Vous êtes sur la page 1sur 28

Cours de l’initiation à la linguistique

Département de Langue et littérature françaises


Filière: Etudes françaises
SEMESTRE 4

Professeur: CHALFI
Année universitaire
2019 /2020

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


1
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Qu’est-ce que la linguistique?
1- Définitions
• La linguistique est l'étude scientifique du langage humain.
• La linguistique est une science qui a pour objet l’étude des phénomènes
linguistiques en général ; c'est une science de la langue et des langues.
• Ferdinand de Saussure, linguiste Suisse considéré comme le père de la
linguistique, l’a considérée comme champ d'étude scientifique; il l’a définie
aussi comme une « science qui a pour objet la langue envisagée en elle-
même et pour elle-même ». Il s’agit donc de considérer la langue comme
objet d’analyse scientifique qui s'éloigne de tout contexte social qui
peut lui accorder des jugements de valeur.
• Selon André Martinet la linguistique est « l’étude scientifique du
langage humain. Une étude est dite scientifique lorsqu’elle se fonde sur
l’observation des faits et s’abstient de proposer un choix parmi ces faits au
nom de certains principes esthétiques ou moraux. « Scientifique »
s’oppose donc à « prescriptif ». Dans le cas de la linguistique, il est
particulièrement important d’insister sur le caractère scientifique et
non prescriptif de l’étude : l’objet de cette science étant une activité
humaine, la tentation est grande de quitter le domaine de l’observation
empirique, de ne plus noter ce qu’on dit réellement, mais d’édicter ce
qu’il faut dire. » (Martinet 1967, p. 6).

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


2
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
2- Les débuts de la linguistique (aperçu historique)
• Depuis 25 siècles:
▪ En Inde : Panini s’est intéressé à une description de la grammaire
du Sanskrit (langue indo-européenne très ancienne) et à son
fonctionnement.
▪ En Grèce, l'étude de la langue est liée aux théories
philosophiques qui s'intéressent à l'établissement du lien entre la

langue et la logique. Nous citons aussi que Platon et Aristote (IVe


siècle av. J.-C) ont porté intérêt à l’étude de la langue.
▪ La première tentative moderne d’une élaboration d’une théorie du
langage se date de la grammaire de Port- Royal(1660) avec
Antoine Arnauld (1612-1694) et Claude Lancelot (1615- 1695). Cette
grammaire part de l'idée par laquelle il existe un lien entre langue et
logique, et que le langage ce n'est qu'une représentation de la pensée.

▪ Au début du XIXe siècle, en Europe, c’était l’apparition de la grammaire


comparée. Cette grammaire tente de reconstruire les langues
originelles d’où proviennent les différentes langues du monde. Par
l’étude de William Jones en 1786, on connaît les analogies entre le
Sanskrit et la majorité des langues d'Europe. Friedrich Von Schlegel,
frères Grimm et Franz Bopp ont réalisé des travaux portant sur
l'élaboration de lois phonétiques rendant compte de l'évolution des
sons à travers le temps.

3- Objectifs de la linguistique

• La linguistique aborde, comme problème, l'adéquation du langage à


la pensée, c'est-à-dire le rapport entre la notion et le mot qui la désigne.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


3
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
• La linguistique se veut donc un outil de description scientifique neutre qui
ne tient pas compte des valeurs personnelles associées à la perception
d'une langue ou d’une population.
• L’approche linguistique s’écarte absolument de toute idée de norme ou règle.
• D'une façon générale, la linguistique s'interroge autour de questions telles
que:
- Comment est apparu le langage?
- Quelle est la nature du langage?
- Comment sont structurées les langues?
- Comment le langage transmet le sens entre deux individus?
• La linguistique vise à formuler une théorie scientifique de la
structure des langues humaines.

4- Domaines d'étude de la linguistique


Domaines internes ou traditionnels
Les travaux et les analyses linguistiques sont répartis en cinq domaines d'étude qui
sont devenus par la suite des domaines d'analyse traditionnels ou internes de la
linguistique.
Ces domaines sont :
La phonétique est une discipline linguistique qui a pour objet l'étude scientifique
des sons du langage humain dans leur émission, leur réception et dans leur caractère
physique.
La phonologie est une science qui étudie les sons, non pas en eux-mêmes, mais du
point de vue de leurs fonctions distinctives dans le système de la langue : la
distinction entre les deux domaines repose sur la différence entre le son et le
phonème. On peut faire la distinction entre :
1. Phonétique acoustique qui analyse les sons en tant que phénomènes physiques
2. Phonétique auditive qui décrit comment l'oreille humaine réagit au Stimulis
acoustique.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


