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net/publication/270099967

De la linguistique descriptive à la linguistique appliquée dans la tradition


britannique : Sweet, Firth et Halliday

Article  in  Histoire Epistemologie Langage · January 2011


DOI: 10.3406/hel.2011.3207

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1 author:

Jacqueline Léon
French National Centre for Scientific Research
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Histoire Épistémologie Langage

De la linguistique descriptive à la linguistique appliquée dans la


tradition britannique : Sweet, Firth et Halliday
Jacqueline Léon

Résumé
Cet article part de l’hypothèse qu’il existe une tradition de linguistique appliquée spécifiquement issue de l’empirisme
britannique s’appuyant sur une conception originale de l’articulation, à l’oeuvre depuis le 19ème siècle, entre linguistique
générale et linguistique descriptive, entre approches théorique, pratique et appliquée. On examinera cette articulation
dans l’oeuvre de trois linguistes, Henry Sweet, John Rupert Firth et MAK Halliday, qui, successivement, peuvent être
tenus pour en être les principaux théoriciens et l’avoir pensée ou repensée à des moments charnières de l’histoire récente
des sciences du langage marqués par des innovations technologiques.

Abstract
This paper starts with the assumption that there is a specific tradition of applied linguistics coming from British empiricism,
which, since the 19th century, has been resting on an original conception of the articulation between general and
descriptive linguistics, and between theory, practice and applications. This articulation is addressed by surveying the work
of three linguists, Henry Sweet, John Rupert Firth and MAK Halliday, who successively thought out this articulation at
transitional periods marked by crucial technogical innovations.

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Léon Jacqueline. De la linguistique descriptive à la linguistique appliquée dans la tradition britannique : Sweet, Firth et
Halliday. In: Histoire Épistémologie Langage, tome 33, fascicule 1, 2011. Linguistique appliquée et disciplinarisation. pp.
69-81.

doi : 10.3406/hel.2011.3207

http://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_2011_num_33_1_3207

Document généré le 21/10/2015


69

DE LA LINGUISTIQUE DESCRIPTIVE À LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE


DANS LA TRADITION BRITANNIQUE : SWEET, FIRTH ET HALLIDAY*

Jacqueline Léon
CNRS, UMR7597, HTL, Univ Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité,
F-75013, Paris, France

RÉSUMÉ : Cet article part de l’hypothèse qu’il ABSTRACT : This paper starts with the
existe une tradition de linguistique appliquée assumption that there is a specific tradition
spécifiquement issue de l’empirisme of applied linguistics coming from British
britannique s’appuyant sur une conception empiricism, which, since the 19th century, has
originale de l’articulation, à l’œuvre depuis been resting on an original conception of the
le 19ème siècle, entre linguistique générale articulation between general and descriptive
et linguistique descriptive, entre approches linguistics, and between theory, practice and
théorique, pratique et appliquée. On applications. This articulation is addressed by
examinera cette articulation dans l’œuvre de surveying the work of three linguists, Henry
trois linguistes, Henry Sweet, John Rupert Sweet, John Rupert Firth and MAK Halliday,
Firth et MAK Halliday, qui, successivement, who successively thought out this articulation
peuvent être tenus pour en être les principaux at transitional periods marked by crucial
théoriciens et l’avoir pensée ou repensée à technogical innovations.
des moments charnières de l’histoire récente
des sciences du langage marqués par des
innovations technologiques.

MOTS-CLÉS : Henry Sweet ; John Rupert Firth ; KEY WORDS : Henry Sweet ; John Rupert
MAK Halliday ; linguistique descriptive ; Firth, MAK Halliday ; descriptive linguistics ;
langages restreints ; empirisme britannique restricted languages ; British empiricism

Dans cet article, mon objectif est moins d’étudier l’institutionnalisation de la


linguistique appliquée que d’examiner la façon dont les linguistes britanniques
ont articulé théorie et pratiques ou applications dans la notion de linguistique
descriptive pour aboutir, dans les années 1960, à une conception spécifiquement

* Pour cette étude, j’ai utilisé certains textes numérisés dans le cadre du programme Detcol et
je remercie Bernard Colombat et Arnaud Pelfrêne de m’y avoir donné accès.

Histoire Épistémologie Langage 33/I (2011) p. 69-81 © SHESL


70 JACQUELINE LÉON

britannique de la linguistique appliquée1. Dans la tradition empirique britannique,


les applications sont au coeur des préoccupations sur le langage, et depuis le 19e s.,
elles sont inscrites dans le programme même de la linguistique générale. Trois
linguistes, Henry Sweet, John Rupert Firth et MAK Halliday, peuvent être tenus
pour les principaux théoriciens de cette articulation entre théorie et applications
dans la linguistique descriptive, qu’ils ont pensée ou repensée à des moments
charnières de l’histoire des sciences du langage marqués par des innovations
technologiques2. Sweet a été un des pionniers du mouvement de la réforme de
l’enseignement des langues (Reform Movement) de la fin du 19e s. fondé sur le
développement inédit de la phonétique et de son instrumentation (Chiss et Coste
1995, Véronique 1992)3 ; lors de la seconde guerre mondiale, Firth a développé des
outils comme les langages restreints (restricted languages) pour l’enseignement
des langues et la traduction (Léon 2007) ; Halliday a fait partie d’un des premiers
groupes de traduction automatique dans les années 1950 et a été un des promoteurs
de l’utilisation en linguistique des grands corpus informatisés mis à disposition
dans les années 1990 (Léon 2000, 2008).

