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Sébastien BÉDARD, William CHAYER, Alexandre LEROY

L’imagination et les sens


Essai en groupe
Présenté à
Céline Riverin
Cours de Théorie de la Connaissance
Groupe 91
Collège Jean-de-Brébeuf
7 octobre 2022
La vérité est un des thèmes les plus communs dans la philosophie. Son caractère

universel et unique rend sa possession des plus ardues. Qui détient la vérité? Existe-t-il

plusieurs vérités? L'imagination et la perception sensorielle sont deux manières

différentes d’atteindre celle-ci. C’est pour cette raison qu’il serait intéressant de

comparer leur utilité dans des domaines de connaissances variés. À l’issue de cet

essai, nous aborderons leur influence dans les arts et les sciences naturelles afin de

déterminer l’outil de pensée le plus utile à l’atteinte de la vérité entre les deux. 

L’imagination peut subsister dans l’art sous plusieurs formes, par exemple la créativité

ou l’empathie où l’un comprend les sentiments de l’autre en s’imaginant à sa place. De

la même façon, l’atteinte de la vérité au sein du domaine des arts dépend de la forme

d’art en question; en effet, un artiste ne cherche pas à atteindre les mêmes objectifs en

faisant de l’art mimétique qu’en faisant de l’art pour divertir.  « Night », une

autobiographie rédigée par Elie Wiesel sur l’Holocauste, est une forme d’art qui fait

également office de communication; le but principal est la transmission des

connaissances de l’auteur concernant son vécu à son lecteur. La vérité est atteinte si

cette transmission se fait avec succès. D’un point de vue empiriste ou platonicien, cela

implique que, puisque les connaissances que l’auteur a acquises au cours de son

expérience proviennent uniquement de sa perception sensorielle, Wiesel doit se baser

sur celles-ci pour transmettre ces connaissances. Cela implique que l’auteur doit être

minutieux et doit parler de ses expériences vécues de façon descriptive, précise et

objective; il doit par exemple baser sa description d’un camp de concentration sur son

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sens de l’observation afin que deux lecteurs différents puissent interpréter la même

chose de ses écrits. Une limite à cette vision empiriste est qu’une simple description

des événements d’un point extérieur n’est pas suffisante pour que le lecteur puisse

comprendre ce qu’Elie Wiesel a vécu; en effet, obtenir la connaissance que l’auteur

cherche à transmettre impliquerait pour le lecteur d'être en mesure de se mettre à la

place de l’auteur. Pour que la vérité soit atteinte par le lecteur, il doit être en mesure de

faire preuve d’imagination pour ressentir de l’empathie lorsque Wiesel, par exemple,

voit son père se faire battre.  L’utilisation unique des sens comme outil de connaissance

limite donc l'œuvre à une interprétation unidimensionnelle, cela implique donc que

l’auteur doit utiliser un langage figuratif afin de décrire par exemple le camp de

concentration de façon à ce que l’on comprenne ce qu’il a ressenti en y entrant. Il fait

donc recours à son imagination pour insérer une connaissance immatérielle dans son

œuvre à travers les émotions. En conséquence, le lecteur est donc plus proche d’une

imagination réaliste puisqu’il est capable d’assimiler le déroulement des événements

sur le plan matériel et émotionnel. Cependant, l’imagination a ses limites; un

absolutisme dirait que puisque la vérité est objective et unique, le lecteur doit avoir la

capacité d’interpréter le texte de la même façon que l’auteur le désire. Le caractère

subjectif lié à l’imagination peut donc être un obstacle à l’atteinte de la vérité en raison

de l’apparition d’une multitude d’interprétations possibles. Cet enjeu ne se retrouve pas

chez certaines formes d’art, par exemple l’art mimétique, où l’imagination est obsolète

puisque l’observation permet à l’artiste de calquer le monde qu’il voit. Grâce à ses

nombreuses dissections, ainsi qu’à des moules de muscles qu’il fabriqua lui-même

(Eknoyan, 2000), l’artiste Michel-Ange était dans la possibilité de reproduire le corps

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humain à un détail jamais atteint par ses prédécesseurs, qui eux devaient se fier à leur

créativité pour décider du positionnement des muscles, ce qui évidemment donnait des

résultats erronés puisqu'ils ne pouvaient imaginer la complexité du corps humain sous

la peau. Un exemple frappant est sa statue de Moïse, où un muscle de l’avant-bras est

tendu correctement en fonction de la position de l’auriculaire (Katakam, 2021). La

profondeur des connaissances acquises par Michel-Ange grâce à son sens de

l’observation lorsqu’il disséquait lui ont permis de se rapprocher de la vérité du point de

vue de Platon, qui affirmait que l’art n’avait pour fonction que de recopier la nature.