4
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
3. Phonétique articulatoire qui étudie l'appareil vocal humain lorsqu'il fonctionne
pour produire des sons.
La sémantique peut être définie assez simplement comme étant la discipline qui
étudie les sens dans le langage humain. Ce sens peut être rapporté à des unités,
comme le mot ou la phrase.
Dans un article de 1883, le linguiste français Michel Bréal (1832-1915) définissait
la sémantique comme devant s'occuper des " lois qui président à la transformation
du sens ". Son Essai de sémantique, qui paraît en 1897, constitue la première
tentative d'organiser cette nouvelle discipline.
La sémantique a d'abord été diachronique : elle étudié la manière dont le sens des
mots se modifie au fil du temps. Le sens d'un mot peut s'élargir, se restreindre ou,
au contraire, changer complètement.
Le mot " maîtresse ", par exemple, a vu son sens se restreindre et devenir en même
temps péjoratif (Femme qui entre dans des relations amoureuses illégitimes).
Aujourd'hui, l'essentiel des recherches qui sont faites en sémantique sont d'ordre
synchronique.
La morphologie est l'étude de la forme des unités linguistiques. Elle a longtemps
constitué, avec la syntaxe, le noyau dur de l'activité grammaticale.
On s'accorde à dire que le mot est l'unité linguistique étudiée par la morphologie.
Cependant, la notion de l’unité est assez difficile à cerner, et il semble bien que le
mot ne soit pas la plus petite unité linguistique pourvue de la forme et de sens.
Certains mots sont composés de plusieurs éléments plus petits. Le mot "
préhistoriques", par exemple, est divisible en plusieurs parties : pré-histor-ique-s.
Chacune est porteuse de forme et de signification qu'on appelle " morphème".
La syntaxe : les mots n'apparaissent pas isolés dans le discours ; ils se continuent
pour former des unités linguistiques plus grandes : le syntagme et la phrase.
Selon quelle règle les mots se combinent-ils pour former des phrases qui sont
grammaticales ? C'est à cette question que la syntaxe se doit de répondre.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


5
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Les mots ne se disposent pas de manière anarchique pour former une phrase. Ils le
font dans un certain ordre et c'est la syntaxe qui étudie les règles, l'ordre des mots.
Avec l'élargissement des champs d'étude de linguistique, poussé par les analyses
qui examinent la langue dans son contexte social, s’ajoute en outre un bon
nombre de sous domaines, nommés non traditionnels de la linguistique qui sont :
Les domaines non traditionnels ou externes de la linguistique
La dialectologie recouvre la géolinguistique (localisations des langues et des
dialectes avec constitution d'Atlas linguistique), mais aussi l'étude des phénomènes
de dialectisation et la description linguistique des dialectes.
L'ethnolinguistique : une science qui étudie la langue, non pour elle-même, mais
en tant qu'elle est l'expression d'une ethnie, d'un peuple, d'une culture.
Cependant, on réserve communément l'appellation d'ethnolinguistique aux
recherches menées, en liaison avec l'ethnologie, sur les langues des communautés
dites primitives (ethnolinguistique américaine a décrit la plupart des langues
indiennes)
La psycholinguistique a pour objet l'étude du développement et le fonctionnement
des comportements verbaux. Liée à la linguistique à laquelle elle a emprunté ses
modèles et ses techniques, elle s'occupe de l'acquisition du langage chez l'enfant,
des opérations psychologiques de production et de compréhension du discours et
plus généralement formule des hypothèses sur le lien entre le langage et la pensée.
La psycholinguistique, au sens large, recouvre aussi la neurolinguistique et tous les
travaux portant sur la pathologie du langage. La neurolinguistique, grâce à une étude
des rapports entre Aphasie et élision cérébrale, analyse le rôle des structures qui
rendent possible la production et la compréhension du langage.
La sociolinguistique : une discipline qui étudie l'interaction entre nos pratiques
langagières et les phénomènes sociaux qui nous entourent. L'objectif primordial de
la sociolinguistique pourra se trouver résumé dans cette phrase du linguiste Antoine

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


6
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Meillet(1906) « il faudra déterminer à quelle structure sociale répond une structure
linguistique donnée et comment, d'une manière générale, les changements des
structures sociales se traduisent par le changement de structure linguistique »
Pour la sociolinguistique, il s'agit d'expliquer les phénomènes linguistiques à partir
des données extra-linguistiques, autrement dit, des facteurs politiques et sociaux.
L'analyse du discours: partie de la linguistique qui détermine les règles
commandant la production des suites de phrases structurées. (dictionnaire de
linguistique Larousse)
La lexicologie : science des unités des significations et de leurs combinaisons en
unités fonctionnelles.
La lexicographie: est une technique liée à l'élaboration et la confection des
dictionnaires.

Linguistique et grammaire
La linguistique qui est apparue au XVIIe siècle, se distingue clairement
de la grammaire du fait qu'elle est l'étude du langage et la description de son
fonctionnement. A cette époque, elle refusait d'être l'idée selon laquelle la
grammaire latine était la science du langage car, au sens large, la tâche du
linguiste est l'étude des mécanismes du langage qui, de son tour, fait appel à
d'autres sciences.
La linguistique s'oppose à la grammaire puisque cette dernière est normative
et soumise à la conformité de la norme ou du bon usage; elle est également
prescriptive car elle est édictée par des règles qui permettent de distinguer les
bons et mauvais usages. En plus qu'elle est normative et prescriptive, la
grammaire est curative (vient de curare qui signifier soigner), car elle veille au
respect du bon usage en évitant l'emploi de fausses tournures. La linguistique
est donc descriptive, elle étudie la langue telle qu'elle est sans intervenir aux
jugements liés au bon ou mauvais usage, elle ne se préoccupe pas de la norme. Par

