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                                                      LA TECHNIQUE

Technique : le terme « technique » vient du grec technè que signifie fabriquer,


produire, construire cela désigne un savoir-faire. Un savoir-faire nécessite une
imitation, des règles et une science.

La technique, contrairement à l'art, vise l'utilité ou l'efficacité. L'aptitude d'une activité


technique est, on peut le dire, le propre de l'humain puisqu'il est le seul animal ayant
des outils. Et au même titre que le langage par exemple, la technique a cette
caractéristique d'être indissociable de la pensée. Action et pensée se mêlent. Lorsque
l'on pense technique, on pense à la phrase de Descartes La technique est donc le
moyen, la condition nécessaire à cet objectif de l'humanité. Sans elle, cela est
impossible. Et pourtant, de plus en plus, la technique est dévalorisée au regard des
disciplines intellectuelles, de la culture esthétique ou même simplement des sciences
pures. Le statut social du travail manuel est plus bas que celui des activités liées à la
culture générale ou aux sciences. On retrouve donc dans la technique et le progrès
cette sorte d'ambivalence.
Le rapport à la technique n'est pas neutre, que ce soit dans l'idée d'une maîtrise, d'une
élite ou bien dans la destruction de la Nature, la technique peut facilement devenir un
instrument de domination. Elle remet ainsi en question la notion de progrès. Il pèse
aujourd'hui sur l'équilibre de la Nature et de la vie elle-même.

                                             Auteurs :
Pour la technique :
-Descartes, Discours de la méthode,"Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la
nature "    "comme" ; nous rendre "comme" maître et possesseur de la Nature cela veut
dire que nous ne le serons jamais complètement. La nature a en effet ses règles qu'on
ne peut pas changer.
-Bacon, Novum Organon, "l'homme interprète et ministre de la nature",on doit
découvrir l'ensemble des lois de la nature , afin de la vaincre par la suite.
-Aristote, Parties des animaux,"Ce n'est pas parce qu'il a des mains qu'il est
intelligent , mais c'est parce qu'il est intelligent qu'il a des mains", les mains sont
humaines , utilisés intelligemment contrairement aux pattes . Les mains ont la
technologie la plus sophistiquée
-Hans Jonas,"Le principe responsabilité" pour qui la technique est mal maîtrisée, peut
mener à des catastrophes et avoir des effets négatifs durables sur les populations et
l'environnement. Il faut donc, selon lui, suivre ce qu'on appelle le principe de
précaution.
-Bergson ,Évolution créatrice: la nature humaine est définie par la capacité de
fabriquer. L'homme est un animal raisonnable qui fabrique et transforme le monde.
Ainsi, l'intelligence lui sert à améliorer son confort et ses capacités. C'est donc une
vision assez neutre, voire positive, de la technique.
À première vue, la technique semble être un atout extraordinaire pour l’être humain,
tout notre quotidien est imprégné du progrès technique et nous serions certainement
bien embêtés si tous nos outils et nos appareils technologiques venaient à disparaître.
Mais alors qu’est-ce que cette technique qui nous est d’une si grande utilité ?
-Est-ce seulement un savoir, une forme de connaissances comme une autre, ou bien
dispose-t-elle d’une particularité bien spécifique.
Nous pouvons dés lors affirmer que la technique mêle le savoir et la pratique, ce n’est
pas quelque chose de purement théorique.
I-La technique est-elle le    propre de l’homme ?
Mais alors, si la technique mêle à la fois théorie et pratique, cela en ferait-elle   
quelque chose de proprement humain ?
A- Marx - L’abeille et l’ouvrier
Historiquement, les philosophes ont en effet souvent établit une distinction radicale
entre les animaux, autres que les hommes, et l’homme. Par exemple, comme le
remarque Marx
"Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille
confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte. Mais
ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte,
c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le
résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du
travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les
matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui
détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté".
Karl Marx, Le Capital
Ce que dit Marx dans ce texte, c’est donc que la différence fondamentale entre les
animaux et l’homme repose dans la réalisation consciente de sa production. Pour
Marx, en apparence, un barrage de castors et un barrage réalisé par des humains
peuvent sembler similaire, mais ce qui fait toute la différence, c’est que le barrage
réalisé par les humains et d’abord pensé dans son esprit sous la forme d’un modèle
avant d’être réalisé concrètement dans la nature. Alors que le barrage réalisé par des
castors lui n’est réalisé que par instincts sans qu’il n’y ait de réflexion consciente qui
précède sa création.
B- Recherches actuelles - Cette opposition davantage de degrés que de nature
Mais cette distinction entre l’instinct et la conscience est-elle véritablement
pertinente ?
Des recherches plus récentes paraissent remettre en question cette idée. Bien qu’il
puisse être facile d’opérer une distinction entre les créations animales réalisées
automatiquement par instinct et les créations humaines réalisées par le biais de la
réflexion et de la technique, c’est en réalité plus compliqué que cela. Comme le
remarque le sociologue Jean-François Dortier
« On sait aussi que les chimpanzés ou les dauphins et d’autres espèces possèdent
des formes de conscience de soi, qu’ils savent innover et se transmettent des
techniques de chasse ou des façons de s’alimenter (ce que l’on nomme “cultures
animales”).
Enfin, en trente ans d’expérience d'enseignement du langage à des gorilles, des
chimpanzés ou des bonobos, il est apparu que la frontière linguistique et symbolique
entre les animaux et les hommes était moins nette qu’il n’y paraissait. »
La technique ne serait donc pas le propre de l’homme, et la différence entre son
utilisation par les autres animaux et nous pourrait davantage se comprendre comme
une différence de degré plutôt que comme une différence de nature.
II-La technique est-elle libératrice ?
    A-Platon - Le mythe de Prométhée et d’Épiméthée : la technique nous ouvre de
nouvelles possibilités:

