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Musique - Verdi Loterie Guénolé - CS2

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Giuseppe Verdi

Compositeur italien du XIXe siècle, Giuseppe Verdi est principalement connu pour son
oeuvre opératique, qui a été particulièrement prolifique (28 opéras). A aussi composé pour le
registre sacré, avec notamment ses Quattro pezzi sacri (1898) et son Requiem (1874). A fait une
unique pièce de musique de chambre, un Quatuor à cordes en mi mineur (1873)

I - Petit aperçu de son oeuvre opératique :

Celle ci marque particulièrement et durablement la scène européenne, et nombres de ses


opéras sont encore joués de nos jours. Cette oeuvre a été découpée a posteriori en plusieurs périodes
par les musicologues :
- Ses débuts milanais, entre 1839 et 1843, où il compose 4 opéras, dont son fameux
Nabucco en 1842, le premier véritable triomphe du compositeur (c’est pourtant le troisième).
- Il rompt ensuite avec le directeur de la Scala de Milan et se consacre aux théâtres
de Venise, Rome ou Florence, durant ses années dites de galères selon ses propres termes : entre
1844 et 1849, il compose 10 opéras. galère = travail intensif, impressions de bâcler certaines pièces
pour satisfaire aux exigences des théâtres. Relevons parmi eux Ernani en 1844 ou Macbeth en 1841.
Les opéras de cette période sont maqués par des références au Risorgimento.

Parenthèse historique - le Risorgimento : de l’italien résurrection, désigne la période de


réunification de l’Italie, jusque là morcelée en différents États sous domination autrichienne au
Nord, les Bourbons au Sud et les États pontificaux au centre. Menée par Victor-Emmanuel II
d’Italie. Ainsi, dans le choeur Va Pensiero de Nabucco, on entend les mots « liberté », « ô ma patrie si
belle et perdue »… Choeur des Juifs qui se libèrent // peuple italien. Beaucoup d’autres références
patriotiques dans ses oeuvres, qui sont parfois interdites. Son nom sert de cri de ralliement : Viva
VERDI = viva Vittorio Emanuele, Re D’Italia

- Avec Luisa Miller en 1849, cette période prend fin : il passe des grands tableaux
historiques à un drame plus introspectif (déjà amorcé avec son Macbeth). Période dite de maturité :
8 opéras en 10 ans. Marquée par le tournant dans sa carrière avec la Trilogie populaire : Rigoletto
(1851), Le Trouvère et La Traviata (1853). Acquiert assez de reconnaissance et de succès pour
s’éloigner des canons opératiques qui lui sont imposés par les directeurs d’opéras. Recherche
d’une plus grand unité dramatique.
- À partir de Un bal masqué (1859) le rythme ralentit : c’est la période du Grand
opéra. Compose 6 opéras en 34 ans, dont ses plus grands chefs d’oeuvres (Don Carlos (1867), Aïda
(1871), Otello (1887), Falstaff (1893)). Élabore minutieusement la conception des livrets, le rythme
dramatique ainsi que l'orchestration de ses ouvrages.
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S’inspire beaucoup de la littérature, plusieurs de ses livrets provenant d’oeuvres pour le
théâtre : 4 viennent de Schiller, 2 de Victor Hugo, et 3 de Shakespeare.
Oeuvre novatrice pour l’époque, qui se marque par son énergie et son rejet du bel canto, le
beau chant : le chant doit être au service du drame, et la voix n’a pas à prendre le dessus sur
l’action = épuration des parties chantées. Accorde beaucoup d’importance au livret (à travailler
avec des collaborateurs récurrents comme Francesco Maria Piave ou Arrigo Boito) et à l’écriture
dramatique, et privilégie des personnages forts et flamboyants. On retrouve souvent des
archétypes (le héros généreux et patriote, le lâche, l’amante malheureuse), mais avec des
psychologies qui sont de plus en plus développées.

II - Écoute d’un extrait intime


« Elle ne m’aime pas », Don Carlos, Acte IV, scène 1. Claudio Abbado, Coro e Orchestra dit
Teatro alla Scala. (Philippe : Ruggero Raimondi)

Rapide remise en contexte : ELISABETH DE VALOIS est promise à l’infant d’Espagne DON
CARLOS pour fêter la paix qui vient d’être signée entre l’Espagne de PHILIPPE II et la France de
Henri II. Au dernier moment cependant elle est promise à Philippe II, alors que Carlos et Elisabeth
ont déjà eu le temps de se rendre compte qu’ils s’aimaient. Après diverses péripéties qui ne sont
pas nécessaires à la compréhension de l’extrait, on arrive à cette scène où l’on retrouve la figure du
roi Philippe II, seul, se rendant compte du manque d’amour de sa femme.