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


7
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
contre, la grammaire juge les énoncés en termes d'adéquation d'un usage lié à une
telle norme.
La norme, liée à la prescription d'une langue, englobe l'ensemble des règles
grammaticales qui mènent à la distinction entre les énoncés qui sont jugés
grammaticaux, agrammaticaux ou encore acceptables.
- Grammatical: qui respecte les règles de la grammaire d'une langue.
Ex. La petite fille joue à cache-cache.
- Agrammatical: le fait d'employer incorrectement la grammaire d'une langue.
Ex. La fille petite à cache-cache joue.
- Acceptable: énoncé qui est ou pourrait être compris dans une communauté
linguistique sans nécessairement être grammatical.
Ex. 1- J'ai acheté une livre de français.
Ex.2- J'ai acheté un livre de sucre.
Dans (1) livre est considéré comme masculin et non féminin, dans (2) livre est
considéré comme féminin et non masculin; ce qui rend les deux énoncés
agrammaticaux mais qui sont à la fois acceptables.
En conclusion, la linguistique par rapport à la grammaire est:
- Systématique: elle possède un aspect formel et théorique qui mène à l'élaboration
d'un modèle langagier.
- Scientifique: procède une méthodologie rigoureuse et scientifique en vue
d'élaboration de modèles théoriques.
- Descriptive (et non prescriptive): puisque son but est de décrire la langue en elle-
même, son fonctionnement et son usage.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


8
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
La grammaire normative ou prescriptive
• La grammaire normative telle qu'elle est enseignée à l'école primaire a un but
prescriptif et normatif. Elle ne cherche pas à décrire la manière dont les gens
parlent, mais plutôt à imposer une langue à partir de règles strictes, à
codifier une variété du français (un registre de langue).
• La grammaire traditionnelle impose une norme à ne pas transgresser, mais
n'essaye pas de comprendre ou de déterminer l'usage réel d'une langue par un
locuteur.
• La grammaire normative est considérée comme une description complète
des conventions grammaticales d’une langue fixée par une institution. Et elle
correspond le plus souvent à une grammaire de la langue écrite, la langue
standard, voire soutenue.
• Pour le français, c’est l’Académie Française qui fixe ces normes. C’est aussi les
œuvres littéraires qui cautionnent l’emploi d’une tournure de phrase.
Exemples
a. La grammaire normative va forcer l’utilistaion de ʺ bien queʺ au lieu de
ʺmalgré queʺ, ou bien l’utilisation de ʺ la voiture de ma soeur ʺ face à ʺ
la voiture à ma soeur ʺ
b. “Il se présente aux élections présidentielles bien qu’il n’ait aucune chance
d’être élu”, au lieu de “Il se présente aux élections présidentielles malgré
qu’il n’ait aucune chance d’être élu”.
c. “Il assiste régulièrement aux cours bien qu’il soit malade.”, au lieu de
“Il assiste régulièrement aux cours malgré qu’il soit malade.”
d. “ Il est allé chez le dentiste” , au lieu de “ Il est allé au dentiste”

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


9
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
N.B.
- Dans les exemples précédents, les premiers énoncés ne sont pas
agrammaticaux mais juste mal formés.
- Les deuxièmes phrases ne correspondent pas au français standard.

La linguistique est une science descriptive


Il convient de distinguer la nouvelle discipline qu’est la linguistque de la
grammaire traditionnelle caractérisée par Saussure comme normative
(prescriptive) grammaire qui vise essentiellement à produire des règles pour faire
le partage entre formes « correctes » et formes « incorrectes ». En refusant
la pure observation et en se fondant sur la logique des catégories de pensées, cette
grammaire s’interdit d'être une discipline scientifique.
C’est justement à la scientificité que la linguistique prétend en adoptant
un point de vue strictement descriptif qui exclut les jugements de valeur.
Donc, le rôle initial de la linguistique est de décrire et à chercher à
comprendre. Ceci nous mène à faire la distinction entre les énoncés qui
sont jugés grammaticaux, agrammaticaux ou acceptables:
- Grammatical: qui respecte les règles de la grammaire d'une langue.
(Ex. Le petit garçon joue dans le jardin.)
- Agrammatical: qui viole les règles de la grammaire d’une langue.
(Ex. petit le garçon joue jardin le dans.)
- Acceptable: énoncé qui est ou pourrait être compris par les membres d’une
communauté linguistique sans effort particulier.J'ai acheté un échelle.)
« Échelle » est considéré comme féminin et non masculin, ce qui rend l’énoncé
agrammatical mais au moins acceptable

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


10
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
La linguistique affirme la primauté de l’oral sur l’écrit
• Beaucoup de personnes croient que la forme écrite de la langue est supérieure
à la forme orale, l'écrit est plus correct, l'oral est plus erroné. Or plusieurs
faits démontrent des contraires:
- Historiquement, l'écrit s'est développé beaucoup plus tard que l'oral. Selon des
archéologues, l'écrit a été utilisé pour la première fois, il y a environ 6000 ans (vers
3500 av. J.- C.) à Sumer en Mésopotamie (actuel territoire irakien). Quant à
la langue parlée, selon les généticiens, l’origine du langage humain remontait
à au moins 100000 ans.
- Géographiquement: la langue parlée existe partout dans le monde, ce qui n'est
pas le cas de l'écrit. La plupart des habitants de la terre n'utilisent pas de système
d’écriture, ce qui ne les empêche pas d'être des locuteurs parfaitement compétents
dans leur langue.
- D'un point de vue d'acquisition, l'écrit doit être enseigné tandis que l'oral est
appris naturellement. Tous les enfants apprennent à parler naturellement au sein
de la communauté où ils sont nés. Ils acquièrent leur langue maternelle avant
d’entrer à l’école et deviennent des locuteurs parfaitement compétents avant de
la scolarisation.
- Pour les grammairiens anciens, la référence était la langue écrite. La grammaire
ancienne est attachée surtout aux grands textes.
- Pour les néogrammairiens et surtout à partir de Saussure, la langue parlée est
considérée comme étant le point de départ le plus pertinent pour l'étude de la
langue. L'écriture n’est considérée que comme une transcription de l'oral. La
manifestation immédiate de la langue est sa forme orale et l'écrit est juste une
représentation graphique de l'oral.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


