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Chapitre 3

Cinématique d’un milieu continu

1. Description du mouvement
1.1 Définition

Dans un référentiel R d’origine O, on considère un milieu continu qui se déforme avec le temps (i.e.
milieu en mouvement). Soient C t et Ct ' les configurations de ce milieu aux instants t et t '
respectivement. L’application f t ,t ' définie par :

f t ,t ' : Ct  Ct '
M  M '  f t ,t ' (M )

possède les propriétés suivantes :

- f t ,t ''  f t ',t ''  f t ,t '


- f t ,t  I (I étant la transformation identité)
- f t ,t ' est bijective

Dans la suite on prendra Ct0 comme configuration de référence (on prendra généralement t0  0 ).

Exercice :
Montrer que les transformations suivantes vérifient les propriétés citées ci-dessus :

X  X '  X  a(t  t ' ) 


   
  M '  Y '  Y  b(t  t ' )  ;
f t ,t '
- MY 
Z  Z' Z 
   
X  X ' X e a ( t t ')

   
 M '  Y '  Y e b (t t ') 
f t ,t '
- MY 
Z  Z' Z 
   

1.2 Description lagrangienne

Considérons une particule occupant la position M 0 , de coordonnées ( X 01 , X 02 , X 03 ) , dans la configuration


de référence C t0 à l’instant t 0 . La même particule occupe la position M , de coordonnées ( X 1 , X 2 , X 3 ) ,
dans la configuration C t à l’instant t ( C t est appelée aussi configuration actuelle). La description
lagrangienne consiste à identifier les particules du milieu continu par leurs positions dans la configuration
de référence, c’est-à-dire par leurs coordonnées ( X 01 , X 02 , X 03 ) . Ainsi on reconnaît une particule par son
adresse dans Ct0 . De plus, toute grandeur physique A associée à une particule est exprimée en fonction des
coordonnées de la particule dans la configuration de référence et du temps t , soit
A=A ( M 0 , t ) =A ( X 01 , X 02 , X 03 , t ) . Dans la suite, on allégera cette écriture en écrivant : A= A ( X 0i , t ) . Par
exemple, les coordonnées, X i , d’une particule à l’instant t sont fonctions de X 0j et de t :
 
X i = X i ( X 0j , t ) . De même pour la vitesse on a : V  V ( X 0i , t ) . Quand on fixe X 0i et on fait varier t dans
l’expression de A, cela revient à observer la variation de la grandeur A sur une même particule (on suit
alors la particule dans son mouvement).

P désigne la même particule aux instants t0 et t.

Les variables ( X 01 , X 02 , X 03 , t ) sont appelées variables lagrangiennes.

1.2.1 Tenseur gradient de la déformation


Le tenseur gradient de la transformation qui fait passer de la configuration C t0 à la configuration C t est
fonction de t et t 0 et il est donné par :
OM
F  F ( X 0i , t0 , t )   (on dérive les variables X i par rapport à X 0j en fixant t )
M 0
1.2.2 Vitesse d’une particule
La vitesse d’une particule à l’instant t est calculée en dérivant le vecteur position OM  OM ( X 0i , t ) par
rapport au temps tout en gardant les variables X 0i constantes :
  d OM 
V  
 dt 
  X 0i constan ts

Exemple 1 :
  
Dans un repère cartésien orthonormé R(O, i , j , k ) , on considère la transformation suivante :

 X 01   X 1  X 01  at 2 X 02 
   
M 0  X 02   M  X 2  X 02  , où a est une constante et t0  0
f t 0 ,t

X3  X  X0
3 3 
 0  

La vitesse d’une particule est donnée par :

 2at X 02 
  d OM    
V     0   V ( X 0i , t )
 dt 
  X 0i constan ts  0 
 

Le tenseur F est donné par :


1 at 2 0
 
F  0 1 0
0 0 1

1.3 Description eulérienne

Dans la description eulérienne, on ignore la configuration de référence et on définit les grandeurs physiques
en fonction du temps et de la position de la particule dans la configuration actuelle (i.e. dans C t ). Alors
pour chaque position M de coordonnées ( X 1 , X 2 , X 3 ) , on a : A= A ( M , t ) = A ( X 1 , X 2 , X 3 , t ) . Les
variables ( X 1 , X 2 , X 3 , t ) sont appelées variables eulériennes.