. Nous venons de sortir d’une scène fastueuse, une fête populaire durant laquelle il y a eu
un autodafé : contraste important dès l’introduction de l’air. 6 notes tenues avec appoggiatures au
cor/basson/cordes graves = austérité de la scène, climat sombre et inquiétant
. L’introduction (en ré mineur) contient d’autres éléments qui mettent en place ce climat :
- appoggiatures à l’unisson dans les notes graves, qui reviennent ensuite
reprises uniquement au cor, un peu plus agressifs
- mélodie au violoncelle solo qui commence par un mouvement descendant
allant dans les extrêmes graves de l’instrument. Grande mélancolie, ambiance presque glauque ->
usage important des tritons pour nous déstabiliser et nous mettre mal à l’aise.
- Ritournelle aux violons avec sourdine très cyclique, obsessionnelle et
entêtante. Suggère un tournoiement immobile, une idée d’emprisonnement et d’impuissance,
d’impossibilité de s’évader. État erratique, on fait les 100 pas, toujours en gardant l’aspect
inquiétant et dérangeant en jouant notamment sur les chromatismes, le passage des croches au
double croche = empressement, sentiment d’urgence, de gravité.
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=> Dans cette introduction Verdi fait plus qu’uniquement poser une atmosphère, il nous
expose ses éléments/outils musicaux. Il va en effet combiner les différentes figures exposées
séparément (appogiatures, violoncelle solo, ritournelle des cordes) pour amener progressivement à
une libération d’énergie : ce prélude est le portrait musical du roi que l’on voit alors sur scène.
Personnage à la psychologie complexe, que l’on a vu fort et autoritaire mais qui est maintenaient
diminué, mal-aimé et isolé, brisé par la solitude : cette complexité est transposée dans la musique,
pour nous faire vivre et ressentir son mal-être. La conclusion sur une tierce picarde qui amorce la
modulation renforce cette idée d’instabilité, on sait pas sur quel pied danser.

Philippe va alors intervenir, ce sera l’occasion pour Verdi d’en dresser le portrait
psychologique : personnage en souffrance qui erre sans but, frapper par le manque d’amour
. Apparition de la voix de Philippe : piano (personnage affaibli), distante, monodique, on
retrouve le caractère obsessionnel des violons dans cette ligne de chant obstinée. Modulation en
majeur <=> indication sur le livret « comme en un rêve ». Jusque là c’est l’expression lancinante du
constat de son manque d’amour. Impression d’irréalité et de légereté grâce aux trémolos diffus des
cordes en accompagnement (ils ont toujours leur sourdine).
. Le retour des éléments de l’introduction et au mineur renvoie le roi face à sa douleur. Il
se met à évoquer de douloureux souvenir. Il entame une montée chromatique, chaque demi ton
franchi étant un pas de plus vers la douleur, et au fur et à mesure que sa voix monte l’orchestre
gagne en intensité et en puissance, fusionne avec la voix dans cette « montée aux enfers ».
L’appoggiature au cor joue particulièrement, semble lointaine mais toujours présente, en train de
dominer la situation, de laisser son ombre planer.
. Ralenti puis déchainement d’énergie en majeur : le roi pourrait sembler apaiser avec lui
même, il aurait trouvé une forme de paix intérieure en parvenant à énoncer ce fait si douloureux
qu’elle ne l’aime pas. Exutoire, il parvient à se libérer de ce poids Seulement son intervention « Où
suis-je » fait tout voler en éclat, on se met à douter du chemin qu’il a réellement parcouru dans la
mesure où il est perdu.

Évocation d’un nouveau thème, celui du sommeil impossible : d’où nouvelle tonalité (fa#
mineur), introduite par la ligne de voix ascendante de Philippe et par le doubles croches
ascendantes aux cordes. Jeu sur les contrastes, sur le plein et vide : Philippe peut voir sa mélodie
doublée au hautbois, à la clarinette et aux violons pour être abandonné au paroxysme de la
puissance pour faire la cadence tout seul, le mettant face à sa solitude, au sommeil disparu. Cette
demi cadence (il termine sur un do#, c’est à dire la dominante de la nouvelle tonalité) qu’il fait
traîner en longueur appellerait à une suite, mais il n’en vient pas. Au contraire, Verdi joue le jeu
jusqu’au point d’inscrire sur sa partition : « Long silence ».
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Et ce n’est pas Philippe qui rompt ce long silence, mais c’est un hautbois qui reprend les
appoggiatures de l’introduction : renvoie à cette idée cyclique, obsessionnelle, c’est un monarque
hanté par ce mal-être. Personnage torturé.

. Retour à la douleur, il est question de l’aspiration à la mort, le seul vrai sommeil qui
pourrait délivrer Philippe de ses souffrances. Il y a donc un retour à la tonalité principale (Ré
mineur). Le passage ici est plus chanté (cantabile) avec notamment des intervalles importants, mais
sans être en rupture avec le récitatif précédente, Verdi joue avec les formes opératiques pour
développer ses personnages et refuse de se conformer à la traditionnelle subdivision aria/récitatif.
. Sursaut de Philippe, regain d’énergie, qui se traduit dans la musique : passage en majeur
(Si♭ M) l’accompagnement sur une note répétée passe des triolets aux sextolets dans un

crescendo, la mélodie de la voix est doublée au violoncelle et au basson, et la voix devient très
virtuose, en couvrant de vastes étendues de grandes amplitudes, en se cabrant du si♭grave au mi

♭aigu, soit sur plus d’une octave. Cependant ce regain d’énergie est de courte durée, pour laisser

la place à un constat amer : l’impuissance de Philippe face à la conspiration, face au silence. Sa


colère s’apaise, le chant est donc piano, l’accompagnement est très délicat (broderies et arpèges au
violoncelle, accords aux restes des cordes). Le retour au thème précédemment exposé est toujours
dans cette idée d’obsession, et marque l’apaisement de la colère royal. Cette reprise est marquée
par deux coups d’éclats de la voix du roi, qui paradoxalement l’isole particulièrement et mettent en
évidence sa faiblesse de par la mise en avant de la reverb. Obsession : reprend la phrase elle ne
m’aime pas, elle ne m’a jamais aimé, on a fait une 360°.