11
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Compétence / performance
L’opposition théorique entre compétence et performance est une hypothèse de
Chomsky dans le cadre de la linguistique générative. Publiée initialement en 1965
dans Aspects de la théorie syntaxique, elle procède d’une réinterprétation de
« l’opposition saussurienne de la langue et de la parole » et est devenue un concept
classique du discours linguistique général. Elle différencie chez les générativistes la
capacité de construire et reconnaître l’ensemble des énoncés grammaticalement
corrects d’une part (compétence) et l’ensemble des énoncés produits d’autre part
(performance). Cette opposition est primordiale dans le sens où la tradition
générativiste tente d’étudier la capacité à produire des énoncés par le biais de ces
énoncés.
Pour Saussure, la langue n’est qu’un inventaire systématique de données ; alors que
pour Humboldt et aussi Chomsky, la compétence est un système sous-jacent de
processus génératif.
Selon Chomsky, la compétence linguistique est commune à tous les locuteurs d’une
même langue, et permet d’interpréter les phrases dotées de sens, les phrases ambiguës,
etc. Elle permet en théorie à un locuteur de produire des phrases d’une longueur infinie,
ce que ne permet pas la performance linguistique en raison de notre limite mémorielle.
D’après Nicolas Ruwet : « Tout sujet adulte parlant une langue donnée est à tout
moment capable d’émettre spontanément ou de percevoir et de comprendre un nombre
infini de phrases que pour la plupart il n’a jamais prononcées ni entendues auparavant».
L’idée de base de Chomsky est bien le concept d’innéisme selon lequel tout locuteur
natif possède une connaissance innée des mécanismes du langage. Il peut distinguer
une phrase grammaticale d’une phrase agrammaticale.
D’autre part, selon Chomsky, l’ensemble des phrases possibles dans une langue donnée
est infini, mais limité par la pragmatique. De cette manière, la linguistique générative
se distingue de la linguistique structuraliste qui se limitait à des corpus (énoncés
produits).

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


12
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Par exemple, la phrase suivante est possible grammaticalement et sémantiquement,
mais a peu de chance d’être produite : « Le chat de la voisine qui est parti en vacances
dans le sud de l’Espagne où il fait bon vivre lorsqu’il ne fait pas trop chaud ou
trop froid et qui est rentrée samedi matin aux premières lueurs, jour où mon voisin
est tombé du toit de sa maison qu’il réparait en prévision des jours de pluie que
l’on attend le mois prochain et s’est cassé la jambe, s’est échappé de son jardin et
est parti se promener dans le parc où les chiens... ».
La Compétence
Dans la théorie de Chomsky, notre compétence linguistique reflète notre connaissance
inconsciente des langues, de la grammaire qui permet à un locuteur natif d’utiliser et
de comprendre sa langue, c’est-à-dire la capacité innée des individus de faire une
correspondance appropriée entre les sons et le sens. La compétence linguistique
consiste donc en la connaissance de la langue, mais cette connaissance est tacite,
implicite. Ceci signifie que les individus n’ont pas un accès conscient des principes et
des règles qui gouvernent la combinaison des sons, des mots et des phrases. Cependant,
ils peuvent faire la distinction entre des phrases grammaticales et des phrases
agrammaticales ; autrement dit, les individus le savent quand les principes et les règles
de leur langue sont violés.
La Performance
C’est la capacité d’interpréter les aspects d’une phrase qui ne sont pas régulés, comme
les intonations et le style. La performance s’occupe de la connaissance implicite d’un
locuteur natal qu’on ne peut pas nécessairement prouver ou expliquer par les règles
grammaticales. C’est la mise en œuvre de la compétence linguistique dans les actes de
paroles.
La performance correspond donc aux actes individuels et singuliers de la langue. Elle
peut être interprétée comme un décalage entre les capacités linguistiques d’un individu
(ce qu’il est capable de faire) et l’utilisation ou la mise en œuvre de ces capacités
(l’exécution de parole).

