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De Pierre Poujade à Éric Zemmour ?

Par Hugues HENRI

Introduction

La présence d’Éric Zemmour à la présidentielle de 2022 pourrait rappeler aux


seniors qui ont connu la IVe république, l‘aventure atypique de Pierre Poujade. En
effet, la personnalité et les outrances langagières d’ Éric Zemmour ne sont pas sans
analogies avec ce tribun populiste des années 1950/1970. La réflexion entreprise
dans les articles précédents : Éric Zemmour, dangereux révisionniste ? – De l’Action
française à Éric Zemmour ? – Nouvelle droite et Éric Zemmour ? (par le même
auteur) continue pour essayer de mieux cerner la personnalité d’Éric Zemmour et
ses motivations profondes, ses références principales, ses convictions permanentes.

Pierre Poujade ?
Pierre Poujade, né le 1er décembre 1920 à Saint-Céré (Lot) et mort le 27 août
2003 à la Bastide-L’Évèque (Aveyron) est un homme politique et un responsable
syndical de l’après 2e Guerre mondiale.
Il a donné son nom au « Poujadisme » mouvement populiste qui, entre 1953
et 1958, réclame la défense des commerçants et artisans et condamne l'inefficacité
du parlementarisme tel que pratiqué sous la IVe république. Le poujadisme peut se
définir surtout comme rébellion sectorielle étendue en vision du monde : révolte des
petits contre les « gros », le fisc, les notables et nombre d'intellectuels considérés
comme ayant perdu contact avec le réel.

Jacques Doriot fondateur du PPF Affiches du PPF

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Avant la Libération
Pierre Poujade est le cadet de sept enfants et doit interrompre ses études au
collège Saint-Eugène d’Aurillac, à seize ans, à la suite du décès de son père,
architecte et sympathisant maurrassien. Après avoir « tâté » de divers métiers,
comme celui d'apprenti typographe, de moniteur d'éducation physique, de docker ou
de goudronneur, il milite quelque temps au sein de l'Union populaire des jeunesses
françaises, filiale du Parti Populaire Français (PPF) de Jacques Doriot, avant de
devenir, durant la guerre, chef de compagnie d'un mouvement de jeunesse vichyste,
les Compagnons de France associé aux fameux Chantiers de la jeunesse.
Avec l'invasion de la « Zone libre » par les Allemands fin 1942, causée par le
débarquement allié en Afrique du Nord. Face à l’inertie de Pétain à Vichy et après le
sabordage de la flotte française à Toulon, il décide de rejoindre, via l’Espagne, la
Résistance et les Français libres à Alger.. Engagé dans l'aviation à Alger, il rencontre
sa future femme Yvette Seva (décédée en 2016), qu'il épouse en juillet 1944 et avec
qui il eut cinq enfants.
Pierre Poujade est donc un adhérent du seul vrai parti fasciste français avant
la guerre. Il est issu d’une famille de notables provinciaux proche de l’Action
Française. En cela, ces racines d’extrême droite réapparaîtront après guerre, mais
pendant la 2e guerre mondiale, après son évasion en Afrique du Nord, il est
exemplaire par son parcours de résistant-combattant des forces françaises libres.`

Permanence du PPF à Bordeaux

Après la Libération
À la Libération en 1944, Pierre Poujade devient représentant en livres
religieux, puis s'installe comme libraire-papetier dans sa ville natale de Saint-Céré
(d'où son surnom de « papetier de Saint-Céré »). En 1953, il est élu au conseil
municipal de Saint-Céré sous l'étiquette « indépendant ex-RPF » L'historien Jean-
Pierre Rioux note que Poujade continue pendant cette période de manifester un
« nationalisme à relent vichyste », mais cela est relatif à ses racines d’extrême
droite, sous l’influence de son père maurrassien, et lorsqu’il milita au PPF de
Jacques Doriot avant guerre.

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Fondation du mouvement poujadiste

Pierre Poujade accède brutalement à la notoriété en 1953 lorsqu'il prend la


tête d'un groupe de commerçants qui s'opposent de manière musclée à un contrôle
fiscal prévu le 23 juillet 1953 dans cette petite localité du sud-ouest de la France.
Les contrôleurs renoncent à leur mission et des commerçants des
départements voisins viennent demander conseil à Pierre Poujade alias le « papetier
de Saint-Céré », devenu entre-temps conseiller municipal.

Pierre Poujade alias le « papetier de Saint-Céré » chef de l’UDCA

Cette révolte fiscale marque le début historique du mouvement poujadiste.