Le mythe de Prométhée et d’Épiméthée est en cela révélateur du rôle de la technique.


Platon montre dans Protagoras, qui est l’un de ses dialogues, que dans la mythologie
grecque, Prométhée et Épiméthée avait été choisi par les dieux pour distribuer
différentes habilités à tous les animaux. Épiméthée, qui est le moins malin des deux
frères, se charge de répartir les qualités. Malheureusement, arrivé au moment
d’attribuer des qualités aux hommes, il se rend compte qu’il a tout distribué et qu’il ne
leur reste rien. Que faire alors ? Car l’homme ne dispose ni de fourrure, ni de griffes
ou de crocs, et on comprend alors qu’il est bien mal équipé pour survivre dans un tel
état.
Prométhée, qui est le plus rusé des deux, décide de prendre les choses en mains et
pour réparer l’erreur de son frère, et pour se faire il se rend dans la demeure des dieux
pour voler le feu et les arts à Héphaïstos et Athéna. De cette façon, bien que l’homme
ne dispose d’aucune caractéristique innée qui pourrait contribuer à sa survie, comme
une fourrure épaisse pour résister au froid ou des griffes pour attaquer ses proies, il
peut utiliser des outils pour construire des choses qui pallieront ses manques. Par
exemple, nous pouvons tisser un manteau pour nous vêtir et nous prémunir du froid et
nous pouvons construire une lance pour aller chasser.
L’homme est donc l’être qui ne dispose en acte d’aucune qualité, mais qui peut
toutes se les attribuer par le biais de la technique.(intégré la citation d'Aristote)
B-Bergson - La technique nous libère du temps
Mais plus encore, la technique n’offre pas seulement de nouvelles possibilités, elle
nous libère également du temps. Si l’on considère tous les objets de notre quotidien, la
voiture, le train ou l’avion sont des inventions qui nous permettent de nous déplacer
de plus en plus rapidement. Et l’amélioration de certaines machines permet également
de libérer du temps de travail en automatisant certaines tâches répétitives. Comme le
montrait déjà Bergson au début du siècle dernier ,"La machine à vapeur primitive,
telle que Newcomen l’avait conçue, exigeait la présence
d’une personne exclusivement chargée de manœuvrer les robinets, soit pour introduire
la vapeur dans le cylindre, soit pour y jeter la pluie froide destinée à la condensation.
On raconte qu’un enfant employé à ce travail, et fort ennuyé d’avoir à le faire, eut
l’idée de relier les manivelles des robinets, par des cordons, au balancier de la
machine. Dès lors, la machine ouvrait et fermait ses robinets elle-même ; elle
fonctionnait toute seule". Henri Bergson, L’Évolution créatrice
Donc imaginez un peu ce que Bergson pourrait dire aujourd’hui s’il voyait à quel
point notre monde est assisté non seulement par la technique, mais par la technologie
avec l’électronique, l’informatique ou bien l’intelligence artificielle.
III-La technique peut-elle se retourner contre nous ?