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


13
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
II / Ferdinand de Saussure et le Cours de linguistique
générale (CLG)
1. Biographie de F. De Saussure
• Ferdinand de Saussure (1857-1913) a attaché son nom à la naissance de
la « linguistique moderne », en tout cas dans le contexte européen, mais
l’essentiel de son travail ne nous est pas parvenu sous la forme d’une
œuvre rédigée par lui-même : Avec "le Cours de linguistique
générale", nous avons affaire à un texte posthume élaboré par deux
disciples de Saussure : Charles Bally et Albert Sechehaye à partir de
notes prises durant les 3 cours de linguistique générale professés par
Saussure de 1906 à 1911 à Genève en Suisse. Ce cours était lui-même le
résultat d'une réflexion ininterrompue, menée d'abord à l'Ecole des
Hautes Etudes à Paris, puis dès 1891 à l’université de Genève. Le Cours
fut édité pour la première fois en 1916. Bally et Sechehaye ont souligné,
dans leur préface de la première édition, les difficultés de travail de
«reconstitution » et de « synthèse » auxquelles, ils s’étaient livrés.
• Dans ces conditions, on ne peut guère s’étonner des interprétations
nombreuses et divergentes qu’a suscitées le Cours : la genèse et la
forme de l’ouvrage ne peuvent qu’alimenter la réflexion des
linguistes. Préoccupé de découvrir « la véritable pensée de Saussure », le
débat reste ouvert sur les problèmes épineux de l’organisation du
Cours, de ces apparentes contradictions internes par exemple : quelle est,
au juste, la conception saussurienne de l’écriture ? de ces lacunes en
particulier l’absence d’une « linguistique de la parole », promise aux
auditeurs du 3ème cours. C’est dire que la réflexion critique sur le Cours
UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA
14
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
reste l’un des moyens privilégiés d’une approche de la
linguistique générale.
• Le travail de Saussure constituait une rupture avec la linguiste
comparatiste de son époque, en proposant une approche non
historique, descriptive et systématique (structurale).
• Le Structuralisme propose d'appréhender toute langue comme un
système dans lequel chacun des éléments n'est définissable que par les
relations d'équivalence ou d'opposition qu'il entretient avec les autres, cet
ensemble de relations formant la « structure ».
2. Les concepts fondamentaux du CLG
la définition de la langue comme objet de la linguistique nous introduit au
cœur de la problématique saussurienne. Ce terme de « langue», nous l’avons
employé sans avoir encore explicité son sens particulier dans le cours. Dans ce
qui suit, nous mettrons l’accent sur les trois concepts saussuriens: langage, langue,
et parole.
• Le langage est une faculté inhérente à l’Homme, alors que la langue est
définie par Saussure comme un produit social, une convention adoptée par
les membres d’une communauté linguistique.
Saussure tient à nuancer la thèse qui prétend que le langage est une faculté
naturelle: ce qui est naturel à l’homme, ce n’est pas le langage parlé (la question
de l’appareil vocal est secondaire), c’est la faculté de constituer une langue,
c’est-à-dire un système de signes distincts correspondant à des idées distinctes
(page 26 du CLG). Cette faculté, il la nomme faculté linguistique par excellence.
On comprend par-là que c’est l’existence de langue qui conditionne la possibilité
du langage parlé, la faculté de proférer des paroles. Si donc la langue occupe une
place spécifique dans l’ensemble des faits de langage. Comment la situer?

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


15
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
En partant de l’acte individuel de la parole (l’individu communique avec un
autre individu) et en montrant que ce mécanisme qui est lié à un autre individu reste
incompréhensible si on ne postule pas que les individus en présence possèdent en
commun un système d’association et de coordination des sons avec des sens, ce
que Saussure nomme « langue». En quittant l’acte individuel () et en envisageant
ce fonctionnement à l’échelle d’une communauté tout entière, on peut définir la
langue comme un pur objet social, un ensemble systématique de conventions
indispensables à la communication. Séparer la langue de la parole revient à séparer
le social de l’individuel, l’essentiel du contingent, le virtuel de la réalisation.
Le domaine de la parole est celui de la liberté, du choix, de la création, puisque les
combinaisons des signes linguistiques dépendent de la volonté des locuteurs.
 La langue / la parole: Selon Saussure, la langue est un code, c’est à dire un
ensemble de règles qui s’imposent à l’ensemble de ses usagers. Elle est définie
comme un système de signes, un trésor qui contient l’ensemble des signes isolés
et c’est bien l’organisation de ces signes en séquences qui resort de l’exploitation
individuelle de la langue sous forme de parole.
Quant à la parole, elle est la réalisation individuelle et personnelle de la langue.
Elle est considérée comme la concrétisation des possibilités que la langue offre
à l’individu lors de la formation des énoncés. En fait, la parole actualise le code
et fait passer la langue de son état virtuel à l’état réel.

Synchronie/diachronie
• Le mot synchronie désigne un état de langue considéré dans son
fonctionnement à un moment du temps. Le mot diachronie renvoie à une phase
d’évolution de la langue, cette opposition, pour Saussure, a un caractère
mythologique, il n’existe pas dans les faits: « à chaque instant le langage implique
à la fois un système établi » (p. 24 de CLG).
C’est une différence de point de vue : soit on adopte un point de vue synchronique
sur la langue, c’est-à-dire qu’on s’applique à décrire des rapports entre des

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


16
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
éléments simultanés, soit j’adopte un point de vue diachronique, c’est-à-dire que
nous essayons de considérer des éléments dans leur successivité, nous tentons
d’expliquer les changements survenus dans la langue.

Le point de vue synchronique


Saussure d’abord, la linguistique structurale ensuite, ont accordé la primauté
au point de vue synchronique, contribuant ainsi à rompre avec une tradition
inaugurée par la grammaire comparée qui ne concevait la comparaison entre les
langues que comme un moyen de reconstituer le passé. Cette perspective
historiciste de la diachronique linguistique présentait un autre danger,
celui de l’émiettement de la fragmentation : en ne retraçant que l’évolution
d’un mot ou d’une catégorie grammaticale, on néglige l’aspect
systématique de la langue et le vœu de scientificité se réduit souvent à un
empirisme tâtonnant. En ce sens, on ne peut pas assimiler la linguistique
diachronique de Saussure à l’ancienne linguistique historique, puisque
l’histoire d’une langue est toujours l’histoire d’un système linguistique ; autrement
dit, on doit considérer la diachronie comme une succession de synchronies.