1. PEUT-ON PARLER D’UN COURANT SPÉCIFIQUEMENT BRITANNIQUE DE


LINGUISTIQUE APPLIQUÉE ?

En établissant une lignée entre ces trois linguistes pour la constitution de la


linguistique appliquée, on admet qu'il existe un courant spécifiquement britannique.
Cette option n'implique toutefois pas que celle-ci soit une invention exclusivement
britannique ; d'ailleurs, la plupart des historiens distinguent deux courants pionniers
de la linguistique appliquée, l'un britannique, l'autre américain. Ils s'accordent
pour attribuer à Henry Sweet et son étude pratique du langage un rôle pionnier
dans l'application systématique de descriptions linguistiques à l'enseignement des
langues (Howatt 1984, Véronique, 1992 – entre autres)4. Le projet de linguistique
appliquée est issu du mouvement de la réforme, dont, on l'a dit, Sweet était un
fondateur5. Par ailleurs, la plupart des auteurs concordent pour situer l’apparition
du terme ‘applied linguistics’ et le début de l'institutionnalisation du domaine dans
les années 1940, aux États-Unis. En 1941 Charles Fries crée l’English Language

1 Pour désigner cette tradition, je n’utiliserai pas le terme de « London School of Linguistics»
forgé par Langendoen (1968), qui désigne les travaux de Malinowski, de Firth et des disciples
de celui-ci. Outre que ce terme est contestable sur le plan de son homogénéité et de son
contour, ce qui est envisagé ici est la continuité d’une tradition sur le long terme.
2 Quant à Harold Palmer, il doit être considéré davantage comme un théoricien de la pédagogie
des langues que comme un théoricien de l’articulation linguistique théorique / linguistique
appliquée, voir Véronique (1992) et l’article de R.Smith dans le présent numéro.
3 Voir également les articles de A. Linn, A-M. Simensen et L. Munch Sørensen dans le présent
numéro.
4 Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’ouvrage de Sweet The Practical Study of languages :
A guide for teachers and learners (1899) a été réédité en 1964. Dans sa préface l’éditeur,
R. Mackin, précise que cette réédition est rendue indispensable par la révolution qui a lieu
dans l’enseignement des langues au début des années 1960 et l’institutionnalisation de la
linguistique appliquée avec des développements technologiques inimaginables par Sweet.
5 et plus spécifiquement de l’Anglo-Scandinavian School : voir Linn (2008) et son article dans
le présent numéro.
LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DANS LA TRADITION BRITANNIQUE 71

Institute à l'Université de Michigan ; en 1948 paraît le premier numéro de la revue


Language Learning : A Journal of Applied Linguistics (Moulton 1961)6.
L'évolution des deux courants fait l'objet d'appréciations diverses. Strevens
(1978) maintient une distinction entre le courant « descriptiviste » comprenant
Sweet, Jespersen, Palmer, Hornby et Quirk, largement influencé par les théories
firthiennes, centré sur la parole et partageant une approche sociale du langage,
et le courant « linguistique » représenté par les Bloomfieldiens et d'orientation
behavioriste. Mais pour la plupart des auteurs, cette évolution n'est ni parallèle ni
linéaire. Certains établissent des croisements et des fusions allant même jusqu'à
identifier des mouvements qui regroupent des linguistes appartenant à chacune des
traditions. Howatt (1984) reconnait une spécificité britannique de la linguistique
appliquée marquée par la notion de contexte de situation élaborée par Malinowski et
Firth, tout en postulant des influences réciproques entre les deux courants : Harold
E. Palmer se serait inspiré de Bloomfield pour construire ses patterns fondés sur
une analyse en constituants immédiats ; en retour, Fries serait redevable à Palmer.
Véronique (1992), au contraire, insiste sur le fait que Palmer n'aurait jamais lu
Bloomfield et pourrait être considéré, de ce fait, comme le véritable inventeur de
la méthode distributionnelle7.
Dans sa notice nécrologique consacrée à Pit Corder, fondateur de l'AILA en
1964 et premier président de l'association britannique de linguistique appliquée
(BAAL) créée en 1967, Alan Davies (1997) distingue la tradition britannique de
l'Applied Linguistics, façonnée par les travaux d'Henry Sweet, Michael West et
Harold Palmer, et la tradition américaine de Linguistics-Applied issue des travaux
de Bloomfield et de Fries, à laquelle curieusement Davies rattache Firth et Halliday.
Pour Davies, les deux courants restent toutefois distincts. Les Américains ont pour
objectif premier de valider leurs conceptions théoriques grâce à des applications,
qu'ils trouvèrent dans le champ de l'enseignement des langues pendant la seconde
guerre mondiale. Le courant britannique, issu de l'essor de l'enseignement de
l'anglais au moment de la décolonisation dans les années 1960, n'a cherché de
légitimation théorique que dans un second temps avec la création de la School of
Applied Linguistics en 1957.
Pour conclure sur ce point, signalons que le courant de linguistique appliquée
américain est récent. Si l'on suit Moulton (1961), l'intérêt des Américains pour
l'enseignement des langues, très limité jusqu'alors, date de la défaite de Pearl
Harbour en 1941 et de la nécessité d'enseigner les langues étrangères aux militaires.
En l'absence complète de matériel pédagogique, les linguistes ont été mobilisés pour
créer dans l'urgence des méthodes, des manuels et mettre en place des programmes
de cours. Inspirés par les principes et les pratiques des anthropologues linguistes,
à savoir la priorité de l'oral et l'importance de l'informateur (le locuteur natif dont
il faut imiter le comportement pour apprendre une langue), ils mettent au point des
programmes d'entraînement intensif sur la base d'exercices structuraux animés par
des locuteurs natifs. Véronique (1992) tient ce type d'enseignement et ses dérives