Excellent orateur de tribune, Pierre Poujade parle à toutes les professions qui se
sentent menacées par un monde qui change. Au nom des « petits », il dénonce avec
véhémence « l'État vampire » et ses « soupiers » (les grands commis qui « vont à la
soupe »), les « éminences » et les « apatrides » qui occupent la « maison France ».
Jean-Pierre Rioux, dans L'Histoire, no 32, mars 1981, le décrit comme « un Français
moyen acclamé comme un chef ... Inusable ... courageux ... méprisant les élites et
les médias ... bon orateur ... vengeur, plébéien et madré, il dépasse Tartarin de
Tarascon ... aussi rusé qu'un vieux routier de la politique ».
Son mouvement est violemment antiparlementaire.
Pierre Birnbaum relève que Pierre Poujade exprime « la thèse future du
capitalisme monopoliste d’État » qui oppose les seuls monopoles, les « gros
bonnets » à tous les petits, à « nous autres », ce qui « explique le soutien que
Poujade trouve auprès du parti communiste pendant une durée assez longue,
jusqu'au 1er octobre 1955 », date d'un édito réprobateur de Waldeck Rochet,
secrétaire général du PCF qui, jusqu'alors, le soutenait. Il cultive également des
amitiés auprès des Radicaux socialistes et des gaullistes du RPF.
À la suite d'un dessin de Victor Wiez dans The Dayly Mirror, représentant
Adolf Hitler lui glisse à l'oreille : « Vas-y petit, pour moi aussi au début, ils rigolaient »,
et dont L’Express du 9 janvier 1956 se fait largement l'écho, Pierre Poujade sera
couramment qualifié du sobriquet « Poujadolf ». Ses attaques répétées contre
l'homme politique d'origine juive Pierre Mendès-France, président du Conseil, « qui
n'a de français que le mot ajouté à son nom » selon Pierre Poujade, sont sans
équivoque. Devant l'ampleur des mobilisations de masse, les communistes, isolés
alors sur le plan politique, proposent un Front républicain pour les élections de
janvier 1956 et dénoncent « l'hitlérien Poujade », comme quoi les alliances changent
rapidement.

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Percée de Poujade aux législatives de 1956

Le mouvement syndical créé par Pierre Poujade, l’Union de défense des


commerçants et artisans (UDCA), connaît un grand succès dans le contexte déprimé
et déliquescent de la fin de la IVe république, ainsi que dans sa version électorale,
l’Union et frternité française (UFF). Ce qui lui permet d'envoyer 52 députés (2,4
millions de suffrages, soit 11,6 %) à l’Assemblée nationale lors des élections
législatives de 1956 avec une loi électorale qui accorde 70 députés au MRP avec
pourtant près de 230 000 voix de moins que l’UFF de Poujade. Parmi eux se trouve
Jean-Marie Le Pen qui va devenir la figure marquante de l’extrême droite en France.
Les deux hommes se brouillent rapidement ; Jean-Marie Le Pen est exclu de l'UFF et
Pierre Poujade refuse jusqu'au bout toute affinité.

Pierre Poujade en campagne en 1955

Le mouvement gagne en popularité auprès des partisans de l’Algérie française


et dépasse dès lors le simple stade de la lutte anti-fiscale. Le discours poujadiste se
radicalise et la haine des « métèques » et des juifs s'y retrouve de plus en plus
fréquemment..
Cependant, l'avènement de la Ve république en 1958 fait rapidement baisser
l'influence de Pierre Poujade, bien que Georges Pompidou se l’attache et lui confie
des missions officielles. Poujade sera ainsi l'un des inspirateurs de la loi Royer ayant
pour but de réglementer l'urbanisme commercial et protéger le petit commerce.
Poujade est candidat à deux reprises aux élections européennes : en 1979
sur la liste de Philippe Malaud, puis en 1984 sur une liste socio-professionnelle de
l'Union des travailleurs indépendants pour la liberté d'entreprise (UTILE) de Gérard
Nicoud, mais sans être élu. Poujade préside l'UDCA jusqu'en 1983, date à laquelle il
s'est retiré de la vie politique pour étudier et promouvoir la culture des
topinambourgs, dans l'intention d'en extraire des biocarburants, afin d'apporter
l'indépendance énergétique à la France et d'apporter des ressources directes et
renouvelables à l'agriculture et à tout le monde rural.
Poujade est nommé membre du Conseil économique et social de 1984 à
1999, par François Mitterrand et membre de la Commission nationale consultative
pour les carburants de substitution depuis 1984 et vice-président de la Confédération
des syndicats producteurs de plantes alcooligènes (CAIPER). Il est également
chargé de mission en Roumanie après la révolution de 1989. Il anima également une

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association visant à la promotion de la Roumanie, au travers de tournées en France
de lycéens roumains présentant des spectacles folkloriques.