Pour revenir à la description lagrangienne, il suffit de remplacer les variables X i dans l’expression de A en
utilisant les relations X i = X i ( X 0j , t ) qui définissent la transformation.

Dans l’exemple précédent on a :

 2t aX 02 
  
V  0 
 0 
 

De plus, on a : X 2  X 02 . Donc on peut exprimer la vitesse en fonction des variables eulériennes :

 2ta X 2 
   
V   0   V ( X i , t)
 0 
 

Quand on fixe X i et on fait varier t dans l’expression de A, cela revient à observer la variation de la
grandeur A dans une position fixe du repère de l’observateur et pour des particules différentes (le milieu
étant en mouvement, donc la particule qui occupe une position donnée de l’espace change d’un instant à
l’autre).

1.4 Trajectoire d’une particule

La trajectoire d’une particule est l’ensemble des positions occupées par cette particule au cours du
temps. Les équations paramétriques d’une trajectoire sont obtenues en fixant X 0i dans les trois
équations X i = X i ( X 0j , t ) . De plus, si on élimine le temps de ces équations (cette technique n’est pas
toujours possible), on aboutit à deux relations (entre les variables X i ) qui définissent les trajectoires.

Dans le cas où on a pas les relations X i = X i ( X 0i , t ) , on peut déterminer les expressions des X i à partir
du champ de vitesses en résolvant les équations :
dX i
Vi ( V i étant les composantes de la vitesse)
dt
et en tenant compte des coordonnées de la configuration de référence (i.e. X 0i ) pour la détermination des
constantes d’intégration.

Exemple 2 :
  
Dans un repère cartésien orthonormé R(O, i , j , k ) , on considère la transformation suivante :

 X 01   X 1  X 01  at X 02 
   
M 0  X 02   M  X 2  X 02  bt 2  (a est une constante et t0  0 )
f t 0 ,t

X3  X 3  X 03 
 0  

En éliminant le temps t entre les relations ci-dessus et en fixant X 0i (on pose X 01  C1 , X 02  C 2 et


X 03  C 3 , où C i sont des constantes), on obtient les deux équations des trajectoires :

 2 b( X 1  C 1 ) 2
X  C 
2

 (aC 2 ) 2
 X 3  C3

Dans cet exemple, les trajectoires sont des paraboles situées dans des plans normaux à l’axe ( OX 3 ).
Pour passer d’une trajectoire à l’autre, il suffit de changer les valeurs des constantes C i .

1.5 Lignes de courant


Les lignes de courant à un instant t fixé, sont des courbes tangentes au vecteurs vitesses à cet instant. Le

déplacement élémentaire dM sur une ligne de courant est tangent à la vitesse, donc :
 
dM V  0

En coordonnées cartésiennes on obtient les équations suivantes :

dX 1 dX 2 dX 3
 
V 1( X i , t) V 2 ( X i , t) V 3 ( X i , t)

où V i sont les composantes de la vitesse. Pour intégrer ces équations, on utilise la vitesse en variables
eulériennes et on fixe le temps.

Remarque :
Une trajectoire implique une même particule et différents instants, alors qu’une ligne de courant implique
un même instant et différentes particules.

Exemple 3 :
  
Dans un repère cartésien orthonormé R(O, i , j , k ) , on considère un champ de vitesses défini en variables
eulériennes par :

V 1  atX 1 , V2 b , V3  0 (a et b sont des constantes)


V3 0  dX 3  0  X 3  C3 ( C 3 est une constante)

dX 1 dX 2 dX 1 dX 2
 2  
V1 V atX 1 b

En intégrant cette équation (le temps t étant fixé), on obtient :

at
X2
X1 Ce b ( C est une constante)

Ainsi, les lignes de courant sont définies par les deux équations suivantes :

 1 at 2
X  C e b
X


 X 3  C 3
Dans cet exemple, les lignes de courant sont des courbes qui ont des formes exponentielles et qui
appartiennent à des plans normaux à l’axe ( OX 3 ).