6 Voir l’article de M.Berthet dans le présent numéro.


7 Simensen, dans le présent numéro, identifie des ‘structuralistes britanniques’ en linguistique
appliquée, tels qu’A. S. Hornby, M. West et H. Palmer, adeptes des exercices structuraux des
structuralistes américains mais sans en intégrer les hypothèses behavioristes.
72 JACQUELINE LÉON

scientistes pour tout à fait distinct de la tradition britannique de linguistique


appliquée issue de l'étude pratique du langage de Sweet. C'est à la façon dont cette
tradition a été mise en place, sur le long terme et sans rupture de continuité, qu'est
consacrée la suite de cet article.

2. HENRY SWEET (1845-1912) ET L’ÉTUDE PRATIQUE DU LANGAGE

2.1. La philologie pratique


L'étude pratique du langage (Pratical Study of Language (1884), The Pratical
Study of Languages (1899)) constitue un des aspects de l'engagement de Sweet
dans le mouvement de la réforme qui reposait sur trois principes de transformation
de l'enseignement des langues : la primauté de la langue parlée et de la phonétique,
la méthodologie de l'enseignement par l'oral, et la centralité du texte, notamment
l'apprentissage non par mots isolés mais par textes associés (connected texts)8. Ces
options font rupture avec l'enseignement traditionnel des langues au 19e s. fondé
sur l'apprentissage de longues listes de vocabulaire et de règles de grammaire
inutilisables, et sur la production de traductions littéraires sans aucune pratique
orale des langues.
Pour Sweet, l'analyse théorique n'est pas dissociable de son étude « pratique »9.
Celle-ci s'entend comme la pratique d'une ou plusieurs langues, y compris de sa
propre langue maternelle, associée à son étude théorique. De la même façon,
la grammaire doit être à la fois scientifique et pratique. Cette « connaissance
pratique » s'inscrit dans la tradition britannique depuis la Renaissance (Howatt
p. 269). La première « characterie », le système de sténographie mis au point
par Timothy Bright en 1588 – que Firth (1957 [1946]) mentionne comme à la
source de l'école anglaise de phonétique -, puis les projets britanniques de langues
universelles élaborés au 17e s. ont toujours eu une visée pratique (Cram 1985).
La priorité donnée à la phonétique est une composante essentielle de cette double
fonction de l'étude pratique des langues. La notation phonétique permet une
connaissance pratique de la langue autant par les yeux que par les oreilles, et la
connaissance de la phonologie conduit à l'acquisition pratique des flexions et
des dérivations10. De la même façon, le déchiffrement d'une notation phonétique
prépare à la compréhension orale d'une forme en langue étrangère :
If a foreigner has learnt to decipher such written forms as (aksebo) or (a k s e b
o), (kekseksa, kjeski), he would certainly be better prepared to understand them
when spoken than if he had first to translate them in his mind into (aa ke se ei

8 Ce mouvement rassembla pendant vingt ans des phonéticiens et linguistiques européens


comme Johan Storm, Wilhelm Viëtor, Paul Passy et Otto Jespersen. Ceux-ci ont été à
l’initiative de la création d’associations et de sociétés savantes comme l’IPA (International
Phonetic Association) et ont créé des revues dont le Maître phonétique en 1889 (Galazzi
1995).
9 Voir la remarque d’Howatt (1984 [2004] :152) sur « practical » discutée par Sørensen dans
le présent numéro.
10 Véronique (1992) rappelle que Jakobson tenait Sweet pour avoir « découvert » la phonologie
(cf. Jakobson,1973, « Les voies d’Henri Sweet vers la phonologie » Essais de linguistique
générale 258-271).
LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DANS LA TRADITION BRITANNIQUE 73

bou) or something of that kind. (Sweet, 1899 p. 9)