Vive Poujade ! meeting en 1956

Bien que généralement classé à la droite voire à l'extrême droite de l'échiquier


politique, il a soutenu indifféremment des candidats de gauche comme de droite aux
élections présidentielles successives. Il a par ailleurs soutenu à chaque présidentielle
le candidat vainqueur : Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard
d’Estaing, François Mitterrand par deux fois et Jacques Chirac, à l'exception de celle
de 2002 où il a choisi Jean-Pierre Chevène au 1er tour, puis Jacques Chirac plutôt
que Jean-Marie Le Pen, au second.

Pierre Poujade et l’Europe


Dans une interview sur RTL, en mai 1978, lorsque Pierre Poujade prend la
tête d'une liste aux élections européennes, il déclare : « Nous allons avoir des
élections au Parlement européen. Les responsabilités du Parlement européen sont
extrêmement importantes pour la France en général, et pour les classes moyennes
en particulier. Il ne faut pas attendre que les partis classiques défendent nos intérêts.
Nous n'avons rien à attendre d'eux. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé la
couleur : je prends la tête d'une liste de défense des classes moyennes. Je suis là, je
ne suis pas vieux. J'ai certes vieilli, mais ce vieillissement m'a donné une certaine
expérience. » Posture qui lui permet de concilier son ascendanr sur la France rurale
et la volonté d’asseoir la représentation de la France au niveau du parlement
européen, à l’époque présidée par Simone Weil.

Jean-Marie Le Pen et Pierre Poujade


Seule réaction du monde politique à la mort de Pierre Poujade, celle du président
du Front National en la personne de son président, Jean-Marie Le Pen, dans un
communiqué : « Avec lui disparaît une figure qui fut emblématique de la lutte des

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classes moyennes contre le bureaucratisme et le fiscalisme et, plus généralement,
contre la décadence française qu'incarnait la IVe République finissante ».

Jean-Marie Le Pen élu de l’UFF avec Poujade en 1956

Interrogé sur RTL, le leader du Front national a néanmoins pris ses distances
avec le fondateur de l'UDCA : « Le poujadisme et le lepénisme n'ont rien à voir. Je
suis un leader politique. Pierre Poujade était un leader syndical. Il a mené une
opération commando sur la politique qui lui a été offerte en quelque sorte par
l'opportunité. En son for intérieur, il n'était pas un homme politique. » Jean-Marie Le
Pen poursuit et précise :
« Fort de ses dizaines de milliers de militants ultra mobilisés et dans le contexte
crépusculaire d'une Quatrième république déliquescente, Pierre Poujade aurait pu
aisément — en particulier à l'occasion de l'impressionnant meeting de la Porte de
Versailles en janvier 1955 — envahir l'Élysée ou le Palais Bourbon… De surcroît, le
simple fait d'avoir donné son nom à un mouvement politique et de s'être imposé
comme une référence historique indélébile constitue, aux yeux des innombrables
ministricules incapables de se survivre à eux-mêmes, le crime absolu de lèse-
majesté. » in Cedi Infos.

Poujade et Jean-Marie Le Pen en 1984 Poujade et Chirac en 1977

Cette révérence de Le Pen envers Poujade est intéressante, en ce qu’elle retient


un moment historique, celui du meeting de Versailles en janvier 1955, quand le
Poujadisme est à son apogée, dans un moment où comme le dit Le Pen, Poujade
aurait pu renouveler les journées d’insurrection de l’extrême droite du 6 février 1934.

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Mais Le Pen se pose en leader politique, pour se distancier de Poujade qu’il réduit à
la dimension dégradante d’un simple leader syndical populiste. Autrement dit,
Poujade n’a pas pu conquérir l’Élysée et renverser la république parce qu’il n’en avait
pas les épaules.
La morale de cette saillie de Le Pen est proche de la satyre de Boris Vian qui
dédie ironiquement sa chanson Le Petit Commerce à Pierre Poujade par ces mots
d'introduction : « Pour consoler monsieur Poujade : l'histoire d'un artisan qui a
réussi ».

Les années Poujade ?


