de l'ordonnance du 30 septembre 1944 sur les titres ayant paru sous l'occupation de
la France par l'Allemagne, a vu ses locaux réquisitionnés et son matériel saisi. Le
Monde, bénéficiaire de cette confiscation, en reprend le format et la présentation, l'équipe rédactionnelle, les ouvriers et employés ainsi que les anciens locaux situés rue des Italiens, locaux où il restera 44 ans et qui lui valent le surnom de « quotidien de la rue des Italiens ». Le général de Gaulle, qui souhaite doter la France d'un « journal de prestige » tourné vers l'étranger et qui serait « l'officieux » de la République, est un élément moteur de sa création19. Il charge son ministre de l'Information Pierre-Henri Teitgen d'en trouver le directeur, choix difficile car la plupart des hommes de presse de l'époque étaient d'anciens collaborateurs ou déjà à la tête de journaux de la presse clandestine20. Georges Bidault, le président du Conseil national de la Résistance lui suggère le nom d'Hubert Beuve-Méry. Ce dernier hésite longtemps car il veut diriger un journal indépendant vis-à-vis des pouvoirs politiques, économiques et religieux. Le 11 décembre 1944, Hubert Beuve-Méry fonde la société à responsabilité limitée (SARL) Le Monde au capital de 200 000 francs répartis en 200 parts sociales, son premier comité de rédaction comprend également René Courtin, professeur de droit, et Christian Funck-Brentano, ancien chargé des questions de presse au cabinet du général de Gaulle21. Le quotidien, destiné comme Le Temps aux élitesNote 1, tire à 150 000 exemplaires dès 1945. Né dans l'ombre du pouvoir, Le Monde s'en émancipe progressivement grâce à Hubert Beuve-Méry qui acquiert son indépendance rédactionnelle durant la guerre froide et la guerre d'Indochine22. Les salariés du journal tiennent une place centrale dans la gestion du quotidien. En 1951, la Société des rédacteurs du Monde est créée, qui a pour mission de veiller à l'indépendance journalistique du titre. Elle se voit initialement attribuer un peu plus de 28 % des parts de la SARL Le Monde23. (ont suivi la société des employés et des cadres en 1968, et celle des lecteurs en 1985). En 1956, Le Monde devient propriétaire de son immeuble au 5, rue des Italiens. À partir du début des années 1960 la diffusion du titre connaît une forte expansion, qui la fera tripler en 20 ans, passant de 137 433 exemplaires en 1960 à 347 783 en 1971, puis près de 500 000 à la fin des années 197024. Cette indépendance financière, éditoriale, est aussi politique. Le journal est le point de jonction de plusieurs grands courants d'idées principalement liés au courant de la social-démocratie chrétienne sur le plan intérieur et un anticolonialisme modéré sur le plan extérieur. Cela entraîne des débats. Outre la querelle avec De Gaulle, on note que Jean- Jacques Servan-Schreiber, responsable de la page de politique extérieure, quitte le journal au début des années 1950 en lui reprochant son neutralisme dans les relations Est-Ouest25. En 1954, est lancé le Monde diplomatique26. En 1955/56, le CNPF présidé par Georges Villiers pense alors que Le Monde est trop orienté à gauche et décide d'aider au lancement d'un quotidien concurrent, Le Temps de Paris. L'opération est coordonnée par l'ancienne éminence grise de Pierre Laval, Jean Jardin ; dès la publication du premier numéro, en mars 1956, le directeur du Monde, Hubert Beuve-Méry, fut rassuré par la qualité jugée plutôt médiocre du journal concurrent, dont la publication s'arrêta au bout de quelques mois 27. Le journal refuse en 1957 la publication d'un article de Jean-Paul Sartre consacré à l'usage de la torture en Algérie28. Sous la Ve République, le journal soutient la politique étrangère du général de Gaulle29, tout en critiquant sa politique intérieure. 1969-1981 : journal du soir du centre gauche[modifier | modifier le code]