EXPERTISE
JUDICIAIRE
Fiche pratique
UNE POMPE À CHALEUR EST-ELLE
UN OUVRAGE?
Le contexte
La France est devenue le premier marché européen
de pompes à chaleur en 2014, en devançant ses
voisins allemands et néerlandais.
Une pompe à chaleur est un dispositif permettant
de transférer une quantité de chaleur d’un milieu
relativement froid à un autre milieu plus chaud.
C’est soit un système de chauffage puisant des
calories à l’extérieur en hiver, malgré une tempé-
rature extérieure plus froide, soit un système de
rafraîchissement des espaces intérieurs en été.
De nombreuses techniques ont été élaborées, qui
utilisent comme source de chaleur extérieure l’air
ambiant ou l’eau d’une nappe phréatique ou encore
la géothermie du terrain en profondeur, et comme
vecteur de transmission aux espaces intérieurs, l’air
pulsé ou l’eau circulant dans des serpentins noyés
dans les dalles. Les calories sont véhiculées entre
les deux unités extérieures et intérieures grâce à
un réseau dans lequel on force la circulation d’un
fluide frigogène ou caloporteur passant alternati-
vement de la forme liquide à la forme gazeuse.
Les nombreux travaux de rénovation énergétique
sont-ils des travaux de construction, et une pompe
à chaleur est-elle un ouvrage au sens de l’article 1792
du Code civil? Si la réponse à cette question est
positive, les entreprises seront assurées en cas de
dysfonctionnement de la pompe à chaleur, pour
autant que les travaux soient réceptionnés sans
réserve. Dans le cas contraire, la qualité d’assuré
de l’entreprise sera beaucoup plus aléatoire.
Les décisions
Dans une première affaire, les propriétaires d’une
maison individuelle font équiper leur maison d’un
ensemble de chauffage comprenant une pompe à
chaleur. À la suite de pannes répétées, ils assignent,
après expertise, le mandataire liquidateur de l’entre-
prise disparue et son assureur pour obtenir le coût
du remplacement de la pompe à chaleur et une
somme correspondant à leur trouble de jouissance.
La Cour de cassation confirme qu’il s’agit bien d’un
ouvrage, que les désordres rendent cet ouvrage
impropre à sa destination et que les demandes
peuvent être accueillies sur le fondement de la
garantie décennale (C. cass., 3e ch. civ., 18 février
2016, pourvoi n° 14-28104).
Dans une seconde affaire, des particuliers confient
à une entreprise spécialisée l’installation d’une
pompe à chaleur air/eau. En raison de bruits
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POUR EN SAVOIR PLUS
Ouvrages disponibles
• Les notes de jurisprudence
rédigées par le Cneaf (Collège
national des experts architectes
français) dans la revue de l’Ordre
Les cahiers de la profession.
Agence qualité construction (AQC)
29, rue de Miromesnil
75008 PARIS
www.qualiteconstruction.com
Cette fiche a été rédigée
par Michel Jemming,
expert judiciaire et président
du Cneaf (Collège national des
experts architectes français),
et Patrick Cormenier, Mafcom.
SEPTEMBRE / OCTOBRE 2016 • N° 158 • QUALITÉ CONSTRUCTION
anormalement importants, assignent en résolution
de la vente l’entreprise qui elle-même appelle en
garantie son assureur.
Cette fois, l’affaire est tranchée en décidant que la
pompe à chaleur ne constitue pas un ouvrage et l’as-
sureur de l’entreprise ne peut pas être condamné
(C.cass., 3e ch. civ., 4mai 2016, pourvoi n°15-15379).
Le commentaire
Ces deux arrêts, rendus à quelques mois d’inter-
valle, peuvent paraître contradictoires, mais une lec-
ture approfondie fait apparaître que les circonstances
ne sont pas identiques. Dans la première affaire, la
pompe à chaleur était un élément d’équipement fai-
sant indissociablement corps avec l’installation de
chauffage commandée. L’ouvrage n’est pas consti-
tué par les travaux d’installation de la pompe mais
par la réalisation de travaux de chauffage dont la
pompe à chaleur constitue un élément d’équipement
considéré comme indissociable.
Dans la seconde affaire, au contraire, la Cour de
cassation considère que des travaux de simples rac-
cordements hydrauliques réalisés pour permettre
l’installation de la pompe ne permettent pas de la
qualifier d’ouvrage. La motivation est laconique et
il est intéressant de rapprocher cet arrêt d’une dé-
cision prononcée quelques mois plus tôt (C. cass.,
3e ch. civ., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-20915)
à propos d’un remplacement d’une chaudière au
fuel par une pompe à chaleur, par laquelle la Haute
juridiction avait décidé « que l’adjonction sur une
installation existante d’un élément tel une pompe à
chaleur ne constitue pas un ouvrage au sens de
l’article 1792 du Code civil».
L’enseignement à retenir de ces décisions est que
si la pompe à chaleur est prise isolément, sim-
plement raccordée, elle ne constitue pas un ouvrage.
Si, au contraire, elle constitue un élément d’équi-
pement d’une installation de climatisation ou de
chauffage, elle sera considérée comme un ouvrage.
Le magistrat devra se prononcer sur la base des
constats objectifs établis par l’expert judiciaire.
Celui-ci, pour rassembler dans son rapport toutes
les précisions utiles à la décision, doit connaître les
principaux critères retenus par la jurisprudence
pour préciser si la pompe à chaleur doit être consi-
dérée comme un élément simplement raccordé
ou si elle constitue au contraire un élément d’équi-
pement d’un ensemble plus important. ■
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