doit observer si l’hypothèse est vérifiée ou contredite.


Pour finir, expliquer pourquoi l’émetteur dans ce cas concret a eu recours à tel ou tel
registre. (le commentaire doit être très bref).

CODE ÉCRIT ET CODE ORAL


Comme vous l’avez remarqué, l’oral et l’écrit obéissent à des contraintes différentes.
Rappelons certaines caractéristiques de l’oral :
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À l’oral, on peut retrouver parmi d’autres :


a) Des petits mots pour maintenir l’attention d’autrui. Ex :
b) Des marques d’hésitation. Ex :
c) Des procédés de mise en relief. Ex :
d) Des constructions détachées avec dislocations. Ex :
e) Des ruptures de construction, apparition d’éléments « hors sujet ». Ex :
f) Abondance de présentatifs. Ex :

L’écrit est plus lié, plus structuré : phrases subordonnées, enchaînements,


connecteurs logiques, on évite les répétitions, on recherche la concision, la précision
lexicale.

Il ne faut pas confondre le CANAL (oral, écrit) avec le REGISTRE (fam, courant, soigné).

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TABLEAU RÉCAPITULATIF- CARACTÉRISTIQUES DES


REGISTRES

FAMILIER COURANT SOIGNÉ

LEXIQUE - Vocabulaire souvent relâché, -Vocabulaire simple, usuel, - Vocabulaire riche,


parfois vulgaire ou grossier mots compris par tout le recherché, précis ou rares,
jargonnant (abréviations monde, qui paraissent " littéraire, poétique, très précis
conventionnelles, etc.) neutres " (mots qui n’ont qu’un seul
- Vocabulaire de la vie -Absence de termes recherchés sens…)
quotidienne, termes familiers, ou spécialisés - Les mots sont choisis en
parfois argotiques -On recherche le mot juste et la fonction de leur valeur
- On recherche le mot le plus clarté avant tout. évocatrice, de leur rareté ou
commun. de leur pouvoir de suggestion

Une nana, un mec Une femme, un homme Une dame, un monsieur

SYNTAXE -Les phrases sont simples. -Phrases complexes simples -Les règles sont respectées,
-Tournures grammaticales (coordonnées, relatives, -Les constructions sont
incorrectes subordonnées de temps, etc.) complexes tournures
-Utilisation d'abréviations -L’enchaînement des phrases grammaticales recherchées,
-Absence de ne à la négation est soigné. précises ou rares.
-Utilisation de on à la place -Les règles de la grammaire phrases complexes
de nous, etc sont respectées, (expression des relations
-Phrases juxtaposées, phrases -Utilisation des temps simples logiques)
sans verbes de l'indicatif, passé composé, -La concordance des temps
-Concordance des temps non plus-que-parfait, subjonctif est rigoureusement appliquée
réalisée présent. (avec emploi du passé simple,
-Ruptures de constructions, -Les phrases sont bien des subj. imparfaits et
répétitions, ellipses. construites, mais sans plus-que-parfaits)
-On emploie fréquemment les recherche stylistique. - Les phrases sont
gestes et l’intonation pour métaphoriques et rythmées
compléter le message.

STYLE -Le registre familier est celui


d'une parole spontanée
(modèle oral) ;
-il dépend par ailleurs de la
connaissance de la langue du -Phrases plus longues, plus
locuteur. - Ton neutre. complexes
-Hyperboles, périphrases, -Effets de style limités. -Figures de style.
expressions toutes faites. -Recherche d'effets.
-Les phrases sont simples. On
emploie fréquemment les
gestes et l’intonation pour
compléter le message.

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EXERCICES DE REFORMULATION
LANGUE FAMILIÈRE / CODE DE L'ÉCRIT - CODE DE L'ORAL

I) Réécrivez les interventions suivantes en respectant le code de l'écrit et dans


un registre le plus soigné possible.

1- Discussion politique pendant la campagne présidentielle

Ca s'arrose
Un gars entièrement d'accord avec moi, ça me mettrait
presque mal à l'aise !!!! Moi j'aime bien le sport, mais pas
celui qui consiste à gagner du blé, des médailles, j'aime bien
les gens qui en font pour le plaisir, pas pour se faire passer
pour des héros, genre Zidane, avec tout ce blé
honteusement gagné à pas faire grand chose.
Mais bon, c'est perso....

2-Reformulez le commentaire suivant à l’aide des mots de liaison et dans la langue


la plus soignée possible
1 million de tonnes d’eau contaminée déversées en mer lors de l’accident de la centrale
nucléaire Fukushima

3 - Un internaute s’exprime contre la présence abusive d’images de nus.

Ce serait pas mal, non...

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... qu'on revienne à des rapports plus pudiques au corps, plus sains, et plus 'privés'. Et
puis ça réglerait tout un tas de problèmes, en fait... C'est vrai que le nu est partout,
non-stop.... Les pubs, c'est pire que tout, on voit des seins et des fesses (jolis, certes) en
gros plan, très gros plan... les filles sous la douche à la télé.... pour une simple pub qui veut
rien dire du tout. C'est devenu trop, trop trop.... Et puis ça désacralise le corps des filles.

4 - Réaction à un article sur le stress dans les grandes entreprises

Je voudrais juste dire que quand la fatigue physique vous a pompé un max, que vous
n'avez pour vous raccrocher aux branches aucune aide, que les personnels chargés de
vous aider sont, eux aussi, dans le même état psychologique, alors il n’y a pas grand chose
qui peut aider pour continuer à avancer en avant.
Ce qu’on a vu chez Orange, et pas France Télécom comme l'on a voulu le faire gober aux
gogos qui veulent tout ce qu’on leur dit, avance partout et dans tous les secteurs.

Maintenant c’est nécessaire d'avoir une vision qui soit générale des dégâts du système
sur les gens, donc ça va devenir nécessaire de lancer une grande enquête sur ce sujet.

5- Post d’une internaute sur un blog : Crevée


Excusez mon silence.
Samedi, j'étais à plat. A l'unisson de ma bagnole dont j'avais éclaté un pneu le matin en
descendant à la grande plage. Je n'allais pas bien vite, 30 km/h à tout casser, j'ai croisé une
voiture qui ne tenait pas sa droite, du coup j'ai mordu sur un bout de rocher, et plaff, j'ai
entendu un grand bruit. C'est ma faute, ma très grande faute, j'aurais dû ralentir
davantage, voire m'arrêter.
Une autre voiture venant en sens inverse m'a signalé que j'avais paumé un enjoliveur au
passage. Que j'ai donc cherché dans le maquis pendant dix bonnes minutes, sans le voir,
comme la lettre d'Edgar Poe ou le motif dans le tapis de Henry James (notez que j'ai de
beaux restes de lecture), il était sous mon nez sur le bas-côté.
Pneu foutu pour foutu, je suis remontée à petite vitesse au village jusqu'à la
station-service, en corbillard cacochyme. Tous les passants et promeneurs mâles, sans
exception, ne sont pas privés pas de me signaler d'un geste ou de la voix que «la roue…»
Copinage et grand sourire consterné de ma part, patates, comme si je n'entendais pas le
bruit, ni ne sentais le déséquilibre…
Je n'ai même pas essayé de la changer moi-même, la roue. Je l'ai déjà fait une fois, mais le
coup du cric et des écrous à déboulonner, pas trop envie au prétexte de ménager mon
bras gauche. De toute façon, sûr que j'aurais trouvé ici plusieurs mains secourables si
nécessaire, même sous le cagnard.
Reste que l'épisode m'a vidée. Me suis écroulée à 19 heures, après avoir annulé une sortie.
Ça devrait vider aussi mon porte-monnaie. Je dois réceptionner un nouveau pneu tout à
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l'heure. C'est la première bricole de conduite qui m'arrive en Corse. Je vais faire gaffe
mercredi en descendant sur Ajaccio.

II) Trouvez dans le récit suivant des exemples qui correspondent aux analyses du
tableau :

Caractéristiques Exemples dans les textes

Négligée : écrasement des sons


Prononciation
syllabes escamotées
des mots
Élisions propres à l'oral

Pour combler
Interjections - mots ou incises sans lien
les
avec le texte
silences.

Phrases inachevées.
Construction
Peu de subordonnées, des phrases
des phrases
simples juxtaposées ou coordonnées

"on" pour "nous", Négations "allégées",


Syntaxe
Redondances

Suite de coordinations par "et" - Mots


Articulations
de liaison qui ont perdu leur
logiques
signification logique

Vocabulaire
Mots familiers - Vocabulaire peu précis,
Registre de
peu varié : répétitions
langue

Contenu de
Redites et redondances
l'information

En fait, c'était euh… y a deux trois ans. Y avait une foire-à-tout à Amfreville-la-Mivoie
et y avait un manège. Et euh… moi, j'étais à côté du manège et j'regardais les trucs et tout à
coup, j'regarde les manèges, j'vois un gamin qui appelle sa mère. Et euh… le gosse il était
dans un avion, donc euh… il était en haut. Et il était vraiment jeune quoi, j'sais plus. Il
devait avoir un an, un an et demi, deux ans… enfin moins. Et... j'le vois qui se penche vers
sa mère et... et en fait i' casse la figure. Et euh… ben sa mère prend ses jambes á son cou et
elle l'attrape, et elle le secoue comme ça et elle lui gueule : "Tu m'entends, tu m'entends"
tout ça. Pi elle l'a secoué, pi l'enfant ben, il était euh... inconscient quoi, j'sais pas et j'pense
pas que le fait de le secouer comme ça ça ait arrangé les choses. C’était marrant quoi.
Donc… ben après on avait filé et puis on a entendu les... le SAMU qui arrivait. Bon ben
ça... ça fait un drôle d'effet, quoi !

III) Récrivez le récit précédent en respectant la langue écrite.


- Respectez le récit en "je"
- Développez tout ce qui peut enrichir le récit : Décrivez, précisez, personnalisez
(les lieux, les ambiances, les objets, les personnages)
- Écrivez dans le registre le plus élevé possible. N'introduisez aucun mot familier.
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IV) Éliminez toute trace de langue familière et orale dans la prise de position
suivant.

La littérature des States


D’accord, il y a une seule langue, ok. Mais il y a des gens qui ont des sensibilités vachement
différentes, des auteurs qui ont des voix différentes. : la littérature made in USA, c’est une
grande forêt et on peut pas en faire le tour. Wolfe, Roth, Robbins, Charyn, Franzen, Everett, et
les autres, ça en fait du monde. Dans cette forêt, on se balade, on se paume, et en plus on
apprend plein de trucs. C’est une littérature qui est explosive, qui touche à des thèmes qui sont
proches du réel. Et puis, si il y a des images qui s’imposent partout aux USA, et bien les auteurs,
eux, ils s’en fichent, ils se fichent pas mal des clichés. Alors voilà, ça donne des résultats qui
sont super intéressants. Il y a donc des auteurs qui sont intelligents, qui sont ironiques, et
par-dessus le marché qui ne veulent pas rester scotchés aux communautarismes. Et c’est pour
ça qu’ils font un tabac chez les vendeurs de bouquins.

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EXPRESSIONS IMAGÉES
Une expression imagée est une
expression souvent fondée sur une
comparaison, une figure ou une
métaphore. Eugène Ionesco a créé une
grande quantité de textes où il joue avec
la langue française en utilisant des
expressions imagées, dont Exercices de
conversation et de diction pour étudiants
américains. Ce que l'auteur dit à propos
de son livre: « Un ami, professeur de
français aux USA, m'avait commandé d'écrire des dialogues ou des monologues pour
illustrer le "si" conditionnel, ou l'imparfait du subjonctif. Je me suis souvenu de la
méthode Assimil qui n'avait pas réussi à m'apprendre l'anglais. Peut-être qu'avec ces
dialogues et ces monologues, les américains n'apprendront-ils pas, eux non plus, le
français ».

I) Repérez les expressions imagées du texte suivant.

CHEZ LE DOCTEUR de Eugène Ionesco


Personnages: MARIE-JEANNE, LE DOCTEUR

MARIE-JEANNE. - Bonjour, Docteur.


LE DOCTEUR. - Bonjour, mademoiselle. De quoi vous plaignez-vous?
MARIE-JEANNE. - De rien. Moi, je suis optimiste. Je suis aussi journaliste. Je viens
faire une enquête. Mon journal me prie de vous demander quelles sont les maladies les
plus fréquentes que vous soignez. C'est pour une statistique.
LE DOCTEUR. - C'est très varié. Parmi tant de malades qui viennent me voir, il y en
a qui ont le cœur gros, d'autres qui ont le ventre creux, d'autres leurs jambes à leur cou.
D'autres éclatent ou explosent. D'autres se tordent. Il y en a qui sont pliés en quatre. Il y
en a d'autres à qui on a cassé les pieds. D'autres ont la rate dilatée. Certains n'ont plus de
cœur; ils sont écœurés. D'autres ont le sang qui ne fait plus qu'un tour; de la moutarde
qui leur est montée au nez; à d'autres on leur a tourné la tête. Plusieurs voient rouge, ou
tout en noir. Les uns ont les nerfs en boule ou à fleur de peau; nombreux sont ceux qui
ont la gueule de bois... ou mal aux cheveux; il faut les leur couper en quatre. Il y a les
maniaques qui tirent tout par les cheveux. Beaucoup sont sur les genoux quand ils n'ont
pas le cœur brisé. D'autres encore sont pourris et corrompus. Je ne peux rien faire pour
ceux qui sont crevés. Il y a les gonflés sans compter les intouchables. Il y a ceux qui se
lèvent du pied gauche, celles qui ont un pied anglais, les pieds dans le plat, les pieds de
nez; tous ceux-là doivent retomber sur leurs pieds pour repartir de bon pied. J'ai des
patients qui ont du nez, d'autres qui n'en ont pas. Je soigne des personnes qui ont un poil
dans la main, ou qui ont leur idée derrière la tête, ou qui la perdent, qui n'ont pas les
yeux en face des trous. J'ai des malades mentaux qui ont le fou rire, des vicieux qui
lèchent les bottes, qui boivent la tasse, ou qui se font du mauvais sang, quand ils ne
cassent pas leur pipe. Il y a ceux qui ont froid aux yeux et ceux qui sont tout feu tout

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flamme, sans compter les têtes brûlées, ceux qui sont consumés par la passion. Je reçois
aussi les monstres, les faux frères, les personnes qui versent les larmes de crocodile, ou
qui ont la tête de bois, un cœur de glace, un cœur de pierre, les yeux plus gros que le
ventre, le cœur sur la main, une langue de vipère...
MARIE-JEANNE. - Êtes-vous aussi vétérinaire?
LE DOCTEUR. - Très peu. On ne peut guérir les ânes et les chameaux. Cependant,
je soigne les petits rats de bibliothèques et les oies blanches.
MARIE-JEANNE. - Soignez-vous les goutteux?
LE DOCTEUR. - C'est leur faute: ils boivent la goutte tous les matins. Je leur donne
des gouttes.
MARIE-JEANNE. - Et ceux qui n'y voient goutte?
LE DOCTEUR. - Je leur fais des transfusions car ils n'ont pas une goutte de sang
dans les veines; je leur donne du sang froid, du sang chaud, c'est selon.
MARIE-JEANNE. - Et s'il n'y a pas de donneurs de sang?
LE DOCTEUR. - On leur donne du sang de navet.
MARIE-JEANNE. - Est-ce que les transfusions reviennent cher à vos patients?
LE DOCTEUR. - Ça ne leur coûte que les yeux de la tête.

Eugène IONESCO, Exercices de conversation et de diction pour étudiants américains.


Source: www.cas.sc.edu

II) Repérez les expressions contenues dans le texte suivant, puis résumez-le
en registre standard.

Le français, une langue animale ?


«Myope comme une taupe», «rusé comme un renard» «serrés comme des
sardines»...
Les termes empruntés au monde animal ne se retrouvent pas seulement dans les
fables de La Fontaine, ils sont partout.
La preuve: que vous soyez fier comme un coq, fort comme un bœuf, têtu comme
un âne, malin comme un singe ou simplement un chaud lapin, vous êtes tous, un
jour ou l'autre, devenu chèvre pour une caille aux yeux de biche.
Vous arrivez à votre premier rendez-vous fier comme un paon et frais comme un
gardon et là, ... pas un chat! Vous faites le pied de grue, vous demandant si cette
bécasse vous a réellement posé un lapin. Il y a anguille sous roche et pourtant le
bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard, la tête de linotte avec qui vous êtes
copain comme cochon, vous l'a certifié: cette poule a du chien, une vraie panthère!
C'est sûr, vous serez un crapaud mort d'amour. Mais tout de même, elle vous
traite comme un chien. Vous êtes prêt à gueuler comme un putois quand
finalement la fine mouche arrive. Bon, vous vous dites que dix minutes de retard, il
n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Sauf que la fameuse souris, malgré
son cou de cygne et sa crinière de lion est en fait aussi plate qu'une limande, myope
comme une taupe, elle souffle comme un phoque et rit comme une baleine. Une
vraie peau de vache, quoi! Et vous, vous êtes fait comme un rat.

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Vous roulez des yeux de merlan frit, vous êtes rouge comme une écrevisse, mais
vous restez muet comme une carpe. Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez,
mais vous sautez du coq à l'âne et finissez par noyer le poisson. Vous avez le cafard,
l'envie vous prend de pleurer comme un veau (ou de verser des larmes de
crocodile, c'est selon). Vous finissez par prendre le taureau par les cornes et vous
inventer une fièvre de cheval qui vous permet de filer comme un lièvre.
C'est pas que vous êtes une poule mouillée, vous ne voulez pas être le dindon de
la farce. Vous avez beau être doux comme un agneau sous vos airs d'ours mal léché,
faut pas vous prendre pour un pigeon car vous pourriez devenir le loup dans la
bergerie.
Et puis, ça aurait servi à quoi de se regarder comme des chiens de faïence. Après
tout, revenons à nos moutons: vous avez maintenant une faim de loup, l'envie de
dormir comme un loir et surtout vous avez d'autres chats à fouetter.
Jean d'Ormesson

EXPRESSIONS IMAGÉES : découverte et activités


I Les aliments
● Raconter des salades : raconter des histoires, mentir.
● En faire un fromage : grossir démesurément l'importance d'un fait.
● Avoir la frite : être en forme, se sentir capable de réussir.
● Se faire rouler dans la farine : se faire tromper, duper.
● Tomber dans les pommes : s'évanouir.
● Avoir le melon : être gonflé d'orgueil, de prétention, avoir la grosse tête.
● Avoir la pêche: avoir de l'énergie
● En faire tout un plat: donner trop d'importance à quelque chose qui n'en vaut pas la
peine
● Se noyer dans un verre d'eau: se laisser déborder pas une situation sans difficulté
II Le corps
● Couper les cheveux en quatre : raffiner à l’excès, s’arrêter à des détails.
● En mettre sa main au feu : affirmer énergiquement.
● Avoir un poil dans la main : être très paresseux.
● Mettre les pieds dans le plat : aborder une question délicate avec une franchise
brutale.
● Avoir la main verte : être habile pour cultiver les plantes.
● Casser les pieds de quelqu'un : ennuyer, importuner quelqu'un.
● Avoir le cœur gros : Être triste
● Baisser les bras : Se décourager
● Faire la tête : Bouder
● Piquer du nez : S’endormir
● Travailler à l’œil : Travailler gratuitement
● Être mauvaise langue : Dire du mal des gens.
III Attitudes
● Se tenir à carreau = être sur ses gardes.
● Jeter l’argent par les fenêtres = être très dépensier.

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● Avoir le coup de foudre = avoir une passion violente et soudaine.


● Être lessivé = être épuisé, très fatigué.
● Rentrer dans sa coquille = se replier sur soi, s’efforcer de passer inaperçu.
● Avoir la tête dans les nuages = être distrait, se perdre dans des rêveries confuses

EXPRESSIONS IMAGÉES: LES ALIMENTS

Activité 1 : Complétez les expressions avec le bon verbe pour retrouver les
expressions (un verbe est utilisé deux fois).
Avoir – Tomber – Se faire rouler – Raconter – En faire
1. ________________________ des salades.
2. ________________________ dans les pommes.
3. ________________________ dans la farine.
4. ________________________ un fromage.
5. ________________________ le melon.
6. ________________________ la frite.

Activité 2 : Pour chaque expression, cochez celle qui a le même sens.


1. Avoir la frite : 4. Se faire rouler dans la farine
Avoir de l’énergie Être trompé
Avoir faim Être malade
Avoir de la chance Être ridicule

2. Avoir le melon 5. Tomber dans les pommes


Être un champion Être déçu
Avoir très chaud S’évanouir
Être fier de soi Arriver brutalement

3. En faire tout un fromage 6. Raconter des salades


Avoir beaucoup de travail Dire des mensonges
Être un bon jardinier
Être un bon cuisinier
Donner une recette de
Exagérer un problème
cuisine

Activité 3 : Retrouvez 6 expressions relatives aux aliments, à la nourriture.


1. Ramener un citron
2. Mettre de l’huile sur le feu
3. Se faire presser comme trois pommes
sa fraise
4. Jeter
du beurre dans les épinards
5. Casser
du sucre sur le dos de
6. Être haut comme quelqu’un

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Activité 4 : Pour chaque expression, cochez celle qui a le même sens.


1. Avoir la frite : 4. Se faire rouler dans la farine :
Avoir la pêche Se faire duper
Avoir les crocs Prendre des vessies pour des
2. Avoir le melon : lanternes
Avoir la grosse tête 5. Tomber dans les pommes :
Être la tête de Turc de Tomber dans les vapes
quelqu’un Être aux fraises
3. En faire tout un fromage : 6. Raconter des salades :
En faire tout un plat Ramener sa fraise
Se noyer dans un verre d’eau Raconter des bobards

Activité 5: À vous de jouer !


Constituez des binômes et tirez au sort un papier. Imaginez un dialogue pour illustrer
l’expression imagée tirée au sort. Attention, vous ne devez pas prononcer cette
expression ! Présentez votre dialogue à la classe et demandez aux autres quelle était
l’expression représentée.

EXPRESSIONS IMAGÉES: LE CORPS

Activité 1 : Associez les débuts et les fins d’expression pour former les
expressions correctes.

1. Couper les cheveux dans le plat


2. Avoir un poil au feu
3. En mettre sa main verte
en quatre
4. Casser les pieds
de quelqu’un
5. Avoir la main
dans la main
6. Mettre les pieds

Activité 2 : Retrouvez le sens de chacune des expressions imagées proposées.

1. Avoir le cœur gros : 4. Avoir du nez :


être cardiaque avoir de l’intuition
être triste avoir un gros nez
2. Baisser les bras : 5. Travailler à l’œil :
se décourager travailler gratuitement
ramasser quelque chose au sol faire un clin d’œil à quelqu'un
3. Faire la tête : 6. Être mauvaise langue :
bouder ne pas être gastronome
se maquiller dire du mal des gens

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Activité 3: À vous de jouer !


Constituez des binômes et tirez au sort un papier. Imaginez un dialogue pour illustrer
l’expression imagée tirée au sort. Attention, vous ne devez pas prononcer cette
expression ! Présentez votre dialogue à la classe et demandez aux autres quelle était
l’expression représentée.

EXPRESSIONS IMAGÉES: LES ATTITUDES

Activité 1: Associez chaque expression à sa définition


a. Se tenir à carreau être distrait, se perdre dans des rêveries
b. Jeter l’argent par les fenêtres confuses.
se replier sur soi, s’efforcer de passer
c. Avoir le coup de foudre
inaperçu.
d. Être lessivé
être très dépensier
e. Rentrer dans sa coquille avoir une passion violente et soudaine
f. Avoir la tête dans les nuages être sur ses gardes

Conception d’activités - Écriture créative


À deux, cherchez d’autres expressions (voir dictionnaire des expressions
imagées) et créez deux activités pour en faire découvrir le sens à vos camarades.

À deux, imaginez un dialogue où l’un des personnages utilise une expression


imagée à chaque réplique.

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TEXTES À ANALYSER
Analysez les deux documents du point de vue du registre et de la relation entre
langue écrite et langue orale

DOCUMENT 1
Y a plus d'âge !
Samedi 23 Mars 2013 à 16:00 | Lu 15687 commentaire(s)
VALÉRIE HÉNAU - MARIANNE

Les mémés minaudeuses, poupées de cire et autres vieux beaux tirés de partout ont fait
long feu. Aujourd'hui, on affiche une trentaine éternelle. On flotte dans un no man's land
biologique. Codes vestimentaires, modes de consommation, gestuelle, tout concourt à
prolonger cet état de grâce au-delà de la limite où hier encore votre ticket n'était plus
valable. Est-ce bien raisonnable ?
Il y a des jours où on se frotte les yeux. Une attaque de clones aurait-elle eu lieu à notre
insu ? Comment expliquer que, à l'exception notable de quelques enfants ligotés dans leur
poussette et de rares vieillards vraiment chenus encore en liberté, tout le monde est devenu
beau, tout le monde est devenu jeune ? Il fut un temps, pas si lointain, où la «femme de 30
ans» était censée prendre dignement sa retraite sentimentale et cacher aux yeux du monde sa
déchéance physique. Son comparse masculin, plus privilégié, pouvait prétendre à quatre ou
cinq années de rabiot avant d'enfiler des pantoufles de notable bedonnant. Cet âge limite de la
séduction n'a cessé de reculer au fil des décennies, et tout le monde s'en réjouit.
Mais aujourd'hui, par un renversement que le seul Botox ne suffit pas à expliquer, la
trentaine est devenue l'âge idéal auquel chacun semble vouloir prétendre, qu'il ait cinq ans de
moins ou vingt ans de plus. La presse féminine l'a bien compris, elle qui titre régulièrement
de prophétiques «40 ans, c'est le nouveau 30 ans» (50 ans, le nouveau 40, et ainsi de suite).
Quel âge ont donc ces inoxydables et sémillantes jeunes femmes, sanglées dans un slim et
perchées sur des boots rock cloutés, qui secouent leurs longs cheveux (souvent blonds,
évidemment), en riant fort devant un mojito ? A y voir de plus près, probablement celui
d'avoir de grandes filles (qui leur piqueraient d'ailleurs bien volontiers leur garde-robe). Mais
sans l'allure rombière, loin s'en faut, de leur propre maman, au même moment de leur vie.
Une étude britannique de mai 2012 le confirme (CC Store) : 57 % des femmes reconnaissent
s'habiller plus jeune que leur âge. Toutes les notions antiques de la «dame», la «mémère», la
«vieille peau» n'ont plus cours. Désormais, pour mériter une de ces appellations avant 75 ans
(nouveau seuil de la vieillesse pour les Français), une femme doit vraiment le vouloir.
A la place, on a vu surgir des yummy mummies, mères de famille d'autant plus sexy
qu'elles n'ont plus 20 ans. En France, Sophie Marceau (47 ans) incarne, parfaitement le
concept : l'adulte invariablement canon a supplanté depuis longtemps - quand, au fait ? - la
petite Vic pataude de la Boum dans la mémoire hexagonale. Etre «bien conservée» n'est plus
un compliment condescendant. C'est juste le lot général, quitte à le travailler un peu à coups
d'injections habiles. Voire un devoir social, à en juger par le mépris que s'attirent ceux ou
celles qui se «laissent aller», faute impardonnable dans le monde d'aujourd'hui.
Et que dire des camarades de jeu de ces éternelles sylphides ? L'homme «mûr» semble tout
autant en voie de disparition. L'universelle barbe de trois jours floute désormais les traits
virils, vieillissant les garçons de 18 ans et juvénilisant les quinquas. Elle rend la datation du
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mâle moderne, souvent en T-shirt à col V de 7 à 77 ans, terriblement complexe. Qu'il soit de
plus en plus souvent flanqué d'un bébé après 50 ans accroît la confusion. Seules les lunettes
de presbyte qu'il sort parfois pour lire le menu de la pizzeria trahissent un compteur plus
avancé que son sweat à capuche et son «fixie» (vélo à pignon fixe, à la mode) ne le laissent
supposer. Toutes et tous, nivelés par une mode qui habille les générations de la même façon,
en «casual bobos», flottant dans un no man's land biologique qui culmine vers 35 ans. Avec
arrêt sur image...
Le jeunisme n'est certes pas un concept nouveau. Il y a toujours eu des adultes pour croire
qu'ils pouvaient jouer en douce dans la cour des «djeunes». On s'en moquait alors et ils ne
trompaient personne, à commencer par eux-mêmes. La nouvelle donne est différente : les
intéressés ne cherchent même pas à «faire jeune». Ils le sont. Sans effort apparent ni ridicule
particulier. Finies, les demandes humbles et ringardes aux digital natives, pour se faire
expliquer telle ou telle websubtilité. Tout va bien, merci, les ex-vieux ont appris à se servir de
leurs joujoux techno, tout seuls comme des grands ! Ils se tiennent d'ailleurs parfois aussi mal
que des ados, textotant à table ou bondissant à la moindre sonnerie. Leur pouvoir d'achat
étant nettement plus important, ils accumulent les gadgets, ce qu'un vrai teenager a rarement
les moyens de faire, le pauvre.
Selon une enquête effectuée par Android en 2012, le taux de pénétration des smartphones
chez les 35-49 ans talonne dorénavant celui des 16-24 ans (lire l'article, p. 89). Ils constituent
ainsi une nouvelle caste très enviable qui pille sans vergogne les goûts et les loisirs -
vêtements, places de concert, séries télé cultes, deux-roues, voire petit(e)s ami(e)s... - de la
génération suivante. Tout en disposant d'un compte en banque largement plus étoffé. Et d'une
liberté d'action illimitée (pas de compte à rendre sur leurs sorties nocturnes, eux). C'est assez
nouveau, mais la complainte «jalouse de ma mère, de ses fringues, de ses soirées en boîte et
de ses copains branchés» fait d'ailleurs son apparition dans les griefs courants des nouvelles
jeunes filles, recensés par les psys spécialisés. La rivalité parents-enfants ne fonctionne plus
dans le même sens. □

LES CODES JEUNES POUR TOUS


LA DOUDOUNE
L'ado de 40, 60 ou 80 ans se détourne des pardessus rêches et des derbies qui torturent les oignons.
Il préfère les chaussures molles et les vestes poids plume. Doudoune "Ultralight" Uniclo.
LE SMARTPHONE
Seuls les ermites résistent désormais au téléphone qui prend des photos, indique un bon resto et
vous donne l'air toujours «booké» et sollicité... iPhone Nexus 4 8 Go
LE MOJITO
Exotique, ludique, un brin régressif, c'est le breuvage funky préféré des Français de 18 à 60 ans
(sondage Nielsen publié en février 2013). Se boit à la paille.
LE SCOOTER
L'engin dans le vent pour aller au boulot ou à la fac. Ainsi, le Yamaha T Max, bicylindre 530 cm3,
développe 46 ch pour des performances de feu. Mais, vu son prix (10 699 €), il a plus de chances
d'être chevauché par un cadre blindé qu'un ado pressé.
LE GRIGRI
Les collégiennes se l'entortillent au poignet, mais aussi les prédateurs de la nouvelle économie.
Bracelet Médecine Douce, fredisblogze boutique.com
Sélection : Valérie Hénau, Pierre-Olivier Marie, Amaury Mestre de Laroque.
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Voici des réactions à l’article précédent à analyser, corriger et reformuler :


1.Posté par Hélène DICI le 23/03/2013 16:27
LES CODES JEUNES POUR TOUS .... Ca c'est la meilleure !
scooter : j'ai toujours fait de la moto, à quel âge le règlement indique que je dois arrêter
(en dehors de problèmes physiques ?
Le smartphone : ben ... j'ai bien essayé d'emmener un telex avec moi, mais ya personne au
bout, donc je suis bien obligée d'emmener internet pour recevoir mes mails.
la doudoune : C'est ce qu'on appelait un anorak, et ça fait bien longtemps que ça fait partie
des vêtements les plus chauds et confortables à porter. Donc, quand on vieillit, il faut se
couvrir d'arsenic et de vieilles dentelles pour se protéger du froid ...
le moujito : m'en fous, je n'ai jamais bu d'alcool ; je trouve ça dégueulasse comme goût,
depuis 40 ans je me saoule au diabolo grenadine et de temps en temps avec un bon
bordeaux. Bref, il vaudrait mieux trouver autre chose pour déclarer la guerre au
"jeunisme".

2.Posté par Chris BERNARD le 23/03/2013 17:05


Enfin ! Cet article me soulage : je me sentais seul à être excédé par ces mœurs de
trentenaires avachis et triomphants.. Ce monde d'adultes infantiles est un pur produit de
50 ans de publicité commerciale omniprésente.

3.Posté par Gwenael BOTREL le 23/03/2013 20:40


Bonjour,
Je me présente gwenael 31 ans (03/09/81) et je suis semble t'il aux antipodes de ces
trentenaires que vous présentez.
Doudoune: une vieille veste de treillis ou un cuir hors d'âge .
Smartphone: un Samsung achete 20 euros neuf et un forfait low-cost
Mojito: mon seul luxe une bonne bière artisanale (et ouais je suis breton)
Scooter: une Twingo de 1993 (contrôle technique? joker)
Grigri: quelques pièces au fond de mon jean.
Et voila le portrait-robot d'un trentenaire qui a bien galéré dans la vie et qui ne
correspondra jamais a toutes ces images de magazines (gravures de modes). Moi j'ai des
souvenirs pleins mes rangers et pas un rond mais je suis entier et surement pas un clone.
De plus je suis un futur papa heureux...

4. Posté par Dablam ABA le 24/03/2013 03:22


Ahahaha... Une fois, mon patron - qui a quelques années de moins mais pas mal plus de
cheveux gris - s'est teint les cheveux, c'était mal fait genre fait maison, on aurait dit un truc

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de carnaval. Pour un vieux beau, ça la fichait mal ;-)


Non, honnêtement, ne pas vieillir c'est risqué. Par contre, pas envie de perdre mon
autonomie et être à charge de mes gamins trop tôt. Autant vieillir en forme.
Faire du sport. Peut-être même du sport collectif. Pas fumer. Boire peu. etc. mais quand
même pas me mettre à la moto. Même le scooter, ça me branche pas. Trop chiant à
réparer, les vieux os, et avec un moteur, on fait vite des dégâts.
À la rigueur le Vélib, ou bien sinon les transports en commun, les escaliers du métro.
Marcher.
L'accumulation de babioles, c'est un signe de vieillissement. Éviter de collectionner les
gadgets.
Mais peut-être apprendre des langues étrangères.
Genre commencer le japonais à cinquante ans.
J'ai un copain de cinquante ans qui fait ça. Sa femme avait commencé à quarante ans.
Maintenant elle bosse au Japon. Il l'a suivie. Dix ans après elle, il apprend le japonais.

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DOCUMENT 2

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Photo España, figures de style


GILLES RENAULT ENVOYÉ SPÉCIAL À MADRID 15 JUIN 2015 À 17:56

Consacrée cette année à l’Amérique latine, la 18e édition du festival madrilène


accueille 70 expos. Sélection au féminin de trois artistes qui relatent en images
les sinuosités de leurs parcours.

Quiconque passera par l’Espagne dans les trois mois qui viennent sera avisé de déserter au
moins quelques instants les rivages saturés de touristes anglais écarlates au profit d’une
escapade madrilène autrement ombragée et roborative. Début juin, a en effet été déclarée
ouverte la 18e édition du festival PhotoEspaña (PHE15), rendez-vous européen majeur qui
déploie ses fastes aux quatre coins de la ville - et même au-delà. Budgété autour de
1,5 million d’euros, l’événement, dont la direction est désormais assumée par María García
Yelo (qui succède à la Française Claude Bussac, toujours présente dans l’organigramme),
continue de ratisser large avec 70 lieux accueillant autant d’expositions, la plupart gratuites.
Bibliothèque nationale, jardin botanique, Centre culturel de Cibeles, musée de Sciences
naturelles, fondations, galeries : rien n’est trop beau pour servir d’écrin aux multiples
accrochages qui s’étendent même à la périphérie de Madrid, ainsi qu’à trois autres villes
d’Espagne (Cuenca, Móstoles, Saragosse) et sept étrangères (dont Paris, via l’Institut
Cervantes).

Divisé en trois segments (sélection officielle, invités et off), le festival a longtemps


fonctionné sur les choix d’un directeur artistique (le Chinois Hou Hanru, le Portugais Sergio
Mah, le Cubain Gerardo Mosquera…). Désormais, ce sont divers commissaires qui se
partagent le territoire avec, en revanche, une thématique géographique en vigueur depuis trois
ans. Après l’Espagne, en 2014, PHE15 ouvre ainsi grand ses portes à l’Amérique latine. Un
champ incroyablement vaste dont on ressort forcément un peu groggy, notamment après avoir
traversé plusieurs expositions collectives, telle «Develar y detonar», plongée détonante dans
la création contemporaine mexicaine, ou «Latin Fire», compilation d’un demi-siècle de
soubresauts continentaux consignés par une soixantaine de photographes.

Mais, à rebours de ces sagas, PhotoEspaña permet aussi une lecture à la première
personne, à l’instar de ces trois propositions accordées au féminin, éclairant sur des
trajectoires intimes d’une singularité troublante.

1. TINA MODOTTI, LA FLEUR AU FUSIL

Née en Italie au crépuscule du XIXe siècle, Tina Modotti appartient à la légende. Tour à
tour vedette hollywoodienne au temps du muet, modèle et maîtresse du photographe Edward
Weston, muse du bouillonnement créatif (Frida Kahlo, Vladimir Maïakovski, Diego Rivera,
Manuel Alvarez Bravo…) et pasionaria communiste acquise à la cause révolutionnaire, elle a
aussi trouvé le temps d’être photographe. Certes, cet aspect n’a rien d’une découverte.

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Pourtant, curieusement, il se trouve que PhotoEsapaña offre à l’artiste sa première expo solo
en Espagne, soixante-treize ans après sa mort - d’une crise cardiaque.

«J’essaie de ne pas produire de l’art, mais des photos réalistes, sans distorsion ni
manipulation», disait Modotti, fidèle en ce sens à des convictions qui la verront aussi bien
fricoter avec les muralistes mexicains que tourner son regard vers le petit peuple. Pièces à
conviction, ces mains d’ouvrier posées sur la poignée d’une pelle ou la vue en plongée de
chapeaux de paysans penchés sur la une revendicative («Toute la terre, pas juste un bout de
terre») du journal El Machete en proclament bien plus que de longs discours. Et que dire de
la dimension programmatique de cette «nature morte» composée d’une faucille, d’une
cartouchière et d’une guitare (1927) compilant à elle seule l’engagement romanesque de tant
de luttes évanouies ?

2. ANA CASAS BRODA, MÈRE AGITÉE

A toutes celles (et ceux) qui voudraient préserver une vision angélique de la procréation,
Ana Casas Broda apporte un témoignage pour le moins ambigu. Durant plus de sept ans,
l’artiste a porté (comme on le dirait d’une grossesse) le projet «Kinderwunsch» («désir
d’enfant», en allemand) dans lequel, exposition et livre confondus, elle déballe tout, textes et
images mêlés. «Insomnie. Mon corps est tendu, mon esprit se perd en pensées, incapable de
s’en libérer. Je me réveille toutes les heures. Vieille chair dans le miroir. Seuls mes enfants me
rattachent au présent.» Le contexte familial n’est pas simple : la dépression et la mort rôdent.
L’enfantement non plus qui, entre autres, décrit par le menu le «cauchemar» d’une
insémination artificielle.

Et les photos ? Seins flasques, chair distendue, tétée douloureuse en gros plan, le
bonheur (?) a un prix que les images du quotidien rendent élevé. Chez Ana Casas Broda (par
ailleurs commissaire inspirée de l’expo sur le Mexique), même les moments censément
tendres et complices (le bain, les jeux) expriment plus le doute que la plénitude : du
confinement des deux enfants dans l’appartement sourd un climat équivoque, seul le centre
étant en général très (trop) éclairé, tandis que le cadre domestique demeure plongé dans une
noirceur à la connotation maléfique. Et si, à l’inverse, l’image paternelle brille, ça n’est que
par son absence.

3. MARIELA SANCARI, À QUI PÈRE GAGNE

Il faut se rendre à la périphérie de Madrid pour débusquer le sujet sans doute le plus
personnel et émouvant de PHE15, superbe démenti, au passage, qu’en photographie, tout a
déjà été imaginé. L’histoire est d’abord celle, tristement authentique, du suicide brutal, il y a
une quinzaine d’années à Buenos Aires, d’un père qui laisse des jumelles éplorées à qui l’on
interdit de voir le corps. Et donc de faire le deuil de cette tragédie. Une des deux ados se
nomme Mariela Sancari et, devenue photographe, elle décide «d’affronter le tabou familial
lié à cette disparition» à travers une (en)quête artistique«aux vertus apaisantes, destinée à
combler ce vide».

Dans la presse locale et sur les murs de la ville, elle rédige d’abord une annonce en forme
de casting : «Recherche hommes entre 68 et 72 ans, yeux clairs…» Une trentaine de candidats
répondent. L’idée va consister à en sélectionner quelques-uns, les plus proches, dans l’esprit
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PDL II - LF III et IV REGISTRES DE LANGUE

de l’orpheline, de ce à quoi aurait ressemblé son père de nos jours. Puis à en faire une série de
portraits où les visages et les bustes se substitueront les uns aux autres, pour former le
kaléidoscope d’une réalité fantasmée «confrontant la photographie à l’imagination et
interrogeant sa dimension documentaire».

D’une pudique délicatesse, ces Moisés (du nom du disparu) ressuscités existent aussi sous
la forme d’un magnifique livre savamment agencé en pages qu’il faut déplier pour en
comprendre le sens.

Gilles RENAULT Envoyé spécial à Madrid

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UNITÉ 2

COMPTE-RENDU ET RÉSUMÉ
COMPTE RENDU – MÉTHODE_______________________________________________________ 31
L’attitude de l’auteur___________________________________________________________ 33
Les moyens mis en œuvre_____________________________________________________ 34
REFORMULATION___________________________________________________________________ 35
LE COMPTE RENDU DÉTAILLÉ D'UN ROMAN_______________________________________ 37
TEXTE SUIVI DU COMPTE RENDU DE L’ARTICLE____________________________________ 38
Production d’étudiant- Corrigé__________________________________________ 39
COMPTE-RENDU DU FILM « ENTRE LES MURS »____________________________________ 40
TEXTE SUIVI D’ACTIVITÉS D’ANALYSE_______________________________________________ 42
CORPUS DE TEXTES__________________________________________________________________45
Affaire Mila : d’Instagram au Sénat, itinéraire d’une polémique______________46
Ménage, courses, cuisine, chacun sa part_____________________________________ 48
«FRIENDS», LES COPAINS D’ALORS____________________________________________ 50
IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ

COMPTE RENDU – MÉTHODE

De quoi s'agit-il ?

Le compte rendu (CR) est un document oral ou écrit destiné à transmettre à un destinataire
censé ne pas le connaître des informations sur un texte au sens étroit (article, discours, livre) ou
au sens large (réunion, spectacle) afin qu'il puisse s'en faire une représentation fidèle et la plus
complète possible.
Le CR prend en compte la situation de communication (émission télévisée, conférence,
réunion, débat...) Ainsi, s'il concerne un texte ou une image , il s'attachera, outre le contenu, à
relever les caractéristiques propres au type d'objet qu'il rapporte.
Il est donc plus vaste qu'un résumé; mais comme celui-ci, il respecte : la fidélité à l'original.

Points communs du compte rendu et du résumé

➢ Réduire / contracter le texte d’origine.


➢ Dégager les informations essentielles.
➢ Éliminer les informations secondaires.
➢ Reformuler avec ses propres mots / ne pas faire du « copier-coller » de phrases prises
dans le texte d’origine et traduites littéralement.

Différences entre le compte rendu et le résumé.