Au fondement de l’étude pratique des langues, l’écrit et l’oral sont indissociables
et contribuent ensemble à l’apprentissage et à la connaissance d’une langue. C’est
ainsi que Sweet conçoit une nouvelle notation phonétique, le « Broad Romic »
– sur laquelle sera fondé l’IPA – une méthode de sténographie et une réforme de
l’orthographe, mise en pratique dans son article de 1884 : « each sentence should
be analyzed and masterd foneticaly befor its gramatical analysis is atempted. »
(Sweet 1884, p. 584).
Les fondements scientifiques de l’étude pratique des langues constituent ce que
Sweet nomme la philologie vivante ou pratique (living or practical philology), par
opposition à la philologie antique (antiquarian philology) – à savoir la grammaire
comparée allemande. Cette practical philology est constituée par l’observation
des langues parlées à l’aide de la phonétique mais aussi de la psychologie. Sweet
s’appuie sur une conception associationniste et proscrit l’apprentissage par coeur
de listes de mots ou de phrases isolés qui a pour résultat d’exclure les expressions
idiomatiques au profit de phrases insipides comme « the cat of my aunt is more
treacherous than the dog of your uncle » impossibles à mémoriser11. Seul un texte
suivi (a connected coherent text) permet à l’apprenant de renforcer les bonnes
associations et ce n’est que lorsque celles-ci ont été complètement assimilées
que l’enseignant peut effectuer des généralisations sous forme de règles de
grammaire.
L’enseignement de la grammaire s’effectue par une méthode inductive
(inductive grammar) selon laquelle c’est l’enseignant qui choisit des exemples dans
le texte pour expliquer la grammaire. Sweet considère toutefois qu’il peut parfois
être bénéfique d’utiliser la méthode d’inventive grammar, préconisée par certains
réformateurs, selon laquelle les enfants eux-mêmes déduisent les catégories
grammaticales des textes qu’ils lisent. Pour Sweet, ce qui importe c’est que des
textes et de la grammaire soient associés de façon la plus étroite et simultanée
possible dans l’étude d’une langue (Sweet 1899, p. 116).
Ces textes doivent être rédigés dans un style simple et direct ne contenant que
les mots les plus fréquents. Sweet recommande l’utilisation de traités condensés
sur des sujets précis, comme l’histoire, la géographie ou les sciences naturelles.
On notera que cette idée s’apparente à celle des langages restreints que Firth
préconisera plus tard pour toutes les formes d’application, enseignement des
langues, traduction mais aussi recherche de collocations (cf. §3.2).
2.2. De l’étude pratique à la grammaire descriptive
Ces conceptions, alliant connaissances pratiques et théoriques, sont mises en
oeuvre par Sweet dans l’élaboration de sa grammaire, A New English Grammar
Logical and Historical, publiée en 1891. Examinée d’un point de vue théorique,
la grammaire est la science du langage. Du point de vue pratique, elle est l’art
du langage. Par langage, précise-t-il, il faut entendre les langues en général, par

11 « The result is to exclude the really natural and idiomatic combinations, which cannot
be formed apriori and to produce insipid, colourless combinations which do not stamp
themselves on the memory, many of which indeed, could hardly occur in real life, such as
“the cat of my aunt is more treacherous than the dog of your uncle” » (Sweet 1899, p. 72).
74 JACQUELINE LÉON

opposition à une ou plusieurs langues spécifiques. L’objectif de la grammaire


pratique comprend la maîtrise des langues étrangères, vivantes ou mortes, ainsi
que les états antérieurs de sa propre langue, et celle de l’expression orale ou écrite.
Dans ce texte, on voit apparaître la notion de grammaire descriptive dont la tâche
est d’observer, de classer et de décrire les faits. Celle-ci constitue le fondement
d’une grammaire explicative selon trois ordres : historique, comparatif, général
(ou philosophique) :
The first business of grammar, as of every other science, is to observe the
facts and phenomena with which it has to deal, and to classify and state them
methodically. A grammar which confines itself to this is called a descriptive
grammar ... When we have a clear statement of such grammatical phenomena,
we naturally wish to know the reason of them and how they arose. ...In this
way descriptive grammar lays the foundations of explanatory grammar. There
are three chief methods of explaining the phenomena of language, by the help
namely of (a) historical grammar, (b) comparative grammar, (c) general grammar
(philosophical grammar). (Sweet 1891, p. 1-2)
L’étude pratique du langage est donc un vaste projet comprenant la connaissance
pratique et théorique des langues, mortes ou vivantes, leur enseignement, mais aussi
le déchiffrement des langues non écrites. Cette diversité conduit Howatt (1984,
p.207) à avancer l’hypothèse selon laquelle la philologie pratique de Sweet aurait
pu conduire à distinguer la linguistique pratique, associée à l’enseignement des
langues, de la linguistique appliquée destinée à des études théoriques de description
des langues. Cette configuration particulière de la linguistique descriptive, à la
charnière de la connaissance pratique et théorique, sera celle qui sera poursuivie
dans l’œuvre de Firth et de Halliday.