Syntagme/paradigme
Si, dans la langue, il n’y a que des différences, tout signe linguistique recevra donc
sa valeur de ses relations avec tous les autres signes : ces relations se manifestent
à la fois sur le plan « horizontal » des combinaisons et sur le plan « vertical»
des associations.
Saussure avait mis en évidence, après l’arbitraire du signe linguistique, un second
caractère portant sur la linéarité du signifiant. C’est dire que les unités s’ordonnent
dans la langue les unes à la suite des autres : on ne peut pas prononcer deux
éléments à la fois. Ces combinaisons d’unités successives, Saussure les nomme
syntagmes; le syntagme se compose donc de deux ou plusieurs unités
consécutives.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


17
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Dans le développement consacré à l’opposition langue/parole, nous avons
évoqué le problème de la délimitation des combinaisons. Saussure appelle
syntagmes aussi bien un nom composé qu’un groupe de mots et une certaine
catégorie de phrases. Pour la linguistique structurale, le terme syntagme désigne
un groupe d’éléments linguistiques formant une unité dans une organisation
hiérarchisée; on parlera, par exemple, de syntagme nominal et de syntagme verbal
pour désigner les deux principaux groupes constituant une phrase.
L’étude des unités linguistiques du point de vue de leur succession dans la
chaîne parlée, sur l’axe syntagmatique, est appelé la syntagmatique. Les
éléments présents et les rapports qui s’instaurent entre eux sont étudiés
notamment du point de vue de leurs combinaisons et de leurs
dispositions. Outre les rapports syntagmatiques, les termes d’une langue
contractent entre eux des rapports associatifs, c’est-à-dire que s’établissent, dans
le cerveau du locuteur, des rapprochements entre les mots : refermer est lié à
enfermer (même radical), armement et changement possèdent le même suffixe,
éducation et apprentissage sont voisins par le sens…l’usage a consacré le terme de
paradigmatiques pour qualifier ces rapports, le terme paradigme renvoie à
l’ensemble des unités entretenant entre elles un rapport virtuel de substitution.
La langue est un phénomène qui se déroule dans le temps. Quand on parle, on
prononce un mot, suivi d’un autre et ainsi de suite, l’enchainement des
mots prononcés définit un axe syntagmatique dans son existence à une influence
fondamentale sur le fonctionnement de la langue. Si on veut relier deux éléments
dans l’axe syntagmatique, il faut le faire en fonction de la linéarité de signe
linguistique, soit en les rapprochant dans la chaîne parlée, soit en les reliant
à un autre mécanisme.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


18
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Etudier l ’énoncé suivant d’un point de vue paramatique
ʺLes étudiants sont dans la courʺ
Cet énoncé peut être remplacé, dans ses différentes unites, par plusieurs autres
énoncés tells que:
✓ Les enfants jouent dans la cour.
✓ Les étudiants se trouvent dans la classe.
✓ Les gens travaillent dans la cour.

Indice et signal
La sémiologie est l’étude de tous les systèmes de communication non linguistiques.
Un signe, au sens le plus général, désigne un élément A qui représente un élément
B, ou lui sert de substitut, mais cette représentation ou cette substitution peut
impliquer une intention de communication ou ne pas en impliquer.
Georges MOUNIN donne l’exemple du ciel d’orage: le ciel d’orage n’a pas
l’intention de communiquer avec le météorologiste mais il est cependant l’indice
d’une pluie possible.
Au contraire de l’indice, un certain nombre de signes implique une intention
de communiquer. Ce sont des signaux : le ciel d’orage n’a pas l’intention
d’annoncer le mauvais temps, mais cet indice va conduire le responsable de la
sécurité d’une plage à hisser un drapeau rouge ; ce drapeau est un indice artificiel
produit pour fournir une indication, il relève de la sémiologie et non de la
linguistique.

Signe et symbole
L’intention de communiquer a permis de faire la distinction entre « indice »
et «signal » comme pour le premier cas.
L’examen des liens existant entre A et B permet de faire une deuxième
distinction : un Z sur un panneau routier annonce un tournant ; entre la forme
de l’élément A et l’élément B qui l’indique, il y a un lien ; ce Z est un symbole.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


19
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Le symbole est un signal qui marque un rapport analogique, constant dans une
culture donnée, avec l’élément qu’il désigne.
Avec le CLG nous n’avons pas affaire à une recherche philosophique sur la nature
de signe, mais à une définition de la langue comme système de signes.
Il faut pourtant bien commencer, à l’instar de Saussure lui-même à examiner
la structure de signe, pour parvenir, à travers le problème de l’arbitraire, à
expliciter l’indissociabilité des notions de signes et de système.

Le signe linguistique: une entité double


Le signe linguistique unit, non pas une chose et un nom (selon une vue bien naïve),
mais un « concept » et une « image acoustique ». Le signe «sœur », par exemple,
comporte deux éléments inséparables, comme le recto et le verso d’une feuille
de papier : le concept, l’idée de « sœur » d’une part, et d’une autre part
l’empreinte psychique, la représentation des sons qui constituent le signe
« sœur ». Pour « marquer l’opposition qui les sépare soit entre eux, soit du total
dont ils font partie » (P.99 du CLG), Saussure a substitué le terme
signifiant à « image acoustique », et le terme signifié à « concept ». En se
débarrassant de deux termes, au profit du couple signifiant/signifié, il a voulu
marquer l’autonomie de la langue comme système formel par rapport aux «
substances » (les sons, les idées qu’il organise). C’est dans cette optique que l’on
doit comprendre le rejet par la linguistique saussurienne de la notion du
référent (la chose que le signe nomme) : signifiant et signifié se définissent
l’un par l’autre, cette différence est interne au signe lui- même.