Compte rendu Résumé


Introduction / présentation obligatoire et Sans introduction / présentation ni
conclusion optionnelle. conclusion.
Plan libre, soit personnel, soit identique au Plan qui suit obligatoirement l’ordre du
texte d’origine. texte d’origine.
Analyse l’information / met en évidence le Pas d’analyse, pas de point de vue ni de
faire de l’auteur du texte en tenant compte de commentaires personnels.
la typologie textuelle
Toujours à la troisième personne. L’auteur du résumé se substitue à
l’énonciateur d’origine
Objectivité (exception faite des CR de livres La subjectivité est la même que celle du
qui peuvent finir par un paragraphe texte d’origine (ni atténuée ni accentuée
présentant l’opinion de l’auteur du CR)

Les étapes à suivre

✔ Étape 1 : lecture approfondie du texte pour le repérage des informations essentielles.

Lire le document au minimum 2 fois / autant de fois qu’il est nécessaire pour repérer les
informations essentielles.

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IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
Chercher les informations à déduire de l’image du texte.
Trucs et astuces : cibler (surligner) les mots clefs (ne pas se concentrer sur les mots qu’on ne
comprend pas !). Interroger le texte pour qu’il révèle les informations qu’il contient :
« Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? »

✔ Étape 2 : analyse du texte

Parmi les informations essentielles, repérer l’information principale du texte, celle que l’auteur veut
mettre en valeur.
Interroger chaque paragraphe pour comprendre quelle en est la fonction puis son idée principale
(le paragraphe introduit, donne un exemple, expose une cause, une conséquence, raconte, donne une
opinion, développe une concession / restriction par rapport au précédent, etc. ?).
Trucs et astuces : titre et chapeau (= sous-titre) de l’article. Souvent (pas toujours) le titre apporte
l’information essentielle.
Repérer quelle est la typologie du texte ainsi que son degré de subjectivité.
Relever les connecteurs ou enchainements : quelles idées véhiculent-ils ? Articulent-ils des
phrases, des paragraphes, des parties du texte ?

✔ Étape 3 : rédaction du compte rendu

Introduction : présenter brièvement l’information principale du document (qui, quand, où, quoi).
Plan : l’ordre logique des informations sélectionnées (parfois l’ordre du texte, s’il convient).
Conclusion : reprend la visée globale du texte. Elle peut toutefois constituer un bref commentaire
personnel appréciatif dans le cas de CR de livre ou de film.
Relecture : finir par le toilettage du texte. Faire une relecture en portant particulièrement son
attention sur le style, la ponctuation, l’orthographe et la syntaxe.

✅ FAIRE ❌NE PAS FAIRE


« Copier-coller » de quelques phrases
Reformuler l’essentiel des propos.
traduites.
Être fidèle au texte Extrapoler / inventer le texte.
Recourir aux liens syntaxiques pour Liste de phrases sans liens logiques entre
enchaîner les informations de façon logique elles
Être complet.e : choisir les informations
Omettre une information indispensable
indispensables / éliminer les informations
Être exhaustif :dire tout
superflues
Répéter une information / « délayer »
Être concis.e
l’information.
Être précis.e / choisir des mots précis pour Être allusif / employer des mots au sens trop
résumer les informations sélectionnées général qui ne révèlent pas le sens du texte.
Écrire au fil de sa pensée ou comme on
Être clair.e / veiller à la syntaxe
parle.

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IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ

Veiller à la qualité de la langue (orthographe, Ne pas avoir le temps de se relire pour se


grammaire). corriger.

Une spécificité du compte-rendu : il présente la démarche de l’auteur.


L’introduction a déjà, en respectant l’idée générale du texte, qualifié la démarche de
l’ensemble de l’auteur. Mais sa pensée suit des étapes que le plan va dégager.

Pour rédiger le compte rendu, il faudra :

✔ Définir l’attitude de l’auteur à chacune de ces étapes ;


✔ Définir les moyens qu’il utilise.

L’attitude de l’auteur
Elle répond à quatre modalités possibles :
★ Déclarative : il dit quelque chose, de façon plus ou moins affirmative ou négative.
★ Interrogative : il pose ou se pose, des questions.
★ Impérative : il conseille, prie ou ordonne, de façon plus ou moins énergique.
★ Exclamative : il exprime un sentiment, telle la colère, la joie, l’admiration, la peur…

Chacune de ses modalités s’inscrit dans un type de discours :


➢ Narratif : l’auteur observe, raconte, décrit.
➢ Didactique : l’auteur explique, analyse des faits, leurs causes, leurs conséquences, il
démontre une thèse, donne des conseils.
➢ Polémique : l’auteur approuve, critique, combat pour ses idées.

Pour restituer cette attitude dans le compte rendu, le principal outil est le verbe. Il faut
apprendre à l’utiliser selon sa force en observant ce classement qui en propose un ordre
croissant :

a- Discours narratif :
- Dire < déclarer < affirmer/assurer/ soutenir
- Raconter
- Voir < regarder < observer/ remarquer < considérer contempler.

b- Discours didactique :
- Montrer < indiquer/ exposer < révéler/ dévoiler < démontrer/ prouver/ confirmer/justifier.
- Étudier < examiner < analyser < commenter.
- Suggérer < conseiller < proposer < recommander.

c- Discours polémique :
- Accepter /admettre < approuver/être d’accord< estimer/apprécier < louer/ faire l’éloge.
- Repousser < refuser/rejeter < contester /réfuter/ contredire < réprouver/ condamner.
- Critiquer < s’opposer à/ reprocher/ blâmer < accuser / dénoncer < attaquer /combattre.

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IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
- En utilisant des locutions formées par substantivation des verbes.
Exemple : adresser des reproches /des louanges ; faire une suggestion.

Les moyens mis en œuvre


Quel que soit le type de discours dominant, l’auteur met en œuvre des moyens stylistiques pour
illustrer ou renforcer ses affirmations, ses thèses, ses attaques.

➢ Des exemples, simplement énumérés ou développés : ils peuvent être renforcés par des
statistiques, par une anecdote
➢ Le recours au style direct : l’auteur cite les paroles d’autrui pour appuyer les siennes.
➢ L’interrogation : elle permet d’interpeller le lecteur, lui suggère une réponse quand elle
est à la forme négative.
➢ Les mots entre guillemets : ils permettent, soit un néologisme, soit de nuancer
l’expression, soit d’attirer l’attention.

Le compte rendu signalera brièvement ces moyens. Pour cela, on dispose de multiples
possibilités. En voici quelques-unes :

Pour exprimer la manière :


➢ L’adverbe : ironiquement, concrètement, sérieusement, calmement, habilement…
➢ L’adjectif : indigné, alarmé, optimiste, pessimiste…
➢ Le complément prépositionnel introduit par « avec » : avec colère/calme /espoir/
peur…

Pour exprimer le moyen :
➢ Le gérondif : en utilisant/prenant/ recourant à/ employant/ citant…des exemples.
➢ Le complément prépositionnel introduit par : avec/ par/ à l’aide de / au moyen de /
grâce à/ par le biais de …

À noter :
Réorganiser le texte n’est pas obligatoire. Mais,
- Très souvent un auteur, pour convaincre, répète la même idée ;
- Très souvent un texte se construit de schémas logiques qui se répètent.
Dans de tels cas, il est préférable d’opérer des groupements : la pensée de l’auteur sera mieux
mise en valeur. Pour souligner l’organisation personnelle du texte, ne pas oublier de structurer
des paragraphes.

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IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ

REFORMULATION
PRINCIPES DIRECTEURS : ÉCONOMIE ET FIDÉLITÉ

Nous analyserons ici les différentes opérations mises en jeu dans la reformulation des idées
lors de l'élaboration d'un résumé / compte-rendu de texte. Il semble utile de présenter
préalablement quelles sont les principales finalités pragmatiques de cet exercice d'expression
écrite.
Qu'il s'agisse du résumé ou du compte-rendu, l'objectif est généralement de garder une trace
du texte original, pour :
➔ faciliter l'identification et la recherche d'information
➔ le recouvrement de données spécifiques
➔ inviter à la lecture
➔ guider l'interprétation

Quelles sont les opérations mises en jeu ?


✔ La compréhension
On ne peut aboutir à une image contractée et fidèle d'un texte sans avoir préalablement
procédé à un minutieux travail de compréhension, d'analyse exégétique de celui-ci.
Cette analyse implique entre autres de repérer les marqueurs de cadre et leurs séquences
correspondantes, les paragraphes, les connecteurs et les enchaînements en général. Ce repérage
permet ainsi de subdiviser le texte en blocs.
Il sera ensuite important de procéder pour chaque bloc décelé à une attribution d'intention. Il
s'agit donc de détecter quel rôle joue chaque séquence du texte (par exemple : exposé du
thème, causes, effets, illustration, concession, exemplification, conclusion, etc.).
Ces deux premières opérations permettent ensuite de hiérarchiser les éléments du texte en
en dégageant les intentions directrices. De la sorte, il sera possible de différencier les
opérations directrices des opérations subordonnées et de décider par conséquent quelles seront
les informations à supprimer et celles à retenir. Par exemple, en principe, les opérations de
consécutions sont directrices tandis que les opérations de justification sont subordonnées.
✔ La reformulation
La reformulation est en général de caractère paraphrastique et remplit une fonction
facilitatrice. Il faut néanmoins préciser que dans le cas du résumé, la reformulation se double
de "compactification". Pour ce faire, la personne qui résume doit solliciter son lexique mental
afin de trouver des formules sémantiquement fidèles et à la fois plus compactes. Il met en outre
en jeu ses connaissances sur les formes d'expression ou de dérivation permettant de rassembler
sous une expression un ensemble verbal plus vaste.
La sollicitation du lexique mental dépend évidemment des connaissances de la
signification des mots (difficilement contrôlable étant donné le caractère infini des thèmes des
textes à résumer) de la part de celui qui résume.

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IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
Les mécanismes de "compactification" paraphrastique comprennent :
➔ La nominalisation (sujet + prédicat)
➔ L’adjectivation (proposition relative)
( Ces deux mécanismes présentent toutefois un faible degré de compactification. )
➔ La présupposition et l'implicitation

Ex 1 : Léon regrette que Sophie ne soit pas venue


Implique que :
S n'est pas venue
L tenait pour possible la venue de S
L aurait apprécié la venue de S
L est malheureux que S ne vienne pas

Ex2 : Les amateurs de cinéma attendaient depuis un mois avec impatience le film
d'Armand Duvanier, “Le sourire de Maman”, qui vient de sortir sur les écrans. Mais ils n'ont
apprécié ni la mise en scène, ni les acteurs, ni le scénario 🡪 Les cinéphiles ont été déçus par
le dernier film d'Armand Duvanier.

Tel que l'exemple nous le montre, l'exactitude et la précision sont les propriétés
majeures de toute opération de reformulation insérée dans un résumé. Il est indispensable de
respecter l'exactitude même si l'on confère aux éléments un moindre degré de précision en
raison des éliminations de certains prédicats, de certaines déterminations spécifiques.
Généralement, on substitue à une série de traits descriptifs l'item lexical qui les inclut, ce qui
justement entraîne la perte de précision. Les pertes d'éléments concernent le plus souvent des
spécifications spatio-temporelles et des prédicats secondaires. La reformulation implique
donc toujours une substitution. Mais celle-ci peut prendre la forme d'opérations langagières
différentes qui, dans tous les cas, se fonderont sur l'analyse de la valeur structurelle de
l'information.

Matériel théorique tiré et adapté de :


https://people.unica.it/maudcharpentier/files/2012/04/Fiche-méthodologique-Compte-rendu-C1.pdf
http://users.skynet.be/fralica/refer/theorie/theocom/produire/6mpcr.htm
https://www.marocagreg.com/forum/sujet-le-compte-rendu-d-un-document-ecrit-28588.html

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PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ

LE COMPTE RENDU DÉTAILLÉ D'UN ROMAN

Voici une suggestion de plan de CR de roman qui devra bien entendu être adapté à chaque livre en
particulier. Ce modèle peut également être transposé pour élaborer un CR de film en tenant compte des
spécificités de chaque œuvre (photographie, image, musique, rapport image-narration). Pour chaque
point, ne retenir et exposer que les éléments jugés pertinents.

o L'auteur

Présenter l'auteur en donnant plus de précisions, suivant qu'il s'agit d'un écrivain reconnu. Données
indispensables : époque, œuvres principales, prix, mouvement (si c'est le cas).

o L'ouvrage

Titre /genre/ date de publication


Cadre : temporel, spatial, social (voir si ces aspects sont importants dans le roman analysé).

o L'action

Résumer très brièvement l'argument. Ne pas trop s'attarder sur cette partie qui ne doit, en aucun cas,
constituer une part importante de l'ensemble du CR.
Il est utile ici de retracer succinctement le schéma narratif (situation initiale, élément déclencheur,
péripéties, situation finale).

o Les personnages / actants

Il s'agit de présenter les principaux personnages, en abordant les facettes qui les caractérisent le plus.
Comment évoluent ces personnages ? Quels traits de leur caractère jouent un plus grand rôle dans leur
histoire ? Quelles sont les relations qui se tissent entre les personnages ? Comment évoluent-elles ?

o Les thèmes

Quel est le thème principal ? Et les sous-thèmes ? Exprimez les problèmes posés par l'œuvre.
Quelle est finalement l'intention de l'auteur : simplement raconter une histoire, faire rire, émouvoir,
faire réfléchir, réagir, dénoncer, critiquer, etc. ?

o Jugement personnel

Vous pouvez conclure par une appréciation justifiée de l'œuvre. Votre critique se voudra constructive
et pourra tenir compte d'aspects positifs tout autant que négatifs.

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PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ

TEXTE SUIVI DU COMPTE RENDU DE L’ARTICLE

« Sur les blogs d’ados, des “délires » qui peuvent faire mal »
Ludovic BLÉCHER, pour Libération
Photos et blagues de potaches font l’essentiel des blogs d’ados. Mais parfois les
vacheries peuvent faire mal.

Au départ, il voulait faire comme les copains : monter son blog, y mettre les photos d’un voyage
scolaire à Versailles et raconter des anecdotes. «C’était juste des délires entre nous. Il s’agissait
d’un journal intime dont on ne communique l’adresse qu’aux amis proches. Je n’avais pas
conscience qu’un prof pouvait tomber dessus», reconnaît Julien, un adolescent de 14 ans
récemment expulsé de son collège pour abus de blog. Quasiment impossible, en effet, de dénicher
l’adresse d’un blog particulier dans les méandres du million et demi de «skyblogs» qui font un
tabac chez les collégiens et lycéens. Selon la délégation interministérielle aux usages de l’Internet,
plus de la moitié d’entre eux animerait ou participerait à un blog. Mais une cafteuse a rencardé la
direction du bahut. Laquelle s’est offusquée des propos injurieux, diffamatoires et offensants
publiés, selon elle, sur le blog.
L’adolescent parle d’anecdotes sans arrière-pensées pour accompagner des photos volées :
«J’ai raconté que quelqu’un avait entendu une prof péter dans les toilettes, qu’une autre était une
imbécile heureuse ou qu’elle se faisait tripoter les fesses.»

Dégâts considérables

Cet excellent élève assure avoir découvert l’Internet récemment et prétend que ce n’était
qu’une «surenchère de délires entre potes». Malgré des lettres d’excuses personnelles envoyées à
chacun des professeurs offensés, l’argument n’a pas ému le conseil de classe. Il était pourtant
recevable; Car la plupart des adolescents l’assurent : le blog n’est destiné qu’à un auditoire
restreint et ne doit surtout pas être à portée des professeurs ou des parents. La plupart sont
même persuadés que le blog reste un truc de jeunes : «Passé 18 ans, personne ne connaît les
skyblogs», dit Jean,
un collégien convaincu qu’ils ne s’adressent qu’à «des gamins du même âge qui partagent les
mêmes choses». Mais lorsqu’il y a fuite, les dégâts sont considérables : depuis le début du mois,
près d’une dizaine d’élèves ont été exclus définitivement pour avoir insulté des professeurs sur
leurs blogs.

«Tant que ça reste entre nous»

Il faut dire que parfois, les commentaires sont rudes : «C mec, c une poubelle sur pied ! Y pu de
la gueule jamais vu sa abusé y pue le vin.» Sur le même blog, une photo prise en classe d’une
professeure de français avec une appréciation gratinée : «Elle é raciste... fo pas dire de mots
arabes ou insulter les mères sinon on a le droit a tout un spitch.» Réaction d’un membre du cercle
des blogueurs : «Jpeu pa me la blairer cte conne, sérieu elle est trop relou, la meuf.» D’autres
professeurs sont moins maltraités.

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IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
Notamment ceux qui ne rechignent pas à se laisser prendre en photo et donnent leur accord
pour une publication sur un blog. «Ça arrive qu’on se moque un peu d’autres jeunes, ou de profs,
mais on s’arrange pour être les seuls à comprendre, on met pas leur photo ou leur nom, affirme
une lycéenne de Bruxelles. Puis c’est pas méchant, on rigole juste. Tant que ça reste entre nous ça
va, ça dégénère pas.»

Soutifs ou strings

Sur la plupart des skyblogs, le ton est potache et le langage parfois indéchiffrable, mais c’est
surtout leur quotidien que nombre d’adolescents étalent sur ces pages persos un peu fourre-tout.
On y trouve des photos de leurs stars préférées, des listes de liens, des clips téléchargés sur le net
ou de longs épanchements sur les états d’âmes des uns et des autres. Il y a aussi des blogs photos
qui mettent en scène les copains. Ou les copines. Il y a la tendance hot : «Donc voici quelques filles
dans les vestiaires en train de se changer... ummmmmm ! Elles sont toutes mimi... (j’ai un peu
censuré la photo de Julie pour qu’on voit pas son soutif hein ?! bande de visslards).» Et le style
meilleures amies : «JE T’AIME MA CHÉRIE !!!! Tu es ma soeur ! Tout quoi !» Mais ce lieu est aussi
celui du débat, comme l’explique William, 14 ans, en quatrième dans un lycée parisien : «Il y plein
de sondages du style : pour ou contre le port du string, à partir de quel âge ou des questions sur la
première fois.»
Libération, Ludovic Blécher, 21 MARS 2005.

Production d’étudiant- Corrigé

🔎
Compte rendu de l’article « Sur les blogs d’ados, des “délires » qui peuvent faire mal ».
Relevez dans cette production tout ce qui met en évidence le processus que suit le
compte rendu pour exposer le texte de départ.

En date du 23 mars 2005, le journal Libération a publié un article intitulé « Sur les blogs
d’ados, des “délires » qui peuvent faire mal ». Le journaliste Ludovic Blécher y aborde le thème
des blogs, parfois injurieux à l’égard des enseignants, rédigés par les adolescents.
Pour évoquer et analyser ce phénomène, l’auteur de ce texte commence par expliquer
quelles étaient les intentions de Julien, rédacteur de l’un de ces blogs. Les paroles citées de ce
jeune montrent qu’au départ ses textes ne devaient pas être divulgués parmi les adultes. Il
s’agissait d’un espace réservé à l’intimité adolescente. Blécher explique d’ailleurs qu’il est fort
difficile de trouver l’adresse d’un blog.
L’article poursuit par le récit de la dénonciation de l’élève finalement expulsé par les autorités
de son établissement scolaire suite à l’offense subie par une professeure injuriée sur le blog en
question. À l’aide de nombreuses citations des jeunes concernés par cette affaire, le journaliste
montre à quel point les adolescents considèrent ces espaces Internet comme leur étant réservés.

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PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
À l’appui de cette idée, il cite d’abondants exemples de propos non seulement familiers mais
de plus grossiers et insultants tirés de blogs de ce genre. L’article finit en évoquant la variété des
thèmes abordés sur ces pages. En effet, les commentaires concernant les professeurs ne semblent
pas y constituer l’exclusivité. Ainsi peut-on y trouver, sur un ton parfois naïf et dans un langage
hermétique aux adultes, l’expression de leurs sentiments, leurs goûts, des photos d’amis ou
d’amies non toujours dépourvues de sensualité ou des débats liés au thème de la sexualité. Bref,
tel que l’a mis en évidence Ludovic Blécher, un lieu de partage bien à eux.

Production d’étudiant
COMPTE-RENDU DU FILM « ENTRE LES MURS »
🔎 Observez le processus mis en place par l’étudiant pour élaborer le compte rendu de
ce film. Corrigez les erreurs de langue que vous trouvez. Commentez l’organisation de ce
texte : en quoi elle pourrait être améliorée ? Proposez des reformulations.

Écrivain, réalisateur, scénariste et fils d'enseignants, François Bégaudeau a grandi à


Nantes, où il a suivi des études de lettres modernes. Professeur de français, passionné de football
et chanteur rock. Il a publié son premier roman « Jouer juste » (2003), « Dans la diagonale »
(2005) et « Entre les murs » (2006). Titulaire d'une agrégation, il a trouvé un premier poste de
professeur de français à Dreux, puis au collège Mozart, dans le XIXème arrondissement. Il s’est
inspiré de sa propre expérience professionnel pour écrire « Entre les murs ». Fan du cinéma, en
2007, Bégaudeau a travaillé à l’adaptation de son roman au cinéma avec le réalisateur Laurent
Cantet. Le film a obtenu, en 2008, la Palme d’or au Festival de Cannes.

Comme son titre l’indique, le film évoque l’idée d’enfermement. Pendant toute une année,
ce huis clos révèle l’interrelation et l’antagonisme entre un groupe multiethnique d’élèves et de
l’autorité -le professeur- dans un ZEP du XIXème arrondissement de Paris.

L’action se déroule entre la salle de classe et la salle des professeurs où les problèmes
familiaux, sociaux, le racisme sont récréés comme un reflet d’une réalité incontestable.

Le film profite des disputes et donne un espace ouvert par les oppositions dialectiques
tantôt joyeuses, tantôt tragiques entre le professeur et ses élèves.

Au début du cours, les enseignants, pleins de bonnes intentions, luttent contre le


découragement. Tel est le cas de François, un jeune professeur de français d'une classe de 4ème
dans un collège difficile où ses élèves ont entre 14 et 15 ans. Il doit faire face aux fortes joutes

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PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
verbales qui finissent parfois par des incidents de classe. La plupart de ses élèves cherchent á
l’école un endroit pour progresser dans un monde qui ne les accepte pas.

Les personnages principaux présentent des caractéristiques différentes qui renforcent l’idée de
la diversité :

François Marin: c’est le professeur de français de la classe de 4ème. Il essaie


d’intéresser les élèves et entretiennent avec eux des rapports assez direct.
Esméralda Ouertani - Sandra: elle est celle qui parle le plus dans la classe. Elle est
déléguée de la classe. Elle surprend le professeur à la fin de l’année lorsqu’elle
raconte sa lecture de La République de Platon.
Franck Keïta - Souleymane : c’est un personnage central dans le film. Il ne travaille
pas et il est insolent. Pourtant il est très fier quand son autoportrait est affiché par le
professeur et montre qu’il a besoin d’être encouragé.
Rachel Régulier - Khoumba : elle incarne la jeune fille insolente. C’est elle qui sera
blessée lors de la violente dispute en classe avec Souleymane.
Wei Huang: il vient de Chine. C’est un bon élève qui travaille très dur pour apprendre
la langue française et s’intégrer. Sa mère sera arrêtée par la police car elle n’a pas de
papiers.
Carl Nanor : il arrive l’année commencé d’un autre collège dont il a été renvoyé. Il
s’intègre bien à sa nouvelle classe, mais il a parfois des problèmes avec Souleymane.

Les relations entre les personnages sont vraiment compliquées teintes d’intolérance et
de cynisme : une confrontation constante surtout entre François et les élèves plus ou moins
bons, plus ou moins indisciplinés.

À partir du moment où on entre en classe, l’objectif est de montré la réalité sociale des
élèves des quartiers défavorisés de la banlieue parisienne. Il ne s’agit seule d’éducation, mais de
survie. Ils devront faire face au manque d’intérêt, aux agitations sans bornes, à l’instabilité, à
l’impossibilité de calmer leurs passions pour pouvoir réussir l’année scolaire.

Conclusion

La véracité du film m’a plu, puisque les interprétations ont été formidables : la
participation d’acteurs non professionnels dévoile un portrait subtil du monde d’aujourd’hui.
C’est un film intelligent sur l’identité française moderne et la tentative de transformer les jeunes
en citoyens à travers le dialogue.

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TEXTE SUIVI D’ACTIVITÉS D’ANALYSE


AGORA Société
UNE VIE SOUS LA COUPE DES EXPERTS
AUCUN ASPECT DE NOS VIES NE LEUR ÉCHAPPE : ÉDUCATION DES ENFANTS,
CONTENU DE NOS ASSIETTES, RELATIONS AVEC NOS PROCHES… ET COMME ILS
SQUATTENT LES PLATEAUX TÉLÉ, LES RADIOS ET LES RAYONS DES LIBRAIRIES,
IMPOSSIBLE D'ESQUIVER LEURS CONSEILS.
PAR PAULINE PORRO- Marianne, 24 avril 2020

Appeler un proche par jour pour lui dire des choses positives, désencombrer son intérieur
suivant les préceptes de Marie Kondo, communiquer au sein de son couple… mais surtout,
revenir à l'essentiel. Alors que les Français sont cloîtrés chez eux depuis plusieurs semaines, les
injonctions à mettre à profit le confinement ne connaissent pas la pénurie. Si les paroles
d'experts pullulent en cette période, les conseils de spécialistes pour adopter une meilleure
hygiène de vie, gérer ses émotions ou réussir sa reconversion n'ont pas attendu le coronavirus
pour inonder l'espace médiatique. En fait, originaire du monde anglo-saxon, cette mode vient
de loin. Les premiers guides comportementaux sortent en France dans les années 1960 alors
que l'intérêt pour la psychologie gagne le grand public. En 1960, l'ouvrage de Pierre Daco les
Prodigieuses victoires de la psychologie moderne rencontre un vif succès, de même que les
thérapies post freudiennes (ou « thérapies pour les normaux »). Les émissions de Ménie
Grégoire et de Françoise Dolto abreuvent leurs auditeurs de conseils quotidiens sur l'éducation
des enfants ou la vie de couple. Puis arrive la psychologie positive, discipline élaborée dans les
années 1990 aux Etats-Unis reposant sur le postulat que tout un chacun peut réinventer sa vie et
atteindre le meilleur de lui-même en adoptant un regard plus positif sur soi et sur le monde. En
découlera la grande famille du développement personnel, ses thérapies, sa littérature
de self-help et sa cohorte de coachs.
Dans Développement (im)personnel, la philosophe Julia de Funès lie le succès du
développement personnel à l'essor de l'individualisme et à la chute progressive des
transcendances et des grandes autorités : « Dans l'Antiquité, bien gérer sa vie signifiait trouver
sa place dans le cosmos, au temps des religions, c'était être aligné avec le commandement
divin, aux temps aristocratiques, la vie était toute tracée, et l'individu dépendait de cette
autorité sociale. Aujourd'hui, l'homme moderne se trouve face à lui-même et au vertige de la
réussite. Il a donc besoin de béquilles existentielles. » Une aubaine pour certains, qui voient
dans ce désarroi contemporain une manne juteuse.
Selon une étude du Centre national du livre de 2017 citée dans l'ouvrage de Julia de
Funès, 31 % des Français lisent au moins une fois par an un ouvrage étiqueté « développement
personnel », contre 17 % en 2014. Cette littérature ne cesse d'occuper une place toujours
croissante dans les librairies, représentant pour elles un chiffre d'affaires de 53 millions d'euros
en 2017.

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Les neurosciences à la rescousse

Qu'il s'agisse de prôner la parentalité positive ou de vanter les mérites de la méditation,


les experts s'appuient paradoxalement autant sur les savoirs ancestraux que sur les
neurosciences pour faire autorité. Dans la Mécanique des passions. Cerveau, comportement,
société, le sociologue Alain Ehrenberg relève que, alors que la psychanalyse confronte l'être
humain à ses limites et à ses manques, les neurosciences cognitives l'invitent à les dépasser.
Pour le sociologue Nicolas Marquis, auteur de Du bien-être au marché du
malaise, nombre de ces expertises mobilisant les neurosciences reposent sur deux mantras
inhérents au développement personnel : il existerait en nous des ressources cachées et nous
pourrions toujours agir face à ce qui nous arrive. Un message particulièrement séduisant en
cette période de confinement. « Cela prend différentes formes dans le discours psy, mais le
fondement moral est toujours le même. Quand on vous raconte qu'avec les neurosciences vous
pouvez améliorer les capacités de votre mémoire, ou que vous n'utilisez que 10 % de votre
cerveau, c'est qu'il vous est toujours possible d'agir sur les situations, aussi contraintes
soient-elles. »
Chaque pan de notre vie pourrait ainsi faire l'objet d'une amélioration, pour peu qu'on y
mette du nôtre. C'est qu'il est plus facile de s'attaquer à son jardin intérieur que de désigner le
capitalisme comme responsable des maux de l'époque. Une vision psychologisante du monde
qui non seulement fait fitures sociales et économiques qui encadrent la marge de manœuvre des
individus, mais les détourne de modes d'action politique ou syndical, seuls à même de
permettre réellement leur émancipation.
« Il y a une affinité évidente entre le contenu de ces discours et le mode de vie libéral :
face aux malheurs, l'action socialement valorisée n'est pas de se plaindre ou de se présenter en
victime, mais c'est de se demander ce qu'on peut faire par soi-même », analyse Nicolas
Marquis. Une illustration de ce phénomène est le succès rencontré par la notion de résilience,
un mot qui a servi à baptiser l'opération militaire en cours en France pour faire face au
Covid-19. Popularisée dans les années 2000 par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, la résilience
renvoie à l'idée d'une transformation alchimique de l'épreuve négative en capital positif. Vous
êtes licencié ? Soyez résilients et devenez autoentrepreneur. Un refrain entonné par Jacques
Attali, qui, dans Devenir soi (vendus à 200 000 exemplaires), regrette que trop de gens
quémandent un emploi de l'Etat, quand il leur suffirait de se le créer eux-mêmes. Pas un hasard
si la commission pour la libération de la croissance qu'il présida accueillit en son sein le
neuropsychiatre résilient.
« On pourrait croire que cela responsabilise l'individu, mais cela le met sous tutelle. Par
contre, en lui faisant croire qu'il est responsable de ce qui lui arrive, cela le culpabilise : si je
n'y arrive pas, c'est ma faute. J'ai rencontré beaucoup de gens qui finissent chez les psychiatres
après être passés chez les experts ! », alerte Julia de Funès. C'est qu'entre s'entendre marteler
qu'on est seul maître de sa destinée et se voir enjoindre de suivre des diktats, il y a de quoi
devenir fou. (975 mots)

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📝 ✍️
Cette activité de réflexion
est de
🤔💬
corriger/ commenter
a été créée à partir des productions des étudiants. L’idée
des extraits des CR dans le but d’en maîtriser la

⚠️
technique.
Mise en garde : soyez gentil·les au moment de critiquer les camarades qui ont commis
ces fautes. Leurs erreurs sont maintenant une aide à votre apprentissage.

Observez les introductions suivantes : comment sont-elles construites ? Restituez


les questions auxquelles elles répondent. Repérez les termes qui mettent en
évidence le faire de l’auteur.

I) Dans l’article « Une vie sous la coupe des experts », paru dans Marianne le 24 avril 2020,
Pauline Porro aborde le sujet des injonctions médiatiques conçues pour nous faire profiter du
confinement et nous rappelle que les nombreux conseils pour mener une bonne vie ne sont pas
neufs. Le texte explore aussi les idées sur lesquelles reposent ces préceptes et dénonce leur
portée

II) Daté du 24 avril 2020, l'article “Une vie sous la coupe des experts”, publié par Pauline
Porro dans le magazine Marianne, dénonce l'envahissement des spécialistes dans nos vies:
tirant profit du confinement, une ribambelle de professionnels supposent savoir ce dont nous
avons besoin en nous poussant à agir et réagir d'une certaine manière.

III) Le 24 avril 2020, la journaliste Pauline Porro, dans la rubrique Société du journal
Agora, critique les interventions des experts qui prescrivent des recettes magiques pour notre
développement personnel et auxquelles “aucun aspects de nos vies ne leur échappe”, avec une
présentation détaillée des événements historiques et citations qui vient à l’appui de son
argument.

Dans cet extrait, identifiez la fonction de la citation. Reprenez-la par une


formulation originale. Corrigez les erreurs de langue repérées et les faiblesses
lexicales :

A Partir de ce moment, la journaliste aborde le paradoxe qui existe parmi les experts de la
neuroscience qui prennent aussi des connaissances ancestrales. Pour l’expliquer elle prend la
notion de Nicolas Marquis laquelle affirme que le développement personnelle dans la
neuroscience est basé sur l’idée qu’il existe en nous des ressources cachées pour intervenir
dans ce qui nous arrive : “les neurosciences reposent sur deux mantras inhérents au
développement personnel : il existerait en nous des ressources cachées et nous pourrions
toujours agir face à ce qui nous arrive.” Bien que cette phrase soit appropriée pour le
confinement, elle prend dans le discours psychologique différents formes.

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PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
L’auteure conclut avec cette information : chaque élément de la vie peut être amélioré, et
souligne l’ironie de la vision psychologique d’un monde où il vaut mieux commencer vers
l’intérieur de l’être humain que culpabiliser au capitalisme des maux.

Identifiez à quelle partie du CR appartient cet extrait. Observez le rapport


contenu/ faire de l’auteure. Comment l’améliorer pour que ce rapport soit plus
équilibré ? Corrigez les erreurs de langue repérées :

Ces “ conseils” datent du début des années 60 . L'ouvrage de Pierre Daco, ou même les
émissions de Menie Grégoire et Françoise Dolto révélaient le précepte principal qui serait
dégager la victime pour tirer profit de la circonstance subie. Dans ce sens, les personnes
doivent s'affirmer sur soi mêmes et changer la vision du monde pour se dévoiler optimiste.
Au temps actuels, le terrain conquis est celui du développement personnel avec ses thérapies,
sa littérature de self-help et sa cohorte de coachs qui ont gagné la bataille grâce à une chute
progressive des grandes autorités et au rôle principal de l'individualisme qui auraient trouvé
sa place.
De cette maníere le concept de l´Antiquité , qui affirmer l'alignement avec le
commandement divin de l ´homme appuyé sur les savoirs ancestraux, le bien être, les
neurosciences cognitives trouvent un rôle exceptionnelle pour faire face à la course du
capitalisme sauvage.

Observez ces conclusions dans le but de les commenter. Quelle en est la


fonction ?

I) Finalement, Mme. Porro se moque de la notion de résilience et du fait de devenir auto


entrepreneurs de notre existence et dévoile le neau de sa pensée en avouant que cette vision
psychologisante du monde dévie les individues des modes d’action politique et syndical,
qu’elle même qualifie comme “les seuls capables de permettre leur émancipation”..

II) Finalement elle ajoute que les experts s’assurent des neurosciences à fin de fortifier ses
arguments, même si ces connaissances dépassent l’idée de confronter l’enfermement et aussi
de réussir à la conversion émotionnelle de soi. Pour la part du sociologue Nicolas Marquis,
auteur de Du bien-être au marché du malaise, il triomphe à nous séduire en remarquant notre
propre capacité de traiter ce qui nous arrive, en se demandant ce qu'on doit faire par soi-même.
Voilá la ressource primordial pour faire face au Covid-19.

III) L’ironie ne manquera pas dans son discours où, dans l'ensemble, elle ne ratera pas
l'occasion de jeter la pierre contre le capitalisme.

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CORPUS DE TEXTES
DOCUMENT 1

RÉCIT
Affaire Mila : d’Instagram au Sénat, itinéraire d’une polémique
Par Sabrina Champenois et Anaïs
Moran — 7 février 2020 à 20:51

Le 18 janvier, Mila, 16 ans, critique l’islam


de façon virulente sur son compte personnel.
Une vidéo virale, qui entraîne des réactions
en chaîne.

Mila, lors de son interview dans l’émission «Quotidien», sur la


chaîne TMC, lundi. Capture d'écran.

L’histoire commence le 18 janvier, en direct de la planète Instagram. Mila, Iséroise


de 16 ans, apparaît dans une vidéo en live depuis son compte et se met à converser avec une
trentaine de ses 9 000 abonnés. Elle leur montre sa nouvelle couleur de cheveux, papote.
Débarque alors un internaute qui, aux dires de la jeune lycéenne, commence à la draguer «un
peu lourdement» par l’intermédiaire de commentaires. «Je n’ai pas hésité à remettre à sa place
cette personne, parce que ce n’est pas la première fois que ça m’arrive», précisera
l’adolescente le 3 février dans l’émission Quotidien, sur la chaîne TMC. Le live se poursuit,
Mila entame alors une discussion avec une autre abonnée, qui l’interroge sur ses préférences
sexuelles. «Je lui ai dit que j’étais lesbienne. Elle m’a demandé quel était mon style de filles,
m’a dit qu’elle, personnellement, n’aimait pas particulièrement les Rebeus et les Noires. Je lui
ai dit que c’était pareil pour moi», retracera-t-elle chez Yann Barthès. Des propos qui font
bondir l’internaute du début : «Il a commencé à m’insulter, "sale pute", "sale lesbienne", "sale
raciste", et il m’a beaucoup insultée au nom d’Allah. C’est à ce moment-là que le sujet a
basculé sur la religion.» Cette première vidéo est depuis introuvable. Interrogée il y a une
dizaine de jours par CheckNews, l’adolescente indiquait y avoir «donné [son] avis» sur l’islam
: «J’ai dit que je n’aimais pas ça et que c’était une religion de haine, rien de plus.»

Flot d’injures
Lorsqu’elle quitte le live, le débat a déjà dérapé. Trois, quatre, cinq internautes lui envoient
une salve de menaces et de propos haineux («30 à 100 messages par personne», selon
elle). «Ça m’a révoltée et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire cette story», se justifie
la lycéenne. C’est cette seconde vidéo, enregistrée le même jour sur Instagram, qui met
définitivement le feu aux poudres. Mila y tient les propos suivants : «Je déteste la religion, le
Coran est une religion de haine, l’islam c’est de la merde. Je dis ce que je pense, putain. Je suis
pas raciste, mais pas du tout. On peut pas être raciste d’une religion. J’ai dit ce que je pensais,
j’ai totalement le droit, je regrette pas du tout. Il y a des gens qui vont encore s’exciter, j’en ai

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rien à foutre. Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du
cul. Merci, au revoir.»
L’extrait est enregistré, diffusé massivement sur les réseaux sociaux et visionné plus d’un
million de fois. La messagerie Instagram de Mila se remplit d’un flot d’injures, d’appels au
lynchage et de menaces de mort. Extraits : «On va te retrouver et t’égorger sale chienne», «Si
je te croise dans la rue je vais te faire avaler tous les organes», «Je vais tellement te faire
saigner le visage que tu ne pourras pas t’exprimer». Le hashtag #JeSuisMila apparaît pour
prendre sa défense. Le camp #JeNeSuisPasMila contre-attaque. L’adresse et les coordonnées
de son établissement scolaire sont divulguées sur les réseaux sociaux, d’aucuns appelant
à «faire péter le standard» du lycée. Mila ne revient pas en cours le 20 janvier.
Le 23 janvier, le procureur de la République de Vienne (Isère) ouvre à son encontre une
enquête pour «incitation à la haine religieuse», classée sans suite une semaine plus tard. Celle
pour «menaces de mort, menace de commettre un crime et harcèlement», confiée à la section
de recherches de la gendarmerie, est, elle, toujours en cours.
La polémique en ligne est devenue un débat public et politique. Le 23 janvier sur Sud
Radio, le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri,
condamne les menaces de mort mais invoque la responsabilité de l’adolescente : «Je dis que
cette fille, elle sait très bien ce qu’elle fait. Qui sème le vent récolte la tempête. […] Qu’elle
critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Elle assume les
conséquences de ce qu’elle a dit.» Une déclaration dénoncée cinq jours plus tard par la
secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa : «Je trouve que ce sont des
propos criminels, des propos coupables, et je me bats contre cette idée selon laquelle une
femme qui serait victime de violence, de cyberharcèlement, […] l’aurait cherché.»
Mais le lendemain, sa collègue Nicole Belloubet lâche au micro d’Europe 1 une phrase qui
suggère que Mila serait coupable d’atteinte à la liberté de conscience : «Dans une démocratie,
une menace de mort est inacceptable, c’est absolument impossible. C’est quelque chose qui
vient rompre avec le respect que l’on doit à l’autre, déclare-t-elle. L’insulte à la religion, c’est
évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave, mais ça n’a pas à voir avec la
menace.» Tollé immédiat, à droite notamment. Sur Twitter, Marine Le Pen saute sur l’occasion
: «Peut-on compter sur le gouvernement d’Emmanuel Macron pour défendre nos valeurs et nos
libertés ? Clairement, la réponse est NON ! Et c’est cela qui est grave.»
Le même jour, interpellé par le banc LR au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Christophe
Castaner, clarifie la position gouvernementale : «Il n’existe pas, dans ce pays, […] il n’existera
jamais sous l’autorité de ce gouvernement, de délit de blasphème, a-t-il assuré. La liberté
même d’expression, dans notre pays, permet à chacune et chacun de pouvoir critiquer une
religion. Et la jeune Mila peut parfaitement critiquer, […] et il est inacceptable, insupportable
même, que certains, au nom de l’institution qu’ils représentent, aient pu laisser penser que cela
était interdit.» Quelques heures plus tard, la ministre de la Justice rétropédale, concède «une
expression maladroite ou lapidaire» et explique, laborieusement : «Je n’ai pas voulu remettre
en cause le droit de critiquer une religion […]. J’ai voulu dire que, dans notre démocratie, les
injures ou les discriminations en raison de l’appartenance, c’est une infraction. Et cette
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infraction peut être grave parce qu’elle conduit à la haine ou au rejet de l’autre. Dans notre
démocratie, ça n’est pas possible. Et c’est évidemment un des points importants qui justifient
cette liberté de conscience.»
«Pas réalisé l’ampleur»
Le 3 février, interviewée dans l’émission Quotidien sur TMC où elle apparaît calme et
réfléchie, Mila persiste, tout en nuançant : «Je ne regrette absolument pas mes propos, il y a
deux choses que je regrette. De les avoir dits sur les réseaux sociaux, parce que je n’avais pas
réalisé l’ampleur que ça pourrait prendre, et de les avoir dits de manière aussi vulgaire, parce
que j’aurais pu argumenter.» Elle ajoute : «Je tiens quand même à dire que je m’excuse un petit
peu pour les personnes que j’ai pu blesser, qui pratiquent leur religion en paix. Je n’ai jamais
voulu viser des êtres humains, j’ai simplement voulu blasphémer, […] parler d’une
religion.» Elle dit que sa vie est «clairement en pause».
Le lendemain, Christophe Castaner indique que «Mila et sa famille font l’objet d’une
vigilance particulière, pour les protéger, de la part de la police nationale». Mercredi, dans une
tribune publiée par Marianne, le tout nouveau président du CFCM, Mohammed Moussaoui,
désavoue Abdallah Zekri : «Nous devons accepter que l’islam soit critiqué y compris dans ses
principes et fondements.» Tout en ajoutant : «Trop souvent, le droit de critiquer notre religion
sert de paravent à la mise à l’index des musulmans.»
Jeudi, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, annonce avoir trouvé
une «solution de rescolarisation» pour la lycéenne, sans donner de précision.
(1257 mots)

DOCUMENT 2

ENQUÊTE
Ménage, courses, cuisine, chacun sa part
LE MONDE | 17.08.07 | 16h04 • par Anne Chemin

Pendant des années, ils ont tenté d'équilibrer au jour le jour les tâches ménagères. "Mais il y
avait toujours un transfert de charges insidieux vers Isabelle", admet son compagnon. Lassés
par les discussions sur le nettoyage du linge ou l'organisation des courses, Isabelle Bremond,
productrice de cinéma et de documentaires, et Yves Salesse, conseiller d'Etat et président
d'honneur de la Fondation Copernic, ont fini par instaurer, il y a quatre ans, un système
d'"alternance". Pendant une semaine, ils assument chacun à leur tour les tâches domestiques :
préparer les repas, s'occuper de la maison, qui compte deux adolescents de 15 et 19 ans.

