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Attendu que le 13 août 1992 à neuf heures trente, la partie civile Legendre Jean-
Claude promenant son chien en laisse longue, vit celui-ci s'engager dans un champ de
céréales appartenant à L. Joseph, voisin d'une sapinière appartenant au prévenu; que
la partie civile fit revenir le chien qui voulait s'engager dans la sapinière;
Que la partie civile laissa le chien à son domicile pour le retrouver une heure quart
après la promenade, étendu, occupé à râler, les pattes raides et ayant déféqué et vomi;
que le vétérinaire Vicaire diagnostiqua un empoisonnement; que l'animal fut conduit
à la clinique vétérinaire d'Arlon où un empoisonnement à la strychnine associé à un
autre produit de type insecticide fut diagnostiqué; que le chien étant décédé au cours
de la nuit, la partie civile préleva des vomissures en vue d'analyse et remarqua dans
celles-ci des grains rose-rouge;
Que l'après-midi, Legendre Jean-Claude, retourné sur les lieux, découvrit à l'endroit
où le chien s'était rendu le matin, un morceau de boudin contenant des grains roses
également et ce, en bordure du champ de céréales, à la lisière de la sapinière du pré-
venu;
Attendu que la gendarmerie ayant pris contact avec la firme Sabfran appris que le pro-
duit Temick avait déjà occasionné des problèmes car il avait été utilisé pour tuer des
chiens et que le Temick était constitué d'aldicarb à neuf et demi ou dix pour-cent;
Attendu que Body Joëlle déclara que trois ans avant les faits, alors qu'elle promenait
son chien au même endroit, le nommé K. l'avait interpellée en lui disant de ne pas le
laisser en liberté dans la sapinière car il y avait des appâts;
JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 1995 - 235
Attendu que Bertemes Jacky déclara que lors de l'hiver 1984-1985, alors qu'il tra-
vaillait dans la sapinière du prévenu, celui-ci lui avait dit de faire attention à ses
enfants car il avait déposé des appâts empoisonnés dans sa sapinière pour protéger son
élevage de lapins;
Attendu que le docteur Hustinx de la clinique vétérinaire d'Arlon transmit des échan-
tillons du contenu stomacal du chien à l'I.N.R.V. pour recherche du poison éventuel;
Attendu qu'il résulte de la lettre du ministre de l' Agriculture que le Temick est un
produit très toxique et qu'en dehors des pommes de terre, la culture de plantes comes-
tibles sur les sols traités au Temick n'est admise qu'après un délai de cinq mois après
le traitement du sol;
Attendu que l'Institut national de recherches vétérinaires fit savoir que les vomisse-
ments du chien comprenait bien du Temick;
Attendu que le docteur Noirfalize, désigné comme expert, déposa un rapport d'exper-
tise toxicologique concluant que le flacon saisi chez le prévenu contenait de l'aldicarb
(Temick) ainsi que les particules prélevées sur les deux cuillères; que le morceau de
boudin desséché et moisi ne permit pas une conclusion définitive vu son état;
Attendu que le prévenu à l'audience déclara que son épouse se servait du produit pour
tuer les rats et les mulots dans le jardin et qu'il avait déclaré à des personnes qu'il pla-
çait des appâts pour que personne n'aille au bois;
Attendu qu'il résulte de l'enquête effectuée par la police judiciaire que le produit n'est
délivré normalement que si l'acheteur donne son identité mais qu'en France aucun
contrôle n'est effectué et que, dès lors, il est possible d'en acquérir sans problème;
Attendu qu'il est évident et incontestable que le chien de la partie civile est mort suite
à un empoisonnement au Temick, produit extrêmement toxique; que l'Université de
Gand, Faculté de médecine vétérinaire fit savoir au docteur vétérinaire Fontaine que
le chien avait été empoisonné à l'aldicarb (Temick) et que la présence d'aldicarb sou-
lignait la volonté malveillante d'empoisonner des animaux;
Attendu qu'il est également évident que le chien a absorbé le produit lors de la prome-
nade vers neuf heures trente le matin, la partie civile l'ayant retrouvé agonisant vers
dix heures quarante-cinq; qu'il est également certain que le chien a absorbé le produit
lorsqu'il s'est éloigné de son maître dans le champ de céréales jouxtant la sapinière du
prévenu; que l'animal, selon les dires de son propriétaire, avait reniflé à l'endroit où
un chat avait été découvert mort l'avant-veille;
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Que pour être recevable à se constituer, la partie civile doit non seulement se pré-
tendre lésée mais aussi alléguer une lésion exactement précisée et qui lui est person-
nelle; que celle qui se prévaut seulement d'un préjudice subi par autrui et non d'avoir
été lésée matériellement et moralement dans son patrimoine ou dans son honorabilité
ou qui allègue un dommage occasionné à l'intérêt général dont la sauvegarde n'appar-
tient qu'au ministère public est irrecevable (Liège, ch. mises en ace., 19 octobre 1964,
IL., 1964-1965, p. 50, et Cass., 24 novembre 1982, Pas., 1983, I, 361);
Qu'il ne peut être accordé de dommage moral à une société protectrice des animaux
en cas de contravention à la loi du 2 juillet 1975 1, cette association ne poursuit pas un
but distinct de ! 'intérêt public dont la défense est assurée par le ministère public
(Bruxelles, 14e ch., 24 janvier 1986, Pas., 1986, II, 54);
Attendu que cette partie civile ne précise pas le préjudice qu'elle aurait subi; que sa
constitution n'est pas recevable;
Attendu que la constitution de partie civile de Legendre Jean-Claude est recevable;
Attendu que la partie civile réclame une somme de 88.670 francs à titre de dommage
matériel et de trente mille francs à titre de dommage moral;
Attendu que la partie civile justifie avoir payé trente mille francs pour l'achat du
chien Irish Wolfuound, qu'elle expose également avoir supporté des frais d'élevage
du chien soit 10.850 francs (sacs de nourriture, achat de viande (indéterminé), lait
(évalué à 4.850 francs), crème (évalué à 3.324 francs), œufs (évalué à 1.125 francs),
biscuits (8.730 francs et 1.512 francs), laisse (739 francs), collier (399 francs) et des
notes vétérinaires pour un montant de 5.170 francs ainsi que des frais pharmaceu-
tiques pour 18.621 francs;
Qu'il y a dès lors lieu d'accorder la somme de septante-cinq mille francs réclamée
pour le prix du chien et les frais d'élevage; qu'il y a lieu d'accorder à la partie civile
la somme de 13.670 francs réclamée pour les frais vétérinaires consécutifs à l'empoi-
sonnement du chien; que la somme de 88.670 francs réclamée à titre de dommage
matériel sera dès lors accordée à la partie civile;
Attendu qu'il est indéniable que la partie civile a souffert de la perte de son chien, ani-
mal de compagnie de toute la famille et a dû assister impuissante aux souffrances de
l'animal;
Attendu que la valeur sentimentale accordée à un animal ne peut pas être calculée
comme la perte d'une personne; qu'il y a dès lors lieu d'accorder à la partie civile un
franc à titre de dommage moral, celle-ci n'apportant pas la preuve que le décès du
chien lui a causé des problèmes de santé ou autres.
Dispositif conforme aux motifs.
Du 21 juin 1994 - Corr. Neufchâteau J.L.M.B. 94/929
Siég.: Mme J. Moreau. Greffier: M. J. Forthomme.
M.P. : M. D. Gérard.
Plaid. : Mc, Adant et J. Mignon.