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Auteur(s) / Autrice(s) :
Benjamin Levrard
Publié par :
Florence Kalfoun
Résumé
Périodicité des variations des paramètres astronomiques de révolution de la Terre autour du Soleil. Mise en
évidence de ces cycles dans les enregistrements sédimentaires du fait de leur impact climatique et utilisation de
ces périodicités astronomiques pour une Échelle de Temps Géologique sur 23 Ma.
Cela fait à présent 30 ans qu'une corrélation entre les mouvements astronomiques et les variations climatiques
terrestres est bien établie pour les derniers millions d'années. L'amélioration de la détermination des mouvements
à long terme de la Terre et de la résolution des enregistrements climatiques permet d'affiner continuellement ce
lien. Ainsi, depuis 2005, l'Échelle de Temps Géologique des ~25 derniers millions d'années (Néogène) est
officiellement basée sur les derniers calculs des variations à long terme de l'orbite et de la rotation terrestre. C'est
l'occasion de dresser un état des lieux sur cette question et de se demander si une telle étude ne peut être étendue à
d'autres planètes !
Une autre conséquence est que les variations d'excentricité modulent les contrastes des saisons, qui sont dus au
premier ordre à l'existence d'une inclinaison de l'axe de rotation de la planète sur elle-même.
L'excentricité a aussi un rôle important dans le calcul de l'insolation moyenne globale annuelle reçue sur Terre
qui est inversement proportionnelle à la racine carré de (1-e2). Elle augmente très légèrement quand l'excentricité
La combinaison de ces deux effets engendre, au premier ordre, une oscillation de l'obliquité terrestre qui reste
actuellement très limitée, environ 1,3° autour d'une valeur moyenne proche de 23,5°. La période principale de ces
oscillations est de ~41.000 ans.
L'obliquité est à l'origine des saisons et module la quantité d'ensoleillement reçue aux différentes latitudes
suivant les saisons. Si l'obliquité était nulle, il n'y aurait plus de saisons à la surface de la Terre. Il est aussi facile de
voir que le climat des hautes latitudes est très sensible aux variations d'obliquité à l'inverse des régions
équatoriales.
L'insolation annuelle moyenne en un point de latitude donnée ne dépend quasiment que de l'obliquité. Pour une
obliquité donnée, elle diminue avec la latitude (il fait plus froid aux pôles !) mais augmente avec l'obliquité pour un
point de latitude donnée.
La précession climatique.
Son origine est plus complexe. L'effet précédemment décrit de "précession'' de l'axe de rotation de la Terre
entraîne un décalage régulier de la position des solstices et des équinoxes. Si, à cet effet, on ajoute le fait que l'orbite
elliptique terrestre "tourne" aussi progressivement autour du Soleil, la position de la Terre sur l'ellipse à un moment
précis de l'année, l'équinoxe de printemps par exemple, évolue dans le temps. Ce phénomène s'effectue avec des
périodes proches de 19.000 et 23.000 ans.
Plus concrètement, actuellement le solstice d'été dans l'hémisphère Nord a lieu à proximité de l'aphélie, ce qui
permet de tempérer les étés, mais de créer, à l'inverse, des hivers moins rigoureux.
L'hémisphère Sud est dans la situation opposée. Il y a ~11.500 ans, la situation était inversée, plaçant le solstice
d'été au périhélie de l'orbite et engendrant ainsi des étés très chauds et des hivers très froids dans l'hémisphère
Nord.
On définit ainsi souvent la précession climatique comme l'angle ϖ entre l' équinoxe de printemps et le périhélie.
Toutefois, on voit bien qu'en terme d'insolation, il faut tenir compte aussi de la distance Terre-Soleil qui est modulée
par les variations de l'excentricité. La véritable définition de la précession climatique est alors le produit entre
l'excentricité "e" et le sinus de l'angle défini précédemment soit "e.sin(ϖ)".
Toutes ces variations affectent l'insolation journalière et saisonnière des différentes zones de latitude de la Terre.
Ainsi sur le dernier million d'années, les fluctuations d'insolation ont pu atteindre 20% de sa valeur moyenne dans
les régions de haute latitude. Les périodes caractéristiques évoquées précédemment sont plus communément
appelées cycles de Milankovitch.
Bien que cette idée fut considérée comme absurde par ses contemporains, elle inspira fortement les travaux
ultérieurs de Croll (1875) qui élabora, de façon plus détaillée, la première théorie astronomique des paléoclimats. Il
confirma l'importance de la précession des équinoxes, bien que saisonnière, et suggéra que l'insolation d'hiver
pourrait être une grandeur critique à la formation de cycles glaciaires. Des hivers froids pourraient produire de
larges calottes polaires, dont la pérennité serait réalisée par la rétroaction liée au fort albédo des glaces. Une
avancée majeure de la théorie de Croll fut qu'il montra le rôle de modulation de la précession par les variations
d'excentricité dans les variations saisonnières d'insolation. Ainsi, les périodes de faible excentricité
correspondraient à des périodes interglaciaires tandis que les périodes de forte excentricité, à des glaciations
alternées dans chaque hémisphère, tous les 23.000 ans. Croll bénéficia de la solution orbitale récente de Le Verrier
(1856) et bien qu'il émît l'idée supplémentaire que les changements d'obliquité pourraient aussi jouer un rôle, il ne
put les estimer. Son livre contient, en outre, un certain nombre d'éléments de climatologie et d'océanologie qui sont
encore utilisés.