Le système est souple - "si on a un déplacement ou un imprévu, on ajuste, bien sûr" -, il a


l'avantage d'équilibrer les rôles. "Ça marche, mais il a fallu que j'apprenne à lâcher, raconte
Isabelle Bremond. Tant pis si on mange des nouilles deux soirs de suite ou si les tee-shirts sont
étendus en boule : ce qui compte, c'est que l'on fonctionne de manière plus égalitaire. C'est

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PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
important pour nous, mais aussi pour les enfants : j'avais envie que mon fils devienne un mari
acceptable et que ma fille ne soit pas embringuée dans les mêmes schémas. C'est bien de leur
montrer que les choses peuvent bouger."

Yves Salesse, qui était l'un des porte-parole de José Bové pendant la campagne présidentielle, y
a perdu un peu de souplesse dans son emploi du temps, mais il estime que l'alternance est une
bonne solution. "Pendant "ma" semaine, je redécouvre le plaisir de rentrer plus tôt à la
maison, de ne pas être pressé le soir, d'avoir du temps pour discuter avec mes enfants,
constate-t-il. Avant, tout était organisé à l'avance, y compris la séance de foot avec mon fils le
week-end. Là, la vie est moins encadrée, ça laisse de la place pour des moments imprévus."

Le mode de vie de ce couple parisien est bien loin des constats dressés par la dernière enquête
"Emplois du temps" de l'Insee (1998-1999). Dans une famille de deux enfants dont les parents
travaillent à temps plein, les femmes accomplissent en moyenne 65 % du travail domestique,
80 % si l'on retient uniquement le "noyau dur" (courses, cuisine et linge). Ces inégalités pèsent
lourdement sur l'investissement professionnel des femmes : sur une année, une femme assume
680 heures de travail domestique de plus que son compagnon, soit dix-neuf semaines de travail
de 35 heures...

Malgré l'entrée massive des femmes sur le marché du travail à partir des années 1970, cette
répartition a peu varié : de 1974 à 1998, le nombre d'heures de travail domestique des femmes
est passé de 37,3 à 29,6 par semaine. Ce recul est en partie lié à la participation des hommes,
mais il repose pour l'essentiel (60 %) sur la transformation des modes de vie : c'est en faisant
appel à une femme de ménage et en utilisant au mieux les progrès de la technique -
sèche-linge, Kleenex et surgelés - que les femmes ont - un peu - réduit leur travail ménager.

Pour les sociologues, la perpétuation de ces inégalités demeure mystérieuse : à une époque où
80 % des femmes âgées de 25 à 49 ans travaillent, la parité domestique aurait pu s'installer peu
à peu.

Mais, malgré la révolution du féminisme, la marche vers l'égalité se heurte à la construction


traditionnelle des identités homme-femme. "Le genre masculin est associé à un évitement des
tâches ménagères, le genre féminin au contraire à une forte assignation, constate le sociologue
François de Singly dans L'Injustice ménagère (Armand Colin). Le mot d'ordre du partage
égalitaire du travail domestique rencontre donc des résistances de la part des hommes qui ne
veulent pas de ce travail trop marqué, trop "bas". Ils ont peur de perdre de leur grandeur,
assimilée socialement au masculin."

Valérie et Stéphane Brandel, qui vivent ensemble depuis quatre ans, ne cherchent pas l'égalité à
tout prix : ils ont, disent-ils, des "domaines de compétence" différents. Valérie, qui est
responsable de formation dans une entreprise de cosmétiques, s'occupe de la maison : elle fait

49
IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
les courses, prépare les repas, range la maison, fait le ménage, étend les lessives et repasse les
vêtements. Stéphane, qui est attachée commercial, assume les tâches qu'il juge plus
"masculines" : il sort les poubelles, nettoie la voiture, réalise les petits travaux de bricolage,
s'occupe du barbecue et tond le gazon.

Lorsqu'il lui est demandé d'estimer sa part des tâches ménagères, Stéphane Brandel hésite un
instant avant de proposer un "petit 30 %". Sa femme le corrige aussitôt dans un sourire. "Je
dirais plutôt 20, précise-t-elle. Mon mari a beaucoup de qualités mais ce n'est pas une fée du
logis ! Il met occasionnellement le couvert, il fait parfois la vaisselle, mais je sens bien qu'il
n'est pas à l'aise avec la cuisine, le ménage, le rangement ou le linge, alors je le fais
moi-même. Si je le sollicite, il participe, parfois même avec plaisir, mais les offres viennent
rarement de lui."

Cette répartition leur semble naturelle. " Les choses se sont faites toutes seules, affirme
Stéphane Brandel. On ne s'est jamais assis autour d'une table en se disant : "Toi, tu feras le
repassage, moi je laverai la voiture." C'est venu spontanément." Valérie Brandel sait que sa
charge est plus lourde que celle de son compagnon mais elle s'en accommode. "J'assume
l'essentiel mais je sais que ce sera fait comme je le veux. Je n'ai pas envie que la lessive reste
entassée dans une bassine ou que l'aspirateur ne passe jamais sous les tapis."

Jusqu'à la naissance de Timoté, deux ans et demi, et Corentin, trois mois, le déséquilibre n'a
pas vraiment pesé. "On avait du temps devant nous, se souvient Stéphane Brandel. On pouvait
avoir une vie moins organisée." Mais avec deux emplois à plein temps, de longs trajets en
voiture et des enfants en bas âge, la charge de travail s'est considérablement alourdie. "Il y a
quinze jours, j'étais tellement fatiguée que j'ai laissé les enfants à Stéphane pour aller me
promener pendant quelques heures, reconnaît Valérie. Ça m'a fait du bien de respirer un peu."
(1032 mots)

DOCUMENT 3

SÉRIE
«FRIENDS», LES COPAINS D’ALORS
LE CONFINEMENT SE PRÊTANT AU BINGE-WATCHING RÉGRESSIF, NOUS REVOILÀ À
SUIVRE LES AVENTURES DE ROSS, RACHEL ET COMPAGNIE. VINGT-CINQ ANS APRÈS
SON APPARITION SUR NOS ÉCRANS, QU’EST-CE QUI NOUS LIE ENCORE À LA SITCOM,
RELIQUE D’UN MONDE PRÉNUMÉRIQUE ?
Patrice Blouin- Libération

En cette période de confinement, la tentation est grande de trouver refuge dans le genre
audiovisuel confiné par excellence : la sitcom. Et quoi de mieux, si l’on cède à cet appel, que le
dernier chef-d’œuvre du style, Friends, accessible qui plus est sur Netflix ? Avant de se lancer
dans la revoyure systématique, pourtant, un doute assaille le quadragénaire en confinement.
50
IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
Plus de vingt-cinq ans après le lancement de la fameuse série, qu’est-ce qui nous relie encore à
elle ? Et qu’est-ce qui nous en sépare ? Petit tableau récapitulatif de quelques points de division
et de recoupement après six semaines de révisions.

Association de palier

Depuis l’invention du genre, toute grande sitcom est basée sur une réalité domestique
qu’elle saisit, illustre et interroge à la fois. I Love Lucy est basé sur la conjugalité patriarcale
; Seinfeld, sur le triomphe du célibat. Friends, pour sa part, se fonde sur le croisement de deux
données sociologiques. Les héros sont d’abord des adulescents, de jeunes adultes qui refusent
de grandir trop vite et prolongent leur mode de vie adolescent. Et ce sont aussi des colocataires
qui partagent un même espace de vie. Les friends sont des colocs qui n’arrêtent pas d’échanger
leur chambre au sein des trois ou quatre appartements. Temps transitoire / lieu échangeable,
c’est le format de la série.

A Paris, ces amis se seraient peut-être nommés Clélia, Jean-Marc ou Olivier. A


New York, ils s’appellent Ross et Monica, Joey et Chandler, Phoebe et Rachel. Ils sont déjà -
ou essayent de devenir - paléontologue, cuisinière, acteur, statisticien, masseuse ou fashionista
attitrée. Et ce qui lance leur longue association de palier est un double trouble dans le désir
féminin. D’un côté, Ross découvre que sa femme est lesbienne. Et de l’autre, contre toute
attente, Rachel s’enfuit du (supposé) mariage de ses rêves avec un riche orthodontiste. Cette
double rupture du contrat hétérosexuel est ce qui ouvre véritablement le cercle amical. Mais
c’est aussi, pendant dix ans, ce que la série va s’efforcer de réparer. Et de la façon la plus
classique qui soit : en recasant Ross avec Rachel.

La famille des amis

Dans Friends, le déraillement fait partie du programme. On n’y dévie jamais de la vie
prévue que pour mieux y retourner. Entre-temps, bien sûr, chacun aura eu son lot d’aventures
professionnelles et sentimentales. Et toutes sortes de frontières seront (légèrement)
transgressées : Ross sortira avec une Anglaise (Emily). Rachel aura une affaire avec un type un
peu plus jeune qu’elle (Josh) et Monica avec un homme beaucoup plus vieux (Richard). Mais
ni Josh, ni Richard ni Emily ne pourront tenir longtemps face à la pression du groupe.
Car cette vie amicale, si ouverte en apparence, est en réalité hantée par ce qu’elle est
censée remplacer. Non seulement la famille reste son seul et unique horizon (simplement
repoussé) mais c’est aussi son double permanent. Ainsi l’amitié est-elle, pour les
protagonistes, à la fois comme une famille et ce qui va devenir littéralement une famille. Au
milieu de la série, Monica épouse Chandler. A la fin, Ross convole avec Rachel. Au
dix-huitième épisode de la dixième saison, la série s’arrête pile avant de redevenir une sitcom
familiale des années 80.

51
IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ

Au temps des imprimés

On peut comprendre que les millennials se retrouvent sans peine dans ce modèle. Après
tout, le prix des loyers en métropole n’a pas exactement baissé - pas plus que la nécessité de
multiplier pour un temps les petits boulots et les histoires de cœur. Il est évident cependant,
et dès les premières images, que les modalités, du moins de la colocation, ont radicalement
changé. Dans Friends, en effet, les amis se réunissent au café pour discuter juste entre eux et
lire des magazines. La télévision est encore le centre incontesté, régulateur, de chacun de leurs
salons. Ils se donnent des rendez-vous qu’ils ne peuvent pas modifier («Tu avais dit 17 heures !
- Non j’avais dit 18 heures !»). Et leurs murs sont couverts d’affiches de cinéma.
Bref, ils habitent avant la révolution numérique. Dans un monde d’imprimés et de
regroupements exclusifs. Autant dire, pour nous, du temps de Gutenberg. Et ils pourraient aussi
bien circuler en calèche ou porter des corsets que l’écart avec eux ne serait pas moins grand.
Evidemment, la situation évolue en cours de série. Mais ce n’est vraiment que dans les
saisons 9 et 10 (les années 2002-2004) qu’apparaissent au quotidien les téléphones portables,
éléments clés fondamentaux. Et ils sont précisément liés à l’éclatement du groupe. Dans une
scène à double mobile, Chandler fait croire à Rachel et Phoebe (qui l’espionnent depuis le café)
qu’il est encore au bureau alors qu’il part visiter son futur foyer en banlieue. [...]

Hippie ou «woke»

Indépendamment de ses héros principaux, une série doit aussi savoir quoi faire de ses
personnages marginaux ou secondaires. Habituellement, plus une sitcom dure, plus elle
recentre l’ensemble de son casting vers un moule commun. Ce dressage (plus ou moins) délicat
affecte en priorité les personnalités les plus excentriques qui se soumettent peu à peu, et comme
par magie, à la règle collective.

Dans le cas de Friends, l’évolution générale de la série du second au premier degré - des
drôles de friends à la tendre family - affecte directement le caractère de l’un d’entre eux. En
effet, le charme originel de Chandler repose essentiellement sur son mauvais esprit. Mais au fil
des saisons, ses commentaires sarcastiques passent progressivement de mode. Ses blagues
flopent de plus en plus. Elles sont de moins en moins appréciées par son entourage. A mesure
que triomphe le ton sentimental, c’est tout son humour perso qui est requalifié comme un vilain
défaut.

Dans le cas de Phoebe, la tâche des scénaristes est plus rude encore. Elle apparaît, dans
les premiers épisodes, comme la seule descendante de la révolution culturelle et de la
contestation des années 70. Le seul corps de gauche de la série. Par à-coups successifs et bons
conseils des amis, ce totem hippie réussira pourtant à apprécier le goût de la norme jusqu’à
faire, au sens le plus traditionnel du terme, «un beau mariage».

52
IES LV JRF COMPTE RENDU
PDL II - LF III et IV RÉSUMÉ
Ce que ni David Crane ni Marta Kauffman, les créateurs de la série, ne pouvaient
cependant anticiper, c’est que cette héroïne délicieusement has been apparaîtrait, vingt-cinq ans
plus tard, comme le seul personnage vraiment contemporain de la série. Sorcière antispéciste et
végétarienne, Phoebe est, pour le spectateur de 2020, la conscience woke du programme. A
n’en pas douter, dans un reboot actualisé de Friends, c’est selon sa propre règle que se ferait la
rééducation du groupe.

Message personnel

Indépendamment des éléments qui résistent au changement, ou de ceux que l’on relit
rétroactivement sous un jour nouveau, il existe bien des parties de Friends qui brillent par leur
pure bizarrerie obsolète. On avait oublié ainsi l’importance dans la série d’une modeste pièce
d’équipement, plus étrange aujourd’hui que l’éclairage au gaz : le répondeur téléphonique.
Installé dans un coin neutre des appartements, l’appareil joue pourtant un rôle constant
d’intermédiaire et de tampon entre les personnages. Et plus d’une fois, il vient perturber les
relations entre Monica et Richard, entre Ross et Emily, entre Joey et le monde du travail. Il joue
surtout un rôle crucial dans l’amour à retardement entre Ross et Rachel. Réceptacle de la
première déclaration, il accueille aussi la toute dernière, quand Rachel avoue son affection
(dans un message, depuis son mobile) alors qu’elle s’apprête à décoller pour Paris. La scène
tant attendue des grandes retrouvailles est ainsi entièrement montée sur l’opposition des
techniques anciennes et nouvelles. Dans une bataille entre la fixité (conjugale) du répondeur et
la mobilité (maléfique) du cellulaire.
Dans Friends, la boîte vocale est vraiment la boîte dans la boîte : le cœur sonore du
domestique. Au sein d’un art du présent, comme la sitcom, elle apporte un élément décisif de
discontinuité temporelle. Elle empêche que les choses coïncident trop vite. Elle désynchronise -
subtilement - les sentiments. Et c’est une des choses les plus étonnantes à découvrir a
posteriori. On savait que l’art de la série consistait à repousser les échéances : à séparer en
particulier les promesses d’amour de leur accomplissement. Et de manière manifeste, cette
puissance de temporisation soutient toute l’architecture narrative des dix saisons. Mais on
n’avait jamais saisi qu’elle s’était aussi glissée, plus discrètement, comme un génie au fond
d’une lampe, dans un boîtier téléphonique. Vingt-cinq ans après, le message est enfin reçu.
(1397 mots)

53
UNITÉ 3

TYPES DE TEXTES

LES TYPES DE TEXTES : NOTIONS________________________________________________________55


Le texte narratif_____________________________________________________________________ 56
Le texte descriptif___________________________________________________________________ 56
Le texte explicatif____________________________________________________________________57
Le texte injonctif_____________________________________________________________________57
Le texte argumentatif_______________________________________________________________ 58
Le texte informatif __________________________________________________________________ 58
Le texte dialogal_____________________________________________________________________ 59
Déterminer les intentions du locuteur__________________________________________________59
CORPUS D’ANALYSE_____________________________________________________________________ 61
IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

LES TYPES DE TEXTES : NOTIONS

La compétence discursive des sujets est à la fois constituée par une compétence
communicationnelle et par une compétence textuelle. A l’intérieur de cette dernière, les
lecteurs savent reconnaître intuitivement un texte comme « narratif » « argumentatif » ou «
descriptif ». Le fait que la lecture soit ainsi sélective et qu’un texte puisse être perçu
comme « captivant » ou « lent et ennuyeux » selon que sa dominante est ou narrative ou
descriptive, doit absolument être pensé en termes textuels et typologiques. Il est clair qu’on
ne lit pas de la même façon une description, un dialogue ou un poème. Ces différents types
de textes ou de séquences textuelles exigent des stratégies et des compétences diversifiées.
Aussi est-il nécessaire que l’approche globale des textes soit pensée en termes de typologie
des types textuels puisque tout discours est un entrelacs de séquences textuelles et que
toute classification est d’abord et surtout à des fins pédagogiques.
Chaque texte ou chaque séquence de texte a un objectif principal que l'on appelle sa
fonction.
C'est l'intention de l'auteur qui détermine le type de texte.
Le type de texte dépend en effet de ce que l'auteur veut que son lecteur fasse, réalise,
imagine, etc.
Il convient d’ajouter que chaque type se voit caractérisé par des marques linguistiques
et une organisation textuelle spécifiques. Toutefois il peut arriver que soient dissociées la
forme linguistique et la visée de l’auteur d’un texte. Ainsi la visée argumentative de
l’auteur peut se voir dissimulée derrière une forme narrative (une histoire est bel et bien
racontée) ou descriptive (il y a bien description).
On distingue principalement 5 types de textes. L'intention du locuteur peut être de:

➢ raconter une histoire (texte narratif)


➢ établir une description (texte descriptif)
➢ argumenter, critiquer (texte argumentatif)
➢ donner des informations (texte informatif)
➢ faire comprendre (texte explicatif)
➢ imposer une opinion ou donner des conseils (texte injonctif)

Remarques importantes :

Un même extrait peut contenir successivement plusieurs types de textes différents.


Ainsi dans un roman, on pourra trouver des passages descriptifs puis des passages
narratifs. Une notice de montage peut comporter un passage descriptif (présentation de
l'appareil) puis un passage explicatif et enfin faire appel au texte injonctif.

55
IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

Parfois les types de textes peuvent se combiner au point qu'il devient difficile de les
distinguer et de les identifier de façon certaine. Dans ce cas, il convient de se reposer la
question de l’intention globale de l’auteur.

Le texte narratif
Ce qui caractérise le texte narratif, c’est la présence d’au moins un personnage qui pose
des actions dans le temps et l’espace.
La structure d’une narration s’articule généralement autour de cinq étapes : la situation
initiale, l’élément déclencheur, les péripéties, le dénouement et la situation finale.

Fonction / intention de
On peut le trouver dans... Caractéristiques
l'auteur
Imparfait et passé
Reportage, journal, fait simple
Raconter.
divers, ou présent de narration.
Faire le récit d'événements.
roman (policier, d'aventures, Indications temporelles,
Faire revivre une action
de actions, événements,
passée réelle ou faire vivre
science-fiction…), personnages, narrateur,
une action imaginaire
conte, légende, fable, présence d'un point de
(fiction)
nouvelle, texte historique... vue
(focalisation)

❔🔎 Questions pour exploiter un texte narratif : Qui ? Fait quoi ? Où ? Quand ?


Comment ? Pourquoi ? Quel est le titre de l'histoire ? Qui sont les personnages ? Où et
quand se passe l'histoire ? Quel est le début de l'histoire ? Que se passe-t-il ? (actions /
événements) Quelle est la fin de l'histoire ?

Le texte descriptif
Dans un texte descriptif, l’auteur indique comment est un objet, un paysage, un lieu, une
atmosphère, un être, une action, un événement, une situation, un concept, une procédure,
un processus, un fonctionnement.
Le sujet peut être décrit par l’énumération de ses propriétés, de ses qualités ou de ses
parties. On peut aussi le situer dans le temps, dans l’espace ou en fonction d’autres
éléments. Pour faire cette mise en relation, on peut avoir recours à des procédés tels que les
comparaisons et les métaphores.

Fonction/intention de l'aute On peut le trouver dans... Caractéristiques


Décrire. Roman, nouvelle, conte,
Produire une image de ce compte rendu d’un Imparfait ou présent de
que le lecteur ne voit pas, événement sportif, la vérité générale.
mais qu'il peut imaginer : définition d’un dictionnaire, Indications de lieux
un lieu ou un personnage une planche anatomique, (localisations).
(portrait) un guide touristique,

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IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

l’itinéraire d’un parcours, Si la description se fait en


le mode d’emploi d’un évolution, indications
appareil, l'organigramme temporelles.
d’une compagnie... Importance des sensations.
Point de vue (focalisation).

❔🔎 Questions pour exploiter un texte descriptif : Qui / qu'est-ce qui est décrit ? Où ?
Quand ? Comment ? Pourquoi ?

Le texte explicatif
À travers ce type de texte, l’auteur s’attache à expliquer le pourquoi d’un phénomène,
d’un fait, d’une affirmation. Les textes explicatifs répondent à des questions de
compréhension, du genre «Pourquoi cette guerre a-t-elle eu lieu?», «Pourquoi ce
phénomène physique se produit-il?». De même, si une ou un élève donne les raisons de ses
affirmations afin de les faire comprendre, il ou elle produit alors un texte explicatif.
La structure du texte explicatif permet une certaine souplesse. Généralement,
l’introduction présente le sujet de l’explication et expose les aspects qui appellent des
explications. Suit une phase explicative qui s’articule autour de formulations reliées au
«parce que». Quant à la phase conclusive, elle est facultative; le plus souvent, il n’y a pas
de conclusion.

Fonction/intention de l'auteuOn peut le trouver dans... Caractéristiques

Présent de vérité
Expliquer. générale,
Ouvrages de vulgarisation
Analyser un phénomène mots techniques,
scientifique, articles de
pour qu'il soit bien compris. passage de la théorie à
fond, manuels scolaires...
Faciliter la compréhension. l'exemple,
(définition puis exemple)

❔🔎 Questions pour exploiter un texte explicatif : Sur quoi porte l'explication ? Que
nous en dit-on ? Éventuellement : Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?

Le texte injonctif
Ce type de texte est souvent assimilé aux textes explicatifs et descriptifs, la frontière est
floue pour beaucoup. Pourtant, on peut assez facilement le distinguer avec le tableau
suivant :

Fonction/intention de
On peut le trouver dans... Caractéristiques
l'auteur

57
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PDL II - LF III et IV

Emploi de la 2e personne
Forcer à Recettes de cuisine, notice, (parfois 1re personne du
Proposer une action. mode d'emploi, posologie pluriel), présence de
Donner des consignes. des notices de l'impératif ou infinitif ou
Enjoindre (=forcer à) médicaments, futur.
(une injonction) lois, règlements, exercice… Présence d'ordres et de
consignes.

❔🔎 Questions pour exploiter un texte injonctif : En quoi consiste l'injonction ? Sur quoi
porte-t-elle ? Qui concerne-t-elle ? Éventuellement : Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?

Le texte argumentatif

Dans un texte argumentatif, l’auteur présente l’opinion qu’il veut défendre, soit sa thèse, et
cherche à convaincre le destinataire de la justesse de ses idées. Il justifie son opinion à l’aide
d’arguments, ou de preuves.
La structure d’un texte argumentatif requiert généralement plusieurs paragraphes. Dans
l’introduction, on présente le sujet et, dans le développement, on expose les arguments, les
contre-arguments et les conclusions secondaires. Pour finir, l’auteur reformule sa thèse et peut
aussi élargir le débat.

Fonction/intention de
On peut le trouver dans... Caractéristiques
l'auteur

Modalisations de la
Articles d’opinion subjevtivité
Persuader ou convaincre
Publicités Articulateurs logiques
Amener le destinataire à
Discours politiques Expression de l’opinion
adopter la position de
Pamphlets - Paidoiries De la conviction. Présence
l’émetteur
Etc. de l’émetteur (implicite ou
explicite)

❔🔎 Questions pour exploiter un texte argumentatif : Qui plaide ? Quoi ? (thèse, même
implicite dans le texte qui permettra l'argumentation). Éventuellement les opposants et les
soutenants ? Qui s'agit-il de convaincre ? Éventuellement : Où ? Quand ? Comment ?
Pourquoi ?

Le texte informatif
Le texte informatif est souvent distingué du texte explicatif. Ce type de texte donne des
informations brutes, simples, ne cherche pas à donner le "pourquoi".

58
IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

Fonction/intention de
On peut le trouver dans... Caractéristiques
l'auteur
Quelques articles de presse,
Effacement absolu de
les rubriques de presse
l'énonciateur,
Informer. "carnet" et "petites
lexique spécifique,
annonces",
nominalisations…
certains tracts publicitaires.

❔🔎 Questions pour exploiter un texte informatif : Au sujet de qui / de quoi nous


informe-t-on ? A propos de quoi ? Où ? Quand ? Éventuellement : Comment ? Pourquoi ?

Le texte dialogal
Le texte dramatique (ou "scénique", "dialogal", "conversationnel"). La pièce de théâtre
et la saynète sont des textes dramatiques, car ces textes sont fondés sur des dialogues et
prévoient que l’histoire sera illustrée par des acteurs.
En général, ils adoptent la structure de la narration, soit une situation initiale, un
élément déclencheur, des péripéties, un dénouement et une situation finale.

Fonction / intention de
On peut le trouver dans... Caractéristiques
l'auteur

Raconter- argumenter,
expliquer, etc. Pièces de théâtre, Ponctuation spécifique,
Faire revivre une action passée scénario, conversation marque de
réelle ou faire vivre une action "sur le vif" l'énonciation…
imaginaire (fiction)

❔🔎 Questions pour exploiter un texte dramatique : Qui parle ? De quoi ? Où ? Quand ?


Comment ? Pourquoi ?

Source : Pierre Gieling, d'après d'après J.M. Adam, A. Boissinot, A. LEVEAU, J.E. Gadenne, M.E.F.
Ontario, M.A. Vanoppré et J.F. Van de Poel. Janvier 2001. Quelques remarques ont été ajoutées.

Déterminer les intentions du locuteur

Parler, écrire répondent toujours à un projet, une intention. La communication, qui


consiste à sortir de soi pour aller vers l’autre, obéit à une visée utilitaire. Dans la vie
courante, le langage des signes ou l’expression vocalisée cherchent à transmettre une
information nécessaire à l’entretien de la vie et à l’adaptation de l’organisme vivant à son
environnement. Le linguiste Jakobson, qui a étudié le langage humain, a pu y discerner six
fonctions de base auxquelles nous recourons dans des proportions variables. À partir des

59
IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

six facteurs de la situation de communication, il a établi un schéma de la communication


qui met en valeur les six fonctions du langage (entre parenthèses) qui leur correspondent.

Les divers types de textes produits par la langue écrite vont donc s’inscrire dans un de
ces six enjeux qui vont les caractériser. Bien entendu, les objets chimiquement purs
n’existant pas dans la nature, les textes n’échappent pas à cette constatation. Un texte
donné utilisera donc prioritairement un projet et l’on pourra trouver des traces d’une ou
plusieurs autres fonctions.
Suivant les classifications, on identifie de six à huit types de texte :
➢ raconter des événements, des histoires : texte narratif
➢ décrire des objets, des lieux, des personnages : texte descriptif
➢ persuader, convaincre, critiquer : texte argumentatif
➢ informer, expliquer : texte explicatif ou didactique
➢ conseiller, prier, ordonner, vouloir agir sur le destinataire : texte injonctif ou
prescriptif
➢ exprimer des émotions, des sentiments : texte expressif
➢ créer un effet esthétique, jouer avec les mots : texte rhétorique
➢ rapporter des propos : texte dialogal

Source : https://www.etudes-litteraires.com/caracteriser-texte.php

60
CORPUS D’ANALYSE
Quelle est la visée des textes suivants ? Identifiez leur typologie. Est-elle
homogène ?

I - Par Noël Blandin / La République des Lettres, lundi 12 octobre 2009.


Mehdi Ben Barka, figure intellectuelle et politique du mouvement anticolonialiste et
opposant au roi Hassan II du Maroc, condamné à mort par contumace par la justice de son
pays, disparaît le 29 octobre 1965 à Paris. Ce vendredi-là, Mehdi Ben Barka a rendez-vous
devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain, avec le cinéaste Georges Franju qui
envisage de réaliser un film sur la décolonisation intitulé Basta! Il s'agit en réalité d'un
piège, monté par le journaliste Philippe Bernier et un producteur de cinéma ancien repris
de justice, Georges Figon, lié aux milieux intellectuels parisiens mais aussi à une bande de
truands recrutée par les services secrets marocains. Il est 12h15. Deux policiers de la
brigade mondaine, Louis Souchon et Roger Voitot, exhibant leur carte de police, invitent
Ben Barka à monter à bord d'une voiture où se trouve également un certain Antoine Lopez,
chef d'escale à Orly et informateur du SDECE (le contre-espionnage français de l'époque).
Ben Barka est conduit à Fontenay le Vicomte (Essonne) dans la villa d'un truand, Georges
Boucheseiche. Dès lors, on perd sa trace. Nul ne reverra vivant le principal dirigeant de
l'Istiqlal, fondateur de l'Union des Forces Populaires du Maroc (USFP). Son corps ne sera
jamais retrouvé et l'affaire Ben Barka n'est toujours pas véritablement élucidée, malgré
plusieurs instructions judiciaires en France et au Maroc.
Début novembre 1965, deux journalistes, Jacques Derogy et Jean-François Kahn,
publient un article dans L'Express où ils s'interrogent sur les étranges coïncidences de cette
disparition. L'enquête judiciaire de l'époque fait rapidement apparaître quelques
protagonistes: politiciens, agents des services secrets et truands. Coïncidence: le général
Mohamed Oufkir, ministre marocain de l'Intérieur et chef des services secrets, Ahmed
Dlimi, directeur de la sûreté nationale marocaine, et un certain Larbi Chtouki, chef des
brigades spéciales marocaines, se trouvaient à Paris au moment de la disparition de
l'opposant.

II - Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne


soient pas coupables !
Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes,
remplissez vos poches de petites inventions d'un sol, - telles que le polichinelle plat mû par
un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un
sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants
inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir
démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs
mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont
manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de
l'homme.
IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur
d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces
vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle
habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre
pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l'herbe un
joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert
de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici
ce qu'il regardait :
De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre
enfant, pâle, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait
la beauté, si, comme œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de
carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château,
l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait
avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait,
agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie
sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.
Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale
blancheur.

III – Pendant des siècles, l'Europe fut le théâtre de guerres fréquentes et meurtrières. Entre
1870 et 1945, la France et l'Allemagne se sont affrontées à trois reprises en des conflits qui
ont causé de lourdes pertes humaines. Plusieurs dirigeants européens ont alors acquis la
conviction que la seule façon de garantir une paix durable entre leurs pays respectifs était
de les unir économiquement et politiquement.
En 1950, dans un discours inspiré par Jean Monnet, le ministre français des affaires
étrangères Robert Schuman a donc proposé d'intégrer les industries du charbon et de l'acier
de l'Europe occidentale.. De ce projet est née, en 1951, la Communauté européenne du
charbon et de l'acier (CECA) composée de six membres : la République fédérale
d'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Le pouvoir de
prendre des décisions concernant les industries du charbon et de l'acier de ces pays a été
remis aux mains d'une institution indépendante et supranationale appelée la "Haute
Autorité" dont Jean Monnet a été le premier président.

IV- Vous pensez que le choix d’un jouet (de garçon ou de fille) par un enfant est influencé
par la pub, l’entourage et la crainte de moqueries ? N’en soyez pas si sûr. Kim Wallen
publie cette semaine, dans NewScientist, un rapport qui ébranle ce dogme bien connu.
Le psychologue et son équipe du Centre national de recherche sur les primates de
Yerkes à Atlanta (Géorgie) ont placé de jeunes singes rhésus (de 1 à 4 ans) face à deux lots
de jouets distants d’une dizaine de mètres. Le premier groupe contenait des objets à roue

62
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PDL II - LF III et IV

dit « de garçons » (voiture, camion…) et le deuxième des peluches « de filles » (poupées,


Winnie l’ourson…). Le but était d’évaluer la part d’inné et d’acquis dans le choix d’un
joujou.

Afin de mesurer le temps passé par les sujets avec chaque type de jouets, l’expérience a été
filmée (vidéo disponible ci-contre). Rapidement, les mâles se sont rassemblés autour des
jeux de garçons tandis que les femelles jouaient, indifféremment, avec tous les objets. Sans
subir le poids des pressions sociales, les singes ont réagi comme les petits humains. Les
spécialistes restent, toutefois, prudents dans leurs conclusions et avancent plusieurs
hypothèses. Les mâles peuvent, simplement, être attirés par la forme ou les couleurs des
jouets de garçons. Ils peuvent également rechercher l’objet entraînant la plus grande
dépense physique. Les femelles, quant à elles, sont peut-être plus curieuses. La même
expérience, menée en 2002 par Gerianne Alexander, une consoeur américaine, sur des
singes Vervet avait abouti aux mêmes résultats. Selon elle, ces comportements s’expliquent
par une attirance naturelle accentuée ensuite par la société.

V- Les jeunes (disons plutôt certains jeunes) boivent comme des trous. Oh ! Ce n'est pas
tant qu'ils consomment régulièrement (la consommation régulière serait plutôt en baisse),
mais ils rechercheraient de plus en plus l'ivresse, qu'importent les flacons. Un bon quart des
adolescents de 17 ans déclaraient avoir été ivres au moins trois fois dans l'année en 2005.
Ils n'étaient qu'un sur cinq en 2003. Quant aux accros (dix ivresses annuelles), ils étaient un
sur dix en 2005, + 50 % en deux ans.
Le truc qui monte, c'est donc cette "consommation de la défonce", de jeunes gens par
ailleurs souvent très sobres en semaine, dans les soirées de beuverie. Les alcooliers, à
l'affût, l'ont bien compris. Whisky-cola ou vodka-pomme, prémix et alcopops, avec
packaging fun et accrocheur, et par ici la monnaie. L'heure est au binge drinking, à l'ivresse
rapide, qui conduit à la prostration et au sommeil profond. A voir le mal partout, on
pourrait dire aussi : aux conduites sexuelles à risques, aux traumatismes et aux troubles
respiratoires, au coma éthylique, et parfois, au décès.
Pourquoi cette tendance ? Il y a quelques années, des chercheurs de Toulouse disaient en
langage savant que les jeunes étaient d'abord motivés par "la découverte des vertus d'oubli
et de dédoublement de soi par l'alcool", une façon d'éprouver son corps et son esprit
comme n'étant pas à soi, autorisant des "inconduites" corporelles et morales. Si c'est cela, il
faut dire que les jeunes Danois et Britanniques éprouvent encore davantage les vertus du
dédoublement de soi que les jeunes Français, voisins sur ce terrain des pays latins. Des
études européennes révèlent des ivresses six à huit fois plus fréquentes au Danemark et en
Grande-Bretagne que dans l'Hexagone...
Il est tentant de rapprocher cette constatation de celles consignées par Cécile Van de
Velde, sociologue ayant ausculté quatre jeunesses européennes : danoise, anglaise,
française et espagnole (Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe,

63
IES LV JRF TYPES DE TEXTE
PDL II - LF III et IV

PUF, 278 pages, 27 euros). A l'heure où la période qualifiée de "jeunesse" paraît s'allonger,
où l'âge adulte perd de sa stabilité, marqué par un emploi morcelé et une conjugalité
vacillante, la sociologue a identifié quatre modes d'entrée dans la vie adulte, liés au
contexte socio-économico-culturel.
Au Danemark, très dans l'air du temps et de l'individualisme démocratique
contemporain, on se cherche et on se trouve avant d'être adulte, et les politiques publiques
facilitent cette longue construction de soi en permettant une indépendance résidentielle et
des allers-retours études-emploi tardifs. En Grande-Bretagne, on s'assume et s'émancipe
rapidement, plongé que l'on est dans la vie active sous les coups de boutoir d'exigences
libérales, après des études autofinancées. Ces deux modèles frappent par la décohabitation
familiale précoce (avant 20 ans) qu'ils exposent. A l'opposé, en Espagne, la logique
d'appartenance familiale fait qu'on attend, avant de s’installer- on dirait presque : à son
compte. Partir de chez ses parents implique qu'on ait d'abord trouvé un emploi, une femme
ou un mari, puis un logement.

VI- C’est une spécificité Française, une exception culturelle, un adage : "Même en temps
de crise, les Français font leurs valises". Pas question de déroger aux grandes vacances
attendues toute l’année : même si l’on ne part pas loin, même si l'on ne part pas longtemps,
on part ! Au cœur de la crise, 53% des Français prévoient de se délocaliser cet été, contre
51 % l’an dernier (1). Parmi eux, 70% prévoient de rester exclusivement en France selon
l’enquête Ipsos (67% selon le cabinet Protourisme (2)). Alors que les intentions de départs
en vacances des Européens chutent de 8 points par rapport à 2011 (58%), les intentions des
Français augmentent. Au profit de la France. Sans surprise, la mer reste la première
destination, devant la montagne et la campagne.
Indépendamment des contraintes financières, les Français désirent véritablement rester
en France. Découvrir et redécouvrir le territoire. Il faut dire que le "consommer français"
fonctionne à merveille dans le tourisme. A quoi bon partir au bout du monde lorsque l’on a
un patrimoine riche, un littoral et des villages parmi les plus beaux d’Europe ?
L'économie touristique ne va pas s'en plaindre, le tourisme étant une ressource non
délocalisable ! Par ces temps de "désindustrialisations", c’est d'ailleurs la première
industrie du pays, avec près de deux millions d’emplois directs et indirects.
Beaucoup d’effort sont mené afin d’harmoniser les hébergements et garantir la qualité
de tous les services : Pavillons Bleu, Famille plus, Label montagne, ou encore un nouveau
label pour contrôler la qualité des eaux de baignade. Qualité des prestations et sécurité
sanitaire garanties ! Chambres d’hôtes, hôtels de charmes, voyages à la ferme, camping etc.
Les thématiques de voyages en France sont déclinables à l’infini, il y en a pour tous les
goûts et toutes les bourses. Selon l’enquête Ipsos, le budget prévisionnel moyen pour les
vacances des Français est également en augmentation : 2.112 euros par famille, soit 161
euros de plus par rapport à l’an dernier. En Europe, le budget moyen baisse de 20 euros par
rapport à l'an dernier, à 2.125 euros.

64
UNITÉ 4

TEMPS VERBAUX

TEMPS VERBAUX_____________________________________________________________ 65
LES VALEURS TEMPORELLES DES VERBES____________________________________66
LA DISTINCTION ENTRE RÉCIT ET DISCOURS________________________________ 70
LE DISCOURS______________________________________________________________70
LE RÉCIT___________________________________________________________________ 70
L’ÉNONCÉ ANCRÉ DANS LA SITUATION D’ÉNONCIATION________________ 70
L’ÉNONCÉ COUPÉ DE LA SITUATION D’ÉNONCIATION___________________ 71
ALTERNANCE ENTRE RÉCIT ET DISCOURS________________________________ 73
LE MODE SUBJONCTIF_______________________________________________________ 76
IMPARFAIT DU SUBJONCTIF / PASSÉ SIMPLE_____________________________79
« CONDITIONNEL PASSÉ 2ème FORME » OU PLUS-QUE-PARFAIT DU
SUBJONCTIF_______________________________________________________________80
TEMPS VERBAUX - ACTIVITÉS________________________________________________ 82
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

LES VALEURS TEMPORELLES DES VERBES


Récit - Discours

Les verbes expriment ce qu’il est convenu d’appeler des procès. Selon que les procès
sont en eux-mêmes, notionnellement, bornés ou non bornés, on distingue deux types de
procès : les procès dits perfectifs et les procès dits imperfectifs.

Les procès perfectifs Les procès imperfectifs


(conclusifs, terminatifs, bornés) (non conclusifs, non terminatifs, non bornés)

Accomplissements : traverser la rue, Activités : parler, marcher, courir, chercher une


fumer une cigarette, tracer un cercle, etc. solution, etc.
Achèvements : mourir, naître, trouver une États : verbe être + adjectif.
solution, entrer, sortir, atteindre le Exemples : être écrivain, être malade, être en
sommet, etc. colère.

L’aspect perfectif envisage le terme du L’aspect imperfectif envisage le procès dans


procès, et ce procès n’a d’existence son déroulement, sans visée de terme final. Il
complète et véritable que lorsqu’il est n’a aucune frontière intrinsèque. Le procès ne
parvenu à son terme. s’achève que par l’action d’une cause étrangère
à son contenu notionnel.

LE PRÉSENT

Le présent est « toujours là » pour nous : nous vivons dans un perpétuel présent, dans
une actualité perpétuelle, qui s’identifie à la permanence de notre être.
Il est insaisissable : l’instant présent nous échappe toujours entre ce qui n’est plus et ce qui
n’est pas encore. Il indique un événement ou un état de choses contemporains de l’acte
d’énonciation, et ce procès est présenté comme vrai par le locuteur au moment de
l’énonciation.
Un énoncé au présent étendu, toujours centré sur le point d’énonciation, occupe un
espace de temps plus ou moins large en fonction du sens lexical du verbe, du procès dénoté
et des indicateurs temporels.
Un énoncé au présent peut évoquer l’aspect itératif avec un complément de temps
approprié : il mange souvent / parfois des spaghettis. En cas de répétition du procès, on
parlera de « présent d’habitude ».

66
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Un énoncé au présent est dit permanent quand il occupe un espace de temps très large,
englobant le passé et l’avenir. Cette valeur omnitemporelle (ou panchronique) se rencontre
dans les définitions, les vérités générales, les maximes, les morales.
Exemple : La vérité n’admet pas le mensonge.
L’appétit vient en mangeant.

Un énoncé au présent peut évoquer le passé ou l’avenir si le procès se situe avant ou


après le point d’énonciation grâce à un complément circonstanciel de temps ou par des
connaissances contextuelles ou situationnelles. L’énoncé est relié au présent, mais le procès
est décalé dans l’avenir ou le passé.
Exemple : Je sors à l’instant du lycée.
Il pleut depuis deux jours.

Le présent historique ou de narration évoque un procès complètement situé dans le


passé.
Exemple : En 1789, la France connaît une grande Révolution.

Le présent prophétique, dont le visionnaire voit l’avenir dans le présent (emploi plus
rare).
Exemple : En 2050, la Camargue est sous eaux.

LE PASSÉ COMPOSÉ

Il évoque une action accomplie que l’on situe dans le passé. Par rapport au temps de
l’énonciation, j’évoque le passé. On parlera alors d’état résultat ou de constat de l’actualité.
Exemple : Jean est mort.
J’ai gagné le rallye de Hongrie.
Nous sommes ici dans un état résultat puisque le passé composé nous donne un constat
d’une actualité : je suis vainqueur du rallye.

Il évoque un passé psychologiquement non coupé de l’énonciation. On parlera d’aoriste


du discours. L’aoriste évoque les événements détachés par rapport à l’énonciation. C’est de
la narration dans le discours. Cela équivaut approximativement parlant à un passé simple.
Exemple : Hier, je me suis cassé la jambe.
Nous avons perdu cent euros depuis la semaine dernière.
Il a perdu la vue après la Seconde Guerre mondiale.

Il peut évoquer un futur plus ou moins proche. Le passé composé d’un verbe perfectif
associé à un complément de temps marquant une durée précise présente l’action comme
inéluctable et rapide, en l’envisageant dans l’avenir comme déjà accomplie.
Exemple : J’ai fini dans une minute !

67
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

L’IMPARFAIT

- Aspect non-accompli.
- Arrière-plan sur lequel un événement se détache (décor).
- C’est un présent dans le passé. On est plongé au cœur du moment, au cœur de
l’événement.
- Il a besoin d’un antécédent car l’imparfait est un temps non autonome. On dit que
c’est un temps « anaphorique » puisqu’il reprend l’antécédent.

Il existe plusieurs types d’imparfait :

Imparfait de perspective : Associé à un complément circonstanciel, il exprime un fait


postérieur à l’indication temporelle.
Exemple : Le lendemain, Pierre épousait Marie.

Imminence contrecarrée : Associé à un complément circonstanciel qui dénote un


moment situé dans l’avenir par rapport à un fait passé (1) ou une cause empêchant la
réalisation d’un procès (2).
Exemples : Une minute plus tard, le train déraillait. (1)
Si le conducteur n’était pas intervenu, le train déraillait. (2)

Imparfait avec si
Si je pouvais… : expression d’un regret.
Si nous commencions l’examen… : expression d’une suggestion.
Si vous pouviez lire… : expression d’un souhait.

