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Cours d’introduction à la philosophie

Université Paris Cité


2022- S1
Roman Perez

Platon était-il idéaliste ? - Exemplier


I L’ironie socratique
TEXTE 1 - sur l’éthique de la controverse et l’humilité de l’apprentissage qui doit
rendre possible la réception de la critique et la purification de l’erreur - Platon,
Gorgias, 457-458 (traduction Léon Robin)

SOCRATE
J’imagine Gorgias, que tu as eu, comme moi, l’expérience d’un bon nombre
d’entretiens. Et, au cours de ces entretiens, sans doute auras-tu remarqué la chose
suivante : les interlocuteurs ont du mal à définir les sujets dont ils ont commencé de
discuter et à conclure leur discussion après s’être l’un et l’autre mutuellement instruits.
Au contraire, s’il arrive qu’ils soient en désaccord sur quelque chose, si l’un déclare
que l’autre se trompe ou parle de façon confuse, ils s’irritent l’un contre l’autre, et
chacun d’eux estime que son interlocuteur s’exprime avec mauvaise fois, pour avoir le
dernier mot, sans chercher à savoir ce qui est au fond de la discussion. Il arrive même,
parfois, qu’on se sépare de façon lamentable : on s’injurie, on lance les mêmes insultes
qu’on reçoit, tant et si bien que les auditeurs s’en veulent d’être venus écouter pareils
individus. Te demandes-tu pourquoi je parle de cela ? Parce que j’ai l’impression que
ce que tu viens de dire n’est pas tout à fait cohérent, ni parfaitement accordé avec ce
que tu disais d’abord au sujet de la rhétorique. Et puis, j’ai peur de te réfuter j’ai peur
que tu ne penses que l’ardeur qui m’anime vise, non pas à rendre parfaitement clair le
sujet de notre discussion, mais bien à te critiquer. Alors, écoute, si tu es comme moi,
j’aurais plaisir à te poser des questions, sinon, j’y renoncerais.
Veux-tu savoir quel type d’homme je suis ? Eh bien, je suis quelqu’un qui est
content d’être réfuté, quand ce que je dis est faux, quelqu’un qui a aussi plaisir à réfuter
quand ce qu’on me dit n’est pas vrai, mais auquel il ne plaît pas moins d’être réfuté que
de réfuter. En fait, j’estime qu’il y a plus grand avantage à être réfuté, dans la mesure
où se débarrasser du pire des maux fait plus de bien qu’en délivrer autrui. Parce qu’à
mon sens, aucun mal n’est plus grave pour l’homme que se faire une fausse idée des
questions dont nous parlons en ce moment. Donc, si toi, tu m’assures que tu es comme
moi, discutons ensemble ; sinon, laissons tomber cette discussion, et brisons-là.
GORGIAS
Voyons, Socrate, pour ma part, j’affirme être en tout point semblable à
l’homme que tu as décrit.

TEXTE 2 – Sur l’apprentissage et les conditions de possibilité d’accès à la vérité par la pensée
- Ménon 84c (traduction Victor Cousin ; dialogue référé au §26 du Discours de métaphysique
de Leibniz)
SOCRATE

Penses-tu qu’il eût entrepris de chercher ou d’apprendre ce qu’il croyait savoir, encore qu’il ne
le sût point, avant d’être parvenu à douter, et jusqu’à ce que, convaincu de son ignorance, il a
désiré savoir ?

II L’idée comme norme de la connaissance


TEXTE 3 – La fonction unitaire de la chose en soi (l’objet de la connaissance) - Banquet 211b,
(traduction Emile Chambry)
DIOTIME