L’imagination joue un rôle essentiel dans le monde des sciences naturelles, car elle

figure comme élément déclencheur de la méthode scientifique, méthode utilisée pour

arriver à des connaissances scientifiques et donc à la vérité dans ce domaine. Toute

recherche scientifique débute avec une question de recherche. Celle-ci peut être

formulée en se basant sur la littérature existante. Elle peut aussi aborder un sujet

complètement nouveau et ainsi mener à la création d’une nouvelle théorie, ce qui oblige

le scientifique qui la formule à utiliser sa créativité et donc son imagination. Cependant,

l’imagination reste limitée, comparée au sens, dans un domaine comme les sciences.

La validité des questions de recherche est temporaire puisque ces dernières se basent

sur des présupposés généraux qui peuvent s’admettre fallacieux à la suite de nouvelles

découvertes. À l’inverse, les perceptions offrent une représentation directe et objective

du monde qui nous entoure. Néanmoins, les sens peuvent être trompeurs. Prenons, par

exemple, les pinsons de Darwin. Ces oiseaux ne détenaient pas les mêmes traits

morphologiques; ainsi, en se basant uniquement sur la raison et la littérature

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scientifique de l’époque, Darwin aurait simplement conclu qu’il n’y avait pas de lien

entre ces animaux. À cet effet, le raisonnement de Darwin aurait été victime d'un

sophisme. Pourtant, Darwin s’est imaginé qu’une espèce aurait pu s’adapter à son

environnement, ce qui était complètement novateur pour l’époque. Il a donc, comme

Descartes, fait preuve de scepticisme vis-à-vis ce que ses sens et sa raison lui

présentaient, ce qui lui a permis, comme Kuhn le formulerait (Juignet, 2015), de sortir

du cadre épistémologique de l’époque et de formuler sa théorie qui a entraîné un

changement de paradigme scientifique complet. Toutefois, il faut noter que l’imagination

ne peut ni infirmer ni confirmer une question de recherche, puisqu’à elle seule elle ne

permet pas l’obtention de données empiriques nécessaires à la partie expérimentation

de la méthode scientifique. La perception sensorielle est donc une nécessité lors de la

vérification de la question de recherche. Par conséquent, un scientifique doit être assidu

dans la collecte de données empiriques pour parvenir à une conclusion qui sera jugée

comme une vérité par la communauté scientifique.

On peut donc conclure que l'imagination est nécessaire à la méthode scientifique

lorsqu’il s’agit de formuler de nouvelles questions de recherches ou des théories. Dans

des cas où l’on expérimente sur des théories déjà écrites, la perception sensorielle

devient alors prioritaire puisque la question de recherche ne nécessite pas de créativité

et dans tous les cas, la partie expérimentation de la méthode scientifique ne peut être

validée sans collecte de données. L’imagination est plus utile que la perception

sensorielle dans les arts non mimétiques puisqu’elle permet au public de mieux

imaginer la perspective de l’artiste. En revanche, les sens sont plus efficaces pour

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atteindre la vérité dans les arts mimétiques. Ainsi, après avoir soulevé le pour et le

contrôle, nous concluons que l’imagination n’est pas plus utile que la perception

sensorielle pour atteindre la vérité. Dépendamment des contextes préétablis, les deux

sont complémentaires et nécessaires aux domaines des arts et des sciences naturelles.

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Médiagraphie

EKNOYAN, G. (2000). Michelangelo: Art, anatomy, and the kidney. Kidney International, 57(3),
1190-1201. https://doi.org/10.1046/j.1523-1755.2000.00947.x

GLANZBERG, M. (2021). Truth. Stanford Encyclopedia of Philosophy.


https://plato.stanford.edu/entries/truth/

JUIGNET, P. (2015). Les paradigmes scientifiques selon Thomas Kuhn. Philosophie, science et
société. https://philosciences.com/113.

KATAKAM, Naren. (2021). Michelangelo’s Moses and his little finger. Narem Katakam.
https://www.narenkatakam.com/moses-and-his-little-finger/

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