Imparfait hypocoristique : Le locuteur use de la troisième personne du singulier afin


de s’adresser à un enfant ou à un animal familier. Dès lors, le procès est rejeté fictivement
dans le passé et grâce à la troisième personne, il crée un effet de distanciation du locuteur
qui permet d’atténuer ses propos.
Exemple : On n’était pas sage aujourd’hui ?

Imparfait d’habitude : Caractère itératif du procès.


Exemple : Il lisait avant de se coucher.

LE FUTUR

Le futur est le temps le plus simple. Il exprime :


- une projection : Je viendrai demain.

68
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

- une promesse : Je mangerai avec toi comme promis demain.


- un engagement : Je ferai tout ce qu’on me dira.
- un ordre : Vous mangerez ce repas, un point c’est tout !

LE CONDITIONNEL

Le conditionnel est caractérisé comme un futur hypothétique, c’est-à-dire qu’il émet une
projection sur l’avenir qui n’est pas certaine. On parle ainsi de potentiel et d’irréel du
conditionnel présent.
- Potentiel : le locuteur considère au moment de l’énonciation le procès comme
possible, bien que toutes les conditions ne soient pas réalisées.
- Futur dans le passé
- Politesse
- Conseil, suggestion
- Irréel : dénote un monde possible qui est ou a été annihilé par le réel.
- Information non confirmée
- Regret

LE PASSÉ SIMPLE

Le passé simple est le temps du récit historique par excellence. Pour Émile Benveniste
(Problèmes de linguistique générale), le récit est ce qui est détaché par rapport au moment
de l’énonciation (cf. manuel d’histoire). Les événements sont indépendants, et ils se
racontent d’eux-mêmes.
Le passé simple présente une sorte d’atomes d’événements réalisés, qui se présentent
comme un fait passé, comme psychologiquement très distants.
Le passé simple a pour vocation de raconter des événements en les organisant en « une
colonne vertébrale » de la trame narrative : les événements surgissent et se donnent dans
leur totalité, comme d’une seule expression. Deux passés simples successifs sont a priori
marqués comme la succession de deux événements.
Il s’emploie souvent avec les procès perfectifs, mais il arrive que certains procès
imperfectifs s’emploient avec le passé simple, ce qui crée un effet de surgissement (effet
perfectivant).

69
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

LA DISTINCTION ENTRE RÉCIT ET DISCOURS

LE DISCOURS
Il est lié à l’énonciateur, à la situation d’origine. C’est une deixis, un hic et nunc, à savoir que
l’on situe ici et maintenant. Le discours s’apparente à une situation prise au moment de
l’énonciation. Le discours n’est pas coupé du moment de l’énonciation.

LE RÉCIT
Le récit est ce qu’on retrouve dans les ouvrages historiques. Le récit, c’est lorsque les
événements sont détachés par rapport à la situation d’énonciation. Ils sont indépendants, et se
racontent d’eux-mêmes. Le passé simple, l’imparfait et les formes composées sont les archétypes
du récit.
Article tiré de : http://www.etudes-litteraires.com/valeurs-temporelles.php

L’ÉNONCÉ ANCRÉ DANS LA SITUATION D’ÉNONCIATION


Lorsqu’on s’adresse à quelqu’un (à l’oral ou à l’écrit), on accomplit un acte appelé
énonciation. Le résultat de cet acte est un énoncé qui est ancré dans la situation d’énonciation.
Pour connaître la situation d’énonciation, on pose les questions : qui parle ? à qui ? Où ?
quand ? Quand l’énoncé est ancré dans la situation d’énonciation :
- Le locuteur est présent dans les pronoms personnels je, nous, les déterminants possessifs
mon, notre, les pronoms possessifs, le mien, le nôtre,…
- Le destinataire est présent dans les pronoms personnels tu, vous, les déterminants
possessifs ton, votre, les pronoms possessifs le tien, le vôtre, etc.
- Le lieu où se trouve le locuteur est désigné par les adverbes ici, là, des GN pouvant
comporter le déterminant démonstratif : ce, cet, cette…-ci
- Les événements sont datés par rapport au moment de l’énonciation : maintenant,
aujourd’hui, hier, demain, ce mois-ci.
À l’oral on trouve l’énoncé ancré dans la situation d’énonciation dans le théâtre, les exposés,
les conversations, les débats, les émissions télévisées.
À l’écrit, on le rencontre dans les textes autobiographiques, les dialogues dans le récit les
propos adressés au lecteur par le narrateur.

70
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

INDICES ET JEU DE TEMPS DANS LES ÉNONCÉS ANCRÉS


DANS LA SITUATION D'ÉNONCIATION

Avant le moment de Moment de Après le moment de


l’énonciation : l’énonciation : le l’énonciations :la
l’antériorité temps repère postériorité
Indication Hier, avant-hier, le mois Aujourd’hui ce soir, Demain, après
de temps dernier, le mois d’avant en ce moment, ce demain, le mois
mois-ci prochain
Emploi - Le passé composé : - Le présent : - Le futur exprime la
et antériorité par rapport postériorité par
valeur au présent rapport au présent.
*Présent
de
d’énonciation
temps
(simultanéité avec le
Ex : Comme j’ai fini … qui me changera
moment où l’on
mon travail, … les idées.
parle)

…je projette une


- peut avoir une valeur
sortie…
d’habitude
Ex : Quand j’ai fini mon
travail. *Valeur d’habitude :
- Le futur antérieur
exprime une
… je vais me
- L’imparfait exprime des antériorité par
promener.
faits duratifs ou rapport à une autre
habituels : action future :

Ex : j’étais un enfant Ex : quand vous


turbulent. serez arrivés, vous
nous téléphonerez.

L’ÉNONCÉ COUPÉ DE LA SITUATION D’ÉNONCIATION

L’énoncé coupé de la situation d’énonciation est totalement indépendant de toute


situation d’énonciation. Les protagonistes sont désignés pas des GN auxquels se substituent
des pronoms 3ème personne.

71
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Remarque : un texte narratif à la 1ere personne peut être coupé de l’énonciation, c’est le
cas lorsque le narrateur raconte un événement passé sans référence avec le moment de
l’écriture.
- Les événements sont situés par rapport à un événement-repère, interne au récit.
- Les indices de temps sont : la veille, ce jour-là, le 30 janvier, le mois précédent, …
- Les indices de lieu sont des GN pouvant comporter le déterminant démonstratif
ce…-là, à Nice, dans ce pays-là, ou des adverbes comme là-bas.

INDICES ET JEU DE TEMPS DANS LES ÉNONCÉS COUPÉS


DE LA SITUATION D'ÉNONCIATION

Avant Après l'événement


l'événement-repère : Événement-repère repère :la
l’antériorité postériorité
Indicati La veille, un jour plus Un jour, ce jour -là, le 3 Le lendemain, un
on de tôt, un an auparavant, octobre… mois plus tard,
temps la semaine l’année suivante.
précédente…
Emploi - Le plus-que-parfait - Le passé simple a une - Les conditionnels
et exprime l’antériorité valeur ponctuelle, pour présent et passé ont
valeur par rapport au passé les évènements qui se une valeur de futur
de simple ou à l’imparfait succèdent du passé
temps
Ex : Elle affirma Ex : Elle passa la nuit Ex : Dans cinq ans,
qu’elle l’avait vu. dans les larmes, quand il aurait
Elle savait qu’il avait voulut s’habiller en terminé ses études,
été tué. deuil. il prendrait des
vacances bien
méritées.
- Le passé antérieur - Le présent de
marque l’antériorité narration dans un récit
par rapport à un au passé remplace
passé simple parfois le passé simple
Ex : Dès qu’elle fut pour actualiser l’action :
revenue à elle, elle
s’écria que son Ex : Elle regardait le
fiancé était mort. portrait de son
fiancé… tout à coup,

72
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

elle pousse un cri


horrible.

- L’imparfait a une
valeur durative ou de
répétition dans le
passé :

Ex : Elle était occupée


à tricoter. Tous les
matins, il sortait
chercher son journal.

ALTERNANCE ENTRE RÉCIT ET DISCOURS

Il arrive que dans un même récit les deux systèmes alternent pour différentes raisons.
Cohabiteront alors le passé composé ou le présent d’énonciation avec le passé simple, ainsi que
des éléments déictiques avec des non déictiques.

Causes possibles des alternances : passé récent vs. passé éloigné / je vs. Il / subjectivité vs.
Objectivité / parfois le passé composé fait irruption dans le récit au passé simple pour rapprocher
une partie du récit en actualisant certains faits / cela permet également d'éveiller l'intérêt du
lecteur / de rompre la monotonie / passer du récit du narrateur omniscient au monologue intérieur
du personnage, dans ce cas il y a alternance entre narrateur omniscient et interne.

👉 Repérez et analysez le sens des alternances entre les systèmes de narration dans les
extraits suivants.

1) Mémoires sans importance de Pierre Pelard

Les avions
Ma passion pour les avions a toujours existé et deux événements l'ont confirmée.
En 1930, un lundi de Pâques, un trimoteur anglais se perdit dans les brouillards de la
Seine. En panne d'essence, il se posa à Villeneuve. Le pilote était un Anglais nommé
Hinchcliff. Il était borgne ayant perdu un œil à la guerre de 14-18 (souvenir des Allemands).
Il vint téléphoner à la ferme, et mes frères partirent à Voves chercher de l'essence. Ils
ramenèrent tout ce qui restait chez Nadler, c'est-à-dire 2 ou 300 bidons de 5 litres. Le
remplissage fut long, ce qui nous permit de visiter l'avion et de parler aux passagers qui
étaient une dizaine.

73
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Nous avons appris par la suite et par les journaux que le Major Hinchliff avait tenté la
traversée de l'Atlantique et n'en était pas revenu.
Quelques temps après, un biplan dont le pilote passait son brevet tombait en panne et
se posait au même endroit.
Lalouette, nom prédestiné, vint le dépanner avec une vieille cage à poule Voisin. Il eut la
gentillesse de donner le baptême de l'air à mon père. Je n'osais pas lui demander qu'il
m'emmène aussi mais, qu'est-ce que j'en avais envie! Lalouette était un pilote célèbre à
l'époque pour une traversée de la Méditerranée et beaucoup d'autres raids.
J'ai reçu mon baptême de l'air à une fête d'aviation à Ouarville. Il me fut donné par
Forget, un copain de Luc, sur un biplan rouge à moteur rotatif. Je trouvais cela formidable.
Comment ai-je eu le toupet en 1937 de demander à mes parents de faire de l'aviation
populaire ? Mais, j'étais déjà trop âgé. Il n'y avait plus que la solution de passer par
l'Aéroclub moyennant finances bien entendu. Miracle : mes parents acceptèrent.

2) Le Grand-Meaulnes d'Alain Fournier

Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189…


Je continue à dire « chez nous », bien que la maison ne nous appartienne plus. Nous
avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n’y reviendrons certainement
jamais.
Nous habitions les bâtiments du Cours Supérieur de Sainte-Agathe. Mon père, que
j’appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours Supérieur, où l’on
préparait le brevet d’instituteur, et le Cours Moyen. Ma mère faisait la petite classe. […]
C’est ainsi, du moins, que j’imagine aujourd’hui notre arrivée. Car aussitôt que je veux
retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d’attente dans notre cour de
Sainte-Agathe, déjà ce sont d’autres attentes que je me rappelle ; déjà, les deux mains
appuyées aux barreaux du portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu’un qui va
descendre la grand’rue. […]
Tout ce paysage paisible — l’école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le
jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite — est à jamais, dans
ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute notre
adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos.

Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva.
J’avais quinze ans. C’était un froid dimanche de novembre, le premier jour d’automne qui
fît songer à l’hiver. Toute la journée, Millie avait attendu une voiture de La Gare qui devait
lui apporter un chapeau pour la mauvaise saison. Le matin, elle avait manqué la messe ; et
jusqu’au sermon, assis dans le chœur avec les autres enfants, j’avais regardé anxieusement
du côté des cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf.

74
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Après midi, je dus partir seul à vêpres.


— D’ailleurs, me dit-elle, pour me consoler, en brossant de sa main mon costume
d’enfant, même s’il était arrivé, ce chapeau, il aurait bien fallu sans doute, que je passe mon
dimanche à le refaire.

3) À la recherche du temps perdu Marcel Proust

Incipit:
« Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes
yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Et, une
demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais
poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais
pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions
avaient pris un tour un peu particulier ; […]

Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le
drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à
la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon
habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya
chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir
été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt,
machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je
portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine.
Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je
tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi.

75
IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

LE MODE SUBJONCTIF

Pour bien orthographier les verbes, il ne suffit pas de


savoir COMMENT un verbe s’écrit au mode subjonctif ou
au mode indicatif; encore faut-il savoir DANS QUELS
CONTEXTES on doit conjuguer à l’un ou à l’autre de ces
modes. Exemples :
Nous nettoyons le garage, Marc le sait et il nous voit
(indicatif).
Il faut que nous nettoyions le garage, que Marc le sache et qu’il nous voie (subjonctif).
Rappelons brièvement que les verbes se terminent toujours par -e, -es, -e, -ions, -iez,
-ent au subjonctif, sauf être et avoir.

QUAND UTILISE-T-ON LE SUBJONCTIF ?

➔ Après des verbes de doute, de volonté ou de nécessité, comme douter, vouloir ou


falloir, on utilise le subjonctif. À l’inverse, avec des verbes de certitude ou de
déclaration, comme savoir, dire ou affirmer, on utilise l’indicatif.

Exemples :
Éliane doute que tu fasses ton travail.
Mais Éliane sait que tu fais ton travail.
Olivier veut que tu ailles à l’école.
Mais Olivier dit que tu vas à l’école.
Il faut que vous écriviez bien.
Mais : Simon affirme que vous écrivez bien.

➔ Après des noms, des adjectifs ou des verbes exprimant des sentiments, on emploie
le subjonctif :
La crainte qu’il soit malade me hante.
Je suis heureux que le juge me croie.
Line regrette que son ami doive partir.

➔ On utilise aussi le subjonctif dans des phrases impersonnelles avec un adjectif


comme :
Il est rare que je reçoive des amis.
Il est important que vous preniez vos responsabilités.

SUBORDONNÉES CIRCONSTANCIELLES

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

● Dans les phrases subordonnées circonstancielles compléments, certains


subordonnants (ou conjonctions de subordination) exigent que le verbe de la phrase
subordonnée soit mis au subjonctif. C’est le cas dans les compléments de but et de
concession.

Exemples :
Je ferme la lumière pour que (ou de sorte que) tu puisses dormir.
Nous mangeons, bien que nous n’ayons pas faim.
Malgré que (ou quoique) Luc soit malade, il ira travailler.

● Dans les compléments de temps, le subjonctif est requis uniquement dans les
subordonnées qui décrivent une action qui se produira après l’action du verbe
principal.

Exemples :
J’éteins la lumière avant que tu dormes.
Ton corps se repose pendant que tu dors.
Tu es en forme après que tu as dormi.

● Dans les compléments de condition dont le subordonnant se termine par que, on


utilise le subjonctif.

Exemples :
Vous partirez à la condition que (ou pourvu que) vous soyez prêts.
Mais : Vous partirez si vous êtes prêts.

● Dans les compléments de fatalité (avec le mot ou), on utilise le subjonctif :


Que tu finisses ton travail ou non, tu ne seras pas rémunéré.

AUTRES EMPLOIS DU SUBJONCTIF

Quand on donne un ordre à un mode autre que l’impératif (ordre destiné à une tierce
personne), on utilisera des phrases commençant par que et un verbe au subjonctif.
Ex. : Qu’il aille dans sa chambre immédiatement!

Lorsque la phrase commence par un sujet introduit par que, on utilise le subjonctif dans
la phrase sujet.
Ex. :Que vous ayez dormi durant au moins huit heures est primordial.

Source : https://bescherelle.ca/emploi-du-subjonctif/

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

EXERCICES

I) Relevez les verbes au subjonctif et précisez leur temps

J’aurais préféré qu’il prît le temps de rédiger.


Avant qu’il ait pu réagir, le chien avait emporté le gigot.
Laura lisait en attendant qu’Antoine eût décidé ce qu’on ferait.
Il fait encore trop froid pour qu’on plante les tulipes.
Grand-Maman ne voulait jamais qu’on se levât pendant les vacances.

II) Complétez les phrases en mettant le verbe entre parenthèses à l’imparfait du


subjonctif.

a) Les parents de Marie voulaient qu’elle (devenir) anesthésiste.


b) Bien qu’il (être) très gai, ce tissu ne plaisait pas au décorateur qui voulait que la pièce
(garder) un air mystérieux.
c) L’écrivain tenait beaucoup à ce que ce critique littéraire (lire) son livre avant tous les
autres.
d) Ma mère était prête à tout pardonner à mon frère, à condition qu’il lui (téléphoner)
chaque semaine.

III) Mettez les verbes entre parenthèses au passé simple de l’indicatif ou à


l’imparfait du subjonctif.

Un soir, Mme d’Épinay, se trouvant un peu incommodée, dit qu’on lui (porter) un
morceau dans sa chambre et monta pour souper au coin de son feu. Elle me (proposer)
de monter avec elle ; je le fis. Grimm (venir) ensuite. La petite table était déjà mise ; il n’y
avait que deux couverts. On sert : Mme d’Epinay prend sa place à l’un des coins du feu ;
M. Grimm prend un fauteuil, s’établit à l’autre coin, tire la petite table entre eux deux,
déplie sa serviette et se met en devoir de manger, sans me dire un seul mot. Mmm
d’Épinay rougit, et, pour l’engager à réparer sa grossièreté, m’offre sa propre place. Il ne
me dit rien, ne me regarda pas. Ne pouvant approcher du feu, je (prendre) le parti de me
promener par la chambre, en attendant qu’on m’(apporter)un couvert.

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

IMPARFAIT DU SUBJONCTIF / PASSÉ SIMPLE

​Le subjonctif imparfait (ou l'imparfait du subjonctif) est un temps simple qui fait partie
du mode subjonctif. Il sert à exprimer une action incertaine, non réalisée au moment de
l'énonciation.

Le subjonctif imparfait a la même valeur que le subjonctif présent, mais il est employé
dans un texte écrit au passé.

Les particularités du subjonctif imparfait

Le subjonctif imparfait n'est pas utilisé à l'oral. Il ne s'emploie donc qu'à l'écrit et dans
une langue très soutenue, c'est pourquoi on l'observe principalement dans des récits au
passé écrits dans une langue littéraire.

Exemples :
​ Un péril, si grand qu'il fût, avait toujours un attrait pour sa nature batailleuse (Vingt
mille lieues sous les mers, Jules Verne).
​ Avant qu'elle se mariât, elle avait cru avoir de l'amour; mais le bonheur qui aurait dû
résulter de cet amour n'étant pas venu, il fallait qu'elle se fût trompée, songeait-elle
(Madame Bovary, Gustave Flaubert).

Source : https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/francais/le-subjonctif-imparfait-f1195

🎵 Ce texte humoristique contient des passés simples et des imparfaits du subjonctif : identifiez
les infinitifs et à quel temps sont conjugués les verbes en caractères gras.

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Imparfait du subjonctif (Alphonse Allais)

Dès le moment que je vous vis, À l´imparfait du subjonctif


Beauté torride vous me plûtes. Vous m´avez fait un drôle d´effet.
De l'amour qu'en vos yeux je pris Au présent de l´indicatif,
Aussitôt vous vous aperçûtes. Vos yeux étaient plus que parfaits.
Ah! fallait-il que je vous visse! Fallait-il que je vous aimasse,
Fallait-il que vous me plussiez! Fallait-il que je vous voulusse,
Qu’ingénument je vous le dise! Et pour que je vous embrassasse
Qu'avec orgueil vous vous tussiez! Fallait-il que je vous reçusse ! ?
À l´imparfait du subjonctif Qu'en vain je m’opiniâtrasse
Vous m´avez fait un drôle d´effet. Que vous me désespérassiez
Au présent de l´indicatif Et que je vous idolâtrasse
Vos yeux étaient plus que parfaits. Pour que vous m’assassinassiez.
Bien heureux encore que je pusse À l´imparfait du subjonctif
Vous parler et que vous pussiez Vous m´avez fait un drôle d´effet.
Dans le tohu-bohu des Puces Au présent de l´indicatif,
M´ouïr bien que vous chinassiez. Vos cheveux aussi me plaisaient.
Pourtant je le pus et vous pûtes. À l´imparfait du subjonctif,
Mais pour que vous me cédassiez Vous m´avez fait un drôle d´effet,
Je dus mentir et vous me crûtes Mais au futur interrogatif
Sans que vous ne vous méfiassiez. Vous laisserez vous conjuguer ?

« CONDITIONNEL PASSÉ 2ème FORME » OU PLUS-QUE-PARFAIT DU


SUBJONCTIF

Dans une phrase hypothétique comprenant une subordonnée de condition introduite par si, on
emploie généralement le plus-que-parfait de l'indicatif pour exprimer une condition non réalisée
dans le passé et le conditionnel passé pour exprimer une conséquence de cette condition non
réalisée.

Exemples :
- Si j'avais compris ce qu'elle voulait dire (condition non réalisée), j'aurais réagi tout
autrement (conséquence non réalisée).
- Si le film avait été plus court (condition non réalisée), il aurait probablement été moins bon
(conséquence non réalisée).

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Dans la langue littéraire, on exprime parfois la même idée en employant le mode subjonctif.
En effet, le plus-que-parfait de l'indicatif et le conditionnel passé peuvent tous deux être
remplacés par le plus-que-parfait du subjonctif dans ce contexte.

Exemples :
- Si j'eusse compris ce qu'elle voulait dire, j'eusse réagi tout autrement.
- Si le film eût été plus court, il eût probablement été moins bon.

Cette interchangeabilité s'explique. Le conditionnel n'existant pas en latin, c'est le mode


subjonctif qui permettait d'exprimer les faits irréels et la possibilité, le mode indicatif étant
réservé au probable. Le conditionnel a introduit la notion de possibilité à l'intérieur du mode
indicatif et c'est généralement ce temps qu'on emploie aujourd'hui pour exprimer la conséquence
d'une condition. Dans la langue littéraire, on emploie encore parfois le subjonctif dans ce
contexte ; on peut alors l'employer pour exprimer la condition et la conséquence – contrairement
au conditionnel, qui ne peut exprimer que la conséquence.

Puisqu'il est interchangeable avec le conditionnel passé, on a longtemps appelé conditionnel


passé deuxième forme le plus-que-parfait du subjonctif dans ce contexte. La majorité des
grammairiens rejettent aujourd'hui cette appellation, puisqu'elle prête inutilement à confusion.

Article tiré de la BDL, http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4141

I) Quelques exemples :

1. Je me souviens de certaines pages, qui eussent dû flatter mes instincts.


2. (…) ensuite parce que j’aimais la beauté, que je l’aimais exclusivement, et qu’elle eût
limité mon choix.
3. En d’autres circonstances, ce commencement d’amitié m’eût fait souhaiter de remettre
mon départ.
4. Si mes études avaient été meilleures, je ne crois qu’on m’eût retiré du collège.
5. Il ne pensa pas à ce moment-là qu'elle eût pu accepter une telle proposition.

II) Dites si les phrases suivantes contiennent un conditionnel ou un subjonctif, justifiez


votre réponse.

1. Je ne puis me souvenir de pensées qui ne fussent pas innocentes.


2. Je demandais à Dieu qu’il acceptât mes serments.
3. Je m’étonnais qu’on ne le vît pas.
4. Il semblait qu’elle voulût s’habituer.
5. Je rêvais d’abandonner l’école, mais eût-elle accepté ?
6. Il n’était pas jusqu’à la simple joie qui ne se fût desséchée.

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

TEMPS VERBAUX - ACTIVITÉS

METTEZ LES VERBES INDIQUÉS AUX TEMPS CONVENABLES ET


JUSTIFIEZ

1/ Paris Match 26/12/2012

ESTROSI CONDAMNE L’AGRESSION D’UN POLICIER


Un policier de 24 ans, qui 1VENIR __________________________ de terminer son service mardi à 5
heures du matin, 2 VIOLEMMENT AGRESSER __________________________ par cinq hommes ivres, à
Nice, qui l' 3 ROUER __________________________ de coups et 4 PROJETER __________________________ à
travers la vitrine d'un salon de coiffure. Christian Estrosi, maire de la ville, a réagi à ce fait
divers sur son blog : "cette nouvelle agression alors même que ce jeune adjoint de sécurité 5
NE PLUS ËTRE __________________________ en service est intolérable. La police municipale de Nice
immédiatement avertie des faits a réussi, grâce à notre système de vidéoprotection, à
identifier les auteurs présumés de cet acte gratuit et 6 PERMETTRE __________________________
leur interpellation par la police nationale. Je 7 SE FÉLICITER __________________________ que la
mobilisation de tous 8 PERMETTRE __________________________ d'obtenir ce résultat et 9
SOUHAITER __________________________ souligner que c'est une fois de plus le réseau de caméra
de la ville de Nice qui a contribué à une élucidation rapide des faits comme 600 autres fois
cette année."

2/ Le Parisien 05/03/2013

Drancy : fuite de gaz mercaptan à la gare de triage


Claire Guédon |

Une cinquantaine de sapeurs-pompiers parmi lesquels des spécialistes des risques chimiques
1 ETRE __________________________ en intervention depuis la fin de l’après-midi, ce mardi, à la gare
de triage de Drancy (Seine-Saint-Denis). Une fuite de mercaptan, un gaz à l’odeur fortement
soufrée 2 DÉTECTER __________________________ sur un wagon-citerne par le personnel de
la SNCF.
Un périmètre de sécurité 3 ÉTABLIR __________________________ autour de cette gare de
marchandise où 4 TRIER __________________________ en moyenne chaque année, entre 150 000 et
300 000 wagons dont 20 800 contenant des matières dangereuses.

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Le mercaptan qui 5 ETRE __________________________ un gaz irritant à haute dose, également


inflammable 6 SOULEVER __________________________ un mouvement d’inquiétude, après la fuite
importante qui 7 S’ÉCHAPPER __________________________ d’une usine de Rouen (Seine-Maritime),
il y a un mois et demi.

3/ METTEZ LES VERBES SOULIGNÉS AU MODE ET AU TEMPS NÉCESSAIRES ET


JUSTIFIEZ

« Comment puis-je espérer retrouver cette paix, qu’alors je ne 1 (savoir)


__________________________ pas même nommer ? Je l’ai séparée de moi, en me rendant compte
qu’elle n’était pas tout moi-même. Il faut l’avouer tout de suite, je 2 (être)
__________________________ à peine sûr de regretter toujours cette ignorance, que nous
3(appeler) __________________________ la paix.

Combien difficile de ne pas être injuste envers soi-même ! Je vous disais tout à l’heure que
mon adolescence 4 (être) __________________________ sans troubles ; je le crois ; je 5 (se pencher)
__________________________ sur ce passé un peu puéril et si triste ; j’ 6(tâcher)
__________________________ de me rappeler mes pensées, mes sensations, plus intimes que des
pensées, et jusqu’aux rêves. Je les ai analysés pour voir si je n’y 7(découvrir)
__________________________ pas quelque signification inquiétante, qui alors m’8 (échapper)
__________________________, et si je n’avais pas pris l’ignorance de l’esprit pour l’innocence du
cœur. Vous connaissez les étangs de Woroïno ; vous dites qu’ils ressemblent à de grands
morceaux de ciel gris tombés sur la terre, et qui 9 (s’éfforcer) __________________________ de
remonter en brouillard. Enfant, j’en 10 (avoir peur) __________________________. Je 11
(comprendre) __________________________ déjà que tout a son secret, et les étangs comme le
reste, que la paix, comme le silence, n’ 12 (être) __________________________ jamais qu’une
surface, et que le pire des mensonges 13 (être) __________________________ le mensonge du
calme. Toute mon enfance, quand je 14 (se souvenir) __________________________, m’ 15
(apparaître) __________________________ comme un grand calme au bord d’une grande
inquiétude… »

Extrait de : Alexis ou Le Traité du Vain Combat de Marguerite Yourcenar

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

4/ METTEZ LES VERBES INDIQUÉS AUX TEMPS CONVENABLES ET JUSTIFIER

« Un après-midi de l'année du bac (une des années du bac) mon père me donnant un cours de
trigonométrie dans la pièce qui nous 1 SERVIR __________________________ de bibliothèque, notre
chien se coucha en douce sur le lit, derrière nous. Repéré, il 2 VIRER SECHEMENT
__________________________:
– Dehors, le chien, dans ton fauteuil !
Cinq minutes plus tard, le chien 3 ETRE __________________________ de nouveau sur le lit. Il 4 JUSTE
PRENDRE SOIN __________________________ d'aller chercher la vieille couverture qui protégeait son
fauteuil et de se coucher sur elle. Admiration générale, bien sûr, et justifiée : qu'un animal 5
POUVOIR __________________________ associer une interdiction à l'idée abstraite de propreté et en
tirer la conclusion qu'il fallait faire son lit pour jouir de la compagnie des maitres, chapeau,
évidemment, un authentique raisonnement ! Ce 6 ETRE __________________________ un sujet de
conversation familiale qui 7 TRAVERSER __________________________ les âges. Personnellement,
j'en 8 TIRER __________________________ l'enseignement que même le chien de la maison pigeait
plus vite que moi. Je 9 CROIRE __________________________ bien lui 10 MURMURER
__________________________ à l'oreille :
– Demain, c'est toi qui vas au bahut, lèche-cul. »

Extrait de Chagrin d’école de Daniel Pennac

5/ LISEZ CET EXTRAIT DE LA MAISON TELLIER DE GUY DE MAUPASSANT :

1. Indiquez le temps, le mode et la valeur sémantique des verbes soulignés en


tenant compte du contexte.
2. Cet extrait contient une alternance du récit et du discours du narrateur :
justifiez-la.

Or, vers la mi-septembre, il faisait1 très beau temps à ce moment-là, je sortis 2 de chez
moi, une après-midi, sans savoir où j'irais 3. On a 4 toujours un vague désir de faire une
visite à une jolie femme quelconque. On choisit 5 dans sa galerie, on les compare dans sa
pensée, on pèse l'intérêt qu'elles vous inspirent, le charme qu'elles vous imposent et on
se décide enfin suivant l'attraction du jour. Mais quand le soleil est très beau et l'air tiède,
ils vous enlèvent souvent toute envie de visites.

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IES LV JRF TEMPS VERBAUX
PDL II - LF III et IV

Le soleil était beau, et l'air tiède ; j'allumai 6 un cigare et je m'en allai 7 tout bêtement
sur le boulevard extérieur. Puis comme je flânais 8, l'idée me vint 9 de pousser jusqu'au
cimetière Montmartre et d'y entrer.
J'aime beaucoup les cimetières, moi, ça me repose et me mélancolise : j'en ai besoin. Et
puis, il y a 10 aussi de bons amis là-dedans, de ceux qu'on ne va plus voir ; et j'y vais
encore, moi, de temps en temps.
Justement, dans ce cimetière Montmartre, j'ai une histoire de cœur, une maîtresse qui
m'avait beaucoup pincé 11, très ému, une charmante petite femme dont le souvenir, en
même temps qu'il me peine 12 énormément, me donne 13 des regrets... des regrets de
toute nature... Et je vais 14 rêver sur sa tombe... C'est fini pour elle.

3. Dans le fragment suivant du même texte, mettez les verbes aux temps
convenables en respectant le(s) système(s)et la concordance des temps du registre
littéraire, tels qu’adoptés par le narrateur.

Mais j'adore surtout dans ce cimetière, la partie abandonnée, solitaire, pleine de grands
ifs et de cyprès, vieux quartier des anciens morts qui 1 (DEVENIR) bientôt un quartier
neuf, dont on 2 (ABATTRE) les arbres verts, nourris de cadavres humains, pour aligner les
récents trépassés sous de petites galettes de marbre.
Quand j'eus erré le temps de me rafraîchir l'esprit, je 3(COMPRENDRE) que j' 4(ALLER)
m'ennuyer et qu'il fallait porter au dernier lit de ma petite amie l'hommage fidèle de mon
souvenir. J' 5(AVOIR) le cœur un peu serré en arrivant près de sa tombe. Pauvre chère,
elle était si gentille, et si amoureuse, et si blanche, et si fraîche... et maintenant... si on 6
(OUVRIR) ça...
Penché sur la grille de fer, je lui 7 (DIRE) tout bas ma peine, qu'elle n'8 (ENTENDRE)
point sans doute, et j'allais partir quand je vis une femme en noir, en grand deuil, qui
s'agenouillait sur le tombeau voisin. Son voile de crêpe relevé 9 (LAISSER) apercevoir une
jolie tête blonde, dont les cheveux en bandeaux semblaient éclairés par une lumière
d'aurore sous la nuit de sa coiffure. Je 10 (RESTER).

85
UNITÉ 5

NARRATION / NOUVELLE

LE TEXTE NARRATIF___________________________________________________________87
QU’EST-CE QU’UNE NOUVELLE (réaliste) ?___________________________________ 89
LE RÉCIT : LA FOCALISATION_________________________________________________ 91
INCIPIT - PROCÉDÉS POUR COMMENCER UN RÉCIT_______________________ 94
PROCÉDÉS POUR FINIR UN RÉCIT___________________________________________ 96
LE CLICHÉ : POURQUOI L’ÉVITER ?___________________________________________ 96
CORPUS DE NOUVELLES AVEC GUIDE DE LECTURE________________________ 101
1) UNE MINUTE AVANT MINUIT, de Catherine Cusset__________________ 101
2) LES FLEURS DE L’ALGÉRIEN, de Marguerite Duras___________________ 105
3) JE FAIS MES VALISES, de Aiat Fayez___________________________________ 107
4) TOUT LE BONHEUR DU MONDE, de Viviane Forrester_______________ 110
5) CE JOUR-LÀ, de Vercors_______________________________________________ 113
6) LA PARURE, de Guy de Maupassant__________________________________ 117
ÉCRITURE DE LA NOUVELLE RÉALISTE : ASPECTS À PRENDRE EN COMPTE 122
IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

LE TEXTE NARRATIF

Le texte narratif raconte des faits réels ou imaginaires, une action qui progresse dans le temps.
Le rapporteur, qui assume le récit est le narrateur, qui peut être non identifiable, être le
personnage principal ou un personnage témoin de l'action. Le système d'énonciation utilisé est
celui du récit, détaché de l'énonciation ou au contraire le système du discours, lorsque le récit est
ancré dans l’énonciation : lettre, oral, texte argumentatif...

Tel que le décrit Charaudeau, “le terme "narratif” est pris dans un sens qui dépasse celui de la
simple fiction narrative. En effet, le niveau narratif, quel que soit le type de texte -à dominante
argumentative, énonciative ou narrative-, est le lieu où s'organise le discours du point de vue des
actions humaines (les FAIRE) et des qualifications des êtres que ces actions mettent en cause (les
ÊTRES).
L'idée de base est que tout texte met en scène des actants, des entités :
1) qui font un certain nombre d'actions.
2) qui sont qualifiés d'une certaine façon.

Le terme actant permet d'embrasser des entités de nature très différentes (Le schéma
actantiel).
Le type narratif est donc toujours repérable, d'une part, par la présence de forces en présence
qui assument différents rôles actantiels, d'autre part, par l'évolution linéaire (chronologique ou
non) dont le déroulement des actions s’organise en séquences (voir Le schéma narratif). Chaque
séquence suit un élan qui pousse l'intrigue vers l'avant, vers une fin.

Indices de la narration :
● Les temps du passé prédominent, notamment le passé simple : action entreprise et
achevée (« premier plan »), et l'imparfait (« arrière-plan ») : action entreprise, mais
inachevée. " le soleil brillait au dehors, il sortit". D'autres temps interviennent : plus- que-
parfait (action antérieure à une action passée), le présent de narration : actualisation d'un
évènement (« gros plan »). Le présent peut avoir d'autres valeurs : le présent de vérité
générale énonce une idée qui est toujours vraie (« les petits sont toujours perdants »), le
présent du discours est utilisé dans le discours rapporté ou pour un commentaire du
narrateur. Si le système adopté est celui du discours, la narration se fera au passé
composé, lui-même articulé avec l'imparfait.
● Le récit peut se faire à la troisième ou à la première personne, les indicateurs de
temps sont nombreux et seront selon le cas déictiques ou non. (Voir la focalisation).

L'ordre et la durée des événements :


● L'ordre :

87
IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

+ l’enchâssement ; c'est lorsqu’un récit (souvent antérieur, dit récit enchâssé) est intégré dans
un autre récit (dit « récit cadre »).
+ le retour en arrière : récit d'un évènement antérieur dans le déroulement de l'histoire.
+ l’anticipation : récit d'un évènement futur.

● La durée :

+ le sommaire : un évènement long est résumé.


+ la scène : un évènement est détaillé.
+ l'ellipse : un saut dans le temps (« dix jours plus tard... »).

Le schéma narratif (dans une nouvelle, un roman ...) :


● Situation initiale : situation de départ de l'histoire.
● Élément perturbateur (déclencheur) : évènement qui va déclencher l'action (tout à coup...)
● Actions (péripéties) : déroulement des actions.
● Élément équilibrant : événement qui résout une situation, met fin aux actions.
● Situation finale : nouvel état de stabilité.

Le schéma actantiel :
Les forces agissantes interviennent dans un récit pour en faire progresser l'action et la
modifier. Une force agissante peut être une idée, des individus, un objet ... Tous les rôles
actantiels ne seront pas forcément présents, de même qu'une même entité (actant humain ou
non-humain) pourra changer de rôle à un moment de la narration.
● Le sujet : réalise l'action (qui ?) 🡪 Actant agent / agent causatif
● L’objet : représente ce que recherche le sujet (que veut-il ?) 🡪 Agent bénéficiaire ou
victime / agent patient
● Le destinataire : représente le but de l'action (pour qui ? pour quoi ?)
● Le destinateur : commande l'action (Poussé par qui ? par quoi ?)
● Les alliés : aident à réaliser l'action (avec qui ? quoi ?) 🡪 Actant allié / actant instrument
● Les opposants : gênent les actions du sujet (malgré qui ? quoi ?) 🡪 Actant adversaire /
actant obstacle

On peut illustrer la linéarité du récit en la formulant de la façon suivante :


Un sujet, poussé par une force (Qqn/qch), poursuit une quête dans un certain but,
grâce à l'aide de qqn/qqch et/ou malgré les entraves d'opposants ou d'obstacles.

88
IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

Les genres littéraires utilisant la narration :


● Le roman : c'est le genre littéraire le plus représenté et le plus lu, il s'agit d'un texte long.
Les romans peuvent être répartis en sous- genres : policier (résolution d'une énigme),
autobiographique (vie de l'auteur), d'aventures (actions à diverses époques...), historique
(époque antérieure, faits connus, personnages célèbres...), science-fiction (avenir de
l'humanité...)
● La nouvelle : récit bref, le narrateur est souvent présent, elle comporte peu d'action mais
l'intensité dramatique est forte, action concentrée, un seul sujet, peu de personnages,
publication en recueil.
● Le conte : sous le nom de conte se rencontrent des textes divers. Tous sont très brefs, font
entrer le lecteur dans un univers déroutant : le conte de fée (cadre merveilleux, époque
indéterminée, fin heureuse), le conte philosophique récit qui exprime des idées
philosophiques), le conte fantastique (raconte une histoire inexplicable entre la réalité et
l'irréel, l'extraordinaire)
● Le théâtre, qui tout en répondant à la structure dialogale peut suivre un schéma narratif.

Narrations non littéraires :


● Faits divers
● Reportages journalistiques
● Livres d'histoire
● Témoignages divers
● Journaux intimes

QU’EST-CE QU’UNE NOUVELLE (réaliste) ?

C’est un texte narratif court qui comprend un narrateur, une intrigue et des personnages. Sa
brièveté (d’une à une trentaine ou quarantaine de pages) n’en est que l’aspect formel et entraîne
des caractéristiques de fond. En effet, parce qu’elle est courte, la nouvelle est un récit dont les
éléments sont concentrés. En ce sens, on y retrouve souvent les trois unités du théâtre classique,
à savoir l’unité de temps, de lieu et d’action.
Appartenant à la typologie narrative, la nouvelle répond aux mêmes catégories que tout texte
de ce genre : on peut donc y repérer des actants ainsi qu’un schéma narratif séquentiel (situation
initiale, élément déclencheur/perturbateur, développement et chute finale). Le schéma narratif ne
suit pourtant pas forcément un ordre chronologique, même si en raison de la brièveté du récit, les
altérations chronologiques ne sont jamais multiples.

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IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

Cela dit, il existe une infinité de formes de nouvelles et les rassembler dans une définition
unique conduit bien souvent à un mais. Quelques citations peuvent éclairer une présentation du
genre :
Pour André Gide, « une nouvelle est faite pour être lue d’un coup, en une seule fois ». Quant à
la nouvelliste Geneviève Serreau, pour elle « relater dans un espace réduit et en un temps limité
une action unique et exemplaire -c’est un peu la survivance des trois unités. Le récit de cette
action constitue vraiment le centre d’intérêt de la nouvelle et sa raison d’être ». Annie Saumont,
pour sa part, explique que ses histoires courtes sont inspirées du quotidien : « Je traque les choses
qui arrivent comme par inadvertance. J'aime faire surgir une ambiguïté, susciter une sorte
d'inquiétude. Il faut qu'il y ait une tension dramatique, sinon c'est raté. C'est presque comme une
petite pièce de théâtre. C'est un instant, un point, un incident, un moment de rupture ».

Les fameuses unités :


Unité de temps : la nouvelle se déroule dans un laps de temps délimité, plutôt court.
La nouvelle est caractérisée par le sens qui s’élabore par une chute. L'histoire ne saurait ainsi
s'étendre sur une vie, des années, voire des générations.
Unité de lieu : l’histoire se déroule généralement à l’intérieur d’un même espace défini.
Unité d’action : l’histoire, qui fait intervenir une petite quantité de personnages, est centrée
autour d’une trame narrative unique.

Le fameux réalisme :
S’agissant de la nouvelle réaliste, le texte n'est ni une légende, ni un conte. L’histoire, réelle
ou non, est ancrée dans le monde réel ; elle est donc plausible, vraisemblable. Autrement dit, elle
pourrait avoir eu lieu dans la réalité. Et cette vraisemblance, ce cadre de référence qu’est le
monde réel dans ses aspects historiques, sociaux, spatiaux, psychologiques, se trouve inscrit dans
la trame du récit de façon dénotée et/ou par connotations. Les personnages sont par conséquent
crédibles ; ils ont des traits de caractère vraisemblables décrits avec justesse, mais seulement
ceux essentiels/fonctionnels au récit.

La fameuse chute :
Une autre caractéristique de la nouvelle (en tout cas, des classiques du genre) est la présence
d’une chute - ouverte ou fermée- souvent imprévisible, surprenante (bien que vraisemblable). On
trouve cependant de nombreuses nouvelles sans effet de chute finale. D’après Michelle Pochard1,
la fameuse chute, fort appréciée dans les concours littéraires, n’est pas indispensable. Son
affirmation s’appuie sur ses multiples lectures de nouvelles. Elle affirme ainsi avoir « lu de
remarquables nouvelles sans l’ombre d’une chute ».

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Auteur d’Écrire une nouvelle, 2009, Eyrolles, Paris
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LE RÉCIT : LA FOCALISATION

Mettre en rapport le récit et l’énonciation, c’est se poser la question de savoir qui raconte, qui
prend en charge le récit. Au-delà de l’auteur, dans le texte, l’énonciateur est le narrateur. Or ce
narrateur peut avoir à propos de ce qu’il raconte diverses positions de connaissance, et l’on parle
justement à ce propos de point de vue, de perspective narrative, de vision ou encore de
focalisation.
On peut ainsi distinguer plusieurs types de focalisations :

1- La focalisation zéro ou vision omnisciente (ou vision “par en-dessus”)


Le narrateur raconte comme s’il savait tout de tous les personnages. Le narrateur connaît de la
sorte leur passé, de même que leur personnalité.
Cette absence de focalisation autorise par exemple le narrateur à faire, dans une description,
ce genre de commentaire : “une ancienne abbaye de Capucins dont les ruines n’existent même
plus” ; et également à raconter quelles étaient les occupations dominicales des habitants.