Pour déterminer les trajectoires, il faut résoudre les équations :

 dX 1
 dt  atX
1


 dX 2
 b
 dt
 dX 3
 0
 dt
En prenant ( X 01 , X 02 , X 03 ) comme coordonnées des particules à l’instant t=0, on obtient :
 1
2
at

X  X 0 e 2
1

 2
 X  bt  X 0
2

 3
X  X 0
3

1.6 Lignes d’émission

La ligne d’émission d’un point géométrique fixe N, à un instant t fixé, est l’ensemble des positions (à
l’instant t) des particules qui sont passées et qui vont passer par N. La ligne d’émission de N change
d’un instant à l’autre.

1.7 Dérivée particulaire

La dérivée particulaire d’une grandeur A (appelée aussi dérivée totale ou lagrangienne) est sa dérivée
par rapport au temps en suivant une même particule dans son mouvement. Mathématiquement, cela
revient à dériver A ( X 0i , t ) par rapport au temps en gardant les coordonnées lagrangiennes, X 0i ,
dA DA
constantes. Cette dérivée est notée ou et elle est donnée par :
dt Dt
dA A( X 0i , t  dt )  A( X 0i , t ) A( X 0i , t ) 
  
dt dt t  X i constan ts 0

Si la grandeur A est exprimée en variables eulériennes : A= A ( X i , t ) , la dérivée particulaire est obtenue


en tenant compte du fait que les X i varient avec t lorsque les X 0j sont constants (on a :
dX i  X i ( X 0j , t  dt )  X i ( X 0j , t ) ). Dans ce cas, la variation de la grandeur A pour une même particule
entre les instants t et t+dt est donnée par :

A  A 
dA( X 1 , X 2 , X 3 , t )     (*)
t  X i constan ts X i  t cons
j i
tan t
X constan ts

Mathématiquement, lorsque le temps est fixé dans l’expression eulérienne de A  A( X 1 , X 2 , X 3 , t ) , on a :

 A
dA  gradA. dM (où gradA   est calculé en variables eulériennes avec t constant)
M

Et par une méthode directe :


A
dA  dX i
X i

Ainsi, la relation (*) devient :


A 
dA( X 1 , X 2 , X 3 , t )  dt  gradA. dM
t

En divisant par dt , on obtient la dérivée particulaire :

dA A 
  grad A . V
dt t 
 
  gradient
dérivée dérivée en coordonnées
avec X 0i avec X i eulériennes
cons tan ts cons tan ts

A
La dérivée temporelle (calculée en gardant les X i fixes) est appelée dérivée eulérienne ou dérivée
t

propre de A (ou encore dérivée partielle de A). Le terme gradA. V est appelé dérivée convective de A.

1.8 Accélération d’une particule



L’accélération,  , d’une particule, est la dérivée particulaire de sa vitesse. Si l’expression de la vitesse est
donnée en variables lagrangiennes, on peut utiliser directement la relation :

 dV ( X 0i , t )
 
dt
Si l’expression de la vitesse est donnée en variables eulériennes, on utilise la relation :

 V  
   gradV . V
t

Exemple 4 :
Soit la transformation suivante en coordonnées cartésiennes :

 X 01   X 1  X 01 (1  at 2 ) 
   
M 0  X 02   M  X 2  X 02  (a est une constante et t0  0 )
f t 0 ,t

X3  X  X0
3 3 
 0  
La vitesse est donnée par :
  2at X 1 
V  2at X 01 i  i
1  at 2
L’accélération est donnée par :

d (2at X 01 ) 
  2a X 1 
 i  2a X 01i  i
dt 1  at 2
On peut retrouver ce résultat en passant par la relation :

 V  
   gradV . V
t
En effet :

V   2at X 1    2a X 1 2at X 1 
  
2 
i  
  2at  i
t t  1  at   1  at
2
(1  at )
2 2

 2at   2at X 
1
0 0  
  1  at 1  at 2 
2
   2at 2at X 1 
gradV . V  0 0 0  0  i
  1  at 2 1  at 2
 0 0 0  0 
   

En regroupant les deux expressions, on trouve l’accélération.

1.9 Mouvement stationnaire

Un mouvement est dit stationnaire, si la dérivée eulérienne de la vitesse est nulle :



V ( X i , t )
0
t
 
Cela veut dire que la vitesse exprimée en variables eulériennes est indépendante du temps : V  V ( X i ) .
Ainsi, la vitesse observée en une position fixe du milieu reste constante dans le temps (mais la vitesse d’une
particule n’est pas constante en général).