3. FIRTH (1890-1960) :
DE LA PHONÉTIQUE PRATIQUE À LA LINGUISTIQUE DESCRIPTIVE

3.1. « The English School of Phonetics » et ses sources « pratiques » : orthographe,


sténographie, langues universelles
Comme le signale F.R. Palmer (1968) dans son introduction à l’édition des derniers
travaux de Firth, celui-ci était un grand admirateur de Sweet auquel il aimait être
comparé. Firth dit en effet avoir été fasciné par son oeuvre depuis son plus jeune
âge et, dans une lettre figurant dans ses archives, il mentionne avoir appris à 14
ans sa méthode de sténographie12 (archives Firth, SOAS, Personal file).
« Practical » est aussi un terme clé de la linguistique firthienne pour caractériser
deux de ses grands domaines de recherche, la phonétique et les questions de
transcriptions, et le développement de la linguistique descriptive articulée sur les
langages restreints dans le domaine de la traduction, de l’étude des collocations et
du sens, de l’enseignement des langues.
La première (et plus grande partie) de l’œuvre de Firth est consacrée à la
description phonétique et à la transcription des langues indiennes, ainsi qu’à leur
enseignement dans le cadre de la formation des enseignants d’anglais au Penjab

12 Sweet, H. (1892). A Manual of Current Shorthand, orthographic and phonetic. Oxford,


Clarendon Press.
LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DANS LA TRADITION BRITANNIQUE 75

(1920-1928), puis comme assistant de phonétique (1928-1938) à l’University


College of London dans le département de Daniel Jones, où il mène des recherches
expérimentales en phonétique. Dès ses premiers textes de 1934-1935, Firth utilise
le terme « practical » pour qualifier les méthodes de transcription et description
phonétique « practical linguistic transcription », « practical phonetic notation ».
En 1936 il élabore, à la suite de Jespersen et en collaboration avec Daniel Jones, un
projet d’orthographe mondiale (a practical script) fondée sur l’alphabet latin. Un tel
système d’écriture unifié comporte des avantages « pratiques » pour l’imprimerie,
l’enseignement, mais aussi pour le développement de la linguistique où il constitue
un cadre pour une notation linguistique scientifique et le développement d’une
grammaire descriptive.
Ainsi « practical » est utilisé par Firth dans le sens de « commode », « adapté »,
« efficace », en même temps que « fondé sur la pratique» : « The roman alphabet
has proved practical in all kinds of printing, both by hand and machines. In
education in its widest sense, in all manner of notation, popular and scientific, it
serves us well » (Firth 1957 [1936], p. 68].
En 1946, Firth écrit un long article « The English School of Phonetics »
– expression empruntée à Sweet – dont il étudie les sources : les grammairiens
et rhétoriciens du Moyen-Age et leur pratique de l’orthographe (« spelling »),
l’invention des systèmes de sténographie de l’époque élizabéthaine (la Characterie
de Timothy Bright), les projets de langues universelles du 17e s. (Dalgarno et
Wilkins), le thesaurus de Roget (1852), enfin la création de l’école de phonétique
par Sweet que Firth situe entre 1860 et 1880. Là encore, le terme « practical »
est central et explicite. Firth dit jouer sur le terme (a play on « practical ») qu’il
signale comme emblématique de l’œuvre de Sweet et plus généralement de l’École
anglaise de phonétique en opposition à la tradition allemande13.
Au-delà de l’héritage de Sweet, Firth doit aussi à Malinowski, dont il a été
l’assistant, son intérêt pour la « linguistique pratique ». Malinowski, auteur d’un
article intitulé « Practical anthropology » considérait comme primordiale une
coopération étroite entre apprentissage des langues et formation en anthropologie14.
Pour Firth c’est un « practical linguist » (Firth 1968 [1957], p. 139).
3.2. Linguistique générale appliquée et linguistique descriptive
Dans la seconde partie de son oeuvre, entre 1950 et 1960, apparaît l’idée d’application
pratique indissociable de la théorie, et au fondement des développements théoriques
de Firth sur la linguistique descriptive.
In the best sense of the word, descriptive linguistics must be practical, since its
abstractions, fictions, inventions, call them what you will, are designed to handle