2- La focalisation interne (ou vision “avec”)


Il y a alors coïncidence entre ce que voit et sait le narrateur avec ce que voit et sait un
personnage. Le champ de connaissances est donc restreint et l’information narrative sélectionnée.
Il peut s’agir d’un narrateur personnage parlant de lui-même ou observant d’autres
personnages, ou bien la focalisation peut s’exercer sur quelqu’un d’autre que lui. C’est le cas par
exemple lorsque Proust fait un portrait de Swann vu par sa famille (qui méconnaît complètement
les relations mondaines de son voisin et le prend pour un homme modeste).
Il convient de noter que le point de vue peut varier dans un récit, voire dans une même scène.
On peut alors repérer un point de vue dominant et un point de vue partiel.

Il est des cas difficiles où il est délicat de déterminer s’il s’agit de focalisation omnisciente ou
interne. C’est le cas notamment quand le narrateur lit dans les pensées et les sentiments des
personnages. Si le personnage est nommé clairement, en toute rigueur seul le narrateur
(focalisation zéro) peut désigner un personnage dont il lit les pensées. Mais la focalisation est
interne si le personnage n’est pas nommé et que ses pensées sont annoncées comme telles par le
narrateur (par exemple dans le monologue intérieur).

3- La focalisation externe
Cette fois-ci, les personnages sont considérés uniquement de l’extérieur, à partir d’un point de
vue qui ne coïncide avec aucun d’entre eux. Rien ne permet de connaître leur histoire, leurs
pensées ni leurs sentiments. C’est un point de vue entièrement objectif, qui évite de mettre en
scène un quelconque sujet humain percevant.

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INCIPIT - PROCÉDÉS POUR COMMENCER UN RÉCIT

Comparez les 4 incipits suivants et dites en quoi ils se différencient. Quel type d'informations
introduisent-ils quant à la découverte des personnages, quant au cadre spatial, temporel, au
narrateur, à l'atmosphère? Comparez également ceux des nouvelles incluses dans la brochure.

1- La mère Noël de Michel Tournier

"Le village de Pouldreuzic allait-il connaître une période de paix? Depuis des lustres, il
était déchiré par l'opposition des cléricaux et des radicaux, de l'école libre des Frères et de
la communale laïque, du curé et de l'instituteur. Les hostilités qui empruntaient les couleurs
des saisons viraient à l'enluminure légendaire avec les fêtes de fin d'année. La messe de
minuit avait lieu pour des raisons pratiques le 24 décembre à six heures du soir. A la même
heure, l'instituteur déguisé en Père Noël distribuait des jouets aux élèves de l'école laïque.
Ainsi le Père Noël devenait-il par ses soins un héros païen, radical et anticlérical, et le curé
lui opposait le Petit Jésus de sa crèche vivante -célèbre dans le canton - comme on jette une
ondée d'eau bénite à la face du Diable."

2- L'hôte d'Albert Camus

"L'instituteur regardait les deux hommes monter vers lui. L'un était à cheval, l'autre à
pied. Ils n'avaient pas encore entamé le raidillon abrupt qui menait à l'école, bâtie au flanc
d'une colline. Ils peinaient, progressaient lentement dans la neige, entre les pierres, sur
l'immense étendue du haut plateau désert. De temps en temps, le cheval bronchait
visiblement. On ne l'entendait pas encore, mais on voyait le jet de vapeur qui sortait alors
de ses naseaux. L'un des hommes, au moins, connaissait le pays. Ils suivaient la piste qui
avait pourtant disparu depuis plusieurs jours sous une couche blanche et sale."

3- La morte de Guy de Maupassant

"Je l’avais aimée éperdument! Pourquoi aime-t-on? Est-ce bizarre de ne plus voir dans le
monde qu'un être, de n'avoir plus dans l'esprit qu'une pensée, dans le coeur qu'un désir, et
dans la bouche qu'un nom: un nom qui monte incessamment, qui monte, comme l'eau d'une
source, des profondeurs de l'âme, qui monte aux lèvres, et qu'on dit, qu'on redit, qu'on
murmure sans cesse, partout, ainsi qu'une prière."

4- Aux champs de Guy de Maupassant

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PROCÉDÉS POUR FINIR UN RÉCIT

La fin du récit peut varier non seulement quant à son contenu mais aussi quant à sa forme:

Quant au contenu, la fin peut être heureuse, malheureuse ou bien ouverte, laissant alors le lecteur
imaginer la clôture ou la suite de l'histoire.

Quant à la forme, plusieurs procédés sont possibles. En voici quelques-uns:


✔ une réflexion, une maxime morale (comme dans les fables) qui vient s'ajouter à la
situation finale.
✔ une description: elle peut servir à mettre en relief l'atmosphère de la situation finale,
constituer un éloignement visuel et/ou sonore de la scène finale (comme dans certains
films) au contraire de certaines scènes initiales qui procèdent par rapprochement. Il peut
également s'agir de la description d'un détail métonymique, concentration de signification
que le narrateur veut souligner.
✔ un portrait: il mettra en lumière le personnage principal transformé par l'histoire vécue
(transformation positive ou négative).
✔ l'idée de fin peut être soulignée par un passage: fin de journée (passage du jour à la nuit),
fin de voyage (arrivée dans un lieu), passage d'un espace ouvert à un espace fermé ou
vice-versa.
✔ une pointe d'humour: plaisanterie, adresse au lecteur, annonce d'une suite…
✔ le retour au présent du narrateur: si la narration s'est déroulée sous forme de retour en
arrière. La narration peut alors revenir au système du discours.

LE CLICHÉ : POURQUOI L’ÉVITER ?

Le talent littéraire n’est pas inné, il se travaille.

Je commencerai par rappeler ce qu’écrivait Jean Cocteau dans Démarche d’un poète, que « le
but que tout artiste se propose (…) ne peut être que l’extrémité de lui-même ». À savoir : aller au
bout de sa sensibilité, en l’incarnant par un style personnel. Le style n’est pas une enluminure
qu’on ajoute à un texte après le point final. Le style, c’est vous : vous êtes ce que vous écrivez,
vous écrivez comme vous êtes. Voilà, s’il y avait un conseil à suivre, et si vous me permettez de
détourner l’accroche publicitaire d’une chaîne de restauration rapide : « Écrivez comme vous
êtes. »
Mais cela ne suffit pas : car on ne devient tout à fait soi-même qu’après avoir, justement,
travaillé son style. Le diamant ne devient tout à fait diamant qu’une fois taillé.

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J’aimerais maintenant évoquer un autre écrivain que j’estime beaucoup, qui a vécu en France
durant la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe. Il était une sorte de Maître Yoda de
la littérature symboliste, influençant Ezra Pound et T.S. Eliot. Il vivait en reclus, comme Yoda,
mais au lieu de vivre dans un marécage, il habitait un appartement de la rue des Saints-Pères, à
Paris, ce qui est tout de même plus chic pour un écrivain. Je veux bien sûr parler de Remy de
Gourmont, dont on fête cette année le centenaire de la mort. Dans son livre La Culture des
idées, il définit ainsi le style en littérature : « Avoir un style, c’est parler au milieu de la langue
commune un dialecte particulier, (…) et cependant que cela soit à la fois le langage de tous et le
langage d’un seul. » Il ajoute plus loin : « Tout aurait été dit dans les cent premières années des
littératures si l’homme n’avait le style pour se varier lui-même. »

L’image littéraire
Les images littéraires sont une composante importante du style. Ce sont elles qui donnent à
voir le monde comme on ne l’avait jamais vu avant. Et ce, grâce à ces petites choses à la fois très
simples et très complexes que sont les mots. Un mot est un signe, c’est-à-dire une paire de
baguettes chinoises que vous utilisez pour saisir la vie. Cette phrase est précisément une image
littéraire, car elle rapproche pour la première fois deux aspects éloignés de la réalité : un mot et
une paire de baguettes chinoises.
Pour vous donner un exemple bien meilleur, j’aimerais vous citer une phrase d’un auteur que
j’aime beaucoup, qui est au Portugal ce que Proust est à la France : cet écrivain est Fernando
Pessoa. Dans son chef-d’œuvre Le Livre de l’intranquillité, il y a cette phrase superbe et terrible :
« bien des gens ont considéré la vie comme un enfant insupportable, en soupirant après le calme
qu’ils allaient enfin connaître quand il irait se coucher. » Cette image illustre à la perfection la
lassitude de vivre, la saudade qu’éprouvait Pessoa, un mot portugais intraduisible que l’on
pourrait rapprocher du spleen.

Le cliché
Si l’image littéraire rapproche pour la première fois deux aspects éloignés de la réalité, le
cliché est une image fanée à force d’avoir trop souvent été portée à la boutonnière, si vous me
permettez cette image. Fanée, l’image a perdu son parfum, son pouvoir évocateur. Le cliché
dévitalise ce que vous cherchez à exprimer, le rendant inopérant. C’est le plus nocif des cancers
littéraires.
Saviez-vous que « saper la réputation » est une image qui a été inventée par Voltaire avant de
devenir un cliché ? En l’inventant, Voltaire a rapproché le domaine de l’opinion publique et celui
du génie civil (saper, littéralement, c’est détruire les fondations d’un bâtiment pour le faire
s’écrouler). Une image, c’est deux îles éloignées l’une de l’autre que rapproche soudainement la
tectonique des plaques.
Remy de Gourmont, encore lui, cite dans la première série de ses Promenades
philosophiques d’autres clichés apparus au XVIIIe siècle :
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● « Faire sensation », image inventée par l’abbé Coyer ;


● « Sourire qui effleure les lèvres », par Marmontel (encyclopédiste, proche de Voltaire) ;
● « Traits saillants », par Buffon (le naturaliste).

Dernièrement, j’hésitais à employer dans une phrase le mot « anodin » à la place de « banal ».
En cherchant à en préciser le sens, j’ai appris que ce simple mot, que je pensais parfaitement
connaître et comprendre, s’employait au début du XVIIIe siècle pour qualifier un remède qui
apaise la douleur, un calmant. Ce n’est seulement qu’après un long travail passif d’affaissement
du sens, ou plutôt de détournement de sens, que ce mot est devenu synonyme de « banal » ou d’
« insignifiant ». Un jour, dans une fumerie de Londres ou Paris, un audacieux, après avoir bourré
sa pipe d’opium, a dû se rendre compte que cet « anodin » qu’était l’opium ne calmait pas le mal
profond qui le poussait à en fumer. La mine dégoûtée, il s’est sevré et a aussitôt lancé dans la
bonne société de l’époque une nouvelle image littéraire, reprise par les dandies à monocle et
canne en bois précieux. Enfin, j’imagine.
Celui qui invente une belle image est un génie, les dix premiers qui la répètent des
admirateurs, les cent suivants des paresseux, et le reste du monde des incultes. C’est ainsi
qu’apparaissent les clichés. La rhétorique a inventé un mot pédant pour le dire : « catachrèse ».
Ce procédé consiste à « détourner un mot de son sens propre pour l’appliquer à une autre
réalité ».
Il existe bien sûr les clichés évidents que sont :
● « blanc comme neige » ;
● « rose bonbon » ;
● « moulin à paroles » ;
● « passer comme une lettre à la Poste » ;
● « tiré par les cheveux ».

Mais ceux-là, vous n’avez sans doute pas eu besoin de moi pour les démasquer (cliché). J’en
profite pour préciser qu’un cliché n’est pas forcément faux : « blanc comme neige » est bien
souvent une affirmation irréfutable. Elle est simplement banale et ne donne rien à voir. Cela fait
longtemps que cette image ne montre plus la neige, cette neige est éblouissante de banalité.
Même les bons écrivains usent de clichés, relève Charles Dantzig dans son Dictionnaire
égoïste de la littérature française. Stendhal, dans Le Rouge et le Noir, parle d’ « une femme qui,
à la lettre, avait perdu la tête ». Or, justement, elle n’avait pas perdu la tête. Il voulait seulement
dire par là qu’elle avait l’esprit quelque peu « dérangé » (dire cela, « esprit dérangé », c’est déjà
dire un cliché).
Un mot devient une image, qui devient un cliché, qui redevient parfois un mot à force d’être
décoloré par l’usage, jusqu’à la neutralité. Autre exemple relevé par Charles Dantzig dans
son Dictionnaire, le narrateur d’À la Recherche du temps perdu se plaint du cliché « front de
guerre », apparu durant la Première Guerre mondiale, qui depuis est passé dans le langage

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courant. Et c’est seulement à ce moment-là qu’on a le droit d’utiliser un cliché, qui n’en est plus
vraiment un. Il est redevenu un simple mot ou groupe de mots. Le cancer a été désamorcé.
Mais ça prend du temps, et surtout, un ancien cliché est aussi froid et inerte qu’une pierre. Ce
n’est plus un cliché, mais pour autant il n’est pas redevenu une image littéraire : il ne montre
rien.

Comment l’éviter

Aussi, à celles et ceux qui sont trop pressés pour attendre que le cancer soit désamorcé, je
donnerai les conseils suivants. D’abord, lisez. Beaucoup et bien. Car, pour reconnaître
l’originalité d’une image, il faut pouvoir estimer qu’elle n’a pas déjà été inventée. Une culture
littéraire solide vous apportera le recul nécessaire. Mais même ainsi, on ne peut jamais être sûr,
tout simplement parce qu’on ne peut pas avoir tout lu — et quand bien même, resterait l’oubli de
ce qu’on a lu.
Ensuite, au moindre doute (et là je vous encourage à devenir parano), vérifiez le sens des mots
que vous utilisez. Toujours revenir à leur sens littéral. (Pour ce faire, consultez le dictionnaire en
ligne Trésor de la langue française.)
Cela vous aidera à éviter la plupart des clichés, mais ne vous apprendra pas à former de
nouvelles images littéraires. Dans la formation que je dispense, j’aime bien proposer aux
aspirants écrivains à jouer avec la langue, à procéder à des détournements de sens, de mots, de
textes, pour tenter de nouvelles images. C’est le côté « recherche » des surréalistes. Après, il faut
trouver, c’est-à-dire sélectionner parmi toutes les nouvelles associations créées, celles qui
forment une image signifiante.

Pour aller plus loin : Conseils à emporter


Lire beaucoup, et bien. Toujours revenir au sens littéral des mots que vous utilisez, pour
éviter les détournements de sens involontaires. (Pour ce faire, consulter le dictionnaire en
ligne Trésor de la langue française.)

À lire
La littérature sur le sujet est peu épaisse. Il y a :
De Remy de Gourmont :
● La Culture des idées ;
● Le Problème du style ;
● Esthétique de la langue française.

De Jean Paulhan : Les Fleurs de Tarbes.


De Charles Dantzig :
● Dictionnaire égoïste de la littérature française ;
● La Guerre du cliché (essai publié aux Belles Lettres en 1998, aujourd’hui difficilement
trouvable).

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

Un dernier mot
À trop faire attention aux mots, pourrait-on me faire remarquer, on n’en arriverait à ne plus
pouvoir écrire. L’angoisse de la page blanche (en soi un cliché) est une très bonne chose : c’est
ce qui différencie un écrivain d’un graphomane. Si plus d’écrivains souffraient de ce mal, il y
aurait moins de mauvais livres publiés.
Maurice Blanchot disait :
« Si tu ne rencontres pas d’obstacle, c’est que tu n’as jamais quitté ton point de départ »
(De Kafka à Kafka, Gallimard.) La peur peut temporairement vous arrêter, elle peut aussi vous
stimuler. C’est dans l’adversité que vous trouverez les conditions de votre talent, dans l’écart
ainsi ménagé entre la langue et vous.
Cet écart vous donnera le recul pour faire des choix — un écrivain doit faire des choix. Se
méfier à chaque mot des clichés, finalement, c’est limiter les alternatives, c’est se faciliter la vie.

Thibault Malfoy - Écrivain, thibaultmalfoy.fr - Sep 29, 2015

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CORPUS DE NOUVELLES AVEC GUIDE DE LECTURE

1) UNE MINUTE AVANT MINUIT, de Catherine Cusset

OBJECTIFS :
1. Découvrir la notion de nouvelle et ses unités.
2. Repérer le schéma narratif.
3. Observer le mode d’insertion d’un flash-back.
4. Repérer la variété des types de paroles de
personnages et leur mode d’insertion dans le texte.

ACTIVITÉ : Répondre aux questions suivantes pour


dégager la notion de nouvelle en tant que genre littéraire.
1. De quel type d’incipit s’agit-il ?
2. Quel univers culturel apparaît ?
3. Comment évolue l’attitude de chaque personnage ?
4. Comment apparaît Bérangère dans l’histoire ?
5. Qu’indique le changement de temps verbal à la ligne 33 de la première page ?
6. Quels types de problèmes ont affecté Sylvie ?
7. Comment est marqué le retour à la narration ?
8. Montrez que le narrateur adopte le point de vue de Sylvie vis-à-vis de Bérangère.
9. Comment est exprimée le sentiment de fatalité de Sylvie à la fin du récit ?
10. Quels sont les clichés évoqués ?
11. Quel rôle actantiel assume chaque personnage ?
12. Quel est l'élément déclencheur de la narration ?

TEXTE INTÉGRAL

Biographie de l’auteure : Catherine Cusset, née en 1963, agrégée de lettres


classiques, vit et enseigne aux Etats-Unis. Parmi ses romans, citons “Le Problème
avec Jane”, ou “Un brillant avenir” (prix Goncourt des lycéens cet automne). Tout
cela n’a pas empêché Catherine de célébrer avec nous le passage de 2008 à 2009. Car,
histoire de finir l’année en beauté et d’attaquer la suivante bille en tête, nous avons
commandé un “récit” sur ce thème à onze auteurs. Consigne : laisser libre cours à son
imagination. A l’arrivée, les nouvelles sont bonnes. Le 03/01/2009 Télérama n° 3077

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UNE MINUTE AVANT MINUIT

La noire moulait la chute des reins et lui faisait un beau corps. La rouge était plus originale
avec son décolleté asymétrique, plus sexy peut-être, mais Sylvie n'avait pas de soutien-gorge
adapté. Elle l'enfila et traversa le couloir jusqu'au salon. Les enfants sagement assis sur leurs
petites chaises et absorbés par Les Demoiselles de Rochefort ne tournèrent pas la tête quand leur
mère entra. Antoine lisait L'Équipe, affalé sur le canapé - pas rasé, pas douché, en jean et en
tee-shirt.
« Qu'est-ce que tu penses ? »
Il leva le nez.
« Bien, dit-il distraitement en se replongeant aussitôt dans le journal.
– Antoine, la baby-sitter arrive dans dix minutes.
– Je ne me sens pas bien. J'ai mal à la tête, le corps courbaturé. Sûrement une grippe. Je n'ai
qu'une envie : me mettre sous la couette.
– Oh non ! Pas ce soir, avec le mal que j'ai eu pour trouver une baby-sitter ! La première vraie
soirée où on va depuis une éternité !
– Je n'ai pas choisi d'être malade, reprit-il avec humeur. La baby-sitter sera utile, de toute
façon. Je suis trop crevé pour m'occuper des petits.
– Tu ne vas pas me laisser y aller seule !
– Et Bérangère ?
– Ce n'est pas pareil ! »
Les larmes montaient. Elle se mordit l'intérieur des lèvres. Il détestait son hystérie et en
profiterait pour aller se coucher tout de suite. La seule stratégie possible, c'était la conciliation.
« S'il te plaît, on y va juste un moment et si tu ne te sens pas bien, tu rentres en voiture et je
reste avec Bérangère. Une demi-heure. On ne sait jamais. Peut-être qu'une fois là-bas, tu te
sentiras mieux. »
Il la regardait, les sourcils froncés. Elle craignit de voir dans ses yeux l'agacement proche de
la méchanceté qui les traversait parfois quand elle lui reprochait son manque de tendresse ou
exprimait son désir. Mais il dit simplement :
« D'accord. Mais si j'ai envie de rentrer dans une heure, tu ne me fais pas chier.
– Promis. »
Une vague de reconnaissance la submergea. Il alla dans la salle de bains tandis qu'elle
retournait dans la chambre enfiler son collant, heureuse qu'il ait cédé, que 2009 s'annonce sous
de bons auspices, et que s'achève enfin cette terrible année 2008. Il y avait eu la fausse couche
dont elle avait vécu seule la douleur, car Antoine ne voulait guère de troisième enfant, et juste
après, la mort de Nathalie, son amie d'enfance, à la suite de la brutale recrudescence d'un cancer
du sein. Depuis l'été, les travaux cauchemardesques pour faire une petite chambre à chacun des
enfants ; et surtout le stress d'Antoine, qui travaillait sans cesse, même le week-end, et qu'elle ne
voyait plus jamais, sauf irrité, crispé. La rencontre de Bérangère à la boutique en janvier dernier,
cette amitié qui s'était embrasée entre elles, aussi forte que celles de son adolescence, était le seul
cadeau que lui avait fait 2008.

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Elle se décida pour la noire. Avec un soutien-gorge elle serait plus à l'aise pour danser.
L'interphone sonna, et elle courut dans l'entrée appuyer sur le bouton.
La baby-sitter et Bérangère sortirent de l'ascenseur en même temps. Sylvie embrassa son
amie, qui avait apporté des sucettes au chocolat aux enfants. Ses longs cheveux roux étaient
remontés en chignon, retenus par une tige en ébène. Ses chaussures à talons la rendaient très
grande. Il n'y avait qu'elle pour oser porter un jean à une soirée chic de la Saint-Sylvestre. Elle
complimenta Sylvie sur sa robe, puis ouvrit son manteau marron et lui montra le haut en
paillettes d'or dénudant les épaules.
« Pas mal, non ? Dix-neuf euros chez H&M. »
Antoine aussi était prêt. Pas de smoking, bien sûr, mais la chemise rayée Paul Smith qui lui
allait si bien. Il s'était rasé et sentait bon. Avec son air boudeur et la mèche sombre qui tombait
sur son front, il était aussi beau que vingt ans plus tôt. Il dit à peine bonjour à Bérangère et à la
baby-sitter mais il venait, c'était l'essentiel. Sylvie embrassa les enfants, laissa les numéros de
portable à la jeune fille, et ils descendirent au parking. En chemin, son amie, assise derrière, leur
raconta gaiement ses démêlés avec le conservateur de sculpture contemporaine à Beaubourg,
auprès de qui elle faisait un stage. Sylvie posait des questions. Antoine n'ouvrait pas la bouche. Il
éternua.
« A tes souhaits, dit Bérangère. Tu as un rhume ?
– Je ne me sens pas bien. Je n'avais pas envie de sortir ce soir.
– Moi non plus. Je suis crevée. Il y a de la grippe dans l'air. On ne rentrera pas tard, non ? »
Antoine grommela quelque chose. Sylvie sourit. Depuis un an, c'était à cela que servait
Bérangère : soutien moral, confidente, tampon apaisant les heurts de la vie conjugale. Le
périphérique étant encore à peu près fluide, ils arrivèrent en moins d'une demi-heure. Ils se
garèrent sans problème - de l'avantage de la banlieue. Il faisait froid. Antoine éternua encore. En
cinq minutes, ils parvinrent à l'ancien garage aux baies vitrées illuminées. Une foule se pressait
déjà dans le loft, espace immense et blanc avec des meubles design aux lignes pures et un sol de
béton ciré. Aux murs étaient accrochées des œuvres contemporaines, un tableau abstrait à là De
Kooning, deux dessins au fusain dans des boîtes en verre lumineuses, une vidéo de Bruce
Nauman, et un paysage représentant des branches de cerisier sur un fond bleu vif, peut-être un
Van Gogh, lui dit Bérangère avec qui elle faisait le tour des lieux. Le champagne coulait à flots,
servi dans de vraies flûtes, et le buffet se composait de saumon norvégien et autres poissons
fumés, d'huîtres empilées en pyramides, de caviar, de pains Poilâne, de fromages raffinés et de
foies gras mi-cuits coupés en tranches fines que leur hôte avait rapportés du Sud-Ouest. Les
invités arboraient des tenues à la pointe de la mode, et Sylvie se demanda s'il y avait des
célébrités. Elle ne regrettait pas de payer sa baby-sitter deux cents euros. Antoine regarda sa
montre. Il était déjà presque onze heures. Elle lui proposa de venir danser, mais il avait soif et
pas envie de se trémousser. Bérangère la suivit.
Leurs deux corps épousaient le rythme en harmonie. Elles formaient un beau couple,
Bérangère dépassant Sylvie d'une tête, à moitié dévêtue avec ce haut pailleté d'or qui lui couvrait
juste les seins et le ventre, Sylvie mince comme un elfe dans sa robe d'une élégance classique,
coulant gracieusement son corps dans la musique. Les épaules nues de Bérangère, douces et
anguleuses, donnaient envie de les caresser. Un homme s'interposa et prit Sylvie dans ses bras
pour quelques pas de salsa, interrompant sa rêverie homosexuelle. Elle rit, se sentant légère, à
nouveau jeune et désirable. Bérangère s'éloigna discrètement.

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Une minute avant minuit, la musique s'arrêta, et la centaine d'invités commença le décompte
d'une seule voix. Sylvie chercha Antoine du regard. Peut-être s'était-il éclipsé après l'avoir vue
danser avec l'inconnu. Elle l'aperçut près du bar, à côté de Bérangère dont les cheveux dénoués
recouvraient les épaules. Les joues roses comme après une danse, Bérangère riait fort, sans doute
à quelque plaisanterie. Elle secoua la tête et ses longues mèches rousses effleurèrent l'avant-bras
d'Antoine, où la manche de chemise était retroussée. Sylvie eut une sensation étrange. En un
flash lui revinrent les paroles de son vieil ami Marc, qui lui avait demandé si elle n'avait pas peur
d'introduire chez elle, dans son couple, une jolie célibataire de huit ans sa cadette. Pourquoi
aurait-elle peur ? Bérangère était son amie. Elle les rejoignit. On n'était plus qu'à vingt-huit.
« Ça va chéri ? Tu te sens mieux ? »
Il la regarda, comme sans comprendre.
« Oui, oui, beaucoup mieux. Tu as eu raison d'insister. »
Zéro ! Les bouchons de champagne sautèrent au plafond, les « bonne année » fusèrent, les
joues et les lèvres se penchèrent les unes vers les autres. Sylvie se redressa sur la pointe des
pieds, face à Antoine, et tendit les lèvres en fermant les yeux. Il y posa les siennes délicatement.
Elle espérait que sa langue viendrait lutiner la bouche de sa femme, mais il s'était déjà écarté.
Elle rouvrit les yeux et chercha Bérangère. Antoine était en train de l'embrasser, sur les lèvres, et
quand Bérangère vit Sylvie, postée derrière son mari, la fixer du regard, une rougeur inonda ses
joues. Sylvie sourit et se détourna. Le DJ avait mis un slow, allemand, des années cinquante
: Warum, qu'elle avait dansé, adolescente, dans le salon de ses parents. Elle tendit la main vers
Antoine, mais il l'évita et s'éloigna avec Bérangère, un des premiers couples à commencer
l'année enlacés sur la piste. Une main d'Antoine enserrait la taille fine et longue de Bérangère,
l'autre était posée sur l'épaule nue, sous la soie des cheveux roux. Les yeux ouverts, ils se
regardaient gravement. Antoine n'avait plus du tout l'air malade.
Sylvie resta figée. Son danseur de tout à l'heure réapparut devant elle, tout sourire. Elle
secoua la tête, incapable de répondre et de bouger, comme si, au moindre déplacement de son
corps dans l'espace, un barrage allait sauter et les larmes inonder son visage, le striant d'obscènes
traces noires laissées par le mascara. Il ne s'était encore rien passé mais tout avait déjà eu lieu,
tout ce qui était depuis toujours l'objet de sa terreur, tout ce qui devait arriver. Sur cette piste, en
cette nuit du nouvel an 2009, deux êtres venaient de se trouver. C'était la chose la plus banale au
monde, le plus vieux des clichés. Et c'était elle qui, un jour de janvier 2008, s'était entichée de la
longue jeune femme rousse entrée dans sa boutique, elle qui avait invité Bérangère ce soir, elle
qui avait insisté pour qu'Antoine vienne aussi - elle qui avait posé une à une, comme dans une
tragédie grecque, les pierres du malheur.

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2) LES FLEURS DE L’ALGÉRIEN, de Marguerite Duras

OBJECTIF : Comprendre la possible relation entre fait divers et nouvelle

ACTIVITÉ :
1. Raconter le fait divers à l’origine de cette
nouvelle.
2. Commenter le contexte (publication
journalistique, date, contexte historique) et
voir son influence sur la narration.
3. Relever les marques de la subjectivité du
narrateur (lexicales, syntaxiques,
rhétoriques).
4. Vers la production : chercher des faits
divers et analyser lesquels pourraient servir
de matériau de base pour une
transformation narrative. Réfléchir aux modifications nécessaires à cette
transformation. Rédiger un texte narratif fictionnel inspiré du fait divers choisi.

TEXTE INTÉGRAL

Biographie de l’auteure: Née à Saigon, en Indochine française, et morte à Paris,


Marguerite Duras (1914-1996), de son vrai nom Marguerite Donnadieu, est classée,
par certains et contre sa volonté, dans la catégorie des « nouveaux romanciers ».
Forte d’un riche parcours universitaire, Duras s’engage dans la résistance lors de la
Seconde Guerre mondiale. Son premier roman, Les Impudents, voit le jour au cours
de cette période : bien que balbutiante, son écriture y dévoile déjà de sa superbe à
venir. Souvent contestée, la romancière commence à se faire connaître du public en
1950 avec son roman Un barrage contre le Pacifique, que suivra une œuvre
prolifique et fortement inspirée par sa vie intense. Ce n’est cependant qu’avec
L’Amant (1984) qu’elle sera véritablement encensée par la critique (prix Goncourt).
Rompant avec les conventions, Marguerite Duras marque son époque en insufflant de la modernité dans les
domaines de la littérature, du théâtre (Le Square, Savannah Boy) et du cinéma (Hiroshima mon amour d’Alain
Resnais, India Song, Le Camion).

LES FLEURS DE L’ALGÉRIEN

C'est dimanche matin, dix heures, au carrefour des rues Jacob et Bonaparte, dans le quartier
Saint-Germain-des-Prés, il y a de cela une dizaine de jours. Un jeune homme qui vient du
marché de Buci avance vers ce carrefour. Il a vingt ans, il est très misérablement habillé, il
pousse une charrette à bras pleine de fleurs, c'est un jeune Algérien qui vend, à la sauvette,
comme il vit, des fleurs. Il avance vers le carrefour Jacob-Bonaparte, moins surveillé que le
marché et s'y arrête, dans l'anxiété, bien sûr. Il a raison. Il n'y a pas dix minutes qu'il est là -il n'a
pas encore eu le temps de vendre un seul bouquet-lorsque deux messieurs « en civil » s'avancent
vers lui. Ceux-là débouchent de la rue Bonaparte. Ils chassent. Nez au vent, flairant l'air de ce

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

beau dimanche ensoleillé, prometteur d'irrégularités, comme d'autres espèces, le perdreau, ils
vont droit vers leur proie.
Papiers ?
Il n'a pas de papiers lui permettant de se livrer au commerce des fleurs.
Donc, un des deux messieurs s'approche de la charrette à bras, glisse son poing fermé dessous
et – ah ! comme il est fort ! – d'un seul coup de poing il en renverse tout le contenu.
Le carrefour s'inonde des premières fleurs du printemps (algérien). Eisenstein n'est pas là, ni
aucun autre pour relever cette image de ces fleurs par terre, regardées par ce jeune homme
algérien de vingt ans, encadré de part et d'autre par les représentants de l'ordre français. Les
premières autos qui passent, et cela on ne peut l'empêcher, évitent de saccager les fleurs, les
contournent instinctivement.
Personne dans la rue, sauf, si, une dame, une seule :
– Bravo messieurs, crie-t-elle. Voyez-vous, si on faisait ça chaque fois, on en serait vite
débarrassé de cette racaille. Bravo !
Mais une autre dame vient du marché, qui la suivait. Elle regarde, et les fleurs, et le jeune
criminel qui les vendait, et la dame dans la jubilation, et les deux messieurs. Et sans un mot, elle
se penche, ramasse des fleurs, s'avance vers le jeune Algérien, et le paye. Après elle, une autre
dame vient, ramasse et paye. Après celle-là, quatre autres dames viennent, qui se penchent,
ramassent et payent. Quinze dames. Toujours dans le silence. Ces messieurs trépignent. Mais
qu'y faire ?
Ces fleurs sont à vendre et on ne peut empêcher qu'on désire les acheter.
Ça a duré dix minutes à peine. Il n'y a plus une seule fleur par terre.
Après quoi, ces messieurs ont eu le loisir d'emmener le jeune Algérien au poste de police.

France-Observateur O 1957

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3) JE FAIS MES VALISES, de Aiat Fayez

OBJECTIFS :
1. Observer l’évolution de l’état d’esprit du
narrateur-personnage principal au fil de ses
rencontres.
2. Repérer le rapport entre atmosphère de
chaque scène, son rythme et le mode
d’expression de ce rythme.

ACTIVITÉ : Compléter la grille suivante pour


procéder au repérage :

Scène État d’esprit État d’esprit du Rythme (si pertinent) et ses manifestations
du narrateur personnage qu’il rencontre dans le texte (temps, lexique, etc.)

TEXTE INTÉGRAL

Biographie de l’auteur : Né en 1979, Aiat Fayez suit des études de philosophie à


Paris. Depuis 2009, il se consacre à l'écriture de romans et de pièces de théâtre. Il a
publié trois romans : Cycles des manières de mourir (2009), Terre vaine (2012) et Un
autre (2014). L'Arche publie sa première pièce de théâtre Les Corps étrangers en
2011. Naissance d'un pays et Perceptions ont été enregistrées et diffusées sur France
Culture. Sa pièce, La Baraque, paraît à L'Arche en 2015 et est créée à la Comédie de
Reims en février de la même année. S’ensuivent De plus belles terres et Angleterre,
Angleterre publiées en 2016, puis Place des Minorités ainsi que Le Monologue de
l’exil, qui ont paru en 2018. Aiat Fayez reçoit en 2016 le Prix Scenic Youth (Prix des
lycéens pour les nouvelles écritures de théâtre, organisé par la Comédie de Béthune)
pour sa pièce destinée aux adolescents L'Éveil du printemps.

JE FAIS MES VALISES (2) : L’ÉQUIPÉE

Quelques jours après avoir écrit un papier pour Libération, dans lequel j’expliquais que
j’allais définitivement quitter la France à cause de la xénophobie ambiante, une amie hongroise à
qui je fais part de ma lassitude me propose d’aller au plus vite, c’est-à-dire avant l’expiration de
mon titre de séjour français, faire une demande de titre de séjour dans un autre pays. Elle n’est
pas au courant de la difficulté des démarches administratives, elle lance l’idée comme ça, entre la

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poire et le fromage. Mais elle me rappelle quelques heures plus tard pour me demander si j’y ai
repensé. Je lui avoue que non. J’essaie de lui expliquer mon désarroi, le besoin que j’ai de rester
dans ce désarroi, d’aller pour ainsi dire à ma propre perte. Mais elle insiste, elle use d’une
logique implacable pour me faire comprendre que je ne mesure pas la gravité de la situation,
mais aussi pourquoi je ne mesure pas la gravité de la situation, pourquoi je me trompe en ne
mesurant pas la gravité de la situation, pourquoi j’ai tort de me tromper en ne mesurant pas la
gravité de la situation. Je n’ai rien à rajouter, j’élude, je bredouille. Nous en restons sur le fait
que je vais y réfléchir. Mais je n’y réfléchis pas. J’ai la tête ailleurs.
Je suis là mais en fait je suis déjà parti. Je suis déjà dans le pays natal. Elle me rappelle une
nouvelle fois, me donne le numéro de téléphone d’un avocat hongrois spécialiste de
l’immigration. Que je l’appelle pour lui exposer mon cas, je pourrais peut-être faire une demande
de titre de séjour en Hongrie. Je n’ai plus la force de lui dire non. Très bien. Je vais l’appeler. Je
contacte l’avocat, je lui explique tout, il me dit qu’il ne peut rien faire au téléphone, encore
moins me promettre quelque chose. Je le savais. Nous convenons d’un rendez-vous pour le
lendemain après-midi à Budapest. Je n’ai rien à perdre, je prends un billet d’avion, avec pour
seule valise des documents, une valise bourrée de documents.
Dans le taxi qui me mène de l’aéroport au centre-ville de Budapest, le chauffeur remarque
mon anglais teinté d’accent français : il me regarde dans le rétroviseur avec un sourire. « J’adore
la France !», dit-il en français. Je souris. Mais il insiste. Il énumère les villes qu’il aimerait
visiter. Il s’essaie à l’accent français. « Vive la France !» J’essaie de regarder l’extérieur, de
retrouver le calme. Pendant un feu rouge, au centre-ville, deux femmes font la manche entre les
voitures. Le chauffeur me regarde dans le rétroviseur : « Nous, on a les Tsiganes. Vous, vous avez
les étrangers. » Je ne sais pourquoi je me sens obligé d’acquiescer vaguement de la tête. Je ne
veux rien laisser transparaître, je veux qu’on arrive à destination le plus rapidement possible,
c’est tout. Devant l’hôtel, j’ai droit à un chaleureux « Au revoir, cher monsieur. » Je lui laisse un
pourboire conséquent, sans lui dire qu’il le reçoit d’un étranger.
L’avocat est un jeune aux cheveux blonds plaqués en arrière, regard rusé et gestes agiles :
j’aurais pu deviner sa profession simplement en le voyant marcher dans la rue. Son anglais est
parfait. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Il est parfaitement au courant de la situation
française, il sait que l’administration fait tout pour nuire aux étrangers. Il sait que les étrangers
sont maltraités en France. « Pas simplement par l’administration, dis-je, mais par tous les
Français. » Il me regarde droit dans les yeux. « Par 99% des Français », dis-je. Il me regarde
toujours dans les yeux. Il n’est pas d’accord. Je sens qu’il me ramène à mon identité, à ma
nationalité. « Les Français sont des gens civilisés », dit-il pour couper court à la discussion. Je
n’insiste pas.
Je le retrouve le lendemain dans une ville proche de la frontière serbo-hongroise. Les bureaux
des services de l’immigration où nous allons déposer mon dossier sont séparés de la préfecture.
Nous entrons. Il n’y a personne dans la salle d’attente. A la fonctionnaire qui nous reçoit,
l’avocat explique la situation. Je sens que je suis entre de bonnes mains, il parle plus posément
que lorsqu’il parle avec moi, il a des gestes plus délicats, il est dans son élément, il a du talent :
je lui fais confiance. Je me contente de sourire légèrement pour maintenir la sérénité du dialogue.
Mais la fonctionnaire se tourne rapidement vers moi. Elle me pose une trentaine de questions en
anglais. Réclame des documents, originaux ou photocopies, peu en comparaison de tout ce que
j’ai l’habitude de donner, moi qui ai une certaine expérience en la matière. Elle les passe un à un
sous le laser. Quand l’appareil met un temps à aller sur le voyant vert, elle remet le document
pour s’assurer qu’il s’agit d’un vrai. Elle peut faire cela quatre fois d’affilée. Elle constate que
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IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

j’ai suffisamment d’argent sur un compte bancaire pour tenir quelques années en Hongrie. Elle
me demande ma profession, je réponds avec un trémolo dans la voix « writer ». Elle ne dit rien.
Mon avocat hausse les sourcils. Son visage se crispe légèrement. La fonctionnaire se retire dans
une antichambre avec tous les documents. Nous l’attendons une dizaine de minutes en silence et
elle revient avec un papier auquel je ne comprends rien. L’avocat m’explique : c’est un récépissé
de demande de titre de séjour. Je signe le plus rapidement possible, de peur qu’elle change d’avis
ou qu’elle me méprise soudain. Elle me donne le premier exemplaire et conserve le second pour
elle. J’essaie de garder une expression neutre, je veux me montrer digne, mais j’ai l’impression
qu’elle voit ma satisfaction.
Nous allons avec mon avocat prendre un café à proximité, dans un bar glauque mais beau,
lumineux. Je souris à la serveuse qui fronce les sourcils, je vais lui donner un pourboire c’est sûr,
j’aimerais savoir si elle a un souci, si je peux faire quoique ce soit. Mais elle paraît plus
préoccupée par le besoin d’encaisser l’addition tout de suite qu’autre chose. Nous discutons un
peu avec mon avocat, puis il regarde sa montre, il doit partir. Je lui donne la moitié de la somme
faramineuse qu’il m’avait demandée pour suivre le dossier. Et lorsqu’il me dit qu’avec ce
récépissé des services de l’immigration, je peux être sûr d’obtenir un titre de séjour hongrois,
lorsqu’il se lève et me serre la main en me félicitant, je ne peux m’empêcher de le prendre dans
mes bras, comme un vieil ami. Je le vois se diriger vers sa Porsche Cayenne : il part à Vienne
pour voir un client. Je prends le train en partance pour Budapest. J’ai l’intention de me faire
plaisir. Je ne veux surtout pas me priver de quoi que ce soit.
A Budapest, je m’installe sur une avenue fréquentée, entre Astoria et Deak Ferenc Ter, et je
commande un grand déjeuner avec une bière locale. Je déjeune en admirant les filles qui se
baladent à quelques mètres de moi. Elles paraissent accessibles, humbles, quelque peu déroutées
par l’Histoire, moins sûres d’elles que les femmes occidentales. C’est une modestie presque
ontologique qui donne à leur beauté un teint tragique. Je reprends une bière. Le soleil de
l’après-midi brille. Je sens mon corps apaisé. Lentement, je renais. Plus je flâne dans cette ville,
plus il me semble la connaître. Etrange impression de familiarité, d’intimité avec elle. Dans un
éclair de lucidité, je me souviens que mon texte devait paraître dans Libération hier. Je me
précipite d’une manière totalement absurde vers un kiosque. J’achète le journal, le feuillette et le
vois. Les mains dans les poches, le journal sous le bras, je marche avec un sentiment de triomphe
secret.

Libération, 7 décembre 2010

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

4) TOUT LE BONHEUR DU MONDE, de Viviane Forrester

Tout le bonheur du monde, une nouvelle de Viviane Forrester, écrite à partir d’une photo d’Henri
Cartier-Bresson, « Dimanche sur les bords de la Marne » (1938) :

OBJECTIFS : Percevoir les valeurs des implicites, des connotations. Saisir quel est l’effet
produit par le recours à des significations suggérées, donc non explicites.
Pour analyser les mêmes notions, on peut également lire La dernière charge des cosaques du
Don de Mathias Énard.

ACTIVITÉ :
1. Répondre aux questions suivantes.
2. Production : rédiger un récit à partir d’une photo.
1. Comment comprend-on qui désigne le pronom « elle » du début du texte ?
2. Comment comprend-on que le premier thème est celui du souvenir, de la nostalgie ?
3. Quelles sont les deux temps/espaces référés dans le texte ? Quels éléments du texte
permettent de les percevoir (l.4-15) ?
4. De quelle manière est anticipée le lieu où se déroule la scène principale (l.15/16) ?
5. Comment est suggéré le rapport entre les deux personnages qui dialoguent ?
(Comparez le degré d’implicite des lignes 35 -43, puis des lignes 45-46)
6. A quel milieu appartiennent les personnages de la photo et comment le perçoit-on ?
7. Que connote la phrase « c’est sur le tard qu’on s’est donné le temps » (l.18) ?
8. Quelles sont les réactions émotionnelles -et non verbalisée face à sa mère- de la fille (l.
30 et suivantes) ?
9. Relevez quelques mots transmettant l’atmosphère de la maison de retraite.
10. A la fin, le discours intérieur de la narratrice se fait plus explicite, que peut-elle
finalement ressentir et exprimer, au moins pour elle-même ?
11. Elle n’est explicite que dans les dernières lignes (64-67), comment interpréter alors le
style suggestif, connotateur, allusif, du reste -c’est-à-dire de l’ensemble- du récit.

