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La géographie sociale est une géographie des questions sociales.

Elle est aussi


une conception de la géographie qui se veut engagée, c'est-à-dire que les
scientifiques, les chercheurs ont un rôle social à jouer avec les différents travaux
et recherches qu'ils entreprennent afin d'éclairer les choix du citoyen, du
politique. Concevoir ainsi la géographie, c'est la concevoir comme une
géographie militante.

L'objet de la géographie sociale, c'est l'espace social. Cet espace social


comprend l'ensemble des relations entre les sociétés et les espaces, relations qui
s'établissent à différents niveaux d'inégale complexité.
Géographie sociale, un essai de définition...

La géographie sociale se propose d’étudier les rapports entre le spatial et le


social, de comprendre les interactions complexes qui existent entre les deux, et
cela, à toutes les échelles d’observation. La complexité allant de l’espace simple
support matériel des faits sociaux jusqu’à l’espace des représentations, des
symboles et de l’imaginaire en passant par l’espace facteur ou produit social.
Globalement, il me semble qu'une ligne directrice continue de structurer cette
approche propre à la géographie sociale : Etudier la société par l'espace.
En outre, les propos de Renée Rochefort correspondent d'une certaine façon à
une déclaration d'intention, un postulat pour un devenir toujours en construction.
Publiés dans les Actes du Colloque de Lyon (1982) voici ce que Renée
Rochefort disait et qui demeure à bien des égards pertinent aujourd'hui encore :
« [...] Ce qui est premier en géographie sociale, c'est la société et non l'espace.
Ce sont les mécanismes, les processus sociaux et sociétaux, le jeu des acteurs
publics ou privés de toutes espèces. Si l'on ne cherche pas la société au départ,
on ne la trouve pas à l'arrivée [...]. Le moteur, la clé, c'est la société. L'espace est
toujours second et si l'on commence par lui, on risque de ne pas comprendre.
Mais il est bien évident que l'espace à son tour rend bien compte de tout un jeu
de variations qui renforcent ou atténuent les décalages et les tensions entre
société locale et société globale ».

(Rochefort Renée : “Réflexions liminaires sur la géographie sociale”, Actes du


Colloque de Lyon (1983), Géographie Sociale, 14-16 octobre 1982, éd. Daniel
Noin, Paris, page 13.)
C'est là toute l'expression du "renversement de l'ordre des facteurs" qui se trouve
exprimée. C'est en quelque sorte la base, le postulat, pour étudier la société et
tenter de la comprendre. L'espace devient l'entrée par laquelle les géographes
tentent d'apporter leur contribution à la connaissance des sociétés.
C'est sur cette base de définition que se construit une approche de géographie
sociale. Bien entendu, d'autres chercheurs privilégieront des éléments parfois
plus complexes, mais aussi plus "éloignés" de cette première déclaration. Ainsi,
trouve-t-on aujourd'hui beaucoup de géographes se qui déclarent faire de la
géographie "sociale".
Aujourd'hui, de nouvelles perspectives de recherches orientent la géographie
sociale vers une définition renouvelée à partir de réflexions sur les notions de
rapports sociaux, de capital spatial, d'appropriation...

L'approche dimensionnelle :
une nouvelle piste pour la géographie sociale

Un renouvellement de l'approche théorique et pratique de la géographie sociale


se dégage de manière plus nette depuis quelques années, autour de chercheurs
comme Vincent Veschambres, Fabrice Ripoll qui développent une approche
construite à partir de la dimension spatiale des sociétés. A tel point que l'on peut
dire aujourd'hui que la géographie sociale cherche à comprendre et étudier la
dimension spatiale des sociétés. Ainsi formulée, la définition de la géographie
sociale offre l'intérêt majeur de définitivement rompre avec la logique plus ou
moins consciente de réification de l'espace au même niveau que la société.
A la différence de la notion de « capital spatial » qui tend à donner à l’espace
une certaine autonomie, s'intéresser à la « dimension spatiale des sociétés » tend
au contraire à considérer que ce dernier est une des dimensions du social sans
pour autant en faire un concept autonome. Cela revient donc à considérer que
l’espace, comme le temps, représente une des dimensions du social. Dans cette
approche, plusieurs travaux de chercheurs permettent de trouver des éléments de
compréhension pour savoir de quoi il en retourne. A partir de lectures croisées,
la réflexion sur l’approche dimensionnelle permet d’interroger la place de
l’espace dans la réflexion géographique.
Quels sont les « moments-clés » du point de vue scientifique par rapport à
l’approche dimensionnelle ? Et qu’est-ce qu’ils ont apporté dans la réflexion
plus large sur la notion d’espace en géographie et plus largement en sciences
humaines ?

Pour répondre à ces questions, il faut tout d’abord revenir à un article de V.


