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Introduction
Pierre Poujade ?
Pierre Poujade, né le 1er décembre 1920 à Saint-Céré (Lot) et mort le 27 août
2003 à la Bastide-L’Évèque (Aveyron) est un homme politique et un responsable
syndical de l’après 2e Guerre mondiale.
Il a donné son nom au « Poujadisme » mouvement populiste qui, entre 1953
et 1958, réclame la défense des commerçants et artisans et condamne l'inefficacité
du parlementarisme tel que pratiqué sous la IVe république. Le poujadisme peut se
définir surtout comme rébellion sectorielle étendue en vision du monde : révolte des
petits contre les « gros », le fisc, les notables et nombre d'intellectuels considérés
comme ayant perdu contact avec le réel.
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Avant la Libération
Pierre Poujade est le cadet de sept enfants et doit interrompre ses études au
collège Saint-Eugène d’Aurillac, à seize ans, à la suite du décès de son père,
architecte et sympathisant maurrassien. Après avoir « tâté » de divers métiers,
comme celui d'apprenti typographe, de moniteur d'éducation physique, de docker ou
de goudronneur, il milite quelque temps au sein de l'Union populaire des jeunesses
françaises, filiale du Parti Populaire Français (PPF) de Jacques Doriot, avant de
devenir, durant la guerre, chef de compagnie d'un mouvement de jeunesse vichyste,
les Compagnons de France associé aux fameux Chantiers de la jeunesse.
Avec l'invasion de la « Zone libre » par les Allemands fin 1942, causée par le
débarquement allié en Afrique du Nord. Face à l’inertie de Pétain à Vichy et après le
sabordage de la flotte française à Toulon, il décide de rejoindre, via l’Espagne, la
Résistance et les Français libres à Alger.. Engagé dans l'aviation à Alger, il rencontre
sa future femme Yvette Seva (décédée en 2016), qu'il épouse en juillet 1944 et avec
qui il eut cinq enfants.
Pierre Poujade est donc un adhérent du seul vrai parti fasciste français avant
la guerre. Il est issu d’une famille de notables provinciaux proche de l’Action
Française. En cela, ces racines d’extrême droite réapparaîtront après guerre, mais
pendant la 2e guerre mondiale, après son évasion en Afrique du Nord, il est
exemplaire par son parcours de résistant-combattant des forces françaises libres.`
Après la Libération
À la Libération en 1944, Pierre Poujade devient représentant en livres
religieux, puis s'installe comme libraire-papetier dans sa ville natale de Saint-Céré
(d'où son surnom de « papetier de Saint-Céré »). En 1953, il est élu au conseil
municipal de Saint-Céré sous l'étiquette « indépendant ex-RPF » L'historien Jean-
Pierre Rioux note que Poujade continue pendant cette période de manifester un
« nationalisme à relent vichyste », mais cela est relatif à ses racines d’extrême
droite, sous l’influence de son père maurrassien, et lorsqu’il milita au PPF de
Jacques Doriot avant guerre.
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Fondation du mouvement poujadiste
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Percée de Poujade aux législatives de 1956
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association visant à la promotion de la Roumanie, au travers de tournées en France
de lycéens roumains présentant des spectacles folkloriques.
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classes moyennes contre le bureaucratisme et le fiscalisme et, plus généralement,
contre la décadence française qu'incarnait la IVe République finissante ».
Interrogé sur RTL, le leader du Front national a néanmoins pris ses distances
avec le fondateur de l'UDCA : « Le poujadisme et le lepénisme n'ont rien à voir. Je
suis un leader politique. Pierre Poujade était un leader syndical. Il a mené une
opération commando sur la politique qui lui a été offerte en quelque sorte par
l'opportunité. En son for intérieur, il n'était pas un homme politique. » Jean-Marie Le
Pen poursuit et précise :
« Fort de ses dizaines de milliers de militants ultra mobilisés et dans le contexte
crépusculaire d'une Quatrième république déliquescente, Pierre Poujade aurait pu
aisément — en particulier à l'occasion de l'impressionnant meeting de la Porte de
Versailles en janvier 1955 — envahir l'Élysée ou le Palais Bourbon… De surcroît, le
simple fait d'avoir donné son nom à un mouvement politique et de s'être imposé
comme une référence historique indélébile constitue, aux yeux des innombrables
ministricules incapables de se survivre à eux-mêmes, le crime absolu de lèse-
majesté. » in Cedi Infos.
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Mais Le Pen se pose en leader politique, pour se distancier de Poujade qu’il réduit à
la dimension dégradante d’un simple leader syndical populiste. Autrement dit,
Poujade n’a pas pu conquérir l’Élysée et renverser la république parce qu’il n’en avait
pas les épaules.
La morale de cette saillie de Le Pen est proche de la satyre de Boris Vian qui
dédie ironiquement sa chanson Le Petit Commerce à Pierre Poujade par ces mots
d'introduction : « Pour consoler monsieur Poujade : l'histoire d'un artisan qui a
réussi ».
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Le mouvement se politise, Pierre Poujade engage le mouvement sur la
question algérienne en choisissant de soutenir l'Algérie Française. En 1958 Poujade
commençe par soutenir De Gaulle mais se ravise ensuite, mais ses députés ne le
suivent pas et votent les pleins pouvoirs au Général de Gaulle.
Aux législatives de 1958, Poujade est un dirigeant contesté qui ne parvient
pas à faire réélire ses candidats. En 1962, les partisans de l'Algérie Françaises ont
définitivement perdu. Le mouvement poujadiste n'existe quasiment plus.