D’après Thierry Bouclier, Les années Poujade, éditions Rémi Perrin

Entre la naissance et la chute du mouvement poujadiste il n' y a guère que quelque


années : 1953 - 1962. Cela fut suffisant pour marquer les esprits, et nous donner un
adjectif : « poujadiste ».
Pierre Poujade (1920 – 2003), alias le « papetier de Saint-Céré » (Lot), crée
l'UDCA (Union de Défense de Commerçants et Artisans) en novembre 1953.
Le mouvement poujadiste part de la réaction d'artisans et de commerçants
face à la réforme des contrôles fiscaux. Celle-ci les toucherait plus particulièrement,
alors qu'elle épargnerait les grands groupes industriels. Le sentiment d'injustice est
grand, et la publicité faite par l'administration aux résultats de ces redressements,
aggrave encore le ressentiment.

Poujade et son état-major de campagne en 1956

Les groupes poujadistes s'opposeront violemment sur le terrain aux contrôles


fiscaux qu'ils jugent illégitimes : plusieurs inspecteurs sont renvoyés dans leurs
foyers sans ménagement.
En 1955 ils appellent avec succès à la grève de l'impôt : dans plusieurs
départements le taux de défection au tiers provisionnel dépasse alors les 50%.
En 1956, les fidèles de Pierre Poujade se présentent aux élections
législatives, le mouvement s'est politisé. Poujade qui déteste la classe politique et la
IVème République lance le slogan « Sortez les sortants ! ».
52 députés sont élus à l'Assemblée nationale, dont le jeune Le Pen à 27 ans.
L'objectif de Poujade était de provoquer une crise de régime en faisant démissionner
les députés et d'organiser des Etats Géneraux dans la foulée. Cela n'arrivera pas: les
députés et Poujade ne s'accordent pas sur la stratégie à adopter. Ce dernier leur
reproche de devenir des politiciens.

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Le mouvement se politise, Pierre Poujade engage le mouvement sur la
question algérienne en choisissant de soutenir l'Algérie Française. En 1958 Poujade
commençe par soutenir De Gaulle mais se ravise ensuite, mais ses députés ne le
suivent pas et votent les pleins pouvoirs au Général de Gaulle.
Aux législatives de 1958, Poujade est un dirigeant contesté qui ne parvient
pas à faire réélire ses candidats. En 1962, les partisans de l'Algérie Françaises ont
définitivement perdu. Le mouvement poujadiste n'existe quasiment plus.
Thierry Bouclier n'analyse pas vraiment l'idéologie profonde de Pierre
Poujade, mais on peut néanmoins comprendre que celui-ci défend une France
traditionnelle de petits commerçants et artisans proche du modèle corporatiste, et
qu'il rejette le communisme comme le capitalisme.
Certaines motivations fantasmatiques (pour être gentil) de Poujade sont
simplement survolées dans ce livre, sans être totalement occultées, ce qui est
louable de la part d'un auteur ayant visiblement de la sympathie pour son sujet.
Pierre Poujade était en effet imprégné des thèmes de la lutte contre le « capitalisme
apatride » et du complot que celui-ci ourdirait contre l'existence de la France. Le
poujadisme sous-entendait que ce capitalisme apatride était celui des Juifs ayant un
certain succès dans la vie, dans la rhétorique antisémite de droite.

Rassemblement de poujadistes en 1958

Motivé par cela Poujade se livre à de violentes attaques contre le président


du conseil Pierre Mendès-France qu'il accuse entre autres de ne pas avoir « une
goutte de sang gaulois dans les veines ».
Ces positions idéologiques remontent à sa prime jeunesse, avant la Seconde
Guerre Mondiale quand il militait au PPF de Jacques Doriot. Pendant la guerre, de
1940 à 1942, Poujade est demeurée fidèle au Maréchal Pétain. Mais, à partir de
1942, Pierre Poujade a été engagé dans la Résistance, mais une résistance de
sensibilité nationaliste.

Poujadisme et Éric Zemmour ?


Le poujadisme peut être considéré comme une des dernières expressions
d'un mouvement de révolte des classes moyennes, la dernière des « Jacqueries
populistes ». On compte parmi les députés poujadistes des bouchers, des

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boulangers, des épiciers, des libraires. Les méthodes musclées sont monnaie
courante durant les manifestations poujadistes. Le mouvement dispose d'un service
d'ordre qui n'hésite pas à faire le coup de poing. Jean-Marie Le Pen député
poujadiste après les élections législatives de janvier 1956, s'inscrit dans cette lignée.
Il a intégré dans l'idéologie du Front National la protestation contre les élus, les partis
dominants et l'État prévaricateur.