13 La tradition anglaise s’oppose ainsi à la tradition allemande et aussi à la tradition française


(grammaire comparée puis structuralisme). Selon Auroux, pour ces approches, le statut
« scientifique » de la linguistique ne peut s’assumer qu’à la condition de ne pas intervenir
dans la réalité de leur objet - réforme de l’orthographe, pédagogie des langues ou planification
linguistique. « Il s’agissait également des conséquences du choix d’éthique scientifique de
non-intervention. Ce choix reposait sur une conception particulière de la nature des langues
humaines, conçues comme des espèces quasi-naturelles, soustraites à la volonté et à l’action
des locuteurs» (Auroux 1996, p. 327).
14 Malinowski B. (1929). « Practical anthropology, Africa 2 » p. 23-39.
76 JACQUELINE LÉON

instances of speech, spoken or written, and make statements of the meaning of


what may be called typical speech events. (Firth 1957 [1950], p. 172)
Dans son discours de 1957 en tant que président de la Philological Society
intitulé « Applications of general linguistics », Firth définit la linguistique
descriptive comme constitutive de la linguistique générale : c’est une application
de la théorie du langage à la description de langues particulières. Il s’engage dans
les débats sur la linguistique appliquée, institutionnalisée aux Etats-Unis dans
les années 1940, et s’oppose aux Bloomfieldiens qui appliquent à la linguistique
des méthodes importées d’autres disciplines. C’est le cas de la phonémique qui
utilise des méthodes issues de la logique, des statistiques, de la théorie de la
communication ou de la cybernétique. De même, Firth regrette que les linguistes
aient appliqué les théories de la pédagogie (comme d’ailleurs de la logique,
rhétorique, philosophie et psychologie) à la linguistique. Ce qui ne veut pas
dire qu’il ne faut pas appliquer la linguistique à l’enseignement des langues.
Mais le mouvement doit être inverse. Ce n’est pas la pédagogie qui domine la
linguistique, mais la linguistique qui domine la pédagogie: la théorie linguistique
est suffisamment développée (et autonome) pour s’appliquer aux problèmes
linguistiques des langues du monde15.
Ce qu’il appelle application, c’est la linguistique descriptive comme une des
facettes de la linguistique générale et comme application de la théorie du langage.
L’objectif de la linguistique descriptive est d’analyser le sens en termes strictement
linguistiques, c’est-à-dire en termes de structures et de systèmes à des niveaux
d’analyse différents mais congruents. En définissant ces niveaux, la phonétique,
la phonologie, la grammaire, la stylistique, les glossaires et le contexte de
situation, il revendique une approche non-dualiste en opposition à Saussure et aux
saussuriens.
Pour les grandes langues comme l’anglais, c’est aux langages restreints que
la linguistique descriptive s’applique le mieux, tels les langages spécialisés de la
science, de la technique, du sport, de la propagande politique, voire même du style
d’un poète particulier ou bien d’un texte16. Il faut aussi avoir recours aux langages
restreints pour la traduction et pour établir les grammaires des différentes variétés
d’anglais et les grammaires scolaires. On se souvient ici des recommandations de
Sweet qui préconisait l’utilisation de traités en langue simple pour l’enseignement
des langues.
C’est sous l’égide de l’application pratique guidée par la théorie
qu’apparaissent les langages restreints (restricted languages), dans son article
de 1956 intitulé « Descriptive linguistics and the study of English », se déclinant
selon trois aspects : « language under description», « language of description»,
« language of translation» :
In order to promote clarity and firm guidance of theory in practical application
the following distinctions must be kept constantly before us : The language under

15 Firth critique la School of Applied Linguistics d’Edinburgh, bien qu’il ait participé à sa
création en 1957, sur ses prétentions en linguistique générale et en linguistique théorique
qui devraient rester, dit-il, l’apannage des départements d’anglais et de linguistique générale
(Archives Firth, SOAS, Box 9).
16 Sur les langages restreints dans l’œuvre de Firth, voir Léon (2007).
LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DANS LA TRADITION BRITANNIQUE 77