Pourtant, à nouveau, un certain nombre de ses prédictions ne satisfirent pas les géologues et les climatologues.
En particulier, la fin du dernier intervalle glaciaire était estimée par Croll, il y a environ 80.000 ans avant notre ère,
une valeur en contradiction avec certaines estimations de l'époque.
L'intérêt pour la théorie astronomique des climats prit un nouvel essor avec les travaux du mathématicien serbe
Milutin Milankovitch entre 1920 et 1941. En bénéficiant de l'amélioration croissante des solutions astronomiques, il
calcula l'insolation d'été au sommet de l'atmosphère pour différentes latitudes en tenant compte des variations de
l'excentricité, de la précession et de l'obliquité terrestre. Contrairement à Croll, il suggéra que l'insolation d'été dans
les hautes latitudes de l'hémisphère Nord était le paramètre critique à la succession de cycles glaciaires-
interglaciaires. Des étés froids permettraient la persistance dans les hautes latitudes des neiges hivernales dont
l'albédo élevé favoriserait le refroidissement et l'accumulation annuelle de glace.
Pour les mêmes raisons que pour Croll, la prédiction d'une alternance de périodes glaciaires entre les
hémisphères, indépendamment de la distribution continentale et de considérations climatiques plus détaillées,
Un autre exemple remarquable et connu est l'ensemble des archives climatiques (concentration atmosphérique,
température, accumulation de glace, etc) issues des carottages glaciaires, et en particulier des forages de Vostok et
du Dôme C en Antarctique qui fournit des informations importantes sur le lien entre le forçage orbital et le système
climatique terrestre sur les derniers 700.000 ans avec une résolution temporelle remarquable.
Que signifie donc réellement ce lien entre les variations climatiques et le variations astronomiques ?
Il est fondamental de rappeler que la notion de climat est très large. D'une part, les indicateurs évoqués ne sont
pas forcément des indicateurs globaux du climat mais très souvent régionaux ou locaux. D'autre part, si certains
indicateurs donnent des indications sur le volume total des glaces, d'autres séquences sédimentaires donneront des
informations sur l'évolution du taux de poussière, de précipitation ou de la concentration en tel ou tel autre élément
chimique...
Dans la plupart des cas, il faut comprendre que les mécanismes précis qui convertissent par des processus
atmosphériques, océaniques ou biologiques, l'insolation incidente en signal géologique sont très peu connus.
Certains indicateurs sont, en outre, sensibles à l'insolation quotidienne, d'autre saisonnière ou annuelle...
La plus grande évidence de cette corrélation est simplement la présence de plusieurs cycles dans l'évolution
d'une grandeur climatique avec des périodes très proches de celles des cycles de Millankovitch (19.000, 23.000,
41.000, 100.000 et/ou 400.000 ans). Tous les cycles ne sont pas toujours présents et parfois d'autres dont l'origine
reste peu connue se rajoutent.
Figure 9. Comparaison entre la variation du volume des glaciers (courbe bleue) et les variations de l'insolation
estivale dans les hautes latitudes (à 65°N) sur les 500 derniers milliers d'années (courbe rouge)
Si la corrélation visuelle est très loin d'être immédiate... on remarque que les variations du volume des glaciers
possèdent, outre les grands cycles de 100 000 ans, des cycles plus cours de 23 000 et 41 000 ans que l'on retrouve
dans les variations de l'insolation et qui peuvent être attribués à des cycles astronomiques.
Dans ce cas, certains mécanismes non-linéaires doivent alors être évoqués pour expliquer et valider cette théorie.
L'insolation estivale dans les hautes latitudes ne semble ainsi pas directement jouer un rôle dans l'évolution des
glaciers. D'autant plus que si c'était le cas, les glaces de l'Antarctique devraient évoluer de façon opposée, or ce n'est
pas le cas puisque les forages au Groenland et en Antarctique ont montré que les températures des calottes
variaient simultanément.
Il est ainsi nécessaire de formuler un énoncé plus moderne de la théorie de Milankovitch, en accord avec les
observations actuelles.
La plupart des indicateurs climatiques enregistrent des signaux dont les variations peuvent être attribuées aux
variations séculaires des paramètres de l'orbite et de l'orientation terrestre. Pour chaque indicateur local ou global,
la corrélation peut être différente et les mécanismes de passage insolation-climat sont peu connus.
Liens utiles :
article du site de l'Observatoire de Paris ;
article sur Mars (site Planet-Terre) ;
Conférence de Benjamin Levrard : Forçage astronomique des paléoclimats de la Terre et de Mars - Analogies,
différences et applications (site Planet-Terre).