L’arbitraire du signe linguistique


Avec le principe de l’arbitraire, nous allons faire un pas décisif pour la
compréhension simultanée des notions du signe et du système. Le lien unissant le
signifiant au signifié est arbitraire. Le lien entre signifiant et signifié est à la fois
arbitraire et nécessaire. Il n’existe aucun rapport interne entre le concept représenté,

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


20
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
celui de « canard », et la suite de sons qui le représente : [k] + [a]+ [n] +
[a]+[r]. La preuve apparaît clairement dans la variété des dénominations de langue
à langue pour une même réalité signifiée: Français (canard), Anglais (duck), Italien
(anatra), Arabe (‫…)بطة‬
Mais, « c’est par rapport à l’idée qu’il représente, le signifiant apparaît comme
librement choisi, en revanche, par rapport à la communauté linguistique qui
l’emploie, elle n’est pas libre, elle est imposée » (CLG,P. 104). Un
certain nombre d’objections, désormais classiques sont adressées à cette thèse
de l’immotivation du signe linguistique : ainsi l’existence des onomatopées
ou des exclamations qui semblent impliquées entre le signifiant et le signifié
; Saussure réfute cette objection en soulignant que les onomatopées au demeurant
plus nombreuses, diffèrent d’une langue à l’autre et participent à l’évolution
phonétique, morphologique de chaque langue, au même titre que les autres
signes linguistiques.
Saussure avait distingué, lui aussi, l’arbitraire absolu de l’arbitraire relatif. Si
neuf est immotivé, dix-neuf « ne l’est pas au même degré parce qu’il évoque les
termes dont il se compose et d’autres qui lui sont associés : dix-neuf, vingt-
six…» (p. 181 de CLG).
Signe et valeur
Qu’est-ce que la valeur d’un signe linguistique?
Pour saisir ce concept, il nous faut envisager ce problème des identités et des
différences dans la langue : on peut prononcer un mot avec toutes les variétés
de débits et d’intonations possibles, c’est toujours le même mot qu’on prononce.
De même, ce mot peut se charger de nuances de sens différentes, sans que son
identité soit compromise.
Si le locuteur a le sentiment de l’identité de ce cas, celle de sa prononciation
et de sa signification, c’est à cause des différences qui existent avec d’autres
prononciations, d’autres significations possibles, en étendant cette démarche à
l’ensemble de langue : on peut dire que la réalité d’un signe linguistique est

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


21
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
inséparable dans sa situation dans le système : la valeur d’un signe résulte
du réseau de ressemblance et de différence qui situe ce signe linguistique par
rapport à tous les autres signes. C’est ce qu’illustre, une nouvelle fois, la
comparaison avec le jeu le jeu d’échec. Chacune des pièces, prise isolément, ne
représente rien ; il n’acquiert sa valeur que dans le cadre du système (la règle de
fonctionnement du jeu) ; peu importe que je remplace un cavalier par n’importe
quel objet, pourvu que je lui conserve le même mode de fonctionnement.

La langue comme système


Nous voyons donc bien que l’idée de valeur conditionne la définition de la langue
et place au premier plan la notion du système: c’est que les valeurs émanent du
système; le système n’est pas la somme des signes. Il faut renverser la perspective
qui nous faisait partir du signe en tant qu’entité isolée, pour montrer qu’on ne
peut pas identifier, délimiter les signes qu’après avoir reconnu le caractère
systématique de la langue : toute définition du signe doit être immédiatement
rapportée à celle du système, puisque le propre du signe, c’est d’être différent d’un
autre signe. En ce sens, Saussure définit également la langue comme un système
de différences.
La conception de la langue comme un système de la valeur a été la condition de
possibilités de développement de la linguistique structurale.

III / Les langages humains / les autres langages


Le langage est une caractéristique distinctive de l’être humain, l’homme peut être
défini comme un locuteur. Emile Benveniste: problème de linguistique générale
tomeI, « communication animale et langage humain », (P.56-62), l’exemple des
abeilles. Les recherches de Von Frisch ont trouvé une sorte de communication
chez les abeilles.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


22
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
On distingue deux types de danses:
1. Ronde: qui signifie que le butin se situe à moins de cent mètres.
2. Frétillante : en faisant un parcours en huit qui signifie que le butin se
situe entre cent mètres et six kilomètres.
La communication chez les abeilles n’est pas vocale comme chez les êtres humains
mais elle est gestuelle. Elle s’effectue nécessairement dans des conditions qui
permettent une perception visuelle (contact), sous l’éclairage du jour, c’est-à-dire
qu’elle ne peut avoir lieu dans l’obscurité ; alors que le langage humain
ne connaît pas cette limitation. Le message des abeilles n’appelle aucune
réponse de l’entourage, sinon une certaine conduite qui n’est pas une
réponse, cela signifie que les abeilles ne connaissent pas le dialogue qui est la
condition de langage humain. Le message d’une abeille ne peut être reproduit par
une autre qui n’aurait pas vu, elle-même, les choses que la première annonce.
L’abeille ne construit pas le message à partir d’un autre message. Chacune de celles
qui, alertées par la danse de la butineuse, sortent de la ruche et vont se nourrir
à l’endroit indiqué, reproduit quand elles rentrent la même information, non
d’après le premier message mais d’après la réalité qu’elles venaient de constater;
or le caractère du langage humain est de procurer un substitut de l’expérience
transmise dans le temps et l’espace. Le message des abeilles ne se laisse
pas analyser, car il est indécomposable.
Benveniste peut alors conclure que le langage des abeilles n’est pas un langage mais
juste un code de signaux.
La décomposition du langage humain nous conduit à parler de « la doute
articulation du langage » d’André Martinet.