– Celui qu’on aura guidé jusqu’ici sur le chemin de l’amour, après avoir contemplé les belles
choses dans une gradation régulière, arrivant au terme suprême, verra soudain une beauté d’une
nature merveilleuse, celle-là même, Socrate, qui était le but de tous ses travaux antérieurs, beauté
éternelle, qui ne connaît ni la naissance ni la mort, qui ne souffre ni accroissement ni diminution,
beauté qui n’est point belle par un côté, laide par un autre, belle en un temps, laide en un autre,
belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci,
laide pour ceux-là ; beauté qui ne se présentera pas à ses yeux comme un visage, ni comme des
mains, ni comme une forme corporelle, ni comme un raisonnement, ni comme une science, ni
comme une chose qui existe en autrui, par exemple dans un animal, dans la terre, dans le ciel ou
dans telle autre chose ; beauté qui, au contraire, existe en elle-même et par elle-même, simple et
éternelle, de laquelle participent toutes les autres belles choses, de telle manière que leur
naissance ou leur mort ne lui apporte ni augmentation, ni amoindrissement, ni altération d’aucune
sorte. Quand on s’est élevé des choses sensibles par un amour bien entendu des jeunes gens
jusqu’à cette beauté et qu’on commence à l’apercevoir, on est bien prêt de toucher au but ; car
la vraie voie de l’amour, qu’on s’y engage de soi-même ou qu’on s’y laisse conduire, c’est de
partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cette beauté surnaturelle en passant
comme par échelons d’un beau corps à deux, de deux à tous, puis des beaux corps aux belles
actions, puis des belles actions aux belles sciences, pour aboutir des sciences à cette science qui
n’est autre chose que la science de la beauté absolue et pour connaître enfin le beau tel qu’il est
en soi.

TEXTE 4 - La fonction d’identité de l’idée (immuable-atemporelle ; ne périssant pas de son


contraire = non-contradictoire) - Phédon 102b – 103a (traduction Victor Cousin)
SOCRATE

— Ainsi Simmias est appelé à-la-fois petit et grand, et il est entre les deux, surpassant la petitesse
de l’un par la supériorité de sa grandeur, et reconnaissant à l’autre une grandeur qui surpasse sa
petitesse. (…) — Et j’appuie là-dessus parce que je voudrais te voir de mon opinion. Car il me
semble que non seulement la grandeur ne peut jamais être en même temps grande et petite, mais
encore que la grandeur qui est en nous n’admet point la petitesse et ne peut être surpassée ; car
de deux choses l’une, ou la grandeur s’enfuit et se retire à l’approche de son contraire qui est la
petitesse, ou elle cesse d’exister quand l’autre survient ; mais jamais si elle demeure et reçoit la
petitesse, elle ne pourra pour cela vouloir être autre chose que ce qu’elle était : ainsi, par exemple,
après avoir admis la petitesse, je n’en suis pas moins le même que j’étais auparavant, avec cette
seule différence que je suis le même, petit. La grandeur ne peut être petite en même temps qu’elle
est grande, et de même la petitesse qui est en nous n’empiète jamais sur la grandeur ; en un mot,
aucun des contraires pendant qu’il est ce qu’il est ne peut vouloir devenir ou être son contraire ;
mais ou il se retire, ou il périt quand l’autre arrive.

III L’idée comme norme de la réalité :


TEXTE 5 – Le problème de la nature du lien de participation (penser l’unicité et l’unité de
l’idée, critère de réalité de l’idée) – il ne faut pas que la participation ni 1) ne divise l’idée ni 2)
ne l’assimile aux participants) - Parménide 131b -132c (traduction Emile Chambry)
*(I)
PARMENIDE — Voilà, Socrate, reprit Parménide, une plaisante manière de faire que la même
chose soit présente dans plusieurs endroits à la fois : c’est comme si, ayant étendu une toile sur
plusieurs personnes, tu disais qu’étant unique, elle est tout entière sur plusieurs. Ne crois-tu pas
que c’est à peu près ce que tu dis ?

(…) À ce compte, Socrate, reprit Parménide, les formes elles-mêmes sont divisibles et les objets
qui en participent ne participent que d’une partie, et chacun d’eux n’a plus en lui la forme entière,
mais une partie seulement.
(II)
(…) Voici, je pense, ce qui te fait juger que chaque idée est une. Lorsque plusieurs objets te
paraissent grands, si tu les regardes tous à la fois, il te semble sans doute qu’il y a en tous un seul
et même caractère, d’où tu infères que la grandeur est une.