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TEXTE INTÉGRAL

Biographie de l’auteure : Viviane Dreyfus, plus connue sous le nom de Viviane


Forrester, est une femme de lettres, essayiste, romancière et critique littéraire française,
née le 29 septembre 1925 à Paris et morte le 30 avril 2013. Son œuvre comprend des
romans, des biographies et des essais. Elle reçoit notamment le prix Femina Vacaresco en
1983, le prix Médicis essai en 1996 et le prix Goncourt de la biographie en 2009.

TOUT LE BONHEUR DU MONDE

« L’odeur de l’herbe chaude. » Souvenir d’elle ajoutant : « Cette odeur-là, c’est mon délice. »
Et, dans une sorte de rire : « L’odeur ça se voit pas sur les photos. Pourtant... » Et, très bas,
comme pour elle-même, rêveuse : « Tout le bonheur du monde, c’était... » Le bonheur d’être au
monde. La douleur du regret. Mais lequel ? « Ici, c’est que des vieux, c’est pas qu’on était tout
jeunes là-dessus. Mais l’asile, tout de même, celui qui l’aurait dit ! » Ou les regrets d’alors : «
Qu’avant, j’avais pas connu ça. La rivière, elle, elle était là depuis toujours, mais nous, c’est sur
le tard qu’on s’est donné le temps. Là, ça faisait déjà plusieurs dimanches qu’on sortait de la
ville et ça donnait confiance, on n’avait plus peur que ça file, que ça nous file entre les doigts, la
campagne, l’odeur, le vent sur la peau. » Je regardais ses épaules grasses, j’avais détesté cette
image ; elle trônait près de la télévision, dans son séjour, quand elle vivait encore chez elle. Les
bretelles de la combinaison me semblaient presque obscènes. Comme ces épaules à présent
recouvertes d’une « petite laine » et plus volumineuses, elle n’avait pas maigri. Sa voix était
belle, moelleuse, bien nourrie. « Je rêvais... Je rêvais... et bien qu’il m’arrivât ce qu’il m’arrivait :
rien. De rester là, tranquille tous les dimanches, tous les dimanches de ma vie. Avec eux.
D’abord avec Emile, regarde-le. » Je ne l’avais pas connu, Emile. Je regardais : « Sa casquette
toujours, sauf au lit, je lui disais ! Et l’autre, son galurin, sa bouteille, Gustave. “Toujours ça que
les Prussiens n’auront pas.” Je l’entends encore. On parlait pas beaucoup. Que c’était bon. Le
calme. Ce coin, c’était comme un chez-soi. Tout cet air devant nous, tout autour, comme qui
dirait le vide. Presque rien. La place de respirer, d’oublier je peux dire. Pas de malheur, pas de
souci. L’eau, regarde, toute droite, large, si plate, tu vois, qu’on en oubliait même qu’elle était
humide, que c’est mouillé, de l’eau. » L’herbe chiffonnée. En fait de vide, tout était rempli. Leurs
corps épais. De dos. Placides. Placides, c’était bien cela qui m’avait révulsée.
« La Marne. » Elle me rappelait à l’ordre au présent, c’est-à-dire au passé inscrit sur la photo.
J’étais tentée de lui raconter mes voyages, le soleil, l’éblouissement, la vitesse, les distances.
Mais elle : « Regarde l’Emile, tout de même... » Elle me racolait, me rattrapait de justesse, me
remettait en place dans cet autre dimanche, le quatrième du mois, celui d’aujourd’hui, où,
comme chaque fois quand j’étais à Paris, je lui rendais visite. « C’est si long à passer maintenant
les dimanches, les autres jours aussi. » Pour moi interminables, ces heures de visite, ces trois
heures avec elle. Il y avait deux photos, je préférais l’autre : la photo de sa noce, vue de face,
celle-là. Ce serait pour un dimanche prochain. On nous servait de la tisane et des biscuits très
secs. Elle saluait d’autres vieilles dames qui, toutes, n’avaient pas de visite. « Laisse donc ces
photos, je t’embête avec. Ça fait combien de fois que tu la vois, celle-ci ? Donne, je la remettrai.
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IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

» Avec des punaises, au mur près du lit, au-dessus de la table de nuit, seul meuble attribué avec
une chaise ; chaque femme avait comme tapissé une sorte d’autel avec le peu qui restait de sa
vie.
Et la fringale, soudain, le désir effréné de regarder encore ce qui disparaîtrait même en photo.
On me remettrait une boîte pas grande avec ses effets. A ne pas garder, surtout ne pas garder. A
oublier, enfin à jeter, foutre en l’air comme elle foutait en l’air ces heures confinées avec elle,
suite au devoir. Elle savourait les biscuits.
Je la regardais encore, en papier, sur du papier à plat. Assise alors avec Emile, Gustave et
Rosalie au temps du temps qui était le sien. Eux quatre enracinés, monumentés, pareils, soudain
je le découvrais, à ces statues géantes agrégées au roc qu’elles torturent, asservissent à leurs
images, au reflet d’êtres mous parcourus de liquides, mais sculptés secs, ici, nets, dignes, figés et
figeant à travers leurs regards supposés des rives immobiles.
« Comme je disais, on ne voit pas l’odeur, mais si tu savais ce que ça sentait bon. » Elle venait de
jeter cela, timide mais satisfaite d’avoir pu le redire, le fourguer une fois encore, du rab. Ce qui
me faisait mal me la faisait haïr, c’était de devoir la quitter, de l’obliger à vivre en vrac, dans le
désordre et sans doute affolée, la brièveté de cette visite. Il y avait chaque fois, il y aurait le
moment où elle dirait : « Ne t’en vas pas. » Elle sourirait ensuite : « Ne fais pas attention, je dis
des bêtises, tu sais bien. » Je regardais l’eau, l’herbe, la rivière. J’aurais voulu rester. Je regardais
son dos. Cette femme-là n’aurait jamais, non, jamais prononcé de tels mots. Elle absorbait le
bonheur, oui, c’était du bonheur. Elle avait su faire ça. Se tenir là, présente, prendre la vie
comme elle vient. Pouvoir enfin la prendre cette vie qui, toujours jusqu’alors, était restée
distante, si distante. Elle avait su. Elle avait su se taire, s’asseoir, regarder. Et la question n’avait
pas été d’aimer Emile, mais qu’il soit là. Avec Gustave et Rosalie. Elle avait tout reçu, tout su
recevoir, immobile. La présence du sol, l’odeur de l’herbe chaude, le silence accepté. Elle n’avait
pas couru après les bruits, les contrastes, les architectures violentes. Et maintenant j’oubliais le
pathos, l’arrachement, la déception de sa fin, de la fin de ma visite aussi. Je la regardais vivante
et vieille et savante comme avant, absorbée dans la tristesse mais sachant s’y absorber, apte à
regarder son passé vu de dos et à subir l’exacte quantité de temps qui lui faisait demander
aujourd’hui, la gorge sèche : « Tu reviendras ? »

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

5) CE JOUR-LÀ, de Vercors

OBJECTIFS : Se familiariser avec la notion de point de vue.

ACTIVITÉ :
1. Analyser dans cette nouvelle quel narrateur assume la
narration.
2. Production : modifier le point de vue d’un fragment de
nouvelle en passant de l’omniscience ou de la focalisation
externe à un point de vue interne.
1. S’agit-il d’un narrateur omniscient, interne ou externe ?
2. Quelles sont les sources d’information du narrateur ?
3. Comment se différencient dans ce texte le narrateur 3e
personne et l’adoption du point de vue d’un personnage ?
4. Quels éléments du texte permettent de percevoir le point
de l’enfant ?
5. L’enfant a-t-il accès à toute l’information ? Quels verbes placent le lecteur dans la
même situation de réception que celle de l’enfant ?
6. Quelle est l’effet produit par le point de vue adopté ?

TEXTE INTÉGRAL

Biographie de l’auteur : Né à Paris en 1902, Vercors (de son vrai nom Jean Bruller) est
d'abord chroniqueur et dessinateur humoristique. Il entre en littérature en fondant, en 1942,
la maison d'édition clandestine « Les éditions de Minuit » où il publie son premier texte, Le
Silence de la mer. Tout d'abord engagé dans la Résistance pendant la seconde guerre
mondiale (où il prend le nom de guerre de « Vercors »), il fait ensuite partie d'un comité
sanctionnant les écrivains collaborationnistes. Puis il s'engage (aux côtés entre autres de
Jean-Paul Sartre) contre la guerre d'Algérie. Il est l'auteur de romans comme Les animaux
dénaturés (roman philosophique), de nouvelles (Le Songe, Les Armes de la nuit, La
Puissance du jour) ainsi que d'essais et de pièces de théâtre. Il meurt à Paris en 1991.

CE JOUR-LÀ

Le petit garçon mit sa petite main dans celle de son père sans s'étonner. Pourtant il y avait
longtemps, pensait-il. On sortit du jardin. Maman avait mis un pot de géranium à la fenêtre de la
cuisine, comme chaque fois que papa sortait. C'était un peu drôle.
Il faisait beau, - il y avait des nuages, mais informes et tout effilochés, on n'avait pas envie de
les regarder. Alors le petit garçon regardait le bout de ses petits souliers qui chassaient devant
eux les graviers de la route. Papa ne disait rien. D'habitude il se fâchait quand il entendait ce
bruit-là. Il disait : " Lève tes pieds ! " et le petit garçon levait les pieds, un moment, et puis
sournoisement il recommençait petit à petit à les traîner, un peu exprès, il ne savait pas pourquoi.
113
IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

Mais cette fois papa ne dit rien, et le petit garçon cessa de traîner ses semelles. Il continuait de
regarder par terre : ça l'inquiétait que papa ne dît rien.
La route s'engageait sous les arbres. La plupart étaient encore sans feuilles. Quelques-uns
verdoyaient un peu, des petites feuilles d'un vert très propre et très clair. On se demandait même
si elles n'étaient pas un peu sucrées. Plus loin la route tournait, on verrait la Grande Vue, sur le
Grésivaudan, le grand rocher qui tombe à pic, et là-dessous tout en bas les tout petits arbres, les
toutes petites maisons, les routes comme des égratignures, l'Isère qui serpente sous une brume
légère, légère. On s'arrêterait et on regarderait Papa dirait : "Regarde le petit train ", ou bien : "
Tu vois la petite tache noire, là, qui bouge sur la route ? C'est une auto. Il y a des gens dedans.
Quatre personnes, une dame avec un petit chien, et un monsieur avec une grande barbe. " Le
petit garçon dirait : "Comment que tu les vois ? " - " Je me suis fait greffer une petite lunette dans
l’œil gauche, tu sais bien, dirait papa. Regarde, dirait-il en écarquillant son œil, tu ne la vois pas
? " Et lui, comme il n'est pas très sûr que ce soit vrai ou pas vrai : " Ben... pas très bien... "
Peut-être qu'à ce moment-là papa rirait et le prendrait sur ses épaules, une jambe de chaque côté.
Mais papa regarda distraitement la Grande Vue et ne s'arrêta même pas. Il tenait la petite main
de son petit garçon bien serrée dans la sienne. De sorte que quand un peu plus loin on passa près
de l'endroit où le bord du fossé monte et descend, le petit garçon ne put pas lâcher son père pour
grimper la petite pente en disant : " Regarde, papa, je grandis... je grandis... je grandis... Regarde,
je suis plus grand que toi... et maintenant je rapetisse... je rapetisse... je rapetisse. " Ça l'ennuya
un peu, parce qu'il était très attaché aux rites. Ça faisait une promenade qui ne ressemblait pas
tout à fait aux autres.
Un peu plus loin il y avait le rocher de pierre carrée. On s'y asseyait d'habitude. Il se demanda
si cette fois-ci on s'assiérait. Le rocher de pierre carrée s'approchait et le petit garçon se
demandait si on s'assiérait. Il avait un peu peur qu'on se n'assît pas. Un petit peu peur, vraiment,
de la vraie peur. Il tira doucement sur la main de son père quand ils furent tout près.
Heureusement papa se laissa tirer et ils s'assirent. Ils ne dirent rien, mais souvent, assis sur
cette pierre, papa ne disait rien. Quelquefois seulement (quand il faisait très chaud) : "Ouf ! ça
fait du bien. " Aujourd'hui il ne faisait pas très chaud. La seule chose pas naturelle c'était que
papa ne quittait toujours pas la petite main. D'habitude, ici, papa la lâchait, sa main, et le petit
garçon, qui n'aimait pas rester assis bien longtemps, grimpait sous les arbres et cherchait des
pommes de pin. Quelquefois des fraises, mais il n'y avait pas souvent des fraises.
Ils restaient assis et le petit garçon ne bougeait pas du tout Il faisait même attention à ne pas
balancer les jambes. Pourquoi ? Savait pas, c'était parce que papa lui tenait la main comme ça. Il
ne pouvait même pas - il ne voulait même pas penser aux pommes de pin, aux fraises. D'ailleurs,
il n'y avait sûrement pas de fraises et puis, les pommes de pin, ce n'est pas tellement amusant.
Mais, de ne pas bouger, il eut de nouveau un peu peur. Oh ! pas beaucoup, un peu seulement,
un tout petit peu, comme quand on est couché et qu'on entend craquer des choses dans le noir,
mais qu'on entend aussi papa et maman qui parlent dans leur chambre. Il était content que papa
lui tînt la main, parce qu'ainsi on a moins peur, mais comme il avait peur justement parce que
papa lui tenait la main... alors le petit garçon, pour la première fois pendant une de ces
promenades, aurait bien voulu revenir à la maison.
Comme si son père l'avait entendu il se leva, le petit garçon se leva, se demandant si l'on
rentrerait ou si l'on irait comme les autres fois jusqu'au petit pont, sur la Grisonne. Il ne savait
pas très bien ce qu'il préférait. On partit vers le petit pont, alors, tant mieux.

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

Sur le pont ils regardèrent le torrent (papa disait le ru) filer en gargouillant entre les pierres
qui ressemblent à de grosses dragées. Un jour papa lui avait rapporté un petit sac rempli de
toutes petites pierres comme ça et c'étaient des bonbons. Il y avait très longtemps, c'était même
avant Noël, il ne se rappelait même plus bien. En tout cas depuis ce temps-là il n'avait jamais eu
de bonbons, et il aimait énormément regarder les pierres du torrent, on aurait dit que ça lui faisait
plaisir aux yeux comme les bonbons à la langue.
Papa dit :
– Depuis le temps que cette eau coule…
Le petit garçon trouva ça drôle. Bien sûr qu’*elle coulait depuis longtemps. Elle coulait déjà
la première fois qu'ils étaient venus. D'ailleurs on n'aurait pas fait un pont s'il n'y avait pas eu
d'eau.
– Et quand ton petit garçon à toi, dit papa, aura une grande barbe blanche, elle coulera encore.
Elle ne s'arrêtera jamais de couler, dit papa en regardant l'eau. C'est une pensée reposante, dit
encore papa, mais, ça se voyait, ce n'était pas pour son petit garçon, c'était pour lui-même.
Ils restèrent très, très longtemps à regarder l'eau, et puis enfin on s'en retourna. On prit le
chemin du hérisson, le petit garçon l'appelait comme ça depuis qu'ils y avaient trouvé un
hérisson. Ça grimpait un peu. On passait devant la fontaine de bois, celle où, dans une auge faite
d'une bille de chêne creusée, tombe le filet d'une eau si limpide, au chant d'un cristal si pur,
qu'elle donne soif rien qu'à la regarder. Mais il ne faisait pas très chaud.
Tout en haut le sentier tournait un peu, et redescendait de 'l'autre côté de la colline. De tout en
haut on verrait la maison. On la voyait très bien. Ce qu'on voyait le mieux c'était la fenêtre de la
cuisine, avec le pot de géranium tout vert et orange dans le soleil, et maman était derrière mais
on ne la voyait pas.
Mais papa devait être fatigué, parce qu'avant d'arriver en haut, il s'assit. D'ordinaire on ne
s'asseyait jamais sur ce tronc d'arbre. Il s'assit et attira son petit garçon entre ses genoux. Il dit : "
Tu n'es pas fatigué ? " - " Non ", dit le petit garçon. Papa souriait mais c'était d'un seul côté de la
bouche. Il lui caressait les cheveux, la joue. Il respira très fort et dit : " Il faut être très, très sage
avec ta maman ", et le petit garçon fit oui de la tête, mais il ne trouva rien à dire. " Un bon petit
garçon ", dit encore papa, et il se leva. Il prit son petit garçon sous les aisselles et il le souleva
jusqu'à son visage et l'embrassa deux fois sur les deux joues, et il le remit par terre et dit d'une
voix ferme : " Allons ". Ils se remirent en route. Ils arrivèrent en haut et on vit le mur du jardin,
les deux mélèzes, la maison, la fenêtre de la cuisine.
Le pot de géranium... il n'y était plus.
Le petit garçon vit tout de suite que le pot de géranium n'était plus à la fenêtre de la cuisine.
Papa aussi, sûrement. Parce qu'il s'arrêta en serrant la petite main dans la sienne, plus fort que
jamais, et il dit : " Ça y est, je m'en doutais. "
Il restait immobile, à regarder, regarder, en répétant : " Bons dieux, comment ai-je pu...
puisque je le savais, puisque je le savais. "
Le petit garçon aurait bien voulu demander quoi, mais il ne pouvait pas parce que papa lui
serrait la main si fort. Et il commença d'avoir mal au cœur, comme le jour où il avait mangé trop
de purée de marrons.
Alors papa dit : " Viens ", et au lieu de descendre ils retournèrent sur leurs pas, en marchant
très vite. " Où est-ce qu'on va, papa ? Où est-ce qu'on va ? " disait le petit garçon, et il avait mal
au cœur comme le jour de la purée de marrons.

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

- Chez madame Bufferand ", dit papa. Il avait une drôle de voix, une voix comme celle du
facteur le jour où une auto l'avait poussé et qu'il était tombé de bicyclette. " Elle est très gentille,
dit papa, tu la connais, tu coucheras chez elle. "
Le petit garçon aurait bien voulu demander pourquoi, mais papa lui serrait la main trop fort, il
n'arrivait pas à le demander. Était-ce à cause de ça, il avait de plus en plus mal au cœur.
Tellement qu'il aurait voulu se coucher par terre, comme le jour de la purée de marrons, mais
papa lui serrait la main tellement fort, et pourtant on allait trop vite, et maintenant il avait mal au
cœur pas seulement au cœur, mais mal au cœur partout, au ventre, dans les jambes, si ce n'était
pas bête de dire qu'on a mal au cœur dans les jambes.
Quand madame Bufferand, qui était très vieille et toute ridée, les vit tous les deux, elle croisa
ses mains sur la poitrine et dit : " Mon Dieu ! "
Papa dit : " Oui, voilà ", et ils entrèrent. Et alors quand ils furent dans le petit salon qui sentait
la cannelle le petit garçon ne résista plus et il se coucha sur le tapis.
Il n'entendit plus très bien ce qu'on disait. Il faisait trop noir pour pouvoir écouter. Madame
Bufferand parlait, parlait, d'une petite voix cassée, il l'entendait comme dans un rêve.
Papa souleva le petit garçon et le porta sur un lit. Il lui caressa les cheveux, longtemps, et il
l'embrassa très fort et longtemps, plus fort et plus longtemps que le soir d'habitude. Et puis
madame Bufferand lui donna une valise, et il embrassa madame Bufferand, et il sortit. Et
madame Bufferand vint s'occuper du petit garçon, elle lui mît un mouchoir mouillé sur la tête,
elle lui prépara de la camomille. Il vit bien qu'elle pleurait, elle essuyait ses larmes au fur et à
mesure, mais ça se voyait quand même.
Le lendemain, il était en train de jouer avec les cubes, il entendit madame Bufferand qui
parlait dans la salle à manger. Les cubes devaient représenter le portrait d'un monsieur avec une
collerette et un chapeau à plume. Il manquait encore l’œil et le chapeau. Le petit garçon se leva
et mît son oreille contre le trou de la serrure, qui était juste à sa hauteur en se hissant sur la pointe
des pieds. Il n'entendait pas très bien parce que les dames ne parlaient, pas tout haut, elles
chuchotaient. Madame Bufferand parlait de la gare. Oui, disait-elle, oui, lui aussi : il cherchait à
apercevoir sa femme dans un compartiment, ils l'ont reconnu. Grands dieux, dit l'autre dame, il
n'avait donc pas pu s'empêcher... Non, dit madame Bufferand, il n'a pas pu, qui donc aurait pu ?
Il disait tout le temps " c'est ma faute, c'est ma faute ! " Et puis on parla de lui, le petit garçon.
Heureusement, disait la dame, heureusement que madame Bufferand était là. Madame Bufferand
répondit des mots, mais quelque chose mouillait son chuchotement et on ne pouvait pas
comprendre.
Le petit garçon retourna vers son jeu de cubes. Il s'assit par terre et chercha celui avec un œil.
Il pleurait silencieusement, les larmes coulaient et il pouvait pas les retenir. Il trouva le cube avec
l’œil et le mit à sa place. Le chapeau c'était plus facile. Il reniflait en essayant de ne pas faire de
bruit, une des larmes coula au coin de la bouche, il la cueillit d'un coup de langue, elle était salée.
La plume, c'était le plus ennuyeux, on ne savait jamais si elle était à l'endroit ou à l'envers. Une
larme, tombée sur la plume, glissa, hésita, y resta suspendue comme une goutte de rosée.

Extraite du recueil Le silence de la mer

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

6) LA PARURE, de Guy de Maupassant

OBJECTIF : Comprendre la notion de chute.

ACTIVITÉ : Définir la notion de chute à partir de la lecture de cette


nouvelle.

C'était une de ces jolies et charmantes filles, nées, comme par une
erreur du destin, dans une famille d'employés. Elle n'avait pas de dot, pas d'espérances, aucun
moyen d'être connue, comprise, aimée, épousée par un homme riche et distingué ; et elle se
laissa marier avec un petit commis du ministère de l'Instruction publique.
Elle fut simple, ne pouvant être parée, mais malheureuse comme une déclassée ; car les
femmes n'ont point de caste ni de race, leur beauté, leur grâce et leur charme leur servant de
naissance et de famille. Leur finesse native, leur instinct d'élégance, leur souplesse d'esprit sont
leur seule hiérarchie, et font des filles du peuple les égales des plus grandes dames.
Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour toutes les délicatesses et tous les luxes. Elle
souffrait de la pauvreté de son logement, de la misère des murs, de l'usure des sièges, de la
laideur des étoffes. Toutes ces choses, dont une autre femme de sa caste ne se serait même pas
aperçue, la torturaient et I ‘indignaient. La vue de la petite Bretonne qui faisait son humble
ménage éveillait en elle des regrets désolés et des rêves éperdus. Elle songeait aux antichambres
nettes, capitonnées avec des tentures orientales, éclairées par de hautes torchères de bronze, et
aux deux grands valets en culotte courte qui dorment dans les larges fauteuils, assoupis par la
chaleur lourde du calorifère. Elle songeait aux grands salons vêtus de soie ancienne, aux meubles
fins portant des bibelots inestimables, et aux petits salons coquets parfumés, faits pour la
causerie de cinq heures avec les amis les plus intimes, les hommes connus et recherchés dont
toutes les femmes envient et désirent l'attention.
Quand elle s'asseyait, pour dîner, devant la table ronde couverte d'une nappe de trois jours, en
face de son mari qui découvrait la soupière en déclarant d'un air enchanté: «Ah! le bon
pot-au-feu! je ne sais rien de meilleur que cela, elle songeait aux dîners fins, aux argenteries
reluisantes, aux tapisseries peuplant les murailles de personnages anciens et d'oiseaux étranges
au milieu d'une forêt de féerie; elle songeait aux plats exquis servis en des vaisselles
merveilleuses, aux galanteries chuchotées et écoutées avec un sourire de sphinx, tout en
mangeant la chair rose d'une truite ou des ailes de gélinotte.
Elle n'avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n'aimait que cela ; elle se sentait faite
pour cela. Elle eût tant désiré plaire, être enviée, être séduisante et recherchée.
Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu'elle ne voulait plus aller voir, tant elle
souffrait en revenant. Et elle pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de
désespoir et de détresse.

Or, un soir, son mari rentra, l'air glorieux et tenant à la main une large enveloppe.
–Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi.
Elle déchira vivement le papier et en tira une carte qui portait ces mots :
"Le ministre de l'Instruction publique et Mme Georges Ramponneau prient M. et Mme Loisel
de leur faire l'honneur de venir passer la soirée à l'hôtel du ministère, le lundi 18 janvier."
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PDL II - LF III et IV La nouvelle

Au lieu d'être ravie, comme l'espérait son mari, elle jeta avec dépit l'invitation sur la table,
murmurant :
– Que veux-tu que je fasse de cela ?
– Mais, ma chérie, je pensais que tu serais contente. Tu ne sors jamais, et c'est une occasion,
cela, une belle ! J'ai eu une peine infinie à l'obtenir. Tout le monde en veut ; c'est très recherché
et on n'en donne pas beaucoup aux employés. Tu verras là tout le monde officiel.
Elle le regardait d'un œil irrité, et elle déclara avec impatience :
– Que veux-tu que je me mette sur le dos pour aller là ?
Il n'y avait pas songé ; il balbutia :
– Mais la robe avec laquelle tu vas au théâtre. Elle me semble très bien, à moi...
Il se tut, stupéfait, éperdu, en voyant que sa femme pleurait. Deux grosses larmes
descendaient lentement des coins des yeux vers les coins de la bouche ; il bégaya :
– Qu'as-tu ? Qu'as-tu ?
Mais, par un effort violent, elle avait dompté sa peine et elle répondit d'une voix calme en
essuyant ses joues humides :
– Rien. Seulement je n'ai pas de toilette et par conséquent, je ne peux aller à cette fête. Donne
ta carte à quelque collègue dont la femme sera mieux nippée que moi.
Il était désolé. Il reprit :
– Voyons, Mathilde. Combien cela coûterait-il, une toilette convenable, qui pourrait te servir
encore en d'autres occasions, quelque chose de très simple ?
Elle réfléchit quelques secondes, établissant ses comptes et songeant aussi à la somme qu'elle
pouvait demander sans s'attirer un refus immédiat et une exclamation effarée du commis
économe.
Enfin, elle répondit en hésitant :
– Je ne sais pas au juste, mais il me semble qu'avec quatre cents francs je pourrais arriver.
ll avait un peu pâli, car il réservait juste cette somme pour acheter un fusil et s'offrir des
parties de chasse, l'été suivant, dans la plaine de Nanterre, avec quelques amis qui allaient tirer
des alouettes, par-là, le dimanche.
Il dit cependant :
– Soit. Je te donne quatre cents francs. Mais tâche d'avoir une belle robe.

Le jour de la fête approchait, et Mme Loisel semblait triste, inquiète, anxieuse. Sa toilette était
prête cependant. Son mari lui dit un soir :
– Qu'as-tu ? Voyons, tu es toute drôle depuis trois jours.
Et elle répondit :
– Cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi. J'aurai l'air
misère comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée.
Il reprit :
– Tu mettras des fleurs naturelles. C'est très chic en cette saison-ci. Pour dix francs tu auras
deux ou trois roses magnifiques.
Elle n'était point convaincue.
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IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

– Non... il n'y a rien de plus humiliant que d'avoir l'air pauvre au milieu de femmes riches.
Mais son mari s’écria :
– Que tu es bête ! Va trouver ton amie Mme Forestier et demande-lui de te prêter des bijoux.
Tu es bien assez liée avec elle pour faire cela.
Elle poussa un cri de joie.
– C'est vrai. Je n'y avais point pensé.

Le lendemain, elle se rendit chez son amie et lui conta sa détresse. Mme Forestier alla vers
son armoire à glace, prit un large coffret, l'apporta, l'ouvrit, et dit à Mme Loisel :
– Choisis, ma chère.
Elle vit d'abord des bracelets, puis un collier de perles, puis une croix vénitienne, or et
pierreries, d'un admirable travail. Elle essayait les parures devant la glace, hésitait, ne pouvait se
décider à les quitter, à les rendre. Elle demandait toujours :
– Tu n'as plus rien d’autre ?
– Mais si. Cherche. Je ne sais pas ce qui peut te plaire.
Tout à coup elle découvrit, dans une boîte de satin noir, une superbe rivière de diamants ; et
son cœur se mit à battre d'un désir immodéré. Ses mains tremblaient en la prenant. Elle l'attacha
autour de sa gorge, sur sa robe montante. Et demeura en extase devant elle-même.

Puis, elle demanda, hésitante, pleine d’angoisse :


– Peux-tu me prêter cela, rien que cela ?
– Mais oui, certainement.
Elle sauta au cou de son amie, l'embrassa avec emportement, puis s'enfuit avec son trésor.

Le jour de la fête arriva. Mme Loisel eut un succès. Elle était plus jolie que toutes, élégante,
gracieuse, souriante et folle de joie. Tous les hommes la regardaient, demandaient son nom,
cherchaient à être présentés. Tous les attachés du cabinet voulaient valser avec elle. Le Ministre
la remarqua.
Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien, dans
le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, dans une sorte de nuage de bonheur fait de
tous ces hommages, de toutes ces admirations, de tous ces désirs éveillés, de cette victoire si
complète et si douce au cœur des femmes.
Elle partit vers quatre heures du matin. Son mari, depuis minuit, dormait dans un petit salon
désert avec trois autres messieurs dont les femmes s'amusaient beaucoup.
Il lui jeta sur les épaules les vêtements qu'il avait apportés pour la sortie, modestes vêtements de
la vie ordinaire, dont la pauvreté jurait avec l'élégance de la toilette de bal. Elle le sentit et voulut
s'enfuir, pour ne pas être remarquée par les autres femmes qui s'enveloppaient de riches
fourrures.
Loisel la retenait :
– Attends donc. Tu vas attraper froid dehors. Je vais appeler un fiacre.

119
IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

Mais elle ne l'écoutait point et descendait rapidement l'escalier. Lorsqu'ils furent dans la rue,
ils ne trouvèrent pas de voiture ; et ils se mirent à chercher, criant après les cochers qu'ils
voyaient passer de loin.
Ils descendaient vers la Seine, désespérés, grelottants. Enfin, ils trouvèrent sur le quai un de
ces vieux coupés noctambules qu'on ne voit dans Paris que la nuit venue, comme s'ils eussent été
honteux de leur misère pendant le jour.
Il les ramena jusqu'à leur porte, rue des Martyrs, et ils remontèrent tristement chez eux. C'était
fini, pour elle. Et il songeait, lui, qu'il lui faudrait être au Ministère à dix heures.
Elle ôta les vêtements dont elle s'était enveloppé les épaules, devant la glace, afin de se voir
encore une fois dans sa gloire. Mais soudain elle poussa un cri. Elle n'avait plus sa rivière autour
du cou !
Son mari, à moitié dévêtu déjà, demanda :
– Qu'est-ce que tu as ?
Elle se tourna vers lui, affolée :
– J'ai... j'ai... je n'ai plus la rivière de Mme Forestier.
Il se dressa, éperdu :
– Quoi !... Comment !... Ce n'est pas possible !
Et ils cherchèrent dans les plis de la robe, dans les plis du manteau, dans les poches, partout.
Ils ne la trouvèrent point.
Il demandait :
– Tu es sûre que tu l'avais encore en quittant le bal ?
– Oui, je l'ai touchée dans le vestibule du Ministère.
– Mais si tu l'avais perdue dans la rue, nous l'aurions entendue tomber. Elle doit être dans le
fiacre.
– Oui. C'est probable. As-tu pris le numéro ?
– Non. Et toi, tu ne l'as pas regardé ?
– Non.
Ils se contemplaient atterrés. Enfin Loisel se rhabilla.
– Je vais, dit-il, refaire tout le trajet que nous avons fait à pied, pour voir si je ne la retrouverai
pas.
Et il sortit. Elle demeura en toilette de soirée, sans force pour se coucher, abattue sur une
chaise, sans feu, sans pensée.
Son mari rentra vers sept heures. Il n'avait rien trouvé.
Il se rendit à la Préfecture de police, aux journaux, pour faire promettre une récompense, aux
compagnies de petites voitures, partout enfin où un soupçon d'espoir le poussait.
Elle attendit tout le jour, dans le même état d'effarement devant cet affreux désastre.
Loisel revint le soir, avec la figure creusée, pâlie ; il n'avait rien découvert.
– Il faut, dit-il, écrire à ton amie que tu as brisé la fermeture de sa rivière et que tu la fais
réparer. Cela nous donnera le temps de nous retourner.
Elle écrivit sous sa dictée.

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

Au bout d'une semaine, ils avaient perdu toute espérance.


Et Loisel, vieilli de cinq ans, déclara :
– Il faut aviser à remplacer ce bijou.
Ils prirent, le lendemain, la boîte qui l'avait renfermé, et se rendirent chez le joaillier, dont le
nom se trouvait dedans. Il consulta ses livres :
– Ce n'est pas moi, madame, qui ai vendu cette rivière ; j'ai dû seulement fournir l'écrin.
Alors ils allèrent de bijoutier en bijoutier, cherchant une parure pareille à l'autre, consultant
leurs souvenirs, malades tous deux de chagrin et d'angoisse.
Ils trouvèrent, dans une boutique du Palais Royal, un chapelet de diamants qui leur parut
entièrement semblable à celui qu'ils cherchaient. Il valait quarante mille francs. On le leur
laisserait à trente-six mille.
Ils prièrent donc le joaillier de ne pas le vendre avant trois jours. Et ils firent condition qu'on
le reprendrait pour trente-quatre mille francs, si le premier était retrouvé avant la fin de février.
Loisel possédait dix-huit mille francs que lui avait laissés son père. Il emprunterait le reste.
Il emprunta, demandant mille francs à I ‘un, cinq cents à l'autre, cinq louis par-ci, trois louis
par-là. Il fit des billets, prit des engagements ruineux, eut affaire aux usuriers, à toutes les races
de prêteurs. Il compromit toute la fin de son existence, risqua sa signature sans savoir même s'il
pourrait y faire honneur, et, épouvanté par les angoisses de l'avenir, par la noire misère qui allait
s'abattre sur lui, par la perspective de toutes les privations physiques et de toutes les tortures
morales, il alla chercher la rivière nouvelle, en déposant sur le comptoir du marchand trente-six
mille francs.
Quand Mme Loisel reporta la parure à Mme Forestier, celle-ci lui dit, d'un air froissé :
– Tu aurais dû me la rendre plus tôt, car je pouvais en avoir besoin.
Elle n'ouvrit pas l'écrin, ce que redoutait son amie. Si elle s'était aperçue de la substitution,
qu'aurait-elle pensé ? qu'aurait-elle dit ? Ne l'aurait-elle pas prise pour une voleuse ?

Mme Loisel connut la vie horrible des nécessiteux. Elle prit son parti, d'ailleurs, tout d'un
coup, héroïquement. Il fallait payer cette dette effroyable. Elle payerait. On renvoya la bonne ;
on changea de logement ; on loua sous les toits une mansarde.
Elle connut les gros travaux du ménage, les odieuses besognes de la cuisine. Elle lava la
vaisselle, usant ses ongles roses sur les poteries grasses et le fond des casseroles. Elle savonna le
linge sale, les chemises et les torchons, qu'elle faisait sécher sur une corde ; elle descendit à la
rue, chaque matin, les ordures, et monta l'eau, s'arrêtant à chaque étage pour souffler. Et, vêtue
comme une femme du peuple, elle alla chez le fruitier, chez l'épicier, chez le boucher, le panier
au bras, marchandant, injuriée, défendant sou à sou son misérable argent.
Il fallait chaque mois payer des billets, en renouveler d'autres, obtenir du temps.
Le mari travaillait, le soir, à mettre au net les comptes d'un commerçant, et la nuit, souvent, il
faisait de la copie à cinq sous la page.

Et cette vie dura dix ans.


Au bout de dix ans, ils avaient tout restitué, tout, avec le taux de l'usure, et l'accumulation des
intérêts superposés.

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Mme Loisel semblait vieille, maintenant. Elle était devenue la femme forte, et dure, et rude,
des ménages pauvres. Mal peignée, avec les jupes de travers et les mains rouges, elle parlait
haut, lavait à grande eau les planchers. Mais parfois, lorsque son mari était au bureau, elle
s'asseyait auprès de la fenêtre, et elle songeait à cette soirée d'autrefois, à ce bal où elle avait été
si belle et si fêtée.
Que serait-il arrivé si elle n'avait point perdu cette parure ? Qui sait ? qui sait ? Comme la vie
est singulière, changeante ! Comme il faut peu de chose pour vous perdre ou vous sauver !

Or, un dimanche, comme elle était allée faire un tour aux Champs-Elysées pour se délasser
des besognes de la semaine, elle aperçut tout à coup une femme qui promenait un enfant. C'était
Mme Forestier, toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante.
Mme Loisel se sentit émue. Allait-elle lui parler ? Oui, certes. Et maintenant qu'elle avait
payé, elle lui dirait tout. Pourquoi pas ?
Elle s'approcha.
– Bonjour, Jeanne.
L'autre ne la reconnaissait point, s'étonnant d'être appelée ainsi familièrement par cette
bourgeoise.
Elle balbutia :
– Mais... madame !... Je ne sais... Vous devez vous tromper.
– Non. Je suis Mathilde Loisel.
Son amie poussa un cri.
– Oh !... Ma pauvre Mathilde, comme tu es changée !...
– Oui, j'ai eu des jours bien durs, depuis que je ne t'ai vue ; et bien des misères... et cela à
cause de toi !...
– De moi… Comment ça ?
– Tu te rappelles bien cette rivière de diamants que tu m'as prêtée pour aller à la fête du
Ministère.
– Oui. Eh bien ?
– Eh bien, je l'ai perdue.
– Comment ! puisque tu me l'as rapportée.
– Je t'en ai rapporté une autre toute pareille. Et voilà dix ans que nous la payons. Tu
comprends que ça n'était pas aisé pour nous, qui n'avions rien... Enfin c'est fini, et je suis
rudement contente.
Mme Forestier s'était arrêtée.
– Tu dis que tu as acheté une rivière de diamants pour remplacer la mienne ?
– Oui. Tu ne t'en étais pas aperçue, hein ! Elles étaient bien pareilles.
Et elle souriait d'une joie orgueilleuse et naïve.
Mme Forestier, fort émue, lui prit les deux mains.
– Oh ! ma pauvre Mathilde ! Mais la mienne était fausse. Elle valait au plus cinq cents
francs !

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ÉCRITURE DE LA NOUVELLE RÉALISTE : ASPECTS À


PRENDRE EN COMPTE

CONTRAINTES FORMELLES

De présentation :
- Longueur et typographie : 3 à 4 pages A4, Time New Roman 12
- Interligne simple
- Espace antérieur et postérieur de paragraphe : 0
- Petit alinéa de première ligne
- Ne pas sauter de ligne entre paragraphes sauf rupture temporelle ou spatiale
le justifiant.

D’écriture :
- Récit au passé, système du récit, registre de langue du narrateur soutenu, passages
descriptifs, au moins un portrait, présence de tous les types de paroles de
personnages.

TYPOLOGIE NARRATIVE :
-Visée de l’auteur / thème(s) de la nouvelle
- Schéma narratif :
▪ Situation initiale
▪ Élément déclencheur
▪ Rupture d’équilibre
▪ Situation finale
- Système du récit ou alternance récit/discours
- Personnages et actants
- Forme de l’incipit et de la fin
- Focalisation et point(s) de vue
- Équilibre entre les parties
- Ordre chronologique ou non
- Vraisemblance - réalisme (pertinence des détails, ancrage dans le monde réel)
- Cohérence
- Gestion du temps de la narration (ellipses nécessaires ou non, accélérations
nécessaires ou non)
- Rythme des événements (réguliers/irréguliers, lents/rapides)
- Titre (dire sans dire – suggérer)
- Nom des personnages (connotation des noms)

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PDL II - LF III et IV La nouvelle

TYPOLOGIE DESCRIPTIVE :
- Atmosphère qui accompagne le récit
- Sensations présentes et leur pertinence (qu’apportent-elles de plus au texte)
- Champs lexicaux des sensations
- Lexique
- Syntagmes de lieu et de temps
- Expansions de noms de natures diverses
- Caractérisation des personnages : physique, psychologique, habitudes,
gestualité, profession, etc. manière de s’habiller, de parler
- Caractérisation spatiale
- Caractérisation d’objets si pertinente
- Importance ou non des éléments climatiques

PAROLES DE PERSONNAGES :
- Variété des types de paroles de personnages : DD, DDL, DI, DIL, DN, AP
- Variété des discours attributifs : indications concernant la voix, les gestes, les
déplacements, etc.
- Respect de l’oralité propre de chaque personnage

LANGUE :
- Correction morphosyntaxique
- Ponctuation
- Lexique : correction et richesse
- Cohésion dans la désignation des personnages
- Valeur sémantique des temps verbaux (récit/discours/descriptif/antériorité
dans le passé)

Des questions qui orientent votre projet d’écriture


Première grande question : quelle est ma visée d’écriture ? Pourquoi écris-je ? (“Pour réussir le cours”
n’est pas la bonne réponse !).
Deux autres questions : celle de la pertinence (pourquoi ajouter cette information ? ce personnage ? ce
petit commentaire ?) et celle de la vraisemblance (pour chaque élément, est-ce cohérent dans ce cadre,
pour ces personnages, dans cette histoire ?).

Des questions pour se relire, pour repenser la nouvelle


Histoire : Ai-je bien défini le schéma narratif ? Si je me suis laissé emporter et que je n'y ai pas trop
réfléchi avant l’écriture, puis-je repérer un schéma narratif dans l’histoire que je raconte ?

Personnages- description : Mon personnage est-il bien construit ? Peut-on percevoir des traits de sa
personnalité ? Est-ce qu’il·elle a une manière de parler particulière que je respecte à chaque fois qu’il·elle

124
IES LV JRF LE NARRATIF
PDL II - LF III et IV La nouvelle

prend la parole ? Si j’ai rempli une fiche de personnage, ai-je fait le tri des traits à utiliser dans ma
narration ? À part le portrait d’un personnage exigé dans les contraintes d’écriture, arrive-je à distribuer
les éléments descriptifs de manière à dévoiler les différents personnages/traits de personnalité au long du
texte ?

Description des lieux : Toujours la question de la pertinence ! Pourquoi introduire la description de tel ou
tel lieu ? Si la description est faite par un des personnages, arrive-je à transmettre cette subjectivité ? Et
par quels moyens (adjectifs à nuance particulière, champ lexical) ? Quel(s) sens est/sont privilégiés ?
La description des lieux est-elle en accord avec l’ambiance que je veux créer ? → Si mon personnage est
sombre ou troublé, est-ce que je peux décrire une journée ensoleillée du début de printemps ou une verte
prairie où chantent les oiseaux sans faire remarquer le contraste entre les deux ?
Pour le cadre : attention aux questions de saisons et d’hémisphères, d’horaires et des durées des actions.
Ces petits détails peuvent vous faire tomber dans le piège de l’incohérence ou de l’invraisemblable.

Le narrateur, la focalisation, la source de l’information : Le choix de la focalisation doit être fait de


manière consciente et avec un objectif, adapté au contexte et au plan d’écriture, car ce choix pourrait
limiter les informations qui seront transmises dans le récit. Il faut, donc, se poser la question de la source
de l’information et les limites de la focalisation choisie. Est-ce que mon narrateur a accès à toutes les
informations ? S’il·elle est centré·e sur l’un des personnages, est-il vraisemblable/cohérent qu’il·elle ait
accès à cette information ?
Chaque type de focalisation entraîne des contraintes dont il faut être conscient·e pour éviter au moment de
l’écriture de la nouvelle des contresens ou des confusions.

La mise en page : Le texte narratif nous impose des contraintes de mise en page particulières. Pas
d’espace entre les paragraphes, par exemple. Elles sont disponibles dans la brochure. Révisez les conseils
typographiques (disponibles sur le carnet de bord). Veillez à respecter les signes typographiques de
chaque type de paroles de personnages.