1.La double articulation du langage


Angliciste de formation, le français André Martinet participe aux travaux de
l’école de Prague. Ces sortes d’intérêt le portent vers la phonologie diachronique

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


23
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
vers la linguistique générale. André Martinet fait la distinction entre deux
articulations du langage :
La première articulation concerne les choix qui ont une valeur
significative. Le choix s’opère entre différentes unités pauvres de sens. Ces
unités significatives élémentaires sont appelées « monèmes ». Ainsi, les
monèmes verbaux (-ai, -ais) s’opposent les formes (-je montrai –je montrais). Le
premier exprime les valeurs du passé simple et le second les valeurs de l’imparfait.
La seconde articulation concerne des choix qui ont une valeur distinctive. Le
choix s’opère entre deux unités dépourvues du sens, dont la fonction est de
permettre la distinction des monèmes, ces unités distinctives élémentaires sont
les phonèmes. Les phonèmes « p » et « b » n’ont pas des significations
propres. Cependant, ils permettent de distinguer des monèmes comme « pain » et
« bain ».

Les fonctions linguistiques


Si l’on reprend la célèbre déclaration du cercle de Prague : « la langue est un système
de moyens d’expression appropriés à un but ». On peut définir la fonction comme la
tâche assignée à un élément linguistique structurel (classe, mécanisme) pour
atteindre un but dans le cadre de la communication humaine, les interrogations sur
l’identification des fonctions de la langue, et donc sur la nature de ces tâches
assignées à ses éléments, débouchent sur la création de typologies qui ont pour but
de décrire le fonctionnement de la langue comme système de communication.
La plus célèbre est celle de Roman Jakobson. Ce dernier est né en1896 et mort
en 1982, c’était un penseur russe qui devient l’un des linguistes les plus influents
de XXème siècle en posant les premières pierres du développement de l’analyse
structurelle du langage.
D’après Jakobson, « le langage doit être étudié dans toutes ses fonctions ».
C’est-à-dire que le linguiste doit s’attacher à comprendre à quoi sert le langage, et
s’il sert à plusieurs choses.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


24
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Pour donner une idée de ses fonctions, un aperçu sommaire portant sur les facteurs
constitutifs de tout procès linguistique, de tout acte de communication verbale,
est nécessaire.

2.Le schéma de la communication de Jakobson


Quand je parle à un interlocuteur, je suis le destinateur d’un message, il en est le
destinataire. Nous sommes tous deux inscrits dans un contexte qui peut être
verbal (la conversation en cours) ou situationnel (la situation dans laquelle nous
nous trouvons). Le message renvoie à un référent, il parle de quelque chose. Pour
pouvoir être transmis et interprété, le message requiert un code partagé par les
deux acteurs. Ce code correspond à un stock dans lequel on choisit entre les unités
pour construire un message. La transmission du message se fera si un contact
s’établit; ce contact est le résultat d’une connexion physique (du support des ondes
sonores pour le message oral, le support visuel pour le message écrit).

Jakobson schématise le processus de la communication de cette manière:

Contexte

Message

Destinateur Destinataire

Contact

Code

Jakobson fait la distinction entre ces fonctions du langage:


1. La fonction émotive ou expressive
Qui met l’accent sur les sentiments et les émotions de l’émetteur. On note
l’importance des interjections marquées par des points d’exclamation.
Exemple:
- Mon Dieu, combien j’ai eu peur!

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


25
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
2. La fonction impressive ou conative
Qui met l’accent sur le destinataire ou le récepteur.
Le message exprime la volonté d’agir sur le destinataire. Il s’agit de le convaincre,
de le persuader, de l’émouvoir ou de le commander…
Exemple:
- Dépêchez-vous!
-Faites vite s’il vous plaît!
3. La fonction référentielle
Qui met l’accent sur le message. Il s’agit de différentes informations véhiculées à
travers le message.
Exemple:
- Le train est en retard, il arrivera à 18 heures.
4. La fonction phatique
Qui consiste à vérifier que le contact a bien eu lieu et que la communication
n’a pas été interrompue. Cette fonction s’exprime par des expressions sans contenu
précis.
Exemple:
- Allô!
Il y a également des messages qui servent essentiellement à verifier si l’interlocuteur
est toujours présent.
Exemple: Allô vous m’entendez?
5. La fonction poétique
Qui considère le message du point de vue de sa forme en plus de son contenu. La
poésie fait, elle est vraie, la part belle à la forme dans sa construction (versification,
rimes…). Les textes en prose sont parfois aussi attentifs à la forme qu’ont contenue.
Exemple: les textes publicitaires.
6. La fonction métalinguistique
Qui choisit le langage comme objet même du message. L’utilisation d’une unité
linguistique pour parler d’elle-même.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


26
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
Exemple: tu as utilisé ce mot là, que voulais-tu dire?
C’est le synonyme de…c’est-à-dire que…autrement dit…en d’autres
termes…

Bibliographie
- BENVENISTE, Emile, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard,
1966.
- CHISS, Jean-Louis et al. Introduction à la linguistique française, Tome I,
Paris, Hachette, 2001.
- CHOMSKY, Naom, Aspects de la théorie syntaxique, trad. J.C.M., Seuil,
Paris, 1971.
- Dubois Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1973.
- Dubois Jean et al., Linguistique et Sciences du langage, Paris, Larousse,
2007.
- JAKOBSON, Roman, Essais de linguistique générale: les fondations du
langage, Paris, les Editions de Minuit, 1963.
- MARTINET, André, Eléments de linguistique générale, Paris, Colin, 1974.
- SAUSSURE, De Ferdinand, Cours de linguistique générale, 4ème edition,
Paris, Payot, 1995.

UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA


27
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI
UMI-FPE / SEMESTRE 4 / INITIATION A LA
28
LINGUISTIQUE / PROF. CHALFI

Vous aimerez peut-être aussi