Georges Pompidou et Pierre Poujade en 1972

La première influence qu’a subie Pierre Poujade, est celle de son père,
architecte et lecteur de l’Action française. L’antisémitisme de Charles Maurras a
imprégné la jeunesse de Pierre Bourgade.
La deuxième influence qu’a subie Pierre Bourgade est celle de Jacques
Doriot, ancien leader communiste et fondateur du seul parti fasciste français d’avant
guerre, le Parti Populaire Français. Poujade a assimilé les méthodes le charisme de
Doriot et ses méthodes brutales qui ressurgiront après guerre dans son leadership
de syndicaliste et d’homme politique.
L’influence de l’Action française dirigée par Charles Maurras a été décisive
dans la construction des convictions nationalistes de Poujade et dans son
antisémitisme « anti-monopolistique et anti-apatride ». Ses vitupérations contre les
« métèques » proviennent de là et préfigurent celles actuellement à l’œuvre chez Éric
Zemmour.
Rappelons que nous avons développé dans l’article intitulé : « De l’Action
française à Éric Zemmour ? » les liens histoiriques et idéologiques reliant l’Action
française et Éric Zemmour, notamment à travers la vénération de ce dernier à l’égard
de Jacques Bainville, l’historien et idéologue de l’Action française, intouchable et
protégé de l’opprobe collaborationniste car mort en 1936, donc lavé de toute
culpabilité déshonnorante.
De la même façon, la résistance de Poujade a été tardive, car ses convictions
maurrassiennes le portait vers la vénération du Maréchal Philippe Pétain, jusqu’en
1942. Son départ vers Alger l’a porté à se rapprocher des « ralliés » d’après le
débarquement allié en Afrique du Nord en 1942, autour du Général Giraud,
soupçonné d’être resté pétainiste, dans son opposition à Charles de Gaulle. Les
historiens ont montré qu’il existait un antagonisme certain entre les Français libres

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historiques et les Ralliés opportunistes. La célèbre opposition entre Philippe de
Hautecloque alias le général Leclerc et De Lattre de Tassigny illustre bien ce fait.
Là encore, la volonté révisionniste d’Éric Zemmour à vouloir réhabiliter contre
vents et marées, le Maréchal Pétain, « sauveur de 75% des Juifs français » n’est pas
étrangère à un rapprochement avec Pierre Poujade, sans qu’on puisse s’appesantir
sur cette relation.
Enfin, la dégradation rapide des rapports entre Pierre Poujade et Jean-Marie
Le Pen qui en viennent à s’éloigner en s’opposant sur des points politiques
essentiels montrent bien qu’il serait dangereux de réduire Pierre Poujade à n’être
qu’un fasciste sous le manteau, prêt à monter un coup d’État à la faveur de son
succès électoral en 1956.
La suite de la carrière politique de Pierre Poujade est atypique, car il reste un
républicain sincère et s’allie avec les gaullistes de l’UNR et du RPR pour défendre la
cause des artisans et commerçants, tout en acceptant des missions officielles sous
Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. Ce n’est pas par hasard non plus,
qu’il se rapproche de l’Union de la Gauche et que François Mitterrand le gratifie d’un
poste permanent au Conseil économique et social.

Pierre Poujade et Jacques Chirac en 1974

Certains pourraient y voir un opportunisme politique, de la part d’une


« Girouette sans vergogne », mais il y a des signes qui montrent une évolution
progressive vers un apaisement fructueux, largement traduit par le fait qu’il ait choisi
de voter Jacques Chirac et non Jean-Marie Le Pen, son ex-colistier de 1955, au
deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002.
Cette « trahison » explique sans doute la saillie de Le Pen contre Poujade qui
n’aurait pas eu le courage de lancer ses troupes survoltées à l’assaut du pouvoir en
1956.

Conclusions sur Pierre Poujade et Éric Zemmour

Quoiqu’on puisse en penser, ce qui apparaît dans cette relation entre ces
deux personnages, c’est qu’il serait réducteur de trop les rapprocher car si Poujade a
été une figure populiste et démagogique dans les années 1950/1960, pourfendant

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les « Métèques » et proche des tenants de l’Algérie française, virulent contre les
« Monopoles qui écrasent les Petits », Poujade reste dans le cadre républicain et
s’éloigne progressivement des excés et des extrêmistes, comme Jean-Marie Le Pen
qui le lui reproche incidemment.
Il semble raisonnable de penser que s’il vivait encore, il n’aurait pas rallié Éric
Zemmour comme le font certains hommes politiques de droite comme Éric Ciotti et
n’aurait pas accueilli Zemmour en lui disant comme Laurent Vauquiez, qu’il était chez
lui parmi les siens. C’est du moins ce que son évolution tardive laisse penser, sans
que personne ne saurait en être certain, quoique …

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