Mais si nous pouvons avoir un certain optimiste quant à l’amélioration des machines
et des moyens de production, que ce soit pour nous faciliter la vie ou pour nous libérer
du temps de travail afin de nous allouer à des loisirs, cette présence de plus en plus
importante du progrès technique ne pourrait-elle pas se retourner contre nous ? Plutôt
que d’être à notre service, ne serions-nous pas en fait devenus dépendant de la
technique ?

A- Baudrillard :La technique prend possession de l’homme


Comme le remarque Baudrillard " Comme l’enfant-loup devient loup à force de vivre
avec eux, ainsi nous devenons lentement fonctionnels nous aussi. Nous vivons le
temps des objets : je veux dire que nous vivons à leur rythme et selon leur succession
incessante. C’est nous qui les regardons aujourd’hui naître, s’accomplir et mourir
alors que, dans toutes les civilisations antérieures, c’étaient les objets, instruments ou
monuments pérennes, qui survivent aux générations d’hommes". Jean Baudrillard, La
société de consommation ,l’un des exemples les plus frappants de cela peut se voir à
travers notre utilisation de plus en plus intensive du téléphone portable. Ce qui était à
la base réservé à une utilisation spécifique prend une place de plus en plus importante
dans notre quotidien et remplace de nombreux autres usages.
En 2020, un jeune en France passerait en moyenne 4 heures par jour sur son
téléphone, et on peut imaginer que cette moyenne a depuis augmenté. Donc, plutôt
que d’être un objet séparé de nous, le téléphone devient en quelque sorte de plus en
plus une extension de nous-même. Si nous avons besoin de rechercher une
information, nous avons , Wikipédia, c'est-à dire la plus grande encyclopédie du
monde, en permanence dans notre main. Et nous pouvons à tout moment
communiquer avec notre famille, nos amis, ou nos collègues de travail, et ce peu
importe où ils se trouvent dans le monde.
B-Hans Jonas : Le principe responsabilité
Ce qui fait que cette amélioration de la technique nous conduit à nous interroger sur
ses limites. Car si la technique nous offre de nouvelles possibilités, cela ne signifie pas
pour autant qu’il soit bien raisonnable de réaliser tout ce qui est possible. Par exemple,
si le téléphone portable est aujourd’hui encore un objet séparé de notre corps, peut être
pouvons nous imaginer que dans le futur pas si lointain une puce puisse être implantée
dans notre cerveau pour nous permettre d’accéder à tout ce que fait aujourd’hui notre
smartphone. C’est d’ailleurs l’un des nombreux projets d’Elon Musk avec Neuralink.
Comme le remarque, Hans Jonas, la technique nous place donc face à ce qu’il nomme
un principe de responsabilité " Le Prométhée définitivement déchaîné, auquel la
science confère des forces jamais encore connues et l’économie son impulsion
effrénée, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le
pouvoir de l’homme de devenir une malédiction pour lui". Hans Jonas, Le Principe
responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique
En définitive, puisque le progrès technique avance à un rythme effrénée, nous devons
en permanence conserver une attitude vigilante à son égard en nous interrogeant sur
les implications éthiques qui se cachent derrière chacune de nos inventions.
le progrès technique était le propre de l’homme. Cela nous a permis
de voir que si historiquement la philosophie avait souvent distingué radicalement
l’homme et l’animal, cette séparation est davantage une distinction de degré plutôt que
de nature. Puis nous nous sommes intéressés au rôle de la technique : nous permet-elle
de nous libérer ou représente-t-elle au contraire une menace ? L’implication que la
technique n’est pas nécessairement bonne nous a ainsi permis de nous interroger sur
les conséquences éthiques du progrès technique en mettant en avant le fait que nous
devons rester vigilant devant ce que nous considérons peut être trop hâtivement
comme des avancées.

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