Des clés de relecture :

- Relire plusieurs fois.


- Une première pour corriger les erreurs de langue.
- Une deuxième avec sa grille de correction à la main.
- Une troisième pour identifier des “dysfonctionnements” (question du rythme de la nouvelle,
par exemple. Les parties sont-elles équilibrées ?).
- Relire en se posant la question de la pertinence.
- Relire en se posant la question de la vraisemblance, en cherchant les petites incohérences
qui peuvent gâcher l’effet du réel.
- Relire pour réécrire si nécessaire.
- Et finalement, relire pour se sentir satisfait·e du travail accompli. :)

125
UNITÉ 6

LE DESCRIPTIF

LE TEXTE DESCRIPTIF__________________________________________________________________ 127


LA DESCRIPTION_______________________________________________________________________130
LES CHAMPS LEXICAUX________________________________________________________________ 133
TEXTES DESCRIPTIFS – CORPUS D’ANALYSE___________________________________________ 134
LES OUTILS DE LA DESCRIPTION __________________________________________________134
LES CHAMPS SÉMANTIQUES_______________________________________________________ 137
VOCABULAIRE DE LA DESCRIPTION___________________________________________________ 144
VOCABULAIRE DES FORMES_______________________________________________________ 144
VOCABULAIRE POUR DÉCRIRE DES PAYSAGES____________________________________ 145
POUR LA DESCRIPTION EN MOUVEMENT_________________________________________ 147
CHAMPS SÉMANTIQUE DE LA VUE ET DE LA LUMIÈRE____________________________ 150
CHAMP SÉMANTIQUE DU BRUIT__________________________________________________ 153
L’EXPRESSION DES SENTIMENTS ET DES ÉMOTIONS______________________________ 155
LE PORTRAIT___________________________________________________________________________ 160
LE VOCABULAIRE DU PORTRAIT___________________________________________________ 161
EXEMPLES DE PORTRAITS__________________________________________________________163
ÉRITURE DESCRIPTIVE / NARRATIVE___________________________________________________168
IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

LE TEXTE DESCRIPTIF
Lire, repérer, produire

Décrire c’est nommer, définir, caractériser, traduire les sensations provoquées par l’objet décrit,
perçu par les sens :

- la VUE, qui nous donne accès aux couleurs, aux


formes, aux tailles, aux volumes, aux reliefs…
- l'OUÏE, qui nous permet d’appréhender les sons, les
bruits, les ondes, les vibrations, les rythmes…
- l’ODORAT, qui nous transmet les arômes, les
essences, les parfums, les odeurs agréables ou
désagréables…
- le TOUCHER, qui nous met en contact avec les
consistances, les reliefs, les surfaces, les
températures, les matières…
- le GOÛT, qui permet de percevoir les différentes
gammes de saveurs, de température et de consistance.

⮚ Rédiger une description, c’est SUIVRE UN ORDRE préétabli en fonction de sa pertinence


vis-à-vis du récit dans lequel la description est insérée et/ou du message que l'on prétend
transmettre : d’une vue d’ensemble aux détails ou vice-versa, du premier plan à l’arrière-plan,
de haut en bas, de gauche à droite, etc.

⮚ Décrire oblige à se demander qui prendra en charge la description, quel est le sujet percevant
qui exprime sa perception (adoption éventuelle d'un point de vue). Cette question entraine
inévitablement celle de l'objectivité ou de la subjectivité à adopter.

⮚ Autres questions à se poser : le descripteur se déplace-t-il ? l'objet de la description est-il


statique ou mobile ? Quelles sont les conséquences des réponses à ces questions ?

⮚ Décrire implique également de choisir QUELS SENS vont fournir le matériau de notre
rédaction.

⮚ CONSTRUIRE une description, c’est encore utiliser les richesses de la RHÉTORIQUE telles
que : la comparaison, la métaphore, la métonymie, la personnification, l’association
d’éléments concrets et abstraits ou faisant appel à des sens différents, des suites d’adjectifs,
de verbes ou de substantifs. (Voir le vocabulaire de la description et du portrait dans la
brochure).

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PDL II - LF III et IV

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PDL II - LF III et IV

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PDL II - LF III et IV

LA DESCRIPTION

Selon Faly Stachak, autrice du livre « Écrire, un plaisir à la portée de tous », Eyrolles, 2004.

Considérée comme un genre, la description diffère de la narration. Tout récit comporte la


représentation d'actions et d'événements, c'est la narration. Tout récit comporte aussi la
représentation d'objets, de lieux, de personnages… C’est la description.

Dans un texte, la description montre, évoque la réalité concrète, concourt à rendre « vrais »,
sensibles, audibles, visibles… les objets, les habitations, le paysage, les personnages… tous
ceux-là qui participent au déroulement de l'action.

Complémentaire de la narration, elle est la « toile de fond » essentielle et nécessaire à la


mise en scène du récit, celle sur laquelle le scénario va se déployer, les personnages évoluer.

Elle va créer l'atmosphère, des impressions, susciter des émotions, concourir à la


construction d'un univers personnel. Ainsi décor*, paysages, portraits... par la façon dont ils
sont décrits, « tressés », participent au sens de l'histoire, épousent, telle une seconde peau,
l'action et la psychologie* des personnages.

Parfois - et c'est un effet de style et de sens, - la description peut créer un contraste avec
l'action. Par exemple, et d'une façon schématique, imaginez un individu dont la présence est
incongrue au centre d'un décor sublime. Le contraste ainsi obtenu serait l'annonce d'un
événement inattendu, d'une rupture dans le déroulement narratif et descriptif de l'histoire.

Parfois, la description sert de pause à l'intérieur du récit. Elle permet au lecteur - comme son
nom l'indique - de se reposer, de digérer les informations, ou bien/et aussi de le faire attendre,
de jouer sur l'art du suspense.

Dans tous les cas, la description permet au lecteur de se représenter l'histoire, les scènes, de
mieux s'identifier aux personnages... Ainsi, marcher avec eux dans le désert, rêver sur le bord
de la mer, aimer, souffrir... au rythme du temps de la lecture, et au-delà, parfois toute la vie,
comme le héros, avec lui, devenu lui, au fil de la page.

On peut évoquer deux grands « styles » de description, sachant que toutes oscillent entre l'un
et l'autre : la description neutre et la description subjective.

La description neutre : donner à voir

Ce premier « style » consisterait à décrire de la façon la plus neutre et la plus exacte possible
ce que l'œil et les autres sens perçoivent, et ce sans jamais essayer d'interpréter le réel que l'on a
sous les yeux. C'est ce que l'on pourrait qualifier de description « objective », sans oublier
130
IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

cependant que l'objectivité n'existe pas : chaque élément « restitué », « communiqué » est
toujours l'expression d'un regard personnel, d'un certain point de vue*, d'une relation unique à
l'autre, aux choses, à tout ce qui nous entoure.

Ainsi, dans la description « neutre », le style est le plus dépouillé possible, les mots (le
lexique employé) sont simples, précis (proches de la définition du dictionnaire), sans excès ni
recherche esthétique, tentent de coller au réel, de ne pas le déformer.

Par exemple, cet extrait :

« La cafetière est sur la table. C'est une table ronde à quatre pieds, recouverte d'une toile cirée à
quadrillage rouge et gris sur un fond de teinte neutre, un blanc jaunâtre qui peut être autrefois de l'ivoire
- ou du blanc - Au centre, un carreau de céramique tient lieu de dessous-de-plat ; le dessin en est
entièrement masqué, du moins rendu méconnaissable par la cafetière qui est posée dessus.

La cafetière est en faïence brune. Elle est formée d'une boule que surmonte un filtre cylindrique muni
d'un couvercle à champignon. Le bec est un S aux courbes atténuées, légèrement ventrue à la base.
L'anse a si l'on veut, la forme d'une oreille, ou plutôt de l'ourlet extérieur d'une oreille ; mais ce serait
une oreille mal faite, trop arrondie et sans lobe, qui aurait ainsi la forme d'une "anse à pot". Le bec,
l'anse et le champignon du couvercle sont de couleur crème. Tout le reste est d'un brun clair très uni, et
brillant... »

Alain Robbe-Grillet, « Le Mannequin », dans Instantanés, Minuit, 1962.

Une description « neutre », s'il en faut, n'a pas toujours pour but l'objectivité. Elle peut
servir, ce qui est le cas pour l'exemple précédent, à créer un univers, une atmosphère, à éveiller
l'imaginaire dans un mouvement proche de l'image cinématographique. Procédés typiques d'un
genre littéraire, celui du nouveau roman.

Une autre forme de description neutre

C'est celle proposée par Georges Perec, modèle en la matière : il s'agit ici de rendre compte
du monde par le classement, l'inventaire. De fait, le style* utilisé s'apparente souvent - suivant
la nature de ses ouvrages - à une prise de notes, tel l'exemple ci-après :

« La date : 19 octobre 1974, l'heure : 12 h 30, le lieu (NB : Place St Sulpice, Paris 6e) : sur un banc
en plein soleil, au milieu des pigeons, regardant dans la direction de la fontaine (bruits de la circulation
derrière).

Le temps : le ciel s'est tout à fait dégagé.

Les pigeons sont quasi immobiles. Il est cependant difficile de les dénombrer (deux cents peut-être) ;
plusieurs sont couchés, les pattes repliées. C'est l'heure de leur toilette (avec leur bec, ils s'épluchent le

131
IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

jabot ou les ailes) ; quelques-uns se sont perchés sur le rebord de la troisième vasque de la fontaine. Des
gens sortent de l'église. J'entends parfois des coups de klaxon. La circulation est ce qu'on appelle fluide.

Nous sommes quatre sur quatre bancs. Le soleil est un instant caché par un nuage. Deux touristes
photographient la fontaine. Passe un car-vision à deux étages... »

Georges Perec, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Christian Bourgois, 1975, p. 44.

La description subjective : donner à imaginer

La restitution du réel s'appuie ici davantage sur la subjectivité et l'imaginaire. Le «


descripteur » (si j'ose dire !), « dramatise » en quelque sorte le réel, le traduit délibérément
selon son regard.

L'objet décrit est alors l'expression affirmée d'un certain point de vue. Il utilise pour ce faire
différents procédés d'écriture (images, comparaisons, métaphores, allitérations, etc.), tous
procédés stylistiques qui recomposent, réinventent la réalité, la transfigurent ou bien appuient le
trait un peu comme le ferait un peintre (on parle d'ailleurs en littérature, de « tableaux ») pour
donner à sentir et à voir un monde recomposé - pour ne pas dire « décomposé » dans l'exemple
qui suit :

« [Le matin] se leva derrière la broussaille pluvieuse et les nuages bas d'une plaine déserte. De durs
cahots secouèrent la voiture sur une piste écorchée et galeuse, rongée de larges plaques malsaines d'une
herbe maigre. Cette piste ressemblait à une tranchée basse. De chaque côté, à hauteur d'homme, elle
paraissait taillée à angles vifs dans une mer de joncs serrés et grisâtres dont l'œil balayait la surface
jusqu'à l'écœurement, et dont les détours continuels de la route paraissaient murer à chaque instant les
issues. Aussi loin que l'œil portât, à travers la brume liquide, on n'apercevait ni un arbre ni une maison.
L'aube spongieuse et molle était trouée par moments de louches passées à la lumière, qui boitaient sur
les nuages bas comme le pinceau tâtonnant d'un phare. L'intimité suspecte et pénétrante de la pluie, le
tête-à-tête désorientant des premières gouttes hésitantes de l'averse calfeutraient ces solitudes vagues,
exaspérant un parfum submergeant de feuilles mouillées et d'eau croupie... »

Julien Gracq, Le Rivage des Syrthes, José Corti, 1951, p. 18.

Un exercice de style plutôt plaisant

Si pour les classiques, et dans la culture occidentale, la description occupait, à l'intérieur


d'un discours en prose ou en poésie, un rôle purement ornemental (qu'est-ce qu'on a pu
s'ennuyer parfois à en lire, je vous l'accorde !), elle est en général aujourd'hui plus vivante,
partie prenante du récit*, influencée par la culture de l'image, photo et cinéma.

132
IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Pourtant, si elle agace parfois le lecteur paresseux ou féru de la seule action, l'écriture d'une
description s'avère un exercice de style plutôt agréable. Car non seulement, contre toute attente,
on y prend le plus souvent du plaisir, mais qui plus est, on s'en débrouille plutôt bien ! Essayez,
vous serez surpris. Pour ce faire, partez toujours de la réalité, quitte à la modifier, à l'enrichir
d'imaginaire : c'est votre regard sur le réel, forcément unique et donc singulier, servi par votre
écriture - ou votre écriture servie par votre regard... - qui vont donner du style à votre
description.

LES CHAMPS LEXICAUX

Les champs lexicaux sont des groupes de mots liés par


analogie. Un champ lexical est constitué de mots
appartenant à une même thématique : l’amour, la
nostalgie, la mort, etc. Il peut être formé de synonymes, de
mots de même famille, d'expressions ou de termes ayant
un sens commun. De plus, il est composé de mots
n'appartenant pas toujours à la même classe de mots.

❗ L’étude des champs lexicaux aide à comprendre les


idées présentées dans un texte ou un discours. Entre autres, dégager le champ lexical d'un texte
aide beaucoup à son analyse. En effet, en trouvant tous les mots qui sont reliés les uns aux
autres dans un paragraphe ou dans un texte en entier, il est possible d'en dégager le thème​​.

Exemples :

1. Champ lexical sur le thème de l'amour : aimer, amoureux, amoureusement, aimant, adoré,
passion, feu, dévorant, tendresse, rouge, cœur,compagnon, blonde, mariage, conjoint, conjointe,
divorce, haine, jalousie, le cœur a ses raisons que la raison ignore, etc.

2. Voici à quoi pourrait ressembler un champ lexical sur le thème de la mer dans un texte :

Du haut de la falaise, j'admirais les vagues qui se fracassaient contre les rochers. La plage
était déserte à cette heure si matinale. Je pris un coquillage dans mes mains et je le lançai dans
les flots. Celui-ci se perdit dans l'eau salée.

Attention! Un texte peut contenir plusieurs champs lexicaux.

Source : https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/francais/les-champs-lexicaux-f1380
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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

TEXTES DESCRIPTIFS – CORPUS D’ANALYSE

LES OUTILS DE LA DESCRIPTION

Dans les extraits suivants, observez et repérez :

- les syntagmes de lieu


- les expansions de substantifs ; remarquez-en la nature et la quantité
- les comparaisons
- dressez pour chaque texte une liste des verbes employés, observez si les verbes à valeur
présentative dominent. Quel type d'information apportent les autres verbes ?
- les sens évoqués ; notez le vocabulaire en rapport avec ceux-ci
- les expressions temporelles
- si le narrateur se déplace au fur et à mesure qu'il décrit. Quels éléments permettent de
percevoir ces déplacements.
- s'il s'agit de descriptions subjectives ou vues de l'extérieur

Par la suite, réalisez votre propre entraînement en lisant de façon active des descriptions de styles
diverses, portant sur des objets ou des espaces.

I) Le Père Goriot, d’Honoré de Balzac


Ce roman met en scène deux parcours parallèles : celui de la déchéance d’un père – le Père Goriot- qui aime
trop ses filles et celui de l’apprentissage parisien d’un jeune aristocrate provincial désargenté : Eugène de
Rastignac. Le début du roman est consacré à la description de Paris et plus particulièrement de la pension
Vauquer, du nom de sa propriétaire. Après avoir décrit l’extérieur de cette pension, le narrateur entreprend
l’évocation du rez-de-chaussée.

Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu’il faudrait appeler
l’odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au
nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d’une salle où l’on a dîné ; elle pue le service,
l’office, l’hospice. Peut-être pourrait-elle se décrire si l’on inventait un procédé pour évaluer les
quantités élémentaires et nauséabondes qu’y jettent les atmosphères catarrhales et sui generis
de chaque pensionnaire, jeune ou vieux. Eh ! bien, malgré ces plates horreurs, si vous le
compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé
comme doit l’être un boudoir. Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur
indistincte aujourd’hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de
manière à y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont
des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d’assiettes en
porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à
cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque
pensionnaire. Il s’y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là
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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

comme le sont les débris de la civilisation aux Incurables. Vous y verriez un baromètre à
capucin qui sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent l’appétit, toutes encadrées en
bois noir verni à filets dorés ; un cartel en écaille incrustée de cuivre ; un poêle vert, des
quinquets d’Argand où la poussière se combine avec l’huile, une longue table couverte en toile
cirée assez grasse pour qu’un facétieux externe y écrive son nom en se servant de son doigt
comme de style, des chaises estropiées, de petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule
toujours sans se perdre jamais, puis des chaufferettes misérables à trous cassés, à charnières
défaites, dont le bois se carbonise. Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé,
pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une
description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne
pardonneraient pas. Le carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou par
les mises en couleur. Enfin, là règne la misère sans poésie ; une misère économe, concentrée,
râpée. Si elle n’a pas de fange encore, elle a des taches ; si elle n’a ni trous ni haillons, elle va
tomber en pourriture.

II) Un balcon en forêt, de Julien Gracq


Organisé autour du thème de l’attente, le « récit » met en scène l’aspirant Grange qui, par la rencontre qu’il
fait d’une femme, rompt avec l’univers quotidien de la guerre pour basculer dans le monde du désir et de
l’imaginaire. Au début du roman, à l’automne 1939, Grange est nommé dans les Ardennes, sur le plateau des
Hautes Falizes, à la tête d’un blockhaus – la « maison forte » - avec quelques hommes afin de résister à
l’invasion allemande.

Un jour où il regagnait ainsi à pied la maison forte – c’était un des derniers dimanches de
novembre – la pluie surprit Grange dès les premiers lacets, et, comme il arrivait d’habitude, à
peine eut-il atteint le plateau qu’elle tourna décidément à l’averse. Le jour baissait déjà, les
nuages glissaient au ras du Toit, accrochant parfois les bosses du plateau qui disparaissaient
un moment, roulées dans la brumaille traînante : c’était l’annonce d’une de ces longues pluies
qui essoraient pendant des journées entières sur le Toit les buées molles. Quand la pluie
s’établissait sur le Toit, Grange se sentait dispos et allègre […]. Il avançait contre l’averse d’un
bon pas, conscient seulement de la fatigue légère et de la fraîcheur des gouttes qui lui coulaient
une à une le long du dos, relevant d’une main le col de sa capote trempée qui commençait à lui
rimer le menton. Quand le regard plongeait dans les layons, une brume cotonneuse les murait
à vingt pas ; on avançait dans une clairière de la nuée qui se déplaçait avec vous – seule la laie,
par devant, faisait dans le brouillard soulevé par les branches une trouée plus claire. Ce voyage
à travers la forêt cloîtrée par la brume poussait Grange peu à peu sur la pente de sa rêverie
préférée ; il y voyait l’image de sa vie : tout ce qu’il avait, il le portait avec lui ; à vingt pas, le
monde devenait obscur, les perspectives bouchées […]. Sur le plateau, où la chaussée
s’égouttait mal, les flaques des bas-côtés s’élargissaient déjà au travers du chemin, toutes
cloquées par l’averse qui redoublait de grosses bulles grises. Comme il levait les yeux vers la
perspective, il aperçut à quelque distance devant lui, encore à demi-fondue ; dans le rideau de
pluie, une silhouette qui trébuchait sur les cailloux entre les flaques.

III) Les choses, de Georges Pérec


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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Le sous-titre du roman : « une histoire des années soixante » situe le texte dans ces années dites « de la
société de consommation ». Jérôme et Sylvie passent à côté du bonheur authentique parce qu’ils croient que
le bonheur ne peut exister que dans la possession de « choses » ; aussi confondent-ils « l’avoirs-plus » et le
« mieux-être »

L’œil, d’abord, glisserait sur la moquette grise d’un long corridor, haut et étroit. Les murs
seraient des placards de bois clair, dont les ferrures de cuivre luiraient. Trois gravures,
représentant l’une Thunderbird, vainqueur à Epsom, l’autre un navire à aubes, le
Ville-de-Montereau, la troisième une locomotive de Stephenson, mèneraient à une tenture de
cuir, retenue par de gros anneaux de bois noir veiné, et qu’un simple geste suffirait à faire
glisser. La moquette, alors, laisserait place à un parquet presque jaune, que trois tapis aux
couleurs éteintes recouvriraient partiellement.

Ce serait une salle de séjour, longue de sept mètres environ, large de trois. A gauche, dans
une sorte d’alcôve, un gros divan de cuir noir fatigué serait flanqué de deux bibliothèques en
merisier pâle où des livres s’entasseraient pêle-mêle. Au-dessus du divan, un portulan
occuperait toute la longueur du panneau. Au-delà d’une petite table basse, sous un tapis de
prière en soie, accroché au mur par trois clous de cuivre à grosses têtes, et qui ferait pendant à
la tenture de cuir, un autre divan, perpendiculaire au premier, recouvert de velours brun clair,
conduirait à un petit meuble haut sur pieds, laqué de rouge sombre, garni de trois étagères qui
supporteraient des bibelots : des agates et des œufs de pierre, des boîtes à priser, des
bonbonnières, des cendriers de jade, une coquille de nacre, une montre de gousset en argent,
un verre taillé, une pyramide de cristal, une miniature dans un cadre ovale. Plus loin, après une
porte capitonnée, des rayonnages superposés, faisant le coin, contiendraient des coffrets et des
disques, à côté d’un électrophone fermé dont on n’apercevrait que quatre boutons d’acier
guilloché, et que surmonterait une gravure représentant le Grand Défilé de la fête du Carrousel.
De la fenêtre, garnie de rideaux blancs et bruns imitant la toile de Jouy, on découvrirait
quelques arbres, un parc minuscule, un bout de rue. Un secrétaire à rideau encombré de
papiers, de plumiers, s’accompagnerait d’un petit fauteuil canné. Une athénienne supporterait
un téléphone, un agenda de cuir, un bloc-notes. Puis, au-delà d’une autre porte, après une
bibliothèque pivotante, basse et carrée, surmontée d’un grand vase cylindrique à décor bleu,
rempli de roses jaunes, et que surplomberait une glace oblongue sertie dans un cadre d’acajou,
une table étroite, garnie de deux banquettes tendues d’écossais, ramènerait à la tenture de cuir.
Tout serait brun, ocre, fauve, jaune : un univers de couleurs un peu passées, aux tons
soigneusement, presque précieusement dosés, au milieu desquelles surprendraient quelques
taches plus claires, l’orange presque criard d’un coussin, quelques volumes bariolés perdus
dans les reliures. En plein jour, la lumière, entrant à flots, rendrait cette pièce un peu triste,
malgré les roses. Ce serait une pièce du soir. Alors, l’hiver, rideaux tirés, avec quelques points
de lumière – le coin des bibliothèques, la discothèque, le secrétaire, la table basse entre les
deux canapés, les vagues reflets dans le miroir – et les grandes zones d’ombres où brilleraient
toutes les choses, le bois poli, la soie lourde et riche, le cristal taillé, le cuir assoupli, elle serait
havre de paix, terre de bonheur.

IV) Une vie, de Guy de Maupassant


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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Jeanne épouse Julien de Lamarre, jeune vicomte ruiné mais qui possède « une de ces figures heureuses dont
rêvent les femmes ». Au cours du voyage de noces en Corse, Jeanne découvre le vrai visage de son mari,
celui d’un être avare, égoïste et frustré. De retour aux Peuples, l’exaltation fait place à la résignation.

Mais voilà que la douce réalité des premiers jours allait devenir la réalité quotidienne qui
fermait la porte aux espoirs indéfinis, aux charmantes inquiétudes de l’inconnu. Oui, c’était fini
d’attendre.
Alors plus rien à faire, aujourd’hui, ni demain, ni jamais. Elle sentait tout cela vaguement à
une certaine désillusion, à un affaissement de ses rêves.
Elle se leva et vint coller son front aux vitres froides. Puis, après avoir regardé quelque
temps le ciel où roulaient des nuages sombres, elle se décida à sortir.
Étaient-ce la même campagne, la même herbe, les mêmes arbres qu’au mois de mai ?
Qu’étaient donc devenues la gaieté ensoleillée des feuilles, et la poésie verte du gazon où
flambaient les pissenlits, où saignaient les coquelicots, où rayonnaient les marguerites, où
frétillaient, comme au bout de fils invisibles, les fantasques papillons jaunes ? Et cette griserie
de l’air chargé de vie, d’arômes, d’atomes fécondants n’existait plus.
Les avenues, détrempées par les continuelles averses d’automne, s’allongeaient, couvertes
d’un épais tapis de feuilles mortes, sous la maigreur grelottante des peupliers presque nus. Les
branches grêles tremblaient au vent, agitaient encore quelque feuillage prêt à s’égrener dans
l’espace. Et sans cesse, tout le long du jour, comme une pluie incessante et triste à faire pleurer,
ces dernières feuilles, toutes jaunes maintenant, pareilles à de larges sous d’or, se détachaient,
tournoyaient, voltigeaient et tombaient.
Elle alla jusqu’au bosquet. Il était lamentable comme la chambre d’un mourant. La muraille
verte, qui séparait et faisait secrètes les gentilles allées sinueuses, s’était éparpillée. Les
arbustes emmêlés, comme une dentelle de bois fin, heurtaient les unes aux autres leurs
maigres branches ; et le murmure des feuilles tombées et sèches que la brise poussait, remuait,
amoncelait en tas par endroits, semblait un douloureux soupir d’agonie.
De tout petits oiseaux sautaient de place en place avec un léger cri frileux, cherchant un
abri.

LES CHAMPS SÉMANTIQUES

I) Lisez cet extrait de Le parfum (histoire d’un meurtrier) de Patrick Süskind pour y repérer
les champs sémantiques qui contribuent à la création de cette ambiance particulière.

A l’époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les
modernes que nous sommes. Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l’urine, les cages
d’escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton ; les
pièces d’habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps

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PDL II - LF III et IV

graisseux, les courtepointes moites et le remugle âcre des pots de chambre. Les cheminées crachaient
une puanteur de soufre, les tanneries la puanteur de leurs bains corrosifs, et les abattoirs la puanteur du
sang caillé. Les gens puaient la sueur et les vêtements non lavés ; leurs bouches puaient les dents gâtées,
leurs estomacs puaient le jus d’oignons, et leurs corps, dès qu’ils n’étaient plus tout jeunes, puaient le
vieux fromage et le lait aigre et les tumeurs éruptives. Les rivières puaient, les places puaient, les églises
puaient, cela puait sous les ponts et dans les palais. Le paysan puait comme le prêtre, le compagnon tout
comme l’épouse de son maître artisan, la noblesse puait du haut jusqu’en bas, et le roi lui-même puait, il
puait comme un fauve, et la reine comme une vieille chèvre, été comme hiver. Car en ce XVIIIe siècle,
l’activité délétère des bactéries ne rencontrait encore aucune limite, aussi n’y avait-il aucune activité
humaine, qu’elle fût constructive ou destructive, aucune manifestation de la vie en germe ou bien à son
déclin, qui ne fût accompagnée de puanteur.

Et c’est naturellement à Paris que la puanteur était la plus grande, car Paris était la plus grande ville
de France. Et au sein de la capitale il était un endroit où la puanteur régnait de façon particulièrement
infernale, entre la rue aux Fers et la rue de la Ferronnerie, c’était le cimetière
des Innocents. Pendant huit cents ans, on avait transporté là les morts de
l’Hôtel-Dieu et des paroisses circonvoisines, pendant huit cents ans on y avait
jour après jour charroyé les cadavres par douzaines et on les y avait déversés
dans de longues fosses, pendant huit cents ans on avait empli par couches
successives charniers et ossuaires. Ce n’est que plus tard, à la veille de la
Révolution, quand certaines de ces fosses communes se furent dangereusement
effondrées et que la puanteur de ce cimetière débordant déclencha chez les
riverains non plus de simples protestations, mais de véritables émeutes, qu’on
finit par le fermer et par l’éventrer, et qu’on pelleta des millions d’ossements et
de crânes en direction des catacombes de Montmartre, et qu’on édifia sur les lieux une place de marché.

Or c’est là, à l’endroit le plus puant de tout le royaume, que vit le jour, le 17 juillet 1738, Jean Baptiste
Grenouille.

II) Lisez les textes ci-dessous, tirés de Parfums, de Philippe Claudel (2012), repérez les
champs sémantiques des 5 sens et répondez : Quelle sensation a été éveillée en vous ? Quelle est
l’atmosphère recherchée par l’auteur? Quels sens sont convoqués par le narrateur ? Quelles autres
sensations sont transmises par le narrateur ? Analysez les stratégies de l’auteur pour introduire les
descriptions.

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PDL II - LF III et IV

Ail
D’abord, le couteau entaille la gousse. Un couteau dont la lame évoque un très fin croissant de lune à
force d’avoir été aiguisée. Le même couteau que ma grand-mère – qu’on surnomme la Puce malgré sa
grosse taille -, sans remords et d’un geste précis, enfonce devant moi dans la gorge des lapins pour en
faire pisser le sang, et jamais je ne détourne les yeux, préférant cette franche tuerie à l’usage hypocrite
du bâton dont certains se servent pour assommer la bête. Mon père procède de la même façon. Je ne
rate aucune exécution. Me plaît particulièrement le moment où, après avoir pratiqué de brèves entailles
autour des pattes, il retourne la peau d’un coup, comme une chaussette, et la détache ainsi du corps
d’ivoire bleutée. Dans l’ail, dont la gousse à nu ressemble à une canine de fauve, l’instrument du crime
cisèle de minuscules cubes nacrés et un peu gras, qui n’ont guère le temps de libérer leurs arômes car
très vite ma grand-mère les précipite dans la poêle noire et bosselée sur le bifteck qui grésille déjà.
Explosion. Fumée de forge. Yeux qui piquent. La cuisine de la petite maison du numéro 18 de la rue des
Champs Fleury disparaît dans les nuages. Je salive. Odeur d’ail, de beurre brûlant, de viande dont le sang
et les sucs se transmuent en jus délicieux au contact des graisses en fusion. J’attends le ventre creux. À
table. Un couvert dans chaque main.. Un torchon de toile blanche noué autour de mon cou. Mes pieds ne
touchent pas encore le sol. Je suis le Petit Poucet mais je deviens l’Ogre du conte. J’ai devant moi le
temps de la vie. Grand-mère chasse le brouillard de gargote par une fenêtre qui donne sur la cour, et
verse dans mon assiette de faïence raccommodée, dont j’aime l’usure craquelée et le décor de chasse, le
bifteck cuit que nous sommes allés acheter le matin même chez le Petit Maire dont la boucherie se
trouve rue Carnot. Les cubes d’ail se sont racornis. Certains sont devenus roux, d’autres sépia, d’autres
encore ont un teint de caramel tandis que quelques-uns de jasmin.
Tous répandent sur la viande chaude et dorée leur miracle
impalpable. Grand-mère achève son œuvre en festonnant finement
avec ses ciseaux noirs de couturière un peu de persil qui chute sur la
viande, lui donnant une senteur d’herbe vivante, puis elle me
regarde en souriant. « Tu ne manges pas ? lui demande-je. –Te voir
manger me nourrit », répond-elle. Elle mourra quand j’aurai 8 ans.

Boum
Même si le plein jour au-dehors blanchit les façades, c’est la nuit qu’il nous faut. Fausse. Recréée de
toutes pièces avec les moyens du bord. Nous sommes jeunes, 16 ans à peine, et nous enterrons déjà.
Dans des caves. Des hangars condamnés. Des garages aux impostes bâchées. À la recherche de recoins

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sombres, d’angles morts, des canapés suffisamment défoncés pour que leurs accoudoirs puissent nous
servir de paravents. Se cacher des autres. Se caches de nous-mêmes, de notre peur d’approcher une fille,
de la sentir là, contre nous, de tenter de glisser notre main sur sa hanche, sur ses seins, de chercher ses
lèvres sans qu’elle voie ce bouton d’acné tendu à éclater, sur notre joue, la gauche. Ne rien voir donc. Et
ne rien laisser voir. Ne rien entendre non plus, afin que nos je t’aime s’étouffent sous les décibels de
MC5, des Ramones, de Patti Smith, de Téléphone, de Trust, des Clash ou des Sex Pistols. Nous pourrons
toujours prétendre ensuite ne jamais les avoir murmurés. Aveugles. Sourds. Muets ou presque. Avec
dans le ventre des crocs qui nous tordent les entrailles, oserai-je, n’oserai-je pas, et que les premiers
alcools peinent à repaître. Et puis danser, désarticuler son corps, en rythme ou pas, s’épuiser à danser
pour ne pas crever de toute cette énergie qui gémit en nous, qui trépigne en nous, et libérer alors nos
sueurs, nos humeurs, nos rages, dans la pièce borgne qui devient étouffante et c’est si bon d’étouffer, de
sentir sur soi cette chaleur aigre, animale, adolescente, de tee-shirts et de chemises qui collent à la peau,
qui s’empêtrent dans le brouillard des cigarettes, les bouffée de levure et de houblon, de jeunes corps,
de parfums de filles maquillées comme Nina Hagen, Kate Bush ou Lene Lovich, de déodorants de
garçons, de bouches fraîches, avec parfois des notes d’huile de vidange, de bidon d’essence, de
lubrifiant, de graisse de moteur, de white-spirit qui s’échappent du garage. Des heures ainsi, incertaines,
dans ces années giscardiennes raides, chauves et creuses, au bord du grand gouffre de la vie dans lequel
nous aspirons à nous jeter, petites bombes humaines, sans rien en savoir, sauvages, déchaînés et peu
inquiets, dégoulinant de rêves et d’amour, vomissant nos bières et le monde des adultes. Et plus tard,
titubant, le crâne éclaté de musique et d’alcool, les yeux rouges, retrouver tout cela dans la chemise
poisseuse qu’on enlève, rentré chez soi, souillée, saoulée, enfumée, embrassée, harassée, encore humide.
Comme nos lèvres et nos cœurs.

LA DESCRIPTION EN MOUVEMENT

Lisez cet extrait de Bel Ami de Guy de Maupassant afin d’y repérer les marques et le
fonctionnement de la description en mouvement :
I

Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant.

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PDL II - LF III et IV

Comme il portait beau, par nature et par pose d’ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache
d’un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards
de joli garçon, qui s’étendent comme des coups d’épervier.
Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges,
mal peignée, négligée, coiffée d’un chapeau toujours poussiéreux et vêtue toujours d’une robe de travers, et
deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette gargote à prix fixe.
Lorsqu’il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu’il allait faire. On était au
28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux dîners
sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux
sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt
centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le
boulevard. C’était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue
Notre-Dame-de-Lorette.
Il marchait ainsi qu’au temps où il portait l’uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu
entrouvertes comme s’il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine de
monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route. Il inclinait légèrement
sur l’oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. Il avait l’air de toujours
défier quelqu’un, les passants, les maisons, la ville entière, par chic de beau soldat tombé dans le civil.
Quoique habillé d’un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu
commune, réelle cependant. Grand, bien fait, blond, d’un blond châtain vaguement roussi, avec une
moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d’une pupille toute
petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne, il ressemblait bien au
mauvais sujet des romans populaires.
C’était une de ces soirées d’été où l’air manque dans Paris. La ville, chaude comme une étuve, paraissait
suer dans la nuit étouffante. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les
cuisines souterraines jetaient à la rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes infâmes des eaux de vaisselle et
des vieilles sauces.
Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes
cochères, et les passants allaient d’un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.
Quand Georges Duroy parvint au boulevard, il s’arrêta encore, indécis sur ce qu’il allait faire. Il avait envie
maintenant de gagner les Champs-Élysées et l’avenue du bois de Boulogne pour trouver un peu d’air frais
sous les arbres ; mais un désir aussi le travaillait, celui d’une rencontre amoureuse.

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Comment se présenterait-elle ? Il n’en savait rien, mais il l’attendait depuis trois mois, tous les jours, tous
les soirs. Quelquefois cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci, par-là, un peu
d’amour, mais il espérait toujours plus et mieux.
La poche vide et le sang bouillant, il s’allumait au contact des rôdeuses qui murmurent, à l’angle des rues :
« Venez-vous chez moi, joli garçon ? » mais il n’osait les suivre, ne les pouvant payer ; et il attendait aussi
autre chose, d’autres baisers, moins vulgaires.
Il aimait cependant les lieux où grouillent les filles publiques, leurs bals, leurs cafés, leurs rues ; il aimait
les coudoyer, leur parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir près d’elles. C’étaient des femmes
enfin, des femmes d’amour. Il ne les méprisait point du mépris inné des hommes de famille.
Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablé par la chaleur. Les grands cafés,
pleins de monde, débordaient sur le trottoir, étalant leur public de buveurs sous la lumière éclatante et crue de
leur devanture illuminée. Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, les verres contenaient des
liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ; et dans l’intérieur des carafes on voyait briller les
gros cylindres transparents de glace qui refroidissaient la belle eau claire.
Duroy avait ralenti sa marche, et l’envie de boire lui séchait la gorge.
Une soif chaude, une soif de soir d’été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides
coulant dans la bouche. Mais s’il buvait seulement deux bocks dans la soirée, adieu le maigre souper du
lendemain, et il les connaissait trop, les heures affamées de la fin du mois.
Il se dit : « Il faut que je gagne dix heures et je prendrai mon bock à l’Américain. Nom d’un chien ! que
j’ai soif tout de même ! » Et il regardait tous ces hommes attablés et buvant, tous ces hommes qui pouvaient
se désaltérer tant qu’il leur plaisait. Il allait, passant devant les cafés d’un air crâne et gaillard, et il jugeait
d’un coup d’œil, à la mine, à l’habit, ce que chaque consommateur devait porter d’argent sur lui. Et une colère
l’envahissait contre ces gens assis et tranquilles. En fouillant leurs poches, on trouverait de l’or, de la monnaie
blanche et des sous. En moyenne, chacun devait avoir au moins deux louis ; ils étaient bien une centaine au
café ; cent fois deux louis font quatre mille francs ! Il murmurait : « Les cochons ! » tout en se dandinant avec
grâce. S’il avait pu en tenir un au coin d’une rue, dans l’ombre bien noire, il lui aurait tordu le cou, ma foi,
sans scrupule, comme il faisait aux volailles des paysans, aux jours de grandes manœuvres.
Et il se rappelait ses deux années d’Afrique, la façon dont il rançonnait les Arabes dans les petits postes du
Sud. Et un sourire cruel et gai passa sur ses lèvres au souvenir d’une escapade qui avait coûté la vie à trois
hommes de la tribu des Ouled-Alane et qui leur avait valu, à ses camarades et à lui, vingt poules, deux
moutons et de l’or, et de quoi rire pendant six mois.
On n’avait jamais trouvé les coupables, qu’on n’avait guère cherché d’ailleurs, l’Arabe étant un peu
considéré comme la proie naturelle du soldat.
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PDL II - LF III et IV

À Paris, c’était autre chose. On ne pouvait pas marauder gentiment, sabre au côté et revolver au poing, loin
de la justice civile, en liberté. Il se sentait au cœur de tous les instincts de sous-off lâché en pays conquis.
Certes il les regrettait, ses deux années de désert. Quel dommage de n’être pas resté là-bas ! Mais voilà, il
avait espéré mieux en revenant. Et maintenant !... Ah ! oui, c’était du propre, maintenant !
Il faisait aller sa langue dans sa bouche, avec un petit claquement, comme pour constater la sécheresse de
son palais.
La foule glissait autour de lui, exténuée et lente, et il pensait toujours : « Tas de brutes ! tous ces
imbéciles-là ont des sous dans le gilet. » Il bousculait les gens de l’épaule, et sifflotait des airs joyeux. Des
messieurs heurtés se retournaient en grognant ; des femmes prononçaient : « En voilà un animal ! »
Il passa devant le Vaudeville, et s’arrêta en face du café Américain, se demandant s’il n’allait pas prendre
son bock, tant la soif le torturait. Avant de se décider, il regarda l’heure aux horloges lumineuses, au milieu de
la chaussée. Il était neuf heures un quart. Il se connaissait ; dès que le verre plein de bière serait devant lui, il
l’avalerait. Que ferait-il ensuite jusqu’à onze heures ?
Il passa. « J’irai jusqu’à la Madeleine, se dit-il, et je reviendrai tout doucement. »
Comme il arrivait au coin de la place de l’Opéra, il croisa un gros jeune homme, dont il se rappela
vaguement avoir vu la tête quelque part.
Il se mit à le suivre en cherchant dans ses souvenirs, et répétant à mi-voix : « Où diable ai-je connu ce
particulier-là ? »
Il fouillait dans sa pensée, sans parvenir à se le rappeler ; puis tout d’un coup, par un singulier phénomène
de mémoire, le même homme lui apparut
moins gros, plus jeune, vêtu d’un uniforme de hussard. Il s’écria tout
haut : « Tiens, Forestier ! » et, allongeant le pas, il alla frapper sur
l’épaule du marcheur. L’autre se retourna, le regarda, puis dit :
– Qu’est-ce que vous me voulez, monsieur ?
Duroy se mit à rire :
– Tu ne me reconnais pas ?
– Non.
– Georges Duroy du sixième hussards.
Forestier tendit les deux mains :
– Ah ! mon vieux ! Comment vas-tu ?
– Très bien, et toi ?

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PDL II - LF III et IV

VOCABULAIRE DE LA DESCRIPTION

VOCABULAIRE DES FORMES

Au moment de représenter des paysages ou des objets, certains verbes peuvent être utiles pour
évoquer les formes :

1) Si elles apparaissent distinctement sur un fond :


Se détacher : « On n’en voyait que la masse énorme se détacher d’un bloc sur le
ciel étoilé » (Zola)
Se découper (ou découper) : « À l’horizon,
les Alpilles découpent leurs crêtes fines »
(Daudot)
Se profiler : apparaître de profil ou en
silhouette.

2) Si elles sont à dominante horizontale :


S’allonger : « Au milieu du carrelage, la
table s’allongeait, massive »
S’étendre : « La plaine s’étendait devant
nous »
S’étaler : « la mer s’étale à l’horizon »

3) Si elles sont à dominante verticale :


S’élancer, s’élever, se dresser, jaillir, percer, pointer, émerger, dominer,
surplomber…
Exemples :
« Les obélisques gris s’élançaient d’un seul jet » (V. Hugo)
« Un clocher, au loin émergeait d’un pli de terrain » (Zola)
« La tour Antonia de son cube monstrueux dominait Jérusalem » (Flaubert)
« La falaise saillie surplombe la mer »

4) Si elles sont massives :


Se tasser : Les maisons basses se tassaient autour du clocher » (Maupassant)
Epaissir : « Les taillis épaississaient leurs masses profondes (Genevoix)
Se masser : « Les larges bâtiments se massaient dans l’ombre »

5) Si elles sont courbes :


Se courber, se recourber, onduler,
Serpenter, sinuer (le fleuve, le chemin)
Entourer, couronner, ceindre.

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PDL II - LF III et IV

COMMENT NOMMER ET CARACTÉRISER LES FORMES

TYPES DE FORMES NOMMER CARACTÉRISER


1. Formes à - Une plaine (basse altitude), un La rase campagne (plate et découverte),
dominante plateau (haute altitude), une nappe une étendue uniforme, une plaine unie,
horizontale d’eau, un plan d’eau une mer étale, un terrain aplani par les
- Une esplanade, une plateforme bulldozers, un sol plat, horizontal, une
cour bien nivelée.
2. Formes à - Un escarpement, un abrupt (idée - Une pente raide, une falaise abrupte, un
dominante verticale de verticalité croissante entre ces monticule escarpé, les bords à pic d’un
noms) gouffre.
- Une falaise, une paroi rocheuse,
une muraille de granit
- La flèche du clocher, l’aiguille de
glace, le pic, le piton.
3. Formes aiguës - Flèche, aiguille, pic, crête. - Hérissé, déchiqueté, pointu, aigu, acéré,
anguleux.

