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L’origine de la science moderne

« Pour nombre d’entre nous, quand nous pensons au terme de « science », nous ne pensons
pas à la science ; nous pensons à des scientifiques. Nous pensons aux grands hommes de
science – Galilée, Newton, Darwin, Einstein – et nous nous les représentons comme des
individus héroïques, souvent incompris, qui ont dû se battre contre la sagesse conventionnelle
ou les institutions pour que leurs idées nouvelles et radicales puissent être appréciées. Les
individualités brillantes sont assurément une part importante de l’histoire des sciences ; des
hommes comme Newton et Darwin méritent la place historique qui leur est accordée. Mais si
vous demandez à une historienne des sciences Quand la science moderne a-t-elle commencé ?
elle ne citerait pas la naissance de Galilée ou de Copernic. Il est plus probable qu’elle discute
l’origine d’institutions scientifiques.

Dès l’origine la science a été associée à des institutions – l’Académie des Lynx,
fondée en 1609, la Société Royale en Angleterre, fondée en 1660, l’Académie des Sciences en
France, fondée en 1666 – parce que les savants… ont compris que, pour créer des
connaissances nouvelles, ils devaient disposer de moyens de tester les affirmations des uns et
des autres. Le savoir médiéval s’était concentré sur l’étude des textes anciens…mais les
savants ultérieurs ont commencé à penser que le monde avait besoin de quelque chose de
plus. On avait besoin de faire place à un savoir nouveau. Une fois que l’on a ouvert la porte à
l’idée d’un savoir nouveau, toutefois, il n’y avait plus de limite aux affirmations que l’on
pouvait avancer. On avait besoin d’un mécanisme pour les contrôler. C’est là l’origine des
structures institutionnelles que l’on tient pour admises dans les sciences contemporaines : les
revues scientifiques, les conférences et le peer review, qui obligent à s’exprimer clairement et
soumettent les affirmations à un examen rigoureux.

La science a fait plus que croître exponentiellement depuis les années 1600, mais
l’idée de base est restée la même : les idées scientifiques doivent être adossées à des données.
Et quelle que soit la nature de ces données, les idées et les données qui les soutiennent doivent
être évaluées par un jury de pairs. Avant qu’un énoncé passe ce jugement – le phénomène de
peer review – ce n’est qu’une affirmation. Ce qui est reconnu comme savoir, ce sont les idées
qui sont acceptées par le collège des experts du sujet. »

Eric Conway et Naomi Oreskes, Merchands of Doubt : How a handful of scientists obscured
the truth on issues from tobacco smoke to Glbal Warming, Bloomsbury Press, New York,
2010, p. 269.

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