description …which should whenever possible be a restricted language; The


language of description … includes the technical terms and expressions and
all forms of notation, phonetic, phonological and formulaic, grammatical and
lexicographical; The language of translation … (Firth 1968 [1956], p. 112)
Les langages restreints sont plus adaptés que le langage en général pour mener à
bien des objectifs pratiques, tels que l’enseignement des langues, la traduction, ou
la fabrication de dictionnaires. De même ils sont l’objet privilégié de la linguistique
descriptive. Chaque niveau de langage restreint détermine une étape dans le
processus de description. Le langage sous description est le matériel brut observé,
transcrit sous forme de « texte » situé contextuellement ; le langage de description
correspond à la terminologie linguistique et aux systèmes de transcription
– Firth rejette la notion de métalangage ; le langage de traduction comporte les
langues source et cible et les langues de définition dans les dictionnaires et les
grammaires.
Firth se situe complètement dans la tradition de Sweet et sa « living philology »,
attention accordée au texte et à la phonétique, non distinction entre grammaire
pratique et grammaire théorique et place de la grammaire descriptive, enfin
implication dans l’enseignement des langues. On peut aussi souligner la nécessité,
exprimée par Sweet et reprise par Firth, de décrire les langues de l’Empire
britannique, qu’elles soient écrites ou non écrites, préoccupation qui existe en
Grande-Bretagne dès le dernier tiers du 19e s. Firth meurt en 1960, l’année de la
décolonisation en Afrique surnommée « the year of Africa ». Ses deux derniers
textes sont des interventions posthumes à deux congrès, organisés respectivement
par le British Council et le Commonwealth sur l’enseignement de l’anglais langue
étrangère ou langue seconde dans les anciennes colonies. La recherche sur les
langages restreints amorcée par Firth est un thème central abordé dans ces congrès,
sous l’intitulé English for special purposes, et ce sont les Néo-firthiens, dont fait
partie MAK Halliday, qui interviennent sur ces questions.

4. M.A.K. HALLIDAY (NÉ EN 1924) :


LA DISCIPLINARISATION DE LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE

Halliday est un élève de Firth. Il est nommé professeur de linguistique générale à


Edinburgh en 1958, dans le sillage de la création de la School of Applied Linguistics
et en pleine période de décolonisation et d’expansion de l’enseignement de l’anglais
comme langue seconde ou étrangère. Il fréquente Besançon et les séminaires
organisés par Quemada dans son Centre international de linguistique appliquée. Il
participe à la création de l’AILA en 1964, et est un des fondateurs de l’association
anglaise BAAL créée en 1967. Dans les années 1960, Halliday consacre plusieurs
travaux destinés à penser le rapport entre linguistique théorique et linguistique
appliquée. Outre son article « Linguistique générale et linguistique appliquée »
publié en 1962 dans le premier numéro des Études de linguistique appliquée, il écrit
deux ouvrages en collaboration avec Peter Strevens et Angus McIntosh, également
co-fondateurs de la School of Applied Linguistics d’Edimbourg et de l’AILA.
Dans ces deux ouvrages (Halliday et al. 1964 et McIntosh et al. 1966), il s’agit
de mettre au jour la théorie sous-jacente aux applications, et de préciser la place de
la linguistique appliquée au sein des linguistic sciences. Celles-ci – jusqu’en 1962,
78 JACQUELINE LÉON

Halliday utilise le terme de linguistique générale – comprennent, dans le sillage


de Sweet et Firth, la linguistique et la phonétique, dont les auteurs soulignent
le caractère pionnier en matière d’instrumentation : alors que la phonétique est
instrumentisée dès les années 1920, la linguistique attendra les années 1950 avec
l’apparition des magnétophones et des ordinateurs. Conformément aux positions de
Firth, la linguistique descriptive en tant que partie de la linguistique générale chargée
de la description des langues, est le domaine le plus adapté à l’enseignement des
langues. Contrairement à Firth, le rapport entre théorie linguistique et description
des langues n’est pas celui de l’application, mais celui de l’utilisation : les auteurs
utilisent le terme « use » plutôt que « apply » ou « application » :
The purpose of having a theory is to use it ; if a theory is devised to account for
how language works, this is in order that it may be used to describe languages.
(Halliday et al. 1964, p. 137)17
Décrire une langue appartient à la théorie linguistique. Il s’agit d’une utilisation de
la théorie linguistique, et non d’une application de la linguistique. On ne parlera
d’applied linguistics qu’une fois la description faite, lorsque celle-ci est appliquée
à un objectif ultérieur situé en dehors des sciences linguistiques :
the use of linguistic theory to describe language is not itself counted as an
application of linguistics. …. Applied linguistics starts when a description has
been made, or an existing description used, for a further purpose which lies
outside the linguistic sciences. (Halliday et al. 1964, p. 38)
Pour Halliday, susciter des applications c’est devenir une science comparable aux
autres sciences, et c’est aussi remplir un devoir social d’intérêt général. De plus,
grâce à leur rôle éventuel de « feedback » pour la théorie, les applications sont
susceptibles de faire évoluer les sciences. Dans la conclusion de son texte de 1962,
Halliday réaffirme l’absence de clivage entre le pur et l’appliqué en linguistique, et
la nécessaire intrication entre théorique, pratique et descriptif propre à la tradition
britannique :
A description of a language, if it is to be of practical use, must be based on a
general theory ; a theory of language, if it is to remain in touch with reality, must
be tested in the description of languages. There is no cleavage between the pure
and the applied in linguistics ; on the contrary, each flourishes only where the
other is also flourishing. (Halliday 1962 [1966], p. 41)
Toutefois, contrairement à Firth qui critiquait l’application à la linguistique de
méthodes issues d’autres disciplines, Halliday, Strevens et McIntosh, comme
d’ailleurs les statuts de l’AILA fondée en 1964, incluent, comme domaine
d’application, la traduction automatique qui implique des spécialistes d’autres
disciplines (mathématiques ou informatique). Ici encore l’évolution de la
linguistique britannique accompagne ou est accompagnée par les évolutions
technologiques.
En ce qui concerne l’enseignement des langues, le rôle du linguiste n’est pas de
se substituer à l’enseignant des langues ni celui-ci au linguiste, mais de fournir de
bonnes descriptions des langues que peut utiliser l’enseignant.
The role of linguistics and phonetics in language teaching is not to tell the