4. Formes massives - Une masse de verdure, un bloc de - Une épaisse masse, une lourde bâtisse,
pierre, un cube de maçonnerie, un un bloc énorme, une silhouette trapue
quartier de roc, une pyramide (grosse et courte).
d’oranges.

5. Formes courbes - Courbes ouvertes : les sinuosités - Formes rondes : rond, arrondi, circulaire,
ou les méandres de la rivière, les annelé.
volutes de fumée, les spirales, le - Formes courbées : courbé, arqué, coudé,
serpentin de l’alambic, un chemin cintré, cambré, voûté, sinueux, onduleux.
en lacets ou en épingles à cheveux, - Formes bombées : bombé, bossu,
le croissant de l’arc, le cintre, la bosselé, renflé, convexe, concave.
voûte, les torsades…
- Courbes fermées : rond, cercle,
cerceau, anneau, couronne, disque,
ellipse, ovale, halo…

- Volumes courbes : sphère, globe - Globuleux, cylindrique, sphérique,


de l’œil, bulbe de l’oignon, dôme ovoïde, fuselé.
des invalides, coupole…

VOCABULAIRE POUR DÉCRIRE DES PAYSAGES

MOT DÉFINITION EXEMPLES ET CITATIONS

VUE D’ENSEMBLE
Partie d’un pays que la nature présente à
Paysage champêtre, méditerranéen, urbain.
Paysage un observateur.
Contempler, admirer un beau paysage.
> site, vue

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Site grandiose" C’est très rare en Amérique


Paysage considéré du point de vue de
Site que les sites remarquables ne soient pas
l’esthétique, du pittoresque.
classés et protégés. " (Beauvoir)
B. ce qui est vu
Les plus belles vues des pays avoisinants, des
1. Étendue de ce qu’on peut voir d’un lieu.
plages ou des forêts " (Proust)
Vue > panorama, perspective> paysage
Vue imprenable
3. La vue de..., la perception visuelle de...
On a une vue étendue
> image, spectacle, vision
Admirer le panorama
Vaste paysage que l’on peut contempler de
" le panorama qui se déroule est fort beau ;
Panorama tous les côtés ; vue circulaire.
d’un côté les Vosges, de l’autre les montagnes
> vue
de la forêt Noire " (Nerval)
Aspect (surtout esthétique) que présente
un ensemble architectural, un paysage vu " l’une des plus tristes perspectives qu’on
Perspective d’une certaine distance. puisse avoir devant les yeux : l’étroite cour
> vue d’une longue maison " (Musset)
> horizon
Ensemble de choses ou de faits qui
" Des vers que nous inspirait le spectacle de
Spectacle s'offrent au regard.
la nature " (Chateaubriand)
> aspect, tableau
" L’horizon calme, avec ses bois, ses maisons,
Les parties de la surface terrestre et du
ses coteaux " (Montherlant)
ciel voisines de l’horizon visuel.
Interroger, scruter l’horizon
A l’horizon = au loin, dans le lointain
Horizon Un vaste horizon
Espace visible au niveau de l’horizon
Chaîne de montagne qui borne, limite, ferme
> distance, étendue
> paysage, vue
l’horizon
De ce lieu, on embrasse un immense horizon.
La plaine " dont le tableau changeant se
Image, scène réelle qui évoque une déroule à mes pieds « (Lamartine) »
Tableau
représentation picturale. L’étonnante mélancolie de ce tableau "
(Chateaubriand)

DE LA PLAINE A LA MONTAGNE : LES RELIEFS


Relief accidenté, escarpé, émoussé
Forme d’une surface qui comporte des Les formes du relief
Relief saillies et des creux. a) > dépressions, plaines
Forme de la surface terrestre b) > plateaux
c) > montagnes, massif, vallées
Étendue de pays plat ou faiblement La plaine de Beauce, couverte de champs de
Plaine ondulé, généralement assez vaste, et blé
moins élevée que les pays environnants Pays de plaines
Petite élévation de terrain de forme
arrondie
> éminence, hauteur Le sommet, le pied d’une colline
Colline
Petite colline > butte, coteau A flanc de colline
Montagnes et collines > relief
Colline très arrondie > mamelon
a) Le sommet
Sommet aigu > aiguille, cime, pic, piton,
1. Importante élévation de terrain
Montagne pointe
> éminence, hauteur, mont, rocher
Sommet arrondi > ballon, croupe,
mamelon

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PDL II - LF III et IV

> crète, faîte

b) Les versants
Flancs, pente, versant d’une montagne
> escarpement

c) Dimensions
Base, pied d’une montagne
Altitude d’une montagne
2. Les montagnes, la montagne :
Pays de montagne
ensemble de montagnes (chaîne,
Torrent de montagne
massif) ; zone, région de forte altitude
Lacets d’une route de montagne
(opposé à plaine)
3. géog. > relief
Extrémité pointue (d’un arbre, d’un
rocher, d’une montagne) Grimper jusqu’à la cime d’un sapin.
Cime
> faîte, sommet Cimes neigeuses d’une chaîne de montagnes
> aiguille, arête
" La vallée semble fermée de toutes parts, par
Espace allongé entre deux zones plus élevé
Vallée à une vasque de terre cachée entre des colline
> val, vallon, combe, gorge, ravin
boisées " (Suarès)

LES PAYSAGES DU BORD DE MER


Vaste étendue d’eau salée qui couvre une
Bord de mer
Mer grande partie de la surface du globe.
> côte, littoral, rivage
> océan
Côte sablonneuse
Rivage de mer > grève, plage
Côte
> bord, littoral Côte escarpée
> falaise
D’innombrables campings bordent cette partie
Qui appartient à la zone de contact entre du littoral atlantique.
Littoral
la terre et la mer. Il fait plus frais sur le littoral que dans
l’intérieur des terres.
Partie de la terre qui borde une mer ou un Le rivage est parsemé de galets sur lesquels
Rivage
lac (dans ce cas, on dit plutôt rive) s’accrochent des algues.

POUR LA DESCRIPTION EN MOUVEMENT

1. Les verbes de mouvement

Dans un récit, on emploie beaucoup de verbes de


mouvement pour raconter les actions que font les
personnages.
Ces verbes de mouvement donnent des informations sur la nature du mouvement effectué mais
aussi sur l'intention ou encore sur l'état psychologique et physique du personnage qui l'effectue.
Évitez d'employer le verbe "faire", qui en tant que verbe passe-partout manque de précision,
et cherchez à caractériser le mieux possible le mouvement grâce à un verbe plus précis.
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PDL II - LF III et IV

a. Nature du mouvement

Les verbes peuvent exprimer plusieurs natures de mouvement:

b. État psychologique du personnage

Bien souvent les verbes de mouvements traduisent les différents sentiments des personnages :

2. Les verbes de perception

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Dans un récit, on se sert souvent d'un personnage pour présenter un lieu ou un objet. On précise
alors ce que le personnage perçoit de ce lieu ou de cet objet grâce à des verbes de perception. Ils
permettent d'exprimer les sensations du personnage, c'est–à–dire les impressions qu'il ressent par
l'intermédiaire des cinq sens : la vue, l'ouïe, le goût, le toucher et l'odorat.
Les verbes de perception sont donc principalement utilisés dans les descriptions. Et ils
peuvent nous aider dans la construction de notre portrait de personnage.

L'essentiel

Les verbes de mouvement sont prédominants dans les textes narratifs ; ils permettent de
raconter les actions que font les personnages. Ils nous permettent également de dynamiser des
séquences descriptives : les descriptions en mouvement.

Les verbes de perception se trouvent en grand nombre dans les descriptions car leur emploi
dans ce type de texte permet de préciser les sensations des personnages : ce qu'ils voient, ce
qu'ils entendent ou ce qu'ils sentent grâce à la vue, à l'ouïe ou à l'odorat.

Ces deux types de verbes donnent des indications sur la nature du mouvement et de
la perception mais aussi sur l'état psychologique ou physique du personnage.
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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

CHAMPS SÉMANTIQUE DE LA VUE ET DE LA LUMIÈRE

LA VUE : faculté de voir la lumière, les formes, les couleurs, les reliefs.

Aveugle
Borgne : qui n’a qu’un œil
Regarder quelque chose
Apercevoir quelque chose
Entrevoir quelque chose : voir imparfaitement
Considérer quelque chose : regarder attentivement
Observer quelque chose : étudier avec soin, surveiller, épier, examiner
Scruter quelque chose : examiner attentivement
Contempler quelque chose : regarder attentivement, avec admiration
Couver quelque chose des yeux : regarder intensément avec affection ou envie
Dévisager quelqu’un : regarder longuement et attentivement le visage de quelqu’un
Fixer quelque chose
Lorgner quelque chose : regarder avec insistance ou envie
Guigner quelque chose : regarder du coin de l’œil ou avec envie
Toiser quelqu’un : regarder avec mépris
Se mirer (litt.) : se regarder

LA LUMIÈRE

-tamisée : douce, voilée


-diffuse : qui est répandue dans toutes les directions
-froide : qui n’a pas d’éclat
-blafarde : très pâle
-vacillante : qui scintille faiblement, qui tremble
-éblouissante
-crue : que rien n’adoucit, vive

Un rayon : trace de lumière en ligne ou en bande


Une lueur : lumière faible
Un filet de lumière : très faible lumière
Une clarté : lumière
L’éclat : intensité d’une lumière vive et brillante
Un embrassement (litt.) : illumination générale
Un reflet
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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Un flot de lumière
Lumineux brillant, éclatant
Incandescent : rendu lumineux par une chaleur intense
Chatoyant : qui a des reflets changeants
Flamboyant : qui produit un éclat vif, rutilant
Terne : sans éclat, face
Mat : qui n’est pas brillant
Opaque : qui ne laisse pas passer la lumière, très sombre
Diaphane : qui laisse passer la lumière sans laisser distinguer la forme des objets, translucide
Phosphorescent : qui émet une lueur dans l’obscurité
Illuminer : éclairer d’une vive lumière
Luire : briller
Scintiller : Jeter de l’éclat par intervalles, étinceler
Miroiter : réfléchir la lumière en jetant des reflets scintillants
Rayonner : émettre des rayons lumineux
Rutiler : briller d’un vif éclat
Clignoter : s’allumer et s’éteindre alternativement

Quelques exemples d’usage :


« L'acheteur dévot : il fait une confiance aveugle au vendeur, car il est dépassé par le produit. » (Michel
Houellebecq, Plateforme)
« Il réfléchit un moment, regarda le plafond, la table de conférences à sa droite, avant de fixer à nouveau
son regard sur Jean-Yves » (M. Houellebecq, Plateforme)
« Deux gardes armés de mitraillettes patrouillaient derrière le portail, qui était apparemment la seule
issue. Patrick leur fit signe, ils déverrouillèrent le portail, s'approchèrent, me dévisagèrent
soigneusement avant de nous laisser passer. « C'est nécessaire... me dit Patrick d'une voix toujours aussi
éthérée. Les journalistes... » (M. Houellebecq, La Possibilité d’une île)

« C’est lui que le commandant Forzinetti nous représente armé d'une lanterne sourde, voulant se faire
introduire près de l'accusé endormi, pour projeter sur son visage un brusque flot de lumière et
surprendre ainsi son crime, dans l'émoi du réveil. » (E. Zola, J’accuse)

« Éblouie par le soleil, j'ai scruté l'ombre de la galerie. J'ai entendu une voix claire » (Le Clézio, Poisson
d’or)
« Personne ne regarde personne, mais moi je lorgne leurs dos fatigués, leurs seins, leur peau aune,
grise, chocolat, leurs ventres cousus de cicatrices violettes, leurs jambes variqueuses » (Le Clézio,
Poisson d’or)
« Puis je remets mon jean noir, ma chemise écarlate et mon béret, et je m'en vais. Ce que je cherche, c'est
mon reflet dans les miroirs. Il me fait peur, et il m'attire. C'est moi, et ce n'est plus moi » (Le Clézio)
« Il y avait une lueur rouge au-dessus de la ville, comme une cloque » (Le Clézio)

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

EXERCICES

1 Remplacez les expressions en gras par un synonyme plus précis. Plusieurs solutions sont possibles.
a. Michel aime s’asseoir dans son jardin pour regarder le soleil qui se couche.
b. Dans les tribunes, les supporters des deux équipes adverses se regardent de haut.
c. Le marin regarde attentivement l’horizon.
d. J’ai à peine vu un chevreuil qui s’enfuyait dans la forêt.
e. Pendant le spectacle de fin d’année, Stéphanie regarde ses enfants avec amour
f. Je n’aime guère les inconnus qui me regardent avec insistance dans le métro

2 Complétez les nuances des verbes :

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

CHAMP SÉMANTIQUE DU BRUIT

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

EXERCICES

Complète les phrases en choisissant parmi les mots


suivants : assourdir, bruissement, cacophonie, charivari,
chuintement, clapotis, cliquetis, crépitement, crissement,
détonation, discordant, fracas, grave, grésillement,
gronder, rumeur, strident, timbre, tinter, vrombissement.

1. Son continu et assourdi, analogue à celui du son « ch ».


Un ________________ venant du moteur nous signale que le système de refroidissement ne
fonctionne plus.

2. Bruit produit par le frottement d'un objet dur sur une surface lisse.
Le ________________ de la voiture qui s'arrête brutalement fait penser à une série américaine.

3. Bruit d'explosion soudain et violent.


Une forte ________________ retentit brusquement faisant sortir les habitants et aboyer les chiens.

4. Bruit très fort d'objets qui se brisent ou qui tombent.


Les piles de chaises, poussées par un maladroit, s'écroulèrent dans un ________________
assourdissant.

5. Bruit faible, léger, confus et continu.


En approchant de la ruche, on entendait le ________________ des abeilles au travail.

6. Bruit caractéristique de petites vagues.


A la marée montante, les petites vagues battent le rocher avec un léger ________________.

7. Petits bruits secs, légers, rapides, caractéristiques de la graisse qui fond.


J'entends le ________________ du lard : Loïc prépare une quiche.

8. Bruit assourdi et lointain.


En ville, la nuit n'est jamais totalement silencieuse : une indéfinissable ________________ subsiste en
permanence.

9. Ronflement irrégulier d'un moteur tournant à haut régime.


Loïc joue avec ses petites voitures et s'amuse à imiter le ________________ des voitures de course.

10. Émettre un son grave et menaçant.


Dans la tempête, le vent hurle, le tonnerre ________________, la pluie cingle les voiles du bateau.

11. Produire des sons clairs qui se succèdent lentement.


« Entends-tu ________________ les clochettes des chèvres dans la montagne ?

12. Mélange sans aucune harmonie de bruits ou de voix.

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Au réveillon, les invités se sont amusés avec de petites trompettes et des crécelles, ce qui a fait
une belle ________________.

13. Ensemble de petits bruits secs et clairs produit par des objets qui s'entrechoquent.
Le ________________ des couverts indique que l'on met la table pour le banquet.

14. Mélange de cris et de huées indiquant un grand désordre.


La classe de quatrième a fait un grand ________________ pour la fin de l'année.

15. Petits bruits secs et clairs comme de petites explosions.


Dans les fourrés desséchés par la chaleur, le promeneur entendit les ________________ du feu.

16. Qualité spécifique d'un son.


Loïc aime le ________________ des cuivres dans la musique de ce groupe.

17. Rendre moins sonore.


J'avance dans la neige qui ________________ le bruit de mes pas.

18. Se dit des sons correspondant aux notes basses de la gamme.


Le son ________________ de la sirène annonce que le bateau quitte le port.

19. Qualifie un son aigu, perçant, intense.


Il fait très chaud. Le bruit ________________ des cigales nous perce les oreilles.

20. Se dit des sons qui ne s'accordent pas entre eux.


Les musiques des différents manèges de la fête foraine forment un ensemble ________________.

L’EXPRESSION DES SENTIMENTS ET DES ÉMOTIONS

Éprouver, sentir, ressentir, expérimenter… ces verbes renvoient aux


émotions. Souvent, on a du mal à mettre en mots nos ressentis. Lorsqu’on
ressent une émotion, on est ému, troublé, touché… Voici un lexique qui vous
permettra de vous familiariser avec ce vocabulaire émotionnel et identifier plus
facilement les sentiments. En ayant matière à trouver les mots, vous saurez
mieux transmettre les émotions de vos personnages.

Les émotions simples ont trait aux besoins et se divisent en deux grandes
classes :

Positives elles indiquent que le besoin est comblé


Négatives elles signalent que le besoin n’est pas comblé

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

(+) Positives : indiquant la satisfaction


Par rapport au besoin Par rapport au D’anticipation
responsable
agrément adorer désir
contentement affection énervement
délectation attendrissement envie
émerveillement chérir excitation
enchantement fierté
euphorie tendresse
joie
jouissance
heureux
plaisir
ravissement
volupté

(-) Négatives : indiquant l’insatisfaction


Par rapport au besoin Par rapport au D’anticipation
responsable
amertume abhorrer effroi
chagrin agressif épouvante
désœuvrement choqué frayeur
douleur colère peur
ennui dégoût terreur
envie détester
mécontentement enragé
mélancolie vague exaspération
nostalgie exécrer
peine fureur
tristesse haine
impatience
rage
révolté

LES 4 ÉMOTIONS DE BASE

La PEUR 😨
Angoissé – Anxieux – Appréhension (avoir de l’) – Coincé – Confus –
Coupable – Craintif – Défensive (sur la) – Désorienté – Effrayé –
Épouvanté – Faible – Fourbe – Frousse (avoir la) – Harcelé – Horrifié –
Incertain – Inhibé – Inquiet – Méfiant – Nerveux – Paniqué – Pessimiste – Perdu – Prudent –
Secoué – Soucieux – Tendu – Terrifié – Timide – Timoré – Traumatisé – Troublé – Vulnérable

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Expressions de PEUR : ressentis et couleurs

Avoir le/la Aucun son ne sort de ma bouche


gorge sèche, nouée Hurler de terreur
souffle coupé, de la peine à respirer Ne plus tenir sur ses jambes
chair de poule, les poils qui se hérissent Prendre ses jambes à son cou, fuir à toutes
cheveux dressés sur la tête jambes
jambes coupées, en coton Trembler comme une feuille
le sang qui se glace, qui ne fait qu’un tour Frissonner de peur
des sueurs froides, les mains moites Claquer des dents
le cœur battant Ça fait froid dans le dos
une peur bleue Se faire tout petit

Être
cloué sur place, pétrifié, paralysé
plus mort que vif
vert de peur
blanc comme un linge

La TRISTESSE 😢
Abattu – Affligé – Apathique – Blessé – Bouleversé – Cafardeux – Chagriné – Découragé –
Déçu – Dégoûté – Déprimé – Désespéré – Embarrassé – Ennuyé – Éteint – Fatigué – Honteux –
Humilié – Inadéquat – Inintéressant – Isolé – Lugubre – Malheureux – Meurtri – Nostalgique –
Navré – Paumé – Pessimiste – Prostré – Résigné – Submergé – Tourmenté – Triste – Vaincu –
Vidé

Expressions de TRISTESSE : ressentis et couleurs

Avoir Errer, se traîner comme une âme en peine


la mort dans l’âme Baigner dans la tristesse
le vague à l’âme Triste comme un bonnet de nuit
une tête d’enterrement Faire triste mine, morne figure
un regard morose, éteint Broyer du noir
une boule dans la gorge Rire jaune, rouge de honte
la gorge serrée Être pâle comme la mort
le cœur gros Triste comme le ciel noir
des bleus à l’âme Faire grise mine
du bleu au cœur
En avoir gros sur le cœur, sur la patate

La COLÈRE 😠
Agacé – Agité – Agressif – Amer – Aversion (avoir) – Choqué – Contracté – Contrarié –
Courroucé – Critique – Dérangé – Dur – Énervé – Envieux – Exaspéré – Excité – Fâché – Frustré

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

– Furieux – Haineux – Hostile – Hystérique – Insatisfait – Irrité – Jaloux – Mécontent – Mesquin


– Outré – Proteste (qui) – Rancunier – Renfrogné – Révolté – Sauvage – Suffisant – Vexé

Expressions de COLÈRE : ressentis et couleurs

s’énerver, s’emporter, se fâcher Les traits déformés de colère


se mettre en colère, bouillir de colère, La voix rauque de colère
entrer dans une colère noire, Bégayer de colère
s’enrager, rougir de colère, Avoir le sang qui bout
être furieux, être indigné, Trembler de colère
s’irriter Trépigner de colère
S’emporter de colère, s’enflammer Suffoquer de colère
Fumer, exploser de colère Ne plus contrôler ses nerfs
Piquer une colère Sortir de ses gonds
Faire les gros yeux
Une colère qui fait monter le sang à la tête Être vert de rage
Avoir la moutarde qui monte au nez Se fâcher tout rouge, voir rouge
Avoir le sang qui monte au visage Entrer dans une colère noire
La voix blanche de colère

La JOIE 😄
Affectueux – Agréable – Allègre – Amical – Amusé – Bon – Chaleureux – Chanceux – Comblé
– Confortable – Content – Décontracté – Enchanté – Entrain (plein d’) – Enthousiaste –
Euphorique – Exubérant – Fier – Forme (en) – Gai – Harmonie (en) – Heureux – Jovial – Joyeux –
Libre – Lumineux – Motivé – Nourri – Optimiste – Passionné – Ravi – Reconnaissant – Satisfait –
Stimulé – Transporté

Expressions de JOIE : ressentis et couleurs

Être au comble de ses vœux, de la joie rayonner de bonheur


Nager dans la joie. Mettre du baume au cœur
Être aux anges, au septième ciel. Bondir, sauter, pleurer de joie
Bondir, sauter de joie. Avoir la joie au cœur
Heureux comme un poisson dans l’eau Pleurer de joie, des larmes de joie
Heureux comme un oiseau dans l’air Baigner dans l’allégresse
Sourire jusqu’aux oreilles Se sentir pousser des ailes
Le cœur saute de joie Avoir le cœur léger
se réjouir, rire, Voir la vie en rose
éclater de rire, Se mettre au vert (se reposer)

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

EXERCICES

I) Pensez à une expérience d’émotion extrême dans votre vie. Pouvez-vous la décrire en français ?

II) Observez ces photos. Imaginez la situation et les émotions ressenties par les protagonistes de ces
évènements. Écrivez un passage descriptif ou un dialogue à ce sujet.

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

LE PORTRAIT

Dans le portrait, le lecteur peut mieux connaître le


personnage grâce à son identité (son âge, son sexe,
…), son aspect physique, son caractère (portrait
moral), son rôle social (son origine sociale, sa
profession), ses actions, la manière dont il parle, ce que
disent de lui les autres personnages tout au long du
récit.

Le portrait, le dialogue, la description du cadre de


vie, les pensées… le romancier utilise ces procédés
pour faire exister et caractériser des personnages.

Avant de rédiger un portrait, il faut tout d'abord se demander quels indices permettent d’établir
l’identité d’un personnage. Même si tous ces indices ne seront pas retenus, il convient d'élaborer une
fiche les contenant avec le plus de détails possibles. Plus le personnage sera pensé, imaginé, construit
(comme si c'était une personne que l'on connait bien), plus il sera facile ensuite de retenir les éléments
pertinents à prendre en compte dans la narration.

1. L’identité : nom, prénom, âge, nationalité, famille, lieu de résidence, activité, surnom…

2. Le physique : particularités physiques, détails donnant vie au personnage, manière de bouger,


allure générale, habitudes vestimentaires.

3. La psychologie du personnage : caractère, réactions, comportement, pour expliquer le rôle que


le personnage joue dans le récit, et cela de façon directe ou indirecte :

Indices directs : apportés par le narrateur, un autre personnage, ou par le héros…


Indices indirects : geste, parole, action, habitudes

A retenir : En bref, brosser le portrait d’un personnage, c’est donner des indications de 3 ordres
différents : identité, physique et psychologie (caractère), auxquels peuvent s’ajouter des indices
sociaux en général plutôt connotés.

Il faudra ensuite sélectionner les éléments utiles pour la narration. En d'autres termes, les éléments
qui seront au service du récit, le rendront plus évident, plus parlant. Le choix s'opère entre éléments à
mettre en relief afin que le lecteur saisisse pleinement le personnage et des éléments à éliminer car ils
ne pourront assumer aucune fonction pertinente dans le récit. La question à se poser finalement est :
en tant que narrateur, qu'est-ce que je veux transmettre de mes personnages ? De la même manière que
lorsque nous lisons, nous cherchons à capter avec la plus grande acuité possible ce que le narrateur a

160
IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

voulu nous transmettre de ses personnages à travers ses différents aspects (explicitement ou
implicitement).

LE VOCABULAIRE DU PORTRAIT
Fixer l'aspect général du personnage :

L'air, l'apparence, la mine : un air sympathique, antipathique, accueillant, rébarbatif, hostile, froid, glacial,
souriant, poli, courtois, modeste, fier, orgueilleux, hautain, arrogant, timide, décidé, résolu, sûr de lui.

L'allure, la tournure, le maintien, la prestance : dégagé, svelte, sportif, élégant, imposant, majestueux,
gauche, embarrassé. Se tenir, se présenter, se pavaner, plastronner.

La démarche, la dégaine : Avancer à grands pas, à petits pas, à pas de loup, marcher d'un pas vif, décidé,
à pas lents.
Se déhancher, se dandiner, se dégingander.
Démarche ferme, assurée, chancelante, hésitante, mal assurée, lente, précipitée, rapide, alerte, lourde,
pesante.

La taille
Grande, haute, élevée, gigantesque, petite.
Grand et mince, élancé, svelte.
Grand et maigre, un escogriffe.
Grand et mal bâti, un échalas.
Grand et fort, d'une haute stature, colossal, corpulent.
Petit et gros, courtaud.
Petit et large, trapu.
Petit et large de dos, râblé.
Très petit, lilliputien, nain, nabot.

La grosseur
Corpulent (grand et gros), carrure (largeur du dos), l'embonpoint (gros sans excès).
Gros sans excès bien en chair, corpulent.
Gros avec excès, replet, empâté, lourd, épais, obèse, bedonnant, rond de formes, rebondi, rondelet, dodu.
Mince, svelte, élancé.
Maigre, sec, ascétique, décharné, squelettique.

La force, la vigueur, la robustesse


Résistant à l'effort, la maladie, solide, robuste.
Capable d'agir vigoureusement, fort, vigoureux, puissant.
Bâti en force, musclé, athlétique, colossal, herculéen.
Faible d'apparence, frêle, chétif, grêle, fluet, un gringalet.
Peu résistant à la maladie, malingre, d'une santé délicate, maladif, souffreteux.
Affaibli par l'âge ou les privations, débile, épuisé.

Évoquer un visage :

Le visage : la figure, la face, la physionomie (expression), la mine (en rapport avec la santé), les traits, le
minois, la frimousse (pour les enfants).

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

L'expression du visage : gaie, triste, mélancolique, sympathique, antipathique, ouverte, fermée, éveillée,
vive, impénétrable, impassible, souriante, renfrognée, revêche, rébarbative, intelligente, inintelligente,
expressive, inexpressive, morne.

La forme générale : ronde, arrondie, triangulaire, rectangulaire, pleine, empâtée, lourde, bouffie, joufflue,
maigre, creuse, anguleuse, osseuse, émaciée, ascétique, ridée, plissée, parcheminée.

Le teint : pâle, blême, blafard, livide, terreux, cireux, jaunâtre, coloré, frais, rose, clair, éclatant, lumineux,
rougeaud, congestionné, cramoisi, rubicond, bronzé, bruni, hâlé, basané, hâve, pâle et

Les Yeux :
Forme : saillants, globuleux, à fleur de tête, ronds, allongés, en amande, étirés, bridés, petits, enfoncés,
encaissés.
Couleur : sombres, clairs, noirs, bruns, marrons, noisette, verts, bleus, pers (entre vert et bleu), glauques
(vert tirant sur le bleu).
Éclat : vifs, étincelants, brillants, luisants, ternes, éteints, vitreux.
Regard : vif, aigu, perçant, scrutateur, vague, distrait, morne, éteint, inexpressif, soucieux, préoccupé.

La bouche : large, étroite, pincée, rieuse, sensuelle, expressive, charnue.

Le nez : court, mince, allongé, long, saillant, proéminent, aquilin (en bec d'aigle), camus (plat et comme
écrasé), bourbonien, busqué (d'une courbure accentuée), crochu, tombant, écrasé, aplati, pointu,
rectiligne.

Le front : ample, haut, large, dégagé, court, étroit, bas, fuyant.

Les cheveux : rares, clairsemés, abondants, fournis, épais, frisés, ondulés, bouclés, crépus, hérissés, plats,
bien peignés, peignés à la raie, en brosse, rejetés en arrière, noirs, bruns, châtains, roux, blonds, gris,
grisonnants, blancs, auburn (châtain roux aux reflets cuivrés), longs, courts, en désordre, emmêlés,
ébouriffés, hirsutes (hérissés et mêlés).

La barbe : la barbiche, le collier, les favoris, la moustache, imberbe (qui n'a pas de barbe), glabre
(naturellement dépourvu de poils), une barbe courte, taillée, longue, épaisse, en broussaille.
Autres caractéristiques
Les gestes
Vifs, rapides, précipités, nerveux, lents, posés, larges, amples.
Gesticuler, s 'agiter, se démener

La voix
Intonation, inflexions, timbre, accent, articulation, débit, diction.
Hauteur : grave, basse, caverneuse, sépulcrale, aiguë, perçante, criaillante, criarde.
Intensité : forte, sonore, puissante, retentissante, tonitruante, éclatante, faible, sourde, étouffée.
Timbre : clair, vibrant, chaud, métallique, mélodieux, nasillard, enroué, rauque, guttural, chevrotant,
doux, rude.
Articulation : bien articuler, avaler ses mots, bégayer, bafouiller, bredouiller.
Une voix ferme, nette, coupante, traînante.
Élocution : s'exprimer avec aisance, parler d'abondance, avoir de la faconde, chercher ses mots, hésiter.

Le caractère : doux, docile, aimable, sociable, ombrageux, agressif, emporté, volontaire, déterminé,
tenace, faible, violent, timide, discret, réservé, malicieux, rusé, orgueilleux.

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

EXEMPLES DE PORTRAITS

La Rochefoucauld - Portrait du duc de La Rochefoucauld fait par lui-même

J'ai le teint brun, mais assez uni ; le front élevé et d'une raisonnable grandeur ; les yeux noirs, petits et
enfoncés, et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. Je serais fort empêché de dire de quelle sorte
j'ai le nez fait, car il n'est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu (...) tout ce que je sais c'est qu'il est plutôt
grand que petit, et qu'il descend un peu trop bas. J'ai la bouche grande et les lèvres assez rouges
d'ordinaire, et ni bien ni mal taillée. J'ai les dents blanches et passablement bien rangées. On m'a dit
autrefois que j'avais un peu trop de menton : je viens de me regarder dans le miroir pour savoir ce qu'il en
est, et je ne sais pas trop bien qu'en juger. Pour le tour du visage je l'ai carré ou en ovale ; lequel des deux,
il me serait fort difficile de le dire. J'ai les cheveux noirs, naturellement frisés, et avec cela épais et assez
longs.

Victor Hugo - Notre Dame de Paris

Nous n'essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre, de cette bouche en fer à
cheval, de ce petit œil gauche obstrué d'un sourcil roux en broussailles, tandis que l'œil droit disparaissait
entièrement sous une énorme verrue; de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme des
créneaux d'une forteresse; de cette lèvre colleuse, sur laquelle une de ces dents empiétait comme la
défense d'un éléphant, de ce menton fourchu; et surtout de la physionomie répandue sur tout cela; de ce
mélange de malice, d'étonnement et de tristesse. Qu'on rêve, si l'on peut, cet ensemble.

Proper Mérimée - Carmen

Sa peau, parfaitement unie, approchait fort de la teinte du cuivre. Ses yeux étaient obliques, mais
admirablement fendus ; ses lèvres, un peu fortes, mais bien dessinées et laissant voir des dents plus
blanches que des amandes sans leur peau.
Ses cheveux, peut-être un peu gros, étaient noirs, à reflets bleus comme l'aile de corbeau, longs et
luisants.

Jules Vallès - L'enfant

Elle a bien soixante-dix ans et elle doit avoir les cheveux blancs ; je n'en sais rien ; personne n'en sait
rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne ; elle a, par exemple,
la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par-là, et de tous côtés des poireaux
comme des groseilles, qui ont l'air de bouillir sur sa figure.
Pour mieux dire, sa tête rappelle par le haut, à cause du serre-tête noir une pomme de terre brûlée et,
par le bas, une pomme de terre germée : j'en ai trouvé une gonflée, violette, l'autre matin, sous le
fourneau, qui ressemblait à grand tante Agnès comme deux gouttes d'eau.

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IES LV JRF LE DESCRIPTIF
PDL II - LF III et IV

Jules Supervielle - L'enfant de la haute-mer

Elle n'était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais
elle avait la peau très blanche avec quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite
personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps,
jusqu'à l'âme une grande surprise qui arrivait du fond des temps.

Georges Pérec - W ou le souvenir d'enfance

C'était un homme d'une quarantaine d'années, plutôt petit, très maigre, avec un visage en lame de
couteau, des cheveux très courts, déjà grisonnants, taillés en brosse. Il portait un costume croisé gris
sombre. Si tant est qu'un homme puisse porter sa profession sur sa figure, il ne donnait pas l'impression
d'être médecin, mais plutôt hommes d'affaires, fondé de pouvoir d'une grande banque, ou avocat.

Jim Harrison - Un bonjour pour mourir

C’est alors que je remarquais un type à l’allure bizarre, assis juste en face de moi, de l’autre côté du bar
circulaire, et qui me regardait. Il était grand, les cheveux assez longs, bronzé et très musclé, avec un petit
aigle tatoué sur l’avant-bras gauche. Mais le côté droit de son visage était déformé par une cicatrice
noueuse et pâle qui accentuait légèrement son regard.

Didier Daeninkcx - Tragic City Blue

Le commissaire Quertier était affalé sur son bureau et lisait le contenu d’un dossier éparpillé sur le
plateau. II leva vers moi une figure sans couleur, anormalement allongée, percée d’une bouche minuscule
aux lèvres grises et sèches. II était chauve et pour ainsi dire dépourvu de sourcils. Seuls ses yeux très
mobiles et d’un noir profond animaient son visage. [...] Quertier se leva [...]. C’était un homme d’une forte
corpulence, plus grand que la moyenne, et qui portait sur ses épaules de catcheur une tête d’huissier.

Alphonse Daudet - Tartarin de Tarascon (J'ai Lu)

Devant le guéridon, un homme était assis, de quarante à quarante-cinq ans, petit, gros, trapu,
rougeaud, en bras de chemise, avec des caleçons de flanelle, une forte barbe courte et des yeux
flamboyants... Cet homme, c'était Tartarin, Tartarin de Tarascon.

Alphonse Daudet - Lettres de Mon Moulin

Ah ! qu'elle était jolie, la petite chèvre de Monsieur Seguin ! qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa
barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui
faisaient une houppelande ! Et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied
dans l'écuelle. Un amour de petite chèvre…

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Ernest Hemingway - Le vieil homme et la mer (Gallimard Folio)

Le vieil homme était maigre et sec, avec des rides comme des coups de couteau sur la nuque. Des
taches brunes causées par la réverbération du soleil sur la mer des Tropiques marquaient ses joues ; elles
couvraient presque entièrement les deux côtés de son visage ; ses mains portaient les entailles profondes
que font les filins au bout desquels se débattent les lourds poissons... Tout en lui était vieux, sauf son
regard qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer.

Marcel Pagnol - Jean de Florette (Le Livre de Poche)

Ugolin venait d'atteindre ses vingt-quatre ans. Il n'était pas grand, et maigre comme une chèvre, mais
large d'épaules, et durement musclé. Sous une tignasse rousse et frisée, il n'avait qu'un sourcil en deux
ondulations au-dessus d'un nez légèrement tordu vers la droite, et assez fort, mais heureusement
raccourci par une moustache épointée qui cachait sa lèvre ; enfin ses yeux jaunes, bordés de cils rouges,
n'avaient pas un instant de repos, et ils regardaient sans cesse de tous côtés, comme ceux d'une bête qui
craint une surprise. De temps à autre, un tic faisait brusquement remonter ses pommettes, et ses yeux
clignotaient trois fois de suite : on disait au village qu'il "parpelégeait" comme les étoiles.

Patrick Süskind - Le Parfum (Le Livre de Poche)

Derrière le comptoir en buis clair se tenait alors Baldini lui-même, vieux et raide comme une statue, en
perruque poudrée d'argent et habit bleu à passements d'or. Un nuage de frangipane, eau de toilette dont il
s'aspergeait tous les matins, l'enveloppait de manière presque visible, situant son personnage dans des
lointains brumeux.

Michel Tournier - Pierrot ou les secrets de la nuit (Gallimard Folio Junior)

Il faut avouer d'ailleurs que Pierrot avait le physique de son emploi. Peut-être parce qu'il travaillait la
nuit et dormait le jour, il avait un visage rond et pâle qui le faisait ressembler à la lune quand elle est
pleine. Ses grands yeux attentifs et étonnés lui donnaient l'air d'une chouette, comme aussi ses vêtements
amples, flottants et tout blancs de farine. Comme la lune, comme la chouette, Pierrot était timide,
silencieux, fidèle et secret. Il préférait l'hiver à l'été, la solitude à la société, et plutôt que de parler, il
aimait mieux écrire, ce qu'il faisait à la chandelle, avec une immense plume, adressant à Colombine de
longues lettres qu'il ne lui envoyait pas, persuadé qu'elle ne les lirait pas.

Marcel Pagnol - La gloire de mon père. (Le livre de Poche)

Mademoiselle Guimard était très grande, avec une jolie petite moustache brune, et quand elle parlait,
son nez remuait : pourtant je la trouvais laide, parce qu'elle était jaune comme un chinois et qu'elle avait
de gros yeux bombés.

Daniel Pennac - Cabot-Caboche (Pocket junior)


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PDL II - LF III et IV

Le Hyéneux s'était tordu de rire, et ils s'étaient bientôt retrouvés tous les trois chez Le Sanglier.
C'est vrai que, quand il enlevait sa casquette, Le Sanglier avait tout à fait une tête de sanglier : une
large tête noire, aux cheveux et aux sourcils raides et drus à ne pas pouvoir y passer la main. Et costaud,
en plus, avec un air pas commode du tout. (" Quand on prend le métro ensemble, disait Le Hyéneux, on
fait le vide. ")

Yak Rivais - La Marmite enchantée (Neuf en poche de l'école des loisirs)

Et une affreuse vieille sortit de la baraque. Elle était laide, avec un nez pointu, des furoncles dessus,
des longs poils de barbe au menton et des dents acérées. Ses cheveux, sous le chapeau noir, étaient verts.
Sa robe déchirée portait des traces de salissures variées, dont certaines dorées luisaient bizarrement au
soleil.

Extraits et sélection : http://www.momes.net/education/ecriture/textes/extraitsportraits.html


http://ien34.11.free.fr/circons/ressources/prodecri/por-txt.htm

Michel Leiris - L’âge d’homme


Je viens d'avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt
petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent, par crainte aussi que ne se
développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma
physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise,
marque classique (si l'on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du Taureau; un front
développé, plutôt bossu, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de
front est en rapport (selon le dire des astrologues) avec le signe du Bélier; et en effet je suis né un 20 avril,
donc aux confins de ces deux signes: le Bélier et le Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord des
paupières habituellement enflammé; mon teint est coloré; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux
rougeurs et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées; mes
deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans
mon caractère.
Ma tête est plutôt grosse pour mon corps; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les
épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant; j'ai tendance,
lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté; ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles.
J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance; pourtant, à cause des défauts que je viens de relever dans
ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge
d'ordinaire profondément inélégant; j'ai horreur de me voir à l’improviste dans une glace car, faute de m'y
être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante.

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PDL II - LF III et IV

PORTRAIT – ACTIVITÉS

I) Améliore ces phrases en évitant qu'un même verbe se répète trop souvent.

l. Elle aime faire du karaté elle aime le cinéma, elle aime un petit peu l'école.
2. Elle a aussi des petits yeux bruns très jolis. Elle pèse 35 kilos. Elle a des cheveux bruns. Elle est super sympa.
Elle a une tache sur le front. Elle est petite.

II) Lis ces deux versions d'un même portrait. Dans quel texte le personnage est-il toujours le
sujet des verbes ? Quels sont les sujets dans l'autre texte ?

Texte A
Toulouse-Lautrec était petit et laid. Il ne mesurait que 1,42 m et était atteint d'une faiblesse congénitale
qui affectait toute son ossature. Il avait un nez large et de grosses lèvres cramoisies. Il n'avait qu'un seul
atout : des yeux bruns lumineux et intelligents.

Texte B
Toulouse-Lautrec était petit et laid. Son corps était chétif et ses jambes courtes. Son visage était ingrat.
Son nez était large et ses lèvres cramoisies énormes. Ses yeux bruns, brillants d'Intelligence, étaient son
seul atout.

III) Complète ce texte par des adjectifs qualificatifs pour décrire un portrait plus précis des
personnages.

Le garçon s’assoit dans le compartiment. Un homme se tient assis regardant par la fenêtre.
Le garçon ne dit rien. Il porte un pantalon et un t-shirt. Un sac en toile pend sur ses épaules.
L’homme se retourne soudain. Il paraît la quarantaine. Sur son front retombent quelques
mèches de cheveux bien que le haut du crâne soit dégarni. Il a le visage d’un solitaire, en
partie caché par des lunettes. Son regard ne laisse percevoir aucun sentiment. Il porte un
cache-nez qui rentre dans son pardessus. Les mains dans les poches, il observe de ses yeux.

Tiré de l'Inspection de l'Education Nationale de Landivisiau

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PDL II - LF III et IV

ÉRITURE DESCRIPTIVE / NARRATIVE

CONSIGNES D'ÉCRITURE :
Racontez la suite immédiate et la fin de cette nouvelle.
Respectez bien le cadre spatio-temporel et les caractéristiques de la narration.
Le texte comportera un paragraphe de description organisée dans lequel vous soulignerez cinq
expansions du nom de trois natures différentes.
A la fin de votre devoir, vous analysez des cinq expansions du nom soulignées (nature et fonction)

C'est par Buire que cette histoire commence. Je le considère comme un ami parce que je perds
rarement une de nos parties d'échecs, qu'il essaye toujours de m'être agréable par de menus et
fréquents services et peut-être aussi parce qu'il y a entre nous une certaine ressemblance
physique. Nous avons d'ailleurs des goûts communs, par exemple pour la choucroute, le vin des
Côtes-Rôties et le tabac de Hollande.
Au nouvel an, ses patrons lui ont donné une grosse prime et un abonnement sur tout le réseau
des chemins de fer. Il a empoché l'argent avec plaisir, mais l'abonnement lui a procurer un
bonheur sans nom.
« Savez-vous, cher ami, comment je passe mes journées de congé ? me dit-il en rougissant de
plaisir. Je vais à la gare, je prends place dans le premier train venu, sans me soucier de sa
destination, et je descends au hasard. De cette façon, je réalise tous mes désirs de découverte. Un
jour, je vous prêterai mon abonnement, aucun contrôleur ne pourrait découvrir cette supercherie,
puisque nous nous ressemblons comme des frères. »
Il a tenu sa promesse. Ce matin et malgré l'orage qui s'annonçait, j'ai utilisé sa carte. Je n'arrive
pas à croire tout ce qui m'est arrivé.

BARÈME
Le cadre spatio-temporel est respecté (matin, pluie, orage, train…) /2
Les caractéristiques de la narration sont respectées /2
(1ère personne du masculin singulier, passé composé)
Le texte suit un schéma narratif précis /3
La présentation respecte alinéas, paragraphes, saut de lignes. /3
Le récit est réaliste (événements plausibles) /5
Le paragraphe de description est pertinent (fonctionnel dans votre narration) et organisé /5

Correction linguistique :

L'orthographe lexicale et grammaticale est bien vérifiée. /6


Les temps verbaux sont bien utilisés. /5
La ponctuation est correcte. /4

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