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Reportage — Quotidien

À Grenoble, le retour théâtral des cabines


téléphoniques

À Grenoble, un collectif a inauguré une nouvelle cabine téléphonique publique. Il s’agit d’« une
première mondiale ». Un geste pour rire, mais aussi pour interroger la place que prennent les
téléphones portables dans notre société.
Grenoble (Isère), reportage
« Vous pouvez maintenant dire adieu à vos téléphones portables ! Vous n’en avez plus
besoin. » Invitation accueillie par un éclat de rire général. Vendredi 25 mars, dans un parc de
Grenoble, était inaugurée une nouvelle cabine téléphonique publique. « Une première mondiale »,
d’après l’OIRCT — comprendre l’Observatoire international pour la réinstallation des cabines
téléphoniques.
Le rassemblement d’une cinquantaine de personnes tenait plus de la blague de potache que de
l’événement officiel. Bien que précédé d’un discours prononcé au nom de la région Auvergne-
Rhône-Alpes « qui a débloqué une subvention exceptionnelle de 74 euros », selon un hypothétique
vice-président à la réinstallation des cabines téléphoniques, qui a demandé à son auditoire
d’excuser « Laurent Wauquiez [qui] n’a pu se déplacer ».

« L’OIRCT est — pour l’instant — un collectif, qui compte une centaine d’adhérents et une dizaine
de membres actifs », détaille Vincent Peyret. Ce dernier est le directeur de publication du Postillon,
journal satirique local, qui a lancé en février 2021 un « cri de la cabine ». L’équipe rédactionnelle
se retrouve d’ailleurs en partie au sein de l’OIRCT. « Mais le collectif va au-delà avec des
personnes qui ne font pas partie de la rédaction », ajoute le journaliste.
Le téléphone n’a pas non plus tout à fait un aspect officiel : il est posé sur une tablette de bois
contre les toilettes sèches du parc et protégé par une boite en plexiglas recouverte d’une plaque
bleue sur laquelle on peut lire : « Ici la Région Auvergne-Rhône-Alpes investit pour les cabines ». Il
est néanmoins bel et bien fonctionnel, comme l’ont attesté les premiers utilisateurs.

Plusieurs médias s’étaient déplacés pour cette « première mondiale ». © Florian Espalieu /
Reporterre

« Il marche en fait sur batterie et avec une carte SIM prépayée, une solution technique qui ne nous
convient pas vraiment », concède Vincent Peyret. « Mais c’est un prétexte. […] Nous revendiquons
le droit de vivre sans téléphone portable. » Car si l’événement tend à faire sourire, il veut aussi
donner à réfléchir : « Les cabines téléphoniques sont à l’image du service public », complète Alice,
autre membre du collectif. « La cabine est à l’opposé des téléphones portables et de
l’individualisation de notre société. Et un coup de fil passé d’une cabine ne peut pas être tracé.
Nous voulons avoir la liberté de ne pas être pistés, numérisés, flashcodé ou QRcodisés. » Une
lutte « indispensable autant que dérisoire », revendique le manifeste de l’OIRCT.

Une cabine mobile avait également été emmenée (sans être branchée). © Florian Espalieu /
Reporterre

Ce n’est pas le premier événement de ce collectif. Peu après sa fondation, un « concert de


téléphone » avait été organisé le 30 avril 2021 à proximité de la dernière cabine existante de
l’agglomération. Le 22 octobre, une cabine téléphonique mobile avait été déplacée sur plusieurs
places de la ville. Depuis, un site internet a été créé avec la vocation de devenir « un site
ressource » qui recense l’actualité des cabines téléphoniques : « En Australie, par exemple, il y a
15 000 cabines publiques et elles sont désormais gratuites. Preuve qu’elles ont encore un rôle à
jouer. » dit Vincent Peyret. « On a aussi recensé 400 endroits dans l’agglomération où étaient
situées d’anciennes cabines. On donne des pochoirs aux personnes qui veulent les matérialiser. »
Mais le public du jour était surtout incité à aller voter le lendemain : un projet d’installation de 22
cabines était en lice dans le budget participatif de la ville. Un appel visiblement bien reçu puisque le
projet a été retenu parmi les 32 présélectionnés suite à la délibération. Avant cela, les futurs
électeurs étaient invités à prendre un verre… un peu plus loin. Le parc ayant été fermé quelques
minutes auparavant par la police municipale, les militants ont su une nouvelle fois faire face à
l’adversité.

« Adieu à vos téléphones portables, vous n’en aurez plus besoin. » © Florian Espalieu / Reporterre

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