SOCRATE JEUNE — C’est vrai, dit Socrate.

P. — Mais si tu embrasses de même dans ta pensée à la fois la grandeur elle-même et les choses
grandes, ne vois-tu pas apparaître encore une autre grandeur par laquelle toutes celles-là
paraissent nécessairement grandes ?

S. — Il semble.

P. — Ainsi donc une autre forme de grandeur apparaîtra, éclose par-delà la grandeur en soi et
ses participants, puis, après toutes celles-là, une autre, par laquelle tout cela est grand, et chacune
de tes formes ne sera plus unique, mais infinie en nombre.

S. — Mais peut-être, Parménide, reprit Socrate, chacune de ces formes n’est qu’une pensée et ne
saurait se former ailleurs que dans l’esprit. Dans ce cas, chaque forme serait une et ne serait plus
exposée aux conséquences que tu viens d’exposer.

(III)
(…)

S. — Cela non plus ne peut pas se soutenir, dit Socrate. Mais voici plutôt, Parménide, ce qu’il
en est selon moi : ces formes existent dans la nature comme des modèles ; les autres choses leur
ressemblent et en sont des Imitations, et cette participation des choses aux formes n’est pas autre
chose que la ressemblance des unes aux autres.

P. — Si donc, reprit Parménide, une chose ressemble à la forme, est-il possible que cette forme
ne soit pas semblable à sa copie, dans la mesure où celle-ci lui ressemble, ou y a-t-il quelque
moyen de faire que le semblable ne soit pas semblable au semblable ?

S. — Il n’y en a point.

P. — Mais n’est-il pas de toute nécessité que le semblable participe de la même et unique forme
que son semblable ?

S. — De toute nécessité.

P. — Mais ce par quoi les semblables sont semblables, du fait qu’ils en participent, ne sera-ce
pas la forme même ?

S. — Certainement si.

P. — Il n’est donc pas possible qu’une chose ressemble à la forme, ni la forme à une autre chose.
Sinon, par-delà la forme, apparaîtra toujours une autre forme et, si celle-ci ressemble à quelque
chose, une autre encore, et jamais une nouvelle forme ne cessera de surgir, si la forme devient
semblable à ce qui participe d’elle.

S. — Rien de plus vrai que ce que tu dis.

P. — Ce n’est donc point par la ressemblance que les autres choses participent des formes, et il
faut chercher un autre mode de participation.

S. — Il semble.

P. — Tu vois donc, Socrate, reprit Parménide, dans quelles difficultés on s’engage, quand on
pose à part, sous le nom de formes, des réalités qui subsistent en soi.
*I - La participation comme partition (division) de l’idée par ses participants  L’idée n’est
plus une ni unique (//théorie des tropes séparés)
II - La participation comme opération abstraite de mise en relation des choses sensibles par leur
ressemblance (définition immanente/empirique-nominaliste/extensionnelle de l’idée comme
classe de prédicat définie par une classe d’équivalence)
III – La participation comme relation de dissemblance entre le participant et son
paradigme/archétype (non stéréotype ou prototype) sauvant le caractère unitaire et unique de
l’idée et expliquant en retour la ressemblance entre participants (dérivée de la participation)
REFERENCE 6 - Le Sophiste
Pour prédiquer des attributs dont celui d’être (y compris au non-être) à une multiplicité
de choses (pour ne pas se contenter de dire, comme Parménide « l’être est, le non-être n’est pas,
tu ne sortiras pas de là »), il semble qu’il faille supposer que l’être s’analyse, est structuré.
L’être doit donc être structuré pour être articulé par le logos, c’est-à-dire la pensée à
travers le langage. Première structure de l’être (les cinq grands genres, mégistagénè) : l’être, le
mouvement, le repos, le même, l’autre.
REFERENCE 7 – Allégorie du réel par la ligne - République, livre VI, 509d -510

CONCLUSIONS

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