Au final : Verdi dresse un portrait intime du roi en faisant la musique le reflet de ce qu’il
pense et de ce qu’il vit. Les modulations sont donc particulièrement importantes dans son discours
musicales, elles sont à chaque fois la marque d’une évolution dans la réflexion du personnage.

III - Écoute d’un extrait grandiose

Dies irae, chant intégré à un Requiem (messe des morts), que Verdi avait composé pour
son ami Alessandro Manzoni. S’approprie cette forme musicale et l’écrit à la manière de ce qu’il
écrit le plus, c’est à dire un opéra : choeur et orchestre de très grandes ampleurs, musique très
expressive…
Le Dies Irae est le chant qui évoque la destructions du monde par Dieu au moment du
Jugement Dernier. Passage souvent voulu à l’image de l’Apocalypse : grandiose, puissant,
dévastateur.
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Procédé utilisé par Verdi :

Jeu sur les contrastes, la puissance se montre dans la capacité à jouer tout et son contraire,
à faire des transitions puissantes :
- De hauteur : les premiers motifs partent de l’extrême grave, montent jusqu’à un
paroxysme éclatant pour redescendre inéluctablement vers les profondeurs d’où ils viennent.
L’oeuvre nous remue et nous rend de vitesse dès le vitesse.
- De phrasés : Opposition entre les coups d’orchestre très piqués et ponctuels et la masse
musicale larges et liées dès le début
- De nuances et de caractères : l’ouverture a un caractère martial et brillant, ce qui est
donné par le fortissimo. Au fur et à mesure, il y a grand decrescendo sur tout l’extrait (dans sa
tendance générale), jusqu’à se terminer en mourant, le choeur ne fait plus que murmurer alors
qu’il a commencé en envoyant du steak. Le caractère passe aussi de quelque chose de très affirmé
et sûr de soi à du doute, de l’inquiétude, ce qui est renforcé par la cadence finale, qui nous prend à
contrepied.
- Entre les voix : questions réponses à certains moments entre les basses et les voix de
femmes mais dans un caractère complètement différent : eux chantes deux noires descendantes,
elles font une puissant broderie qui monte.

L’orchestration :
Importance des cuivres, qui ont souvent la mélodie, et font très souvent des interventions
assez ponctuelles, sur des notes répétées. Contribue au caractère martial, guerrière, cataclysmique,
mais apporte aussi une dimension englobante. La pièce est très chargée, il y a toujours des
interventions d’instruments pour nous ramener dans la musique. L’englobement passe aussi par le
mixage, ces interventions étant un coup à droite, un coup à gauche. Grande richesse dans l’écriture
musique, Verdi fait de plein de motifs singuliers une oeuvre collective d’une grande puissance.
Choeur et orchestre de très grande taille, il faut à peu près une centaine de musicien pour
jouer ce Requiem, et un choeur suffisamment grand pour que chaque voix puisse chanter les deux
lignes de chants (on parle de double choeur).
Les instruments doublent assez fréquemment le chant pour lui conférer plus de force, les
voix deviennent elles mêmes un instrument de l’orchestre, le morceau s’impose à nous comme une
masse implacable, un mur de son qui nous domine.

Impression d’empressement :

On est rattrapé par la course du temps, la fin du monde est là et on y peut rien, et on tente
de la fuir sans y parvenir. La musique de Verdi nous donne donc une impression d’urgence de
fuite en avant et de déséquilibre.
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- tempo rapide : On peut avoir envie de le battre à la blanche, mais le tempo réel donné
par Verdi est à la noire
Ouverture : Les noires qui deviennent des triolets de noires puis des doubles croches : la
subissions est de plus en plus petite, il faut donc mettre plus de notes dans une même durée, on
étouffe et on suffoque.
Contretemps : Les timbales tombent très souvent sur les temps faibles/contretemps (elles
font d’ailleurs une entrée remarquée dessus). Déséquilibre important on est pris de cours, fuite en
avant. Le deuxième motif d’ailleurs est entièrement construit sur l’alternance entre le motif sur des
temps faibles puis sur des temps forts : on ne peut pas anticiper la musique, on est obligé de se
laisser guider et balloter à son gré.

Motifs
Jeu sur les répétitions et les variations. La fin du morceau se fait entièrement sur un motif
qui est transposé, qui passe de voix en voix, et qui descend progressivement vers les profondeurs,
vers l’enfer de ce « jour réduit en cendres » : on peut parler de figuralisme.

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