Thierry Bouclier n'analyse pas vraiment l'idéologie profonde de Pierre
Poujade, mais on peut néanmoins comprendre que celui-ci défend une France
traditionnelle de petits commerçants et artisans proche du modèle corporatiste, et
qu'il rejette le communisme comme le capitalisme.
Certaines motivations fantasmatiques (pour être gentil) de Poujade sont
simplement survolées dans ce livre, sans être totalement occultées, ce qui est
louable de la part d'un auteur ayant visiblement de la sympathie pour son sujet.
Pierre Poujade était en effet imprégné des thèmes de la lutte contre le « capitalisme
apatride » et du complot que celui-ci ourdirait contre l'existence de la France. Le
poujadisme sous-entendait que ce capitalisme apatride était celui des Juifs ayant un
certain succès dans la vie, dans la rhétorique antisémite de droite.
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boulangers, des épiciers, des libraires. Les méthodes musclées sont monnaie
courante durant les manifestations poujadistes. Le mouvement dispose d'un service
d'ordre qui n'hésite pas à faire le coup de poing. Jean-Marie Le Pen député
poujadiste après les élections législatives de janvier 1956, s'inscrit dans cette lignée.
Il a intégré dans l'idéologie du Front National la protestation contre les élus, les partis
dominants et l'État prévaricateur.
La première influence qu’a subie Pierre Poujade, est celle de son père,
architecte et lecteur de l’Action française. L’antisémitisme de Charles Maurras a
imprégné la jeunesse de Pierre Bourgade.
La deuxième influence qu’a subie Pierre Bourgade est celle de Jacques
Doriot, ancien leader communiste et fondateur du seul parti fasciste français d’avant
guerre, le Parti Populaire Français. Poujade a assimilé les méthodes le charisme de
Doriot et ses méthodes brutales qui ressurgiront après guerre dans son leadership
de syndicaliste et d’homme politique.
L’influence de l’Action française dirigée par Charles Maurras a été décisive
dans la construction des convictions nationalistes de Poujade et dans son
antisémitisme « anti-monopolistique et anti-apatride ». Ses vitupérations contre les
« métèques » proviennent de là et préfigurent celles actuellement à l’œuvre chez Éric
Zemmour.
Rappelons que nous avons développé dans l’article intitulé : « De l’Action
française à Éric Zemmour ? » les liens histoiriques et idéologiques reliant l’Action
française et Éric Zemmour, notamment à travers la vénération de ce dernier à l’égard
de Jacques Bainville, l’historien et idéologue de l’Action française, intouchable et
protégé de l’opprobe collaborationniste car mort en 1936, donc lavé de toute
culpabilité déshonnorante.
De la même façon, la résistance de Poujade a été tardive, car ses convictions
maurrassiennes le portait vers la vénération du Maréchal Philippe Pétain, jusqu’en
1942. Son départ vers Alger l’a porté à se rapprocher des « ralliés » d’après le
débarquement allié en Afrique du Nord en 1942, autour du Général Giraud,
soupçonné d’être resté pétainiste, dans son opposition à Charles de Gaulle. Les
historiens ont montré qu’il existait un antagonisme certain entre les Français libres
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historiques et les Ralliés opportunistes. La célèbre opposition entre Philippe de
Hautecloque alias le général Leclerc et De Lattre de Tassigny illustre bien ce fait.
Là encore, la volonté révisionniste d’Éric Zemmour à vouloir réhabiliter contre
vents et marées, le Maréchal Pétain, « sauveur de 75% des Juifs français » n’est pas
étrangère à un rapprochement avec Pierre Poujade, sans qu’on puisse s’appesantir
sur cette relation.
Enfin, la dégradation rapide des rapports entre Pierre Poujade et Jean-Marie
Le Pen qui en viennent à s’éloigner en s’opposant sur des points politiques
essentiels montrent bien qu’il serait dangereux de réduire Pierre Poujade à n’être
qu’un fasciste sous le manteau, prêt à monter un coup d’État à la faveur de son
succès électoral en 1956.
La suite de la carrière politique de Pierre Poujade est atypique, car il reste un
républicain sincère et s’allie avec les gaullistes de l’UNR et du RPR pour défendre la
cause des artisans et commerçants, tout en acceptant des missions officielles sous
Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. Ce n’est pas par hasard non plus,
qu’il se rapproche de l’Union de la Gauche et que François Mitterrand le gratifie d’un
poste permanent au Conseil économique et social.
Quoiqu’on puisse en penser, ce qui apparaît dans cette relation entre ces
deux personnages, c’est qu’il serait réducteur de trop les rapprocher car si Poujade a
été une figure populiste et démagogique dans les années 1950/1960, pourfendant
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les « Métèques » et proche des tenants de l’Algérie française, virulent contre les
« Monopoles qui écrasent les Petits », Poujade reste dans le cadre républicain et
s’éloigne progressivement des excés et des extrêmistes, comme Jean-Marie Le Pen
qui le lui reproche incidemment.
Il semble raisonnable de penser que s’il vivait encore, il n’aurait pas rallié Éric
Zemmour comme le font certains hommes politiques de droite comme Éric Ciotti et
n’aurait pas accueilli Zemmour en lui disant comme Laurent Vauquiez, qu’il était chez
lui parmi les siens. C’est du moins ce que son évolution tardive laisse penser, sans
que personne ne saurait en être certain, quoique …
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