17 Les italiques sont de moi.


LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DANS LA TRADITION BRITANNIQUE 79

teacher how to teach... This is the main contribution that the linguistic sciences
can make to the teaching of languages : to provide good descriptions. ....As soon
as the teacher uses the word ... ‘sentence’ or ‘verb’ in relation to the language
he is teaching, he is applying linguistics, just as when he says ‘open your mouth
wider’ he is applying phonetics. (Halliday et al. 1964, p. 166)
Halliday et al. (1964) utilisent les registres, version remaniée des langages
restreints de Firth pour promouvoir une conception « pratique » de l’enseignement
des langues. Dans l’enseignement de l’écrit à des fins de présentation de
communications scientifiques, commerciales ou industrielles, il est inutile de
parler la langue dans sa totalité (the whole language) ou d’étudier sa littérature. Il
faut utiliser des langages spécialisés et restreints.

CONCLUSION
Firth et Halliday ont assisté aux débuts de l'institutionalisation de la linguistique
appliquée sur laquelle ils ont porté un regard critique. Pour Firth, la School of applied
linguistics ne pouvait prétendre assurer la formation théorique en linguistique.
Avec la création de l'AILA, Halliday s'interroge sur la pertinence du regroupement
comme discipline autonome des applications de la linguistique. Encore en 2002,
dans sa conférence d'ouverture du 13e congrès de l'AILA à Singapour, alors qu'il
vient de recevoir la première Médaille d'or de la linguistique appliquée, il se
prononce pour une conception dynamique de la linguistique appliquée qu'il qualifie
de thème en évolution « Applied linguistics as an evolving theme ». La linguistique
appliquée se constitue à un moment donné comme un regroupement conjoncturel
de domaines qui, au fur et à mesure, vont s'autonomiser. C'est le cas notamment
de l'orthophonie, la traduction, l'enseignement des langues – on pourrait y ajouter
le traitement automatique des langues – qui se sont autonomisés depuis les années
1960. Ils ont progressivement mis en place leurs propres colloques, leurs propres
revues, leurs propres recrutements universitaires, leurs propres bourses et sources
de financements qui leur confèrent une respectabilité académique.
Toutefois, rappelle Halliday, la linguistique appliquée, pas plus que les
mathématiques appliquées ne sont des disciplines. Une discipline se définit comme
un ensemble de principes et de méthodes destinés à l'exploration et à l'explication
d'un objet bien spécifié. Or la linguistique appliquée utilise les résultats de la
linguistique à d'autres fins que l'étude du langage. Il reconnaît toutefois qu'une
telle présentation en établissant une séparation trop stricte entre linguistique
théorique et linguistique appliquée est réductrice. La ligne de partage est parfois
difficile à tracer quand on travaille sur le langage. C'est pourquoi il propose de
considérer que la linguistique travaille sur le langage comme objet d'étude, et que
la linguistique appliquée travaille sur le langage comme thème.
Toutefois, même s'il ne tient pas, contrairement à d'autres, la linguistique
appliquée pour une discipline à part entière, Halliday partage l'idée communément
admise, encore actuellement, selon laquelle c'est dans les années 1960 que la
linguistique appliquée se serait constituée en tant qu'entreprise de « problem-
solving » destinée à traiter les « real-world language-based problems » (Grabe
2002). Dans cet article, on espère avoir montré, au contraire, que les linguistes
80 JACQUELINE LÉON

britanniques18 sont conscients, dès la fin du 19e s., de la vocation de la linguistique


à s'attaquer aux « real-world problems ».

BIBLIOGRAPHIE

Sources primaires
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Firth, John Rupert [tapuscrit posthume 2] October 1960 destiné à la Commonwealth
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Clarendon Press.
Sweet, Henry (1899). The Practical Study of languages : A guide for teachers and learners.

18 C’est la position partagée par la « communauté » formée par les linguistes britanniques,
scandinaves, mais aussi allemands et français – cf. la notion de « Discourse community »
élaborée par A. Linn (2008) et dans le présent numéro.
LA LINGUISTIQUE APPLIQUÉE DANS LA TRADITION BRITANNIQUE 81

Reprinted en 1964 by R. Mackin, Oxford, Oxford University Press.

Sources secondaires :
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