En régime stationnaire les trajectoires, les lignes de courant et les lignes d’émission sont confondues.
2. Tenseurs des taux de déformations et de rotations

2.1 Définitions
 
Soit un milieu continu caractérisé par le champ de vitesses V (M , t )  V ( X i , t ) en description eulérienne. A
un instant t fixé, la variation spatiale de la vitesse entre deux positions infiniment voisines, M et M ' ,

reliées par le segment élémentaire dM est donnée par :
 
    V V
dV  gradV . dM ( gradV     )
 M M 0
gradienten
coordonnées
eulériennes


En décomposant gradV en parties symétrique, D, et antisymétrique, W, on a :

gradV  D  W
où :
1
D  ( gradV  T gradV )
2
1
W  ( gradV  T gradV )
2

Le tenseur symétrique, D, est appelé tenseur des taux de déformations (ou tenseur des vitesses de
déformations) et le tenseur antisymétrique, W, est appelé tenseur des taux de rotations (ou tenseur des
vitesses de rotations).

Pour deux particules infiniment voisines repérées par les positions, M et M ' , on a :

 
dM 
 dV

d MM 
 V ( M )  V ( M )
dt
Pour éviter la confusion, on utilisera le symbole " d " pour les variations temporelles et "d " pour les
variations spatiales. Donc :

d(dM )   
 dV  gradV . dM
dt

Calculons la variation instantanée de la longueur d’un segment matériel dM :
 2   
d dM d(dM  dM )  d(dM )    
  2 dM   2 dM  dV  2 dM gradV . dM
dt dt dt
   
 2(dM D dM  dM W dM )

 
Et puisque dM W dM  0 (car W est antisymétrique), alors on obtient :
  
d dM dM D dM
 
dt dM
Cette relation montre que le tenseur D permet de mesurer les variations instantanées des longueurs dans le
milieu continu.

2.2 Cas d’un mouvement rigide

Pour un mouvement rigide, on a :



d dM
0
dt
Donc :
Un mouvement rigide  D=0

Ainsi, le tenseur D est nul pour le mouvement d’un solide indéformable. De plus, on a :
   
D  0  dV  W dM    dM

où  est le vecteur vitesse instantanée de rotation du milieu solide, donné par :

 1 
  rot V
2

Pour D=0, on montre que W et  sont indépendants de la position M (i.e ne changent pas d’une
position à l’autre d’un solide indéformable), mais dépendent généralement du temps. Dans une base
orthonormée directe, ils sont tels que :

 0  3 2   
  1
W    3 0  1  ;    2 
  2 1 0   3 

2.3 Taux de dilatation volumique

Considérons un volume élémentaire, dv , construit sur les trois segments matériels, dM , dM  et


dM  , situés au voisinage de la position M, comme indiqué sur la figure ci-dessous.

dv  dM  (dM   dM )


En utilisant le gradient de la vitesse (i.e. gradV ) en M, les variations instantanées de ces segments
donnent :
  
d(dM )   d(dM )   d(dM )  
 gradV . dM ;  gradV . dM  ;  gradV . dM 
dt dt dt

Donc la variation instantanée de dv est :

d(dv)      
 ( gradV . dM )  (dM   dM )  dM  (( gradV . dM )  dM )  dM  ( dM   ( gradV .dM ))
dt

A partir de cette expression, on peut montrer que :

d(dv) 
 Trace( gradV ) dv
dt
 Trace( D) dv

 divV dv
Donc le taux de dilatation volumique est donné par :

 d(dv) 
 
 dt   div V
dv

Exercice :
    
Dans une base cartésienne directe ( i , j , k ) , prendre les segments dM , dM  et dM  parallèles à i , j

et k , respectivement, et montrer que :
  
- dv  dM dM  dM 
      
- ( gradV . dM )  (dM   dM )  dM  (( gradV . dM )  dM )  dM  ( dM   ( gradV .dM ))  div V dv

On prendra les coordonnées ( X 1 , X 2 , X 3 ) pour M, et les composantes (V 1 ,V 2 ,V 3 ) pour la vitesse V .

2.4 Conditions de compatibilité

Pour le tenseur D , on a des conditions de compatibilité analogues à celles données pour le tenseur 
dans le chapitre précédent (on remplace  ij par Dij dans les relations de compatibilité).

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