Veschambre publié en 1999 (Veschambre Vincent (1999) : « Dimension, (un
mot parmi d’autres) pour dépasser la dialectique socio-spatiale », dans ESO,
Travaux et documents, n°10, mars, pp. 83-87). Dans cet article, l’auteur revient
sur le sens du mot dimension, présentant à partir de « la métaphore
dimensionnelle » « [sa] conception de l’espace ». Sans en revendiquer la
paternité, il s’attache à clarifier le sens de ce qu’il appelle la « métaphore
dimensionnelle » apparue selon lui dans les années 1970 dans la géographie et
1980 pour la géographie sociale (Fremont Armand et al. (1984) : Géographie
sociale, Paris Masson, 381 p., p. 90.) . Et il revient sur quelques moments où en
1984, plusieurs géographes évoquent plus ou moins clairement l’idée de
dimension spatiale du social dans leurs réflexions et écrits, rappelant que «
Outre A.Vant, R. Hérin, R. Chapuis, X. Piolle et J. Pailhé ont recours à la
métaphore » (Veschambre Vincent (1999) : « Dimension, (un mot parmi
d’autres) pour dépasser la dialectique socio-spatiale », dans ESO, Travaux et
documents, n°10, mars, p. 84.). Mais à ce moment là et par la suite le terme de
dimension est devenu une sorte de synonyme de termes d’instance et de
modalité comme il le remarque. Après avoir rappelé les difficultés dans la
formulation et les contradictions entre les différentes postures développées dans
la géographie sociale notamment entre 1980 et 1990, V. Veschambre propose
l’idée selon laquelle « Raisonner en terme de dimension permet de dépasser
cette dualité espace/société artificielle et d’affirmer clairement la nature sociale
de l’espace ». Précisant juste après que c’est au « sens figuré » qu’il entend
utiliser le terme.
Ces premières clarifications restent néanmoins en marge de la réflexion générale
pour quelques temps encore. Par la suite, de nouveaux éléments viennent
s’ajouter dans le cadre d’une thèse. Dans sa thèse de doctorat soutenue en 2005,
Fabrice Ripoll aborde lui aussi l’approche dimensionnelle. Il en propose une
réflexion au détour de son analyse sur les mouvements sociaux et l’action
collective. A partir de la réflexion épistémologique qu’il propose, il présente
aussi ce qu’il considère comme un enjeu scientifique majeur pour la
géographie : sortir de la disjonction (ou du dualisme) espace / société et ce
faisant développer ce qui correspond à une approche dimensionnelle de l’espace
et des sociétés. Il tente d’apporter une explication plus poussée encore, en ne
restant pas sur l’idée d’une métaphore.
C’est dans le cadre du colloque de géographie sociale de 2004 que ces deux
auteurs (F. Ripoll et V. Veschambre) proposent dans deux articles qui se
complètent et s’interpellent de nouveaux éléments sur l’approche
dimensionnelle. Fabrice Ripoll y développe les grandes lignes de sa réflexion
sur le « « rôle de l’espace » et les théories de l’acteur »(Ripoll Fabrice (2006) : «
Du « rôle de l’espace » aux théories de « l’acteur » (aller-retour). La géographie
à l’épreuve des mouvements sociaux » dans Séchet R., Veschambre V., Penser
et faire la géographie sociale. Contribution à une épistémologie de la géographie
sociale, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 397 pages, pp. 193-210.) . V.
Veschambre présente lui dans son article (Veschambre Vincent (2006) : «
Penser l’espace comme dimension de la société. Pour une géographie sociale de
plain-pied avec les sciences sociales », in Séchet R., Veschambre V., Penser et
faire la géographie sociale. Contribution à une épistémologie de la géographie
sociale, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 397 pages, pp. 211 à 227.),
un rappel concernant les diverses contributions de géographes sur l’approche
dimensionnelle. La communication de V. Veschambre aborde directement la
notion de « dimension » partant du constat qu’« aujourd’hui, la géographie est
définie comme la discipline spécialisée dans l’analyse de la dimension spatiale
des sociétés, toutes spécialités de la discipline confondues ».
L’intérêt de la « métaphore dimensionnelle » tout d’abord mis en avant et relevé
par V. Veschambre provient du fait que « c’est une métaphore qui permet de
découper les objets de la connaissance autrement que ne le fait classiquement le
langage, c’est-à-dire de manière transversale : cette notion permet de parcourir
la totalité d’un objet, le « traversant de part en part » (Levy, 2003). »
Poursuivant son propos, il dresse une liste de références ou l’occurrence de
l’expression « dimension spatiale » apparaît, tantôt dans des textes d’Yves
Lacoste en 1976 , ou encore dans ceux de C. Grataloup et J. Levy qui affirment
que « la seule géographie possible, c’est la science de l’espace social, de la
dimension spatiale de la société ». D’autres références et allusions à la notion de
« dimension spatiale » sont ensuite égrainées (A. Reynaud, 1979 ; Colloque de
Lyon, 1982 ; ou encore dans l’ouvrage Sens et non sens de l’espace, 1984 ; A.
Vant, 1986…).

Comme l'écrit V. Veschambre : « Raisonner en terme de « dimension spatiale »


permet de dépasser la fausse symétrie espace / société, éviter le piège de la
réification de l’espace et d’affirmer clairement sa nature sociale ». Sans doute
est-ce l’apport et l’enrichissement qu’offre l’approche dimensionnelle à la
géographie sociale aujourd'hui.

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